Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le programme quotidien / Affaires courantes ordinaires

Motions : article 56.1 du Règlement; utilisé pour diriger les travaux des comités

Débats, p. 10124

Contexte

Le 31 mai 2007, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique) propose, en invoquant l’article 56.1 du Règlement, une motion portant que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord n’ajourne ou ne suspende pas ses travaux avant d’avoir terminé son étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme moins de 25 députés se lèvent pour s’y opposer, la motion est adoptée[1]. Plus tard au cours de la séance, Ralph Goodale (Wascana) invoque le Règlement pour contester le recours à l’article 56.1 pour terminer l’étape de l’étude en comité du projet de loi. Il cite une décision du Président du 18 septembre 2001 à l’appui de son argument. Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la Réforme démocratique) répond que le Président a déclaré recevable une motion semblable le 3 octobre 2006, la seule différence étant que celle d’aujourd’hui porte sur un projet de loi qui est devant un comité. Il prétend aussi qu’à l’instar de la motion du 3 octobre 2006, celle d’aujourd’hui n’impose aucune échéance au Comité pour terminer son étude et qu’elle peut être perçue comme une mesure prise par la Chambre pour l’administration de ses affaires et l’agencement de ses travaux. Après avoir entendu d’autres députés, le Vice-président (Bill Blaikie) rend une décision sur-le-champ. Il déclare que le fait d’invoquer l’article 56.1 pour diriger les travaux d’un comité est une nouvelle pratique contraire au Règlement et que la présidence fournira ultérieurement les motifs de sa décision[2].

Résolution

Le 5 juin 2007, le Vice-président présente à la Chambre de plus amples détails sur sa décision préliminaire. Il fait remarquer qu’habituellement, la Chambre donne des instructions aux comités par voie de motions de fond, puis fait allusion à une décision du 18 septembre 2001, dans laquelle le Président avait déclaré que le gouvernement disposait déjà des articles 57 et 78 pour limiter le débat des comités. Après avoir examiné des utilisations précédentes de l’article 56.1, le Vice-président conclut que l’article n’a pas été créé pour diriger les travaux des comités permanents, mais plutôt pour traiter des affaires courantes, pour leur conférer des pouvoirs qu’ils n’avaient pas déjà, comme le pouvoir de voyager. Enfin, le Vice-président rappelle à la Chambre que le recours à l’article 56.1 du Règlement avait été une source de sérieuses préoccupations, suffisamment pour que le Président Milliken et le Président Parent, avant lui, demandent au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de se pencher sur la question.

Décision de la présidence

Le Vice-président : Avant que nous ne passions à l’ordre du jour, je voudrais rendre la décision sur le rappel au Règlement qu’a soulevé le député de Wascana concernant le recours à l’article 56.1 du Règlement pour diriger les débats relatifs à un projet de loi dont est saisi le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

Le 31 mai 2007, pendant les Affaires courantes, le leader du gouvernement à la Chambre a tenté, sans succès, d’obtenir le consentement unanime de la Chambre à l’égard de la motion suivante :

Que, nonobstant tout article du Règlement ou les usages de la Chambre, lorsque le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord se réunira, il n’ajourne ou ne suspende pas ses travaux avant d’avoir terminé son étude du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf conformément à une motion d’un secrétaire parlementaire, et que, si le projet de loi est adopté par le Comité, ce dernier convienne d’en faire rapport à la Chambre dans les deux jours de séance suivant la fin de l’étude en comité.

Il a ensuite présenté la même motion en vertu de l’article 56.1 du Règlement; comme moins de 25 députés se sont levés pour s’y opposer, elle a été adoptée. Peu après, le député de Wascana a invoqué le Règlement à l’égard de ce recours à l’article 56.1. Il a reçu l’appui des députés de Joliette et de Hamilton-Centre, mais le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a soutenu que la motion adoptée plus tôt avait été présentée de façon appropriée en vertu de l’article 56.1 du Règlement.

Comme le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord devait se réunir peu après, j’ai immédiatement rendu une décision, promettant d’en expliquer plus tard les motifs à la Chambre; je suis maintenant prêt à m’exécuter.

J’aimerais d’abord remercier tous les honorables députés qui sont intervenus sur ce rappel au Règlement de leur contribution à cet égard, et je suis particulièrement heureux que les députés aient pris note de certaines décisions importantes de la présidence, notamment celles du 18 septembre 2001 et du 3 octobre 2006.

Ma décision d’aujourd’hui repose notamment sur le principe fondamental selon lequel les comités permanents sont maîtres de leur propre procédure. En fait, ce principe est tellement bien ancré que seuls quelques articles isolés du Règlement permettent à la Chambre d’intervenir directement dans la conduite des travaux des comités permanents. Outre le pouvoir dont dispose la Chambre de donner des instructions aux comités par voie de motions de fond pouvant faire l’objet d’un débat, les articles 57 et 78 du Règlement lui permettent d’attribuer du temps ou de clore un débat relativement à l’étude d’un projet de loi en comité. Comme l’a souligné le député de Wascana, le Président incitait la Chambre, dans sa décision du 18 septembre 2001, qu’on trouve à la page 5257 des Débats, à recourir à ces articles :

Le recours accru à l’article 56.1 depuis 1997 est une source de sérieuses préoccupations pour le Président. Le gouvernement dispose déjà, en vertu des articles 57 et 78, de plusieurs options pour limiter le débat.

Examinons maintenant la décision du 3 octobre 2006 permettant le recours à l’article 56.1 du Règlement pour ouvertement prolonger le débat sur le projet de loi C-24, le projet de loi sur le bois d’œuvre.

Il faut noter tout d’abord que lors de l’utilisation de l’article 56.1 relativement au projet de loi C-24, celui-ci était devant la Chambre à l’étape de la deuxième lecture, et non à l’étape de l’étude par un comité permanent. Bien qu’il ait autorisé le recours à l’article 56.1 à cette occasion, le Président a exprimé des réserves en invoquant les motifs suivants :

Les précédents dont je dispose, y compris mes propres décisions antérieures, sont [donc] insuffisants, à mon avis, pour que je déclare la motion irrecevable cette fois-ci.

Ce passage de la décision du Président a été cité par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes lors de son intervention. Mais le Président ne s’est pas arrêté là; tout comme le Président Parent l’avait fait avant lui, il a encouragé le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre à se pencher sur la façon dont devrait être utilisé cet article du Règlement. Cette réaction met clairement en relief les difficultés que la Chambre a rencontrées chaque fois que l’article 56.1 du Règlement a été invoqué dans des circonstances discutables.

Dans le cas qui nous occupe, la présidence a examiné attentivement le libellé de l’article 56.1 du Règlement; cet article précise que la Chambre elle-même peut l’utiliser pour présenter des motions relatives à « l’administration de ses affaires » et à « l’agencement de ses travaux ». Il importe de souligner que la seule mention des comités dans cet article se rapporte à la présentation de motions relatives à « la détermination des pouvoirs de ses comités », ce qui suggère que la règle a été créée non pas pour intervenir dans les affaires d’un comité permanent afin de les diriger, mais plutôt pour traiter des affaires courantes, pour leur octroyer de nouveaux pouvoirs. Une étude des cas de recours à l’article 56.1 du Règlement semble confirmer cette interprétation. Les seuls exemples d’intervention dans les affaires des comités permanents ou de leurs activités qu’a retrouvés la présidence ont trait à l’octroi du pouvoir de voyager. Comme le savent les députés, les comités permanents ne disposent pas du pouvoir de voyager, et le recours à l’article 56.1 du Règlement à cet égard entre bien dans le champ d’application de la règle.

Par conséquent, je réitère ce que j’ai dit lorsque cette question a été premièrement soulevée : le fait d’invoquer l’article 56.1 pour diriger les travaux d’un comité, quel qu’il soit, est une nouvelle pratique à la Chambre que j’estime contraire au Règlement.

Je remercie les députés qui sont intervenus pour porter cette question à l’attention de la Chambre.

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[1] Journaux, 31 mai 2007, p. 1452-1453.

[2] Débats, 31 mai 2007, p. 9962-9964.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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