propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Monsieur le Président, ce n'est pas d'hier que le mouvement syndical dit que le recours à des travailleurs de remplacement est une pratique répréhensible. Il l'affirmait déjà avant la création du Canada. Les représentants du mouvement syndical nous disent que les travailleurs de remplacement détournent l'attention de la table de négociation et prolongent les conflits, et que le recours à des travailleurs de remplacement peut empoisonner les relations entre un employeur et les travailleurs pendant des générations.
Nous avons écouté les travailleurs, et je suis très fier de dire que, le 9 novembre, nous avons présenté le projet de loi , Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
Pourquoi maintenant? Pourquoi le Canada devrait-il soudainement interdire les travailleurs de remplacement? Ce n'est pas parce que nous avons toujours fait les choses de la même façon que c'est forcément la bonne façon de faire les choses. Beaucoup d'entre nous tiennent pour acquis le recours aux travailleurs de remplacement. Pourtant, un travailleur devrait-il renoncer à son droit de clairement refuser de travailler parce qu'il pourrait être remplacé? Est-ce qu'une table de négociation où les pouvoirs de négociation sont fondamentalement limités est équitable? Les travailleurs de remplacement font-ils partie de la façon dont nous devrions gérer les relations de travail au XXIe siècle? À mon avis, la réponse à toutes ces questions est non.
[Français]
Le projet de loi va interdire le recours aux travailleurs de remplacement dans les lieux de travail sous réglementation fédérale. Violer cette interdiction entraînera une amende de 100 000 $ par jour.
[Traduction]
Ce projet de loi ne ressemble à aucun autre présenté à la Chambre dans le passé. Contrairement aux projets de loi précédents visant à interdire les travailleurs de remplacement, ce projet de loi est le fruit du tripartisme. C'est le résultat des efforts des employeurs, des travailleurs et du gouvernement, qui se sont assis ensemble pour discuter d'une question importante dans les relations de travail au Canada.
[Français]
Cette loi va améliorer les relations de travail au Canada. On va donner plus de stabilité et de certitude à tous les Canadiens et les Canadiennes.
[Traduction]
J’ai personnellement participé aux consultations avec les employeurs. J’ai participé aux consultations avec les syndicats et aux consultations qui réunissaient les employeurs et les syndicats parce que je savais que ce projet de loi devait être élaboré selon une véritable approche tripartite. Les consultations ont parfois été difficiles, mais elles ont forcé les gens à s’écouter les uns les autres. Ce n’était pas des employeurs et des syndicats assis de part et d’autre d’une table qui se disputaient. Les employeurs, les syndicats et le gouvernement ont travaillé côte à côte pour élaborer un bon projet de loi.
[Français]
Ces consultations n'ont pas été faciles. Elles ont été tendues et parfois difficiles, mais elles ont permis aux parties de s'entendre.
[Traduction]
Les améliorations apportées par ce projet de loi au processus de maintien des activités découlent directement de ce travail. Les employeurs et les syndicats devront conclure une entente relative aux activités à maintenir en cas de grève ou de lock-out. Il s’agit d’une trêve au milieu d’un conflit visant à protéger la santé et la sécurité des Canadiens et à prévenir les dommages à la propriété et à l’environnement afin qu’il y ait un lieu de travail où revenir lorsque les négociations seront inévitablement terminées.
Dans le secteur fédéral, les employés et leurs employeurs savent qu’une grande partie de leur travail a une incidence sur la santé et la sécurité de tous les Canadiens. Nous parlons de la circulation de fournitures médicales essentielles dans nos chaînes d’approvisionnement, de l’échange de renseignements d’urgence par l’entremise des services de télécommunications et de l’entretien des infrastructures de transport névralgiques. Tous ces services, s’ils ne sont pas appuyés et maintenus, peuvent menacer la santé et la sécurité des Canadiens.
À l’heure actuelle, les parties ne sont pas tenues de s’entendre sur le maintien des activités, ni même de se réunir pour déterminer si elles ont besoin de le faire. Avec ce projet de loi, les employeurs et les syndicats devront se réunir et déterminer quel travail doit se poursuivre pendant une grève ou un lock-out, le cas échéant. Nous établissons des échéanciers clairs à cet égard. Une fois qu’ils auront donné un avis pour commencer les négociations, les syndicats et les employeurs auront 15 jours pour en arriver à une entente. S’ils ne parviennent pas à s’entendre, le Conseil canadien des relations industrielles le fera pour eux dans les 90 jours. C’est important. Cela signifie plus de certitude et de prévisibilité dans les négociations collectives pour les entreprises, les syndicats et les employeurs.
[Français]
La stabilité et la certitude guident tout ce que nous faisons.
[Traduction]
Certains de nos collègues d’en face ont proposé que nous adoptions ce projet de loi et y donnions force de loi dans les six prochaines semaines. Cependant, lorsqu’il s’agit d’apporter à la négociation collective fédérale l’un des changements les plus importants que le Canada ait jamais connus, nous ne saurions nous précipiter.
Le projet de loi modifiera la table de négociation. Il modifiera le rôle du Conseil canadien des relations industrielles, ou CCRI, et changera fondamentalement le fonctionnement des relations de travail au Canada. Nous demandons au CCRI de résoudre les problèmes liés aux travailleurs de remplacement selon des échéances nouvelles et prévisibles, de régler les différends relatifs au maintien des activités dans les 90 jours si les parties ne peuvent le faire en 15 jours. Le conseil doit donc augmenter son effectif. Il doit renforcer ses procédures. Il nous dit déjà ce dont il a besoin, car la création du CCRI visait à retirer les conflits de travail du système judiciaire, à libérer le système judiciaire et à faire en sorte que les conflits de travail soient traités dans un ordre raisonnable.
Nous renforçons le Conseil canadien des relations industrielles pour qu’il reste fidèle à cette mission. C’est la seule façon d'assurer l'efficacité de ce projet de loi. Il s’agit d’un changement d'envergure et il faut du temps. Toutes les parties ont besoin de temps pour se préparer et s’adapter aux nouvelles exigences et obligations, et pour formuler de nouvelles stratégies pour la table de négociation, afin que ce projet de loi ait l’incidence positive qu’il peut et doit avoir en termes de stabilité et de certitude.
Je comprends ceux qui se demandent si ce projet de loi aura effectivement cet effet, ceux qui ont exprimé des préoccupations quant à ces changements. Comme les dirigeants syndicaux me l’ont dit après la présentation de ce projet de loi, dans un langage un peu plus coloré, c’est une grosse affaire. C’est une perturbation, un changement, mais je peux d’ores et déjà dire à mes collègues que cette mesure apportera plus de stabilité, plus d’équilibre et plus de certitude quant à la manière dont nous négocions collectivement au Canada, parce que nous remettons l’accent là où il doit l’être: sur la table.
Il suffit de jeter un coup d'œil au projet de loi pour voir les améliorations qui seront bénéfiques pour les entreprises, les syndicats, les employeurs et le public. Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour comprendre ce que cela signifie. En ce moment même, les travailleurs du port de Québec sont en première ligne de ce combat. Ils ont été remplacés et sont sur les lignes de piquetage depuis plus d’un an. Ces travailleurs donnent tous les jours la preuve que nous avons besoin d’une telle loi, car les travailleurs de remplacement prolongent les conflits.
[Français]
En ce moment, les travailleurs du Port de Québec font face à ce problème.
Ils ont été remplacés depuis maintenant plus d’un an. Les travailleurs de remplacement allongent les conflits. Les débardeurs sont en grève, c'est leur droit, mais les travailleurs de remplacement ont brisé les négociations.
[Traduction]
Les débardeurs sont en grève, à exercer leur droit constitutionnel, depuis 14 mois pendant que des travailleurs de remplacement exploitent le port à leur place. Cela fait 14 mois que les grévistes gagnent moins que leur salaire, qu'ils ne bénéficient d'aucun avantage social, d'aucune couverture d'assurance et qu'ils ne travaillent pas. En combien de temps ce conflit aurait-il pu être résolu? En combien de temps aurions-nous pu avoir un accord permanent et durable entre le syndicat et l'employeur, si les briseurs de grève n'avaient pas été une option et si la seule solution avait été de s'asseoir à la table des négociations pour en venir à un accord qui convienne à tout le monde?
Les conflits interminables comme celui-ci peuvent faire ressortir le pire, parce que les travailleurs se retrouvent dans des situations impossibles, à choisir entre défendre leurs droits et nourrir leur famille. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle d'autres gouvernements ont décidé de légiférer pour interdire le recours aux briseurs de grève. Lorsque le gouvernement du Québec a adopté une loi interdisant les travailleurs de remplacement en 1977, c'était pour mettre fin aux confrontations violentes auxquelles donnaient lieu les grèves et les piquets de grève dans cette province. En 1993, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté une loi similaire pour apaiser les relations qui devenaient de plus en plus tendues entre les employeurs et le mouvement syndical.
Que s'est-il passé au Québec et en Colombie-Britannique après l'adoption d'une loi contre les briseurs de grève? Les grèves ont été moins fréquentes. En Colombie-Britannique, il n'y a pas eu d’augmentation perceptible du nombre de grèves. Au cours des 30 dernières années, le nombre de grèves dans la province n'a jamais dépassé les chiffres de 1993. Au Québec, bien que la transition de l'économie québécoise dans les années 1970 ait entraîné une brève augmentation du nombre de grèves, celles-ci ont diminué depuis.
[Français]
Les grèves sont moins communes au Québec, même avec leur loi qui bannit les travailleurs de remplacement.
[Traduction]
À ceux qui affirment encore que le projet de loi entraînerait davantage de grèves, je rappellerai la situation au niveau fédéral. Nous avons la très grande chance d'avoir les meilleurs médiateurs qui soient au ministère fédéral du Travail. Le service fédéral de médiation et de conciliation a résolu 96 % des conflits du travail au cours de l'année écoulée, sans arrêt de travail. C'est le modèle à suivre. Quatre-vingt-seize pour cent du temps, la plupart des Canadiens n'entendent jamais parler de négociations syndicales dans les milieux de travail fédéraux au pays. Les négociations peuvent être tendues et désordonnées, mais elles sont réglées à la table des négociations, en partie grâce aux médiateurs fédéraux. Ce n'est que dans 4 % des cas que les négociations syndicales fédérales sont portées sur la place publique.
On m’entend souvent dire la même chose dans les médias, à savoir qu'il faut mettre l’accent sur les négociations. Chaque fois, d'autres personnes paraissent aux mêmes bulletins de nouvelles et répètent le même message, soit qu’il faut présenter un projet de loi pour forcer le retour au travail et faire appel à des travailleurs de remplacement. Ils demandent pourquoi les autorités fédérales n'interviennent pas.
Il ne faut pas oublier que la grève est le dernier recours pour les travailleurs. Personne ne veut perdre ses avantages et se contenter des indemnités de grève. Pour tout le monde, c’est une période d’incertitude. La négociation collective peut être difficile, mais c’est toujours la solution. Il est indispensable, pour que notre économie continue de tourner, que les employeurs et les syndicats négocient jusqu’à l’obtention de l’accord le plus satisfaisant. Le projet de loi encourage les parties à continuer de négocier. C’est de cette façon que nous pourrons préserver la stabilité et la prévisibilité de nos chaînes d’approvisionnement et de notre économie tout entière. Chaque industrie, chaque table de négociation est différente, mais notre objectif est le même: encourager les parties à continuer de négocier, rendre le processus plus prévisible et supprimer les distractions. Voilà ce que propose le projet de loi pour les entreprises, les employeurs et les syndicats.
Ce n’est pas seulement une bonne solution, c’est la solution qui s'impose. C’est ce que demandent les syndicats depuis que le Canada existe, et même avant. Si j’en juge par les réactions des dirigeants syndicaux au cours des 13 derniers jours, ils souscrivent entièrement au projet de loi. Comme l’a dit Gil McGowan, de la Fédération du travail de l’Alberta, « c’est comme cela que le Parlement canadien devrait fonctionner, dans l’intérêt des Canadiens ». Quant à Bea Bruske, la présidente du Congrès du travail du Canada, elle a déclaré que c’était un outil indispensable pour mieux défendre les intérêts des travailleurs.
[Français]
Comme l'a dit Magali Picard, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, cette loi change le portrait du Canada en ce qui a trait à la négociation collective.
[Traduction]
L’Union des pêcheurs de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, a dit que ce projet de loi permettrait de se débarrasser d’une pratique régressive et hostile aux travailleurs qui a longtemps miné le droit à la négociation collective.
L’an dernier, nous avons adopté un projet de loi pour donner aux travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale 10 jours de congés de maladie, suite aux enseignements que nous avons tirés de la pandémie de la COVID-19. Si notre gouvernement demandait aux gens de rester deux semaines chez eux lorsqu’ils tombaient malades, il fallait bien leur donner des congés de maladie. Le projet de loi a été adopté dans cette Chambre à l’unanimité, parce que nous reconnaissions tous que les travailleurs ne devraient jamais avoir à choisir entre se faire payer et se faire soigner. Les députés se souviendront qu’à l’époque, les travailleurs américains faisaient la grève pour obtenir une journée de congé de maladie pour pouvoir rester chez eux quand ils étaient malades. Au Canada, les travailleurs ont maintenant droit à 10 jours de maladie, et le projet de loi été adopté à l’unanimité.
Le moment venu, j’espère que tous les députés, qu’ils soient libéraux, néo-démocrates, bloquistes, verts ou conservateurs, appuieront le projet de loi pour préserver les principes de liberté et de justice au sein de la négociation collective.
[Français]
Il faut cela pour garder une relation de travail forte au Canada, pour garder les employeurs et les syndicats à la table des négociations et pour bannir les travailleurs de remplacement.