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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 avril 1996

LE RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-277. Adoption des motions de présentation etde première lecture 2103

PÉTITIONS

LA MARINE MARCHANDE

L'AIDE AU SUICIDE

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

    Projet de loi C-33. Motion de deuxième lecture 2104
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2108

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE

LA CRÉATION D'EMPLOIS

LES CHAMPIONNATS MONDIAUX DE PATINAGE ARTISTIQUE

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

L'IMMIGRATION

LE DÉCÈS D'UN POLICIER DE LA CUM

LE CERCLE MOLIÈRE DE SAINT-BONIFACE

LA COMMISSION D'ENQUÊTE KREVER

LES ARMES NUCLÉAIRES

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

L'EXPLOITATION SEXUELLE

    Mme Gagnon (Québec) 2134

LE GRAND RABBIN D'ISARËL

DES VOEUX D'ANNIVERSAIRE

LES AÎNÉS

LE CENTRE JUIF DE CALGARY

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 2135

LA SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

LE HOCKEY

LA DISCRIMINATION

QUESTIONS ORALES

LES RÉFÉRENDUMS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2136
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2136
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2136
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2136
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2136

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2137
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2137
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2137

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 2138
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2138
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2138
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2139

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

LES LANGUES OFFICIELLES

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2140
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2140

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LE PONT DE QUÉBEC

LES PÊCHES

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 2142
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 2142

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2143
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2143

LES PÊCHES

LES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2144

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

PROJET DE LOI C-33. AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

    Projet de loi C-33. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 2144

LA REPRISE DE L'ÉTUDE À L'ÉTAPE DE LA DEUXIÈME LECTURE

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2146
    M. White (North Vancouver) 2152
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2152
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2158

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA DÉCLARATION DES DROITS DU CONTRIBUABLE

    Projet de loi C-215. Motion de deuxième lecture 2164

2103


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 30 avril 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

[Français]

LE RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES

Le Président: Mes chers collègues, j'ai l'honneur de déposer sur le Bureau, conformément à l'article 66 de la Loi sur les langues officielles, le rapport annuel du commissaire aux langues officielles qui se rapporte à l'année civile 1995.

[Traduction]

Conformément à l'alinéa 108(4)a) du Règlement, ce rapport est renvoyé d'office en permanence au Comité mixte permanent des langues officielles.

______________________________________________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à sept pétitions.

* * *

LE CODE CRIMINEL

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-277, Loi modifiant le Code criminel (vente d'animaux sauvages).

-Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui un projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier le Code criminel. Cette mesure législative consacrera comme un acte criminel, aux termes du Code criminel, le fait de tuer des animaux sauvages, de les capturer, de les vendre ou d'en vendre des parties, sans permis, autorisation ou ordonnance d'exemption.

Le projet de loi ne remplace pas les lois provinciales sur la faune, mais les complète, un peu comme le fait le Code criminel dans le cas d'infractions relatives à la conduite dangereuse.

Il prévoit une peine maximale d'emprisonnement de deux ans pour la première infraction et de trois ans dans les cas de récidive. Si l'animal figure parmi les espèces menacées ou en voie de disparition, la peine maximale est portée à au plus quatre ans pour la première infraction et à huit ans pour chaque infraction ultérieure.

Le projet de loi prévoit aussi que le Code criminel considérera cette activité comme un crime érigé en entreprise, ce qui veut dire qu'elle sera assujettie aux dispositions législatives régissant les profits de la criminalité.

Ce projet de loi est une mesure législative indispensable pour protéger une des grandes richesses du Canada, la faune.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA MARINE MARCHANDE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter une pétition signée par 100 personnes de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.

La pétition déclare que les soussignés, des habitants du Canada, attirent l'attention de la Chambre sur le fait que, durant la guerre, la marine marchande était la quatrième arme des forces armées, que les anciens combattants de la marine marchande sont visés par la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, que 10 p. 100 des membres de la marine marchande canadienne ont été tués, soit la plus forte proportion parmi tous les services des forces armées, que les prisonniers de la marine marchande durant la guerre ont passé en moyenne 50 mois en détention, mais qu'on ne reconnaît que 30 jours, et que les anciens combattants de la marine marchande ne peuvent profiter des dispositions de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, des avantages admissibles, des études universitaires gratuites offertes aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, des concessions de terrain et des subventions au logement, de l'aide financière accordée aux petites entreprises et de l'aide médicale dont profitent les anciens combattants.

Vos pétitionnaires demandent donc au Parlement d'envisager l'opportunité d'accorder aux anciens combattants de la marine marchande des prestations ou une indemnisation semblables à celles des anciens combattants des Forces canadiennes qui ont pris part à la Seconde Guerre mondiale.

L'AIDE AU SUICIDE

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter plusieurs pétitions. La première porte sur l'euthanasie.

2104

Les pétitionnaires demandent que le Parlement veille à ce que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant l'aide au suicide demeurent inchangées et soient appliquées rigoureusement, afin que le Parlement n'approuve pas ni ne permette l'aide au suicide ou l'euthanasie.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, j'ai aussi plusieurs pétitions portant sur la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Pour faire suite à la décision du Président qui a jugé que nous ne devions pas formuler d'observations, je dépose ces pétitions.

* * *

(1010)

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président,je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


2104

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis honoré d'intervenir à la Chambre aujourd'hui dans le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-33, une mesure qui donne aussi l'occasion au gouvernement de réaliser des objectifs importants.

Premièrement, nous remplissons un engagement politique exceptionnel que nous avons pris envers les Canadiens. Deuxièmement, nous inscrivons dans la loi une orientation de longue date du Parti libéral du Canada. Troisièmement, nous comblons un vide dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, un vide qui a été souligné plusieurs fois, depuis 20 ans, aussi bien par nos prédécesseurs au Parlement que par les commissaires aux droits de la personne et la population en général.

En ce qui concerne l'engagement politique, c'est le premier ministre actuel qui a promis, au cours de la dernière campagne électorale, de présenter un projet de loi de ce genre. Une fois élus, nous avons inclus cette promesse dans notre premier discours du Trône. À titre de ministre de la Justice et procureur général, voilà des mois, voire des années que je répète cet engagement. En outre, comme les gouvernements canadiens prennent cet engagement depuis une décennie, nous devons finalement agir.

Quant à l'orientation du Parti libéral du Canada, qui dirige aujourd'hui le gouvernement, il y a près de 20 ans que le parti s'est donné pour politique une résolution qu'il avait adoptée au cours de son congrès national et qui prévoyait que la loi régissant les droits de la personne devait être modifiée exactement comme le prescrit le projet de loi C-33. La résolution a été reprise aux divers congrès d'orientation que le parti a tenus depuis.

D'ailleurs, au congrès biannuel d'Ottawa, en 1994, le Parti a encore une fois adopté une telle résolution. Le week-end dernier même, les membres de la section de l'Ontario se sont réunis à Windsor pour discuter de la question et ils en sont venus à la même décision. La résolution vise à ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite inscrits dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Pour ce qui est de combler un vide juridique, je rappelle que la version actuelle de Loi canadienne sur les droits de la personne est entrée en vigueur en 1975. Dix ans plus tard, soit il y a onze ans, un comité de la Chambre formé de représentants de tous les partis a adopté à l'unanimité une résolution appuyant l'idée de modifier la loi exactement comme il est proposé de le faire dans le projet de loi C-33.

Les tribunaux ont fait état du vide juridique. Dans l'affaire Haig, il y a quelques années, la Cour d'appel de l'Ontario a jugé que la loi fédérale devait être interprétée comme si elle incluait l'expression «orientation sexuelle» parmi les motifs de discrimination ou de pratiques discriminatoires dans les causes tombant sous le coup de cette loi. Les provinces ont constaté ce vide et y ont remédié.

Depuis 1977, année où la province de Québec a été la première à modifier sa loi sur les droits de la personne afin d'ajouter ce motif, huit provinces et territoires ont fait de même.

(1015)

[Français]

Alors, cette modification est loin d'être révolutionnaire. Le Québec interdit tout motif de discrimination fondé sur l'orientation sexuelle depuis 1977. L'Ontario le fait depuis 1986. En tout, huit provinces ou territoires ont déjà modifié leurs lois en ce sens. Cela signifie que près de 90 p. 100 de la population est protégée par des dispositions semblables.

[Traduction]

Dans ce contexte, compte tenu de tous les engagements, résolutions et mesures adoptés ailleurs, qu'est-ce qui a empêché le gouvernement fédéral de faire de même? Pourquoi a-t-il fallu toutes ces années avant qu'il prenne pareille mesure? C'est tout simplement qu'il existe une véritable controverse au sujet de ce qu'est ou n'est pas cette modification.

La proposition suscite des réactions très émotives, des tiraillements résultant des idées que l'on a par rapport à la famille et à la


2105

religion, à ceux qui ont droit ou non à des avantages sociaux. Il faut éviter que cette controverse, ces problèmes et ces sentiments ne portent atteinte à la simple justice humaine et à l'égalité. C'est en raison de cette controverse et nonobstant ces sentiments que nous présentons et proposons cette modification, parce que c'est ce qu'il convient de faire.

Avant que le débat ne s'ouvre, je tiens à préciser que, à mon humble avis, aucun participant n'a une supériorité morale ou n'est plus saint que les autres. Je sais que certains ont des idées bien arrêtées, même parmi les députés de mon caucus qui s'opposent à la proposition. Je respecte leur point de vue différent. Cependant, je tiens à dire qu'il vient un moment où le gouvernement doit faire un choix, où il doit tracer une ligne de conduite.

En présentant ce projet de loi, le gouvernement a choisi d'interdire la discrimination, à titre de mesure fondamentale garantissant l'égalité des citoyens de notre pays. Je reconnais que tout gouvernement qui présente pareille mesure doit accepter d'expliquer en quoi elle consiste et ce qu'elle n'est pas. C'est ce que nous avons entrepris de faire. C'est ce que j'essaierai de faire aujourd'hui.

Il faut voir en quoi consiste cette modification et ce qu'elle n'est pas si nous voulons nous entendre sur les véritables enjeux du débat. C'est une question de droits de la personne. Elle concerne l'égalité, la dignité personnelle, le principe selon lequel personne ne devrait pas, dans un milieu de travail fédéral, faire l'objet de discrimination en raison de qui il est ou de ce qu'il est.

La loi fédérale s'applique à la prestation de biens et de services et à l'emploi dans la fonction publique fédérale ainsi qu'aux entreprises assujetties aux dispositions législatives fédérales. Près de 11 p. 100 de la population active canadienne est directement visée par la loi.

L'objet de la loi est énoncé à l'article 2. L'objet de la loi est de donner effet au principe suivant: le droit de la personne, dans la mesure compatible avec ses devoirs et ses obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

À l'article suivant, sous la rubrique «Motifs de distinction illicite», on apprend de quoi traite le projet de loi. J'estime qu'il est très important, pendant ce débat, de s'en tenir à la teneur et à la substance de ce projet de loi. Il ne s'agit pas ici de la composition de la famille, ni de la liberté de religion, ni de faire la promotion de modes de vie particuliers.

(1020)

À l'article 3, il est prévu que, pour l'application de la loi, les caractéristiques que j'ai énoncées, dont l'âge, le sexe et l'état matrimonial et ainsi de suite, sont des motifs de distinction illicite.

À l'article 5, il est prévu que c'est faire de la discrimination dans la fourniture de biens ou de services, d'installations ou de logements que d'en refuser l'accès à quiconque pour l'un des motifs susmentionnés.

À l'article 6, c'est faire de la discrimination que de refuser de louer un local commercial ou un logement à cause de l'un de ces motifs.

C'est faire de la discrimination, à l'article 7, que de refuser d'engager une personne ou de la maintenir à son emploi; à l'article 8, que d'utiliser ou de diffuser un formulaire de demande d'emploi; à l'article 9, que de refuser l'adhésion à une organisation syndicale pour l'un de ces motifs.

L'article 13 interdit l'envoi de propagande haineuse visant des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des motifs de distinction illicite.

L'article 14 rend illicite le harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite.

C'est à cela que se résume la loi. Elle vise à mettre les Canadiens à l'abri de la discrimination fondée sur leur race, leur origine ethnique ou nationale, leur couleur, leur religion, leur état matrimonial lorsqu'il s'agit de leur emploi, de leur avancement ou de l'obtention de services. Elle les protège de la discrimination découlant des messages haineux dirigés contre eux parce qu'ils appartiennent à un des groupes cibles.

Tout ce que nous voulons faire, c'est ajouter l'orientation sexuelle à la liste des motifs de distinction illicite. C'est tout.

Si nous n'ajoutons pas l'orientation sexuelle à la liste, quels recours peut avoir une personne qui a été congédiée ou qui s'est vu refuser une promotion ou un service en raison de son orientation sexuelle? Actuellement, sa seule défense se fonde sur une décision de la Cour d'appel de l'Ontario qui ordonne à la commission de faire comme si ces mots figuraient dans la loi, ce qui lui permet d'entendre les causes de discrimination pour orientation sexuelle.

Cette situation est bien insuffisante pour les personnes exposées à ce genre de distinction. Tout d'abord, le gouvernement estime qu'il appartient au Parlement du Canada, et non pas aux tribunaux, d'énoncer et de codifier les principes fondamentaux de l'égalité au Canada.

Deuxièmement, la décision Haig, en Ontario, a eu l'effet que j'ai déjà décrit, mais une décision de la Cour d'appel de l'Alberta va dans le sens contraire. La situation confuse qui existe à l'heure actuelle devra être éclaircie avant que le plus haut tribunal de notre pays, la Cour suprême du Canada, ne donne son autorisation. Est-ce que le droit des Canadiens de ne pas être victimes de discrimination pour ce motif doit dépendre du règlement d'un litige? Je ne le crois pas. Il est temps que le Parlement se prononce. Il est temps pour nous de codifier ce droit fondamental.

C'est ce que prévoit le présent amendement. Cette mesure interdirait la discrimination en milieu de travail fédéral et assurerait aux Canadiens leur droit fondamental à la dignité et à l'égalité.


2106

Voyons un peu ce que cet amendement n'est pas. Il ne vise pas à accorder des avantages à une classe ou à une catégorie de personnes. Il ne donne rien aux couples de même sexe. Il n'accorde aucun avantage particulier aux homosexuels. Le projet de loi ne prévoit rien de tel.

Quoi que que le Parlement décide au sujet de ce projet de loi, le litige restera devant les tribunaux. Cela fait des années qu'on demande aux tribunaux d'étendre aux couples de même sexe les avantages que les lois fédérale et provinciale accordent aux autres couples.

Il semble que cela répond amplement aux personnes qui prétendent que l'ajout de ces mots reviendra à accorder ces avantages aux couples de même sexe. Depuis 1977, les provinces ont presque toutes pris l'initiative d'ajouter ces termes à leur loi concernant les droits de la personne. Or, des prestations pour les partenaires de même sexe n'ont pas découlé automatiquement de cette mesure. Ces questions sont encore très controversées partout au Canada. Ceux qui soutiennent que l'adoption de cette mesure aura pour résultat d'ouvrir le droit à des prestations aux partenaires de même sexe devraient donc examiner ce qui se passe au niveau provincial et constater par eux-mêmes à quel point cette logique est fautive quand on l'applique aux provinces où cette modification a été apportée.

(1025)

Un jugement prononcé récemment par la Cour suprême du Canada rend cet argument parfaitement évident. Dans la cause d'Egan et Nesbitt, la Cour suprême a eu à se prononcer sur la question de savoir si, d'après un argument fondé sur la charte des droits, certaines dispositions relatives aux prestations de pension dont les couples de même sexe ne pouvaient se prévaloir étaient discriminatoires ou non. La Cour suprême a jugé plus tôt cette année qu'il fallait considérer l'orientation sexuelle comme un des motifs de distinction illicite prévus par l'article 15 de la charte. Elle a été unanime sur ce point, car il s'agit d'un principe de droit évident.

La majorité des juges de la Cour suprême ont cependant refusé de reconnaître que le droit aux prestations prévues au régime de retraite s'appliquait également aux couples de même sexe. Ils ont établi que ce n'est pas parce que la Charte interdit la discrimination qu'il fallait élargir le droit aux prestations. Voilà une démonstration éclatante du principe selon lequel la simple addition de ces termes n'entraîne pas automatiquement l'élargissement du droit aux prestations.

Voyons maintenant un autre aspect de ce que cette mesure n'est pas. Certains soutiennent qu'elle va miner ou faire diminuer directement ou indirectement l'importance de la famille dans la vie canadienne. La Chambre constatera que ce projet de loi contient un préambule dans lequel le gouvernement réaffirme et souligne l'importance qu'il attache au nom de tous les Canadiens au rôle de la famille dans la société canadienne. Le rôle de la famille est le fondement de notre société et nous sommes déterminés à le promouvoir, le protéger et le maintenir.

Qu'est-ce qui dans ce projet de loi fait dire que cette mesure législative diminue le rôle de la famille dans la société canadienne? D'aucuns prétendent que cela va donner lieu à des mariages entre personnes de même sexe. Ma réponse est non.

La reconnaissance solennelle du mariage relève, en vertu de la Constitution, de la compétence provinciale et non de la compétence fédérale. S'il est vrai qu'en vertu du paragraphe 91(26) de la Loi constitutionnelle de 1867, la compétence du Parlement fédéral s'étend au mariage et au divorce, en vertu du paragraphe 92(12), la reconnaissance solennelle du mariage relève de la compétence des provinces. Les tribunaux examinent actuellement une affaire dans laquelle les demandeurs invoquent l'insconstitutionnalité d'une loi pour obliger la province de l'Ontario à délivrer un permis de mariage aux personnes de même sexe qui en font la demande. Cela montre bien que c'est la province qui est compétente pour reconnaître solennellement le mariage, y compris pour accorder les permis de mariage, c'est-à-dire pour décider qui peut se marier. Ce n'est absolument pas une compétence fédérale.

Chaque fois que le Parlement fédéral a légiféré en matière de mariage, il l'a fait pour une catégorie très restreinte. La Loi sur le mariage (degrés prohibés), chapitre M-2.1 des Lois révisées du Canada, traite de la consanguinité et de l'interdiction pour deux personnes apparentées de se marier. Pour ce qui est de la reconnaissance solennelle du mariage, c'est la province et non le gouvernement fédéral qui décide qui a droit à un permis.

D'aucuns prétendent ensuite que ce projet de loi qui change la définition de conjoint va nuire à la famille. Encore une fois, ma réponse est non. Ce projet de loi n'a rien à voir avec le mariage, l'état civil ou la définition de conjoint. Ce terme conserve exactement la définition qu'il a dans la législation fédérale, y compris la Loi de l'impôt sur le revenu.

(1030)

Je suis très sensible à la nécessité d'appuyer la famille en tant que composante essentielle de la société canadienne. Je suis marié depuis treize ans. J'ai trois enfants-une fille de 11 ans et deux garçons, âgé l'un de 8 ans, l'autre de presque 9 ans. Ma femme et moi avons beaucoup travaillé pour créer un foyer familial où éduquer nos enfants, ou les préparer à la vie en leur instillant, entre autres, les valeurs auxquelles se rattacher. L'une de ces valeurs est la tolérance d'autrui car j'estime que la tolérance est une valeur familiale.

À mon humble avis, rien dans ce projet de loi ou dans cet amendement ne porte atteinte à ma famille. Rien dans cet amendement proposé ne menace la sécurité de notre foyer ou de l'amour que nous ressentons les uns pour les autres. Rien ne diminue ni n'entrave les droits dont nous jouissons, ma femme et moi, soit le droit d'élever nos enfants et de vivre notre vie suivant nos propres valeurs et en écoutant notre coeur.

En fait, je tiens à dire aujourd'hui à la Chambre que l'adoption de ce projet de loi, qui étend un droit fondamental à l'ensemble des Canadiens, les protégeant contre la discrimination, ne peut qu'améliorer le monde dans lequel mes enfants vont grandir. Il ne peut qu'améliorer notre pays et la société qui sera la leur.


2107

Certains laissent entendre que, en adoptant ce projet de loi, on ouvre la porte à l'adoption pour les parents de même sexe. Là-dessus, je dois dire que rien n'est plus loin de la vérité. Tout le processus de l'adoption relève de la compétence provinciale en vertu de la disposition de la Constitution sur la propriété et les droits civils.

Encore une fois, j'invite les députés à faire preuve de logique dans l'analyse qu'ils font de cette question. En 1985, le gouvernement de l'Ontario a proposé d'ajouter l'orientation sexuelle à la loi ontarienne sur les droits de la personne comme motif de discrimination illicite. Ce projet de loi a été adopté en 1986 et est devenu loi la même année.

Environ huit ans plus tard, en 1994, l'Assemblée législative de l'Ontario s'est trouvée prise dans le débat sur le projet de loi 167, qui visait à permettre l'adoption d'enfants par des couples de même sexe. Le projet de loi a été rejeté. C'est un fait: malgré l'ajout de l'orientation sexuelle dans la loi sur les droits de la personne huit ans auparavant, il a fallu traiter l'enjeu de l'adoption comme une question distincte et différente. C'est bien la preuve que d'inscrire l'orientation sexuelle dans la loi n'entraîne pas de telle conséquence. Ce sont les faits et c'est la simple logique.

Pour ceux qui prétendent que le fait d'adopter cette modification conférera des droits spéciaux aux gais et lesbiennes, je me permets de rappeler à la Chambre que la modification proposée interdit la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, et que nous avons tous une orientation sexuelle-la notion englobe l'hétérosexualité comme l'homosexualité.

Je signale également que, en 1975, quand cette loi a été adoptée pour la première fois à la Chambre des communes, personne n'avait laissé entendre que d'interdire la discrimination pour des motifs de religion, de race ou d'origine ethnique allait conférer des droits spéciaux aux catholiques, aux caucasiens ou à ceux qui viennent d'un pays particulier. Aucun argument de la sorte n'était défendable, et personne n'en a soulevé. Selon moi, dans le cas qui nous occupe, aucun argument de la sorte ne peut être soulevé non plus.

J'entends continuer ainsi à expliquer ce que ce projet de loi n'est pas, pour que le débat puisse s'appuyer sur les faits et sur les mérites de la proposition. Certains disent que ce projet de loi va à l'encontre de principes religieux, qu'il est contraire aux préceptes de la religion ou aux notions inhérentes au culte de Dieu. Je suis fier d'intervenir à la Chambre aujourd'hui pour dire à mes collègues que cette modification a l'appui de l'Église unie du Canada, de l'Église anglicane du Canada, du B'nai Brith Canada et du Congrès juif canadien. En gros, ce projet de loi va dans le sens des enseignements les plus fondamentaux de la religion.

(1035)

Je suis catholique romain. Ma mère, une Irlandaise, était catholique, et elle a veillé à ce que je sois élevé dans la religion. J'ai assisté régulièrement à la messe, j'ai servi comme enfant de choeur et j'ai été instruit du début à la fin de mes années scolaires dans des établissements catholiques. J'ai développé le plus grand respect pour les principes de la foi catholique. Je prétends que cette modification est tout à fait conforme à ces principes.

Permettez-moi de vous lire un passage de la constitution apostolique, La vie dans le Christ, dans le nouveau catéchisme. Au paragraphe 2358 du nouveau catéchisme de mon église, l'Église catholique romaine, on aborde la question de l'homosexualité. Voici ce qu'on a à dire au sujet des homosexuels, des gais et des lesbiennes, les personnes mêmes que nous nous proposons de protéger contre toute discrimination dans le projet de loi C-33: «Ils doivent être accueillis avec respect, compréhension et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste.»

C'est tiré de La vie dans le Christ. C'est le principe fondamental de mon église et la proposition fondamentale contenue dans mon projet de loi. Il faut interdire tout élément de discrimination injuste.

Je crois qu'en adoptant ce projet de loi, la Chambre donnera suite à un principe important et fondamental dans la société canadienne. Dans les milieux de travail relevant du gouvernement fédéral, dans les ateliers, magasins et bureaux qui relèvent de notre compétence et pour lesquels nous pouvons établir des principes fondamentaux quant au respect des droits de la personne, les gens ne pourront pas être victimes de discrimination du seul fait que ce sont des gais et des lesbiennes. C'est l'enseignement du Christ et c'est le principe à la base de ce projet de loi.

[Français]

Cette modification est une question de justice fondamentale. C'est une question de protéger ceux et celles qui sont l'objet de discrimination dans notre société. C'est une question de tolérance, une question qui porte sur le traitement digne et respectueux de tous nos concitoyens. C'est une question de veiller les uns sur les autres.

Les Canadiens ont une tradition de tolérance et d'équité dont ils sont fiers. Cette modification prouvera concrètement que ces valeurs tout à fait canadiennes continuent à faire vraiment partie de ce que nous sommes.

[Traduction]

Nous discutons de modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous ne traitons pas, dans le cas présent, de questions abstraites, mais de personnes, d'être humains. Les gais et les lesbiennes ne sont pas des abstractions. Ils sont bien réels et ont tout à fait le droit d'être traités avec dignité et respect. Ce sont nos frères et soeurs. Ce sont nos fils et nos filles, nos voisins, nos amis, ainsi que nos collègues.

J'exhorte la Chambre à évaluer ce projet de loi en fonction de ce qu'il renferme seulement. Je l'invite à évaluer cette mesure à partir des objectifs qu'elle cherche à réaliser plutôt que des affirmations erronées de certains. Lorsqu'on évalue ce projet de loi en se basant sur les faits, sur ce qu'il renferme, je prétends qu'il mérite d'être appuyé sans réserve par la Chambre des communes.


2108

(1040)

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de droits de la personne et de la condition des personnes handicapées et à titre d'individu, je suis heureux de participer à ce débat concernant le projet de loi C-33, qui a comme objectif, tel que le ministre vient de le rappeler, d'amender la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination basée sur l'orientation sexuelle.

Avant d'aborder cette question des droits des homosexuels, je voudrais d'abord adresser un blâme au gouvernement dans sa façon de traiter ce dossier.

On constate, à mi-mandat, après seulement deux ans et demi de pouvoir, que ce gouvernement est usé, je dirais même que c'est un gouvernement de fin de régime. On l'a vu dans plusieurs domaines. Au plan constitutionnel, la dernière trouvaille du «foyer principal», en ce qui concerne la reconnaissance du Québec, son caractère spécifique dans la fédération canadienne, n'a pas fait long feu. On l'a vu également au plan économique avec toutes les tergiversations entourant la question de la TPS. On l'a vu également et on le voit encore dans le dossier de la défense nationale, et dans celui de l'assurance-chômage. Et maintenant, on agit de la même façon dans le dossier des droits de la personne.

Pourquoi est-ce que j'adresse ce blâme au gouvernement? Parce qu'on sent que ce projet de loi suscite de véritables et énormes tensions dans le caucus libéral. C'est pour cette raison que le gouvernement a tant attendu avant de régler cette question qui traîne depuis des décennies.

Bien sûr, je me réjouis que ce projet de loi soit déposé en cette Chambre. Mais il a fallu, comme le ministre de la Justice l'a mentionné tout à l'heure, attendre plus de 20 ans après l'adoption, pour la première fois dans cette Chambre, de la Loi canadienne sur les droits et libertés pour ajouter le motif de non-discrimination en regard de l'orientation sexuelle.

Le ministre de la Justice a rappelé également que le Parti libéral, depuis plus de 20 ans, en fait une des politiques de son programme, sans qu'aucune décision politique, lorsque le gouvernement a été formé par le Parti libéral, ne vienne appuyer ou rendre concret cet élément de programme du Parti libéral.

Le commissaire aux droits de la personne est intervenu depuis 1979 et régulièrement au cours des dernières années, rapport après rapport, pour souligner au gouvernement son sens de l'irresponsabilité en matière des droits de la personne en regard des homosexuels.

Encore dans le dernier rapport qui a été déposé en cette Chambre il y a quelques semaines, le commissaire aux droits de la personne, M. Yalden, a tenu des propos très durs à l'endroit du gouvernement, qualifiant d'irresponsabilité le fait que le gouvernement n'inter-vienne pas, n'agisse pas en cette matière.

Il a fallu également que l'opposition officielle talonne le gouvernement à maintes reprises depuis l'élection de ce gouvernement pour que, finalement, il décide d'intervenir.

(1045)

Il a aussi fallu que le Sénat, l'autre Chambre, adopte, il y a quelques jours à peine, un projet de loi similaire à celui qui est devant nous maintenant pour qu'enfin, le ministre de la Justice décide de déposer un projet de loi, le projet de loi C-33, pour mettre fin à ce motif de discrimination en regard de la communauté gaie et lesbienne. J'aurais souhaité également que le ministre de la Justice fasse preuve de moins de partisanerie dans le traitement de ce dossier. Quand on parle des droits de la personne, il me semble qu'on devrait s'élever au-dessus des lignes de parti. À mon avis, tout le monde devrait convenir, dans ce pays, que toute personne a le droit d'être traitée avec respect et équité.

La semaine dernière, j'ai demandé au ministre de la Justice à quel moment il allait déposer son projet de loi. J'aurais souhaité qu'il en informe l'opposition officielle au lieu de le faire à la dernière minute, comme s'il souhaitait se débarrasser au plus vite de ce dossier qui, de toute évidence, est un dossier chaud, si on se réfère aux dissensions, je le répète, que l'on perçoit à l'intérieur du caucus libéral.

Quand on parle des droits de la personne, il ne peut y avoir de nuances. On ne peut faire preuve de tolérance. Bien sûr, les mentalités évoluent à travers le temps, mais les arguments qu'on entend de ceux qui s'opposent à l'adoption de ce projet de loi sont en tous points les mêmes qu'on soulevait, il y a quelques années à peine, à l'endroit des femmes.

Pendant des siècles, on a même refusé de reconnaître que les femmes possédaient une âme. Il a fallu attendre le XXe siècle pour que soit accordé le droit de vote aux femmes, tant au fédéral qu'au provincial. L'an passé, à Québec, nous fêtions le 50e anniversaire du droit de vote des femmes. Les arguments invoqués pendant ces débats sont essentiellement les mêmes que ceux que l'on entend encore aujourd'hui.

Je donne un autre exemple, celui des droits des Noirs aux États-Unis. Pendant des siècles, encore là, des hommes et des femmes se sont battu simplement pour être reconnus comme des personnes avec des sentiments, avec de l'espoir, qui veulent progresser et évoluer dans leur milieu.

Je souhaite que le débat que nous entreprenons aujourd'hui, de la part de l'ensemble des collègues de cette Chambre, se fasse en ayant à l'esprit qu'on parle de personnes. Au Comité des droits de la personne, la semaine dernière ou il y a dix jours, le député de Notre-Dame-de-Grâce demandait au commissaire aux droits de la personne, M. Yalden, si ce projet de loi allait permettre ou faire en sorte que les homosexuels, les gais et les lesbiennes puissent se marier, et le commissaire a répondu: «En autant que je suis concerné, quand on parle des droits de la personne, il n'est pas question de mariage.» Mais j'y reviendrai plus loin.

Il est question de droits de la personne. Alors, je souhaite, je le répète, que ce débat se fasse en ayant en tête les droits de la personne. Que dit le projet de loi C-33? Que veut faire le projet de loi C-33? Il veut tout simplement reconnaître une question de fait.


2109

(1050)

Il veut faire en sorte que dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, le motif de l'orientation sexuelle soit reconnu comme un motif illicite de discrimination. Dans les faits, cela signifie que dans les juridictions qui relèvent du gouvernement fédéral, suite à l'adoption de ce projet de loi, il ne sera plus permis de discriminer des individus sur la base de leur orientation sexuelle, lorsqu'il s'agira d'emplois ou encore de fourniture de biens et de services. On parle d'entreprises, d'agences qui sont de juridiction fédérale.

Il faut se demander également pourquoi on insiste ou pourquoi on modifie cette loi-là et se poser la question suivante: Les homosexuels sont-ils déjà protégés par nos lois?

J'aimerais rappeler en ce sens que le gouvernement fédéral a fait preuve, comme plusieurs l'ont souligné et comme je l'ai mentionné tantôt, d'un laxisme incroyable dans ce domaine. Au Québec, la Charte des droits de la personne inclut le critère de l'orientation sexuelle comme motif de discrimination depuis 1977, c'est-à-dire depuis 26 ans maintenant.

Je l'ai mentionné tantôt, en 1978, le Parti libéral du Canada en a fait un élément de son programme. En 1985, un sous-comité parlementaire de la Chambre des communes recommandait également que l'on procède en cette matière. En 1993, au cours de la campagne électorale, le premier ministre, M. Jean Chrétien, a pris l'engagement ferme de présenter un projet de loi le plus tôt possible afin de régler cette situation. Je souhaite donc que l'on procède le plus rapidement possible.

Une autre question qui se pose, et dont le ministre a parlé il y a quelques minutes: Est-ce que ce projet de loi donne un statut particulier aux gais et aux lesbiennes? Évidemment, la réponse à cette question est non. Il ne fait que reconnaître ce que de nombreuses lois reconnaissent déjà, ici même au Parlement fédéral et dans d'autres législatures. Même les juges de la Cour suprême reconnaissent la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle, même si le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne ne mentionne pas de façon spécifique l'orientation sexuelle.

Il faut également se poser la question, et cette question semble être, dans le caucus libéral, la plus épineuse: Est-ce que le projet de loi change la notion de famille? Encore là, la réponse est de toute évidence non. Malheureusement, je dirais, ce projet de loi ne va pas assez loin en autant que je suis concerné, mais il est clair, et le ministre l'a répété plus tôt, ce projet de loi ne modifie d'aucune façon la notion que l'on se fait actuellement de la famille. Il faudrait toutefois reconnaître que cette notion de famille évolue dans le temps.

Quand on réfère, dans nos lois, à la famille traditionnelle, un homme et une femme mariés religieusement ou légalement, force est de reconnaître que depuis de nombreuses années, plusieurs législations reconnaissent également les unions de fait.

(1055)

Lorsque le commissaire aux droits de la personne a comparu devant le Comité des droits de la personne, le député de Notre-Dame-de-Grâce lui a demandé si le fait d'ajouter le motif de non-discrimination à l'endroit des homosexuels dans la Loi canadienne sur les droits de la personne accorderait automatiquement des dispositions spéciales aux personnes gaies et lesbiennes. Autrement dit, est-ce que cela faisait en sorte de reconnaître les couples gais? Le commissaire a dit, je l'ai mentionné tantôt, que l'ajout de ce motif ne change rien à la notion de mariage, telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Par contre, lorsque vient le temps d'appliquer les lois, si on accepte la non-discrimination basée sur l'orientation sexuelle, si on accepte les unions de fait, il est évident qu'un jour ou l'autre, nous devrons reconnaître le fait que deux hommes ou deux femmes puissent vivre ensemble, se reconnaître comme conjoints et bénéficier des avantages qui en découlent.

Il ne s'agit pas de changer la notion de famille, il s'agit de reconnaître des situations de fait, de reconnaître que dans notre monde, aujourd'hui, des hommes et des femmes décident de vivre ensemble sans nécessairement faire avaliser leur union sur le plan légal ou religieux et c'est reconnu au titre des bénéfices qui doivent être accordés à ces individus. À partir du moment où nous reconnaissons, où nous acceptons de proscrire la discrimination à l'endroit des gais et des lesbiennes, il va de soi qu'éventuellement, une nouvelle étape devra être franchie et qu'on devra reconnaître que deux hommes ou deux femmes peuvent vivre ensemble et bénéficier des avantages qui en découlent.

Il y a déjà des précédents en cette matière. Le Québec, encore là, est à l'avant-garde. Il y a actuellement devant l'Assemblée nationale un projet de loi, la Loi 133, qui vise à accorder aux couple gais les mêmes droits qu'aux couples hétérosexuels en matière d'avantages sociaux et économiques.

Si, comme le ministre de la Justice l'a mentionné dans son intervention, des provinces, en l'occurrence le Québec, interviennent dans ce dossier d'une façon particulière pour reconnaître les couples gais, c'est que, de toute évidence, la seule inclusion du motif de discrimination dans la Charte québécoise des droits et libertés et dans la Loi canadienne des droits de la personne ne permet pas d'accorder, de façon automatique, des avantages aux couples gais qui sont reconnus actuellement aux couples hétérosexuels. Je le souligne pour démontrer, pour insister sur le fait qu'un pas sera bientôt franchi, mais qu'il reste encore du travail à faire en ce sens.

(1100)

Une autre question que l'on entend souvent et qui est fondamentale chaque fois qu'il est question de l'orientation sexuelle, chaque fois qu'on parle d'accorder les mêmes droits aux homosexuels qu'à l'ensemble des membres de la société est que les gens qui s'y opposent trahissent leur propre insécurité par rapport au phénomène de l'homosexualité. Ils prétendent, à tort, que le fait de reconnaître des droits à la communauté gaie équivaut à faire la promotion de l'homosexualité. Et plus odieux encore, nous avons eu l'occasion d'entendre des députés de cette Chambre faire le lien entre l'homosexualité et la pédophilie. Nous avons entendu des députés de cette Chambre parler de l'homosexualité comme d'une maladie, d'un geste immoral.

Voilà, à mon sens, des propos inacceptables, parce que non fondés sur la réalité, des propos qui n'ont qu'un seul objectif, celui de discréditer, de jeter du mépris sur des hommes et des femmes qui ne demandent qu'une seule chose, le respect et la reconnaissance de leurs droits fondamentaux, exactement comme le reconnaît l'Église


2110

catholique, à laquelle a fait allusion le ministre de la Justice dans son intervention.

Je voudrais, dans les minutes qu'il me reste, me référer à la position du Bloc québécois. Le leader du Bloc québécois a indiqué hier, alors qu'il sortait de la Chambre des communes, que les députés du Bloc québécois allaient appuyer le projet de loi C-33. Nous souhaitons, nous de l'opposition officielle, que le Parti libéral, que le premier ministre fasse en sorte que son caucus adopte une position semblable.

Il est important de lancer un message clair à nos concitoyens et à nos concitoyennes qu'on ne peut d'aucune façon tolérer l'intolérance, qu'on ne peut admettre que des individus, des hommes et des femmes respectables, puissent souffrir de discrimination, qu'on puisse jeter le discrédit et la honte sur ces hommes et ces femmes.

Ce Parlement posera aujourd'hui un geste important, même si les conséquences de l'application de cette loi sont limitées.

Je veux rappeler au premier ministre qu'il a pris des engagements formels en ce sens. Lors de la campagne électorale de 1993, le premier ministre s'est engagé à faire en sorte que l'on accorde à la communauté gaie et lesbienne les mêmes droits qu'à l'ensemble de notre population. Cela a été réitéré également dans une lettre adressée à l'organisme ÉGALE par le conseiller principal du premier ministre, le 18 octobre 1994.

Le conseiller du premier ministre, M. Goldesberg, au nom du premier ministre, disait, et je cite:

[Traduction]

«Étant donné que cette initiative traduit la politique bien établie de notre parti et les droits fondamentaux de la personne, le projet de loi ne fera pas l'objet d'un vote libre.»

(1105)

[Français]

J'insiste, au nom de la dignité humaine, de la justice la plus fondamentale, de l'équité, de la tolérance, pour que l'ensemble des députés de cette Chambre accordent leur appui à ce projet de loi. Le Canada, en modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne créera pas un précédent sur le plan international, pas plus que sur le plan interne. Comme je le disais plus tôt, le Québec a une législation avant-gardiste dans ce domaine, car depuis 1977, dans la Charte québécoise des droits et libertés, on reconnaît le motif de l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination.

C'est le cas également pour sept autres provinces, sauf l'Alberta et l'Île-du-Prince-Édouard, où des législations semblables ont été adoptées. C'est le cas également de pays comme le Danemark, la Suède, la Norvège, la Hollande, qui reconnaissent aux gais et lesbiennes des droits semblables à ceux de l'ensemble de leur population.

Je terminerai mon intervention en soulignant en cette matière le travail exceptionnel fait par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Tous se souviennent, lorsqu'il était le porte-parole en matière des droits de la personne, le nombre d'occasions au cours desquelles il est intervenu pour rappeler au gouvernement l'importance d'agir en ce domaine.

On se souviendra également du projet de loi privé déposé en cette Chambre pour faire en sorte de reconnaître les droits aux couples gais. Aujourd'hui, je pense qu'il faut tous, je dirais unanimement, régler cette question une fois pour toutes. Comme Stéphane Baillargeon, chroniqueur au Devoir, le disait: «De nos jours, les homosexuels veulent être reconnus à part entière comme de simples citoyens, avec ni plus ni moins de droits que les gauchers ou d'autres minorités ordinaires.»

C'est dans cet esprit que l'opposition officielle votera en faveur du projet de loi C-33.

[Traduction]

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de parler aujourd'hui du projet de loi C-33. Ce projet de loi, qui vise à ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite prévus à la Loi canadienne sur les droits de la personne, a été déposé à la Chambre hier et le débat en deuxième lecture a lieu aujourd'hui. Tout juste hier, le ministre a dit vouloir le faire adopter rapidement.

J'ai deux principales préoccupations à l'égard de ce projet de loi et je voudrais les aborder aujourd'hui. La première, c'est que ce projet de loi se penche réellement sur l'égalité dans la société canadienne. Nous examinerons peut-être quelques-unes des conséquences de l'égalité et même le mot distinction. Ma deuxième préoccupation découle des propos qu'a tenus le ministre de la Justice. S'il veut faire adopter rapidement ce projet de loi, ce dernier répondra-t-il effectivement aux désirs d'une population canadienne pleinement informée et cette population sera-t-elle représentée dans la décision qui sera prise?

Je traiterai d'abord de la deuxième question, car mes observations à cet égard seront plus brèves. Il s'agit de savoir si les désirs d'une population canadienne pleinement informée seront exaucés. Dois-je rappeler à la Chambre que, même récemment, le gouvernement a manqué à une foule de ses promesses. Nous sommes certes tous au courant de la promesse non tenue au sujet de la TPS. Cette promesse avait été faite dans le livre rouge et claironnée d'une manière différente, mais on l'avait claironnée et elle a permis l'élection de bien des députés qui siègent au fond de la Chambre. Cette promesse que le gouvernement avait fait miroiter aux Canadiens a été brisée.

(1110)

La vice-première ministre a brisé sa promesse de démissionner. Une autre promesse a été brisée. Dans le livre rouge, on déclarait que les députés jouiraient d'une plus grande liberté pour voter selon leur conscience. Le député de York-Sud-Weston a été expulsé pour avoir tenu sa promesse. Le gouvernement n'est pas enclin à remplir ses promesses.

Il est intéressant de noter que le livre rouge ne promet pas de saisir la Chambre de la mesure législative en question. Il n'a pas été fait mention non plus dans le dernier discours du Trône qu'on allait inscrire l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Quoi qu'il en soit, le gouvernement entend maintenant honorer, non pas les promesses qu'il avait fait miroiter aux Canadiens, mais plutôt les promesses qui ont été faites il y a plusieurs années à un groupe d'intérêts spéciaux très puissant.


2111

Il y avait pourtant cette promesse très importante que j'ai évoquée à propos de l'idée d'avoir davantage de votes libres à la Chambre. L'aspect important de tous les débats qui se déroulent dans cette enceinte, c'est la liberté de voter chez les ministériels. Les réformistes croient que le mandat premier des députés à la Chambre est d'exprimer les voeux de leurs électeurs. Les Canadiens croient avoir envoyer leurs représentants à Ottawa pour exprimer leurs voeux. Il doit s'agir d'une priorité dans cette enceinte et il doit s'agir d'une priorité dans ce projet de loi.

Il semblerait toutefois que le gouvernement libéral ait décidé une fois de plus de faire régner une discipline de fer au sein de son parti. Ce qu'il y a de plus grave encore, puisque le ministre souhaite aller vite en besogne, c'est que le gouvernement va sans doute imposer la clôture pour limiter le débat sur ce projet de loi. Tout cela est insultant, non seulement pour l'évolution de ce dossier, mais pour la population canadienne qui sera grandement touchée par le projet de loi.

Dans quelle situation sommes-nous en ce moment? Les institutions sociales manquer à leurs engagements envers nous à cause des dépenses excessives du gouvernement. À cause des décisions et des politiques gouvernementales, elles manquent à leurs engagements envers les Canadiens qui comptent le plus sur elles. Les grandes institutions de notre pays sont actuellement en cours de redéfinition.

Le débat d'aujourd'hui porte sur un projet de loi de trois pages qui se ramène à appliquer deux mots nouveaux dans qquelques situations. Seulement, cette mesure législative se veut une autre étape d'un interminable processus de reconstruction qui ne donne pas les résultats escomptés. Il n'y a qu'à regarder ce qui se passe dans nos rues et dans nos foyers.

Ce projet de loi en dira long sur l'intégrité du gouvernement qui dissimule la portée réelle de cette mesure législative. Dans leurs interventions, les libéraux ne parlent que des droits de la personne et affirment que le projet de loi ne vise rien d'autre. À mon avis, la question est bien plus compliquée. Ce sera d'ailleurs l'objet de mon intervention.

Le Parti réformiste a adopté plusieurs positions qui seraient contraires à l'essentiel du projet de loi. Revoyons d'abord ces positions.

Le Parti réformiste a inscrit dans son livre bleu la politique sur la famille que voici: «Le Parti réformiste est favorable à ce qu'on limite la définition d'un mariage légal à l'union d'une femme et d'un homme aux fins du versement de prestations de conjoint prévu par tout programme financé ou géré par le gouvernement fédéral.»

(1115)

De plus, notre caucus défend une position qui sera soumise à l'approbation de notre assemblée en juin et qui est rédigée comme suit:

Le caucus réformiste proclame l'égalité de tous les Canadiens devant la loi et le droit de chacun de vivre librement en se conformant à la loi et en bénéficiant de sa protection.
Aux termes de la Charte canadiennes des droits et libertés, les homosexuels bénéficient des mêmes droits et des mêmes privilèges que tous leurs concitoyens. Le caucus réformiste demande le maintien de ces droits en se fondant sur l'appartenance au genre humain, et non sur l'orientation sexuelle.

C'est pourquoi le caucus juge inutile et imprudente l'intention annoncée du gouvernement d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite prévus à la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans d'autres lois.

Je voudrais répéter les principaux éléments de notre position. Nous déclarons que tous les Canadiens, y compris les homosexuels, ont droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de leur personne et à l'absence de discrimination, peu importe les caractéristiques personnelles, et que ces droits devraient être strictement observés. Nous déclarons que ces droits devraient être fondés sur l'appartenance au genre humain, et non sur l'orientation sexuelle ou une autre caractéristique personnelle.

Nous sommes opposés à la tendance qu'ont les tribunaux et le Parlement à créer ou reconnaître des distinctions chez les Canadiens, afin de définir ou d'étendre des droits aux termes de la Charte ou de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous sommes opposés à la pratique qui consiste à accorder des droits non définis ou illimités en vertu de la Charte ou de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous nous opposons à l'intention déclarée du gouvernement d'ajouter spécialement l'orientation sexuelle parmi les motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, car cela nous paraît inutile et inopportun.

Il y a vraiment longtemps que s'exercent des pressions pour faire ajouter ces mots dans la loi. Je voudrais cependant remonter au 17 avril 1982, lorsque la charte des droits et des libertés a consacré les droits et les libertés reconnus comme fondamentaux pour l'application des principes de liberté et de valeur humaine, en les mettant au-dessus du Parlement et des assemblées législatives provinciales dans un document qui fait partie de notre constitution.

Comme la constitution a caractère de loi suprême du Canada, toutes les lois doivent s'y conformer, sinon elles seront frappées de nullité par les tribunaux.

Parmi les droits garantis figurent les droits à l'égalité, qui sont consacrés à l'article 15 de la charte des droits et libertés. Voici ce que stipule le paragraphe 15(1):

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Cette disposition aurait pu s'arrêter après les termes «et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination», car elle stipule bien que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. Cela suffit certainement à protéger les Canadiens en tant que participants égaux à une société d'égaux.


2112

La liste qui suit est une liste ouverte, d'accord, mais elle classe les personnes par catégories, ce qui a pour effet de mettre ceux qui ont des droits spéciaux ou des privilèges au-dessus de ceux qui ne figurent pas sur la liste. C'est peut-être pourquoi on a assisté à un effort concerté pour ajouter à la liste. Je me demande où s'arrêteront les additions.

En 1986, un comité parlementaire a eu pour mandat de rendre les lois fédérales conformes à la charte. Fait intéressant, car ce comité a largement débordé son mandat. Il a proposé à l'époque de tenir compte de la discrimination sexuelle dans la charte, ce qui était totalement étranger à son mandat et complètement déplacé. Par la suite, j'ai entendu dire que c'est en guise de compromis qu'il a recommandé d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, encore une fois à cause de l'insistance de membres du comité qui avaient des objectifs très précis en tête.

(1120)

Rappelons-nous décembre 1992. La ministre de la Justice, Kim Campbell, a déposé le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Un amendement proposé au projet de loi ajoutait l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination illicites. Au même moment, le projet de loi S-15 a été présenté au Sénat par le sénateur Kinsella, qui vient de présenter le projet de loi S-2, qui a été adopté au Sénat. L'étude des deux projets de loi a été interrompue par la dissolution du Parlement.

L'élément clé, dans tout ceci, c'est qu'il y a eu un effort concerté et persistant, alors que les Canadiens n'ont jamais rien réclamé en ce sens. Il est certain que diverses personnes ont fait des efforts au fil des ans pour faire adopter ce genre de mesure.

Essayons de voir ce qu'on entend par le mot «discrimination». Cela fait partie de la protection accordée à tous les Canadiens par notre charte des droits. La liste qui y figure est une énumération de catégories de personnes qui appartiennent à des minorités définissables et isolées, ayant des caractéristiques distinctes et immuables. On leur a accordé une protection spéciale, un droit spécial devant la loi. Comme nous l'avons constaté dans l'application de nos propres lois, cette situation juridique spéciale suppose qu'ils sont pris en considération dans nos programmes de promotion sociale. Lorsque nous examinons ces listes, nous voyons des gens qui possèdent un statut spécial, statut qui est inclus et reconnu de façon spécifique dans nos lois.

Aux termes de la définition d'orientation sexuelle, en tant que groupe, les homosexuels n'ont en commun que leur préférence sexuelle; méritent-ils d'obtenir un statut particulier qui leur offre une protection, comme le laisse entendre le terme «discrimination»? Par le passé, on a toujours appliqué trois critères avant d'accorder un statut spécial à un groupe.

Selon le premier critère, tous les membres du groupe doivent avoir souffert, au fil des ans, d'une forme d'oppression sociale qui les aurait empêchés de participer à l'activité économique, de poursuivre des études ou de prendre part à la vie culturelle. Selon le deuxième critère, tous les membres du groupe doivent posséder des caractéristiques immuables, comme la race, la couleur, le sexe, qui les définissent comme groupe distinctif. Selon le troisième critère, tous les membres du groupe doivent être impuissants sur le plan politique. Voilà les caractéristiques précises des groupes qui, d'après notre liste, sont victimes de discrimination et devraient jouir d'une protection spéciale.

Les minorités ne sont pas toutes admissibles au statut de groupe protégé. Par exemple, on pourrait dire que les cadres d'entreprise forment une classe de citoyens canadiens, mais, de toute évidence, ils ne satisfont pas aux trois critères énumérés. Ce groupe ne serait donc pas admissible à une protection spéciale contre la discrimination. Les 295 élus qui siègent à cette Chambre forment également un groupe distinct. Évidemment, nous ne satisfaisons pas aux critères.

(1125)

Si les députés ou les cadres d'entreprise s'organisaient pour exercer des pressions afin d'obtenir un statut spécial, ils formeraient un groupe d'intérêt spécial, mais pas véritablement une minorité.

Si l'on revient au premier critère, peut-on dire que les homosexuels sont défavorisés sur les plans économique, scolaire ou culturel? Dans l'affirmative, seraient-ils considérés comme un groupe devant être protégé de façon spécifique contre la discrimination?

Des études effectuées récemment par des homosexuels montrent que les homosexuels sont, en fait, grandement favorisés au sein de notre société. Le 18 juillet 1991, le Wall Street Journal publiait un article intitulé: «Réticence bien ancrée vaincue: davantage d'entreprises courtisent la communauté gaie.» Cet article faisait état des conclusions du Simmons Market Research Bureau et du bureau américain du recensement.

Selon ces données, le revenu moyen des ménages gais aux États-Unis-et la situation doit être sensiblement la même au Canada-est de 55 430 $ comparativement à 32 144 $ pour la population en général. Au moins trois fois plus de gais que d'Américains moyens ont un diplôme d'études supérieures, soit 59 p. 100 contre 18 p. 100.

Au moins trois fois plus de gais que d'Américains moyens sont des professionnels ou occupent des postes de gestion, soit 49 p. 100 contre 15,9 p. 100. Et 65,8 p. 100 des gais voyagent à l'étranger, soit au moins quatre fois plus que l'Américain moyen, et 13 fois plus de gais que d'Américains moyens, soit 26,5 p. 100 contre 1,9 p. 100, prennent fréquemment l'avion. Ces statistiques ne sont certes pas celles d'une communauté démunie au plan économique.

On prétend aussi que ce groupe social fait particulièrement l'objet de violence. Je reconnais qu'il y a une recrudescence de la violence gratuite dans toutes les régions de notre pays. Dans ma propre collectivité, les gens sont scandalisés de ce qui se passe dans leurs rues; ils sont inquiets et ne se sentent pas en sécurité. Nous pouvons en blâmer le système de justice criminelle, qui n'exige pas que l'on rende des comptes.


2113

L'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants est conçue de telle sorte qu'elle ne freine en rien l'établissement de structures de comportement chez les jeunes. La criminalité ne coûte rien. Tous les Canadiens ont besoin d'être protégés et de se sentir en sécurité.

Par exemple, dans notre région, une bande de voyous, qui constituait une petite minorité, s'en est pris bien des fois, dans un mail local, à toute personne qui portait du violet. Pendant les 12 mois environ que cela a duré, je n'ai personnellement jamais entendu parler d'attaques contre des homosexuels. Je n'ai aucune raison de croire que la violence qui sévit partout dans nos rues est plus grande à l'endroit des homosexuels.

Nous reconnaissons, je le répète, que, comme tous les Canadiens, les homosexuels exigent d'être protégés et doivent être protégés conformément à la loi canadienne, mais nous estimons qu'ils n'ont pas besoin d'une protection spéciale.

(1130)

Il est intéressant, et pour le moins curieux, que le gouvernement présente ce projet de loi maintenant. Pourquoi protéger ce groupe en particulier, alors que rien n'indique qu'il ait besoin d'être protégé plus que les autres Canadiens et qu'il y a un groupe de Canadiens, la minorité anglophone au Québec, qui est aux prises avec des difficultés et dont le gouvernement ne s'occupe pas?

La minorité anglophone du Québec est lésée sur le plan de l'éducation. Quel autre groupe verrait des dizaines de milliers de ses bulletins de vote rejetés lors d'une élection démocratique sans que le gouvernement fédéral, qui est censé le représenter, ne proteste avec véhémence? Au Québec, ce groupe est exclu des postes de la fonction publique. Pourtant, le gouvernement reste muet à propos de ce groupe victime d'une discrimination flagrante dans le contexte où il évolue. Le gouvernement préfère présenter le projet de loi C-33.

Conformément au deuxième critère, les groupes bénéficiant d'une protection particulière devraient présenter des caractéristiques immuables ou distinctives évidentes, comme la race, la couleur, le sexe ou l'origine ethnique, qui les définissent comme des groupes particuliers.

De nombreuses études ont été réalisées. Une étude sur les jumeaux a été mise en doute. Les auteurs, Bailey et Pillard, ont été discrédités parce que les jumeaux qu'ils ont étudiés provenaient du même ménage. La crédibilité scientifique des résultats s'en trouvait entachée.

Dans une autre étude, Simon LeVay a examiné le cerveau de 19 homosexuels de sexe masculin et il a essayé de déterminer s'il y avait une distinction, une caractéristique immuable. L'étude a été discréditée parce qu'elle comportait des erreurs de classification, des données incomplètes et des irrégularités.

Jerry Muller, auteur et professeur agrégé d'une université américaine, soulève la question des grandes orientations sexuelles sur les campus des universités et des collèges américains:

Les arguments politiques que l'on invoque pour expliquer à la population hétérosexuelle l'orientation homosexuelle ont tendance à dépeindre l'homosexualité selon un modèle déterministe ayant des causes biologiques, sociales et psychologiques irrévocables. Pourtant, les spécialistes qui étudient l'homosexualité scientifiquement ont tendance à défendre celle-ci comme un mode de vie choisi délibérément.
La convergence du féminisme et de l'idéologie homosexuelle nous ont conduits à une nouvelle étape, celle où les identités stables mais multiculturelles et multisexuelles sont contestées par ceux qui considèrent toute identité permanente et fixe comme une restriction coercitive de l'autonomie, celle-ci étant censée inclure l'autodéfinition et la redéfinition.
Il semble y avoir un flottement dans la définition de sexualité au sein de la communauté homosexuelle, un flottement qui montre que même son propre concept de caractéristique immuable ou même la constance ou encore la nature de l'orientation sexuelle serait très difficile à cerner. Le deuxième critère qui devrait être évident dans les caractéristiques immuables ou distinctes est annulé par la notion même qu'il n'y a pas d'identification au sein de cette catégorie.

Le troisième critère est que les catégories spécifiquement protégées devraient faire clairement preuve d'une incapacité de se défendre sur le plan politique.

Comme je l'ai montré ces dernières années, il y a eu des progrès constants dans de très récentes décisions parlementaires, mais non dans la loi. Il ne fait pas de doute que, dans les tribunaux, des progrès constants ont été réalisés sur le plan de l'orientation sexuelle dans les décisions judiciaires et les documents administratifs de l'État.

(1135)

Un contraste intéressant nous a été donné par un projet de loi d'initiative parlementaire présenté en septembre dernier et dans lequel on rejetait carrément la reconnaissance des conjoints de même sexe. Le projet de loi a été soumis à un vote libre et la reconnaissance des conjoints de même sexe a été rejetée par 124 voix contre 55. En dépit de cette décision, le gouvernement a pris, deux mois plus tôt, par le truchement du Conseil du Trésor, une mesure par laquelle il accordait aux partenaires de même sexe de fonctionnaires les avantages liés aux congés. Cette mesure entrait directement en contradiction avec la décision prise dans cette enceinte et, à mon avis, avec l'opinion publique.

La communauté homosexuelle a-t-elle un poids politique? Lorsque je siégeais au sous-comité de la santé sur le sida, j'ai pu constater que c'était certainement le cas.

Dans un rapport de sous-comité, nous avons examiné les montants consacrés à différentes maladies, dont le sida. La répartition était la suivante: en 1994-1995, le gouvernement a consacré 43,5 millions de dollars au sida et 4 millions au cancer du sein, soit le dixième. Santé Canada a consacré 3,8 millions de dollars aux maladies cardio-vasculaires. Il est intéressant de noter que, à la fin de 1994, au Canada, 10 000 personnes avaient été infectées par le VIH et, de ce nombre, 7 471 étaient décédées. En 1995, 17 000 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués et 5 400 personnes sont mortes de cette maladie. Des décisions comme celles-là, qui nous ramènent directement aux dépenses du gouvernement, ne me donnent pas l'impression d'une impuissance politique, mais plutôt d'une activité politique fébrile et efficace.

Les homosexuels veulent-ils simplement être protégés de la discrimination ou bien, une fois protégés de la discrimination, ils veulent aussi être à l'abri de tout examen public, de toute critique et, peut-être, de toute obligation de rendre des comptes au reste de la


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population? Je sais que les chiffres que je viens de citer ont enragé des Canadiens d'un océan à l'autre. Ils veulent savoir pourquoi les fonds qu'ils versent pour les soins de santé ne sont pas répartis proportionnellement à la gravité des maladies et ils s'en inquiètent.

Je demande pourquoi ces dépenses n'ont pas été remises en question avant aujourd'hui. Peut-être le sida est-il une maladie politiquement correcte qui échappe à tout examen public? Je me demande également si la situation que je viens de dénoncer se perpétuera et si la discrimination à cet égard se poursuivra.

Je donne un exemple. Récemment, j'ai eu entre les mains un dépliant de la Société canadienne du sida. Une partie des fonds destinés à la lutte contre le sida sert à financer une campagne de sensibilisation et une campagne contre l'homophobie. Il se pourrait que ceci fasse partie de cette campagne. C'est un dépliant sur l'homophobie. Il y est dit que l'homophobie est une autre forme de préjugé. «Préjugé» est un mot qui apparaissait dans le projet de loi C-41, avec haine et discrimination. On lit dans ce document, qui, je présume, est en partie financé par le gouvernement: «Nous tombons tous dans l'homophobie lorsque nous. . .» Il y a une liste. Le quatrième point de la liste est «lorsque nous refusons les droits fondamentaux comme les prestations aux conjoints aux couples homosexuels».

Le gouvernement veut-il simplement mettre fin à une distinction illicite avec ses deux mots, ou vise-t-il un objectif plus large: la discrimination aujourd'hui, l'homophobie demain, ce qui pourra être dit et fait ensuite? La mesure d'aujourd'hui menace de se répercuter sur plus d'individus, sur plus d'aspects de la vie que toute mesure politique prise jusqu'à maintenant.

(1140)

En vertu d'une loi qui avantage les homosexuels, je me demande quels droits seraient protégés: ceux des parents qui s'opposent à l'influence d'un homosexuel sur leurs enfants à l'école ou dans leur quartier; ceux des enseignants ou des administrateurs scolaires, que ce soit dans le système public ou privé, qui sont forcés de convaincre les enfants que l'homosexualité est normale et est un mode de vie attirant même s'ils ne sont pas personnellement de cet avis; ceux des employeurs ou des propriétaires d'entreprises ou des responsables des services militaires qui seraient forcés de recruter et de promouvoir des homosexuels dans le cadre d'une forme quelconque de programme d'action positive; ceux des employés qui seraient forcés d'approuver l'homosexualité pour ne pas risquer de perdre leur emploi; ceux des travailleurs de la santé ou des victimes qui demeurent vulnérables à la maladie très grave et très mortelle qu'est le sida à cause du droit à la protection de la vie privée; ceux des locateurs qui seraient forcés de louer à des homosexuels même si eux-mêmes ou d'autres locataires dans l'immeuble n'approuvent pas ce comportement; ceux des églises ou d'autres groupes religieux qui doivent aller à l'encontre de leurs croyances en embauchant des homosexuels ou même seulement en parlant de ce comportement?

J'ai entendu le ministre de la Justice dire qu'il respecte les croyances de tous les Canadiens. Je me demande toutefois ce que cela veut dire lorsque les préoccupations d'un groupe d'intérêt passent avant les valeurs des Canadiens.

J'ai mentionné brièvement le projet de loi C-64, le programme d'action positive au Canada que nous connaissons sous le nom d'équité en matière d'emploi. Cette mesure législative contient également une liste qu'on a dressée en se basant sur les groupes défavorisés qui sont énumérés dans la Charte des droits et libertés et dans la Loi sur les droits de la personne. Cette notion qui consiste à donner des droits spéciaux ou des chances spéciales d'emploi à certains groupes a été rejetée par les Canadiens.

Il est intéressant de signaler que le recensement renferme des questions sur l'orientation sexuelle. Je suppose que ces données seront utilisées pour fixer des objectifs quantitatifs et des quotas pour cette catégorie à l'avenir.

J'étais membre du Comité des droits de la personne lorsqu'il a examiné le projet de loi C-64. Les témoignages que nous avons entendus ont clairement montré que ce sont les groupes les plus puissants qui affirmaient avoir toujours été désavantagés, et non pas les groupes véritablement désavantagés, qui ont remporté une victoire stratégique, et cela aux dépens des vrais désavantagés, c'est-à-dire très souvent les autochtones et les personnes handicapées. Ceux qui étaient politiquement plus forts ont eu gain de cause aux dépens de ceux qui étaient vraiment désavantagés. L'équité en matière d'emploi ne fonctionne pas. Elle ne peut pas fonctionner et nous n'avons assurément pas besoin d'une nouvelle catégorie de personnes désavantagées.

Les médias ont accordé beaucoup d'attention au projet de loi, dont le préambule stipule notamment: «Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne.» Comme on peut le voir dans cet énoncé, la famille risque de devoir renoncer à ses choix et valeurs personnels à cause de la discrimination dont elle fera l'objet. On demande au gouvernement, à juste titre d'ailleurs, pourquoi il a mis cet énoncé dans le préambule. Le gouvernement actuel me paraît tenté de refondre et de redéfinir la famille. Nous en avons ici un autre exemple.

La politique fiscale et les priorités de ce gouvernement en matière de dépenses vont à l'encontre des intérêts de la famille. Au cours des quelque vingt dernières années, le gouvernement, c'est-à-dire les libéraux, ont infligé aux familles canadiennes une dette dont nos enfants et peut-être même nos petits-enfants ne verront pas la fin. Cette dette réduira leur capacité de trouver des emplois et de vivre décemment.

(1145)

La fiscalité actuelle prélève 46 p. 100 du revenu des familles, ce qui les oblige à avoir deux salaires.

Le gouvernement a créé des programmes sociaux qui ne sont de toute évidence pas viables. Nous devons faire des choix. Le gouvernement a fait des promesses vides et a montré qu'il n'est pas digne de confiance lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité aux familles.

Le système de justice pénale ignore la sécurité des honnêtes citoyens en remettant en liberté des criminels qui sont pourtant reconnus comme une menace pour la population. La Loi sur les jeunes contrevenants est une plaisanterie pour les jeunes et, je


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dirais, une calamité pour les parents et les communautés. Pourtant le gouvernement prétend qu'elle est en faveur des familles. Pas étonnant que les médias soient surpris par ce projet de loi.

Cette dernière mesure, qui vise à inclure dans la Loi canadienne sur les droits de la personne l'expression «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicitement, fait partie d'un programme en faveur des homosexuels qui veulent voir s'affirmer leur mode de vie et être reconnus en droit.

Jeffrey Levi, un ancien directeur exécutif du National Gay and Lesbian Task Force a déclaré ceci en ce qui concerne la famille et le programme de ce groupe:

Notre programme est maintenant plus vaste; nous ne revendiquons plus seulement le droit à la protection de la vie privée ou le droit à la protection contre les injustices. Nous avons aussi-comme les hétérosexuels aux États-Unis l'ont déjà-le droit de demander que le gouvernement et la société reconnaissent notre mode de vie.
Voilà qui va donner la nausée à nos amis libéraux. Cependant, la vérité est que, tant que nos rapports n'auront pas été reconnus en droit-par une mesure législative reconnaissant la légitimité du couple homosexuel ou la définition de bénéficiaire, par exemple-tant que nous n'aurons pas droit aux mêmes incitations fiscales et à des programmes gouvernementaux pour affirmer nos relations familiales, nous n'aurons pas atteint à l'égalité dans la société américaine.
L'objectif est d'être inclus dans la définition de la famille. Les Canadiens ne veulent pas ça.

Les familles canadiennes sont dans la détresse. Elles sont surimposées, vivent dans l'insécurité, et voilà un gouvernement qui veut redéfinir la famille de sorte à ce que cette notion s'applique à encore plus de gens, à étendre les avantages ou à créer d'autres problèmes pour les familles qui sont déjà dans la misère.

Notre parti est d'avis que si les familles canadiennes n'ont plus d'argent, si elles sont dans la misère, la solution n'est pas de redéfinir la famille, de l'expliquer, mais d'apporter des changements aux programmes qui sont à l'origine des problèmes. Les familles sont trop importantes pour la société et pour les générations futures, qui composeront la prochaine société. La politique gouvernementale devrait toujours être évaluée en fonction de l'influence qu'elle a sur nos familles.

L'extension des avantages aux conjoints de même sexe ou la redéfinition de la famille vont modifier plus de 50 lois fédérales. Cela entraînera des dépenses réelles au détriment de ceux qui ont besoin de protection. Cela aura des conséquences sociales néfastes, notamment une moins grande compréhension de l'engagement, de l'entraide et de la procréation en tant que rôles de la famille traditionnelle dont les parents sont mari et femme.

Cette modification ne se limite pas à un simple ajout de deux mots à une liste. Il ne s'agit pas simplement de régler une question fondamentale aux droits de la personne. Cet enjeu n'est pas non plus uniquement une question morale, bien qu'elle puisse nier les droits des gens qui n'acceptent pas l'homosexualité, parce que c'est contre leurs valeurs personnelles.

Il y a dans cette affaire un groupe d'intérêt spécial qui est en train d'exploiter à son avantage des dispositions de la loi qui sont conçues pour les défavorisés de notre société.

(1150)

Encore une fois, j'affirme que les gais et lesbiennes ont les mêmes droits, privilèges et protections que le reste de la population, en vertu de la loi.

Le Parti réformiste a choisi de rejeter l'inscription de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, considérant que ce n'est ni nécessaire ni sage. Nous avons adopté cette position en tant que parti. En tant que parti, nous nous engageons également à représenter les voeux exprimés par nos électeurs. Je suis solidaire avec mes électeurs et je suis solidaire avec mon parti. Je crois pouvoir affirmer que je suis solidaire avec la majorité des Canadiens, qui résistent à l'inscription de l'orientation sexuelle et des droits de la famille que cela entraîne. En agissant ainsi, je représente bien les désirs de mes électeurs.

M. John Harvard (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je vous sais gré de cette occasion de commenter le projet de loi C-33.

Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons et tout ce que nous touchons dans la Chambre des communes est, d'une façon ou d'une autre, important pour tous les Canadiens. Certaines choses sont plus importantes que d'autres. Ce projet de loi, qui interdit la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, est l'une des mesures législatives les plus importantes dont la Chambre ait été saisie.

Elle est importante pour tous les Canadiens parce que c'est une question d'équité, de tolérance, d'égalité. C'est un message pour tous les Canadiens que la discrimination ne sera pas et n'est pas acceptable.

Pour ceux d'entre nous qui pensent qu'elle est importante, je rappelle que je suis très attachée à ma famille. Élevé dans les Prairies, je viens d'une famille nombreuse. Je suis l'un de 12 enfants survivants. Ma mère a donné naissance à 14 enfants. Je suis le 11e. J'ai une famille nombreuse, du moins selon les normes contemporaines. J'ai cinq enfants et quatre petits-enfants.

Pour moi, les valeurs familiales sont très importantes. Je puis dire à tous les Canadiens qui nous regardent en ce moment que ma femme et moi prenons nos responsabilités familiales très au sérieux. Nous pensons que les valeurs sont très importantes et nous transmettons les valeurs qui nous sont chères à nos enfants. Nous les communiquons. Je suis fermement convaincu que le projet de loi C-33 ne représente aucune menace pour moi, pour mon épouse ou pour mes enfants.

De temps à autre, dans l'histoire de l'humanité, de nouvelles idées naissent, donnant lieu à des changements. Certains changements effraient les gens. Je le comprends. Je pense qu'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est l'un de ces changements qui effraient les gens. Ils refusent le changement car cela leur fait peur. Ce n'est pas la première fois que nous entendons cet argument. Nous l'avons entendu à travers l'histoire à propos de changements très importants.

L'esclavage a été aboli aux États-Unis, il y a plus de 150 ans. Avant que cette décision soit prise, il y eut un grand débat. Certains Américains ne voulaient pas de ce changement parce qu'il leur faisait peur.


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(1155)

Il y a plus de 30 ans, l'intégration était à l'ordre du jour aux États-Unis. Les gens disaient: «Ne le faites pas, nous avons peur. Ne permettez pas aux noirs de s'asseoir à l'avant des autobus.»

Dans notre pays, en 1916 ou 1917, les Canadiens parlaient du droit de vote des femmes. Les gens de l'époque disaient: «Ne le faites pas, nous avons peur.» La même chose s'est produite dans les années 60, au sujet de la contraception: «Ne le faites pas. Ne le permettez pas, nous avons peur.» Les mêmes voix se sont fait entendre au sujet du divorce: «Ne permettez pas à l'État d'autoriser le divorce. Ne le faites pas, nous avons peur.»

Lorsqu'ils se trouvent devant ces questions, les gens comme moi qui ressentent la responsabilité d'aller de l'avant, ont le devoir d'apaiser les craintes. Je voudrais donc apaiser certaines craintes en ce qui concerne le projet de loi C-33. Je renvois les députés et ceux qui nous regardent dans tout ce pays, au préambule du projet de loi.

Le préambule a deux paragraphes très importants:

Le gouvernement du Canada proclame la dignité et la valeur de tous les individus, et reconnaît le droit de chacun d'être à l'abri de toute discrimination en matière d'emploi et de fourniture de biens et de services, et que ce droit s'inspire du respect par tous de la suprématie du droit et de la légalité.
Le gouvernement reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne et que la présente loi ne porte pas atteinte à son rôle fondamental dans la société.
Il est important de se souvenir de ce préambule, car il place la loi dans un contexte rassurant. Il devrait apaiser les craintes et les inquiétudes de certains Canadiens.

Laissez-moi dire autre chose. Ce projet de loi ne donne pas de droits spéciaux. Ce projet de loi touche l'égalité des droits. Actuellement, la déclaration des droits de la personne déclare que les motifs de discrimination illicites sont l'âge, le sexe, la couleur et la religion. Ce ne sont pas des droits spéciaux, car tout le monde les a. C'est la même chose en ce qui concerne l'orientation sexuelle si on l'ajoute aux motifs de distinction illicites. Ce ne sera pas un droit particulier appartenant aux homosexuels ou aux hétérosexuels, parce que tout le monde aura ce droit, homosexuels, hétérosexuels et bisexuels.

Cette modification protégera contre toute discrimination dans le milieu de travail et dans la fourniture de biens et services. Elle signifiera qu'une personne ne pourra pas être licenciée en raison de son orientation sexuelle. La loi interdit à un employeur de licencier pour des raisons de race ou de religion.

Ce n'est donc pas un traitement spécial, mais bien le contraire. L'intention est d'interdire aux employeurs de cibler les homosexuels, ou les noirs ou les minorités religieuses et de les obliger à traiter tout le monde de la même façon. C'est pourquoi je dis que ce n'est pas un droit spécial.

Les gens pourraient se demander, mais à quoi sert la Loi canadienne sur les droits de la personne? Le titre de la loi laisse entendre qu'elle a une application assez vaste, mais lorsqu'on regarde ce qu'elle vise en particulier, nous voyons ce qu'il en est réellement. Elle s'applique à l'emploi et à la fourniture de biens et de services. Elle ne s'applique pas à d'autres questions. Elle s'applique seulement dans les domaines qui relèvent de la compétence fédérale, ce qui ne va pas très loin. La vaste majorité des employeurs et des fournisseurs de services, environ 90 p. 100 d'entre eux, relèvent de la compétence provinciale et donc des lois sur les droits de la personne de ces provinces. Par conséquent, la modification législative proposée ne sera pas d'application aussi vaste que certains le laissent entendre. Il est intéressant de noter que la plupart des employeurs et des fournisseurs de services sont assujettis aux codes provinciaux en matière de droits de la personne. La majorité des lois provinciales ont déjà été modifiées et renferment l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite.

(1200)

Qu'en est-il de la Charte canadienne des droits et libertés et pourquoi est-elle si importante? Parce que la Charte fait partie de la Constitution canadienne. Elle régit toutes les autres lois du Canada, tant fédérales que provinciales ou municipales. elle est importante parce que la Cour suprême du Canada a statué que l'article 15, celui qui garantit le droit à l'égalité, interdit toute discrimination en vertu de l'orientation sexuelle. C'est donc déjà inscrit dans la loi. La Charte le prévoit et elle régit toutes les lois fédérales.

À cet égard, la Loi canadienne sur les droits de la personne ne change rien. Cet aspect est très important et il mérite d'être répété. La Charte interdit déjà, au niveau fédéral, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, peu importe que la modification proposée soit adoptée ou non. Il faut bien le noter. Ainsi, avant de tirer des conclusions concernant l'impact de cette modification, nous devrions comprendre que cet impact existe déjà en vertu de la Charte.

En ce qui concerne l'état du droit, je voudrais aussi ajouter que les tribunaux ont statué que l'orientation sexuelle est incluse dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il est vrai qu'une décision contraire a déjà été rendue à l'égard de la loi de l'Alberta, mais les décisions concernant la loi fédérale demeurent valables. Globalement, l'état du droit est tel qu'on peut difficilement voir, dans ce projet de loi, autre chose qu'une mesure de rattrapage par rapport à ce qui existe déjà dans la plupart des régions du pays.

Quel est l'impact du projet de loi sur la famille, le mariage, l'adoption? Son préambule, que j'ai déjà cité plus tôt, répond à la question. Il reconnaît que la famille demeure le fondement de notre société, et cette modification ne changera rien à cela. La famille demeure forte.

Quel est l'impact sur le mariage? Ce projet de loi n'a rien à voir avec le mariage. La Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique pas dans ce cas-ci.

Quel est l'impact sur l'adoption? Ce projet de loi n'a rien à voir avec l'adoption, qui relève des provinces.

Cela m'amène à un aspect fondamental du projet de loi et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'objet et l'impact de ce projet de loi ne sont pas aussi grands que certains le souhaiteraient. Son objet n'est pas de changer les convictions sincères des gens, mais bien d'empêcher un employeur de licencier quelqu'un à


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cause de son orientation sexuelle et d'empêcher que quelqu'un ne soit privé d'un service offert par un organisme réglementé par le gouvernement fédéral simplement en raison de son orientation sexuelle.

Il est important de noter que la loi établit cette distinction. La loi dit que, lorsqu'on passe des convictions aux actes, c'est-à-dire lorsqu'un employeur ou un fournisseur de services refuse d'accorder un emploi ou un service simplement en raison de l'orientation sexuelle de quelqu'un, il faudrait alors appliquer la loi.

Lorsqu'on examine ce projet de loi de plus près, monsieur le Président, on se rend compte qu'il fait beaucoup moins que certains le laissent entendre, mais tout de même quelque chose d'extrêmement important.

Permettez-moi d'aborder quelques autres questions qui ont été soulevées. L'une d'elles est la signification d'orientation sexuelle. Certains ont demandé si cela pouvait comprendre une conduite illicite. Comme je l'ai mentionné, l'orientation sexuelle est déjà prévue dans la Charte et dans la majeure partie des lois provinciales concernant les droits de la personne, de même qu'elle est implicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les cas portant sur la question sont très nombreux et cette expression est bien comprise. Elle signifie homosexualité et hétérosexualité, de même que bisexualité.

La réponse à la question concernant une conduite illicite est clairement négative. Cette loi ne vise pas une telle conduite. Le préambule du projet de loi le confirme. Cela ne fait aucun doute. Je rappelle aux députés une chose très importante: la pédophilie n'est pas une orientation sexuelle. C'est un crime. C'est vrai que le délinquant soit hétérosexuel ou homosexuel. Il est important de le signaler. Il est essentiel de le comprendre.

(1205)

D'aucuns prétendent qu'il serait préférable de laisser carrément tomber la liste des motifs de distinction illicite contenus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne plutôt que d'ajouter les deux mots «orientation sexuelle». Je ne suis pas certain de bien comprendre cette position. Si nous abandonnons cette liste, par quoi la remplacerons-nous?

Comment protégerons-nous les gens contre la discrimination basée sur la race, la religion, le sexe et l'orientation sexuelle? Comment saurons-nous quelles formes de discrimination sont interdites ou pas? Je ne comprends tout simplement pas à quoi cela servirait. Ou nous protégeons les gens contre toute discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle et d'autres motifs énumérés ou nous n'en faisons rien.

Selon moi, il est trompeur et hypocrite de proposer de laisser tomber la liste. En fin de compte, cette proposition n'a aucun sens. On veut ainsi soulever les passions et éviter la question.

En fait, si nous voulons protéger les gens contre toute discrimination en fonction de leur orientation sexuelle, la modification proposée à la Loi canadienne sur les droits de la personne est la solution. Il n'y a pas vraiment d'autres moyens.

Après avoir réfléchi à cette question et avoir étudié attentivement l'objectif de ce projet de loi et ses répercussions, que pouvons-nous dire d'autre au sujet de cette modification? Nous pouvons affirmer que c'est un projet de loi plutôt modeste, malgré toute l'attention qu'il reçoit. Il donne la possibilité au gouvernement fédéral de rattraper fondamentalement son retard sur les tribunaux, les provinces et la législation actuelle. Lorsqu'on examine cette question point par point, on s'aperçoit que certains exagèrent beaucoup les répercussions de cette modification. Cette modification porte sur les droits de la personne, c'est une simple question d'équité et de tolérance.

La majorité des Canadiens souscrivent à cette mesure depuis des années. Pour la plupart des gens, ce n'est pas une question controversée. En effet, les Canadiens comprennent qu'il s'agit fondamentalement de savoir si on a le droit de faire de la discrimination à l'endroit des gais et des lesbiennes, de les licencier ou de refuser de leur offrir un service du simple fait de leur orientation sexuelle. La majorité des Canadiens savent que ce n'est pas le cas. Cela découle des valeurs canadiennes fondamentales, de valeurs importantes auxquelles nous sommes très attachés.

J'ai parlé de rattraper notre retard. La plupart des provinces où habitent la majorité des Canadiens ont décidé d'ajouter cette protection à leurs lois respectives sur les droits de la personne. Ce n'est rien de nouveau. C'est la politique du Parti libéral depuis de nombreuses années. Je pense que cela remonte à 1978. Les gens savent depuis longtemps que le Parti libéral souscrit à cette modification.

Après tant d'années, après avoir été élus pour gouverner notre pays, il est temps pour nous d'agir. Suffisamment de temps s'est écoulé et le moment est maintenant venu de passer aux actes. Je demande sincèrement à tous les députés des deux côtés de la Chambre d'étudier ce projet de loi en toute sincérité, et en fin de compte, je pense qu'ils s'apercevront qu'il mérite leur appui.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je voudrais dire au député qui vient de s'exprimer sur le projet de loi à l'étude et qui prétend l'avoir étudié dans tous les sens, du début à la fin et de la fin au début, que dans l'ensemble, je souscris à ses interrogations. Je pense que la discrimination, quelle qu'elle soit, basée sur quoi que ce soit, est un élément néfaste de notre société. Peu importe qu'elle soit basée sur l'orientation sexuelle, la couleur de la peau ou les idées politiques, la discrimination est injustifiable.

(1201)

Cependant, il y a deux sortes de discrimination, et mon interrogation est de savoir si le projet de loi présenté par le ministre de la Justice, contrairement à ce que le ministre de la Justice lui-même prétend, n'accorde aucun droit supplémentaire à la communauté homosexuelle. Je voudrais bien le croire et j'espère que c'est le cas. Mais j'ai du mal à réconcilier la version française et la version anglaise du projet de loi.

Je voudrais souligner au député qui vient de s'exprimer, qui est un anglophone de l'Ontario, je crois, que je salue en passant et que je respecte beaucoup, que je doute qu'il ait eu l'opportunité d'établir le parallèle entre la version française et la version anglaise du


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projet de loi. Je comprends que, comme moi, il lise et s'instruise dans sa langue maternelle.

J'essaie de faire le parallèle et de voir s'il n'y a pas là une erreur de composition qui pourrait être redressée tout de suite. Prenons l'article 3(1) de la version anglaise:

[Traduction]

«For all purposes of this act, the prohibited grounds of discrimination».

[Français]

Dans la version anglaise on dit: «Les bases interdites de discrimination.» C'est ce qu'on dit.

Dans la version française, on dit: «Pour l'application de la présente loi»-c'est la traduction fidèle du premier segment de la phrase en anglais-«les motifs de distinction illicite [. . .]». C'est comme si le mot «illicite» était une traduction fidèle du mot «prohibited». Là, je dois m'interroger sérieusement, et les parlementaires ici qui ne le font pas, je crois, font preuve peut-être d'insouciance véritable.

Le mot «illicite» pris dans son contexte, et selon nos règles d'interprétation des lois, les lois s'appliquent d'abord, s'interprètent par ce qu'elles ont, par ce qu'elles disent, de la façon qu'elles sont écrites, et elles s'interprètent aussi a contrario, c'est-à-dire en lisant entre les lignes.

Donc, si j'affirme que «la discrimination illicite basée sur l'orientation sexuelle» n'est pas permise, est-ce que je ne peux pas interpréter a contrario que la discrimination, licite celle-là, basée sur l'orientation sexuelle est, par le fait même, autorisée? Est-ce que je n'ouvre pas la porte béante à ce qu'on a appelé, en Ontario, lors de la dernière campagne électorale de l'Ontario, les quotas. On a vu ce que cela a fait en Ontario, ces fameux quotas. Ceux qui sont bien placés pour le savoir maintenant, ce sont les libéraux de l'Ontario qui ont perdu l'élection en Ontario sur les quotas.

Qu'on discrimine quelqu'un, c'est tout à fait immoral. Qu'on puisse le présenter dans une loi fédérale comme immoral, je suis tout à fait d'accord avec cela, mais que par un mode de rédaction des textes, on en arrive à déclarer l'effet contraire par interprétation, là je dis: «Attention, messieurs, voyons-y.»

On reconnaît que dans notre société en général, les groupes gais et homosexuels représentent environ 10 p. 100 de la population canadienne. Donc, les gais et homosexuels sont en droit d'exiger leur juste part de ce qu'ils représentent dans la fonction publique, dans les corps policiers, peu importe. Ils ont le droit d'exister et il faut reconnaître ce droit d'exister. Sauf que lorsqu'on fait jouer a contrario l'interprétation de l'article, c'est comme par exemple si je disais: «Dans les forces policières de la région de Montréal, qui comptent 4 000 hommes, pour bien représenter les tendances gaies et lesbiennes de la région de Montréal, il devrait y avoir 400 policiers issus de la minorité gaie et lesbienne. Donc, politique d'embauche prochaine, les 400 prochains policiers que j'emploie seraient gais et lesbiennes.

(1215)

Le danger, c'est que l'orientation sexuelle, dans le cadre de telles fonctions, n'a pas nécessairement à voir avec la fonction. On devrait être capable d'embaucher, par exemple, 400 policiers sans leur demander leur orientation sexuelle.

Et est-ce que l'orientation sexuelle ne primera pas sur la compétence? On l'a vu dans d'autres domaines. Cela ne tombe pas du ciel. Il m'est arrivé un cadet, un aspirant policier, de l'école de police de Nicolet, qui avait été déclaré le cadet de l'année de son groupe d'élèves. Il avait reçu un diplôme et des décorations du lieutenant-gouverneur. Mais malgré tout cela, il n'a jamais pu se trouver un emploi. Pourtant, il était le meilleur, on l'avait reconnu. Mais on avait instauré un système de discrimination positive, comme on dit, qui faisait que ce pauvre jeune homme devrait attendre aux calendes grecques avant de pouvoir faire partie d'un corps policier. C'est ma seule inquiétude.

Pour ce qui est de la discrimination basée sur l'orientation sexuelle comme telle, je souscris à 100 p. 100 aux propos du ministre, à ses inquiétudes et à celles de mes collègues du Bloc québécois. Sauf qu'en tant que juriste, ayant passé une bonne partie de ma vie à interpréter des textes juridiques, je vois maintenant se jouer ce conflit dans l'interprétation ou dans la rédaction des versions française et anglaise. J'écoute les libéraux et les réformistes qui, eux, sont de langue anglaise pour la plupart, et ils se sont concentrés, je présume, sur cette version anglaise. Mais lorsqu'on met en relation les deux articles, ils ne visent pas exactement la même chose.

Je voudrais demander au député s'il a pensé à l'effet que pourrait avoir cette discordance ou cette distorsion dans la rédaction des deux versions, française ou anglaise.

[Traduction]

M. Harvard: Madame la Présidente, pour la gouverne du député, je précise que je ne suis pas un député de l'Ontario. Je suis du Manitoba.

Le député a soulevé quelques questions. La première est plutôt d'ordre technique, puisqu'il se demande s'il n'y aurait pas divergence entre la version anglaise et la version française du projet de loi.

N'étant pas avocat, je ne suis pas apte à aborder cette question, mais j'estime qu'il s'agit là d'une question qu'il y a tout lieu de soulever devant le comité. Celui-ci comprendra des ministériels, des avocats et d'autres personnes capables de répondre à toutes les questions techniques. J'invite donc le député à soulever cette question devant le comité. Ce ne sera pas long.

Pour ce qui concerne la question des quotas, des objectifs et de l'action positive, je peux donner l'assurance au député que ce projet de loi n'a absolument rien à voir avec l'action positive.

Quand on aborde ce projet de loi, il faut prendre garde d'y voir plus que ce qui s'y trouve vraiment. Il est question de deux mots: orientation sexuelle. Il s'agit d'ajouter deux mots à la liste des motifs illicites de discrimination. Il n'est question de rien de plus, rien de moins. Tout ce que cela veut dire, c'est que les Canadiens ne pourront plus faire de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle lorsque le projet de loi aura force de loi. Je tiens à assurer


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au député que cette mesure législative n'a absolument rien à voir avec l'action positive.

Bien que le député ait des questions à poser, je me réjouis de ce que lui et son parti souscrivent à ce projet de loi. C'est très important. Le projet de loi se veut une mesure en faveur de l'égalité et de la tolérance. Nous leur sommes très reconnaissants de leur appui.

(1220)

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, vous ne serez pas surprise de me voir devant vous, aujourd'hui, avec le ferme propos d'appuyer le projet de loi. Je le fais avec énormément de plaisir, parce que je sais très bien qu'en cette Chambre, il y a des moments où on a le droit d'être partisan et d'autres où on n'a pas le droit de l'être. Si vous me demandiez quelle est la raison première pour laquelle je me suis engagé en politique, bien sûr, je vous répondrais la souveraineté, mais tout de suite après, je vous dirais que c'est pour promouvoir l'égalité entre les individus. Chaque fois que dans ce Parlement, il est question de promouvoir l'égalité des individus, on ne devrait souffrir aucune partisanerie.

J'ai écouté le discours de mes collègues réformistes, mais je suis à 100 lieues de penser qu'il a quelque portée dans la réalité, non seulement qu'il a quelque portée, mais, à mon point de vue, c'est un discours truffé d'incohérences, bourré d'illogismes et c'est un discours à la limite de l'inacceptable. Cela étant, ce n'est pas à ce propos que je veux discourir aujourd'hui.

Je sais bien que mes chances sont plutôt faibles de convaincre, à quelques notables exceptions près-et il y aura toujours dans mon coeur le respect qu'il faut pour les grands parlementaires qu'ils sont-de convaincre, dis-je, les députés réformistes, car à quelques exceptions près, je sais très bien que le Parti réformiste, en matière des droits de la personne, est au cinéma muet ce qu'est le septième art. Nous sommes en présence de gens qui ont une fierté, assez peu compréhensible, à regarder en arrière et à confondre les genres et les styles avec un à-propos et une éloquence absolument déconcertants.

Cela étant dit, de quoi parle-t-on aujourd'hui? Aujourd'hui, on nous demande d'étudier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je pense qu'il faut rappeler, parce que c'est une erreur répandue et comprise chez les journalistes, qu'on ne parle pas de la Charte. La Loi canadienne sur les droits de la personne n'a pas de valeur constitutionnelle, elle n'est pas incluse, elle n'est pas incorporée dans la Constitution de 1982. C'est un des deux instruments qui existent pour promouvoir les droits de la personne. C'est donc une loi organique, une loi qui a la même portée, le même statut que l'ensemble des lois que nous adoptons dans ce Parlement.

La Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique à tous ceux qu reçoivent des services du gouvernement fédéral et à tous ceux qui sont des travailleurs à l'intérieur de l'une ou l'autre des juridictions du gouvernement fédéral. Donc, pour l'essentiel, on parle du transport interprovincial, des banques, de la fonction publique, des grandes sociétés d'État comme Radio-Canada, etc.

Ce que l'on demande, aujourd'hui, aux parlementaires, c'est d'accepter qu'à l'intérieur de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on ne tolère pas que de la discrimination soit faite envers ceux qui reçoivent des services et ceux qui sont concernés sur la base de l'orientation sexuelle. C'est de ça dont on parle. Toute tentative de la part de l'un ou l'autre de nos collègues réformistes ou de l'aile «Flintstone» du Parti libérale serait intellectuellement malhonnête.

Qu'on se lève, en cette Chambre, et qu'on dise que oui, on pense qu'il faut discriminer sur la base de l'orientation sexuelle, je suis prêt à accepter ça. Je ne suis pas d'accord, ça ne me fera pas plaisir, mais on a le droit de ne pas vouloir mettre fin à la discrimination. Mais ayons le courage, comme députés, de reconnaître que ce dont on parle aujourd'hui, c'est de la fin de la discrimination.

J'essaierai de démontrer, un peu plus tard au cours de mon exposé, que cela n'a rien à voir avec la redéfinition de la famille et que ça n'a surtout rien à voir avec une éventuelle reconnaissance des conjoints de même sexe, laquelle j'appelle de tous mes voeux. Tant et aussi longtemps que j'aurai une voix publique, je n'aurai de cesse de le faire, sauf que je serai assez honnête, je serai assez intelligent pour nommer les choses par leur nom et faire la distinction lorsqu'elle existe.

Aujourd'hui, encore une fois, permettez-moi d'être hors d'ordre et de regarder dans ce sens-là pendant 30 secondes, car ce dont on parle, c'est de la fin de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. La discrimination; qu'est-ce que ça veut dire la discrimination? C'est clair dans la loi. La discrimination, c'est d'accorder un traitement ou des avantages différents à l'un ou l'autre des groupes de la population, contrairement à ce qu'il aurait droit.

Donnons-nous un exemple concret. C'est vrai qu'au cours des dernières années, il y a eu des avancées juridiques.

(1225)

C'est vrai qu'entre le débat qui a été tenu dans cette Chambre en 1968 quand John Turner, le ministre de la Justice, a décriminalisé l'homosexualité et le débat qu'on vit aujourd'hui, en 1996, c'est vrai qu'entre les deux, il y a eu, je crois, non seulement des avancées juridiques, mais aussi une certaine maturité de la pensée, à quelque 52 exceptions près.

La maturité de cette pensée fait en sorte qu'aujourd'hui, nous sommes députés et que nous nous levons dans cette Chambre en sachant bien que dans la population canadienne, il y a, je crois, certainement au Québec, une majorité clairement confortée, clairement exprimée dans les sondages. Je crois pour ma part que cette majorité existe au Canada anglais.

Je suis un député du Bloc qui est appelé régulièrement à aller à Vancouver, à Toronto, au Manitoba. J'y suis allé régulièrement, depuis que je suis élu, prononcer des conférences et personne au Canada anglais, dans les milieux où je suis allé, n'est venu me voir en me disant: «Oui, il faut continuer de discriminer.»

Il y a dans la population, je crois, quand on veut aborder les choses intelligemment et quand on veut expliquer les choses avec un minimum de cohérence, une compréhension à l'effet que ce n'est pas acceptable, dans une société, de discriminer sur la base de l'orientation sexuelle.

Comment se vit ce type de discrimination? Il n'y a pas tellement longtemps, on ne parle pas d'il y a 25 ans-et je le dis avec beaucoup de prudence parce que je sais que ça change de plus en plus-dans certains milieux, être un homosexuel identifié compor-


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tait un certain accueil mitigé. Je vous donnerai sans hésitation l'exemple des forces armées.

Est-ce que ça veut dire que les états-majors, que les dirigeants des forces armées, en toutes circonstances, discriminent? Bien sûr que non. Ça ne veut pas dire cela. Mais on sait très bien qu'aujourd'hui, en ajoutant dans la Loi canadienne sur les droits de la personne un motif illicite de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle, ça vient donner une protection juridique à une catégorie d'individus qui, disons plus spontanément, sont susceptibles de vivre la discrimination.

Je pense au cas des forces armées, où il n'y a pas tellement longtemps, il y a deux ans en fait, une personne haut gradée, qui était, je pense, sergent, a été congédiée parce que ses collègues ont appris qu'elle était lesbienne. À ce moment-là, il n'y avait pas, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, la protection qu'on s'apprête à y apporter. Cette personne a dû aller devant les tribunaux de droit commun, et finalement, cela s'est réglé par un agrément de gré à gré. Mais ce que l'on fait aujourd'hui, c'est de donner un message très clair sur la façon dont on veut que les lois soient interprétées.

Pourquoi faut-il poser un geste comme celui-là? Il faut poser un geste comme celui-là, et je pense que le ministre de la Justice a été extrêmement éloquent à cet égard, parce que nous sommes des parlementaires. Être parlementaires, ça veut dire qu'on a bien sûr une voix publique, mais ça veut dire que l'on adopte des lois.

Si nous-mêmes, en tant que parlementaires, n'avons pas le courage de dire: «Oui, on souhaite que de façon explicite, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, soient inscrits les mots «orientation sexuelle»», comment peut-on demander à la magistrature d'avoir ce courage et de l'interpréter et, qui plus est, comment peut-on demander à la population canadienne de ne pas souffrir de discrimination alors que nous, parlementaires, qui sommes censés tracer la voie et dire dans quel type de société législative nous voulons vivre, n'aurions pas le courage de le faire?

Je crois que si nous ne souscrivons pas à ce postulat, si nous ne comprenons pas cette donnée de base, j'irais même jusqu'à dire que nous ne sommes pas dignes d'avoir une voix publique et que nous ne sommes surtout pas dignes de siéger dans un Parlement. On l'a rappelé, et je crois que ça doit faire partie de notre compréhension, la Commission canadienne des droits de la personne, qui n'est pas un organisme politique, qui n'est pas un organisme partisan, depuis 1979-donc 1979, ça commence à faire un sacré bail en politique-dit: «Il faut que le gouvernement canadien ait le courage de son discours.»

Au niveau du discours, il s'est trouvé, à maintes occasions, des parlementaires qui se sont levés en cette Chambre pour dire oui, la discrimination est inacceptable, il faut corriger la situation. Mais dans les faits, c'est aujourd'hui que ça se passe, parce que c'est aujourd'hui qu'on commence à être sérieux et c'est aujourd'hui qu'on commence à allier les faits à la pratique et à poser des gestes qui vont corriger des situations.

(1230)

Je voudrais citer un court extrait d'un échange qui est intervenu entre M. Max Yalden, le président de la Commission des droits de la personne, et un sénateur de l'autre Chambre. Je cite: «Nous sommes doublement satisfaits de voir que le sénateur Kinsella a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui ajoutera l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite. C'est au Parlement-et c'est là l'essentiel de sa pensée-qu'il revient de légiférer à l'égard de cette importante question. Les Canadiens devraient pourvoir connaître la teneur de leurs lois sans avoir à lire les rapports ou l'interprétation des tribunaux. Si le Parlement ne modifie pas la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous estimons que ce serait tout simplement une abdication-une abdication, je pense que le terme est clair-de ses responsabilités.»

Donc, c'est à cet exercice-là précis que nous convie le ministre de la Justice. Bien sûr, on peut se poser des questions, et vous comprenez que je m'en suis posé moi-même, sur ce qui fait, dans la vie, qu'on est homosexuel. Et là, il y a toutes sortes d'interprétations. Il y a des gens qui disent que c'est inné, que c'est dans les gènes, que l'on vient au monde homosexuel et que, finalement, il y a des gens qui le vivent à retardement, mais si vous êtes profondément homosexuel, tôt ou tard vous êtes condamné à le vivre. Alors ça, c'est une interprétation.

Il y a d'autres interprétations qui disent que l'homosexualité, ce n'est pas quelque chose d'inné, c'est quelque chose de social et qu'il y a un contexte qui nous prédispose à vivre une homosexualité et, dans un autre contexte, on vit une hétérosexualité.

Tout cela a un caractère extrêmement théorique. Et moi, je crois que l'important dans la société, que l'on soit homosexuel ou hétérosexuel, que l'on soit polygame ou abstinent, que l'on soit un chaud lapin ou un moine, ce qui importe, quel que soit le choix que l'on fait, c'est qu'on puisse le faire dans le respect de ce qu'on est et dans le respect de son prochain. Et pour le faire dans le respect de son prochain, il y a des conditions législatives qui doivent être mises en place.

Ce qui est le plus important, c'est qu'on en vienne à avoir une vision normative de l'homosexualité. Cela ne veut pas dire que l'un ou l'autre d'entre nous doit faire la promotion de l'homosexualité. Quelqu'un disait, je ne sais pas si c'est le député de Chambly ou mon collègue de la majorité ministérielle, que dans toutes les sociétés, on découvre qu'il y a à peu près 10 p. 100 de gens qui sont homosexuels. Ce chiffre-là a été avancé en 1952 dans le rapport Kinsey qui avait été, pour la première fois de mémoire d'homme, l'étude la plus fouillée sur le comportement sexuel des Canadiens. On avait découvert, dans cette étude, que 10 p. 100 des gens se définissaient ouvertement homosexuels.

Mais encore une fois, ce qui est important, c'est que nous, en tant que parlementaires, travaillions à mettre en place des conditions de tolérance optimale. Que l'on soit à Calgary, à Winnipeg, à Vancouver ou à Montréal, ce qui est important, si on est un homosexuel et si, à 13 ans, 14 ans ou 60 ans, on se découvre homosexuel, c'est de savoir que l'on ne fera pas l'objet de discrimination. On doit savoir que l'on aura droit aux mêmes services en toutes circonstances. Et plus important encore, on doit savoir que, dans notre vie professionnelle, nous ne pourrons pas faire l'objet de discrimination, nous ne pourrons pas faire l'objet de représailles parce que l'on appartient à une minorité sexuelle.

Encore une fois, c'est ça que nous invite à faire la loi. La Loi canadienne sur les droits de la personne, elle concerne pour beaucoup. Parmi les mécanismes de traitement des plaintes qui existent à travers la Loi canadienne sur les droits de la personne, il y a une enquête, ensuite la constitution d'un tribunal, et si on n'est pas


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satisfait du jugement qui a été rendu par le tribunal, on peut aller devant une cour de droit commun.

La plupart des plaintes qui sont portées à la connaissance de la commission existent sur la base de préjugés qui existent en milieu de travail.

(1235)

Je rencontre régulièrement des gens qui sont homosexuels et qui vivent de la discrimination. Quelquefois, c'est une discrimination qui est fine, ce n'est pas toujours brut, à l'état du Parti réformiste, il arrive des fois où on est dans une situation nuancée, et la discrimination, quelquefois elle est brute, mais quelquefois elle est nuancée. Cela peut être, dans un milieu de travail, en n'obtenant pas une promotion parce qu'on est homosexuel; ça peut être de ne pas participer à une délégation, parce qu'on est homosexuel; ça peut être au quotidien toutes sortes de remarques sous le couvert de l'humour qui sont profondément déplacées.

La responsabilité que nous avons, c'est que dans les prochaines années, comme aujourd'hui, on permette à une personne qui se découvrira homosexuelle de pouvoir le dire librement et être bien dans sa peau. Mais pour que l'on en vienne à cet état de fait, qui n'est pas encore la situation dans laquelle on se retrouve, il faut mettre en place des conditions de non-discrimination. La véritable victoire sera le jour où au Québec, ou partout au pays, on sera capables de se définir ouvertement comme homosexuels, sans crainte de représailles.

Pensez dans quelle espèce de société tolérante, idéale, dans quelle espèce de société absolument admirable on vivrait, le jour où on ne ferait aucune différence sur le plan même de l'énoncé, sur le plan même de l'intitulé, entre quelqu'un qui se définirait ouvertement homosexuel ou quelqu'un qui serait hétérosexuel.

Il faut être clair. Je souhaite que la prochaine étape que le gouvernement franchira, et je serai le premier à le dire, et le gouvernement n'aura pas de meilleur allié que moi pour reconnaître qu'il a non seulement rempli un engagement à l'égard duquel il avait souscrit par le passé, mais le gouvernement n'aura pas de meilleur allié pour que je dise, dans toutes les tribunes qui me seront offertes, que le gouvernement a posé là un geste profondément digne sur le plan du respect des droits de la personne, parce que, encore une fois, quand il est question dans un Parlement de la question des droits de la personne, on ne peut souffrir aucune partisanerie.

Il faut être très clair. Je pense que mon collègue le député de Chambly est notaire. Vous savez comment sont les notaires, ce sont des gens qui vivent des «trips» un peu intellectuels avec les documents, avec les papiers, je respecte cela. C'est ce qu'il faut pour être notaire. Mais cependant, ne nous y trompons pas. La loi qui est devant nous n'est pas une loi sur l'équité en matière d'emploi. L'exemple que donnait notre collègue tout à l'heure à propos des policiers n'est pas un exemple éclairé, parce qu'il n'y a pas un employeur qui sera mis en instance, parce que demain matin on adoptera cette loi comme parlementaires, de tenir compte de l'orientation sexuelle de quelqu'un pour l'embaucher. Voyons donc, cela ne se peut pas dans une politique de gestion des ressources humaines.

Même la Loi sur l'équité en matière d'emploi, à laquelle le Parti réformiste s'était opposé-ils avaient fait une bataille titanesque-même la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'impose pas aux employeurs d'engager des gens qui ne sont pas compétents. Ce sont des mythes qui ne reposent pas sur une connaissance éclairée de la loi.

Je conclus en disant que je suis homosexuel, je l'ai dit et je suis très content de l'être. Vous me feriez parvenir aujourd'hui une pilule, par un petit page, me demandant de la consommer afin de devenir hétérosexuel, et je refuserais, parce que j'ai toujours été, dans ma vie, soit avec ma famille, soit dans mes relations professionnelles, à l'intérieur de mon caucus, dans une situation où les gens ont compris ce que j'étais. C'est parce que les gens ont compris ce que j'étais que j'en suis venu à avoir une vision extrêmement positive de l'homosexualité. Mais je suis capable de comprendre que le projet de loi à l'étude nous demande aussi de respecter la notion de famille.

Dans une société, la famille, cela veut dire quelque chose. Je crois que tous ceux qui, à un moment ou à un autre, particulièrement les collègues du Parti réformiste qui seront tentés, un peu malhabilement, avec une étroitesse d'esprit qui n'est pas à leur honneur, de voter contre le projet de loi en disant, et là vous allez les entendre, il n'y aura pas de voix assez tonitruante pour qu'ils s'expriment, il n'y aura pas de place assez grande pour entendre l'écho d'une discrimination qui n'a pas sa place, ils vont dire: «Votons contre ce projet de loi, parce que ce projet de loi remet la famille en question.»

J'espère qu'ils auront l'honnêteté de lire le projet de loi. Je le dis, je pense que dans une société, la famille est importante. La famille peut prendre toutes sortes de formes, elle n'est pas toujours la famille traditionnelle dans laquelle vous et moi avons grandi. Il y a une chose qui demeure, c'est que la famille est un lieu d'apprentissage, la famille est un lieu de socialisation, la famille est un lieu d'entraide. Personne ne peut nier ça. Mais la conclusion, c'est qu'aucun député ne devrait s'abstenir ou voter contre ce projet de loi parce qu'il pense qu'on remet la famille en cause, ce n'est pas le cas.

(1240)

Pensez combien ce Parlement sortirait grandi si, à l'unanimité, nous envoyons un message clair de non-discrimination et j'espère que le Parti réformiste aura cette générosité.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je commencerai mon discours sous peu, mais je voudrais auparavant faire, par votre entremise, quelques observations au député qui vient de parler sur ce sujet.

Depuis deux ans et demi que je suis au Parlement, j'ai appris que le député est un chic type et je suis fier de le compter parmi mes amis à la Chambre. J'espère que cette amitié se poursuivra peu importe où la vie nous mènera. Je tiens le député en haute estime, même si nous abordons la question à l'étude aujourd'hui selon des points de vue légèrement différents.

Je suis totalement d'accord avec lui en ce qui concerne la discrimination et sa prévention. Par contre, je rejette l'action positive, qui fera inévitablement suite à la reconnaissance du motif en question dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.


2122

Le député ne convient-il pas qu'une des conséquences directes de la modification législative actuellement à l'étude pourrait être l'éventuelle reconnaissance de mariages entre personnes de même sexe?

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, ce député est mon ami et pour vous dire la vérité, j'aurais souhaité que de tous les députés, ce ne soit pas lui qui me pose la question. S'il y a quelqu'un au Parti réformiste qui a une compréhension et une sensibilité pour le projet dont on discute, c'est lui. C'est leur prérogative de décider qui pose les questions et je lui dirai deux choses.

Je n'interprète pas ce projet de loi comme étant un projet de loi qui engendrera une discrimination positive. Raisonnons a contrario. Est-ce que le fait que dans la Loi canadienne sur les droits de la personne on interdise la discrimination fondée sur la religion a fait en sorte qu'on a eu de la discrimination positive pour les catholiques? Est-ce que le fait que dans la Loi canadienne sur les droits de la personne on interdise la discrimination envers, je ne sais pas, les personnes graciées a fait en sorte qu'on a retrouvé, dans les milieux de travail, une situation où les employeurs ont embauché plus de personnes qui avaient obtenu le statut de personne graciée?

Je le répète, ce projet de loi ne fera pas en sorte de créer de la discrimination positive telle qu'on l'entend en matière d'équité en emploi, ce pourquoi nous avons tous les deux travaillé.

Sa deuxième question: est-ce que ce projet de loi va entraîner de facto la reconnaissance des conjoints de même sexe? Non. La plus grande preuve de ça, la logique même de ce que j'avance, c'est que dans sept provinces et un territoire au Canada, nous avons, dans les codes des droits de la personne, un motif illicite de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et dans aucune de ces provinces, nous avons pour autant la reconnaissance des conjoints de même sexe. Cependant, je pense que cela deviendra inévitable, et à court, moyen ou long terme, on reconnaîtra les conjoints de même sexe. Cela, je le crois. Je vais m'y employer, je vais travailler très fort.

Je ne peux pas vous dire que ce projet de loi entraîne automatiquement, sur le plan juridique, cette reconnaissance. Les deux sont en parfaite autonomie, les deux sont parfaitement distincts. Il serait souhaitable qu'on reconnaisse les conjoints de même sexe, parce qu'on ne peut pas dire qu'on accepte qu'il n'y ait pas de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle sans que cela aille, sur le plan de la générosité, jusqu'à reconnaître les homosexuels dans leurs relations affectives.

(1245)

Mais sur le plan juridique, soyons clairs. Le ministre de la Justice a été clair, le commissaire aux droits de la personne a été clair, nous avons sept exemples de provinces devant nous et un territoire au Canada où la présence de un n'entraîne pas l'autre. Je dirais, en termes de statistiques-et vous savez à quel point les cours de statistiques nous ont fait suer habituellement, dans le passé-il n'y a pas de causalité, il n'y a pas de corrélation entre la présence de l'un et la présence de l'autre.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, pour faire suite à la dernière question, j'aimerais demander au député d'Hochelaga-Maisonneuve si, dans la province de Québec, depuis que des mesures d'élimination de la discrimination basée sur l'orientation sexuelle ont été adoptées, cela a posé des problèmes sociaux pour la famille traditionnelle?

Est-ce qu'on peut dire que dans la province de Québec, l'état de la famille-nous ne parlons même pas de l'acte de mariage, qui est, après tout, une formalité-est pire depuis qu'on a adopté une loi de tolérance, de respect mutuel envers les autres?

Vous avez parlé de causalité et je reconnais que, dans ces circonstances, il est très difficile de tirer des conclusions précises, mais est-ce que vous pourriez peut-être aider les députés de cette Chambre à comprendre si au Québec on dit: «Voilà, au Québec, on a depuis dix ans une mesure qui élimine la discrimination envers les gais. Mais depuis lors, la famille québécoise se détériore, il y a une nette détérioration de la famille traditionnelle au Québec»?

M. Ménard: Madame la Présidente, quelques mots pour dire que cette fin de semaine, j'ai donné un discours à Toronto et j'ai rendu un vibrant hommage au député qui a posé la question, parce que je sais que c'est un collègue éclairé.

Cela étant dit, la question est la suivante: Est-ce que le fait que le Québec reconnaisse, depuis 1977, dans sa Charte des droits de la personne, l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination a modifié la famille de façon perceptible, ou est-ce que dans toute la documentation portant sur la question, on a de l'information qui nous amène à penser que cela a modifié la famille ou que cela a inhibé les gens dans le fait de vouloir fonder une famille? Je pense que c'est plus cela la question et je crois que la réponse est non.

Je pense qu'on peut répondre très concrètement qu'il y a toujours un Secrétariat de la famille au Québec, qu'il y a toujours des allocations familiales et qu'il y a toujours des gens qui ont le goût de fonder une famille.

Un jour, je suis allé dans un organisme communautaire, c'était lors de la Journée internationale de la famille, et il y a une personne qui n'a pas de diplôme universitaire, une personne animée d'un robuste bon sens, qui m'a proposé une définition de la famille que je n'ai jamais oubliée. Elle a dit: «Une famille, ce sont des personnes qui s'aiment, qui s'entraident et qui se protègent.»

Si on s'aime, si on se protège et si on s'entraide, on forme une famille. À l'intérieur de cela, il y a toutes sortes de variantes. Il y a des familles monoparentales, des familles reconstituées, des familles nucléaires, des familles qui vivent avec les grands-parents. Cela existe, mais toutes ces variantes ont comme commune mesure de s'aimer, de se protéger et de s'entraider.

C'est absolument fondamental. Et encore une fois, soyons clairs là-dessus, j'y crois profondément en tant qu'individu et je l'applique moi-même. Ma famille joue un rôle déterminant et je souhaite qu'un jour vous rencontriez mon père, parce qu'il a à peu près le même humour que moi. Chez nous, on est cinq enfants, j'ai un frère jumeau, j'habite sur la rue Viau et mes parents demeurent sur la rue à côté de chez moi. Cela a du bon et du mauvais, je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a un fait qui demeure, c'est que la


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famille est importante, parce que c'est encore le lieu de solidarité par excellence.

Moi, quand ça va mal dans ma vie, quand les libéraux me font du trouble-ça n'arrive pas souvent, mais c'est déjà arrivé, heureusement que vous êtes là pour vous assurer que ça ne se produise pas trop-mais il reste qu'on sait très bien, chacun d'entre nous, que quand ça va mal, quand on a besoin d'aide dans la vie, il n'y a pas d'autre réalité que celle de la famille qui s'impose.

C'est parce qu'on sait qu'on peut compter sur notre famille que ça vaut la peine de souhaiter qu'elle se perpétue, que ce soit une valeur consacrée et qu'elle puisse prendre différentes formes. Il est très évident qu'il y a beaucoup de gens dans cette Chambre qui forment des familles et qui pourraient nous présenter une définition très différente de la famille dans laquelle j'ai grandi. Mais le fait demeure et il est consacré dans le préambule du projet de loi. La famille est quelque chose qu'il faut préserver, c'est une valeur qu'il faut reconnaître. Encore une fois, il n'y a pas de lien entre une éventuelle reconnaissance de non-discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et quelque attentat, quelque méfait qui pourrait être porté contre la famille.

(1250)

[Traduction]

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, c'est pour moi un grand honneur de participer au débat sur la motion à l'étude.

J'aurais eu envie de passer en revue certains des facteurs qui sont à l'origine de cette mesure, mais le ministre, dans son exposé, a clairement expliqué l'importance de la mesure et sa genèse.

Il importe de rappeler que ce n'est pas la première fois que la question est débattue à la Chambre. Ce n'est pas la première fois que nous nous penchons sur cette question. Un comité de la Chambre, formé de représentants de tous les partis, a recommandé en 1985 d'adopter cette mesure. Dans son discours du Trône, le gouvernement a dit qu'il agirait. Lorsqu'on l'a interrogé à la Chambre, le ministre de la Justice a souvent dit que cette mesure serait adoptée. Le premier ministre l'a également déclaré à la Chambre.

Il est donc temps d'agir. Il est temps d'agir parce que la justice et l'humanité, dans nos collectivités, l'exigent. Parce que l'interprétation que les tribunaux font de nos lois l'exigent.

Nous, simples citoyens, reconnaissons que, si nous voulons vivre dans une société qui repose sur la compréhension, la compassion, la tolérance et le respect d'autrui-c'est-à-dire les qualités qu'on présente comme nécessaires dans la société contemporaine-, si nous voulons surmonter le malaise provoqué par de rapides mutations sociales et des circonstances auxquelles beaucoup d'entre nous ont du mal à faire face, les qualités mêmes qui sont nécessaires à la survie sociale, à la survie de nos collectivités et de nos pays, sont précisément celles qui s'imposent dans le débat sur cette mesure à la Chambre.

La discrimination a des conséquences dont nous devons être conscients et que, même dans un pays aussi privilégié que le nôtre, nous ne pouvons nous permettre d'ignorer.

Dans d'autres parties du monde, la discrimination a entraîné des conséquences sociales terribles. Je ne parle pas des maux du passé. Je parle du monde d'aujourd'hui dans lequel nous vivons. Je parle du Rwanda, de la Bosnie, par exemple, des pays qui souffrent comme ceux-là. Si nous remontons au mal sous-jacent, c'est-à-dire la violence de l'homme envers son semblable, il s'explique en grande partie par des situations résultant de la discrimination.

Voici ce que le savant juge Goldstone, qui était jusqu'à tout récemment le procureur du tribunal de La Haye pour les crimes de guerre en Bosnie, disait à propos de la discrimination, en constatant comment la discrimination menait au génocide. Je ne dis pas que les conditions sont les mêmes au Canada. Voici donc ce qu'il disait en parlant de la Bosnie, et ce qu'il nous incombe de nous rappeler si nous voulons éviter de subir les leçons que d'autres peuples ont à nous apprendre: «Ce genre de guerre ethnique ou religieuse brutale est simplement de la discrimination portée à un stade violent. Le groupe victimisé doit être déshumanisé ou démonisé. Une fois que c'est fait, cela libère les gens ordinaires des contraintes morales qui les empêcheraient normalement de se livrer à des actes aussi terribles.»

Il y a lieu de craindre que ces contraintes morales puissent se relâcher au Canada. Il y a des voix qui se font entendre dans le pays. Je pourrais déposer à la Chambre des textes que j'ai tirés d'Internet et qui constituent des appels à la violence contre autrui pour des motifs d'orientation sexuelle, de race ou de religion. Leurs auteurs incitent à éliminer les homosexuels de la face de la terre. Nous ne sommes pas à l'abri de ces influences, car elles sont répandues. Elles existent ici et nous pouvons les trouver.

(1255)

Voilà pourquoi il est si important d'adopter cette mesure législative. Voilà aussi pourquoi ce projet de loi reçoit l'appui entre autres de l'Association nationale de la femme et du droit, de l'Association du Barreau canadien, du Congrès juif canadien, de B'nai Brith Canada, de la Canadian Foundation of University Women et de l'Association canadienne des Commissions et Conseils des droits de la personne.

J'ai l'honneur de représenter une circonscription qui englobe, dit-on, la plus grande communauté homosexuelle au Canada. Cela ne nous rend pas remarquablement différent des autres.

Il s'agit d'une circonscription urbaine, avec toutes les caractéristiques que cela implique. C'est donc dire que nous sommes différents de bien des circonscriptions rurales. Il y a d'autres circonscriptions au Canada qui connaissent la même situation que nous.

La circonscription que je représente a la chance d'avoir une bonne partie de la communauté homosexuelle, du moins à Toronto et dans la province d'Ontario.

Cette communauté au sein de ma circonscription a deux visages. J'inviterai les députés que la question préoccupe et qui aimeraient en savoir davantage à ce sujet à visiter ma circonscription et à venir examiner avec moi les deux visages de la communauté homosexuelle. Il y a d'abord le visage positif des gens qui gagnent leur vie,


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vaquent à leurs occupations et apportent leur contribution à la société. Il y a un autre visage, celui des gens malheureux et inquiets. Je pense, en particulier, aux visages des jeunes qui se retrouvent au centre-ville de Toronto après avoir été victimes de discrimination.

Ces jeunes ont été chassés de leur foyer par des parents perplexes ou incompréhensifs et de leurs écoles, où ils étaient traités comme des proscrits et où on peut être victime de discrimination à cause de ses différences. Cette discrimination est légalement tolérée comme elle ne le serait jamais si elle était fondée sur la religion, la race ou la couleur.

Dans ma circonscription, il existe des organisations comme le service de renseignements jeunesses pour homosexuels, qui vient en aide aux jeunes qui traversent des périodes de crise. Ces jeunes souffrent et sont incapables de composer avec la discrimination dont ils sont victimes à un âge où ils sont extrêmement vulnérables.

Nous avons aussi des établissements comme le 519 Community Centre, dirigé par Alison Kemper, un conseil d'administration dévoué et de nombreux bénévoles qui ont donné d'innombrables années de service pour rassembler tous les segments de notre société, les mieux nantis comme les pauvres, pour tenter de régler les problèmes et d'atténuer les répercussions qu'entraîne la discrimination dans la vie des gens.

Je suis fier de dire que quelque 600 organisations du genre, réparties dans tout le pays, s'occupent de réunir les gens, de faire que la société fonctionne sans discrimination ni division ni sans qu'un groupe se sente inférieur à un autre, de faire que nous soyons tous unis.

C'est là une facette de ma localité. Il existe une autre facette, tout à fait différente. Elle est constituée par la communauté des gais et des lesbiennes qui ont réussi à s'imposer, qui ont surmonté l'obstacle de la discrimination, qui mènent une vie saine et productive au sein de nos collectivités, qui travaillent dur et qui apportent leur contribution à la société, qui ont une vie stable, qui contribuent à la prospérité de notre ville, où nous sommes parfois confrontés à des crises et à l'érosion des valeurs sociales.

Il s'ensuit de la criminalité, de la violence et des problèmes qui entraînent souvent de la pauvreté et une incapacité de profiter de ce que notre société et notre économie ont à offrir. Nombre des personnes qui contestent cette mesure invoquent la conviction sincère que la stabilité sociale repose sur la famille.

Je conviens que la famille est la pierre angulaire de la stabilité sociale. Si la famille était le moindrement menacée, notre société s'en trouverait déstabilisée.

Si ces personnes venaient faire un tour dans Rosedale, ma circonscription, ils verraient que la situation est toute autre. Si nous voulons avoir une collectivité saine et stable, comment pouvons-nous admettre que la discrimination soit tolérée? La discrimination désavantage une partie de notre société, avec tous les problèmes que cela suppose.

Certains disent que cette mesure s'adresse à une petite proportion de notre population, comme si nous essayions d'accorder des droits spéciaux à un petit groupe et que cela n'est par conséquent pas important. Selon des études, ce groupe représenterait de 3 à10 p. 100 de la population. Si nous prêtons foi au chiffre de 3 p. 100, il s'agit tout de même de 900 000 personnes dans un pays de 30 millions d'habitants. Si nous souscrivons au chiffre de 10 p. 100, il s'agit de trois millions de nos concitoyens à l'égard desquels nous pouvons exercer une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

(1300)

Ce qui menace la famille dans la société actuelle, ce ne sont pas les mesures qui assurent la justice, la tolérance et le respect d'autrui, mais les problèmes sociaux graves à l'origine des taux de divorce élevés et d'autres problèmes. Ce sont là des questions que nous devons régler. Nous ne pouvons pas être convaincus que nous réglerons ces problèmes en le faisant au détriment de nos concitoyens et en sacrifiant leurs droits à la justice; ces concitoyens contribuent à l'édification de la société, et leurs droits ont déjà été reconnus par huit provinces qui veulent éliminer la discrimination dans les secteurs relevant de leur compétence.

Des entreprises privées comme Bell Canada et le Sun de Toronto veillent à ce que leurs pratiques d'embauche ne soient pas discriminatoires. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé, et c'est tout à son honneur, qu'il veillera lui aussi à ne pas exercer, par ses pratiques d'embauche, de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Pourquoi cela? La réponse est toute simple. Elle devrait plaire aux députés réformistes qui cherchent une justification économique, souvent à juste titre, dans les mesures sociales que nous voulons faire adopter à la Chambre.

Pourquoi les entreprises privées éliminent-elles la discrimination? Pourquoi les universités font-elles de même? Elles consentent des droits relatifs à la pension même si elles paient des impôts supplémentaires et elles ne bénéficient pas des mêmes allégements fiscaux connexes même si tous les cotisants au régime paient les mêmes impôts. Pourquoi ces entreprises privées et d'autres personnes font-elles cela? Elles le font parce qu'elles reconnaissent que, du point de vue économique, elles ont intérêt à le faire. C'est avantageux pour elles de le faire.

La discrimination, qu'elle soit fondée sur la race, la religion ou tout autre motif, va à l'encontre du but recherché. À cause d'elle, des personnes compétentes se voient refuser des possibilités d'emploi pour des raisons tout à fait étrangères à leurs compétences, ce qui va à l'encontre du but recherché. Cela appauvrit une entreprise, un pays, que de mettre des bâtons dans les roues d'employés qualifiés, de les priver de l'égalité des chances. Cela nous appauvrit tous, tout comme je dirais à tous les députés que sa suppression nous enrichira tous.

Le Parlement et le gouvernement fédéral ne peuvent-ils pas faire de cette mesure une loi qui est justifiée non seulement pour des


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motifs de justice, d'humanité et de considération, mais encore pour le bien-être socio-économique du pays tout entier?

Nous ne sommes pas les seuls à être aux prises avec ce problème. D'autres pays, d'autres sociétés doivent le régler. C'est une question complexe. Elle découle de notre évolution en tant que société, démocratie et personnes. Il faut l'aborder avec beaucoup de respect. Si on jette un coup d'oeil dans d'autres sociétés, on se rend compte qu'elles ont adopté des mesures semblables.

J'ai eu l'insigne honneur d'enseigner le droit international public avant d'être élu député fédéral. J'ai eu l'occasion d'observer ce que fait la communauté européenne. La Convention européenne des droits de l'homme, qui, dans une certaine mesure, a servi de modèle à notre charte, interdit la discrimination. Les tribunaux européens ont interprété cette interdiction d'une manière telle que les lois nationales qui font de la discrimination sont abrogées.

Je recommande aux députés de songer à l'affaire Dudgeon dont la Commission européenne et la Cour européenne des droits de l'homme ont été saisis, lesquelles ont examiné le problème et remis en question les lois pénales de l'Irlande du Nord. Elles en sont venues à la conclusion qu'en dépit du fait que ces lois étaient profondément enracinées dans des siècles de pratique, elles n'étaient pas conformes au point de vue moderne sur la discrimination.

La Commission européenne s'intéresse à un large éventail de sociétés, à partir de la Grèce et de l'Espagne, au sud, jusqu'aux pays du nord de l'Europe. Elle s'intéresse à des sociétés protestantes et catholiques. Elle a examiné toutes les complexités des sociétés modernes et en est venue à la conclusion que la discrimination du genre dont il est question aujourd'hui ne peut être permise dans une société moderne, tolérante et éclairée comme la nôtre si l'on veut que celle-ci entre dans le XXIe siècle dans des conditions socialement productives. Je recommande ce modèle à la Chambre. Je recommande aux députés qui sont troublés par cette mesure de prendre connaissance des dossiers et des cas traités par la Commission européenne à cet égard.

(1305)

Nous avons parlé de ce que cette mesure est censée faire, mais que dire de ce qu'elle est censée ne pas faire? Elle ne vise pas, comme l'a déclaré le député d'Hochelaga-Maisonneuve, à créer une nouvelle forme de mariage. Le ministre n'a jamais eu cette intention et il n'a jamais dit une telle chose. En fait, il est clairement énoncé dans le préambule du projet de loi que cette mesure ne porte pas atteinte au rôle fondamental de la famille. Elle ne vise pas à donner un statut spécial ou des droits spéciaux à qui que ce soit.

Il existe encore certaines inquiétudes à cet égard, mais il y a des gens qui exagèrent. J'ai entendu certaines personnes dire que cette mesure créera un problème de pédophilie. La pédophilie est condamnée à juste titre dans le Code criminel du Canada. Cela a été mentionné par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Il est absolument absurde de laisser entendre qu'une mesure comme celle-ci pourrait être interprétée d'une façon qui annulerait les dispositions de notre Code criminel.

À ce que l'on sache, il n'est jamais arrivé dans notre pays qu'on tente de justifier une agression ou un autre acte criminel en invoquant comme motif la religion, la race ou une autre caractéristique de la personne qui a commis cet acte. Pourquoi le ferait-on dans ces circonstances? Ma formation d'avocat m'amène à dire que ces idées sont absurdes et visent à induire les gens en erreur.

Nous avons également entendu des remarques fondées sur des preuves psychiatriques des années 50 qui ont conduit les autorités à faire subir les traitements les plus atroces aux gens. On lobotomisait les gens dans les années 50 en pensant que cela pourrait les guérir de leur orientation sexuelle. Les psychiatres de l'époque croyaient en des valeurs qu'on considérerait aujourd'hui comme moyenâgeuses. C'est très différent de la psychiatrie moderne. La lobotomie est une pratique fondée sur une mauvaise compréhension de la nature humaine.

De la même façon, on nous dit que la famille sera menacée par l'existence d'une telle mesure législative. Le député d'Hochelaga-Maisonneuve a abordé cette question. La génération de mes parents croyait que la famille serait menacée si des gens habitaient ensemble sans être mariés. Beaucoup de gens qui ne sont pas mariés vivent ensemble aujourd'hui et nous ne faisons pas de discrimination contre eux. Dans les sociétés d'hier, ces gens faisaient l'objet de discrimination. Pendant longtemps, les lois sur l'héritage ont défavorisé les enfants nés hors des liens du mariage.

Les députés peuvent-ils s'imaginer que l'on permette aujourd'hui une telle discrimination? Nous avons changé. Nous avons évolué. Nous devons tous changer. Nous évoluerons toujours. Aujourd'hui, nous reconnaissons les unions de fait, ce qui n'était pas le cas du temps de mes parents.

Je ne prétends pas que toutes nos solutions sont parfaites, mais plutôt que les solutions reposant sur la tolérance, le respect mutuel, la décence et l'élimination de la discrimination sont beaucoup plus susceptibles que les autres de contribuer à régler des problèmes sociaux.

[Français]

J'ai parlé des provinces. Huit provinces ont adopté des lois qui éliminent la discrimination envers les gens à cause de leur orientation sexuelle. J'ai demandé au député d'Hochelaga-Maisonneuve si, au Québec où on a adopté une mesure semblable il y a dix ans, il a pu constater que la famille est menacée à cause de cette situation. Je crois que sa réponse était claire et convaincante. Il n'y a aucune preuve, il n'y a aucune suggestion même qu'il y a une relation de cause à effet entre cette mesure et l'état actuel de la famille.

(1310)

La même constatation peut être faite à l'égard d'autres provinces. C'est sans doute pour cela que le Bloc soutient cette mesure et indique que nous pouvons dépasser les différences politiques les


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plus profondes qui nous séparent lorsqu'il s'agit des droits de la personne dans ce magnifique pays.

Je félicite le député d'Hochelaga-Maisonneuve autant que le député de Burnaby-Kingsway pour tout le travail qu'ils ont fait depuis des années pour l'avancement de telles mesures et pour rendre la dignité et l'indépendance à tout citoyen canadien.

[Traduction]

En conclusion, je dirai que c'est un grand privilège de siéger ici. C'est un privilège de discuter de mesures qui ont trait au bien-être de notre pays. Parfois, je m'interroge sur le sérieux de ce que nous faisons ici. Il y a des jours ou je me demande pourquoi nous sommes ici. À mon avis, nous sommes ici pour discuter de notre société, de nous-mêmes et des notions universelles de respect, de tolérance et de dignité. Il ne saurait y avoir plus grande mission ou plus grand privilège pour nous que d'avoir la possibilité de participer à ces débats.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, le vote qui aura lieu à la Chambre aujourd'hui ne posera aucun problème à de nombreux députés, car il s'agira simplement d'être présents et de voter. Par contre, cet exercice sera beaucoup moins aisé pour d'autres, autant ceux qui sont pour que ceux qui sont contre le projet de loi.

La seule chose qui unit tous les députés, du moins je l'espère, est la conviction que l'ensemble des Canadiens partagent des valeurs fondamentales et refusent la discrimination. Ces valeurs communes me permettent au moins d'espérer que même si notre pays et les législateurs canadiens, nous y compris, avanceront à pas hésitants vers l'avenir, les choses s'arrangeront pour le mieux, peut-être même en dépit de nous.

Comme le disait le député de Rosedale, nous avons aujourd'hui la chance de parler d'un sujet très important qui rejoint le coeur même des convictions les plus profondes et des valeurs personnelles de beaucoup de gens. Nous ne devons pas les prendre à la légère.

Plus tôt, j'ai fait état de mon amitié précieuse pour le député d'Hochelaga-Maisonneuve. On pourra s'étonner de cette amitié entre le député bloquiste d'Hochelaga-Maisonneuve, qui est homosexuel et fier de l'être, et moi-même qui suis le député réformiste d'Edmonton Sud-Est. Lorsque nous sommes arrivés à la Chambre des communes, aucun de nous ne parlait bien la langue de l'autre, ce qui est toujours mon cas d'ailleurs. La perspective de lui faire de la peine en votant contre une mesure me chagrine. Je ne veux pas voter en faveur de cette mesure parce que j'estime qu'elle ajouterait à la discrimination contre d'autres personnes.

Nous tous à la Chambre connaissons des homosexuels, sinon dans notre famille immédiate, comme c'est mon cas, du moins dans notre famille étendue. C'est une réalité de la vie que nous ne pouvons pas nier. Aucun d'entre nous ne souhaite voir des personnes aimées et des amis faire l'objet de discrimination pour quelque motif que ce soit.

(1315)

Je suis d'accord avec le député de Rosedale qui affirmait que ceux qui agitent l'épouvantail de la pédophilie n'apportent rien à la dignité et à la valeur du débat actuel. La pédophilie est une infraction criminelle qui n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle. On peut aussi bien trouver des pédophiles chez les hétérosexuels et les bisexuels que chez les homosexuels. Cela n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle.

Aussi, si nous voulons parler de menace à la famille, je suis convaincu que le fait de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure une disposition concernant l'orientation sexuelle n'est pas aussi menaçant que la politique fiscale actuelle du Canada. Cette politique est beaucoup plus dangereuse et préjudiciable à l'égard de la famille traditionnelle que les mots «orientation sexuelle».

Dans ce cas, pourquoi suis-je contre cette mesure? Parce que je ne crois pas que le fait d'ajouter les mots «orientation sexuelle» à la Loi canadienne sur les droits de la personne changera quoi que ce soit. Ces deux mots ne changeront en rien la discrimination à l'égard des homosexuels.

Si j'avais la preuve que le fait d'inclure ces deux mots dans la Loi canadienne sur les droits de la personne allait en quelque sorte, comme d'un coup de baguette magique, changer l'attitude des gens et éliminer la discrimination à l'égard des homosexuels ou d'autres groupes, je voterai tout de suite en faveur de cette mesure législative. Mais ce n'est pas le cas. Seuls l'éducation et l'information peuvent le faire.

Les députés qui ont pris la parole avant moi ont dit craindre que modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ne rehausse la dignité des homosexuels. En fait, cette loi est particulièrement éloquente dans sa défense des valeurs communes aux Canadiens:

La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant: le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et leurs obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement. . .
C'est là, à mon avis, un énoncé éloquent des valeurs communes à presque tous les Canadiens.

Malheureusement, l'énoncé ne s'arrête pas là mais dit ensuite:

. . .indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de la personne graciée ou la déficience.
À présent, nous voulons ajouter à cette liste l'orientation sexuelle.

L'énoncé des valeurs qui précède la liste est d'une telle magnitude et d'une telle beauté que si nous pouvions en quelque sorte inculquer ces valeurs aux Canadiens d'un océan à l'autre, personne n'aurait à craindre d'être l'objet de discrimination. Nous savons en tant que citoyens que nous avons l'obligation de ne pas pratiquer de discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et à l'égard de


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qui que ce soit. Ainsi, nous ne serions pas en train d'ergoter à savoir si un certain groupe doit figurer sur la liste ou non. Ce ne sont pas les valeurs défendues qui posent un problème pour les Canadiens, ou pour certains Canadiens, c'est l'idée d'une liste. Ensuite, on s'inquiète à l'idée que, une fois cette catégorie inscrite sur la liste, des mesures d'action positive pourraient suivre.

(1320)

Récemment, nous avons discuté de l'action positive dans le cadre d'un débat sur les crimes haineux, sur le projet de loi C-41. Ce projet de loi définissait certains actes criminels comme étant pires et sujets à des peines plus sévères s'ils étaient commis contre des catégories de personnes figurant sur une liste. Cette liste tenait compte également de la notion d'orientation sexuelle.

Cela signifie ni plus ni moins que, lorsqu'une personne gît dans le fossé, le crâne ouvert, son agresseur a commis un crime plus grave si elle se trouver à figurer sur la liste que si elle n'y est pas. C'est absolument ridicule.

Revenons donc à ce projet de loi. En modifiant la loi sur les droits de la personne pour y ajouter l'orientation sexuelle, c'est-à-dire en affirmant que nous avons besoin d'une liste des catégories de personne contre qui il est interdit de pratiquer la discrimination, commettrions-nous la même injustice envers l'ensemble des Canadiens?

Ce qui est mal, c'est la discrimination elle-même. Ce n'est pas la victime de discrimination qui le dit. C'est toujours aussi mal de pratiquer la discrimination envers une personne gaie, femme, noire ou musulmane qu'envers un homme blanc. La discrimination, c'est de la discrimination, point.

Sans liste, que pourrions-nous faire si quelqu'un était victime de discrimination? Si nous ne codifions pas ce qui est bien et ce qui est mal comme nous l'avons fait dans la Charte des droits et libertés, mais en comptant uniquement sur le sens du bien et du mal transmis sous forme de droit commun, quelle serait la situation des victimes de discrimination? Quels seraient leur recours et comment pourraient-elles faire redresser les torts subis?

Voilà le véritable problème, le coeur de la question. En ajoutant l'expression orientation sexuelle à la Loi canadienne sur les droits de la personne, on ne règle pas cette question. La modification n'aura absolument aucun effet. La situation de demain sera identique à celle d'aujourd'hui. Nous n'aurons pas fait un seul pas en avant.

Comment les victimes de discrimination obtiennent-elles justice en vertu du système actuel? Elles déposent une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Que se passe-t-il ensuite? Elles regardent patiemment le temps passer. Il peut s'écouler trois ans ou plus avant que des mesures ne soient prises et toute justice différée est une justice refusée.

Si quelqu'un subit une forme de discrimination sur le plan professionnel, ou pour toute autre raison, il subit un tort comme s'il avait été victime de vol. Si vous volez à quelqu'un son potentiel et son avenir, c'est comme si vous preniez l'argent directement dans ses poches.

En tant que Canadiens, nous partagions tous, à titre de valeur commune, la conviction que toute discrimination est à proscrire et que cette valeur commune soit nettement comprise aux niveaux fédéral, provincial, municipal et corporatif. Comme l'a déclaré le député de Rosedale un peu plus tôt, les sociétés privées sont bien plus avancées que le secteur public quant aux relations avec leur personnel. Dans la grande majorité des entreprises canadiennes, cette question a été réglée.

Quels sont les recours des victimes de discrimination? Il me semble que nous devrions envisager une situation où la victime de discrimination pourrait se présenter devant un tribunal, un juge de paix, ou un autre organisme du genre que des gens plus intelligents que moi pourront imaginer, et faire valoir sa cause en montrant qu'elle a subi une forme de discrimination. En convainquant cet organisme du bien-fondé de sa plainte, la personne qui a fait l'objet d'une discrimination devrait être en mesure d'engager des poursuites immédiatement. L'avantage de ce système serait de faire appel aux valeurs de la collectivité.

(1325)

Par exemple, en Alberta, il y a eu récemment un cas dont tout le monde a sans doute entendu parler, celui d'un homosexuel qui enseignait au King's College, un établissement religieux. Lorsqu'il a révélé publiquement qu'il était homosexuel, il a été licencié. Il s'est plaint à la Commission des droits de la personne de l'Alberta, mais il n'a pas eu gain de cause.

À priori, cela peut paraître un cas flagrant de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Toutefois, ce que je peux dire à la Chambre, c'est que si cette personne avait enseigné à l'Université de l'Alberta, qui est un établissement public et non un établissement religieux, cette personne n'aurait pas contrevenu aux principes de base de l'établissement pour lequel il travaillait et le même jury, dans les mêmes circonstances, aurait jugé en sa faveur.

Le bon sens intervient dans les relations interpersonnelles des gens. Si toutes les situations dans lesquelles nous nous trouvons en tant que citoyens conduisent au même résultat, parce que tout est codifié et réglementé, alors nous avons éliminé la possibilité que les gens aient leurs propres normes communautaires et leurs propres valeurs communautaires.

Cela ne veut pas dire que nous cherchons un pays fait de pièces et de morceaux où seuls les plus forts puissent survivre. Ce n'est pas cela du tout. Ce que je veux dire, c'est que pour chaque question, il y a deux interprétations. La plupart des Canadiens veulent qu'on les laisse en paix et laissent les autres en paix, et ils trouveront toujours des moyens d'accepter autrui.

Au fur et à mesure que nous progressons vers la codification de nos relations, nous éliminons la possibilité de régler des choses par nous-mêmes, après discussion. Cela conduit à du ressentiment et suscite une discrimination à rebours. Dans une large mesure, c'est pour cela que l'action positive a été discréditée aux États-Unis et


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qu'on revient maintenant en arrière, précisément au moment où nous la mettons en oeuvre ici, au Canada.

J'ai eu justement l'occasion de parler de cela. Cela me troublait depuis quelque temps. Je me suis interrogé sur mon approche à cet égard. Je me suis demandé comment j'en parlerais et quelle position je prendrais dans ce débat. Il y a une quinzaine de jours, je prenais le café avec un ami homosexuel, au Minnesota. Il me racontait qu'il avait failli quitter la route, l'autre jour. Il passait en voiture devant le Humphreydome, qui est le stade des Vikings du Minnesota. Sur le panneau qui annonçait où acheter les billets, l'inscription suivante apparaissait: «N'oubliez pas la semaine de la fierté gay la semaine prochaine».

Il m'a dit qu'il n'en croyait pas ses yeux. Il a refait le tour du pâté de maison pour s'assurer qu'il avait bien vu. Il n'y avait pas d'erreur. Il a dit que même il y a dix ans, il n'aurait jamais cru qu'il soit possible de voir un message pareil.

(1330)

Le fait qu'il soit homosexuel ne lui rend pas la vie facile. Je lui ai demandé s'il était homosexuel par choix ou parce qu'il était né homosexuel. Il m'a répondu ceci: «Il faut être fou pour choisir ce mode de vie. Pourquoi vouloir vivre le cauchemar qui est le mien dans ma vie personnelle, familiale, professionnelle, en matière de logement et autres?» Toutefois, selon lui, codifier ou légiférer le changement, n'est pas la bonne façon de s'y prendre. La meilleure façon de changer les choses c'est en éduquant et en éclairant le public.

C'est pour cela que, bien que troublé, je suis convaincu que lorsque je voterai contre cette mesure je ne voterai pas contre les homosexuels. Je voterai dans un contexte plus large, en disant que nous devons nous attaquer aux causes de la discrimination et non à ses symptômes.

Je sais que dans ma circonscription la question divise les gens. Je sais par contre qu'ils sont unanimes en ce qui concerne les avantages qui pourraient être accordés à certains individus du fait de leur orientation sexuelle. Je sais que dans ma circonscription les gens ont à coeur que je fasse ce qui doit être fait, que je les représente d'une manière qui ne les dérange pas et, d'une certaine façon, d'une manière dont ils peuvent être fiers. Dans le cas présent, je sais que je représente non seulement les gens qui m'ont élu, mais aussi tous les habitants de ma circonscription.

Je suis très conscient du fait que cette question divise le pays. Elle divise le Parlement. C'est une décision très difficile pour beaucoup d'entre nous.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je tiens à remercier le député de ses observations. J'ai toujours bien aimé écouter ses discours à la Chambre. J'apprécie le fait qu'il a un point de vue plus éclairé que d'autres membres de son parti sur tout un éventail de questions.

J'ai été intéressé par le discours du député de Rosedale et en particulier par sa citation de l'éminent juge Goldstone, qui était le principal procureur chargé de poursuivre les auteurs de crimes de guerre en Bosnie. Il a parlé de la Bosnie, de ce qui s'était produit dans cette région, des terribles tueries et atrocités qui ont eu lieu là-bas, et il a précisé comment cela était devenu possible. Il a dit qu'en déshumanisant les gens, on relâchait les contraintes morales et on donnait ainsi aux gens la possibilité d'assouvir leurs plus bas instincts, ce qui conduisait en fin de compte à des génocides.

Je crois qu'il y a un lien avec cette question. Lorsqu'il est question d'une liste de motifs de distinction illicites dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, il s'agit alors de savoir qui on peut traiter comme des êtres inférieurs. L'histoire est remplie de cas où une société traite certaines personnes comme des sous-hommes. Or, dans la Loi sur les droits de la personne, nous disons justement qu'on ne peut traiter des Canadiens comme des êtres inférieurs sous prétexte qu'ils appartiennent à telle ou telle catégorie.

Ainsi, il est arrivé dans le passé que des noirs ou des gens d'autres races soient traités comme des sous-hommes. La société ne voyait aucun mal là-dedans. Même les tribunaux étaient d'accord. Ainsi, en affirmant qu'on ne peut faire de la discrimination à l'endroit de quiconque en fonction de sa race, nous disons aux tribunaux que cela n'a plus sa raison d'être, qu'on ne peut faire cela.

À une époque, on a traité les juifs comme des êtres inférieurs. Des membres d'autres religions ont subi le même traitement. Nous disons que c'est tout simplement inadmissible.

Il est arrivé que des enfants soient traités comme s'ils étaient moins que des enfants. La société trouvait cela normal. Les tribunaux aussi. Cependant, la Loi canadienne sur les droits de la personne précise qu'on ne peut faire de la discrimination en fonction de l'âge, de l'origine ethnique, de la couleur, de la religion, du sexe, etc., car ce sont des gens qui, dans le passé, ont parfois été traités comme des êtres inférieurs.

À une époque, les enfants illégitimes étaient les parias de la société et on les traitait comme des moins que rien. Cependant, on ne peut les traiter ainsi de nos jours, car la question du statut familial fait partie de la liste.

S'il y a des parias de nos jours, ce sont les gais et les lesbiennes qu'une grande partie de notre société traite comme tels.

(1335)

Pensez aux principes chrétiens et à la vie du Christ. Qui s'est davantage préoccupé que lui des parias de la société? De mon point de vue au moins, mes valeurs chrétiennes me forcent à souscrire à ce projet de loi. Il est inadmissible de traiter ces gens comme des êtres inférieurs du seul fait de leur orientation sexuelle.

M. McClelland: Madame la Présidente, je souscris à une bonne partie du discours de mon collègue de Halifax. Il a corroboré la plupart de mes propos. Je n'argumente pas contre le député d'en face.

Je crains que ce projet de loi ne fasse pas ce que lui-même et d'autres espèrent qu'il fasse. Je ne crois pas qu'il y ait une toute petite chance que l'objet du projet de loi ne se réalise du simple fait que l'on ajoute deux mots à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il ne fait que jeter de la poudre aux yeux.


2129

Quoi qu'il en soit, pour ce qui concerne les questions soulevées précédemment et la notion de la déshumanisation, nous vivons un autre siècle des lumières qui se poursuit. Les grands changements sociétaux sont plutôt évolutifs que révolutionnaires.

À propos des questions que nous débattons aujourd'hui, je prends ma circonscription et je constate que les jeunes générations ne pensent pas comme les personnes âgées. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faille pas respecter les aînés. Cela veut dire simplement que les dossiers qui font problème aujourd'hui finiront par évoluer et que, dans 10 ou 20 ans, on n'en parlera même plus parce que la société aura changé. Les changements ne s'opèrent pas rapidement et cela vaut aussi pour cette institution qui, de par son fonctionnement, reste à l'abri des changements intempestifs. C'est probablement bien qu'il en soit ainsi. Il existe une sorte d'équilibre.

Je doute que notre culture, notre pays et la société en général soient beaucoup plus sensibles à la notion de génocide et de déshumanisation que ne l'étaient les générations qui nous ont précédés. Il en a été beaucoup question au cours du débat de la semaine dernière sur les Arméniens et le génocide dont ils ont été victimes, ainsi que sur le sens et l'usage du mot génocide.

Je ne crois pas que nous soyons si différents les uns des autres. Les gens qui soutiennent vigoureusement et avec passion des points de vue différents méritent d'être respectés tout autant que ceux qui partagent notre avis.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je félicite le député d'Edmonton-Sud-Ouest de son obligeante considération pour cette question. C'est une considération et une obligeance auxquelles on peut s'attendre de la part de ce député.

J'espère qu'il ne sera pas blessé si je lui dis que ma réaction à son observation, c'est qu'il est un sophisme des plus flagrants de se dire en faveur de l'élimination de la discrimination ou contre la discrimination, mais contre une mesure qui est destinée à éliminer cette discrimination.

Que répond-il donc à ceux qui disent qu'il est acceptable d'exercer de la discrimination en vertu des lois fédérales? Lorsqu'on parlera à la Chambre d'autres mesures discriminatoires fondées sur l'orientation sexuelle qui figurent dans des lois fédérales, se prononcera-t-il contre elles? Les dénoncera-t-il?

(1340)

Si les membres des tribunaux et des commissions des droits de la personne lisaient la déclaration qu'il a faite à la Chambre aujourd'hui en tant qu'argument pondéré, ils constateraient que ceux qui ont voté contre cette mesure ne sont pas en faveur de la discrimination. Cette mesure leur pose simplement des problèmes. Par conséquent, nos tribunaux peuvent continuer d'effectuer le travail qu'ils font déjà pour éliminer la discrimination. Ils pourraient dire que, après tout, la volonté de la Chambre est clairement exprimée par ce député. Même ceux qui votent contre sont en faveur de l'élimination de toutes les formes de discrimination.

Le député préconise-t-il que nous supprimions du projet de loi toutes les autres listes, comme les références à l'origine ethnique, la couleur, la religion, l'âge ou le sexe, pour les raisons qu'il a données? Ne souscrit-il pas à l'argument de la députée de Halifax, qui a souligné qu'il existe une raison historique pour laquelle ces dispositions figurent dans ce projet de loi?

Ces dispositions y figurent parce qu'elles concernent des catégories de gens sur lesquelles la classe prédominante a exercé une discrimination. Il en va de même pour l'orientation sexuelle aujourd'hui.

Étant donné que le député a dit souhaiter que la discrimination soit éliminée, je soutiens qu'il devrait souscrire à cette notion. Si nous devons remanier le projet de loi conformément à ce qu'il a proposé pour le rendre meilleur et plus efficace, travaillons-y ensemble.

Du moins, penchons-nous maintenant sur cette question d'une manière efficace.

M. McClelland: Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir expliquer certaines difficultés que j'éprouve à l'égard de cette question.

Je tiens à dire clairement que je suis absolument et totalement opposé à la discrimination contre qui que ce soit. Tous ceux qui me connaissent savent que c'est exact. Ce n'est pas un principe auquel j'ai soudain adhéré. Toute ma vie, j'ai rejeté la discrimination. Ma famille s'y est toujours opposée.

La discrimination est condamnable, mais il faut que les partisans et les adversaires aient l'occasion de défendre leurs positions sans s'exposer au mépris.

Il n'est pas mauvais de s'interroger, de faire valoir son point de vue ni même de s'opposer à des mesures législatives difficiles, comme je le fais actuellement.

Le député de Rosedale a déclaré que je n'étais pas insulté par son utilisation du terme sophisme: comment puis-je défendre le pour et le contre d'une question en même temps? Je vois en face les libéraux qui le font constamment. J'ai d'excellents professeurs. La question n'est pas simple.

J'éliminerais la liste complètement et j'insisterais sur la valeur de la non-discrimination. Je n'accorde pas de mérite à une liste.

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de Nunatsiaq.

C'est avec un sentiment d'impatience que j'interviens pour appuyer le projet de loi C-33. Impatience, parce que la politique inscrite dans le projet de loi reçoit depuis longtemps l'appui du Parti libéral du Canada.

Il y a une vingtaine d'années, notre parti a convenu que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle devait être interdite. En 1978, le Parti libéral a adopté une résolution invitant les Canadiens à se doter d'une Constitution modifiée garantissant la


2130

protection des droits fondamentaux de la personne, afin d'interdire la discrimination fondée, entre autres, sur l'orientation sexuelle.

En 1985, ou il y a juste un peu plus de dix ans, le Parti libéral a participé à un comité de la Chambre des communes, formé de représentants de tous les partis, qui a endossé la résolution voulant que la modification soit apportée. Plus récemment, au congrès semestriel de 1994, le Parti libéral a adopté une résolution appuyant la modification.

La modification a été promise au cours de la campagne électorale fédérale. J'ai moi-même fait campagne en faisant valoir cet engagement. Le premier ministre s'est engagé pendant la campagne électorale et ensuite, quand il a demandé au ministre de la Justice de présenter le projet de loi.

Quant au ministre de la Justice, il a maintes fois répété à la Chambre qu'il tiendrait promesse. Le 26 mars, le Star Phoenix, le journal local de ma ville de Saskatoon, a fait paraître un éditorial dont le titre faisait remarquer que cette protection tardait à venir.

(1345)

L'éditorial invitait également les politiciens à oser faire ce qu'il fallait, même si ce n'était pas très rentable politiquement.

Si tout le monde convient que la mesure aurait dû être adoptée il y a longtemps, pourquoi tarde-t-elle tant? Pourquoi la modification n'est-elle pas adoptée depuis des années? Je suis d'avis que le principal obstacle à cette modification, c'est le manque d'information. La désinformation est parfois délibérée ou est simplement due au fait que le processus législatif est compliqué.

Permettez-moi de rectifier les faits. Regardons exactement ce que le projet de loi C-33 fait et ne fait pas. L'article qu'il modifie s'applique aux lois fédérales. Cette mesure s'applique à l'emploi au sein du gouvernement fédéral et à la fourniture de biens et de services assurée par le gouvernement fédéral, de même qu'à l'emploi au sein d'entreprises assujetties à la réglementation fédérale, comme les banques et les compagnies aériennes. Ces organismes et entreprises emploient environ 10 ou 11 p. 100 de la population active. La plupart des employeurs, comme les écoles, les petites entreprises et les organisations religieuses et culturelles sont assujettis à la réglementation provinciale et ne seront pas touchés par ce projet de loi.

Cette mesure n'a rien de particulièrement stupéfiant non plus. La modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne permet simplement de faire concorder la loi fédérale avec la plupart des lois provinciales ou territoriales correspondantes, avec les décisions judiciaires qui ont reconnu aux gais et aux lesbiennes la même protection contre la discrimination que celle que la Charte canadienne des droits et des libertés assure aux autres Canadiens, et avec les recommandations unanimes du rapport de 1985 présenté par un sous-comité formé de députés de tous les partis, comme je l'ai déjà mentionné.

Huit provinces et territoires, dont la Saskatchewan, ont déjà modifié leur loi sur les droits de la personne pour y inclure l'orientation sexuelle.

Pourquoi cet amendement est-il nécessaire? C'est une question que nous entendons constamment de la part des députés du Parti réformiste. Pourquoi avons-nous besoin de cette protection pour ce groupe de personnes? Dans l'état actuel des choses, il existe deux façons pour les individus de se protéger contre la discrimination au Canada. D'abord, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans la mesure où elle s'applique à l'individu concerné. Deuxièmement, en vertu de la Charte canadienne des droits et des libertés.

L'ennui, c'est que lorsqu'il existe une lacune dans l'un ou l'autre de ces textes de loi, le Canadien qui est victime de discrimination doit recourir au système judiciaire. Or, comme nous le savons tous, le recours au système judiciaire peut être à la fois onéreux et risqué.

J'en donne pour exemple deux décisions judiciaires rendues récemment en matière d'orientation sexuelle. La première, émanant de la Cour d'appel de l'Ontario, déclare qu'il faut interpréter la loi comme incluant l'orientation sexuelle même si elle n'en fait pas mention. La seconde, émanant de la Cour d'appel de l'Alberta, déclare qu'il n'en est rien. La seule façon de résoudre le problème, c'est d'en saisir la Cour suprême du Canada, qui entendra ou non la cause.

Une solution plus simple consiste à codifier simplement cette protection dans la loi fédérale, ce que propose de faire la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui.

[Français]

Personne dans ce pays ne devrait être victime de discrimination à cause de son orientation sexuelle. Il s'agit d'une question d'équité et de justice fondamentale. Nous n'avons pas à juger de l'homosexualité ou de l'hétérosexualité des gens, mais nous nous devons de protéger tous les Canadiens contre la discrimination dans notre société.

Tant les tribunaux que les Canadiens ont reconnu que les gais et les lesbiennes constituent un groupe vulnérable. Ils ont été victimes de désavantages historiques, de stéréotypes, de préjugés sociaux et d'une discrimination considérable dans notre société. Aucun individu, en raison de son homosexualité, ne devrait être considéré moins digne d'être reconnu en tant que membre à part entière de la société canadienne.

[Traduction]

Comme je l'ai déjà dit, c'est l'ignorance qui est le plus grand obstacle à l'adoption de cette loi. La controverse que la question suscite, notamment dans les médias, et que le parti d'en face alimente a jeté beaucoup de mes électeurs dans la confusion. Ils m'ont écrit pour me demander quelles seraient au juste les conséquences de cette mesure. Nous ne pouvons pas manquer d'égard pour l'aspect émotionnel de la question ni pour les convictions profondes de beaucoup de Canadiens, même à l'intérieur de mon propre caucus.

Mais, comme mère et comme enseignante, j'ai toujours cru que le meilleur remède à la désinformation était l'information. Examinons le projet de loi et demandons-nous quels seront ses effets. Dans la formulation de mes réponses, je vais me reporter de façon générale aux questions que m'ont posées mes électeurs.

La question qui revient le plus souvent est celle des avantages spéciaux. C'est une idée que répand le Parti réformiste. Selon lui, le projet de loi va donner des avantages spéciaux à ce groupe de notre société. Pour se convaincre du contraire, il suffit de regarder les


2131

faits. Dans les lois provinciales, l'orientation sexuelle figure parmi les motifs de discrimination illicites depuis 1977.

(1350)

Personne ne pourrait sérieusement prétendre que les lois provinciales ont accordé des droits spéciaux aux groupes qu'elles protègent. Même si chaque caractéristique est expressément visée par la loi existante, il est évident qu'aucun droit spécial est accordé à quiconque. Il n'en ira pas autrement pour l'orientation sexuelle. La modification interdira la discrimination dans les domaines de compétence fédérale, notamment en matière d'emploi et d'accès aux biens et services.

Une autre question que m'ont souvent posée des électeurs est celle de savoir si la modification étendra les avantages sociaux aux couples de même sexe. C'est peu probable. En fait, ce ne sera pas le cas si l'on en juge par ce qui est arrivé lorsqu'on a inclus une disposition similaire dans la loi provinciale.

On demande aussi si la loi ne permettra pas l'adoption d'enfants par des couples de même sexe. La réponse est non. Les questions d'adoption relèvent principalement de la compétence provinciale et non de la fédérale. La modification n'a rien à voir avec les questions dont traite le projet de loi C-167 qu'a présenté le gouvernement ontarien en 1994.

Cette modification vise seulement à supprimer la discrimination dans l'emploi, le logement et la prestation de services. Elle ne vise pas à sanctionner ni à condamner l'homosexualité ou l'hétérosexualité.

L'article 2 du projet de loi C-33 ne fait qu'ajouter à la loi actuelle l'orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination. J'insiste là-dessus, car on se demande si la modification permettra l'adoption d'enfants par des couples de même sexe et quelle incidence elle aura sur la famille.

Certains croient que la protection des gais et des lesbiennes contre toute discrimination sonnera le glas de la famille, telle que nous la connaissons. Je trouve offensant qu'on laisse ainsi entendre que les gais et les lesbiennes ne font pas partie de la famille canadienne. N'oublions pas l'aspect humain de cette question. Les gais et les lesbiennes ne sont pas des extra-terrestres. Ce sont nos frères, nos soeurs, nos petits-enfants, nos fils et nos filles.

Le projet de loi C-33 marquera-t-il la destruction de la famille? Non. J'en tiens pour preuves l'application de la législation provinciale existante et le préambule au projet de loi C-33. La seconde partie de ce préambule se lit comme ceci:

(Attendu) que le gouvernement du Canada reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne et que la présente loi ne porte pas atteinte à son rôle fondamental dans la société,
Une autre question qui inquiète grandement nombre de mes électeurs est celle de savoir quelle incidence cette loi aura sur les Églises et les organisations religieuses pour ce qui est de leur enseignement et de leur politique en matière d'embauche et de renvoi des membres de leur personnel. Rien dans la modification que l'on propose d'apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne ne changera quoi que ce soit à cela.

Je voudrais ajouter, au sujet des Églises, que la modification proposée est appuyée par l'Église unie du Canada, l'Église anglicane, le B'nai Brith, le Congrès juif canadien et la Conférence des évêques catholiques du Canada, ce qui revêt une importance particulière pour certains de mes électeurs. Les évêques catholiques s'adaptent à l'opinion de leurs fidèles et des Canadiens en général. Les sondages montrent que la plupart des Canadiens appuient la modification.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis arrivé ici il y a une trentaine d'années, en provenance des États-Unis. J'ai été témoin de situations épouvantables d'intolérance et de discrimination chez nos voisins du Sud. À notre arrivée au Canada, l'une des premières choses que ma femme et moi avons remarquées et dont nous nous sommes réjouis, c'est l'énorme différence à ce chapitre. En trente ans, j'ai constaté que la société canadienne est effectivement très tolérante.

(1355)

La députée ne croit-elle pas que ce genre de mesure législative met en doute le jugement de la société? En présentant pareil projet de loi, ne dit-on pas à la population canadienne qu'on ne peut se fier à elle pour adopter des comportements non discriminatoires, que l'on va légiférer pour l'obliger à le faire?

À mon avis, les Canadiens sont un groupe tolérable, et la Chambre devrait leur faire confiance. J'aimerais savoir ce qu'en pense la députée.

Mme Sheridan: Monsieur le Président, la société canadienne n'est pas tolérable, mais tolérante. Nous sommes fiers de notre tolérance et de la diversité de nos opinions.

Ma province, la Saskatchewan, n'est pas différente des autres régions du Canada. Un de ses fils les plus célèbres, l'ex-premier ministre et très honorable John Diefenbaker, a présenté la première déclaration canadienne des droits, afin de protéger notamment le caractère ethnique du pays, question qui lui tenait particulièrement à coeur.

Les Canadiens ont raison de demander au gouvernement libéral de prendre position sur cette question, de se porter à la défense des personnes vulnérables au lieu de recourir à un expédient politique et de s'en remettre aux numéros 1-900 avant de se prononcer, comme le fait le Parti réformiste.

Les Canadiens seraient malavisés de compter sur l'aide du Parti réformiste dans ce dossier très important. Les membres de ce parti ont des affinités avec Newt Gingrich et la droite américaine. Les réformistes voudraient nous ramener à l'époque de «Papa a raison». Lorsque Pat Buchanan rote, le chef réformiste s'excuse.

Le Président: Chers collègues, comme il est presque 14 heures, nous passons aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ACTION BÉNÉVOLE

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, la Semaine nationale de l'action bénévole s'est déroulée du 21 au 28 avril au Canada. Cette semaine nous a donné l'occasion de reconnaître et de louer le travail accompli par les bénévoles dans toutes les collectivités canadiennes.

On estime à plus de 10 millions le nombre de bénévoles au Canada. Chaque année, ceux-ci font don de plus d'un milliard d'heures de services évaluées à 16 milliards de dollars.

Les bénévoles travaillent pour de nombreuses causes, dont l'alphabétisation, l'environnement, la sécurité dans les collectivités, la promotion de la santé, les services aux aînés et le bien-être des enfants. Le travail de tous les bénévoles fait une différence, une énorme différence dans nos collectivités et dans la société canadienne.

Les centres de bénévolat organisent divers événements dans de nombreuses collectivités. Ainsi, j'ai participé à une cérémonie de plantation d'arbres avec les services aux aînés de Lambton et j'ai visité des expositions au centre commercial de Strathroy.

Je félicite les nombreux bénévoles de ma circonscription, Lambton-Middlesex, qui ont fait don de leur précieux temps et mis à contribution leurs talents pour améliorer la collectivité dans laquelle nous vivons, à l'instar de millions de bénévoles au Canada.

* * *

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, il me fait extrêmement plaisir de souligner une idée innovatrice du Centre d'initiative pour l'emploi de Lotbinière-Ouest. Géré par des bénévoles, cet organisme sans but lucratif se préoccupe de la création d'emplois pour les 18-40 ans. Jusqu'à présent, ils ont prêté du capital de risque à des particuliers.

Depuis le 22 mars, tout regroupement de cinq personnes et plus ayant comme objectif la création d'emplois dans des projets servant les intérêts de la collectivité peut bénéficier de prêts pouvant aller jusqu'à 10 000 $.

À ce jour, cet organisme a permis de créer ou de consolider 221 emplois dans ma circonscription. Avec des idées créatrices et innovatrices comme celles-là, nous pourrons bâtir un jour un coin de pays prospère.

* * *

[Traduction]

LES CHAMPIONNATS MONDIAUX DE PATINAGE ARTISTIQUE

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, une ville, c'est bien plus que des briques et du mortier. Le coeur d'une ville se compose en réalité des gens qui donnent vie à une collectivité. Edmonton a la chance d'être peuplée de milliers de citoyens sur qui elle peut toujours compter lorsque le besoin s'en fait sentir.

Les championnats mondiaux de patinage artistique qui se sont tenus récemment à Edmonton constituent un autre exemple de situation où les Edmontoniens se sont donné la main pour souhaiter la bienvenue au monde entier. Sous la direction de Don Sprague, les Edmontoniens de tous les horizons ont conjugué leurs efforts pour servir d'hôtes aux championnats mondiaux les mieux organisés et les plus réussis de l'histoire.

Je voudrais remercier et féliciter tous les compétiteurs, tous les bénévoles et tous les citoyens de notre belle ville. Nous avons encore une fois prouvé qu'Edmonton est vraiment une ville de champions.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Gilles Bernier (Beauce, Ind.): Monsieur le Président, concernant le projet de loi sur l'assurance-emploi, il faut y apporter des amendements, notamment sur le plan du nombre d'heures qui est trop élevé pour se qualifier et de la règle de l'intensité qui pénalise les travailleurs.

(1400)

Aussi, il serait heureux que le taux des cotisations des travailleurs et des employeurs soit abaissé au lieu d'accumuler des surplus d'au-delà de 5 milliards de dollars à la Caisse de l'assurance-emploi, puisque le taux actuel a une incidence négative sur le niveau d'emplois.

La baisse des taux injecterait de l'argent neuf dans l'économie canadienne, et ainsi, le gouvernement dégonflerait les charges sociales et encouragerait le secteur privé à créer plus d'emplois. J'exhorte le ministre des Finances à réfléchir là-dessus.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, au mois de septembre dernier, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé la conclusion, entre le gouvernement fédéral et des organisations non gouvernementales, d'un nouveau partenariat appelé le projet pilote 3/9.

Par ce projet, on visait à réinstaller d'autres réfugiés en réponse à l'appel des Nations Unies en faveur de l'aide aux victimes du conflit yougoslave. Je suis fière de dire que les Canadiens ont répondu à l'appel, et je ne mentionnerai que deux cas.

La congrégation de l'Église Unie de Sydney River, au Cap-Breton, a contribué à la venue de deux familles de réfugiés bosniaques au Cap-Breton. Les familles Burdzovic et Pehar se sont toutes deux établies dans le quartier Ashby de Sydney.


2133

Les habitants de Biggar, en Saskatchewan, savent ce que c'est que de tendre la main. Le village, qui ne compte qu'un peu plus de 2 000 habitants, a parrainé la famille Knezevic. Les villageois ont organisé une réception à laquelle 250 personnes sont venues avec des cadeaux. M. Knezevic travaille déjà dans une serre locale.

Je félicite tous les parrains qui ont tendu la main à des personnes dans le besoin. J'accueille chaleureusement ces nouveaux-venus et je le souhaite la meilleur des chances.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS D'UN POLICIER DE LA CUM

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, les résidants et résidantes de mon comté de Vaudreuil sont encore sous le choc depuis qu'ils ont appris qu'un crime crapuleux venait d'être perpétré dans la municipalité de Senneville.

Alors qu'il venait d'intercepter un véhicule afin de procéder à une vérification d'usage, l'agent André Lalonde du poste 11 de la sûreté municipale de Montréal a été lâchement abattu par un individu qui a pris la fuite.

Ce meurtre crapuleux d'un policier, le deuxième à survenir sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal au cours des cinq dernières années, sème la crainte et la consternation chez les résidants de mon comté.

Je me fais le porte-parole des gens de Senneville et du comté de Vaudreuil afin d'offrir à la famille de la victime nos plus sincères condoléances. Nous comprenons votre peine et nos prières vous accompagnent en ces moments de grande tristesse.

* * *

LE CERCLE MOLIÈRE DE SAINT-BONIFACE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais aujourd'hui rendre hommage à l'une des plus anciennes troupes de théâtre francophone du Canada. Le coup de théâtre dans tout cela est que cette troupe n'est pas et n'a jamais été située au Québec. La troupe, qui célèbre cette année son 70e anniversaire, est le Cercle Molière, théâtre francophone au coeur de Saint-Boniface, au Manitoba.

Le Cercle Molière fut établi en 1925 et a survécu en français pendant 70 ans, malgré tous les obstacles, et nous en sommes très reconnaissants. Du Molière, du Tremblay ou du Gabrielle Roy, la beauté est que toute la communauté s'emballe, soit en tant que comédien, bénévole ou spectateur.

Le théâtre reflète la communauté qui l'entoure, et j'aimerais applaudir le Cercle Molière pour sa contribution à l'épanouissement de la francophonie au Manitoba. Bravo!

[Traduction]

LA COMMISSION D'ENQUÊTE KREVER

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole au nom des électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt parce que l'un des nôtres, le petit Jarad Gibbenhuck, âgé de sept ans, est victime du sang contaminé. Il est le plus jeune Canadien chez qui on ait diagnostiqué l'hépatite C. Cet enfant a contracté la maladie à la suite d'une transfusion de sang qu'il a eue pendant une opération alors qu'il était encore un bébé. La semaine dernière, Jarad s'est rendu à Toronto pour y rencontrer le juge Krever.

Les libéraux baillonnent la Commission d'enquête Krever sur le système d'approvisionnement sanguin au Canada, parce qu'ils craignent que le juge Krever ait été trop indépendant et objectif.

Le ministre libéral de la Santé a engagé ses homologues provinciaux dans une réforme du système d'approvisionnement sanguin en créant un forum sur le sang contaminé. Les Canadiens sont atterrés par cette tentative de camouflage et de muselage de la Commission Krever. La population est indignée par l'imbroglio juridique que les libéraux ont laissé se produire et qui empêche de divulguer les conclusions de la Commission Krever.

Jarad est retourné à Okanagan avec un seul message: Laissez parler le juge Krever.

* * *

(1405)

LES ARMES NUCLÉAIRES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, le moment est venu de mettre un terme à la présence des navires de guerre nucléaires américains et aux essais d'armes dans le détroit de Géorgie, comme le NPD le demande depuis de nombreuses années. Il est maintenant temps de donner un rôle pacifique, écologique et économiquement productif aux centres d'expérimentation et d'essais maritimes des Forces canadiennes de Nanoose Bay.

Les risques d'accident nucléaire, de dommages environnementaux, de collisions entre navires et les coûts pour le Canada sont autant de raisons pour réexaminer notre participation à un projet qui incarne de façon flagrante le genre de pensée qui menace la planète toute entière.

Le Canada fait de beaux discours à la tribune des Nations Unies, mais quand il s'agit de l'OTAN ou d'accords bilatéraux avec les États-Unis, comme celui de Nanoose Bay, notre attitude montre à quel point nous participons aux causes du problème nucléaire. En décidant de transformer les installations de Nanoose Bay, nous ferions plutôt un pas vers la solution du problème.


2134

[Français]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, un terrible drame humain a plongé le Québec tout entier dans la consternation, suite à l'annonce du meurtre gratuit du policier André Lalonde. Au service de la police de la Communauté urbaine de Montréal depuis 29 ans, M. Lalonde devait prendre une retraite bien méritée dans deux mois à peine. Aujourd'hui, sa femme et ses deux enfants se retrouvent seuls.

Devant un aussi effroyable drame, il nous faut insister pour que notre système judiciaire s'applique en toute équité, mais avec fermeté à l'égard du meurtrier de l'agent Lalonde. Notre gouvernement a déjà démontré sa détermination à combattre la violence et la criminalité en faisant adopter, l'année dernière, la Loi sur le contrôle des armes à feu. D'autres mesures viendront s'ajouter aux initiatives de notre gouvernement afin d'assurer aux Canadiens et aux Canadiennes que d'autres familles n'aient pas à vivre les souffrances qu'endurent aujourd'hui les membres de la famille Lalonde.

Je me joins à leurs parents et amis pour offrir mes plus sincères condoléances.

* * *

L'EXPLOITATION SEXUELLE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le Globe and Mail nous rapportait la triste histoire d'une famille pauvre au sein de laquelle vivent quatre filles âgées de 8 à18 ans qui sont régulièrement vendues à des personnes étrangères, viol et violence physique inclus. Cette famille habite aux Philippines, mais elle pourrait tout aussi bien habiter en Inde, en Malaisie, en Thaïlande, au Cambodge ou en Chine.

Dans ces pays et plusieurs autres, des enfants sont quotidiennement utilisés à des fins sexuelles par un type de touristes en provenance de pays riches, comme le Canada. Ces mêmes touristes n'oseraient jamais risquer de tels comportements ici.

C'est pourquoi cette Chambre doit se prononcer et fermement condamner sans équivoque ces personnes sans scrupule. Il nous faut nous donner les moyens pour poursuivre et punir ces êtres qui n'ont que faire du respect de la dignité humaine dès qu'ils mettent les pieds en territoire étranger et qui abusent honteusement d'enfants sans défense.

* * *

[Traduction]

LE GRAND RABBIN D'ISARËL

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais signaler la visite cette semaine au Canada du grand rabbin d'Israël, le rabbin d'Israël Meir Lau.

Le rabbin Lau, qui est parmi nous aujourd'hui, visitera une communauté juive canadienne très dynamique. Né dans la Pologne d'avant-guerre, le rabbin Lau vient d'une famille très respectée d'experts en études rabbiniques. Rescapé de l'holocauste, il a émigré en Israël où il a consacré sa vie à servir son peuple et sa foi.

Les juifs canadiens ont fait une énorme contribution à ce pays. Les Canadiens ont soutenu Israël durant les moments les plus sombres de son histoire et continuent de travailler avec Israël à la recherche de la paix au Moyen-Orient.

Le rabbin Lau est au courant de la tentative d'attentat perpétrée hier contre un centre juif à Calgary. Heureusement, il n'y a eu aucun blessé grave. J'espère que, quand le rabbin Lau retournera en Israël, ce sera avec l'assurance que tous les Canadiens condamnent les actes violents et haineux.

* * *

DES VOEUX D'ANNIVERSAIRE

Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.: Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre des communes pour un double salut.

Premièrement, je voudrais rendre hommage à l'amitié durable qui lie notre démocratie et celle de l'État d'Israël, cela à l'occasion du 48e anniversaire de l'indépendance d'Israël, un pays dynamique qui jouit d'une longue et riche histoire le liant aux Juifs du monde entier, et souhaiter à l'État d'Israël paix, sécurité et prospérité en ce jour de célébration de l'indépendance, Yom HaAtzmaout.

Deuxièmement, cette année marque un tournant dans l'histoire de Jérusalem, l'une des villes les plus anciennes et les plus belles du monde, une ville spirituelle qui est le centre des trois grandes religions du monde. Jérusalem 3000 est marquée par de nombreuses activités culturelles et éducatives au Canada, dans la plupart des grandes villes et des pays du monde, et en Israël.

Comme le premier ministre l'a dit dans son message inspiré des Psaumes: «Pour mes frères et compagnons, paix sur toi Jérusalem.»

Hag sameach-Yerushalim Shel Zahav. Heureux anniversaire.

* * *

[Français]

LES AÎNÉS

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le Président, je tiens à souligner aujourd'hui l'implication et le dynamisme des aînés dans les associations d'âge d'or. On ne mentionne pas assez leur dévouement et l'importance de leur travail dans la société québécoise et canadienne. Les personnes âgées ont, aujourd'hui, la possibilité de vivre pleinement leurs belles années. Je voudrais donc leur rendre hommage.

(1410)

Le Salon des aîné(e)s du Québec, qui se tiendra à Québec du 2 au 5 mai, est un exemple de l'implication des personnes âgées. Les associations qui s'occupent des aînés sont devenues, pour eux, des outils essentiels. L'efficacité de leur travail est digne de mention et vise l'amélioration des services offerts aux personnes âgées. Les prix «Coeur d'or» seront alors attribués aux personnes et organismes de l'année. Ces cinq prix seront remis devant quelque 500


2135

présidents et présidentes de regroupements d'aînés invités spécialement pour l'occasion.

Bon succès au Salon des aînés et félicitations aux organisateurs, particulièrement à son directeur général, M. André Guillemette.

* * *

[Traduction]

LE CENTRE JUIF DE CALGARY

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, les habitants de Calgary et tous les Canadiens sont bouleversés, consternés, atterrés et dégoûtés par l'explosion d'une bombe au centre juif de Calgary. Au nom de tous mes collègues, je tiens à exprimer mon appui aux personnes visées par cette explosion.

Heureusement, on m'a assuré au centre que tout le monde allait bien et que le centre poursuivait aujourd'hui ses activités en occupant la place qui lui revient au sein de la collectivité de Calgary. Les membres de la collectivité juive de Calgary méritent des félicitations pour leur persévérance et leur refus de se laisser intimider par ces actes de violence et de discrimination.

À l'heure actuelle, la police n'a aucune information concernant les raisons ayant motivé cet acte criminel. J'espère seulement que la ville restera calme. Je demande aux habitants de Calgary et aux Canadiens de réserver leur jugement jusqu'à ce que l'on sache exactement qui est responsable de cette attaque haineuse commise à l'endroit d'une organisation communautaire très appréciée. On ne doit pas réagir à cette arme impitoyable qu'est l'intolérance en manifestant encore plus d'intolérance, mais en faisant confiance à la justice canadienne.

La police de Calgary poursuit son enquête sur cet incident déplorable. Nous lui souhaitons toute la chance dont elle aura besoin pour parvenir rapidement à une conclusion qui permettra d'amener les coupables devant les tribunaux.

* * *

LA SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton est dans les mains du gouvernement. Les mineurs de DEVCO et l'ensemble de la collectivité du Cap-Breton demandent au premier ministre de tenir sa promesse faite à la région de l'Atlantique de maintenir les emplois existants et d'en créer de nouveaux.

C'est évident que le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière à cet égard. Le gouvernement fédéral ne convaincra pas le secteur privé de créer des emplois dans les Maritimes s'il prend des mesures menant tout droit à la fermeture pure et simple d'une industrie.

C'est intéressant de noter que, le 7 octobre 1993, le député de Cap-Breton-Richmond-Est, maintenant ministre de la Santé, a déclaré: «S'il est élu, [. . .] le Parti libéral du Canada souhaite accroître la production de DEVCO. Avec une production plus importante, il ne sera pas nécessaire de réduire les effectifs.»

Quelles sont, à long terme, les intentions du gouvernement pour l'industrie houillère au Cap-Breton? Est-ce simplement une promesse électorale creuse ou le gouvernement a-t-il l'intention de mettre en danger 800 emplois et toute la collectivité? Je demande au gouvernement de sauver ces emplois et l'industrie.

* * *

LE HOCKEY

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, dimanche soir, la seule équipe de hockey canadienne encore dans la course à la coupe Stanley a été éliminée. Que les Canadiens amateurs de hockey ne désespèrent pas. Bien que les équipes qui restent portent les couleurs de villes comme New York et Détroit, la majorité des joueurs sont nés et ont été élevés au Canada et ont appris à patiner sur nos étangs et nos patinoires.

Le hockey, c'est notre sport. Nous sommes la norme en matière d'excellence. Le hockey fait partie de notre patrimoine. Que ce soit à Sudbury, à Flin Flon, à Trois-Rivières ou à Owen Sound, le hockey rassemble familles et collectivités.

Même si, cette année, la coupe Stanley va se retrouver au sud de la frontière, n'oublions pas que la majorité des joueurs qui émerveilleront les spectateurs sont aussi Canadiens que la feuille d'érable.

Vive le hockey, vive le Canada!

* * *

LA DISCRIMINATION

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, les Canadiens, outrés par les remarques d'un député à la Chambre qui a dit qu'il renverrait un employé pour satisfaire une clientèle raciste et sectaire, expriment leur indignation.

Qu'on s'imagine la peine et le désarroi ressentis par les Canadiens appartenant à des groupes minoritaires, les personnes handicapées et leurs familles, à cause d'un député à la Chambre qui préfère les reléguer dans l'arrière-boutique plutôt que de faire campagne contre le racisme et le fanatisme. La conduite qu'il recommande irait à l'encontre de la Loi sur les droits de la personne de sa propre province, la Colombie-Britannique. Honteusement, le député qui a tenu ces propos est le whip du Parti réformiste.

À maintes reprises, les réformistes ont prouvé qu'ils voulaient que nous retournions à l'époque où. . .

Le Président: Chers collègues, je vous prie instamment d'éviter toute attaque personnelle de ce genre.

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2136

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice est encore une fois intervenu hier pour commenter la tenue d'un prochain référendum sur l'avenir du Québec en affirmant qu'on ne reconnaîtrait pas le résultat de ce référendum, ce qui revient à dire que le gouvernement fédéral ne reconnaît pas aux Québécois le droit de décider démocratiquement de leur avenir.

Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre est-il d'accord avec les propos de son ministre de la Justice à l'effet que le prochain référendum au Québec ne serait que consultatif et ne serait pas reconnu par Ottawa?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que je n'ai rien à ajouter aux propos du ministre de la Justice. Un référendum, c'est toujours une consultation populaire. Ensuite, ce qui arrive avec un référendum, il faut d'abord et avant tout respecter les lois du pays en question. Il y a eu deux référendums. S'il y en a un autre, on verra, mais pour le moment, on travaille à autre chose et je ne sais pas quand il y en aura un, et lorsqu'il y en aura un, on avisera.

Mais pour le moment, le premier ministre du Québec dit qu'il veut tenir une élection avant et un référendum plus tard et il ne veut pas parler de ces choses-là. Je ne suis pas plus intéressé que lui. Cependant, en temps et lieu, comme je l'ai toujours dit, il faudra que les choses soient très claires pour ne pas qu'il y ait de confusion.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, là-dessus, il y a bien des gens qui sont d'accord, sauf que ce sont les propres ministres du gouvernement, au moins trois hier, qui se sont ouverts là-dessus, qui ont commenté, qui ont fait des déclarations. Le premier ministre devrait se tourner vers les membres de son Cabinet et leur dire: «Passez à autre chose messieurs, mesdames.» C'est ce qu'il devrait faire.

En attendant, puisque le ministre de la Justice, qui n'est quand même pas un junior dans ce gouvernement, a fait des déclarations qui ont autant d'importance pour l'avenir des choses, comment le premier ministre, je vais le demander au premier ministre, comment le premier ministre peut-il maintenant affirmer que le prochain référendum ne serait qu'une consultation, ne serait que consultatif, alors qu'en s'adressant aux Québécois, juste avant le dernier référendum, déclarait lui-même aux Québécois que leur décision serait irréversible? Comment concilie-t-il cela?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le problème n'a pas été soulevé par les ministres, le problème a été soulevé, dimanche, par le premier ministre du Québec qui ne voulait parler d'autre chose que de la Loi 101. Il a soulevé ce problème hypothétique et le ministre a répondu.

Quant à ce que j'ai dit, je n'ai rien à retirer. J'ai toujours dit ici, j'ai pris deux semaines, et ensuite, le chef du Bloc a quitté, j'ai toujours dit, entre autres, et je le répète, qu'on ne brisera pas le pays avec un vote de majorité à la suite d'un recomptage judiciaire.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, nous tirerons volontiers la ligne là-dessus, mais j'aimerais bien que le premier ministre, pour éviter toute équivoque, s'adresse bien à ses ministres et qu'il nous dise s'il osera nier qu'après avoir obtenu un mandat de la population du Québec dans un référendum, le gouvernement du Québec pourra alors réaliser la souveraineté du Québec. Qu'il le dise donc franchement, ce sera clair, ses ministres cesseront d'en parler et tout le monde sera heureux.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'aime mieux parler de ce qui existe. Cela fait deux fois que les Québécois décident de rester au Canada. C'est de cela qu'on devrait parler.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, jusqu'à maintenant, l'approche du premier ministre dans le dossier constitutionnel a consisté à compliquer les affaires plutôt qu'à les simplifier. Plusieurs fédéralistes influents provenant des milieux d'affaires lui reprochent d'ailleurs son manque de vision et l'improvisation dont fait preuve son gouvernement dans ce dossier. Les déclarations contradictoires de ses ministres en sont, à cet égard, un exemple éloquent.

Ma question s'adresse au premier ministre. Qui faut-il croire dans le gouvernement entre le ministre de la Justice qui n'accorde qu'une valeur consultative, sans plus, à l'exercice référendaire, et la ministre de l'Immigration qui prétend que si les règles sont claires, le référendum aura une valeur réelle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous aurons un référendum, on s'assurera que les règles soient claires.

(1420)

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre continue. Au lieu de jouer au chat et à la souris sur un sujet aussi lourd et aussi sérieux en ce qui concerne le dossier constitutionnel, le premier ministre peut-il dire clairement, une fois pour toutes, si oui ou non il reconnaît aux Québécois le droit de décider eux-mêmes, démocratiquement, de leur avenir? C'est simple: oui ou non, monsieur le premier ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas moi qui parle de ces problèmes-là, c'est M. Bouchard lui-même. Si on a besoin de précisions en ce moment, c'est tout le peuple du Québec qui en a besoin, parce que tout le monde veut avoir un moratoire pour relancer les emplois et relancer l'économie, celle de Montréal en particulier.

C'est la demande de M. Bouchard lui-même. Il a demandé de ne pas parler de Constitution, de ne pas parler de référendum et de créer un climat favorable pour les investissements au Québec. Ce


2137

qui serait important pour les gens d'en face, c'est qu'ils précisent, à l'intérieur de leur propre parti, leur position sur la Loi 101.

* * *

[Traduction]

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le Spectator de Hamilton est plein de lettres d'électeurs qui sont mécontents et gênés de l'attitude adoptée par la vice-première ministre.

Susan Kalbfleisch écrit ceci: «Comment pouvons-nous enseigner à nos enfants que l'honneur, l'intégrité et la responsabilité personnelle sont des valeurs importantes lorsqu'un de nos leaders donne un si mauvais exemple?»

Ivy Brittain, de Hamilton, écrit ceci: «Je ne crois pas que ses électeurs de Hamilton aient une très haute opinion d'elle dans le moment. C'est elle qui a dit qu'elle démissionnerait si les libéraux ne tenaient pas leur promesse d'abolir la TPS.»

Voici la question que je pose à la vice-première ministre. Pourquoi ne fait-elle pas passer la responsabilité personnelle et l'intégrité avant sa carrière politique et ne démissionne-t-elle pas dès maintenant de son siège à la Chambre des communes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef suppléant du troisième parti devrait concentrer son attention dans le moment sur la remarque atroce faite par le député de Nanaïmo-Cowichan. C'est à peu près la pire remarque que nous puissions entendre dans la société canadienne.

Je suis chef d'un parti politique. Celui-ci compte des députés de race différente. Il y a les députés de Nunatsiaq, de Malton, de Bruce-Grey, d'Etobicoke-Lakeshore et de Richmond et d'autres députés appartenant à d'autres minorités, et jamais je ne leur demanderai de passer en arrière. Je suis fier d'eux. Ils seront toujours au premier rang du Parti libéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je demanderais aux députés de poser des questions qui concernent la responsabilité administrative d'un ministre ou du gouvernement.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je veux simplement dire encore une fois que je suis en faveur de l'égalité de tous les Canadiens, ce qui comprend tous les politiciens. Lorsqu'un politicien rompt une promesse qu'il a faite très sérieusement, cela nous fait honte à tous.

Dans son éditorial, le Star de Toronto dit que la vice-première ministre devrait démissionner maintenant pour aider à rétablir la confiance des Canadiens envers le système et faire face à ses électeurs immédiatement dans une élection partielle. Il disait ensuite: «Son départ aiderait aussi à contenir la vague de cynisme que provoque inévitablement toute déclaration des libéraux.»

Ma question s'adresse à la vice-première ministre, et non à son porte-parole. Se résoudra-t-elle à rétablir la confiance des Canadiens envers notre régime politique, à tenir ses engagements et à faire face aux électeurs de Hamilton-Est immédiatement dans une élection partielle? Fera-t-elle cela dès aujourd'hui?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la députée peut bien lancer des livres et afficher un tel comportement à la Chambre des communes, mais je voudrais savoir si elle demandera au député de Nanaïmo-Cowichan de démissionner parce qu'il a fait une remarque des plus scandaleuses. Nous avons des députés ici-un du Bloc québécois et un du Nouveau Parti démocratique-qui ont admis leur homosexualité, et ils ont le droit d'être à la Chambre comme n'importe qui d'autre.

(1425)

Je n'accepte pas que ces gens essaient de me faire la morale aujourd'hui lorsque leurs collègues font de la discrimination contre certaines personnes à cause de leur race, de leur langue, de leur orientation sexuelle et de leur sexe. Je ne me laisserai pas acculer au pied du mur par la petite dure de l'Alberta.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, encore une fois, nous parlons d'une promesse qui a été faite avant les dernières élections. Cette promesse a également été répétée plusieurs fois après les élections.

L'éditorialiste du Globe and Mail disait aujourd'hui: «Le comportement honteux des libéraux dans l'affaire de la TPS ne fait qu'exacerber ce même désabusement à l'endroit de la politique et des politiciens qui a porté ces gens au pouvoir en 1993.»

On disait ensuite dans l'article que, si le gouvernement voulait vraiment redonner un caractère honnête et intègre à la vie publique et montrer aux Canadiens qu'ils peuvent de nouveau avoir confiance dans leurs dirigeants, la vice-première ministre devrait agir de façon honorable et démissionner.

Je pose la question encore une fois à la vice-première ministre. Continuera-t-elle, pour reprendre les mots employés dans le Globe and Mail, de se déshonorer, de déshonorer son gouvernement et. . .

Le Président: Je rappelle respectueusement aux députés que nous ne pouvons pas utiliser les paroles de quelqu'un d'autre pour dire ce que nous ne dirions pas autrement à la Chambre des communes. Je demanderais à la députée de Beaver River de retirer le mot «déshonorer».

Mme Grey: Monsieur le Président, je vais retirer ce mot et j'en informerai le Globe and Mail.

Fera-t-elle ce qu'elle doit. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: La question a été posée. Nous allons maintenant entendre la réponse.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, si j'étais réformiste, je serais très gêné de voir mon chef suppléant se lever à la Chambre et poser trois questions après avoir appuyé les remarques du député de Nanaïmo-Cowichan.


2138

L'une des choses qui ont fait du Canada un beau pays, c'est que nous avons accueilli des gens de toutes les régions du monde, des gens de religions différentes, de races différentes, et ainsi de suite. Nous formons une grande famille. Je ne suis pas très à l'aise d'avoir devant moi à la Chambre des communes un parti qui a de telles opinions.

* * *

[Français]

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Hier, l'avocat du gouvernement s'opposait à ce que la Commission d'enquête sur la Somalie puisse faire correctement son travail. Aujourd'hui, le gouvernement doit faire marche arrière devant le tollé de protestations qu'a suscité cette nouvelle tentative de camouflage.

Doit-on comprendre que le ministre de la Défense partage entièrement l'avis du président de la commission d'enquête à l'effet que le mandat de la commission, relativement aux allégations de camouflage et de destruction d'éléments de preuve, s'étend bien au-delà de la période initialement prévue et qu'il inclut donc les allégations de camouflage qui s'est produit et qui peut encore se produire sous le présent gouvernement?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je peux dire clairement au député et à la Chambre que le gouvernement ne met absolument pas en doute le champ de compétence de la commission et son droit d'enquêter sur toute la question du camouflage. Son mandat s'étend très certainement à cet aspect du dossier.

La question abordée hier concernait la preuve. L'avocat du gouvernement a pris position à l'égard de la présentation de certaines bandes magnétiques et transcriptions. Les documents en cause ont maintenant été mis à la disposition de la commission, qui a rendu un jugement à cet égard.

En août dernier, la commission a pu mesurer l'étendue de son mandat et, dans une décision écrite rendue le 3 août de l'année dernière, elle a dit clairement que la compétence qui lui était accordée en vertu de son mandat lui donnait pleinement le droit d'examiner les allégations de camouflage relatives aux incidents survenus en Somalie. Le gouvernement est entièrement d'accord avec cette position. Tous les jours, aux audiences, nous coopérons avec la commission, afin de l'aider à faire ce travail.

(1430)

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, comme le ministre de la Justice vient de le dire, si le mandat de la commission d'enquête consiste à faire toute la lumière sur les allégations de camouflage ainsi que sur la disparition et l'altération de documents qui se sont produits sous le présent gouvernement, le ministre de la Défense ou le ministre de la Justice peut-il nous rassurer aujourd'hui qu'au terme de cette enquête parallèle, la commission déposera un rapport complet sur cette affaire, y compris le nom des personnes responsables et les sanctions appropriées, le cas échéant?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la commission est secondée par son propre avocat et elle fera ce qui lui est conseillé quant à la préparation d'un rapport.

Au nom du gouvernement du Canada et de la commission, je dois préciser que, surtout en ce qui concerne la représentation en justice, nous reconnaissons que le mandat de la commission lui donne le droit d'examiner les allégations de camouflage.

Nous nous sommes engagés à coopérer avec la commission. Nous l'invitons implicitement et explicitement à faire toutes les constatations appropriées sur les faits qu'elle découvrira relativement aux allégations de camouflage.

* * *

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, hier la vice-première ministre essayait d'utiliser le coût d'une élection partielle comme excuse pour ne pas remplir sa promesse solennelle, précise et calculée aux électeurs de Hamilton-Est lors des dernières élections, à savoir démissionner si la TPS n'était pas éliminée.

Tous les électeurs là-bas savent que chaque mois et chaque année que la vice-première ministre passe ici ajoute des centaines de milliers de dollars à ce que les contribuables devront payer pour sa pension de ministre et de députée.

Au lieu d'utiliser cette fausse excuse, pourquoi ne fait-elle pas ce qu'elle devrait, c'est-à-dire démissionner et permettre la tenue d'une élection partielle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit très clairement que le ministre des Finances et moi-même mettions en oeuvre la promesse qui figure à la page 20 du livre rouge. Il n'y a rien à ajouter.

Nous avons fait campagne sur la page 20 du livre rouge où l'on dit que l'on remplacera cette taxe par une taxe harmonisée. Le député devrait lire le livre rouge et il s'apercevrait que nous avons fait campagne sur la promesse que nous mettons en oeuvre maintenant.

[Français]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, voici ma question supplémentaire.

Le premier ministre sait que la vice-première ministre a été huée par les spectateurs au Colisée Copps à Hamilton pour sa performance et celle du gouvernement sur la TPS.

On a pu lire les manchettes suivantes au Québec: «Tout le monde avait mal compris», La Presse; «TPS: la fin d'une charade», La


2139

Presse; «Farces et attrapes», La Presse; «Copps la blagueuse», Le Devoir. Voilà l'unité nationale sur cette question.

La vice-première ministre va-t-elle agir honorablement et démissionner, comme elle s'y est engagée lors de la campagne électorale passée?

[Traduction]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il y a deux types de questions dans cette Chambre.

Très rarement, un membre de l'opposition se lève et demande quelque chose qui appelle véritablement une réponse. L'autre type de question que posent les députés de l'opposition vise avant tout à se faire du capital politique, et elle est normalement précédée d'un long préambule. Elle ne vise pas à obtenir des renseignements, mais à faire ressortir un élément quelconque.

Nous sommes habitués à ce genre de question. Normalement, lorsqu'un député la pose, il est explicite ou implicite dans le préambule que l'opposition veut attaquer le gouvernement sur un point important.

Est-ce que le Parti réformiste appuie ce que le gouvernement fait pour harmoniser la taxe ou pas? Est-ce que le Parti réformiste continue à penser, comme il le disait au moment de la présentation du rapport du comité des finances: «Nous félicitons le gouvernement de sa tentative pour harmoniser la taxe avec les provinces»?

Est-ce que le Parti réformiste pense encore qu'il est tout simplement inacceptable que le Canada reste le seul pays au monde avec dix taxes de vente différentes? Quelle est sa position? Le Parti réformiste est-il en faveur de l'harmonisation ou contre?

* * *

(1435)

[Français]

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, d'après Statistique Canada, sur le million de francophones hors Québec qui déclarent le français comme langue maternelle, il n'en reste plus que 640 000 qui utilisent le français à la maison. Malgré cette situation plus qu'alarmante, le commissaire aux langues officielles vient tout juste de rendre public un rapport annuel qui nous dit au contraire que des progrès considérables ont été réalisés en matière d'utilisation de la langue française à l'extérieur du Québec.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Comment le commissaire aux langues officielles peut-il aujourd'hui présenter un rapport aussi rose bonbon, alors que depuis 18 mois, il publie des rapports qui contredisent carrément ses propos d'aujourd'hui? Que s'est-il passé de si extraordinaire depuis, pour que le commissaire change d'idée aussi radicalement?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, les faits sont là. Dans les écoles canadiennes, aujourd'hui, 2 135 000 enfants étudient le français langue seconde, et environ 644 000 l'anglais langue seconde.

De plus, des étudiants entre 15 et 19 ans, actuellement, un sur quatre au Canada est bilingue. C'est le meilleur taux dans l'histoire du Canada.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, je ne sais pas si sa parole vaut grand-chose ces temps-ci. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Marchand: . . .mais je lui pose une question complémentaire.

Comment le gouvernement peut-il accepter un rapport du commissaire aux langues officielles qui nie la réalité des francophones, au point de ne même pas écrire le mot «assimilation», alors que Statistique Canada démontre, chiffres à l'appui, qu'entre 1971 et 1991, le taux d'assimilation des francophones. . .

Le Président: Je demanderais au député de poser sa question.

M. Marchand: Ma question est la suivante: Pourquoi Statistique Canada démontre-t-elle, chiffres à l'appui, que depuis 20 ans, le taux d'assimilation des francophones hors Québec est passé de 27 à 34 p. 100?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, ce qui est le plus malheureux-et nous, on peut survivre et avoir des attaques, les gens en politique-mais M. Goldbloom, qui est une personne qui n'a pas été nommée par ce gouvernement mais par le gouvernement précédent, a produit un rapport et le député d'en face veut accuser M. Goldbloom de changer les faits. Les faits sont là.

Peut-être que ça fait mal, ça fait mal à la politique séparatiste du Bloc québécois qu'un Canadien sur quatre soit capable de parler les deux langues. Les faits sont là et l'accusation qu'il porte contre M. Goldbloom n'a pas de bon sens, de la même façon que ses propres actes et gestes antérieurs n'ont aucune bonne raison.

* * *

[Traduction]

LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, hier, la vice-première ministre a déclaré qu'elle ne démissionnerait pas parce que cela coûterait 100 000 $ aux contribuables.

Ce matin, les auditeurs de CFRA, une station de radio locale, ont commencé à envoyer de l'argent pour que l'élection complémentaire ne coûte absolument rien aux contribuables et à la vice-première ministre.

Si on réussit à amasser assez d'argent et, ainsi, à faire tomber la dernière excuse de la vice-première ministre, prendra-t-elle la décision honorable et démissionnera-t-elle?

Le Président: Il s'agit d'une question hypothétique irrecevable. Je demande au député de poser une question complémentaire.


2140

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je dirai à l'intention du ministre des Finances que notre parti s'oppose à un harmonisation accompagnée d'une indemnisation de 1 milliard de dollars.

Est-ce que la vice-première ministre se rend compte qu'il n'y a pas que son honnêteté, son intégrité et son respect qui souffrent lorsqu'elle manque à sa parole? L'ensemble de son parti et de la Chambre des communes sont touchés.

(1440)

Le Sun d'Ottawa a bien jaugé la situation lorsqu'il prévenait de ne pas frotter d'allumette près de la vice-première ministre de peur que les gaz comprimés nauséeux de l'hypocrisie politique soient inflammables.

* * *

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la vice-première ministre.

En août 1994, la Fédération des communautés francophones et acadienne, qui faisait le bilan de ces 25 années de régime sous la Loi sur les langues officielles, disait, et je cite: «Il se fait tard, comme l'indiquent les stastitiques sur l'assimilation. À ce rythme, nos communautés ne seront plus que l'ombre d'elles-mêmes». Bref, elle lançait un cri d'alarme au gouvernement. Pourtant, celui-ci préfère rester sourd à cet appel et se contente des sornettes du commissaire.

Le gouvernement est-il intervenu auprès du commissaire aux langues officielles pour lui demander de rédiger un rapport complaisant qui ne reflète pas la vérité et qui écrit seulement ce que le gouvernement voudrait bien y lire?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est faux.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, la ministre s'engage-t-elle à rappeler à l'ordre le commissaire aux langues officielles? Pourrait-elle lui demander d'arrêter de camoufler les chiffres de Statistique Canada et de faire son travail plutôt que de faire de la politique?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, M. Goldbloom est un officier du Parlement du Canada, ce n'est pas un fonctionnaire du gouvernement fédéral. Nous ne suivons pas l'exemple de la ministre de la Culture du Québec qui ne laisse pas les négociations collectives se poursuivre. Quand on a un organisme qui est à «arm's length», on le respecte.

[Traduction]

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont été sidérés d'entendre un avocat du gouvernement fédéral contredire le ministre de la Défense nationale au sujet du mandat de la commission d'enquête sur la Somalie. Les Canadiens veulent savoir ce qui se cache derrière cela.

Le ministre de la Défense nationale va-t-il confirmer que le juge-avocat général a demandé à l'avocat du gouvernement fédéral de contester le mandat de la commission d'enquête sur la Somalie? Le ministre peut-il préciser aux Canadiens la raison qui se cache derrière cette tentative?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la réponse, c'est que personne n'a demandé à l'avocat du gouvernement de contester le mandat de la commission d'enquête.

Hier, à la commission, on a soulevé une question au sujet de la preuve. L'avocat a signalé que c'était accessoire à ce qui s'était passé en Somalie, puis on s'est demandé jusqu'où au juste la commission pouvait aller dans l'examen des vidéocassettes.

Cependant, je le répète, mis à part ce détail, ce qui importe c'est que le gouvernement entend bien aider la commission à s'acquitter de son travail. Nous reconnaissons expressément que la commission peut se pencher sur les allégations de camouflage, car cela fait partie de son travail, cela entre dans son mandat. Nous sommes d'accord avec l'interprétation que la commission fait de son mandat.

Nous poursuivons maintenant le travail de la commission. L'avocat en question a remis les documents en cause. La commission a pu en prendre possession. La commission poursuit son travail.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale peut-il dire aux Canadiens pourquoi les ministères de la Justice et de la Défense nationale envoient à la population canadienne des messages contradictoires?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale, et moi-même avons exactement la même position. C'est celle de l'avocat de la commission, de l'avocat représentant le gouvernement devant cette commission. La commission peut très bien et devrait examiner toutes les accusations de camouflage.

La chose la plus importante dans tout cela, c'est que les Canadiens prennent connaissance des faits et des conclusions de la commission à ce sujet pour que nous puissions évaluer ce qui s'est produit et ce qui devrait se passer, et c'est exactement la position que nous défendons devant la commission et à la Chambre aujourd'hui.


2141

(1445)

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Il y a environ un an, la Chambre a adopté à l'unanimité une motion demandant la création d'un mécanisme d'examen indépendant du Centre de la sécurité des télécommunications. Nous savons que tant le premier ministre que le ministre de la Défense nationale souscrivent à cette initiative.

Le ministre peut-il informer la Chambre des progrès qu'a accomplis le gouvernement pour donner suite à la proposition de la Chambre d'instaurer un mécanisme de surveillance du CST?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement accueille favorablement l'initiative qu'ont prise le député de Scarborough-Rouge River et les membres du sous-comité du renseignement de sécurité du comité de la justice.

Nous avons tenu des discussions avec le député et d'autres députés au sujet du mécanisme de surveillance approprié. Nous devrions être en mesure, au cours des prochaines semaines, de faire connaître le point de vue du gouvernement. J'espère que cela répondra aux préoccupations légitimes des membres de ce comité et de la population canadienne en général.

* * *

[Français]

LE PONT DE QUÉBEC

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Le pont de Québec a été classé, cette année, monument historique par le ministère fédéral du Patrimoine canadien et, pourtant, le ministre des Transports refuse toujours de prendre part au financement des rénovations avec le CN et le gouvernement du Québec.

Le ministre ne trouve-t-il pas pour le moins incongru d'octroyer 41,9 millions de dollars, indexés annuellement pendant 35 ans, soit plus de deux milliards de dollars, à un consortium pour financer la construction d'un pont entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard qui dessert 132 000 personnes, tout en refusant d'octroyer quoi que ce soit pour la préservation du pont de Québec qui, lui, dessert plus de 600 000 personnes?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement est bien conscient de l'importance du pont de Québec, mais la compagnie CN a la responsabilité de l'entretien de ce pont. Ce n'est pas une question pour le gouvernement fédéral.

Par contre, dans l'autre cas, le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, certaines responsabilités constitutionnelles relèvent de nous et du gouvernement provincial. Il y a une grande différence dans la raison pour laquelle il y a des dépenses fédérales dans ce cas-là et des dépenses du CN dans le cas du pont de Québec.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il tenir deux discours alors que, dans un premier temps, le ministre explique son refus de financer les rénovations du pont de Québec parce qu'il appartient à une entreprise privée, alors que de l'autre côté, il octroie deux milliards de dollars à un consortium qui est aussi une entreprise privée pour la construction du pont entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, les dépenses pour l'Île-du-Prince-Édouard sont fondées sur nos responsabilités constitutionnelles. Dans le cas du pont de Québec, le pont a été transféré au CN, il y a trois ou quatre ans je pense, avant que ce gouvernement n'arrive au pouvoir. En même temps, nous avons donné pour 30 millions de dollars de terrain à côté du pont. Nous nous attendions à ce que le CN continue de faire l'entretien du pont et le CN fait exactement ça.

Ils vont dépenser 1,5 million de dollars cette année et on attend le même niveau d'entretien d'ici 10 ans, 20 ans peut-être. Mais la responsabilité du pont demeure celle du CN. Si la province de Québec, qui paie je pense 25 000 $ par an pour l'utilisation du pont par les autos, veut aussi aider et prendre part à l'entretien, nous serons bien contents.

* * *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Pêches a, dans sa grande sagesse, réparti la flotte des petites embarcations de la Colombie-Britannique en trois régions géographiques.

Rien que pour subsister un pêcheur sera forcé d'acheter un deuxième ou un troisième permis. Ça va probablement lui coûter 13 000 $ par an, 13 000 $ de plus.

Alors que les prix du poisson sont à la baisse, que l'on s'apprête à fermer le fleuve Fraser pendant un an et que les pêcheurs font faillite, comment le ministre peut-il oser imposer aux pêcheurs de la Colombie-Britannique des frais supplémentaires de l'ordre de 13 000 $ par an?

(1450)

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député n'est pas sans savoir que la pêche commerciale en Colombie-Britannique est dans un bien triste état. Les stocks s'épuisent. Les pêcheurs perdent de l'argent. On s'attend à ce qu'ils perdent encore plus d'argent cette année. Il faut faire quelque chose.

On a élaboré un plan pour assurer la stabilité à long terme de l'industrie et sa viabilité économique. Il s'agit en gros de mettre


2142

tout en oeuvre pour que le poisson survive. Ce plan n'est pas une sinécure. C'est un plan qui a des répercussions sur les gens de l'industrie.

Seulement, ces mesures rigoureuses s'imposent. Il nous faut les mettre en oeuvre si nous voulons que le poisson survive et que les pêcheurs subsistent. Nous devons prendre les mesures qui s'imposaient déjà il y a 15 ans.

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, il faut certes faire quelque chose, mais décider d'une augmentation des frais en ces temps difficiles n'est pas la chose à faire.

Le ministre sait pertinemment que sa politique ne viendra aucunement en aide aux petits pêcheurs. Elle va les forcer à abandonner cette activité. Par-dessus tout, elle va obliger les pêcheurs à augmenter le nombre de prises pour pouvoir s'acquitter des frais supplémentaires.

Le plan du ministre force les pêcheurs à se retirer du marché, à abandonner leur gagne-pain et, en plus, il a pour effet d'accroître les pressions sur les stocks de saumon. Comment peut-il justifier son geste qui se ramène à punir les habitants de la Colombie-Britannique en leur imposant un plan aussi mal conçu?

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le plan ne va pas punir les habitants de la Colombie-Britannique. Le plan est rigoureux, certes. Sa mise en oeuvre ne va pas sans créer de difficultés, soit.

Or, tout le monde s'accorde pour dire que l'industrie est victime de sa surcapacité. Tout le monde est d'accord: il faut réduire cette capacité. Tout le monde s'entend sur les objectifs à atteindre pour assurer la viabilité de l'industrie.

Nous avons proposé un plan qui remédiera à cette situation difficile. Je le répète, il s'agit d'un plan rigoureux visant à assainir l'industrie.

Si le député n'aime pas ce plan, je compte bien qu'il nous proposera le sien.

* * *

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, un député a fait des observations qui scandalisent les Canadiens et de nombreux députés. Le whip du Parti réformiste aurait déclaré que s'il était en affaires, il congédierait ou ferait travailler dans l'arrière-boutique un employé homosexuel ou de race noire qui offenserait ses clients racistes ou intolérants et lui ferait perdre de l'argent.

Le ministre de la Justice pourrait-il expliquer que le projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne vise justement à protéger les gens comme moi contre la discrimination dans l'emploi?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens croient dans un pays où personne n'est forcé de travailler dans l'arrière-boutique.

Des voix: Bravo!

M. Rock: Au Canada, personne n'a à se cacher à cause de la race à laquelle il appartient, d'un handicap ou d'une caractéristique qui n'a rien à voir avec sa valeur en tant qu'être humain.

Les Canadiens ne croient pas dans un pays où un employeur peut congédier un membre d'une minorité à cause de l'étroitesse d'esprit de ses clients. Ils croient dans un pays où les employeurs dénoncent l'étroitesse d'esprit, au nom des membres des minorités.

C'est justement pour protéger de tels principes que nous adoptons des mesures législatives sur les droits de la personne, y compris le projet de loi C-33 dont la Chambre est saisie actuellement. Voilà pourquoi les lois sur les droits de la personne sont importantes au Canada.

* * *

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Vendredi dernier, le ministre annonçait un nouveau programme de formation de la main-d'oeuvre nommé Expérience Canada et doté d'un financement de 21 millions de dollars. Loin de se retirer du champ de la main-d'oeuvre, comme il en a maintes fois pris l'engagement, il crée donc de nouveaux programmes dans ce secteur.

(1455)

Comment le ministre du Développement des ressources humaines peut-il, d'un côté, prétendre se retirer de la formation professionnelle et de l'autre, mettre sur pied Expérience Canada qui entre directement dans les champs de compétence du Québec dans le secteur de la formation professionnelle?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, vendredi, les jeunes du Canada ont été choyés d'apprendre que le secteur privé, à travers le pays, est prêt à contribuer au-delà de 12 millions de dollars, en partenariat avec le gouvernement du Canada, pour venir en aide aux jeunes Canadiens et Canadiennes de partout au pays. Ils pourront donc apprendre non seulement à travailler dans un secteur qui leur est familier et approprié, mais qui leur donnera aussi l'occasion de connaître le Canada.

Les jeunes de toutes les provinces et des territoires pourront participer à ce programme, parce que le secteur privé a jugé bon de participer, avec le gouvernement du Canada, en payant, sur les 21 millions auxquels l'honorable député a fait allusion, une somme de 12,7 millions de dollars.

Je pense qu'on voit encore ici un très bon exemple de la façon dont les Canadiens et les Canadiennes, le gouvernement du Canada et le secteur privé peuvent tous travailler ensemble pour le bien commun.

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il justifier que ce nouveau programme destiné aux jeunes soit géré par un organisme partisan, comme le Conseil pour l'unité canadienne?


2143

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je peux vous assurer qu'on n'avait pas du tout l'intention de demander à un groupe de gérer un tel programme connu sous le nom d'Expérience Canada, on ne l'aurait certainement pas confié au Bloc québécois.

* * *

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la vice-première ministre a eu l'audace d'affirmer hier à la Chambre qu'elle faisait économiser aux contribuables les coûts d'une élection partielle en revenant sur sa promesse de démissionner si la TPS n'était pas supprimée. C'est incroyable. Je n'ai pas entendu ce genre de propos lorsque son bon ami, le premier ministre, était. . .

Le Président: J'essaie d'accorder la plus grande marge de manoeuvre possible dans les préambules. Je demanderais au député de bien vouloir poser sa question.

M. Solberg: Monsieur le Président, étant donné que le gouvernement ne pouvait attendre pour faire payer six élections partielles aux contribuables afin d'élire d'autres libéraux, je voudrais savoir si la vraie raison pour laquelle la vice-première ministre refuse de démissionner aujourd'hui, c'est parce qu'elle ne s'est pas encore ménagé une porte de sortie sous forme de nomination partisane à un poste richement rémunéré.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, l'autre jour, je n'ai pu terminer ma réponse à une question posée par le député en raison des malheureuses restrictions de temps imposées à certaines de mes réponses.

Le député dit qu'il appartient à un parti populiste. L'Association des consommateurs du Canada appuie ce que le gouvernement a fait. En va-t-il de même du Parti réformiste? La Fédération canadienne des municipalités appuie ce que le gouvernement a fait. En va-t-il de même du Parti réformiste?

L'Association de l'industrie touristique du Canada appuie ce que le gouvernement a fait. La Canadian Health Care Association, l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, les associations nationales de bénévoles et la population canadienne appuient le gouvernement. Pourquoi le Parti réformiste n'en fait-il pas autant?

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je suggère au ministre des Finances qu'il aille rencontrer les gens pour savoir ce qu'ils pensent vraiment. Qu'il demande aux gens réunis au Copps Coliseum ce qu'ils pensaient de la vice-première ministre lorsqu'elle s'est présentée devant eux l'autre jour. Ils n'avaient pas une très haute opinion d'elle.

Voici une citation du Chronicle Herald de Halifax: «Les avocats plaidants du Canada remercient la vice-première ministre de leur avoir fourni un autre argument de défense.»

Au noble argument de l'état d'ébriété, on peut maintenant ajouter celui-ci: «Je n'ai fait que me présenter au poste de député.» Quel bel argument!

Étant donné que le manque d'intégrité de son gouvernement et son mépris pour les Canadiens ont maintenant été exposés au grand jour, qu'elle s'est compromise, entraînant avec elle tous les parlementaires, à cause de ses promesses irréfléchies, pourquoi la vice-première ministre ne rétablit-elle pas la confiance envers son gouvernement en tenant pour une fois sa parole et en démissionnant?

(1500)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député aime les citations. En voici quelques-unes. Mike Harris a dit, le 14 juin 1994: «Si je veux quelque chose qui marche, et j'ai une chose à vous dire, si nous avions une taxe sur la valeur ajoutée, une seule taxe perçue par un seul palier de gouvernement, les fabricants et les entreprises de l'Ontario économiseraient plus d'un milliard de dollars en pouvant déduire les coûts qu'ils ne peuvent déduire aujourd'hui à l'égard de la taxe de vente.» Mike Harris a dit encore ceci: «Cela a été un des principaux désavantages concurrentiels qu'ont eus les fabricants et entreprises de l'Ontario.»

Je conclurai en répétant simplement les propos de Mike Harris. Il a dit d'arrêter les beaux discours, d'arrêter de faire de la politique, d'arrêter les accusations et de faire l'harmonisation. Mike Harris avait raison alors, et le gouvernement a raison maintenant.

* * *

LES PÊCHES

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches.

À titre de député de la Colombie-Britannique, je tiens à le remercier d'avoir reçu aujourd'hui la délégation de la Colombie- Britannique et d'avoir reconnu que le gouvernement avait peut-être agi avec précipitation en proposant le plan Mifflin.

Lorsque le ministre se rendra demain en Colombie-Britannique, acceptera-t-il de considérer le plan proposé par son homologue provincial dans le cadre d'un nouveau processus de consultation? Mettra-t-il fin immédiatement au cumul des permis et prendra-t-il des mesures pour restaurer les stocks de saumon dans les autres cours d'eau de la Colombie-Britannique?

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député ne pose pas une question, il essaie de se faire valoir.

Je n'ai pas reconnu que le plan n'était pas bon. Je n'ai pas reconnu que nous allions faire quoi que ce soit à l'égard du plan. J'ai cependant écouté les instances du groupe d'écologistes. Je n'aime pas que le député m'attribue des propos.

Pour répondre à sa question, je dirai que j'ai écouté la délégation qui avait des arguments valables à présenter. Ces écologistes ont fait valoir sept ou huit arguments qu'il est raisonnable de prendre en considération. Je vais y réfléchir. Je veux parvenir au meilleur plan possible. Nous en avons un à l'heure actuelle. Je dois m'assurer que les modifications que nous pourrions y apporter soient bénéfiques

2144

pour les pêcheurs, car le poisson vient en premier, et les pêcheurs et les politiques viennent après.

* * *

LES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. De l'aveu même de son gouvernement, le Parti libéral du Canada aurait, sous sa direction, manifesté du mépris à l'endroit des Canadiens pendant la campagne électorale de 1993, lorsqu'il a été question de la TPS.

À la suite de cet aveu, le premier ministre n'admettra-t-il pas aussi que les libéraux ont manifesté du mépris envers les Canadiens lorsqu'il a été question de l'achat des hélicoptères, de l'aéroport Pearson, des ententes commerciales ainsi que de la création d'emplois et que le livre rouge ne servira plus désormais qu'à faire rougir le gouvernement?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le député du cinquième parti lira le livre rouge, à la page 22 de la version anglaise et à la page 20 de la version française, où nous disons bien que l'harmonisation et la simplification sont la solution à nos problèmes et où nous en faisons un enjeu de la campagne électorale.

Nous ne regrettons pas d'avoir aboli le programme d'acquisition d'hélicoptères. En ce qui concerne la création d'emplois, si le député était au courant de ce qui s'est passé depuis les élections, il saurait que 600 000 nouveaux emplois ont été créés au Canada, ce qui est supérieur au nombre d'emplois créés, au cours de la même période, dans les trois États de l'Allemagne, de la France et de l'Italie réunis.

* * *

[Français]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais souligner la présence à la tribune d'une délégation de députés de l'Assemblée nationale française dirigée par M. Didier Bariani.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


2144

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1505)

[Français]

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

PROJET DE LOI C-33. AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il a été impossible d'en arriver à un accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) ou 78(2) du Règlement relativement aux délibérations à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En vertu des dispositions du paragraphe 78(3) du Règlement, je donne avis de mon intention de présenter une motion d'attribution de temps à la prochaine séance de la Chambre afin d'attribuer un nombre spécifié de jours ou d'heures aux délibérations à cette étape et aux décisions requises pour disposer de cette étape.

[Traduction]

LA REPRISE DE L'ÉTUDE À L'ÉTAPE DE LA DEUXIÈME LECTURE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le Président: Collègues députés, avant la période des questions orales, il restait trois minutes à la période des questions et des observations. Je crois que le député de Halifax-Ouest a une question à poser.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commenter l'excellent discours prononcé par la députée de Saskatoon-Humboldt.

Premièrement, je tiens à rappeler à la Chambre l'objet premier du projet de loi. Comme on le signale dans le préambule, le projet de loi reconnaît le droit de tous les Canadiens d'être à l'abri de toute discrimination dans leur emploi et dans la fourniture de biens et de services. Voilà en quoi consiste le projet de loi, rien de plus, rien de moins. On y ajoute aussi que le gouvernement reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne et que la présente loi ne porte pas atteinte à son rôle fondamental dans la société.

Aux yeux de nombreux Canadiens, ces principes revêtent une importance énorme. Il convenait donc de les inscrire dans le projet de loi. Or, il me semble qu'il ne suffit pas de veiller à ne pas faire preuve, nous-mêmes, de discrimination. Il faut combattre la discrimination. Nous devons protéger les gens contre la discrimination. Voilà ce que le projet de loi est censé faire et ce qu'il parviendra à faire. Je voudrais l'avis de la députée de Saskatoon-Humboldt à ce sujet.

Mme Sheridan: Monsieur le Président, je souligne ce que mon collègue vient de dire. Le projet de loi C-33 vise à protéger les droits de la personne contre la discrimination, et non pas à détruire la famille canadienne.

Mes valeurs familiales, comme celles de beaucoup de Canadiens, comprennent la tolérance, l'équité, la justice et le respect. Le projet de loi C-33 ne tend pas à donner des droits spéciaux à des groupes particuliers, ni à promouvoir certains modes de vie. Il importe de signaler que l'expression «orientation sexuelle», ajoutée à la loi, est une expression neutre qui désigne à la fois l'homosexualité et l'hétérosexualité.

Je voudrais exprimer ma conviction que notre société sera jugée non à notre façon d'améliorer la qualité de vie des puissants, mais plutôt à notre manière de nous occuper des plus vulnérables. Pour cette raison, je suis fière d'être jugée d'après la protection assurée par le projet de loi C-33. Grâce à cette loi, c'est un bras protecteur et non un poing vengeur qui se tend vers beaucoup de Canadiens.

(1510)

M. Jack Iyerak Anawak (Nunatsiaq, Lib.):

[Note de l'éditeur: Le député parle en inuktitut.]


2145

[Traduction]

Monsieur le Président, compte tenu de ce qui s'est passé pendant la période des questions et des observations que le député de Nanaïmo-Cowichan a présentées hier, il importe, je crois, de s'en tenir à la question de la discrimination.

Je me permets de rappeler des propos que d'autres ont déjà cités ici. Le député de Nanaïmo-Cowichan a dit que: «Tout le monde doit être traité avec justice et équité. On doit être juste à l'égard de tout le monde et non seulement de petits groupes spécifiques.» C'est exactement pour cette raison que nous voulons que la loi interdise la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Des personnes sont victimes de discrimination en raison de la couleur de leur peau, de leur mode de vie ou de leur handicap.

Je n'ai été témoin ici d'aucune discrimination à l'endroit d'autres personnes. Toutefois, n'étant moi-même pas de la même race que la plupart des personnes qui sont ici, il m'est arrivé de faire l'objet de discrimination parce que je suis différent des autres. On me voit et on dit: «Oh, c'est un autochtone!» Voici un exemple de cela.

Je me rendais un jour à l'aéroport en voiture. J'étais pressé parce qu'en retard, comme d'habitude. Deux de mes enfants m'accompagnaient. Comme j'excédais la limite de vitesse permise, j'ai été arrêté par un agent de la GRC. J'étais rendu à l'aéroport. Il m'a demandé de sortir de ma voiture. J'ai dit que je le ferais, mais j'ai demandé à décharger d'abord mes affaires. Il m'a répondu ceci: «Non, sors de là!» Et cela, devant mes enfants. J'ai dit que je n'allais pas m'enfuir et j'ai demandé à décharger mes affaires pendant que l'agent vérifiait mes papiers. L'agent à refusé. J'espère que cela n'arrivera jamais à qui que ce soit de ma région.

Je lui ai donné mon permis de conduire. Je n'avais pas le certificat d'immatriculation de la voiture parce que je conduisais la voiture dont se sert habituellement mon épouse. L'agent de la GRC a menacé de confisquer la voiture. Il est allé vérifier mon dossier dans sa voiture. Pendant ce temps-là, je n'avais pas le droit de sortir de ma voiture ni de commencer à décharger mes affaires. Peut-être croyait-il que j'allais m'enfuir. Lorsqu'il est revenu, au bout d'une minute, son attitude avait complètement changé. Je me suis dit que ce n'aurait pas été le cas si j'avais été un Inuit ordinaire du Nord. J'ai eu alors pitié de quiconque n'avait pas comme moi la chance d'être député. L'agent avait complètement changé d'attitude.

(1515)

Étant donné que je n'avais pas les documents d'immatriculation ou d'assurance, que c'était ma femme qui les avait, je me demande ce qui se serait produit si je n'avais pas été un député. C'est à ce genre d'incident que je pense quand on parle d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs énoncés dans la Loi sur les droits de la personne.

Il faut vraiment avoir vécu une expérience semblable pour comprendre l'ampleur de la discrimination au Canada et ailleurs. J'imagine qu'il faut l'avoir vécu pour le comprendre. Ceux qui n'ont jamais subi de discrimination ne peuvent savoir ce que vivent ceux qui en sont victimes, qu'ils soient différents en raison de leur race, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou d'autres facteurs.

Lorsque j'étais jeune, j'allais à une école de missionnaires à Chesterfield Inlet, dans les Territoires du Nord-Ouest. Chaque matin, nous nous levions vers 6 h 30 ou 7 heures pour nous rendre à l'église et nous allions au catéchisme après l'école. On nous enseignait tout ce qu'il fallait faire pour être un bon chrétien: être tolérant, aimant, compréhensif, capable de pardonner et de traiter autrui comme nous aurions voulu être traités nous-mêmes. Nous avons grandi en apprenant qu'il fallait traiter nos semblables avec beaucoup de bienveillance et de tolérance.

En même temps qu'on nous enseignait cela, on nous apprenait aussi des chansons dont nous ignorions tout à fait la signification à l'époque. Je me souviens d'une comptine que nous récitions: «eeny, meeny, miny, mo.» Ceux qui la connaissent savent sans doute qu'elle comporte des paroles très discriminatoires envers les Noirs.

À l'époque, il y avait certains conflits entre les Inuit, les Chippewan et les Cris qui vivaient au sud. On nous enseignait que les Indiens au sud étaient des sauvages. Nous le croyions, parce que ce sont les bons missionnaires chrétiens qui nous le disaient.

Je ne veux pas généraliser moi aussi, mais certains des êtres les plus hypocrites et intolérants étaient de bons chrétiens ou, en principe, de bons chrétiens. Cela fait mal. Ceux qui nous apprenaient toutes ces choses disaient de nos frères du sud qu'ils étaient des sauvages et nous enseignaient des chansons discriminatoires sans que nous le sachions. Heureusement, nous nous en sommes rendu compte, et la plupart d'entre nous n'ont pas retenu ces enseignements en vieillissant.

(1520)

Le député de Nanaïmo-Cowichan dit que nous devrions tous être traités également. Comment peut-il également dire qu'il enverrait travailler dans l'arrière-boutique une personne qui a une orientation sexuelle différente, par exemple un homosexuel? Comment ces deux points de vue peuvent-ils être compatibles? C'est impossible.

Il me semble que nous devons convaincre les gens, à tout le moins leur enseigner. . .

Le Président: Cher collègue, c'est toujours à regret que je dois interrompre un député. Il reste cinq minutes pour les questions et observations.

M. Ron MacDonald (Secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, lib.): Monsieur le Président, nous attendons depuis des années le débat d'aujourd'hui. L'apport des députés au débat donnera aux Canadiens une bonne idée de la façon dont chaque parti appuie les droits fondamentaux. Je suis convaincu que certains députés ne se sentent pas à l'aise devant les positions mises de l'avant.


2146

Le député de Nunatsiaq, qui vient de prendre la parole, témoigne de l'évolution de notre système politique canadien, et particulièrement de notre parti, qui fait que nous en sommes venus à comprendre l'importance du rôle que doivent jouer les membres des groupes minoritaires.

Le député de Nunatsiaq illustre parfaitement le fait que le Parlement devient un meilleur endroit lorsque nous faisons preuve de tolérance. Le Parlement est un meilleur endroit lorsque nous prenons des mesures concrètes pour éliminer les barrières qui nuisent à la participation des individus différents de nous-«nous» étant ici les personnes d'ascendance européenne, française et anglaise.

Il est on ne peut plus clair que le discours du député, depuis sept ans que je suis ici, a contribué à nous faire mieux comprendre la grandeur que le Canada tire de sa diversité.

Il y a sans doute un député qui comprenne mieux que le député de Nunatsiaq, qui vient de si loin au nord, comment on se sent lorsque l'on est vu comme étant différent. Il est impérieux de comprendre qu'une personne ne doit pas être jugée par la couleur de sa peau ou son origine ethnique ni par son orientation sexuelle, mais par sa valeur en tant qu'individu.

Je félicite mon collègue et très bon ami d'apporter à la Chambre ce sens de la diversité et de la grandeur qui doit être préservé et qui, par bien des aspects, se retrouve dans les modifications proposées aujourd'hui.

Je le remercie pour sa contribution au débat et je l'encourage à continuer de défendre les droits des Canadiens, qu'ils soient de la majorité ou de la minorité, bref, les droits de tous les Canadiens.

M. Anawak: Monsieur le Président, il est toujours agréable d'entendre d'autres députés parler du genre de travail que l'on s'efforce de faire. Être ici est pour moi un privilège et un honneur. Cependant, le seul fait de siéger à la Chambre des communes, d'avoir été élus, ne devrait pas nous empêcher d'essayer d'améliorer le monde même si, parfois, il faut vraiment se battre pour le faire.

Nous apportons au moins une petite contribution en modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Personnellement, je suis prêt à faire tout ce que je peux pour ceux et celles qui sont victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle, et je le ferai.

(1525)

[Français]

Le Président: Pourrais-je demander à l'honorable députée de Rimouski-Témiscouata si vous elle va partager son temps avec quelqu'un d'autre? Vous allez parler pendant 20 minutes? Très bien.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui et d'apporter ma contribution au débat sur le projet de loi C-33 intitulé Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce projet de loi ajoute un droit fondamental à la liste de ceux qui existaient déjà.

Quand ce projet de loi entrera en vigueur, il ne sera plus possible de faire preuve de discrimination envers une personne en vertu de son orientation sexuelle. Si jamais une personne était victime de ce type de discrimination, elle pourrait poursuivre, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne alors amendée par cette loi-ci.

Il était grandement temps que le gouvernement agisse dans ce domaine. Il était temps que le gouvernement prenne ses responsabilités, quand on voit les engagements qui avaient été pris au cours de la campagne électorale de 1993. Dans le fameux livre rouge, qu'on ne cesse de nous citer ces temps-ci, on prônait une plus grande reconnaissance et une protection des gais et des lesbiennes. M. Chrétien s'était formellement engagé, par une lettre, à reconnaître l'orientation sexuelle comme le onzième motif de discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le gouvernement a été aidé, bien sûr, par le travail fait dans l'autre Chambre qui a adopté le projet de loi S-2. C'est à se demander si le Sénat, l'autre Chambre, n'avait pas agi, si le gouvernement, lui, se serait décidé d'agir. Probablement qu'il a eu honte de voir qu'un sénateur conservateur décide d'aller de l'avant et que le Sénat aille de l'avant avec une Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Bien sûr, cette loi deviendra caduque quand la Chambre des communes aura adopté sa propre loi. En attendant, on considère que l'urgence d'agir était plus que nécessaire.

Je voudrais rappeller que le fait de reconnaître un droit à une personne n'enlève strictement rien aux autres personnes. Il était temps qu'on traduise dans les faits, puisque certaines personnes en étaient victimes, que nous naissons tous égaux en droits, mais certaines personnes souffraient de discrimination parce qu'elles n'avaient pas la même orientation sexuelle que certaines autres personnes.

Certaines personnes croient, et d'autres veulent laisser croire, que reconnaître ce droit fondamental, c'est promouvoir l'homosexualité comme mode de vie. En fait, je pense qu'il est grandement temps que la société canadienne ne joue plus à l'autruche et reconnaisse une réalité qui est observable quotidiennement dans notre société. Il y a dans notre société, qu'on le veuille ou non, qu'on aime cela ou pas, des gens qui sont homosexuels et d'autres qui sont hétérosexuels. C'est une donnée avec laquelle nous devons vivre et la reconnaissance de ce droit n'est pas la fin du monde puisque cela existe déjà dans plusieurs sociétés.

Il y a même un sondage qui disait que 70 p. 100 des Canadiens étaient prêts à accepter, étaient en faveur même d'une législation pour interdire toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Être contre cette idée, c'est aller à l'encontre d'une large majorité de notre société puisque 70 p. 100 réclament cette législation.

Il était temps d'agir parce que, le 18 mars 1994, le ministre de la Justice déclarait, en réponse à une question du député d'Hochelaga-Maisonneuve, et je cite: «Monsieur le Président, pendant la campagne électorale, dans le discours du Trône et à l'occasion de déclarations faites par la suite devant la Chambre, le gouvernement s'est engagé à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y ajouter l'orientation sexuelle comme motif inacceptable de discrimination. Nous avons l'intention de tenir notre engagement.»


2147

(1430)

Si je me réjouis aujourd'hui du dépôt de cette loi, je serai quand même craintive jusqu'à ce que l'on connaisse la date d'entrée en vigueur de cette loi, parce que ce n'est pas la première expérience gouvernementale en ce qui concerne l'idée de nous faire adopter une législation dans ce domaine. Tant et aussi longtemps que la loi ne sera pas sanctionnée, avec une date d'entrée en vigueur, nous resterons, en tout cas l'opposition officielle, très vigilants pour suivre la trace de ce projet de loi de façon à ce qu'il entre en vigueur le plus rapidement possible.

Il est malheureux, toutefois, que pour en venir peut-être à une solution de ce genre, le gouvernement nous ait annoncé, il y a quelques minutes, qu'il avait l'intention, demain, de déposer une motion visant à limiter le temps de débat. C'est donc qu'il y a, parmi nous, des gens qui sont de mauvaise foi et qui ont l'intention de prolonger indûment les débats de façon peut-être à empêcher le gouvernement d'aller de l'avant avec cette loi.

Nous sommes dans une situation où il faut déplorer à la fois la mauvaise foi de certains de nos collègues, certains députés de cette Chambre, et l'habitude du gouvernement qui se répète de jour en jour. Cela fait trois fois en quatre jours que le gouvernement aura adopté des motions pour limiter le temps de débat sur des questions fondamentales comme l'assurance-chômage, la TPS et les droits fondamentaux qu'on veut reconnaître à nos concitoyens. Donc, c'est un peu déplorable.

Il y a une autre chose qui est également inquiétante. Dans la loi canadienne telle qu'elle existe et qui avait été adoptée en 1978, je crois, non, c'est en 1975, le gouvernement n'avait pas cru bon de faire allusion au fait qu'elle reconnaissait la famille comme fondement de la société canadienne. C'est comme si c'était une nouveauté.

Le gouvernement, cette fois-ci, juge bon d'amender la loi en y ajoutant un paragraphe:

[. . .] le gouvernement du Canada reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne et que la présente loi ne porte pas atteinte à son rôle fondamental dans la société [. . .]
Ce deuxième paragraphe n'ajoute rien en soi. Je pense que, de toute évidence, la famille est, dans tous les pays du monde, la base de la société, du moins chez tous ceux qui partagent la même civilisation que nous.

J'ignore le sens que pourraient donner à la famille les juges si on devait aller devant un tribunal pour interpréter ce que cela signifie aujourd'hui, parce que même le concept de famille a considérablement évolué depuis les 20 dernières années. Quand je considère par exemple la famille dans laquelle je suis personnellement venue au monde et celle de mes petits-neveux et petites-nièces, dans bien des cas, ce n'est pas du tout le même concept de famille.

Alors, quelle est la sorte de famille que nous reconnaissons? Reconnaissons-nous la famille monoparentale? Reconnaissons-nous, dans ce projet de loi, la famille reconstituée? Quelle est au juste la famille que l'on reconnaît? Qui, maintenant, par l'ajout de ce paragraphe, sera victime de discrimination? Qui, par l'ajout de ce paragraphe, se verra refuser des droits? On dit que c'est le rôle fondamental dans notre société.

Quand on ajoute des choses, je me demande si le gouvernement a bien réfléchi à toute cette question et pourquoi il a ajouté ce fameux paragraphe qui ne faisait pas partie du projet de loi original, il y a 20 ans.

Est-ce que le gouvernement veut limiter la portée de la loi? Il y a lieu de se le demander. Est-ce que le gouvernement voulait par ailleurs calmer l'aile radicale de droite de son caucus?

(1535)

C'est fort possible. On sait que plusieurs personnes ne se sont pas gênées pour dire qu'elles étaient en désaccord avec ce projet. On a vu le premier ministre imposer la ligne de parti. C'est très bien. Nous ferons de même de notre côté aussi, mais on se demande vraiment pourquoi le gouvernement a ajouté un tel paragraphe. Personnellement, je ne vois pas ce que cela ajoute, mais je m'inquiète d'une possible portée interprétative devant les tribunaux.

Maintenant, on dit qu'il était temps, et grandement temps, de faire une telle chose. Phénomène assez extraordinaire, en 1976, j'étais membre d'un comité de négociation à l'Université du Québec à Rimouski et nous avions négocié le paragraphe suivant: «Ni l'université, ni le syndicat n'exerceront, directement ou indirectement, de menaces, de contraintes, de discrimination ou de distinctions injustes contre une ou un professeur à cause de sa nationalité, de ses origines ethniques, linguistiques ou raciales, de ses croyances, de son âge, de ses pratiques sexuelles, de son sexe, de son état physique, de son état de grossesse, de son état civil, de ses opinions ou actions politiques ou autres, ou de l'exercice d'un droit que lui reconnaît la convention.»

Nous étions en 1976. Alors, quand je dis que le gouvernement avait une urgence d'agir, il était vraiment temps qu'on passe aux actes et qu'on arrête de promettre des choses, d'année en année, de campagne en campagne, pour tenter de se faire élire encore une fois sous de fausses représentations. Pour une fois, si le gouvernement va jusqu'au bout et que cette loi est sanctionnée, on pourra dire qu'il a au moins rempli une promesse.

Il était temps aussi parce que chaque province est responsable des droits et libertés qu'elle accorde à ses citoyens, et la Charte québécoise des droits avait inclus ce motif d'orientation sexuelle dès 1977. Depuis, huit provinces, sauf l'Alberta et l'Île-du-Prince-Édouard, ont modifié leur propre législation pour reconnaître l'orientation sexuelle comme motif de discrimination.

En 1978, il y a donc 18 ans déjà, le Parti libéral avait inscrit à son programme comme étant une politique officielle de son parti-peut-être que dans ce temps-là, il n'y avait pas de livre rouge, c'est peut-être pour cela que cela s'est perdu dans les méandres du gouvernement-mais la non-discrimination envers les homosexuels était devenue partie intégrante du programme du Parti libéral.

En 1985, un sous-comité de la Chambre a fait des recommandations unanimes en ce sens. En 1993, M. Chrétien avait fait sa promesse, le 18 octobre 1994, le ministre de la Justice avait indiqué qu'il pourrait présenter des modifications à la loi canadienne à l'automne de 1994, mais ce sera venu au printemps de 1996. Peut-être qu'à la fonte des neiges, ils ont retrouvé la page du livre rouge qui indiquait où était la promesse de déposer cette loi.


2148

Une voix: Sûrement. Elle était dans le banc de neige.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Donc, en 1992, il y a eu un projet de loi, le projet de loi C-108, lequel est mort au Feuilleton. Mais à ce moment-là, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'affaire Haig, a déclaré que désormais, la Loi canadienne sur les droits de la personne devait être interprétée et appliquée comme si l'orientation sexuelle était un des motifs de distinction illicite de la loi.

En 1993, il y a eu un projet S-15. Cette fois-là, le Sénat n'avait pas été très efficace, c'est peut-être à cause des élections, je ne sais, mais le projet de loi est mort au Feuilleton. En 1995, tout le monde a eu connaissance de l'affaire Egan et Nesbit où les neuf juges de la Cour suprême s'accordaient pour dire que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle contrevenait à la disposition relative aux droits à l'égalité stipulée dans la Charte canadienne des droits et libertés.

(1540)

On a aussi entendu parler plus récemment du fameux commissaire Yalden qui recommandait au gouvernement de bouger dans ce domaine, puisqu'il répétait depuis neuf ans les mêmes recommandations, le gouvernement n'ayant toujours pas agi dans ce domaine. Il a même souligné qu'il a vu passer sept ministres de la Justice, et que tous les ministres de la Justice avaient reculé quand ce fut le temps de s'engager dans cette voie.

Vous savez mieux que moi, monsieur le Président, compte tenu de votre expérience, que plusieurs des ministres de la Justice sont devenus premier ministre. Ils auraient donc très bien pu adopter cette loi quand ils étaient premier ministre, mais non. Ils l'avaient promise en tant que ministre de la Justice, ils devaient faire quelque chose en tant que ministre de la Justice, mais une fois premier ministre, sans doute sous le poids des responsabilités, on oublie les promesses.

Maintenant, dans le rapport annuel qui a été déposé le 19 mars 1996, il n'y a pas tellement longtemps, le commissaire est vraiment obligé de reconnaître l'inaction du gouvernement fédéral. Il s'agit ici d'un commissaire qui regarde la réalité, pas comme celui des langues officielles qui décrit une hypothétique réalité qu'il aimerait bien voir au Canada. Le commissaire aux droits de la personne regarde les choses en face en disant: «Le gouvernement fédéral est inactif.» Alors le gouvernement vient de bouger. Voilà un commissaire qu'il faut bien remercier de son bon travail.

Il accuse même le gouvernement libéral de ne pas avoir le courage de ses convictions. Là enfin, je suis obligée de reconnaître que le gouvernement a eu le courage de ses convictions, avec toutefois le bémol que j'ai fait plus tôt sur le deuxième paragraphe qu'il a ajouté à la loi. Le commissaire considère que la situation place le Canada dans une mauvaise position pour faire la morale aux autres pays du monde.

On ne répétera pas tout ce que le commissaire a dit; il y a beaucoup de choses intéressantes, mais je le citerai à partir d'une entrevue qu'il accordait le 19 mars 1996: «Tout ce que je dis, c'est que cela doit être fait. Des tribunaux ont dit que cela devait être fait. Dans certains pays auxquels nous aimons nous comparer, c'est déjà fait; le gouvernement actuel et ses prédécesseurs ont promis de le faire. Ce que nous disons, c'est qu'il est temps de s'y mettre.» J'espère qu'on aura le temps d'aller jusqu'au bout, et c'est là mon inquiétude.

Par exemple, s'il prenait fantaisie au premier ministre de déclencher des élections, là, le projet mourrait au Feuilleton. Si cela se perdait dans les méandres des couloirs entre ici et l'autre Chambre, cela pourrait prendre du temps avant que l'autre Chambre, bien qu'elle ait adopté sa propre loi, passe aux actes de ce côté-là. Les vacances d'été approchent et c'est toujours inquiétant de voir partir un projet de loi.

Il pourrait aussi prendre fantaisie au gouvernement, comme il l'a fait dans un autre projet, de l'envoyer à la Cour suprême pour voir s'il est constitutionnel. On ne sait jamais, le gouvernement a beaucoup de tours dans son sac quand vient le temps de passer aux actes définitifs, parce qu'il reste à savoir comment cela va vraiment barder au caucus des libéraux, comment la droite va se comporter dans le parti gouvernemental.

Mais je pense que cette loi est une question de dignité humaine, de justice, d'équité, de tolérance. Ce sont les grandes valeurs de la société canadienne et québécoise, et je pense que nous nous porterons mieux le jour où nous aurons, dans notre loi canadienne, de quoi protéger tous les membres de notre société, parce que nous sommes tous égaux en droits.

(1545)

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne proposée dans le projet de loi C-33 crée beaucoup de divisions parmi les députés. On a décrit cette mesure comme étant simplement deux petits mots, en l'occurrence les mots «orientation sexuelle», qu'on veut ajouter aux motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Si ce n'est que deux petits mots, je me demande pourquoi ils provoquent autant d'acrimonie à la Chambre. Pourquoi le public réagit-il aussi vivement? Pourquoi des gens ici qui étaient mes amis et mes collègues ne me parlent-ils plus? C'est parce que j'ai une position différente.

Pourquoi tant de gens m'ont-ils accusé de faire de la discrimination contre un certain groupe parce que j'ai une position? Pourquoi tant de gens ont-il fait preuve d'intolérance à l'égard de ma position lorsqu'ils essaient eux-mêmes de promouvoir la tolérance?

Il s'est fait beaucoup de désinformation jusqu'à maintenant dans ce débat. Les gens ont fait certaines remarques en choisissant soigneusement leurs mots et en employant des clichés qui jouent sur les émotions et suscitent des applaudissements. Si ce n'était que deux petits mots, s'il s'agissait simplement d'inclure dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ce que les tribunaux ont déjà dit qu'ils interprétaient comme étant dans cette loi même si ce n'est pas le cas, la situation serait différente. Ce n'est pas simplement deux petits mots. C'est beaucoup plus que cela.

Les politiques sont discriminatoires de par leur nature même. Au Canada, nous sommes tous égaux aux yeux de la loi. Au fil des années, nous avons élaboré des politiques qui ont créé un réseau complexe d'exceptions qui confèrent un statut spécial à certains


2149

groupes ou individus. Le fait d'accorder un statut spécial à certains groupes ou individus reflète le besoin de la société d'assurer sa survie et son développement positif.

Par exemple, les lois canadiennes contiennent des dispositions discriminatoires en faveur des autochtones, des personnes âgées, des enfants et de la famille. Nous adoptons des règles discriminatoires en faveur des personnes qui ont des revenus plus faibles.

Une politique est discriminatoire par définition. Il s'agit d'une discrimination positive qui vise à compenser certaines circonstances. Ce n'est pas une discrimination négative. Voilà justement le noeud de la question.

Au fil des années, de nombreuses politiques ont été élaborées pour la famille traditionnelle composée du père, de la mère et des enfants. Nous faisons preuve de discrimination envers tous les autres groupes en adoptant des politiques qui accordent un statut spécial à la famille, ce que fait justement le préambule du projet de loi à l'étude. Nous accordons à la famille des avantages particuliers qui ne sont pas accessibles aux autres Canadiens ou à ceux qui vivent dans un cadre autre que la famille traditionnelle.

Ces avantages comprennent notamment la prestation de survivant. Les règles de l'immigration prévoient un traitement spécial dans les cas de réunification des familles et pour les couples répondants. Le régime fiscal accorde un crédit d'impôt pour les conjoints à la maison, une prestation fiscale pour enfants et une déduction pour frais de garde d'enfants. Les lois fédérales comportent de nombreuses mesures discriminatoires en faveur de la famille ou, comme d'aucuns diraient, des mesures pouvant être jugées discriminatoires envers d'autres personnes en raison de certaines caractéristiques.

La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle continue d'animer la discussion. Toutefois, à la lumière de ce que j'ai dit, une question fondamentale se pose: Voulons-nous continuer de pratiquer une discrimination en faveur de la famille? Là est la question. Une fois qu'on y aura répondu, nous cernerons les mesures à prendre.

Si la société continue de tenir la famille en haute estime et confirme son statut spécial, nous continuerons de pratiquer la discrimination en sa faveur. Cela signifie aussi que nous ne pouvons pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Si nous le faisions, nous priverions la famille de son statut spécial en permettant à d'autres de revendiquer et d'obtenir en vertu de la loi le même statut et les mêmes avantages que ceux consentis à la famille traditionnelle.

Si, par ailleurs, la société ne reconnaît plus un statut spécial à la famille et décide de ne plus pratiquer de discrimination en sa faveur, il y a deux options pour s'attaquer au changement de notre valeur sociétale. L'une des options serait d'éliminer tout avantage discriminatoire offert aux familles. Cette façon de faire viserait à placer tous les Canadiens sur un pied d'égalité, quel que soit le genre de relation qu'on ait choisi d'avoir.

(1550)

Nous serions simplement traités comme des personnes autonomes sans personnes à charge en vertu des lois canadiennes. Il faudrait changer certaines lois, et rien ne serait pris en compte à part l'individu et les droits individuels. La définition de la famille deviendrait non pertinente et de nombreux Canadiens cesseraient de bénéficier d'avantages discriminatoires. Les répercussions qu'aurait cette option sur les gens et les finances du pays sont évidentes.

La deuxième option serait de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inscrire l'«orientation sexuelle» au nombre des motifs illicites de discrimination. Je crois que cette option offrirait le fondement juridique permettant de faire face à toute contestation des lois du Canada, surtout les lois qui confèrent à la famille un statut particulier et des avantages qui sont refusés à d'autres. La décision de la Cour suprême dans l'affaire Egan considérait la situation comme une forme de «discrimination permise», mais cette modification à la loi sur les droits de la personne empêcherait une telle interprétation.

C'est aussi probable que d'autres Canadiens qui ne bénéficient pas du statut particulier de la famille contestent également nos lois pour obtenir les mêmes avantages et la même valeur. Finalement, tous les Canadiens seront admissibles à tous les avantages dont jouissent maintenant la famille et d'autres. En fait, nous serions égaux devant la loi, et nous recevrions tous les avantages équivalents assurés en vertu de l'une ou l'autre des politiques gouvernementales. Faire autrement, ce serait de la discrimination envers certains. Encore une fois, les répercussions sur les gens et les finances du pays seraient évidentes.

On aborde trop souvent la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans un contexte négatif: celui de nier ou de violer les droits. Font partie des exemples courants, la discrimination en matière de logement, de services, d'emploi, d'adhésion à une organisation. Ces cas renvoient en général à des questions entre un individu et un groupe ou un autre individu. Comme les députés le savent, ces questions relèvent toutes de la compétence provinciale et sont expressément couvertes par les lois provinciales sur les droits de la personne.

La Loi canadienne sur les droits de la personne a trait à tout ce qui relève de la compétence fédérale, y compris la loi pénale, les pensions, le divorce, la santé, l'immigration et les impôts sur le revenu, ainsi qu'aux compagnies-environ 10 p. 100 d'entre elles-qui relèvent de la législation fédérale du travail. Essentiellement, la discrimination dans ces domaines renvoie à une question entre un individu et le gouvernement plutôt qu'entre individus.

En vertu de la Charte, nous sommes tous égaux devant la loi et, conformément au projet de loi C-41, les crimes fondés sur la partialité, le préjudice ou la haine justifient déjà des peines plus rigoureuses. Un amendement à la loi fédérale qui inclurait l'orientation sexuelle dans les motifs de distinction illicite exigerait que l'on repense les valeurs de la société. Si nous favorisons la famille, par définition nous discriminons contre les autres personnes sur la base de leur statut matrimonial ou autre. Ultimement, la question est: est-il possible de contrôler ou de limiter les conséquences de la modification proposée à la Loi canadienne sur les droits de la personne?


2150

Je voudrais vous parler d'une lettre envoyée à tous les députés par la Conférence des évêques catholiques du Canada. Dans cette lettre, l'archevêque expose les principes et les préoccupations de la Conférence des évêques catholiques du Canada tout en appuyant les droits fondamentaux de la personne et en reconnaissant que chacun doit être traité avec dignité et respect. Il s'inquiète de ce que les modifications proposées faciliteront l'octroi d'avantages sociaux aux conjoints de même sexe. Les évêques demandent si on peut régler cette question.

Max Yalden, président de la Commission des droits de la personne, a dit dans son rapport publié en mars 1996 que si on accorde des avantages sociaux à un couple hétérosexuel et qu'on les refuse à un couple homosexuel, c'est de la discrimination. L'amendement parle de discrimination. Quand on parle d'avantages sociaux pour des couples homosexuels, on parle de discrimination. Il y a là un lien évident qui me force à me poser des questions et qui jette le doute dans mon esprit, un doute raisonnable.

Pour conclure, j'aimerais m'adresser directement au premier ministre. Monsieur le premier ministre, pouvons-nous garantir aux Canadiens que les individus qui, à l'heure actuelle, ne sont pas protégés du fait que l'orientation sexuelle ne figure pas au nombre des motifs de distinction illicite, le seront sans pour autant que cela implique l'octroi d'avantages sociaux aux conjoints de même sexe? Pouvons-nous leur garantir que les liens qui semblent exister entre les avantages consentis aux conjoints de même sexe et le reste ne poseront pas de problème? Pouvons-nous garantir aux Canadiens que la famille demeurera ce qu'elle est?

(1555)

Monsieur le premier ministre, je me pose des questions, j'ai des doutes, des doutes raisonnables et, selon les principes juridiques en vigueur au Canada, je ne peux, malgré tout le respect que je vous dois, donner mon appui à cette mesure législative.

Le Président: J'hésite toujours à intervenir dans un débat ou dans une déclaration, mais je me permets de rappeler à tous les députés que nous n'avons pas le droit de signaler qui est présent et qui ne l'est pas et que tous leurs propos doivent être adressés à la présidence.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires. J'en partage un grand nombre.

J'aimerais que le député réponde à la question suivante. Je crois qu'il l'a déjà fait dans son exposé, mais à son avis, est-ce que cette mesure législative nous rapproche d'une situation d'égalité ou nous en éloigne?

M. Szabo: Monsieur le Président, le député pose une question que je me pose moi-même. Je ne suis pas juriste. Je ne sais pas comment l'interpréter.

Je sais toutefois qu'à mon avis les tribunaux n'ont pas tranché la question et refusent de le faire. Ils veulent que ce soit les politiciens qui le fassent. Les politiciens ne l'ont pas tranchée non plus. Tout le monde se renvoie la balle depuis un certain temps. Même dans la documentation, on pose la question de savoir si cette modification conduira à des avantages consentis à des conjoints de même sexe, et la réponse est non.

Et pourtant en ce qui concerne l'affaire Egan dans laquelle on invoquait les dispositions de l'article 15 concernant l'égalité, il est clair, en tous cas c'est l'interprétation que j'en fais, que le couple Egan-Nesbitt s'est vu refuser les avantages qu'il réclamait parce que cette disposition n'existait pas dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pour moi cela veut dire que si ce motif avait été inclus, la Cour suprême aurait donné gain de cause au demandeur dans l'affaire Egan et ce couple homosexuel aurait obtenu les avantages auxquels il estimait avoir droit, remettant en cause la constitutionnalité de toute la législation canadienne.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les propos de mon collègue et ami, qui représente aussi une circonscription urbaine très populeuse de la région de Toronto.

Je voudrais savoir si le député peut justifier certaines informations plutôt erronées qui ont été présentées, ou qui pourraient l'être durant la très courte période attribuée à l'étude de cette question que 100 p. 100 des Canadiens appuient selon le ministre de la Justice, car certains députés propagent le mythe selon lequel la Conférence des évêques catholiques du Canada appuierait cette mesure législative.

J'aimerais aussi que le député commente, s'il le peut, les propos de Max Yalden qui a déclaré qu'il trouverait immédiatement le moyen de modifier toutes les lois du Canada afin qu'elles accordent aussi les prestations aux conjoints de même sexe si la Chambre adoptait un projet de loi reconnaissant l'orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination.

M. Szabo: Monsieur le Président, je suis parfaitement au courant de la position du directeur de la Commission canadienne des droits de la personne à ce sujet. Il a effectivement déclaré qu'à titre de principal porte-parole de la commission, il croyait vraiment que telle serait la conséquence.

C'est justement cette conséquence qui engendre les questionnements et les doutes chez les gens. J'ai entendu ici même des députés affirmer que la pédophilie n'était pas un penchant sexuel ni une orientation sexuelle. Toutefois, si ça ne l'est pas, alors qu'est-ce que c'est?

(1600)

On pourrait éventuellement se trouver devant quelqu'un qui vit au sein de la société après avoir purgé une peine pour pédophilie, puisque ce comportement constitue un crime. Les gens seraient-ils troublés de voir un pédophile vivre au sein de leur collectivité? Il suffit de lire les journaux pour constater que certaines collectivités craignent la présence de pédophiles et cela soulève des questions.

Je me pose des questions, je doute et je ressens un doute raisonnable.

M. Paul Steckle (Huron-Bruce, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je me lève, cet après-midi, pour parler d'un sujet qui me trouble et qui trouble de nombreux autres députés.


2151

Mon collègue qui vient de parler représente une circonscription urbaine. Je représente une circonscription rurale. Lorsque l'on examine la démographie de nos deux collectivités, nous constatons qu'il n'y a pas une si grande différence que cela, sauf en ce qui concerne le chiffre de population, peut-être.

En tant que députés, nous avons des comptes à rendre à nos électeurs et, à mon avis, nous devons représenter l'opinion de la majorité de ces électeurs.

J'ai toujours prétendu, lorsque je me suis présenté, que je ne m'étais jamais laissé allé à faire de grands discours creux comme nous en entendons à l'occasion à la Chambre, une chose dont nous devrions presque avoir honte. Je ne participe pas à ce genre de débat.

Je respecte mon collègue d'en face, comme je respecte tous ceux qui, de ce côté de la Chambre, ne partagent pas toujours mon opinion et s'opposent à des choses que j'ai appuyées par le passé.

Sur cette question particulière, je pense qu'il est important de prendre la parole et d'appuyer, et peut-être même donner une certaine crédibilité, à la notion que certains d'entre nous ici, même si nous n'appuyons pas le point de vue du gouvernement, avons des opinions bien arrêtées sur certaines questions. Ce n'est pas seulement mon opinion ou celle d'un député en particulier, c'est une opinion partagée par une majorité des électeurs que je représente.

L'orientation sexuelle, c'est une question profondément morale, pour moi et pour la majorité de mes électeurs. En tant que député, j'ai l'obligation morale et la responsabilité de défendre et de protéger certains principes, certaines valeurs traditionnelles et la dignité d'institutions sacrées.

L'une de ces institutions sacrées dans lesquelles je crois beaucoup, est à la base de la fondation de notre pays et nous a permis d'en arriver à ce stade-ci de notre histoire. Je veux parler de la famille. Cela se reflète, dans sa forme la plus fondamentale, dans l'unité familiale traditionnelle. À la Chambre, nous représentons tous la famille d'une façon ou d'une autre.

Pour certains d'entre nous, c'est une expérience extrêmement plaisante et pour d'autres, ce sont des souvenirs que nous préférerions oublier. Dans chacune de nos familles, il y a des expériences auxquelles nous trouvons parfois difficile de faire face.

La question dont nous parlons aujourd'hui, l'homosexualité, nous touche tous. Il est probable que nous avons tous dans notre famille quelqu'un qui tombe dans cette catégorie. Je ne suis pas de ceux qui croient dans la discrimination. Je ne pense pas que nous devons nous écarter de certaines personnes du seul fait qu'elles sont différentes de nous.

J'ai un exemple dans ma propre famille, et je suis fier de ma famille. Il y a un certain nombre d'années, nous avons adopté une petite fille. C'était une Jamaïquaine. Elle n'avait pas la même couleur de peau que moi, mais elle a été notre fille pendant une brève période, avant d'être tuée dans un tragique accident. Je peux comprendre ceux parmi nous qui représentent une culture d'origine différente, et nous avons parmi nous, de tous les côtés, des députés qui représentent ces gens.

Le préambule du projet de loi C-33 me dérange. Il soulève certaines questions qui, selon moi, si elles étaient bien réglées, pourraient apaiser certaines craintes que certains d'entre nous ont au sujet de ce projet de loi. Il parle simplement de la famille et de l'interprétation qu'on en fait. Il se peut que votre point de vue de la famille soit différent du mien et que le mien diffère de celui de quelqu'un d'autre, mais je crois qu'il est important qu'on donne une certaine interprétation à cela. Je crois que la meilleure façon pour nous d'interpréter la famille, c'est de dire qu'une famille est formée d'une mère, d'un père et d'enfants. C'est important.

(1605)

Le juge Lamer a mis en avant cette question en déclarant, au nom de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada, que si la Loi canadienne sur les droits de la personne incluait l'orientation sexuelle dans les motifs de distinction illicite, il pourrait bien en conclure que les couples homosexuels sont considérés comme une famille. Le préambule est très vague dans sa définition de la famille. Cela me préoccupe.

La famille canadienne traditionnelle est fondée sur des valeurs et des principes universels qui sont à la base de toute famille nucléaire traditionnelle reconnue légalement. Ces familles sont les véritables pionnières au Canada, et c'est ce qui nous distingue.

Les Canadiens s'inquiètent des répercussions de cette modification sur l'unité familiale traditionnelle, ainsi que sur la définition de mariage et de conjoint. Une autre question extrêmement délicate réside dans l'adoption d'enfants par des couples homosexuels.

Je suis un Canadien. Je suis aussi un libéral. Je suis fier d'avoir élevé une fille et deux fils qui nous ont donné, à notre grande joie, trois beaux petits-enfants. J'ai beaucoup de respect pour la famille.

Je crois que dans leur interprétation de la législation, les tribunaux ont montré qu'ils étaient disposés à considérer l'orientation sexuelle comme un motif implicite de distinction illicite. Cette interprétation inquiète les Canadiens.

Tous les Canadiens jouissent de la même protection et des mêmes droits fondamentaux en vertu des lois actuelles. Tous les Canadiens, sans égard à leur origine ou à leur préférence, craignent que cet amendement ne modifie les lois actuelles pour garantir aux couples homosexuels les pleins droits de conjoint en matière d'union, de pensions, d'assurance-maladie, de droits de succession, de privilèges fiscaux et d'immigration parrainée. Il faut examiner expressément ces préoccupations.

Tous les députés ont l'obligation d'écouter les Canadiens, de lire les lettres qu'ils reçoivent à leur bureau, de communiquer avec leurs électeurs, de répondre à leurs préoccupations, de s'entretenir avec eux et de leur permettre de se faire entendre à la Chambre. Tous les députés sont, en dernière analyse, responsables devant leurs électeurs et sont le produit de l'évaluation de leur rendement par leurs


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électeurs, évaluation fondée sur la position de chacun de nous sur des questions très délicates.

La diversité de la représentation à la Chambre des communes, de par la géographie, la culture, la philosophie et la tradition, est vraiment caractéristique de la démographie canadienne. Nous devons assurer un leadership, même si nous divergeons parfois d'opinion sur certaines questions, et nous élever au-dessus des préjugés et des intérêts spéciaux pour défendre l'intégrité du Parlement.

On peut atténuer les passions et la controverse que suscite une question en accordant à chaque député le privilège d'exprimer son opinion dans le cadre du Parlement, voix ultime de la représentation nationale.

Le gouvernement a fait preuve de leadership en s'attaquant à des questions épineuses. Bien que certains puissent convenir que, à l'occasion, j'ai voté contre mon gouvernement sur des questions délicates que j'estimais être des questions de principe, des questions que mes électeurs prenaient beaucoup à coeur, j'ai également appuyé mon gouvernement dans presque toutes les initiatives qu'il a proposées. Le gouvernement a fait montre d'initiative pour rendre notre déficit relativement stable. Il a fait preuve d'initiative pour examiner les exportations agricoles et la diminution des stocks de poisson. J'ai souscrit à toutes ces questions, y compris à bon nombre des initiatives sociales qui ont été avancées par l'entremise du ministère du Développement des ressources humaines. J'ai appuyé ces mesures.

Je suis ici cet après-midi en tant que fier Canadien. Je ne suis pas ici pour argumenter avec mes collègues ou débattre des questions délicates. J'estime que nous pouvons parvenir à un consensus. Je suis ici cet après-midi pour aider mon gouvernement à faire preuve de leadership pour s'attaquer à ces questions.

Je demande que le premier ministre envisage d'autoriser un vote libre pour ceux d'entre nous qui se sentent enclins à ne pas appuyer ce projet de loi, quelle qu'en soit la raison. À mon sens, il s'agit là d'une question morale très personnelle, et non uniquement d'une question d'orientation sexuelle ou de discrimination sexuelle. J'estime qu'il est dans l'intérêt du parti, et certes dans celui du Parlement, d'autoriser un vote libre pour que les députés puissent exercer leurs droits démocratiques. Je demande que ce privilège soit accordé à la Chambre en ce qui concerne le vote qui doit avoir lieu.

(1610)

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, j'éprouve beaucoup de sympathie envers le député qui doit se fier à quelqu'un d'autre pour savoir s'il peut voter librement. Oui, je sympathise avec lui. J'espère qu'il sera autorisé à voter librement.

M. Steckle: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses bons sentiments. Je crois que le premier ministre a sincèrement essayé de trouver une solution à ce problème. Moi aussi, j'espère que le vote sera libre. Toutefois, si je fais des observations cet après-midi, c'est justement pour que le premier ministre puisse les entendre de nouveau avant de se prononcer.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, j'ai une question très simple et très claire à poser. Est-ce que je dois comprendre des propos de notre collègue de Huron-Bruce qu'advenant le fait que le premier ministre impose la ligne de parti, il votera contre le projet de loi?

[Traduction]

M. Steckle: Monsieur le Président, à la Chambre, quand il faut se prononcer sur des mesures ministérielles, on appuie le gouvernement. Je ne suis pas en mesure d'affirmer ce que fera le premier ministre, puisqu'il est maître de la décision.

J'ai signalé à la Chambre, au premier ministre et à d'autres collègues que je ne pouvais appuyer ce projet de loi. Si des amendements avaient été apportés, afin de définir l'expression «orientation sexuelle» ou le terme «famille», j'aurais peut-être considéré la question sous un autre angle.

Personne à la Chambre n'accepterait qu'il y ait une discrimination fondée sur un motif quelconque. Pour cette raison et parce qu'il semble qu'il n'y aura aucun amendement dans le sens que j'ai indiqué, je n'appuierai pas le projet de loi.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député de Huron-Bruce pour le courage dont il vient de faire preuve. Il est ironique de constater que le député se trouve à témoigner d'une aussi grande diversité de vérités au Canada.

On peut constater que le projet de loi a l'appui de presque tous les Canadiens, car aucun Canadien ne souhaite la discrimination et nos lois protègent tout le monde. Cependant, le député croit-il qu'on ne rend pas vraiment service à la Chambre quand on essaie de faire adopter un projet de loi de force au moyen d'une motion visant à limiter le débat?

M. Steckle: Monsieur le Président, je n'étais pas à la Chambre quand cette mesure a été annoncée cet après-midi. Je crois que cette question méritait d'être débattue à fond. Nous faisons preuve d'une précipitation indue dans notre étude du projet de loi. Je ne voudrais absolument pas faire croire que cette question ne revêt pas un grand intérêt pour beaucoup de députés à la Chambre.

Il y a cependant beaucoup de monde partout au Canada qui ne sont peut-être pas du même avis que la majorité de mes électeurs, mais je ne me rappelle pas qu'on m'ait arrêté dans ma circonscription, que ce soit sur les routes de campagne ou dans les rues de ma ville, pour me dire qu'il nous fallait une mesure législative pour remédier à la discrimination exercée contre ces gens-là. C'est peut-être parce qu'on n'en trouve pas beaucoup dans ma circonscription, je ne sais pas, mais je n'en vois pas chez moi.


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J'entends également dire ce genre de choses de la part de mes collègues de la ville. Pour une raison ou une autre, cela semble venir d'un petit groupe de personnes, ce qui explique vraiment pourquoi je n'ai pas eu à faire face à cette question auparavant. Il est difficile pour moi de croire qu'il s'agit vraiment d'une question urgente pour les Canadiens aujourd'hui.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que cette question est très importante pour les Canadiens de tout le pays.

(1615)

Au cours des deux dernières années, depuis notre élection, j'ai reçu, et certainement tous les autres députés aussi, toutes sortes de commentaires de mes électeurs sur cette question, qui suscite des réactions très vives.

Je voudrais faire écho aux propos du député de Huron-Bruce, qui a dit que personne ne l'arrêtait dans la rue pour lui demander: «Quand est-ce que sera présenté la loi sur les droits des gais?» Cela ne m'est pas arrivé non plus. Par contre, il m'est souvent arrivé de me faire demander quelque chose de tout à fait opposé: «Quand allons-nous commencer à aider les familles?» Beaucoup d'autres m'ont demandé: «Quand allons-nous arrêter de chouchouter les groupes d'intérêts?»

J'ai entendu ce genre de réflexion tant et plus. C'est une question qui mérite une étude approfondie et prolongée à la Chambre pour un certain nombre de raisons. La place publique, à laquelle correspond notre assemblée, est le lieu qui convient au débat sur des mesures législatives controversées. Plus que toute autre instance, la Chambre doit être un endroit où nous pouvons débattre ces questions pour que, au bout du compte, nous puissions faire un choix éclairé sur nos orientations. C'est un droit pour les Canadiens.

Nous nous adressons aujourd'hui à des Canadiens de toutes les régions. Ils ont le droit à ce débat qui doit se prolonger pour permettre à tous les députés de présenter des points de vue très divers. Cela est très important, surtout aux Communes.

Je félicite les députés d'en face qui s'opposent à leur gouvernement et disent: «Nous ne sommes peut-être pas d'accord avec vous, mais nous avons le droit de donner notre opinion.» C'est tout à fait fondamental pour le Parlement, pour les Communes. C'est éminemment sensé. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Je voudrais relever quelques défis que le ministre a lancés ce matin, lorsqu'il nous a livré une intervention pleine de conviction. Le ministre a parlé avec conviction parce qu'il croit vraiment que ce projet de loi permettra de réintégrer les gais et les lesbiennes dans la société, de leur assurer l'égalité au Canada. Au fond de son coeur, c'est exactement ce qu'il pense.

Le ministre a parlé de l'éducation qu'il a reçue et des convictions qu'il a essayé de transmettre à ses enfants, par exemple la tolérance. C'est admirable. Il a parlé du catéchisme catholique, qui enseigne que nous devons traiter les homosexuels avec respect et compassion. C'est encore admirable.

Je suis prêt à parier que, lorsque nous nous tenons debout pour la prière, avant le début des travaux de la Chambre, tous les députés prient pour l'ensemble des Canadiens. Ils ne se disent pas qu'il faut faire de la discrimination contre certains groupes et refuser de prier pour eux.

On peut se fier à la parole de chacun des députés. Connaissant bon nombre de députés, on sait qu'ils croient en l'égalité de tous les Canadiens. Il n'y a pas un député à la Chambre des communes qui ne croit pas en l'égalité de tous les Canadiens.

J'aimerais demander au ministre s'il croyait vraiment, lorsqu'il a fait ces déclarations, qu'il incombe au gouvernement de faire preuve de compassion envers les gens. Je ne le crois pas.

Le gouvernement peut accorder des droits. Il peut offrir des avantages, mais c'est à la population de faire preuve de compassion. Son argument en faveur de l'égalité est valable. L'égalité ne peut venir que des gens. La tolérance ne peut venir que des gens. La seule façon d'élargir les horizons de la population est de tenir des discussions.

L'un des meilleurs arguments que j'ai entendus contre la législation interdisant la littérature haineuse a été formulé par un militant homosexuel américain, Jonathan Rauch. Il s'agit d'un militant homosexuel conservateur, qui déclare qu'il déteste les épithètes que certains lui accolent, mais qu'il sait aussi que les mesures prises pour corriger certains torts au sein de la société peuvent parfois causer plus de dommages que les torts qu'elles tentaient de réparer. J'ai tendance à partager son avis. Pour régler ces problèmes, il faut tenir un grand débat pancanadien et non pas nous contenter d'un débat de quelques jours et permettre ainsi au gouvernement d'adopter une mesure législative en toute hâte. Pas du tout. Nous avons tort d'agir ainsi. Cela irrite les gens. Cela crée de la dissension. Tenons un grand débat. Écoutons le militant homosexuel conservateur Jonathan Rauch lorsqu'il réclame un grand débat ouvert à tous.

(1620)

Le ministre avait tort d'insinuer que le gouvernement pouvait faire preuve de compassion. La seule solution consiste à laisser les gens décider par eux-mêmes de traiter tout le monde avec respect. Pour cela, il faut tenir un débat.

Les observations du ministre me rappellent ce que Jean-Jacques Rousseau disait, en 1762, dans son fameux ouvrage intitulé: Du contrat social, à propos des gens qui sont forcés d'être libres. D'après lui, quelques esprits éclairés prendraient les décisions qui seraient ensuite imposées aux Français, qui seraient alors obligés d'être libres. C'est un grand paradoxe, car on ne peut forcer personne à être libre.

Les gens doivent décider de ces choses dans leur for intérieur. Ces choses ne peuvent pas leur être imposées. Les gens doivent


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accepter volontiers le principe de l'égalité de tous. Le respect doit être volontaire. Il ne saurait être imposé.

Que devrait-on faire des gens qui n'acceptent pas cette argumentation? Que devrait-on faire des gens qui sont vraiment haineux et qui haïssent d'autres personnes à cause de quelque caractéristique immuable? Il doit y avoir une solution. Quatre-vingt-dix ou 95 p. 100 des gens sont respectueux. La question est de savoir ce que l'on fait des autres. Il faut mettre en place des mesures qui permettent de régler ces choses.

De telles mesures ont déjà existé. Je ne crois pas exagéré de dire que les meilleurs gouvernements que nous ayons eus et probablement ceux qui répondaient aux voeux des Canadiens furent ceux qui ont légiféré au lieu de constitutionnaliser les valeurs sociales. Je songe à l'ancienne Déclaration des droits qui était une mesure législative. La longue tradition parlementaire canadienne et, avant elle, la tradition britannique, veulent qu'un Parlement ait le droit de renverser des décisions antérieures afin de mieux refléter les désirs du peuple qu'il prétend représenter.

Pourquoi ne pas revenir à cette façon de faire? Elle fonctionnait bien. Elle nous permettait de refléter les désirs des Canadiens de tout le pays.

Dans notre hâte de régler ce problème, nous avons pris ce qui semble être la voie la plus facile. On nous propose d'inclure cela dans la loi. Quand on commence à inclure ce genre de disposition dans la charte, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et ainsi de suite, on oublie une chose: on oublie que, quand on accorde un droit à quelqu'un, cela veut dire qu'on prive quelqu'un d'autre d'une partie de ses droits. Les droits ne sont rien d'autre qu'une forme de pouvoir. Le pouvoir est une équation à somme nulle. Il n'y a qu'une quantité déterminée de pouvoir. Comme l'a dit un jour un célèbre juge de la Cour suprême des États-Unis: «Mon droit de vous mettre mon poing dans la figure est limité par la proximité de votre menton.» C'est en plein cela.

Il convient de se demander d'où vient le pouvoir. Quand j'accorde à quelqu'un un droit en vertu de la charte, que celui-ci finit par se retrouver dans la Loi sur les droits de la personne, et ainsi de suite, d'où vient le droit parallèle? D'où vient ce pouvoir?

De nombreux députés ont dit que la question de la famille les préoccupe. À mon avis, certains des droits dont nous parlons sont enlevés aux familles. Je voudrais prendre quelques instants pour parler de cet aspect.

Le ministre nous a mis au défi d'être logiques jusqu'au bout. C'est un excellent défi que je vais essayer de relever. Il a dit que nous ne devons pas craindre les répercussions de la loi. Il faut être logique. C'est ce que je veux faire dès maintenant.

Le ministre dit que le projet de loi protégera les gais et les lesbiennes contre la discrimination en milieu de travail. Si cette logique s'applique, qu'en est-il des arguments que les gais et les lesbiennes invoquent au sujet de la discrimination dont ils sont victimes en ce qui concerne l'adoption et le mariage? Si ces arguments utilisés pour que la Loi sur les droits de la personne protège les gais et les lesbiennes sont valables, ils le sont aussi en ce qui touche les avantages sociaux, l'adoption et le mariage.

(1625)

La même logique s'applique; c'est cette froide logique qui n'a aucun respect pour la tradition, les coutumes et qui s'appelle le rationalisme. C'est le genre de logique que, même si nous n'entrevoyons pas nécessairement les effets à plus long terme de ce projet de loi, à la fin, les Canadiens auront la surprise de ne pas apprécier parce qu'elle pourrait avoir des répercussions allant bien au-delà de celles prévues aujourd'hui.

Je pense que le ministre nous a vraiment mis au défi de pousser la logique jusqu'au bout. Si nous le faisons, nous obtiendrons des résultats dont la plupart des Canadiens ne veulent pas.

Le chef de EGALE, l'association des gais et des lesbiennes, a souligné que c'était seulement la première étape. Le député de Burnaby-Kingsway, un militant gai et député fédéral, a souligné que c'était la première étape. Autrement dit, c'est un pas de plus vers l'établissement d'une nouvelle série de droits et de privilèges pour les gais et les lesbiennes du pays. Une foule de décisions ont déjà été prises à cette fin.

Le ministre fait preuve de naïveté en disant que ses mots n'auront guère de poids dans les assemblées législatives, le débat public ou les tribunaux du pays en ce qui concerne les décisions dans l'avenir. Il est le ministre de la Justice du Canada. Ce projet de loi prendra sans aucun doute force de loi, surtout si le gouvernement force la tenue d'un vote partisan et sort le fouet de la discipline.

Si les paroles du ministre de la Justice ont un poids quelconque, et je crois bien qu'ils en ont, elles influenceront immanquablement des assemblées législatives provinciales et les tribunaux. Ses paroles donneront certainement du poids et un regain de confiance aux personnes dont les objectifs sont plus radicaux. Il est important de le souligner.

Je voudrais maintenant parler un peu de la famille en général. Je veux dire comment les familles en sont venues à avoir une telle importance dans notre société. Au cours des millénaires, différentes cultures et différentes nations sont arrivées à la conclusion que le modèle familial que nous avons au Canada, qui est devenu le modèle traditionnel, était le meilleur possible pour élever des enfants. La famille est si importante qu'elle a acquis au cours des millénaires de nombreux droits prescriptifs. Par droits prescriptifs, je veux dire que, par la coutume, la famille a obtenu un statut spécial en droit et dans les coutumes, dans de nombreux pays et depuis très longtemps.


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Il est important de reconnaître ce fait parce que l'argument avancé par le ministre et par d'autres députés échappe à la coutume et à la tradition. Ils supposent que la froide logique du ministre est la seule chose qui compte. Ils affirment que la raison prime tout et ils ont déifié la raison.

Je pense que la raison a son importance, mais qu'il faut tenir une discussion raisonnée dans le contexte défini par la coutume et la tradition, les valeurs et la religion, et le reste. Je sais que ces choses sont très importantes pour les Canadiens. J'ai parlé à des centaines d'électeurs de ma circonscription et je sais l'importance qu'ils attachent à ces choses.

(1630)

J'irais même jusqu'à dire qu'on ne peut pas établir des valeurs en se fondant uniquement sur la raison. Nous devons toujours revenir aux coutumes, à la religion et à la tradition pour établir des valeurs. Les arguments présentés aujourd'hui ne cadrent pas avec cette longue tradition dans la civilisation occidentale. C'est extrêmement dangereux parce qu'il n'existe pas un seul acte qui ne puisse être justifié par la logique et la raison pures et simples. S'il n'y a que ma satisfaction personnelle qui importe et que le bien commun n'a aucune importance, alors je peux utiliser la raison pour justifier n'importe quel acte.

Je dirai aux députés d'en face que nous pouvons avoir ce débat sur la raison, mais que nous devons le placer dans le contexte de la longue tradition de la civilisation occidentale. Nous avons accordé certains droits à la famille et les avons fait passer avant toute autre chose parce que, évidemment, c'est bon pour la société en général. Nous devons reconnaître que, pendant des millénaires, les sociétés qui ont précédé la nôtre nous ont donné toutes sortes de choses dont les arts et la culture, des choses très précieuses pour nous, des choses que nous n'obtiendrions pas nécessairement de cette société rationaliste que nous sommes en train de bâtir en nous servant uniquement de la logique pure et simple.

Je ferai allusion encore une fois au grand débat qui a eu lieu en Europe il y a plus de 220 ans lorsque Rousseau a dit avant la révolution française: «Vous serez forcés d'être libres.» C'est dans cette direction que les députés d'en face s'en vont, peut-être inconsciemment. Beaucoup de ces mesures ne peuvent pas être justifiées lorsqu'on les place dans le contexte de la longue tradition historique et culturelle que nous avons dans la civilisation occidentale.

Enfin, je veux dire quelques mots au sujet de la nécessité d'avoir un débat public sur cette question, un vrai débat où les députés auraient le droit de voter librement et de représenter leurs électeurs. Je sais ce que pensent les électeurs de ma circonscription. Je leur ai demandé leur opinion à plusieurs reprises. Les gens m'ont dit qu'ils croyaient que cette mesure législative ou d'autres mesures législatives de ce genre ne feraient que miner notre capacité de défendre les valeurs familiales.

Ils posent la question suivante: Si le gouvernement veut des mesures pour renforcer la famille, pourquoi ne change-t-il pas les lois fiscales qui pénalisent les familles? Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas certaines choses pour aider les familles comme prendre l'argent qu'il est prêt à verser aux garderies et le donner aux parents pour qu'ils puissent rester à la maison et élever leurs enfants? C'est le genre de questions que les gens posent dans ma circonscription.

On ne nous demande pas pourquoi nous ne rédigeons pas une nouvelle mesure législative pour protéger les gais et les lesbiennes. Les gens ne demandent pas cela. Il y a certains groupes qui réclament ce genre de mesure, mais pas le public en général. Tous les députés qui reçoivent le même message de leurs électeurs doivent intervenir.

Le whip en chef du gouvernement est ici et sortira bientôt son fouet pour empêcher les députés de parler. Nous savons que le député d'Ontario voudrait bien parler de ce projet de loi, mais on ne lui permettra pas de le faire, et c'est un crime. Le député de York-Sud-Weston a été expulsé du parti. On l'a fait taire parce qu'il voulait parler au nom de ses électeurs. Pour l'amour de Dieu, si nous ne pouvons pas parler ici, à la Chambre, à quel endroit dans le pays serions-nous libres d'avoir ce débat?

Je défie le whip en chef du gouvernement, je défie les députés d'en face de dire qu'il est grand temps de laisser les Canadiens exprimer leur opinion sur cette question par l'intermédiaire de leurs députés. Je prie instamment le whip en chef du gouvernement et les députés d'en face de convaincre leur premier ministre de permettre un vote libre sur cette question de l'ajout de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face m'a poussé à intervenir.

Je suis sans doute aussi vieux jeu qu'un député puisse l'être et j'en suis fier. Pourtant, aujourd'hui, pour reprendre le préambule du projet de loi, nous discutons de «la dignité et la valeur de tous les individus». Alors que nous débattons cette question, un député a fait une déclaration qui porte atteinte à la dignité de tous les individus, de tous les Canadiens et même à la dignité de la Chambre. Au même moment, nous réprimandons un autre député devant un comité pour son comportement.

(1635)

Pourquoi le député d'en face a-t-il omis de faire connaître sa position au sujet des propos tenus par un autre député aujourd'hui même? Les journaux lui ont attribué ces propos. Mon collègue n'a jamais soulevé la question de la dignité de l'individu.

Le député d'en face peut toujours pontifier et demander si le whip en chef du gouvernement permettra à un de ses collègues de voter librement. Cela est acceptable, mais il y a cependant des choses qui ne sont pas acceptables à la Chambre. Oui, nous avons la liberté de parole, mais nous devons assumer la responsabilité de ce que nous disons.

[Français]

Dans cette responsabilité, nous devons nous tenir debout et dire ce qu'on a à dire. Quand un député, un peu plus tôt aujourd'hui, a fait des commentaires qui ne sont pas dignes de cet endroit et qu'il est tout à fait introuvable à partir de ce moment-là, on lui a demandé, à lui, à ses supporters et à ses collègues qui l'appuient: Pourquoi


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n'a-t-on rien entendu? On n'a même pas entendu un député de cette formation se dissocier de ces commentaires inacceptables.

Je demande au député s'il aura, lui, au moins, après nous avoir récité ses propos tout à l'heure, après avoir fait des remontrances aux autres parlementaires de cette Chambre, le courage de se lever et de se dissocier des commentaires qui sont attribués à son collègue?

[Traduction]

M. Solberg: Monsieur le Président, j'attendais cette intervention de la part du député, et je l'apprécie. Elle ne me surprend pas.

Le député dit qu'un autre député de mon caucus a dit telle et telle chose et que je suis coupable par voie de conséquence. Il est en train de faire exactement ce que, selon lui, la mesure dont la Chambre est saisie vise à empêcher. Il essaie de nous mettre tous dans le même bain, moi et les autres membres de mon parti, à cause de ce que l'un des nôtres aurait dit. C'est absolument ridicule.

Je tiens à dire à la Chambre que nous croyons à l'égalité de tous les Canadiens. Ce n'est pas cela qui est en jeu. L'enjeu consiste à savoir comment faire pour veiller au respect de cette égalité. Voilà la question.

Que le député vienne dire que l'égalité de tous les Canadiens n'est pas quelque chose qui me tient à coeur, c'est du bourrage de crâne et il le sait. Son beau discours était une supercherie. Il essayait de nous mettre tous dans le même bain à cause d'une chose qu'un député de mon parti aurait dite. Ce n'est pas correct.

J'ai une question à lui poser. Comment concilie-t-il ce qu'il dit sur cette question avec la Loi sur l'équité en matière d'emploi, que son gouvernement et lui-même appuient et qui accorde des droits particuliers à certaines personnes? Évidemment, c'est tout à fait possible de conférer éventuellement, dans une future loi sur l'équité en matière d'emploi, des droits particuliers aux gais et lesbiennes. Les employeurs seraient ainsi forcés de les engager dans un certaine proportion, de respecter un quota. Comment concilie-t-il le grand intérêt qu'il manifeste pour l'égalité et la législation de son gouvernement?

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, le député qui m'a précédée a beaucoup parlé de la famille. Bien sûr, il est beaucoup question dans le préambule de la famille comme fondement de la société.

Le député de Medicine Hat ne convient-il pas que la définition donnée par le député de Huron-Bruce, selon laquelle une famille se compose seulement d'une mère, d'un père et des enfants, exclut les couples sans enfants, les parents seuls et les gens comme moi qui considèrent que les petits-enfants et les enfants forment leur famille? Nous savons que toutes les familles ne sont pas parfaites. C'est regrettable que l'exploitation sexuelle, la violence physique et la violence morale existent dans les familles. Le député ne convient-il pas que des rapports d'amour et d'affection contribueraient mieux à définir le fondement de notre société?

(1640)

M. Solberg: Monsieur le Président, je ne suis pas d'accord avec la députée de Yukon.

Premièrement, qui va déterminer ce qu'on entend par rapports d'amour et d'affection? Deuxièmement, je rappellerai certaines remarques que j'ai faites durant mon intervention. Il a fallu plus de 3 000 ans d'histoire pour que la société donne la preuve qu'elle privilégie les relations entre hommes et femmes, qu'elle reconnaisse des droits particuliers aux couples et à leurs enfants en cas de décès ou de divorce.

Ce qui est important, c'est ce que veut la société et non ce que veut la députée de Yukon ou d'autres députés. C'est une longue tradition non seulement dans notre pays mais aussi dans le monde occidental, je dirai dans le monde entier, d'accorder une attention spéciale et des droits spéciaux à l'arrangement que je viens de mentionner.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il a été question plus tôt des paroles attribuées au député de Nanaïmo-Cowichan. J'aimerais les rappeler. Il a dit que, s'il était en affaires et qu'un homosexuel travaillant pour lui lui faisait perdre des clients, il songerait à le congédier, tout comme il songerait à le faire pour quiconque lui ferait perdre des clients.

On lui a demandé en outre ce qu'il ferait s'il avait un magasin et que la présence d'un employé noir éloignait les clients racistes. Il a répondu qu'il ne savait pas, mais qu'il trouvait qu'un employeur devait avoir le droit de dire à une personne travaillant pour lui et qu'il tient responsable de la baisse de son chiffre d'affaires: «Vous nuisez à mon commerce. Je vais vous faire travailler dans l'arrière-boutique.»

Le député de Nanaïmo-Cowichan, un ex-officier supérieur de 67 ans, s'est fait demander une deuxième fois s'il congédierait un employé noir si des clients racistes refusaient d'acheter dans son magasin. Ce à quoi il a répondu: «La décision serait difficile, réellement difficile, mais je serais obligé de mettre ce noir dans la même catégorie que les homosexuels et autres minorités.»

Vous avez dit que les députés de ce parti-ci mettaient tous les députés de votre parti dans le même sac. Approuvez-vous. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Avant de permettre au secrétaire parlementaire de finir de poser sa question, je lui demanderais, ainsi qu'à tous les autres députés, de bien vouloir adresser leurs interventions à la présidence et non directement en face.

M. Kirby: Est-ce que le député approuve ou désapprouve les déclarations faites par son collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan?


2157

M. Solberg: Monsieur le Président, ce sont les commentaires qu'on lui attribue. J'aborderai cette question de deux façons.

D'abord, je crois que les gens devraient être embauchés ou renvoyés en fonction de leur mérite et de leur capacité à faire le travail. Selon moi, c'est le seul critère qui devrait déterminer l'embauche et la mise à pied.

Un de mes employés est noir. Il est tout à fait inapproprié de laisser entendre que les membres de notre parti sont capables de discrimination à l'égard des gens à cause de la couleur de leur peau. C'est tout à fait ridicule. C'est aux fruits qu'on juge l'arbre.

Voilà pourquoi je crois que le député d'en face, le whip en chef du gouvernement, n'est pas honnête lorsqu'il pose ces questions. Ils tentent de lancer de la boue à cause des allégations qui ont été faites. Ils veulent salir des députés qui n'ont jamais de leur vie fait quoi que ce soit qui puisse donner à croire qu'ils sont racistes ou qu'ils entretiennent des préjugés contre certaines personnes. Le député n'est pas très franc lorsqu'il agit de la sorte. Franchement, on juge l'arbre à ses fruits.

[Français]

M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui l'occasion de commenter le projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel, à mon avis, saura avantager la population canadienne toute entière.

(1645)

Je me permets d'abord de féliciter la constance du gouvernement pour avoir donné suite à ses promesses électorales en déposant son projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Il est de toute importance que les conséquences de la modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne soient présentées à cette Chambre, et par ce fait même, aux Canadiens et Canadiennes. Il y a trop de mensonges, de mythes et de demi-vérités qui entachent le débat entourant cette modification.

Les uns affirment que l'inclusion de l'orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination aura comme effet d'autoriser des actes criminels telle la pédophilie. Ce raisonnement relève de l'absurde, car la modification proposée n'autorise aucunement de tels actes. De plus, le Code criminel interdit formellement ces actes sous peines diverses.

Je tiens également à souligner que la Cour suprême du Canada ainsi que la Cour fédérale ont déjà eu l'occasion de se prononcer sur la portée des mots «orientation sexuelle» et qu'en aucun temps fut-il question d'élargir la portée de ces mots pour sanctionner des comportements déjà expressément prohibés par la loi.

Un mythe à la sauce des droits particuliers fait, lui aussi, malheureusement rage auprès des opposants à la modification. Or, il en est tout le contraire, car cette modification vise à introduire comme motif de discrimination l'orientation sexuelle, laquelle comprend, bien entendu, les gais et les lesbiennes, mais également toute personne hétérosexuelle contre une discrimination fondée sur son orientation sexuelle.

La modification ne vise aucunement à conférer à une catégorie particulière de citoyens canadiens des droits particuliers. Le champ d'action de cette modification a pour objectif principal, ni plus ni moins, que la protection contre toute discrimination sur le marché du travail. Il n'est tout simplement pas question que cette modification confère des privilèges spéciaux telle l'adoption d'enfants qui, d'ailleurs, est de compétence provinciale ou la possibilité d'accorder des avantages sociaux aux partenaires du même sexe.

Je suis issu d'une famille dite traditionnelle, de confession chrétienne, et je vous assure que la présente modification ne fait aucunement entorse aux valeurs familiales. D'ailleurs, la reconnaissance et l'appui du gouvernement sont explicitement énoncés dans le préambule du projet de loi visant à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui se lit en partie comme suit:

«[. . .] que le gouvernement du Canada reconnaît et proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne et que la présente loi ne porte pas atteinte à son rôle fondamental dans la société [. . .]
Le libellé de la modification est explicite à cet égard et confirme que la modification n'a pas comme objet l'amunuisement de la famille comme unité sociale au Canada.

À ceux et celles qui affirment que cette modification ne devrait pas être adoptée par cette Chambre, car il s'agit de la sanction d'une mesure immorale, je réponds qu'il s'agit plutôt d'une question de droits de la personne. Le Parlement canadien se doit de reconnaître tous droits de la personne, y compris le droit de ne pas subir la discrimination pour motif d'orientation sexuelle.

[Traduction]

Le comité parlementaire composé de députés de tous les partis sur l'égalité des droits a déposé un rapport à la Chambre en 1985, recommandant unanimement que: «La Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée de façon à ajouter l'orientation sexuelle aux autres motifs de discrimination illicite.»

Bien que le gouvernement conservateur de l'époque se soit engagé à donner suite à cette recommandation, il ne l'a jamais fait. Cette modification avait été promise par le premier ministre lors des dernières élections fédérales et répétée par les députés du gouvernement à de nombreuses occasions depuis les élections.

De nombreuses décisions récentes des tribunaux appuient la nécessité de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans une décision marquante, à propos de l'affaire Haig et Birch c. le Canada, la Cour d'appel de l'Ontario disait que les lesbiennes et les gais avaient toujours été l'objet de préjudices injustifiés, et par suite défavorisés; et que le fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'assure pas aux lesbiennes et aux gais une protection contre la discrimination viole les garanties d'égalité de la Charte des droits.

(1650)

Le gouvernement canadien a dépensé des millions de dollars pour se défendre dans le cas de contestations judiciaires de lois et règlements qui sont discriminatoires envers les lesbiennes et les gais. Au cours des dernières années, il est devenu évident que les


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tribunaux poussent pour que l'on modifie la loi en conséquence afin de mettre fin à cette discrimination.

Chaque fois que le gouvernement perd un procès, notre appareil judiciaire se trouve à lui dire que les droits à l'égalité des homosexuels sont fondamentaux et que ces droits doivent être respectés. Le gouvernement peut soit modifier ces lois volontairement, soit attendre d'être contraint de le faire par les tribunaux et en acquitter les coûts judiciaires.

On ne devrait pas laisser aux tribunaux le soin de fixer les politiques ou de récrire les lois. Bien entendu, cette modification a ses limites. C'est une loi fédérale et, par conséquent, elle ne s'applique qu'aux domaines de compétence fédérale. Elle ne s'applique pas aux domaines de compétence provinciale comme la religion, l'éducation ou la culture.

Les Églises, les écoles et les organismes religieux ne relèvent pas de la compétence fédérale. Ils ne seront pas touchés dans la façon dont ils fonctionnent. Des questions comme l'adoption relèvent principalement de la compétence provinciale et ne seront pas non plus touchées par cette modification.

Cette mesure ne modifie pas la définition de mariage, de famille ou de conjoint. Elle n'approuve ni ne condamne l'hétérosexualité ou l'homosexualité. Elle porte sur la discrimination en matière d'emploi, de logement et de services.

Dans le cadre d'un sondage Angus Reid effectué en 1994, une grande majorité de Canadiens, 81 p. 100, ont dit que les homosexuels au Canada étaient victimes de discrimination en milieu de travail. À peine 9 p. 100 des Canadiens ont jugé que ce n'était pas le cas.

La Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique au gouvernement fédéral, ainsi qu'aux institutions relevant de la compétence du gouvernement fédéral, comme les banques, les compagnies de chemin de fer et les compagnies aériennes. Environ 10 p. 100 des Canadiens travaillent pour ces employeurs. Ces gens ont droit à la même protection que les autres Canadiens aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Certains m'ont demandé de voter selon le point de vue chrétien. Même s'il convenait que votre serviteur, à titre de député, et la Chambre des communes, l'assemblée législative du Canada, adoptent des lois en fonction de convictions religieuses, cela serait difficile, étant donné qu'il n'y a pas de consensus parmi les chrétiens sur les droits des gais et des lesbiennes. Le fait est qu'un certain nombre de membres du clergé s'opposent à l'égalité des droits pour les gais et les lesbiennes, mais beaucoup d'autres prônent activement ces modifications.

Ainsi, plus de 125 prêtres du diocèse anglican de Toronto ont signé une lettre dans laquelle ils disent que l'orientation sexuelle ne devrait plus être une cause de discrimination dans la société, surtout au sein de l'Église, que l'Église devrait bénir les relations entre les couples de même sexe et permettre aux prêtres gais et lesbiennes de bénéficier des mêmes droits que leurs collègues hétérosexuels de vivre des relations durables basées sur un amour qui s'exprime notamment par relations sexuelles.

De même, le Secours Quaker Canadien a écrit au ministre de la Justice pour demander l'adoption d'une loi interdisant toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle, l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la législation sur les crimes haineux et l'insertion du principe de la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe partout dans la loi.

De plus, dans le cadre du débat sur le projet de loi 167 à l'assemblée législative de l'Ontario, plus de 400 membres du clergé de 135 communautés représentant 11 confessions ont signé une pétition dans laquelle ils réclamaient qu'on accorde aux couples de même sexe les mêmes avantages et droits qu'aux couples hétérosexuels.

[Français]

En guise de conclusion, je réitère que l'inclusion de l'orientation sexuelle n'est pas un ajout abstrait qui ne vise que la communauté gaie et lesbienne, distante, isolée et en marge de la société canadienne.

(1655)

Les gais et les lesbiennes font partie de nos familles. Ils sont nos frères, nos soeurs, nos mères, nos pères, notre parenté ainsi que nos voisins. Accepterions-nous que ces derniers fassent l'objet de discrimination fondée sur un quelconque motif relevant de sa personne? Non. Je suis convaincu que tout Canadien raisonnable répondra à cette question par un non retentissant.

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord féliciter le collègue de Simcoe-Nord pour son intervention et signaler à quel point il est rafraîchissant d'entendre ce genre de propos. Depuis quelques heures, j'avais l'impression que nous avions droit à des discours de tous les représentants de l'aile réformiste du Parti libéral, puisque nous n'entendions que des propos qui allaient dans le sens contraire.

Je vais poser une question à mon collègue, mais auparavant, je veux insister sur une remarque qu'il a faite. Je voulais le faire tout à l'heure, mais le temps qui était alloué à la période de commentaires était écoulée. Lorsque son collègue de Mississauga-Sud faisait le lien entre la pédophilie et l'homosexualité, je considère qu'une telle remarque pourrait être, à mon sens, qualifiée de «gay bashing» dans d'autres circonstances.

Pourquoi fait-on cette association? Est-ce dans le but très explicite de transmettre à la population l'idée que les pédophiles se retrouvent simplement parmi les homosexuels? La réalité est tout à fait contraire. Si on regarde actuellement le commerce du sexe sur le plan international, en Asie, on a eu un reportage très récemment qui nous parlait de Saint-Domingue, des Philippines, je dirais que ceux qui s'adonnent à la pédophilie dans ces pays, sur le plan international, sont plus souvent qu'autrement des hétérosexuels.


2159

On a le droit de s'opposer à ce projet de loi, je pense que c'est un droit fondamental, mais j'aimerais qu'on le dise clairement et surtout qu'on explique les raisons pour lesquelles on a l'intention de le faire. Lorsqu'on mentionne que ce projet de loi accordera des droits particuliers quant à l'équité en matière d'emploi, je pense qu'on confond deux législations qui visent des objectifs tout à fait différents.

Dans le cas du projet de loi C-33, on veut protéger les droits des individus, de tous les individus canadiens, quelle que soit leur couleur, leur race, bref, les onze motifs de discrimination. Dans le cas du projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, on veut faire la promotion de groupes. C'est complètement différent et cela vise des objectifs complètement différents. J'aimerais que notre collègue de Simcoe-Nord commente là-dessus.

M. DeVillers: Monsieur le Président, je remercie mon honorable collègue pour ses commentaires et sa question, même si ce n'est pas tout à fait une question. Je le remercie quand même. Je trouve que beaucoup de gens ne comprennent pas l'enjeu de ce projet de loi. Beaucoup de gens, peut-être de bonne volonté, sont inquiets et pensent que nous sommes en train d'accorder des droits particuliers à des personnes dont ils ne partagent pas la même façon de vivre. Mais il n'est pas question de cela du tout, comme l'honorable député l'a souligné.

Nous essayons de nous assurer qu'il n'y ait pas de discrimination envers les personnes qui ont une orientation sexuelle différente de celle des autres. Le projet de loi s'applique autant aux gais et lesbiennes qu'aux hétérosexuels.

(1700)

C'est une question que, souvent, beaucoup de gens oublient. Ils pensent que le projet de loi est là seulement pour protéger les gais et les lesbiennes, mais ce n'est pas le cas.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention les commentaires de mon collègue de Simcoe-Nord.

[Traduction]

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que le député avait à dire au sujet de la situation plutôt exceptionnelle qui a fait que, tout à coup, cette mesure législative est devenue aujourd'hui le dossier le plus urgent au pays. Il s'agit, certes, d'un dossier urgent dans la circonscription que représente le député, comme il l'était en 1993, et c'est précisément une des raisons pour lesquelles notre parti n'en a pas fait mention dans le livre rouge.

La confusion semble régner à la Chambre et dans tout le pays quand on laisse entendre que la Loi sur les droits de la personne ne s'applique qu'à la fourniture de biens et de services. Le député serait-il d'avis que le Régime de pensions du Canada, les prestations de conjoint, le crédit d'impôt pour enfants, le programme d'équité en matière d'emploi et la Loi sur le divorce pourraient en principe être administrés non par la Chambre, mais par la Cour suprême du Canada ou, mieux encore, par M. Max Yalden, le commissaire aux droits de la personne? Admettra-t-il que, à un moment ou à un autre, ces questions pourraient être visées par cette loi?

Le député a soulevé des questions d'ordre constitutionnel dont le Cour suprême a été saisie, notamment dans l'affaire Mossop. La cour a statué que, une fois que le Parlement aurait adopté un projet de loi reconnaissant l'orientation sexuelle, la mesure s'appliquerait aux mariages entre personnes de même sexe. Le député pourrait-il faire quelques remarques à ce sujet?

M. DeVillers: Monsieur le Président, pour ce qui est de la dernière partie de la question concernant les mariages entre personnes du même sexe, il me semble que le mariage relève de la compétence des provinces. Je ne suis pas très au courant de la cause que cite le député. Je ne sais pas au juste à quel niveau elle se situait et si un appel avait été interjeté. Je suis convaincu et confiant que les modifications apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure l'orientation sexuelle n'auront aucun impact sur les mariages.

Je ne dis pas que les mariages entre personnes du même sexe ne seront pas reconnus un jour. Je ne dis pas qu'ils devraient l'être ou non. La Chambre n'est pas saisie de cette question pour l'instant. Je m'en tiens à la question qui nous occupe actuellement.

Le député a également mentionné le livre rouge. J'ignore pourquoi certaines choses n'y ont pas été insérées. Je n'étais pas un auteur du livre rouge. J'étais membre du parti et j'ai assisté à ses réunions d'orientation. Cette mesure constitue une politique du Parti libéral depuis 1978. Elle a été adoptée par ses membres. Pas plus tard que le week-end dernier, lors d'une rencontre de l'aile ontarienne du Parti libéral du Canada, une motion adoptée par une vaste majorité disait qu'il faudrait mettre cette mesure en oeuvre.

Le député dit que cette question est litigieuse dans ma circonscription. J'ai reçu quelques appels de gens de bonne foi qui, comme je l'ai dit plus tôt, ont des préoccupations très réelles. Un grand nombre de ces préoccupations reposent sur des inexactitudes, et ces modifications ne confirmeront pas ces préoccupations.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je demande le consentement unanime de la Chambre pour partager mes 20 minutes avec le député d'Ontario.

Le président suppléant (M. Kilger): À titre d'information, si le député de Fraser Valley-Est fait cette demande, c'est que, dans ce cas, notre Règlement ne prévoit pas que des députés partagent leur temps de parole sans le consentement unanime.

La Chambre a entendu la demande du député de Fraser Valley-Est. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

M. Strahl: Monsieur le Président, je suppose que c'est cela la politique de l'inclusion. Si l'on fait ce que nous disent de faire ceux qui ont de la poigne, on est autorisé à prendre la parole. Sinon, il faut aller s'asseoir en arrière dans l'autobus. C'est justement ce qui semble se passer ici.

(1705)

Quant à inclure l'orientation sexuelle dans la Loi sur les droits de la personne, je tiens d'abord à assurer les homosexuels que je n'ai aucune rancoeur à leur égard. Ils sont déjà sur le même pied que tous les Canadiens. Les tribunaux ont déjà établi leur égalité et je reconnais l'existence de cette égalité. Je suis opposé à leur but politique, que vise justement ce projet de loi et qui consiste à modeler les institutions politiques selon leurs valeurs.


2160

Je n'ai pas le moindre sentiment négatif à l'égard du ministre de la Justice. D'après moi, il pense sincèrement faire son devoir en proposant ce projet de loi. Quand je l'écoute, ce que je fais souvent, je constate qu'il parle honnêtement. Il est réellement convaincu que cette mesure est nécessaire, mais il est malheureusement mal informé et je vais expliquer d'où me vient cette conviction.

L'inclusion de l'orientation sexuelle dans une loi sur les droits de la personne au Canada ne concerne pas vraiment la discrimination, mais plutôt les droits spéciaux. En 1994, en prévision de ce projet de loi, j'ai écrit aux commissions des droits de la personne de toutes les provinces et je leur ai demandé sur quoi elles se fondaient pour appuyer l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la loi.

Pourquoi l'ont-elles fait? Pas un seul gouvernement provincial n'a donné la moindre explication et certains ont clairement déclaré l'avoir fait pour des motifs politiques, par suite d'un appel politique. Des groupes d'homosexuels ont soumis aux législatures provinciales des mémoires où il était inévitablement question d'anecdotes concernant des actes de violence commis à l'endroit d'homosexuels. Aucun code sur les droits de la personne au Canada ne peut être invoqué dans de tels cas, parce que les actes de violence relèvent du Code criminel, comme ils le devraient.

J'invite tous les services policiers au Canada à enquêter sur toutes les allégations d'actes de violence commis à l'endroit d'homosexuels ou entre homosexuels. Tous ceux qui commettent de tels actes devraient être poursuivis en justice; c'est à cela que sert le Code criminel. La violence est vraiment un faux argument dans ce cas-ci, parce que la Loi sur les droits de la personne ne règle rien dans ce cas.

Le projet de loi concerne des droits spéciaux. Pour illustrer l'objectif réel de la mesure, je me permets de citer un extrait du dubat sur le projet de loi d'initiative parlementaire que le député de Burnaby-Kingsway a présenté le 16 avril dernier. Voici ce qu'il voudrait obtenir éventuellement: «Ne constitue par un acte discriminatoire le fait d'adopter ou de mettre en oeuvre des programmes, des plans ou des arrangements spéciaux destinés à supprimer, diminuer ou prévenir les désavantages que subit [. . .] un groupe d'individus pour des motifs fondés [. . .] sur leur orientation sexuelle.»

Autrement dit, ce que le député veut, c'est que l'orientation sexuelle donne droit à un statut spécial dans l'embauche et la promotion. Il veut que cela soit ajouté à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Durant une conférence de presse, hier soir, le député a déclaré: «Ce projet de loi constitue un premier pas vers l'égalité.» Ce n'est que le premier pas. Si ce projet de loi est adopté, je crois que les homosexuels s'en serviront pour demander aux tribunaux de les inclure parmi les groupes désignés dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Peu importe si l'article sur les plans spéciaux que je viens de lire ne figure pas dans ce projet de loi. Les tribunaux finiront par céder aux pressions en ce sens.

L'inclusion parmi les groupes désignés dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi fera en sorte que les homosexuels bénéficieront de l'embauchage préférentiel dans la fonction publique fédérale et les sociétés d'État. Tout comme le gouvernement a récemment annoncé son intention de réserver des marchés pour les autochtones, les entrepreneurs homosexuels pourront un jour demander au gouvernement fédéral de leur accorder des faveurs spéciales-et celui-ci pourrait bien acquiescer à leur demande-, et tout cela sera appliqué par les tribunaux et appuyé par cette loi.

Ce groupe bénéficie déjà d'un niveau d'éducation et de revenu supérieur à la moyenne canadienne, de sorte que le projet de loi ne concerne pas essentiellement la discrimination. Les tribunaux ont déjà déclaré qu'ils étaient protégés. Ce projet de loi est une question de droits spéciaux, de pouvoirs, de privilèges et d'argent. Il concerne un tout petit segment de notre société qui manipule les politiciens et les institutions publiques pour servir leurs propres intérêts.

Que devrions-nous faire pour éviter que cela se produise? Nous devrions interrompre le processus dès maintenant. Voter en faveur de ce projet de loi équivaut à renforcer le processus et à le rendre inévitable. C'est quelque chose que de nombreux Canadiens reprochent, je pense, à ce projet de loi, mais il existe un plus grand danger.

Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui avec ce projet de loi, il faut comprendre le système politique canadien. Ce système est graduel. Les batailles sont gagnées petit à petit jusqu'à ce que le but politique soit atteint.

Prenez n'importe quelle question. Le libre-échange, par exemple. Cela a pris un siècle avant d'avoir le libre-échange. L'abolition de la peine de mort. Cela a pris très longtemps. Le mouvement pour le droit à l'avortement a pris naissance dans les années 60 et n'a vraiment atteint son but que dans les années 90. C'est ainsi que les choses se font. C'est du gradualisme politique et le même phénomène s'applique en ce qui a trait au changement d'attitude des Nords-Américains face à la sexualité.

(1710)

Il fut un temps où la culture occidentale entretenait de nombreux tabous sexuels, certains bons, d'autres mauvais. La lutte se poursuit depuis un certain temps maintenant, et le processus est en fait accéléré par les médias et les politiciens complaisants. Cette lutte vise à éliminer les tabous moraux que sont le bien et le mal en matière de sexe. Certains tabous persistent au sein de notre société, mais ils disparaissent peu à peu. Quoiqu'en dise le préambule du projet de loi, même l'institution du mariage n'est pas à l'abri des atteintes de ce gradualisme.

En mai dernier, la Cour suprême a statué que les couples non mariés devaient être considérés comme un groupe historiquement désavantagé. Ainsi, ces couples sont désavantagés, ce qui signifie que nous devrions mettre en place des programmes afin de s'assurer que ce ne soit plus le cas. Or, cela sous-entend que le gouvernement n'accorde pas aux couples mariés un traitement aussi favorable qu'aux couples non mariés.

L'homosexualité était jadis un tabou. Toutefois, on a éliminé, dans le cas de cette tendance et aussi d'autres activités sexuelles, les notions de bien et de mal, de sorte qu'il ne reste plus maintenant que quelques tabous.

Hier soir, lorsque le député de Burnaby-Kingsway a dit que ce projet de loi était un pas vers l'égalité, il a fait un résumé très concis et précis de ce que je viens de dire. Premièrement, l'amendement


2161

proposé n'est qu'un petit pas vers l'objectif ultime. Le député a dit que ce changement n'allait pas permettre d'atteindre son but.

Deuxièmement, le but qu'il recherche est l'égalité. Qu'est-ce qu'il entendait par égalité? Le député parlait d'égalité en matière de logement et d'emploi. Mais il ne s'agit là que de deux étapes du cheminement vers le but qu'il vise.

Le député parlait d'égalité à tous les niveaux entre les homosexuels et les hétérosexuels. En toute logique, cela suppose que les homosexuels reçoivent toute la reconnaissance, tous les avantages et toutes les considérations sociales actuellement liés au fait d'être marié.

Les quelques députés gais qui se font entendre au Parlement n'auront de cesse que le jour où ils auront obtenu le reste des avantages, notamment le mariage, l'adoption et tous les autres avantages dont peuvent actuellement se prévaloir les familles hétérosexuelles traditionnelles.

L'an dernier, nous avons rejeté la mesure visant à accorder des avantages sociaux à un conjoint de même sexe. Le Cabinet aussi s'y était opposé, mais cela n'a rien changé puisque le Conseil du Trésor a quand même accordé ces avantages, ce qui constituait une autre étape du processus de cession graduelle.

Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Je crois sincèrement que ceux qu'on peut peut-être appeler les homosexuels traditionnels pensent que cette évolution graduelle va s'arrêter lorsqu'ils auront obtenu un certain nombre d'avantages comme le mariage, les avantages sociaux et quelques autres droits semblables. Je crois qu'ils se trompent. C'est qu'il y a une différence entre l'expression «orientation sexuelle» et le mot «homosexuels».

La modification proposée par le ministre ne parle pas des homosexuels, mais d'orientation sexuelle. C'est ouvrir une boîte de Pandore, et personne ne sait ce qui va en sortir.

Il y a 20 ans, quand on y réfléchit, les homosexuels étaient des radicaux, et ils n'auraient pas proposé certaines des choses qui sont réclamées aujourd'hui. Mais leurs rêves commencent à se réaliser, maintenant qu'on ajoute les mots «orientation sexuelle» dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Mais qui sont les radicaux d'aujourd'hui? Qui sont ceux qui poussent les réclamations encore plus loin aujourd'hui? Des gens comme les lesbiennes de Buddies in Bad Times Theatre, à Toronto. Le Globe and Mail, qui défend constamment les droits des homosexuels, a dit que cette troupe de théâtre avait donné la semaine dernière ce qu'il a décrit comme une pièce fascinante. Or, cette troupe cherche à mettre en scène des pièces qui font place au sadomasochisme et au viol. Ce sont des brutes qui préconisent les pratiques sexuelles violentes et intimident physiquement quiconque ose se prononcer publiquement en désaccord avec eux.

Les radicaux d'aujourd'hui, ce sont des gens comme Gerald Hannon, le professeur prostitué de Ryerson University, à Toronto, qui compare les relations sexuelles entre hommes et garçons à une partie de hockey. Est-il si différent des radicaux d'hier? La seule différence, c'est qu'il pousse un peu plus loin. Dans son esprit, il ne fait que pousser un peu plus loin l'instauration de l'égalité sexuelle.

Le but ultime, logique, que poursuivront des vagues successives de radicaux jusqu'à ce qu'ils aient gain de cause est l'égalité de toutes les formes d'activité sexuelle. Je voudrais citer l'énoncé de principes du journal des gais et des lesbiennes de Vancouver, ANGLES. Il s'agit d'un journal gai ordinaire. En voici l'énoncé de principes:

L'engagement de ANGLES à réaliser les objectifs de la libération des bisexuels, des lesbiennes et des gais englobe l'engagement à faire respecter le droit de tous, sans distinction d'âge, d'origine ethnique, de classe sociale, d'apparence physique ou de capacité de participer à part entière et égale à tous les aspects, y compris sexuel, de la vie des communautés gaie, lesbienne et bisexuelle sans exploitation.
(1715)

Pour les radicaux d'aujourd'hui, tous les groupes d'âge devraient avoir le droit à la sexualité libre. La sexualité sans limite d'âge constitue une autre étape dans le mouvement de ces radicaux vers l'égalisation de tous les comportements sexuels. La mesure à l'étude, en ne définissant pas l'expression «orientation sexuelle», ouvre la porte à cette fin.

Même une fois cela accompli, le mouvement ne s'arrête pas là. Il se poursuit, et le paysage devient plutôt bizarre, à tel point que je m'interdirai de mentionner certains des actes sexuels les plus extravagants dont certains groupes marginaux pourraient se faire actuellement les défenseurs. Ce sont des groupes marginaux, mais ils sont constamment occupés à faire reculer petit à petit les limites de l'acceptable, en réclamant la reconnaissance et l'acceptation de leur style de vie particulier.

Les intervenants aujourd'hui sont nombreux à parler de l'homosexualité. Ce n'est pas ce qu'on trouve dans le projet de loi, qui parle d'orientation sexuelle. Demain, nous auront peut-être face à débattre de la sexualité entre adultes et enfants, de l'inceste et des formes négatives de l'expression sexuelle. Il est difficile de prévoir ce qui peut arriver plus tard. L'expression non définie «orientation sexuelle» est mise entre les mains des radicaux. Ils pourraient en faire ce qu'ils veulent.

Bon nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques ont confirmé que la définition pouvait facilement englober toutes les formes d'orientation sexuelle. Toutefois, le ministre de la Justice le nie.

Je ne veux pas me faire alarmiste. Je vous rappelle simplement que John Conroy, de l'Association du Barreau canadien, a déclaré que la définition de l'orientation sexuelle comprenait toutes les formes d'orientation sexuelle, y compris les formes illégales.

Le directeur de la Criminal Lawyers Association pour la région d'Ottawa a dit au Comité de la justice que l'orientation sexuelle était un facteur crucial de la pédophilie, qu'une des caractéristiques fondamentales d'un pédophile est son orientation sexuelle et que l'orientation sexuelle était certainement une composante importante et fondamentale de la pédophilie.


2162

Je sais que bon nombre des discours que nous avons entendus jusqu'à maintenant ont porté sur l'homosexualité. Les députés ne comprennent pas que l'orientation sexuelle est plus que l'homosexualité et qu'elle englobe tout un domaine pratiquement inconnu que nous ne découvrirons que lorsque les tribunaux auront donné leur interprétation de l'expression.

Que faisons-nous si nous avons pris un mauvais chemin et si nous roulons vers un cul-de-sac que nous ne voulons pas atteindre? C'est simple. Nous arrêtons. Si nous voulons supprimer le concept selon lequel toutes les formes d'orientation sexuelle sont égales, nous devons arrêter le processus en votant contre ce projet de loi.

Ce projet de loi pose un autre problème. Bien des gens disent qu'il s'agit d'une question de conscience, d'une question morale. Je crois que le gouvernement commettrait une grave erreur en insérant dans la Loi sur les droits de la personne l'expression «orientation sexuelle» tout près du terme «religion», car il y a là contradiction. En fait, comme l'ont fait remarquer des orateurs précédents, toutes les grandes religions depuis les temps anciens ont accordé une certaine qualité morale à l'activité sexuelle. Il peut exister certaines différences d'une religion à l'autre, mais on y a toujours accordé une qualité morale.

Aux yeux de millions de Canadiens qui, tout comme moi, croient fermement que l'activité sexuelle est une question de moralité, le gouvernement accorderait des droits préférentiels à des gens uniquement en raison de leurs activités sexuelles. Le gouvernement tente de faire accepter ce projet de loi tout en douceur. Il se fait sincère lorsqu'il garantit que l'ajout de l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite ne mènera pas à l'octroi d'avantages pour obligations familiales, à une définition plus large de l'orientation sexuelle ou à des mesures d'action positive. Il parle seulement d'accès au logement et au travail. Ce n'est pas vrai.

Le gouvernement se fait beau parleur et tente de façon un peu trop persuasive de faire adopter ce projet de loi. Après quoi, il faudra en subir les conséquences.

Par suite de cette modification, la religion et l'orientation sexuelle vont entrer en conflit lorsque les homosexuels et d'autres groupes exigeront que leur définition de la moralité entre dans tous les aspects de la vie. Le droit des groupes religieux, des particuliers et des structures fédérales de se guider sur les valeurs morales traditionnelles sera miné. Je parle ici de toutes les structures, depuis la fiscalité et les programmes gouvernementaux jusqu'au mariage et au droit de la famille.

Qui se verra lésé dans ses droits lorsque ces deux mondes différents entreront en conflit? Qu'arrivera-t-il au prédicateur qui dira à la radio que l'homosexualité est à condamner parce qu'elle est immorale? Sera-t-il convoqué devant le CRTC pour se faire dire de cesser de prêcher des faussetés? Des accusations de ce genre ont déjà été portées et le seront encore.

(1720)

Qu'arrivera-t-il lorsqu'un poste de télévision chrétienne se verra refuser un permis à cause de ses convictions à l'égard de l'homosexualité? Qu'arrivera-t-il si l'on ne fait que dire qu'elle est condamnable? C'est une question de liberté pour les tenants de deux opinions opposées. Quel que soit le parti qu'on prenne, il faudra que quelqu'un prenne une décision. Les tribunaux devront trancher en faveur de l'une ou l'autre des parties.

Lorsque cela arrivera, je me demande auprès de qui les groupes religieux pourront interjeter appel lorsqu'on leur niera le droit de faire valoir leurs croyances. Qu'on soit ou non d'accord avec eux, qu'arrivera-t-il? Interjetteront-ils appel auprès de la Commission canadienne des droits de la personne? Je ne le crois pas, car la Commission canadienne des droits de la personne dira qu'il y a là une contradiction et qu'il faut choisir entre les deux positions.

Il arrive que des gens n'agissent pas et ne disent pas ce qu'ils pensent de peur qu'ils ne fassent l'objet de représailles et que des personnes ne brandissent l'arme de la Commission canadienne des droits de la personne. Par suite d'affaires judiciaires et d'autres choses du genre, on se demande déjà s'il est correct de dire ce que l'on pense dans son for intérieur ou s'il faut passer ses convictions au filtre de la Commission canadienne des droits de la personne.

Les partisans de l'inclusion de l'orientation sexuelle se servent de deux armes importantes. D'abord, ils ont recours au mépris en demandant ce qu'il nous en coûte de leur accorder cette petite liberté, de quoi nous avons peur, quel est notre problème. C'est là leur première arme.

Leur seconde arme vise à vous faire sentir coupable de discrimination. En d'autres termes, voici ce que ces gens disent: «Comment pouvez-vous dire que mon comportement est mauvais? Vous faites arbitrairement de la discrimination par rapport à mes choix.» Ce qui est sous-entendu dans ces accusations, c'est que tout est égal en ce bas monde et que chacun fait ce qu'il lui plaît.

Je ne m'empêcherai toutefois pas de dire que, à mon avis, le gouvernement est en train de nous avoir. Je n'ai pas honte de dire que, selon moi, touts les comportements sexuels ne sont pas égaux. Je pense que bien des députés des deux côtés de la Chambre ont aujourd'hui expliqué leurs réserves. Ils ne souhaitent pas une persécution des homosexuels ni une sorte de chasse aux sorcières. Ce qu'ils disent, c'est qu'ils ont des craintes au sujet de la cellule familiale traditionnelle, de la réduction des avantages, des sommes moins élevées qui seront affectées pour des avantages répartis entre un plus grand nombre de personnes.

Les gens ont des craintes légitimes, et j'estime que c'est ici l'endroit tout indiqué pour dire que, à mon avis, toutes les orientations sexuelles ne sont pas égales, à plus forte raison lorsque des avantages sont en cause.

C'est la cellule familiale traditionnelle qui est la pierre angulaire de notre pays. Sauf erreur, la députée du Yukon a prétendu qu'il n'en était rien et que nous devrions dire que l'amour et les relations humaines sont la pierre angulaire de la société. Je ne suis toutefois pas de cet avis. Je pense que la structure familiale dans laquelle un mari monogame et une femme ont des enfants et élèvent ces derniers avec amour constitue la meilleure base pour la société, celle-ci formant ensuite des enfants qui sont bien adaptés et qui peuvent trouver la place qui leur revient en son sein.


2163

De toute évidence, ce système connaît des ratés, mais il n'est pas faux de dire que c'est l'idéal auquel il faudrait aspirer. En ce sens, la famille nucléaire a été mise à l'épreuve pendant des années.

Comme je l'ai dit au début de mon exposé, je pense que le ministre de la Justice est trop sensible dans ce dossier. Si je croyais vraiment que cette modification vise simplement les pratiques d'embauche discriminatoires au sein du gouvernement fédéral, pratiques qui sont loin d'être prouvées, je l'appuierais. Cependant, le projet de loi ne traite que de privilèges particuliers. Il vise à nous pousser un peu plus loin sur le chemin sombre et inexploré de l'acceptation de tous les comportements. Il vise à supprimer la liberté de faire publiquement et sans crainte de représailles la promotion de questions qui font intervenir la conscience religieuse.

(1725)

Quelqu'un a déjà dit que le gouvernement n'avait pas sa place dans la chambre à coucher des Canadiens, mais il y a des groupes qui ont travaillé avec acharnement pour faire de cette question une priorité politique. Je leur dirai que leurs chambres à coucher ne devraient pas être au nombre des questions sur lesquelles le gouvernement de notre pays doit se pencher.

J'exhorte tous les députés à bien réfléchir avant d'appuyer ce projet de loi. Les droits dont il est question ne constituent pas une petite ouverture. Il s'agit d'une porte toute grande ouverte qui nous mènera sur un chemin inconnu.

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté les propos du député et j'essaie de comprendre parce que ce dernier est un homme honorable. J'ai conversé à maintes reprises avec lui depuis deux ans et demi et je sais que c'est le cas.

Ce qui me trouble dans ce débat, c'est que cela peut arriver à des gens en chair et en os. Ce sera peut-être nos frères, nos soeurs, nos enfants, nos amis ou nos collègues de travail. Nous savons que la plupart des gens sont contre la discrimination au travail.

Un député a dit que c'était correct de faire de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle au travail. Je voudrais lui poser la question suivante: Et si c'était votre enfant qui était victime de cette discrimination, quelles dispositions lui diriez-vous d'invoquer? Que feriez-vous?

Si vous ne pouvez invoquer la loi, que feriez-vous. . .

Le président suppléant (M. Kilger): S'il vous plaît, pendant que je suis debout, je voudrais en profiter-je n'ai guère l'occasion de faire de l'exercice-pour rappeler à la secrétaire parlementaire qu'elle doit s'adresser à la présidence. Il arrive que les députés omettent de le faire quand il s'agit de questions au sujet desquelles les députés émettent des opinions très personnelles. Ce sont, par nature, des questions controversées. J'invite les députés à faire leurs interventions par l'entremise de la présidence.

Mme Barnes: Mes excuses. Je m'en rappellerai. C'est comme vous avez dit. Je voudrais que le député m'explique ce qu'il ferait s'il n'y avait pas cette loi anti-discrimination.

M. Strahl: Monsieur le Président, parce que je voulais que ce soit bien clair, j'ai dit à deux ou trois reprises dans mon discours que je ne croyais pas que les Canadiens-certainement pas moi ni mon parti-accepteraient la discrimination contre les gens qui ont un emploi, qu'il s'agisse d'un emploi de vendeur ou peu importe.

Nous affirmons que c'est le mérite qui doit être le critère au moment d'embaucher ou de congédier des employés. Le seul critère, ce devrait être qu'ils puissent faire le travail. Nous l'avons dit et redit. Toute déclaration à l'effet contraire serait tout simplement fausse.

Lorsqu'il s'agit d'une déclaration de ce que nous aimerions pour le Canada à tous les sujets, de l'immigration aux pratiques d'embauchage en passant par les politiques du gouvernement fédéral, les réformistes croient que la neutralité est la règle, neutre pour ce qui est de la race, de la couleur et du sexe. Il faut tenir pour acquis dès le départ que tous sont égaux devant la loi.

Lorsque des gens ne sont pas traités équitablement, ils devraient pouvoir-et ils le peuvent-s'adresser aux tribunaux en disant: «J'ai été victime de discrimination en raison de mon sexe, de ma couleur» ou peu importe, «on ne veut pas me louer un appartement parce que je suis noir.»

Lorsque cela se produit, je leur dis d'en appeler aux lois. On ne peut pas faire de discrimination. C'est quelque chose que nous avons toujours dit.

Il faut utiliser les mots avec précaution parce que l'on en a peut-être abusé. Combien d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, ont utilisé les paroles de Martin Luther King junior, qui a dit: «Je rêve du jour où les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir à la même table. Je rêve du jour où mon fils sera jugé, non par la couleur de sa peau, mais par son caractère.»

Renonçons à l'idée de regrouper les gens, de les classer, de les catégoriser et de les faire entrer dans des cases, renonçons aux programmes reposant sur des choses qui ne peuvent pas être changées. Si nous nous traitions les uns les autres également, nous serions rendus déjà beaucoup plus loin que là où nous mène la mesure à l'étude aujourd'hui. J'exhorte tous les députés à penser en termes d'égalité de tous les Canadiens et non pas à penser à diviser les gens en groupes différents.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA DÉCLARATION DES DROITS DU CONTRIBUABLE

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) propose: Que le projet de loi C-215, Loi portant nomination d'un protecteur du contribuable et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin de garantir certains droits aux contribuables, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis heureux que la Chambre soit enfin saisie de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Je regrette que cette mesure ne fasse pas l'objet d'un vote, mais c'est comme cela que les choses se passent ici.

À l'origine, ce projet de loi proposait une réforme fiscale plus générale. Un autre projet de loi d'initiative parlementaire porte sur la responsabilité des mesures législatives ministérielles et sur la façon d'évaluer les coûts des programmes gouvernementaux présentés à la Chambre. Une autre partie du projet de loi portait essentiellement sur la capacité des contribuables canadiens d'absorber des hausses d'impôt; autrement dit, limiter le montant qu'on peut soutirer des gens sous forme d'impôt.

Je ne crois pas avoir besoin de dire à la Chambre que le Canada est un des pays les plus taxés. Je crois qu'il n'y a que la France qui le surpasse à ce chapitre dans le monde occidental. Cela entraîne une réduction considérable du revenu disponible et nuit à la capacité des gens d'acheter des biens et des services et de créer une économie solide.

Je suis comptable agréé de profession. J'ai pratiqué dans le domaine de la fiscalité pendant 25 ans, conseillant des clients et les aidant à régler leurs affaires avec Revenu Canada. Mon père et beaucoup de ses collègues ont travaillé pour Revenu Canada comme vérificateurs de l'impôt. J'ai donc une bonne compréhension du régime fiscal et de la façon dont fonctionne Revenu Canada.

Je signale que la Fédération canadienne des contribuables, qui représente les contribuables de toutes les régions au Canada, a déclaré que ce serait une bonne chose qu'il définisse les droits fondamentaux des contribuables. Il existe un appui important en faveur d'un projet de loi de ce genre.

La Chambre est saisie aujourd'hui d'un projet de modification de la Loi canadienne des droits de la personne qui vise à empêcher la discrimination contre certains groupes dans notre société. Il est étonnant que nous n'ayons pas encore tenu compte d'une importante minorité, celle des contribuables. Ils sont plus de 13 millions au Canada. Chose surprenante, les contribuables ont très peu de droits fondamentaux. Le guide de Revenu Canada compte environ 240 mots qui traitent des droits des contribuables. Il s'agit surtout de platitudes et il y a bien peu de précisions sur la façon dont un contribuable peut recouvrer son argent si le système fonctionne mal.

Le personnel de Revenu Canada est fondamentalement impartial. Dans l'ensemble, j'ai pu constater qu'il se préoccupe de questions comme la dignité des Canadiens. Cela dit, notre régime fiscal fonctionne de manière à prendre le plus d'argent possible dans les poches des contribuables, dans les limites permises par la loi. De temps à autre, des employés trop zélés du ministère dépassent la limite et empiètent sur les droits de certains contribuables.

(1735)

J'appelle cela des César. En fait, je le dis aux gens qui suivent le débat, vous allez voir la main de César à la Chambre aujourd'hui. Vous pourrez effectivement la voir, incarnée dans certains députés qui prendront la parole contre mon projet de loi. Je respecte les droits de mes collègues, mais c'est surprenant de voir que certains affirment que Revenu Canada tient compte des difficultés des particuliers.

Les États-Unis ont déjà une déclaration des droits du contribuable. C'est le sénateur Pryor qui a présenté cette mesure législative en 1988. Elle a été modifiée deux fois depuis aux États-Unis.

Le Royaume-Uni a un protecteur du contribuable, ainsi que la Nouvelle-Zélande et plusieurs pays scandinaves. On voit donc que ce n'est pas une idée nouvelle. En fait, c'est très bien accepté dans la plupart des autres administrations fiscales, mais pas au Canada. Avons-nous besoin d'une telle loi? Avons-nous besoin de protéger les contribuables? Je veux donner quelques exemples de ce que je dénonce.

Il y a dans ma circonscription une mère seule dénommée Cheryl Sassville. Elle s'est fait attraper pour n'avoir pas payé l'impôt sur la pension alimentaire de ses enfants, un problème commun à beaucoup de mères seules. Elle a conclu une entente avec Revenu Canada pour payer la somme due dans un certain délai. Cette entente a tenu durant deux ou trois ans. Un premier agent de recouvrement s'est occupé de son cas, et tout allait bien. Un deuxième s'en est ensuite occupé, et tout allait bien. Elle payait comme convenu.

Puis, un troisième qui s'en est occupé a déclaré que les choses n'allaient plus. Il essayait de se faire remarquer à Revenu Canada. Cela se produit parfois. Toute sa vie était en jeu. Revenu Canada a saisi son compte en banque et recueilli ainsi 94 $. Mme Sasseville en a fait une crise cardiaque et a perdu deux semaines de travail. Cela lui a coûté 700 $, et Revenu Canada ne s'est jamais excusé. On ne lui a même pas remboursé ses 94 $.

Un autre incident qui s'est produit récemment est la modification de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Nous avons imposé dans ce pays des personnes âgées qui reçoivent des prestations de sécurité sociale des États-Unis. Ce problème peut sembler nouveau et sans importance, mais 81 000 personnes âgées au Canada sont touchées par cette mesure législative. La plupart de ces gens sont des personnes âgées à faible revenu.


2165

Prenons l'exemple d'Elen Mowat, une femme dont la retraite s'élevait au total à 14 000 $, dont 10 000 $ provenaient des prestations qui lui étaient versées par les États-Unis au titre de la sécurité sociale. Voilà une femme qui était imposée à 25 p. 100, une femme qui avait seulement 14 000 $ par an pour vivre et à qui l'on retirait 2 500 $. Savez-vous ce que Revenu Canada lui a dit de faire? D'aller faire pression à Washington. Le gouvernement de son pays lui a dit d'aller faire pression à Washington.

J'ai reçu aujourd'hui une lettre de Mme Leona Jeremy, de Middleton, en Nouvelle-Écosse. Parce notre gouvernement ne tient pas compte de cet impôt, elle se retrouve avec un supplément de revennu garanti réduit.

Ces gens vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. Avons-nous besoin de quelqu'un pour s'occuper de ce problème? Ces gens peuvent-ils se permettre de payer des avocats, des comptables fiscalistes pour se défendre? Non et c'est pour cela que je suis ici aujourd'hui.

Prenons les exemptions pour frais médicaux. En 1991, Revenu Canada a décidé de modifier la méthode de calcul des exemptions pour frais médicaux. Le problème est que la plupart des gens ne le savaient pas. Il y a des gens qui ont continué d'appliquer l'ancien système. En 1994, Revenu Canada a décidé de sévir contre ces gens.

M. Roberts, de ma circonscription, ignorait totalement que la loi avait changé. Revenu Canada a établi une nouvelle cotisation de 1 000 $ et lui a demandé de payer immédiatement. M. Roberts a un revenu inférieur à 12 000 $ par an. Il n'a pas les moyens de payer cette somme. C'est un problème et personne ne semble vouloir l'écouter.

Le Financial Post a fait beaucoup de sondages sur l'attitude du public à l'égard du système fiscal. Les gens répondent toujours qu'ils veulent participer au processus. Ils veulent avoir leur mot à dire et ils veulent être protégés contre certains de ces problèmes.

Voici les points saillants de mon projet de loi. Il y est question de fixer des normes concernant la durée légale d'une vérification. Qu'est-ce que je veux dire par là? Cela veut dire que lorsqu'on entreprend une vérification dans une PME, il faut la terminer. À maintes reprises, j'ai vu des vérifications traîner pendant des années. Parfois deux ans. L'entreprise ne peut plus fonctionner. La vie des gens est en suspens tant que dure la vérification.

(1740)

Mon projet de loi dit que si une erreur a été commise par un contribuable, c'est au ministère de s'arranger pour respecter le délai de six mois. La réalité c'est que Revenu Canada doit s'acquitter de son mandat dans des délais raisonnables et donner un préavis en bonne et due forme avant de procéder à une saisie.

J'ai trop souvent vu des PME dont le compte en banque avait été saisi. Parfois il s'agit d'une erreur. Mais on ne les prévient même pas. Revenu Canada prélève l'argent sur leur compte et s'aperçoit ensuite qu'il a fait une erreur. Leur cote de crédit peut être touchée. Je dis moi que Revenu Canada ne doit pas avoir recours aussi facilement aux pouvoirs que lui donne la loi.

Un autre aspect de mon projet de loi permettrait au public de comprendre la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous modifions sans cesse le régime fiscal, de manière un peu aléatoire. Mon projet de loi stipule que, dans une même année d'imposition, aucun changement ne devrait toucher plus de 1 p. 100 des contribuables, que toutes les modifications cumulatives prenant effet dans une même année ne devraient pas toucher plus de 3 p. 100 des contribuables, et qu'un changement radical ayant un impact sur le mode de vie des gens ne devrait se produire que tous les dix ans.

Si cette mesure législative était en place, les gens comprendraient mieux notre régime fiscal. Ils apprendraient à le comprendre et peut-être même à le respecter.

L'autre point, c'est qu'il faut prévenir les annulations arbitraires de conventions de paiement. J'ai parlé, il y a un moment, d'aînés de plus de 60 ans qui sont forcés de quitter leurs maisons. Comment un député à la Chambre des communes peut-il ne pas être d'accord avec la mesure que je propose? On voit des gens de plus de 60 ans qui, pour une raison ou une autre, possiblement le décès d'un conjoint, sont aux prises avec une dette fiscale; Revenu Canada peut les forcer à vendre leur maison. Je propose qu'ils garantissent le paiement en hypothéquant la maison et qu'ils attendent le décès du conjoint restant, mais qu'ils ne forcent pas les gens à quitter leurs résidences. Cela est tout simplement raisonnable dans une société comme la nôtre.

Enfin, je sais que certains députés contesteront la question du protecteur du contribuable parce qu'il ne faut pas douter de César.

Revenu Canada compte 38 500 employés, soit 60 p. 100 de l'effectif total des forces armées du pays, et un budget de plus de deux milliards de dollars. Dans ce cadre, il serait certainement possible de trouver 10 ou 20 employés pour créer un bureau du protecteur afin de protéger 13 millions de personnes contre la nature parfois aléatoire et arbitraire des agissements de ce ministère. Certains diront que c'est impossible, mais Revenu Canada embauche toutes sortes d'employés pour assurer la mise en application de la TPS. On peut trouver l'argent nécessaire dans ce cas, mais on ne peut pas trouver les sommes requises pour protéger la population du Canada.

La Chambre et le comité viennent de terminer l'examen du concept de protecteur du citoyen face aux institutions financières. Pourquoi? Nous pensions que les institutions financières, les banques, abusaient de leurs clients. Les banques ont toutes leur protecteur de la clientèle. En tant que gouvernement, nous les avons forcées à avoir un protecteur national pour défendre les droits de leurs clients. Pourquoi ne sommes-nous pas prêts à protéger également les droits de la population au sein de notre structure gouvernementale, alors que nous forçons les banques à le faire dans le secteur privé?

J'ai parlé plus tôt du modèle du Royaume-Uni. Au sujet des banques et de la création du poste de protecteur, j'ai eu l'occasion de parler à un protecteur du Royaume-Uni. Il m'a dit que le système fonctionnait très bien dans son pays.


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Certains de mes collègues diraient que si nous avons un protecteur du contribuable, tout le monde va faire appel et le système va s'écrouler. Il pourrait y avoir un processus de filtrage, pour éliminer les cas de toute évidence futiles, ceux où les gens essaient simplement de retarder le paiement de leurs impôts.

Au Royaume-Uni, le système de protection du contribuable est un peu étrange, parce qu'on estime là-bas que les députés ont certains pouvoirs. Par conséquent, les gens se plaignent à leur député qui, à son tour, décide si la plainte est valide ou non. Je ne propose pas ce système pour le Canada. Je voulais simplement illustrer comment d'autres pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont résolu le problème.

(1745)

Ce que nous demandons, c'est un système simple et efficace de règlement des différends. Certains de mes collègues diront que Revenu Canada peut très bien faire cela lui-même. Je dirais que ce n'est pas ce qu'il a fait jusqu'à présent. En fait, une récente décision de la Cour suprême reconnaissait que Revenu Canada avait changé d'attitude en ce qui concerne les vérifications. Il forçait les gens à payer de l'argent qu'ils ne devaient pas. Le tribunal a décidé de dire que les parties devaient s'asseoir et parler calmement de leur situation. Imaginez un peu cela. Je pense que cela indique clairement qu'il y a un besoin. La Cour suprême du Canada est en train de nous dire que nous avons besoin d'une certaine forme de protection du contribuable.

Nous avons en place un excellent système de recours aux tribunaux au Canada. Les particuliers résolvent leurs problèmes fiscaux en retenant les services d'un avocat. Mais ceux dont je parlais n'ont pas les moyens de se payer un avocat. Ils ne peuvent pas se permettre d'aller à Washington pour protester. Ils ne peuvent pas se permettre les milliers de dollars que Revenu Canada exige d'eux, au hasard. Ils n'ont pas de recours.

Certains diront qu'ils devraient s'adresser au processus politique, qu'ils devraient s'adresser à leur ministre. Revenu Canada ne veut pas de ce genre d'intervention. Il ne veut pas être surveillé. Il veut avoir les mains libres et ne pas être bridé.

J'estime que nous devons retenir la main de César. Cela s'est produit dans toutes les civilisations. Il est intéressant de remarquer cela dans un livre sur l'histoire de la taxation dans le monde. Ce livre parle de gens qui se sont intéressés à cette question par le passé. Cela commence avec le code théodosien des lois établies par Constantin. Ce code prévoit ceci: «Si un contribuable se présente devant un tribunal en disant qu'un percepteur d'impôts a exigé à tort un paiement de sa part ou l'a traité avec arrogance, et s'il est en mesure de le prouver, une sévère sentence doit être prononcée contre ce percepteur.» Cette disposition n'existe plus de nos jours. Les Romains avaient résolu le problème et compris que les contribuables ont droit à un traitement digne et respectueux.

Je ne dis pas que le système est en panne et que les droits des contribuables sont couramment violés. Mais j'ai été témoin de situations où c'était le cas. Le projet de loi que je propose y remédierait. Il donnerait aux contribuables la possibilité de s'adresser au protecteur pour obtenir une restitution. La pauvre Mme Sassville n'a jamais récupéré ses 700 $. Elle y avait droit pourtant. Je la vois encore entrer dans mon bureau, en décembre. Elle a dit: «Je n'ai pas les moyens de faire le marché pour ma famille. Je ne peux pas acheter la dinde de Noël.» J'ai dû la diriger vers une banque d'alimentation. On avait violé la dignité de cette femme et on lui devait des excuses. Ces excuses ne lui ont jamais été présentées, bien que je les aie demandées.

Le projet de loi apporterait une certaine dignité et un certain respect dans le système. En retour, les contribuables respecteraient davantage le système. Ils comprendraient que le système est équitable et ils verseraient leurs impôts plus volontiers.

Cette mesure ne représente qu'une partie du long processus que j'ai en tête. Dans le cadre des initiatives parlementaires, il est très difficile de présenter des mesures législatives importantes pour modifier le système de perception des impôts sur le revenu, mais je vais persévérer.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, nous étudions aujourd'hui un projet de loi qui démontre toutes les meilleures intentions du monde en ce qui concerne la protection du contribuable.

(1750)

Les petits contribuables, qui se sentent parfois et même souvent lésés par les méchants fonctionnaires de l'impôt, nous dit-on, pourraient attendre ce projet de loi C-215 avec beaucoup d'espoir, beaucoup de confiance.

Cependant, le projet de loi C-215, présenté par mon collègue du comté de Durham, à mon avis, ouvre la porte à un trop grand nombre d'abus. Le projet de loi prévoit deux types de mesures qui, toutes les deux, visent ou ont pour effet de réduire le pouvoir de Revenu Canada et de renforcer celui du contribuable face aux autorités fiscales.

Bien sûr, on pourrait penser que Revenu Canada dispose déjà de beaucoup trop de pouvoirs et qu'il faille lui en enlever et que le contribuable, lui si petit, a besoin davantage de protection. Dans les intentions, dans les principes, c'est vrai. Sauf que dans la pratique, il me semble qu'il y a des façons de protéger davantage le contribuable sans laisser place à de plus grandes injustices encore.

Ce projet de loi présenté dans la forme actuelle fait malheureusement place au manque d'équité. Il serait dangereux qu'on arrive à une plus grande iniquité fiscale, parce que ceux qui en profiteraient le plus sont encore ceux qui paient de l'impôt. Le petit contribuable dont le revenu est si modeste qu'il paie à peine de l'impôt n'est pas celui qui est le plus lésé. C'est le contribuable qui a de bons revenus, qui paie déjà beaucoup d'impôt et à qui on voudrait permettre une plus grande possibilité d'évasion, une plus grande possibilité de se soustraire à son devoir de payer des impôts.

Au Canada, nous avons un système d'imposition volontaire, c'est-à-dire que le contribuable accepte de faire sa déclaration de revenu volontairement à la fin de chaque année et se soumet, encore volontairement, au ministère du Revenu. Il envoie volontairement le montant de ses cotisations, lesquelles il croit justes et équitables, et lesquelles il se doit d'établir aussi, en s'assurant qu'il a pris les


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informations nécessaires pour respecter la loi, déclarer tous ses revenus et, en même temps, envoyer et payer la part d'impôt qu'il doit au gouvernement sur ses revenus. Malheureusement, le projet de loi qui est devant nous ne nous permettrait pas de respecter ce grand principe d'équité envers tous les contribuables.

Je me réfère aux articles 2 à 7. Ces articles visent à créer la fonction d'un protecteur du contribuable. Ce protecteur serait un fonctionnaire nommé par le Cabinet, en poste pour sept ans, et son mandat pourrait être renouvelable pour un autre terme de sept ans. S'il nous fallait nommer un protecteur du citoyen pour tous les ministères existant à Ottawa, on se retrouverait devant une autre armée de fonctionnaires avec peut-être encore une plus grande injustice que celle qu'on connaît déjà.

À mon avis, il y a d'autres moyens qui coûteraient moins cher. Le protecteur du citoyen vis-à-vis de l'impôt dont on suggère la création ici se trouverait, à mon avis, rapidement débordé de travail et de plaintes, parce que qui n'aurait pas envie, devant une décision du ministère du Revenu, de recourir à son protecteur? Il y aurait une infinité de réclamations, de plaintes logées devant ce protecteur et ce protecteur devrait à son tour engager une autre armée de fonctionnaires pour vérifier le bien-fondé de chaque plainte qui, souvent, représente de petits montants.

Les procédures actuelles permettent aux contribuables d'être défendu. Il y a d'abord la procédure d'un avis d'appel en première instance. Si cet avis de révision, c'est le terme exact, s'avère insuffisant, on peut en appeler à la Cour canadienne de l'impôt qui, elle, suggère deux mécanismes de traitement des plaintes: un mécanisme général pour les cas lourds et un mécanisme informel pour les plaintes de 12 000 $ et moins. Et il n'en coûte rien aux contribuables pour se défendre devant ce tribunal. Il peut être représenté par lui-même, sans avoir besoin de payer des avocats pour le faire.

Ce qu'il faut, pour répondre aux objectifs que s'est donnés le député, c'est humaniser davantage les fonctionnaires qui traitent actuellement nos problèmes d'impôt. Ces fonctionnaires, pour la plupart, sont d'excellentes personnes qui ont à coeur de bien faire leur devoir, d'assumer leurs responsabilités. Et dans une époque où les emplois sont rares, ces fonctionnaires, dans le cours quotidien de leurs fonctions, ont à coeur de bien s'acquitter de leurs fonctions.

(1755)

Alors, quand le ministre du Revenu leur dit: «Mes chers fonctionnaires, vous avez la tâche cette année de récupérer le plus grand montant d'impôt des contribuables», imaginez-vous que le fonctionnaire ne veut pas perdre sa job. Il prend ça à coeur et il harcèle le contribuable, il presse le citron tant qu'il n'a pas tout sorti le jus qu'il y avait dedans. À ce moment-là, il fait son rapport à son supérieur en disant: «Voici, mon cher supérieur, j'ai aujourd'hui collecté cinq contribuables. Il y en a deux qui ont pleuré, il y en a un qui se sentait égorgé, l'autre, j'ai rapporté sa chemise, et le quatrième a disparu. Alors, mon cher patron, j'ai fait mon possible pour le collecter. Voyez, l'État aujourd'hui est gagnant. J'ai rapporté tant de centaines de piastres des poches de ces pauvres contribuables.» Je ne pense pas que ce soit le but recherché.

Il y a des contribuables qui viennent me voir dans mon bureau. Je peux donner un exemple. Un contribuable vient à mon bureau parce qu'il devait 800 $ d'impôt. Comme c'est un petit contribuable à petit salaire, il prend une entente avec un fonctionnaire du fisc et il s'entend pour remettre un montant de 50 $ par mois jusqu'à extinction de sa dette envers l'impôt. Revenu Canada accepte cette entente.

Quelques mois plus tard, Revenu Canada apprend que ledit contribuable qui vient de faire son rapport d'impôt attend un remboursement de 200 $. Voilà que le ministère du Revenu se met en chasse et essaie d'arrêter le remboursement de 200 $ pour se l'approprier, sous prétexte que le contribuable a des dettes envers le fisc, malgré l'entente qui avait déjà été prise. Dans des cas comme celui-là, on est bien sûr porté à dire qu'il y a abus de la part du fisc, et sûrement avec raison.

Ce qu'il faut, au lieu d'un projet de loi qui ouvrirait toutes grandes les portes aux autres abus, c'est un ministre qui donnerait des directives à ses fonctionnaires en leur demandant de juger ou de traiter chaque cas de non-paiement d'impôt avec un peu plus d'humanité, avec un peu plus de regard ou de préjugé favorable envers le contribuable. Et quand un contribuable a conclu des ententes avec le ministère du Revenu, habituellement, il les respecte. Si le ministère du Revenu veut s'assurer que les revenus vont entrer en plus grand nombre, qu'il recherche d'abord ceux qui ont les moyens de faire des évasions fiscales, ceux qui ont les moyens d'être informés par une foule de spécialistes pour leur montrer comment on peut se mettre à l'abri des impôts. C'est sur ces gens-là qu'il faut travailler.

Je regrette de devoir parler contre ce projet qui, pourtant, je le répète, dans son intention, est excellent et extrêmement louable. Mais de l'appuyer me fait penser un petit peu au temps où on était jeunes et qu'on jouait au jeu du chat et de la souris. Je ne sais pas si vous vous rappelez, on était en cercle, garçons et filles ensemble, on se tenait par la main, et quand la souris était dans le milieu du cercle, on se mettait tous les bras ensemble et on se penchait pour éviter le chat d'entrer et de sauter sur la souris.

Aujourd'hui, le projet de loi fait en sorte de laisser sortir la souris et le chat en même temps. Alors, quand le chat et la souris n'ont plus d'encadrement, c'est le ministère du Revenu qui court après le plus petit, et soyez sûr qu'il va l'attraper. Ce qu'il faut faire, c'est ceci: au lieu d'adopter une loi qui amènera d'autres abus, c'est faire en sorte d'humaniser davantage les relations qui existent entre le fonctionnaire du fisc et le contribuable pour que cela se fasse de façon plus humaine, plus civilisée et à la mesure du petit contribuable.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je veux féliciter le député de Durham d'avoir déposé son projet de loi d'initiative parlementaire. Je le félicite aussi de la façon dont il a exposé son point de vue. Ses arguments étaient très convaincants, tout comme l'ardeur qui l'animait lorsqu'il a présenté son projet de loi. Il est toujours agréable d'entendre quelqu'un parler du coeur et s'exprimer avec conviction, au lieu de lire un discours rédigé par un adjoint et prônant la position officielle du parti, ce qui est le lot de tous les partis. Pour avoir travaillé avec le député au Comité des


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finances, je crois que c'est un libéral qui se préoccupe des problèmes et qui propose des idées positives et concrètes.

(1800)

Parmi les points qu'il a mentionnés aujourd'hui, il y a des suggestions que j'appuie sans réserve. Il a parlé du processus de vérification qui se poursuit parfois indéfiniment. Il arrive qu'un vérificateur se rende dans un bureau et y passe une ou deux journées, et parfois une ou deux semaines. Plus le vérificateur passe de temps à un endroit, plus il doit justifier sa démarche en allant chercher le plus de dollars possible. En effet, imaginez que la personne passe cinq jours dans les bureaux d'une compagnie pour, en fin de compte, conclure que tout est en ordre. Étant donné que ces vérifications coûtent de l'argent au ministère, celui-ci se doit d'aller en chercher. Le député a mentionné que les vérifications qui se poursuivent indéfiniment deviennent presque de la persécution et il a par conséquent proposé que celles-ci soient limitées dans le temps. C'est là une excellente suggestion avec laquelle je suis d'accord.

Il y a aussi lieu de signifier un avis adéquat. Il n'est pas correct que Revenu Canada puisse saisir les fonds ou les comptes d'une personne sans donner d'avis. La plupart du temps, le ministère ne daigne même pas informer l'intéressé par téléphone. C'est là une autre excellente suggestion.

J'ai vraiment apprécié l'analogie avec les banques. Le député a fait remarquer que la Chambre a adopté une loi visant à forcer les institutions financières à se doter d'un ombudsman, mais le gouvernement ne veut pas voir personne contrôler ce qu'il fait.

Le premier ministre sait que l'intégrité, l'honnêteté et le respect pour les politiciens sont à leur plus bas. Il le savait quand il siégeait de ce côté-ci de la Chambre. Il avait promis de nommer un commissaire chargé de la déontologie pour examiner les actes illicites qui pourraient se produire.

Or, le député propose que nous ayons un protecteur du contribuable chargé d'examiner ce qui se passe au ministère du Revenu. Ainsi, les contribuables, ceux qui paient la note, qui commettent parfois des erreurs et parfois non, auraient quelqu'un à qui s'adresser pour formuler une plainte à propos de leurs problèmes.

Je sais que le député de Durham a reçu des plaintes et des appels téléphoniques de ses électeurs, et j'en ai reçu des miens. Je me sens impuissant. Je ne puis rien faire. J'essaie de passer par le ministre pour obtenir une réponse. On ouvre un dossier, et le mieux que nous puissions obtenir, au bout de deux, trois ou quatre mois, c'est une réponse qui explique comment la décision ou les mesures prises correspondent aux intentions et objectifs du ministère. Il n'y a donc rien à faire.

Certains des points que le député a fait ressortir sont excellents. Il vaut la peine de se rappeler ces exemples, car je crois qu'il faut examiner le ministère du Revenu national, les services du fisc, et essayer de les rendre un peu plus conviviaux pour le contribuable.

Ma solution serait un impôt uniforme, mais une autre serait de rendre les relations entre le percepteur et le contribuable moins irritantes. En ce moment, le seul droit d'appel, le seul recours pour le contribuable est de retenir les services d'un fiscaliste, ce qui coûte si cher que la plupart des contribuables ne peuvent se permettre d'interjeter appel et se retrouvent donc perdants. C'est scandaleux.

Les gens que le député de Durham mentionnés, les personnes âgées, les gagne-petit, n'obtiennent pas d'aide. Ce sont ces gens-là qui ont besoin d'aide.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, voilà un député libéral qui s'intéresse vraiment à ces gens-là et qui le prouve en présentant des propositions au lieu de se contenter, comme les libéraux en général, de donner de l'argent, même à quelqu'un qui fait 25 000 $, rien que pour avoir l'impression de faire quelque chose. Le député veut que l'argent aille aux gens qui en ont vraiment besoin et je le félicite pour les efforts qu'il déploie.

La notion de droits des contribuables est excellente. Les contribuables ont des droits et toute loi visant la protection de ces droits vaut la peine d'être envisagée. J'aime bien l'idée du processus d'une durée maximale de six mois aux termes desquels, si la question n'est pas réglée, Revenu Canada perd sa cause.

(1805)

Cependant, j'ai quelques réserves au sujet du projet de loi. Certaines sont les mêmes que celles que le député du Bloc québécois a exprimées. Le projet de loi, s'il était adopté dans sa forme actuelle, pourrait entraîner une surcharge de travail assez importante. Le protecteur du contribuable devrait embaucher du personnel rapidement parce qu'il y a déjà un engorgement des causes aux plus hauts paliers d'appel à Revenu Canada. Des contribuables doivent attendre.

Créer un nouveau service entraînera une surcharge de travail. Cela me préoccupe. Ce projet de loi crée un autre palier administratif. On ne trouve pas de détails dans le projet de loi sur le coût perçu par le député, la taille du ministère, quels liens il aurait, ce qu'il en coûterait. Le coût de cette activité, de ce recours serait sans doute différent des avantages que les contribuables en tireraient.

Si l'on prend le paragraphe 4(2), on constate que le projet de loi accorde peut-être trop de pouvoir au protecteur, lequel pourrait obliger toute personne à déposer sous serment. Ce sont des préoccupations. Peut-être qu'après des discussions constructives, ces choses-là seront améliorées.

Compte tenu du temps limité du débat sur cette question, le député a présenté deux importants sujets en même temps. C'est un peu comme le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Les Canadiens sont en faveur du contrôle des armes à feu, mais quand il est lié à l'enregistrement des armes à feu, c'est un projet de loi omnibus composé de deux questions distinctes. Une procédure de contrôle des armes à feu a été mise en place. Il s'agit de l'autorisation d'acquisition d'armes à feu. L'enregistrement des armes à feu a soulevé un débat complet et constituait une question tout à fait


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distincte. Il s'agissait d'un sujet très vaste et le débat a duré plus d'une année. Le ministre de la Justice a fait adopter le projet de loi en raison du problème.

La question du contrôle des armes à feu et de leur utilisation à des fins illégales n'a jamais posé de problème. Tout le monde, y compris les réformistes, étaient en faveur de cette partie du projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi omnibus qui compte deux éléments. Chacun est important et mérite un débat distinct et un examen séparé.

Nous n'avons pas suffisamment de temps pour tout examiner quand on met les deux dans le même sac. C'est difficile de débattre comme il faut de quoi que ce soit en une heure. Je suis heureux que le député ait eu vingt minutes pour expliquer l'objet et les objectifs du projet de loi.

Comme le disait le député de l'opposition officielle, il se réjouit de l'objet et des objectifs du projet de loi, mais il ne peut pas l'appuyer pour diverses raisons. J'ai des réserves au sujet de cette mesure. Je comprends l'intention du député et je l'approuve. Je partage sa colère. Je suis d'accord avec lui. Nous devons examiner la façon dont fonctionne Revenu Canada.

On a donné trop de pouvoir aux fonctionnaires de ce ministère. Certains ont usé de ce pouvoir, quoiqu'ils soient peu nombreux. Très peu l'ont fait, mais il n'en faut pas beaucoup pour faire échouer le système. Un fruit pourri et tous les autres le sont aussi.

Il est important de se pencher sur cette question. Je m'intéresse résolument aux lois sur la protection des contribuables, aux droits des contribuables, à toutes les questions touchant les contribuables. Le député le sait. Je m'engage, durant le temps que durera encore cette législature, à mettre au point un projet de loi ou une motion avec le député.

Nous pourrions montrer qu'il s'agit d'une question neutre, dans l'intérêt de tous les Canadiens, de tous les contribuables. Ce ne serait pas les libéraux contre les réformistes, mais quelque chose que nous pourrions faire valoir au comité chargé d'évaluer les projets de loi d'initiative parlementaire. Nous pourrions obtenir que ce soit une motion devant être mise aux voix et lui consacrer un débat de trois heures.

Qu'il s'agisse d'une motion ou d'un projet de loi, nous devrions prévoir quelque chose pour protéger les Canadiens comme le souhaite le député. Sur certains points, je suis entièrement d'accord avec lui. Il reste à régler les détails.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de reprendre le débat, je veux signaler que je suis aux prises avec un certain dilemme. On sait que nous n'avons qu'une heure à consacrer à ce débat et, d'après ce que je peux voir, je ne pourrai pas donner la parole à tous les députés qui le demandent.

(1810)

Je vais me fier à mon instinct et essayer de donner la parole à des députés qui veulent s'exprimer en faveur de la mesure autant qu'à d'autres qui veulent manifester leur opposition. Comme je ne sais pas ce que vous allez dire avant de vous entendre, alors ce n'est qu'une question d'instinct. Je vais donner la parole à la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national puis revenir à l'auteur de la motion pour clore le débat. S'il reste du temps, je donnerai la parole à d'autres députés.

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je veux parler du projet de loi C-215 dont nous a saisis le député de Durham.

Ce projet de loi a de nombreux objectifs. Il s'agit notamment d'établir un poste de protecteur du contribuable pour protéger les droits des contribuables, d'abroger les règles générales relatives à l'évitement fiscal de la Loi de l'impôt sur le revenu, de restreindre le temps que Revenu Canada a pour terminer ses vérifications et de limiter le type de nouvelles mesures fiscales que le ministre des Finances peut présenter.

À mon avis, Revenu Canada a déjà tout un éventail de programmes à l'heure actuelle pour protéger les droits des Canadiens. Mes observations vont porter plus particulièrement sur la question du protecteur du contribuable, car c'est cela qui me préoccupe le plus.

Pour évaluer la nécessité de la nouvelle bureaucratie que ce projet de loi propose d'établir, je voudrais revoir les mécanismes en place à l'heure actuelle. Revenu Canada a au moins cinq grands filets de sécurité pour veiller à ce qu'on respecte les droits de ses clients, pour traiter les plaintes et pour offrir les moyens voulus de résoudre les problèmes.

Cela comprend notamment le programme des renseignements généraux, le programme de règlement des problèmes, le programme d'amélioration du service, les dispositions sur l'équité et le processus de règlement des oppositions à des cotisations. En plus de ces programmes, les contribuables peuvent contester l'impôt établi devant la Cour de l'impôt qui tranchera alors la question.

Les engagements du ministère du Revenu à l'égard de ses clients sont déjà bien précisés dans la Déclaration des droits du contribuable publiée en 1985. La déclaration accorde aux contribuables le droit à une audience équitable, un traitement courtois, le traitement équitable de toute plainte, des renseignements complets et précis sur leurs droits et leurs obligations aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'application impartiale de la loi, une présomption que le contribuable est honnête, un service dans les deux langues officielles et, chose très importante, la protection des renseignements personnels et la confidentialité.

La déclaration des droits des contribuables confirme que tous les Canadiens ont le droit d'organiser leurs affaires personnelles ou professionnelles de façon à payer le moins d'impôt possible que la loi autorise. Les clients qui contestent des cotisations ont le droit de retenir le paiement du montant contesté jusqu'à ce qu'un tribunal tranche la question.

Le programme de solution de problèmes a commencé vers 1986 et examine les problèmes qui demandent une attention particulière. Le budget du programme se chiffre à environ 3,5 millions de dollars par année. Sur 300 demandes de renseignements, on a répondu à 299 d'entre elles à la satisfaction de l'appelant. Quelque 94 employés y travaillent à temps plein un peu partout au Canada et s'occupent des cas qui ne peuvent pas être réglés par les moyens habituels.

Des coordonnateurs effectuent des analyses, retracent l'origine des problèmes et déterminent s'il s'agit de cas isolés ou d'une


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tendance qui mérite qu'on s'y arrête. Ce sont des personnes choisies pour leurs qualités personnelles et l'intérêt qu'elles manifestent envers les préoccupations de leurs clients. Les coordonnateurs peuvent franchir les secteurs de responsabilités fonctionnelles et hiérarchiques de Revenu Canada pour résoudre les problèmes. Ils restent sur un cas jusqu'à ce qu'ils l'aient réglé.

En quoi consiste le processus de solution de problèmes? On encourage les clients à communiquer avec des préposés aux services à la clientèle de leur région s'ils ont un problème fiscal. L'année dernière, le service des renseignements généraux a traité, tenez-vous bien, plus de 24 millions de demandes émanant d'entreprises et de simples citoyens. Le seul appelant sur les 300 qui avait encore besoin d'aide a été mis en contact avec un coordonnateur de solution de problèmes, qui a agi comme défenseur de l'appelant au ministère pour garantir une solution complète, juste, rapide et amicale du problème, surtout sans les services d'un avocat.

Les problèmes qui ont des conséquences nationales sont renvoyés à Ottawa, où le comité d'amélioration du service élabore et met en oeuvre des plans d'action pour éviter que les mêmes problèmes ou des problèmes semblables ne se reproduisent. Nous ne voulons pas d'irritants dans le système.

Comment fait-on la promotion de cette solution de problèmes? Dans les pages bleus de l'annuaire téléphonique et au verso des avis de cotisation. Les coordonnateurs de la solution de problèmes collaborent avec des députés pour résoudre les problèmes d'impôt des électeurs. Dans le ministère, on encourage les employés de première ligne à cerner et à régler les problèmes des clients sur-le-champ, si c'est possible, et à renvoyer les problèmes qu'ils ne peuvent pas résoudre au personnel chargé du Programme de solution de problèmes. On analyse régulièrement les problèmes de clients pour avoir une idée des problèmes qui se posent et des irritants dans nos services qui, nous le savons, influent sur la satisfaction des clients. Nous pensons que c'est important. Nous ne sommes pas qu'une agence de perception de recettes. Nous sommes également un bureau de services.

(1815)

Le ministère du Revenu a également un autre programme pour accélérer le traitement, le Programme d'amélioration du service. On l'applique là où les employés estiment qu'un processus interne du ministère du Revenu nuit à leur capacité d'offrir le meilleur service possible. Ce programme demande à tous les niveaux de l'organisation d'assumer leurs responsabilités et de rendre des comptes et il offre le mécanisme grâce auquel le personnel sur place, la haute direction et le sous-ministre sont tenus informés des situations qui pourraient conduire à une perte de confiance de la population dans le ministère.

Comment cela fonctionne-t-il? Le mandat du Programme d'amélioration du service est délibérément large. Il met l'accent sur la prévention des problèmes et sur l'amélioration de la procédure suivie au ministère du Revenu, le plus gros ministère du gouvernement fédéral.

Le programme prévoit à l'intention du personnel des points de service des moyens de réduire les tracasseries administratives et de rejoindre la personne qui peut leur proposer un plan d'action qui sort des procédures habituelles. Le programme a pour objet d'empêcher que des situations soient faussées ou deviennent insolubles. Un plan d'action est élaboré pour trouver la solution qui convient à chaque situation. Des rapports hebdomadaires sont envoyés aux hauts fonctionnaires ainsi qu'au sous-ministre.

Je voudrais parler de l'équité. En 1991, des modifications ont été apportées à la loi, afin d'aider les clients de Revenu Canada à venir à bout de problèmes auxquels ils étaient confrontés, sans qu'il n'y ait aucune faute de leur part. Cette situation se produit dans notre système. Ces modifications prévoient une approche sensée pour traiter avec ceux, à cause de situations qui les dépassent totalement, ne peuvent respecter ni les lignes directrices ni les règles du ministère.

Les lois relatives à l'équité comprennent les nombreuses dispositions qui rendent le régime fiscal plus simple, plus facile et plus équitable. D'autres modifications législatives ont été apportées en 1992 et 1993 aux droits de douane et à la TPS de Revenu Canada, outre les dispositions sur l'impôt des particuliers et des sociétés. L'harmonisation des lois relatives à l'équité se poursuit dans tous les domaines d'activité.

Avant l'introduction des lois relatives à l'équité, Revenu Canada était incapable de verser des remboursements aux particuliers au-delà de la période habituelle de trois ans pour les nouvelles cotisations. Revenu Canada peut maintenant verser de tels remboursements après avoir vérifié les demandes.

Avant de promulguer les lois relatives à l'équité, le ministère avait peu de marge de manoeuvre pour annuler la pénalité et l'intérêt ou y renoncer, quelles que soient les circonstances ou la situation du client. Les lois relatives à l'équité permettent maintenant au ministère de répondre avec plus de souplesse à la situation d'un client, lorsqu'il existe une bonne raison d'annuler la pénalité et l'intérêt ou d'y renoncer.

En général, le ministère envisagera d'annuler la pénalité et l'intérêt ou d'y renoncer lorsque des circonstances indépendantes de la volonté d'un client empêchent celui-ci de payer à temps ou de se conformer aux autres exigences, ou encore lorsqu'il est incapable de payer. Un allégement est offert en pareilles circonstances afin d'alléger le fardeau pour les clients qui veulent se conformer aux exigences mais qui en sont incapables sans que ce soit de leur faute.

Il y a aussi le processus d'opposition pour les clients qui ne sont toujours pas satisfaits après avoir discuté avec les représentants de leur bureau d'impôt. Ils pourraient produire un avis d'opposition auprès des fonctionnaires d'une autre direction de Revenu Canada qui s'occupe exclusivement des oppositions et des appels. Cela fait, un agent des appels effectuerait un examen impartial de l'affaire d'une façon amicale et, espérons-le, très courtoise, puis communiquerait avec le client pour discuter du problème.

Sauf pour les grandes sociétés, la perception de l'impôt sur le revenu contesté peut être reportée jusqu'à 90 jours après l'envoi par la poste de la décision du ministère. Le processus d'appel intervient quand les clients ne sont toujours pas satisfaits de la solution


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proposée à leur problème. Ils peuvent également interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt. Ce tribunal entend les appels selon deux procédures distinctes, une procédure informelle et une autre plus formelle.

Dans le cadre d'une nouvelle Commission canadienne du revenu, dont le ministre des Finances a annoncé la création dans son dernier exposé budgétaire, les fonctionnaires de l'impôt auront encore plus de souplesse administrative et financière pour s'occuper de ces problèmes.

Je suis d'avis que le fait d'établir un autre niveau de bureaucratie en créant la fonction de protecteur du contribuable serait un pas en arrière, compte tenu des coûts, de la complexité et du personnel en cause. Une telle mesure réduirait l'intérêt du ministère à régler les problèmes de façon rapide et efficace, comme c'est le cas aujourd'hui.

(1820)

Par conséquent, je ne peux appuyer le projet de loi du député. Cela dit, je comprends que la démarche de celui-ci est guidée par des motifs honnêtes et par de bonnes intentions, et je tiens à le remercier pour l'énergie et le dévouement dont il a fait preuve.

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-215, Loi portant nomination d'un protecteur du contribuable et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin de garantir certains droits aux contribuables. Ce débat tombe à point nommé, car des millions de contribuables sont en train de travailler fiévreusement pour produire leur déclaration avant minuit.

Notre collègue de Durham a consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'étude de cette question, dans l'intérêt des simples citoyens, des contribuables ordinaires.

Ces deux derniers jours, nous avons discuté des droits des victimes et des droits des homosexuels, mais ce soir, je veux parler des droits de tout le monde, des droits des contribuables.

Je reçois chaque semaine des douzaines de lettres d'électeurs qui me disent qu'ils n'ont aucun droit face à Revenu Canada. Ils n'arrivent pas à protéger leur revenu et leurs biens de Revenu Canada. La déclaration des droits du contribuable contenue dans le projet de loi C-215 se fonde en partie sur les droits que le Sénat américain a accordés aux contribuables des États-Unis en 1988. Ils se sentent souvent intimidés par la bureaucratie les tactiques de collecte de Revenu Canada.

En comptant les particuliers, les sociétés, les importateurs et les exportateurs, les petites et les moyennes entreprises, Revenu Canada set près de 140 millions de clients. En 1996-1997, Revenu Canada traitera 23,1 millions de déclarations de revenu, 36,6 millions de prestations fiscales pour enfant et 32,4 millions de crédits pour la TPS. Revenu Canada a vérifié les déclarations de plus de 70 000 personnes et sociétés en 1994-1995. Compte tenu d'un mandat aussi énorme, ce ministère doit rendre beaucoup plus de comptes aux contribuables canadiens. Le projet de loi C-215 y veillera.

Ce projet de loi va permettre de promulguer la déclaration des droits des contribuables. Nous avons déjà une déclaration des droits des contribuables, mais elle consiste en une page et huit paragraphes de notions d'une imprécision absolue.

La déclaration des droits du contribuable que propose le député de Durham permettra à Revenu Canada de conclure des conventions sur le paiement par versement et limitera le droit du ministère de répudier de telles conventions.

Le projet de loi garantira une certaine stabilité aux contribuables. De grandes modifications ne pourront être apportées au régime fiscal qu'une fois tous les dix ans. Par ailleurs, chaque changement apporté au régime fiscal ne pourra toucher plus de 1 p. 100 des contribuables, tandis que tous les changements apportés au cours d'une année ne pourront toucher plus de 3 p. 100 de l'ensemble des contribuables. Les contribuables seront aussi protégés contre les mesures à effet rétroactif.

La déclaration des droits du contribuable créera le poste de protecteur du contribuable. Le protecteur agira en tant qu'intermé-diaire entre les contribuables et Revenu Canada pour régler les différends et faire respecter la loi. Comme certains l'ont fait remarquer un peu plus tôt, il se peut que la nomination d'un protecteur ne puisse être intégrée dans la déclaration des droits du contribuable, parce qu'elle entraîne la création d'un niveau bureaucratique et des coûts supplémentaires.

Toutefois, j'agis actuellement comme protecteur des contribuables de la circonscription de Cumberland-Colchester. Je rencontre à mon bureau tellement de gens qui ont des démêlés avec Revenu Canada. J'interviens en leur nom, j'envoie des lettres, je fais des appels téléphoniques, je me présente à la cour d'appel. Je remplis les fonctions de protecteur du contribuable. Est-ce là un rôle qui revient aux députés? Peut-être, mais il existe sûrement une meilleure façon de faire les choses au sein de notre société, avec un ministère aussi grand que Revenu Canada et un régime fiscal où il faudra mettre davantage l'accent sur l'obligation de rendre des comptes.

Lorsqu'il est clair que la mise en application d'un règlement entraînera la faillite, le protecteur du contribuable pourrait négocier une entente de remboursement par versements échelonnés en tenant compte de l'évaluation du montant des actifs restants. Le protecteur du contribuable serait tenu de produire un rapport annuel et de le présenter à la Chambre des communes et au Sénat.

Beaucoup de pays ont un tel protecteur du contribuable. Le Royaume-Uni en a un depuis 1974 et le système a remporté un grand succès. Entre 1974 et mars 1987, la commission anglaise a reçu plus de 30 000 plaintes admissibles et la commission galloise plus de 2 500.

(1825)

Je crois que le projet de loi est une bonne chose pour les contribuables du Canada, sinon je ne serais pas ici à en parler ce soir. Les contribuables ont le droit d'être traités avec respect et de connaître leurs droits.

J'espère que tous les députés étudieront sérieusement le projet de loi et qu'ils l'appuieront, pas ce soir, mais au moment opportun, car

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le député de Calgary-Centre a proposé que tous les partis à la Chambre présentent collectivement un projet de loi d'initiative parlementaire pouvant faire l'objet d'un vote, et pouvant être adopté.

C'est impératif pour les citoyens du Canada. Avec le taux d'imposition que nous avons au Canada, les bureaucrates devraient être tenus de rendre des comptes plus serrés. Nous, les députés, devons agir rapidement pour offrir aux Canadiens une déclaration des droits qui leur donne le sentiment d'être respectés, d'être traités équitablement et d'avoir un droit d'appel, et qui mettrait en place les nombreux mécanismes que, aux États-Unis, le projet de loi du Sénat a créés. Je crois que l'on pourrait transposer ici le modèle américain en l'adaptant.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, compte tenu du temps dont nous disposons, je serai bref. Je tiens à dire que je suis très heureux de participer aujourd'hui au débat sur l'initiative parlementaire visant à améliorer les droits des contribuables. Même si j'aimerais bien appuyer ce projet de loi, je ne puis le faire parce qu'il ne constitue pas, à mon avis, une bonne mesure d'intérêt public.

Qui peut contester les principes généraux qui sont énoncés dans le projet de loi et qui visent les droits des contribuables dans leurs rapports avec Revenu Canada? À l'instar du député qui a présenté le projet de loi, je suis moi aussi comptable agréé. Je pense comprendre certains des défis et problèmes liés à la législation et à l'administration fiscales. Je suppose que mon expérience de travail à titre de comptable agréé aux Bermudes, un paradis fiscal connu, a peut-être influencé ce que je pense du projet de loi.

Tous les contribuables ont parfaitement le droit d'être traités équitablement et avec courtoisie lorsqu'ils font affaire avec Revenu Canada, que ce soit pour demander des renseignements, pour organiser une vérification ou une entrevue ou pour une autre raison. Cependant, combien de Canadiens appuieraient la création d'un nouvel organisme fédéral en cette période de compressions financières, à plus forte raison quand la déclaration canadienne des droits du contribuable et d'autres mécanismes offrent déjà des solutions à cet égard, comme l'a expliqué la députée de London-Ouest?

[Français]

Le ministère a été une des premières organisations à informer les contribuables de leurs droits en élaborant la déclaration des droits des contribuables qui a été publiée en 1985.

[Traduction]

Je n'entrerai pas dans les détails de la déclaration des droits des contribuables; toutefois, cette déclaration comprend des choses comme le droit d'être présumé honnête jusqu'à preuve du contraire, le droit d'en appeler d'une décision, le droit à la protection de la vie privée et à la confidentialité et le droit à un examen impartial. On compte aussi des dispositions moins rigoureuses dans la déclaration des contribuables, comme le droit à un traitement courtois et attentionné, le droit d'être servi dans la langue officielle de son choix, le droit à l'application impartiale de la loi et le droit à des renseignements complets et exacts sur la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Français]

Ces droits aident à créer un équilibre entre la légalité et la pratique. C'est une partie importante des services à la clientèle adoptés par plusieurs institutions privées et publiques.

[Traduction]

Le Canada devrait être fier de sa déclaration des droits du contribuable. On m'a dit que, depuis la présentation de cette déclaration, en 1985, de nombreuses autres administrations avaient communiqué avec Revenu Canada pour élaborer leur propre déclaration.

La création d'un poste de protecteur du contribuable transférerait la responsabilité relative aux droits des contribuables de l'administration et ses employés à un agent extérieur. Quel serait l'effet de cette mesure sur les contribuables respectueux de la loi? Ceux qui paient leur juste part d'impôt y verraient-ils une protection supplémentaire pour ceux qui échappent à l'impôt et, par le fait même, font porter un fardeau injuste aux membres de notre société qui font leur part?

Je comprends et je respecte les préoccupations du député de Durham, mais je crois que, avec la déclaration des droits du contribuable et les autres mesures que le ministère prend pour assurer des services de qualité, nou savons réussi à atteindre le juste équilibre entre les droits des contribuables et les droits des administrateurs fiscaux au Canada. C'est pourquoi je voterai contre le projet de loi C-215.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant que nous ne commencions le débat sur cette mesure d'initiative parlementaire, le motionnaire, le député de Durham, a demandé s'il pourrait avoir deux minutes en vertu de droit de réponse. Je veux que la Chambre comprenne que personne ne prendra la parole après le député. Son intervention mettra fin au débat, et il n'aura pas plus de deux minutes pour répondre.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, nous avons entendu des points de vue très variés. Je remercie ceux qui ont participé au débat. Ce fut très utile. Nous devrions tenir plus souvent des débats de ce genre au Canada.

Cette question touche à peu près tout le monde au Canada. Notre pays compte 13 millions de contribuables. En un sens, et aussi étrange que cela puisse paraître, cette question unit les Canadiens. Beaucoup de gens sont aux prises avec leur déclaration d'impôt sur le revenu ce soir. Cette question nous unit dans la mesure où personne n'y échappe.

Nous avons parlé de toutes les raisons pour lesquelles on ne peut pas avoir de protecteur du contribuable. Les raisons sont nombreuses. Je puis montrer ce livre très intéressant à la Chambre. Il dresse l'historique de l'impôt et de l'administration de la fiscalité depuis l'Égypte ancienne jusqu'à nos jours. Tous les gouvernements ont dit la même chose, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas faire cela, que nous ne pouvons pas soumettre César.

2173

Le fait est que nous le pouvons. Il est très important que nous le fassions, si nous voulons que Revenu Canada et nos organismes de recouvrement de l'impôt imposent le respect. C'est un processus qui rassure les gens.

Aujourd'hui, ce processus n'existe pas. Après avoir dit tout ce que nous pourrions faire pour améliorer le système, pourquoi n'avons-nous rien fait? Comme je l'ai dit, dans une affaire d'impôt, la Cour suprême du Canada a dû demander aux deux parties d'avoir un entretien. Quelque chose ne va pas dans le système.

La plupart des gens à Revenu Canada font leur travail avec diligence et respect. J'ai rencontré bon nombre de ces gens au cour de ma carrière. Je trouve que ce sont des gens qui, en général, travaillent dur, qui ont le souci de leur travail et qui veulent donner à la communauté une image juste et honnête du ministère. Mais le système est aussi fait d'autres gens. Nous sommes tous des êtres humains et nous faisons des erreurs. Quand on fait des erreurs de la sorte, il arrive qu'on fasse marche arrière et qu'on dise que cela ne s'est jamais produit.

Au nom de ceux qui remplissent leur déclaration de revenus ce soir, je termine en disant que nous avons besoin d'un processus qui leur donnerait plus confiance dans le système.

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie tous les députés qui ont participé au débat et, en particulier, le député de Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, qui s'est levé à plusieurs reprises pour tenter d'attirer mon attention. En fait, il y est parvenu, et je le remercie de sa patience.

L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée, et l'article est rayé du Feuilleton.

Comme il est 18 h 33, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 33.)