Le programme quotidien / Affaires courantes

Motions : inscription au Feuilleton; motions concernant les projets de loi étudiés en comité (recevabilité)

Débats, p. 6519-6520

Contexte

Le lundi 4 novembre 1996, pendant les Affaires courantes, Jack Ramsay (Crowfoot) propose une motion qu’il avait fait inscrire au Feuilleton. Bob Kilger (Stormont-Dundas) whip en chef du gouvernement invoque immédiatement le Règlement au sujet de la recevabilité de cette motion qui, si elle est adoptée, constituera un ordre portant que le projet de loi émanant d’un député C-234, Loi modifiant le Code criminel, soit considéré comme ayant fait l’objet d’un rapport sans amendement le 10e jour de séance suivant l’adoption de la motion[1]. Le whip en chef du gouvernement soutient que la motion ne se limite pas à fixer une échéance pour l’achèvement de l’étude du projet de loi à cette étape, mais exige que le Comité fasse rapport du projet de loi sans amendement. Pour cette raison, d’après le whip en chef du gouvernement, la motion constitue une tentative d’ingérence dans les délibérations du Comité et ne satisfait donc pas aux conditions fixées par le Président pour être prise en considération sous la rubrique Motions des Affaires courantes[2]. Après avoir entendu d’autres députés, le Président réserve sa décision, mais ordonne qu’entre-temps la motion demeure inscrite au Feuilleton, sous la rubrique des Affaires courantes.

Résolution

Au début de la séance du jeudi 21 novembre 1996, le Président rend sa décision. Il déclare que même si elle stipule que le projet de loi sera considéré comme ayant fait l’objet d’un rapport sans amendement à une date précise, la motion ne constitue pas une tentative d’ingérence dans les délibérations du Comité sur le projet de loi, car le Comité demeure libre d’étudier ce dernier et d’en faire rapport avec amendements avant cette date. Par conséquent, la motion peut être présentée par un député pendant les Affaires courantes.

Décision de la présidence

Le Président : Chers collègues, je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le whip en chef du gouvernement le 4 novembre 1996 à propos de la recevabilité de la motion présentée par le député de Crowfoot au sujet du projet de loi C‑234, Loi modifiant le Code criminel.

Je remercie le whip en chef du gouvernement, l’honorable député de St. Albert (John Williams) et l’honorable député de Crowfoot pour leur avis sur la question.

La motion se lit comme suit, et je cite :

Que, au plus tard à la fin des Affaires courantes du dixième jour de séance suivant l’adoption de la présente motion, le comité saisi du projet de loi C‑234, Loi modifiant le Code criminel, soit réputé en avoir fait rapport à la Chambre sans amendement.

Le whip en chef du gouvernement a contesté la recevabilité de la motion. Il y a deux aspects à l’argumentation qu’il a présentée. D’abord, que le député de Crowfoot n’avait pas le droit de présenter cette motion sous la rubrique Motions des Affaires courantes. Deuxièmement, que la motion constitue une tentative d’ingérence indue dans les délibérations du comité relatives au projet de loi.

À l’appui de la prétention que l’honorable député de Crowfoot ne devrait pas présenter sa motion dans les Affaires courantes, le whip en chef du gouvernement a invoqué les décisions du 30 mai 1928, du 11 mai 1944, du 2 mai 1961 et du 28 avril 1982[3]. Je tiens à rassurer la Chambre qu’à l’occasion de l’examen de la question, j’ai pris ces précédents en considération. Le whip en chef du gouvernement a aussi cité la décision du Président Fraser, à la page 17506 des Débats du 13 juillet 1988, dans laquelle il affirme que les Affaires courantes ne sont pas de la compétence exclusive du gouvernement. Comme je l’avais mentionné dans ma décision du 23 septembre 1996, je souscris à l’avis du Président Fraser.

Je voudrais maintenant passer au deuxième aspect de l’argumentation du whip en chef du gouvernement, qui soutient que la motion, et plus particulièrement les mots « sans proposition d’amendement », constituerait une ingérence indue dans les délibérations du comité et serait contraire aux conditions établies dans ma décision du 23 septembre 1996.

Comme les députés se le rappellent peut-être, j’ai dit dans cette décision consignée à la page 4561 des Débats :

[…] la présidence peut bien accepter une telle motion, après avis réglementaire, à la condition qu’elle porte strictement sur les termes de l’ordre de renvoi d’un projet de loi au comité et ne constitue pas une tentative d’ingérence dans les délibérations du comité relatives au projet de loi. Dans de tels cas, la Chambre aurait l’occasion de décider si le projet de loi doit demeurer au comité ou faire l’objet d’un rapport.

Le whip en chef du gouvernement a soutenu que la motion constituait manifestement une tentative d’ingérence dans les délibérations du comité relatives au projet de loi, qu’elle ordonnerait au comité de terminer son examen et que le comité ne pourrait pas modifier le projet de loi. Je suis obligé de différer d’avis avec l’honorable député sur l’interprétation du libellé de la motion.

Telle qu’elle est inscrite au Feuilleton, la motion ne porte pas atteinte à la capacité du comité de terminer son examen du projet de loi C‑234 et d’en faire rapport, avec ou sans amendement. La motion n’exige pas du Comité permanent de la justice et des questions juridiques de terminer son examen du projet de loi C‑234 dans un délai donné.

La motion proposée par le député de Crowfoot accorde en réalité au comité un délai pendant lequel il peut examiner le projet de loi et en faire rapport s’il choisit de le faire. En même temps, elle donne à la Chambre un mécanisme pour retirer le projet de loi, qui est la propriété de la Chambre, au comité de manière à procéder elle-même à son examen.

En réalité, un tel mécanisme n’est pas inhabituel dans nos pratiques. [L’article] 81(4) du Règlement, qui porte sur le renvoi du budget principal au comité, dit que le comité en fait rapport ou est réputé en avoir fait rapport à la Chambre au plus tard le 31 mai.

Dans l’état actuel de la situation, le comité n’a pas fait rapport du projet de loi. Le Président Francis a dit, dans une décision du 23 mai 1984 qu’on peut lire à la page 3963 des Débats :

La présidence peut difficilement savoir ce qui se passe à un comité tant que celui-ci n’a pas présenté son rapport.

On lit la même chose à la page 500 de la 21e édition de May :

La Chambre n’est pas officiellement saisie des détails des délibérations d’un comité jusqu’à ce que le projet de loi ait été rapporté.

La Chambre ne sait pas ce qui s’est passé dans un comité et, en conséquence, elle ne peut savoir quelles modifications le comité a apportées au projet de loi. Donc, si la Chambre veut, encore une fois, prendre possession du projet de loi, alors la mention des mots, et je cite « sans amendement », établit clairement que la Chambre examinera le texte du projet de loi comme elle l’a adopté en deuxième lecture.

Ce ne peut être que la seule solution logique à apporter par la Chambre et la chose a déjà été faite dans le passé. Je renvoie les honorables députés à la motion adoptée le 22 mars 1995, en vertu [de l’article] 78(2) du Règlement, au sujet du projet de loi C‑77 intitulé Loi prévoyant le maintien des services ferroviaires et des services auxiliaires. La motion qu’on trouve aux pages 1259 et 1260 des Journaux se lit comme suit, je cite :

[…] si le projet de loi n’a pas fait l’objet d’un rapport du comité pendant les Affaires courantes du 23 mars 1995, ce projet de loi sera, à la fin des Affaires courantes de ce jour, réputé avoir fait l’objet d’un rapport du Comité sans amendement.

Enfin, je ne vois rien dans le texte de la motion qui puisse empêcher le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de faire rapport du projet de loi C‑234 à la Chambre soit avant l’adoption de la motion, soit avant le jour de séance précisé dans la motion, si celle-ci est adoptée par la Chambre. Si le comité fait rapport du projet de loi avant le 10e jour de séance après l’adoption de la motion selon sa teneur actuelle, la Chambre la traitera selon nos usages. Le but de la motion présentée par le député de Crowfoot, qui était d’amener le comité à faire rapport du projet de loi à la Chambre, aura été atteint.

En conséquence, la motion telle qu’elle est inscrite au Feuilleton est recevable.

Dans les discussions sur le sujet, on a évoqué la possibilité que la question, si elle n’était pas réglée, soit inscrite aux ordres du gouvernement. On a proposé que la présidence intervienne dans cette procédure. Les dispositions de l’article 66 du Règlement sont très claires, tout comme nos usages. Ce n’est pas le rôle de la présidence de s’immiscer dans cette affaire.

Post-scriptum

La motion visant à ordonner que le projet de loi C‑234 soit ramené à la Chambre a été débattue le 12 décembre 1996. Après le débat, la motion a été rejetée sur un vote par appel nominal[4].

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1996-11-21

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[1] Débats, 4 novembre 1996, p. 6065-6067.

[2] Débats, 23 septembre 1996, p. 4561.

[3] Journaux, 30 mai 1928, p. 475-480, 11 mai 1994, p. 365-369, 2 mai 1961, p. 493-497 et Débats, 28 avril 1982, p. 16701-16702.

[4] Débats, 12 décembre 1996, p. 7421-7431, 7494-7495.