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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 16 octobre 1998

• 1728

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous en cette fin de journée.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui les représentants du groupe The-Cooperators, de Fluke Transport Limited et Fox 40 International Inc., du groupe Hogan, de la Toronto Small Business Support Organization et de la Yonge Street Mall Business Association, ainsi que de Trimark Investment Management Inc.

Nous allons d'abord entendre M. Frank Lowery, vice-président du groupe The Co-operators.

Soyez le bienvenu.

M. Frank Lowery (vice-président, avocat général et secrétaire, The Co-operators Group Limited): Merci beaucoup, monsieur le président.

En réalité, je vais faire appel à Mme Dona Stewardson, qui fait partie de notre bureau de direction pour l'Ontario. C'est M. Maurice Campeau qui était censé faire l'exposé, mais en raison des changements apportés au programme des travaux du comité, nous allons devoir commencer sans lui, car il est encore en route depuis Calgary. Nous espérons qu'il se joindra à nous au cours cette séance, mais Dona est amplement en mesure de se charger de l'exposé.

Le président: Merci.

Mme Dona Stewardson (directrice, région de l'Ontario, The Co-operators Group of Companies): Merci beaucoup.

• 1730

Nous tenons d'abord à remercier le comité de prendre le temps de nous écouter. Comme on vous l'a déjà expliqué, c'est M. Campeau qui était censé vous faire cet exposé, mais nous sommes très souples. Je fais partie du bureau de direction du groupe The Co-operators à titre de représentante de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, et je suis membre du groupe The Co-operators dans la région de l'Ontario.

De la direction de notre organisation, je vous présente M. Frank Lowery, qui s'est joint à nous aujourd'hui; il est notre conseiller juridique et notre secrétaire général. M. Lorne Motton, le vice-président aux finances de notre plus importante société d'assurances, la Co-operators General Insurance Company, ainsi que Mme Laura Gregson, la directrice des relations d'entreprise pour toutes les sociétés faisant partie du groupe The Co-operators, sont également avec nous.

Vous avez tous reçu, je l'espère, ce livre bleu, qui contient notre réponse au rapport du Groupe de travail. Notre mémoire du 31 octobre 1997 est également au nombre des documents qu'on est censé vous avoir fait parvenir, de même que l'énoncé de nos principes coopératifs et l'organigramme de notre société, ainsi qu'une liste de tous les membres actionnaires de notre groupe, liste qui se trouve à l'endos du livre en question.

L'organigramme du groupe The Co-operators, comme nous l'avons mentionné plus tôt, montre que notre organisation comprend en réalité trois groupes distincts de sociétés.

Naturellement, le premier de ces groupes est The Co-operators Group Limited, notre société mère. Il s'agit d'une société qui a été constituée aux termes de la Loi sur les associations coopératives du Canada. C'est une société coopérative qui appartient à 31 sociétaires, incluant pratiquement toutes les coopératives de crédit du Canada de même que de nombreuses autres coopératives et organisations qui souscrivent aux mêmes principes que nous, comme le Saskatchewan Wheat Pool et la Fédération de l'habitation coopérative du Canada. Ce nombre de sociétaires peut varier, l'adhésion à notre groupe étant ouverte et libre, comme c'est le cas dans toutes les coopératives.

Le deuxième groupe de sociétés est celui que nous représentons vraiment ici aujourd'hui, à savoir celui des institutions financières. Il s'agit essentiellement de sociétés d'assurances chapeautées par une société, la Co-operators Financial Services Ltd., qui a été constituée aux alentours de 1989 aux termes de la Loi sur les sociétés par actions en attendant son assujettissement à la nouvelle Loi sur les sociétés d'assurances, promulguée en 1992.

Cette société était alors censée être notre société mère aux fins de cette loi. La Co-operators General Insurance Company est notre plus importante société d'assurances. Il s'agit d'une société d'assurance multirisques et multidistribution qui se classe entre le troisième et le cinquième rang en importance parmi toutes les sociétés d'assurance multirisques au Canada. Son chiffre d'affaires représente environ 70 p. 100 du chiffre d'affaires total de l'ensemble des sociétés du groupe The Co-operators.

Le troisième groupe de sociétés est de moindre envergure mais n'est toutefois pas sans importance. Il est constitué d'organisations connexes, comme notre société de gestionnaires de portefeuilles de placement, la Co-operators Investment Counselling Limited. Les sociétés qui font partie de ce groupe sont sous le contrôle direct de la société mère. Mon exposé d'aujourd'hui ne portera pas sur ce groupe de sociétés.

Venons-en maintenant aux remarques générales que nous avons à formuler à propos du rapport du Groupe de travail MacKay.

Disons tout de suite que nous, du groupe The Co-operators, sommes généralement très heureux du rapport et de ses recommandations. En fait, nous en sommes plus que ravis. Nous sommes impressionnés par l'envergure, la profondeur, la vision et la culture entrepreneuriale qui caractérisent les recommandations de ce rapport.

Il va sans dire que comme participants actifs et importants du secteur coopératif, nous appuyons les recommandations qui proposent de permettre partout au Canada aux coopératives de crédit et à leurs centrales de former des institutions bancaires coopératives. D'ailleurs, nous entendons être beaucoup plus que des observateurs passifs dans une telle évolution si elle se matérialise. Nous tenons à contribuer de manière active, dynamique et intensive à la création d'un secteur bancaire communautaire de substitution au service des Canadiens. Nous y voyons un projet emballant qui mérite d'être appuyé.

Les recommandations relatives à la réforme du processus de réglementation, qui se traduiraient par la centralisation de ce processus auprès du BSIF, et à la redéfinition du mandat du BSIF vont toutes dans le sens des positions que nous avons adoptées à cet égard dans le passé. L'harmonisation, toujours difficile à réaliser au sein de notre fédération, constitue également un élément clé pour assurer que tous les joueurs se livrent une concurrence loyale.

La collectivité est au centre des préoccupations de notre organisation, et nous attachons une grande importance à la contribution à la vie communautaire. Comme coopérative, nous nous sommes senti un devoir envers la collectivité. On en trouvera l'illustration dans les nombreux projets méritoires que nous avons réalisés et dont nous pourrons peut-être parler un peu plus tard. Mais tout comme le souci pour la saine gestion a pris de l'importance aux yeux des organisations et des organismes de réglementation sur le plan de la prudence et de la sécurité, la contribution à la vie communautaire devrait occuper une place de choix dans nos préoccupations sociétales et dans notre perception de l'intérêt public. Il n'y a pas que les lacs et les arbres qui comptent; il y a aussi les gens.

Il nous apparaît également fondamental que la Commission ait reconnu l'importance de veiller à ce que certains segments du secteur financier soient largement sous contrôle de Canadiens. Notre société étant intégralement canadienne dans le secteur hautement compétitif de l'assurance multirisques, qui est dominé par des sociétés étrangères, nous sommes très conscients de cette nécessité. Nous ne croyons pas au protectionnisme, mais nous estimons vraiment qu'il serait dans l'intérêt public qu'on veille à assurer dans tous les secteurs une présence importante—voire majoritaire—de sociétés canadiennes ou sous contrôle canadien.

• 1735

Et gardons-nous d'oublier la technologie. En tant qu'entité réglementée, il nous est souvent arrivé d'avoir l'impression que les responsables de la réglementation sont en retard sur l'évolution de la technologie. En ce qui nous concerne, nous avons opté, il y a de cela quelques années, pour un service à guichet unique, en ce sens qu'un même agent, en une seule séance, peut pratiquement, grâce à l'ordinateur, interroger le client, lui offrir une police, en fixer le prix, et émettre la police. Nous nous intéressons également à l'Internet, nous nous rendons compte de son potentiel, et nous entendons nous en servir de manière dynamique aussitôt que nos progrès technologiques nous le permettront.

Nous avons été des chefs de file dans l'utilisation de techniques de vente directe et de vente par téléphone, et nous avons même vendu notre savoir-faire à cet égard à l'une des principales banques à charte canadiennes.

Mais terminons ici nos observations générales, et prenons maintenant un instant pour examiner quelques-unes des recommandations du rapport MacKay qui présentent un intérêt particulier pour nous, du groupe The Co-operators.

Dans le mémoire que nous avons soumis à la Commission MacKay en date du 31 octobre 1997, mémoire dont nous avons joint copie au texte du présent exposé et que notre président et notre directeur général ont défendu de vive voix auprès des membres de la Commission, le groupe The Co-operators se prononce sur un certain nombre de questions.

D'abord, en ce qui a trait à la façon dont les gens s'organisent en affaires, que ce soit dans le secteur des services financiers ou dans d'autres secteurs, nous avons fait valoir qu'on devrait considérer comme un droit la possibilité de s'organiser en coopérative.

Nous avons soutenu que les Canadiens devraient avoir le droit de s'organiser en affaires de la façon dont ils l'entendent. Autrement dit, s'ils veulent détenir ou contrôler une banque, une société d'assurances ou une société de prêt et de fiducie sur une base coopérative, ils devraient être en droit de le faire.

Naturellement, comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire au Groupe de travail, une telle société serait assujettie exactement aux mêmes règles et aux mêmes contrôles réglementaires que toute autre institution financière sur les plans de la prudence, de la gestion et de la solvabilité.

Les seules différences concernaient la propriété de la société, la façon dont elle est contrôlée—par exemple, démocratiquement sur la base des principes coopératifs—et la façon dont ses profits sont redistribués et dont elle se comporte dans la collectivité—encore là, sur la base des principes coopératifs, par exemple.

C'est précisément ce que proposent les recommandations 22 et 23 du rapport MacKay. La recommandation 22 dit ceci:

    La législation fédérale devrait permettre la constitution de banques coopératives et d'autres institutions financières dont la propriété et la régie seraient fondées sur les principes coopératifs.

La recommandation 23, quant à elle, est libellée ainsi:

    Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient prendre les mesures nécessaires, dans leurs sphères de compétence respectives et sous réserve uniquement de contraintes prudentielles, pour éliminer les obstacles législatifs et réglementaires à la croissance du secteur coopératif des services financiers.

Nous luttons pour la reconnaissance de ce principe depuis nombre d'années, aux niveaux tant fédéral que provincial. Jusqu'à maintenant, on semblait plutôt faire la sourde oreille à nos propositions, sous prétexte que les gens pouvaient s'organiser sur une base mutuelle, une structure qui, bien qu'elle ne soit pas totalement dissemblable à la structure coopérative, n'en comporte pas moins des différences importantes.

Les fondateurs des coopératives ont d'ailleurs envisagé la possibilité de faire de notre organisation une société mutuelle, mais, en dernière analyse, ils ont sciemment décidé de ne pas le faire, de crainte que l'organisation ne se retrouve sous le contrôle des gestionnaires plutôt que sous celui des assurés regroupés sur une base mutuelle.

Sans vouloir porter de jugement de valeur sur chaque cas, il nous est apparu que la récente tendance des importantes sociétés mutuelles canadiennes à se démutualiser est venue confirmer que cette crainte était fondée. D'ailleurs, dans le cas du groupe The Co-operators, on ne saurait trop insister sur le fait que cette initiative a été prise par le conseil d'administration, lui-même démocratiquement élu par les membres du groupe The Co-operators, nos propriétaires.

Bref, nous sommes ravis de voir que notre recommandation de permettre aux Canadiens de s'organiser sur une base coopérative dans le secteur financier a été appuyée, et nous vous exhortons fortement, vous les législateurs, à en faire autant.

La recommandation visant à prévoir, dans la législation fédérale régissant les institutions financières, une disposition qui stipulerait que toute institution financière ayant atteint une certaine envergure est tenue d'avoir au moins 35 p. 100 de ses actions participantes réparties dans le public présente à nos yeux un intérêt particulier. Le principe qui sous-tend cette recommandation semble être que plus une institution financière prend de l'importance, plus l'intérêt public commande qu'elle soit administrée autant que possible en toute indépendance sur les plans de la propriété, de la surveillance et de la gestion, ainsi qu'avec transparence et ouverture.

En ce qui touche les institutions financières coopératives et l'exigence de répartition des actions dans le public, nous appuyons ces objectifs d'intérêt public, mais nous avons également soutenu dans notre mémoire au Groupe de travail MacKay que les coopératives répondent par définition et intrinsèquement aux objectifs de large répartition du capital, à savoir l'indépendance des administrateurs par rapport aux gestionnaires et le souci du conseil d'administration de préserver les intérêts de tous les sociétaires ou actionnaires. Pour ces raisons, les institutions coopératives, quelle que soit leur taille, devraient être dispensées des exigences législatives concernant la répartition des actions dans le public.

• 1740

Le Groupe de travail a clairement reconnu la valeur de cet argument, ce qui l'a amené à formuler une proposition en ce sens, la recommandation 36 de son rapport. Nous vous pressons, comme législateurs, d'appuyer cette recommandation.

Comme vous pouvez le constater, sur les deux premières questions que nous avons soumises au Groupe de travail, nous avons gagné notre point, mais ces questions ne sont pas les seules qui nous préoccupent. Nous les avons soumises à titre de coopérateurs, en ayant à l'esprit les principes coopératifs, sachant que pratiquement aucune autre société que les coopératives de crédit partagent cette perspective. D'ailleurs, les coopératives de crédit et leurs centrales se sont attachées avant tout à préconiser la libéralisation des lois qui les concernent directement et se sont intéressées de près aux questions entourant le projet d'une banque communautaire.

Par conséquent, jetons maintenant un coup d'oeil sur quelques-unes des autres questions qui nous préoccupent.

Après avoir traité dans notre mémoire des deux questions que le groupe The Co-operators semblait juger les plus importantes sur le plan coopératif, nous avons abordé d'autres sujets liés à la protection du consommateur: la promotion de la concurrence; la vente au détail d'assurance par les banques; l'utilisation dans la vente de produits financiers de renseignements confidentiels concernant les clients; l'accès des institutions financières aux capitaux et aux liquidités; la rationalisation et l'harmonisation de la réglementation; le fardeau fiscal excessif imposé à l'industrie de l'assurance multirisques; et la nécessité d'améliorer aux niveaux secondaire et postsecondaire l'enseignement des connaissances liées au domaine de l'assurance.

La Commission s'est penchée sur un grand nombre de ces questions, et non seulement appuyons-nous la plupart des recommandations qu'elle a formulées à cet égard, mais nous y applaudissons. Nous nous réjouissons tout particulièrement de ce que la Commission ait mis l'accent sur l'esprit d'entreprise et sur l'encouragement à la venue de nouveaux participants et l'avènement d'une plus grande concurrence sur certains marchés.

Nous souscrivons également aux propositions de changements propres à rendre le BSIF plus convivial et plus sensible. Le BSIF ne devrait pas être seulement un lieu de réception des plaintes et d'évaluation de la solvabilité. Il devrait chercher à concilier le souci d'encourager la concurrence et l'innovation avec sa responsabilité de veiller à assurer la «stabilité et la solidité financières» des institutions.

Nous appuyons en outre entièrement les observations et recommandations de la Commission concernant la fiscalité. Dans l'industrie de l'assurance multirisques, en raison du fait que nous sommes frappés par l'impôt de diverses manières et à divers niveaux, nous nous sommes vu imposer un fardeau fiscal démesurément élevé par rapport aux autres institutions financières. Compte tenu de la variabilité, et parfois de la volatilité, de notre marché, et compte tenu du rôle crucial que nous jouons lorsque surviennent des événements catastrophiques ou des sinistres d'envergure, comme la tempête de verglas dans l'est de lÂOntario et au Québec cette année, il est injustifié qu'on fasse courir des risques indus à nos sociétés et à nos clients en raison d'un fardeau fiscal manifestement inéquitable.

Jusqu'ici, mes remarques ont porté sur ce que nous aimons dans le rapport MacKay, mais on y trouve également quelques recommandations qu'à notre avis vous devriez, comme législateurs ayant pour devoir d'agir dans l'intérêt public, examiner de plus près. D'ailleurs, même si vous convenez de les traduire par des mesures législatives, vous vous devez de le faire avec beaucoup de réflexion et de soin, en vous assurant de tenir compte de tous les intérêts divergents et pertinents et de tous les aspects en cause.

Voici certaines recommandations qui méritent qu'on y réfléchisse sérieusement.

À nos yeux, la première, et manifestement la plus importante, concerne la vente au détail d'assurance par l'intermédiaire des succursales bancaires et l'utilisation à cette fin de renseignements confidentiels concernant les déposants—l'interdistribution ou les ventes liées, comme les désigne le Groupe de travail. Le Bureau d'assurance du Canada, notre association dans le domaine du commerce de l'assurance, s'est clairement élevé contre cette recommandation. Nous appuyons sa position à cet égard.

En ce qui touche la vente au détail d'assurance dans les succursales bancaires et l'utilisation à cette fin des renseignements confidentiels concernant les clients de banques, la Commission a recommandé que, sous réserve de certaines règles de transition, ces deux pratiques soient permises. La Commission nous a semblé invoquer comme argument que les avantages que présenterait pour le consommateur le fait d'avoir accès à un plus large éventail de produits et de fournisseurs l'emportent sur les autres considérations.

À notre sens, tel n'est absolument pas le cas à l'heure actuelle. Peut-être qu'un jour les banques auront ou devraient avoir le droit de vendre de l'assurance directement, et, bien sincèrement, nous, du groupe The Co-operators, ne sommes pas foncièrement opposés à cette évolution. Je sais bien qu'on ne s'attend normalement pas à ce qu'une société d'assurances adopte cette position, mais je suis convaincue que nous sommes en mesure d'affronter la concurrence—nous l'avons d'ailleurs fait dans le passé—des sociétés d'assurances détenues par des banques, pourvu que nous soyons traités sur un pied d'égalité.

Récemment, le comité de direction de notre conseil d'administration a visité un certain nombre d'institutions européennes, y compris la Rabobank dont il est question dans le rapport de la Commission, qui sont directement engagées dans la vente d'assurance dans les succursales bancaires. Dans ces cas, il semble que cette pratique fonctionne bien et est généralement très bien accueillie par les clients.

Nous-mêmes, du groupe The Co-operators, participons depuis nombre d'années à une coentreprise qui nous amène à vendre nos produits d'assurance dans les coopératives de crédit. Cette façon de commercialiser nos produits nous est donc familière.

Toutefois, ce qui pose problème dans le cas des banques, ce n'est pas tellement ce qu'elles feront dans l'avenir, mais les privilèges dont elles ont bénéficié dans le passé et les effets qu'auraient ces avantages sur le marché en ce qui a trait à la concurrence si jamais on leur conférait ces pouvoirs. Nous avons déjà eu l'occasion de voir à quel point ces avantages ont facilité les prises de contrôle par les banques dans le secteur des sociétés de prêt et de fiducie et dans celui des valeurs mobilières.

Le Groupe de travail cherche à régler ce problème en imposant un contrôle plus rigoureux sur les ventes liées. Il mentionne qu'il a été surpris des résultats d'un sondage qu'il a effectué et qui indique que 16 p. 100 des répondants ont le sentiment que la vente par une banque d'un produit financier donné est liée à la vente d'un autre produit.

• 1745

Voilà qui n'a rien pour nous étonner. En réalité, ce qui nous étonne, c'est plutôt que cette proportion soit si faible. Par exemple, il semble qu'il ne soit pas rare qu'une banque, lorsqu'elle refinance un prêt hypothécaire, fasse signer par son client des documents donnant droit à la banque de solliciter le client ou de lui procurer de l'information sur tout autre produit qu'elle pourrait avoir à lui offrir. Nous avons le sentiment que la plupart des consommateurs ne se rendent même pas compte de ce à quoi ils consentent en signant ces documents, même lorsqu'ils les lisent.

Je sais pertinemment que l'un de mes collègues de l'équipe de gestion qui m'accompagne aujourd'hui a précisément vécu cette expérience au moment de renouveler une hypothèque auprès d'une des cinq grandes banques canadiennes. Quand il a demandé qu'on biffe la clause irritante, le préposé aux prêts lui a expliqué qu'aucun changement ne pouvait être apporté au formulaire, qu'il devait le signer tel quel, du moins s'il voulait obtenir le prêt hypothécaire. Mon collègue connaissant bien ce domaine, il comprenait la signification de ce qui était dit et fait, mais ce n'est pas le cas de la plupart des consommateurs. C'est peut-être d'ailleurs ce qui explique le faible niveau de compréhension de cette question dans la population. Les gens ne sont souvent même pas conscients qu'ils font alors l'objet d'une pratique d'interdistribution.

Dans le passé, les banques canadiennes ont été protégées de multiples façons. Vous devez avoir eu maintes fois l'occasion, au comité ou au Parlement, de vous faire expliquer ces privilèges. Ces avantages concurrentiels, appuyés par l'État, sont à l'origine de la très grande solidité du secteur bancaire et de ses institutions fortement capitalisées, qui disposent de pouvoirs de levier incomparablement plus puissants que les autres institutions financières. À la longue, les banques en sont en outre venues à colliger des dossiers de renseignements personnels sur de nombreux Canadiens; il paraîtrait que, d'après certains estimés, environ 14 millions de Canadiens auraient fait l'objet de tels dossiers.

Selon nous—et nous reconnaissons que nous n'avons pas de base statistique pour appuyer nos dires à cet égard—, il ne serait pas étonnant que pratiquement tous les adultes canadiens figurent dans une banque de données bancaires, du seul fait qu'ils possèdent une carte de crédit, qu'ils ont obtenu un prêt étudiant, qu'ils ont contracté une hypothèque, qu'on leur a accordé un prêt pour l'achat d'une automobile, ou encore qu'ils ont obtenu un autre type de financement ou d'emprunt. Il s'agit là d'une importante source d'information et d'un outil de commercialisation formidable auxquels les banques ont accès facilement et à faible coût. En tant que politiciens, vous connaissez mieux que nous à quel point une liste fiable peut se révéler précieuse pour recruter des membres, pour recueillir des fonds ou à d'autres fins. Les listes dont il est question ici sont des plus utiles.

Si vous entendez conférer aux banques le droit de vendre au détail de l'assurance dans leurs succursales et de se servir à cette fin des renseignements confidentiels qu'elles ont recueillis sur leurs clients, nous vous recommandons de ne pas vous en tenir à restreindre les ventes liées et la vente à pression. Avant même de donner aux banques de nouveaux pouvoirs, on devrait y regarder de très près et probablement même mener des expériences pilotes pour mesurer l'effet éventuel de telles mesures.

Par exemple, dans le cas des services bancaires courants, comme les prêts ou les hypothèques ordinaires, peut-être devrait-on interdire carrément les ventes liées qui se concluent au moment de la négociation ou de l'acceptation du prêt, de même que toute promotion en vue d'en arriver à la conclusion de ventes liées.

On pourrait toutefois prévoir, par exemple, que deux semaines après la conclusion de la transaction et le financement de l'hypothèque, la banque puisse écrire à son client pour lui offrir un autre produit. On devrait alors obliger la banque à divulguer dans cette missive les liens qu'elle a avec d'autres fournisseurs, de même que les mécanismes d'indemnisation dont dispose chacun d'eux. Le client aurait alors la possibilité, sans subir aucune pression, de choisir vraiment librement.

Si jamais les banques se voient conférer de tels droits, bien que nous ne le souhaitions pas, il faudrait alors qu'on fasse davantage pour protéger les consommateurs et, ce qui est non moins important, pour favoriser ou maintenir la concurrence et le choix du consommateur dans divers secteurs.

Laissons là ce sujet pour aborder maintenant brièvement une autre recommandation qui, selon nous, devrait être remise en question: la rationalisation des systèmes d'assurance-dépôts et d'indemnisation et la recommandation d'étendre aux sociétés d'assurance-vie l'application du système canadien d'assurance-dépôts et du régime d'indemnisation afin de protéger les détenteurs de polices d'assurance-vie en cas de faillite de l'assureur.

Nous appuyons cette recommandation, car nous estimons que cela fait des années que les banques profitent à cet égard d'un privilège important et ferme qui leur a été conféré par l'État.

Toutefois, nous constatons qu'on ne fait nullement mention dans cette recommandation du régime d'indemnisation des sociétés d'assurance multirisques, la SIAG.

Nous ne sommes pas certains si cette omission a été délibérée ou a résulté d'une erreur. Quoi qu'il en soit, nous vous pressons, comme législateurs, de revoir cette recommandation attentivement et, au cas où elle serait appliquée, de veiller à y inclure la SIAG. Le secteur de l'assurance multirisques est distinct des autres secteurs financiers. Les divers organismes chargés de revoir le secteur des services financiers l'ont récemment reconnu à Ottawa.

Dans son rapport, le Groupe de travail MacKay lui-même fait observer que:

    À la différence des autres composantes du secteur financier, l'industrie de l'assurance multirisques ne joue pas un rôle d'intermédiation; elle assume plutôt une fonction essentielle de répartition et d'absorption du risque.

• 1750

Ce qu'il ne fait pas observer, c'est que cette industrie, à la différence de tous les autres services financiers, répartit et absorbe des risques qui, en l'absence de cette industrie, seraient probablement forcément assumés par le gouvernement. On n'a qu'à observer ce qui se passe chez nos voisins du Sud lorsque le gouvernement y déclare des zones sinistrées de façon à ce que les habitants de ces zones puissent être admissibles à une aide fédérale supplémentaire. D'ailleurs, je vous le rappelle, les tempêtes de verglas qui sont survenus au Canada et l'inondation de Winnipeg sont des exemples de cas où le gouvernement a dû intervenir.

Le régime des assurances multirisques constitue pour le gouvernement sa première ligne de défense en cas d'événement catastrophique. Nous sommes respectueusement d'avis que le gouvernement a grandement intérêt à s'assurer que la SIAG est en mesure de respecter ses engagements, et qu'en plus de la SIAG, l'ensemble du secteur canadien de l'assurance multirisques l'est aussi. On sait très bien que si jamais la SIAG était incapable de faire face à un événement vraiment catastrophique, comme le tremblement de terre de Kobe ou un ouragan du type Andrew, un grand nombre, sinon la majorité, des sociétés d'assurance multirisques seraient acculées à la faillite. Or, dans des circonstances aussi extrêmes, c'est au gouvernement qu'il incomberait de payer la note.

Pour ces raisons, nous croyons que le gouvernement, en examinant les recommandations du rapport MacKay, devrait profiter de sa révision des régimes d'indemnisation pour inclure la SIAG.

Nous nous en tiendrons pour le moment à ces observations. Nous pourrions continuer d'aborder point par point chacune des recommandations, mais tel n'est pas notre objectif pour aujourd'hui. Notre but était de vous faire savoir que nous appuyons la plupart des recommandations du rapport MacKay, mais aussi d'inviter votre comité à la prudence dans sa façon de traiter plusieurs de ces recommandations.

Nous avons résumé ces recommandations à l'endos du document que nous vous avons remis, ce qui vous en facilitera l'examen. Non seulement sommes-nous un guichet unique, mais nous offrons une liste de recommandations tenant sur une page unique!

Comme je l'ai signalé dès le départ, nous sommes ravis de ce rapport, et nous espérons que vous, les législateurs, aurez ses recommandations à coeur. Les recommandations relatives à la contribution à la vie communautaire présentent pour nous un intérêt tout particulier, parce qu'elles proposent beaucoup de choses qui reflètent nos valeurs personnelles et coopératives et que, de ce fait, nous mettons déjà en pratique.

Si vous avez des questions, nous serons heureux d'y répondre.

Par ailleurs, je tiens à vous présenter notre collègue, M. Maurice Campeau, qui nous arrive tout juste de Calgary.

Le président: Bienvenue. Mme Stewardson a lu fidèlement le texte que vous étiez censé nous présenter.

M. Maurice Campeau (directeur, région de l'Alberta, et deuxième vice-président, The Co-operators Group of Companies): Parfait.

Le président: Nous allons maintenant passer au prochain exposé, celui du représentant du groupe de transport Fluke et de Fox 40 International Inc.

Soyez le bienvenu, monsieur Ron Foxcroft.

M. Ron Foxcroft (président, Fox 40 International Inc., Fluke Transport Limited et Hamilton Terminals Incorporated): Merci beaucoup. J'ai fait remettre à titre gracieux à tous les membres du comité un sifflet Fox 40...

Des voix: Oh!

M. Ron Foxcroft: ...qui vaut 6 $ au détail. N'hésitez donc pas à vous en servir si je dépasse le temps qui m'est alloué.

Merci de cette occasion que vous me donnez d'entretenir le comité de la question dont vous parlez: les fusions bancaires.

Je suis un propriétaire d'entreprise et un entrepreneur ayant son siège à Hamilton, en Ontario. Le dictionnaire définit un entrepreneur comme une personne qui dirige une entreprise à ses propres risques financiers. Dans l'économie d'aujourd'hui, où les sociétés comme la mienne doivent se tailler une place sur le marché mondial, il est difficile de fonctionner comme un entrepreneur. Il nous faut disposer de nombreux services et d'importantes ressources.

J'ai été président de la Chambre de commerce de Hamilton, et j'ai été actif au sein de plusieurs organismes nationaux et internationaux. Ce qu'on me demande le plus souvent, c'est comment je fonctionne au niveau international et de quelles ressources j'ai besoin.

Je suis propriétaire exploitant de trois sociétés, dont Fluke Transport, une société de camionnage qui existe depuis soixante-dix-huit ans. Notre slogan est: «Pour l'avoir à temps, faites appel à Fluke».

Des voix: Oh!

M. Ron Foxcroft: Il faut avoir drôlement confiance dans son entreprise pour adopter un tel slogan.

Je suis également propriétaire de Hamilton Terminals, qui dispose d'au-delà de 400 000 pieds carrés d'aires d'entreposage climatisées.

Ces deux sociétés exercent leurs activités sur les marchés du Sud de l'Ontario et des États du Nord des États-Unis. C'est un secteur hautement concurrentiel, mais nos relations bancaires ne sont pas compliquées. La Banque de Montréal, ma banque, connaît bien et comprend mes affaires, et nous entretenons d'excellentes relations.

Ma troisième entreprise est Fox 40 International. Elle fabrique 40 000 sifflets par jour, qu'elle écoule dans 126 pays. Fox distribue le sifflet sans roulette le plus perfectionné et le plus vendu au monde, un sifflet que j'ai moi-même inventé.

Ensemble, mes trois sociétés procurent de l'emploi à 200 personnes et recourent à 1 000 agents et distributeurs dans 126 pays.

• 1755

Quand j'ai débuté en affaires, j'étais client de la Continental Bank of Canada, qui est devenue plus tard, la Lloyds, laquelle a vendu par la suite sa filiale canadienne à la Hongkong Bank of Canada. J'ai alors transféré mon compte à la Banque de Montréal, car celle-ci offrait davantage de services et disposait des ressources qu'il me fallait. Je suis client de la Banque de Montréal depuis 10 ans. Cette banque a contribué à la croissance et à l'expansion de mon entreprise.

Mon attitude n'est pas différente de celle de la plupart des petits entrepreneurs canadiens: la franchise en tout temps, que ce soit avec mes clients ou avec la banque.

Quand j'ai inventé le sifflet Fox 40, j'étais vraiment un entrepreneur. La semaine dernière, j'ai été invité à l'émission Venture de la chaîne CBC, où j'ai expliqué aux téléspectateurs qu'à cause de la lenteur des procédures gouvernementales canadiennes, j'ai d'abord été forcé de vendre mon sifflet aux États-Unis, même si je l'avais inventé au Canada et s'il était fabriqué au Canada.

Je n'ai pas eu beaucoup de soutien les premières années—et je ne le méritais d'ailleurs probablement pas. Ce dont les nouvelles sociétés ont besoin, c'est de soutien. Les questions de R-D et de brevet revêtaient de l'importance, mais le problème clé était de trouver et de pénétrer un marché. C'est la demande et les pressions de la concurrence qui m'ont poussé à survivre. Je le répète, nous vendons aujourd'hui le Fox 40 dans 126 pays. Mes avocats, mes comptables et mes employés ont dû acquérir les compétences et les ressources voulues pour évoluer sur le marché mondial. Devrais-je m'attendre à moins de la part de ma banque?

La Banque de Montréal a pu m'offrir l'expérience et les ressources qu'il me fallait pour pénétrer et conquérir le marché international, mais maintenant que j'y suis solidement implanté, je suis régulièrement sollicité par des banques et des institutions financières étrangères plus importantes, qui offrent davantage de services et qui ont un rayonnement plus mondial.

J'ai été on ne peut plus satisfait des services que j'ai reçus de la Banque de Montréal, mais celle-ci aurait besoin qu'on la laisse prendre de l'expansion pour que nous puissions ensemble affronter la concurrence sur le marché international.

Je vais maintenant aborder la question de l'heure, dont je tiens d'ailleurs à vous parler, celle des fusions de banques. Si, comme pays, nous entendons encourager la venue des banques étrangères et permettre à ces dernières d'offrir leurs services au Canada, il va sans dire qu'il faudra donner à nos banques canadiennes le privilège de pouvoir offrir elles aussi des services qui puissent concurrencer ceux de ces banques et des institutions financières étrangères. S'il existait un autre moyen d'acquérir la taille et la force voulues pour affronter la concurrence, je suis sûr que les banques canadiennes l'auraient déjà utilisé.

La façon la plus rapide d'atteindre cet objectif, c'est de permettre aux banques canadiennes de fusionner pour pouvoir acquérir ce qu'on désigne parfois abusivement comme une «stature de classe mondiale». À mon sens, il serait dans l'intérêt national qu'au sortir de l'examen par les organismes gouvernementaux des questions de solidité, de stabilité, de compétitivité et de concentration, nous puissions nous doter d'une banque proprement canadienne qui soit à notre service tant au pays qu'à l'étranger.

Je ne puis cacher ma frustration à propos du temps qu'on met à prendre une décision sur ces questions. Bien sûr, je ne prétends pas connaître toute l'étendue de votre tâche. Je ne puis que me fonder sur ma propre expérience. Dans le domaine du camionnage, le souci d'être à temps pour la livraison est un aspect crucial. Les sociétés ne peuvent se permettre d'interrompre leurs activités parce que le camion n'arrive pas.

Je suis encore arbitre pour les joutes de basketball de la NCAA aux États-Unis. En réalité, j'ai travaillé lors de la toute première joute intercollégiale de Michael Jordan et j'ai arbitré la joute finale de basketball en vue de la médaille d'or olympique en 1976. Au basketball, je dois prendre des décisions instinctivement. Quand j'utilise mon sifflet, le jeu s'arrête, mais la partie se poursuit.

Les banques canadiennes doivent entrer dans le jeu. Dans ce genre de joute, c'est le gouvernement qui a le sifflet et qui peut établir les règles, mais rien ne se passera avant le début de la partie. Je vous presse de siffler le signal du départ.

En terminant, j'applaudis et je souscris aux recommandations du rapport MacKay qui tendent à favoriser la concurrence et à accroître la capacité des banques étrangères de se tailler une place sur le marché canadien. Ce qui me ravit le plus, c'est de constater qu'on songe à former de nouvelles petites institutions financières. Ces nouvelles banques, plus petites, devraient plaire aux particuliers qui sont clients des banques et les convaincre que si les grandes fusions projetées se réalisent, ils ne risqueront pas de se perdre pas dans les grandes banques, car ils auront accès à une solution de rechange.

• 1800

Le projet de la Banque de Montréal-Banque Royale de créer une nouvelle banque pour les petites entreprises est donc encourageant. L'idée d'avoir 2 500 gestionnaires de compte dévoués et prêts à offrir des services aux petites et moyennes entreprises est un pas dans la bonne direction.

J'incite respectueusement le comité à prendre le plus tôt possible une décision favorable à la fusion des grandes banques canadiennes. Que la joute commence. Servez-vous d'un sifflet pour contrôler le jeu, mais, de grâce, assurez-vous qu'il s'agit bien d'un sifflet de marque Fox 40 fabriqué au Canada.

Des voix: Oh!

M. Ron Foxcroft: Merci beaucoup du temps que vous m'avez alloué.

Le président: Merci pour le sifflet...

Des voix: Oh!

Le président: ...et merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant entendre le président du groupe Hogan, M. Michael Hogan.

Soyez le bienvenu.

M. Michael A. Hogan (président, The Hogan Group): Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis un expert-conseil international en assurances qui a 47 ans d'expérience dans le domaine. Je sais bien que mon visage ne le laisse pas voir...

Des voix: Oh!

M. Michael Hogan: J'ai passé le gros de ces années comme courtier international d'assurance, à l'emploi de maisons internationales de courtage d'assurance. Bref, cela veut dire que j'ai travaillé dans la plupart des grandes métropoles du monde.

Je me suis intéressé à ce groupe de travail avant même qu'il ne soit officiellement créé, étant donné qu'il se trouve que Baillie était à l'époque mon conseiller juridique d'entreprise. Dès le départ, j'ai fait en sorte que les membres du Groupe de travail se souviennent de moi—comme le fera M. MacKay—en critiquant sévèrement la composition du Groupe de travail, qui comprenait au début trois ou quatre directeurs de banques. Leur nombre a toutefois diminué par la suite.

J'ai dès lors eu le sentiment que les dés étaient pipés en faveur des banques. Que cette affirmation soit juste ou non, j'ai, quant à moi, la ferme conviction que les banques vont effectivement fusionner. En réalité d'ailleurs, si vous me permettez de me montrer terriblement cynique, j'ai le sentiment, pour avoir longtemps travaillé comme expert-conseil pour des ministères fédéraux et des sociétés d'État, que la décision a déjà été prise dans ce sens. Je prierais toutefois le comité de ne pas le prendre comme une insulte.

Par ailleurs, pour avoir lu très attentivement le rapport du Groupe de travail, il m'est apparu manifeste que j'avais drôlement perdu mon temps à soumettre un mémoire, moi qui croyais pouvoir orienter le Groupe de travail dans un sens qui n'a pas grand-chose à voir avec toutes ces «idioties» concernant les sociétés d'assurances et leur droit d'exister sans devoir affronter la concurrence des banques.

Je ne vois pas de problème à ce que les banques vendent de l'assurance. J'ai vu cela en Angleterre, je l'ai vu en France, ça se fait pratiquement partout dans le monde. Si vous êtes un concurrent suffisamment coriace, vous saurez résister aux assauts des banques.

J'ai également eu jusqu'à l'an dernier et durant sept ans le discutable privilège de m'occuper de régimes d'assurance bancaires. Tous les régimes d'assurance-déplacement nous passaient par les mains. Et si cela peut consoler un peu les membres du groupe The Co-operators, ce qui nous posait le plus de problèmes dans le traitement de ces régimes, c'étaient les efforts que déployaient les caissiers de banque pour résoudre les problèmes d'assurance-déplacement au guichet. Notre rôle consistait à démêler tout ce fouillis.

Le principal argument que j'ai invoqué dans mon rapport pour justifier qu'on offre aux banques une autre possibilité que celle de se lancer à fond de train dans le secteur des assurances, ce fut de recommander au gouvernement de nous faire emprunter la même voie qu'a choisie le gouvernement irlandais il y a environ 10 ans en établissant un centre financier international à Dublin, où j'ai eu et j'ai encore le privilège de travailler.

Ma contribution à ce centre financier international a porté sur la question des sociétés d'assurances captives. J'ignore si la notion de société d'assurances captive vous est familière. Je vais tenter de vous l'expliquer brièvement de mon mieux. Une société d'assurances captive est toujours une créature d'une importante société, habituellement internationale. Elle n'exige de la société mère qu'une contribution minimale sur le plan des capitaux et des excédents pour pouvoir obtenir une charte. Les sociétés d'assurances captives ont pour la plupart été créées hors-frontière. La dernière fois que j'ai moi-même constitué une société d'assurances captive, c'était dans les Antilles néerlandaises.

• 1805

Il y a sept ou huit ans, je me suis adressé à des représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique pour leur recommander de proposer un projet de loi sur les sociétés d'assurances captives et pour leur expliquer la façon de s'y prendre, et on est passé à l'action en 1987. Depuis lors, il s'est créé une vingtaine de sociétés d'assurances captives dans cette province. Ces sociétés s'emploient actuellement à inciter des sociétés des pays côtiers du Pacifique à leur transférer leurs opérations de Singapour et d'autres villes propices à l'établissement de sociétés captives.

Ma thèse, à laquelle je crois fermement et que j'ai proposée au maire de Toronto—dont je n'arrive jamais à me souvenir du nom—ainsi qu'au premier ministre Harris, c'est que Toronto devrait devenir un centre de création de sociétés d'assurances captives, qui serait toutefois assujetti à la législation fédérale. J'ai fait remettre au comité une copie de la loi pertinente de la Colombie-Britannique et j'ai signalé aux membres du comité qu'il s'agissait là d'un point de départ dont ils pourraient se servir pour proposer une loi favorisant cette possibilité.

L'avantage de la société captive est très simple. Les Irlandais ont été actifs au sein de l'UE bien avant les Britanniques. Ils ont attiré dans leur pays des sociétés captives. La société Volkswagen a été la première à créer une société captive à Dublin. D'autres sociétés européennes ont suivi, de même que des sociétés américaines et canadiennes, et le résultat en a été qu'une fois que ces sociétés sont devenues familières avec le contexte irlandais, elles ont également implanté des usines de fabrication et exercé d'autres activités en Irlande, dont l'économie est devenue aujourd'hui l'une des plus solides de toute l'Europe.

L'autre question que j'ai portée à l'attention du Groupe de travail est celle des sociétés d'assurances non agréées qui assurent des risques au Canada. Ces temps-ci, j'agis comme témoin expert-conseil dans deux poursuites judiciaires, l'une de 12 millions de dollars, et l'autre, de 100 000 $, où sont en cause des sociétés étrangères d'assurances qui détiennent une charte sans être agréées et qui ont assuré des risques. Ce que visent ces sociétés, c'est de vendre de l'assurance au Canada, et une fois qu'il y a réclamation, de simplement disparaître du paysage. Nous ne disposons d'aucun moyen de les surveiller. Aucun organisme réglementaire ne peut vérifier leurs états financiers, qui sont généralement falsifiés et très trompeurs pour les courtiers.

Si j'ai affirmé qu'on n'avait probablement pas tenu compte de mon rapport, c'est qu'à la page 99 du document d'information no 5, en parlant du Concordat sur les assurances, on fait observer que:

    Aucun établissement d'assurances étranger ne doit échapper à la surveillance des autorités.

    Tous les établissements d'assurances des groupes d'assurance internationaux et des assureurs internationaux doivent être assujettis à une surveillance efficace.

    Les consultations entre les autorités de contrôle du pays d'attache et des pays d'accueil doivent avoir lieu avant la création d'un établissement d'assurances transfrontières.

Ce que le Groupe de travail oublie, c'est qu'en aucune manière, on ne peut établir un contact avec ces sociétés d'assurances étrangères qui, de toute façon, sont considérées illégales par les diverses provinces. Mais le comble, c'est que tout courtier d'assurances peut traiter avec ces sociétés et assurer un risque américain auprès d'elles sans aucune intervention ou surveillance des organismes de réglementation fédéraux ou provinciaux. Cela fait maintenant 10 ans que j'essaie de faire comprendre cela aux organismes de réglementation provinciaux, mais c'est comme parler à un mur.

Je dois vous signaler que lorsque votre organisateur a tenté de me rejoindre, j'étais, comme d'habitude, en voyage. On m'appelait d'Ottawa et j'étais au travail à Ottawa. On m'a ensuite appelé de nouveau, justement comme j'arrivais de Dublin. Comme je me suis présenté ici sans trop savoir ce que j'y venais faire ni ce que j'étais censé apporter avec moi, je formule ces observations un peu à bâton rompu aujourd'hui. J'ai tout au plus eu le temps de jeter un coup d'oeil à certains de vos documents et aux miens.

Je vais maintenant résumer mon propos en me contentant de lire très rapidement pour vous un texte traitant de ce en quoi consiste une société d'assurances captive. C'est une industrie financière.

Et je lève mon chapeau à Ron Foxcroft pour avoir fait preuve de tant d'imagination.

Veuillez m'en croire, monsieur Foxcroft, que quand vous utilisez l'expression «pea-less», je me dis qu'à trois heures de la nuit, un tel truc pourrait se révéler fort utile à un vieillard de 72 ans.

Des voix: Oh!

• 1810

Une société d'assurances captive est une industrie financière, et j'insiste sur le mot «industrie». Je vais prendre Toronto comme exemple. Pour renforcer l'assise économique actuelle de Toronto et pour justifier la désignation de la ville de Toronto comme «centre financier en matière d'assurances», étant donné que la ville possède déjà l'infrastructure de soutien nécessaire—nous avons de nombreuses personnes d'expérience qui pourraient collaborer à cette industrie et qui travaillent déjà pour des sociétés captives à l'étranger—, le transfert de l'argent des sociétés d'assurances captives doit être considéré comme un transfert vers une zone sûre, compte tenu de l'ampleur du chaos politique et économique que connaissent d'autres régions du globe.

Et quand j'en parle comme d'une industrie, je veux parler d'une industrie qui joue non pas dans les millions, mais dans les milliards de dollars. Par exemple, si une raffinerie de pétrole était incendiée dans l'Ouest canadien, le coût du sinistre serait assumé par une société d'assurances captive qui pourrait fort bien avoir en réserve dans ses coffres 3 ou 5 billions de dollars. Pourquoi ne pas conserver cet argent à Toronto dans une banque canadienne?

Le concept devrait reposer sur une loi fédérale de façon à prévenir d'éventuels conflits avec les réglementations provinciales en matière d'assurance, notamment en ce qui a trait aux sociétés captives canadiennes. À mon sens, on devrait fuir comme la peste les organismes provinciaux de réglementation...

Des voix: Oh!

M. Michael Hogan: ...et s'en remettre aux autorités fédérales pour la réglementation de tout le processus.

Commencez par vous familiariser avec la procédure à suivre pour accorder des chartes de sociétés d'assurances captives et ne vous arrêtez pas aux présomptions qui hantent systématiquement l'esprit de certains responsables à Ottawa—je songe, par exemple, à M. Mazankowski qui, au début, n'arrivait pas à s'entrer ces choses dans la tête—qui pensent que ce genre de procédure comporte forcément des considérations fiscales. Elles ne sont pas nécessaires. Là où la société captive tire son avantage financier, c'est dans le fait qu'elle n'a à répondre qu'à des exigences minimales sur le plan de la capitalisation et des réserves à maintenir, qu'elle profite de l'élimination des commissions et des honoraires aux intermédiaires—les courtiers—et qu'elle peut traiter directement avec des réassureurs étrangers ou canadiens, ce qui lui permet d'éviter de verser aux réassureurs des commissions initiales et des commissions sur les profits. C'est ainsi qu'elle peut faire de l'argent.

Dites-vous qu'une société d'assurances captive n'est en fait qu'une forme particulière d'auto-assurance, qui permet à la société mère propriétaire—toutes les importantes sociétés canadiennes ont une société captive, Alcan, Edper, Brascan, etc.—de réaliser un profit en faisant fructifier les sommes que représentent les primes qu'il lui aurait normalement fallu verser à des assureurs ordinaires. Dans bien des cas, ces mêmes assureurs peuvent être ramenés dans le paysage en tant que réassureurs ou comme assureurs de polices. Le secteur du courtage d'assurance ne souffre pas de la création de sociétés d'assurances captives, car ces sociétés captives sont rattachées à des sociétés d'une telle envergure que leurs besoins ne sauraient être satisfaits par la moyenne des courtiers. Le courtier moyen ne saurait être en mesure de mettre sur pied une société d'assurances captive, ce qu'il n'est d'ailleurs pas appelé à se voir demander.

Les sociétés multinationales qui créent des sociétés d'assurances captives le font en s'appuyant sur les millions de dollars qu'elles versent déjà en primes annuellement. En fait, on peut considérer qu'une société qui songe à créer une société captive a un bon point de départ si elle paie au moins cinq millions de dollars de primes annuellement. L'industrie bancaire internationale répond actuellement aux besoins d'environ 4 000 sociétés captives détentrices d'une charte dans des endroits qui offrent bien moins de commodités et de sécurité que pourrait en offrir, par exemple, la ville d'Etobicoke.

Au moment où j'ai rédigé ce rapport, les primes payées par les sociétés d'assurances captives représentaient une valeur de 15 milliards de dollars, sans compter les réserves que maintiennent ces sociétés, dont la valeur s'élève à des billions de dollars. Et ces réserves sont maintenues pour une bonne part dans le but de pouvoir régler les réclamations en cas de perte de biens ou de produits, ou de désastres environnementaux ou naturels.

Et pourquoi la ville de Toronto? Pourquoi pas?

J'aimerais terminer sur une note plutôt cynique à propos d'une remarque qu'a formulée lors la dernière séance un président de société d'assurances que je connais très bien. Je l'ai entendu plaisanter avec un membre du comité à la table d'honneur à propos d'une personne qui voulait fonder une société d'assurances, je crois, et qui n'avait pas réussi à obtenir des banques le financement dont elle avait besoin.

J'ai agi comme expert-conseil auprès d'une des grandes banques canadiennes—et je ne veux pas parler ici de petits joueurs—pour effectuer une étude préalable sur deux individus qui avaient soumis une demande de prêt de 20 millions de dollars pour créer une société d'assurances. Leur plan d'affaires était parfait, préparé par une importante société d'assurances agréée. Dans mon rapport sur l'étude préalable, j'ai recommandé à la banque de refuser le prêt parce que l'un des deux individus en question avait déjà roulé deux sociétés d'assurances dans les années 60; c'est la loi du talion.

• 1815

Donc, je sympathise avec les banques. En fait, je suis impressionné par la qualité de l'étude préalable qu'effectuent les banques avant d'accorder des prêts importants.

Dans une lettre de clôture à M. Cleghorn, j'ai laissé entendre qu'à mon avis, les présidents de toutes ces banques n'avaient qu'une chose à l'esprit, essayer de découvrir ce qu'ils tireront comme avantage si les fusions de banques se réalisent. Le président de ma maison de courtage internationale, celle pour laquelle j'ai travaillé pendant le gros de ma carrière, s'est retrouvé avec 63 millions de dollars en poche suite à la vente de sa société. J'ai dû me contenter de 5 000 $ ou de l'équivalent en 1970. Ce souvenir m'habite encore. Et je terminais ma lettre en affirmant que, selon moi, Flood, par exemple, remettra probablement son argent à la CIBC, étant donné que sa conscience le culpabilisera d'avoir consenti tant de mauvais prêts aux Reichmann.

Je ne sympathise pas avec les banques, mais d'un autre côté, je sympathise avec elles lorsque certaines personnes sont en cause.

Je termine ici mon petit traité. Si vous désirez en avoir le texte, mon rapport a été expédié à Ottawa; c'est là qu'il se trouve. Je vous ai fourni des articles que j'ai rédigés sur ce sujet, et d'autres que j'ai produits à propos des domaines où les banques n'osent pas s'immiscer. Je crois que vous allez trouver mon rapport fort complet. Je suis pour ainsi dire consterné devant la naïveté—et veuillez me croire, je n'ai aucune hésitation à employer ce terme—dont on fait preuve dans certaines sections du rapport du Groupe de travail.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Hogan.

Nous entendrons maintenant Mme Susan Bellan, de la Toronto Small Business Support Organization.

Bienvenue, madame.

Mme Susan Bellan (membre, Toronto Small Business Support Organization): Merci.

Je possède une petite entreprise, Frida Craft Stores, que j'exploite depuis 20 ans sur la rue Front à Toronto. Je suis l'ex-présidente du groupe chargé des questions bancaires au Conseil canadien des petites entreprises et l'auteure d'un ouvrage intitulé Small Business and Big Banks.

Je m'en tiendrai dans cet exposé à certaines des observations que j'ai déjà formulées à propos du rapport du Groupe de travail MacKay. Bien que, dans son ensemble, le contenu de ce document nous soit apparu assez positif, il nous semble poser certains problèmes.

La Toronto Small Business Support Organization est une association formée de gens ordinaires, qui regroupe des propriétaires de petites entreprises. Nous ne sommes pas des lobbyistes. Nous passons nos journées sur le terrain à gérer nos entreprises. Pour le moment, notre organisation est carrément contre les fusions. On m'a toujours enseigné qu'un «tiens» valait mieux que deux «tu l'auras». Or, tout ce qu'on dit dans ce document à propos de promotion de la concurrence nous laisse pour l'instant perplexe.

Quand la Wells Fargo a annoncé qu'elle offrirait bientôt ses services au Canada, j'ai moi-même téléphoné à maintes reprises à cette banque pour essayer d'obtenir de l'information. On me répétait chaque fois: «Le mois prochain, le mois prochain... nous allons lancer notre campagne publicitaire.» En décembre dernier, on m'a dit: «Ça y est, nous sommes maintenant prêts à démarrer». Cela faisait six mois qu'ils retardaient. Comme j'étais alors en pleine période de pointe précédant Noël, ce n'était pas le moment pour moi de m'occuper de cette affaire. Quand j'ai rappelé en janvier, on m'a répondu: «Désolés, mais nous n'acceptons plus de demandes jusqu'à nouvel ordre.» «Quoi?», ai-je rétorqué. On m'a alors dit: «Exactement, nous avons accepté 1 500 demandes des quatre coins du Canada, et c'est tout pour le moment. Nous allons laisser retomber la poussière et nous verrons ensuite.» De mon point de vue, si c'est là le genre de refuge qu'on a entrepris de nous offrir, attendons-nous au pire.

La Banque ING ne fait qu'accepter des dépôts. Je ne puis donc pas m'y adresser pour obtenir du crédit. Cette institution est censée offrir des hypothèques à la grandeur du pays. Elle brasse de grosses affaires aux États-Unis, soit, mais elle n'a encore rien fait de tel au Canada.

Pour ce qui est des banques de substitution, j'ai été ravie d'entendre que le groupe The Co-operators se propose d'en créer une. J'ai fait partie d'un groupe qui voulait fonder une banque exploitée par des femmes et pour les femmes. L'expérience s'est révélée très pénible. Nous avons tenté de réunir les fonds nécessaires—un groupe d'entre nous a fourni 100 000 $—, mais il y a tellement d'obstacles à franchir que ça n'en finit plus. Nous constatons que ceux qui ont de l'argent ne sont pas disposés à consentir des prêts aux gens ordinaires, aux petites entreprises. Ce qu'ils visent, ce sont les grosses affaires. On nous débite toujours les mêmes vieilles rengaines.

C'est pourquoi j'estime qu'avant de démanteler notre système actuel, ceux d'entre nous... Je suis ici pour représenter les commerçants de la grand-rue, non pas la grande entreprise qui évolue sur les marchés mondiaux. Son apport est, bien sûr, très important, mais je parle ici au nom des petits commerçants qui veulent notamment préserver leur gagne-pain, et force nous est de constater que...

La solution de l'attrition ne me convainc pas non plus. Je suis contre cette politique. Je ne vois pas pourquoi on devrait considérer que la disparition d'emplois ne pose pas problème pourvu qu'on procède par attrition. Quand mes jeunes sortiront de l'université, j'aimerais bien qu'ils aient de bons emplois, et s'il se trouve qu'ils n'ont pas de débouchés parce que certains travailleurs tardent à prendre leur retraite ou que les postes de ceux qui partent à la retraite sont abolis, ça n'aidera ni mes jeunes ni ceux de mes amis.

Par ailleurs, une telle politique ne pourra que se traduire par des files d'attentes plus longues et par des pressions accrues sur les employés. Je sais que dans bien des banques, il y a eu décentralisation des opérations. Au début de la décennie, quelques-uns d'entre nous ont vraiment fait des pieds et des mains pour réclamer cette décentralisation, comme peut en témoigner Maurizio. Les banques ont alors promis de décentraliser leurs opérations et elles l'ont fait, pendant un certain temps. Mais j'ai été amenée à jouer officieusement un rôle de protectrice des petites entreprises canadiennes et j'ai reçu une foule d'appels de petites entreprises qui avaient des problèmes. Ce qui s'est passé, c'est que les banques se sont remises à centraliser leurs services. Elles transfèrent maintenant à leur siège social des pans entiers de leurs opérations.

• 1820

Alors, imaginez ce qu'il en serait si les banques étaient encore plus grandes. C'est déjà assez pénible que nous n'ayons que cinq banques qui cherchent à tout centraliser. Songez seulement à ce qu'il en sera si nous nous retrouvons avec seulement trois grandes banques, dont deux énormes. Elles n'entretiendront plus aucune relation personnalisée avec le client.

Pour ce qui est des fermetures d'établissements bancaires, je ne partage pas l'avis des auteurs du rapport, qui soutiennent que pour autant qu'une institution financière donne à ses clients un préavis raisonnable, on devrait l'autoriser à fermer toutes les succursales qu'elle voudra bien, peu importe leur nombre.

Pour les petites entreprises, cela présente un gros problème. Nombre d'entre elles, comme la mienne, qui ont affaire au grand public doivent accepter des paiements en espèces. La loi les y oblige. Je ne peux forcer tous mes clients à utiliser des cartes de débit bancaires. Et je suis bien obligée de déposer cet argent. Quand j'ai ouvert mon magasin, j'avais un coffre-fort, mais mon établissement était régulièrement visité par des cambrioleurs attirés par le coffre-fort. Je me suis alors mise à faire des dépôts de nuit, ce que nous faisons encore aujourd'hui quotidiennement.

Si les succursales bancaires se mettent à se faire rares, les propriétaires de petites entreprises vont avoir des problèmes. Dans les grandes villes, par exemple, comme il est impossible de stationner juste en face d'une banque, on perd son temps et on s'expose à de grands dangers, puisqu'on doit se balader avec des sommes considérables. On se fait épier par des gens qui savent qu'on trimballe de l'argent. On ne peut pas non plus éviter d'aller à la banque, car pour pouvoir utiliser l'argent, il nous faut d'abord le déposer dans le compte. Ou bien on se rend souvent à la banque et on accepte de consacrer beaucoup de temps à cette activité, ou bien on y va moins souvent et l'argent dort dans nos coffres-forts, avec tous les risques que cela comporte quand on décide d'aller faire un dépôt. Pour les gens des régions rurales, c'est drôlement onéreux. On les oblige à faire une ou deux heures de trajet; ils ont le même problème, voire pire.

Ce que je pense, c'est que, d'accord, l'efficacité des banques s'en trouvera améliorée, les banques seront plus rentables, mais à mon sens, c'est comme si on demandait à 100 personnes de perdre chacune 10 heures par semaine ou par mois pour permettre aux banques de faire des économies. Nous sommes en quelque sorte amenés à les subventionner pour qu'elles puissent réduire leurs coûts et améliorer leur efficacité. Notre efficacité, à nous, s'en trouve diminuée, et nos coûts, augmentés. Il faudrait, à mon avis, qu'on tienne compte de cet aspect.

Quant à la question de l'ombudsman, j'applaudis à la décision du Groupe de travail de proposer que l'ombudsman relève du gouvernement fédéral. Déjà, le groupe au sein duquel j'oeuvrais auparavant, le Conseil canadien des petites entreprises, avait recommandé qu'il y ait un ombudsman, et l'organisation que je représente aujourd'hui a, dès sa première recommandation, proposé que cet ombudsman relève du gouvernement.

J'étudie la question de l'ombudsman depuis quelques années et, à voir comment les choses tournent, je suis bien obligée de conclure que jusqu'à ce que nous soulevions l'affaire à l'émission Venture au réseau CBC, les banques avaient les ombudsmans tout à fait dans leurs poches. Nous les avons complètement désarçonnées.

Évidemment, les banques se sont fait mitrailler. J'ai appris par la suite, de sources proches de Venture, que les banques avaient aussitôt dépêché leurs premiers vice-présidents pour protester auprès des responsables de cette émission. Mais, comme par hasard, un entrepreneur de Montréal, qui avait eu énormément de problèmes avec la Banque Royale, me téléphonait quelques semaines plus tard pour me dire que l'émission devait avoir été utile, puisque sa banque avait enfin décidé de faire quelque chose pour lui, qu'on avait fini par débloquer son dossier. Mais s'il faut que le système fonctionne de cette manière, c'est absurde.

En examinant les décisions de l'ombudsman, j'ai constaté que, la plupart du temps, ses décisions penchent en faveur du consommateur, mais qu'elles sont le plus souvent défavorables à la petite entreprise; il semblerait que dans 60 p. 100 des cas, l'entreprise soit déboutée. L'ombudsman, au cours d'une conversation, m'a confié que cette situation tenait notamment au fait qu'il s'agissait souvent de petits entrepreneurs qui étaient conscients que c'était un prêt à vue qu'on leur avait consenti, qu'ils l'avaient contracté comme tel en pleine connaissance de cause, et que la banque avait tout simplement réclamé son argent de plein droit, un point c'est tout.

Le problème, c'est qu'à mon sens, on raisonne comme il y a cent ans, à l'époque de la règle dite «du pouce», où les maris avaient le droit de battre leur femme. Si cette dernière s'en plaignait, on lui expliquait que, malheureusement pour elle, telle était la loi et qu'on n'y pouvait rien.

Pour ce qui est des prêts à vue, c'est la seule source de financement dont nous disposons à l'heure actuelle; nous sommes des petits, et, en général, ce sont les banques qui ont le monopole du crédit localement. Les coopératives de crédit ne nous prêtent pas, pas plus d'ailleurs que les sociétés de fiducie. Nous n'avons d'autre choix que de nous en remettre à la banque. En un sens, c'est comme si nous nous mettions nous-mêmes la corde au cou en acceptant cette terrible condition. Et je vous prie de me croire que ces temps-ci, nombre d'entre nous sont plutôt inquiets du ralentissement de l'économie mondiale; si les banques se mettent à exiger le remboursement de leurs prêts, nous entrerons en récession comme en 1992.

Si jamais le gouvernement n'adopte pas de règlement en cette matière, il faudra que l'industrie s'autoréglemente de manière à ce qu'une institution financière ne puisse plus réclamer le remboursement d'un prêt lorsque le débiteur respecte ses engagements et paie ses intérêts à temps. À elle seule, une telle mesure ne se traduirait-elle pas par une diminution des plaintes portées par les petites entreprises auprès de l'ombudsman?

Deuxièmement, nous croyons qu'il faudrait prévoir un mécanisme de rééchelonnement dont pourrait immédiatement profiter tout débiteur qui a du mal à rembourser son prêt.

Troisièmement, nous estimons que lorsque la banque n'a plus aucun espoir d'être remboursée—nous devons reconnaître que c'est parfois le cas—, on devrait tout faire pour disposer des actifs d'entreprise et des biens personnels du débiteur de manière à lui causer le moins de préjudice possible; un propriétaire de petite entreprise n'a pas droit aux prestations de chômage, et, souvent, on vend ses biens à un prix représentant à peine le cinquième de leur valeur même lorsqu'il n'est absolument pas nécessaire d'agir de la sorte.

• 1825

Nous avons une autre recommandation: j'aimerais qu'on mette immédiatement fin à la pratique déloyale de certains grands cabinets d'experts-comptables qui, appelés à conseiller une banque concernant l'évaluation d'une demande de prêt, lui recommandent de la refuser, pour ensuite changer de rôle et permettre au syndic qui représente les intérêts de la banque créancière de littéralement piller l'entreprise acculée à la faillite. Il s'agit là d'une pratique proprement immorale qu'on devrait interdire par voie de règlement.

Pour ce qui est de la fiscalité, nous sommes opposés à la recommandation du Groupe de travail à cet égard, qui propose aux gouvernements fédéral et provinciaux non seulement de s'abstenir de prélever auprès des banques un impôt sur le capital, mais même d'alléger leur fardeau fiscal.

C'est curieux, car au début des années 90, nous avons exercé des pressions auprès du gouvernement provincial pour qu'il s'en prenne vraiment aux banques en les assujettissant à un impôt sur le capital. Nous nous étions d'abord adressés en vain au gouvernement fédéral, puis nous nous sommes dit que nous aurions peut-être plus de chance auprès des gens du provincial. Nous leur avons demandé à leur tour de frapper les banques d'un impôt sur le capital. On nous a répondu que c'était impossible, que ce domaine était de ressort fédéral. Nous avons répliqué que non, que la province prélevait déjà des impôts sur le capital et qu'elle pouvait donc forcer ces imbéciles à payer un tel impôt et lier cet impôt à leurs prêts aux petites entreprises. La province a refusé de le faire, prétextant qu'elle n'y était pas habilitée. Ainsi avons-nous eu droit à la réponse classique du gouvernement qui n'entend pas bouger.

Toujours est-il qu'à mon grand étonnement, le gouvernement Harris l'a fait, lui—ce fut d'ailleurs un de ses bons coups—, et immédiatement après, la Canada Trust s'est mise à offrir des prêts aux petites entreprises, ce qu'elle n'avait jamais fait jusque là. Une petite entreprise qui a un chiffre d'affaires de moins de 500 000 $ peut maintenant emprunter jusqu'à 50 000 $, et ce, grâce à cet impôt sur le capital.

Au cours d'un événement auquel il m'a été donné de participer à Toronto, j'ai entendu un représentant de l'une des grandes banques se plaindre de l'impôt sur le capital; s'il se montrait si mécontent, c'est qu'il se rendait compte que désormais les banques allaient vraiment devoir faire quelque chose. On va en effet cesser de compter sur leur bonne volonté; si elles ne font rien, elles vont être frappées financièrement.

En tout cas, il m'apparaît efficace de montrer les dents. J'ai le sentiment qu'on mise parfois un peu trop sur les actions volontaires. Personnellement, je ne demanderais pas mieux que l'impôt sur le revenu soit volontaire...

Des voix: Oh!

Mme Susan Bellan: ...mais ne me demandez pas à combien s'élèverait ma contribution.

Ma dernière observation concerne le cadre réglementaire. À mon sens, le Groupe de travail a commis à cet égard l'une de ses plus graves erreurs d'omission. Il s'est contenté de dire que l'examen de cette question n'était vraiment pas de son ressort. À la page 46 de son rapport, il fait état de la baisse spectaculaire qu'on a observé dans les dépôts bancaires ces dernières années du fait qu'une trop grande part des économies des Canadiens ont été placées dans des fonds sous gestion, comme les fonds communs de placement; il y précise que près de la moitié des épargnes canadiennes sont maintenant investies dans des fonds communs de placement.

Je trouve intéressant de constater qu'alors que notre cadre réglementaire a été établi dans le but de protéger l'argent déposé à la banque par les épargnants, il semblerait que la moitié des épargnes des Canadiens soient maintenant placées ailleurs.

Les membres du Groupe de travail ont dit ne pas pouvoir se prononcer sur cette question, étant donné qu'elle touche à un secteur sous réglementation provinciale. Or, j'ai bien l'impression que la province ne s'en soucie guère. On se souviendra que le premier dirigeant de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario—sauf erreur, c'est bien de cet organisme qu'il s'agissait, mais peu importe—a démissionné de son poste l'an dernier, révolté de n'avoir pu obtenir davantage de ressources ou de soutien du gouvernement. En ce cas, si ce sont les titulaires de tels postes qui sont censés protéger la moitié des épargnes des Canadiens, nous allons nous retrouver dans de beaux draps.

Vous allez peut-être me demander pourquoi je m'intéresse à cette question, qui peut sembler n'avoir rien à voir avec la petite entreprise. Si j'y attache une si grande importance, c'est qu'à mon avis, cette ruée qui, depuis le début des années 90, pousse les gens à placer tant d'argent dans les REÉR et les fonds communs de placement a causé un tort immense aux entreprises comme la mienne. Chacun de nous est inquiet de ce que lui réserve l'avenir, et on ne cesse de nous inciter, à grands coups de campagnes publicitaires, à économiser, à placer nos épargnes. Sur ces placements, on ne paie pas de TPS ni de TVP. Lorsque vous achetez quelque chose à mon magasin ou que vous allez au restaurant, il vous faut payer la TPS et la TVP. Le secteur du placement est à cet égard injustement avantagé.

Toujours est-il qu'en plus d'avoir souffert de la récession, les petits commerces des grand-rues me semblent avoir été durement frappés par cette évolution. Le revenu disponible est très limité ces années-ci et, dans une large mesure, il est placé de cette façon. Si cet argent était réinvesti dans des activités productives propres à venir en aide à la collectivité et à créer des emplois, je ne pourrais que me réjouir de cette évolution, mais tel n'est malheureusement pas le cas.

Ce que nous proposons, c'est un genre d'«obligations du millénaire». Ainsi, on pourrait décréter qu'une proportion de 5 p. 100 de l'argent placé dans les REÉR et les caisses de retraite—en fait, de tous les placements qui donnent droit à un avantage fiscal—doit être investie dans des projets à long terme, par exemple dans les secteurs de l'environnement, du logement social ou des arts. Je pourrais poursuivre sur ce sujet, mais, pour l'essentiel, disons qu'il s'agirait d'investissements qui généreraient de nouvelles richesses dans la collectivité et qui, du même coup, créeraient des emplois, de sorte que cet argent serait remis à notre disposition.

Nous n'avons rien contre le secteur financier, mais nous estimons que la spéculation sur les marchés monétaires ou la surévaluation désordonnée des valeurs de premier ordre ne rendent service à personne. Pendant ce temps, alors que tout le monde réclame à grands cris qu'on investisse dans la réalisation d'un tas de choses qui s'imposent, le gouvernement répond que l'argent fait défaut pour aller ainsi de l'avant. Pourtant, de l'argent, il y en a à profusion, sauf qu'il est mal utilisé.

Je termine sur ce mon allocution. Merci.

Le président: Merci, madame Bellan.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. William Harker, de Trimark Investment Management Inc., qui est de nouveau parmi nous.

Bienvenue. Il fait bon de vous revoir, mais dites donc, avez-vous une carte d'abonnement à notre comité?

M. William Harker (premier vice-président, Trimark Investment Management Inc.): Je suis en effet heureux d'être de nouveau des vôtres. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part des points de vue de Trimark Financial Corporation.

Permettez-moi d'abord de vous signaler qu'il y a eu confusion à propos du moment où nous devions comparaître. Voilà ce qui explique que vous n'ayez reçu mon mémoire qu'aujourd'hui.

Il y a toutefois un bon côté à ce que ce mémoire vous soit parvenu si tard, car cela m'a permis d'axer davantage mes commentaires sur des sujets auxquels votre comité s'intéresse tout particulièrement.

• 1830

Trimark Financial est une société publique qui possède 100 p. 100 des actions de Trimark Investment Management, une société de gestion de fonds communs de placement, et qui est également propriétaire de Trimark Trust, une société de fiducie sous réglementation fédérale. En fait, nous sommes à la fois un important gestionnaire de fonds communs de placement et une petite société de fiducie ayant respectivement 23 milliards et 500 millions de dollars d'actif.

Bien que Trimark ne puisse pas vraiment être classée comme une petite société de services financiers, elle l'était jusque tout récemment. En effet, comme les autres entreprises de notre secteur, la nôtre a connu une croissance considérable au cours des cinq dernières années. Nous croyons que les industries des fonds communs de placement et des fiducies sont en grande partie responsables des innovations qui sont apparues dans le domaine des services financiers au Canada au cours des 20 dernières années.

Parmi les exemples qui me viennent à l'esprit, il y a les comptes de dépôt à intérêt quotidien, le prolongement des heures d'ouverture des succursales d'institutions financières et l'offre d'un large éventail de régimes enregistrés d'épargne et de fonds de placement. Je doute personnellement que les Canadiens eussent à ce point bénéficié de la croissance qu'a connue le marché boursier au cours des 20 dernières années si l'industrie des fonds communs de placement n'avait pas fait preuve d'un tel dynamisme. Nous ne pouvons par conséquent qu'applaudir aux efforts du Groupe de travail dans sa recherche de moyens de favoriser la croissance des petites institutions financières.

Nous n'avons pas systématiquement pris position sur chacune des recommandations du rapport. Nous appuyons cependant le rapport dans son ensemble et nous souscrivons tout particulièrement aux recommandations qui concernent l'accès au système de paiements.

Trimark a à son service quelque 800 employés et a pignon sur rue dans une dizaine de villes canadiennes. Nous distribuons toutefois nos produits surtout par l'entremise d'un réseau d'environ 25 000 conseillers financiers indépendants qui sont reliés à quelque 400 agents de contrepartie et courtiers en valeurs mobilières. Ces conseillers financiers indépendants sont d'ardents entrepreneurs qui perçoivent les grandes sociétés financières constituées en réseau comme leurs concurrents. Bien à contrecoeur, il leur faut aiguiller leurs clients vers ces concurrents du moment qu'il est question de dépôt, de prêt ou de services fiduciaires—et parfois, leur client ne leur revient pas. Ces conseillers indépendants, qui souhaiteraient répondre à tous les besoins de leurs clients en matière de services financiers, sont présents dans toutes les collectivités canadiennes.

Donc, si vous me demandiez quelle est ma vision des services financiers de l'an 2000, je vous répondrais entre autres choses que nous allons assister à l'apparition de produits financiers conçus pour être vendus par des conseillers financiers indépendants à des clients qui veulent les acheter par leur intermédiaire. Grâce aux incroyables possibilités qu'ils offrent, les réseaux Internet et Interac ainsi que la monnaie électronique serviront en partie de mécanisme de distribution à cause de leur commodité et de leur utilité pour répondre aux besoins de transactions sur ces produits. D'ailleurs, d'après les conversations que j'ai eues avec des concurrents de Trimark, j'oserais dire que leur vision est pratiquement identique à la nôtre, sauf qu'ils préféreraient que Trimark ne fasse pas partie du tableau.

Mais revenons-en à notre propos. Outre le fait que Trimark ne dispose que de ressources humaines et financières limitées, il subsiste quelques obstacles importants à la matérialisation de cette vision, que votre comité pourrait contribuer à faire tomber.

Le premier de ces obstacles est l'accès au système de paiements. À l'heure actuelle, une société de fonds communs de placement qui veut permettre à son client de tirer des chèques ou d'accéder à son compte par des moyens électroniques, ou encore d'acheter d'autres fonds communs de placement en se servant des fonds qu'il a en dépôt dans une autre institution financière, est littéralement forcée de demander à cette autre institution financière—habituellement une banque—de lui fournir cet accès. Il n'est donc pas étonnant que la banque ne se montre pas très empressée de répondre à ce genre de demande.

En conséquence, les sociétés de fonds communs de placement devraient pouvoir adhérer directement à l'Association canadienne des paiements et au réseau Interac. Les règles de l'Association canadienne des paiements devraient être modifiées pour accroître le nombre des adhérents qui ont un accès direct au système interbancaire de compensation et pour autoriser le transfert inter-institutions des fonds de comptes bancaires dans des comptes de sociétés de fonds communs de placement, et vice versa.

Les règles d'Interac devraient être modifiées afin que les sociétés de fonds communs de placement puissent fournir à leurs clients des cartes de guichet automatique. Les fonds communs de placement devraient en outre être représentés au sein des conseils d'administration de l'ACP et d'Interac.

Tous les systèmes nationaux de paiements devraient être considérés comme des services publics, et les nouveaux participants devraient pouvoir y accéder sans entraves, et ce, sans avoir à payer le prix d'engagements par trop contraignants.

Voilà un premier plan important sur lequel votre comité pourrait intervenir utilement.

Le second a trait à ce que j'appellerais la «rationalisation de la réglementation». Si Trimark a acheté une société de fiducie, c'est en partie parce qu'il lui fallait le faire pour pouvoir contourner le problème d'accès que j'ai décrit tout à l'heure. Cette contrainte nous a toutefois carrément obligés à nous engager dans un dédale de règlements administrés par les divers organismes de réglementation fédéraux et provinciaux. Nos fonds communs de placement sont régis par 10 commissions des valeurs mobilières. Les conseillers indépendants sont régis par les organismes de réglementation des valeurs mobilières, des assurances et des fonds communs de placement. Et pour compliquer davantage les choses, notre société de fiducie est elle aussi réglementée par 10 organismes provinciaux différents ainsi que par le BSIF.

• 1835

Pour illustrer l'inutilité d'une complication parmi d'autres, songez simplement au bourbier réglementaire qui nous oblige à conclure une entente distincte pour distribuer le produit d'une entreprise réglementée à l'équipe de vendeurs d'une autre entreprise qui, elle, relève d'un autre organisme de réglementation.

Ce bourbier est tellement compliqué que j'hésiterais même à avancer sous toutes réserves une simple hypothèse de solution à ce problème. Il reste que ce qu'il en coûte pour se conformer à de telles exigences est un fardeau lourd à porter pour toutes les institutions financières, à l'exception des très grandes.

Si ces deux obstacles pouvaient être levés—quoique nous soyons en faveur de l'interdiction des ventes liées—, la résolution des problèmes de réglementation et d'accès amènerait les conseillers financiers indépendants à être beaucoup moins bloqués par des questions d'interdictions dans leurs démarches en vue d'obtenir un nivellement des règles du jeu.

Dans un autre ordre d'idée, nous applaudissons aux efforts et aux recommandations du Groupe de travail en vue d'encourager la création de nouveaux types d'institutions financières, par exemple des banques communautaires, et nous sommes d'avis que des incitatifs comme les exonérations fiscales temporaires, les prêts aux petites entreprises et les cautions gouvernementales seront nécessaires pour donner l'amorce à cette évolution.

Nous souhaitons toutefois vivement que ces incitatifs, quels qu'ils soient, ne s'adressent pas exclusivement aux nouvelles institutions financières ou à telle ou telle catégorie d'institutions. Ce sont plutôt la taille de l'institution, la nature des services qu'elle entend offrir, ainsi que les considérations géographiques qui devraient être les facteurs déterminants.

Monsieur le président, je vous ai fait part sommairement de mes opinions, et, compte tenu du temps dont nous disposons, je termine ici mon exposé. C'est naturellement avec grand plaisir que je répondrai à toute question que vous voudrez bien me poser.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harker.

Nous allons maintenant passer à la période des questions.

Nous commencerons par M. Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aurais deux ou trois questions à poser au représentant du groupe The Co-operators.

Dans votre mémoire, vous parlez:

    [d']une société qui serait assujettie exactement aux mêmes règles et aux mêmes contrôles réglementaires que toute autre institution financière sur les plans de la prudence, de la gestion et de la solvabilité.

Vous voulez parler, j'imagine, de votre projet de créer votre propre banque communautaire.

M. Frank Lowery: En réalité, ce à quoi nous référons, c'est au fait que nous avons régulièrement tenté de faire valoir, probablement depuis le début de la présente décennie, qu'on devrait pouvoir fonder une société d'assurances sur une base coopérative. Actuellement, toutes nos sociétés d'assurances sont des sociétés par actions, mais elles appartiennent à une société de portefeuille qui, elle, est coopérative.

Pourquoi des sociétés par actions? C'est que, jusqu'à nouvel ordre, nous n'avons pas le choix, car aux termes de la Loi sur les sociétés d'assurances, cette vieille loi canado-britannique, les sociétés d'assurances peuvent choisir entre trois types de structures: une mutuelle, une société par actions—certaines autres institutions sont d'un type particulier. Il en va de même aux termes de la loi provinciale. Mais la structure de type coopératif n'est pas du nombre. La coopérative est pourtant une forme d'organisation. Nous soutenons qu'on devrait permettre la constitution de sociétés d'assurances coopératives. C'est ce à quoi nous faisons référence dans ce passage de notre mémoire.

M. Tony Valeri: Très bien.

L'autre question que je veux soulever—et j'aimerais avoir des précisions là-dessus—concerne la possibilité de permettre la vente d'assurance dans les succursales bancaires. À la page 12 de votre mémoire, vous dites soutenir la position du Bureau d'assurance du Canada sur ce chapitre, puis vous ajoutez ceci: «et, bien sincèrement, nous, du groupe The Co-operators, ne sommes pas foncièrement opposés à cette évolution». Si vous affirmez cela, c'est qu'en fait, vous-mêmes vendez votre produit par l'entremise de coopératives. À quoi vous opposez-vous au juste en matière de vente au détail de produits d'assurance?

M. Frank Lowery: Premièrement, permettez-moi de vous expliquer ce que nous faisons. Depuis un certain nombre d'années, nous fonctionnons sur la base d'une entente de coparticipation avec un groupe de sociétés d'assurances du secteur coopératif. Ces sociétés d'assurances ne sont en fait pas constituées en coopératives. Il s'agit du groupe CUMIS, que vous connaissez peut-être...

M. Tony Valeri: Oui.

M. Frank Lowery: ...à Burlington. Il s'agit effectivement d'une entente de coparticipation à parts égales entre les deux organisations. En voici le libellé: «Vendre des produits d'assurance aux coopératives de crédit pour leur permettre de les vendre à leurs sociétaires». Il s'agit en réalité d'une initiative qui a été prise à la demande du mouvement des coopératives de crédit, il y a de cela bien des années, dans le but d'essayer de servir les sociétaires de coopératives par l'entremise d'un seul fournisseur de produits d'assurance, et c'est ainsi que nous procédons depuis.

Plus précisément, selon la nature des produits, les polices sont émises soit par The Co-operators, soit par CUMIS, mais dans les faits, les sociétaires de la coopérative de crédit achètent les produits, quelle que soit leur nature. Voilà pour ce que nous faisons.

Vous voulez maintenant savoir à quoi nous nous opposons? Disons tout de suite que je n'aime pas trop qu'on parle ici d'opposition. Nous sommes en faveur qu'on prenne les mesures qui s'imposent pour que les avantages concurrentiels dont jouissent certains, en particulier... Je vais vous donner quelques exemples.

• 1840

Le capital de base des banques ne vient pas de nulle part. Il est le résultat du statut privilégié dont bénéficient depuis longtemps les banques, ce qui, soit dit en passant, n'est pas forcément une mauvaise chose. Dans le contexte du système bancaire canadien, je crois qu'à l'époque où le gouvernement a jugé du traitement à accorder aux banques, il a pris les bonnes décisions. Mais maintenant que nous déréglementons les divers secteurs...

Il va sans dire que je me suis intéressé de près aux travaux du Groupe de travail MacKay, notamment à un aspect sur lequel nous ne nous entendons pas tout à fait, je pense. On a affirmé qu'alors que toutes les institutions financières avaient le droit d'exercer leurs activités dans le secteur des prêts et des services fiduciaires ainsi que dans le secteur des valeurs mobilières, les banques ont été les seules à le faire—ou à tout le moins elles l'ont fait davantage que les autres. Eh bien, il y a une bonne raison à cela. Elles disposaient d'énormément de capital.

Notre entreprise parvient tout juste à générer constamment à l'interne suffisamment de capitaux pour soutenir la croissance future de nos primes. Évidemment, nous n'avons pas le même capital de base que les banques; les banques ont un ratio de levier bien plus important que le nôtre. Il existe donc, dès le départ, un certain nombre de différences entre les diverses institutions financières, et les banques ont dans le passé joui de certains privilèges sur le plan de la concurrence.

Nous avons lancé un ballon d'essai dans le cadre de notre contribution aux travaux de la Commission MacKay, simplement pour sonder le terrain. Vous vous y connaissez bien en matière de ballons d'essai, vous les politiciens, car vous en lancez régulièrement...

M. Tony Valeri: Parfois, on dit que ce sont des ballons qui tombent à plat.

Des voix: Oh!

M. Frank Lowery: Parfois. À titre de ballon d'essai, nous avons dit que nous n'avions rien contre l'existence d'un secteur bancaire fort au Canada. Nous nous sommes montrés en faveur de l'existence d'un secteur bancaire fort au Canada. Mais les courtiers en valeurs mobilières indépendants ont fait part au Comité sénatorial des banques d'une intéressante réflexion: dès que les banques ont envahi massivement le secteur des valeurs mobilières, les courtiers en valeurs mobilières qui n'étaient pas au service d'une banque se sont soudainement mis à avoir des problèmes de liquidités.

La proposition que nous avons formulée en guise de ballon d'essai était donc la suivante: pourquoi n'irions-nous pas dans l'autre direction, en établissant qu'au pays, les banques doivent s'en tenir aux activités bancaires, mais qu'elles sont libres de commercialiser ce qu'elles veulent à l'étranger? Ne pas leur permettre de tisser des liens commerciaux à l'intérieur du Canada, tel était notre ballon d'essai. Il n'en est pas question dans le rapport.

Quoi qu'il en soit, voilà le genre d'orientation que nous sommes disposés à appuyer. Nous sommes en faveur de l'existence d'un secteur bancaire fort, mais nous sommes également favorables à ce qu'il y ait de la concurrence dans tous les autres secteurs.

M. Tony Valeri: Très bien, mais ma question était en réalité la suivante: puisque vous vendez votre produit au détail—comme CUMIS d'ailleurs—par l'entremise des coopératives de crédit, avez-vous des réserves concernant la possibilité qu'on permette aux banques de vendre des produits d'assurance dans leurs succursales?

M. Frank Lowery: Bien sûr que nous en avons.

M. Tony Valeri: Pourquoi?

M. Frank Lowery: Nos réserves se fondent sur les arguments qu'a formulés le Bureau d'assurance du Canada et sur nos propres réflexions. Dans son mémoire, dont vous avez sûrement pris connaissance, le BAC s'est dit inquiet à propos des emplois. Nous avons le sentiment que la concurrence va vraiment...

M. Tony Valeri: Mais se pourrait-il qu'en vendant ainsi au détail vos produits d'assurance par l'entremise des coopératives de crédit, vous éliminiez certains courtiers de leur propre marché?

M. Frank Lowery: Nous évoluons dans un marché très dynamique. Si vous observez de près ce marché et la façon dont le groupe The Co-operators agit dans tous les secteurs de l'assurance, vous constaterez qu'une des choses que nous faisons—avec beaucoup de succès d'ailleurs—c'est de nous soucier avant tout des intérêts du consommateur.

Et il semble bien que, de nos jours, les intérêts des consommateurs soient mieux servis si on leur offre l'accès à une grande variété de marchés. C'est ainsi, par exemple, que nous sommes très actifs dans le secteur du marketing direct. En évoluant sur ce marché, nous avons même vendu la technologie de notre centre d'appels à la Banque Royale du Canada. Nous avons fait cela. Nous l'avons fait après en avoir discuté avec le mouvement des coopératives de crédit, mais nous avons effectivement vendu notre technologie à la Banque Royale du Canada.

Nous n'avons rien contre le fait de devoir affronter la concurrence des banques, mais nous tenons compte des différents systèmes de distribution auxquels les consommateurs souhaitent avoir accès. Nous agissons beaucoup dans le sens que vous évoquez, et cela ne pose pas de problème. Nous ne souhaitons certes pas voir les banques envahir notre domaine, mais notre problème avec les banques est le suivant... Je vais y aller d'une analogie dont je me suis déjà servi en discutant de cette question avec des collègues. Imaginez qu'on vous confie deux personnes. Vous en affamez une pendant un an et vous prenez soin de bien nourrir l'autre pendant un an. Vous les lancez ensuite toutes deux dans l'arène en disant: «Que le meilleur gagne!» Voilà la situation telle qu'elle se présente actuellement entre les banques et leurs concurrents. C'est là que réside le problème.

M. Tony Valeri: Donc, si vous me permettez de faire une comparaison, vous prétendez qu'en vendant un tel produit par l'entremise des coopératives de crédit, vous avez moins d'impact sur le réseau de distribution des courtiers indépendants que si les banques faisaient de même dans leurs succursales. Vous estimez que l'envahissement des banques se traduirait par l'effondrement de tout le réseau de distribution. Vous ai-je bien compris?

M. Frank Lowery: Je ne pense pas m'y connaître suffisamment pour affirmer qu'on verrait s'effondrer tout ce réseau.

M. Tony Valeri: Vous avez dit qu'on assisterait à des pertes d'emplois.

M. Frank Lowery: Oui, le...

M. Tony Valeri: Le problème n'est pas tellement... Les banques peuvent déjà vendre de l'assurance. Elles le peuvent depuis 1992.

M. Frank Lowery: Tout à fait.

M. Tony Valeri: Le problème se situe donc au niveau de la distribution. Et l'argument que vous avancez, c'est que si l'on autorise les banques à vendre au détail des produits d'assurance, on provoquera, en ce qui touche les emplois, un important remue-ménage au sein de cet autre réseau de distribution.

En fait, vous-mêmes distribuez vos produits d'assurance par l'entremise des coopératives de crédit, ce qui vous apparaît tout à fait normal, et pourtant, vous auriez du mal, dites-vous, à accepter que les banques puissent faire de même dans leurs succursales. J'essaie simplement de saisir la différence...

• 1845

M. Frank Lowery: D'accord. Je pense que vous n'avez peut-être pas vraiment... Quand j'ai parlé du Bureau d'assurance du Canada, j'ai dit que ses représentants avaient exprimé l'avis que pour prévenir des pertes d'emplois, on ne devrait pas permettre aux banques de vendre des produits d'assurance dans leurs succursales. Je vous ai également dit que d'après nous, ce n'était pas là le principal problème. C'en est un, et je crois que le Bureau d'assurance du Canada a des appuis à cet égard, mais de notre point de vue, ce n'est pas un problème majeur.

Prenez n'importe quelle industrie. Nous avons une économie dynamique, mais divers secteurs de notre économie subiront forcément au fil du temps d'importantes pertes d'emplois. C'est inévitable. Mais ce n'est pas une réalité que nous, comme société d'assurances, ou que vous, comme législateurs, pouvons contrer. C'est un processus qui se déroulera inexorablement au fur et à mesure de l'évolution de notre dynamique économique. Je crois que nous—en tant qu'organisation socialement responsable—ainsi que le gouvernement avons certes le devoir de ne rien négliger pour essayer de protéger les gens des conséquences de ces transitions, mais ces événements vont se produire sans que nous puissions y faire grand-chose.

Une chose que nous pouvons faire, c'est d'empêcher la venue de concurrents en faveur desquels les dés sont pipés; ils démarrent à mi-chemin du parcours de 100 verges, et c'est ce qui pose problème.

J'ai écouté l'exposé du représentant de Trimark et j'en ai été fort impressionné. Je crois que nous, du groupe The Co-operators, aurions très peu de mal à souscrire à la plupart de ces observations. Nous sommes en faveur de l'idée d'encourager la création de petites institutions financières canadiennes, de favoriser la concurrence.

Si nous avions au Canada un secteur bancaire semblable à celui des États-Unis, où la concurrence est beaucoup plus vive, je crois qu'une bonne part des arguments que vous avez entendus aujourd'hui de la part des représentants du secteur des assurances n'auraient pas eu leur raison d'être—mais ce n'est pas le cas.

M. Tony Valeri: Le problème est donc que les banques sont trop puissantes pour qu'on puisse les concurrencer.

M. Frank Lowery: Ce ne serait pas une concurrence loyale.

M. Tony Valeri: D'accord. Il y a une autre question que je voudrais poser. Voici ce que vous recommandez à la page 16:

    [...] égaliser la situation en ce qui concerne le système d'assurance-dépôts et le régime en place pour l'indemnisation des détenteurs de police d'assurance-vie en cas de faillite d'une compagnie d'assurance-vie.

    Nous appuyons cette recommandation étant donné que, pendant des années, les banques ont été largement avantagées par le gouvernement dans ce domaine. Toutefois, cette recommandation ne fait pas mention du système d'indemnisation pour les assurances de dommages, la SIAG.

Voulez-vous dire qu'il faudrait un système d'indemnisation comme la Société d'assurance-dépôts pour l'assurance de dommages afin, qu'en cas de désastre, on dispose d'une réserve de fonds?

M. Frank Lowery: Cela existe déjà. C'est souscrit par l'industrie. C'est ce qu'est SIAG. La SIAG est l'équivalent de la SIAP pour l'assurance de dommages. Il y a donc un système qui est souscrit par l'industrie. Le problème... Parlons d'abord de LA SIAG, mais je voudrais en revenir à ce dont le groupe de travail a discuté.

Pour ce qui est de la SIAG, un problème fondamental se pose. En cas de faillite, tout le monde doit payer. Il existe une méthode pour les paiements, qui s'apparente de très près à celle de la SIAP, mais nous n'avons pas les moyens de contrôler dans quelle mesure les compagnies vendent leurs produits en s'acquittant de leurs responsabilités.

Je vais vous donner un exemple, celui des tremblements de terre. Vous pouvez avoir une compagnie, comme la nôtre, qui a fait des pieds et des mains pour couvrir ce risque. Si un grave tremblement de terre survient, nous serons prêts à y faire face. Il y a d'autres compagnies qui font le contraire. Elles vendent des produits qu'elles ne peuvent pas couvrir de toute évidence et, en cas de tremblement de terre, il faudra que quelqu'un paie la note.

M. Tony Valeri: Mais vous savez que le BSIF cherche à résoudre ce problème.

M. Frank Lowery: C'est exact. C'est un problème.

Mais je voudrais en revenir à la SIAP et à la SADC. Si vous examinez les recommandations du rapport MacKay, c'est qu'au lieu d'avoir un fonds garanti par le gouvernement, ce qui a été le cas jusqu'ici pour la SADC—c'est ce qui avantage les banques par rapport à la concurrence—il faudrait aller vers l'auto-assurance. Nous sommes pour. Nous n'y voyons aucune objection.

Toutefois, si nous commençons à parler d'indemnisation, il serait difficile de parler d'indemnisation pour les produits des compagnies d'assurance-vie et pour les dépôts—ce qui est important—sans parler d'un système qui, s'il est inexistant, obligera le gouvernement à venir à la rescousse.

Croyez-vous vraiment qu'en cas de catastrophe à Vancouver, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral n'auront pas à payer la note si l'industrie ne peut pas le faire? C'est tout ce que nous disons. Il faut que nous participions aux discussions.

M. Tony Valeri: Et vous savez certainement que le dernier budget prévoyait des dépenses fiscales pour ce genre de désastre, si bien que le gouvernement fait quelque chose...

M. Frank Lowery: Le gouvernement se dirige dans la bonne direction.

M. Tony Valeri: D'accord.

M. Frank Lowery: Je dis seulement que si vous discutez de ces questions, il faudrait que le secteur de l'assurance de dommages y participe également.

M. Michael Hogan: Pourrais-je dire quelque chose au sujet des banques avant qu'on ne change de sujet?

M. Tony Valeri: Certainement. J'allais passer à vous de toute façon.

M. Michael Hogan: Vous n'avez pas parlé des filiales captives.

• 1850

M. Tony Valeri: Non, et j'allais, en fait, vous poser une question à ce sujet.

M. Michael Hogan: Les banques vendent de l'assurance depuis des années. Lorsque vous allez acheter une assurance-vie dans une banque, elle vous est offerte sous le nom de Manuvie, La Mutuelle du Canada ou un autre nom—qui ne sera pas nécessairement gravé dans la pierre—mais Manuvie va conserver une partie du risque tandis que la banque placera le reste à un endroit où il n'y a aucun risque, c'est-à-dire dans une société captive des Bermudes ou de la Barbade.

J'ai mis sur pied un programme pour une grosse société de fiducie, en utilisant la Lloyds, de Londres, pour l'assurance-dommages. La Lloyds détenait 10 p. 100 du risque, mais les 90 p. 100 restants étaient entre les mains d'une société de la Barbade. Si vous creusez plus loin dans l'histoire des institutions financières, vous constaterez qu'il y a toujours une société captive en arrière-plan. En fait, je préfère que ce soit confié à une société captive de Toronto que du Cap-Vert.

Mais je pense que vous devez vous pencher sur la question.

M. Tony Valeri: En effet, je suis certainement d'accord. Je voulais vous dire, à propos de l'avenir du secteur des services financiers au Canada, que le Canada doit faire partie de ce secteur captif.

M. Michael Hogan: Oui. Je vais vous laisser mon rapport.

M. Tony Valeri: Très bien. Vous avez parfaitement raison. Pour ce qui est de comprendre le problème et d'être vraiment au courant, nous avons encore du travail à faire.

M. Michael Hogan: Permettez-moi de résumer très brièvement, d'accord? Alcan Aluminum: avez-vous une idée des primes qu'elle aurait à payer au départ aux compagnies d'assurance de dommages traditionnelles? Si vous prenez l'assurance-responsabilité civile complémentaire, l'assurance-responsabilité environnementale et divers autres types d'assurance qu'aucune banque n'oserait toucher, elle devrait payer une prime de l'ordre de 25 millions de dollars à des compagnies d'assurances traditionnelles, et cela à la condition d'avoir un bon ratio sinistres-primes. Elles préfèrent donc investir ces 25 millions dans une société captive des Bermudes.

À partir de quel endroit pensez-vous que MacMillan Bloedel paiera les dommages si elle brûle une forêt? Ce sera à partir d'une société captive que nous avons établie à Guernsey dans les années 60 et qu'on transfère actuellement à Jersey où le climat est plus favorable pour les sociétés captives.

Par conséquent, c'est là une grave lacune dans le rapport. Mais pour me montrer moins critique... Les banques cherchent à vendre leur salade, mais elles veulent vous faire prendre des vessies pour des lanternes, si je puis m'exprimer ainsi.

M. Tony Valeri: Oui, je comprends.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Hogan: Elles parlent de se lancer sur le marché des assurances alors qu'elles saignent déjà ce secteur depuis des décennies. Mais elles ne vont évidemment pas s'en vanter.

Je vais vous lasser ce rapport. J'y parle des sociétés captives et je voudrais que vous examiniez cette question et que vous ne la perdiez pas de vue. Et à l'intention de la classe politique, je dirais aux députés de la région de Toronto que c'est une bonne chose pour Toronto.

M. Tony Valeri: Et pour Hamilton... et surtout pour Stoney Creek.

Je voudrais vous poser une question au sujet d'un certain type de structure; ensuite, je voudrais savoir si vous pourriez vous en prévaloir. Le groupe de travail MacKay parle de la société de portefeuille. Est-ce une chose dont une compagnie comme la vôtre pourrait bénéficier?

Michael Hogan: Vous adressez-vous à moi?

M. Tony Valeri: Non, à M. Harker.

M. Michael Hogan: Je touche des honoraires.

Des voix: Oh, oh!

M. Tony Valeri: Je m'en doutais. Voilà pourquoi je m'adressais à M. Harker.

M. William Harker: Je vais répondre gratuitement.

Notre structure actuelle est une sorte de société de portefeuille. Trimark Financial est une société publique cotée en bourse qui possède 100 p. 100 de deux autres sociétés, dont une société de fiducie et une société de gestion de placements. Cette structure existe donc déjà dans une certaine mesure.

• 1855

La question qui se pose est alors la suivante: si vous achetez une compagnie d'aluminium et qu'il s'agit de votre troisième filiale, l'organisme de réglementation va-t-il permettre le regroupement de filiales financières et non financières au sein de la même société de portefeuille? Ou va-t-il exiger que vous ayez deux sociétés de portefeuille distinctes afin de bien séparer les deux types de problèmes? Et si c'est le cas, chaque filiale va-t-elle devoir faire l'objet d'une supervision, d'une administration et d'une gestion des risques distinctes, devra-t-elle avoir son propre capital et son propre environnement? Ou le tout sera-t-il regroupé?

Deux arguments différents peuvent être invoqués. Si vous regroupez le tout, cela causera des problèmes à l'organisme de réglementation, car les grosses banques deviennent tellement compliquées que lui-même ne peut s'y retrouver. Mais par contre, c'est là une façon efficace de gérer une institution financière d'une taille raisonnable.

Par conséquent, je vous répondrais que la société de portefeuille est une formule qui convient assez bien à Trimark et c'est ce que nous avons déjà dans une certaine mesure. Pour faire une simple hypothèse—car ce n'est pas dans nos intentions—si nous achetions une compagnie d'assurances, nous en ferions une nouvelle filiale de cette société de portefeuille.

M. Tony Valeri: Monsieur le président, ma dernière question est récapitulative. Nous avons entendu plusieurs points de vue quant à ce que devrait être l'avenir du secteur des services financiers, mais pour résumer la situation, monsieur Foxcroft, pourriez-vous me dire ceci: comment envisagez-vous l'avenir du secteur des services financiers au Canada? Quel sera-t-il à votre avis?

M. Ron Foxcroft: Bonne question. Je sympathise avec vous. Étant du secteur de la petite entreprise, je répéterais qu'on se sent très seul quand on exploite une petite entreprise. Votre premier prêt, même s'il est seulement de 25 000 $, est le plus difficile à obtenir et voilà pourquoi je mentionne deux choses dans mon rapport.

Je crois que l'accroissement de la concurrence sera positif. Il y aura plus de banques, des banques moins capitalisées qui concurrenceront les grandes banques et qui chercheront à répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises. Autrement dit, le premier prêt que vous obtenez est le plus difficile à obtenir et il vous faut plus d'options.

Lorsque j'ai lancé ma compagnie de sifflets, j'étais si pauvre que la banque... Tout d'abord je suis allé emprunter pour un sifflet sans roulette et le banquier m'a regardé comme si je m'étais échappé d'un asile psychiatrique.

Des voix: Oh, oh!

M. Ron Foxcroft: J'étais si pauvre et mon automobile était si vieille que ses plaques minéralogiques étaient en chiffres romains.

Des voix: Oh, oh!

M. Ron Foxcroft: Il faut que les petites entreprises aient davantage le choix et la concurrence est une bonne chose.

Ce qui fait notre force est très simple: c'est la concurrence et la demande des consommateurs. Également, depuis que nous avons pris de l'expansion... J'avais une petite entreprise et je sais combien c'était difficile et combien j'étais seul. Un premier prêt ne devrait pas être facile à obtenir, car sinon tout le monde pourrait se lancer en affaires alors qu'il ne faudrait pas que n'importe qui se lance en affaires. Il vous faut de l'audace et du courage. Mais je m'écarte du sujet.

C'est ainsi que je vois les choses. La petite entreprise est l'épine dorsale de notre pays et elle prend de l'expansion! Fox 40 en est un bon exemple. Elle a grandi. Nous sommes maintenant sur le marché mondial et nous avons beaucoup de succès. Toutes les banques, d'ici jusqu'à Pittsburg, viennent nous voir en raison de notre succès. Mais en réalité, je veux que ma banque canadienne soit concurrentielle. Je veux qu'elle soit concurrentielle, car même si nous avons du succès et si nous avons le choix, je veux faire affaire au Canada. Je vais vous donner un exemple.

Chaque sifflet que nous avons fabriqué depuis nos débuts, depuis 11 ans maintenant, à raison de 40 000 par jour, a été fabriqué au Canada par des Canadiens. Et j'en suis très fier. Tous mes employés sont Canadiens et c'est nous qui avons fabriqué chacun de nos sifflets.

Et tout le monde nous demande si nous ne pourrions pas les fabriquer pour moins cher à l'étranger. Les Canadiens travaillent très bien. La qualité des moules réalisés par les Canadiens est inégalable. Et nous devons continuer à appuyer les Canadiens. Nous avons pour règle qu'à qualité, service et prix égal, nous préférons nous adresser à des fournisseurs canadiens.

Et nous voulons le même choix pour ce qui est des banques.

• 1900

Je terminerai sur ces mots. Avant, nous achetions nos anneaux de laiton au Canada. Ils sont inoxydables. Nous sommes les fournisseurs de tous les maîtres-nageurs et adeptes de la plongée en apnée ou de la plongée sous-marine dans le monde. Les anneaux doivent être inoxydables. Comme la qualité, le service et les prix que nous pouvions obtenir au Canada n'étaient pas les mêmes, nous avons dû les acheter en Suisse.

Ou lorsqu'il y a un problème de livraison et que vous ne pouvez pas obtenir le million d'anneaux dont vous avez besoin parce que votre fournisseur est en Suisse, ce n'est pas aussi facile que d'appeler Fluke Transport et de se rendre en Suisse pour les obtenir. Vous avez besoin d'un fournisseur canadien. Et ce qui a stimulé mon fournisseur canadien, c'est la concurrence. Il a amélioré son produit en raison de la concurrence. La qualité, le service et le prix que ce fournisseur canadien nous a offerts sont devenus les mêmes que ceux des Suisses. Je suis maintenant ravi de dire que nous pouvons faire affaire avec ce fournisseur canadien.

Voilà comment je vois les choses. Oui, les banques étrangères devraient pouvoir entrer. Oui, d'autres banques devraient s'établir sur le marché. Nous avons besoin d'autres banques qui pourront démarrer avec moins de capitaux afin qu'on puisse donner aux chefs d'entreprise la possibilité de se lancer en affaires. Une fois qu'ils sont lancés, ils peuvent prendre de l'expansion et commencer à employer davantage de main-d'oeuvre. Ils deviennent prospères et leur banque doit pouvoir les suivre dans le monde entier.

M. Tony Valeri: Merci.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser une question aux représentants de la coopérative de crédit quant au rôle qu'ils peuvent jouer pour combler certaines lacunes. Si les fusions bancaires ont lieu, on verra sans doute des succursales fermer leurs portes. En fait, je pense que les banques ont dit qu'elles allaient fermer des succursales de toute façon. Pourriez-vous me dire si le mouvement des coopératives de crédit du Canada souhaite prendre de l'expansion ou élargir ses activités en dehors du créneau qu'il dessert actuellement?

M. Frank Lowery: Je précise simplement que notre groupe est constitué aux deux tiers de coopératives qui ne sont pas des coopératives de crédit et à raison d'un tiers environ de la Centrale des coopératives de crédit. Nous ne sommes donc pas ici en tant que représentants du mouvement des coopératives de crédit. Nous représentons plutôt le mouvement coopératif et ce mouvement, en dehors du secteur financier, est énorme au Canada, comme vous le savez. C'est comme Sask Pool, par exemple. Nous sommes donc ici à ce titre.

Pour ce qui est de notre participation au secteur des coopératives de crédit, nos observations à cet égard revêtent deux dimensions. La première est que nous appuyons le mouvement des coopératives de crédit étant donné qu'il s'agit, par définition, de coopératives.

Mais deuxièmement, étant donné la nature de notre organisation, nous avons deux avantages que nous voudrions faire valoir en ce qui concerne la formule de la banque coopérative communautaire. Premièrement, le secteur des coopératives de crédit est faible en Ontario et dans la région de l'Atlantique tandis que c'est dans ces régions que nous sommes forts.

Si vous prenez les coopératives de crédit de l'Ontario, pour ce qui est de la taille de leur actif, de leur réseau de succursales, etc., elles sont nettement plus petites que celles de l'Ouest. Le rapport de la Commission MacKay contient, je crois, une analyse de l'actif et de la gamme de produits offerts et vous constaterez que, dans des provinces comme la Saskatchewan, 30 p. 100 du marché est desservi par les coopératives de crédit, mais c'est beaucoup moins en Ontario. Le groupe Co-operators a un réseau de distribution direct, contrairement à la plupart des compagnies d'assurances, et cela depuis des années. Nous avons environ 300 points de service au Canada dont la moitié en Ontario.

Par conséquent, l'une des discussions que nous espérons avoir en cours de route avec le mouvement des coopératives de crédit, portera sur la façon dont nous pourrons faciliter les choses, surtout pour les succursales des petites localités. Notre groupe repose depuis le début sur l'agriculture. Voilà pourquoi deux de nos administrateurs qui sont ici aujourd'hui sont des agriculteurs. Mais si vous examinez la situation dans l'ensemble du pays, nous sommes généralement premiers ou deuxièmes dans chaque marché agricole de chaque province. Nous sommes implantés dans les régions rurales. En fait, notre siège social se trouve à Guelph et non pas à Toronto comme la plupart des autres compagnies d'assurances. Nous nous centrons sur le milieu rural. Nous pensons apporter un élément complémentaire au mouvement des coopératives de crédit.

Comment va-t-il survivre dans ce marché? J'ai l'impression que c'est pour lui une merveilleuse occasion. Le mouvement des coopératives de crédit s'est quelque peu fractionné ces dernières années. On reconnaît, je pense la nécessité d'une consolidation, ne serait-ce que du point de vue des économies d'échelle. Il est très difficile de concurrencer les banques lorsque vous avez un réseau de cinq ou de 10 succursales.

• 1905

Et quand je vais à Toronto, en tant que client d'une coopérative de crédit, ce qui est le cas, je paie des frais supplémentaires chaque fois que j'utilise un guichet automatique, parce que je suis membre d'une coopérative de crédit qui n'a pas de succursales à Toronto.

L'absence d'économies d'échelle présente un tas d'inconvénients. Je crois que c'est là une merveilleuse occasion qui s'offre aux coopératives de crédit. Je sais qu'elles travaillent d'arrache-pied pour s'en prévaloir et, en ce qui nous concerne, nous essayons de les soutenir de notre mieux.

Nous n'avons pas vraiment participé aux discussions pour le moment. Nous avons seulement offert notre appui sur le plan de la recherche. Nous avons offert un quart de million, je crois, au groupe qui travaille à ce dossier, pour l'aider dans ses recherches, pour essayer de convaincre les décideurs politiques. Nous sommes tout à fait pour et je pense que, dans la région de l'Atlantique et en Ontario, nous allons essayer de jouer un rôle complémentaire, ce dont le réseau de succursales a besoin.

M. Paul Szabo: J'ai certainement constaté votre enthousiasme pour le rapport MacKay dans son ensemble, mais il y a cette question de la vente d'assurance par l'entremise des succursales. Cela préoccupe un certain nombre de secteurs.

Co-operators a la possibilité de travailler avec les coopératives de crédit pour offrir des services par l'entremise de leur réseau de succursales. Cela veut-il dire que vous avez accès aux listes de clients?

M. Frank Lowery: Non, pas du tout. En fait, nous sommes un peu comme une filiale qui fournit un produit. Les coopératives de crédit vendent le produit, les listes de clients leur appartiennent et nous n'y avons pas accès.

M. Paul Szabo: Vous êtes donc sans lien de dépendance.

M. Frank Lowery: Exactement.

M. Paul Szabo: C'est donc à peu près les mêmes conditions que celles dans lesquelles les banques vendent actuellement de l'assurance par l'entremise d'une filiale.

M. Frank Lowery: Oui.

Me permettez-vous de dire un mot au sujet de notre enthousiasme? Si nous sommes tellement enthousiastes vis-à-vis de ce rapport c'est parce que le secteur des coopératives a l'habitude de compter sur lui-même et qu'il cherche toujours à innover. Nous avons mis sur pied des coopératives de travailleurs. Nous avons mis au point de nouvelles formules pour loger les Canadiens. Nous avons tout un éventail d'activités.

Nous sommes très orientés vers l'auto-assistance et l'esprit d'entreprise et c'est sans doute la raison pour laquelle nous sommes si enthousiastes. Le rapport dit des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. Au départ, nous pensions qu'il recommanderait que les banques devraient vende de l'assistance. Et c'est ce qu'il fait. Très bien. Nous saurons nous y adapter. Si les banques sont sur le marché, nous allons les concurrencer et les battre. Nous les battons pour ce qui est de la commercialisation directe, ou du moins nous savons bien nous battre contre elles, et nous en ferons autant pour l'assurance. Nous sommes enthousiastes pour ce qui est de toutes les autres choses abordées dans le rapport comme la reddition de comptes à la collectivité.

Prenez notre organisation. Nous avons investi 500 000 $ par an—pour le moment—dans une fondation pour le développement économique communautaire. Nous avons créé des chaires universitaires aux quatre coins du pays. Nous avons même financé la création de compagnies d'assurances coopératives dans d'autres pays dans le cadre du développement international. Ce sont des choses pour lesquelles nous nous enthousiasmons et il nous plaît beaucoup de voir un document de politique publique en parler et indiquer que le gouvernement les approuve.

M. Paul Szabo: J'essaie toujours de comprendre votre enthousiasme, car les courtiers nous ont dit qu'ils allaient se faire éliminer du marché. La Great-West Life nous a dit à peu près ceci: «Nous n'avons pas honte de le dire, mais nous allons faire faillite si les banques peuvent vendre directement de l'assurance». Mais cela ne vous fait pas peur. Vous n'avez aucune réserve. Vous dites que vous pensez pouvoir concurrencer les banques tant qu'elles ne le font pas par l'entremise de leurs succursales...

M. Frank Lowery: Et si elles ne se servent pas de renseignements confidentiels... c'est le plus gros problème.

M. Paul Szabo: Certainement. Absolument. Il faut que cela se limite aux dispositions actuelles.

Pour ce qui est de l'ensemble de vos affaires, avez-vous une idée de leur répartition entre les coopératives de crédit et les membres de votre coopérative?

M. Frank Lowery: C'est moins de 10 p. 100 ce qui veut dire que nous faisons 90 p. 100 de nos affaires avec le public...

M. Paul Szabo: Vous n'avez donc pas de marché captif auquel personne d'autre n'a accès.

Pensez-vous vraiment pouvoir concurrencer les banques?

M. Frank Lowery: Rien n'est jamais certain en affaires. Nous ne serions pas dans le secteur de l'assurance, un secteur risqué, si nous ne pensions pas réussir. Nous surveillons constamment le marché. Nous surveillons constamment les changements. Et nous prenons certaines mesures telles que la réduction de nos dépenses. Il y a plusieurs années, nous avons procédé à d'importantes compressions budgétaires en réduisant notre personnel et en prenant plusieurs autres mesures. Cela a été difficile, mais il faut apporter ce genre de changements pour assurer sa compétitivité. Nous sommes prêts à faire ce qu'il faudra pour être concurrentiels.

• 1910

M. Paul Szabo: Ma dernière question—et d'autres membres du groupe voudront peut-être ajouter leurs commentaires—porte sur le fait qu'un des principaux thèmes du rapport MacKay concerne l'incidence sur l'intérêt public. Il y a eu toutes sortes de discussions au sujet de l'intérêt public; par exemple, les intérêts des actionnaires font-ils partie de l'intérêt public? Certains diront que non.

Chaque fois que l'on procède à une rationalisation—et MacKay l'a dit clairement—ceux qui ne sont pas prêts à s'adapter au nouveau marché mondial de la technologie devront être prêts à s'y adapter ou en subir les conséquences. Il s'agit presque d'une menace. Ce phénomène est inévitable et il faut s'y préparer.

Par conséquent, cela veut dire qu'il y aura une rationalisation. Même s'il n'y a pas de fusion, il y aura une rationalisation du secteur des services financiers. Des gens vont perdre leur emploi.

M. Ron Foxcroft: Me permettez-vous de faire un commentaire?

M. Paul Szabo: Je voudrais savoir si les membres du groupe ont évalué la situation ou réfléchi à la façon dont nous pouvons faire face à ce genre de changements. Si nous nous attendons raisonnablement à une rationalisation, que ce soit au niveau de l'infrastructure, du personnel, des bureaux, etc., y a-t-il des dispositions transitoires à mettre en place?

Et en attendant, les choses doivent-elles se produire dans un certain ordre? Par exemple, devons-nous établir un marché concurrentiel plus vaste? Et cela veut dire qu'il faut d'abord mettre en place une bonne réglementation qui permettra à la nouvelle concurrence de se développer et songer à y ajouter ensuite des secteurs comme l'assurance ou d'autres services dans lesquels tout le monde pourra se lancer.

Ces changements doivent-ils être apportés selon un ordre logique?

M. Frank Lowery: Permettez-moi d'abord de terminer ma réponse. Je crois que le changement est une réalité et que notre organisation en est consciente. Cela ne dépend pas des décisions que les décideurs politiques pourraient prendre ou des changements législatifs qui pourraient être apportés. Le fait est que le monde est en évolution comme l'Internet, la technologie, la possibilité de traverser les frontières. Les choses changent également sur le plan de la réglementation. En réalité, il est très difficile de réglementer des entités qui peuvent se déplacer littéralement à la vitesse de la lumière. C'est une réalité et nous devons tous y faire face.

Je suis d'accord avec vous pour dire que nous allons tous être confrontés à un monde différent. Nous en sommes conscients depuis des années et nous avons l'intention d'y faire face.

Pour ce qui est des emplois, nous nous y intéressons beaucoup également. Quelle est notre réponse dans le contexte de Co-operators? Il s'agit d'avoir des gens plus compétents à l'administration, parmi les employés et notre personnel de première ligne. Il faut qu'ils soient mieux formés par la compagnie.

Je ne me souviens pas si c'est la Cour fédérale ou un autre tribunal qui a rendu une décision faisant d'un cours offert à un employé un avantage imposable. Nous avons écrit et fait des pressions pour que cela ne se produise pas. Nous soutenons l'éducation.

Nous faisons le genre de choses qu'une organisation consciente de ses responsabilités sociales devrait faire. Nous établissons un fonds pour le développement économique communautaire. Nous créons des chaires dans les universités. Nous avons soutenu chaque année la conférence sur l'unité. Et maintenant nous accordons également des bourses à des jeunes—à la suite de la conférence sur l'unité—qui maintiennent des contacts avec leur collectivité et essaient de promouvoir le dialogue. Nous pensons qu'une organisation consciente de ses responsabilités sociales doit faire ce genre de choses. Tel est notre rôle.

Je crois que votre rôle est quelque peu différent. Ce n'est pas à moi de dire exactement en quoi il consiste ou comment vous devez vous en acquitter, mais je crois qu'une organisation consciente de ses responsabilités sociales a des obligations. Nous nous en acquittons. Nous apprécions énormément les observations du rapport concernant la reddition de comptes envers la collectivité car c'est ce que nous pensons depuis des années.

M. Maurice Campeau: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Venant du milieu rural, j'applaudis le rapport MacKay car je suis un agriculteur et je suis à peu près dans la même situation qu'un propriétaire de petite entreprise. Les agriculteurs ont les mêmes difficultés avec les grandes banques. Il nous est aussi difficile d'obtenir notre premier prêt et nous devons produire dix fois notre marge d'autofinancement pour pouvoir emprunter.

Je me réjouis vivement de voir que les banques communautaires ou les coopératives de crédit pourront prospérer et nous offrir ce genre de services, surtout dans les régions rurales. Je suis très satisfait du rapport MacKay.

Le président: Merci.

Madame Bellan, puis M. Foxcroft.

Mme Susan Bellan: Voici ce que je voudrais dire dans mon exposé. Cet après-midi, j'ai parlé à quelqu'un qui fait partie de l'American Community Reinvestment Coalition. Le rapport MacKay s'est prononcé contre une loi sur le réinvestissement communautaire et je dois dire que cela m'a déçue. Je crois qu'il nous faudrait une loi de ce genre.

• 1915

À titre d'exemple, ce monsieur m'a dit qu'aux États-Unis, grâce à la loi sur le réinvestissement communautaire, en 1996, les institutions financières avaient investi collectivement 17,7 milliards de dollars dans des prêts pour le développement communautaire. C'était en 1996. En 1997, ce chiffre a encore augmenté. Jusqu'à 19 milliards ont été investis dans les prêts pour le développement des collectivités. Elles ne l'auraient pas fait si la loi ne les y avait pas obligées.

Il m'a dit aussi que les institutions financières des États-Unis—et pas seulement les banques; j'ignore si les compagnies d'assurances y participent, mais je sais que les associations d'épargne immobilière en font également partie—ont signé des engagements d'une valeur d'un billion de dollars pour le développement des collectivités et les prêts à la petite entreprise. Ce n'est pas seulement pour un an. Il s'agit d'une sorte de plan quinquennal selon lequel elles s'engagent à investir dans ces secteurs. On m'a dit qu'on avait fait un suivi. Dans le cas des banques qui se sont engagées—et c'est un engagement officiel—on peut constater une amélioration dans les prêts à la petite entreprise ou pour certains types de logements.

Encore une fois, j'hésiterais beaucoup à dire qu'il faut laisser faire les choses. Aux États-Unis, j'ai rencontré l'agent de réinvestissement communautaire de la Key Bank, de Cincinnati, la dixième banque américaine par ordre d'importance. Cette dame m'a dit que sa banque devait courir derrière les groupes communautaires pour leur demander ce qu'ils voulaient alors que, sans la loi, elle n'aurait même pas voulu leur parler. Elle m'a dit que cela avait très bien servi les banques, que c'était bon pour leurs affaires. Mais les banques ont eu une mauvaise attitude jusqu'à ce qu'on leur force la main.

Le président: Madame Bellan, préféreriez-vous que les banquiers canadiens aillent courir vers les gens pour leur donner de l'argent?

Mme Susan Bellan: Je ne sais pas, mais je dirais qu'ils devraient s'adresser aux groupes communautaires.

Il y a une semaine, j'ai assisté à une réunion sur les sans-abri à l'Université de Toronto, au University College. C'était sidérant. Quatre-vingt personnes se sont présentées. Il n'y avait aucun sectarisme. Les divers partis politiques étaient représentés parce que tout le monde est atterré par ce qui se passe dans notre ville. J'ai mentionné aux participants qu'aux États-Unis les institutions financières devaient fournir de l'argent pour les logements à bon marché. Elles en ont l'obligation. Lorsque j'ai parlé à ce monsieur aujourd'hui, je lui ai demandé: Est-ce que les choses se déroulent comment prévu? Et il m'a répondu par l'affirmative. Personne ne le fait chez nous.

La banque doit s'adresser à une collectivité. Si nous avions une loi sur le réinvestissement communautaire, la banque s'adresserait à une communauté et lui demanderait quels sont ses besoins. Par exemple, à Toronto ou à Guelph, le bureau du maire ou des groupes communautaires diraient: «Nous avons une pénurie de logements abordables. Les promoteurs ne veulent pas en construire parce que cela ne rapporte pas. Il nous faut des prêts à long terme mais à faible taux d'intérêt pour que nous puissions construire ces logements». Et aux États-Unis, les banques investissent des centaines de millions dans ce genre d'initiative.

Le président: Monsieur Hogan.

M. Michael Hogan: Très brièvement, une chose que l'on a complètement oubliée dans tout cela est que les quatre banques examinées sont elles-mêmes le produit de fusions. La Banque de Montréal s'est fusionnée avec la Banque Molson. Toronto Dominion a été formée de la Banque de Toronto et de la Banque Dominion. Nous continuons seulement sur la même voie en ce qui concerne les fusions. Et en fin de compte, nous n'aurons plus que deux ou trois grandes banques canadiennes.

M. Frank Lowery: Monsieur le président, avant que nous n'abandonnions le sujet, je crois que Laura voulait parler de la question du logement.

Mme Laura Gregson (directrice, Relations avec les sociétés, The Co-operators Group Limited): Oui, si vous le permettez.

Le président: Oui, bien sûr. Nous revenons à vous.

Mme Laura Gregson: Je voudrais revenir sur ce que cette dame a dit à propos des marginaux et des personnes en marge de la société.

Tout à l'heure, M. Lowery a parlé du fonds pour le développement économique communautaire que notre conseil d'administration a constitué sur les recommandations de nos membres. Nous avons dans ce fonds 2 millions de dollars en plus des dons philanthropiques. Nous ne considérons pas que c'est la même chose. Notre budget est resté le même pour les dons. Ce fonds vise à aider certains des groupes dont cette dame a parlé.

Moi-même, je travaille auprès de 15 familles monoparentales de Cambridge qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Il s'agit d'un projet pilote. Nous allons vers ces personnes. Elles ont besoin d'aide. Et quand vous parlez de nos responsabilités envers la collectivité, cela va au-delà des simples dons; il s'agit de faire partie intégrante de la collectivité.

Je pense donc que cette dame avait parfaitement raison. Il faut s'occuper de ces personnes et les amener à s'engager davantage dans la collectivité. Je suis très fière de dire que nous le faisons depuis des années car, comme l'a dit Frank, c'est une forme d'auto-assistance et cela fait simplement partie de notre idéologie. Et cela me paraît absolument essentiel.

• 1920

Le président: Par conséquent, madame Bellan, vous voudriez que nous nous inspirions de la loi américaine?

Mme Susan Bellan: Oui. Je sais que les banques s'y sont opposées énergiquement. Elles disent que le Canada n'est pas comme les États-Unis et que nous n'avons pas de ghettos. Je sais que nous ne sommes pas comme les États-Unis, que la situation est différente. Nos collectivités sont en transition et je le reconnais.

Mais selon moi, il s'agit de ne pas s'opposer au changement, mais de veiller à ce que certaines personnes ne soient pas laissées pour compte. Je vois bien à Toronto que pendant que les uns congédient leur personnel et s'orientent vers la mondialisation d'autres viennent mendier devant la porte de mon magasin. Ces gens-là ne vont pas s'évanouir en fumée parce que quelqu'un a supprimé leur emploi. Je ne cherche pas à les rabaisser, mais ils finissent par poser un sérieux problème à la société et c'est terrible pour eux. Voilà pourquoi je disais que nous devons nous servir de nos ressources financières pour les recycler. Nous pouvons le faire grâce à une loi sur le réinvestissement communautaire ou, par exemple, les obligations du millénaire.

Je ne dis pas qu'il faut accorder des prêts qui n'ont aucune chance d'être remboursés. Mais je dois vous dire une chose. Dans mon livre, j'ai même fait une analyse des mauvaises créances. Encore une fois, je ne demande pas qu'on accorde des prêts à n'importe qui. J'ai étudié le cas d'une banque qui a prêté 50 000 $ à un chef d'entreprise lequel a embauché cinq employés. Son entreprise a survécu deux ans. En fin de compte, comme il a transformé des assistés sociaux ou des chômeurs en contribuables, au bout de deux ans, le gouvernement s'est retrouvé plus riche de 75 000 $, même si l'entreprise a fait faillite. Et je suggère de mettre en place une garantie du gouvernement pour les fonds de roulement. Voilà ce qu'est la situation.

Par conséquent, nous devons assumer plus de risques. Mon entreprise, par exemple, a fait de gros efforts pendant la récession. Je me souviens d'avoir lancé 20 nouveaux produits au début des années 90. Je ne savais pas quels seraient les gagnants. Certains ont été des échecs complets, d'autres des demi-réussites tandis que d'autres encore ont eu du succès, mais j'ai dû essayer les 20 pour savoir quels seraient les six victorieux. À moins de savoir quels seront les six gagnants, vous refusez de prêter à qui que ce soit. Mais vous ne le saurez jamais.

Nous ne devrions pas avoir peur de perdre certains prêts. Je ne propose pas de faire des choses stupides, mais il faudrait essayer, surtout dans les domaines utiles, comme l'environnement. Nous savons qu'il faut faire quelque chose sur ce plan et nous devrions donc vraiment essayer. L'échec est parfois une source d'expérience; vous vous fourvoyez la première fois, mais la fois suivante, vous savez ce que vous faites.

M. Ron Foxcroft: Puis-je ajouter quelque chose?

Je suis d'accord. Rien n'est jamais parfait et les chefs d'entreprise ont des risques à courir. C'est pour cela que j'appuie les fusions bancaires, mais je suis également pour l'arrivée de nouvelles banques, avec moins de capitaux, pour desservir la petite entreprise.

Et je ne pense pas que le gouvernement puisse dire qu'il n'y aura jamais de mauvaises créances, qu'il n'y aura jamais de mauvaises banques. C'est une réalité. Nous sommes des gens entreprenants qui commettent des erreurs et l'on tire la leçon de ses erreurs. La véritable erreur est de ne pas reconnaître son erreur et de ne pas chercher à la réparer!

Une autre chose a été dite et répétée à cette table. Le changement est une réalité. J'en ai seulement pour une minute. Dans le secteur de la fabrication, nous nous sommes rendu compte, il y a 10 ans, que le changement était une réalité. Avant, nous pouvions fabriquer nos produits au Canada pour les vendre au Canada. Ce n'est plus possible. Vous devez produire à grande échelle. Vous devez vous automatiser et fabriquer telle ou telle quantité de votre produit afin qu'il soit le moins cher, que vous soyez concurrentiels et que vous puissiez toujours vous assurer d'un profit.

M. Hogan a fait une excellente déclaration. Je ne me souviens pas de ses paroles exactes, mais il a dit que si vous êtes productif, vous pouvez survivre.

Pour ce qui est des fusions, les grandes banques ont promis de créer une division pour desservir les petites et moyennes entreprises. Il faudrait permettre à d'autres banques de venir les concurrencer. Si elles sont meilleures, elles survivront.

Le président: Monsieur Foxcroft, votre enthousiasme est contagieux. Toutefois, bien des gens qui comparaissent devant notre comité se demandent ce qui se passera si ces banques ne s'en tirent pas aussi bien qu'elles le pensaient ou si elles échouent. Pouvez-vous l'imaginer?

M. Ron Foxcroft: Si elles ne tiennent pas la promesse dont j'ai parlé de s'occuper des petites et moyennes entreprises? Voilà pourquoi je suggère d'autoriser d'autres banques, d'autres concurrents à venir sur le marché pour stimuler leur créativité et leur innovation.

• 1925

Je ne sais pas si les banques actuelles se réjouiront de cette concurrence, mais je peux vous dire une chose: lorsqu'un concurrent a imité mon sifflet l'année dernière, cela m'a incité à faire preuve de plus de créativité et d'innovation et j'ai mis au point un meilleur sifflet que le sien, avec une roulette à l'intérieur. Nous sommes maintenant le plus gros fabricant et fournisseur mondial de sifflets à roulette et sans roulette, et cela grâce à la concurrence et à la demande de la clientèle.

M. Michael Hogan: J'ai connu les désastres de la Banque commerciale et de la Banque Northland. J'avais vendu aux deux des assurances-responsabilité des administrateurs. Ces deux institutions ont voulu affronter les grandes banques, mais sans succès.

En lisant le rapport MacKay, juste pour vous montrer à quel point les choses changent vite... Au moment où je vous parle, les banques se rapprochent de plus en plus de la fusion, c'est certain. Dans le rapport, il est fait mention d'un de mes anciens comptes, Newcourt Credit, qui était affiliée à Confederation Leasing. Je ne sais pas si vous êtes au courant. J'ai mis sur pied le programme d'assurance de cette compagnie lorsqu'elle a été créée en 1984. Le rapport tient des propos élogieux au sujet de Newcourt Credit. Si vous avez lu le journal ces trois ou quatre derniers jours, vous saurez que Newcourt Credit est au bord de la faillite. J'espère que les choses n'en arriveront pas là, mais elle semble bien s'orienter dans cette direction. C'est peut-être ce que je lui souhaite.

Le président: Ce n'est pourtant pas ce qu'elle dit. En fait...

M. Michael Hogan: Je la connais bien.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Hogan: J'ai travaillé avec les gens de Newcourt.

Le président: À vous entendre, vous avez travaillé avec tout le monde.

M. Michael Hogan: À peu près. Je connais beaucoup de monde.

Mais je vais vous dire que dans les milieux financiers—et le représentant de Trimark le confirmera—les choses se passent très rapidement. D'un jour à l'autre, nous ne savons pas ce qu'il adviendra des banques, des fonds communs de placement, de Tom, de Dick et de Harry.

Je devrais sans doute suivre l'avis de René Lévesque et suggérer à tout le monde de s'asseoir et de prendre une Valium.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Vous avez travaillé avec René Lévesque?

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Hogan: Non, j'ai travaillé pour l'Union nationale.

Des voix: Oh, oh!

Le président: D'accord. Je voulais seulement vérifier.

Il n'a pas travaillé avec René Lévesque.

[Français]

M. Michael Hogan: Oui, voilà, je suis bilingue.

[Traduction]

Mais c'est une chose à laquelle il faut réfléchir.

Le président: Une chose à laquelle il faut réfléchir... Pourriez-vous attendre une seconde, s'il vous plaît?

M. Michael Hogan: Nous écoutions...

Une voix: Vous venez de réveiller l'interprète.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Michael Hogan: Je parle français comme une vache espagnole.

[Traduction]

Le président: Merci. C'était un groupe très intéressant. Nous avons obtenu tout ce qu'il nous fallait.

Vous nous avez donné un très bon aperçu des défis qui sont les nôtres. J'espère que vous comprendrez mieux également que chaque fois que des questions de cette importance se posent, il y a de nombreux choix et de nombreuses concessions à faire. Tel est le défi que nous devons relever, mes collègues et moi-même, au sujet de cette question et des choix à faire pour le prochain budget fédéral.

Encore une fois, merci infiniment.

Nous allons seulement nous arrêter une minute et nous reprendrons aussitôt.

• 1929




• 1934

Le président: Nous allons rouvrir la séance.

J'ai le grand plaisir ce soir d'accueillir M. Michael Mackenzie, professeur à l'Université York et ancien surintendant des institutions financières.

Vous êtes le bienvenu. Nous allons vous écouter avec plaisir.

M. Michael Mackenzie (Executive-in-Residence, Schulich School of Business, Université York): Merci, monsieur le président. Je dois dire que c'est certainement une grande joie pour moi que de revenir devant votre comité. J'ai comparu à de nombreuses reprises devant ce comité il y a quelques années, du temps où l'un de vos prédécesseurs, M. Blenkarn, aimait s'amuser avec moi.

• 1935

J'ai préparé une brève déclaration qui résume les principales idées dont j'aimerais vous faire part. Je pourrais peut-être le lire très rapidement et répondre ensuite à vos questions.

Dans cet exposé, je fais quelques observations générales au sujet du rapport et la plupart d'entre elles sont positives. Je ferai part de deux sérieuses réserves. Je parlerai un peu du projet de fusion des grandes banques et je passerai en revue les divers domaines dans lesquels je pense pouvoir répondre à vos questions et, je l'espère, vous être d'une certaine utilité.

Tout d'abord, je pense que c'est un bon travail. Il se fonde sur un examen approfondi et complet du secteur financier canadien, et repose sur de vastes consultations avec les intéressés de diverses régions du pays et un certain nombre d'études. En fait, je crois que ce rapport peut se comparer favorablement au rapport de la célèbre Commission royale d'enquête sur le système bancaire et financier, la Commission Porter de 1964.

Il s'agit d'un rapport professionnel, bien équilibré et sérieux. Bien entendu, il préconise un grand nombre de changements qui font tous partie d'un tout. Le rapport recommande toute une panoplie de changements. Et, selon le groupe de travail, ces changements s'emboîtent plus ou moins les uns dans les autres. Comme vous le savez, le groupe de travail souligne l'urgence de la situation.

Il y a quelques instants, j'ai entendu quelqu'un parler de changement. Le monde est en pleine évolution comme je le mentionnerai dans quelques minutes, mais j'espère que ce rapport ne restera pas à ramasser la poussière. Il faudrait y donner suite rapidement. J'espère en particulier que le gouvernement ne se contentera pas de suivre les recommandations non controversées et de remettre à plus tard celles qui sont contestées.

Bien entendu, un certain nombre de gens n'aimeront pas divers éléments du rapport et feront sans doute des pressions pour s'opposer à plusieurs recommandations.

Selon moi, il ne faudrait pas prendre ces personnes trop au sérieux, à moins qu'elles ne puissent démontrer que le groupe de travail a omis des renseignements importants. Pratiquement tous les intéressés au Canada ont eu l'occasion de faire connaître leur avis au groupe de travail et je remarque que le rapport prévoit d'importantes périodes de transition afin de leur laisser le temps de s'adapter.

J'espère que beaucoup de gens liront ce rapport. Abstraction faite des universitaires, des membres de la classe politique, des journalistes et autres personnes de cette catégorie, j'espère que la lecture de ce document sera obligatoire pour tous les membres des conseils d'administration des institutions financières du pays.

Je trouve encourageant que vous vous soyez empressés de tenir des audiences, et qu'elles seront suivies des audiences du Comité sénatorial des banques. Les sénateurs m'ont également demandé de comparaître devant eux le mois prochain.

Le rapport commence en parlant des turbulences et du changement et, dans la lettre d'accompagnement adressée au ministre, il est dit que le statu quo n'est plus une option. Je suis assez d'accord.

La principale caractéristique du changement est, bien entendu, qu'il est imprévisible par définition. On risque d'envisager le changement en extrapolant le passé et le présent. Et dans une certaine mesure, je crois qu'il faut lire dans ce contexte les observations du rapport quant au fait que les marchés deviennent plus concurrentiels, que la concurrence devient mondiale, que l'ancienne compartimentation des fonctions financières disparaît et que la technologie a des répercussions dynamiques et omniprésentes.

J'ai toutefois l'impression que l'on n'a pas beaucoup tenu compte de la possibilité d'une réduction importante de la confiance générale dans les systèmes financiers, et surtout dans le marché des valeurs mobilières. Et je crois qu'il s'agit d'une critique justifiée étant donné que depuis plus d'un an, bien des gens s'inquiètent sérieusement du gonflement excessif du marché boursier, qui est financé dans une certaine mesure par les prêts bancaires, et de la crise asiatique qui risque de se généraliser. Ces jours-ci, nous entendons constamment parler de crises financières dans diverses régions du globe.

Et dans ce contexte, il faut comprendre que les intermédiaires financiers—les banques et les compagnies d'assurance-vie—fonctionnent avec un effet de levier énorme. Cet effet de levier est également l'une des principales caractéristiques d'un grand nombre de marchés des valeurs mobilières, y compris celui des instruments dérivés.

• 1940

Dans ces conditions, il est important de tenir compte de l'incitation, pour les institutions, à aller dans les marchés très concurrentiels et de l'augmentation considérable du volume des transactions tant pour ce qui est des valeurs mobilières que des devises étrangères et du marché du gros. Si ces caractéristiques jouent un rôle dans le marché concurrentiel à l'échelle internationale et orienté vers la technologie que décrit le rapport, il devient évident que les erreurs, même les plus petites, peuvent avoir d'énormes conséquences.

Je crois que le contenu du rapport aurait été quelque peu différent s'il avait été rédigé aujourd'hui, alors que les marchés financiers du Canada et du monde entier sont en crise, plutôt qu'à une époque, il y a de nombreux mois, où les choses semblaient relativement calmes. Je pense que le rapport aurait pu être différent, au moins à deux égards.

Premièrement, Je pense qu'on se serait plus soucié de la nécessité d'un système financièrement puissant et en même temps sûr. Le groupe de travail n'a peut-être pas été assez vigilant sur ce point. Il est maintenant très clair que la sécurité et la solvabilité des banques ne peuvent pas être tenues pour acquises, même pour les banques les plus grosses et les plus rentables.

Ce n'est pas par hasard si, lorsque les marchés sont en plein désarroi, ils réduisent brutalement la valeur des actions bancaires. C'est ce qui s'est passé au Canada, aux États-Unis, en Europe et dans la plupart des autres marchés. Sur ce plan, je crois que le groupe de travail a sous-estimé le lien crucial entre la rentabilité des banques et leur stabilité financière.

J'ai également des doutes au sujet de la recommandation que fait le rapport de modifier le mandat du BSIF, mon ancien bureau:

    [...] afin de préciser que la BSIF doit parvenir à un équilibre entre, d'une part, la concurrence, l'innovation et la compétitivité et, d'autre part, la solidité et la stabilité financière, comme il y est déjà tenu.

Je ne suis pas certain de savoir ce que cela signifie en pratique, et cela m'inquiète un peu.

Deuxièmement, le rapport fait de nombreuses allusions aux relations entre les opérations bancaires commerciales et le marché des valeurs mobilières, mais il n'aborde pas les conséquences que cela peut avoir sur le plan de la solidité et de la stabilité. Le rapport décrit longuement un grand nombre des institutions qui fonctionnent dans le marché, ce qu'elles font, quel est leur rôle et quels sont leurs antécédents, mais il semble presque exclure les courtiers en valeurs mobilières et les banques d'investissement. Cela reflète, je suppose, le fait qu'au Canada les banques et les compagnies d'assurances sont réglementées au niveau fédéral tandis que les courtiers en valeurs mobilières le sont au niveau provincial. Selon moi, cette situation est un élément du statu quo qui risque de menacer sérieusement notre système à un moment donné.

Ces dernières semaines les organismes américains qui réglementent le secteur des banques et des valeurs mobilières ont pu prendre des mesures controversées, mais décisives à l'endroit des banques commerciales et des sociétés de placement à la suite de la presque-faillite de la Long Term Capital Corporation, le gros fonds de couverture de New York. Je doute que cette coordination serait possible au Canada dans des circonstances similaires.

J'irais plus loin. Le BSIF ne comprend probablement pas entièrement à quel point le secteur bancaire est exposé à la volatilité du marché boursier du fait qu'il est exclu de la réglementation de ce domaine. Je sais que le BSIF a conclu des protocoles d'entente avec les commissions des valeurs mobilières provinciales pour l'échange d'information. Le rapport ne précise pas si ces protocoles d'entente sont adéquats compte tenu de la volatilité du marché.

Il est regrettable que le rapport ne traite pas de la réglementation prudentielle des courtiers en valeurs mobilières, surtout les firmes qui appartiennent à des banques et ne traite pas non plus des relations entre la supervision du secteur bancaire et celle du secteur des valeurs mobilières. Dans ce contexte, je souligne que de graves problèmes se sont posés récemment aux États-Unis et en Europe en raison de l'exposition des banques au marché boursier. Je veux parler d'au moins deux des plus grandes banques au monde, la Bank America et la Union Bank of Switzerland, UBS.

Cela dit, je ne pense pas que ces critiques enlèvent grand chose à la valeur du rapport, mais je vous suggère de tenir compte de la fragilité inhérente des institutions financières lorsque la confiance du marché est ébranlée lorsque vous ferez des recommandations en vue de la mise en oeuvre du rapport.

Comme vous avez pu le constater, je parle en tant qu'ancien superviseur du secteur bancaire et la plupart de mes observations portent sur la solidité, la stabilité et la prudence.

• 1945

J'en reviens au fait qu'à mon avis il s'agit, dans l'ensemble, d'un bon rapport. Si toutes nos recommandations sont suivies, en fin de compte, nous devrions nous retrouver avec un système plus solide, plus sûr et plus stable qu'il ne l'est aujourd'hui. Cette opinion se fonde en grande partie sur le fait que seules les institutions rentables dans des conditions de véritable concurrence sont à l'abri.

Mais je fais une hypothèse audacieuse, à savoir que l'importance d'une régie prudente des institutions, accompagnée d'une réglementation et d'une supervision adéquates, est bien acceptée. Cette acceptation fait partie, selon moi, de la culture du système et ne peut pas vraiment être légiférée.

Sans doute souhaitez-vous maintenant que je vous parle de la fusion des grandes banques. Tout d'abord, j'aime ce que suggère le rapport et surtout le processus d'examen de l'intérêt public qui prévoit que les promoteurs d'une fusion doivent préciser par écrit l'incidence qu'elle aura sur l'intérêt public et que ce document sera publié.

Je crois essentiel que ce genre de document contienne un certain nombre de renseignements.

D'abord, sur quelle base la banque résultant de la fusion sera-t-elle plus solide sur le plan financier que les deux banques dont elle est issue? Par exemple, sera-t-elle davantage en mesure d'augmenter son capital que les deux banques existantes? Sa rentabilité et sa stabilité accrues vont-elles vraiment augmenter le rendement pour les actionnaires à long terme et permettre à la nouvelle banque d'obtenir une très bonne, voire excellente, cote de crédit?

Deuxièmement, quels seront les effets de la fusion sur le fonctionnement de Toronto comme grand centre financier international? À mon avis, il s'agit là d'une question importante pour le système canadien étant donné que, dans le monde entier, les activités financières se concentrent de plus en plus dans un petit nombre de centres financiers.

Troisièmement, comment peut-on être sûr que la tâche énorme que représente l'intégration de deux institutions de grande taille, ce qui prendra des années, ne va pas détourner l'attention de la direction de ses activités quotidiennes et que la solidité ne sera pas compromise? Les documents devraient décrire, par exemple, la façon dont les banques géreront l'intégration de leurs systèmes d'information tout en répondant aux exigences de la transition à l'an 2000.

Quatrièmement, les programmes de rémunération de la direction proposés par les banques devraient être divulgués pour nous garantir que les incitatifs à la croissance ne l'emporteront pas sur la solidité. Je crains notamment que, dans son désir de prendre de plus en plus d'expansion, ce que la fusion permettra de réaliser, la direction des banques insiste beaucoup sur les incitatifs financiers qui récompensent avant tout la croissance. Cela a souvent causé des problèmes par le passé. Dans ce contexte, il nous faudrait la garantie que les processus de régie mis en place dans les conseils d'administration soient suffisamment solides pour contrer ce danger.

Monsieur le président, je vous suggérerais d'inviter à comparaître de vous les présidents des comités de vérification et de gestion des risques des banques qui envisagent une fusion afin qu'ils vous disent en quoi leurs processus permettront, selon eux, de gérer le genre de risques dont je viens de parler.

J'ai constaté avec un certain intérêt que le rapport de McKinsey and Company, réalisé à la demande du groupe de travail, laisse entendre que les avantages de fusions à grande échelle ne sont pas évidents et ne se matérialisent pas dans bien des cas. Peut-être serait-il utile que vous en parliez avec les auteurs de ce rapport.

D'après ma propre expérience, certaines fusions se passent bien, mais d'autres pas. Les grosses fusions sont toujours difficiles à gérer. Les fusions réussies s'accompagnent presque toujours d'une réduction importante du personnel au nom de l'efficacité et je trouve difficile à croire que les fusions de deux grandes banques se feront sans mises à pied importantes. Les marchés jugeront les banques durement si elles ne le font pas et je me demande s'il est possible d'imposer des conditions à cet égard.

Je ne veux pas vous décevoir, mais j'ai certainement du mal à me faire une propre opinion à ce sujet. Comme bien des gens, j'estime avoir besoin de plus de renseignements et j'attends les résultats du processus d'examen de l'intérêt public, y compris l'opinion du BSIF et les conclusions du Bureau de la concurrence, avec beaucoup d'intérêt.

• 1950

Cela dit, si vous recommandez au ministre de ne pas autoriser les fusions, je crois qu'il faudrait énoncer clairement les raisons qui conduiront à prendre cette décision dans l'intérêt public. Je crois important que les marchés financiers internationaux voient le rejet des projets de fusion comme le résultat d'une analyse logique des faits et non pas de motifs politiques.

Enfin, monsieur le président, je mets en lumière plusieurs domaines dans lesquels je crois pouvoir vous aider et sur lesquels vous pourriez peut-être me poser des questions, c'est-à-dire: l'élargissement et l'accroissement du mandat du BSIF et du processus de régie; la régie des sociétés; les règles de propriété; la concurrence étrangère; les sociétés de portefeuille financières; les systèmes de paiement et de règlement et enfin, la Société d'assurance-dépôts du Canada et la SIAP.

Dans l'ensemble, je suis d'accord avec les recommandations du rapport dans ces domaines.

Je ne pense pas particulièrement compétent dans des domaines comme la protection des consommateurs; les prêts bancaires à la petite entreprise; les relations entre les banques et les petites collectivités du Canada; l'autorisation pour les banques de se lancer sur le marché de l'assurance et de la location-vente d'automobiles; les permis aux intermédiaires et ainsi de suite. Je n'ai donc pas d'observations à formuler quant aux recommandations du rapport à cet égard.

Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mackenzie. C'était un excellent exposé. Je suis certain que nous avons de nombreuses questions à vous poser.

Nous allons commencer par Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.

Comme vous le savez, nous attendions impatiemment votre témoignage. Vous avez fait un excellent exposé, très complet, et qui nous incite à vouloir faire revenir M. MacKay. Nous allons devoir demander à la présidence si nous pouvons le faire revenir pour poser de nouvelles questions.

Quand nous examinons ce rapport—vous nous avez averti qu'il ne fallait pas se contenter d'y relever ce qui nous plaît, car il s'agit d'un rapport équilibré—nous nous demandons s'il faut l'adopter ou le rejeter en bloc. Quels sont les éléments qui doivent y figurer pour maintenir l'équilibre et quel serait l'inconvénient d'en retenir seulement certains éléments? Y a-t-il certaines mesures qu'il faudrait prendre sur une période de temps plus étalée ou faudrait-il mettre tout le rapport en oeuvre d'un seul coup?

Ma question porte donc sur deux choses: les éléments à retenir et la période de mise en oeuvre.

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, je n'ai pas fait l'analyse de toutes les recommandations entrant dans toutes les catégories. Bien entendu, il serait stupide de prétendre que toutes ces recommandations doivent être adoptées, mais je voulais dire que si vous décidez d'en choisir certaines, il ne faut pas se contenter de conserver les plus faciles et de rejeter les plus difficiles. Voilà pour votre première question.

En deuxième lieu, il faudrait examiner le rapport dans le contexte décrit au début. M. MacKay ne donne pas une description complète de tout le système. J'ai appris beaucoup sur notre système en lisant ce rapport et je pense que ses recommandations correspondent à la réalité.

Il y a certains éléments qui m'inquiètent. Comme je l'ai déjà mentionné, il s'agit d'abord de la recommandation voulant que le mandat du BSIF soit explicite et tienne compte de l'innovation, de la concurrence, etc., ainsi que de la solidité et de la stabilité. Tout d'abord, j'ignore ce que cela veut dire. Deuxièmement, je ne pense pas que ce soit très différent de ce qui s'est passé, en tout cas sous mon régime.

Je crains un peu que, si c'est pris trop au sérieux... il ne faut pas oublier que personne, y compris moi-même, n'aime être supervisé. Par conséquent, si j'arrive avec une demande, une décision ou une interprétation, ou si je veux faire ceci ou cela et si j'ai ces mots sous les yeux, je vais m'en servir si possible contre le surintendant, car je veux me faciliter la vie au maximum. Cela m'inquiète donc un peu.

• 1955

Je m'inquiète également du ton général selon lequel nous n'avons pas lieu de nous inquiéter. Néanmoins, d'un bout à l'autre du rapport, il est question de la solidité et de la stabilité. Cela reflète en grande partie le fait que nous n'avons pas eu de faillite bancaire importante au Canada depuis quelques années, que le système américain semble très bien fonctionner et que c'est la même chose en Angleterre et dans la plupart des pays d'Europe.

La mémoire des gens est assez courte, vous savez. Je crois qu'il faudrait être bien prudent de ne pas inclure dans l'énoncé d'un mandat ou d'une mission un libellé qui risque de détourner la supervision des questions de solidité et de stabilité qui sont, après tout, essentielles au maintien de la confiance du marché. Tout repose sur la confiance du marché.

J'ai entendu bien des gens, y compris les personnes qui m'ont précédé à cette table, dire que les banques devraient accorder des prêts et faire des investissements dans les collectivités. Je vis maintenant dans une petite localité et je peux partager ces sentiments, mais tout le monde doit comprendre que sur chaque dollar que la banque prête, 93¢ nous appartiennent. C'est l'argent des déposants et non pas celui des banques. C'est merveilleux quand tout se passe bien, mais ce n'est plus pareil si les choses vont mal.

Pour en revenir à votre question générale, vous pourriez sans doute trouver des éléments qui ne sont pas essentiels et que vous pourriez laisser de côté sans danger, mais j'en reviens à l'avertissement que j'ai lancé, à savoir qu'il ne faut pas retenir seulement les solutions faciles et laisser les autres pour plus tard.

Enfin, si vous commettez une erreur et si certaines de ces mesures ne donnent pas les résultats escomptés, vous pourrez rectifier votre tir au bout de trois ou quatre ans. Je ne vois rien d'irréversible à la plupart de ces recommandations.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit que vous étiez inquiet de la vulnérabilité des banques qui sont dans le marché des valeurs mobilières, surtout à cause de la crise récente. Vous avez fait allusion au problème des champs de compétence fédérale et provinciale et au fait que le gouvernement fédéral ne comprend peut-être pas vraiment la réglementation des valeurs mobilières, ce qui peut l'empêcher de bien s'acquitter de son rôle.

Pensez-vous qu'il faudrait essayer de replacer le secteur des valeurs mobilières sous la réglementation du gouvernement fédéral? Faudrait-il tenter de nouveau l'expérience?

M. Michael Mackenzie: Cela ne s'est jamais fait.

Mme Carolyn Bennett: Mais pourrions-nous essayer?

M. Michael Mackenzie: Ce serait se heurter de front à la Constitution—je le reconnais—et il ne serait peut-être pas possible d'avoir une commission nationale des valeurs mobilières. L'absence de commission nationale risque de nous coûter assez cher, mais il y a peut-être d'autres façons de résoudre le problème. Voilà pourquoi j'ai été déçu de voir que le rapport MacKay n'abordait pas ce sujet. Il y a ces protocoles d'entente et je crois qu'il faudrait les examiner en tenant compte de la volatilité actuelle des marchés pour voir s'ils sont adéquats.

Je dirai les choses ainsi: la réglementation et la supervision des banques est, à bien des égards, très différente de celle des marchés des valeurs mobilières. Je ne parle pas de la protection des investisseurs, mais plutôt des questions de prudence. Le commerce des valeurs mobilières est nécessairement plus volatile et toutes sortes de choses peuvent se passer. Je crains que trop souvent, les banques, leurs services de vérification interne, leurs responsables des systèmes, la direction, le conseil d'administration et les organismes de réglementation du secteur bancaire se laissent prendre par surprise par les aléas du marché boursier.

En fait, je crois que la direction de Bank America s'est laissée surprendre, de même que celle d'UBS et des sociétés de crédit à long terme. Long Term Capital Corporation s'est fait prendre par surprise. Il faut vraiment être expert dans ce domaine pour comprendre ce qui se passe.

Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que nous devrions faire venir tous les directeurs de banque pour leur demander de nous expliquer ce que sont les instruments dérivés, car nous avons du mal à comprendre. Nous nous demandons si les directeurs de banque sont mieux informés.

• 2000

M. Michael Mackenzie: Il faut dire que toutes les banques ont créé des comités de gestion des risques et je suis certain que les responsables des valeurs mobilières, des instruments dérivés, des obligations, des devises étrangères, etc., ont fait de longs exposés aux membres du conseil d'administration.

Je vais faire une analogie avec les actuaires. Je suis trop stupide pour être actuaire. Chaque fois qu'un actuaire me parle, j'ai l'impression de comprendre ce qu'il me dit. Dix minutes plus tard, lorsqu'il a quitté la pièce, je me demande de quoi il a bien pu parler. Un directeur de banque se trouve à peu près dans la même situation.

Mais ma suggestion est sérieuse. Je crois que vous pourriez examiner les rapports annuels, voir qui sont ces personnes et leur demander si elles sont prêtes à venir discuter avec vous.

Mme Carolyn Bennett: Le président du comité de gestion des risques de chaque banque.

M. Michael Mackenzie: Ou du comité de vérification, ou les deux.

Mme Carolyn Bennett: D'accord.

M. Michael Mackenzie: Demandez-leur ce qu'ils font pour limiter les risques associés actuellement aux opérations bancaires, les risques inhérents à la croissance—sur lesquels je reviendrai dans un instant—et les risques inhérents aux instruments dérivés et au marché des devises.

Pourquoi Bank America ne peut-elle pas prêter, sans garantie, 1,2 milliard de dollars à un fonds de couverture? Où se trouvaient les membres du conseil d'administration à ce moment-là? Cela pourrait être intéressant.

Je crois depuis longtemps, comme vous le savez peut-être, et cela depuis 1987, l'année où je suis entré en fonction, que mon rôle consistait à travailler avec les conseils d'administration des banques et à leur donner les stimuli et l'aide dont ils avaient besoin pour faire leur travail. C'est toujours le cas, mais j'aimerais savoir ce que les banques auraient à vous dire à ce sujet.

Je voudrais revenir sur une chose que j'ai dite. L'autre jour, un employé d'une des grandes banques—que je ne nommerai pas—m'a parlé de la mesure dans laquelle la rémunération était basée par la croissance tant dans les succursales qu'au niveau régional ou au siège social. Les employés sont récompensés s'ils augmentent la clientèle. Et cela me fait peur.

Mme Carolyn Bennett: Pourriez-vous également nous indiquer rapidement sur quelle période ces mesures pourraient être appliquées?

M. Michael Mackenzie: Une autre chose que j'aime dans le rapport MacKay c'est qu'on recommande d'agir immédiatement, sans attendre. Le processus d'examen recommandé dans le rapport semble pouvoir être mis en oeuvre assez rapidement.

Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que certaines choses devraient être faites rapidement, mais d'autres plus tard?

M. Michael Mackenzie: Attendez un instant. Parlez-vous des fusions ou...?

Mme Carolyn Bennett: Non, seulement de la mise en oeuvre des recommandations du rapport.

M. Michael Mackenzie: Je ne les ai pas classées selon leur urgence.

Le président: Mais vous êtes d'accord avec leur portée générale.

M. Michael Mackenzie: Je suis d'accord avec leur portée générale.

Le président: Ce qui veut dire que pour atteindre l'objectif ultime, il faut agir.

M. Michael Mackenzie: Oui.

Vous savez, dans l'ensemble, je crois qu'il faudrait essayer de considérer ce rapport comme un tout et y donner suite. Je ne pense pas que cela nous causera beaucoup de difficultés. Le risque n'est pas grand sur le plan de la solidité et de la stabilité.

La recherche d'une plus grande concurrence me plaît. J'aime l'idée de permettre davantage aux étrangers de s'implanter sur notre marché, ainsi qu'aux petites banques. J'ai eu affaire aux coopératives de crédit et au mouvement des coopératives de crédit dans l'ensemble du pays et je crois que nous avons là la possibilité de créer de bons services bancaires communautaires.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit qu'un grand nombre de mesures pourraient être annulées éventuellement, mais pour ce qui est du commerce des valeurs mobilières, il serait assez difficile d'en faire sortir les banques maintenant. L'une des choses dont les gens se sont vraiment plaints jusqu'à présent était le fait que les banques puissent vendre de l'assurance dans leurs succursales et se lancer dans la location-vente d'automobiles.

Autrement dit, devrions-nous attendre un peu pour ce qui est de ces activités ou devrions-nous leur dire immédiatement qu'elles n'ont pas le droit de se lancer dans ces domaines et pensez-vous que nous pourrions revenir en arrière si...

M. Michael Mackenzie: Non. En fait, ce serait possible. Les banques ont été autorisées à faire de la location-vente d'automobiles par le passé, mais cette permission leur a été enlevée. En fait, je ne pense pas qu'il faudrait bloquer ces recommandations à moins que les représentants de ces industries ne puissent démontrer qu'ils possèdent des données dont M. MacKay n'a pas eu connaissance ou dont il n'a pas tenu compte.

• 2005

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: J'ai une ou deux brèves questions à poser à la suite de ce qui a été dit.

Vous avez mentionné les préparatifs pour l'an 2000. C'est d'autant plus important que, selon vous, les risques dont nous parlons pourraient être énormes si quelque chose allait mal et l'an 2000 représente sans doute en soi l'un des risques les plus énormes auxquels sera confronté tout notre système ou l'intégration de notre système.

S'il s'agit d'une possibilité bien réelle, quel est le pourcentage de risque relié à l'an 2000 et pensez-vous qu'il serait prudent de s'y attaquer dès que nous connaîtrons la réponse?

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, je ne suis pas informaticien et je ne parviens pas à saisir vraiment la gravité du problème de l'an 2000. Je siège au conseil d'administration de deux institutions et, à ce titre, j'essaie de me convaincre que nous avons pris les mesures voulues pour régler le problème et que nous y consacrons beaucoup d'argent. J'ai entendu dire qu'au moment où je vous parle, chacune des banques a sans doute consacré des millions de dollars à cette question. Je crois qu'elles sont très conscientes du problème, tout comme les compagnies d'assurance-vie et les autres institutions.

Pour en revenir à votre question, si vous fusionnez deux banques de la taille de CIBC et de la Banque TD d'un côté, et de la taille de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, de l'autre, ces institutions vont devoir commencer par intégrer leurs systèmes. Vous ne pouvez pas fonctionner avec succès à grande échelle, surtout dans le secteur bancaire, avec deux technologies différentes. Il faut les intégrer et cela, sans trop tarder.

Chacune de ces banques aura son propre programme pour résoudre le problème de l'an 2000 et il peut y avoir des variations d'un programme à l'autre, mais elles devront les intégrer ainsi que tous leurs autres systèmes d'exploitation et autres applications. Je dis seulement qu'à mon avis c'est là un problème énorme. Je ne dis pas que les banques soient incapables de le résoudre. Je dis seulement que leur évaluation de l'incidence sur l'intérêt public devrait nous préciser ce qu'elles font sur ce plan.

M. Paul Szabo: D'accord.

Je voudrais votre opinion sur deux questions que je vous ai soumises à l'avance. L'une est ce que vous suggérez d'inclure dans l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public et l'autre porte sur la régie des sociétés et les dirigeants.

J'ai l'impression que ce que vous dites ici n'a pas grand-chose à voir avec l'idée que le public se fait de l'intérêt public. Il est question d'augmenter et de stabiliser le rendement pour les actionnaires et du fait que Toronto doit être stable en tant que centre financier du Canada. Ce n'est pas le genre de choses auxquelles j'aurais pensé.

Pourquoi incluez-vous ces éléments dans l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public plutôt que les critères que devrait remplir toute proposition future de fusion?

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, monsieur, je crois que le rapport mettait déjà en lumière un grand nombre de considérations et de facteurs touchant l'intérêt public. J'ai mentionné ces questions parce que personne d'autre ne les a mentionnées.

M. Paul Szabo: D'accord. J'accepte vos raisons.

M. Michael Mackenzie: J'ai dit que c'était «entre autres choses». L'intérêt public comprend toutes sortes d'autres choses, mais je défends ces aspects car selon moi, il faudrait que le gouvernement et mon successeur soient convaincus que la banque résultant de la fusion sera très solide et sans doute plus forte sur le plan financier, car elle sera mieux en mesure de lever des capitaux que les deux banques dont elle est issue.

• 2010

J'ai mentionné Toronto comme grand centre financier, car je crois qu'au cours de la dernière décennie, Toronto est devenue de plus en plus un grand centre. Quant à savoir si cette tendance se poursuivra, je l'ignore, mais il est certainement dans l'intérêt des gens qui résident dans la région et dans l'ensemble du pays comme source d'emplois et centre décisionnel, que Toronto soit consolidée comme centre financier. Il se peut que la présence de deux grandes banques fusionnées sur le marché de Toronto, par exemple, y contribue.

Après tout, regardons les choses telles qu'elles sont. Si Toronto ne joue pas le rôle de centre financier, Montréal ou Vancouver ne le feront pas à sa place; ce sera New York ou Chicago.

Enfin, pour ce qui est du dernier point—et nous parlons de la question des systèmes, etc.—jusqu'où peut-on aller dans le gigantisme? Où faut-il s'arrêter? Et si ces banques veulent réaliser des économies d'échelle, ce ne sera pas sans mettre à pied un grand nombre de gens ou sans fermer de nombreuses succursales. Je crois donc qu'à la suite de ces fusions, elles vont vouloir devenir de plus en plus grosses alors qu'elles le sont déjà assez.

Je vois donc certains dangers.

M. Paul Szabo: D'accord.

Ma dernière question présente un intérêt particulier. J'ai présenté, à la Chambre des communes, un projet de loi sur la question de la responsabilité des dirigeants et la qualité des conseils d'administration. Étant donné les gros risques qu'assument les administrateurs, pensez-vous qu'il sera de plus en plus difficile d'en trouver qui seront prêts à assumer ces risques? Nous voyons parfois des dirigeants qui siègent à 20, 30 ou 40 conseils d'administration en même temps. Même si c'est parfois dans les filiales de leur propre chaîne, ils se dispersent tellement qu'ils peuvent difficilement s'acquitter de toutes leurs responsabilités, ne serait-ce que celle d'assister à la plupart des réunions ou de remplir certaines fonctions. Par conséquent, même si vous avez un gros conseil d'administration, le nombre de gens qui travaillent vraiment est beaucoup plus petit selon moi.

Je vous demande donc s'il n'y a pas trois dimensions à considérer lorsqu'on parle de la taille des organisations et de leur influence sur l'ensemble de l'économie canadienne. Ne faudrait-il pas envisager des règles spéciales pour la régie des banques afin d'assurer cette stabilité et cette solidité. Ainsi, si cette expansion se poursuit au moyen de fusions et d'acquisitions, le conseil d'administration ne distribuera pas des indemnités de départ de plusieurs millions de dollars dont les actionnaires ne seront informés qu'après coup, sans parler du fait que ce sera enterré dans certains documents.

Au cours de ce processus, il va se passer beaucoup de choses et je sais que de nombreux vice-présidents et hauts dirigeants de banques espèrent une grosse indemnité de départ parce qu'ils veulent prendre leur retraite à 50 ans.

Par conséquent, si vous tenez à protéger les intérêts des actionnaires et l'intérêt public, ne devrions-nous pas nous soucier aussi de ce que l'on fait au nom de ces actionnaires et veiller à ce que le conseil d'administration soit assujetti à certaines règles du jeu afin que la majorité de ses membres ne soient pas des gens qui ne s'intéressent absolument pas à ses activités?

M. Michael Mackenzie: Je devrais me reporter à ma propre expérience dans ce domaine.

Tout d'abord, il s'est passé beaucoup de choses depuis 1987. En premier lieu, le nombre d'administrateurs de chaque banque a été réduit à un nombre plus raisonnable.

Deuxièmement, beaucoup plus de travail se fait en comité.

• 2015

Troisièmement, il y a maintenant un lien direct entre le conseil d'administration et le superviseur, le BSIF. Le BSIF présente un rapport au directeur et au conseil d'administration de la banque—je ne sais pas si vous connaissez le modèle CAMEL, l'acronyme de «capital assets management earnings liquidity»—et le conseil d'administration doit apposer sa signature pour la mise en oeuvre des constatations.

Par conséquent, tout est en place. Il y a des comités de gestion des risques et la SADC a établi des normes pour assurer de bonnes pratiques commerciales et financières, des normes auxquelles les conseils d'administration doivent souscrire chaque année.

J'ai examiné la liste, que m'a remise le secrétaire d'une grande banque, de toutes les questions de réglementation que le conseil d'administration de sa banque a dû examiner au cours d'une année. C'est très différent de ce que c'était il y a 10 ans. Il y a donc eu beaucoup de progrès.

Je crains que malgré cela, si vous avez un directeur général très fort et un groupe de gens très orientés vers le marché des instruments dérivés, le marché des changes, le marché obligataire et les autres marchés titrisés, de même que quelques autres marchés de créances, même avec toute cette procédure en place, les membres du conseil d'administration auront beaucoup de difficulté à s'y opposer. Voilà pourquoi vous trouverez sans doute intéressant de faire venir certains de ces administrateurs pour avoir l'occasion de discuter avec eux.

Dans le dernier numéro de la revue The Economist, on décrit le fiasco de l'UBS. Il y est question—et je crois que c'est le mot utilisé—de processus «lamentable» de gestion des risques. UBS est la plus grosse banque au monde. Et on se demande qui sont ses dirigeants.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous puissions être exposés aux fluctuations des marchés des valeurs mobilières. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les banques canadiennes. Elles ne semblent pas être exposées... comme les fonds de couverture. Mais je ne sais pas dans quelle mesure un administrateur ou un groupe d'administrateurs peuvent dire au PDG: «Un instant, ce n'est pas du tout logique; je ne comprends pas ce que nous faisons; faites venir le BSIF ou demandez à quelqu'un de m'informer.»

Les mécanismes voulus sont en place. C'est difficile, avec la meilleure volonté du monde.

Le président: Monsieur Mackenzie, vous venez de dire quelque chose de très intéressant pour ce qui est de faire venir le BSIF afin d'établir si l'institution en question respecte les conditions de solidité et de stabilité. Mais étant donné la rapidité avec laquelle les choses évoluent; je veux dire que les capitaux circulent à un rythme très rapide, cela veut-il dire qu'à chaque fois qu'on a le moindre doute, il faut appeler le BSIF ou les autres organismes de réglementation pour tout vérifier? Au rythme où vont les choses, cela pourrait être nécessaire quotidiennement. Je crois que ce qui fait peur à de nombreux Canadiens c'est la vitesse à laquelle les choses se produisent.

M. Michael Mackenzie: C'est vrai, mais cela fait partie du mode de vie actuel, comme tout le monde vous le dira. Toute la réglementation du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe—et comme je l'ai mentionné, je suis maintenant consultant à temps partiel auprès de la Banque mondiale et je vois donc ce qui se passe dans d'autres régions du monde industrialisé—est entièrement axée sur les systèmes de gestion des risques. Je pense que c'est ainsi qu'il faut résoudre le problème.

Si l'organisme de réglementation, de supervision ou de vérification vient vérifier ce qui se passe une fois la transaction faite, quand le cheval court déjà dans le pré, il vaut mieux gérer les risques. Je crois que, de plus en plus, les organismes de supervision vont devoir insister sur la gestion des risques, et cela ne devra pas nécessairement se faire quotidiennement, mais peut-être une fois par an ou plus souvent si la banque a davantage de difficultés.

• 2020

Les analystes et les agences de cotation font, je pense, un bon travail sur ce plan. Je crois beaucoup au soutien, à la supervision qu'exerce Standard and Poor ainsi que Moody. Ils ont des méthodes très perfectionnées. Je crois qu'ils voient les choses en fonction de la gestion du risque et qu'ils maintiennent des pressions constantes. La principale source d'incitations pour une banque est que, si elle perd sa cote de double A, elle sera évincée du marché des instruments dérivés. Et c'est un incitatif assez puissant.

Le président: Je voudrais en revenir à une phrase que contient le rapport et qui dit, sauf erreur que, tarder à agir c'est refuser d'agir. Autrement dit, il faut se mettre à l'oeuvre car nous n'avons pas vraiment autant de temps qu'on pourrait le croire.

Je crois que cela figure dans le rapport et pourtant la principale difficulté de notre comité vient de ce que le public est très peu renseigné sur cette question. Parfois, des gens s'opposent à certains changements parce qu'ils protègent leurs plates-bandes ou parce qu'ils sont mal informés. Cela m'a paru assez évident à l'occasion de plusieurs assemblées publiques que j'ai organisées personnellement dans ma circonscription ou ailleurs.

Ce n'est pas une question bien comprise du grand public. C'est assez complexe. On a peur de l'inconnu et c'est le sentiment que le public canadien éprouve dans une large mesure à l'heure actuelle.

Comment pensez-vous qu'il puisse être surmonté?

M. Michael Mackenzie: Je ne suis pas certain qu'il soit possible d'y remédier totalement. Une chose que j'aime dans ce document c'est qu'il présente, selon moi, une analyse et une description très complète du système, ce qui en fait un bon instrument éducatif. Quant à savoir ce que les gens en feront, c'est une autre question.

D'après ce que vous dites—et j'en reviens à ce que j'ai dit au départ—ce rapport vous fournit les bases à partir desquelles vous pouvez formuler votre propre opinion au sujet des divers aspects du système.

Quant à savoir comment éduquer le public, je n'en suis pas certain. Je ne sais même pas à quel point le public est mal informé. Ce que je sais, parce que c'est un sentiment que je partage, c'est que le public redoute sérieusement l'exposition au risque, surtout en ce moment. Il a peur que les choses aillent mal, que des gens se livrent à des manoeuvres et j'ai constaté personnellement que le public canadien, nous tous—et vous en savez certainement beaucoup plus que moi sur ce sujet—entretient une relation amour-haine avec ce milieu. En effet, nous obtenons tous un assez bon service. Si vous comparez le service que nous obtenons au Canada avec celui des États-Unis, le Canadien moyen est très avantagé.

Mais quant à la façon de convaincre un public sceptique, je ne sais pas. Je crois que le public a beaucoup de mal à comprendre le lien que j'ai établi dans mon exposé entre la rentabilité et la stabilité. Le Canadien moyen pense que les banques réalisent des profits exorbitants, qu'elles nous volent...

Des voix: Bravo!

M. Michael Mackenzie: ...et qu'elles méritent de se faire mettre au pas.

Je ne suis pas si mécontent des profits que réalisent les banques et ces profits ne seront pas aussi importants cette année qu'ils l'étaient l'année dernière. Loin de là.

Je ne sais pas; je ne sais pas si je peux vous aider beaucoup sur ce plan.

Le président: J'ai également trouvé intéressante votre dernière observation:

    Il est important, je suppose, que les marchés financiers internationaux voient tout rejet comme le résultat d'une analyse logique des faits et non pas de motifs politiques.

Selon moi, une des choses qui se sont passées au cours de ce débat est que, lors de leur comparution devant notre comité, les banques ont accepté des choses qu'elles n'acceptent pas normalement. Et ce genre d'attitude a de quoi rendre extrêmement soupçonneux.

• 2025

Par exemple, les banques acceptent une réglementation dont elles ne voudraient pas normalement. Certains banquiers disent, par exemple, qu'ils accepteront une sorte de CAR, ce qu'ils n'auraient jamais accepté avant et c'est la même chose pour ce qui est de l'ombudsman. Voilà que tout à coup ils sont d'accord pour créer cette banque pour la petite entreprise.

Cela alimente le cynisme et place notre comité dans l'embarras, car nous ignorons si les banquiers disent cela en raison de la situation dans laquelle ils se trouvent ou parce que c'est logique du point de vue commercial.

Je dirais donc que les banques cherchent davantage à convaincre la classe politique qu'à présenter des arguments commerciaux. Vous avez dit combien il est important que les banques soient rentables pour assurer la solidité et la stabilité du système, mais ce sont des choses qu'elles oublient parfois de mentionner.

M. Michael Mackenzie: Je ne sais pas ce que les banques vous ont dit, mais je partage votre sentiment, d'une certaine façon.

Voilà pourquoi la recommandation que M. MacKay a faite quant à la première étape du processus, l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, vise à leur faire préciser publiquement les choses dont j'ai parlé et à rendre des comptes sur tous les autres aspects de l'intérêt public.

Peut-être direz-vous qu'elles le font uniquement parce qu'elles veulent obtenir quelque chose de nous et qu'une fois le feu vert obtenu, elles agiront à leur guise...

Le président: Je ne vais pas aussi loin, mais je crois que, lorsqu'elles viennent ici dire qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois et que leur effectif diminuera uniquement sous l'effet des départs naturels, si vous examinez les dépenses des banques et que vous voyez quelle est la proportion consacrée aux salaires, vous n'aurez pas un système plus efficient si vous ne mettez pas du personnel à pied.

M. Michael Mackenzie: Personnellement, j'estime que les fusions qui ont eu le plus de succès, dans la plupart des industries, y compris le secteur bancaire, se sont accompagnées de pertes d'emplois importantes. Les banques ont sans doute fait un bon travail sur le plan des indemnités de départ et elles comptent probablement être généreuses sur ce plan, de même que pour les retraites anticipées et les autres mesures qu'elles prendront, mais je crois qu'elles vous disent que les pertes d'emplois seront très limitées. En même temps, elles déclarent qu'elles doivent prendre de l'expansion, car la seule façon de réduire leurs dépenses, si elles ne congédient pas du personnel, est d'accroître énormément leur volume d'affaires.

Chaque fois que je vois une entreprise prendre rapidement de l'expansion, je suis un peu nerveux, car je me demande si elle ne va pas excéder la capacité de ses systèmes de gestion des risques.

Le président: Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

J'ai une ou deux questions à poser. Dans votre exposé, vous avez mis en doute la suggestion concernant le BSIF et la modification de son mandat. Il y avait d'autres recommandations concernant le BSIF. Dois-je en conclure que vous ne contestez pas les autres et que c'est seulement celle-ci à laquelle vous voyez des objections?

M. Michael Mackenzie: Avez-vous une suggestion précise à mentionner?

M. Tony Valeri: Les autres parlent de consolider la structure de régie en ajoutant un conseil d'administration, en transférant la SADC au BSIF et en modifiant le mandat de la SADC en conséquence. Ce sont les autres recommandations du rapport MacKay.

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, pour remonter un peu en arrière, lorsque j'ai passé mon entrevue pour mon poste, à la fin de 1986 ou au début de 1987, j'ai demandé si nous ne pourrions pas mettre sur pied un conseil de supervision bancaire sur le modèle de celui de la Banque d'Angleterre. On m'a répondu par la négative. C'est donc une recommandation qui m'intéresse beaucoup.

Je l'appuie de façon générale mais j'ai deux réserves. La première—et je ne sais pas comment le dire pour être poli—est que j'espère qu'on choisira ces personnes en raison de leurs connaissances et de leurs intérêts et pas nécessairement en raison de leur affiliation politique. Il s'agira de postes rémunérés, peut-être pas énormément, mais si vous voulez trouver des gens... il faut leur verser une rémunération.

• 2030

En supposant qu'il s'agit de personnes compétentes et honnêtes, toutes dévouées à la mission du BSIF, je crois que le surintendant peut obtenir d'un conseil d'administration des idées et des appuis et qu'il devra également justifier ses actes. Je ne pense pas que vous réussirez à empêcher ces personnes de poser des questions quant à la façon de résoudre les problèmes des banques en difficulté. Je ne crois pas qu'il soit réaliste de s'attendre qu'elles puissent rester à l'écart. C'est peut-être une bonne chose. Voilà ce que j'en pense.

Ensuite, ce que le groupe de travail propose au sujet de la SADC me paraît tout à fait logique. Je crois qu'il y a eu beaucoup de conflits inutiles depuis plusieurs années et que la distinction faite entre l'assureur ou le garant, ce qu'est la SADC, et l'organisme de réglementation ou superviseur est la bonne.

Cela dit, la SADC ne veut évidemment pas se faire prendre par surprise et il faut donc une excellente communication entre les deux institutions. La SADC aura les mains pleines si ce projet de fusion avec la SIAP se matérialise.

Il y a d'autres suggestions concernant la protection des consommateurs et le reste, auxquelles le BSIF devrait donner suite et que je n'aime pas beaucoup, mais je les accepte. Je veux dire que cela fait partie des réalités. Si le BSIF doit s'en charger, qu'il en soit ainsi, mais je ne veux pas que cela nuise à sa fonction première qui est d'assurer la confiance du marché, la solidité, la stabilité et les règles de prudence.

M. Tony Valeri: Je ne pense pas que tel soit l'objectif de la recommandation du rapport MacKay.

M. Michael Mackenzie: Non, je sais que non.

M. Tony Valeri: Ma question suivante concerne le régime de la propriété. MacKay parle de trois types de régimes. Vous aurez des institutions à capital fermé à 100 p. 100 en dessous d'un milliard de dollars, jusqu'à 65 p. 100 entre 1 et 5 milliards et au-delà de ce montant, 10 p. 100, ce pourrait être élargi à 20 p. 100. Vous avez parlé de solidité et de stabilité à propos de vos inquiétudes au sujet d'une surexposition aux risques que représente le marché des valeurs mobilières. Toutefois, quelles dispositions devrions-nous envisager pour établir un juste équilibre entre la stabilité et l'accroissement de la concurrence que ce type de régime apportera?

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, j'aime la façon dont M. MacKay et ses collègues ont abordé la question de la propriété. Je me suis prononcé énergiquement en faveur de grandes banques assujetties à la règle des 10 p. 100. MacKay a apporté quelques modifications à ce principe qui me paraissent logiques; je ne sais pas. Du point de vue de la solidité et de la stabilité, dans le système bancaire, je n'aime pas que le capital soit fermé. J'ai vu là une trop grosse source de problèmes dans le cas de mon travail à la Banque mondiale. Si l'on examine les systèmes en vigueur dans le monde, cela cause des difficultés, surtout si les propriétaires ont d'autres intérêts commerciaux ou financiers. J'aime donc la séparation des finances et du commerce.

Par conséquent, lorsque MacKay fait la distinction entre les grandes institutions, les moyennes et les petites, comme il le fait, je suis d'accord. En pratique, c'est très bien, mais pensez aux petites sociétés de fiducie du pays qui ont connu des difficultés depuis 1967. Toutes étaient à capital fermé. Je ne dis pas que la CCB et la Northland Bank entraient dans cette catégorie, mais pensez-y.

Je n'aime pas que les gens qui ont des intérêts commerciaux, surtout dans l'immobilier, aient le pouvoir de contrôler une institution qui reçoit de l'argent du public sous la forme de dépôts et de primes d'assurance. Cela m'inquiète. Vous pourrez mettre en place autant de règles que vous voudrez au sujet des transactions entre apparentés etc.; les règles, c'est très bien, mais elles n'éliminent pas complètement les risques.

• 2035

D'ailleurs, j'approuve entièrement ce qu'il a dit au sujet des sociétés de portefeuille et d'une Loi sur les sociétés de portefeuille. J'ai fait valoir pendant des années que nous avions besoin de ce genre de loi et il a indiqué les raisons pour lesquelles cette forme de structure serait logique et apporterait davantage de souplesse. Mais au Canada, nous n'avons jamais réussi à décider si ces sociétés de portefeuille devaient être réglementées ou supervisées. Et je pense que ce que MacKay a dit à ce sujet est tout à fait approprié.

Je suis donc assez d'accord avec ce qu'il dit au sujet des règles de propriété et des considérations touchant la solidité et la stabilité.

M. Tony Valeri: Deux dernières choses. Premièrement, vous dites connaître la difficulté de fusionner des systèmes d'information des grandes banques et vous dites que le manque d'intégration des divers systèmes d'information a contribué, dans une certaine mesure, à la faillite de Central Guaranty Trust.

Si les systèmes d'information des banques résultant des fusions ne sont pas intégrés, cela représente-t-il un risque qui devrait nous inquiéter sérieusement?

Également, et c'est une question à laquelle j'ai souvent réfléchi, croyez-vous que les banques canadiennes sont trop grosses pour faire faillite, que le gouvernement ne les laisserait pas tomber et que, dans une certaine mesure, les banques en profitent? Je veux dire que les déposants placent leur argent dans les banques canadiennes avec un certain sentiment de sécurité. Le gouvernement ne les laissera pas faire faillite.

Qu'en pensez-vous?

M. Michael Mackenzie: Je crois qu'il s'agit de la doctrine selon laquelle on est trop puissant pour faire faillite ou trop gros pour qu'on vous laisse faire faillite. Je le crois et cela n'aurait jamais dû se produire. Il faudrait toujours que vous puissiez douter que vous êtes trop gros pour qu'on vous laisse faire faillite.

Cela pourrait poser un sérieux problème. Sans trahir de secrets, je dirais que c'est un problème qui nous préoccupait à l'égard de Royal Trust de même que Central Guaranty Trust et Confederation Life, pour citer trois exemples. Mais je crois qu'aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, ne laissera jamais la Banque de Montréal faire faillite. C'est vrai aux États-Unis et c'est vrai au Royaume-Uni. Il est vrai que les gouvernements ne laisseront jamais des grandes banques qui reçoivent d'importants dépôts du public faire faillite.

Regardez ce qui s'est passé en Suède en 1990 et en 1991; tout le système s'est écroulé et le gouvernement a pris toutes sortes de mesures pour qu'il n'y ait pas de faillites, pour rebâtir le système financier.

N'oubliez pas non plus que les grandes banques sont au coeur du système de paiement. Si vous laissez une d'entre elles faire faillite, vous compromettrez tous les systèmes de paiement.

Par conséquent, j'ignore si cela répond à votre question, mais en tant qu'ancien responsable de la réglementation, je n'irais jamais dire à une banque qu'elle est trop puissante pour qu'on la laisse faire faillite.

Je me suis étonné—mais c'est un autre sujet—que MacKay n'aborde pas du tout les questions concernant les faillites. Il y en a beaucoup. Cela me paraît regrettable.

M. Tony Valeri: Merci.

Le président: Le rapport ne parle tout simplement pas des faillites.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Mackenzie, je voudrais revenir sur une question que le président a soulevée. Il s'agit des faits par opposition à la politique, de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas. Dans votre mémoire, vous parlez des pertes d'emplois, car c'est une question que plusieurs groupes et plusieurs personnes ont soulevée devant le comité.

Si je me souviens bien de ce qui a été dit à des réunions antérieures, M. Cleghorn et M. Barrett ont reconnu, au nom de leur banque respective, que s'il y avait fusion, environ 18 500 emplois disparaîtraient. Ils ont ensuite parlé d'attrition et de dispositions de ce genre. Pourtant, d'autres groupes, ont déclaré non seulement devant notre comité, mais aussi dans les médias, que les emplois perdus seraient au moins deux fois plus nombreux.

Cela dit, vous avez mentionné qu'il y aurait l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Si les banques font ce genre d'évaluation, c'est très bien, mais je voudrais savoir si, du point de vue de la réglementation, le BSIF en vérifiera la teneur.

• 2040

Je sais qu'un comité ou une équipe de transition est en place pour préparer la fusion si le feu vert est donné. La question est de savoir comment juger la véracité de ces chiffres quant aux répercussions de la fusion? Cela sera-t-il fait par l'organisme de réglementation ou faudrait-il qu'un comité parlementaire fasse comparaître ces personnes en exigeant qu'elles montrent leurs données.

M. Michael Mackenzie: C'est quelque chose de nouveau et il n'existe pas de précédent. Je n'ai jamais connu de situation où un suivi de cette nature a été exigé pour une fusion, une prise de contrôle ou quoi que ce soit. La procédure à suivre pourrait être énoncée dans les documents de fusion ou dans ceux dont le ministre se sera servi pour accorder son autorisation. Bien entendu, le BSIF pourrait être chargé d'exercer une surveillance et il serait peut-être le mieux placé pour le faire.

Je reviens toutefois au début de votre question. Vous êtes la classe politique, vous jugez les valeurs politiques, les risques politiques et les raisons politiques. Je parle seulement de la perception du marché. À mon avis, les marchés comprendront si le gouvernement de l'heure dit qu'il a mandaté M. MacKay ou son prédécesseur ainsi qu'un groupe de travail et, qu'étant donné les répercussions directes ou indirectes d'une fusion sur l'emploi au Canada, il n'est pas dans l'intérêt public de perdre autant d'emplois.

Vous seriez plus convaincants en faisant valoir aux marchés financiers internationaux les problèmes de concentration et le degré de concentration du secteur bancaire au Canada par rapport à la plupart des autres pays. La concentration est déjà élevée et elle le sera beaucoup plus.

Ce n'est pas à moi de vous dire comment faire, mais c'est ce que j'avais à l'esprit lorsque j'ai parlé d'une analyse fondée sur les faits.

J'ajouterais—sans vouloir abuser de votre temps—que je n'ai pas abordé les dépenses consacrées aux systèmes, ce qui constitue un élément important que les banques devront inclure dans leurs évaluations. Le rapport précise bien que Citibank et Chase consacrent chaque année beaucoup plus d'argent aux systèmes et au développement des systèmes que nos propres banques. Cela peut être un bon argument, car je crois qu'il est essentiel de dépenser pour développer et maintenir les systèmes.

Sans trahir de secrets, je crois qu'on pourrait leur demander à quoi serviront les dépenses consacrées aux systèmes. Ce serait pour nous donner une idée des raisons pour lesquelles elles doivent dépenser cet argent et les raisons pour lesquelles elles consacrent cette somme aux systèmes tandis que Chase dépense le double. Il y a toutes sortes d'hypothèses à ce sujet et je crois que c'est une bonne question. Les banques ont sans doute de bonnes raisons.

M. Roger Gallaway: Pour ce qui est des autres domaines, vous avez abordé la concurrence étrangère. Je voudrais vous lire une ou deux lignes du premier document d'information.

À propos de la concurrence il est dit:

    Le Groupe de travail est d'avis que, si la filiale d'une banque étrangère se livre à des activités qui ne donnent lieu à aucune préoccupation du point de vue prudentiel, la réglementation devrait être allégée au maximum, sinon éliminée. [...] Le Groupe de travail n'est pas troublé par les anomalies que pourrait créer ce régime sur le plan de la concurrence entre les banques étrangères et intérieures.

Autrement dit, il dit que la réglementation sera plus serrée pour les banques nationales que pour les banques étrangères.

Je me demandais ce que vous en pensiez.

• 2045

M. Michael Mackenzie: Tout d'abord, les institutions qui se livrent à des activités similaires devraient être supervisées et réglementées de la même façon, qu'elles soient nationales ou étrangères, grandes ou petites. Autrement dit, si une banque étrangère est établie au Canada et reçoit des dépôts du public canadien, y compris la clientèle commerciale et pas seulement les particuliers, il faudrait qu'elle soit réglementée et supervisée au même titre qu'une institution canadienne.

Toutefois, si elle n'obtient pas ses fonds des déposants canadiens, mais du marché monétaire ou de l'émission de titres sur les marchés, etc., et si elle est assujettie au régime d'une commission des valeurs mobilières ou un régime de surveillance, je ne sais pas vraiment à quel point le BSIF devrait s'y intéresser.

Par exemple, GE Capital opère au Canada et dans le monde entier. Cette banque est devenue une des plus grandes au monde, mais elle ne reçoit de dépôts de personne. Elle agit sur le marché. Elle doit se conformer aux normes de la SEC, à celle de l'OSE ou toute autre norme pertinente. Cela enrage les banques et les autres institutions qui doivent la concurrencer, mais je n'y vois pas d'objection.

C'est une raison pour laquelle je crois que MacKay a pensé que le concept de la société de portefeuille serait souhaitable. Cela permettrait aux banques de concurrencer GE Capital ou Newcourt. Le rapport MacKay dit toutefois qu'il faudrait s'assurer d'une certaine transparence et prévoir des barrières de protection afin qu'en cas de difficulté, ce soit le marché et l'investisseur qui en feront les frais, et non pas le déposant ou le titulaire d'une police d'assurance.

M. Roger Gallaway: J'ai une dernière question.

Dans votre exposé, vous avez dit que:

    [...] lorsque les marchés sont en difficulté, ils réduisent brutalement la valeur des actions bancaires [...] le Groupe de travail a sous-estimé le lien crucial entre la rentabilité des banques et la stabilité financière.

Je suis certainement d'accord. En même temps, un universitaire a laissé entendre que, si l'on examine ce qui s'est passé entre 1990 et 1992, lorsque la loi actuelle sur les banques a été conçue et rédigée, les banques ont subi plusieurs revers importants. De grosses sommes d'argent ont été perdues—de gros montants se chiffrant en milliards—pourtant, ces pertes connues du public n'ont eu aucun effet sur le cours des actions des banques.

Je suppose qu'il a raison. C'est une question qu'il a étudiée.

Comment pouvez-vous nous expliquer cela compte tenu de ce que vous nous avez dit—même si je sais que ce n'est pas la même chose.

M. Michael Mackenzie: Pour commencer, tout le monde savait que toutes ces banques avaient d'énormes problèmes sur le plan immobilier. Lorsque les gens ont été convaincus que les banques cherchaient à résoudre leurs difficultés au lieu de nier leur existence, la valeur des actions a généralement monté au lieu de descendre, même si les profits bancaires ont été durement touchés. Selon moi, c'est parce que le public savait qu'elles faisaient face à la situation.

N'oubliez pas non plus qu'à l'époque les actions bancaires—je ne suis pas un analyste des actions bancaires—étaient sans doute sous-évaluées sur le marché. Il y a six mois, beaucoup d'investisseurs ont craint que la bulle ne crève et après avoir connu cette ascension fulgurante, les actions bancaires ont montré qu'elles avaient peut-être été surévaluées.

Le marché boursier s'effondre et il se passe un tas d'autres choses, comme la crise asiatique, l'exposition aux risques et les gens se disent tout à coup qu'ils ne mesurent peut-être pas toute l'étendue des risques. Autrement dit, le public était au courant pour les risques immobiliers et comme il a vu que les banques faisaient face à la situation, il les a récompensées. Mais je ne pense pas que nous sachions vraiment quelle est leur exposition aux risques en Extrême-Orient, au Brésil ou dans d'autres pays. Personne ne comprend vraiment, comme je l'ai dit tout à l'heure, quels sont les risques encourus par l'entremise de fonds de couverture, du marché boursier et du marché des instruments dérivés. Le marché est tout simplement beaucoup plus nerveux à l'heure actuelle.

• 2050

Je ne sais pas si cela répond ou non à votre question.

M. Roger Gallaway: Non, mais c'est bien.

M. Michael Mackenzie: Mais c'est curieux. Regardez les actions bancaires américaines, les actions bancaires canadiennes, britanniques, allemandes, suisses... elles ont toutes été en baisse cet été et cet automne.

M. Roger Gallaway: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gallaway.

Monsieur Mackenzie, merci beaucoup de cet excellent exposé. Nous comprenons mieux ces questions grâce à votre intervention et nous vous en sommes très reconnaissants.

M. Michael Mackenzie: J'ajouterai seulement—et je reviens sur ce que j'ai dit tout à l'heure—qu'il ne faudrait pas laisser entièrement de côté la question de la réglementation des valeurs mobilières et de la supervision. Je sais que c'est une question constitutionnelle à bien des égards, mais voilà pratiquement un rapport qui dit: «Nous décrivons tout le secteur financier au Canada, mais nous ne touchons pas aux maisons d'investissement».

Je ne sais pas, mais cela me tracasse. Je ne sais pas comment vous ferez, mais...

Le président: Nous trouverons un moyen, s'il y en a un.

M. Michael Mackenzie: Très bien.

Le président: La séance est levée.