propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, ce fut toute une aventure. Cette aventure de quatre ans tire à sa fin, et j'espère que nous passerons au vote assez rapidement.
Si je remerciais toutes les personnes qui nous ont aidés au cours des quatre dernières années, j'utiliserais tout mon temps de parole. Je m'en tiendrai donc à quelques personnes qui ont contribué à l'élaboration des projets de loi , , et du projet de loi , dont nous sommes actuellement saisis.
Nous n'en serions pas là sans la sénatrice Julie Miville-Dechêne, qui a travaillé sans relâche aux projets de loi et , ni sans Jérôme Asselin-Lussier, du bureau de la sénatrice, Shawn Boyle, de mon bureau, ainsi que le député de , qui a bien voulu échanger avec moi sa place dans l'ordre de présentation des projets de loi émanant des députés pour que je puisse présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire plus tôt, et je l'en remercie.
Je tiens également à souligner les contributions fort utiles de deux cabinets d'avocats, soit Dentons et Gowling, qui ont piloté les nombreuses versions de ce projet de loi au cours des quatre dernières années.
Enfin, j'aimerais dire quelques mots au sujet de Vision mondiale, qui porte bien son nom. Ces 10 dernières années, Vision mondiale a tiré parti de ses considérables ressources afin d'attirer l'attention sur ce fléau mondial, dans lequel les Canadiens jouent sans le savoir un rôle en permettant la distribution et la consommation de produits issus de l'esclavage.
Avant de passer au projet de loi en soi, j'aimerais dire émettre quelques commentaires au sujet de l'esclavage au Canada.
Comme on le sait, avant la Confédération, le Canada était essentiellement un regroupement de colonies britanniques, et donc soumis aux lois de Westminster.
En 1787, William Wilberforce, à mon avis le plus grand député de l'histoire du système de Westminster, s'est donné comme mission de faire abolir la traite des esclaves en se disant que si on abolissait ce commerce, cela entraînerait logiquement l'abolition de l'esclavage. Il avait raison.
Pour mettre les choses en contexte, 30 % du PIB de l'Empire britannique dépendaient de produits issus de l'esclavage. Ce député s'attelait donc à une tâche monumentale.
Vingt ans plus tard, soit en 1807, le Parlement britannique adopta la Loi sur l'abolition de la traite des esclaves. Quant à l'esclavage lui-même, il fut officiellement aboli dans l'Empire britannique 26 ans plus tard, un 26 juillet. M. Wilberforce mourut trois jours plus tard.
Chrétien évangélique engagé, M. Wilburforce était absolument convaincu que la mise en esclavage d’un être humain est un péché et un crime contre Dieu et contre l’humanité. Or, comme on le sait, il ne suffit pas d’avoir de solides convictions morales pour faire valoir sa cause dans un Parlement: il faut aussi savoir mobiliser des ressources pour amener un projet de loi jusqu’à la sanction royale.
William Wilberforce a fait la preuve de son génie parlementaire et politique de deux façons. Premièrement, il a su organiser et mobiliser ce qu’on peut sans doute considérer comme le premier mouvement citoyen afin d'exercer des pressions massives sur le Parlement de Westminster. Deuxièmement, il a su utiliser le système législatif pour finir par obtenir le résultat escompté.
En fait, William Wilberforce a fait une démonstration spectaculaire de la façon de mettre la procédure, les stratégies et les tactiques parlementaires au service d'une cause, et tous les parlementaires devraient s’en inspirer.
Le mouvement citoyen fut un véritable coup de génie. Il a rassemblé un groupe hétéroclite de chrétiens évangéliques combattifs, auquel il a joint certains des abolitionnistes les plus convaincus de l’époque. C’est sans doute la première fois qu’un groupe de citoyens très engagés a mené l’assaut contre une tradition solidement enracinée et en est sorti vainqueur.
En récompense de tous ses efforts, William Wilberforce a été accusé de trahison par les membres de sa classe. Cependant, quand il a gagné sa cause, nous avons bien sûr tous gagné, nous aussi.
Les lois de la Grande‑Bretagne s’appliquaient aux colonies du Canada. D’aucuns diront que c’est un peu plus compliqué que cela, et j’aurais tendance à être d’accord avec eux dans un autre contexte, mais j’estime que cette façon de procéder fut bien meilleure que celle qu’adoptèrent les Américains pour régler le même problème.
Pourquoi cette leçon d’histoire alors que nous sommes saisis du très modeste projet de loi ?
Premièrement, le projet de loi est le fruit d’un mouvement citoyen. Vision mondiale et beaucoup d’autres ont exercé des pressions sur les partis pour qu’ils s'engageant résolument à adopter un projet de loi. Finalement, les partis libéral et conservateur ont tous les deux décidé d’inclure cet engagement dans leur programme électoral.
Deuxièmement, il est extrêmement difficile de rallier les autres partis aux initiatives louables, surtout lorsqu’on utilise l’outil peu puissant que représente un projet de loi d’initiative parlementaire au sein d'un Parlement dirigé par un gouvernement minoritaire.
J’aimerais profiter de l’occasion pour remercier les députés de , de , de et de , ainsi que la sénatrice Julie Miville‑Dechêne et les greffiers des deux Chambres, de nous avoir permis d’en arriver là.
Pendant le temps qu’il me reste, j’aimerais expliquer ce qu'est le projet de loi , ce qu’il n’est pas et ce qu’il pourrait être.
Le projet de loi est un projet de loi sur la transparence des chaînes d’approvisionnement. Les entreprises d’une certaine taille seront tenues de revoir chaque année leur chaîne d’approvisionnement afin de certifier qu’elle n'implique aucun produit issu de l’esclavage. Si ce n’est pas le cas, elles devront expliquer ce qu’elles comptent faire pour changer la situation. Le ministre de la Sécurité publique aura le pouvoir d’examiner les rapports et, s’il n’est pas satisfait, de diligenter une enquête.
De par sa simple existence, ce projet de loi va résolument encourager les entreprises à en respecter les dispositions, ne serait-ce que pour éviter d’avoir mauvaise réputation, de faire l’objet d’une enquête de l'État, de subir l’ire des consommateurs ou d’avoir à encourir des coûts supplémentaires et des risques financiers accrus.
L’objectif du projet de loi est d’une grande simplicité: il faut examiner sa chaîne d’approvisionnement et certifier qu’aucun produit n’est issu de l’esclavage ou, si ce n'est pas le cas, présenter les mesures que l'on compte prendre pour changer la situation.
Pourquoi avoir présenté le projet de loi ? L’argument moral crève les yeux: aucun Canadien ne devrait acheter des produits issus de l’esclavage, un point c’est tout.
L’argument économique crève les yeux lui aussi. Les travailleurs canadiens ne peuvent pas livrer concurrence à des esclaves. Non seulement des gens acculent leurs voisins à la misère en les privant d’un emploi, mais le Canada crée ses propres vulnérabilités commerciales en devenant tributaire de pays esclavagistes qui fabriquent des produits indispensables.
C’est le comble de la bêtise. Dans notre quête effrénée et immorale du produit le moins cher, partout sur la planète, nous nous privons d'emplois et de débouchés économiques. C’est plus que de la stupidité.
Le projet de loi n’est pas juridiquement contraignant. L’entreprise qui ne s’y conforme pas ne sera pas traînée devant un tribunal des droits de la personne.
Il y a deux exemples de lois juridiquement contraignantes, celle de l’Allemagne et celle de la France. En Allemagne, le seuil est de 3 000 employés. En France, il est de 5 000. Nous estimons qu’au lieu des milliers d’entreprises qui seront assujetties au projet de loi , il y en aurait à peine une centaine si nous proposions un projet de loi juridiquement contraignant.
Nous considérons qu’une loi juridiquement contraignante offre des avantages limités tout en présentant des risques importants de non-conformité, et qu'elle reviendrait concrètement à mettre la charrue avant les bœufs. Il se peut que le gouvernement décide d’aller un jour dans cette direction, mais le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, c’est un projet de loi sur la transparence.
Sans vouloir présumer de l’issue du vote, je crois que le projet de loi rallie beaucoup de soutiens, à la Chambre comme au Sénat. Pour ce qui est de l’avenir, et je sais que c’est toujours dangereux d’en parler, je ne voudrais pas que le projet de loi s'avère une mesure admirable, mais inefficace parce que l'appareil administratif aura trouvé toutes sortes de bonnes raisons de ne pas être prête au moment de la date d’entrée en vigueur.
Nous avons jusqu’à présent le soutien des quatre ministres, et je tiens à les féliciter d’avoir respecté les engagements qui avaient été pris dans les derniers programmes électoraux des libéraux et des conservateurs. Il leur reviendra maintenant de voir à ce que la loi soit à la fois respectée et efficace. Nous pouvons tirer des leçons de l’expérience du Royaume‑Uni et de l’Australie, qui ont adopté des lois similaires.
Ce projet de loi va faire passer le Canada de la dernière à la première place dans ce domaine. Il va obliger tous les gouvernements à respecter les mêmes normes que celles auxquelles seront tenues les entreprises canadiennes. On peut en effet difficilement imposer des normes aux entreprises tout en en affranchissant les gouvernements au Canada.
Je sais que les entreprises se préparent. Je le vois d’après les courriels et les appels téléphoniques que je reçois. J’espère que les gouvernements canadiens se prépareront avec autant de diligence pour la mise en œuvre du projet de loi. Comme je l’ai dit, point n’est besoin de réinventer la roue. Nous pouvons nous inspirer de l’expérience d’autres pays qui ont déjà adopté ce genre de loi, et le ministre peut concevoir les exigences du projet de loi de façon à obtenir des données et un taux de conformité excellents.
De plus, j’invite le gouvernement du Canada à proposer à d’autres gouvernements, plus particulièrement ceux de l’Australie et du Royaume‑Uni, de mutualiser les ressources: il est beaucoup plus efficace d’avoir un réseau de trois pays exigeant des rapports mutuellement complémentaires, que d’avoir trois pays qui appliquent leur loi chacun de leur côté.
Comme on peut le constater, ce projet de loi tient plus de la carotte que du bâton. J’espère que le bâton, c’est-à-dire les amendes, les enquêtes et les dénonciations, n'aura pas à être utilisé trop fréquemment et j’espère aussi que la carotte permettra d’assurer la conformité maximum des entreprises, dans notre intérêt à tous.
Même si l’adoption d’une loi exigeant une diligence raisonnable devient un jour nécessaire, ce n’est pas ce qui nous est proposé aujourd’hui. Si ce projet de loi est correctement mis en œuvre, je suis prêt à accepter un texte qui assure un haut niveau de conformité par un très grand nombre d’entreprises plutôt qu’un texte qui n’obtient qu’un faible niveau de conformité par un très petit nombre d’entreprises.
Voici, pour terminer, ce que d’autres personnes ont dit au sujet de ce projet de loi.
Matt Friedman, PDG du Mekong Club, qui est dans les affaires depuis une trentaine d’années, a dit que « ce projet de loi est important parce qu’il va permettre de sensibiliser les entreprises canadiennes et les agences gouvernementales à toute cette question, parce qu’il va encourager les entreprises à examiner de plus près leur chaîne d’approvisionnement afin de mieux repérer leurs vulnérabilités potentielles; et parce qu’il va obliger les responsables à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs partout sur la planète. Ce projet de loi va également permettre aux consommateurs de voir quelles entreprises prennent ce problème au sérieux. »
Michael Messenger, président de World Vision, a dit que « les Canadiens ne veulent pas être complices malgré eux de l’esclavage d'enfants en raison des achats qu'ils font. Étant donné que le travail des enfants et les importations de produits suspects continuent d’augmenter… »
Ces chiffres ont augmenté pendant les quatre années que nous avons travaillées sur ce dossier.
« …le Canada doit adopter des lois sur les chaînes d’approvisionnement afin de protéger et de promouvoir les droits des garçons et des filles de toute la planète. Avec ce genre de loi, les consommateurs, les entreprises et le gouvernement fédéral pourront conjuguer leurs efforts pour que chaque achat effectué au Canada soit un achat éthique. »
Stephen Pike, associé de Gowling WLG, a déclaré: « Le projet de loi a fait des progrès remarquables à ce jour dans le cadre du processus législatif. La Chambre des communes devrait saisir dès maintenant cette occasion unique de faire avancer les intérêts du Canada et de tous les Canadiens dans la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. »
Enfin, Chris Crewther, le député de Mornington au Parlement de Victoria, en Australie, a déclaré: « Lorsque j'étais député fédéral [...] j'ai instigué, dirigé et entrepris l'enquête sur l'adoption par l'Australie d'une loi sur l'esclavage moderne, j'ai produit les recommandations dans Hidden in Plain Sight, et j'ai fait adopter la Modern Slavery Act.
« Elle a transformé la façon dont les entreprises, les organisations et la société australiennes considèrent les crimes liés à l'esclavage moderne, ce qui a fait en sorte non seulement que les entités prêtent attention à l'esclavage moderne au sein de leurs organisations et qu'elles en rendent compte chaque année, mais aussi qu'elles travaillent davantage pour réellement examiner et éliminer l'esclavage moderne [dans la chaîne d'approvisionnement].
« J'ai toujours adopté l'adage suivant: " Le mieux est l'ennemi du bien. " Ainsi, j'encourage les parlementaires canadiens à adopter [ce projet de loi]. »
Madame la Présidente, ce projet de loi arrive à point nommé. Il est largement soutenu, il bénéficie de l'adhésion des ministres et il place notre pays en position de chef de file. Je vous recommande, ainsi qu'à nos collègues, de l'appuyer.
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Madame la Présidente, c'est un plaisir de prendre la parole en faveur du projet de loi . C'est un projet de loi important, et le caucus conservateur l'appuie. Nous voulons lui faire franchir les étapes du processus et nous sommes impatients de le voir entrer en vigueur au début de l'an prochain, conformément à l'échéancier prévu.
La fin de semaine dernière, je me trouvais à Toronto, dans le coin de pays du député, où je me suis entretenu avec des membres de communautés qui se préoccupent de diverses questions de justice et de droits de la personne dont sont saisis le comité des affaires étrangères et d'autres comités. J'ai eu le plaisir de rencontrer des membres de la communauté chrétienne pakistanaise qui, notamment, continue de réclamer l'annulation ou une réforme de la loi sur le blasphème au Pakistan.
J'ai rencontré des membres de la communauté éthiopienne, plus précisément celle des Tigréens, qui soulignent qu'il est toujours nécessaire de mettre pleinement en œuvre l'accord de paix, d'acheminer de l'aide humanitaire au Tigré et de soutenir les processus de justice et de reddition de comptes. Je suis impatient également de travailler sur ces importants dossiers.
Le projet de loi suivrait une approche de transparence ou de divulgation pour lutter contre le problème du travail forcé dans le monde. Il inciterait les entreprises à prendre des mesures pour combattre le travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement en leur demandant de rendre compte des activités qu'elles entreprennent dans ces chaînes d'approvisionnement.
Ce n'est pas un projet de loi parfait, en ce sens qu'il ne résoudrait pas tous les problèmes. Respectueusement, je pourrais probablement dire cela de chaque projet de loi présenté à la Chambre. La question pour nous, à l'étape de la troisième lecture, ne devrait pas être de savoir si le projet de loi est la pleine réalisation de la perfection humaine qui est théoriquement possible, mais plutôt si le projet de loi constitue une amélioration par rapport au statu quo. Je pense que c'est très clairement le cas.
Le projet de loi obligerait les entreprises à rendre compte des efforts qu'elles entreprennent pour lutter contre le travail fait par des esclaves. Il viserait également à mieux sensibiliser le public au fait que de nombreux produits que nous achetons peuvent être entachés par le fléau de l'esclavage qui sévit encore au XXIe siècle.
L’une des questions qu’il nous faudra approfondir, probablement dans le cadre d’un autre projet de loi, est celle de l’approche ciblée qu’il faudra adopter à l’égard des pays dont les gouvernements tolèrent, nous le savons, un niveau élevé de travail forcé sur leur territoire. Nous avons eu l’occasion de discuter à la Chambre du génocide des Ouïghours et du travail forcé qui leur était imposé dans le contexte de la répression dont ils sont victimes.
Les États‑Unis ont adopté, sans esprit partisan, une loi dénonçant le travail forcé des Ouïghours, l’Uyghur Forced Labor Prevention Act, qui renverse le fardeau de la preuve pour la région du Xinjiang, ou Turkestan oriental. Cela signifie que les produits qui proviennent de cette région sont considérés comme des produits issus du travail forcé, à moins que quelqu’un fasse la preuve du contraire.
Cela permet de tenir compte du fait qu’un grand nombre de produits venant de cette région sont issus du travail forcé. Nous avons beau dire, en toute bonne foi, que nous allons interdire les produits issus du travail forcé, nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe dans la réalité. Si, dans chaque cas, nous obligeons l’Agence des services frontaliers du Canada ou les services de douanes d'autres pays à faire une enquête approfondie pour déterminer si un produit importé est suspect, le système ne sera pas très efficace.
Reconnaître la prévalence du travail forcé et la complicité du gouvernement étranger, et imposer des restrictions particulières sur les importations, comme l’ont fait les États‑Unis, est à mon avis la bonne solution. Les États‑Unis, je le répète, ont inversé le fardeau de la preuve dans la Uyghur Forced Labor Prevention Act.
Nous avons vu comment les initiatives prises par les États‑Unis pour lutter contre le travail forcé se sont traduites par le blocage d’un grand nombre d’importations. Au Canada, aucune cargaison n’a été bloquée. Le député d’en face dit qu’une cargaison a été bloquée, mais je crois savoir qu'elle a été interceptée avant d’être libérée.
S'il y a une complicité dans le travail forcé, la pire conséquence possible pour le Canada est que la cargaison soit retardée. Je crois qu’un grand nombre de députés de tous les partis reconnaissent, certainement en privé et souvent en public, que c’est une situation inacceptable.
En général, lorsqu’il s’agit de lutter contre le travail forcé, il vaut mieux à mon avis essayer d’aligner nos méthodes sur celles des autres pays qui partagent les mêmes valeurs et de collaborer avec eux pour l'application de la loi. Dans le cadre de l’AEUMC, notre accord de libre-échange avec les États‑Unis et le Mexique, nous nous engageons notamment à interdire les importations de produits issus du travail forcé. Dans ce cas, pourquoi ne nous entendons-nous pas sur des normes communes, afin que si un navire ne peut pas faire entrer sa cargaison aux États‑Unis parce qu’on la suspecte d’être issue du travail forcé, il ne puisse pas le faire davantage au Canada?
Nous devrions adopter une approche commune entre alliés, pour échanger des informations et du renseignement et pour travailler ensemble au respect de ces normes. Il me semble que cela nous faciliterait considérablement la tâche, au Canada, en ce qui concerne le repérage des cargaisons suspectes, et que cela contribuerait à créer un front commun contre le problème du travail forcé et de l’esclavage moderne.
Cela fait partie des dossiers où nous devrions, selon moi, en faire davantage. Par exemple, nous devrions identifier ces pays et reconnaître qu'il faut adopter une approche bien ciblée à leur égard. Par ailleurs, il faut renforcer les mesures d'application du cadre réglementaire en vigueur et tenter d'accroître la collaboration à ce chapitre.
Il y a quelques semaines, j'étais au Japon pour participer à une conférence organisée par l'Alliance interparlementaire sur la Chine en prévision du prochain sommet du G7, qui se tiendra au Japon. Je peux dire que nombre de législateurs du Japon souhaitaient vivement qu'une approche commune soit mise en œuvre afin de résoudre ce genre de difficultés, y compris en ce qui a trait aux droits de la personne et au travail forcé. Le sommet du G7, qui se tiendra prochainement au Japon, sera une excellente occasion de discuter de ce genre de choses, de mettre ces dossiers à l'ordre du jour du G7 et de parler de la mise en œuvre d'une approche mondiale pour que des pays aux vues similaires puissent adopter des normes communes, échanger des renseignements et collaborer afin d'empêcher des produits fabriqués au moyen du travail forcé d'entrer sur leur territoire.
Ce ne sont là que quelques autres dossiers où nous pouvons agir, mais, encore une fois, je ne m'attends pas à ce que tout soit couvert par un seul projet de loi d'initiative parlementaire.
Il y a eu des discussions à l'étape de l'étude du projet de loi par le comité pour déterminer s'il fallait proposer des amendements, et je pense avoir indiqué dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture qu'il y avait quelques amendements que je voulais proposer à ce projet de loi. Il aurait été bien que l'étude de ce projet de loi par le comité ait lieu plus tôt. Cependant, en raison du délai imparti et du fait que le gouvernement est minoritaire, si nous avions adopté le projet de loi avec des amendements, il aurait été renvoyé au Sénat et nous serions entrés dans une sorte de match de ping-pong qui, à mon avis, aurait causé un retard supplémentaire et risqué d'empêcher le projet de loi d'être adopté.
Sachant que le Canada a mis beaucoup de temps à reconnaître les lacunes, il est beaucoup plus logique d'appuyer le projet de loi, de le faire avancer dans le processus législatif, puis de continuer à parler des problèmes, de la nécessité de prendre des mesures supplémentaires et des domaines dans lesquels nous pouvons renforcer le cadre, que nous bâtissons progressivement.
Je sais aussi que tous les grands partis, y compris le parti au pouvoir, se sont engagés à prendre des mesures législatives sur cette question en particulier. Or, je ne pense pas que le projet de loi supprime l'obligation de prendre des mesures législatives. J'espère toujours que nous verrons un projet de loi émanant du gouvernement qui traitera de certains des enjeux que j'ai soulevés et qui exigera que le gouvernement collabore avec nos partenaires et nos alliés. Par conséquent, j'espère que personne n'a l'intention de dire, après l'adoption du projet de loi dont nous sommes saisis, que notre travail est terminé, parce qu'il ne l'est pas. Il s'agit néanmoins d'un bon projet de loi. Les conservateurs sont heureux de l'appuyer, et nous avons hâte qu'il soit adopté et devienne loi.
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Madame la Présidente, je vais d'abord faire référence à ce que notre collègue conservateur vient de dire. De son propre aveu, le projet de loi souffre de lacunes évidentes, mais les conservateurs ont choisi de s'y ranger malgré tout, simplement pour éviter que nous prenions davantage de temps pour aller au fond des choses. Cela ne m'apparaît pas être la façon correcte et appropriée de travailler.
Je vais faire trois commentaires d'introduction qui se révèleront, je l'espère, assez brefs, avant d'entrer dans le vif du sujet et d'expliquer pourquoi nous allons voter contre ce projet de loi à l'étape du rapport. J'en arrive à mon premier commentaire.
Lorsqu'il a posé sa question, mon collègue de a très bien expliqué la raison pour laquelle nous allons voter contre ce projet de loi à l'étape du rapport. Nous avons voté en faveur de ce projet de loi à l'étape de l'adoption du principe, parce que nous sommes favorables à l'idée qu'il puisse y avoir un contrôle plus serré des importations découlant du travail forcé, de l'esclavage et du travail des enfants. Toutefois, comme l'évoquait mon collègue conservateur, nous avons réalisé en écoutant un certain nombre de témoins que ce projet de loi souffrait de certaines lacunes majeures. De l'aveu même du député qui en a fait la proposition, il s'agit davantage d'un projet de loi qui favorise la transparence, qui repose essentiellement sur la bonne volonté des entreprises, qui ne prévoit pas qu'on fasse les vérifications nécessaires ou ce qu'on appelle la diligence appropriée. Comme l'évoquait mon collègue de Berthier—Maskinongé, le gouvernement ne va pas nécessairement faire le suivi pour s'assurer que les biens fabriqués grâce au travail forcé ou au travail des enfants ne seront effectivement pas importés au Canada. Je pense que c'est la lacune majeure que contient ce projet de loi.
Comme ma collègue du Nouveau Parti démocratique l'évoquait un peu plus tôt, nous avons tenté en comité d'apporter un certain nombre de modifications au projet de loi à la lumière des témoignages que nous avions entendus. Toutefois, le gouvernement a fait montre d'une fermeture complète. Compte tenu des circonstances, nous avons voté contre le projet de loi en comité. Conséquemment, et de façon tout à fait logique, nous voterons contre le projet de loi alors qu'on fait rapport aujourd'hui de ce qui a été fait en comité.
Mon deuxième commentaire liminaire est simple: je crois que les marraine et parrain de ce projet de loi, à savoir la sénatrice Miville‑Dechêne et le député de , sont très bien intentionnés. Je pense qu'ils partent de motivations tout à fait honorables en présentant ce projet de loi. Ils l'ont fait avec tout leur cœur et ils y ont travaillé très fort. Je crois qu'ils méritent toute notre estime pour le travail qui a été fait jusqu'à présent, mais ce n'est malheureusement pas suffisant pour que nous puissions aujourd'hui voter en faveur du projet de loi.
Mon troisième commentaire liminaire est de dire simplement qu'il est encore temps, d'ici la troisième lecture, de faire en sorte que nous puissions voter en faveur de ce projet de loi.
Cela m'amène un peu à ce qui nous a conduits, après avoir voté en faveur du projet de loi à l'étape de l'adoption du principe, à nous prononcer contre en comité et aujourd'hui. Comme l'évoquaient certains de mes collègues, le projet de loi ne va pas suffisamment loin. Il ne permet pas qu'on puisse effectuer des vérifications nécessaires pour faire en sorte de respecter l'esprit du projet de loi, c'est-à-dire de prévenir l'importation au Canada de marchandises fabriquées par du travail forcé, de l'esclavage ou du travail des enfants. Au-delà du principe, au-delà de l'intention, il n'y a pas de suivi. C'est la lacune fondamentale du projet de loi. Plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité nous ont dit que l'expérience internationale les amenait à constater que, une fois que les parlements ont adopté une loi qui vise simplement la transparence, ils s'arrêtent là et ne vont pas plus loin. Si on veut aller plus loin, on ne doit pas adopter un projet de loi qui se contente de suggérer la transparence.
D'aucuns pourraient se dire qu'on se donne bonne conscience, qu'on a un projet de loi qui vise la transparence et qui s'appuie sur la bonne volonté des entreprises, sans aller plus loin.
Les amendements présentés par ma collègue d' visaient justement à resserrer le projet de loi, à lui donner un peu plus de mordant et à lui donner des dents pour qu'il ne s'agisse pas que de simples vœux pieux en appelant à la bonne volonté des entreprises. Toutes ses propositions d'amendement ont été rejetées par le gouvernement et le Parti conservateur.
Il y a même eu un empressement à mettre un terme aux travaux du Comité pour éviter, comme le disait mon collègue conservateur, de devoir faire face à de nouveaux délais. Encore une fois, je ne crois pas que le fait de se précipiter, tout en sachant pertinemment qu'un projet de loi souffre de lacunes majeures, soit la façon appropriée de légiférer.
J'ai demandé à ce que le comparaisse devant le Comité, parce que des rumeurs circulaient quant au fait que le gouvernement avait préparé toute une batterie d'amendements pour améliorer le projet de loi. À ma grande surprise, lorsque nous avons étudié le projet de loi en comité, il n'y avait pas un seul amendement provenant du gouvernement. Pourtant, on nous avait donné l'assurance qu'il y avait au moins une vingtaine d'amendements qui viendraient de la part du gouvernement. Or, pas un seul amendement n'a été présenté. Que s'est-il passé derrière des portes closes? Je n'en ai pas la moindre idée.
Cependant, j'ai cru comprendre que le ministre du Travail, convaincu par un certain nombre de personnes, dont probablement l'un des parrains du projet de loi, avait décidé de retirer les amendements du gouvernement. Il se proposait plutôt d'arriver avec un projet de loi plus costaud. Je me suis dit que c'était fort bien et j'ai demandé que le ministre vienne nous le dire publiquement en comité. Nous l'avons invité, mais il a refusé.
J'ai croisé le ministre tout à fait par hasard lors d'une activité. Il m'a expliqué qu'il ne voulait pas comparaître devant le Comité pour dire qu'il n'avait rien à dire, car il n'avait pas d'amendement. Cela dit, il m'a dit qu'il avait effectivement l'intention de présenter un projet de loi plus costaud qui irait dans la foulée de .
Je lui ai répondu que tout cela était fort bien et je lui ai demandé pourquoi il ne comparaîtrait pas devant le Comité pour le dire. Il m'a dit qu'il n'avait pas le projet de loi en mains et qu'il ne voulait pas se présenter devant le Comité pour dire que le projet de loi n'était pas encore prêt. Je lui ai rétorqué que, à ce moment-là, il fallait trouver un moyen de rendre publique l'intention du gouvernement à cet effet pour éviter la crainte d'un certain nombre d'organisations non gouvernementales, ou ONG, que le projet de loi s'arrête simplement à la mesure de transparence et qu'il n'aille pas plus loin pour la nécessaire vérification.
Depuis, il n'y a eu aucun engagement public de la part du ministre. Jusqu'à présent, ce n'est donc pas un signal très encourageant. Or, il est encore temps, car l'étape de la troisième lecture approche.
Dans son allocution, mon collègue faisait référence à une lettre qu'il a envoyée à tous les députés le 28 février dernier; cette lettre disait entre autres que « [c]e projet de loi fera passer le Canada de retardataire à chef de file sur cette question ».
Je regrette, mais un projet de loi qui vise simplement la transparence, ce n'est pas être un chef de file. Si la position du gouvernement est de dire que la transparence ferait du Canada un chef de file, je suis inquiet. Cela m'indique que les libéraux n'ont pas vraiment l'intention d'aller plus loin.
Conséquemment, je n'ai d'autre choix, aujourd'hui, que d'être cohérent et conséquent par rapport à la décision que nous avons prise en comité et de dire qu'à l'étape du rapport, à cette étape où on fait rapport de ce qui s'est passé en comité, nous allons voter contre ce projet de loi. Je veux cependant assurer mon collègue, comme je l'ai fait en comité, que nous sommes ouverts, encore aujourd'hui, à la possibilité de voter en faveur du projet de loi à l'étape de la troisième lecture pour peu que nous ayons un engagement de la part du gouvernement à l'effet qu'il est prêt et disposé à aller plus loin que simplement un projet de loi visant la transparence.
Si mon collègue peut intervenir auprès du ministre pour que celui-ci donne suite à l'engagement qu'il avait pris informellement en ma présence, il peut être assuré que nous voterons en faveur du projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
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Madame la Présidente, nous débattons aujourd'hui du projet de loi , qui prétend lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Il ne fait aucun doute que les chaînes d'approvisionnement mondiales continuent d'être entachées par le travail forcé. Des millions de personnes partout dans le monde sont soumises à une forme d'esclavage moderne. Ce qui est horrible, c'est que de jeunes enfants font partie de ce nombre, eux qui, trop souvent, récoltent les aliments que nous consommons et fabriquent les vêtements que nous portons.
Hélas, les progrès vers l'éradication du travail des enfants et du travail forcé ont stagné et ont même reculé pendant la pandémie de COVID‑19. En 2020, le rapport de l'Organisation internationale du travail a signalé que le travail des enfants était à la hausse pour la première fois en 20 ans. De 2016 à 2020, le nombre d'enfants astreints au travail a atteint 160 millions dans le monde; 79 millions de ces enfants, dont certains sont âgés d'à peine 5 ans, travaillent dans des conditions considérées comme dangereuses, c'est-à-dire qu'elles sont susceptibles de nuire à leur santé, à leur sécurité et à leur développement moral.
Les répercussions économiques de la pandémie, celle-ci ayant entraîné des fermetures d'école et des manques à gagner pour les familles à faible revenu dans le monde, ont contraint plus d'enfants à travailler dans de telles conditions dangereuses pour tenter de gagner leur vie. La réalité, c'est que le travail forcé existe dans pratiquement tous les pays. Le Canada est profondément impliqué dans la perpétuation de ces violations des droits de la personne. Le cadre législatif actuel ne prévoit aucune responsabilisation des sociétés qui tirent profit de l'exploitation dans leurs chaînes d'approvisionnement.
D'après un rapport de Vision mondiale de 2016, on estime que plus de 1 200 entreprises menant des activités au Canada importent chaque année pour plus de 34 milliards de dollars de marchandises présentant un risque élevé de provenir du travail des enfants ou du travail forcé. L'industrie agricole et alimentaire est l'un des pires contrevenants en matière de travail forcé et de travail des enfants. En effet, 71 % du travail des enfants a lieu dans le secteur agricole, et nombre de produits provenant de ce secteur se retrouvent sur les étagères des épiceries canadiennes.
En 2019, plus de 3,7 milliards de dollars de produits alimentaires à risque ont été importés au Canada, soit une augmentation de 63 % par rapport à il y a 10 ans. Au cours de la même période pandémique où les grandes chaînes d'épicerie du Canada ont engrangé des profits records, le recours au travail des enfants et au travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement agricoles a augmenté. Alors que les Canadiens se font arnaquer à la caisse à cause de la cupidité des épiceries, les géants de l'industrie ne prennent aucune mesure pour mettre fin au travail forcé et au travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement. Vision mondiale a indiqué que les rapports sur la responsabilité sociale des entreprises de Loblaws, Metro et Sobeys — les trois plus grandes épiceries du Canada — fournissent « peu d'informations concrètes sur ce qu'elles font pour lutter contre le travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement ». Ces entreprises réalisent des profits records, mais n'ont aucune obligation de respecter les droits de la personne. C'est tout à fait inacceptable.
Malheureusement, nous savons que ces problèmes s'étendent bien au-delà du secteur agricole. En 2021, la CBC a révélé que des marques canadiennes de vêtements vendaient des articles fabriqués dans une usine chinoise où des Nord-Coréens sont soumis au travail forcé. Récemment, j'ai parlé du génocide des Ouïghours et d'autres musulmans turciques. Il est pertinent de le soulever de nouveau, car ces sujets sont liés. De nombreux produits vendus au Canada sont fabriqués grâce au travail forcé des Ouïghours. De 2017 à 2019, on estime que plus de 80 000 Ouïghours ont été transférés de force à l'extérieur de leur région pour travailler dans des usines un peu partout ailleurs en Chine. Des rapports révèlent que, rien qu'en 2020, 83 entreprises multinationales étaient impliquées, directement ou indirectement, dans le recours au travail forcé des Ouïghours, lequel est très répandu, s'étendant notamment aux domaines des produits alimentaires et des vêtements et textiles, ainsi qu'aux chaînes d'approvisionnement des principaux constructeurs automobiles.
Le Canada peut et doit faire plus pour défendre les droits de la personne et des travailleurs de même que pour promouvoir l'éradication du travail forcé et du travail des enfants. Le NPD veut faire en sorte que les produits importés au Canada ne proviennent ni du travail forcé ni du travail des enfants. Les néo-démocrates estiment que le Canada a la responsabilité de s'assurer que ces graves violations des droits de la personne ne s'infiltrent pas dans les chaînes d'approvisionnement du pays.
Le gouvernement est tenu d'agir en vertu de ses obligations internationales en matière de droits de la personne, mais en raison de l'inaction des gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé, le Canada accuse un retard à ce chapitre par rapport aux autres pays. En effet, des pays européens tels que la France ont déjà adopté une loi sur la diligence raisonnable obligeant les entreprises à prendre des mesures pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants. Fait important, cette loi prévoit également un recours juridique si les efforts déployés par une entreprise s'avèrent inadéquats.
Le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises demande depuis quelque temps au Canada d'adopter une loi sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d'environnement. L'organisation a même produit un modèle de projet de loi, qui donne les éléments nécessaires pour consigner dans la législation canadienne l'obligation pour les entreprises de respecter les droits de la personne et l'environnement.
Depuis plus d'une décennie, le Réseau demande également la création d'un poste d'ombudsman indépendant ayant le pouvoir de faire enquête sur les plaintes relatives aux droits de la personne concernant les activités d'entreprises canadiennes à l'étranger. Les libéraux ont annoncé que ce poste serait créé en 2018, mais il s'agit une fois de plus d'une promesse en l'air du gouvernement. Le poste qui a été créé n'est que consultatif et aucun pouvoir n'y est associé.
Il est évident qu'il reste beaucoup à faire. C'est pour cette raison que les députés néo-démocrates, en collaboration avec des experts des politiques dans ce domaine, ont produit deux projets de loi cruciaux. Le projet de loi , Loi sur la responsabilité des entreprises de protéger les droits de la personne, instaurerait les mesures de diligence raisonnable requises en matière de droits de la personne et d'environnement. Il ferait en sorte que les entreprises répondent de leurs actes et donnerait le droit aux victimes de violations des droits de la personne et de dommages à l'environnement d'intenter des poursuites contre l'entreprise concernée. Le projet de loi , quant à lui, donnerait au Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises les pouvoirs nécessaires pour faire son travail, faire enquête et exiger des comptes des entreprises.
Le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises, le Réseau, qui compte parmi ses membres des groupes comme Oxfam Canada, Amnistie Internationale Canada et Human Rights Watch Canada, appuie ces mesures, mais il reste à voir si les autres partis feront ce qu'il faut.
Aujourd'hui, nous débattons du projet de loi . Dès le début, le NPD a reconnu que ce projet de loi comporte de graves lacunes. Les néo-démocrates sont d'accord avec le Réseau, selon lequel, sans amendement, ce projet de loi est préjudiciable dans la mesure où il donne l'apparence de faire quelque chose pour mettre fin à l'esclavage moderne sans que cela soit vraiment le cas. Dans son libellé actuel, le projet de loi ne met de l'avant aucun des éléments essentiels d'une loi efficace sur les chaînes d'approvisionnement.
Selon le Réseau:
Le projet de loi S‑211 obligerait les entreprises à rendre compte des mesures qu'elles prennent, le cas échéant, pour prévenir et réduire le risque de travail forcé ou de travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement. Il ne s'appliquerait qu'à une petite minorité d'entreprises; il n'exige pas de ces entreprises qu'elles cessent d'avoir recours au travail des enfants ou au travail forcé ou qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne; et il reste muet sur d'autres violations extrêmes des droits de la personne (comme le viol collectif, le meurtre et la torture), car il se limite au travail des enfants ou au travail forcé.
Conscient des lacunes de ce projet de loi, le NPD a proposé six amendements à l'étape de l'étude en comité pour améliorer cette mesure législative en s'appuyant sur des témoignages d'experts, mais le gouvernement les a tous rejetés.
Le Canada doit faire beaucoup plus pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants. La lettre de mandat du enjoint d'ailleurs à ce dernier de « présenter un projet de loi pour éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes et faire en sorte que les entreprises canadiennes qui mènent des activités à l’étranger ne contribuent pas à des violations des droits de la personne ».
Le projet de loi n'atteint pas cet objectif. Par conséquent, le NPD votera contre cette mesure législative. Nous continuerons à préconiser l'adoption d'une mesure législative qui s'attaque réellement au problème et à nous engager à éradiquer le travail forcé et le travail des enfants. Ce projet de loi ne fait que donner l'impression de faire quelque chose, ce qui n'est pas suffisant.
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Madame la Présidente, je remercie tous les députés qui sont intervenus jusqu'ici au sujet du projet de loi , une mesure législative extrêmement importante.
Nous devons prendre du recul pour jeter un coup d'œil sur le parcours de cette mesure. Premièrement, le Parlement envisage depuis plusieurs années de légiférer pour s'attaquer à la question du travail forcé. Heureusement, nous sommes sur le point d'adopter une mesure qui fera en sorte que nous passerons du vide législatif en ce qui concerne le travail forcé à une mesure législative qui cible directement cet enjeu.
Néanmoins, nous devons tenir compte de la procédure et de son fonctionnement. Nous savons qu'idéalement il faudrait renforcer cette mesure législative, mais que, pour ce faire, il faudrait la renvoyer au Sénat pour y faire approuver les amendements apportés. La mesure devrait ensuite être renvoyée à la Chambre, ce qui en retarderait considérablement l'adoption. Voilà pourquoi nous devons saisir l'occasion pour adopter cette mesure législative maintenant.
J'aimerais remercier la sénatrice Miville‑Dechêne et le député de de leurs efforts dans ce dossier, notamment pour avoir présenté le projet de loi et avoir permis qu'il en arrive à l'étape actuelle.
Cette mesure législative exige que les grandes entreprises et le gouvernement fédéral examinent les chaînes d’approvisionnement afin de détecter le travail forcé, ce qui exige l'examen de l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement, ce qui représente beaucoup de travail. Elle prévoit également un mécanisme de vérification de la conformité. Elle a donc du mordant. Elle imposerait des amendes allant jusqu'à 250 000 $ aux entreprises qui ne se conforment pas à la loi. C’est important, non seulement parce que les amendes sont appréciables, mais aussi parce que les entreprises délinquantes seraient dénoncées publiquement, avec les effets que cela suppose sur leur réputation. J'y reviendrai plus tard. La dénonciation et la perte de réputation des entreprises qui ne se conformeront pas à cette loi sont très efficaces. La mesure législative exige également que les entreprises présentent des rapports sur la manière dont fonctionnent leurs chaînes d’approvisionnement et sur le recours au travail forcé ou au travail d'enfants à l'intérieur de celles-ci.
Il y a un élément supplémentaire qui renforce caractère exécutoire de cette mesure législative: il s'agit du pouvoir conféré au ministre d’interdire l’importation de produits provenant des entreprises qui ne respectent pas la loi. Celle-ci donne également au ministre le pouvoir de demander des mandats pour saisir des renseignements appartenant à des entreprises afin de vérifier que celles-ci sont en conformité avec la loi. Il ne s’agit pas seulement d’un énoncé de valeurs ou de pelletage de nuages. Cette mesure législative a réellement du mordant et renferme des mécanismes pour forcer les entreprises à s'y conformer.
Jusqu’à présent, plusieurs de nos alliés, comme le Royaume‑Uni et l’Australie, ont une loi semblable à celle-ci. Cette loi est essentielle pour signaler clairement aux entreprises que le travail forcé est inacceptable. Jusqu’à présent, le gouvernement du Canada s’est attaqué au travail forcé et au travail des enfants dans le cadre d’accords commerciaux qu’il a conclus avec d’autres pays, mais le projet de loi rendra cette action plus robuste.
On a beaucoup parlé de la région ouïghoure pendant le débat sur le projet de loi . Il a été souligné que les États‑Unis ont une loi intéressante concernant la présomption réfutable, selon laquelle tout ce qui vient de la région autonome ouïghoure du Xinjiang est présumé être produit au moyen du travail forcé. Nous avons discuté à la Chambre des traitements réservés au peuple ouïghour, à savoir qu’au moins 1 million de personnes se trouvent dans des camps où elles sont contraintes au travail forcé. Nous avons entendu dire que 48 % du polysilicium, qui est le produit de base des panneaux solaires, est produit dans la région ouïghoure. Nous avons entendu dire que 20 % du coton est produit dans la région ouïghoure et que 35 % des produits de la tomate, qui sont le matériau de base de la pizza, de la sauce pour pâtes, etc., sont également produits dans la région ouïghoure.
Nous sommes saisis de cette question. Cette loi nous aiderait à répondre à cette préoccupation et à faire en sorte que les Canadiens n’importent pas involontairement des produits du travail forcé. Bien que j’espère qu’il y aura une loi plus solide à l’avenir, je pense que cette mesure-ci, telle qu’elle est actuellement, est un mécanisme important et un ajout important à ce qui existe déjà. Comme certains l’ont dit, avoir quelque chose vaut mieux que n’avoir rien, et nous allons faire quelque chose d’important en adoptant ce projet de loi.
Je voudrais que nous prenions un peu de recul et que nous réfléchissions à ce qui s’est passé il y a plusieurs années au Bangladesh, où des usines de textiles ont été détruites. Cette situation nous a incités, en tant que Canadiens, à réfléchir à la façon dont nos produits sont fabriqués et aux conditions dans lesquelles nos vêtements sont fabriqués et créés, et à être conscients du travail forcé.
Cette situation nous a vraiment fait réfléchir aux produits que nous achetons et a soulevé une question importante, celle de savoir si nos produits sont fabriqués à partir de travail dans des conditions terribles, de travail forcé ou de travail d’enfants. À cette époque, certaines entreprises ont été montrées du doigt et dénoncées. Les Canadiens ont demandé qu'on rehausse considérablement les normes concernant les produits fabriqués dans ces usines de vêtements.
C’est exactement ce que fera ce projet de loi. Il fera en sorte que les entreprises doivent rendre des comptes. Si nous constatons qu'elles n’atteignent pas les normes requises ou que leurs chaînes d’approvisionnement révèlent que leurs produits sont fabriqués à partir de travail forcé, nous les montrerons du doigt et les dénoncerons. Ce projet de loi nous permettra de le faire. À l'avenir, les entreprises feront l'objet du même examen critique et minutieux auquel l’industrie du vêtement au Bangladesh a été soumise il y a un certain nombre d'années.
Je tiens également à souligner que certaines entreprises ont été durement touchées par les mesures qu'elles ont prises pour lutter contre le travail forcé. Ce fut le cas de la société H&M, qui s’est retirée de la région autonome ouïghoure du Xinjiang et s’est assurée qu’elle n'acceptait pas les produits et le contenu fabriqués dans cette région. Nous devons mettre en évidence les exemples positifs.
Je conclurai en disant qu’il est important pour les Canadiens, et pas seulement les législateurs et les membres du gouvernement, que nous mettions l’accent sur cette question et que nous adoptions des lois connexes. Cependant, il est également important pour les Canadiens d’exiger que leurs entreprises n'acceptent pas de produits fabriqués à partir de travail forcé et de travail d’enfants. C’est grâce à cet appel que les entreprises changeront leur comportement. Les Canadiens ont demandé que les entreprises deviennent écologiques, qu'elles fabriquent des produits qui sont respectueux de l’environnement. Le même appel doit être lancé en ce qui concerne le respect du travail et de la main-d’œuvre.
Je vais m’arrêter là. Je suis heureux que les députés de la loyale opposition appuient ce projet de loi. Je demanderais à toutes les formations politiques de cette Chambre de faire de même, parce que nous devons adopter une mesure législative qui oblige les entreprises à rendre des comptes. Ce projet de loi fait non seulement ressortir des valeurs importantes, mais il a aussi du mordant.