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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 octobre 1998

• 1813

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte, et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes réunies ici ce soir.

Le Comité permanent des finances, conformément au mandat qui lui échoit en vertu du paragraphe 108(2) et de l'article 83.1 du Règlement, reprend ses consultations prébudgétaires.

Ce soir, nous avons le plaisir d'accueillir les organismes suivants: «32 Hours: Action for Full Employment»; Campagne 2000; «Campaign Against Child Poverty»; l'Association canadienne des banques alimentaires, l'Association canadienne des individus retraités et le «Committee on Monetary and Economic Reform». Comme vous le savez, vous disposez d'environ cinq à sept minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous passerons à une période de questions et réponses.

Nous allons d'abord entendre M. Anders Hayden, coordinateur des recherches et de la politique, pour «32 Hours: Action for Full Employment». Soyez le bienvenu.

M. Anders Hayden (coordinateur des recherches et de la politique, 32 Hours, Action for Full Employment): Je vous remercie. Je comparais au nom de 32 Hours: Action for Full Employment, organisme torontois voué à la réduction et à la redistribution du temps de travail. Nous faisons partie du Shorter Work Time Network, qui compte 10 sections locales au Canada.

• 1815

En 1994, le Groupe consultatif sur le temps de travail et la répartition du travail du gouvernement fédéral a avalisé une nouvelle priorité de la politique gouvernementale, à savoir la réduction et la redistribution du temps de travail. Il a aussi ressortir le paradoxe selon lequel bon nombre de Canadiens font des heures supplémentaires, tandis que nombreux sont ceux qui ne travaillent pas du tout. Quatre ans plus tard, ce paradoxe se vérifie toujours. Le taux de chômage demeure supérieur à 8 p. 100, niveau qui, de l'aveu même du ministre des Finances, est nettement trop élevé.

En même temps, les auteurs d'une étude récente ont constaté que près de deux millions de personnes effectuent régulièrement des heures supplémentaires, soit neuf heures par semaine en moyenne. Dans ce contexte, la réduction et la redistribution du temps de travail pourraient procurer d'importants avantages, par exemple créer des emplois pour les chômeurs, notamment les jeunes qui font des pieds et des mains pour intégrer le marché du travail, améliorer la qualité de vie des personnes qui travaillent trop en leur donnant l'occasion de consacrer un temps précieux à leur famille, à leur collectivité et à elles-mêmes, réduire la prévalence de la pauvreté chez les enfants, sans parler de la pauvreté chez les adultes et, enfin, augmenter la productivité des travailleurs en réduisant la prévalence du stress et de l'épuisement professionnel, tout en améliorant leur santé et leur moral. On abaisserait du même souffle les coûts élevés du chômage assumés par le gouvernement.

Bon nombre de pays d'Europe s'emploient à la mise en place d'une diversité de programmes visant à réduire le temps de travail. Parmi les cas les plus notables, citons celui des Pays-Bas, où on a réduit le taux de chômage à 4,2 p. 100, principalement en raison de la réduction du nombre d'heures de travail par année, le plus bas dans tout le monde industrialisé.

Il est temps que le Canada s'engage dans cette direction, et les mesures budgétaires que le gouvernement fédéral pourraient prendre sont nombreuses.

Nos propositions reposent sur deux notions principales. Premièrement, le chômage et le surmenage engendrent des coûts renversants pour les particuliers et la société, y compris d'importants coûts financiers pour le gouvernement.

Deuxièmement, les politiques gouvernementales devraient récompenser les employeurs et les employés qui rendent possibles de nouvelles embauches en optant pour des semaines de travail plus courtes, tout en pénalisant ceux qui privilégient le surmenage plutôt que la création d'emplois.

Permettez-moi de vous présenter brièvement certaines de nos propositions. En 1997, les auteurs du rapport intitulé Réflexion collective sur le milieu de travail en évolution ont insisté sur le fait que la politique gouvernementale ne devrait pas créer d'incitatifs artificiels relatifs à des semaines de travail plus longues. Dans cette veine, nous pensons que le gouvernement devrait, à tout le moins, uniformiser les règles du jeu en ce qui a trait au nombre d'heures de travail en éliminant le plafond des contributions de l'employeur aux charges sociales que sont le RPC et l'assurance-emploi. Ces plafonds sont l'une des raisons qui font que les heures supplémentaires sont souvent, pour les employeurs, une solution moins coûteuse que les nouvelles embauches. Ce geste pourrait être accompagné d'une baisse du taux des cotisations, de façon à ce qu'il n'ait aucune incidence sur le revenu.

Mieux encore, nous pourrions, pensons-nous, modifier les règles du jeu afin de favoriser la création d'emplois et d'augmenter les temps libres. Une option consisterait à exempter des cotisations à l'assurance-emploi et au RPC la première tranche de 7 500 $ (ou même de 10 000 $) de revenus d'emploi. Cette mesure, conjuguée à l'élimination du plafond des cotisations, ferait des nouvelles embauches une solution plus attrayante que les heures supplémentaires pour les employeurs.

Dans le même ordre d'idées, on pourrait aussi faire en sorte que toutes les heures supplémentaires soient assujetties aux cotisations de l'assurance-emploi, du RPC ou, sinon, à un impôt sur les heures supplémentaires, ce qui, dans les faits, reviendrait au même.

Nous sommes également favorables à la mise en place d'incitatifs financiers qui auraient pour fonction de récompenser directement les entreprises qui créent des emplois grâce à la réduction du temps de travail. En 1996, la France, par exemple, a adopté un programme d'allégement fiscal destiné expressément aux entreprises qui créent des emplois au moyen de la réduction du nombre d'heures de travail. En deux ans seulement, 2 000 entreprises sont passées d'une semaine de 35 heures de travail à une semaine de 32 heures de travail, ce qui a entraîné la création de 25 000 emplois et a permis d'en sauver 17 000 de plus.

Le Canada devrait adopter un programme analogue, lequel pourrait être financé à même les économies réalisées par le gouvernement grâce aux emplois créés.

Nous pressons également le gouvernement de donner aux travailleurs l'occasion d'apprendre, de vaquer à leurs obligations familiales et de créer de nouveaux emplois en versant des prestations d'assurance-emploi aux travailleurs qui prennent des congés prolongés pour obligations familiales, des congés d'études ou de formation et des congés sabbatiques. Il est possible d'y parvenir à peu de frais ou sans incidence marquée sur les revenus si l'on crée l'obligation d'embaucher un chômeur pour remplacer l'employé en congé. Au Danemark et en Finlande, de telles politiques ont fait leurs preuves, et les Pays-Bas s'efforcent de leur emboîter le pas.

Ces options et d'autres encore sont présentées plus en détail dans notre mémoire. Il s'agit d'autant de moyens viables de créer des emplois, de répondre à des besoins sociaux pressants et d'améliorer la qualité de vie, sans que les budgets du gouvernement redeviennent déficitaires. Dans le contexte du ralentissement économique ainsi que de la hausse marquée du chômage que pourrait provoquer l'instabilité financière mondiale, il est encore plus urgent que le gouvernement adopte des politiques favorisant une répartition plus sensée du temps de travail.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Haydon.

Nous entendrons maintenant Mme Laurel Rothman, coordonnatrice nationale intérimaire de Campagne 2000. Soyez la bienvenue.

Mme Laurel Rothman (coordonnatrice nationale intérimaire, Campagne 2000): Bonsoir.

Je pense qu'il importe de souligner le décès récent de Rosemary Popham, notre coordonnatrice fondatrice, que bon nombre d'entre vous—je le sais—ont côtoyée au fil des ans. Voilà pourquoi j'aimerais vous demander d'observer quelques secondes de silence à sa mémoire.

• 1820

[Note de la rédaction: On observe un moment de silence]

Mme Laurel Rothman: Je vous remercie.

Depuis 1991, elle était le coeur et l'âme de Campagne 2000, de sorte que nous devrons travailler d'arrache-pied pour suivre son exemple.

Comme vous le savez probablement, Campagne 2000 est une vaste coalition de plus de 70 partenaires nationaux, provinciaux et locaux. Parmi nos membres, on retrouve des organismes aussi diversifiés que l'Association des psychiatres du Canada, les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile et le Conseil canadien des Églises. Nous sommes tous déterminés à veiller à ce que la Chambre des communes donne suite à sa résolution de mettre un terme à la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000.

Je tenterai d'être brève.

Il existe bien des façons d'évaluer le progrès d'une nation, mais il n'y a pas de mesure plus efficace de la santé et de la force d'une société que le bien-être de ses enfants. Malheureusement, le dossier du Canada à cet égard n'est pas reluisant.

Vous connaissez probablement quelques-uns des faits. À l'heure actuelle, le Canada compte 500 000 enfants pauvres de plus qu'en 1989. Sur le plan statistique, il est peut-être plus exact de dire que le taux de pauvreté chez les enfants, soit le nombre d'enfants pauvres par rapport au nombre total d'enfants, a augmenté de 45 p. 100. Environ un enfant sur six vivait dans la pauvreté; aujourd'hui, la proportion est de un sur cinq. Depuis 1989, le nombre de familles disposant d'un revenu annuel inférieur à 20 000 $ s'est accru de 45 p. 100. En même temps, la famille moyenne non pauvre est presque quatre fois mieux nantie que la famille pauvre.

Ce que je présente aux membres du comité, c'est dont un certain nombre des faits et des messages principaux que présente l'organisme dans les efforts qu'il déploie pour rencontrer des députés des quatre coins du Canada. Je vous en ai remis un exemplaire.

Nous nous verrons mercredi sur la colline du Parlement, et bon nombre d'entre vous ont rencontré les partenaires locaux dans votre circonscription. Notre message principal est le suivant: nous exhortons le gouvernement fédéral à tenir sa promesse de consacrer au moins 50 p. 100 des surplus budgétaires, nonobstant les propos tenus hier par M. Martin, aux programmes sociaux, qui sont indispensables.

Nous unissons notre voix à celle des autres Canadiens qui répètent sans cesse qu'ils ne souhaitent pas une diminution générale des impôts. Selon nous et selon bien d'autres intervenants, une diminution générale des impôts ne profitera pas aux familles à faible revenu et à revenu moyen. En fait, je vous ai remis un tableau qui montre qu'une diminution générale des impôts profiterait 22 fois plus aux 20 p. 100 des familles les mieux nanties qu'aux 20 p. 100 des familles les moins bien nanties.

Nous nous attendons à ce que les enfants soient l'un des principaux enjeux du budget de 1999. Parmi les indicateurs que nous escomptons, citons un plan budgétaire pluriannuel assorti d'objectifs et de calendriers, un engagement en faveur du financement intégral de la prestation pour enfants, ce qui représentera un investissement de 2,5 milliards de dollars d'ici l'an 2000 et ce qui, selon nos calculs, obligera le gouvernement à investir 850 millions de dollars de plus que ce qui a déjà été promis et, enfin, l'établissement d'un fonds national du millénaire pour les soins et les services d'éducation préscolaires.

À juste titre, M. Martin a, l'année dernière, fait de l'apprentissage l'une des principales préoccupations du gouvernement fédéral, et il s'est attaqué au problème au niveau postsecondaire. Je pense que la plupart des éducateurs et des psychologues du développement seraient d'accord pour dire que les six premières années sont tout aussi importantes, sinon plus, pour l'édification de ces assises.

Nous comptons sur une allocation initiale de 460 millions de dollars pour remplacer les sommes perdues au titre du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux et du premier engagement du Livre rouge—ce sont des propositions très modestes. Nous comptons également sur des prestations de maternité et des prestations parentales prolongées et bonifiées, le soutien de la création d'une fondation autonome pour le logement sans but lucratif afin de favoriser la création de logements à prix abordables et, enfin, le retour à une économie mixte en vertu de laquelle les emplois directs créés par le gouvernement permettront aux parents de gagner un revenu suffisant pour subvenir aux besoins de leur famille.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Rothman.

Nous entendrons maintenant le rabbin Arthur Bielfeld, du Temple Emanu-El, June Callwood et le professeur Roger Hyman, de la «Campaign Against Child Poverty». Soyez les bienvenus.

Rabbin Arthur Bielfeld (Temple Emanu-El, membre du comité de direction, Campaign against Child Poverty): Merci, monsieur le président.

Le professeur Hyman n'est pas ici, et Caroline DiGiovanni prendra la parole dans le cadre du groupe issu de la Hope for Children Foundation.

• 1825

Nous sommes une coalition de citoyens issue de groupes d'intérêt public, de groupes de défense des enfants, de groupes confessionnaux, d'organismes qui prodiguent des services à la famille, d'oeuvres de bienfaisance, ainsi que des mondes de l'éducation, de la médecine et des affaires. Notre groupe comprend à peu près toutes les interventions auxquelles vous pouvez penser. Nous sommes un groupe de personnes qui en ont assez. Tout cela doit cesser. Nous devons transcender toutes les divisions sociales, politiques et économiques qui déchirent la société. Si nous ne devons accomplir qu'une seule chose, ce sera l'éradication de la pauvreté infantile dans la société.

Il est intéressant de noter que notre groupe compte des représentants d'organismes issus de l'Église anglicane, de l'Église unie, de l'Église catholique et de la communauté juive. En toute franchise, nous avons dû mettre la pédale douce: en effet, nous craignions que notre croissance ne soit trop rapide pour que notre orientation et notre programme soient conformes.

Nous avons pour mandat de hausser la sensibilisation du public à tous les aspects de la pauvreté infantile ainsi que d'obliger le gouvernement du Canada à assumer le rôle historique qui lui échoit d'agir pour le bien de tous les Canadiens en soutenant les normes nationales dans les domaines qui ont trait au bien-être des enfants, de façon que des fonds suffisants soient disponibles au niveau fédéral.

Je ne ferai allusion qu'à une statistique. Les autres figurent dans notre mémoire, et vous connaissez probablement bon nombre d'entre elles. Au Canada, un enfant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté défini par le gouvernement. Si on y réfléchit, il s'agit de près de deux millions d'enfants. C'est incroyable. Il est tout à fait extraordinaire que, dans une société riche comme la nôtre, où les ressources sont si abondantes que les Nations Unies nous considèrent comme l'une des sociétés où le développement humain est le plus avancé et où la vie est le plus facile, nous continuions de tolérer une pauvreté infantile aussi prononcée.

Nous savons que ce n'est pas nécessaire. Nous pouvons pointer du doigt les pays scandinaves, où les situations économiques et sociales sont comparables. Nous pouvons pointer du doigt des pays pauvres comme Cuba. À son retour, tout visiteur peut dire, malgré l'effondrement de l'infrastructure: «Le sort de leurs enfants leur tient vraiment à coeur! C'est fantastique.»

Malgré nos belles intentions et toutes nos belles paroles, il semble bien que nous n'allions nulle part et que le taux de pauvreté infantile au pays s'accroît à un rythme de plus en plus rapide. Pendant ce temps, le nombre d'enfants augmente, et nous sommes en difficulté.

Nos membres ont donc dit: «C'est assez!» Nous devons commencer à organiser une coalition de citoyens. Nous disposons maintenant d'un certain nombre d'organismes et d'institutions, comme Centraide, Hope for Children, la Family Service Association of Metropolitan Toronto, le Centre des services sociaux juifs à la famille, Au nom de nos enfants—ils sont nombreux.

Ce qui est terrifiant, à mon avis, ce sont les conséquences de tout cela. Ce n'est pas que les enfants n'ont pas les moyens d'aller chez McDonald, ni qu'ils sont pauvres, ni qu'ils n'ont pas de vêtements chauds à se mettre ni qu'ils ne vivent pas dans des maisons confortables; c'est plutôt que leur rendement scolaire est substantiellement réduit du fait que leur cerveau ne développe simplement pas les synapses ou les jonctions nécessaires à leur bon fonctionnement. Ce phénomène se répercutera sur l'ensemble de la société canadienne. Ils sont moins en santé. Ils sont plus susceptibles d'être atteints d'un retard de développement ou d'un handicap physique. À l'âge adulte, ils seront incapables de trouver un emploi stable ou raisonnablement rémunéré. Nous savons qu'il existe un lien entre tout l'argent consacré aux programmes d'intervention précoce auprès des enfants et les économies très considérables réalisées par la suite au titre des mesures correctives.

Nous parlons non seulement de la pauvreté infantile, mais aussi du bien-être des enfants, et, à mon avis, la société doit découvrir le sens de cette expression. Que doit-on faire pour mettre au monde des enfants qui sont bien?

Nous avons écouté attentivement les prévisions budgétaires que Paul Martin a présentées hier, et nous avons été très impressionnés par certains des propos qu'il a tenus à l'occasion de la conférence de Couchiching—aussi bien que par ceux que le premier ministre a tenus lui aussi à l'occasion d'autres conférences—mais nous demeurons convaincus que la définition d'endettement qu'ils utilisent est beaucoup trop restrictive. En ne veillant pas à ce que les enfants bénéficient du soutien et des outils dont ils ont besoin pour devenir des adultes en santé et productifs, notre gouvernement accumule une dette qui, à l'avenir, nous étranglera.

Nonobstant tous les autres enjeux sociaux d'importance, nous pensons que la pauvreté infantile est peut-être l'aspect le plus envahissant et le plus menaçant des maux sociaux auxquels la société canadienne est confrontée. Nous pensons que le maintien d'une infrastructure sociale et du financement des programmes qui ont un impact direct sur le bien-être des enfants procure des avantages sociaux et économiques indiscutables.

• 1830

Hier, le ministre Martin a déclaré qu'il souhaitait disposer de fonds suffisants pour pouvoir investir dans l'infrastructure sociale, mais que cela n'est tout simplement pas le cas. Nous pensons qu'il s'agit d'une politique à courte vue. À notre avis, les fonds sont là. Plus nous continuerons à occulter le problème, et plus, en dernière analyse, la facture que la société aura à éponger sera élevée.

Par exemple, le gouvernement a promis des milliards de dollars pour un fonds d'étude du millénaire, mais ce dernier n'entrera en vigueur qu'en l'an 2001. Les enfants de zéro à vingt ans, que doivent-ils faire? Comment sont-ils censés être ne serait-ce qu'en mesure de profiter de ces fonds, à supposer qu'ils aient la chance de s'en prévaloir?

Nous pensons que la santé physique et affective de la nation dépend de la santé de ces enfants, que les enfants sont le révélateur de toute société. Je suis issu d'une communauté qui, parfois, gâte ses enfants. Tout au long de son histoire, qui a eu ses moments triomphants et tragiques, ma communauté a connu des hauts et des bas, mais Dieu sait que le seul facteur qui nous a gardés en vie et qui nous a permis d'apporter une contribution à toute société dans lesquelles nous vivons est l'accent que nous mettons sur la santé et l'éducation de nos enfants.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement du Canada n'arrive pas à se convaincre de l'importance de cet enjeu. En période de prospérité, il affirme qu'il n'y a pas assez d'argent; en période de récession, il soutient qu'il n'y en a pas du tout. Quand allons-nous accepter nos responsabilités et comprendre que le Canada, s'il est bien la société décente que nous croyons tous qu'il est, a une dette envers ses enfants? Un enfant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté.

Quelles sont donc nos recommandations? «Campaign against Child Poverty» estime que le gouvernement du Canada devrait nourrir un débat au sujet des meilleurs moyens de remédier au problème de la pauvreté infantile et de s'attaquer aux questions touchant le bien-être des enfants. Nous recommandons que le gouvernement du Canada, en partenariat avec les provinces et le secteur des bénévoles, s'engage à faire une priorité nationale de l'éradication de la pauvreté chez les enfants.

En 1989, le Parlement s'est engagé à le faire avant l'an 2000. Selon Statistique Canada, il y avait 931 000 enfants pauvres en 1989; en 1995, il y en avait 1,5 million; au train où vont les choses, il y en aura 2 millions en l'an 2000. Si cela ne suffit pas, je me demande ce qu'il faudra. Tout ce que je dis, c'est que, au vu de besoins aussi urgents, l'absence d'un tel débat et d'un tel engagement banalise les besoins de millions de Canadiens.

Dans l'allocation des fonds fédéraux, les questions qui ont trait au bien-être des enfants et à la pauvreté chez les enfants doivent donc constituer une priorité absolue, et le ministre Martin et le premier ministre Chrétien doivent, dans les prévisions budgétaires, proposer de meilleures solutions à la société canadienne pour remédier au problème.

Nous plaidons en faveur de l'établissement d'un fonds d'investissement social pour les enfants, d'un régime complet de prestations aux enfants, de services de garde abordables et de grande qualité et, enfin de logements abordables. De nombreux autres groupes vous ont dit la même chose. Je dis qu'il est maintenant temps d'agir. Attaquons-nous au problème avec sérieux. Monsieur le président, nous sommes nombreux, et nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie. Nous ne sommes pas des coeurs éplorés. Nous sommes des hommes et des femmes du monde des affaires qui comprennent l'importance de l'emploi et de la lutte au déficit. Mais nous devons nous attaquer à ce problème, et les gouvernements fédéral et provinciaux ne le font tout simplement pas. Faisons-le maintenant. Commençons dès aujourd'hui.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, rabbin Bielfeld.

Nous entendrons maintenant Mme Sue Cox, vice-présidente et Mme Alexandra Humphrey, de l'Association canadienne des banques alimentaires. Soyez les bienvenues.

Mme Sue Cox (vice-présidente, Association canadienne des banques alimentaires): Alexandra et moi allons partager un microphone. Avec votre permission, nous allons toutes deux prendre la parole. Je m'appelle Sue Cox. Je suis la directrice générale de la Daily Bread Food Bank de Toronto et la vice-présidente de l'Association canadienne des banques alimentaires. Alexandra est membre du conseil d'administration de la Daily Bread Food Bank.

Je suis ici aujourd'hui pour demander au Comité des finances de songer aux conséquences d'une maladie qui, à un moment ou à un autre, touche peut-être 10 p. 100 de la population du Canada, et cette maladie est, bien entendu, la faim. C'est une honte nationale. Chaque mois, les banques alimentaires du Canada accueillent bien plus de 700 000 personnes, et leurs programmes de repas préparés sont de plus en plus populaires.

• 1835

Je parle de 700 000 personnes, mais la possibilité de faire appel chaque mois à une banque alimentaire n'est pas donnée à tous. Dans certaines régions, des gens n'ont accès à une banque alimentaire que tous les deux ou trois mois. Certaines personnes en ont besoin plutôt rarement, mais je vous demande pour le moment de vous concentrer sur la multitude de Canadiens touchés par le problème.

Vous avez reçu notre mémoire. Je ne vais pas vous en faire la lecture, mais permettez-moi simplement de préciser ce que j'attends d'un prochain budget fédéral. Les conclusions que nous tirons proviennent du grand Bilan-Faim national. J'ai apporté des exemplaires que je ferai circuler. Je crois comprendre que le mémoire vous a été remis plus tôt.

D'entrée de jeu, nous devons dire que nous avons été troublés d'apprendre que le ministre des Finances entend engranger ses surplus en prévision de jours mauvais. Je me suis demandé confusément ce qui arriverait si la banque alimentaire faisait la même chose. Nous sommes au beau milieu d'une campagne de collecte d'aliments, et je me demande ce qui arriverait si je prenais la moitié des aliments dont nous avons besoin, que je les engrangeais dans l'entrepôt du deuxième étage et que je donnais aux gens qui se présentent moins que ce dont ils ont besoin. Franchement, j'ai l'impression que c'est précisément ce que fait le gouvernement. Je serais en mesure de donner aux gens des céréales, mais pas de lait pour mettre dedans, et une famille sur trois aurait peut-être la chance de recevoir un pot de beurre d'arachides. Ce que j'essaie plutôt de faire, c'est de fournir un panier de provisions suffisant pour garder les gens en santé, et c'est précisément ce qui fait actuellement défaut à de si nombreuses familles canadiennes. Et c'est ce qu'elles devraient pouvoir obtenir non pas auprès d'une banque alimentaire, mais bien plutôt d'une autre façon plus juste.

Je pense que le gouvernement fédéral doit profiter du surplus pour venir en aide aux personnes dans le besoin et s'attaquer aux terribles problèmes de la pauvreté. Franchement, c'est ce que vous avez omis de faire jusqu'ici.

Lorsque vous vous êtes distanciés des normes nationales de bien-être, vous nous avez dit à quoi nous en tenir. Nous ne croyons même plus que l'augmentation des transferts aux provinces se révélera utile puisque nous pensons que les provinces vont s'emparer de ces sommes et offrir des allégements fiscaux aux familles riches plutôt qu'aux familles pauvres.

À l'heure actuelle, l'accessibilité des prestations d'assurance-emploi nous consterne tout particulièrement. Habituellement, les prestataires d'assurance-emploi n'ont pas le droit d'utiliser les banques alimentaires, mais, en toute franchise, la plupart d'entre eux sont aujourd'hui des assistés sociaux. L'aide sociale est devenue le nouveau programme d'emploi. Les assistés sociaux utilisent les banques alimentaires, et je pense que le surplus de la caisse d'assurance-emploi s'est accru non seulement sur le dos des pauvres et des familles pauvres du Canada, mais aussi sur celui des banques alimentaires, qui tentent désespérément de combler le vide. Vous nous devez une fière chandelle. Nous ne voulons pas de votre argent, mais vous nous devez beaucoup.

Je vais dire quelques mots à propos des impôts, et je pense qu'Alexandra abordera elle aussi la question des impôts et de la prestation nationale pour enfants. Nous sommes fermement convaincus que les familles les plus pauvres devraient être exemptées d'impôt fédéral. Nous avons de plus en plus l'impression que la prestation nationale pour enfants est une farce. Il s'agit d'un programme d'incitation au travail cyniquement travesti en programme de lutte contre la pauvreté chez les enfants. Le plus souvent, la prestation nationale pour enfants ne donne rien aux plus pauvres d'entre les pauvres du Canada, ceux qui sont le plus susceptibles de faire appel aux banques alimentaires, ceux qui sont le plus susceptibles d'avoir besoin d'aide, et nous commençons même à nous demander si bon nombre de familles de travailleurs à très faible revenu se tirent aussi bien d'affaire que nous le pensions.

En outre, nous croyons que le prochain budget fédéral doit s'attaquer aux besoins en logement au Canada. À ma connaissance, nous sommes le seul pays occidental non doté d'une politique nationale fédérale du logement. Tous les ordres de gouvernement se retirent de ce secteur. Dans ce dossier, nous aimerions que vous fassiez office de chef de file. Soit dit en passant, ici, à Toronto, environ le tiers des familles avec enfants et qui font appel aux banques alimentaires ont été évincées de leur foyer ou menacées d'expulsion en raison de leur incapacité de payer le loyer.

Enfin, nous sommes très favorables à l'idée d'introduire dans le budget de très vigoureuses mesures de création d'emplois, lesquelles ne doivent pas se contenter d'offrir des incitatifs au secteur privé. Nous pensons que le gouvernement fédéral doit s'engager explicitement à réduire le taux de chômage et élaborer une stratégie fédérale de création d'emplois pour y parvenir.

• 1840

Avec votre permission, je vais maintenant demander à Alexandra de conclure.

Mme Alexandra Humphrey (membre du conseil d'administration, Daily Bread Food Bank, Association canadienne des banques alimentaires): Bonjour, je m'appelle Alexandra, comme on vous l'a dit. Good evening, ladies and gentlemen. Je vais vous faire brièvement le récit de ma vie, mais je pourrais passer toute la soirée à vous expliquer comment les réductions des paiements de transfert aux provinces imposées par le gouvernement fédéral ont eu un impact sur tous les aspects de ma vie.

J'ai six enfants âgés de sept à 20 ans. Les trois plus vieux vivent de façon indépendante, de sorte que trois vivent aujourd'hui avec moi. Je vis dans la pauvreté depuis l'échec de mon mariage. J'ai fréquenté l'école pendant quatre ans pour parfaire mon éducation, dans le but de trouver un emploi qui assurerait plus qu'un salaire de survie. Je suis maintenant aux prises avec un prêt étudiant de 23 000 $, et j'ai dû présenter une demande d'exemption d'intérêts pour la période autorisée—et elle prendra fin bientôt. Pour rembourser ce prêt, je devrai donc verser environ 400 $ par mois, et on m'a dit que, si j'étais incapable de payer, une agence de recouvrement se présenterait chez moi pour m'aider à trouver un moyen de le faire.

En ce qui concerne ma prestation fiscale pour enfants, je touchais, avant le 1er juillet 1998, 372 $. Depuis, avec l'avènement de la nouvelle prestation pour enfants, je reçois 50 $ de moins, soit 322 $. Actuellement, je travaille, et mon emploi me procure 1 600 $ par mois. Je consacre l'essentiel de cette somme au loyer et aux services de base les plus élémentaires, et je compte sur le crédit d'impôt pour enfants pour être en mesure d'acheter de la nourriture et des vêtements pour mes enfants. Maintenant que la somme a été réduite, je suis en proie à d'importantes difficultés, sans même parler de tout le reste de ma situation.

De plus, on m'a dit qu'une partie de la prestation fiscale pour enfants sera considérée comme des revenus, ce qui aura pour effet de réduire mon admissibilité à des services, de sorte que je devrai payer davantage pour ceux que j'utilise. Je reçois une subvention pour la garde de mes enfants, et elle sera réduite en raison du fait que la prestation fiscale pour enfants doit être déclarée comme s'il s'agissait d'un revenu.

Le moindre aspect de ma vie... les frais de scolarité ont augmenté, le coût de tout ce que j'essaie de faire pour améliorer mon sort et celui de ma famille a augmenté. Je dois payer davantage pour tout, et je dispose de moins d'argent.

J'aimerais particulièrement savoir pourquoi le gouvernement fédéral cible certaines parties des familles, par exemple les enfants de sept ans et moins et les jeunes de 18 ans et plus. Il y a là un écart considérable entre les enfants de 7 à 18 ans, et les enfants mangent plus—je puis vous l'assurer, je m'en porte garante—et j'ai besoin de plus d'argent pour leur acheter des vêtements. Mais le gouvernement cible certains des aspects et semble oublier que les enfants vivent dans des familles et que c'est les familles qui ont besoin d'aide.

Avec le salaire que je tire de mon travail, je ne suis actuellement pas en mesure d'acheter des vêtements ni des aliments adéquats. J'ai tout réduit radicalement. Mes enfants n'ont droit qu'à une tasse de lait par jour, sinon il n'y en aura pas suffisamment. Chaque jour, nous rationnons un aliment. Nous ne mangeons plus jamais de légumes. Voici ce qui s'est produit depuis que je vis dans la pauvreté, en particulier depuis la réduction des transferts.

• 1845

Je veux savoir si le gouvernement entend s'intéresser de près aux familles comme la mienne. Je ne vous ai présenté qu'une infime partie de tout ce qui m'est arrivé depuis l'imposition de ces réductions.

J'aimerais savoir si le gouvernement est intéressé à se pencher sur le cas de familles comme la mienne pour constater avec exactitude l'effet des réductions sur tous les aspects de notre vie ainsi que sur ma capacité de veiller aux besoins de mes enfants, ce qui, en contrepartie, revient à ce que tout le monde dit au sujet de la pauvreté infantile—l'incapacité de nourrir les enfants de façon qu'ils grandissent en santé et dans le bien-être.

Je doute que mes enfants puissent accéder un jour à une éducation collégiale et universitaire en raison du coût prohibitif, qui ne fait que s'accroître. Pour ma part, je suis totalement incapable de mettre de l'argent de côté pour les aider à le faire.

Je rends la parole à Sue.

Mme Sue Cox: Nous avons terminé.

Le président: Merci beaucoup, mesdames Cox et Humphrey.

Nous entendrons maintenant M. Bill Gleberzon, directeur général adjoint de l'Association canadienne des individus retraités. Soyez le bienvenu.

M. Bill Gleberzon (directeur général adjoint, Association canadienne des individus retraités): Je vous remercie.

Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité.

Je tiens à présenter ma collègue, Mme Judy Cutler, qui est directrice des relations publiques de l'Association. Je transmets également les regrets de notre présidente, Mme Lillian Morgenthau, qui ne pouvait être ici ce soir.

Je suis certain que les membres du comité en savent beaucoup au sujet de l'Association, de sorte que je m'en tiendrai à une très brève présentation. Nous sommes la plus importante association nationale de Canadiens d'âge mûr au pays. En fait, nous représentons 370 000 membres dans l'ensemble des provinces et des territoires. Nos membres sont âgés de 50 ans et plus, et leur âge moyen est de 62 ans, de sorte que nos préoccupations sont très variées. Nous sommes un organisme sans but lucratif. Pour assurer notre neutralité et notre indépendance, nous ne recevons de fonds de fonctionnement de la part d'aucun ordre de gouvernement.

Notre mission consiste à exprimer les préoccupations des Canadiens d'âge mûr et, par conséquent, celles de tous les Canadiens—du moins, nous le croyons. Notre mandat consiste à formuler des recommandations pratiques à l'égard des préoccupations que nous soulevons, plutôt que de nous contenter de formuler des critiques. Je crois comprendre que vous avez reçu une copie de notre mémoire, de sorte que je profiterai de l'occasion pour faire ressortir très brièvement quatre points qui sont soulevés.

Premièrement, nous espérons que, dans le budget de 1999, les crédits d'impôt auxquels les aînés ont aujourd'hui droit en raison de leur âge et du moment de leur retraite ne seront pas touchés, qu'ils seront préservés, qu'ils ne seront pas modifiés. En fait, nous pensons que toute modification future du régime de pensions public ou du régime de pensions de retraite devrait s'effectuer de façon holistique, au terme de consultations publiques intensives.

Deuxièmement, en ce qui concerne les surplus de la caisse d'assurance-emploi dont on nous parle, nous exhortons le gouvernement à utiliser les surplus en question aux fins auxquelles ils étaient destinés, c'est-à-dire comme assurance-chômage. Avec une récession—espérons que ce ne sera pas une dépression—qui se présente peut-être à l'horizon, nous prions instamment le gouvernement de réduire le nombre d'heures nécessaires pour qui veut avoir droit aux prestations, d'augmenter les prestations et de libéraliser les normes d'admissibilité, compte tenu surtout du fait qu'on n'accepte aujourd'hui que 36 p. 100 des demandes.

Troisièmement, nous espérons que le gouvernement, dans le budget de 1999, augmentera les crédits d'impôts et introduira le principe de la rémunération des membres de la famille qui prodiguent des soins à domicile à des aînés dont la santé est fragile, particulièrement lorsque les soignants ont dû renoncer à un emploi à temps plein pour le faire. Comme vous le savez, j'en suis sûr, c'est là l'avenir des soins de santé, et cette situation soulève chez nous certaines questions des plus troublantes.

• 1850

Le quatrième enjeu, nonobstant ce que dit M. Martin, est que, à notre avis, le budget de 1999 devrait respecter la proposition initiale du gouvernement concernant l'utilisation du surplus gouvernemental. La moitié de la somme devrait servir au remboursement de la dette, et l'autre moitié devrait être répartie également entre les allégements fiscaux consentis aux Canadiens et l'augmentation des dépenses dans les domaines des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux. Nous exhortons le gouvernement à adhérer à cette politique malgré la situation économique difficile que connaît le Canada.

Comme M. Martin l'a mentionné hier, le ralentissement économique que notre pays connaîtra probablement au cours des prochains mois ne trouve pas son origine au Canada. Il n'y a pas grand'chose que nous puissions faire, sinon préparer nos citoyens, particulièrement ceux qui sont vulnérables et qui seront touchés par tout ralentissement, à traverser ces temps difficiles.

Je serai heureux de préciser ces enjeux et d'expliquer d'autres questions présentées dans notre mémoire à l'occasion de la période d'échange.

Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Le président: Nous passons maintenant à M. William Krehm, du «Committee on Monetary and Economic Reform». Soyez le bienvenu.

M. William Krehm (président, Committee on Monetary and Economic Reform): Je vous remercie, monsieur le président.

Depuis maintenant de nombreuses années, les élections se jouent sur la question du déficit. La pure et simple vérité, cependant, c'est que ni le gouvernement actuel ni les citoyens n'ont la moindre idée de ce que le déficit peut être. La question est très bien résumée dans les éditions de l'Annuaire du Canada de 1967 à 1974 sur lesquelles j'ai pu mettre la main. Je vais faire lecture du passage crucial:

    Les immobilisations, par exemple les édifices gouvernementaux et les ouvrages publics, sont imputées aux dépenses budgétaires au moment de l'acquisition ou de la construction. Elles sont inscrites dans l'état de l'actif et du passif, à une valeur nominale de 1 $.

Un tel budget ne peut être équilibré et ne devrait pas l'être. Le seul fait de tenter de l'équilibrer assujettirait le niveau de prix à un niveau d'imposition superflu. Il suffit de songer à ce qui arriverait si la Compagnie pétrolière Impériale radiait ses puits et ses raffineries en une seule année. L'essence se vendrait à un prix astronomique.

Voilà qui faisait partie de l'équation à l'époque où la Banque du Canada a introduit une politique de taux élevés pour lutter contre l'inflation. L'inexactitude des statistiques relatives au prix explique les taux d'intérêt élevés qui expliquent eux-mêmes le déficit actuel.

Soit dit en passant, j'ai noté que, récemment, ce passage de l'Annuaire du Canada avait été supprimé peu après que nous avons commencé à en parler. J'ai écrit à Statistique Canada. J'ai retrouvé le passage, qui était demeuré tel quel depuis l'édition de 1967. Je n'ai pas pu mettre la main sur des éditions antérieures. J'ai demandé pourquoi il avait été supprimé. Pourquoi a-t-il été supprimé? Jusqu'ici, je n'ai pas reçu de réponse.

J'exhorte les membres du comité à soulever cette question pour une raison fort valable. Le gouvernement et le comité devraient aujourd'hui comprendre que nous sommes confrontés non pas à l'effondrement du marché boursier, mais bien plutôt à celui du dogme monétariste qui a dicté les politiques mondiales pendant près de 20 ans.

Pour voir enfin la lumière au bout du tunnel, nous devrons revoir de fond en comble la politique monétaire et économique. Les problèmes soulevés par les témoins qui m'ont précédé nous ramènent tous au déficit, et c'est précisément ce dont je parle. Dans une large mesure, on peut faire remonter le déficit actuel à l'époque où les banques se sont retrouvées pour la dernière fois dans l'eau bouillante et ses sont tirées d'affaire en puisant graduellement dans les réserves qu'elles devaient conserver à la Banque du Canada.

• 1855

À la suite de ce phénomène et d'autres que je n'aborderai pas en détails dans mes propos préliminaires, les banques commerciales ont accumulé 60 milliards de dollars de plus en dette gouvernementale, et la Banque du Canada a obligeamment restreint la part de la dette gouvernementale qu'elle détenait. Voilà qui équivaut à donner à nos banques un droit d'une valeur d'au moins 5 milliards de dollars par année. Voilà aussi pourquoi, comme dans la comptine anglaise, l'armoire de la Mère Hubbard est toujours vide et pourquoi il y a trop d'enfants à nourrir—le taux de chômage naturel.

Il faudra donc procéder à une conceptualisation fondamentale de la théorie économique égale à celle qui a marqué les années 30, voire plus profonde. À moins que les statistiques gouvernementales ne soient des données non triturées, on ne dispose pas de détails factuels sur lesquels fonder cet exercice.

Le comité a l'obligation de faire le ménage dans la comptabilité du gouvernement et dans la façon dont les investissements du gouvernement fédéral—les investissements de capitaux—dans les actifs matériels et humains sont traités.

À cet égard, du travail préalable vous facilitera la tâche. Croyez-le ou non, je vous réfère à la page 33 de la version anglaise de l'édition de l'été 1997 de la Revue de la Banque du Canada, où on reproduit un élément des Comptes publics du Canada 1995-1996. On y lit:

    Le gouvernement fédéral est en voie d'adopter la comptabilité d'exercice pour toutes les opérations, en vertu de laquelle le coût d'acquisition d'actifs matériels est réparti sur toute la vie utile de ce dernier, grâce à l'imputation d'annuités d'amortissement. À l'avenir, on sera ainsi en mesure de rendre compte avec plus d'exactitude du coût réel de tels actifs.

Bref, on évitera d'enlever le pain de la bouche des enfants pauvres pour tirer les banques d'affaire et idolâtrer une fausse statistique.

Nous publions un bulletin mensuel qui en est au 115e numéro. Il est expédié gratuitement aux assemblées législatives de tout le pays. J'ose croire que certains d'entre vous l'ont lu; sinon, j'en ai ici quelques exemplaires. Nous avons publié ce que nous appelons l'«indicateur», soit la proportion—le ratio—des actifs de nos banques à charte par rapport aux sommes qu'elles détiennent.

En 1946, le ratio était de 11,1: 1. À l'heure actuelle, il est de 348: 1. Mais tout ne s'arrête pas là puisque, en raison de la déréglementation, les banques peuvent désormais investir dans des obligations indonésiennes et acheter des parties de banques thaïlandaises, mexicaines et vénézuéliennes. Aujourd'hui, ces actifs sont, dans la même proportion, purement fictifs. Vous savez ce qui est arrivé aux banques thaïlandaises et vénézuéliennes.

• 1900

Au moment où on se parle, je puis vous assurer que nos banques ont dilapidé une partie considérable de leur capital, qui totalise 50 milliards de dollars soit un peu moins de 4 p. 100 de leurs actifs totaux, et, avant que les fusions ne soient concrétisées, elles tendront une fois de plus la main. Je ne parle pas des fusions de banques. J'évoque simplement le nettoyage des statistiques qui ont servi de prétexte à la spoliation des programmes sociaux du pays.

En fait, les Américains l'ont déjà fait en partie. Vous avez peut-être entendu dire que Clinton avait maté le déficit. Si les Américains y sont parvenus, c'est en partie parce qu'ils ont reconnu les économies du gouvernement et qu'ils sont parvenus à réduire de 1 billion de dollars l'erreur commise dans le calcul de la dette gouvernementale, laquelle était reportée d'année en année. Vous savez que les agences de cotation et les personnes qui spéculent sur les devises utilisent seulement quelques statistiques, voire une seule, et le déficit et la dette comptent précisément parmi ces devises. Voilà un prélude suffisant à mes propos.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Krehm.

Nous entendrons maintenant M. Sydney Sokoloff, de Micross Fur Canada.

M. Sydney Sokoloff (Micross Fur Canada Inc.): Compatriotes canadiens, je m'appelle Syd Sokoloff. Je suis dans le commerce de la fourrure depuis 53 ans. Je suis le plus ancien marchand de fourrures du Canada et le premier marchand à s'être attaqué au marché outre-mer du Japon, de Hong Kong et de la Corée.

De 1971 à 1988, les affaires n'allaient pas trop mal. Je n'ai pas subi de contrecoups. En 1988-1989, j'ai constaté soudain que le gouvernement canadien avait un plan. Voici ce qu'il a fait. La SEE a donné deux billets gratuits à tous les acheteurs de fourrures de l'Orient. Ils sont venus au centre Skyway, à la Baie d'Hudson et à la North American Fur Auction, ont assumé le coût des hôtels et participé à l'encan, forts d'un crédit de un an. L'exercice a duré deux ans. Nous avons perdu 6 milliards de dollars. C'est moi qui y ai mis fin.

En guise de preuve, j'ai avec moi deux magazines, l'un de Hong Kong, où figure ma photo, et l'autre du Financial Post.

Après un an, on a mis sur pied un nouveau programme. J'ai en main une lettre de Ralph Goodale, ministre du Cabinet. En 1992, il a donné 40 millions de dollars à la North American Fur Auction. Aujourd'hui, j'ai entendu des histoires très tristes à propos de la faim. Or, on a donné 40 millions de dollars par année. En 1998, la somme totale est de 500 millions de dollars.

On m'a dit: «Monsieur Sokoloff, le commerce de la fourrure d'ici est en lambeaux.» En 1991 et 1992, le ministère de l'Agriculture, en raison de l'effondrement du marché de la fourrure, a donné 40 millions de dollars. Voici un rapport de 1992. On a donné 25 p. 100 de plus que l'année précédente.

J'ai fait pression sur des députés pour qu'ils mettent un terme à tout cela. Je ne demande pas d'argent. Arrêtez tout, et les règles du jeu seront égales pour tous, ou sur le plan fiduciaire... S'il y a des avocats ici, ils me comprendront. Nous devrions tous être sur un pied d'égalité. Nous avons donné 500 millions de dollars, et nous avons maintenant un nouveau programme appelé MARG, soit la garantie générale sur les créances... Une fois de plus, on donne de l'argent.

Voilà ce que je sais. Qu'en est-il de ce que je ne sais pas au sujet de l'argent perdu? Mesdames et Messieurs, compatriotes canadiens, je pense que nous devrions y mettre un frein. Nous devrions mettre un frein aux grandes sociétés. Nourries au sein, elles sont en train de prendre le contrôle, et les Canadiens ordinaires souffrent.

• 1905

Sur la question des banques, j'ai une lettre de crédit garantie par une banque. La banque ne voulait pas y toucher. J'ai appelé Tony Ianno. Je lui ai dit: «Dis-moi, Tony, jusqu'à quel point les banques sont-elles touchées par la crise asiatique? C'est ce qu'on appelle la mondialisation. Tout le monde est fondamental, et tout est fondamental. Dis-moi combien.» Il m'a répondu qu'il n'y avait pas pensé. Elles ont perdu de 30 à 40 p. 100. Comme l'a dit la personne qui m'a précédé, elles vont se regrouper, supprimer 20 000 emplois pour se tirer d'affaire et elles auront droit à un report d'impôt—de toute façon, elles ne devraient pas payer d'impôt—puis elles demanderont de l'argent.

Ce qui ressort du rapport MacKay, c'est une lumière orange. Je dis non. Ce que je vois, c'est une lumière rouge. J'ai parlé à Jim Peterson. Il m'a téléphoné, et je lui ai dit de transformer les banques B en banques A. Qu'on ouvre la porte aux banques étrangères à succursales, comme le CRTC l'a fait avec Bell Téléphone et Sprint.

Qu'on oblige Flood et Barrett à gagner leurs 3 millions de dollars, si c'est bien ce qu'ils gagnent. Qu'ils les méritent au lieu de profiter d'un monopole. Il suffit d'avoir une machine, et les gens peuvent retirer leur propre argent. Il n'est pas nécessaire d'avoir inventé le bouton à quatre trous pour être banquier.

Les Canadiens ordinaires n'ont aucune chance. Tous les députés refusent de m'entendre. Nous revenons sans cesse sur les chiffres de 3 milliards de dollars et de 500 millions de dollars. Dans notre bon Canada, il y a des gens qui crèvent de faim. Selon les Nations Unies, nous sommes le meilleur pays au monde. Sommes-nous les meilleurs au monde? À mon avis, la réponse est non.

Nous avons besoin de leaders maintenant. Nous n'avons pas de leaders. Pour souper, ce soir, j'ai mangé un steak au poivre. J'espère que vous me comprenez. Les étudiants n'ont même pas obtenu l'argent pour retenir les services d'un avocat. Il n'y a que la GRC qui obtient des millions de dollars. Comment se fait-il que seuls ceux qui ont des relations obtiennent de l'argent, tandis que les citoyens ordinaires sont laissés à eux-mêmes? Comme les hommes et les femmes d'il y a des millions d'années, ils sont laissés à eux-mêmes. Nous avons besoin de leadership. Voilà ce qu'il nous faut.

Je pense que le Parti libéral devrait se retirer du commerce de la fourrure et de toutes les autres industries. Les Canadiens ordinaires sont des gens d'affaires compétents. Ils sont bons, mais ils ne peuvent soutenir la concurrence de ceux qui ont les poches pleines. Si je dois de l'argent à l'impôt et que j'ai de l'argent dans mes poches, je dois respecter cet argent parce que je le dois au gouvernement. Mais mes impôts, ce que je vous donne, vous devriez également le respecter. Vous devez respecter mon argent tout comme je dois respecter le vôtre.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Sokoloff.

Voilà qui conclut les exposés des témoins. Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses. Nous allons débuter par M. Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie de vos interventions de ce soir. On a soulevé un éventail fascinant d'enjeux fort profonds et de nombreuses expériences personnelles qui nous ont aidés à cristalliser bon nombre de ces questions. Je l'apprécie au plus haut point.

D'entrée de jeu, j'aimerais poser une question à l'Association canadienne des individus retraités. Premièrement, je tiens à féliciter votre organisme de travail de qualité qu'il a effectué dans le dossier de la prestation pour aînés. À mon avis, votre organisme, peut-être plus que tout autre, a orienté le dossier et beaucoup fait pour aider les députés à comprendre l'enjeu, ce qui, en dernière analyse, s'est soldé par la décision de ne pas donner suite à la prestation.

En calculant le crédit pour impôt, on a utilisé les montants suivants: il y a un montant de base d'environ 6 500 $, puis un crédit en raison d'âge de 3 500 $. Dans le contexte actuel, croyez-vous que cela soit juste? Un dollar est un dollar, et pourquoi les aînés devraient-ils... Lorsque, par exemple, on doit effectuer des choix difficiles et qu'on entend parler des difficultés des jeunes familles et des avantages relatifs que la société tire de l'investissement dans les enfants, en particulier, peut-on justifier l'octroi d'un avantage fiscal ou d'un crédit d'impôt aux aînés lorsque, dans les faits, les sommes en questions pourraient peut-être être mieux utilisées ailleurs?

• 1910

M. Bill Gleberzon: La justification, je le suppose, est que la plupart des aînés, comme les enfants, ne travaillent pas. Ils tirent leur subsistance de revenus fixes. Ceux qui ont des comptes ou des placements portant intérêt constatent que ces derniers rapportent très peu, ce qui est le cas depuis un certain nombre d'années. De faibles taux d'intérêts sont avantageux pour le pays, et les aînés ne s'en plaignent pas. Ce n'est pas là le problème. Le problème, c'est que les sommes dont ils disposent pour vivre ont été réduites à la suite de facteurs comme celui-là.

Pour ces raisons, et en raison du fait que la très grande majorité des personnes âgées de 65 ans et plus ne travaillent pas, sont à la retraite et n'ont aucun moyen de compenser la perte de revenu imputable, comme je l'ai dit, aux faibles taux d'intérêts, la très grande majorité des aînés dépendent aujourd'hui des régimes de retraite publics pour survivre. Quelque chose comme 46 p. 100 des aînés ont des revenus inférieurs à 20 000 $, et environ 40 p. 100 de ces 46 p. 100 reçoivent des prestations du SRG. Pour des raisons de ce genre, je pense que les crédits d'impôt que vous avez évoqués sont justifiables.

M. Scott Brison: D'accord, je vous remercie.

Monsieur Krehm, les institutions de Bretton Woods aussi bien que le FMI ou la Banque mondiale suscitent aujourd'hui beaucoup de scepticisme. Sous la férule de M. Wolfensohn, la Banque mondiale a, pourrait-on croire, réalisé quelques progrès et évolue un tant soit peu, mais le FMI suscite toujours beaucoup de scepticisme.

Récemment, j'ai lu un article de Jeffrey Garten, doyen de la Yale School of Management, je crois, et il a été sous-secrétaire du Commerce affecté au commerce international dans la première administration Clinton, sous les ordres de Ron Brown. L'article portait sur une banque centrale mondiale. Je serais intéressé de vous entendre à ce sujet.

Dans un même ordre d'idées, nous sommes tous témoins de l'avènement d'une monnaie commune en Europe, l'UME, qui réussira ou échouera, et la question de savoir s'il y aurait lieu, un jour ou l'autre, d'adopter une devise mondiale suscite certains débats. Je serais intéressé de vous entendre à ce sujet. C'est une question qui mériterait probablement d'être explorée en profondeur dans une tribune différente.

M. William Krehm: Oui. Au début, le premier élément, c'est qu'il est faux et indéfendable de considérer des taux d'intérêts élevés comme le seul facteur de stabilisation possible puisque les taux d'intérêts élevés visaient d'abord et avant tout à juguler l'inflation. Dans les faits, on hausse les taux d'intérêts, et les coûts de production augmentent. Seul un effondrement de l'économie peut entraîner un abaissement des prix, et, dans les faits, c'est ce qui s'est produit. Lorsque l'économie s'effondre, les taux d'intérêts diminuent temporairement. Lorsque l'économie se redresse, les taux d'intérêts augmentent encore davantage. Bref, il y a un brassage de l'économie qui ne profite qu'aux spéculateurs.

M. Scott Brison: Laissez-vous entendre que nous devrions peut-être établir la politique monétaire à partir de... et mettre davantage l'accent sur les leviers fiscaux?

M. William Krehm: Eh bien, au nom des capitaux spéculatifs, on a enfoui tout ce qui, avant les années 60 et 70, avait permis de juguler l'inflation et d'assurer une économie qui fonctionnait raisonnablement bien. Par exemple, les banques devaient avoir des réserves à la Banque centrale. En cas de surchauffe de l'économie, la Banque centrale pouvait augmenter la taille des réserves que les banques devaient constituer, ce qui avait pour effet de restreindre les capitaux en circulation, sans faire augmenter les taux d'intérêt.

Mais revenons à Bretton Woods. On n'a pas agi uniquement par philanthropie ni par pure bonté d'âme. Le fait est qu'on n'aurait jamais gagné la Deuxième Guerre mondiale si le gouvernement n'avait pas promis un monde tout différent de celui de la fin des années 30. Dans les décennies qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la société, le Canada en particulier, a réalisé des progrès considérables en ce sens.

• 1915

L'idée derrière Bretton Woods, selon ce que Keynes avait conçu à l'origine, c'était non pas de placer le fardeau sur les épaules des nations débitrices, mais plutôt de le placer également sur celles des nations créancières. Dans le nouvel ordre mondial, les droits de tirage devaient être répartis selon la moyenne des importations et des exportations au cours des cinq années précédentes. Si elles augmentaient leurs droits de tirage—si, en d'autres termes, elles accumulaient des crédits de plus de 125 p. 100—les nations créancières devaient se départir de cet excédent en important plus de biens produits par les nations débitrices ou encore en relevant la valeur de leur devise. Sinon, l'intérêt porté par l'excédent devrait être cédé aux Nations Unies, qui devait l'utiliser à des fins sociales, etc.

La Grande-Bretagne et Keynes n'avaient aucune chance d'imposer leurs vues. Le point de vue dominant était essentiellement celui des États-Unis. Le FMI est devenu un agent de recouvrement agissant pour le compte des nations créancières. Maintenant qu'on utilise des taux d'intérêt pour stabiliser l'économie, cela est, bien entendu, impossible. Nous avons donc acculé les nations créancières à la pauvreté. De nos jours, le FMI s'occupe moins d'elles et davantage des nations émergentes, et ces dernières ne se laissent pas faire.

Le président: Nous allons devoir passer à M. Discepola, suivi par M. Szabo.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Je veux poser deux brèves questions et une question qui appelle un développement plus long. Je vais commencer par les brèves questions.

Monsieur Gleberzon, ma première question fait suite à la réponse que vous avez donnée à M. Brison. Je comprends bien que les aînés ont un revenu fixe et que, par conséquent, ils éprouvent de plus grandes difficultés, si je puis me permettre d'utiliser ce mot. Dans ce cas, ne serait-il pas plus logique d'assujettir à cette exemption à un critère de revenu et de ne l'accorder qu'aux seules personnes dont le revenu est fixe? Je peux citer en exemple le cas des personnes qui ne travaillent pas pendant un an ou deux. Elles ne reçoivent pas d'autres sommes, de sorte qu'elles éprouvent elles aussi des difficultés.

Aidez-moi à comprendre la logique de la situation. Comment se fait-il que jusqu'à 364 jours après mon 64e anniversaire je n'ai pas le droit à cette prestation et que, un jour plus tard, la situation change du tout au tout, comme par magie? Mes besoins n'ont pas changé. Si l'exception devait être accordée en fonction des besoins, votre groupe serait-il d'accord pour dire que nous devrions l'assujettir à un critère de revenu de façon que tous ceux qui ont ce genre de besoin soient réputés admissibles?

M. Bill Gleberzon: Eh bien, deux ou trois principes sont ici en cause. Vous savez, il est faux de prétendre que les aînés reçoivent les prestations complètes. En fait, il ne s'agit que de 17 p. 100 de ces prestations puisqu'elles sont reliées à la tranche de revenu la plus faible.

Quoi qu'il en soit, ce que nous avons proposé à M. Martin comme moyen d'accorder un crédit d'impôt aux citoyens, c'est d'en faire profiter tous les Canadiens. Nous ne croyons pas à l'imposition d'un critère de revenu à l'égard de prestations de ce genre. C'est l'une des positions que nous avons adoptées à l'endroit de la prestation pour aînés parce que nous croyons dans l'universalité.

Étant donné la façon dont l'économie est organisée aujourd'hui, vos propos ne sont pas dénués d'une certaine logique. L'âge moyen de la retraite est aujourd'hui d'environ 62 ans. Or, de nombreuses personnes sont, à 45 ans, des travailleurs âgés, de sorte que nous avons affaire à une situation économique toute différente. Après 65 ans, les occasions de trouver un emploi pour remplacer le revenu sont cependant considérablement réduites. Voilà le problème. Comme je l'ai dit, nous nous opposons à l'imposition d'un critère de revenu à cet égard.

M. Nick Discepola: J'aimerais maintenant poser une brève question à M. Krehm.

Monsieur Krehm, je viens du monde municipal. Je dois vous avouer que l'une des expériences les plus frustrantes que j'aie connues en tant que maire a été de m'entendre dire par le trésorier que nous devions acheter un actif et l'amortir sur trois ou quatre ans parce qu'il allait servir à tout jamais. À l'époque, nous avons même été jusqu'à acheter des machines à écrire—aujourd'hui, ce sont des ordinateurs—et à les amortir sur trois ou quatre ans, ce qui était ridicule en raison du coût élevé du financement.

• 1920

Je suis d'accord avec vous pour dire que le gouvernement, y compris les gouvernements fédéral et provinciaux, sont toujours plus à l'affût de nouvelles sources de financement pour les acquisitions majeures. Par exemple, ils étudient des options comme l'achat-bail pour les immobilisations majeures.

Mais je ne comprends pas votre logique, monsieur. En quoi cela change-t-il le résultat? Nous avons toujours une dette de 583 milliards de dollars, et il nous faut la financer; ce n'est certes pas en modifiant les principes comptables que nous allons y échapper. Nous avons encore quelque 40 milliards de dollars en intérêts qu'il nous faudra bien payer. En quoi votre logique nous permet-elle d'avoir une meilleure perspective, financière ou autre? Pour reprendre des termes du monde des affaires, je dirais que le résultat est que la source et l'affectation des fonds, qui déterminent la somme dont je dispose en tant qu'entreprise, ne vont pas changer, peu importe la façon dont j'en rends compte.

M. William Krehm: À vrai dire, puisque vous parlez d'entreprise, vous essayez d'exploiter une entreprise et de payer votre machinerie et l'édifice en une seule année. Voilà ce que vous essayez de faire.

Mais soyons plus précis. Pour sortir le pays de la crise économique des années 30, on a fondé la Banque du Canada. En 1935, elle comptait 1 200 actionnaires. Le Parti libéral de Mackenzie King a déclenché une élection et l'a gagnée. L'une de ses promesses était de nationaliser la Banque du Canada et, ma foi, c'est exactement ce qu'il a fait. Le seul actionnaire de la Banque du Canada est justement le gouvernement du Canada. Lorsque la Banque du Canada détient des obligations du gouvernement du Canada, l'intérêt versé sur ces obligations revient au gouvernement du Canada sous forme de dividendes.

Bon. Que s'est-il passé au cours des dernières années? Afin de libérer les banques de l'obligation de financer Robert Campeau—je me demande si vous vous rappelez de lui; Campeau collectionnait les chaînes de grands magasins aux États-Unis, entre autres choses—on a éliminé graduellement les réserves que devaient détenir les banques auprès de la Banque du Canada pour garantir leurs dépôts.

Je ne veux pas compliquer les choses, mais la Banque des règlements internationaux a déclaré que la dette du gouvernement était sans risque. Cela a permis à nos banques de prendre à leur compte la dette du gouvernement qu'aurait dû détenir la Banque du Canada et qu'elle détenait en fait à une échelle considérable.

La Loi sur la Banque du Canada contient une disposition, à l'article 18, qui permet à la Banque du Canada de prêter de l'argent à des municipalités contre des garanties très considérables de la part des provinces. L'intérêt versé à cet égard reviendrait non pas au gouvernement provincial, mais au gouvernement fédéral, et cela pourrait être un moyen de financer les municipalités pour l'achat de machines à écrire ou d'autres choses du genre.

M. Nick Discepola: J'aimerais poser ma dernière question. Le président me regarde d'un mauvais oeil, mais c'est un sujet très important pour moi.

Bon nombre des personnes qui sont venues parler ici aujourd'hui ont semblé mentionner que le problème tenait principalement au fait que le gouvernement fédéral a refilé ses dépenses aux provinces et que si ne faisions que leur remettre ce que nous leur avons pris, ce serait une solution miracle. J'aimerais donc mentionner quelques faits. Les membres de l'opposition font très bien leur travail, et il nous faut très bien faire le nôtre en tant que membres du gouvernement.

Il est vrai que si nous n'examinons que les transferts en argent que les provinces avaient selon l'ancien régime, ces transferts auraient graduellement diminué pour se fixer à un certain montant. Le gouvernement n'aurait versé qu'environ 11 milliards de dollars au total en paiements de transfert, ce qui est sept milliards de moins pour toutes les provinces.

Mais les membres de l'opposition et les provinces ne parlent pas de l'autre côté de l'équation. Si nous n'avions rien changé, c'est ce qui serait arrivé. En procédant maintenant au changement, nous avons permis aux provinces de recevoir des fonds supplémentaires au moyen de recettes fiscales. Résultat: la différence nette est non pas de 7 milliards de dollars, mais bien d'environ 5 milliards de dollars, parce que les provinces touchent maintenant des recettes supplémentaires en raison de la situation économique. Quoi que vous en pensiez, ce serait toujours inéquitable, parce que les provinces qui n'ont pas cette assiette fiscale ne sont toujours pas dans la même position enviable.

• 1925

Lorsque je vois le gouvernement du Québec, par exemple, choisir délibérément de dépenser 160 millions de dollars pour construire inutilement une station de métro à Laval et que, en même temps, il ferme cinq hôpitaux, ou que je vois le gouvernement de l'Ontario fermer délibérément des hôpitaux et réduire les subventions à l'éducation tout en accordant 4 milliards de dollars en réductions d'impôt, je me demande si la solution à certains des problèmes que nous tentons de corriger dans les Prairies consiste simplement à donner de l'argent aux provinces. En font-elles un meilleur usage que le gouvernement fédéral?

Le président: Y a-t-il des commentaires? Par où commençons-nous? Madame Rothman.

Mme Laurel Rothman: Avec tout le respect que je vous dois, non seulement le montant de ces transferts a-t-il été sévèrement coupé, mais vous avez péché par excès de zèle. Nous n'avons aucun principe, nous n'avons aucune norme, nous n'avons rien d'autre qu'une route que pourrait parcourir un camion pour acheminer l'argent du transfert. L'adoption, par M. Martin et par le gouvernement du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux a éliminé toute... je dirais toute «vision nationale» d'un Canada empreint de compassion. Les moyens d'y arriver ne sont pas là.

Oui, la réduction du financement est critique. Mais les structures que vous avez enlevées l'étaient aussi. Nous n'avons pas...

Sue, aidez-moi. Vous savez ce que je veux dire.

Mme Sue Cox: Nous n'avons aucune norme nationale de bien-être.

Mme Laurel Rothman: Nous n'avons aucun droit d'appel. Nous n'avons aucune norme nationale.

M. Nick Discepola: Nous n'en avons jamais eu auparavant.

Mme Laurel Rothman: Bien sûr que nous en avions. Qu'avions-nous auparavant? Nous avions des limites.

Mme Sue Cox: Vous aviez le Régime d'assistance publique du Canada, et même si le RAPC n'a probablement jamais été réglementé comme il se doit, il s'agissait néanmoins d'une norme que les provinces étaient tenues de respecter. Comme elles ne le sont plus, bien des provinces, par exemple l'Ontario, sont capables de réduire les prestations d'aide sociale à un niveau où les gens ne peuvent plus vivre sainement et dignement. Pire encore, elles ont pu mettre de l'avant des mesures comme le travail obligatoire pour des prestataires d'aide sociale et d'autres choses du genre, ce qui était auparavant interdit par le Régime d'assistance publique du Canada.

En réponse à votre question, j'ai dit dans mon allocution que je ne pensais plus que les transferts aux provinces étaient nécessairement la solution, parce que ces normes ont été éliminées et qu'un gouvernement comme celui de l'Ontario peut faire les choses les plus horribles à des gens comme mon amie Alexandra, ici. Mais quand on y pense bien, je crois que ce sont vous les responsables, en raison de la norme que vous avez établie. À cause de vous, un gouvernement comme celui de Mike Harris peut agir ainsi envers les gens.

S'il y a une chose que je voudrais revoir dans un gouvernement libéral, c'est que vous assumiez encore une fois un certain leadership pour toute la question de la compassion et de l'aide aux démunis. Voilà ce qu'il nous faut faire, et c'est là la responsabilité à laquelle vous avez, selon moi, renoncée. Vous l'avez fait pour le logement, vous l'avez fait pour les enfants, et vous l'avez fait pour tout le reste.

Je me dis que nous ne devrions peut-être pas revenir à l'ancienne formule. Peut-être est-il temps de réexaminer toutes ces choses et d'établir de nouvelles façons de faire dès maintenant. Mais je pense que des choses comme la Prestation nationale pour enfants étaient au départ une tentative pour utiliser d'une façon différente le régime fiscal afin d'aider les familles à faible revenu. Bien franchement, tout ce processus a été travesti en Ontario, où le gouvernement s'empresse de reprendre l'argent. J'ai été très mécontente de voir Pierre Pettigrew aux côtés de Janet Ecker et de l'entendre dire qu'il pensait que c'était un programme de lutte contre la pauvreté, quand, en fait, il n'aide même pas les enfants les plus pauvres.

Alors je pense que ce que nous demandons, c'est du leadership.

Mme Laurel Rothman: Oui, et je veux ajouter qu'un million d'enfants vivent de l'aide sociale dans notre pays, dans des situations peut-être pas tellement différentes de certaines que nous avons décrites ce soir. Je dirais qu'ils ne touchent aucun avantage direct de la prestation nationale pour enfants. Alors, avec tout le respect que je dois au gouvernement fédéral pour son retour, si timide qu'il soit, dans le domaine de la politique sociale, je dirais que les besoins des enfants et leur bien-être sont bien plus précieux que l'union sociale. Bien franchement, nous avons besoin de quelque chose de plus solide que ce qui a été concocté autour de cette table.

Le président: Voulez-vous dire que cela n'aide personne?

• 1930

Mme Laurel Rothman: Cela n'aide certainement pas le million d'enfants qui vivent de l'aide sociale; pour être tout à fait franche, je dirais que pour l'instant, nous allons attendre d'en voir les répercussions. Mais elle le dit un peu mieux que moi.

Mme Sue Cox: Et je ne suis pas tout à fait d'accord avec Campagne 2000 à ce sujet, mais je pense que nos raisons d'être sont les mêmes. Les enfants les plus pauvres viennent des familles dont les parents ne travaillent pas. Ces familles recevaient d'anciens crédits d'impôt, mais lorsqu'on a ajouté la nouvelle prestation, on a cessé d'accorder le crédit.

De plus, nombre de familles où les parents travaillent, comme celle d'Alexandra, constatent qu'ils ne reçoivent pas...—tout le programme est reformulé, de sorte que la deuxième année ils ne touchent pas autant d'argent, et celui qu'ils reçoivent est considéré comme un revenu, de sorte que pour des choses comme les garderies subventionnées, ils reçoivent maintenant moins d'argent. En réalité, ce que touchent les familles qui travaillent,—si nous prenons un peu de recul et que nous examinons l'ensemble de la situation—n'est pas autant que ce que nous pensions qu'elles allaient toucher. Mais je pense que le problème le plus criant, c'est que cet argent n'a jamais été ciblé pour aider les familles les plus pauvres. Il était destiné aux familles pauvres les plus riches, pour ainsi dire.

Mme Caroline DiGiovanni (membre du comité directeur, Campaign Against Child Poverty): Je pense qu'une autre caractéristique dont nous sommes censés tenir compte est la participation des provinces qui devaient affecter tout ce qu'elles considéraient comme des économies à des programmes à l'intention des enfants. Que je sache, cela n'a pas encore été le cas. Et c'est là où la norme et le leadership doivent vraiment entrer en ligne de compte. Ce que nous avons plutôt, ce sont des obligations qui sont de plus en plus déchargées sur le dos des entités municipales pour les obliger à prendre des mesures de politique sociale à grande échelle.

Alors, pour en revenir aux faits purs et simples, où est l'aide pour la garde des enfants quand on sait que des services de garde de qualité sont véritablement un élément essentiel du succès à un jeune âge si les parents sont forcés de travailler? Alors, lorsque les familles d'assistés sociaux sont forcées de se trouver du travail pour être admissibles aux prestations, elles entassent leurs enfants dans un système où les ressources sont épuisées et qui n'obtient d'autre soutien que ce qu'il peut obtenir de la municipalité et de la province. Nous avons besoin du genre de leadership dont on a fait état ici pour que les politiques financières soient conformes aux orientations sociales que nous préconisons.

Permettez-moi quelques autres commentaires au sujet de la pauvreté infantile: vous compromettez véritablement l'avenir si vous n'investissez pas tôt. Nous avons souvent parlé de cette question, Maurizio, et je pense que vous savez que la sagesse d'un investissement dès le tout jeune âge ressort clairement dans les pays qui le font et qui ont établi tout un réseau.

Mais si nous négligeons d'investir actuellement, c'est-à-dire au moment même où nous vivons une crise de la pauvreté, où 89 000 enfants de moins de dix ans vivent dans la pauvreté dans la ville de Toronto, où des enfants dont les parents vivent de l'aide sociale n'ont pas les choses essentielles dont ils ont besoin parce que leurs parents n'ont pas assez d'argent pour les faire manger durant tout le mois, où les sociétés d'aide à l'enfance augmentent le nombre de cas qu'elles prennent en charge de 7 p. 100 dans toutes les parties de l'Ontario—voilà autant d'indices d'un désastre. Et si vous ne participez pas pleinement maintenant, lorsque l'occasion s'offre de faire preuve de ce genre d'orientation, alors que vous pouvez revenir en arrière et revoir certains des programmes de façon à encourager—ou, de bien des façons, à exiger absolument—le degré de participation de la province où s'est amorcé ce changement, alors nous allons manquer le bateau et sacrifier une génération. Et nous aurons des enfants qui ne peuvent établir des liens entre eux, qui ne peuvent fonctionner en société et qui n'auront pas suffisamment appris au cours des premières années de leur vie, parce qu'ils auront eu faim.

M. Nick Discepola: Personne ne répond à ma question; cependant, le groupe ici n'est pas le seul. À Ottawa, les témoignages qu'on nous a présentés sont semblables. La recommandation 4 dit que le gouvernement fédéral devrait rétablir ses paiements de transfert à ce qu'ils étaient avant l'adoption du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. D'autres groupes ont déclaré que nous devrions rétablir le financement des soins de santé à ce qu'il était auparavant, et ainsi de suite. Personne n'a dit de combien il s'agissait, cependant.

Et voici maintenant que j'entends une version totalement différente. Oui, rétablissez-le, mais assurez-vous que vous obtenez une garantie de la part des provinces, assurez-vous d'avoir établi des conditions avec elles. Et c'est ce que j'essaie de tirer de vous.

Je vois bien des gens qui hochent la tête, mais cela ne figurera pas au compte rendu. Alors je veux que les gens ici présents l'affirment catégoriquement. Si vous dites que vous ne croyez pas que les provinces vont satisfaire à leurs engagements, alors j'aimerais vous l'entendre dire.

Rabbin Arthur Bielfeld: Avec tout le respect que je vous dois, j'ai précisé clairement, à tout le moins dans mon exposé, que «Campaign Against Child Poverty» souhaite l'établissement de normes nationales claires qui feront en sorte qu'on ne pourra faire autrement que réussir. Je pense que nous sommes d'accord là-dessus.

• 1935

M. Nick Discepola: Alors, autant vous critiquiez l'ancien système selon lequel nous remettions tout simplement de l'argent aux provinces et nous nous privions de ce fait de tout droit de regard,—vous admettez que le nouveau système nous permet au moins de le faire. Il comporte donc des avantages.

Le président: Un dernier commentaire, après quoi je veux passer à M. Szabo.

M. Bill Gleberzon: Je voulais revenir à la question initiale, à savoir si les provinces sont de meilleurs dépositaires que le gouvernement fédéral.

Selon nous, cette question n'a pas de sens, parce que ce n'est pas une proposition dichotomique. Nous avons écrit à M. Martin et lui avons parlé, nous avons écrit à M. Chrétien et avons parlé avec M. Rock, parce que nous affirmons que nous sommes un organisme national, non politique, de sorte que nous examinons la question et non pas le parti politique qui en est à l'origine ni, quant à cela, à l'ordre de gouvernement dont elle émane. Ce qui nous inquiète, par exemple, dans l'union sociale à laquelle ont fait allusion certaines personnes, c'est précisément ce qu'elles en ont dit, c'est-à-dire que cette union va détruire la perception d'uniformité, de normes nationales partout au pays. C'est ce que nous avons dit à MM. Chrétien, Rock et Martin.

Ça ne nous dérange pas du tout que le gouvernement fédéral réserve de l'argent pour des dépenses particulières. Des gens ici parlent d'aide à l'enfance, mais nous n'avons pas parlé de politique en matière d'éducation. Nous avons écrit—et nous l'avons mentionné aussi dans notre mémoire—que le fonds du millénaire n'est pas selon nous une bonne façon de procéder. Nous pensons que c'est une mauvaise façon de faire parce qu'elle va nous endetter. Nous avons entendu Alexandra nous parler de la dette qu'elle doit maintenant rembourser. Selon nous, quand le fonds entrera en vigueur, nous nous préparerons une génération entière de personnes qui vont sortir de l'université avec de lourdes dettes à payer, et bon nombre d'entre elles n'occuperont pas une profession qui leur permettra de les rembourser rapidement. Ce qui nous trouble particulièrement, c'est que bon nombre des gens qui appuient cette politique ont fréquenté l'université à une époque où les frais de scolarité étaient relativement faibles. Nous pensons que ce n'est pas équitable.

M. Nick Discepola: Monsieur, j'ai fréquenté l'université en 1972, et cela m'a coûté 750 $. Selon les normes actuelles, cela devrait coûter 7 000 $. Dans la province, en raison d'un choix qui y a été fait, les étudiants ne paient qu'environ 2 500 $.

M. Bill Gleberzon: Nous pensons que c'est ainsi que cela fonctionne.

M. Nick Discepola: En fait, les frais de scolarité sont parmi les plus bas.

M. Bill Gleberzon: L'autre question dont je voulais parler concerne les soins de santé.

Le président: Excusez-moi. Nous entrons maintenant dans un débat, mais d'autres personnes veulent présenter leurs témoignages.

M. Bill Gleberzon: L'autre question concerne les soins de santé, et nous craignons aussi de finir avec—par exemple, si le gouvernement entreprend de favoriser les soins à domicile et avec ce que nous voyons dans les provinces, de toute façon—une espèce de courtepointe absurde pour ce qui touche les services offerts partout au pays alors qu'il devrait y avoir, comme le préconise la Loi canadienne sur la santé, une uniformité, et ainsi de suite, de sorte que les gens puissent avoir accès aux soins peu importe où ils vivent. C'est ce genre de question qui nous préoccupe.

Le président: Merci.

Messieurs Szabo et Pillitteri, pourriez-vous poser le plus de questions possible pour que nous puissions obtenir le plus de réponses possible? Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Tout d'abord, je tiens à préciser à quel point je suis heureux et honoré de venir m'adresser à vous. Je suis vraiment impressionné par certaines des personnes ici présentes, car elles ont tant fait pour la collectivité.

Vous avez été précédés par beaucoup de gens qui se sont attaqués aux aspects fondamentaux de la pauvreté infantile et de la pauvreté en général. J'y ai moi-même consacré pas mal de temps à titre de député.

L'une des premières choses que l'on m'a dites lorsque je suis devenu un membre du Parlement—et j'étais membre du Comité de la santé—c'était qu'environ les trois quarts de nos ressources en soins de santé étaient affectées à des activités correctives ou curatives alors que seulement le quart allait à la prévention. Cette opposition entre la prévention et le traitement a eu un effet marqué sur toute la façon dont j'aborde bien des problèmes sociaux, et pas seulement la santé proprement dite.

Dans ce contexte, quand vous pensez qu'il s'est écoulé huit, neuf, voire près de dix ans depuis la résolution prise par la Chambre des communes en 1989 et que vous constatez que nous en sommes toujours à débattre de Résolution principale, ne pensez-vous pas que c'est affreux? Il y a une très bonne raison pour laquelle votre recommandation ne peut être que de poursuivre les pourparlers. En effet, en tant que société, nous n'avons pas trouvé la force morale de nous attaquer à certains problèmes qui ont pour effet de nous diviser et de nous polariser, qui sont susceptibles de mener le débat sur la pauvreté infantile à des endroits où nous ne voulons pas aller.

• 1940

J'ai rédigé trois monographies depuis que j'ai été élu. L'une était intitulée Divorceable Facts; la deuxième Strong Families Make a Strong Country; et la troisième Tragic Tolerance of Domestic Violence.

Les liens entre les trois étant énormes, je vais vous dresser une liste des problèmes qui vont nous diviser et nous jeter les uns contre les autres, et qui, avec le temps, vont faire de tout ceci un exercice très laid. Si nous voulons vraiment régler le problème de la pauvreté, nous n'aurons d'autre choix que de faire face à tout cela.

Tout d'abord, 46 p. 100 des enfants qui vivent dans la pauvreté viennent de familles monoparentales, lesquelles ne représentent que 12 p. 100 des familles au Canada.

La Société canadienne de pédiatrie appuie fortement la recommandation ou la ligne directrice de l'Organisation mondiale de la santé selon laquelle l'alimentation maternelle doit se poursuivre jusqu'à l'âge d'un an. La Société préconise si fermement l'adoption de cette directive qu'elle a déclaré catégoriquement qu'elle n'entretiendrait aucun lien avec une organisation qui n'appuie pas cette directive, quelle qu'elle soit; c'est le problème du lien.

L'Institut Vanier, l'Institut canadien de la santé infantile, le Carnegie Institute, l'Institut canadien des recherches avancées, Fraser Mustard, tous ces gens—que vous connaissez très bien—le développement du cerveau, la première année de la vie... Fraser Mustard est venu témoigner devant le Comité du développement des ressources humaines en juin dernier. Il a résumé son allocution en déclarant que la première année de la vie était la plus déterminante. C'est là que tout se passe.

Le fondement de la pensée abstraite, de la résolution de problèmes et de la logique en général s'établit dès l'âge d'un an. A l'âge de trois ans, le cerveau est développé à 80 p. 100. Il est ridicule de penser que les enfants de zéro à six ans forment un groupe homogène; ce n'est pas le cas. Le développement ne se fait pas durant toute cette période. À l'âge de trois ans, votre capacité de vous adapter, d'apprendre, de faire toutes les choses que nous souhaitons est déjà établie. L'ensemble est défini. Et ce que je dis va diviser les gens, parce qu'il y en a qui sont venus nous dire qu'ils voulaient qu'on affecte des fonds à la garde d'enfants, qu'on dépense 5 milliards de dollars—mais les nourrissons n'en tirent rien; ce sont des enfants de trois ans qui en profitent. C'est trop tard. C'est trop tard.

J'étais assis à côté de Barbara Hall au cours d'une réunion lorsqu'elle était mairesse, et elle a dit: «Comment peut-on avoir des services de garde d'enfants de qualité à Toronto, ou en Ontario, ou au Canada, lorsque vous ne voulez donner que 18 000 $ par année à une personne qui travaille en garderie? Si vous travaillez chez MacDonald, vous gagnerez davantage. Comment pouvez-vous espérer attirer et maintenir à votre service de bonnes ressources humaines si vous ne pouvez les rémunérer?» Et les gens ne sont pas prêts à payer.

Voici un autre argument qui va nous dresser les uns contre les autres. Si vous continuez à offrir des prestations, directes ou indirectes, en argent comptant ou en nature, à ceux qui ne peuvent prendre soin d'eux-mêmes ou s'occuper de leurs enfants, vous en arriverez tôt ou tard à un point où vous aurez un revenu annuel garanti, et c'est là que la grande question surgit: favorisons-nous la dépendance? Retirons-nous les incitatifs? Est-ce que nous remplaçons plutôt que d'aider? Ce débat nous mènera à notre perte.

Dernière question: le «travail forcé». Pour une personne qui n'est pas soutien de famille et qui gagne 25 000 $ par année, une fois déduits les impôts, les frais de garde d'enfants et le coût réel de l'emploi, le salaire net est de moins de 100 $ par semaine. Fondamentalement, la décision tient à ceci: abandonnez-vous vos enfants pour 20 $ par jour? Une petite subvention pourrait changer tout cela.

L'Université de la Caroline du Nord a publié, en juin 1998, une étude portant sur sept pays européens où des données démographiques recueillies sur 25 ans ont permis de constater que le taux de mortalité infantile chez les nourrissons était de 29 p. 100 inférieur lorsqu'on rémunérait les parents pour garder leurs enfants durant les 50 premières semaines de leur vie. Voilà des chiffres terrifiants qu'on commence tout juste à connaître, et vous y êtes sensibilisés.

Le seuil de faible revenu nous permettait d'avoir un argument sur la façon dont nous avons établi la pauvreté... Eh bien, savez-vous quoi? Ce seuil n'est pas le seuil officiel de la pauvreté. Nous ne devrions pas dire qu'il l'est, parce qu'il ne l'est pas. C'est en fait un seuil au-delà duquel vous n'êtes plus dans la pauvreté. C'est fondamentalement l'éventail complet des modes de vie que l'on compare, et pour une famille de quatre personnes à Toronto, il faudrait que le seuil soit de 26 000 $ par année, grosso modo.

Mais il y a des gens au Canada qui n'ont rien à manger, qui n'ont pas de toit et qui n'ont rien à se mettre sur le dos. Pourquoi ne demande-t-on pas aux Canadiens s'ils sont prêts à renoncer à un crédit d'impôt pour que nous puissions nourrir, vêtir et abriter des gens? Pourquoi ne disons-nous pas que nous ne le voulons pas? Moi, je vais le dire.

J'adorerais pouvoir dire à Paul Martin—en fait, j'aurais dû le lui dire hier lorsque je l'interrogeais—que je ne veux pas de crédit d'impôt parce que je trouve impensable qu'une personne qui vit au Canada n'ait pas suffisamment à manger, qu'elle n'ait pas d'endroit où dormir. Voilà ma priorité ultime. Je ne veux rien d'autre pour moi. Je n'en ai rien à faire.

• 1945

Fondamentalement, votre recommandation a été celle-ci: parlons-en. J'en ai dit beaucoup à ce sujet, et je sais que j'ai probablement heurté certains d'entre vous. J'en suis désolé, je ne veux pas faire de l'agitation, mais il s'agit d'un problème qui pourrait ne jamais être résolu tout simplement parce que nos valeurs sociales et nos valeurs familiales ont changé pour le pire, et qu'elles se sont peut-être érodées.

Je ne sais pas comment on pourra les rétablir, mais s'il y a une chose qui me semble fondamentale, c'est que les enfants doivent passer en premier. Il nous faut investir dans nos enfants, dans leur santé physique, mentale et sociale. De plus, la pauvreté, la pauvreté financière, n'est pas une cause. Les gens pauvres ont des enfants magnifiques, des enfants sains, des enfants bien adaptés. Les gens riches peuvent avoir des enfants bons à rien. La différence, c'est la qualité des soins qu'ils reçoivent et l'amour.

Est-ce que je m'étends indûment sur le sujet? Suis-je passé à côté de quelque chose, ou sommes-nous placés face à un défi beaucoup plus important que nous voulons bien l'admettre? Peut-être le temps est-il venu de reconnaître qu'il faut nous occuper des ruptures familiales; peut-être devons nous nous occuper des questions fondamentales de l'alimentation, du logement et des vêtements; peut-être devons-nous nous occuper de certaines des questions dont je viens tout juste de parler.

Madame Callwood, je vous admire depuis des années, et voilà que vous êtes assise devant moi. Je suis sûr que des millions de choses vous traversent l'esprit et que vous voulez nous en parler. J'espère que vous allez le faire, parce que je pense que vous avez, avec vos collègues, énormément de leadership à ce sujet, et que vous pouvez nous en faire profiter. Je pense que c'est le problème le plus important. J'espère sincèrement que vous n'abandonnerez pas la lutte avant que ce problème soit enfin réglé.

Mme June Callwood (membre du comité directeur, Campaign Against Child Poverty): Eh bien, je peux répondre, et je vous remercie de la gentillesse de vos propos.

Je pense que lorsque nous parlons de normes nationales qui sous-tendent la vie des enfants, nous n'avons pas besoin d'entreprendre une discussion pour savoir ce que nous voulons dire par «normes». Dans les années 70, Thomas Berger a participé à une commission royale d'enquête et a conçu les droits de l'enfant; et même s'il en était le juge à l'époque et qu'on avait investi énormément dans ce rapport, on en a ri. Il a déclaré que l'enfant avait le droit de recevoir une éducation accessible, c'est-à-dire qu'un enfant grandement handicapé devait être éduqué d'une façon différente. Parler d'une éducation accessible, c'est très différent de dire qu'un enfant doit être éduqué.

Vous avez tout à fait raison, et j'admire l'étude et votre passion au sujet des trois premières années de la vie. Nous passons de zéro à six ans, mais vous savez sûrement que les services en garderie ont été en mesure de contrer la privation subie durant la petite enfance, que de très bons services de garde sont, jusqu'ici, la meilleure chose à laquelle une collectivité puisse avoir accès.

Vous devez tous connaître l'étude d'Ypsilanti et ce qui s'est produit à Hawaï lorsqu'ils ont procédé à une intervention rapide. Il s'agit de programmes d'intervention rapide dont les dividendes sont énormes. Par dividende, je ne veux surtout pas laisser croire qu'il s'agit d'économies réalisées lorsqu'on prend soin des enfants quand ils sont très jeunes par rapport à ce que coûterait un séjour en prison lorsqu'ils sont devenus adultes; en fait, pour moi, le dividende, c'est que nous prenons soin de nos enfants.

Nous sommes censés être un pays qui a le souci des enfants. Nous sommes signataire de la Déclaration sur les droits de l'enfant des Nations Unies et nous sommes censés affecter d'abord et avant tout nos ressources aux enfants. C'est inscrit dans la déclaration; il est ridicule que notre pays soit censé affecter d'abord et avant tout ses ressources aux enfants, alors que tout prouve qu'ils sont servis en dernier.

Nous demandons au gouvernement fédéral d'assumer un leadership moral—je suis une vieille femme, et je me rappelle la grande dépression, la guerre et l'euphorie qui l'a suivie, lorsque nous disions que nous allions nous donner un pays merveilleux—et je dois dire que nous avons erré terriblement en ne nous occupant pas davantage de nos enfants. Ils n'appartiennent pas à la province. Vous ne pouvez donner une certaine quantité d'aliments à un enfant d'une province et une quantité différente à celui d'une autre province. Ce sont des enfants canadiens. Nous devons établir des valeurs de base pour aider nos enfants et faire en sorte de leur épargner les pires privations. Si nous devions donner une génération d'enfants sains à notre pays, nous n'aurions pas à nous lancer dans la dépense. Une génération saine donnerait naissance à une autre, et le cycle se poursuivrait pour toujours. C'est le genre de pays que nous aurions si nous axions nos ressources sur nos enfants.

• 1950

Je suis désolée qu'il y ait si peu de gens qui soient représentés ici ce soir. Je comprends votre fatigue. Je vous admire tous de vous être accrochés, et je ne vous oublierai jamais. Mais auriez-vous l'obligeance de dire à vos collègues et à tous ceux des autres groupes d'intérêts qui viennent comparaître devant vous que c'est la question à laquelle ils devraient s'attacher: les enfants.

Le président: Je vous remercie.

Quelqu'un veut-il faire un commentaire? Monsieur Sokoloff, et puis madame Rothman.

M. Sydney Sokoloff: L'autre soir, je regardais le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, au canal 23, à la SRC. Il se félicitait de son entrée aux Nations Unies. La première chose qu'il a dite, c'est que nous devions nous occuper des gens durant l'hiver et les protéger contre le froid. Mais je pense personnellement que le ministre des Affaires étrangères doit penser aux sans-abri. Nous avons plus de sans-abri aujourd'hui que jamais auparavant. La compassion est l'affaire de tous. Nous devons nous occuper des nôtres avant de chercher d'autres pays à aider.

Le président: Merci.

Madame Rothman.

Mme Laurel Rothman: Tout d'abord, je pense que nous nous entendons sur bien des points. J'ai moi aussi lu vos monographies, et j'apprécie grandement votre contribution.

Mais j'aimerais formuler un court commentaire. Vous avez tout à fait raison: officiellement, Statistique Canada a déclaré que le seuil de faible revenu n'est pas le seuil de pauvreté. Mais tous ceux qui font des études et des recherches à ce sujet l'utilisent.

Je veux vous faire un commentaire à ce sujet. Peut-être le savez-vous déjà, mais dans une tentative de, pour ainsi dire, combattre ce que j'appellerais une interprétation plus à droite de ce dont nous avons besoin pour vivre dans notre pays, comme celle qui a été proposée par le Fraser Institute, le Conseil canadien de développement social a examiné le seuil de faible revenu pour voir ce qu'en pensait l'opinion publique. Il ressort que, dans un sondage Gallup, on a demandé aux Canadiens quel était, selon eux, le montant dont avait besoin une famille de quatre personnes pour vivre dans notre pays. Ils ont posé la même question durant plus de 20 ans, et si vous comparez la réponse à cette question et la valeur du seuil de faible revenu, vous constatez que c'est environ la même chose. Ainsi donc, le public a une certaine interprétation de ce que signifie le seuil de faible revenu pour la survie.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Rabbin Bielfeld.

Rabbin Arthur Bielfeld: Monsieur Szabo, je veux vous remercier de vos commentaires et, peut-être, vous donner un peu d'encouragement en vous disant qu'il y a beaucoup de gens ici, en fait, de plus en plus de gens qui partagent votre engagement et votre préoccupation, et qui sont déterminés plus que jamais auparavant à examiner cette question bien en face. À cet égard, je ne pense pas que l'optimisme soit exagéré.

Je veux vous dire que notre groupe, «Campaign Against Child Poverty», compte parmi ses commettants Voices for Children, le Dr Paul Steinhauer; je suis sûr que vous connaissez son travail et c'est pourquoi nous tenons à bien souligner que nous nous occupons de mieux-être. À certains égards, le terme pauvreté peut ne pas convenir—non pas qu'il soit incorrect, mais il faut le préciser et nous centrer sur les choses que nous pouvons faire. Je pense que s'il y a des points sur lesquels nous pourrions être en désaccord, il y en a aussi beaucoup sur lesquels nous pourrions être d'accord.

Je vais vous donner un exemple. Il n'y a pas un an, notre organisation a tenté une expérience en Ontario. Nous nous sommes dit: «Que pourrions-nous faire si nous pouvions nous tourner vers les gens qui émettaient des réserves au sujet des réductions fiscales accordées par le gouvernement de l'Ontario?» Sur trois ans, cette réduction était censée être de 30 p. 100. Eh bien, le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, mais quoi qu'il en soit, chacun d'entre nous a eu une réduction d'impôt. Qu'arriverait-il si nous pouvions les inviter à remettre volontairement cette réduction d'impôt à des organisations comme les groupes de protection de l'enfance, Centraide ou des organismes de services familiaux? Voyons ce qui se produirait. Voyons si nous pourrions amener X personnes à placer une annonce dans les journaux.

Après une brève période—vous allez voir une annexe à ce sujet—nous avons placé une annonce sur deux pages dans le Globe and Mail qui disait: «Nous obtenons une réduction d'impôt. C'est lui qui paie. Et nous allons payer nous aussi.» Plus de 700 personnes se sont présentées et ont sorti de l'argent de leur poche. Nous avons réussi à ramasser, en déduction, en remboursement et en nature plus de 100 000 $ de 700 personnes. Je n'avais jamais vu auparavant des Canadiens faire cela d'eux-mêmes et donner suite à leur parole. Mais pour lutter contre la pauvreté infantile, ils étaient prêts à le faire.

• 1955

Nous savons où il vous faut intervenir. Je dirais: ne perdez pas espoir. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Nous aimerions dire aux gens du gouvernement fédéral qu'ils devraient savoir qu'un mouvement de fond se prépare. Je sais qu'il va se produire. Peut-être leur faut-il l'entendre.

Ce matin, au cours d'une entrevue à la radio, Paul Martin rappelait aux gens du pays qu'il est le fils d'un autre monsieur Martin qui avait pris de grands engagements face à la stabilité sociale des enfants. Peut-être devrait-il savoir que bien des gens disent: «Nous partageons les valeurs de son père. Nous présumons qu'il les a lui aussi. La réduction du déficit n'est pas la seule façon d'y arriver.» Nous allons le faire.

Le président: Merci, rabbin Bielfeld.

Trois personnes aimeraient faire un dernier commentaire: Mme Humphrey et MM. Hayden et Gleberzon.

Mme Alexandra Humphrey: Je conviens que la qualité des soins est ce qui détermine en définitive la vie d'une personne. Mais pour une mère comme moi, les obstacles que je dois surmonter m'empêchent d'offrir des soins de qualité à mes enfants.

Le logement à prix abordable est un problème. Il faut attendre de huit à dix ans pour avoir accès à un logement subventionné.

L'accès à des emplois plus rémunérateurs est un autre problème. Je suis éducatrice auprès de jeunes enfants et je compte parmi les personnes qui doivent vivre avec un revenu de 18 000 $ par année. Les centres ne peuvent verser aux éducateurs des jeunes enfants que les droits qu'ils perçoivent auprès des parents. Lorsque les parents versent déjà des droits élevés, les centres n'ont absolument aucune façon de verser des salaires plus élevés. Alors c'est un autre problème qu'il faut examiner.

Je passe mes journées et mes nuits entières à tenter de figurer comment je peux arriver à acheter des vêtements pour mes enfants et pour moi-même. Il y a au moins cinq ans que je ne me suis pas acheté de vêtements. Je consacre toute mon énergie à tenter d'offrir des soins de qualité à mes enfants. Je puis vous le confirmer: la qualité des soins, c'est ça qui est important. Mais lorsque les familles passent tout leur temps à travailler et à tenter de trouver des façons d'étirer le peu d'argent qu'elles ont pour prendre soin des enfants, cela affecte la qualité des soins. C'est la raison pour laquelle j'invite encore une fois les députés, n'importe lequel, à venir et à analyser le genre de vie que je dois vivre en tant que parent qui tente d'offrir des soins de qualité à ses enfants.

Je vous remercie de m'avoir écoutée ce soir.

Le président: Merci beaucoup, madame Humphrey.

M. Anders Hayden: Manifestement, une foule de problèmes ont été énoncés ici ce soir. La question de la pauvreté est fort complexe, mais le chômage compte manifestement parmi les facteurs clés. Le taux de chômage est de 8,3 p. 100 dans notre pays, ce qui, historiquement parlant, est ahurissant. Et tout cela, même si nous vivons censément à une époque de prospérité. Manifestement, il faut prendre un engagement national à réduire encore davantage le chômage.

Ce soir, nous avons formulé quelques suggestions sur les mesures budgétaires que le gouvernement peut prendre pour réduire ou redistribuer les heures de travail, ce qui constituerait, selon moi, une bonne partie de la solution.

• 2000

J'aimerais aussi soulever l'autre aspect de la question: vous avez mentionné à quel point il est important que les parents passent du temps avec leurs enfants. L'un des facteurs qui empêchent les parents de passer du temps avec leurs enfants est le travail excessif, l'obligation d'y consacrer de très longues heures. Ce n'est pas seulement une question de longueur de la semaine de travail, c'est aussi une question de dispositions concernant les congés familiaux et le droit de prendre des congés pour se consacrer à sa famille.

Dans d'autres pays, les parents ont le droit de choisir de réduire leurs heures de travail lorsqu'ils ont de jeunes enfants. Par exemple, certains pays, comme les Pays-Bas, ont adopté comme pratique courante de permettre aux deux parents de combiner leur semaine de travail—l'un peut travailler trois jours par semaine, et l'autre, quatre jours—de sorte qu'il y a au moins un parent à la maison presque tout le temps.

Je pense que ce genre de politique quant à l'horaire de travail devrait aussi permettre aux familles d'avoir du temps pour répondre à des besoins sociaux de la plus haute importance. J'espère que nos recommandations tiendront compte du fait que la réduction du chômage est une importante façon de réduire la pauvreté et une façon de donner aux gens du temps à consacrer à leur famille.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hayden.

Monsieur Gleberzon.

M. Bill Gleberzon: Merci.

Vous avez soulevé certaines questions intéressantes, monsieur Szabo, et les gens les ont abordées selon un point de vue. Mais nous craignons que ces politiques sociales soient présentées d'une façon qui nous oblige à opter pour une solution au détriment d'une autre; nous aidons les enfants ou les personnes âgées, ou encore ce groupe-ci ou celui-là. Il me semble que le gouvernement ne doit pas faire de gagnants ou de perdants avec sa politique sociale et qu'il doit plutôt chercher une situation où tout le monde est gagnant.

Les gens ont aussi tendance à oublier que la vie est un continuum. Si les enfants ne sont pas une espèce particulière d'êtres humains, les personnes âgées ne le sont pas non plus. Si les choses vont bien pour les enfants au cours des premières années de leur vie, nous pouvons être sûrs qu'ils en retireront tous les avantages tandis qu'ils vieillissent. Il n'y a pas de garantie quant à ce qui nous arrivera quand nous deviendrons vieux, mais nous adoptons une politique sociale de portée plus large qui doit être envisagée au regard de ce continuum, plutôt qu'être une proposition où l'on privilégie un groupe au détriment d'un autre.

Nous sommes aussi préoccupés par le fait que certaines personnes se retrouvent de plus en plus dans ce qu'on appelle la génération sandwich, qui doit prendre soin des personnes âgées fragiles en même temps qu'elles prennent soin de leurs enfants. À cet égard, les chiffres vont d'un minimum de 11 p. 100 à un maximum de 25 p. 100. Cela nous présente un tout autre continuum à l'intérieur de notre système social.

Je ne veux pas trop insister sur ce point, mais je pense qu'il faut en tenir compte dans nos discussions.

Le président: Merci, monsieur Gleberzon.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier tous. Vous avez été un excellent comité. Vous avez certainement décrit les véritables défis auxquels font face les vrais gens dans la vie de tous les jours, et cela est très important pour les débats sur la politique publique et les choix que nous devons faire.

J'ajoute que je connais nombre d'entre vous depuis quelques années, à titre de président du Comité du développement des ressources humaines au cours des travaux sur l'examen des programmes de sécurité sociale, et chaque fois que je vous vois, je suis renversé par votre engagement à amener des changements positifs à notre collectivité et dans la vie. Ce que vous faites est très important. Et je vous en suis très reconnaissant.

Nous allons maintenant prendre une pause de deux ou trois minutes, après quoi nous reviendrons.

• 2003




• 2008

Le président: À l'ordre. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux organisations suivantes: Ad Hoc Working Group on Budget Alternatives, Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires, «Canadian Living Foundation», «Employee Share Ownership Plan Association», «International Union of Operating Engineers», section locale 793, et «Ontario Chiropractic Association».

Nous commencerons par l'Ad Hoc Working Group on Budget Alternatives. Leurs représentants ici ce soir sont Mme Avvy Go et M. Mohammed Tabit. Soyez les bienvenus.

Mme Avvy Go (directrice, Metropolitan Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic; Ad Hoc Working Group on Budget Alternatives): Merci beaucoup de me donner l'occasion de venir vous faire part de notre position ce soir.

Je suis membre de la Metropolitan Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Nous faisons partie d'une coalition appelée Coalition Agains the Head Tax. De concert avec la Ad Hoc Coalition, nous venons présenter ici ce soir un mémoire sur la taxe d'entrée.

• 2015

Je commencerai par résumer notre position au sujet de la taxe d'entrée, qui consiste en un droit d'établissement de 975 $, après quoi M. Tabit dira quelques mots sur la répercussion de cette taxe sur la communauté proprement dite.

Comme vous le savez peut-être, la coalition est ici ce soir pour recommander l'annulation du droit exigible pour l'établissement de 975 $, qui a été imposé en 1995 dans le cadre du budget. C'est une taxe d'entrée qui est imposée à tous les immigrants et réfugiés qui veulent avoir le droit de s'établir au Canada.

Ce n'est pas la première fois que la coalition demande au comité permanent d'annuler la taxe d'entrée. Toutefois, il y a une différence cette fois: la situation budgétaire dans laquelle le Canada est placé aujourd'hui est très différente de ce qu'elle était il y a trois ans, au moment où la taxe d'entrée a été créée.

Comme l'a annoncé le ministre des Finances hier dans son exposé économique annuel, nous avons un surplus de 3,5 milliards de dollars pour l'exercice 1997-1998. Apparemment, il s'agit du premier surplus en 28 ans. Dans ce contexte, nous demandons au Comité des finances de voir si le gouvernement canadien a toujours une justification pour imposer une taxe d'entrée aux immigrants et aux réfugiés.

Dans notre mémoire, que nous vous avons déjà remis, nous exposons un certain nombre de motifs pour lesquels nous croyons que le gouvernement n'a pas raison d'imposer une taxe d'entrée aux immigrants et aux réfugiés. Nous croyons que la taxe d'entrée constitue une discrimination contre les nouveaux arrivants au Canada qui, comme le reste des citoyens, versent des impôts et contribuent à la vie économique du Canada. En fait, bien des études révèlent que, en moyenne, la valeur des impôts versés par les immigrants dépasse celle des services qu'ils reçoivent.

La coalition estime aussi que la taxe d'entrée constitue une discrimination contre les pauvres et les gens de couleur, parce qu'il s'agit d'une taxe fixe. Elle n'est pas établie en fonction de la capacité ou de l'incapacité de payer du nouvel arrivant. À ce titre, elle est inéquitable pour les immigrants et les réfugiés des pays du tiers monde, qui sont pour la plupart relativement pauvres et qui sont des gens de couleur.

Outre ces effets discriminatoires, la coalition s'oppose aussi à la taxe d'entrée parce qu'elle estime que le Canada viole de ce fait ses obligations internationales, qui l'obligent à prendre toutes les mesures voulues pour accélérer le processus de naturalisation. Manifestement, l'imposition d'un fardeau financier supplémentaire sur l'établissement des immigrants et des réfugiés n'accélère certes pas le processus de naturalisation. En fait, cela suscite une sous-catégorie d'immigrants et de réfugiés qui, en raison de leur incapacité de payer la taxe d'entrée, sont forcés de vivre ici sans y être officiellement autorisés par la loi.

Les préoccupations et critiques que nous faisons valoir à propos de la taxe d'entrée sont tout aussi valables aujourd'hui qu'elles l'étaient lorsque nous en avons parlé pour la première fois en 1995. Par contre, la justification qu'avait donnée le gouvernement pour la créer n'est désormais plus légitime, parce que le contexte économique a changé. Comme vous le savez probablement, les motifs qu'avait fait valoir le gouvernement pour imposer cette taxe étaient d'ordre purement budgétaire. Cette taxe était censée contribuer à réduire le déficit national, mais aujourd'hui, près de trois ans après le début de cette campagne de lutte au déficit, nous sommes déjà dans une situation où il y a des surplus budgétaires. Selon nous, ce nouveau contexte budgétaire fait en sorte que le gouvernement n'a plus de justification pour imposer la taxe d'entrée.

Comparativement à la perte de revenu découlant de taxe non perçue sur des éléments comme les gains à la loterie ou les subventions que nous fournissons aux entreprises et aux banques chaque année, les quelque 150 millions de dollars que perçoit le gouvernement grâce à la taxe d'entrée représentent une goutte dans l'océan. Mais une taxe de 975 $ est une somme énorme pour les milliers d'immigrants et de réfugiés qui doivent faire des pieds et des mains uniquement pour obtenir l'argent de cette taxe et pouvoir vivre au Canada ou venir y rejoindre les membres de leur famille.

En conclusion, nous croyons que le gouvernement a aujourd'hui une excellente occasion de corriger la situation, non seulement parce que c'est la bonne chose à faire, mais aussi parce qu'il n'a plus d'excuse pour éviter de le faire. Nous invitons le Comité permanent des finances à recommander que le budget 1999-2000 comprenne une mesure visant à annuler la taxe d'entrée.

Je donnerai maintenant la parole à M. Tabit, qui vous parlera de l'effet de la taxe d'entrée à l'échelle communautaire.

M. Mohammed Tabit (coordonnateur de programme, Midaynta (organisme de service somalien) et membre de l'Ad Hoc Working Group on Budget Alternatives): Merci. C'est pour moi un grand plaisir et un grand privilège de venir vous parler du problème qu'a mentionné Avvy au sujet de la taxe d'entrée et de son effet sur les nouveaux arrivants au Canada.

• 2020

Je m'appelle Mohammed Tabit et je représente l'association Midaynta des organismes de service somaliens. Je travaille surtout auprès des nouveaux arrivants au Canada.

Nous voyons chaque jour beaucoup de gens qui sont affectés par cette mesure législative. Les 975 $ imposés à tous les adultes qui arrivent au Canada pour s'y établir servaient d'abord à empêcher l'établissement des familles chinoises au Canada au début du siècle. À présent, cette mesure affecte notre communauté de façon tout à fait disproportionnée en raison des mesures de parrainage touchant l'immigration des réfugiés et des membres de la famille. Ce droit exigible pour l'établissement frappe durement les réfugiés à faible revenu et les gens qui veulent parrainer l'entrée au pays de leurs proches.

Nous avons effectué un sondage auprès des membres de la communauté somalienne qui sont récemment arrivés au Canada, et il a révélé une baisse importante des demandes de résidence permanente provenant de familles à faible revenu depuis l'introduction de cette mesure. Parmi les personnes interrogées, 95 p. 100 signalaient que le droit exigible pour l'établissement avait des répercussions majeures sur leurs conditions de vie au Canada.

Nous pouvons vous donner des exemples concrets. CEIC, Immigration Canada, recherche toujours 3 500 réfugiés au sens de la Convention somaliens qui n'ont pas présenté à temps leur document d'établissement parce qu'ils n'avaient pas d'argent pour le faire. Ils n'ont jamais présenté de demande de résidence permanente, même s'ils en avaient besoin durant la période de 90 jours. Cette période a été portée à 180 jours, mais elle sera toujours insatisfaisante pour qu'ils puissent réunir l'argent nécessaire au parrainage.

Nous avons beaucoup de membres de la famille. Même s'il y a présentation simultanée de demandes par les demandeurs ici au Canada et les membres de leur famille à l'étranger, pour être admissibles ou pour obtenir les 500 $, ils préfèrent toujours retarder la réunification de la famille, et, plutôt que de faire un traitement simultané de leur demande, on exige qu'ils retirent les noms des membres de la famille de leur demande.

Le droit exigible pour l'établissement est source d'un stress terrible, tant psychologique qu'économique, pour des familles qui ont déjà traversé des périodes difficiles. Selon le sondage, bien des familles sont forcées de réduire de façon draconienne leur budget pour le logement et la nourriture pour arriver à payer ce droit. Les refuges sont pleins de nouveaux arrivants qui n'ont pas assez d'argent pour se permettre un logement.

Les retards au chapitre de la réunification des familles entraînent parfois de la violence familiale et la séparation permanente ou le divorce. Il est inacceptable, pour un gouvernement qui prétend croire aux valeurs humanitaires et qui insiste constamment sur l'importance de la réunification des familles et sur l'intégration des nouveaux arrivants dans notre société, de laisser une telle situation se poursuivre.

Il faut ajouter au droit exigé pour l'établissement les frais de traitement pour chaque demande, le coût du transport, les honoraires d'avocat et tous les coûts liés à la création d'une nouvelle vie et d'un nouveau foyer dans un pays qu'on ne connaît pas. La plupart des nouveaux venus doivent accepter des emplois mal rémunérés le plus tôt possible, même si, dans leur pays d'origine, ils jouissaient d'un statut professionnel élevé.

Même Immigration Canada reconnaît les difficultés qu'éprouvent les nouveaux immigrants à l'égard du paiement du droit exigé pour l'établissement. De fait, le programme de prêt a été établi en vue de contrer les effets néfastes de ce fardeau financier. Même s'il est bien de reconnaître ce fait, un prêt n'est toujours qu'un prêt. Les prêts placent les familles dans une situation précaire et, de fait, ne peuvent être obtenus que par ceux dont la capacité financière de les rembourser est manifeste.

Les immigrants qui touchent un revenu modeste, les aînés et les personnes handicapées font clairement l'objet d'une discrimination. Par exemple, on a refusé d'accorder un prêt à un jeune homme aveugle, parce qu'il n'était pas en mesure de montrer qu'il pouvait rembourser le prêt. On a aussi refusé la demande de prêt d'une dame âgée de 75 ans.

• 2025

Le droit exigé pour l'établissement va directement à l'encontre de l'article 34 de la Convention de Genève sur les réfugiés, dont le Canada est un signataire. L'article se lit comme suit:

    «Les États contractants faciliteront [...] l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure.»

Dans le cas qui nous occupe, le droit exigé pour l'établissement ne réduit pas le coût de cette procédure: il l'augmente de façon importante.

Le Canada n'est pas le seul pays à imposer des droits aux immigrants, mais c'est le seul pays qui impose de tels droits aux réfugiés. En 1995, le ministre des Finances créait cette taxe d'entrée en vue de réduire le déficit fédéral. Le temps est venu de mettre fin à l'imposition d'un droit pour l'établissement de tous les nouveaux venus ayant obtenu le droit d'établissement au Canada.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Tabit et madame Go.

Accueillons maintenant M. Michael Ellenzweig, président de l'Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires, et M. Ric McGratten, vice-président du Comité des relations gouvernementales de l'Institut.

M. Michael Ellenzweig (président, Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires): Merci, monsieur le président. Bonsoir. Au nom de mon collègue et de moi-même, je tiens à remercier le comité de nous avoir laissé prendre la parole ce soir. Nous vous avons fourni des cartables qui vous aideront à suivre mes commentaires; si vous le voulez bien, nous passerons à la page 2, marquée d'un onglet rouge.

L'Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires, aussi connu sous le nom d'ICCPH, est la seule association nationale qui représente l'industrie canadienne de l'hypothèque. Avant la création de l'ICCPH, notre industrie était fragmentée, et ses divers groupes d'intérêts étaient représentés par des organismes régionaux et provinciaux.

Fondé en 1994, avec la participation des organismes de réglementation, l'ICCPH regroupe les prêteurs, les courtiers hypothécaires et les sociétés d'assurance hypothécaires. L'ICCPH constitue vraiment une alliance stratégique des principaux intervenants de tous les secteurs de l'industrie canadienne de l'hypothèque.

L'ICCPH s'est engagé à promouvoir le professionnalisme par l'éducation, à appliquer un code de déontologie national, à fournir de l'information en temps opportun aux emprunteurs, et à promouvoir les intérêts de l'industrie de l'hypothèque. Depuis sa création, l'ICCPH joue un rôle de chef de file dans l'industrie qu'elle sert. Aujourd'hui, nos membres comptent pour 65 p. 100 de l'activité touchant l'hypothèque au Canada.

Nous comptons 1 000 personnes et 225 sociétés membres, dont les deux sociétés d'assurance hypothécaire, huit banques de l'annexe A, 150 maisons de courtage hypothécaire, cinq des centrales de caisses de crédit du Canada, de nombreuses sociétés de fiducie et de financement, ainsi que plusieurs compagnies d'assurance-vie et maisons de titrisation.

Depuis sa création, l'Institut représente l'industrie canadienne de l'hypothèque auprès des consommateurs, des organismes de réglementation et des gouvernements. De plus, nous avons contribué à coordonner et à promouvoir la formation exigée et l'éducation permanente pour les professionnels de l'hypothèque des quatre coins du Canada. Nous avons assuré la visibilité de l'industrie de l'hypothèque au Canada et à l'échelle internationale grâce à la publication de la seule revue nationale sur l'hypothèque, The Journal, à la tenue du seul salon national de l'hypothèque au Canada—où l'on tient des conférences—et à la publication du seul répertoire national des professionnels de l'hypothèque au Canada. Nous avons établi un site Internet favorisant l'interaction entre les membres et le grand public. Nous assurons aussi la liaison avec d'autres organismes de financement hypothécaire à l'échelle internationale. Enfin, nous parrainons des rencontres régionales, partout au Canada.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, Ric McGratten.

M. A.D. (Ric) McGratten (vice-président, Comité des relations gouvernementales, Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires): Merci, Michael, et merci à vous, membres du comité.

• 2030

Compte tenu du temps dont on dispose, je me contenterai de résumer les trois ou quatre points principaux que nous voulons présenter au comité ce soir. Je vous demanderais donc d'ouvrir votre cartable à la section 3, c'est-à-dire celle qui est marquée d'un onglet bleu.

Je vais vous parler un peu de notre industrie. Il arrive parfois, dans notre pays, qu'on néglige l'industrie du prêt hypothécaire résidentiel. À la fin de 1997, 372 milliards de dollars de crédits d'hypothèques résidentielles étaient en cours. C'est une augmentation de 16 milliards de dollars par rapport à l'année précédente. J'ai indiqué, dans le mémoire qui vous a été présenté, la part de marché et le volume annuel total. L'an dernier, 75,3 milliards de dollars ont été engagés dans le domaine hypothécaire au pays. C'est une industrie de taille, qui n'a pas été bien représentée dans le passé. Nous nous sommes rassemblés pour former l'ICCPH/CIMBL, et nous comptons désormais représenter cette industrie.

J'aimerais maintenant présenter quelques commentaires sur la démarche classique pour l'établissement d'une hypothèque, qui consiste à consulter directement votre établissement financier. Cela se fait encore, mais les choses changent, et les consommateurs aussi: ils deviennent bien plus indépendants. Ils sont disposés à envisager d'autres sources.

Les intermédiaires, comme les représentants hypothécaires des institutions financières et les courtiers en hypothèques indépendants, offrent maintenant plus de choix aux consommateurs que jamais. Au cours des dix dernières années, les courtiers en hypothèque ont mis l'accent sur le principal secteur d'activité, c'est-à-dire le secteur du financement hypothécaire résidentiel. À l'heure actuelle, environ 14 milliards des 75 milliards de dollars annuels dans l'industrie proviennent de ce secteur. On peut donc affirmer que les intermédiaires financiers commencent à jouer un rôle important sur le marché hypothécaire au Canada.

De plus, le progrès technologique permet maintenant aux consommateurs de recourir au télépaiement et à Internet. La technologie leur permet d'envisager de nouveaux prêteurs et de nouveaux services financiers.

Il en va de même pour l'industrie de l'hypothèque, dont les activités évoluent avec la technologie. Les intervenants de l'industrie, comme les courtiers en hypothèques, les prêteurs et les assureurs d'hypothèques et de titres, ainsi que d'autres fournisseurs de services au-delà des frontières provinciales et nationales, peuvent maintenant échanger de l'information électroniquement. Cela nous permet de recourir à l'intelligence artificielle et aux barèmes de prix fondés sur le risque en vue d'accélérer le processus et d'éliminer les chevauchements.

Le consommateur jouit donc d'une plus grande commodité, pouvant, par exemple, recourir aux services d'un professionnel de l'hypothèque à partir de son domicile. On prend une demande, et on la transmet au moyen d'une ligne téléphonique. Elle pourrait partir de Burnaby en Colombie-Britannique, et se rendre, en quelques secondes, à un centre de tarification à Toronto. S'il s'agit d'un prêt à quotient élevé, il est peut-être destiné à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, à Ottawa. La demande serait évaluée et approuvée, elle retournerait par le même chemin en quelques secondes, et le consommateur apprendrait que sa demande d'hypothèque a été approuvée. Le monde a changé considérablement pour certains des professionnels plus âgés de l'industrie, qui se souviennent de l'époque où on mettait environ deux semaines pour approuver une demande d'hypothèque résidentielle.

Quel est le résultat? Grâce au commerce électronique, le consommateur jouit d'un service plus rapide et d'un service plus étendu. Cela lui permet d'examiner d'autres services financiers, dont la plupart sont aussi offerts de cette façon.

Toutefois, le cadre réglementaire actuel pose certains problèmes, et c'est sur ces problèmes que nous voulons attirer votre attention. Même si cette évolution technologique nous pousse à redéfinir l'industrie de l'hypothèque résidentielle, les organismes de réglementation n'ont pas nécessairement emboîté le pas. D'une part, on a des institutions financières plus définies—c'est-à-dire les banques, les compagnies d'assurance et les sociétés de fiducie, qui relèvent de la réglementation fédérale—mais, maintenant, on a aussi des organismes de réglementation provinciaux. D'autre part, on a les coopératives de crédit et les intermédiaires, comme les courtiers en hypothèque, qui relèvent des provinces. Cela signifie qu'on doit composer avec la réglementation de neuf provinces et de deux territoires, ce qui donne lieu à des iniquités importantes. Nous tenons à signaler aux membres du comité que les divers règlements touchant l'admissibilité et la divulgation de renseignements au public entraînent une hausse des coûts et sèment la confusion dans l'esprit des consommateurs qui souhaitent obtenir une hypothèque. On tient des rencontres depuis 1995 en vue d'harmoniser ces règlements, mais, jusqu'à maintenant, on a réalisé très peu de progrès.

À l'approche du prochain millénaire, notre industrie fait face à certains problèmes. Premièrement, les obstacles commerciaux interprovinciaux empêchent certains secteurs de notre industrie de faire concurrence à l'échelle nationale. L'an dernier, on devait se plier aux règlements de neuf provinces et de deux territoires pour exercer nos activités. Cela prend beaucoup de temps et occasionne beaucoup de coûts supplémentaires. Cela retarde le démarrage des activités.

• 2035

Deuxièmement, il y a un manque d'uniformité entre les secteurs de l'industrie. En raison de l'existence d'organismes de réglementation différents, on doit se plier à des normes différentes d'une province à l'autre et entre le fédéral et le provincial.

Enfin, mentionnons l'absence d'efforts au fédéral pour améliorer la concurrence offerte par les sources parallèles existantes.

Je vous demanderais maintenant de vous rendre à la dernière section, celle qui porte un onglet mauve, qui énonce les recommandations de l'Institut. Voici donc les trois suggestions ou recommandations que nous vous demandons respectueusement, au nom de l'Institut et de l'industrie de l'hypothèque résidentielle, d'examiner.

Tout d'abord, il faut appuyer la déréglementation et l'harmonisation des règlements provinciaux et fédéraux, qui font actuellement obstacle aux activités interprovinciales des entreprises qui ne sont pas visées par la réglementation fédérale du BSIF.

Ensuite, on devrait exécuter les dispositions du projet de loi C-82, sur l'uniformisation du coût du crédit, adoptées par le Parlement le 25 avril 1997, afin de veiller à ce que les consommateurs reçoivent de l'information juste, exacte et uniforme en temps opportun en ce qui concerne le coût du crédit, de sorte qu'ils peuvent choisir l'hypothèque qui répond le mieux à leurs besoins. La divulgation d'information publique doit être claire et simple.

Enfin, on doit jouer un rôle de chef de file au chapitre de la technologie afin de s'assurer que tous les consommateurs ont accès à une diversité d'options lorsque vient le temps de prendre une hypothèque résidentielle.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McGratten.

Je me demande seulement si on peut considérer le document que vous nous avez remis à la fois comme votre rapport de consultation prébudgétaire et comme vos commentaires sur le rapport MacKay.

M. Ric McGratten: Je crois que cela serait approprié.

Le président: Ça vous va comme ça?

M. Ric McGratten: Oui, c'est parfait.

Le président: D'accord.

Passons maintenant à l'exposé de Mme Martha O'Connor, de la «Canadian Living Foundation». Madame O'Connor, soyez la bienvenue.

Mme Martha O'Connor (directrice générale, Canadian Living Foundation): Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est accordée de vous dire à quel point il est important d'appuyer les programmes d'alimentation pour les enfants canadiens.

Nous croyons que les enfants devraient devenir une priorité pour le gouvernement, et des milliers de Canadiens sont de cet avis. Grâce à son programme Breakfast for Learning, la «Canadian Living Foundation» soutient les initiatives communautaires touchant la question très importante de l'alimentation des enfants. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure d'accéder aux demandes d'un grand nombre de collectivités, ce qui signifie que des milliers d'enfants canadiens vont à l'école tous les jours sans qu'on leur fournisse les aliments dont ils ont besoin pour grandir et apprendre.

Je vais donc m'abstenir de vous présenter notre volumineux mémoire au complet, et je passe directement à la dernière page. Au bout du compte, il n'y a qu'une seule considération: un enfant ne peut apprendre s'il n'est pas bien nourri. Si les enfants n'apprennent pas, ils ne pourront pas s'épanouir et contribuer à l'essor de la société canadienne. Le présent gouvernement doit effectuer un investissement stratégique et créer un programme national d'alimentation visant à offrir un accès soutenu des enfants canadiens à des aliments sains et nutritifs dans le cadre d'initiatives communautaires.

La «Canadian Living Foundation» demande instamment au gouvernement fédéral de saisir l'occasion d'assurer la santé nutritionnelle des enfants du Canada en établissant des partenariats avec des milliers de parents et de bénévoles, des collectivités, les autres ordres de gouvernement et le secteur privé pour la création d'un programme national d'alimentation des enfants.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: C'était peut-être l'un des exposés les plus concis, les plus précis et les plus clairs que nous ayons entendus.

Mme Martha O'Connor: Bien, pour vous dire la vérité, j'ai pitié de vous.

Le président: Nous prendrons note de ce moment historique où quelqu'un a fait preuve de compassion à l'endroit des politiciens. C'est une bonne chose.

Merci beaucoup.

Mme Martha O'Connor: Je vous en prie.

Le président: Voulez-vous toujours présenter votre exposé? Accueillons maintenant M. Perry Phillips, de l'Employee Share Ownership Plan Association, et Mme Fay Wu, vice-présidente, Finances , Castek Software Factory.

M. Perry Phillips (membre du conseil d'administration, Employee Share Ownership Plan Association): Merci. Non, ça va, je ne présenterai pas un mémoire. Je plaisante.

Je remercie les membres et le président du comité de nous permettre de vous entretenir au sujet des RADE. L'ESOPA est un organisme sans but lucratif—fondé il y a huit ans—dont le mandat consiste à informer les Canadiens au sujet des RADE. Comme vous pouvez le constater sur les diapositives, l'acronyme anglais ESOP signifie «Employee Share Ownership Plan» (ou régime d'actionnariat des employés, RADE). Cela peut signifier que les employés achètent aussi peu que 1 p. 100 de la société, ou qu'ils achètent 100 p. 100 de la société. Ce sont tous des RADE. Ce soir, brièvement, j'aimerais vous présenter certains des facteurs qui permettent aux RADE de contribuer à la croissance économique.

• 2040

La première photo montre un propriétaire d'entreprise qui a tenté d'utiliser la Loi de l'impôt sur le revenu pour vendre des actions à ses employés, et c'est ce qu'il est devenu. Le reconnaissez-vous? D'accord. La prochaine photo montre l'employé, après que le propriétaire lui a expliqué comment il pouvait utiliser la Loi de l'impôt sur le revenu pour acheter des actions de l'entreprise.

Mesdames et Messieurs, sachez qu'à l'heure actuelle, la Loi de l'impôt sur le revenu ne favorise pas l'établissement de RADE. Pourtant, la Bourse de Toronto a mené une étude dans le cadre de laquelle on comparait les sociétés ouvertes munies d'un RADE et celles qui ne l'étaient pas, et les résultats parlent d'eux-mêmes: croissance quinquennale des profits supérieure de plus de 120 p. 100; productivité supérieure de 24 p. 100; rendement moyen des capitaux propres supérieur de 92 p. 100. Ce sont là les principaux indicateurs de rendement d'une entreprise.

Les États-Unis sont dotés d'une loi touchant le RADE depuis plus de 25 ans. Voici les résultats d'une étude qui compare le rendement des entreprises à RADE à l'indice Dow Jones et à l'indice de Standard and Poor's, et si le graphique recule jusqu'au milieu des années 80, comme nous l'avons fait, on constaterait la même chose, c'est-à-dire que les sociétés à RADE affichent un rendement plus élevé que celles qui n'en ont pas. Une étude nous a permis de déterminer que ces résultats sont attribuables aux facteurs qui vont suivre.

Qu'est-ce qui fait que les sociétés à RADE se démarquent? Ce sont les gens. Quatre personnes sur cinq se sont dites plus intéressées par le rendement financier de la société. Plus de la moitié des employés voulaient travailler plus longtemps, et je vous expliquerai plus tard pourquoi ce fait est important. Plus d'une personne sur deux estimait que son travail était plus satisfaisant. N'hésitez surtout pas à lire les données du rapport à votre convenance.

Dans l'ensemble, notre proposition est en trois volets: d'abord, nous voulons que la Loi de l'impôt sur le revenu soit légèrement modifiée afin qu'elle soit mieux adaptée au RADE; ensuite, nous voulons que des mesures de protection soient créées pour les employés des petites et moyennes entreprises, comme c'est le cas pour les investisseurs; enfin, nous voulons que des initiatives soient créées pour sensibiliser les employés et les propriétaires d'entreprise canadiens aux avantages que procure le RADE.

J'aimerais maintenant vous présenter Mme Fay Wu, qui est vice-présidente, Finances, de Castek Software Factory. Cette entreprise est dotée d'un RADE, et elle va vous décrire brièvement son fonctionnement. Fait à signaler, en 1998, cette entreprise figurait parmi les 100 sociétés canadiennes affichant la croissance la plus rapide. Je cède donc la parole à Mme Wu.

Mme Fay Wu (vice-présidente, Finances, Castek Software Factory, Employee Share Ownership Plan Association): Merci beaucoup, Perry.

J'aimerais tout d'abord vous parler de Castek, vous décrire le contexte dans lequel on évolue et vous dire à quel point le RADE que nous avons lancé nous a aidés.

Castek est une entreprise privée qui oeuvre dans le domaine des technologies de l'information: nous produisons des logiciels pour le secteur des services financiers. Je suis heureuse de vous dire que nos clients comptent parmi les 1 000 entreprises primées par la revue Fortune. Notre revenu s'élève à 18 millions de dollars. Il y a huit ans, notre revenu s'élevait à 368 000 $. Quand nous avons commencé, l'entreprise était constituée de deux personnes. Nous sommes ensuite passés à sept personnes. De là, l'entreprise a grandi de 25, à 60, à 110 personnes. Notre société compte actuellement 160 employés. Les revenus ont connu une croissance moyenne annuelle de 70 p. 100 depuis la fondation de la société. L'âge moyen de nos employés se situe entre la fin de la vingtaine et le début de la trentaine.

Quant au défi auquel nous devons faire face dans notre industrie, notre plus grand atout dans le contexte actuel, ce sont nos gens. Ce n'est plus le matériel. On demande les mêmes ressources partout dans le monde. Il y a un risque d'exode des cerveaux aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Les sociétés canadiennes doivent déployer des efforts considérables pour veiller à ce que les travailleurs compétents restent au Canada. Au bout du compte, ce sont ces personnes compétentes qui assureront la prospérité future du Canada.

Le taux d'attrition moyen pour le secteur des technologies se situe actuellement entre 20 p. 100 et 30 p. 100. Avec un roulement de personnel aussi rapide, les entreprises doivent dépenser beaucoup d'argent pour la formation et le recyclage, car ils perdent des employés qui se lancent sur des marchés plus attrayants, comme les États-Unis et d'autres pays, car la technologie—le problème de l'an 2000 et bien d'autres encore—remportent un vif succès à l'heure actuelle sur les marchés.

Quelle solution avons-nous trouvée? Eh bien, nous avons conclu que le meilleur moyen de relever les défis auxquels on doit faire face dans l'industrie consiste à maximiser notre avantage concurrentiel en trouvant des gens compétents, en les conservant et en assurant leur perfectionnement. Par conséquent, notre société met l'accent sur le recrutement, le perfectionnement et la conservation du personnel, car nous savons que le succès de notre entreprise sera fonction de notre succès à ce chapitre.

• 2045

Qu'avons-nous fait? Nous avons attiré des gens en établissant un RADE. En 1992-1993, nous avons créé notre première version du RADE, un programme d'actions fictives. En 1995, nous avons donné un caractère plus officiel au RADE en offrant de vraies actions. Dans notre société, 10 p. 100 des employés sont des actionnaires, et si on tient compte des options d'achat d'actions, ce pourcentage passe à 15 p. 100. Ils agissent comme des propriétaires, ils pensent comme des propriétaires et ils partagent la croissance et le succès qu'a connus l'entreprise au cours des dernières années.

Quant aux résultats du RADE, laissez-moi tout d'abord mentionner que cela nous a permis d'attirer les gens dont nous avions besoin. Je vous avais mentionné, plus tôt, que le taux d'attrition annuel dans l'industrie se situait entre 20 p. 100 et 30 p. 100. Chez Castek, notre taux d'attrition est de 8 p. 100. Il s'agit du taux le plus élevé que nous ayons affiché depuis le début. Cela correspond au tiers du taux d'attrition auquel l'industrie doit faire face.

En ce qui concerne les gains de productivité, la stabilité de notre main-d'oeuvre a porté ses fruits. Au lieu de repartir à zéro et de former de nouveaux employés, nous assurons le perfectionnement d'employés de longue date. Cela procure des avantages incroyables pour une entreprise. Il est plus difficile pour un employé de quitter l'entreprise lorsqu'il doit abandonner sa participation au succès de la société.

Le RADE nous permet aussi d'offrir une rémunération plus élevée à nos employés. Comme je l'ai déjà mentionné, à titre d'actionnaire, ils partagent les gains qu'ils ont contribué à créer. Les RADE favorisent le partage des richesses et fournissent du financement pour les entreprises en croissance. L'un des plus grands obstacles à la croissance de petites et moyennes entreprises consiste à obtenir le financement dont elles ont besoin pour grandir et rester concurrentielles. Sur le marché actuel, il est très difficile pour les entreprises oeuvrant des les domaines technologiques d'obtenir du financement, car les institutions financières ne comprennent pas la valeur d'un logiciel intangible. On parle encore de briques et de mortier, choses qui n'ont plus d'importance à l'ère de l'information.

Donc, pour résumer très brièvement, le RADE a vraiment produit des résultats positifs pour Castek. Je veux maintenant vous faire part de certaines statistiques qui montrent l'impact du RADE sur notre succès.

Parlons tout d'abord du taux de participation au RADE: 75 p. 100 des employés admissibles sont membres de notre RADE. Les 25 p. 100 qui restent n'y participent pas, car ils font partie de l'équipe Castek depuis moins de six mois. Nous connaissons une croissance terriblement rapide. Notre taux d'attrition volontaire est inférieur à 8 p. 100. Le taux de satisfaction chez les employés, que nous mesurons tous les six mois au moyen d'un sondage effectué par une entreprise externe, est supérieur à 80 p. 100. Nous avons obtenu du financement à l'interne pour la R-D, chose très importante, car cela nous a permis de demeurer à la fine pointe de la technologie.

J'ai déjà mentionné que notre revenu actuel se situe à 18 millions de dollars, alors qu'il ne s'élevait qu'à 368 000 $ quand nous avons fait nos premiers pas. De ces 18 millions de dollars, 60 p. 100 sont liés à l'exportation. Nous servons des entreprises américaines et européennes grâce à une main-d'oeuvre canadienne, ici même à Toronto et à Ottawa.

Notre productivité est supérieure à la norme dans l'industrie. Nous sommes capables de produire des systèmes en près de la moitié du temps que mettraient nos concurrents. En fait, nous avons récemment réussi un tel exploit pour la Banque du Canada. Nous avons établi la plate-forme destinée à la campagne 1998 des obligations d'épargne du Canada—actuellement en cours—ainsi que la composante supplémentaire pour la commercialisation des obligations à prime, qui aura lieu cette année. Nous avons livré la marchandise un an avant l'autre société qui devait concevoir un produit dans le cadre de ce programme, et cette entreprise a échoué.

Au bout du compte, nous sommes canadiens et nous sommes capables d'offrir notre expertise technologique partout dans le monde. Nous sommes convoités par des entreprises européennes et américaines. Nous avons réussi à conserver le talent canadien. C'est un indicateur de succès quand on peut déclarer que notre clientèle est partout dans le monde, qu'on la sert avec des employés canadiens, que nous formons des Canadiens et que le RADE s'est révélé d'une valeur inestimable pour notre entreprise.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Wu.

Nous entendrons maintenant le témoignage de M. Joe Fashion, directeur d'affaires, section locale 353 de l'International Brotherhood of Electrical Workers, section locale 793 de l'International Union of Operating Engineers.

M. Joe Fashion (directeur d'affaires, section locale 353, International Brotherhood of Electrical Workers; section locale 793, International Union of Operating Engineers): Merci beaucoup. Ce soir, je parlerai non seulement au nom des électriciens de partout en Ontario, mais aussi pour les manoeuvres et les peintres qui oeuvrent dans le domaine du bâtiment.

Je suis heureux de participer aux consultations prébudgétaires du comité au nom des syndicats ouvriers déjà nommés, qui représentent plus de 41 000 ouvriers du bâtiment de l'Ontario et leur famille.

• 2050

Nous tenons à féliciter le gouvernement de la façon dont il s'est attaqué aux problèmes financiers du Canada, créant du coup un contexte plus propice à la présentation de notre mémoire.

J'espère que vous avez eu le temps d'examiner notre mémoire. Nos recommandations visent à doter les canadiens des outils qui leur permettront de se démarquer, tout en reconnaissant les impératifs financiers auxquels doit se plier le gouvernement. Notre mémoire s'assortit d'un résumé de nos recommandations, et je serai heureux de répondre à toute question les concernant.

Puisque nous disposons de peu de temps pour présenter nos commentaires, je vais m'en tenir aux questions suivantes: premièrement je parlerai du débat touchant le surplus dans le fonds de l'assurance-emploi, et de l'intérêt témoigné par le ministre des Finances à l'égard de ce surplus. Ensuite, j'aborderai le thème central de notre mémoire, c'est-à-dire la formation.

Le surplus dans le fonds de l'assurance-emploi est devenu le principal point de discussion et de couverture médiatique concernant le budget 1999. Nous sommes préoccupés par le fait que les chômeurs du Canada ont été laissés pour compte dans le débat entourant le surplus. On n'a soulevé que deux options, c'est-à-dire une réduction importante des primes d'assurance-emploi, d'une part, ou la réduction des impôts et l'augmentation des dépenses dans le domaine des soins de santé, d'autre part.

Notre mémoire mentionne que seulement 44 p. 100 des chômeurs sont admissibles aux prestations, alors que, de fait, ce nombre se situe maintenant autour de 37 p. 100. Qu'advient-il des autres 73 p. 100 de chômeurs qui ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi à l'heure actuelle? Il est clair que les travailleurs ont subi une part importante des compressions budgétaires. Nous sommes tout à fait conscients que le gouvernement et votre comité allez vous montrer plus sensibles à la question et allez commencer à rétablir l'équilibre.

L'assurance-emploi n'est pas un régime d'assurance privé; il s'agit d'un régime visant à contrer un problème social particulièrement répandu chez tous les pays industrialisés depuis les années 70. Le chômage est un risque lié à notre économie.

À notre avis, les priorités du comité et du gouvernement en ce qui concerne les surplus du fonds de l'assurance-emploi devraient être les suivantes: aucune réduction supplémentaire des primes d'assurance-emploi pour l'instant; hausse des prestations d'assurance-emploi afin de répondre vraiment aux besoins des chômeurs; amélioration des initiatives de formation visant à doter les gens des outils dont ils ont besoin pour se trouver un emploi et le conserver; conservation d'un surplus permettant de réagir à une situation difficile; prise de mesures de perfectionnement afin que les gens continuent à travailler au lieu de demander des prestations. Il pourrait s'agir, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, de programmes de renouvellement de l'infrastructure, ainsi que des projets d'efficacité énergétique qui, à long terme, permettent au gouvernement de réaliser des économies.

À ceux qui réclament une réduction des primes d'assurance-emploi, nous répondons qu'ils ont déjà eu ce qu'ils voulaient, comme en témoigne la mise à jour de la situation financière pour 1998. On doit maintenant s'attacher aux besoins des travailleurs, dont les prestations ont été réduites à plusieurs reprises dans le cadre de diverses réformes du régime.

Notre industrie doit faire face à des défis uniques au chapitre de l'emploi, nombre desquels sont hors de son contrôle. Je m'empresse de signaler que, dans notre industrie, les syndicats et le patronat ont toujours travaillé ensemble en vue de résoudre nombre de ces problèmes, mais le gouvernement a aussi un rôle à jouer. Un travailleur peut être à l'emploi d'une entreprise donnée pour une journée, une semaine, un mois ou quelques mois, dans le cadre d'un projet, pour ensuite travailler sur le projet d'un autre employeur qui verse des primes, et ainsi de suite. Entre les projets, un travailleur peut se retrouver sans travail pendant une journée, une semaine, un mois ou plus encore. Une personne peut travailler pour plusieurs employeurs différents au cours de sa carrière, et connaître des périodes de chômage entre les emplois.

En plus de devoir composer avec le cycle du chômage, les travailleurs sont pénalisés par les réductions liées, entre autres, à la durée de la période de prestations et aux dispositions de récupération.

Les derniers changements touchant le régime d'assurance-emploi ont été abordés pendant une période d'austérité budgétaire qui, à notre avis, a influé indûment sur ces changements. Les sondages et enquêtes commandés par DRHC montrent le lien entre la réduction des prestations et l'accumulation d'un surplus. En janvier 1998, DRHC a chargé les Associés de recherche Ekos d'administrer un sondage visant à connaître le point de vue des Canadiens sur la réforme de l'assurance-emploi. On a conclu, entre autres, que les Canadiens perçoivent la réduction de la portée du régime comme un grave problème et que le surplus devrait être affecté aux initiatives de formation et d'emploi afin que les Canadiens retournent au travail.

• 2055

Il y a deux mois seulement, à l'occasion de la 67e conférence du Couchiching Institute on Public Affairs, le ministre des Finances a déclaré ce qui suit: «Tout ce que nous cherchons à accomplir est purement et simplement lié à l'acquisition des compétences et des connaissances.»

Nous partageons ce point de vue. C'est pourquoi nous croyons que la formation professionnelle doit figurer parmi les options envisagées pour l'utilisation du surplus du fonds de l'assurance-emploi. C'est une option qui respecte les principes du régime. L'accès au travail et à la formation professionnelle sont, pour le gouvernement, le meilleur moyen d'assurer l'expansion des occasions d'emploi. Si on n'offre pas des outils de perfectionnement plus abordables et plus accessibles aux Canadiens, ces derniers ne seront pas assez préparés pour se tailler une place dans une économie en expansion. Il est crucial, pour notre industrie et pour ses travailleurs, de maintenir leurs compétences et d'en acquérir de nouvelles au fil des fluctuations économiques.

J'aimerais signaler l'une des recommandations de notre mémoire, car elle est directement liée à la question de la formation dans notre industrie. Grâce à l'établissement de fonds de fiducie pour la formation par des regroupements d'employeurs, l'industrie a su se doter d'une importante infrastructure de formation permettant de répondre à ces besoins. Cependant, les dispositions fiscales du gouvernement fédéral qui concernent les FFF et les prestations de formation sont encore soumises à l'interprétation de Revenu Canada. On devrait exempter les FFF d'impôt et leur permettre d'accumuler une réserve afin de pouvoir répondre aux besoins en formation qui pourraient survenir au cours des années subséquentes. De plus, les prestations de formation liées aux FFF qu'on verse aux travailleurs devraient être considérées explicitement comme un avantage non imposable.

Le gouvernement a un rôle à jouer en ce qui concerne la création d'un climat qui favorise la formation professionnelle. Nous demandons au comité d'envisager toute l'importance des fonds de fiducie pour la formation, qui sont, nous l'avons dit dans notre mémoire, tout indiqués pour répondre aux besoins des travailleurs de notre industrie.

La restructuration du régime d'assurance-emploi a donné lieu à une baisse de financement pour la formation et pour les services aux prestataires, et à une hausse du financement pour les enquêtes. Résultat: un plus grand nombre de prestataires ont été accusés à tort et ont dû payer une pénalité pour avoir mal rempli les fiches pour l'assurance-emploi, car les compressions budgétaires ne permettent pas d'enquêter en profondeur sur les demandes de prestations.

Avant les changements, les responsables des vérifications des demandes de prestations examinaient les revenus d'une semaine à l'autre. Après les changements, ces vérifications n'envisageaient que le revenu total.

Ensuite, la réduction de la période de prestations, qui est passée de 52 semaines à 26 semaines, a certainement eu un effet néfaste sur l'industrie du bâtiment.

Et, enfin, les dispositions de récupération constituent aussi un problème important pour notre industrie, car, sur une période de cinq ans, un ouvrier de la construction est susceptible d'être forcé de rembourser toutes les prestations d'assurance-emploi qu'il a touchées au cours des quatre années précédentes. Par conséquent, les travailleurs ne voudront plus recourir à l'assurance-emploi, puisque, de toute façon, ils devront les rembourser. Une telle situation pourrait aussi contribuer à un essor de l'économie souterraine, où les travailleurs ne cotisent pas au régime d'assurance-emploi et ne verseraient pas d'impôts fédéraux et provinciaux sur le revenu. C'est un très grave problème pour notre industrie et pour les gouvernements fédéral et provinciaux.

Je vous remercie de nous avoir accordé votre temps et votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fashion.

Accueillons maintenant MM. Robert Haig et David Chapman-Smith, respectivement directeur des affaires gouvernementales et chef du contentieux de l'Association des chiropraticiens de l'Ontario. Soyez les bienvenus.

M. David Chapman-Smith (chef du contentieux, Association des chiropraticiens de l'Ontario): Bonsoir. Votre journée a été plutôt longue, vous avez peut-être davantage besoin des services d'un chiropraticien que d'en entendre parler.

Le président: Ne vous en faites pas: nous sommes en bonne santé.

• 2100

M. David Chapman-Smith: Le mémoire que vous avez entre les mains a l'air rebutant, mais il est surtout constitué d'annexes. Je vous invite à ouvrir le mémoire à la première page. Je ne compte pas lire le mémoire dans sa totalité, car je sais ce qui se produirait. En fait, il n'y a que trois pages.

Dans la section A de la page 1, vous trouverez une recommandation que nous souhaitons vous présenter ce soir. Elle se lit comme suit:

    À la lumière des données actuelles concernant le recours aux services chiropratiques au Canada, y compris les économies potentielles considérables liées à une intégration plus complète de ces services dans le système de santé, le Comité permanent des finances recommande au ministre de la Santé et du Bien-être social qu'on examine la Loi canadienne sur la santé en vue de la modifier et d'étendre la couverture du régime d'assurance-maladie aux services chiropratiques.

Vous entendrez sans doute d'autres exposés de groupes oeuvrant dans le domaine des soins de santé, et cette recommandation sera probablement reprise en termes plus généraux, pour essentiellement dire que l'on devrait, à la lumière des réalités actuelles dans le domaine des soins de santé, revoir la Loi canadienne sur la santé afin de déterminer si la couverture des services qui existent au Canada à l'heure actuelle est adéquate.

Au lieu de lire la section qui présente le «bien-fondé»—sur les deux ou trois pages suivantes—qui, je l'espère, est concise, je me contenterai de prendre quelques minutes pour soulever quelques points importants.

Songez au fait que 95 p. 100 de la pratique de la chiropractie est liée à la gestion de la douleur musculosquelettique et des maux de tête. Les deux plus gros problèmes sont les maux de dos et les maux de tête. C'est pourquoi j'ai mentionné, au début de mon exposé, que vous auriez peut-être besoin des services d'un chiropraticien à la fin de la journée. Peut-être souffrez-vous déjà de ces affections à l'heure actuelle.

La cause la plus répandue d'invalidité chez les Canadiens en âge de travailler est la douleur dorsale. C'est la raison la plus répandue pour laquelle les Canadiens en âge de travailler consultent un professionnel de la santé.

Je me demande si quelqu'un parmi vous serait capable de me décrire la meilleure façon de traiter des douleurs dorsales. Le domaine a changé radicalement au cours des 10 dernières années. Comme vous le savez peut-être, la médecine traditionnelle s'est toujours fondée sur le repos et l'observation, accompagnés de traitements physiothérapeutiques et de médicaments d'ordonnance, comme des relaxants musculaires, voire peut-être des injections dans les articulations. Seriez-vous étonné si je vous disais qu'au cours de la dernière décennie, des lignes directrices multidisciplinaires fondées sur des données, provenant principalement des États-Unis et du Royaume-Uni, mais acceptées par les autorités au Canada, rejettent toutes ces méthodes de traitement et recommandent qu'on ne les utilise pas?

Les deux formes de soins reconnues comme appuyées par des preuves scientifiques—quel progrès pour la chiropractie, cette profession venue de nulle part—sont la manipulation vertébrale et la prescription d'analgésiques offerts en vente libre; les chiropraticiens encouragent aussi les patients à rester actifs et à vaquer à leurs occupations malgré la douleur, au lieu d'aller s'étendre.

J'ai mis un peu de temps à mentionner ce fait, car cela signifie que les services prévus par la Loi canadienne sur la santé ne comprennent pas ce qui est maintenant le principal traitement du problème le plus répandu chez les Canadiens en âge de travailler. J'espère avoir réussi à illustrer, d'une façon anecdotique et pointue, à quel point le système de santé a changé et la Loi canadienne sur la santé—qui couvre essentiellement les services médicaux et une ou deux autres choses—ne correspond pas aux réalités du système des soins de santé dans les années 90.

Ma présence ici ce soir est liée à deux rapports, produits par des économistes de l'Université d'Ottawa au cours des dix dernières années. Une équipe d'économistes, dirigée par le professeur Pran Manga, de l'Université d'Ottawa, a produit deux rapports.

Le premier, commandé par le ministère ontarien de la Santé, portait sur le traitement des douleurs dorsales. Sans être précis, on dit simplement qu'à la lumière des preuves dont on dispose, l'Ontario pourrait économiser annuellement des centaines de millions de dollars si on accordait plus d'importance aux soins des douleurs dorsales par des chiropraticiens. Ce rapport date de 1993, et vous en trouverez le résumé en annexe de notre mémoire. Je laisserai un exemplaire du rapport à la disposition du comité.

Le deuxième rapport, qui est plus dramatique, ne porte pas seulement sur les douleurs lombaires. C'est un rapport qui a été commandé par l'Association des chiropraticiens de l'Ontario. Je dois le mentionner. Si l'association s'est adressée au professeur Manga, c'est que celui-ci a une bonne réputation et qu'il a déjà été appelé par le gouvernement à réaliser une étude et qu'il a dit—après avoir étudié le champ d'action du chiropraticien, notamment les maux de tête, les douleurs lombaires, les douleurs projetées, les douleurs au cou et la douleur chronique en particulier—quelles seraient les économies éventuelles s'il fallait que double le nombre de patients qui consultent un chiropraticien. À l'heure actuelle, un patient sur trois, c'est-à-dire environ 33 et 1/3 p. 100, qui souffre de maux de dos s'adresse à un chiropraticien. Or, la capacité existante permettrait de doubler ce chiffre, et le professeur Manga, économiste chevronné spécialisé dans le domaine de la santé—le résumé se trouve en annexe. Je laisse ici un exemplaire du rapport intégral—dit que les économies représenteraient plus de 1 milliard de dollars dans le seul cas de l'Ontario s'il fallait simplement que double le nombre de patients souffrant de maux de dos qui s'adressent dès les premiers stades à un chiropraticien.

• 2105

Il y a deux facteurs qui entrent en jeu ici. Il s'agit de doubler le nombre de patients qui consultent un chiropraticien et de faire en sorte qu'ils attendent moins longtemps pour le faire. Compte tenu de la situation que les chiropraticiens ont toujours connue dans le réseau de la santé, environ 80 p. 100 des patients souffrent de l'affection qui leur cause des problèmes depuis six mois avant d'enfin consulter un chiropraticien. Comment peut-on arriver à des chiffres si énormes? Tout cela est-il vraisemblable?

Il y a deux raisons à cela. Premièrement, il y a beaucoup d'économies à faire du côté des coûts directs des soins de santé. Les soins chiropratiques présentent visiblement un très bon rapport coût-efficacité. Cela ne grève pas les ressources du réseau. Cela permet d'éviter les interventions chirurgicales, les médicaments, les hospitalisations, de nombreux recours à l'imagerie par résonance magnétique, les radiographies, les interventions, et tout cela. Deuxièmement, et c'est le cas où les possibilités d'économies sont les plus grandes, il y a l'invalidité.

C'est la cause la plus commune d'invalidité chez les Canadiens en âge de travailler, et les études que M. Manga a recensées ont démontré, dans toute l'Amérique du Nord, l'Australie et partout dans le monde, que la période d'invalidité est nettement différente lorsque les patients choisissent la chiropractie plutôt que les services médicaux classiques. Dans les cas les plus remarquables, le coût de l'invalidité est divisé par dix, mais, en règle générale, pour ce qui touche plus de la moitié des études, le coût des invalidités est diminué d'au moins la moitié. Il y a donc là de très importantes économies éventuelles à la fois pour les États qui financent les soins de santé et pour l'État et le secteur privé en ce qui concerne l'invalidité.

Voilà ce à quoi je voulais m'attacher ce soir, et c'est pour parler de cette question économique que je suis venu comparaître devant le Comité des finances, pour recommander que nous nous attachions à cela.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Chapman-Smith et docteur Haig.

Madame O'Connor, ce n'est pas notre habitude de procéder ainsi, mais comme vous avez vraiment abrégé votre exposé, je vais m'assurer que lecture soit faite du mémoire entier pour le compte rendu. Êtes-vous d'accord?

Mme Martha O'Connor: Merci beaucoup.

Le président: Merveilleux.

Passons maintenant à la séance des questions et réponses. Nous allons commencer par M. Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, Mesdames et Messieurs, d'être venus faire valoir votre point de vue et d'avoir accepté de venir si tard en soirée. Nous devrions avoir de la sympathie pour vous aussi.

S'il y a un deuxième volet—et je ne sais pas s'il y en aura un—monsieur le président—j'aimerais revenir à Mme Go et à M. Tabit pour aborder quelques questions concernant l'immigration. Ma circonscription d'Etobicoke-Nord compte une importante population immigrante et, de fait, bon nombre de Somaliens.

J'aimerais tout de même parler quelque peu du projet de régime d'actionnariat des employés. J'ai exercé diverses fonctions aux côtés de M. Perry Phillips pendant plusieurs années, et je sais que l'actionnariat des employés est une question qui lui tient à coeur. Et le succès exemplaire de l'entreprise de logiciels de Mme Wu, Castek Software Factory, me semble illustrer merveilleusement ce qu'il est possible d'accomplir avec les régimes d'actionnariat des employés.

J'aimerais poser quelques questions. Premièrement, et j'imagine que vous pourriez répondre tous les deux: certaines personnes demanderaient pourquoi il nous faut des dispositions fiscales au Canada pour régir les régimes d'actionnariat des employés si, visiblement, une entreprise comme Castek semble très bien s'en tirer sans qu'il y en ait. Qu'en pensez-vous?

M. Perry Phillips: C'est surtout que si vous établissez un régime d'actionnariat des employés et que vous essayez de vous prévaloir de la Loi de l'impôt sur le revenu, cela se révèle très difficile et beaucoup plus coûteux qu'il faudrait, de sorte que cela exclut un grand nombre de petites et moyennes entreprises qui n'ont pas une croissance aussi importante que celle de Castek et qui n'en ont pas les moyens. Voilà une raison.

L'autre raison, c'est que des études réalisées aux États-Unis montrent que la croissance des régimes d'actionnariat des employés s'explique par le fait que trois entreprises sur quatre recourent aux avantages que procure la législation fiscale pour aller de l'avant. Essentiellement, il s'agit d'élargir le nombre de ceux qui peuvent se prévaloir des avantages d'un régime d'actionnariat des employés. Ce n'est pas tout le monde qui est en mesure de le faire, et notre souhait est que des gens puissent en tirer parti.

• 2110

Même dans le cas de Castek—et je suis sûr que Fay aura quelque chose à dire là-dessus—l'utilisation des REER pose des difficultés, et la Loi de l'impôt sur le revenu comporte des règles très complexes. C'est très difficile à comprendre pour qui ne travaille pas dans le domaine, et encore plus à essayer de l'expliquer aux employés. Comme la photo le laisse voir, c'est vraiment de quoi auront l'air les propriétaires et les employés à qui on a essayé d'expliquer comment ils peuvent utiliser la Loi de l'impôt sur le revenu sous sa forme actuelle.

Mme Fay Wu: Puis-je ajouter quelque chose à ce qu'a dit Perry? La raison pour laquelle nous avons commencé par un régime d'actions fictives, c'est qu'il nous paraissait nécessaire de le faire pour obtenir les employés que nous recherchions, mais nous n'avions pas les moyens de nous payer les conseils d'un avocat-fiscaliste, l'évaluation et l'expertise, et tout ce qu'il nous fallait pour mettre cela en place jusqu'en 1995, de fait. À ce moment-là, nous avions les ressources pour le faire. Pour être franche, même aujourd'hui, nous nous faisons conseiller sur la question de la fiscalité pour être sûr d'avoir tout établi dans les formes. Tous les ans, nous passons par cette même démarche, nous obtenons des conseils fiscaux et juridiques indépendants pour les employés, parce qu'il n'y en a pas deux qui sont exactement dans la même situation fiscale.

M. Roy Cullen: Je me suis retrouvé aux États-Unis pour traiter de ce sujet l'an dernier. Le mouvement aux États-Unis, mecque capitaliste de la planète, m'a proprement ébahi. Là-bas, les régimes d'actionnariat des employés représentent tout un mouvement.

Nous regardons le taux de chômage aux États-Unis et constatons qu'il est nettement moins élevé qu'au Canada. Je n'irai surtout pas dire que les régimes d'actionnariat des employés peuvent expliquer complètement l'écart, mais je crois que les Américains ont visiblement trouvé une solution au problème et que nous devrions peut-être nous-mêmes regarder du côté des régimes d'actionnariat des employés.

Cela m'a intrigué, madame Wu, de constater en quoi vous investissez dans les gens, pour qu'ils soient à l'aise dans l'environnement, pour qu'ils demeurent ici comme Canadiens. Certes, je m'inquiète, et je crois qu'un grand nombre de Canadiens s'inquiètent, de l'«exode des cerveaux» dont on nous parle. Il me semble qu'avec un régime d'actionnariat des employés, on fait en sorte que les gens soient bien ancrés ici au Canada.

Mme Fay Wu: Oui, vous avez tout à fait raison. Cela a fait toute la différence chez nous. Nos meilleurs éléments reçoivent des offres de recruteurs plusieurs fois par semaine. On leur offre des salaires qui sont nettement supérieurs à ce que nous leur versons, même si nous estimons leur payer un salaire très concurrentiel. La seule raison pour laquelle ils sont encore chez nous—et c'est la raison pour laquelle ils disent s'être joints à notre équipe et c'est aussi la raison pour laquelle ils y demeurent—c'est qu'ils ont un intérêt dans la croissance de l'entreprise grâce au régime d'actionnariat. Ils sont prêts à voir les choses à long terme. Cela nous a aidés.

M. Roy Cullen: Ai-je le temps de poser une dernière question, monsieur le président?

Le président: Vous avez le temps. Je vous en prie.

M. Roy Cullen: Merci.

Monsieur Phillips, pour ce qui est des recommandations précises—nous n'avons pas le temps d'entrer dans l'essentiel ce soir—il me semble que vous avez parlé de la possibilité de rendre le régime fiscal plus convivial en ce qui concerne les régimes d'actionnariat des employés. Pour recommander entre autres que les entreprises ne perdent pas le statut de société privée sous contrôle canadien si elles accroissent la part des actions que possèdent les employés. En ce moment, il semble y avoir cette règle qui dit que l'entreprise qui en accorde à plus de 50 employés perd son statut de société privée sous contrôle canadien. Il s'agit donc d'une mesure dont les coûts seraient assez peu élevés, sinon inexistants.

L'autre chose qui m'intrigue, c'est l'idée de prévoir pour l'achat d'actions de la part d'un employé un crédit d'impôt semblable au crédit d'impôt pour fonds de capital de risque de travailleurs. Cela permettrait aux Canadiens d'opter soit pour le crédit d'impôt de travailleurs, soit pour le crédit d'impôt pour l'achat d'actions au sein de l'entreprise où ils travaillent.

Avez-vous autre chose à dire à propos de ces deux recommandations et d'autres éléments qui vous semblent être essentiels à la proposition que vous faites?

M. Perry Phillips: Cela montre bien pourquoi nous disons qu'il serait possible d'apporter des modifications mineures à la Loi de l'impôt sur le revenu sans remanier la loi de fond en comble.

D'abord, si vous vendez des actions à plus de 50 employés, votre société n'est plus considérée comme une société privée. Si elle n'est plus une société privée, vous n'avez plus droit au tarif consenti aux petites entreprises. C'est un élément critique de la question.

Ensuite, comme Fay l'a fait remarquer, c'est une démarche très coûteuse en ce moment, en raison de la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si les employeurs pouvaient donc radier le coût d'établissement d'un tel régime, cela leur serait utile. En ce moment, la Loi de l'impôt sur le revenu dit qu'il faut les capitaliser et les amortir sur cinq ans.

• 2115

Maintenant, presque toutes les provinces comptent des dispositions législatives d'un type ou d'un autre sur les régimes d'actionnariat des employés. Ce que nous proposons avec l'établissement d'un crédit d'impôt fédéral, c'est que, dans le cas du fonds de capital de risque de travailleurs, les gens puissent choisir d'investir et de faire fructifier leur argent au sein de l'entreprise même où ils travaillent, ou d'investir dans un fonds de capital de travailleurs. Laissez-leur le choix de faire l'investissement d'un côté ou de l'autre.

Enfin, nous aimerions donner l'exemple d'un cas où les États-Unis ont fait la chose indiquée. Il faut inciter les propriétaires à vendre. Un des éléments incitatifs pourrait bien être ce qui a servi aux États-Unis, c'est-à-dire: si vous vendez, le gain de capital est reporté jusqu'au décès du propriétaire. Sinon, nous pourrions faire passer l'exemption pour gain de capital de 500 000 $ à 1 000 000 $. Il est important de disposer d'entreprises qui sont prêtes à vendre leurs actions aux employés et de voir croître ces entreprises, comme cela a été le cas pour l'entreprise de Fay Wu.

M. Roy Cullen: Mais ce report des gains de capital ne s'appliquerait que si le propriétaire trouve une façon de donner ou de vendre des actions aux employés. Ai-je raison?

M. Perry Phillips: Vous avez raison. Notre proposition est ainsi conçue que les employés sont protégés. Nous ne voulons pas d'une situation où le propriétaire ne fait que vendre ses actions, puis déguerpit, laissant ainsi les employés en plan. Vous avez donc raison.

M. Roy Cullen: L'accroissement de la productivité est proprement impressionnant. Si nous regardons la position de notre économie parmi les économies du monde, nous voyons que le Canada se tire bien d'affaire. Mais il ne faut jamais oublier la question de la productivité, et il me semble que les données montrent assez clairement que les gains en productivité sont nettement plus élevés parmi les entreprises où il y a un régime d'actionnariat des employés. Intuitivement, je dirais que cela a beaucoup de sens. J'ai personnellement vu ce principe en jeu. Si les employés estiment que leur entreprise leur appartient, qu'ils font partie de la solution, qu'ils font partie du tissu de l'entreprise pour ainsi dire, ils sont motivés. Ils se préoccupent alors davantage du gaspillage et ils se soucient davantage de ce qu'ils peuvent faire pour aider la compagnie à croître. Je me demande si vous pouvez nous parler encore des recherches qui ont déjà été faites là-dessus.

M. Perry Phillips: Brièvement, les régimes d'action des employés existent maintenant dans plus d'une trentaine de pays. La communauté européenne vient de tenir sa première conférence annuelle là-dessus. La Grande-Bretagne compte des régimes d'actionnariat des employés depuis dix ans, et les États-Unis, depuis 25 ans. Je crois que les études réalisées depuis 25 ans montrent clairement qu'il y a un gain en productivité là où un régime d'actionnariat des employés est mis en place.

Fay, vous en avez peut-être plus long à dire là-dessus.

Mme Fay Wu: Certainement. Si on retournait tout de suite à nos bureaux, on verrait qu'il y a encore toutes sortes de gens qui travaillent à cette heure de la soirée. Ce n'est pas inhabituel dans une entreprise où il y a un régime d'actionnariat des employés. Cela donne des employés extrêmement dévoués qui, comme je l'ai déjà dit, pensent comme des propriétaires.

Si nous regardons les dépenses d'investissement pour l'année à venir, les employés viennent me voir pour me demander l'influence que cela aura sur le cours de nos actions. Ils souhaitent tout autant que moi que chaque dollar que l'entreprise a investi soit investi dans la bonne chose. Ce sont eux qui reviennent et qui disent: «Je crois que ceci est une meilleure façon d'utiliser nos fonds...» Voilà un bon exemple.

Le président: Puis-je vous interrompre pour un instant, monsieur Cullen?

M. Roy Cullen: Certainement.

Le président: Il est intéressant de vous entendre dire que si on retournait à vos bureaux en ce moment, il y aurait des gens qui travaillent. Faites-vous autre chose pour en arriver là?

Mme Fay Wu: Oh, tout à fait. Nous avons un horaire flexible. Il y a quelques personnes chez nous qui sont à leur mieux en soirée, et étant donné la nature de leur travail, la conception de logiciels, ils peuvent travailler individuellement. Cela peut leur arriver de commencer à 22 heures, car c'est à ce moment-là qu'ils sont le plus productifs, et nous leur donnons la possibilité de le faire.

Le président: Cela fait donc aussi partie de l'ensemble.

Mme Fay Wu: Oui. Nous ne les faisons pas travailler 24 heures par jour.

Le président: La mentalité est progressiste sur tous les plans.

Monsieur Cullen, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Roy Cullen: Je vais céder la parole à mes collègues pour l'instant, puis je poserai des questions plus tard s'il nous reste du temps.

Le président: C'est très généreux de votre part.

Monsieur Discepola, je vous en prie.

M. Nick Discepola: Merci.

Je m'adresserai à Mme Go.

De façon générale, je suis d'accord avec ce que vous dites. Je ne suis pas d'accord avec les termes que vous utilisez quand vous dites qu'il s'agit d'une taxe discriminatoire à l'endroit des personnes pauvres de couleur. À mes yeux, c'est un droit exigible. Si, au départ, je jugeais cela discriminatoire envers les gens de couleur, je m'y opposerais certainement. Je partage bon nombre de vos préoccupations, étant venu au Canada moi-même à l'âge de sept ans. Je crois que c'était une des choses les plus difficiles que j'ai eu à défendre comme homme politique, mais vous l'avez située dans un seul contexte.

• 2120

Si nous revenons à l'année 1995, à l'époque où nous devions prendre des décisions très difficiles, ce que nous avons dit en tant que politiciens, c'est qu'il nous fallait nous assurer de répartir équitablement la douleur et la souffrance. Nous ne pouvions cibler un seul et unique groupe. Nous avons peut-être ciblé tout le monde et, avec le recul, vous dites que nous n'aurions pas dû cibler les immigrants.

Je crois qu'il y a des pays où on applique un droit exigible pour l'établissement—ça me semble être le bon terme—le droit d'entrée dont vous parlez. Ils exigent une certaine somme pour le traitement des demandes et ainsi de suite. Plutôt que d'éliminer le droit exigible tout à fait, ne serait-il pas mieux avisé de recommander à notre gouvernement de mettre en place une solution intermédiaire, soit des frais qui couvrent au moins les coûts que nous engageons pour traiter toutes ces demandes?

En ce moment, nous sommes en train de mettre en place un très grand nombre de mesures de recouvrement des coûts. Je ne veux pas aborder tous les programmes instaurés en ce sens, mais il suffit de regarder les industries de la pêche, il suffit de regarder l'industrie agricole, la transformation des aliments, etc. On a avancé sur la voie du recouvrement des coûts dans ces cas; ne serait-il donc pas plus équitable d'envisager cette approche, plutôt que d'exiger que le droit d'entrée soit éliminé totalement?

Mme Avvy Go: J'ai plusieurs remarques à faire là-dessus.

D'abord, pour ce qui est de dépeindre le droit exigible pour l'établissement comme étant discriminatoire, je m'en remettrais à un rapport que le ministère de l'Immigration du Canada lui-même a commandé. De fait, j'en ai eu connaissance aujourd'hui même. Le ministère a demandé à un professeur de l'Université Carleton d'étudier le programme de prêts, de sorte que cela ne s'applique qu'à ce programme.

Quand nous parlons de discrimination, nous ne disons pas qu'il y a des gens chez Immigration Canada qui se réunissent et qui décident qu'aujourd'hui, ils vont cibler tel ou tel immigrant. Ce n'est pas cela. Ce que nous disons, c'est que comme il s'agit d'un droit exigible qui s'élève à 975 $, cela représente une somme énorme pour quelqu'un qui arrive de la Somalie ou du Sri Lanka, où le niveau de vie est beaucoup moins élevé qu'ici au Canada. Si vous regardez les courbes d'immigration depuis dix ans, vous voyez que 80 p. 100 des immigrants du Canada proviennent maintenant d'Asie, d'Afrique et des Caraïbes, où le niveau de vie est beaucoup moins élevé. Cela a donc un impact discriminatoire, même si l'intention, elle, ne l'est pas.

L'étude sur les programmes de prêts a permis aussi de constater que, même si nous ne cherchons pas au départ à pratiquer de la discrimination envers les femmes, par exemple, les critères régissant le programme de prêts sont tels qu'il faut prouver qu'on est en mesure de rembourser un jour le prêt consenti. Les femmes sont donc désavantagées parce qu'il est plus difficile pour elles d'en faire la preuve. Encore une fois, c'est l'impact qui compte, et non pas l'intention. Quelle que soit l'intention, nous disons qu'il s'agit là d'un impact discriminatoire, que l'impact est inéquitable et qu'il faut donc éliminer cette mesure.

L'autre remarque que je souhaite faire, c'est que nous savons qu'il y a de nombreux pays industrialisés qui imposent un droit d'entrée pour contrôler lÂimmigration. Mais le Canada se targue d'être l'un des meilleurs pays du monde. Nous n'appliquons pas la peine capitale. Il y a bien des choses que nous ne faisons pas, mais que bien d'autres pays font. Pourquoi? Parce que nous adoptons une approche humanitaire face à la vie en général, face à nos politiques en général.

Le Canada accueille des immigrants depuis des centaines d'années. Nous n'avons jamais senti le besoin d'imposer une taxe d'entrée avant 1995. Tout à coup, nous nous sommes retrouvés avec un déficit—qui a commencé il y a 28 ans, soit dit en passant—et nous nous sommes dit tout à coup qu'il faudrait faire payer les immigrants et les réfugiés. Nous affirmons, de notre côté, que cela n'est pas juste. Comme tout le monde au Canada, les immigrants paient impôts et taxes—l'impôt sur le revenu, la TPS et ainsi de suite. Ils font tout autant partie que quiconque de la société canadienne. Ce que nous disons, c'est qu'il y a ce stigmate, le fait de devoir verser une taxe supplémentaire seulement pour obtenir l'établissement, en plus de toutes les autres taxes qu'il faut payer, que cela en soit est discriminatoire.

• 2125

Pour cette raison, nous sommes d'avis qu'il est mal avisé d'appliquer un barème différent ou d'adopter une solution intermédiaire. C'est une conception selon laquelle les immigrants et les réfugiés font partie d'une catégorie qu'il faut distinguer du reste de la société. Cette conception en elle-même n'est pas acceptable.

M. Nick Discepola: Vous dites que même si d'autres pays imposent un droit, nous devrions tout de même abolir ce droit exigible. Vous maintenez cette décision?

Mme Avvy Go: Je dis que cela ne justifie pas une mesure. Il y a des choses que nous ne faisons pas même si les États-Unis le font ou si le gouvernement australien le fait. Nous avons notre propre conception des choses. Nous élisons nous-mêmes notre gouvernement, nous n'élisons pas le gouvernement australien, par exemple.

M. Nick Discepola: Merci.

J'aimerais poser une autre question aux représentants de l'Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires. Comme ils ont présenté un très bon exposé et que leurs recommandations ne nous coûteraient pas d'argent, j'aimerais leur demander s'ils ont des suggestions à faire.

Lorsque vous dites que nous devrions appuyer la déréglementation ou l'harmonisation des organismes provinciaux et fédéraux, pouvez-vous me donner des exemples d'obstacles qui existent? Comment pouvons-nous nous appliquer à les éliminer? Je crois que le projet de loi C-82 va être mis en vigueur, il n'y a donc aucun doute de ce côté. Mais le dernier dit: montrer la voie pour appuyer la technologie qui permettra à TOUS les consommateurs de bénéficier de diverses options. Dans quels secteurs le gouvernement pourrait-il apporter une contribution importante à ce chapitre et comment devrions-nous procéder?

M. Michael Ellenzweig: En ma qualité de courtier en hypothèques, un des obstacles auxquels je fais face concerne le fait d'exercer dans d'autres provinces. Il y a à ce sujet des conditions de résidence. Il faut être résident de la province où on exerce ses fonctions.

M. Nick Discepola: C'est avant d'obtenir la licence, n'est-ce pas?

M. Michael Ellenzweig: Tout à fait. Je ne pourrais exercer ma profession dans une autre province. C'est donc là un des obstacles auxquels je fais face.

Il faut comprendre les diverses entités qui sont inscrites sous la rubrique des courtiers en hypothèques. Il y a des entreprises, par exemple les Associates, qui sont inscrites parmi les courtiers en hypothèques. Le collègue à mes côtés ici est aussi inscrit comme courtier en hypothèques. Il pourrait peut-être vous parler aussi de certains des obstacles auxquels il fait face, car il ne traite pas avec le public. Il est en quelque sorte le courtier en hypothèques du courtier en hypothèques. Il dirige une banque hypothécaire, mais il se trouve devant les mêmes obstacles.

M. Ric McGratten: Nous avons une banque hypothécaire au Canada, mais il est très difficile d'utiliser le mot «banque» ici. Nous disons actuellement que nous sommes des banquiers hypothécaires à l'américaine, car la réglementation ne nous classe pas parmi les banques ici.

Comme j'en ai parlé durant mon exposé, il nous a fallu traiter avec neuf organismes provinciaux de réglementation différents et avec deux territoires pour nous établir l'an dernier, et nous devons maintenir notre statut. Les règles du jeu ne sont pas équitables. Cela donne certainement des coûts qui sont refilés à nos clients; au bout du compte, c'est le consommateur qui en fait les frais. Tout de même, notre entreprise financera plus de 1 milliard de dollars d'hypothèques cette année au profit de Canadiens qui achètent une maison ou la refinancent. Cela m'amène naturellement à la question suivante, mais il faudra une certaine harmonisation avant que les règles du jeu ne soient équitables.

Si le consommateur traite avec une banque, s'il traite avec une banque hypothécaire ou s'il traite avec une compagnie d'assurance-vie, dans la mesure où il est question d'une hypothèque résidentielle, le devoir de transparence serait le même. Aux yeux du consommateur, c'est la même chose—quelle que soit l'organisation avec laquelle on traite.

M. Nick Discepola: Qu'en est-il de la technologie? Notre gouvernement est un chef de file pour ce qui est d'aménager l'accès à Internet dans les écoles et tout cela. Que pouvons-nous faire, outre le fait d'acheter un ordinateur à tout le monde?

M. Ric McGratten: Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'acheter un ordinateur à tout le monde. Par l'intermédiaire d'une banque hypothécaire ou du responsable des hypothèques d'une banque, ils ont accès aux ordinateurs. Ils se rendront chez vous pour faire remplir la demande d'hypothèque. La technologie évolue à un rythme nettement supérieur à la cadence des organismes de réglementation, et l'information en question circule dans les deux sens.

Il y a là aussi l'occasion d'offrir d'autres services financiers. Il pourrait s'agir d'assurance ou il pourrait s'agir de tout autre service que l'on peut offrir grâce à une ligne téléphonique branchée sur l'ordinateur portatif du consommateur à domicile.

Ce que nous demandons ici, c'est du soutien et peut-être un peu de leadership. L'industrie elle-même a une très grande avance, et il me semble que ce qu'il faut, c'est une certaine coordination et un certain soutien. Pas besoin d'argent. Je crois qu'il sera très difficile de maintenir la réglementation, surtout dans le cas des provinces, dont le retard s'accentue rapidement.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Discepola.

Monsieur Pillitteri.

• 2130

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je souhaite simplement prendre le relais de mon collègue pour ce qui est des banques hypothécaires. Relèvent-elles du gouvernement fédéral ou relèvent-elles du gouvernement provincial? Comme nous le savons, s'il est question des compagnies d'assurance et ainsi de suite, elles relèvent des gouvernements provinciaux. Ce sont là des établissements à charte provinciale. Vous adressez votre demande au gouvernement fédéral. Si cela relève du gouvernement provincial, est-ce que celui-ci est prêt à y renoncer? C'est la question que je vous pose: cela relève de qui?

M. Michael Ellenzweig: En ce moment, cela relève du gouvernement provincial. Tout de même, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'à titre de banquier hypothécaire, j'obtiens souvent mes fonds d'un établissement financier ayant une charte fédérale. Il faut comprendre aussi que la plupart des banquiers hypothécaires en ce moment n'imputent pas de frais. Ils sont payés par des établissements financiers pour donner lieu à des prêts par l'entremise de banquiers hypothécaires. Je peux placer un prêt auprès d'un établissement financier sans exiger de frais de l'emprunteur; néanmoins, mon devoir de transparence et mes délais de réflexion, etc., sont tels que je ne suis pas sur un pied d'égalité avec cet établissement, qui peut traiter directement avec un autre client.

M. Gary Pillitteri: Je comprends votre préoccupation, mais je veux en venir à cette question, car cette question est de compétence provinciale. Les provinces ne renonceront jamais à cela, elles ne laisseront jamais filer un pouvoir qui leur appartient.

Mes collègues de l'autre côté de la table ne posent pas de questions, monsieur le président. Je me demande si vous allez leur donner des questions. Nous aimerions peut-être voir s'ils renonceraient à une compétence qui est totalement la leur.

Le président: En fait, monsieur Desrochers...

M. Nick Discepola: Voilà qui serait nouveau—le Québec qui concède un pouvoir au gouvernement fédéral, ou encore le gouvernement fédéral qui l'obtient avec compensation.

Une voix: Oui.

Le président: En fait, monsieur Desrochers aimerait faire une remarque.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Je respecte les compétences du Québec et de toutes les provinces, et aussi celles du gouvernement fédéral. Je crois que si les relations sont bonnes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, on peut faire de bons progrès en ce qui concerne les recommandations.

Merci beaucoup.

Le président: D'autres observations? Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. J'aimerais m'adresser à nouveau à Mme Go et M. Tabit à propos du droit exigible pour l'établissement.

Comme nous en avons parlé entre nous, le dividende «budgétaire» semble s'être quelque peu évaporé, du moins pour le court terme. Ce n'est peut-être pas tout ou rien, il y a peut-être des zones grises.

Des gens m'ont dit qu'une fois que nous aurons les moyens d'éliminer progressivement le droit exigible pour l'établissement, nous devrions commencer à le faire, d'abord dans le cas des réfugiés, ensuite, pour les autres catégories d'immigrants, plus tard. Est-ce logique? Comment établir l'ordre de priorité si nous décidons d'y aller progressivement?

Mme Avvy Go: Du point de vue de la coalition, le droit exigible pour l'établissement ne devrait tout simplement pas exister, point à la ligne. Notre position repose en partie sur le fait que les réfugiés deviennent un jour des immigrants. Ils peuvent aussi faire venir leurs parents, et ils doivent se plier aux formalités de l'immigration pour le faire. À un moment donné, la ligne de démarcation entre le réfugié et l'immigrant s'estompe beaucoup. La distinction n'est plus pertinente lorsqu'il s'agit d'abroger le droit exigible pour l'établissement.

Par exemple, la communauté d'où je viens, la communauté chinoise—et la communauté somalienne comptent certainement bon nombre de réfugiés. Nous avons aussi une très grande communauté immigrante, à la fois pour ce qui touche la catégorie des parents et la catégorie des immigrants indépendants et ainsi de suite. Si la raison principale pour laquelle nous nous opposons au droit d'entrée, c'est que cela établit une distinction entre, d'une part, les immigrants et les immigrés et, d'autre part, tous les autres citoyens, alors nous estimons qu'il ne convient pas de l'abroger pour certains sans l'abroger pour d'autres.

De même, j'imagine que nous préférions voir un programme universel. Nous voyons le programme d'immigration comme étant un programme universel, tout comme nous voyons le programme d'assurance-maladie comme étant un programme universel. Nous ne voulons pas établir des catégories de citoyens. Une des raisons fondamentales pour lesquelles nous nous opposons au droit d'entrée, c'est que cela crée une sorte de classe marginale dans l'ensemble des citoyens canadiens.

• 2135

M. Roy Cullen: Monsieur Tabit, vous avez peut-être des remarques à ajouter. Vous devriez être au courant de ceci, mais rappelez-le-moi. Il y a de nombreux réfugiés somaliens dans ma circonscription d'Etobicoke-Nord qui sont en voie de recevoir le droit d'établissement. Je suis sûr que vous êtes au courant de toute cette histoire. La ministre de l'Immigration a adopté des politiques qui devraient faciliter la chose. Par contre... si quelqu'un arrive au Canada comme réfugié, par exemple un Somalien, est-ce qu'il doit verser un droit, puis demander plus tard d'obtenir le droit d'établissement? Comment procède-t-on?

M. Mohammed Tabit: Lorsqu'une personne demande le droit d'établissement, elle présente une demande sous forme écrite et demande un prêt. Parfois, le prêt est autorisé immédiatement. Certaines personnes essuient un refus parce qu'elles ne peuvent prouver leur capacité de rembourser une telle somme, surtout s'il s'agit de femmes qui s'occupent de petits enfants qui n'iront pas travailler.

J'ai confronté Sergio Marchi, ministre de l'Immigration à ce moment-là, et je lui ai fait part de cas précis, par exemple celui qui présentait une demande pour vivre dans la région de Dixon, mais qui n'arrivait pas à amasser les fonds nécessaires. On a demandé au réfugié qui venait d'arriver au Canada d'aller demander un prêt à la banque. Comment une personne qui vient d'arriver au pays et qui n'a pas de cote de crédit peut-elle obtenir un prêt dans une banque? Si elle ne peut obtenir le prêt d'une banque, elle présentera une demande.

La difficulté à laquelle nous faisons face en tant que communauté, c'est que la plupart du temps, l'approbation est donnée. Mais les gens reçoivent une lettre d'Immigration Canada, de Vegreville ou d'ici à Toronto, qui dit «vous êtes prêts à recevoir le droit d'établissement», mais on est sommé de payer le droit exigible pour l'établissement; sinon, la démarche sera retardée. Il y a beaucoup de gens qui attendent de venir ici au pays y joindre les membres de leur famille, mais les gens ici ne peuvent pas verser tout de suite les 975 $ en question. Ils décident donc d'y renoncer pour l'instant, même s'ils souhaiteraient que la famille soit réunie tout de suite. Cela doit se faire pour qu'ils puissent recevoir le droit d'établissement et commencer à travailler ici au Canada.

M. Roy Cullen: Merci.

Monsieur le président, j'aurais une question à poser à M. Ellenzweig et à M. McGratten, de l'Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires.

Dans votre mémoire, vous décrivez le contexte actuel et vous présentez des données selon lesquelles la part du marché des banques représente maintenant 62,5 p. 100. Le président a affirmé que ce mémoire sera étudié dans le contexte de l'examen du groupe MacKay, et les banques nous disent qu'il y a davantage de concurrence en rapport avec diverses gammes de produits. Pour ce qui est des prêts hypothécaires, la part du marché que détiennent les banques—ou, à l'inverse, votre part du marché—est-elle à la hausse ou à la baisse? Qu'adviendrait-il du dossier des prêts hypothécaires si les grandes banques obtenaient la permission de fusionner? Comment cela vous toucherait-il?

M. Ric McGratten: Nous comptons toutes sortes de membres. Les banques sont des membres très actifs et, dans certains cas, des membres fondateurs de l'Institut.

Nous avons indiqué la part du marché en ce qui concerne l'industrie hypothécaire. La part des banques s'est accrue, car il y a eu consolidation dans le secteur des services financiers. Elles ont acquis des sociétés de fiducie et des portefeuilles hypothécaires, et leur part s'est accrue.

Je dirais que la croissance ne se maintiendra peut-être pas si elles continuent leur expansion en ce qui concerne les hypothèques résidentielles. Elles ont été très actives durant les années 90. Elles se sont servies des hypothèques pour attirer des clients, ce qui leur a permis de vendre d'autres produits. Tout de même, elles ont maintenant une telle part du marché que je ne saurais dire vers quoi elles se dirigent pour l'avenir.

La fusion des banques va réduire le nombre de prêteurs hypothécaires. Cela ne fait que créer une plus grande occasion pour des gens comme Michael Ellenzweig et les intermédiaires des prêteurs hypothécaires lorsqu'il s'agit de croître et d'offrir des services.

Michael voudra peut-être donc commenter cela.

M. Michael Ellenzweig: À mon avis, si on souhaite la concurrence dans le domaine, toute entité financière qui arrive sur le marché voudrait avoir un canal de distribution ou un réseau qui couvre l'ensemble du pays. Pour revenir aux prêteurs hypothécaires sous réglementation provinciale, les obstacles à l'exploitation d'une telle entreprise dans tout le pays diminue les possibilités de concurrence.

• 2140

M. Roy Cullen: Merci beaucoup. Je sais bien que votre association représente aussi les banques, de sorte qu'il est peut-être difficile pour vous d'être tout à fait franc.

Puis-je revenir brièvement aux régimes d'actionnariat des employés, monsieur le président? J'ai deux questions à poser là-dessus.

Souvent, nous associons la participation des employés au capital de l'entreprise à des entreprises défaillantes. Tout le monde se présente à la table et met de l'eau dans son vin—le syndicat prend un coup, le gouvernement y met du sien, et ainsi de suite. C'est souvent dans le secteur des richesses naturelles ou chez les gros fabricants. Il me semble toutefois, madame Wu, que votre entreprise s'est servie de ce genre de régime pour croître à partir de rien. Il ne s'agissait pas d'une entreprise défaillante. Il s'agissait d'appliquer le régime à une entreprise très fructueuse en voie de croissance. C'est le contexte dans lequel il me semble que nous devrions étudier les régimes d'actionnariat des employés—non seulement pour le cas des entreprises défaillantes, mais aussi pour la capacité de croissance des entreprises.

Mme Fay Wu: Je crois que vous avez raison. Cela nous a certainement aidés. Cela nous a permis de faire plus de R-D que cela aurait été le cas avec nos seules rentrées de fonds. Cela nous a beaucoup apporté.

M. Roy Cullen: Une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

Certains diront que nous avons beaucoup de régimes d'option d'achat d'actions et de régimes d'achat d'actions au Canada. Il me semble que cela rejoint tous les employés. Par exemple, au sein de votre entreprise, madame Wu, je présume que tout le monde, depuis la réceptionniste jusqu'au préposé au classement, a une part dans l'affaire ou tout le moins l'occasion d'en avoir une.

Mme Fay Wu: Oui, tout le monde est admissible, du moment que la période de probation est passée.

M. Roy Cullen: Monsieur Phillips, est-ce là une approche plus globale que le régime d'options, qui s'adresse davantage aux cadres intermédiaires ou aux cadres supérieurs?

M. Perry Phillips: Oui, c'est cela, et voilà une chose dont nous devrions être conscients, surtout en ce qui concerne l'exode des cerveaux. J'ai vu moi-même une étude où il est dit que l'industrie de l'informatique aurait besoin d'un million de travailleurs aux États-Unis. Où va-t-on aller chercher tous ces gens? On se tourne vers le Nord. C'est une situation très sérieuse, et nous devons employer toutes nos ressources pour contrer cela.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen, messieurs, mesdames, les participants.

Au nom du comité, je tiens à souligner que nous sommes sincèrement reconnaissants de l'excellent travail du groupe de témoins présents ici. Notre journée a été très intéressante, et cela depuis 8 h ce matin. Nous avons entendu nombre de gens qui ont révélé au comité les diverses perspectives qui existent sur la question des mesures à prendre en rapport avec le budget de 1999. Honnêtement, c'est là tout un défi.

Comme vous, bien d'autres gens ont de splendides idées sur la façon d'investir l'excédent budgétaire. Nous avons droit aux vues de ceux qui se préoccupent de la dette nationale, nous avons droit aux vues de ceux qui veulent réduire les impôts. Nous avons droit aux vues de ceux pour qui les cotisations à l'assurance-emploi devraient retourner à l'employeur et à l'employé. Nous avons droit aux vues de ceux qui veulent voir augmenter les transferts aux provinces. Nous avons droit aux vues d'autres qui veulent bâtir une économie moderne en investissant dans la R-D, l'éducation, l'aide aux étudiants et ainsi de suite. Ainsi est fait le travail du comité ici présent, qui doit prendre en considération les défis et les choix qu'un si grand nombre de gens viennent lui présenter. Vous pouvez donc vous imaginer le genre de compromis, de défis et de choix auxquels nous faisons face.

Cela dit, je dois souligner que je crois beaucoup à cette démarche. Tous les ans, lorsque nous tenons ces audiences, les gens viennent nous présenter d'excellentes idées sur la façon de bâtir un Canada meilleur et plus fort, sur la façon de construire une société juste et équitable. Au bout du compte, il s'agit en fait d'accepter les risques et les avantages que comporte notre citoyenneté commune.

Notre journée aujourd'hui a été comme bien d'autres que nous avons connues. Les gens sont venus souligner des questions très importantes que nous allons dûment noter et auxquelles nous allons réfléchir au moment de rédiger le rapport par lequel nous ferons nos recommandations au ministre des Finances.

Encore une fois, au nom du comité, merci beaucoup.

• 2145

Pour les membres qui sont ici, je dirai simplement que nous allons nous retrouver à la salle Asa McAllan—c'est-à-dire la salle C—à 8 heures demain matin.

La séance est levée.