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Madame la Présidente, j'ai le plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges. Je tiens à souligner que je prends la parole aujourd'hui sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin.
En tant que législateurs, nous avons la responsabilité importante de voir à la bonne gouvernance du système de justice. Il nous incombe aussi de veiller à ce que l'indépendance traditionnelle, élément central de ce système, soit protégée et maintenue. Ces responsabilités vont de pair. C'est ce système judiciaire indépendant qui est le moteur de notre démocratie constitutionnelle, car il procure aux Canadiens la certitude que leurs droits seront protégés et que les lois du pays seront appliquées avec honneur et intégrité. Il est essentiel que le public ait confiance dans les tribunaux pour qu'il ait aussi confiance dans la primauté du droit, et cette confiance du public dépend non seulement du statut et de la solidité de nos tribunaux en tant qu'institutions, mais aussi de l'intégrité des juges qui y siègent.
Je prends la parole pour traiter d’une question qui se rapporte directement à cette responsabilité: la réforme du système canadien d’enquête sur les allégations d’inconduite contre les juges nommés par le gouvernement fédéral. Il est tentant de tenir ce système pour acquis. Il ne faut pas oublier qu’il est le fruit d’une vigilance et d’un effort soutenus. Nos institutions sont fortes parce que nous les respectons et nous les nourrissons. Notre magistrature est forte parce que ses membres cherchent constamment à mieux servir les Canadiens et à respecter les normes d’intégrité, d’impartialité et de professionnalisme les plus rigoureuses.
La magistrature des cours supérieures du Canada, qui comprend les juges de la Cour fédérale et de la Cour suprême du Canada, ainsi que les juges de toutes les cours supérieures provinciales et territoriales, jouit d’une réputation d’excellence inégalée. Les allégations d’inconduite contre des membres de la magistrature fédérale sont rares, et les allégations suffisamment graves pour justifier la révocation de la fonction judiciaire sont encore plus rares. Néanmoins, un processus efficace d’examen de ces rares allégations fait partie intégrante de notre système de justice et contribue à garantir un élément essentiel de la primauté du droit, à savoir la confiance du public dans l’intégrité de la justice.
Conformément à la séparation des pouvoirs prévue dans la Constitution, le système judiciaire joue un rôle de premier plan dans la protection de l’intégrité de ses membres. Depuis 1971, la Loi sur les juges habilite ses membres, soit les juges en chef et les juges en chef adjoints des cours supérieures du Canada, à recevoir et à examiner, par l’entremise du Conseil canadien de la magistrature, les plaintes concernant la conduite de juges des cours supérieures et à faire rapport de leurs conclusions et recommandations au ministre de la Justice. Ce n’est qu’ensuite qu’il revient au ministre de décider s’il faut demander la révocation d’un juge. Cette décision doit être ratifiée par le Parlement et transmise au gouverneur général conformément au paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867.
Ce pouvoir est tempéré par le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature et de l’inamovibilité conférée à tout juge d’une cour supérieure en l’absence d’incapacité ou d’inconduite avérée.
Récemment, l’écart entre ces changements globaux et le processus d’examen de la conduite prévu dans la Loi sur les juges s’est accentué, ce qui met en péril la confiance du public que ce processus est censé garantir. Il est tout à fait approprié de permettre à la magistrature de régir ainsi la conduite de ses propres membres. Cela protège à juste titre les tribunaux contre l’ingérence du politique et permet ainsi aux juges de protéger la Constitution et les droits des Canadiens sans crainte de représailles.
Si les Canadiens peuvent donc avoir confiance dans le leadership et le contrôle judiciaires des enquêtes sur la conduite des juges, le cadre législatif qui permet ce leadership n’a pas changé depuis 1971, et ce, malgré les vastes changements apportés au paysage juridique et social dans lequel ce cadre doit fonctionner.
Les affaires d’inconduite des juges les plus graves, et celles qui attirent le plus l’attention du public par l’entremise du processus du comité d’enquête, sont notoirement longues et coûteuses, et font l'objet de contestations judiciaires parallèles qui prennent des années à trancher. La longueur et le coût des procédures relatives à la conduite des juges en sont un exemple. En tant que tribunaux administratifs fédéraux, les comités d’enquête constitués par le CCM peuvent être contrôlés d’abord par la Cour fédérale, puis par la Cour d’appel fédérale et, éventuellement, par la Cour suprême du Canada.
Ainsi, un juge visé par un processus peut se prévaloir d'un maximum de trois étapes de contrôle judiciaire. On l’a vu récemment dans l’affaire de l’ancien juge Girouard.
Étant donné que la Loi sur les juges ne prévoit pas d’autres solutions que les enquêtes divisionnaires à grande échelle, tous les cas qui soulèvent des préoccupations valables, quelle qu’en soit la gravité, sont soumis à un mécanisme d’enquête publique et accusatoire à la procédure complexe. Aux termes de ce mécanisme, au lieu de permettre à un comité d’enquête de faire directement rapport au ministre, la Loi sur les juges exige qu’un rapport et une recommandation soient soumis par le CCM dans son ensemble.
Le fait que l’indépendance de la magistrature justifie la mise à disposition à un juge d’un avocat financé par des fonds publics signifie que, dans certains cas, des avocats ont touché des millions de dollars en honoraires pour lancer des constatations judiciaires exhaustives qui se sont révélées sans fondement. Le public est à juste titre indigné par ce manque d’efficacité et de responsabilisation dans un processus mené en son nom. La situation doit être corrigée.
Autrement dit, un organe composé d’au moins 17 juges en chef et juges en chef adjoints de partout au Canada qui n’ont pas directement participé à l’examen d’un dossier donné doit contrôler le travail d’un comité d’enquête et décider de recommander ou non au ministre de révoquer un juge. Ce processus est lourd, inefficace et coûteux. Au lieu de croire que les préoccupations relatives à la conduite de juges seront résolues avec équité et efficacité, les Canadiens considèrent que ce processus reproduit les caractéristiques de la complexité procédurale et du modèle accusatoire qui peuvent être si aliénantes dans le système de justice en général.
Une autre lacune du processus actuel est que la Loi sur les juges habilite le CCM seulement à recommander la révocation d’un juge ou à s’y opposer. Aucune sanction moins sévère n’est prévue. Par conséquent, certains cas d’inconduite peuvent ne pas être sanctionnés parce qu’ils ne justifient pas la révocation. Il y a également un risque que les juges soient exposés à des procédures d’enquête à grande échelle et à ce que leur révocation soit envisagée publiquement, avec les conséquences que cela suppose pour leur réputation, pour une conduite qu’il serait plus raisonnable de traiter par d’autres procédures et des sanctions moins sévères.
Le projet de loi dont nous sommes saisis réformerait et moderniserait donc en profondeur le processus d’examen de la conduite des juges tout en respectant l’engagement fondamental d’équité, d’indépendance et de rigueur procédurale. Je vais présenter un bref résumé mettant en évidence les objectifs du projet de loi.
D’abord et avant tout, le projet de loi simplifierait le processus judiciaire. Il remplacerait l’actuel contrôle judiciaire par un mécanisme d’appel interne efficace dans le cas des juges dont la conduite a été jugée déficiente à l’occasion d’une audience ou par un comité d’examen. Autrement dit, plutôt que de permettre aux juges de se retirer du processus et de lancer de multiples contestations judiciaires susceptibles d’interrompre les procédures et de les retarder pendant des années, le processus réformé comporterait son propre système d’examen interne visant à garantir l’équité et l’intégrité de toute conclusion tirée contre un juge.
À la fin du processus d’audience et avant que le rapport sur le renvoi ne soit remis au ministre, le juge dont la conduite fait l’objet de l’examen et l’avocat chargé de présenter la preuve contre lui auraient le droit d’interjeter appel devant un comité d’appel. Plutôt que de soumettre les audiences du CCM à un examen externe par de multiples paliers de tribunaux, avec les coûts et les retards qui en découlent, le nouveau processus comprendrait un mécanisme d’appel équitable, efficace et cohérent interne au processus.
Un comité d’appel composé de cinq juges tiendrait des audiences publiques semblables à celles d’une cour d’appel et disposerait de tous les pouvoirs nécessaires pour combler efficacement les lacunes du processus d’audience. Une fois que ce comité aurait rendu sa décision, le juge et l’avocat de l’accusation n’auraient plus pour seul recours que de demander l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. Le fait de confier la surveillance du processus à la Cour suprême permettrait de renforcer la confiance du public et d’éviter les longues procédures de contrôle judiciaire devant plusieurs paliers de tribunaux.
Ces étapes en appel seraient soumises à des délais stricts, et les résultats obtenus feraient partie du rapport et des recommandations ultimement présentés au ministre de la Justice. Outre qu’elles donneraient confiance dans l’intégrité des procédures judiciaires, ces réformes devraient réduire la durée des procédures de quelques années.
Cela éviterait des situations comme celles que nous avons vues dans le passé, où des appels répétés à la Cour fédérale ont rallongé le processus de façon scandaleuse.
Le nouveau processus offrirait également des possibilités de règlement rapide des plaintes pour inconduite, ce qui éviterait, dans bien des cas, de recourir à des audiences publiques antagonistes. Plutôt que de traiter tous les cas comme s’ils pouvaient justifier une révocation judiciaire, le CCM aurait le pouvoir d’imposer d’autres recours proportionnels à la conduite en cause et mieux adaptés à l’intérêt public. Le public en général serait mieux représenté dans ces délibérations si le projet de loi codifiait une place pour des représentants du public dans l’examen des processus de plainte.
[Français]
Par exemple, il pourrait imposer à un juge de suivre une formation continue ou de présenter des excuses pour les torts causés par son inconduite.
En ce qui concerne les affaires qui pourraient donner lieu à la révocation d'un juge, le projet de loi exige la tenue d'audiences publiques robustes. Le projet de loi inclut un rôle qui va permettre à l'avocat désigné de présenter une affaire contre un juge à la manière d'un procureur public. En outre, le juge aura amplement l'occasion de donner des réponses et de présenter une défense à l'aide de son propre avocat.
Si le comité d'audience recommande la révocation d'un juge, ces recommandations vont être transmises au ministre de la Justice sous réserve seulement du règlement des appels. Il ne sera pas nécessaire que l'ensemble du Conseil canadien de la magistrature participe au processus.
[Traduction]
À elles seules, ces mesures rendraient le processus d'enquête sur la conduite des juges plus souple, rapide et efficace sans compromettre l’équité ou la rigueur de l’enquête. Ce faisant, le processus serait moins coûteux, plus accessible et plus responsable envers les Canadiens.
Au-delà de la simple réforme des processus, le projet de loi instaurerait un mécanisme de financement stable pour appuyer le rôle du Conseil canadien de la magistrature dans les enquêtes sur la conduite des juges et un mécanisme adapté à la nature impérative de cette obligation sur le plan constitutionnel. Il ajouterait également des mesures de protection exigeant que les fonctionnaires responsables établissent des lignes directrices conformes aux normes pangouvernementales en matière d’administration des fonds publics, que l’administration de ces fonds fasse l’objet d’audits réguliers et que les résultats de ces audits soient rendus publics. Cette combinaison de responsabilité financière et de transparence est essentielle pour assurer la confiance du public dans le processus d'enquête sur la conduite des juges, et elle se fait attendre depuis longtemps.
Les dispositions établies dans la mesure portant affectation de crédits limitent clairement les catégories de dépenses visées à celles qui sont nécessaires pour tenir des audiences publiques. De plus, elles seraient assujetties aux règlements pris par le gouverneur en conseil. Les règlements prévus limitent le montant que les avocats participant au processus peuvent facturer, et les juges qui font l’objet de procédures sont limités à un avocat principal. Le projet de loi obligerait également le commissaire à la magistrature fédérale à établir des lignes directrices fixant ou prévoyant la détermination des honoraires, indemnités et dépenses qui peuvent être remboursés et qui ne sont pas expressément visés par les règlements. Ces lignes directrices doivent être conformes aux directives du Conseil du Trésor s’appliquant à des coûts semblables, et tout écart doit être justifié publiquement.
Enfin, le projet de loi exigerait qu’un examen indépendant obligatoire soit effectué tous les cinq ans pour tous les coûts payés au moyen du crédit législatif. L’examinateur indépendant relèverait du ministre de la Justice, du commissaire et du président du Conseil canadien de la magistrature. Le rapport évaluerait l’efficacité de toutes les politiques applicables établissant des contrôles financiers et serait rendu public. Ensemble, ces mesures établiraient un nouveau niveau de responsabilité financière à l’égard des coûts d’enquête sur la conduite des juges, tout en remplaçant l’approche de financement fastidieuse et ponctuelle actuellement en place.
Toutes ces réformes ont été éclairées par un vaste processus de consultation publique. En plus d’entendre le point de vue de Canadiens, d’universitaires et de membres de la profession juridique, le gouvernement a entretenu un dialogue soutenu avec deux organisations judiciaires en particulier, soit le Conseil canadien de la magistrature et l’Association canadienne des juges des cours supérieures.
Le gouvernement est profondément reconnaissant de l’engagement de ces organisations à appuyer la réforme et à partager leurs points de vue et leur expertise dans un esprit de collaboration respectueuse avec les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada. Je sais que l’adoption de ces réformes est de la plus haute priorité pour les dirigeants judiciaires, et le gouvernement est déterminé à répondre à leurs demandes légitimes de mesures législatives qui les aideraient à remplir leur rôle essentiel.
Je conclurai simplement en recommandant à mes collègues de saisir l’occasion de renouveler une institution essentielle à la confiance que les Canadiens accordent à leur système de justice. Je suis convaincu que le Canada a le système de justice le plus solide au monde, en grande partie parce que nous avons la magistrature la plus exceptionnelle et la plus engagée au monde. Cette réalité n’est pas inévitable, mais elle est le résultat de notre engagement et de nos efforts soutenus pour maintenir nos institutions en santé et maintenir notre magistrature indépendante et forte.
Renouvelons ces engagements en adoptant ce projet de loi. J’attends avec impatience nos délibérations et notre débat.
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Madame la Présidente, il ne nous reste que quelques jours de séance à la Chambre avant l'ajournement et c’est donc probablement ma dernière occasion de prendre la parole avant que nous regagnions tous nos circonscriptions pour l’été. J’aimerais, par conséquent, commencer par saluer les citoyens extraordinaires de ma circonscription de Fundy Royal, que j’ai l’honneur de représenter à cette 44
e législature.
Pour ce qui est de la question à l'étude, nous sommes ici aujourd’hui pour examiner le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges. Je résumerai d’abord brièvement le projet de loi.
Le projet de loi modifierait la Loi sur les juges afin de remplacer le processus d’examen, par le Conseil canadien de la magistrature, de la conduite des juges nommés par le gouvernement fédéral. Il créerait un nouveau processus d’examen des allégations d’inconduite dont la gravité ne justifierait pas la révocation d’un juge et modifierait le processus par lequel des recommandations relatives à la révocation sont adressées au . Comme les dispositions qu’il remplace, ce nouveau processus s’appliquerait aussi aux personnes autres que des juges qui sont nommées à titre inamovible en vertu d’une loi du Parlement.
Bref, le projet de loi vise à mettre à jour la Loi sur les juges afin de renforcer le processus d’examen des plaintes visant des juges. Le processus existant a été créé en 1971. Il est donc temps de le rafraîchir. Nous pouvons tous convenir qu’il est bon de renforcer la confiance dans le système judiciaire et de prendre des mesures pour mieux répondre aux plaintes éventuelles des Canadiens. Les Canadiens comptent sur le Parlement pour renforcer le système judiciaire.
À l’heure actuelle, le système judiciaire canadien est affaibli par les retards liés à la COVID et par un manque de ressources pour les victimes en particulier, j’en veux pour exemple le poste vacant d’ombudsman des victimes. Il n’y a aucune excuse aujourd’hui pour cet état de fait, alors que tellement d’histoires concernant des victimes canadiennes défraient la chronique. Il y a aussi des projets de loi comme celui que le vient de mentionner, le projet de loi . Les victimes avec qui nous avons parlé, que nous avons rencontrées et entendues en comité, sont préoccupées par ce projet de loi et son prédécesseur, le projet de loi . L’ombudsman des victimes avait beaucoup à dire à ce sujet.
J’aimerais beaucoup entendre l’avis d’un ombudsman des victimes, sauf que nous n’en avons pas. Quelqu’un devait être nommé en octobre, mais le poste est vacant depuis bien des mois. C’est totalement inacceptable, non seulement pour les victimes et leur famille, mais aussi pour tous les Canadiens. Je ferai remarquer que lorsque le poste d’ombudsman des délinquants sous responsabilité fédérale est devenu vacant, il a été comblé le lendemain. Nous voyons quelles sont les priorités du gouvernement.
Le projet de loi a été présenté à l’origine au Sénat sous le nom de projet de loi , le 25 mai 2021. La version précédente du projet de loi n’a pas franchi l’étape de la deuxième lecture. Des députés d'en face ont évoqué les retards, et certains ont demandé pourquoi nous en parlons. Pourquoi ce projet de loi n’a-t-il pas été adopté? Eh bien, le a déclenché ses élections surprises en pleine pandémie, en août 2021. Voilà ce qui est arrivé à cette version du projet de loi.
Le projet de loi a été présenté de nouveau au Sénat l’an dernier sous le nom de projet de loi , mais le gouvernement a apparemment changé d’avis et l’a retiré du Feuilleton du Sénat en décembre 2021 pour présenter ce projet de loi à la Chambre des communes sous le nom de projet de loi . C’est là qu’il a traîné pendant des mois jusqu’à aujourd’hui, à quelques jours de notre départ pour la pause estivale.
Le projet de loi modifierait le processus actuel d’examen des plaintes visant des juges en créant un processus pour les plaintes assez graves pour justifier une révocation, et un autre processus pour les manquements justifiant des sanctions autres qu’une révocation, comme du counseling, une formation continue et des réprimandes. Actuellement, si l’inconduite est de moindre gravité, le membre du Conseil canadien de la magistrature qui procède seul à l’examen initial peut négocier avec un juge une mesure appropriée.
À ce stade, il peut être utile de faire un bref historique du Conseil canadien de la magistrature et de donner de l'information sur ses activités et ses membres.
Établi par le Parlement en 1971, le Conseil canadien de la magistrature a pour mandat de « d’améliorer l’efficacité, l’uniformité et la qualité des services judiciaires rendus dans les cours supérieures du Canada ». En vertu de ce mandat, le Conseil canadien de la magistrature préside au processus de traitement des plaintes contre un juge.
Le Conseil canadien de la magistrature est composé de 41 membres et est dirigé par l’actuel juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable Richard Wagner, qui en est le président. En sont membres les juges en chef et les juges en chef associés ou adjoints des cours supérieures provinciales et fédérales du Canada. Les membres ont pour objectif d’améliorer l'uniformité dans l’administration de la justice devant les tribunaux ainsi que la qualité des services dans les cours supérieures du Canada.
Pour en revenir au projet de loi lui-même, les raisons pour lesquelles un juge pourrait être démis de ses fonctions sont énoncées. Elles comprennent l’invalidité, l’inconduite, le manquement aux devoirs de la charge de juge et « [toute] situation qu’un observateur raisonnable, équitable et bien informé jugerait incompatible avec les devoirs de la charge de juge ». Un agent de contrôle peut rejeter une plainte si elle semble frivole ou inappropriée, plutôt que de la renvoyer au comité d’examen. Une plainte qui allègue du harcèlement sexuel ou de la discrimination ne peut être rejetée. Le Conseil canadien de la magistrature publiera les critères de sélection complets.
Le ministre ou le procureur général peut lui-même demander au Conseil canadien de la magistrature de former un comité d'audience plénier pour déterminer si la révocation d’un juge d’une cour supérieure est justifiée. Dans les trois mois suivant la fin de chaque année civile, le Conseil canadien de la magistrature doit présenter un rapport sur le nombre de plaintes reçues et les mesures prises. Comme l’a déclaré le gouvernement, ce projet de loi vise à rationaliser le processus pour les plaintes plus graves pour lesquelles la révocation pourrait être une issue.
Comme je l’ai dit, ces modifications permettraient aussi de combler les lacunes actuelles du processus en imposant des sanctions obligatoires à un juge lorsqu’une plainte pour inconduite est jugée fondée, mais pas assez grave pour justifier la révocation. Là encore, ces sanctions pourraient comprendre le suivi d’une thérapie, la participation à de la formation continue et des réprimandes. Au nom de la transparence, ce projet de loi exigerait que le Conseil canadien de la magistrature précise dans son rapport public annuel le nombre de plaintes reçues et comment elles ont été réglées.
Pour clarifier, le processus du Conseil canadien de la magistrature ne s’applique qu’aux juges nommés par le gouvernement fédéral, c’est à dire les juges de la Cour suprême du Canada et des cours fédérales, des cours supérieures de première instance provinciales et territoriales et des cours d’appel provinciales et territoriales. Les provinces et les territoires sont responsables de l’examen de la conduite des juges des tribunaux de première instance provinciaux et territoriaux, qui sont aussi nommés par les provinces.
Depuis sa création en 1971, le Conseil canadien de la magistrature a mené des enquêtes sur huit plaintes considérées comme suffisamment graves pour justifier la révocation d’un juge. Quatre d’entre elles ont effectivement donné lieu à des recommandations de révocation. Une neuvième enquête est en cours, mais a connu des retards en raison des restrictions sanitaires imposées par la Province de Québec, comme le couvre-feu et les limites de capacité à l'intérieur.
En vertu du nouveau processus proposé dans le projet de loi , le Conseil canadien de la magistrature continuerait de présider le processus judiciaire de traitement des plaintes, qui commencerait dans un comité d’examen composé de trois personnes qui déciderait soit d’enquêter sur une plainte d’inconduite ou, si la plainte est suffisamment grave pour justifier la révocation du juge soit de la renvoyer à un comité d’audience distinct composé de cinq personnes. S'il y a lieu, un comité d’examen composé de trois personnes, à savoir un membre du Conseil canadien de la magistrature, un juge et un non-juriste, pourrait imposer des sanctions telles que des excuses publiques ou des cours de formation continue. Si cela est justifié, un comité d’audience composé de cinq personnes, soit deux membres du Conseil canadien de la magistrature, un juge, un avocat et un non-juriste, pourrait, après avoir tenu une audience publique, recommander au ministre de la Justice la révocation du juge.
Les juges qui risquent d’être démis de leurs fonctions auraient accès à un comité d’appel composé de trois membres du Conseil canadien de la magistrature et de deux juges, et enfin à la Cour suprême du Canada, si elle accepte d’entendre l’appel.
Je sais que cela semble très long et alambiqué, mais croyez le ou non, cela simplifierait en fait le processus actuel de révision judiciaire des décisions du Conseil, qui exige actuellement une révision judiciaire par deux niveaux supplémentaires de tribunaux, à savoir la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, avant qu’un juge puisse demander à la Cour suprême d’entendre l’affaire.
Les amendements prévoient un mécanisme de financement pour le nouveau processus. L’impact financier du processus de révision a été soulevé par un certain nombre d’intervenants. J'encourage le gouvernement libéral à tenir compte de sa responsabilité financière envers les contribuables dans toutes ses politiques, mais ce projet de loi est un bon début.
J’aimerais prendre un moment pour souligner que nous devons remercier l’ancienne cheffe du Parti conservateur d’avoir ouvert la voie à la présentation de ce projet de loi à la Chambre des communes aujourd’hui. Rona Ambrose a présenté son projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi , en 2017. Ce projet de loi aurait exigé que la magistrature canadienne produise chaque année un rapport détaillant le nombre de juges ayant suivi une formation en droit des agressions sexuelles et le nombre de causes entendues par des juges n’ayant pas suivi de telle formation, ainsi qu’une description des cours suivis. Il aurait également exigé que tout avocat candidat à un poste dans la magistrature ait d’abord suivi une formation sur les affaires d’agression sexuelle. Enfin, il se serait traduit par un plus grand nombre de décisions écrites de la part des juges présidant les procès pour agression sexuelle, offrant ainsi une meilleure transparence aux Canadiens en quête de justice.
La prémisse initiale du projet de loi était une réponse à une plainte concernant le comportement d’un juge fédéral qui avait présidé une affaire d’agression sexuelle en 2014. Le Conseil canadien de la magistrature, dont nous parlons aujourd’hui, avait lancé une enquête sur le comportement de ce juge puis, en mars 2017, il avait envoyé une lettre au ministre fédéral de la Justice recommandant la révocation de ce juge, recommandation que le ministre a acceptée.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui vise à accélérer et à faciliter le processus de traitement des plaintes afin que des cas extrêmes comme celui que je viens de mentionner puissent être examinés de manière exhaustive et adéquate sans causer trop de perturbations sur le plan du temps, des coûts et des retards dans le traitement de plaintes moins graves, mais tout de même importantes.
Plus tôt cette année, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a reçu une lettre dans laquelle l’Association du Barreau canadien donnait son appui au projet de loi dans sa forme actuelle. Voici un extrait de cette lettre:
L’ABC a commenté l’état du processus d’examen de la conduite des juges dans son mémoire de 2014 au Conseil canadien de la magistrature (CCM). Ses 16 recommandations à ce sujet consistaient à assurer que le processus respecte les objectifs d’équilibre entre l’indépendance de la magistrature et la confiance du public dans l’administration de la justice. Le CCM et Justice Canada ont réagi en présentant leurs propres rapports, ce qui a débouché sur les modifications actuellement proposées à la Loi sur les juges (Loi) par le ministre de la Justice.
Plus loin, on peut y lire ce qui suit:
De l’avis du sous-comité de l’ABC, le projet de loi C‑9 établit un juste équilibre entre le droit à l’équité procédurale et la confiance du public dans l’intégrité du système de justice pour ce qui est de la conduite des juges, qui forment l’épine dorsale de ce système. Les modifications proposées renforcent la responsabilisation des juges, favorisent la transparence et créent des économies dans le processus de traitement des plaintes contre des membres de la magistrature.
Je voudrais m'arrêter ici, vite fait, pour dire qu'à un moment comme celui‑ci, alors que nous sommes saisis d'un tel projet de loi, il serait tout indiqué, me semble‑t‑il, d'avoir un ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels pour entendre son point de vue sur la façon dont le processus judiciaire de traitement des plaintes fonctionne ou ne fonctionne pas actuellement et la façon dont le projet de loi pourrait ou ne pourrait pas relever ces défis ou dissiper ces préoccupations.
Dans son témoignage devant le comité de la justice le 3 juin 2021, l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels a soulevé ce qui constituait, à son avis, le point « le plus important », à savoir le recours juridique ou la réparation dont disposent les victimes si leurs droits sont violés.
Elle a déclaré:
Actuellement, les victimes n'ont aucun moyen de faire respecter les droits qui leur sont conférés par la loi; elles ont uniquement le droit de déposer une plainte auprès de divers organismes. Cela signifie que les victimes s'en remettent à la bonne volonté des fonctionnaires du système de justice pénale et des services correctionnels pour que leurs droits prévus par la loi soient respectés. Cela signifie que les victimes doivent compter sur la police, les procureurs de la Couronne, les tribunaux, les commissions d'examen, les agents correctionnels et les commissions des libérations conditionnelles pour assurer, faire respecter et appliquer leurs droits.
Cependant, mon bureau continue de recevoir des plaintes qui sont semblables dans toutes les administrations du Canada. Les victimes nous disent qu'elles ne sont pas toujours informées de leurs droits ou de la façon de les exercer, qu'elles se sentent négligées dans tous les processus et qu'elles n'ont aucun recours lorsque les fonctionnaires ne respectent pas leurs droits.
Bien que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui soit, comme je l'ai dit plus tôt, un pas dans la bonne direction, il reste certainement encore beaucoup de travail à faire pour faire en sorte que tous au Canada puissent compter sur un système de justice efficace, surtout les victimes. Une façon d'y parvenir consiste à pourvoir immédiatement le poste d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, qui est vacant depuis maintenant neuf mois. Il est inexcusable que ce poste soit resté vacant pendant neuf mois alors que d'autres postes sont pourvus immédiatement, y compris, comme je l'ai dit plus tôt, le poste d'ombudsman auprès des délinquants sous responsabilité fédérale.
Comme je l'ai mentionné, à titre de comparaison, quand le poste d'ombudsman des délinquants est devenu vacant, le gouvernement libéral l'a pourvu dès le lendemain, comme il se devait de le faire. Le poste devait être pourvu sans tarder, tout comme le poste d'ombudsman des victimes d'actes criminels devrait l'être.
En 2021, le Conseil canadien de la magistrature a publié les « Principes de déontologie judiciaire ». Je tiens à citer des extraits de cette publication pour mettre en contexte le rôle et le devoir de la magistrature.
Les extraits se lisent comme suit:
Piliers fondamentaux de la gouvernance démocratique, de la primauté du droit et de la justice, l’indépendance et l’impartialité de la magistrature sont des droits reconnus à chacun [...]
De nos jours, les responsabilités des juges s’étendent à la gestion des instances ainsi qu’aux conférences de règlement et aux séances de médiation judiciaires. De plus, il arrive fréquemment que les juges doivent interagir avec des parties non représentées. Ces responsabilités appellent une nouvelle réflexion sur le soutien à apporter en matière déontologique. Parallèlement, d’autres phénomènes soulèvent des enjeux déontologiques qui n’avaient pas été pleinement considérés il y a vingt ans: l’arrivée de l’ère numérique, l’émergence des médias sociaux, l’importance du perfectionnement professionnel des juges et le passage de certains de ceux-ci à une autre carrière après leur départ de la magistrature. On attend des juges qu’ils soient sensibles et au fait de l’histoire, du vécu et de la réalité des peuples autochtones au Canada, ainsi que de la diversité des cultures et des communautés qui composent le pays. C’est dans cet esprit que la magistrature joue un rôle plus actif qu’auparavant auprès du public, aussi bien pour soutenir la confiance que le public accorde à la magistrature que pour approfondir sa connaissance de la diversité des expériences humaines au Canada.
Comme je viens de le mentionner, le contexte social et la société dans son ensemble évoluent avec le temps, et des institutions essentielles comme le système judiciaire doivent évoluer pour faire état de ces changements. La plupart du temps, cela nécessite simplement une éducation sur les questions émergentes ou une perspective actualisée sur des questions plus anciennes.
Afin de se développer, il doit exister un partenariat crucial entre le système judiciaire et le Parlement. Bien que le Parlement et les tribunaux soient des entités distinctes, le dialogue qui existe entre les deux est essentiel pour notre démocratie et notre système judiciaire. Nous avons récemment vu des exemples où ce dialogue, malheureusement, a fait cruellement défaut: le vendredi 27 mai dernier, la Cour suprême du Canada a annulé la peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle dans les affaires de massacres.
Lorsqu’il est confronté à l’impact de la décision de la Cour suprême, le gouvernement libéral est déterminé à s’en tenir à ses points de discussion en disant au Parlement et aux Canadiens inquiets que nous n'avons pas à redouter que les auteurs de massacres bénéficient d’une libération conditionnelle, car cette possibilité est extrêmement rare. Cela signifie en fait que ce gouvernement est disposé à faire subir aux familles touchées un processus de libération conditionnelle qui les revictimise et les retraumatise, même si, en fin de compte, ce n’est que de la poudre aux yeux parce que, selon le gouvernement, nous n'avons qu'à avoir l'assurance que les massacreurs ne seront pas libérés de toute façon.
Dans son jugement, la Cour suprême du Canada a déclaré: « Une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité réaliste de libération conditionnelle présuppose que le contrevenant est irrécupérable et que sa réhabilitation est impossible. Cette peine est dégradante et incompatible avec la dignité humaine. Elle constitue une peine cruelle et inusitée. »
Ce que la Cour dit ici, c’est que le fait de garder les auteurs de massacres derrière les barreaux pendant un nombre d’années qui reflète de manière adéquate, selon ce qu'un juge a déjà décidé, la gravité de leurs crimes équivaut à une « peine cruelle et inusitée ». Personnellement, comme beaucoup d’autres, je pense et je crois que la véritable peine cruelle et inusitée, c'est de faire subir aux familles des victimes une audience de libération conditionnelle tous les deux ans pour le reste de leur vie, et que le gouvernement fédéral a le devoir et la responsabilité de répondre à la décision de la Cour, ce qu’il n’a pas fait et n’a manifesté aucune intention de faire.
Essentiellement, la Cour suprême a également statué le 13 mai qu’il suffit de s’enivrer pour échapper à une condamnation pour un crime grave. Nous avons appelé le gouvernement à réagir aussi à cette décision et nous attendons avec impatience le débat qui s'ensuivra. Le fait que la Cour suprême ait rendu ces décisions ne signifie pas que c’est la fin. Ce que cela signifie, c’est qu’un débat et un dialogue doivent avoir lieu, et que c’est à nous maintenant de jouer. C’est à nous de traiter ces décisions au Parlement. Les libéraux peuvent maintenant créer une loi qui répond aux décisions de la Cour suprême, et cette loi peut servir à faire en sorte que les victimes et les survivants ainsi que leurs familles peuvent vivre dans un pays où ils sont également protégés et respectés par notre système juridique.
Le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges, est un pas dans la bonne direction. Je tiens à souligner qu’il reste encore beaucoup, beaucoup de choses à faire pour que le système juridique soit juste et équilibré pour tous.
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Madame la Présidente, enfin, la réforme du processus d'examen des accusations d'inconduite des juges — que cet examen conduise ou non à la révocation — est demandée depuis déjà plusieurs années. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un tel projet de loi est déposé devant la Chambre des communes. Le Conseil de la magistrature lui-même le demande. Si on peut maintenant en terminer avec cet exercice législatif, c'est l'ensemble des acteurs du système judiciaire et toute la population qui y trouvera son compte. Le système judiciaire est le pilier de toute société aspirant à vivre, à s'épanouir et à évoluer en paix. Sans système de justice, c'est l'anarchie, œil pour œil, dent pour dent.
Personne ne souhaite l'abolition des tribunaux. Au contraire, tout le monde veut pouvoir s'y fier pour régler les différends qui nous occupent. Idéalement, régler tous nos différends. Pour y arriver, il est essentiel d'y désigner des juges dont la crédibilité et le professionnalisme sont sans tâche. La première étape pour y arriver est bien sûr de s'assurer d'avoir un processus de nomination efficace et non partisan. J'y reviendrai.
Il faut aussi s'assurer qu'en tout temps, après sa nomination, chaque juge est assujetti à des règles de conduite éthiques qui suscitent l'adhésion de l'ensemble des justiciables. Enfin, il faut s'assurer que, en cas d'inconduite, un processus fiable et efficace permet d'examiner et, le cas échéant, de sanctionner équitablement la conduite du fautif.
Il faut quand même admettre que le processus d'examen en place figure parmi les plus enviables au monde. Nous ne partons pas de zéro et il s'en faut. Pour avoir moi-même participé à des échanges avec des barreaux d'autres juridictions en Europe et ailleurs, je peux dire que ce qui se passe ici au Québec et au Canada fait l'envie de nombreuses autres sociétés dites démocratiques.
Cela dit, des exemples récents nous amènent à nous questionner et à réfléchir à un nouveau processus amélioré qui permettrait d'éviter les dérapages. Qu'il faille étirer un processus pendant des années avant d'avoir épuisé les recours en révision et en appel, quand le principal intéressé continue de toucher sa rémunération et ses avantages sociaux, dont souvent un généreux fonds de pension, et que ces frais sont assumés par l'ensemble de la populatio, n'est sûrement de nature à maintenir la confiance dans le système judiciaire.
Bien sûr, il est tout aussi important que les juges faisant l'objet d'une plainte puissent faire valoir leur point de vue, se défendre, faire valoir leurs droits, comme tout autre citoyen. Le processus doit quand même être équitable et ne pas favoriser indûment celui ou celle qui est coupable d'inconduite et cherche à en abuser. En ce sens, le projet de loi répond à nos attentes et devrait susciter notre adhésion comme celui de toute la population. Je ne peux que m'en réjouir et, oui, espérer qu'on s'attaque maintenant à l'autre processus tout aussi essentiel, celui des nominations.
N'est-il pas en effet souhaitable que le gouvernement s'écarte enfin de la partisanerie politique au moment où il désigne les nouveaux magistrats?
La « libéraliste » si chère à ce gouvernement a-t-elle encore sa place dans le processus de sélection? On en a fréquemment parlé à la Chambre. Il va falloir y revenir.
La sélection finale à partir de ce qu'il est convenu d'appeler la courte liste, ou short list dans la langue choyée et communément parlée dans ce Parlement, ne pourrait-elle pas être faite par un comité formé d'un représentant de chacun des partis reconnus? Des représentants de la population ou des ordres professionnels pourraient-ils aussi y participer? Il y a certainement matière à réflexion.
Nous sommes mûrs, à mon avis, pour ce nouvel exercice de révision. Le Bloc québécois le réclame depuis déjà belle lurette et nous continuerons de le demander. Le projet de loi C‑9 met possiblement la table pour nous inviter à y réfléchir sérieusement. Le aura-t-il le courage nécessaire pour le proposer? J'aime croire que oui. Le cas échéant, je l'assure d'ores et déjà de notre totale collaboration.
D'ici là, souhaitons que la réforme du processus d'examen des plaintes que nous propose le projet de loi C‑9 renforce la confiance du public dans son système judiciaire.
Je dis bien « son système judiciaire », car il ne faut jamais oublier que le système judiciaire appartient effectivement au peuple et que c'est à ce dernier qu'il doit rendre des comptes. Nous ne sommes que les garants de l'efficacité de ce système.
Je n'ai pas l'intention de refaire ici le processus qui a mené à la démission relativement récente d'un juge de la Cour supérieure dont le processus d'examen n'avait, semble-t-il, à la lumière des nombreux appels et contestations dont il fut l'objet, aucun espoir de conclusion avant que ne lui soient assurés les avantages pécuniaires que lui garantissait sa fonction. Cependant, force est d'admettre que nous ne pouvons pas laisser planer cette espèce de détestable impression, bien fondée ou non, de non-responsabilité et de malhonnêteté. Nous devons assumer nos responsabilités et nous assurer que la population ne doute jamais de la crédibilité, de la bienveillance et de l'efficacité de ses tribunaux.
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Madame la Présidente, c'est un plaisir de prendre la parole ce matin au sujet du projet de loi .
En révisant le projet de loi, je me suis rendu compte que ce n'était pas la première fois que je m'y attardais. Je me rappelle être en voiture sur la 417, au printemps, et écouter le discours à la Chambre sur le projet de loi du sénateur Dalphond, pour qui j'ai un très grand respect et que je me plais encore à appeler « M. le juge ».
Je réalise que le projet de loi S‑5 est mort au Feuilleton en raison du déclenchement des élections. Si je devais prendre la parole sur le projet de loi C‑9 au printemps et que je ne l'ai pas fait, cela montre qu'il y a peut-être eu un peu de retard dans le calendrier législatif. C'est la seule critique que je me permettrai de faire aujourd'hui. Pour le reste, je suis particulièrement satisfaite tout au moins de l'esprit du projet de loi que nous étudions, comme l'est d'ailleurs le Conseil canadien de la magistrature, qui soutient abondamment l'exercice.
Nous en parlons aujourd'hui: un des piliers, une des pierres d'assise du projet de loi, c'est l'importance d'avoir une séparation des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif. C’était déjà le cas depuis 1971, avec la création du Conseil canadien de la magistrature, qui était responsable de l'examen des plaintes. Cela est maintenu dans le projet de loi .
Pour assurer cette séparation des pouvoirs, on maintient aussi l'amovibilité des juges, comme le prévoit la Loi constitutionnelle de 1867, au paragraphe 99(1): « [...] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes. »
Si on partait de ce principe précisément, cela pourrait donner l'impression qu'il y a une possibilité que le législatif et l'exécutif, c'est-à-dire ce qu'on fait au Parlement, aient un pouvoir sur la révocation des juges. Or justement, depuis 1971, le processus d'examen des plaintes passe par le Conseil canadien de la magistrature, qui doit émettre une recommandation au ministre de la Justice afin que le processus de révocation puisse suivre son cours. Cela fait une bonne cinquantaine d'années que le processus d'étude des plaintes existe.
Par rapport à ce qui se fait depuis 1971, on répond tout de même à certains besoins avec les améliorations qu'on peut voir dans le projet de loi C‑9. Dans ce cas de figure ci, on est en présence d'une situation où le mieux n'est pas l'ennemi du bien. On a parfois tendance à dire que si une chose fonctionne suffisamment bien, il ne faut pas nécessairement chercher la perfection. Ici, je pense que cela s'appliquait.
Il y a trois éléments essentiels que le projet de loi vient régler. Le premier de ces éléments est que le processus actuel est extrêmement long. Quand on regarde les nombreuses possibilités d'appels, de contrôles et de révisions judiciaires qui peuvent avoir lieu en cour de processus, on constate que l'évaluation d'une plainte peut durer extrêmement longtemps. Mes collègues en ont fait état. On en a eu malheureusement la preuve par l'exemple dans le cas d'un juge de la Cour supérieure que je ne nommerai pas, mais dont le processus d'étude a trainé de 2012 à 2021. De mémoire, 2021 est l'année où la décision a été rendue.
Comme le mentionnait mon collègue de Rivière-du-Nord, le problème est que, pendant tout ce temps-là, le juge continue à toucher rémunération et avantages sociaux et il continue à cotiser à son fonds de retraite. Cela peut être en soi un incitatif à multiplier certaines mesures dilatoires, à faire étirer le processus et à le trainer en longueur pour maintenir ces avantages financiers.
Avec le projet de loi actuel, on apporte certaines modifications. Il y a notamment — à même le processus — la création d'un comité d'appel, la dernière instance avant la Cour suprême à laquelle un juge fautif peut s'adresser. On évite donc de passer par la Cour supérieure, la Cour d'appel et, par la suite, la Cour suprême, si elle accepte évidemment d'entendre l'appel. On donne un régime minceur au processus.
Sous l'actuelle version de la loi, comme mes collègues en ont parlé, les juges reçoivent encore leur traitement et leurs avantages. Avec le paragraphe 126(1) de la nouvelle loi, on remédie à cette situation:
Aux fins du calcul d'une pension dans le cadre de la partie I, si le comité d'audience plénier conclut que la révocation du juge en cause est justifiée, la date correspondant au jour suivant celui où la décision lui est notifiée est celle qui est utilisée pour déterminer son ancienneté et son dernier traitement, sauf dans l'un ou l'autre des cas des suivants: a) la décision est annulée par une décision de la Cour suprême du Canada [...]; b) […] le ministre indique qu'aucune action ne sera prise en vue de la révocation du juge; c) la question de la révocation du juge est présentée à l'une ou l'autre des chambres du Parlement, ou aux deux, et l'une ou l'autre la rejette.
Donc, il n'y aura pas de traitement pendant cette période pour un juge qui est reconnu fautif.
Une autre lacune de la version précédente du projet de loi, c'est qu'il n'y avait pas de demi-mesure, par exemple, pour des infractions de niveau moindre, pour ainsi dire. C'était tout blanc ou tout noir. Le comité n'avait que la possibilité d'émettre une recommandation de révocation ou de ne pas en émettre. Entre les deux, tout ce qui pouvait être fait, c'était de négocier à la pièce, avec le juge, des mesures disciplinaires quelconques. Or le juge avait toute la latitude pour dire qu'il ne voulait rien savoir parce que ce n'était pas une mesure coercitive.
On est venu, avec le processus actuel, remédier à la situation. À partir du moment où on a examiné la plainte, qui peut être fondée sur des éléments écrits qui ont été présentés au comité, le comité peut imposer des mesures de réparation s'il décide de ne pas pousser plus loin le processus parce qu'il ne s'agit pas d'un motif qui devrait ouvrir la porte à une révocation.
Le comité d'examen peut ordonner au juge, par exemple, de suivre des cours de perfectionnement professionnel ou l'obliger à présenter des excuses, et cela peut aider, dans certains cas, à remédier de façon plus efficace à une situation si on considère que le juge est ouvert à ce que certaines sanctions soient appliquées. C'est peut-être suffisant, dans certains cas, pour éviter de pousser plus loin un processus de plainte en bonne et due forme et une audience publique qui peut être longue et coûteuse.
Parmi les possibilités prévues par le nouveau projet de loi, il y a celle, pour le conseil, d'exprimer des préoccupations publiquement ou confidentiellement. Il y a une certaine transparence dans le processus. Par ailleurs, il peut donner un avertissement public ou confidentiel, prononcer une réprimande publique ou confidentielle ou ordonner au juge de s'excuser. Comme je le mentionnais dans ma question au député de , la seule chose qui est un peu particulière, c'est une des mesures prévues à l'article 102:
g) avec le consentement du juge en cause, prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée dans les circonstances.
Ce seront peut-être des questions à poser lorsque le dossier sera renvoyé au comité pour étude après la deuxième lecture du projet de loi, s'il passe cette étape, ce qui ne devrait pas être un problème. Par exemple, pourquoi le consentement du juge est-il requis? Pourquoi les victimes ne sont-elles pas impliquées dans le choix de la sanction qui peut être imposée en cas d'infraction de nature un peu moins grande que celle qui ouvre la porte à une révocation?
Une autre chose que le projet de loi vient régler, c'est le fait que le processus est particulièrement lourd. À l'époque, avec la constitution du Conseil canadien de la magistrature, c'est le Conseil lui-même qui devait faire la recommandation au ministre pour la révocation d'un juge. Cela faisait en sorte qu'il y avait un premier comité qui étudiait le dossier, puis un autre comité qui, ensuite, s'il recevait la plainte, devait la passer au Conseil canadien de la magistrature lui-même. Cela mobilisait environ 17 juges en chef ou juges en chef adjoints des tribunaux qui n'étaient pas déjà dans le processus. C'était de l'énergie qu'on ne pouvait pas consacrer à régler des problèmes courants dans les tribunaux, et ce n'était pas un exercice qui aidait nécessairement à assurer une équité procédurale aux juges. Donc, on vient régler cela. C'est le comité d'examen lui-même qui peut maintenant faire la recommandation au ministre de démettre un juge de ses fonctions. Donc, on vient un peu court-circuiter un processus qui n'était pas nécessaire et qui ne garantissait aucune équité procédurale.
Avec tout cela, on vient quand même améliorer beaucoup le processus. Cependant, comme mon collègue de en a fait état, ce n'est pas la seule solution qui permettrait d'assurer une meilleure impression d'impartialité de la part du système de justice et une meilleure séparation entre le législatif et l'exécutif et le judiciaire.
Je pense qu'il est pertinent de considérer également la révision du processus de nomination des juges, ce que le Bloc québécois a appelé à faire à plusieurs reprises, en proposant, par exemple, la création d'un comité spécial transpartisan qui serait chargé de recommander un nouveau processus de sélection. Donc, je me permets d'espérer. Tout comme mon collègue, je crois en la bonté de la nature humaine et en sa capacité à faire de bonnes choses, avant de finalement, parfois, être déçue moi aussi. Je tends encore la perche à bon entendeur. J'invite le gouvernement à déposer un projet de loi qui permettra de revoir le processus de nomination.
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Madame la Présidente, je parlerai de la teneur du projet de loi dans un instant, mais j’aimerais d’abord expliquer comment nous en sommes arrivés ici, un processus qui illustre bien selon moi l’état de désarroi dans lequel se trouve le gouvernement en cette 44
e législature. Certains jours, j’ai parfois l’impression que les libéraux ne s’attendaient pas vraiment à gouverner après les dernières élections.
Le projet de loi était essentiellement prêt à être adopté bien avant la pandémie. Pour des raisons inconnues, le gouvernement a décidé de le présenter au Sénat le 25 mai 2020. Il s'agissait du projet de loi , et il est mort au Feuilleton lorsque les élections inutiles de 2021 ont été déclenchées. Puis, le leader du gouvernement au Sénat l’a présenté de nouveau sous la forme du projet de loi le 1er décembre 2021. Après un différend sur la question de savoir si le projet de loi pourrait être présenté au Sénat, car il nécessiterait une recommandation royale pour permettre au Conseil de la magistrature d’engager des dépenses en vertu du projet de loi, ce dernier a été retiré du Sénat le 15 décembre 2021 et présenté de nouveau comme projet de loi d’initiative ministérielle, le , à la Chambre le 16 décembre 2021, si les députés ont bien réussi à me suivre.
Malgré le désarroi du gouvernement libéral, ce projet de loi semble être demeuré une priorité pour celui-ci, puisqu’il a été inclus dans la lettre de mandat de décembre 2021 du . Dans cette lettre, le demandait au ministre de la Justice d’« obtenir le soutien nécessaire afin d’assurer l’adoption rapide des réformes du processus disciplinaire de la magistrature dans la Loi sur les juges pour veiller à ce que le processus soit équitable, efficace et efficient et suscite une plus grande confiance à l’égard du système judiciaire ».
Je suis bien d’accord, et il ne fait aucun doute que nous avons un travail important à faire pour améliorer le processus de traitement des plaintes contre les juges fédéraux. Cependant, nous en arrivons à la question des priorités des libéraux et de leur efficacité pour ce qui est de régler rapidement les crises urgentes au sein du système de justice. Nous en arrivons aussi, bien sûr, au problème de l’obstruction persistante des conservateurs, dans leur rôle d’opposition officielle en cette session parlementaire.
Bien que je sois déçu que le gouvernement ait choisi de rejeter le projet de loi d’initiative parlementaire du député de , qui aurait décriminalisé la possession de petites quantités de drogues à des fins personnelles, nous avons réalisé certains progrès dans la lutte contre la crise des opioïdes. Poussés à agir par le vote imminent sur ce projet de loi d’initiative parlementaire, les libéraux, après des mois de retard, ont finalement accordé une exemption provisoire aux dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour la Colombie‑Britannique. Ils ont décriminalisé la possession de petites quantités de drogues à des fins personnelles pour les trois prochaines années.
C’est une bonne chose, mais on se demande pourquoi il faut attendre encore six mois. Ce retard risque de nous faire surpasser, en 2022, le triste record de décès par surdose en Colombie‑Britannique établi en 2021. En outre, pourquoi s'arrêter à la Colombie‑Britannique? L’épidémie de décès attribuables à l’approvisionnement en drogues toxiques fait des ravages dans toutes les régions du pays, tant urbaines que rurales. L’adoption du projet de loi nous aurait permis d’appliquer les outils que nous savons efficaces à l’heure actuelle, soit la décriminalisation de la possession de petites quantités de drogues à des fins personnelles et la garantie d’un approvisionnement sécuritaire de drogues pour les personnes qui souffrent de toxicomanie. Le projet de loi C‑216 aurait apporté une modification permanente à la loi pour garantir que la toxicomanie soit traitée comme un problème de santé plutôt que comme un crime.
La crise urgente à régler est, bien sûr, celle du racisme systémique dans le système de justice pénale du pays. L’incarcération disproportionnée des Canadiens autochtones et noirs en est la preuve la plus accablante. Tous les députés sont maintenant conscients du fait choquant que les Autochtones sont au-delà de six fois plus susceptibles que les autres Canadiens de se retrouver en prison, et les Canadiens noirs, de leur côté, le sont deux fois plus. Le plus troublant, je crois pour nous tous, est le fait que dans les établissements fédéraux, 50 % des femmes incarcérées sont autochtones, alors que celles-ci représentent moins de 5 % de la population.
Bien sûr, l’injustice ne se limite pas à l’incarcération, car il y a aussi les séquelles du casier judiciaire qui en résulte. Non seulement les Canadiens autochtones et racialisés sont ciblés de manière disproportionnée dans le cadre d’enquêtes, de poursuites, d’amendes ou de peines d’emprisonnement, mais les habitants les plus marginalisés du pays se retrouvent aussi avec des casiers judiciaires. Ces casiers judiciaires rendent presque impossible pour eux de se trouver un emploi, limitent fréquemment leurs chances d’accéder à un logement abordable, voire d’accéder à un logement locatif ordinaire — en raison de la vérification des antécédents judiciaires —, les empêchent de faire du bénévolat auprès d’enfants ou de personnes âgées, restreignent leurs possibilités de voyage et rendent même difficile pour eux d’obtenir un prêt bancaire ou une hypothèque.
La bonne nouvelle est qu’avec l’adoption du projet de loi , hier, nous avons pris des mesures pour lutter contre le racisme systémique dans le système judiciaire canadien. Dès que le Sénat l’aura aussi adopté, 20 peines minimales obligatoires, notamment celles en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui frappaient très durement les Canadiens autochtones et racialisés et qui ont grandement contribué à leur taux d’incarcération excessif, seront éliminées.
Encore une fois, nous aurions aimé voir des mesures plus audacieuses, comme l’élargissement des principes énoncés dans Gladue pour donner aux juges la latitude de ne pas imposer les autres peines minimales obligatoires non plus lorsqu’elles seraient injustes pour les Canadiens autochtones ou racialisés en raison de leur situation. Malheureusement, cela n’a pas été inclus dans le projet de loi. D’aucuns pourraient se demander pourquoi je m’attarde tant sur ce sujet. C’est parce que c’est le pouvoir discrétionnaire des juges qui fera une grande différence pour permettre aux gens d’avoir confiance dans le système judiciaire.
Malgré l’image que certains pourraient avoir selon laquelle les députés ne collaborent jamais au Parlement, les membres du comité de la justice ont bien travaillé ensemble. Cet esprit de collaboration a rendu possible l’adoption de mon amendement au projet de loi , qui prévoit l’élimination d’ici deux ans des casiers judiciaires pour possession de drogues à des fins personnelles grâce à un processus de retrait automatisé. Concrètement, cela signifie que ces casiers n’apparaîtront plus lors des vérifications des antécédents judiciaires.
Aujourd’hui, nous passons au débat sur le projet de loi . Enfin, diront certains députés, j’en viens à la teneur de ce projet de loi. C’est un projet de loi visant à réformer le processus de traitement des plaintes contre les juges fédéraux. Comme je l’ai dit, il est important dans notre système de maintenir la confiance du public envers ces juges. S’agit-il d’une crise? Manifestement non. Est-ce aussi urgent que de décriminaliser les drogues ou d’éliminer le racisme systémique dans notre système judiciaire? Manifestement non. Est-ce aussi important? Je dirais qu’en fait, ce l’est, car la confiance dans l’intégrité de notre système judiciaire fait partie intégrante du destin de notre démocratie, surtout en ces temps difficiles. Nous devons avoir confiance dans l’intégrité du système judiciaire, et cela signifie dans les juges eux-mêmes. Nous devons donc faire mieux pour ce qui est de la responsabilisation des juges, mais nous devons le faire de manière à respecter leur indépendance fondamentale et à protéger le système contre l’ingérence gouvernementale et politique.
Le projet de loi propose des moyens d’y parvenir et, comme je l’ai mentionné au début, des mesures sont prêtes depuis très longtemps à cet égard. Pouvons-nous faire mieux en ce qui a trait à la responsabilisation des juges? Oui, nous le pouvons, mais il a fallu bien plus de deux ans au gouvernement pour que ce projet de loi soit présenté à la Chambre aujourd’hui, et bon nombre des idées qu’il contient ont été proposées pour la première fois dans des rapports de l’Association du Barreau canadien dès 2014. Certaines sont apparues dans des projets de loi d’initiative parlementaire déposés à la Chambre dès 2017; il est donc plus que temps de se mettre au travail sur ce projet de loi.
Je veux faire une brève distinction concernant ce dont nous parlons réellement. Nous ne parlons pas des erreurs de droit qui se produisent de temps à autre dans les tribunaux fédéraux. Il existe un recours clair pour ce genre d’erreurs, et c’est le processus d’appel. Nous parlons plutôt de l’incapacité des juges de nomination fédérale à respecter les normes élevées qui ont été fixées pour eux et que nous devrions naturellement exiger d’eux, et ce, qu’il s’agisse de leur conduite personnelle ou du maintien de leur impartialité sur le banc.
Je dois dire d’emblée que le bilan canadien est remarquablement bon en ce qui concerne les cas d’inconduite grave justifiant la révocation d’un juge. Dans l’histoire du Canada, le Conseil canadien de la magistrature n’a recommandé la révocation que de cinq juges de nomination fédérale. Quatre d’entre eux ont démissionné avant que le Parlement ne puisse traiter leur cas, et le cinquième avant que le Parlement ne puisse prendre des mesures. Je laisse à d’autres le soin de juger si ces juges ont démissionné avant d’être révoqués dans le seul but de protéger leur pension, ce qui a été allégué, ou simplement pour éviter la stigmatisation associée au fait d’être le premier juge fédéral ayant fait l'objet d'une révocation par le Parlement.
Laisser le processus entre les mains des juges eux-mêmes est probablement nécessaire, car il s’agit d’une caractéristique à la fois clé et cruciale de notre système actuel. C’est celle qui garantit que les gouvernements ne peuvent influencer les décisions des juges en menaçant de les démettre de leurs fonctions. Les plaintes concernant les juges de nomination fédérale sont traitées par le Conseil canadien de la magistrature, qui est composé des 41 juges en chef et juges en chef adjoints des cours de nomination fédérale.
Le Conseil canadien de la magistrature est présidé par le juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui constitue un comité chargé d’examiner les plaintes. Si une plainte est jugée fondée initialement, un comité de trois juges l’examine et décide soit de la rejeter, soit de ne pas recommander d’autres mesures parce que l’inconduite ne justifie pas la révocation du juge, soit encore de tenir une enquête publique. Là encore, cette dernière possibilité est relativement rare, puisque seules 14 enquêtes ont été menées au cours des 40 dernières années.
S’il y a enquête, le comité transmet ses conclusions à l’ensemble du Conseil de la magistrature, ainsi qu’une recommandation sur la révocation éventuelle. Si la révocation est recommandée, le juge a le droit d’interjeter appel auprès d’un comité d’appel et, au besoin, d'en interjeter d'autres. La Cour suprême du Canada peut choisir d’instruire l’appel directement, mais la procédure actuelle prévoit que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale instruisent l’appel avant que la Cour suprême du Canada n'en soit saisie. Cela semble inutilement compliqué et entraîne des retards indus. Le projet de loi réglerait le problème, car si le système actuel fonctionne dans les cas de comportement judiciaire les plus graves, le processus est long et fastidieux.
Le projet de loi remédierait également à la principale lacune du processus actuel, à savoir qu’il s’est révélé largement inefficace pour traiter les cas de mauvaise conduite qui ne seraient pas assez graves pour justifier la révocation. C'est un fait: il n’y a qu’un seul remède possible dans le processus actuel, c'est-à-dire la révocation. Les fautes graves, bien que rares, ne sont pas difficiles à repérer, car elles comportent toujours une violation de la loi par le juge concerné ou la corruption pure et simple.
Les plaintes moins graves pour mauvaise conduite portent presque toujours sur la question de l’impartialité. Quel serait un exemple de cette mauvaise conduite moins grave? Une affaire survenue en Saskatchewan en 2021 en est un bon exemple. Cinq plaintes ont été reçues au sujet d’un juge qui est apparu sur des photos avec un groupe indirectement lié à une affaire dans laquelle, bien qu’il ait terminé les audiences, il n’avait pas encore rendu son jugement.
Le juge en question a reconnu qu’il s’agissait d’une erreur grave de sa part et que cela pouvait avoir une incidence négative sur la perception de son impartialité dans l’affaire dont il était saisi. Les plaintes n’ont pas été retenues, car presque personne ne pensait que le juge devait être révoqué, et il avait promis que cela ne se reproduirait plus. En vertu des dispositions actuelles, aucune mesure n’aurait pu être prise si le juge avait contesté les allégations, si ce n’est de recommander sa révocation pour avoir figuré dans une photographie.
Le projet de loi prévoit des mesures correctives supplémentaires autres que la seule option actuelle, qui est la révocation. Le projet de loi propose le renvoi des plaintes à un comité de révision composé de trois juges, qui pourrait conclure que la révocation est justifiée. Le comité de révision pourrait ensuite renvoyer la plainte à un comité d’audience plus important composé de cinq juges. À l’étape de la révision, toutefois, le comité de révision pourrait toujours rejeter la plainte ou imposer des mesures de redressement autres que la révocation.
Que retireraient les Canadiens de ces changements? Avant tout, ils gagneraient une plus grande confiance dans la magistrature qui serait en meilleure posture grâce à un processus à la fois plus rapide et mieux en mesure de traiter efficacement les plaintes moins graves. Cela devrait contribuer à empêcher le système judiciaire de tomber dans le discrédit et à préserver la confiance très importante dans l’impartialité de la magistrature.
Le projet de loi pourrait en fait permettre d’économiser l’argent des contribuables dans les cas d’allégations d’inconduite de la part de juges fédéraux, car le processus actuel peut s’étendre sur des années. Il faut souvent jusqu’à quatre ans pour résoudre les cas d’inconduite grave. Le projet de loi C‑9 accélérerait ce processus en supprimant les deux niveaux d’appel des tribunaux que j’ai mentionnés.
En même temps, il pourrait y avoir une augmentation des coûts pour traiter les allégations moins graves, car il y aurait plus d’options disponibles qui sont actuellement rejetées au début du processus. L’avantage ici est que les cas moins graves ne seraient plus simplement rejetés, et qu’il serait possible d’obtenir des sanctions comme forme de réparation.
En fin de compte, et après avoir entendu le débat aujourd’hui, je crois que le projet de loi devrait s’avérer relativement peu controversé. L’Association du Barreau canadien a participé aux consultations menées par le conseil judiciaire lors de la rédaction du projet de loi du Sénat au cours de la législature précédente. Il y a eu une consultation plus large qui portait sur des mesures visant à clarifier les attentes quant à ce qui constitue une « bonne conduite » pour les juges fédéraux, qui sont en grande partie établies dans les règlements. Le projet de loi C‑9 réforme simplement le processus de traitement des juges qui ne respectent pas ces normes.
Le projet de loi exigerait également plus de transparence en ce qui concerne la façon dont les plaintes sont traitées. Le Conseil canadien de la magistrature est responsable de l’administration de ce processus, et le projet de loi C‑9 exigerait que le conseil inclue le nombre de plaintes reçues et la façon dont elles ont été résolues dans son rapport public annuel.
En conclusion, les néo-démocrates appuient la modernisation du processus de traitement des plaintes contre les juges nommés par le gouvernement fédéral, et nous appuyons l’ajout de solutions de rechange à la seule option actuelle de révocation. Le projet de loi permettrait des sanctions variées comme des séances de thérapie, de la formation continue et d’autres formes de réprimandes. Les néo-démocrates appuient la rationalisation et la mise à jour du processus de traitement des plaintes contre les juges nommés par le gouvernement fédéral. Ce processus n’a pas été mis à jour depuis 50 ans. Il est temps de mettre en place un système de plaintes moderne pour un système judiciaire actualisé, qui contribuera à accroître la confiance du public dans les juges fédéraux.
Le projet de loi donne l’occasion aux parties de travailler ensemble pour mettre en place une réforme importante, car c’est un autre exemple de choses qui n’ont pas été faites plus tôt en raison de l’élection inutile de 2021. Nous devrions faire en sorte que cela soit fait afin de pouvoir porter notre attention sur les problèmes graves qui subsistent dans notre système judiciaire et sur la crise des opioïdes, qu'il vaudrait mieux voir comme une question de santé que comme une question judiciaire. J’espère que le projet de loi progressera rapidement à la Chambre et à l’autre endroit.
:
Monsieur le Président, à l'approche de la fin de la session parlementaire, je veux prendre un moment pour remercier ma famille, mon personnel, tous les habitants de Halifax-Ouest et tous ceux qui m’ont soutenue et qui continuent de faire en sorte que je m'acquitte le mieux possible de mes fonctions.
[Français]
Je voudrais mentionner que je vais partager mon temps de parole aujourd'hui avec le député de .
[Traduction]
Je suis heureuse de me joindre à mes collègues aujourd’hui pour appuyer le projet de loi , qui propose des réformes au processus actuel d’examen des allégations d’inconduite contre les juges fédéraux.
Le rôle occupé par la magistrature dans notre système de gouvernement est unique. Si un juge, dans l’exercice de ses fonctions, interagit avec d’innombrables membres du public, l’inverse n’est pas vrai. La plupart des personnes qui ne font pas partie de la profession juridique auront peu de contacts directs avec les juges dans les salles d’audience au cours de leur vie, mais pour les personnes qui comparaissent devant un tribunal, ce processus est susceptible de constituer un événement majeur dans leur vie. Le comportement du juge chargé de leur affaire façonnera l’impression que la personne en cause aura du système judiciaire dans son ensemble. Pour les personnes qui se présentent devant les tribunaux en quête de justice ou dont la liberté est sérieusement menacée, il n’est pas exagéré de dire que le juge représente l’incarnation des valeurs d’intégrité et d’impartialité que notre système judiciaire est censé défendre.
[Français]
De nombreuses personnes ne voient également les juges qu'à distance, à travers la couverture d'affaires importantes et de controverses. Bien que le Canada jouisse d'un haut degré de respect pour sa magistrature et l'administration de la justice en général, des soins et des efforts constants sont nécessaires pour préserver cette réalité.
[Traduction]
Tout comme l’inconduite d’un juge à l’égard d’une personne peut avoir de graves répercussions sur elle, les allégations d’inconduite d’un juge peuvent aussi avoir de graves répercussions sur la confiance du public. Les plaintes contre des juges canadiens sont rares, surtout celles suffisamment graves pour entraîner leur destitution. Lorsque cela arrive, cependant, ces allégations attirent l’attention du public précisément parce que ces conduites s’écartent radicalement de la norme. Le public a le droit de savoir que ces allégations sont prises au sérieux et traitées dans le cadre d’un processus qui reflète les grands idéaux de notre système de justice. Les Canadiens doivent savoir que le système judiciaire est équitable pour tous, y compris pour les juges. C’est précisément le sujet que j’aimerais aborder avec mes collègues aujourd’hui.
Les mécanismes d’examen de la conduite des juges doivent être fondés sur les réalités constitutionnelles relatives au rôle de la magistrature. L’indépendance judiciaire protège les juges de toute influence extérieure, réelle ou perçue, dans l’exercice de leurs fonctions. C'est absolument essentiel pour que l’arbitrage des cas soit impartial et juste et qu’il soit perçu comme tel.
La menace de réprimande personnelle ou de destitution de leur fonction pour des conduites ou des décisions qui peuvent être contraires aux préférences des personnes qui exercent le pouvoir politique constitue une forme d’influence contre laquelle les juges sont protégés. C’est pour cette raison que la Cour suprême du Canada a statué que l’examen des allégations relatives à la conduite des juges, même s’il est essentiel pour préserver la confiance du public dans son propre droit, doit être contrôlé et dirigé par la magistrature elle-même. De plus, les mécanismes de cet examen doivent permettre au juge concerné d’être entendu pleinement et équitablement.
Une fois qu’un processus juste et sous la gouverne d’un magistrat aboutit sur une recommandation visant à déterminer si un juge doit être destitué, notre grande Constitution nous confère cette responsabilité à nous, les parlementaires. Il nous revient donc de déterminer si nous destituerons le juge en adressant une demande au gouverneur général. Le fait que ce pouvoir n’ait encore jamais été exercé témoigne de la rigueur de notre magistrature et du respect que la Chambre porte au caractère sacré de l’indépendance judiciaire. L’exercice de ce pouvoir doit en effet être réservé à des situations de véritable nécessité, par exemple, lorsqu’un juge refuse de quitter ses fonctions après qu’il a été établi de façon crédible que sa conduite met en péril la confiance du public dans l’administration de la justice.
[Français]
Pour avoir la certitude absolue que l'exercice de ce pouvoir est justifié, le Parlement doit savoir qu'une enquête menée par un juge sur la conduite d'un autre juge a été efficace, impartiale et approfondie. Cela implique de s'assurer qu'une équité irréprochable a été accordée au juge visé. Cela touche au cœur même des amendements dont nous sommes saisis aujourd'hui.
[Traduction]
Il est urgent de moderniser et de réformer l’actuel processus d’examen de la conduite des juges, tel qu’il est énoncé dans la Loi sur les juges et mis en œuvre par le Conseil canadien de la magistrature. Le Conseil a fait ce qu’il pouvait pour remanier le processus en apportant des changements à ses procédures, mais il reste encore beaucoup à faire, ce qui nécessite des modifications législatives. Comme mes collègues l’ont dit, l’une des principales préoccupations que suscite le mécanisme actuel est son manque d’efficacité, qui découle d’une structure rigide qui n’est pas facilement adaptable à l’examen de différents types de conduite judiciaire. Cela s’accompagne de coûts élevés en argent et en temps, et entame la confiance du public.
Même si l’intention visée est de garantir un traitement équitable à tout juge attaqué, le régime actuel peut plutôt éterniser des litiges, puisque chaque aspect du processus d’enquête est susceptible d’être contesté par l'intermédiaire d’un contrôle judiciaire et d’être aggravé par des appels interjetés auprès de multiples paliers de tribunaux, souvent pour des motifs peu fondés ou ayant une incidence sur l’intérêt public. Mes collègues en ont donné des exemples, et je ne les répéterai pas. Il suffit de noter que, comme les dossiers restent en suspens pendant longtemps et à grands frais, la confiance à l’égard de l’administration de la justice et de la magistrature en souffre.
L’équité procédurale accordée aux juges est nécessaire. En effet, elle est tout aussi importante que l’équité à accorder aux autres personnes entendues par les juges. Toutefois, l’équité procédurale peut être assurée d’une manière qui n’autorise pas le zèle accusatoire, les retards calculés et les répercussions négatives qui en découlent pour les Canadiens. Le Conseil canadien de la magistrature a lui-même reconnu que le statu quo est contraire à l’intérêt public. C’est maintenant à nous, législateurs, d’agir.
Le projet de loi propose une série de réformes visant à remanier le processus de traitement des plaintes pour inconduite d’un juge. Tous ces éléments ont été soigneusement conçus pour renforcer la confiance du public, étant entendu que cela exige indépendance et efficacité, ainsi qu’un degré élevé d’équité procédurale. L’atteinte de ces objectifs complémentaires favorisera en retour une plus grande confiance dans l’administration de la justice en général.
Le projet de loi améliorerait la polyvalence du processus de déontologie judiciaire par la création d’un comité d’examen chargé de traiter les cas les moins graves, c’est-à-dire les allégations d’inconduite qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier la révocation d’une personne. Cela permet d’introduire des éléments de réactivité et de nuance grâce à des options autres qu’une audience à grande échelle, ce qui épargne à la fois aux juges et aux plaignants la pression des audiences publiques accusatoires et la stigmatisation qu'entraînerait éventuellement la publication d’allégations non vérifiées. Un juge conserverait néanmoins le droit d’être mis au courant de toutes les allégations, d’y répondre de façon exhaustive et de bénéficier des conseils et de la défense d’un avocat compétent.
Étant donné que les audiences publiques sont très médiatisées et qu'elles entraînent nécessairement un examen minutieux, il est particulièrement important d'en assurer l'équité. Dans le cadre du nouveau processus, les allégations d’inconduite si graves qu’elles risquent de justifier une révocation seraient traitées par un comité d'audience composé de cinq membres. Ce comité comprendrait des représentants de la magistrature, de la profession juridique et du public, et les audiences se dérouleraient d'une manière semblable à celle d'un procès. On désignerait un avocat poursuivant pour présenter la preuve contre le juge, un peu comme le ferait un procureur au criminel. Le juge aurait droit à des occasions structurées de présenter des éléments de preuve et d’interroger un avocat. Ce processus garantirait que toutes les audiences soient tenues avec la même rigueur qu’une audience accusatoire et avec la même clarté qu’une procédure judiciaire.
Je doute que l’on puisse raisonnablement prétendre que les processus que je décris n’assureraient pas l’équité procédurale à un juge dont la conduite a été remise en question. Ils sont non seulement justes, mais ils sont exhaustifs et structurés et ils visent à appliquer la rigueur de notre système de justice aux allégations graves tout en permettant d’apporter des solutions plus humaines et efficaces si les allégations ne sont pas graves. Plus important encore, dans notre rôle de parlementaires, nous devons être sûrs que, le jour où nous devrons examiner une recommandation de révocation judiciaire, cette recommandation découlera d’un processus scrupuleux, juste et efficace.
Sur ce, je me ferai un plaisir de répondre aux questions de mes collègues.
:
Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi .
Ce projet de loi propose de réformer en profondeur un processus qui est essentiel à la confiance du public dans notre système de justice, à savoir les mécanismes utilisés pour examiner les allégations d'inconduite judiciaire.
S'il y a une catégorie de lois pour laquelle nous devrions obtenir le consensus et l'unanimité à la Chambre, ce serait celles qui portent sur notre système de justice.
[Traduction]
Depuis que je suis à la Chambre, je constate que les députés arrivent souvent à collaborer de manière non partisane sur des questions liées à la justice et j'en suis ravi. Je vais vous parler d’un cas survenu la semaine dernière.
Mon collègue de a proposé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à créer une exception à la règle du secret pour permettre aux jurés de parler à des professionnels de la santé mentale de ce qui s'est passé pendant leurs délibérations. Jusqu'à présent, le Code criminel l’interdit, ce qui pose problème quand un juré qui a été profondément perturbé ne peut consulter un professionnel de la santé mentale.
Au comité de la justice, nous avons entendu des jurés. Nous avons présenté une série de recommandations au cours de la 42e législature sur la façon dont nous devrions améliorer la vie des jurés. Mon collègue de a travaillé avec un collègue du Sénat. Ils ont présenté un projet de loi aux deux chambres qu’ils ont réussi à faire adopter à l'unanimité; c’est un projet de loi qui changera profondément la vie des jurés. Voilà comment nous devrions faire les choses plus fréquemment dans cette enceinte.
Ce projet de loi est un autre excellent exemple d'une grande collégialité. Il y a eu beaucoup de consultations et tous s’accordent à dire qu’il faut aller de l'avant. Je me fais l'écho des commentaires de ma chère amie de , selon lesquels nous devrions trouver un moyen d'adopter ce projet de loi avant la pause estivale.
Cela étant dit, l'une des choses qui me semblent vraiment importantes dans ce pays est le respect de nos institutions. D’excellents juges fédéraux ont été nommés au Canada, des personnes qui se sont grandement distinguées dans leur domaine. Lorsque les gens se présentent devant les tribunaux, ils doivent être assurés de se trouver devant des juges impartiaux et justes, capables de statuer équitablement sur leur cas. Il nous faut donc un processus auquel la population peut faire confiance pour les juges accusés de mauvaise conduite.
Il y a des choses dans ce pays que nous ne devrions pas remettre en question. Ainsi, nous ne devrions pas remettre en question la banque centrale. Nous ne devrions pas remettre en question non plus le système judiciaire. Nous devrions avoir une grande confiance envers ces institutions nationales, quelle que soit notre allégeance politique. Par conséquent, il nous incombe, comme parlementaires, de créer des lois qui inspirent cette confiance, et ce projet de loi y parvient de trois manières essentielles.
En ce qui concerne le premier point, je vais prendre l'exemple donné par mon ami d' plus tôt. Un juge est photographié avec des personnes parties à un procès entre le moment où il termine de juger l'affaire et celui où l'opinion est rendue publique. Cela ne justifie pas nécessairement la révocation à vie de ce juge et l’adoption d’une mesure législative par les deux chambres du Parlement pour le révoquer. Toutefois, à l'heure actuelle, le Conseil canadien de la magistrature ne dispose d'aucune sanction moins sévère que la révocation. Le projet de loi nous offre des solutions de rechange, comme de la formation, des excuses publiques et d'autres mesures qu'un juge peut prendre pour réparer un comportement qui ne justifie pas une révocation.
Deuxièmement, nous avons constaté une mauvaise utilisation du système. Des juges ont été accusés, mais ils sont très peu nombreux, parce que notre magistrature se compose de personnes très distinguées et d’excellente tenue. Je ne veux pas que ce que je dis dans ce discours soit considéré comme une insulte aux juges fédéraux, qui sont des personnes remarquables. Il y a toujours des gens qui sont accusés d'avoir commis et qui commettent bel et bien des actes répréhensibles. Il est ridicule que des personnes puissent s’accrocher pendant des années, appel après appel, jusqu'à ce qu'elles puissent toucher leur pension.
[Français]
Je suis très content que nous ayons maintenant un processus où il y aura un panel de trois ou cinq personnes en commençant, si la liaison est profondément troublante, qui peut être appelé directement à la Cour suprême du Canada. Il n'y aura donc pas d'appels à la Cour fédérale et à la Cour d'appel fédérale. Cela va aller beaucoup plus vite et je crois que c'est quelque chose de très important.
Il y a une autre chose qui est importante, c'est la transparence. Actuellement, il n'y a aucune obligation pour le Conseil canadien de la magistrature de faire un rapport annuel de toutes les plaintes qui ont été faites. Désormais, il aura une obligation annuelle de dire qu'il a reçu telles plaintes et d'expliquer la manière dont il a résolu ces plaintes. C'est aussi important pour la transparence.
[Traduction]
Je voudrais également mentionner qu’on a beaucoup discuté dans cette enceinte de l’importance des droits des victimes. Je me permets de dire que tous les partis et tous les parlementaires respectent profondément les droits des victimes et reconnaissent que ces personnes ont besoin de sentir qu'elles ont été servies équitablement par le système de justice. Il est très important de respecter les droits de l'accusé dans un procès criminel, mais il est également important de veiller à ce que les victimes soient prises en considération tout au long du processus.
Le processus qui serait mis en place serait plus rapide. Les personnes présumées victimes d'une inconduite attendraient beaucoup moins longtemps avant d’obtenir une décision finale. Cela aussi est important.
Je vais en quelque sorte lancer un appel. En particulier à la fin de la session, il y a souvent beaucoup de partisanerie et de colère, mais, tous ensemble, nous pouvons faire tellement de bien. Je le sais par expérience, ayant travaillé avec des collègues conservateurs, comme mon amie de , et mes collègues du NPD. J'ai souvent travaillé avec la députée d' ainsi que mon amie de et des députés du Bloc.
[Français]
Nous avons tous travaillé ensemble pour faire des choses constructives. Si nous utilisons la prochaine semaine pour adopter les projets de loi dont le caractère constructif fait consensus, je crois que nous allons accomplir beaucoup de choses. Je demande donc à mes collègues de la Chambre de trouver ensemble un moyen d'adopter ce projet de loi avant la fin juin. Je crois que ce serait une grande chose pour les Canadiens.
[Traduction]
Cela nous permettrait de montrer aux Canadiens, qui sont découragés par l’acrimonie qui règne ici parfois, que les parlementaires peuvent vraiment travailler ensemble et accomplir des choses. Il est très important de rétablir la confiance dans nos institutions nationales.
:
Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je suis heureuse de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui vise à créer un mécanisme de plainte pour les juges. Nous avons certainement entendu de tous les côtés aujourd’hui que tout le monde pense que c’est une excellente idée. Cela ne veut pas dire que les juges ne font pas un bon travail, car nous savons qu’il y a d’excellents juges dans ce pays qui travaillent fort, mais comme dans toute discipline professionnelle, il y a toujours quelque chose qui cloche.
Je me souviens que lorsque j’étais présidente du Comité permanent de la condition féminine, nous avons parlé de certaines choses qui se produisaient. Dans une affaire d’agression sexuelle, un juge a demandé à la plaignante: « Pourquoi n'avez-vous pas simplement serré les genoux? » Dans une autre affaire d’agression sexuelle, un autre juge a dit: « Elle était ivre » dans le taxi.
Rona Ambrose a présenté le projet de loi pour tenter de résoudre le problème des juges qui n’ont pas d’expérience en matière d’agression sexuelle et qui président ces affaires. Bien que ce projet de loi d’initiative parlementaire n’ait malheureusement pas été adopté, le gouvernement l’a ramené et nous l’avons adopté plus tôt au cours de la session. Cette mesure offrirait une formation aux juges et également aux avocats désireux de devenir juges. Voilà le genre de solution que nous souhaitons voir.
J'étais enchantée d’entendre le député de , qui vient de prendre la parole, préciser ce que ce projet de loi permettrait. Outre la solution extrême qui consiste à remercier un juge de ses services pour n’importe quel comportement faisant l’objet d’une plainte, il y a tout un éventail de possibilités, y compris des avertissements verbaux, des lettres d’avertissement, des excuses publiques, une formation et plusieurs autres options. C’est un aspect très positif de ce projet de loi.
Toutefois, je m’inquiète de l’état de la magistrature dans notre pays depuis l’élection du gouvernement libéral. J’ai été élue en 2015, et à cette époque, il manquait, je pense, une soixantaine de juges qui devaient être nommés. À cause de cela, et de l’arrêt Jordan, de nombreux meurtriers et violeurs ont été libérés parce qu’il n’y avait pas assez de juges pour s'acquitter de la tâche en temps voulu.
On a tenté de mettre un processus en place. Le gouvernement voulait augmenter la diversité des juges sélectionnés, ce qui est louable, car une diversité d'opinions et une représentation de la diversité de la population contribuent à assainir la démocratie et à faire respecter la règle de droit.
Malheureusement, le gouvernement a utilisé la base de données des collectes de fonds des libéraux pour déterminer qui dans le bassin d’avocats devait être choisi pour devenir juge. Il y avait aussi des événements bénéfices auxquels participait la ministre de la Justice de l’époque, ce qui a provoqué un grand scandale parce que les avocats payaient 500 $ pour la rencontrer parce qu'ils voulaient tous devenir juges. Nous savons que cela n’est certainement pas conforme aux règles touchant les conflits d’intérêts à la Chambre. Le scandale a duré un certain temps.
Il est important d’avoir une diversité de pensée chez les juges afin qu’ils puissent se surveiller les uns les autres. Si les gens dans un groupe pensent tous à l'unisson, cela peut être une mauvaise chose. Comme nous l’avons vu, certaines des décisions que la Cour suprême a rendues récemment ont suscité des inquiétudes partout au pays, par exemple celle qui dit que si une personne est en état d’ébriété, cela peut constituer une défense dans une affaire de meurtre, d'agression sexuelle, et cetera. La plupart des Canadiens rejetteraient cette idée et diraient non. La personne a elle-même choisi de continuer à boire ou à se droguer jusqu’à ce qu’elle soit intoxiquée, et il faut qu’elle assume la responsabilité de son comportement. Ces juges, tous ensemble, n’ont pas eu une diversité de pensée suffisante pour que l’un d’entre eux dise que cette décision n’est peut-être pas fondée.
Je dirais, d’un point de vue conservateur que, dans le cas des individus qui ont tué plusieurs personnes, les peines consécutives ont apporté un grand réconfort aux victimes. La décision de la Cour suprême à ce sujet en est un autre exemple. Le Parlement a le devoir d’examiner ces décisions et d'en discuter pour déterminer si c’est vraiment la direction que nous voulons prendre sur ces sujets. Le principal rôle des juges est d'assurer la primauté du droit dans notre pays.
Je suis très préoccupée par le fait que, depuis sept ans, il n'y a pas une plus grande observation de la primauté du droit. Nous voyons plus de gens commettre des crimes. La criminalité augmente, y compris les crimes commis avec des armes à feu et les crimes violents. Cependant, quand je regarde la réaction du gouvernement, j’ai l’impression que nous assistons à une érosion continue de la primauté du droit.
Le député qui a pris la parole précédemment a mentionné que je suis la première femme ingénieure à la Chambre, et nous avons une expression dans le monde de l’ingénierie au sujet d’une grenouille dans une marmite. La température de la marmite augmente graduellement jusqu’à ce que la grenouille finisse par bouillir, mais elle ne se rend pas compte que la température augmente parce que cela se fait trop lentement. Je dirais qu’en ce qui concerne la primauté du droit au Canada, la température augmente.
Nous avons eu le projet de loi , qui a réduit les peines à des amendes ou à moins de deux ans d'emprisonnement pour des crimes comme l’enlèvement d’une personne âgée de moins de 16 ans ou de moins de 14 ans, l’incendie criminel dans une intention frauduleuse, le mariage de personnes de moins de 16 ans et la participation à une activité d’un groupe terroriste. Cela touche un certain nombre d’infractions, et je n’en ai pas vu la justification. Les chefs de police nous ont dit que, même si dans certains cas ils étaient d’accord, dans de nombreux cas, des crimes graves sont commis et ne sont punis que d’une tape sur la main, ce qui n’envoie pas le bon message sur la primauté du droit et son importance.
Dans la présente session parlementaire, nous sommes saisis du projet de loi C-5 qui supprimerait les peines minimales obligatoires pour le vol qualifié commis avec une arme à feu; l’extorsion perpétrée avec une arme à feu; la décharge d'une arme à feu avec une intention particulière; l’utilisation d’une arme à feu pour commettre une infraction; le trafic ou la possession de drogues à des fins de trafic; l’importation, l’exportation ou la possession et la production de drogues dures qui tuent des milliers de Canadiens. De plus, le projet de loi permettrait de ramener certaines de ces peines à la détention à domicile, notamment pour agression sexuelle.
Un individu pourrait victimiser une personne de sa collectivité et y purger sa peine. Je ne pense pas que c'est une chose que nous devrions laisser à la discrétion des juges, alors que nous avons vu par le passé un juge demander à une victime si elle ne pouvait pas simplement garder les genoux serrés. Il faut une certaine naïveté pour penser que nous pouvons nous en remettre au hasard. Oui, dans la majorité des cas, les juges jugeront avec sagesse, mais il y a des incidents occasionnels que nous voulons prévenir et que nos lois devraient prévenir.
L’enlèvement d’une personne de moins de 14 ans pourrait être passible de détention à domicile. C’est incroyable. Nous avons un énorme problème de traite des personnes dans notre pays, de sorte que, non seulement une telle mesure envoie le mauvais message, mais en plus, elle ne va pas arranger les choses puisque, avec la possibilité d’une détention à domicile, ceux qui commettent des crimes peuvent les commettre à l’extérieur. C’est la même chose avec quelqu’un qui fait du trafic de drogue et qui est placé en détention à domicile. Sera-t-il difficile pour les gens d'y passer prendre leur drogue?
À mes yeux, ces mesures n’ont aucun sens, et je suis donc très inquiète lorsque je constate l’érosion de la primauté du droit, avec en parallèle, l’érosion de la protection des victimes. Au cours de la législature précédente, nous avons eu le projet de loi sur la suramende compensatoire. Auparavant, un certain dédommagement était prévu pour les victimes qui avaient souffert et avaient dû parcourir de longues distances pour se rendre aux audiences de libération conditionnelle et ce genre de choses, mais ce dédommagement a été supprimé.
Le gouvernement actuel est un gouvernement qui fait preuve de complaisance envers les criminels et même si je soutiens le projet de loi parce que je pense que, si les juges ne font pas ce qu’il faut, nous devons corriger la situation, mais je suis très préoccupée par l’érosion continue de la primauté du droit. Le taux élevé de récidives a été mentionné maintes fois lors d'interventions à la Chambre. Ceux qui commettent des crimes sortent de prison, commettent de nouveaux crimes et sont réincarcérés, et il n’y a pas vraiment de réhabilitation. Cela ne veut pas dire qu’il ne devrait pas y en avoir, mais la réalité actuelle est qu’il n’y en a pas. Si nous savons que des gens vont récidiver et se retrouver dans la rue, nous devons protéger le public et nous avons le devoir de le faire.
Le mécanisme prévu par le projet de loi vise à s’assurer que les juges font preuve de diligence raisonnable. Nous aurions des mécanismes, pas seulement un mécanisme extrême, mais des séquences progressives, qui nous permettraient de prendre des mesures correctives et de gérer le système judiciaire pour en assurer l’intégrité. Cela préservera la primauté du droit, même si les préoccupations que j’ai exprimées demeurent.
:
Monsieur le Président, je me joins à mes collègues pour discuter du projet de loi aujourd’hui. J’apprécie le projet de loi et le fait qu’il accorde la prémisse que nous défendons depuis très longtemps et contre laquelle les libéraux s’opposent depuis très longtemps, à savoir que les juges doivent répondre de leurs actes. Il doit y avoir un recours pour les actions inacceptables des juges.
Je crois en la nature déchue de l’homme et je crois que la ligne de démarcation entre le bien et le mal passe par le cœur d’une personne. Je ne pense pas que quiconque soit au-dessus des mauvaises actions ou du mal, et nous devons tous lutter contre cela en permanence. Cela vaut pour tout le monde, y compris pour les juges. Les juges peuvent se tromper et parfois faire des choses répréhensibles. Ces choses arrivent dans le monde déchu dans lequel nous vivons. C’est pour cette raison qu’il faut avoir des mécanismes de reddition de comptes pour tout le monde.
La reddition de comptes est intégrée dans de nombreuses choses que nous faisons. Elle est intégrée à la démocratie, pour laquelle il y a des freins et des contrepoids. À la Chambre, nous avons l’un des freins et contrepoids les plus évidents, à savoir le vote pour se faire élire ou réélire. Nous présentons notre candidature en nous appuyant sur notre feuille de route et sur ce que nous comptons faire; c'est là un mécanisme de responsabilisation. Nous devons rendre des comptes à nos concitoyens.
Il y a d’autres freins et contrepoids dans notre système. Il y a la Constitution, et toutes les lois que nous adoptons ici doivent être examinées à la lumière de notre Constitution afin que les libertés individuelles soient maintenues. Nous avons la compétence provinciale et la compétence fédérale, qui sont toutes deux jalousement gardées. C’est l’un des freins et contrepoids de notre système. Ensuite, il y a ce qu’on appelle l’indépendance judiciaire, c'est-à-dire que les politiciens et la sphère politique ne sont pas censés influencer les juges, pour ainsi dire. Cependant, de temps en temps, les juges ont des manquements personnels; ils dépassent les limites de l’activité publique et seraient considérés comme inaptes à continuer à exercer leur profession. Ce projet de loi prévoit un mécanisme pour faire face à cette situation.
Je vais lire certains des motifs de révocation énoncés dans le projet de loi: « a) invalidité; b) inconduite; c) manquement aux devoirs de [la charge de juge]; d) [le juge se trouve dans une] situation qu’un observateur raisonnable, intègre et bien informé jugerait incompatible avec les devoirs de [la charge de juge]. » Je pense que ce projet de loi est juste et qu’il mettrait en place une procédure en bonne et due forme pour la révocation des juges.
Comme je l’ai dit plus tôt, j’apprécie ce projet de loi parce qu’il part du principe que les juges doivent répondre de leurs actes. Je ne sais pas ce qu’il en est pour d’autres, mais d’où je viens, il y a une insatisfaction, une méfiance croissante, un « manque de confiance » est probablement le meilleur terme, chez les gens de chez nous en ce qui concerne le système judiciaire et la responsabilisation des criminels. Nous commençons à voir ce phénomène se propager dans les régions urbaines, où les criminels agissent en toute impunité. Ils volent des choses et commettent des actes de violence en plein jour, désobéissant à la loi en général et violant les collectivités. Dans les régions rurales du Canada, le vol est un véritable problème. C’est en quelque sorte un crime de situation. Là où j’habite, il faut peut-être quelques heures pour que la police se présente à ma porte, alors les criminels peuvent se livrer à leurs activités criminelles et repartir bien avant que la police n’arrive.
Bien que je pense que ce projet de loi soit un point de départ important, il y a un sentiment général que l’actuel gouvernement alimente et qui commence peut-être par son soutien tacite du mouvement de retrait du financement de la police, mais aussi par cette idée générale selon laquelle le système de justice permettra aux gens de sortir de prison plus facilement, sans les pénaliser. Ce genre de choses, que nous entendons souvent de la part du gouvernement, font en sorte que la police n’est pas en mesure de procéder à des arrestations, et quand elle le fait, elle n'arrive pas à obtenir des condamnations, ce qui devient un problème majeur. Le manque de soutien politique dont témoignent les mouvements comme celui qui vise à retirer le financement de la police a pour effet de démoraliser les policiers. Ces mouvements sapent le soutien politique dont les policiers pensent bénéficier.
Ils savent que s’ils veulent poursuivre les criminels, ils ont besoin que la population appuie leurs actions mais, de plus en plus, des policiers disent aux gens qu’ils n’obtiendront probablement pas de condamnation ou qu’ils devront déployer beaucoup d’efforts alors que le criminel sera relâché six mois plus tard. Si ce que la victime s’est fait voler n’a que peu de valeur, la police ne va pas y consacrer ses ressources parce qu’elle a une affaire importante sur laquelle elle travaille et à laquelle elle consacre ses ressources, puisqu’elle a des chances d’obtenir une condamnation dans ce dossier. La vie des gens est bouleversée. Quand les gens rentrent chez eux et qu'ils découvrent que leur réfrigérateur, leur machine à laver et leur lave-vaisselle ont disparu, que pratiquement tous leurs appareils ménagers ont été volés, c’est une véritable violence. Que quelqu’un se soit introduit chez soi pour commettre un vol, c'est perturbant. Ce n’est peut-être pas une grande perte sur le plan financer, mais c’est extrêmement déconcertant pour les personnes qui perdent ces objets.
Les sondeurs suivent ce genre de chose, la confiance dans nos institutions. De façon générale, la confiance des Canadiens a diminué au cours des sept dernières années. Nous avons vu que, sous les gouvernements conservateurs, la confiance envers les institutions, c’est-à-dire la croyance que nos institutions font ce que nous attendons d’elles, était à la hausse. Maintenant, nous avons assisté à une chute spectaculaire de la confiance dans les institutions, qui s’explique de deux façons. La première, c’est qu’à l’heure actuelle, les gens n’appellent même pas la police quand leurs biens disparaissent. On me le répète sans cesse. Les gens disent que la police ne peut rien faire et qu’ils ne prennent donc pas la peine d’appeler. Le revers de la médaille, c’est que les criminels se comportent maintenant avec de plus en plus d’impudence. Nous l’avons vu récemment à Calgary: deux voitures se sont tirées dessus en roulant à toute allure, sans craindre que la police arrive, les arrête et mette un terme à cette fusillade. L’événement s’est soldé par le décès tragique d’une mère de cinq enfants. Cela s’est produit à Calgary, tout récemment.
Des individus viennent maintenant dans les cours, à la campagne, et commencent à voler des choses. Quand le propriétaire arrive et qu'il leur demande ce qu’ils font, ils répondent qu’ils volent des choses. Il réplique: « Je suis juste là », et ils disent simplement: « Qu’allez-vous y faire? ». Cela se voit de plus en plus souvent. Les criminels se livrent effrontément à leurs activités parce qu’ils constatent que le système n’est pas en mesure de les faire répondre de leurs actes; ils agissent donc en toute impunité et avec une effronterie encore jamais vue.
Je dirais que dans ma propre vie, j’ai été témoin de la détérioration de la confiance dans ma région, de la confiance en général. Chez nous, quand j'étais petit, personne n’avait de clôture à mailles métalliques, personne n’avait de portail au bout de l’allée, mais ce genre de choses est de plus en plus courant.
J’impute cette situation à l’actuel gouvernement et au fait qu’il ne prend pas le problème au sérieux. Il n'assure aucun soutien politique et il appuie tacitement des mouvements comme celui qui vise à retirer le financement de la police, des mouvements qui sapent notre mode de vie, notre qualité de vie et notre capacité à vivre en paix dans ce pays, et qui ont conduit à une détérioration des interactions que nous avons en tant que société.
J’attends avec impatience les questions sur ce sujet.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir m’adresser virtuellement à la Chambre aujourd’hui.
J’aimerais émettre quelques réflexions sur ce projet de loi. Il s’agit d’une mesure législative qui est en cours de préparation depuis très longtemps. Même si j’ai apprécié certaines des questions et réponses, surtout quand les conservateurs ont été poussés à dire quand ils allaient l’examiner ou s’ils allaient envisager de l’adopter, compte tenu du contexte de ce que disent les députés de l’opposition officielle, je ne prévois pas que le projet de loi sera adopté avant l’été. Je pense que les conservateurs vont essayer de donner leur propre interprétation de ce projet de loi particulier.
La plus importante qui me vient à l’esprit est la question de l’« indulgence face au crime ». Ce sont surtout les députés de l’élément conservateur d’extrême droite qui aiment dire qu’ils répriment beaucoup mieux la criminalité, que le gouvernement doit réprimer la criminalité et que si ce n’est pas un gouvernement conservateur, il est trop indulgent face au crime. Que ce soit logique ou non, c’est la ligne que les conservateurs aiment tenir en raison de la perception du public.
Cela dit, le projet de loi sera adopté quand il le sera, en fin de compte. J’espère que, comme nous pouvons le pressentir, la majorité de la Chambre voit la valeur du projet de loi , car c’est quelque chose qui est nécessaire.
Je désire d'abord relayer quelques observations faites par certains des intervenants. C'est ce que je veux faire à ce stade parce que je respecte réellement notre système judiciaire, que je considère comme l'un des piliers fondamentaux de notre démocratie. J'aimerais penser que la primauté du droit, notre système judiciaire et la notion d'indépendance sont des choses qui sont chères à tous les députés.
Pour cette raison, je jugeais important de commencer mon intervention par une citation. Elle vient du très honorable Richard Wagner, juge en chef du Canada et président du Conseil canadien de la magistrature. Il a affirmé ceci:
Au cours des dernières années, le Conseil n'a cessé de réclamer le dépôt d'une nouvelle loi afin d'améliorer le processus d'examen de la conduite des juges. Les efforts des membres du Conseil pour élaborer des propositions à cet égard ont été fructueux et nous apprécions l'ouverture dont le ministre de la Justice a fait preuve dans ses consultations avec le Conseil.
Je vais aussi lire la citation suivante du Conseil canadien de la magistrature:
Bien que le Conseil prendra le temps requis pour examiner attentivement les modifications proposées, nous sommes confiants que ces réformes apporteront l'efficacité et la transparence essentielles au processus d'examen de la conduite des juges.
Je voulais commencer en lisant ces citations, étant donné le respect que j'éprouve à l’égard de l’indépendance judiciaire. Je reconnais aussi que beaucoup d'efforts ont été déployés, que ce soit par le ministre, par l’administration ou par les fonctionnaires. Ils ont collaboré très étroitement avec de nombreux intervenants différents, tout en tenant compte de l’importance que revêt l’indépendance judiciaire. C’est pourquoi lorsque je regarde le projet de loi — je souscris à certaines observations formulées par mes collègues du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert, qui semblent être favorables au projet de loi et à son adoption rapide —, je me plais à croire qu'il ne devrait pas être controversé. C'est un projet de loi plutôt simple. Les députés de l’opposition auront d’autres occasions d'essayer de gagner du capital politique, si je peux m’exprimer ainsi.
Je pense qu’il aurait été particulièrement utile que le projet de loi C‑9 franchisse au moins l'étape de la deuxième lecture pour qu'il soit ensuite renvoyé au comité, possiblement au cours de l’été, afin que le public et les experts puissent s’exprimer sur celui-ci. Le projet de loi pourrait donc être débattu à l'étape du rapport et de la troisième lecture à l’automne.
Les députés conservateurs qui ont pris la parole avant moi étaient intéressants. J’ai retenu deux commentaires; l’un portait sur l'« indulgence face au crime », ce que j’ai déjà mentionné et que je vais peut-être à nouveau aborder de manière plus approfondie plus tard; l’autre portait sur la question de la nomination des juges. J’ai été plutôt surpris par certaines observations qui ont été formulées.
On nous a critiqués parce que nous n’avons pas fait de nominations tout de suite après avoir été élus, alors que nous étudiions et établissions un processus de nomination plus indépendant, apolitique et transparent, afin de veiller à ce que notre système judiciaire soit beaucoup plus transparent. Il est vrai que certaines nominations ont pu être retardées. Cependant, les critiques ont adopté une position extrême, indiquant que des meurtriers étaient en liberté en raison de ces retards. J’aimerais que les députés du Parti conservateur citent des exemples précis montrant qu’une personne a non seulement prétendument tué quelqu’un, mais qu’elle a vraiment tué une personne et n’a pas été accusée parce qu’elle ne pouvait pas comparaître devant un juge. Je les mets au défi de le faire. J’aimerais vraiment obtenir un nom. S’ils peuvent m’en fournir un, ils peuvent l’envoyer à mon adresse de courriel P9 ou le mentionner à la Chambre.
La députée a poursuivi en parlant de Jody Wilson-Raybould, la critiquant sévèrement pour ne pas avoir fait de nominations, laissant entendre qu’elle n’aurait procédé à une nomination que si la personne faisait un don au parti. Encore une fois, il s’agit de déclarations outrancières de la part du Parti conservateur. Ce n’est pas juste. Il est intéressant de voir à quel point les députés conservateurs semblent avoir oublié le passé — du moins, la majorité du caucus conservateur — en ce qui concerne Jody Wilson-Raybould. Cependant, je me souviens des allégations soulevées il y a quelques années à ce sujet.
Il est important de tenir compte des nominations qui ont eu lieu. Depuis 2016, le gouvernement a fait environ 400 nominations. J'aimerais savoir, à titre de comparaison, combien en a fait le gouvernement précédent. Dans le cas du gouvernement actuel, parmi les centaines de nominations faites au sein de notre système judiciaire, 55 % visaient des femmes. J’aimerais bien qu’on fasse une comparaison avec les 10 années précédentes sous Stephen Harper.
Les Autochtones représentaient environ 3 % des nominations, ou juste un peu plus. Il importe de reconnaître ce fait. De plus, les minorités visibles ont compté pour plus de 10 % des nominations, et les membres de la communauté LGBTQ2, pour plus de 5 %. Non seulement nous trouvons des personnes idéales, compétentes et incroyables, mais, grâce à un processus de nomination plus transparent et dépolitisé, en général, les nominations sont, selon moi, plus efficaces parce qu'elles sont davantage à l'image de notre société aujourd’hui.
Sur ces deux points, qu’on parle des juges et de la nomination des juges ou des conservateurs qui disent que le gouvernement n’est pas suffisamment dur à l’égard des criminels, je mets au défi les conservateurs d’apporter des preuves à l’appui de leurs déclarations, pas nécessairement en ce qui concerne cette mesure législative, mais au sujet d’autres lois, afin que nous puissions finir par adopter le projet de loi .
Il est important de reconnaître qu’il faut un équilibre. Nous disposons du pilier fondamental de notre indépendance judiciaire. Il importe que le public ait un degré élevé de confiance à l’égard de l’administration de la justice. Selon moi, la mesure législative dont nous sommes saisis permet d’en tenir compte d’une façon très juste.
Les modifications permettront finalement au Conseil canadien de la magistrature de continuer à présider le processus proposé dans le projet de loi. Au départ, un comité d’examen de trois personnes déciderait si une plainte d’inconduite doit faire l’objet d’une enquête. Dans certaines situations, si la plainte est suffisamment grave, elle pourrait mener à un renvoi ou à une révocation. Dans de telles situations, la plainte pourrait être renvoyée à un comité distinct composé de cinq personnes.
Dans le premier cas, il s’agirait strictement d’un comité d’examen de trois personnes composé de membres du Conseil canadien de la magistrature. Un juge et un profane pourraient imposer des sanctions comme des excuses publiques et une formation continue.
À bien des égards, le processus actuel s’est avéré extrêmement coûteux et, ce qui est tout aussi important, il n’est pas très rapide. Il y a eu des situations où des années s'étaient écoulées avant que quelque chose ne soit réellement conclu.
C’est pour cette raison que notre système judiciaire dit qu’il faut apporter des changements. Aujourd’hui, les juges qui risquent d'être démis de leurs fonctions en raison de graves allégations de mauvaise conduite ont plusieurs occasions, tout au long du processus, de lancer des contrôles judiciaires. Toutefois, comme je l’ai indiqué, le processus peut, dans certains cas, être trop long et entraîner des coûts assez importants.
Le remplacement du processus par lequel le Conseil canadien de la magistrature examine la conduite d’un juge nommé par le gouvernement fédéral est l’essence même de ce que le projet de loi propose de faire. Celui-ci établit un nouveau processus d’examen des allégations d’inconduite qui ne sont pas suffisamment graves pour justifier la révocation d’un juge et il apporte des modifications au processus par lequel le peut formuler des recommandations concernant la révocation.
Le nouveau processus permettrait d’imposer des sanctions pour des fautes qui, si elles ne sont pas suffisamment graves pour justifier le renvoi, peuvent justifier des sanctions tout à fait différentes. Le processus actuel ne permet pas d’imposer de telles sanctions. Le député de a donné quelques exemples. Lorsqu’on estime que les actions d’un juge ont porté atteinte à un principe et qu’il doit y avoir des conséquences, d’autres options peuvent être envisagées.
Il pourrait s’agir d’avertissements verbaux, d’avertissements écrits, de suspensions ou d’excuses publiques. Une formation supplémentaire pourrait même être obligatoire et, enfin, bien sûr, nous pourrions remercier des juges. Cette législation permet qu’une série de mesures puissent être imposées à un juge, à cause d’un comportement ou d’un commentaire fait publiquement.
Non seulement nous en avons entendu parler aujourd’hui, mais nous en avons également entendu parler dans le passé. Nous avons été saisis de projets de loi d’initiative parlementaire. Je pense à Rona Ambrose. Elle a soulevé la question de la formation des juges, notamment à propos des victimes de viol. Son projet de loi a finalement reçu le soutien de tous les partis représentés à la Chambre. Les parlementaires de toutes les allégeances politiques ont reconnu qu’on avait besoin d’un programme de formation destiné aux juges nouvellement nommés pour qu’ils tiennent compte de ces questions. En fait, ma fille, qui est une élue locale au Manitoba, avait également pris cette initiative après avoir entendu parler de ce que Rona Ambrose avait fait.
Finalement, le gouvernement a fait adopter cette loi dans les années qui ont suivi le départ de Mme Ambrose de la Chambre des communes, mais nous attribuons cette initiative à Rona et au fait que cette formation fasse l’unanimité.
Il n’y a pas si longtemps, nous avons été saisis d'un autre projet de loi d’initiative parlementaire, celui de l’une de mes collègues de Montréal. Les députés de tous les partis se sont beaucoup mobilisés pour que ce projet de loi, le projet de loi , dont la Chambre est encore saisie aujourd’hui, soit adopté en deuxième lecture et renvoyé au comité. C’est grâce à cette volonté qu’il a franchi l’étape de la troisième lecture.
Pour ceux qui ne sont pas au courant, le projet de loi de Mme Ambrose est reconnu comme la loi de Keira pour une bonne raison. Permettez-moi de citer un article où une victime déclare: « Lorsque j’ai présenté les preuves de la violence de M. Brown, un juge a déclaré, par exemple, que la violence familiale était sans rapport avec le rôle parental et qu’il allait les ignorer. »
Il arrive que certaines déclarations faites devant le système judiciaire ébranlent la confiance du public. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si important d’adopter cette loi. Elle reconnaît que notre système judiciaire indépendant et nos juges – que nous devons respecter – peuvent commettre des erreurs. Bien entendu, la grande majorité des jugements rendus répondent aux attentes des Canadiens, mais à l’occasion, si ce n’est pas le cas, il faut un mécanisme efficace pour que les fautes entraînent des conséquences appropriées. Cette mesure législative permettrait d'envisager diverses options pour rappeler à l'odre les juges qui, parfois, dépassent les bornes.
Je suis heureux d’avoir pu vous faire part de ces quelques réflexions et je me ferai un plaisir de répondre à des questions.
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Monsieur le Président, je vais vraiment passer en revue le contenu de ce projet de loi, que j'approuve en grande partie. Je dirais même que cette mesure législative est une des moins controversées que nous devons examiner et dont nous avons débattu. Cependant, je crois qu’il est de notre devoir de nous assurer de bien comprendre les projets de loi présentés à la Chambre, puisque ces derniers auront des répercussions partout au pays. Nous sommes très bien rémunérés par les contribuables canadiens pour assumer cette tâche. Après tout, c’est la raison pour laquelle nos électeurs nous envoient ici et que les contribuables nous paient.
Voilà quelque chose que certains membres du parti ministériel ne semblent pas bien saisir, comme l’ont prouvé mes deux dernières questions. Ils sont incapables de répondre à des questions simples sur le contenu de ce projet de loi.
Je vais commencer par décrire ce qui se passe lors d’une procédure disciplinaire. J’ai déjà eu le privilège d’être membre du comité disciplinaire d’un autre organisme, et j’ai trouvé ce rôle important et crucial. Pour mettre les choses en contexte avant de passer le processus en revue, je dirais que c’est en écartant ces mauvais acteurs qui ne comblent pas les attentes du public que nous pouvons améliorer la profession. Je dois dire que, de manière générale, les juges sont des personnes exceptionnelles qui font un excellent travail. Ils assurent la sécurité de nos villes et de nos rues. Ils cherchent à réhabiliter les gens qui se sont écartés du droit chemin. Je les félicite vraiment pour leur travail. Il n’existe pas beaucoup d’emplois dont le titulaire a le sort d’une personne entre ses mains et doit composer avec ce type de stress. Je veux donc commencer par remercier les juges.
Des juges peuvent faire fausse route pour toutes sortes de raisons. Ils sont dans l'impossibilité ou dans l'incapacité de réaliser les tâches dont ils doivent s'acquitter selon la loi. Il est extrêmement important de remettre dans la bonne voie les juges qui font fausse route, ou dans des cas très graves où il est impossible de sauver leur carrière, de les révoquer. Dans la plupart des cas, les juges sont excellents. Cependant, il est très important que tout le monde rende des comptes, que ce soit les députés à la Chambre, les juges partout au pays ou ceux qui occupent les plus hautes fonctions au pays.
Le dépôt d’une plainte représente la première étape. Dans le cadre de l’ancien système, le directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature procédait à un examen. Désormais, un agent d’évaluation s’en chargera. Ce sera un avocat qui évaluera préalablement les plaintes reçues. Ayant été membre d’un conseil disciplinaire d’un ordre professionnel, je sais que les plaintes sont souvent d’ordre vexatoire. Elles peuvent être déposées par des plaideurs qui sont insatisfaits de la décision rendue, mais qui ne remettent pas en cause le comportement du juge. Les personnes qui prennent des décisions ne peuvent pas rendre tout le monde heureux en tout temps. Malheureusement, les insatisfaits déposent parfois des plaintes.
Selon moi, il est judicieux qu’un professionnel occupe, à temps plein, un poste dans le cadre duquel il doit examiner ces plaintes. Je suis certain que le directeur exécutif faisait du bon travail. Cependant, il a plusieurs autres tâches à assumer. Je crois qu’il est bien qu’un professionnel chargé de l’évaluation, en l'occurrence un avocat, examine les plaintes.
L’étape suivante est très importante. Après le dépôt de la plainte initiale, le juge qui en fait l’objet sera avisé de la plainte. Je suppose qu’il recevra une notification écrite. Il aura alors la possibilité de présenter des arguments écrits. À ce stade, la plainte pourra être examinée pour déterminer si elle est légitime ou non, et elle pourrait être rejetée sur la base des arguments écrits du juge.
Encore une fois, c’est important. J’aime cette partie du processus. Comme je l’ai dit, il est extrêmement important de responsabiliser tout le monde, de sorte que les juges qui se comportent de manière inappropriée soient forcés de quitter la magistrature.
Il est également très important que cette procédure soit la moins douloureuse possible pour les juges qui n’ont rien fait de mal, mais qui font l’objet de plaintes vexatoires ou inutiles. De toute évidence, ce travail est très stressant. S’il y a des plaintes vexatoires, il est donc extrêmement important de les faire annuler le plus rapidement possible. Ce nouveau processus comporterait bon nombre de portes de sortie, puisque la plainte serait examinée par plusieurs personnes, qui détermineraient si elle est fondée ou non.
Un point essentiel de l’examen initial de la plainte par l’agent de contrôle est l'interdiction de rejeter les plaintes pour discrimination et harcèlement sexuel. Voilà un autre aspect que j'aime beaucoup. Si l’on considère les chiffres, les statistiques et l’histoire du pays, les plaintes pour harcèlement sexuel ont malheureusement été trop souvent rejetées d’emblée sous prétexte qu’elles étaient du type « elle a dit, il a dit ». Fait nouveau, le projet de loi donnerait systématiquement le feu vert au traitement de ces plaintes et garantirait qu’elles ne soient pas rejetées d’emblée et qu’elles soient entendues.
Je n’ai jamais rien vu de la sorte dans aucun conseil disciplinaire professionnel. Un processus semblable existe peut-être, mais je ne suis pas au courant et c’est un grand pas en avant. L’un des taux de poursuite les plus bas est lié aux agressions sexuelles et aux crimes discriminatoires. La mise en place de ce processus constituerait une garantie supplémentaire que les plaintes liées à la discrimination et au harcèlement sexuel, pourvu qu'elles soient déposées, seront toujours entendues. Certaines plaintes de moindre importance pourraient être rejetées d’emblée. Je suis d'accord avec cette mesure qui me semble pleine de bon sens.
Je tiens également à souligner que les conservateurs conviennent que ce projet de loi a besoin d’être révisé.
Après l’agent de contrôle et l'examinateur, l’étape suivante serait le comité d'examen. Une fois la plainte déposée, si l’agent de contrôle confirme que les préoccupations exprimées sont légitimes et qu'il pense toujours que celles-ci méritent d'être entendues même après que le juge a présenté ses arguments écrits, la plainte serait alors soumise à un comité d’examen composé d’un membre du Conseil, d’un juge et d’un non-juriste. C’est bien qu'un non-juriste soit inclus dans plusieurs de ces projets de loi. Ce n'est pas toujours à la profession de juger la profession, surtout lorsqu’il s’agit de juges, parce que l’influence du juge dépasse largement la profession juridique.
Une fois saisi de la plainte, le comité d’examen en examine le fond, ainsi que les documents connexes, les observations de l'examinateur, les arguments écrits transmis par le juge en cause et ceux du juge en chef. Ce sont des éléments nouveaux prévus à l’article 99 proposé.
Le comité d’examen pourrait prendre l’une des trois mesures suivantes. D’abord, il pourrait envoyer l’affaire devant le comité d'audience plénier s'il estime que le processus peut se solder par la révocation du juge et que la faute commise est suffisamment grave pour justifier une telle sanction. Une autre option ou une autre voie de sortie, si le comité d’examen estime que la préoccupation n’est pas légitime, est le rejet de la plainte. Encore une fois, si la personne est innocente, c’est une autre occasion pour elle de faire valoir son innocence et d’avoir une voie de sortie.
Enfin, il est possible d’imposer des sanctions autres que la révocation. À ce stade et à ce niveau, le comité d’examen peut imposer des sanctions et des pénalités. Ce n’est pas le cas dans le système actuel, où il faut renvoyer l’affaire au Conseil canadien de la magistrature pour qu'il prenne la décision. Le projet de loi supprimerait cette étape, ce qui accélérerait le processus et le rendrait bien plus efficace.
Je vais passer rapidement en revue les sanctions que le comité d’examen pourrait imposer.
Le comité d’examen pourrait, publiquement ou confidentiellement, exprimer ses préoccupations, donner un avertissement ou prononcer une réprimande. Selon mon expérience au sein d’une commission disciplinaire professionnelle, souvent, en communiquant rapidement avec la personne mise en cause — qui n'est peut-être pas une mauvaise personne et qui a peut-être seulement commis une erreur —, il s'avère beaucoup plus productif de conseiller et de former cette personne et de la remettre sur la bonne voie. Cette personne pourrait être un juge extraordinaire, mais qui a fait un écart de conduite ou commis une erreur de parcours dont il a tiré des leçons. Je crois que tout le monde, y compris les juges, méritent une seconde chance.
Le comité d’examen pourrait ordonner au juge de s’excuser publiquement ou confidentiellement ou de prendre certaines mesures, par exemple suivre une thérapie ou une formation continue. Nous vivons une crise de la santé mentale et je ne crois pas que les juges soient totalement à l’abri de cela, surtout compte tenu du stress lié à leur travail. La thérapie est peut-être une solution. La personne en cause peut être quelqu’un de très talentueux qui traverse une période difficile. En tant que société, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider la personne à résoudre ses difficultés. Les juges jouent un rôle très précieux dans la collectivité. Voilà pourquoi nous voulons que leur investissement soit récompensé par une longue et belle carrière.
Le comité d'examen pourrait prendre les mesures qu'il estime équivalentes à ces options. Avec le consentement d'un juge, il pourrait aussi conclure une entente, ce qui est également parfait, car il n'existe pas de solution universelle. À mon avis, comme une loi trop normative peut souvent être difficile à appliquer, cela permettrait aux juges de s'asseoir avec les membres du comité d'examen afin de discuter et de convenir des mesures à prendre pour faire en sorte qu'il soit de nouveau apte à rendre la justice d'une façon qui ferait la fierté de la communauté.
En ce qui concerne le comité d'examen, si l'une des sanctions dont j'ai parlé était appliquée, il y aurait un processus d'examen ou d'appel, qui porte quelque peu à confusion dans la loi, qui parle de « comité d'audience restreint ». Je l'aurais appelé « comité d'appel » des sanctions ou j'aurais inscrit le mot « appel » quelque part, mais c'est ainsi. Le juge pourrait demander un examen des sanctions qui sont moins graves que la révocation.
Je vais attendre la deuxième partie de mon discours pour parler de l'étape de la révocation définitive, mais je dirai que le comité d'audience restreint comporte un aspect intéressant. Un juge pourrait recevoir une sanction, puis être convoqué devant un comité d'audience plénier, ce qui pourrait avoir une conséquence plus négative. J'ai quelques questions à ce sujet et je vais les soulever dans la deuxième partie de mon discours.