FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 16 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte; soyez tous les bienvenus.
Comme vous le savez, conformément à son mandat établi en vertu de l'Ordonnance 108(2), le comité reprend l'étude du rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.
Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de l'Association canadienne des individus retraités, du Newcourt Credit Group et de l'Association fraternelle canadienne. Nous entendrons en fin de matinée les représentants du Committee on Monetary and Economic Reform, du Credit Union Central of Ontario, de Davis Webb Schulze & Moon, de l'International Molecular Reactor Power Co. Inc. et de l'Association des compagnies de fiducie du Canada.
Bienvenue à tous. Je crois que vous savez tous comment fonctionne notre comité. Vous disposez de cinq à sept minutes environ pour faire votre exposé; après quoi, nous passerons aux questions.
Nous souhaitons donc la bienvenue à M. Bill Gleberzon, directeur exécutif adjoint de l'Association canadienne des individus retraités. Nous sommes heureux de vous revoir.
M. Bill Gleberzon (directeur exécutif adjoint, Association canadienne des individus retraités): Merci. Je suis heureux d'avoir été invité à comparaître à nouveau devant vous, cette fois pour vous parler du rapport MacKay.
Je dirai pour commencer que notre président, Lillian Morgenthau, vous prie de l'excuser de son absence.
Je crois que je vous ai expliqué hier ce que représente l'ACIR, mais je remarque que certains membres du comité étaient absents. Si vous me le permettez, je préciserai donc à leur intention que l'ACIR est l'Association nationale la plus importante de Canadiens d'âge mûr. Elle comprend en effet 370 000 membres de toutes les provinces et territoires de notre pays. Ce sont des personnes de 50 ans et plus; leur âge moyen est de 62 ans. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui, pour préserver son indépendance, n'accepte aucune aide financière de quelque ordre de gouvernement que ce soit. Nous sommes neutres. Notre mandat consiste à exprimer les préoccupations des Canadiens d'âge mur, et notre mission, de présenter des recommandations concrètes sur les moyens de répondre à ces préoccupations. Nous ne nous contentons donc pas de nous plaindre.
Le mémoire qui vous a été soumis soulève un certain nombre de questions importantes, dont certaines sont des réactions au rapport MacKay, alors que d'autres sont de notre propre cru. Notre rapport est précédé d'un sommaire qui vous en facilitera l'examen.
Pendant les quelques moments dont je dispose, je voudrais évoquer brièvement certains des 23 points soulevés dans le sommaire de nos recommandations. Je tiens tout d'abord à féliciter les auteurs du rapport MacKay de la profondeur, de la clarté et de l'exhaustivité de ce rapport, en particulier de la manière dont ils ont élaboré une vision intégrée de l'avenir du secteur des services financiers au Canada. Cette vision nous amène à nous poser certaines questions mais nous n'en applaudissons pas moins le contexte qu'elle crée et qui permet de comprendre la raison d'être et l'orientation du rapport. C'est très utile.
Lorsque nous passerons tout à l'heure à la discussion, je serai heureux de préciser les réserves que nous inspirent certains des détails de la vision intégrée de l'avenir présentés dans ce rapport.
Pour le moment, je me contenterai de noter en passant que nous ne pensons pas que les recommandations du rapport visant l'augmentation de la concurrence dans le secteur des services financier sont viables. Nous sommes donc opposés à la règle actuelle des 10 p. 100 concernant la propriété et j'ajouterai que nous sommes opposés à une réduction du montant de la capitalisation requise pour établir de nouvelles institutions financières au Canada. Nous sommes également contre une exonération temporaire d'impôt de 10 ans pour ces institutions, toutes mesures qui sont recommandées dans le rapport.
Bien que le rapport MacKay ne traite pas de la question des fusions de banques proposées qui se pose dans l'immédiat, nous jugeons qu'il est impossible de discuter du rapport sans évoquer ces fusions.
À cet égard, l'ACIR est d'accord avec M. Martin lorsqu'il propose de tenir des audiences publiques distinctes et ouvertes portant sur les fusions de banques proposées et d'y faire participer des groupes de consommateurs tels que l'ACIR, car ces fusions auront des répercussions très directes sur les consommateurs.
• 0810
Nous estimons également que le cadre d'examen des fusions
décrit dans le rapport MacKay devrait inspirer l'orientation du
processus d'autorisation des fusions actuellement proposées. Je
crois que les suggestions faites dans ce domaine sont excellentes.
En règle générale, l'ACIR approuve les recommandations du rapport en faveur de l'habilitation des consommateurs. Nous présentons nous-mêmes, dans notre mémoire, un certain nombre de recommandations visant à accroître et à étendre la portée de cette habilitation, notamment en augmentant—bien que cela soit contraire à la tendance actuelle—le nombre des caissiers et caissières dans les succursales afin de mieux protéger les personnes âgées contre les fraudes et les escroqueries, et en reprenant l'idée présentée par M. Gallaway en faveur de la création d'un conseil de protection des consommateurs qui, à notre avis, devrait être rattaché au Bureau du surintendant des institutions financières. Entre autres choses, cela permettrait aux consommateurs de comparer les frais de service perçus par les institutions financières et de faire un choix plus éclairé. Ce ne sont là que deux des recommandations que nous faisons sur cette question.
N'ayant rien à voir avec les fusions de banques proposées, nous sommes extrêmement inquiets de toutes ces fermetures de succursales qui portent préjudice aux régions rurales, aux petites villes et en particulier aux quartiers les plus pauvres des zones urbaines. À notre avis, la réduction de l'accès physique aux institutions financières fera qu'il sera encore plus difficile d'offrir des services financiers aux Canadiens pauvres et à faible revenu, ce que recommandait le rapport—par exemple, les frais de transport rendront ces services plus coûteux pour ces personnes.
Nous recommandons que la libéralisation des politiques de prêts aux petites entreprises soit codifiée, le cas échéant, étant donné que, comme le rapport l'indique lui-même, tous les autres efforts semblent avoir échoué. Nous sommes opposés à ce que les banques soient autorisées à vendre des assurances-vie ou à louer des voitures car nous estimons que cela nuirait à la concurrence, accroîtrait la concentration des moyens, et augmenterait les possibilités de ventes liées à caractère coercitif, toutes choses qui—et nous sommes d'accord avec le rapport—devraient être interdites, en adoptant des mesures législatives le cas échéant.
• 0815
Nous avons recommandé la création d'une bourse nationale des
valeurs mobilières—je sais qu'on en discute actuellement, et cela
nous paraît une excellente idée—afin de renforcer le marché des
actions et le secteur des fonds mutuels.
Nous recommandons aussi que l'on supprime le plus rapidement possible tous les obstacles interprovinciaux restants à l'investissement et au commerce. Puisque l'ACIR a le site Web destiné aux Canadiens d'âge mûr le plus important de notre pays, nous approuvons pleinement les recommandations du rapport relatives à la réglementation des services financiers fournis sur l'Internet.
Il s'agit là de quelques-unes des recommandations du rapport. J'espère vous avoir donné une idée des questions, des préoccupations et des recommandations exprimées dans notre mémoire, et je suis prêt à en parler plus en détail au cours de la période de discussion.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gleberzon.
Nous allons maintenant passer au Newcourt Credit Group, représenté par M. David Banks, son président, et par M. John Sadler. Soyez les bienvenus.
M. David Banks (président, Newcourt Credit Group): Oui, merci beaucoup.
Mesdames et messieurs, distingués membres du comité, je tiens, au nom de Newcourt, à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant vous ce matin.
Je voudrais tout d'abord féliciter les personnes qui ont préparé et rédigé le rapport. Nous jugeons, nous aussi, que ce document est de lecture facile et remarquablement écrit. En outre, il contenait très peu de choses à reprendre; c'est un document véritablement organique qui pourra donc bénéficier de ce débat, ce qui me paraît excellent. Nous l'avons beaucoup apprécié.
Il est regrettable qu'en un sens, il ait été un peu éclipsé par les fusions qui tiennent le devant de la scène, et peut-être même plus encore par la crise financière qui a monopolisé les premières pages de la rubrique Affaires dans les journaux.
Nous tenons également à féliciter le groupe de travail MacKay pour avoir vu grand au cours de son examen des services financiers. Il a en effet reconnu l'importance des institutions qui occupent certains créneaux qui constituent un élément dynamique et qui offrent un choix supplémentaire aux consommateurs. Cette prise de position jouera un rôle important dans l'orientation du débat. Nous l'en félicitons donc.
Je tiens également à soutenir vigoureusement l'approche du groupe de travail à l'égard de la réglementation des institutions financières qui l'amène à déclarer dans son rapport que les sociétés de financement reposant sur l'actif des entreprises telles que le Newcourt Credit Group, ne sont pas réglementées parce qu'elles n'acceptent pas de dépôts de particuliers.
Pendant que nous réfléchissions aux remarques que nous allions faire devant le comité, nous nous sommes dits qu'il serait utile d'examiner l'expérience de Newcourt afin de déterminer s'il y avait des leçons pratiques à tirer en encourageant l'entrée d'autres participants ou d'institutions occupant certains créneaux et en favorisant la croissance de leurs activités au Canada.
Nous sommes très fiers que Newcourt offre une solution de rechange bien sui generis aux institutions traditionnelles. Nous sommes un important fournisseur d'aide financière aux clients commerciaux canadiens de toute taille. Nous avons 600 000 clients, en particulier des petites et moyennes entreprises.
Je crois que ce qui fait l'originalité de Newcourt c'est qu'à partir de cette base nous avons acquis une dimension internationale sur un marché mondial extrêmement compétitif et impitoyable. Aujourd'hui, Newcourt est la seconde compagnie mondiale de financement reposant sur l'actif. Nous avons plus de 34 milliards de dollars d'actifs gérés ou possédés. Nous sommes capables de répondre aux besoins mondiaux de financement sur l'actif de certains des fabricants les plus importants et les plus prospères d'Amérique du Nord tels que Dell Computers et Lucent Technologies. Nous assurons même maintenant des services à des multinationales japonaises telles que Yamaha, et nous le faisons à des conditions tout à fait concurrentielles.
L'établissement et la croissance de Newcourt ont été déterminés, à mon avis, par deux facteurs. Premièrement, l'occasion s'offrait de combler une lacune du marché du financement des actifs commerciaux qui était mal servi par les banques commerciales classiques. Une bonne partie de l'activité de financement de Newcourt vise des fabricants et des distributeurs de matériel. Nous fournissons ce que nous appelons une aide au financement des ventes pour l'achat de matériel, ce qui comprend l'évaluation de crédit, la fourniture du capital nécessaire et la gestion des prêts. En fait, ce sont les fabricants qui constituent notre réseau de succursales. Nous sommes actuellement liés à plus de 300 fabricants de matériel allant des camions, des ordinateurs, des presses à imprimer aux aéronefs et aux trains, ainsi qu'avec des constructeurs d'infrastructures telles que les routes et les centrales électriques.
• 0820
La seconde raison de l'existence de Newcourt, et peut-être la
plus importante dans le cadre de ce débat, tient à ce qu'à
l'époque, les compagnies d'assurance-vie cherchaient à diversifier
leurs portefeuilles. C'était une période particulièrement délicate
pour elles, à cause de l'effondrement de l'immobilier commercial
dans les années 80 et de leur désir de se diversifier en dehors des
actifs immobiliers.
Les prêts garantis par des actifs commerciaux convenaient à leurs besoins en matière d'investissement sur le plan de la durée, de la qualité du crédit et du rendement. Newcourt a offert à l'industrie de l'assurance-vie entière un moyen très efficace d'investir dans ces actifs sans qu'il soit nécessaire de renforcer les compétences et l'infrastructure nécessaires pour la prestation de prêts directs. On pourrait dire qu'à ses débuts, Newcourt a été le canalisateur qui a permis à l'industrie de l'assurance-vie entière d'avoir accès au marché des prêts commerciaux et des prêts aux entreprises.
L'expérience de Newcourt nous permet de dire qu'une des conditions importantes du développement de nouveaux intervenants spécialisés au Canada est d'assurer l'existence d'un marché compétitif, avec d'autres sources de financement non bancaires pour les nouvelles institutions qui ont besoin de financer leurs activités de prêts. Cela nous paraît très important.
Newcourt est aujourd'hui une des plus importantes institutions financières du monde, ce qui lui permet d'avoir accès à des sources de financement très diverses, tant au Canada qu'à l'étranger; y compris au financement fondé sur notre propre bilan. Je dirais cependant que s'il n'y avait pas eu une importante industrie indépendante de l'assurance-vie entière au Canada à l'époque de la formation de Newcourt, nous n'existerions peut-être pas aujourd'hui.
Quelles sont les conséquences du rapport MacKay pour le processus dans lequel nous sommes engagés? En ce qui concerne les recommandations du groupe, la grande question qui se pose naturellement à tout le monde est celle des fusions de banques. Premièrement, nous considérons que le système bancaire canadien est excellent. Nous avons beaucoup d'estime pour les banques commerciales du Canada. J'ajouterai d'entrée que nous sommes partisans des fusions de banques parce que nous avons foi dans la liberté des marchés et nous croyons que sur les marchés financiers mondiaux d'aujourd'nui, la taille d'une entreprise est importante. À bien des égards, nous préférerions que ce ne soit pas le cas, mais nous n'y pouvons rien.
Newcourt a atteint sa taille actuelle grâce à une série d'acquisitions stratégiques qui ont abouti à celle de AT&T Capital Canada Inc. plus tôt cette année. Les économies réalisées grâce à cette fusion et notre capacité d'affronter la concurrence mondiale montrent combien la taille d'une institution est importante sur les marchés actuels. Les coûts de TI, de fonctionnement et de traitement sont tout simplement trop élevés et seules les sociétés peuvent étaler plus largement ces coûts.
Par ailleurs, les fusions obligeront finalement les banques canadiennes à commencer à rechercher des possibilités de croissance hors du marché intérieur. Elles seront ainsi mieux armées pour résister à la concurrence mondiale et, chose curieuse, cela leur permettra en même temps de mieux servir leurs clients canadiens.
Deuxièmement, je voudrais parler de la concentration des services financiers. C'est une question auquel, à mon avis, le rapport MacKay n'a pas accordé toute l'attention qu'elle mérite, en particulier compte tenu de l'effet que ces recommandations pourraient avoir sur l'augmentation de cette concentration. La plus grande partie du débat a jusqu'à présent été axé sur les actifs bancaires. Nous considérons que les services financiers ne se limitent pas aux services bancaires. Ce dont il s'agit, en réalité, c'est de la possibilité pour les particuliers, les sociétés et les institutions financières d'avoir accès à des fonds.
En fait, le ministre et les décideurs feraient bien de s'inquiéter si, au lieu de s'attaquer à leurs concurrents sur les marchés mondiaux, les banques commerciales décidaient de limiter leur expansion à la scène nationale en prenant, par exemple, le contrôle des cinq plus grandes compagnies d'assurance-vie. Il y aurait vraiment là de quoi s'inquiéter.
Ne vous méprenez pas sur ce que je dis. Je ne prétends pas du tout que le gouvernement devrait interdire aux banques de vendre des assurances dans leurs succursales ou de devenir propriétaires de compagnies d'assurance. Ce qui nous préoccupe, ce sont les effets d'une trop grande concentration.
Ce qui nous inquiète en effet c'est la possibilité d'une plus grande concentration qui contribuerait à éliminer la concurrence sur le plan de l'accès aux fonds et qui créerait donc des obstacles à l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché et à la création d'institutions de deuxième niveau. Si on arrivait à une situation dans laquelle une société non bancaire ne pourrait plus financer ses activités de prêts qu'en s'adressant aux banques canadiennes, cela entraverait toute autre forme de concurrence pour les banques.
Nous recommandons donc que, compte tenu des fusions futures et de la formation de conglomérats financiers, on établisse un critère de concentration à plusieurs niveaux, y compris l'accès à des fonds pour de nouveaux candidats possibles et pour les institutions financières occupant des créneaux particuliers. Il serait absolument navrant que des intérêts bancaires étrangers se rendent acquéreurs de certaines de nos banques canadiennes.
• 0825
Le prix de revient des fonds soulève une question analogue à
celle de la concentration. Comme elles ont accès aux dépôts de
détail, les banques jouissent d'un avantage dans ce domaine. Dans
notre secteur, l'argent est notre matière première, et les banques
sont en mesure de fournir des services moins coûteux parce qu'elles
ont accès à ces dépôts. C'est un avantage concurrentiel dont on
devrait également tenir compte lorsqu'on examine la concentration
et la capacité de concentrer des actifs financiers.
Newcourt est tout à fait d'accord avec l'approche du groupe MacKay à la réglementation et avec les observations faites par lui selon lesquelles les occupants de créneaux et les institutions de deuxième niveau sont un élément très important de la concurrence et offrent de réelles possibilités de choix aux consommateurs dans le contexte de l'industrie des services financiers canadienne. La conception que le groupe de travail a de l'avenir des services financiers au Canada reflète parfaitement la situation de l'industrie et la direction qu'elle devrait prendre. Ce rapport constitue un excellent point de départ pour un débat.
En résumé, nous ne voulons pas être réglementés car nous ne jugeons pas que cela soit approprié. Deuxièmement, nous sommes partisans des fusions de banques. Troisièmement, la concentration et l'accès des banques à des fonds moins coûteux nous inspirent des réserves. Enfin, nous serions tous navrés que des restrictions soient imposées à l'industrie de l'assurance-vie entière au Canada, ou que celle-ci disparaisse.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Banks.
Nous allons maintenant entendre M. Ralf Hensel et M. Richard May, de l'Association fraternelle canadienne. Soyez les bienvenus.
M. Richard May (vice-président, Association fraternelle canadienne): Merci beaucoup. Bonjour. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité des finances de la Chambre des communes en réponse au rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.
Mon nom est Richard May, je suis vice-président, à titre bénévole, de l'Association fraternelle canadienne, fondée il y a 108 ans. Je suis employé par la Lutheran Life Insurance Society of Canada en qualité de vice-président et actuaire.
Je suis accompagné aujourd'hui de Ralf Hensel, président du comité législatif de l'Association fraternelle canadienne et avocat-conseil principal pour l'Ordre Indépendant des Forestiers.
L'Association fraternelle canadienne représente 20 des plus importantes sociétés canadiennes et étrangères de secours mutuels faisant affaire au Canada. Les sociétés membres de l'Association fraternelle canadienne offrent une protection à des milliers de familles canadiennes avec plus de 8,5 milliards de dollars en assurance-vie, et gèrent un actif de 1,5 milliard de dollars au Canada et de 10 milliards de dollars dans le monde. Une liste de nos membres ainsi que des renseignements généraux sont annexés à notre proposition écrite.
Nous sommes prêts à vous faire part de nos réactions préliminaires au rapport du groupe de travail et à répondre à vos questions. Nous sommes en train de préparer un mémoire officiel sur nos observations, et prévoyons sa distribution à la mi-novembre.
Notre réaction initiale au rapport du groupe de travail fut de reconnaître la qualité indéniable du travail effectué. Pour la première fois, ce document offre aux Canadiens une vision complète de l'avenir du secteur financier. Nombre de problèmes identifiés dans le rapport font l'objet de discussions intenses depuis quelques temps au sein de l'industrie des secteurs financiers.
Le rapport du groupe de travail et l'importance qu'il confère aux besoins des Canadiens présentent aux législateurs et aux organismes de réglementation une démarche actuelle et concise pour résoudre des points importants. Grâce à cet excellent guide, nous sommes d'avis qu'il n'y aura pas de meilleure occasion pour poser des gestes décisifs et idéalistes. Pour ne citer qu'un bref passage du rapport:
-
On n'arrête pas le changement, et nous ne pouvons faire comme s'il
n'existait pas. Pour les institutions financières comme pour leurs
clients et les responsables de l'intérêt public, il est exclu de
penser de maintenir le statu quo.
Le groupe de travail a présenté l'idée de responsabilités envers la collectivité. Toutefois, il importe de noter que les sociétés de secours mutuels appartiennent à leurs membres et existent dans l'intérêt de ceux-ci. La mission de toute société fraternelle est de répondre aux besoins financiers et fraternels de la collectivité qu'elle dessert. En effet, il semble que le concept de responsabilité communautaire fait partie des principes fondamentaux et historiques des sociétés de secours mutuels.
L'adhésion à une société de secours mutuels apporte au membre bien plus que des services financiers. Les membres adhèrent pour les avantages sociaux, culturels et communautaires offerts par nos sociétés. Les loges, les camps, les branches et les cours de nos sociétés rassemblent les membres dans le but de former des réseaux d'entraide communautaire et de favoriser un sentiment d'appartenance. Mais, pour tenir des activités fraternelles, il faut tout d'abord contacter les membres et encourager leur participation. Par conséquent, le partage de renseignements personnels de base et leur utilisation dans certains contextes sont nécessaires à l'organisation et à la gestion efficace de ces programmes communautaires.
• 0830
Nous sommes absolument d'accord qu'il faut protéger la vie
privée et les renseignements confidentiels et éviter les méthodes
coercitives de ventes liées. Cependant, la rédaction des lois
pertinentes doit être sensible aux utilisations légitimes qui sont
dans l'intérêt des personnes visées et des Canadiens en général.
Nous croyons que ces distinctions sont habituellement reconnues par
les législateurs et organismes de réglementation; toutefois, il est
important pour nous de souligner cette différence, car une omission
dans ce domaine pourrait entraîner l'élimination d'une utilisation
légitime et bénéfique de ces renseignements.
En outre, nous avons été touchés par le soutien constant fourni pour un environnement des services financiers qui encourage et appuie les institutions financières de moindre importance au Canada et favorise l'essor des institutions qui occupent un créneau particulier. Il importe de reconnaître que les observations du groupe de travail relativement au régime de réglementation «taille unique» devraient être révisées pour accommoder les institutions plus petites ou celles qui occupent un créneau moins vaste, en tenant compte de leur importance relative et de la nature de leurs activités commerciales et non en se fondant sur les exigences établies pour les gros conglomérats financiers offrant toute une gamme de services.
Il est peut-être inévitable que l'attention engendrée par le rapport du groupe de travail sera concentrée sur les aspects concernant les institutions financières de grande envergure. Nous espérons que les recommandations répondant aux besoins d'organismes plus petits et appartenant à leurs membres ne seront pas négligées.
C'est dans ce contexte que nous avons été quelque peu déçus par le rapport du groupe de travail. Bien que les sociétés de secours mutuels incarnent les caractéristiques que le groupe de travail voudrait voir adopter par les institutions financières, le rapport n'a pas identifié le rôle que les sociétés fraternelles jouent dans le secteur financier et leur contribution potentielle à l'environnement changeant des services financiers.
Nous faisons cette remarque parce que nous sommes incertains des intentions du groupe de travail à l'égard des sociétés de secours mutuels. Puisque la plupart des membres de l'AFC sont régis par la Loi sur les sociétés d'assurances, nous présumons que les changements recommandés pour les compagnies d'assurance-vie concernent également les sociétés fraternelles.
Nous espérons que des oublis semblables ne se reproduiront plus et que le caractère unique des sociétés de secours mutuels, qui regroupent actuellement environ 500 000 Canadiens sera reconnu à l'avenir lorsque des changements législatifs seront envisagés. Nous pourrions travailler de concert avec les législateurs et organismes de réglementation pour créer un environnement qui favorise l'essor des sociétés plus petites répondant aux besoins d'un plus petit segment de la population.
Les gouvernements fédéral et provinciaux ont entendu les requêtes de l'industrie des services financiers pour un régime de taxes plus juste. Le groupe de travail soutient la plainte de longue date de l'industrie à l'effet que les taxes sur le capital sont injustifiés et pourraient être nuisibles à l'intérêt public. L'accumulation de capitaux est un ingrédient essentiel de préservation de la sécurité et de l'intérêt financier des membres et des titulaires de police.
L'imposition des taxes sur le capital pénalise les institutions dont les principes de gestion dictent des niveaux de capitaux plus élevés afin de protéger leurs clients. Nous approuvons la recommandation du groupe de travail visant à éliminer la taxe spéciale sur le capital et nous comptons sur les législateurs pour instaurer des changements dans ce domaine.
Monsieur le président et honorables membres de ce comité, j'aimerais réitérer que l'Association fraternelle canadienne approuve dans l'ensemble le rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Les membres du groupe de travail ont fait un travail remarquable dans un laps de temps étonnamment court.
Même après notre examen préliminaire de leur travail, il était évident que les intérêts des Canadiens seront bien servis grâce à l'application de bon nombre des 124 recommandations dont fait état le rapport. Nous croyons que les sociétés de secours mutuels ont un rôle important à jouer dans ce contexte et peuvent contribuer considérablement à la création de toute nouvelle loi et de tout nouveau règlement.
Nous sommes décidés à favoriser un secteur des services financiers plus concurrentiel pour le bien de tous les Canadiens.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur May et monsieur Hensel.
Nous allons maintenant passer aux questions et aux réponses. Commençons par M. Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): À la lecture du rapport MacKay, tous émettent des revendications en vue de maintenir l'accès du consommateur et des entreprises, y compris les PME, au crédit, de permettre à tout le monde de travailler avec une concurrence intéressante et de s'assurer que les emplois menacés par ces fusions soient maintenus.
• 0835
On parle beaucoup des quatre grandes
banques qui ont l'intention de se fusionner. Que
suggérez-vous aux auteurs du rapport MacKay et au gouvernement
fédéral de faire à l'intention de
tous les autres intervenants financiers
ou autres institutions financières qui ne veulent pas
s'engager dans le processus de fusion? Comment
pourrions-nous être équitables pour tout ce
monde-là?
[Traduction]
Le président: Monsieur Sadler.
M. John Sadler (vice-président exécutif, Corporate Affairs, Newcourt Credit Group): Merci, monsieur le président.
Comme les fusions et les acquisitions sont une activité commerciale normale, nous recommandons que le ministre les traite au cas par cas au lieu de les traiter comme un précédent. Il faudrait en effet que chaque transaction soit jugée en fonction de ses mérites au lieu d'établir un modèle général d'après lequel on déciderait qu'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise idée. Ce qu'il faut c'est traiter chaque transaction comme un cas individuel.
Le président: Quelqu'un a-t-il une remarque à faire? Non?
Allez-y.
[Français]
M. Odina Desrochers: C'est tout, merci. Je cède la parole à monsieur.
[Traduction]
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de vos exposés.
Ma question s'adresse à l'ACIR. Vous étiez, je crois, opposés à ce qu'il y ait de nouvelles institutions financières ou à la réduction des obstacles pour les nouvelles banques. J'aimerais avoir quelques explications de votre part à ce sujet, car une des recommandations du groupe de travail MacKay qui m'a paru particulièrement intéressante, était de réduire les exigences en matière de capitaux afin de stimuler la concurrence et d'accroître le nombre des banques.
M. Bill Gleberzon: Ce que nous voulons dire c'est que les services bancaires n'ont pas évolué de la même manière au Canada qu'aux États-Unis, par exemple. Nous avons adopté une attitude beaucoup plus stricte, en particulier à l'égard de l'accumulation du montant de capitaux. Nous craignons en effet que si nous abaissons le niveau du montant assuré, nous allons encourager la participation d'institutions qui ne sont pas nécessairement saines.
Le vrai problème pour les consommateurs, c'est-à-dire pour le type de personnes que nous représentons, est lié aux institutions de dépôt. C'est là que des difficultés apparaissent. J'imagine que les clients de Newcourt ne sont pas les petits déposants individuels, la très grande majorité des consommateurs et des personnes qui appartiennent à notre association. C'est précisément là le genre de personnes qui se tourneraient vers les banques envisagées dans le rapport MacKay, à supposer qu'elles soient autorisées à accepter des dépôts. Nous souhaitons donc vivement qu'on ne prenne pas trop de gants avec les nouvelles banques, en particulier lorsqu'elles sont étrangères, d'autant plus que la plupart d'entre elles ont les poches bien remplies. Pourquoi nous donnerions-nous la peine de leur faciliter l'entrée au Canada alors qu'elles ont déjà une base financière très solide hors de notre pays? Mais il s'agit en réalité de l'abaissement du niveau du montant assuré; il faut que les déposants soient assurés que ces banques ne vont pas faire faillite.
Je crois que dans le rapport ou dans un des commentaires qui lui ont été consacrés, il est mentionné que depuis 1923, une seule banque a fait faillite au Canada. Aux États-Unis, il y en a eu 17 000.
M. Scott Brison: Si la nouvelle banque avait le même niveau d'assurance-dépôts, disons par exemple une garantie de 60 000 $ sur leurs dépôts, vos membres seraient couverts. Ce qui me préoccupe, c'est que le manque d'accès aux capitaux a toujours été un obstacle à la croissance de l'économie canadienne, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. C'est pourquoi nous essayons de trouver des moyens d'améliorer cet accès. Peut-être les banques étrangères et ces nouvelles banques nous en offriraient-elles la possibilité.
• 0840
J'aimerais avoir les commentaires de Newcourt ou de
l'Association fraternelle canadienne. J'aimerais avoir leur avis
sur les nouvelles dispositions bancaires et sur ce que les gens en
pensent.
M. David Banks: Il est certain que la petite entreprise profitera d'une plus grande concurrence. C'est indiscutable. Nous comprenons aussi cependant les difficultés car nous sommes convaincus que la réglementation devrait être axée sur les institutions de dépôts.
Une banque est soumise à deux types de contraintes. Premièrement, il faut s'assurer que ces dépôts sont bien administrés et que les intérêts des consommateurs sont protégés; deuxièmement, il faut veiller à ce qu'il y ait autant de concurrence que possible. Je crois qu'une des choses que la réussite de Newcourt a montrées est que les institutions financières non bancaires sont capables de se faire une place sur le marché et d'offrir un accès au capital qui est très compétitif, car la plupart de nos clients sont de petites entreprises et il y a très peu de risques pour les consommateurs.
Je ne sais pas, John, si vous voulez ajouter quelque chose à cela.
M. John Sadler: Non, sinon pour dire simplement qu'en fin de compte, tout repose sur la responsabilité fiduciaire de l'institution de dépôts et que le problème pour la petite institution fondée sur les dépôts est qu'elle n'a pas les capitaux suffisants pour résister à l'adversité sur le marché. À condition que le cadre réglementaire offre une solution dans ce domaine, rien ne s'oppose à ce qu'il y ait un grand nombre de petites institutions fondées sur des dépôts.
Quelqu'un a parlé de la propension des institutions financières américaines à faire faillite. N'oublions pas qu'il y a en ce moment plus de 10 000 institutions financières réglementées sur un marché extrêmement hétérogène. Le nôtre est nettement plus homogène.
M. Richard May: À mon avis, si le groupe de travail indépendant considère que les fusions de banques sont logiques, je ne vois aucune raison de s'y opposer. Cependant, en lisant entre les lignes du rapport, j'ai eu l'impression que ses auteurs partaient du principe que si certaines institutions peuvent devenir plus importantes, il faut aussi que le marché tout entier le devienne. L'institution issue de la fusion sera plus importante qu'auparavant, mais en fait, sa part du marché global sera plus petite. À mon avis, il pourrait y avoir de nouvelles institutions financières et on renforcera les petits organismes et les petites institutions occupant un créneau particulier.
Après avoir bien réfléchi à la question depuis la sortie du rapport, il me semble que c'est là la vision qu'il exprime, mais je ne vois pas comment on pourra encourager cette orientation, comment les petites institutions pourront acquérir plus d'influence. Je voudrais savoir s'il y aurait également des partisans de cela.
M. Scott Brison: L'accès au système de paiements a beaucoup plus d'importance qu'il y n'en avait il y a quelques années. La technologie en est en grande partie responsable. L'accès à un réseau de guichets automatiques pour une petite succursale signifie aujourd'hui que si je faisais affaires avec la banque de Windsor, en Nouvelle-Écosse, celle-ci pourrait me servir, que je me trouve à Toronto ou à Frankfort.
Selon certaines propositions, les domaines de participation de ces nouvelles banques pourraient être étendus. Nous pourrions, par exemple, les laisser se lancer dans la location-bail automobile et dans le courtage d'assurances avant d'en empêcher les grandes banques de l'annexe I, du moins pendant un certain temps, ce qui permettrait de créer un créneau qui pourrait être très profitable, et d'encourager l'octroi d'exonérations temporaires d'impôt sur le capital et de permettre d'accéder de l'étranger aux systèmes de paiements. Avez-vous d'autres idées sur ce que nous pourrions faire pour faciliter les choses, pour permettre le démarrage de nouvelles banques? Je suis convaincu que les Canadiens profiteraient d'une plus grande concurrence au niveau local.
Le président: Monsieur Gleberzon.
M. Bill Gleberzon: Je n'avais pas l'intention de répondre directement à ce que vous avez dit; je voulais simplement ajouter quelque chose. Point n'est besoin d'aller plus loin que le rapport lui-même: il faut noter que des 44 banques étrangères au Canada, une seule la Banque Hongkong accepte des dépôts; les autres considèrent que ce n'est pas un marché intéressant pour elles.
La vraie question qui se pose est donc la suivante: Si les grandes banques fusionnent et si elles concentrent de plus en plus leurs activités sur le marché international, qui va combler le vide ainsi créé à la base? Donc—je crois que cela va dans le sens de la question que vous avez posée—comment encourager les banques étrangères à combler les vides qui ont été créés? Se donneront-elles la peine de s'installer dans les zones rurales et dans les petites villes? Est-ce que cela les intéresse? Cela signifie que vous leur donnez non seulement accès au système de paiements, mais aux mouvements des dépôts.
M. Scott Brison: Pensez-vous que les banques installées dans les petites villes canadiennes n'y gagnent pas d'argent?
M. Bill Gleberzon: Je suis certain qu'elles en gagnent.
M. Scott Brison: Mais si elles sont capables de gagner de l'argent, la solution est toute trouvée; elles poursuivront leurs activités dans ces petites villes puisqu'il y a de l'argent à y gagner.
M. Bill Gleberzon: N'empêche qu'elles sont de plus en plus nombreuses à fermer leurs succursales dans les petites villes. Donc, s'il y a de l'argent à gagner, il n'y en a probablement pas suffisamment pour trois ou quatre banques différentes. C'est vraiment là le problème.
M. John Sadler: Monsieur le président, si je comprends bien la question, ce qu'on attend de Newcourt c'est que nous fassions des suggestions sur les moyens d'accroître les activités de prêts sur le marché. Si vous considérez l'industrie des services financiers et l'industrie bancaire, voyez ce que Newcourt représente: c'est une institution de prêts mais ce n'est pas une institution de dépôts. Si vous voulez réduire les risques en séparant le rôle de caisse de dépôt de ces petites institutions financières de leurs activités de prêts, Newcourt offre peut-être un modèle qui mériterait votre attention.
Il est possible d'être un organisme de prêts sans devoir être une caisse de dépôts. Nous nous procurons le capital nécessaire grâce au marché des valeurs immobilières, nous intervenons sur les marchés de capitaux grâce à la titralisation, grâce à toutes sortes de mécanismes, mais nous ne sommes pas une institution de dépôt. Je crois qu'il faut commencer à s'habituer à l'idée que la même institution n'offre pas nécessairement tous les services financiers. Si vous commencez à décomposer les divers éléments d'une telle institution, vous constaterez qu'il est possible de se spécialiser. C'est ce que Newcourt a fait comme institution à l'origine de la création des actifs financiers.
Le président: Monsieur May, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Richard May: Oui. Vous avez parlé d'exonération temporaire d'impôt pour les nouvelles institutions financières, et je dois dire que...
M. Scott Brison: Les nouvelles banques.
M. Richard May: Bien, les nouvelles banques. Il y a un grand nombre de petites institutions financières au Canada, et il n'y a aucune raison qu'elles soient désavantagées vis-à-vis de nouveaux intervenants sur le marché alors qu'elles cherchent, elles aussi, à grandir. Je crois qu'un des objectifs essentiels du groupe de travail était de déterminer les conditions d'expansion du marché qui permettraient aux petites institutions de commencer à jouer un rôle plus important.
Bien que cela ne soit pas carrément dit dans le rapport du groupe de travail, l'idée d'un dégrèvement de l'impôt sur le capital pour ces nouvelles institutions y apparaît, à mon avis, en filigrane, et je souhaiterais qu'on envisage d'en faire également bénéficier les petites institutions.
Le président: Merci, monsieur May. Merci, monsieur Brison.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Une des choses que le groupe de travail a soulignées dans son rapport était que le Parlement ne peut pas imposer une attitude dynamique par la loi; qu'il peut simplement créer un environnement propice à l'esprit d'entreprise et d'innovation. Pensez-vous que le rapport contienne des recommandations qui contribueraient à la création de cet environnement? Les nouvelles formes de réglementation qu'il présente vont-elles trop loin? Ne risquent-elles pas simplement d'ajouter au fardeau de la réglementation et d'accroître les coûts pour le consommateur? Si nous appliquions toutes les recommandations du groupe de travail MacKay, cela accroîtrait-il encore ce fardeau? Quel effet cela aurait-il sur la compétitivité des institutions?
Le président: Monsieur May.
M. Richard May: Je serais ravi de répondre à cette question, Karen. Merci.
Si vous examinez la liste des sociétés fraternelles qui figure au dos de notre mémoire, et en particulier l'importance de leurs actifs et le nombre de leurs membres, vous constatez qu'il y a quelques organisations plus importantes, petites, peut-être, par rapport à la plupart des institutions financières, mais tout de même importantes pour des sociétés fraternelles. La très grande majorité d'entre elles sont de très petites organisations qui ont beaucoup de difficulté à se conformer à la réglementation. L'obligation de continuer à fonctionner et à faire la foule de choses dont elles s'occupaient jusqu'à présent devient une charge de plus en plus lourde.
Au cours de notre témoignage, nous avons parlé tout à l'heure du régime de réglementation et des règles du jeu, de l'idée d'une formule «taille unique». J'ai souvent songé à une métaphore qui me paraît convenir assez bien à la situation: lorsque l'on songe à la sécurité de la navigation, il est parfaitement logique d'avoir des chaloupes de sauvetage à bord d'un transatlantique; par contre, si vous en installez sur de petites embarcations, vous allez les faire couler.
Je crois qu'il faut faire très attention lorsqu'on parle de réglementation, et qu'il faut s'assurer que la méthode choisie convient tout en garantissant la sécurité.
Je suis heureux de pouvoir dire que le travail que nous avons effectué avec le BSIF et avec le ministère des Finances sur les questions de réglementation auxquelles les organisations fraternelles sont confrontées a révélé qu'on était sensible à la taille des petites organisations et à leur capacité de se conformer tout en assurant la sécurité des ressources financières de leurs membres.
C'est une question importante. Je crois qu'on a trop tendance à se préoccuper de ce que les grandes institutions sont capables de faire, de leurs ressources et des types de risques auxquels elles sont confrontées. Tout le monde n'est pas dans cette situation, et il serait tout à fait approprié d'envisager des régimes différents selon le type d'organisation.
Le président: Monsieur Sadler.
M. John Sadler: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre question. Elle est tout à fait pertinente.
Je crois que c'est peut-être une erreur de dire que Newcourt est une société non réglementée. Il est bien évident que nous sommes soumis aux mêmes mesures de réglementation que n'importe quelle autre entreprise commerciale dans ce pays. En outre, comme nous sommes une société cotée en bourse, nous sommes assujettis au règlement de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et au jeu du marché.
Indiscutablement, l'observation du règlement constitue un fardeau. Un des avantages de Newcourt est que notre société n'est pas une institution de dépôt et qu'elle n'a donc pas à assumer les coûts de ce règlement. En revanche, nous n'avons pas accès aux sources de financement auxquelles les institutions réglementées peuvent s'adresser—les dépôts dans les banques, par exemple. Celles-ci peuvent réunir des fonds en faisant directement appel au grand public, à un taux nettement inférieur à celui que Newcourt devrait payer sur le marché du papier commercial ou sur le marché du crédit sur titres à moyen terme.
Je voudrais cependant vous citer une déclaration faite par Alan Greenspan, le président de la U.S. Federal Reserve Board, il y a environ un an, devant un comité semblable au vôtre, car elle nous paraît tout à fait pertinente. Il a déclaré ceci:
-
Je ne doute pas que les coûts de réglementation soient élevés; ils
le sont trop, à mon avis. Aucune banque n'a cependant renoncé à sa
charte afin de pouvoir fonctionner sans réglementation bancaire, ce
qui l'obligerait également à fonctionner sans assurance sur les
dépôts ni possibilité d'accès à l'escompte officiel ou au système
de paiements. Cela exigerait à la fois des coûts de dépôts plus
élevés et des capitaux plus importants.
Donc, dans le cas de l'industrie des services financiers réglementés, c'est un qui pro quo. Le coût de réglementation est élevé, mais il offre aussi certains avantages aux institutions qui décident de travailler dans ce secteur.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne la règle qui exige que le «capital soit largement réparti», le groupe de travail MacKay recommande que, dans certaines conditions, on augmente de 20 p. 100 l'autorisation ministérielle, et que personne ne devrait détenir plus de 45 p. 100 d'une catégorie d'actions quelconque.
J'aimerais que les témoins me disent s'ils sont d'accord avec cette proposition, s'ils considèrent que les compagnies d'assurance devraient être assujetties au même régime de propriété et si une telle concentration de capitaux dans de grandes institutions peut présenter des avantages pour les actionnaires et les consommateurs.
M. John Sadler: Je voudrais simplement dire que Newcourt est une société cotée sur le marché. Nous avons plusieurs actionnaires importants. En fait, la Banque Canadienne Impériale de Commerce détient des actions de Nomura, qui participe à notre capital à hauteur d'environ 11 p. 100. En dehors de cela, les actions de la société sont assez largement réparties, mais aucun règlement ne l'exige.
Un des problèmes de l'application de la règle d'une large répartition du capital et que l'institution concernée n'est jamais vraiment soumise aux disciplines du marché boursier. C'est un marché impitoyable. Si vos coûts deviennent excessifs, il existe des mécanismes qui permettent à quelqu'un d'intervenir et de déclarer qu'il est capable de mieux gérer votre société ce qui constitue une offre de prise de contrôle.
Lorsque vous appliquez le principe de la participation multiple, vous désarmez le marché. Dans certains cas, le coût est justifié; il l'est parfois, en tout cas, lorsqu'il s'agit de services financiers, du moins dans certains cas.
M. Nick Discepola: Monsieur Banks, dans votre exposé vous avez dit que la taille était importante. Vous avez dit que la technologie de l'information était—je crois que vous avez utilisé cela comme mot clé—plus largement répartie. Est-ce synonyme de réalisation de plus grands profits à cause des économies d'échelle?
J'ai du mal à vous suivre car vous me paraissez dire des choses contradictoires. Vous déclarez que vous êtes d'accord avec les fusions. Vous considérez que les banques devraient être autorisées à fusionner à cause des économies d'échelle, à cause de l'importance de la taille. Pourquoi est-il acceptable que deux banques fusionnent mais ne l'est-il pas lorsqu'il s'agit d'une banque et d'une compagnie d'assurances?
M. David Banks: Je croyais avoir expliqué clairement que nous n'avions aucune objection à ce qu'une banque fusionne avec une compagnie d'assurance-vie.
M. Nick Discepola: Mais vous aviez un critère. Vous avez parlé du critère de «concentration».
M. David Banks: C'est exact.
M. Nick Discepola: Comme se fait-il que ce critère ne devrait jamais être appliqué à la fusion des deux banques? Vous trouvez normal qu'en fusionnant, deux banques accaparent 67 p. 100 du marché, mais ne devrions-nous pas appliquer ce critère de concentration...? Ne devrions-nous le faire qu'en cas de fusion d'une banque avec une compagnie d'assurance-vie?
M. David Banks: Je crois que cela nous amène à une définition plus large des services financiers et aux situations dans lesquelles une institution est avantagée. Une banque commerciale jouit certainement d'un avantage car les fonds dont elle a besoin lui coûtent moins cher; c'est pour cela que j'ai dit que les fonds étaient des produits. Si cette banque utilise cet avantage pour s'implanter dans un autre secteur, je crois qu'il est logique de dire que si les choses étaient poussées à l'extrême, on risquerait de perdre toute l'industrie de l'assurance-vie entière; par contre, si cela ne se produisait qu'une ou deux fois, il n'y aurait pas de problème.
M. Nick Discepola: Pensez-vous que le rapport serait aussi clair, séduisant et organique s'il avait aussi recommandé la fusion des banques et des compagnies d'assurance-vie?
M. David Banks: Non. Les auteurs ont montré qu'ils avaient le sens des responsabilités dans ce domaine.
M. Nick Discepola: Bien, je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Discepola. Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président; merci à vous aussi, messieurs.
J'ai quelques questions à poser à Newcourt et une à l'ACIR, si le temps le permet.
Monsieur Banks et monsieur Sadler, les banques à charte canadiennes évoquent souvent la concurrence croissante exercée par les institutions offrant un seul service et les institutions utilisant certains créneaux. GE Capital, par exemple, qui est une institution de prêts sur actifs, exploite efficacement son créneau et crée une concurrence et des difficultés accrues pour les banques à charte canadiennes.
Comment suivez-vous l'évolution de votre part du marché? Quels résultats obtenez-vous face aux grandes banques? Je sais que vous vous occupez surtout de transactions importantes, mais avez-vous pénétré le marché des petites et moyennes entreprises? Disposez-vous de données qui montrent que vous faites beaucoup d'affaires avec ces entreprises? Supposons, pour les besoins de la cause, que les petites entreprises ont 100 employés et des ventes de cinq millions de dollars, et que les moyennes ont 500 employés et 50 millions de dollars de ventes. Faites-vous affaires avec ce genre d'entreprise?
M. David Banks: En fait, c'est la majorité de nos clients. Plus de 85 p. 100 de nos activités concernent ce que vous appelez les petites entreprises.
Certes, nous servons Dell, Lucent, Yamaha et Western Star, mais en fait, ce que nous faisons, c'est financer nos clients. Nous avons 600 000 clients, et près de la moitié d'entre eux sont des petites et moyennes entreprises. La taille moyenne des transactions est probablement d'environ 15 000 $. Nous effectuons aussi de grosses transactions—celles dont on parle dans les journaux—mais nos véritables clients, sont les petites sociétés méthodiques, aux objectifs précis.
M. Roy Cullen: Merci.
Surveillez-vous aussi l'évolution de votre part du marché? Quels résultats obtenez-vous face aux grandes banques?
M. David Banks: Il est un peu compliqué de déterminer notre part du marché car nous ne disposons pas toujours de toutes les données sur tel ou tel segment ou secteur. Ce qui nous est possible de faire c'est de comparer notre taux de croissance à celui des banques commerciales. Il est plus rapide que le leur. Bien entendu, nous suivons de près ce que font nos concurrents, comme GE Capital, et je crois que notre taux de croissance soutient favorablement la comparaison.
M. Roy Cullen: Merci.
Monsieur Banks, vous avez dit que d'une façon générale, vous étiez partisan des fusions de banques. Prenons le cas de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. Changeriez-vous d'avis si vous pensiez que leur stratégie n'est pas nécessairement de se regrouper afin de prendre une place plus importante sur le marché international, mais de renforcer leur position sur le marché national?
M. David Banks: Je ne le pense pas. Manifestement, nous préférerions qu'elles adoptent une optique surtout internationale. Chose curieuse, cela leur permettra sans doute d'acquérir des compétences très utilisables sur notre marché à l'égard des grandes sociétés canadiennes.
M. Roy Cullen: Je croyais vous avoir entendu dire que si le but de leur fusion est d'augmenter leur part du marché mondial, cela les empêcherait de se regrouper et de se concentrer sur le marché national. Peut-être pourriez-vous mieux vous expliquer à ce sujet. Si la stratégie des banques est de consolider* leurs activités nationales... En fait, c'est ce qu'elles nous ont déclaré il y a peu de temps. Elles ne tiennent pas nécessairement à grandir sur le plan international; tout ce qu'elles veulent c'est rationaliser leurs activités nationales ou intérieures. Vous dites donc que cela ne changerait pas votre opinion de...
M. David Banks: Non. Nous sommes des tenants de l'économie libérale et franchement, nous ne devrions pas essayer d'éviter la concurrence si ces institutions vont centrer tous leurs efforts sur le marché intérieur.
Il demeure que nous espérons qu'elles s'intéresseront aussi au marché mondial. C'est un peu compliqué, mais en ouvrant la porte à la concurrence et en invitant des banques étrangères à venir, les banques devront également les considérer comme des concurrentes. Je crois qu'il est indispensable qu'elles soient capables de les affronter directement.
C'est un des arguments que John Cleghorn a utilisés, à juste titre. Cette concurrence les obligera à faire de plus gros efforts pour fournir des fonds et des conseils financiers aux grosses sociétés canadiennes. Si elles essayent en même temps de rationaliser leur position sur le marché intérieur et de nous opposer une concurrence plus vigoureuse, à Dieu vat.
M. Roy Cullen: Lorsque j'ai rencontré M. Cleghorn, M. Barrett et leurs collègues, je m'attendais à ce qu'ils me parlent d'une stratégie conçue pour assurer leur croissance sur le plan international. Ce dont on m'a parlé, c'était plutôt d'une stratégie destinée à renforcer leurs activités sur le marché intérieur. M. Cleghorn et M. Barrett m'ont paru exprimer des vues légèrement différentes, qui s'expliquaient peut-être par le fait que la Banque de Montréal avait déjà eu affaire au marché américain et que son expansion sur le marché international se fera peut-être un peu plus tard que celle de la banque de M. Cleghorn.
Permettez-moi de changer un peu de sujet. Prenons la déduction pour amortissement et les activités de prêt-bail. Je sais que vous vous intéressez à cette déduction parce qu'elle est liée aux actifs loués mais plaçons cela dans le contexte du crédit-bail automobile. La question de ce que les banques devraient faire dans ce domaine a souvent été soulevée à l'occasion des fusions de banques.
Voici comment je vois les choses. Supposons que vous louiez une automobile avec une option de valeur résiduelle et une option d'achat en fin de bail, si c'est comme cela que ça s'appelle. Je sais que ce n'est pas tout à fait pareil, mais supposons que vous ayez la possibilité d'acheter le véhicule à un moment quelconque du bail. En ce moment, à ce que je sais, lorsqu'il s'agit d'un crédit Ford ou GM, c'est la compagnie qui assure le financement.
• 0905
Est-il exact qu'ils profitent de la déduction pour
amortissement? Est-ce que l'intermédiaire, le concessionnaire par
exemple, utilise une déduction pour amortissement, ou est-ce que
c'est le propriétaire ou l'utilisateur du véhicule qui le fait?
Comment cela fonctionne-t-il actuellement? Est-ce normal que ce
soit ainsi? Qui devrait bénéficier de la déduction pour
amortissement, à votre avis?
M. David Banks: Ce devrait être le consommateur. D'après la manière dont fonctionne le marché, je crois que c'est effectivement ce qui se passe. Dans le cas de Ford Motor Credit et de la General Motors Acceptance Corporation Limitée, vous avez affaire à un concurrent très tenace car il s'agit de constructeurs qui sont obligés de continuer à produire des automobiles parce qu'ils ont une armée d'employés syndiqués à qui ils sont bien forcés de donner du travail.
La concurrence est très vigoureuse dans le secteur du crédit-bail automobile. En fin de compte, elle se joue au profit du consommateur. Je crois que lorsqu'il y a déduction pour amortissement, celle-ci est calculée dans le coût mais comme la concurrence est particulièrement âpre, c'est le consommateur qui en bénéficie en fin de compte.
M. Roy Cullen: Donc, dans ce genre de crédit-bail, qui peut prétendre à la déduction pour amortissement? Ford Motor Credit, le concessionnaire Ford, ou la personne qui loue la voiture?
M. David Banks: En fin de compte, c'est le propriétaire, mais cela se répercute sur les coûts de location qui sont moins élevés. Le consommateur est le bénéficiaire ultime, et à en juger d'après la manière dont la plupart des contrats sont rédigés, je crois que ce que l'on espère c'est que le consommateur exercera son option d'achat et deviendra propriétaire de la voiture.
Sur ce marché extrêmement compétitif, la concurrence a tellement fait baisser les prix que les marges sont minimes. Si quelqu'un croit qu'il va pouvoir se mettre la déduction pour amortissement dans la poche, il se fait des illusions car il cesserait alors d'être compétitif.
M. Roy Cullen: Merci.
La question de la stabilité du secteur des services financiers a naturellement été évoquée dans le cadre de la fusion des banques. Je dois vous dire que j'ai suivi la croissance spectaculaire de Newcourt. C'est un extraordinaire exemple de réussite communautaire, et c'est pourquoi nous avons été fort surpris d'apprendre qu'il était possible que Newcourt ait des problèmes de trésorerie et que certains actifs avaient été détournés à d'autres fins, etc. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Dans le contexte de la stabilité du secteur des services financiers, la population du Canada est réduite. On tend donc à une plus grande concentration. Lorsqu'on apprend dans la presse qu'une société comme Newcourt a des problèmes de liquidités—si j'ai bien compris—que cela signifie-t-il si nous laissons les banques fusionner et que nous nous retrouvions tout d'un coup avec deux ou trois institutions géantes et quelques petites? Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet?
M. David Banks: Avec plaisir. J'ai l'impression d'avoir vieilli de 15 ans au cours des dix derniers jours.
En toute franchise, comme le FMI le disait dans sa communication, nous vivons la pire crise financière que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, mais il s'y ajoute une dimension supplémentaire: la manière dont l'information est transmise. Lorsque l'Indonésie ne rembourse pas un prêt, vous l'apprenez instantanément; la seule chose est que vous ne savez pas exactement ce que cela signifie.
J'ai entendu une charmante remarque la semaine dernière; quelqu'un disait qu'il fallait tenir compte du fait que l'ensemble du système bancaire indonésien pesait moins lourd que la Banque Royale du Canada. Il faut donc replacer dans leur contexte certains des problèmes auxquels vous êtes confrontés, et il est difficile de le faire. Je crois simplement que le marché tout entier est très nerveux.
Il y a deux semaines environ, nous avons été inondés par un flot de rumeurs, rumeurs qui étaient particulièrement empoisonnées. Lorsque vous travaillez dans le secteur des marchés publics, vous vous sentez vulnérable. En outre, si votre société réussit, les gens se demandent toujours si elle mérite vraiment tout le bien que la presse en dit. Il y a beaucoup d'émotion refoulée dans tout cela, et lorsque ces rumeurs ont éclaté, j'ai été profondément surpris par la manière dont elles ont fait tache d'huile.
La plus ridicule de ces histoires est peut-être la suivante: une journaliste de Toronto a téléphoné et a dit «Je sais que Steve Hudson a été congédié». J'ai répondu, «Eh bien, c'est faux». Elle a dit, «Bien entendu, je ne vois pas ce que vous auriez pu répondre d'autre». Je n'ai jamais réussi à la convaincre.
Cela m'a rappelé la rumeur qui courait au sujet de la mort de Paul McCartney. Lorsqu'il est apparu à la télévision, ceux qui défendaient la théorie de sa disparition ont immédiatement déclaré que ce n'était pas lui.
Quoi qu'il en soit, toutes sortes de rumeurs ont couru, notamment le bruit que nous n'avions pas financé de crédit. C'était d'autant plus intéressant que le jour même où ces rumeurs ont couru, nous avions financé 1,4 milliard de dollars de papier commercial. Le bruit a également couru que nous ne réussissions pas à placer nos titres. Or, les deux semaines précédentes, nous avions placé 935 millions de dollars de titres négociables.
• 0910
Le bruit a aussi couru que nous manquions de liquidités. En
vérité, le jour suivant au Canada, à cause de ces rumeurs, nous
avons eu quelques difficultés sur le marché du papier commercial et
nous avons été obligés d'utiliser nos lignes de crédit. Les rumeurs
coûtent donc parfois cher.
Selon une des rumeurs mentionnées par vous, nous avons été obligés de vendre des actifs. Nous avions décidé dès le début de l'année, après l'acquisition de AT&T Capital, qu'il serait nécessaire de nous débarrasser de huit entreprises. Chose curieuse, à cause de la concurrence féroce et des valeurs non amorties, l'une d'entre elles était une société de prêt-bail automobile. Il est assez difficile de gagner de l'argent dans ce secteur.
En tout cas, nous avons vendu huit sociétés. La dernière que nous avons vendue a fermé au moment où toutes ces rumeurs couraient, ce qui a fait croire que nous nous étions précipités pour nous en débarrasser à cause des problèmes que nous étions censés avoir sur les marchés financiers. En réalité, il n'en était rien. Il y avait six mois que nous préparions cela. Nous pensions conclure la transaction en août, mais l'affaire n'a pas marché. Nous avons été ravis de la régler finalement. Je crois que ceux qui ont acheté les actifs, en l'occurrence notre division des prêts sur actifs, ont été enchantés de l'opération, et je ne leur veux que du bien; c'est du Prudential que je parle. Pour nous, c'était tout simplement trop risqué.
Je suis donc très content de pouvoir vous parler de cette période assez difficile pour nous. Cela montre combien tous ceux qui sont sur le marché public sont vulnérables aux ventes à découvert.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Banks, vous avez tout à l'heure fait une remarque assez proche de ce que disait M. Discepola. Vous avez commencé par dire que Newcourt a été créée en partie parce que l'industrie de l'assurance-vie entière voulait diversifier son portefeuille, étant donné le repli des marchés immobiliers commerciaux, et que si cette industrie n'avait pas été solide, vous n'existeriez peut-être pas aujourd'hui. Vous avez ensuite déclaré que vous étiez partisan des fusions bancaires, et qu'une des raisons de cette position est que si ces fusions n'ont pas lieu et si les banques n'adoptent pas une optique mondiale, elles risquent de se rabattre sur l'industrie de l'assurance-vie, de provoquer une concentration de ce marché, et d'éliminer ainsi certaines sources de capital. Dites-moi si je vous ai bien compris.
M. David Banks: Oui. J'espère que ce que je vais dire n'est pas trop compliqué, mais ce que nous avons essayé de montrer c'est que dans le secteur bancaire du marché des services financiers, nous n'avons pas d'objection à ce que l'on choisisse la solution du marché libre à l'égard de la concurrence mondiale.
Que cela plaise ou non, la fusion de Citicorp avec Travelers a créé une banque dont les actifs atteignent mille milliards de dollars, et franchement, elle a un avantage sur le plan du financement par rapport à la Nations Bank et à la Bank of America. Voilà des adversaires à qui la Banque de Montréal et la Banque Royale du Canada vont se heurter sur le plan mondial.
Sur le marché bancaire, nous n'avons absolument aucun problème, et nous ne voyons aucune raison de ne pas intervenir sur le marché des services financiers pour acheter une compagnie d'assurance. Ce que nous essayons d'expliquer c'est qu'à un moment donné, la raison doit jouer, sans quoi il y aurait une trop grande concentration des moyens.
J'ajouterai que nous avons été aidés par le fait que l'industrie de l'assurance-vie est très saine. Elle a beaucoup soutenu Newcourt, elle s'est avérée un excellent client, comme l'ont d'ailleurs aussi été les banques. Mais je vous avouerai franchement que nous regretterions beaucoup la disparition de cette industrie ou la réduction de son importance. Je serais donc navré de voir trop d'acquisitions, trop de pertes d'actifs, ou une baisse trop grande de la concurrence.
M. Tony Valeri: L'autre question qui se pose est celle de la démutualisation. Et c'est Manuvie, je crois, qui réclamait un moratoire de cinq ans sur les sociétés démutualisées, afin d'éviter l'acquisition de ces sociétés. Êtes-vous aussi d'accord avec un moratoire de cinq ans?
M. David Banks: John, vous préféreriez...
M. John Sadler: Le moratoire aurait, semble-t-il, pour objet d'interdire l'achat de ces sociétés démutualisées au cours de cette période. Je crois qu'il s'agit là d'assurer la diversité au sein de l'industrie des services financiers—c'est-à-dire qu'il y aura différents types de services financiers au lieu d'un regroupement de compagnies qui appartiendraient au secteur bancaire.
Notre souhait est d'avoir un secteur bancaire très fort et dynamique. Si cela implique quelques fusions, très bien, en particulier si cela permet aux banques d'affronter la concurrence mondiale de manière plus efficace. Nous croyons cependant qu'il est aussi très sain d'avoir une industrie de l'assurance-vie distincte, elle-même dynamique. Nous sommes donc partisans d'un moratoire dans la mesure où cela y contribuerait.
M. Tony Valeri: Une partie du problème que j'essaie de résoudre est que la fusion entraînerait une très forte concentration sur le plan intérieur mais n'ajouterait guère à notre efficacité sur le plan mondial. En tout cas, c'est ce que l'on entend souvent dire. L'effet réel serait une concentration sur le marché intérieur. Pourtant, vous vous dites en faveur des fusions parce que qu'il y aurait moins de concentration sur le plan national en dehors du secteur bancaire.
M. John Sadler: À notre avis, lorsqu'on parle de concentration au sein de l'industrie bancaire, c'est un peu comme lorsqu'on entre dans un bar laitier qui offre six crèmes à la vanille différentes et que le lendemain, on ne vous en propose plus que trois. Cela a-t-il vraiment tant d'importance? Par contre, si l'industrie de l'assurance-vie disparaît totalement parce qu'elle est absorbée par les banques, vous avez affaire à une forme de concentration qui a des conséquences très graves. Elle élimine en effet une forme de financement qui est très différente des modalités de financement qu'une banque peut offrir.
M. Tony Valeri: Vous défendez là votre point de vue. Mais notre problème, c'est que nous devons nous placer dans la perspective du public. Qu'il y ait eu six crèmes à la vanille différentes avant la fusion et qu'il n'y en ait plus maintenant que trois est très important pour le public, même ça ne l'est pas pour vous, étant donné que vos fonds viennent d'ailleurs. C'est ce que je veux dire.
À mon avis, lorsque vous défendez le principe des fusions, c'est parce que vous voulez protéger votre propre entreprise contre la perte possible d'une source de capital, alors que notre tâche est d'essayer d'assurer le maintien d'un marché intérieur compétitif et que nous souhaiterions également parler un peu de l'avenir du secteur des services financiers et du processus de fusion dans son ensemble. Je voulais comprendre clairement votre position.
M. David Banks: Je dois dire qu'il est bien difficile d'établir un équilibre entre ces diverses questions et que je ne vous envie pas votre tâche. Je reconnais que cet équilibre est nécessaire. Si vous vivez dans une petite ville, il faut que vous puissiez avoir accès à des services bancaires concurrentiels. Il faut que vous soyez sûr que vos dépôts seront protégés. Ce n'est pas facile.
Cependant, lorsque l'on considère l'industrie des finances dans son ensemble, on se trouve contraint d'établir un équilibre entre les objectifs des divers secteurs. En ce qui concerne les services bancaires commerciaux, on veut que les banques soient les plus compétitives possible. On veut s'assurer qu'elles ne vont pas disparaître et qu'elles demeurent solides et dynamiques. Je crois que ce sont des questions qui ont été discutées dans toutes les salles des conseils d'administration de ces institutions. Comment faire? Comment assurer l'alimentation en capitaux dans tout le pays?
Ce que nous essayons de dire, je crois, c'est que dans ce secteur, c'est aux banques de trouver une solution, sous votre surveillance. Nous ne nous plaignons pas. Nous sommes prêts à appuyer les fusions de banques si celles-ci jugent que cette mesure est nécessaire pour demeurer compétitives. Nous n'avons pas du tout d'objection, si vous-même ou le public jugiez sage que ces fusions soient examinées au cas par cas et si vous décidiez de la manière d'assurer les services fournis dans tout le pays et des contraintes liées à ces fusions. C'est une question sur laquelle nous ne sommes pas en mesure de faire des commentaires.
M. Tony Valeri: Bien.
M. David Banks: Pourrais-je ajouter une remarque?
M. Tony Valeri: Certainement.
M. David Banks: Elle touche au fond de votre question.
En ce qui nous concerne, nous essayons de déterminer s'il existe une lacune sur le marché. Si nous pouvons abandonner... Il y a une foule de produits. Yamaha est un de nos clients, mais lorsque vous entrez chez un concessionnaire Yamaha, vous ne voyez nulle part le nom de Newcourt. C'est avec lui que vous traitez, un point c'est tout. Je ne sais pas combien de points de vente Yamaha a au Canada, mais on en trouve partout. Si vous voulez acheter une moto, c'est nous qui ouvrons le crédit, qui fournissons les fonds, qui rédigeons le contrat de location-bail, mais nous demeurons invisibles. Nous sommes derrière Yamaha et en ce qui vous concerne, vous traitez uniquement avec le concessionnaire local, et il en est ravi. C'est ainsi qu'un marché libre répond à un besoin. Il assure la décentralisation du service. Où que se trouve ce concessionnaire, que ce soit à Regina ou à Toronto, nous l'aidons à être compétitif et à faire bonne impression sur son client. Ce genre de débouché... C'est ce que finiront par trouver les utilisateurs de créneaux qui sont compétitifs.
Excusez-moi, je tenais à faire cette remarque. Je ne voulais pas vous interrompre.
M. Tony Valeri: Certainement.
• 0920
Vous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez pas opposé aux
fusions elles-mêmes, mais que vous vouliez les examiner au cas par
cas afin de voir si l'équilibre nécessaire existait... Vous dites
en fait qu'il pourrait y avoir des exceptions à la théorie selon
laquelle les gros ne doivent pas acheter d'autres gros... Il
s'agirait donc d'examiner les fusions cas par cas.
M. David Banks: Oui. J'ai constaté que mon point de vue personnel—oublions pour l'instant celui de Newcourt—a changé après ce que la Nations Bank a fait aux États-Unis. C'est aujourd'hui la plus grande banque commerciale américaine. Dans les États où elle a acheté de petites banques, les gens d'affaires locaux vous diront que le service est aujourd'hui meilleur. On leur offre aujourd'hui un produit plus compétitif et moins coûteux.
Trouver le moyen d'établir cet équilibre est quelque chose... Je ne me permettrais pas de dire ce que les banques commerciales devraient faire, hormis que nous n'avons aucune objection à ce qu'elles fusionnent. Si elles pensent que c'est dans leur intérêt, nous ne les contredirons pas. Nous n'en comprenons pas moins combien il est difficile d'essayer de superviser ce processus afin de permettre à toutes les parties de se faire entendre.
M. Tony Valeri: M. MacKay a aussi parlé d'un processus d'examen des fusions. J'aimerais avoir des commentaires à ce sujet. Ce processus est-il trop lourd? À votre avis, convient-il? Y a-t-il un rôle à jouer là-dedans pour le public? Qui devrait diriger le processus? Je souhaiterais avoir quelques observations de caractère général sur le processus décrit par M. MacKay.
M. David Banks: Je ferai moi-même une brève observation après quoi, je demanderai à John de vous décrire de quelle façon ce processus pourrait fonctionner. Du moins, à notre avis.
La remarque m'a paru pertinente, car elle a été exprimée de façon... L'émotion n'a pas sa place là-dedans. Un gros effort de réflexion et d'analyse s'impose dans ce domaine, et il faudrait entendre ce qu'un grand nombre d'intéressés ont à dire. Quant au déroulement du processus, je ne me crois pas compétent pour en parler.
Le président: Monsieur Sadler.
M. John Sadler: Je voudrais en parler, mais je voudrais également revenir à une remarque que vous avez faite plus tôt au sujet de notre intérêt personnel et de nos commentaires.
Au plan du processus, vous avez affaire à des entreprises commerciales qui doivent assurer leur propre fonctionnement. Votre tâche est très difficile car vous êtes obligés de superposer à cela des décisions fondées sur une politique gouvernementale, ce qui est tout à fait légitime mais aussi extrêmement compliqué. C'est le point de contact de ces deux préoccupations qui constitue le défi que vous avez à relever.
Il s'agit de transactions commerciales. Plus elles traînent, plus cela crée d'incertitude sur le marché qui est très compétitif. Il y a des gens qui s'en vont pour aller travailler pour des institutions américaines. Ils quittent le Canada pour prendre un emploi dans les services financiers. Et c'est bien dommage car cela crée une période d'incertitude lorsque deux institutions essayent de fusionner. Nous venons de le faire nous-mêmes, grâce à l'acquisition de AT&T Capital, nous savons qu'il reste beaucoup de travail à faire. Plus vite les questions sont réglées, plus la combinaison des deux entreprises sera efficace.
À l'autre extrémité du spectre, il y a les questions dont vous devez vous occuper, et qui relèvent de la politique publique, questions d'ailleurs tout à fait légitimes. Tout ce que je peux vous recommander c'est d'agir le plus efficacement possible.
En ce qui concerne l'intérêt personnel de Newcourt dans la question de l'industrie de l'assurance-vie, je précise, comme David l'a déjà fait remarquer, je crois, que nos sources de financement sont très diversifiées. Nous continuons pour cela à faire appel à l'industrie de l'assurance-vie. Celle-ci nous achète des produits de titralisation et de syndication.
Donc, ce que nous avons dit au sujet de l'importance de l'industrie de l'assurance-vie en tant que source de fonds distincte de l'industrie bancaire correspond à la déclaration faite dans le rapport MacKay en faveur de la promotion de nouvelles institutions financières supplémentaires. Pour que cela puisse se faire, il faut une source de fonds pour ces institutions, qu'il s'agisse des marchés boursiers, des marchés de la dette ou de l'industrie de l'assurance-vie, du genre de financement des placements privés que nous avons financés ou qu'ils nous ont fournis.
Ce n'était donc pas par pur intérêt personnel que je vous ai parlé. Je faisais simplement une observation sur le rôle important que l'industrie de l'assurance-vie indépendante a joué dans la création de Newcourt.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Valeri.
Monsieur Gleberzon, vous avez une...
M. Bill Gleberzon: Je note simplement que vous avez posé une question au sujet du processus, et dans nos commentaires comme dans notre mémoire, nous sommes d'accord avec cela. Nous espérons que cela se fera de cette manière. Bien entendu, les détails restent à régler, mais à part cela, nous pensons que l'on devrait le faire à cause de la nature du secteur bancaire canadien qui est si différent du secteur américain, avec lequel on nous compare toujours, du simple fait de sa proximité. On nous a dit qu'il y avait 10 000 institutions de dépôts aux États-Unis. Mais combien y en a-t-il au Canada? Bien sûr, notre base démographique est plus petite, mais même si l'on utilise la règle des 10 p. 100, il est probable qu'il nÂy en ait pas autant qui utilisent cette fonction.
Les fusions envisagées ont une importance et une ampleur dont l'effet sur le marché intérieur canadien ne peut aucunement être comparé, ou toutes choses étant égales par ailleurs, à un événement du même genre aux États-Unis. La Nations Bank, par exemple, est devenue la plus grande parce qu'elle a acheté toutes les petites institutions. C'est ce qu'a fait le système bancaire canadien il y a des années, si bien que nous nous retrouvons aujourd'hui avec un système qui est comparativement beaucoup plus concentré que le système américain.
Je crois donc qu'il faut que nous prenions notre temps. L'incertitude est la pire des choses, quelle que soit l'entreprise et quel que soit le marché, mais à cause des effets possibles de ces fusions sur le marché intérieur, il faut que nous prenions notre temps. Il faut que nous utilisions un processus du genre de celui que MacKay envisage. Il faut aussi que les consommateurs y soient associés, parce que s'il est vrai que les créneaux seront occupés par des institutions telles que Newcourt, on peut se demander si le créneau des dépôts sera occupé par des institutions similaires. Cela semble peu probable pour le moment, car comme je l'ai dit des 44 banques étrangères, par exemple, une seule d'entre elles accepte des dépôts, alors qu'elles pourraient toutes le faire.
Le président: J'ai une question à vous poser. Comme vous le savez, le rapport du groupe de travail MacKay porte surtout sur l'avenir du secteur des services financiers. Au cours des dernières semaines, j'ai constaté que beaucoup de témoins nous parlent surtout de la gravité de la situation du secteur des services financiers. Ce que je voudrais savoir, c'est comment vous voyez l'avenir de ce secteur.
Selon le rapport MacKay, les trois principales sources de changement sont la mondialisation, la technologie et la démographie. Ce que propose le comité, c'est d'établir un secteur des services financiers qui fait une plus large place à l'esprit d'entreprise.
Il me semble également qu'il y a une polarisation du débat entre ceux qui ont foi dans les principes de base de l'économie et ceux qui sont fascinés par la révolution technologique. À mon avis, nous sommes en plein milieu d'une période de changement de paradigmes. Cela dit, que deviendra le secteur des services financiers au cours des 15 prochaines années? Nous parlons manifestement de l'avenir.
M. David Banks: Je voudrais bien avoir une boule de cristal. Les contraintes... Pour reprendre deux des remarques que vous avez faites, nous avons vu ce que l'effet de la technologie de l'information a sur la réduction des coûts. Nous sommes encore loin d'avoir déterminé les possibilités de la TI dans le domaine du traitement administratif. Nous avons été éblouis par les possibilités offertes par l'Internet, mais nous avons également vu que son potentiel était loin d'avoir été exploité. Il est probable que si vous travailliez pour les services de R-D d'une banque commerciale, vous vous demanderiez comment diffuser les taux des prêts hypothécaires et les taux de dépôt et comment recueillir ceux-ci électroniquement dans l'ensemble du pays ou d'une province. Je n'ai pas la moindre idée de la manière dont on pourrait le faire.
Ce que l'on peut cependant constater, c'est que le temps qui s'écoule entre la conception d'une idée vraiment bonne et sa concrétisation sur le marché devient de plus en plus court.
• 0930
Nous touchons nous-mêmes au domaine de la technologie
appliquée. Je vous ai donné l'exemple de Yamaha. Le nom de Newcourt
n'apparaît jamais. Les gens ne savent même pas que Newcourt
intervient là-dedans et que cela se fait en collaboration avec la
Banque de Montréal. C'est une façon très astucieuse de présenter un
produit de technologie de l'information et de l'utiliser pour un
concessionnaire local. Nous ne nous occupons pas de la distribution
mais du service. La distribution est assurée par Yamaha, qui en est
ravie et qui, pour la première fois a obtenu un prix d'excellence
pour autre chose qu'un moteur à combustion.
Donc, en résumé, je crois que lorsqu'on essaie de déterminer ce que sera l'effet de la TI dans cinq ans ou plus, on est confronté à un très large éventail de possibilités.
Quelle que soit la qualité de la technologie d'information, les gens continueront à être attirés par les immobilisations de tout repos. Je crois que c'est un domaine dans lequel les banques commerciales du Canada sont très à l'aise. N'oublions pas que le Canada offre d'excellents services bancaires de détail. J'ai vécu à Hong Kong et à Tokyo. J'ai vécu à Londres pendant 19 ans, et j'ai voyagé un peu partout en Europe. Notre système bancaire est excellent et il ne faut jamais l'oublier. Cependant, beaucoup de gens, en particulier peut-être dans les régions, ne sont pas aussi habitués à l'utilisation des ordinateurs et de la technologie d'information et les systèmes de base continueront à exister. On en a besoin. Même dans 15 ans, ils seront encore là.
John, vous vouliez peut-être ajouter quelque chose.
M. John Sadler: Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais revenir aux remarques faites au sujet de la mondialisation.
En fin de compte, les services financiers sont un service comme un autre. Ils suivent le client. Dans le cas de Newcourt, il peut s'agit d'une société telle que Western Star Trucks, une excellente entreprise canadienne de Kelowna (C.-B.), et un des constructeurs de camions lourds de classe mondiale. Newcourt s'est donc efforcée de répondre aux besoins d'entreprises tels que Western Star et de répondre à leurs besoins de financement de leurs clients dans le monde entier. Nous finançons donc aujourd'hui Western Star Trucks en Australie, en Europe, aux États-Unis ainsi qu'au Canada.
Si vous essayez de déterminer l'orientation future de l'industrie des services financiers, n'oubliez pas que c'est une industrie qui s'adapte automatiquement aux besoins de ses clients. Les services financiers manifestent une nette tendance à la mondialisation, mais les facteurs déterminants demeurent le secteur de la fabrication qui est tributaire de ce qui arrive aux clients de l'industrie des services financiers.
Au même moment où toutes ces choses se produisent, il ne faut pas perdre de vue le fait—je sais que vous ne le faites pas—que sur le plan intérieur, on a aussi besoin de services financiers. Il est difficile de trouver un équilibre entre les ambitions des sociétés de services financiers qui veulent, et doivent répondre aux besoins de leurs clients canadiens sur le marché mondial, comme c'est le cas de Western Star, et leurs obligations à l'égard de leurs clients locaux. À mon avis, la mondialisation demeure un facteur important de changement.
Le président: Êtes-vous d'accord avec cette observation? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous ne pouvez pas prédire l'avenir?
M. David Banks: J'ai dit que j'hésiterais beaucoup à prédire ce qui va se passer au cours des 15 prochaines années. Dommage que je n'ai pas de boule de cristal pour cela.
Le président: En tant que Canadiens et députés, nous pouvons certainement essayer d'orienter notre avenir, n'est-ce pas?
M. David Banks: C'est exact.
Pourrais-je revenir à une remarque faite par John? Elle me paraît importante car elle touche à ce qui est l'essentiel des fusions bancaires: Qu'on le veuille ou non, les questions financières ont une dimension planétaire. Les gens préféreraient probablement que ce ne soit pas le cas. Ils préféreraient que les problèmes en Indonésie, au Japon et en Chine, n'aient pas d'effet sur notre économie nationale. Ceux qui le croient se font des illusions. Et c'est une illusion dont nous nous passerions bien.
La capacité de réagir aux changements mondiaux, qu'ils se produisent en Malaisie ou en Afghanistan, aura un effet sur les marchés intérieurs. Ces changements influeront sur les prix des produits, et l'argent en est un. La position relative des différentes collectivités est reflétée par un marché des devises qui est extrêmement sophistiqué et a une dimension mondiale. C'est un marché qui fonctionne 24 heures par jour, sept jours par semaine. Je ne connais pas les chiffres, mais il y a deux ans, cela représentait un mouvement de 300 milliards de dollars par jour. C'est un marché qu'aucun pays ne peut envisager de contrôler à lui tout seul.
• 0935
Il y a cependant un aspect de la mondialisation contre lequel
nous ne pouvons pas lutter, quel qu'en soit notre désir. Du fait de
l'intervention de la technologie, le changement des tendances
financières et économiques dans divers pays ont des répercussions
sur les autres pays. Si vous êtes une économie basée sur les
devises ou influencée par elles—ce qui est le cas de presque tous
les grands pays—il faut en tenir compte. Malheureusement, il n'y
a pas de produit international plus fongible que les finances.
L'échelle du marché mondial est donc quelque chose que Newcourt,
avec sa gamme de produits plus limitée que celle d'une banque
commerciale, doit prendre en considération.
Excusez-moi, vous alliez également poser une autre question.
Le président: Non, je vais laisser M. Gleberzon répondre, je reviendrai ensuite à vous.
M. Bill Gleberzon: Merci. J'allais répondre à cette question d'une façon différente.
Je crois que vous avez répondu à votre propre question, à savoir que c'est aux députés qu'il appartient de prendre une décision au sujet des fusions proposées. Il y a au moins trois scénarios possibles. Vous engagerez l'avenir sur une certaine voie si vous approuvez les fusions, sur une seconde, si vous ne le faites pas, et sur une troisième, si vous n'approuvez pas les fusions mais si vous donnez suite à ce que vous aurez décidé. Il y a, par exemple, le modèle australien. Dans ce pays, un moratoire de dix ans a été imposé aux fusions de banques, afin de permettre à d'autres propositions—comme celles que l'on trouve dans le rapport MacKay—de se concrétiser.
Nous avons eu des entretiens avec la Fédération canadienne d'une entreprise indépendante, qui représente les petites entreprises. Ils nous ont fait observer que le rapport MacKay soutient que si les fusions ont lieu, tout vide ainsi créé pourrait être comblé en autorisant l'entrée des banques étrangères, en étendant le système de coopératives de crédit, en modernisant les sociétés de fiducie, etc. Mais tout cela n'est qu'un voeu pieux qui prend pour hypothèse que si vous permettez cela, c'est ce qui se produira. Pourtant, les derniers paragraphes du rapport MacKay concluent que cela ne se produira pas nécessairement. Tout dépend du leadership et autres formules à la mode du même genre.
Je crois que la véritable réponse à votre question est de remonter à son origine, qui est de savoir ce que vous allez décider pour commencer. S'il y a des fusions de banques et que les choses se passent comme le suggère MacKay, c'est peut-être l'avenir qui nous attend. Mais pour cela, il faudra aussi que tout se passe comme il le dit. Rien ne le garantit.
Si vous n'autorisez pas les fusions, comment allez-vous procéder? Allez-vous adopter quelque chose de semblable au modèle australien, ou allez-vous laisser les choses évoluer normalement, étant donné toutes les autres forces qui s'exercent dans un monde dans lequel, comme on vous l'a dit, il n'est pas possible d'ignorer ce qui se passe au-delà de nos frontières?
Je crois donc qu'il vous appartient de décider, dès le départ, ce que seront ces trois scénarios, et même, d'en envisager peut-être trois ou quatre autres. Ce n'est qu'alors que vous pourrez décider de ce que sera votre avenir.
Le président: Comment se présentera-t-il donc?
M. Bill Gleberzon: Je n'en sais rien. Quelle réponse allez-vous donner? Vous l'avez dit. C'est aux députés qu'il appartient de déterminer ce que sera l'environnement; tout dépendra donc de la solution que vous retiendrez. Il y a manifestement un certain nombre d'acquis—la mondialisation et l'effet de facteurs extérieurs. Comme nous le savons, ce qui se passe en Indonésie a des répercussions, et ce qui se passe au Brésil va aussi en avoir. Mais la question est de savoir ce que nous allons faire au Canada, et tout dépend de la réponse que vous allez donner.
Le président: Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Gleberzon. Lorsque vous comparaissez devant un comité qui étudie l'avenir du secteur des services financiers, de quoi croyez-vous que nous allons parler?
M. Bill Gleberzon: J'espère que ce que vous voulez c'est obtenir les meilleurs conseils possibles afin de prendre une décision que vous présenterez au Parlement. C'est du moins ce que je suppose.
Ce que craint notre organisation c'est que l'avenir envisagé par le rapport MacKay ne soit pas réalisable. Bien qu'un grand nombre de ces éléments soient déjà en place, ils ne marchent pas.
Par exemple, pour reprendre ce que j'ai déjà dit, si vous autorisez les banques à fusionner et que ce qui les intéresse surtout est la mondialisation, quelles organisations vont combler le vide qui sera ainsi créé et qui existe d'ailleurs actuellement dans les zones rurales, les petites villes et les quartiers pauvres des zones urbaines? C'est une question à laquelle nous n'avons pas réponse, mais nous espérons pouvoir poursuivre nos recherches afin d'en trouver aux questions qui se posent dans ce domaine.
• 0940
Une organisation telle que la nôtre juge qu'il est tout aussi
important de soulever les questions, de fournir des réponses
lorsque nous le pouvons et de reconnaître que nous n'avons pas
réponse à tout mais que nous essayerons d'en trouver. C'est ainsi
que je conçois le rôle de ce comité.
Le président: je crois que c'est vraiment là la question. Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est que de nombreux témoins qui comparaissent devant nous se préoccupent surtout de défendre leur territoire. Ils sont dans les affaires et ils veulent protéger ce qu'ils ont créé au fil des années. L'ennui, c'est que cela limite sensiblement le débat. Nous ne semblons jamais parvenir à dépasser ce stade, et cela crée un problème pour nous.
Nous espérons que les Canadiens nous aiderons à esquisser ce que sera notre avenir, si nous tenons à prendre le mot «avenir» au sérieux. Jusqu'à présent, les gens se sont cependant contentés d'exprimer leurs opinions au sujet de la situation actuelle et de la manière dont ils bricoleraient des solutions ponctuelles. Ils ne songent pas aux questions importantes telles que l'effet de la technologie d'ici 10 ou 15 ans, la mondialisation, ou les engagements internationaux que nous avons pris par le biais de l'OMC et d'autres organisations, pas plus que ce qui se passe sur la scène mondiale, ce qui est extrêmement important. Je crois que c'est à cela que nous voudrions trouver des réponses.
Franchement, les deux fusions proposées ne nous préoccupent même pas. Nous considérons qu'il s'agit de pratiques commerciales légitimes, et nous voudrions avoir des commentaires à ce sujet. Je souhaiterais que vous me disiez, par exemple, si vous pensez que la consolidation du secteur des services financiers—je parle uniquement des banques—est une bonne chose ou non. Contribue-t-elle à renforcer la vision qu'a MacKay du monde des entreprises ou non? C'est à cela que nous voulons obtenir des réponses.
M. Bill Gleberzon: La question est de savoir si vous considérez que les entrepreneurs sont des gens qui veulent créer une entreprise, ou si vous les considérez comme de simples consommateurs. Du point de vue du consommateur, je crois qu'on peut dire, sans hésitation que, sur le marché, la concentration n'est pas une bonne chose. Je suis, bien sûr, prêt à en discuter, mais plus il y a de concurrence, mieux cela vaut pour le consommateur.
Si nous considérons les résultats de la déréglementation dans d'autres domaines, nous savons très bien ce qui va se produire dans ce secteur. La déréglementation entraîne en effet une plus grande concentration simplement parce que quelques sociétés sont capables d'en acheter de plus en plus d'autres. C'est ce qui semble se passer dans le secteur des compagnies aériennes américaines, l'industrie du cinéma, en fait, dans n'importe quelle industrie déréglementée.
Voyons maintenant le point de vue du consommateur: dans le domaine de la technologie, par exemple, nous recevons une foule de lettres de la génération actuelle de personnes âgées, qui se sentent extrêmement mal à l'aise lorsqu'elles sont obligées d'utiliser des guichets automatiques, même lorsqu'il ne s'agit que de retirer de l'argent. Ces gens-là préfèrent de loin avoir un être humain en face d'eux. La question est de savoir si c'est un problème de génération. Autrement dit, lorsque la génération actuelle des personnes âgées sera remplacée par les baby-boomers, le problème disparaîtra-t-il ou persistera-t-il? En vieillissant, les baby-boomers se sentiront-ils beaucoup plus à l'aise face à la technologie et n'éprouveront-ils donc pas autant le besoin de traiter avec des êtres humains? Je vous dirai tout de suite que je n'ai pas de réponse à apporter à cette question.
Le président: C'est très précisément le problème de ce débat.
M. Bill Gleberzon: Je le sais bien, mais personne ne connaît la réponse.
Le président: Les gens croient que ce doit être une proposition offrant deux possibilités, mais tel n'est pas le cas. Il pourrait y avoir des personnes âgées et d'autres personnes à vouloir accéder à des succursales, et vous pourriez aussi avoir des gens qui voudraient accéder à la technologie. Vous ne pouvez le nier. C'est comme si nous disions que, puisque notre société compte des illettrés, il ne faudrait pas publier de livres à lire. Cela n'a aucun sens.
M. Bill Gleberzon: Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais je ne pense pas que ce soit le cas des banques. Elles font tout ce qui est possible pour décourager de plus en plus les transactions bancaires en personne, comme leurs décisions tendent à le montrer. Par exemple, elles ont réduit le nombre de caissiers disponibles, ce qui a pour effet d'allonger les files et les périodes d'attente. De fait, elles disent à leurs clients qui veulent un service efficace d'utiliser la machine plutôt que de faire la queue.
• 0945
Comme je l'ai dit, nous aimerions bien qu'il y ait davantage
de préposés aux caisses, et cela pour une variété de raisons.
Toutefois, les banques n'écoutent pas ce que les consommateurs ont
à dire. Elles s'intéressent aux résultats et elles cherchent à
savoir quelle serait la rentabilité par pied carré en installant
une succursale à tel endroit plutôt qu'à tel autre.
La question est de savoir ce que vous pouvez faire à ce sujet. Si c'est là une décision de gestion, de quelle manière la politique publique permet-elle d'en arriver à une telle décision? La question suivante est de savoir si la politique devrait influencer cette décision. Ce sont des questions auxquelles il pourrait bien ne pas y avoir de réponse, dans la pratique.
Si vous considérez l'avenir, c'est la même vieille histoire: avant de savoir où l'on va, il faut d'abord connaître le point de départ. Si nous pensons que l'avenir du secteur des services financiers au Canada profitera aux fusions ou à l'adoption de la vision proposée par le comité MacKay, du point de vue du déposant et du consommateur, la démarche est justifiée, parce qu'elle nous donnera une perspective. Nous craignons que cela ne se produise pas.
Selon nous, si vous autorisez une concurrence accrue en laissant les banques étrangères venir au Canada, elles feront la fine bouche. Elles occuperont les créneaux qui leur plaisent, elles se lanceront dans les activités de gros, elles iront là où elles estiment pouvoir obtenir le meilleur rendement. Pourquoi ne le feraient-elles pas? Le créneau des dépôts n'est peut-être pas le meilleur. De plus, les banques actuelles laisseront-elles d'autres institutions accéder aussi facilement au marché des dépôts? Par exemple, si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance-vie entière, laisseront-elles aussi facilement les compagnies d'assurance accéder au marché des dépôts ou leur donneront-elles un accès direct au système de paiements?
M. Nick Discepola: Si elles paient pour ces services.
M. Bill Gleberzon: Peut-être le feront-elles si les compagnies d'assurance paient, mais je ne sais pas. Je ne crois pas qu'elles abandonneront aussi facilement. Voilà le genre de problèmes avec lesquels il faut composer.
Le président: Je tiens à préciser, monsieur Gleberzon, que peu importe le système auquel nous arriverons, il devra être de classe mondiale. Je parle aussi de la protection du consommateur et du choix du consommateur. Oui, nous nous préoccupons de la concentration du pouvoir.
Permettez-moi de vous poser une question simple: Croyez-vous que la globalisation soit une réalité?
M. Bill Gleberzon: Bien sûr.
Le président: Croyez-vous que le progrès technologique soit une réalité? Croyez-vous qu'il se rapporte au secteur des services financiers? Depuis l'empire romain, nous sommes passés des pièces de monnaie aux billets, puis aux cartes de crédit et aux cartes de débit et finalement à la carte à mémoire. Voilà quelque chose d'assez sûr n'est-ce pas?
M. Bill Gleberzon: Oui, mais comme l'a dit Newcourt, il ne s'agit pas simplement d'information, mais bien de savoir ce que l'on fait de cette information. La globalisation est en cours et la TI se développe à un rythme prodigieux. Plusieurs personnes ont toute l'information, et elles doivent faire un tri et tenter d'y trouver un sens. Dans la mesure du possible, il faut chercher à la comprendre le plus rapidement possible parce que dès que l'information est acquise, elle est suivie d'une toute nouvelle vague.
Bien sûr, c'est là une réalité. La véritable question est de savoir ce qu'il faut en faire. Certains hésitent à nier la réalité—on ne peut faire autrement—mais ils ne savent pas vraiment quoi en faire. Je ne veux pas insister davantage, mais sachez par exemple qu'environ 10 p. 100 seulement de la génération actuelle de personnes âgées utilisent Internet ou un ordinateur. C'est pourquoi je me demande s'il s'agit uniquement d'une question de génération et si la situation changera quand les baby-boomers vieilliront.
Pour répondre à votre question, je dirais que bien sûr j'accepte tout cela. Je n'ai pas le choix, parce que c'est la réalité. Il faut par contre se demander comment composer avec cette réalité, quoi en faire et comment l'organiser.
Le président: Monsieur May, puis nous passerons à Mme Redman.
M. Richard May: Merci. Je vous ferai part de réflexions qui ne sont pas nécessairement celles de l'AFC concernant certaines des choses que j'ai entendues. Ce sont les miennes propres.
Notre organisation a adopté le transfert de fonds électronique il y a quelque temps pour le transfert de la rente de nos titulaires de police, et cela est excellent. L'argent est versé directement dans le compte pour le paiement mensuel de la rente. Il y a moins de problèmes et les titulaires de police sont sûrs que l'argent s'y trouve. De plus, il n'y a pas de problème en cas de grève postale. Tout est très fiable et le système nous coûte beaucoup moins cher en traitement. Cette approche ne comporte que des avantages.
Par contre, un assez grand nombre de nos titulaires de police insistent pour avoir ce chèque à chaque mois. Peu importe qu'ils veuillent voir le bout de papier ou qu'ils veulent entrer à la banque et parler à quelqu'un, ils veulent ce chèque. Pour moi, c'est assez simple. Il ne s'agit pas d'une technologie avancée et évoluée. Si on commence à considérer l'utilisation d'un ordinateur personnel, de l'Internet et de quelque autre développement qui pourrait survenir au cours des 10 ou 15 prochaines années, je ne crois pas qu'une si grande proportion de la population canadienne adopterait cette approche. Un grand nombre de personnes adopteront cette technologie, mais il y aura toujours une partie de la population qui ne l'acceptera pas très bien. Comment fera-t-on pour desservir ces personnes?
• 0950
Je crois que l'idée d'une spécialisation qui permettrait à
certaines organisations de mettre l'accent sur une technologie
évoluée est merveilleuse, et je crois aussi qu'il y en aura
d'autres qui pourront travailler avec ceux et celles qui seront
moins portés à accepter ce type d'environnement.
Malheureusement, quand on considère le transfert électronique de fonds comme un exemple simpliste, il est beaucoup plus économique de traiter le paiement des rentes par des moyens électroniques qu'en émettant des chèques. Par conséquent, il y a un aspect de concurrence et j'ai des réserves parce qu'il y a des Canadiens qui veulent s'en tenir à la voie moins technologique. Comment les institutions, les organisations et le public peuvent-ils soutenir un système qui cherche à concurrencer le volet technologique? Selon moi, c'est là le véritable défi.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
J'aimerais reprendre un thème que vous avez abordé. Je crois que le gouvernement contribuera à déterminer la façon dont le secteur financier fonctionnera au début du prochain millénaire. Je soutiens également que le futur est déjà là et qu'une vaste majorité de Canadiens ne se rendent pas vraiment compte de la percée des banques étrangères dans notre marché. De plus, M. Banks parlait de Newcourt et du fait que nous ne savons pas vraiment avec qui nous traitons, et que, probablement, un grand nombre de consommateurs n'en ont rien à faire.
Une chose m'a frappée à la lecture du rapport du groupe de travail MacKay et aussi en entendant les témoins un peu partout au Canada: je crois que les Canadiens se préoccupent de la souveraineté de l'argent. M. Banks a dit que même si le Canada voulait se protéger contre les forces internationales, il ne serait probablement pas en mesure de le faire. Je crois que c'est une des questions qui n'a pas été débattue: Faut-il laisser les banques étrangères entrer au Canada et faut-il autoriser les fusions bancaires? À quel moment la présence du Canada sur le marché global diverge-t-elle de ce qui est bon pour les Canadiens et comment votre comité et le gouvernement peuvent-ils procéder pour rétablir l'équilibre?
Je n'ai pas les réponses à ces questions, mais je crois sincèrement quelles font partie de ce qui préoccupe les Canadiens, tout comme la technologie et la notion de confort ou d'inconfort. Ce sont des choses qui se produisent de toute façon et c'est la globalisation. Peut-on protéger ce que nous percevons en tant que Canadiens? Ce sont les gouvernements qui accordent les chartes aux banques, ce sont les gouvernements qui les réglementent et nous, nous avons l'obligation de protéger ce qui est dans leur meilleur intérêt. Je crois que cela fait partie de la conversation que nous avons, bien que ce ne soit pas particulièrement bien formulé.
Le président: Allez-y.
M. David Banks: Cela est très bien dit. Je crois que vos propos à tous étaient empreints d'une certaine élégance et que, peut-être, nous n'y avons pas répondu avec autant de précision.
L'an dernier, j'ai assisté à une conférence à la Harvard Business School qui portait très exactement sur ce sujet. L'hypothèse de base était que le rythme du changement s'accélère. On avait remis à chacun des participants un exemplaire du Choc futur d'Alvin Toffler et aussi une petite bouteille de Tylenol. Il ne fait aucun doute que vous êtes aux prises avec des questions très difficiles et que vous ne pouvez arrêter le changement. Vous avez raison, le futur est déjà là et la prochaine vague est je ne sais trop à quelle distance de nous. Cela est vrai de la TI et je crois que nous apprenons.
Personnellement, je me trouve très doué. J'utilise l'Internet. Je connais deux ou trois programmes d'ordinateur différents et j'utilise mon ordinateur à tous les jours—je voyage même avec mon ordinateur. Et pourtant, mon fils peut m'en montrer n'importe quand. Je crois que la disponibilité et la capacité sont fonctions de l'âge. J'en connais certains, au sein même de notre organisation, qui ne voudraient jamais se servir d'un ordinateur—ça les effraie. Et c'est aussi une réalité avec laquelle il faut composer. L'ordinateur existe et il a des applications merveilleuses. On vient tout juste d'en mentionner une pour le transfert des rentes. Nous voyons des possibilités de l'appliquer dans nos affaires, et nous pouvons vraiment le mettre au service de nos clients et à votre service.
La globalisation, quelque pénible et impondérable qu'elle puisse être, est une réalité. C'est une réalité que les grandes banques commerciales cherchent à faire comprendre au grand public. Il est difficile d'en débattre. Mais les banques doivent composer avec ces gens, même si la concurrence se limite au Canada, sur la rue principale à Toronto, avec la Chase ou Citicorp Group. Ces établissements appliquent des taux monétaires, utilisent de la technologie et font appel à une structure de gestion axée sur les coûts qui est globale par nature. Je crois que les banques canadiennes nous disent qu'elles ne veulent pas être placées dans une situation concurrentielle désavantageuse.
• 0955
En règle générale, nous pensons qu'il y a certaines règles à
suivre pour exploiter le changement. L'une d'elles est que la
concurrence nous apportera une meilleure solution. Je dois vous
avouer franchement que s'il n'y avait pas eu de concurrence, nous
n'aurions pu évoluer aussi rapidement que nous l'avons fait. Par
exemple, nous gardons l'oeil sur GE Capital. Cette entreprise se
débrouille très bien et si nous mettons en veilleuse notre façon
d'élaborer des produits et des services, elle nous doublera.
Essentiellement, la concurrence est un très bon objectif et je
crois que le rapport MacKay l'aborde de manière intelligente.
Nous estimons qu'une réglementation adaptée et limitée est un fait concret. Ce que nous avons tenté de démontrer, particulièrement en ce qui a trait à l'industrie de l'assurance-vie entière, concerne l'équilibre. Il serait très intéressant, par exemple, de supposer qu'avec l'informatique et les progrès de la TI, nous n'aurons plus besoin de briques et de mortier dans 10 ou dans 15 ans. Ce n'est probablement pas le cas. De plus, si vous poussiez à l'extrême l'un ou l'autre des arguments que vous avez utilisés, vous pourriez soutenir qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une industrie de l'assurance-vie entière. Nous disons pourtant que vous en avez besoin et qu'il serait dommage qu'elle disparaisse.
Il n'est pas facile de mettre en place une réglementation ciblée selon votre façon d'administrer, mais cela est nécessaire.
Le président: Y a-t-il d'autres observations? Non? C'était donc la dernière question.
Au nom du comité, je tiens à remercier nos panelistes qui ont tenu des propos très intéressants. Nous devons apprendre, je crois, à cohabiter avec deux réalités. La recherche d'un équilibre, comme M. Banks l'a si bien noté, constituera le défi de notre comité. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons définir le futur avec un peu plus de précision. Je compte bien sur votre coopération pour y parvenir.
Nous faisons une pause d'environ cinq minutes afin que le greffier puisse se préparer à recevoir le groupe suivant.
Le président: Je déclare cette séance ouverte de nouveau et je demande aux députés qui font partie de notre comité de bien vouloir s'approcher.
Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du Committee on Monetary and Economic Reform, de Credit Union Central of Ontario, de Davis Webb Schulze and Moon et de l'Association des compagnies de fiducie du Canada.
Nous commencerons cette séance avec l'exposé de M. William Krehm. Bienvenue. Ou plutôt bienvenue de nouveau, devrais-je dire.
M. William Krehm (président, Committee on Monetary and Economic Reform): Merci.
Mon mémoire, qui date un peu, a pris la forme d'un article de fond, intitulé: «The Task force report—a virtuous evasion», dans notre bulletin de nouvelles mensuel. Je ne veux en aucune façon minimiser les efforts du groupe de travail et de son second président.
Le premier document de travail était une disgrâce. Le message était le suivant: pour permettre à la Banque Royale de rattraper les plus grandes banques du monde—la banque était passée de la 12e à la 57e position, si je me souviens bien—il fallait autoriser les fusions. L'auteur du document omet de dire que cinq ou six des plus grandes banques du monde, qui sont comme par hasard japonaises, ont perdu le gros et parfois presque la totalité de leurs capitaux aux mains de spéculateurs et qu'elles ont mauvaise presse à Tokyo depuis sept ou huit ans. Je suis heureux que notre premier ministre ait pu s'en rendre compte quelques mois après le dépôt du document de travail.
Le rapport du groupe de travail contient plusieurs éléments intéressants—par exemple, la possibilité d'un ombudsman payé et nommé par le gouvernement plutôt que par les banques. Cela devrait être élémentaire. Il faut applaudir à de telles initiatives, etc. Mais il ne s'agit pas uniquement de maintien d'emplois par les banques. C'est une considération très valable, mais si on limitait le Canada à cet aspect, la question s'en trouverait faussée.
Il faut connaître la feuille de route de notre industrie bancaire et la fréquence avec laquelle il a fallu la dépanner aux frais des contribuables avant de pouvoir juger de l'avenir de l'industrie financière. Il y a une technologie plutôt mystérieuse pour les communications et l'information, mais ne laissons pas cet aspect masquer le but de leur utilisation ni l'intérêt qu'elle suscite.
Je vous dirai que lorsque nous recevons un chèque de 35 $ d'un abonné d'Italie ou une contribution de 100 $ tirée sur une banque britannique pour notre petit bulletin de nouvelles, il nous est impossible de l'encaisser de ce côté-ci de l'océan, parce que le coût équivaudrait à la valeur nominale du chèque. Et voilà pour les services à guichet unique.
• 1010
L'important est de savoir ce que nous autorisons. Nos banques
fonctionnent selon un système de franchise. Le terme n'est plus à
la mode mais le but est de créer de l'argent. C'est ce qu'on
appelle du seigneuriage. Longtemps encore après la Deuxième Guerre
mondiale, la proportion était habituellement de 10 p. 100 des
dépôts—ce qui, pour l'ensemble du système bancaire, correspondait
au crédit généré puisqu'il s'agissait de dépôts qui devaient être
appuyés par 10 p. 100 de monnaie légale en dépôt à la Banque du
Canada, somme qui ne rapportait aucun intérêt pour les banques. Au
cours des trois dernières décennies, cette proportion a diminué
pour se situer un peu au-dessus de la barre des 4 p. 100 en 1991,
lorsque la Loi sur les banques a été modifiée pour éliminer ces
réserves sur une période de trois ans.
Le multiplicateur, c'est-à-dire le montant du crédit généré par le système bancaire proportionnellement à la monnaie légale qui est en sa possession, est établi pour vous à la page 2 du mémoire. En 1946, la proportion était d'un peu plus de 11 pour 1 et depuis l'élimination des réserves, elle est montée en flèche et elle atteint actuellement 358 pour 1. Ce n'est là que le début de l'histoire, parce que parallèlement à tout cela, il y a eu déréglementation de ce que les banques pouvaient faire avec le crédit généré et les dépôts qu'elles recevaient.
On peut lire dans le Globe and Mail de ce matin, un article sur les pertes considérables de la Banque de Commerce et sur les problèmes que cela pose relativement au projet de fusion avec la Banque Toronto-Dominion. Ce n'est là que le début. Il faudra des mois et peut-être même quelques années avant que les banques épongent les pertes enregistrées avec l'argent qu'elles ont généré—l'argent qu'elles impriment. Vous savez, quand on parle de la Banque du Canada qui prête de l'argent au gouvernement du Canada, il faut plutôt dire qu'elle «imprime de l'argent».
Que font les banques commerciales selon les gens qui le disent? La seule différence est que lorsque la Banque du Canada crée de l'argent en prêtant de l'argent au gouvernement, disons en prenant des obligations d'épargne du gouvernement canadien, l'intérêt payé sur ces obligations revient à l'actionnaire unique qui, comme par hasard, est le gouvernement du Canada. De fait, il s'agit d'un prêt presque sans intérêt.
Ce genre de crédit ne peut être accordé indéfiniment, parce qu'il occasionnerait une tendance inflationniste. Tant et aussi longtemps qu'il y aura des ressources non utilisées au pays... C'est la façon dont la Deuxième Guerre mondiale a été financée, à des taux d'intérêt de 2,5 p. 100 qui, en 1943 ou 1944, ont été réduit à 1,5 p. 100
Voilà ce qui s'est produit. Il y a à la page 2 du mémoire un tableau qui, à l'aide des données statistiques de la Banque du Canada, établit le ratio de l'actif ou du passif total—qui sont identiques par un formalisme de tenue de livres à partie double—par rapport à la monnaie légale en possession des banques. J'ai dit que ce ratio était passé de 11 pour 1 à 358 pour 1, mais cela ne comprend pas les dérivatifs en possession des banques. Vous pouvez vérifier auprès du BSIF, c'est-à-dire le Bureau du surintendant des institutions financières, comme je l'ai fait, et vous apprendrez que le gros de ces dérivatifs avec lesquels les banques prennent des risques, ne figure pas au bilan.
• 1015
La crise qui secoue le monde, la soi-disant crise asiatique,
ne vient pas d'Asie, elle vient de Bâle, en Suisse, de la Banque
des règlements internationaux, qui depuis 48 ans cherche à refaire
le système bancaire du monde à sa propre image. La Banque des
règlements internationaux a été établie en 1930 en tant qu'agence
purement technique des banques centrales, et non des
gouvernements—il s'agit d'une culture différente—pour traiter des
paiements de transfert.
Il me faudra à peine une demi-minute si vous me le permettez.
Le président: Votre intervention sera suivie d'une période de questions et de réponses, alors vous pouvez continuer.
M. William Krehm: Très bien.
Bref, nos banques se sont écartées de la voie qui avait été tracée et qui figure toujours dans la Loi sur la Banque du Canada. Le préambule précise que les banques, dans la mesure où elles peuvent le faire dans le cadre de la politique monétaire, doivent minimiser—ce n'est pas le terme exact—les fluctuations en matière d'échanges, de commerce, de prix et de taux de change, et non seulement maintenir l'inflation au niveau zéro.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Krehm.
Nous entendrons maintenant M. Jonathan Guss, président-directeur général, Credit Union Central of Ontario, qui est accompagné de Mme Laurie Stephens.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Jonathan Guss (président-directeur général, Credit Union Central of Ontario): Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux d'être ici ce matin pour vous faire part de notre point de vue sur le rapport du groupe de travail MacKay. Nous apprécions le fait que vous ayez entrepris cette tâche au nom du gouvernement.
Je promets de m'en tenir à des remarques brèves. J'ai toujours beaucoup à dire mais le mémoire que nous vous avons distribué aujourd'hui contient plus de détails. Je me contenterai donc d'aborder quelques faits saillants.
Premièrement, nous croyons que le rapport MacKay est très impressionnant, qu'il représente un travail impressionnant. Il fournit la preuve incontournable que notre secteur est en évolution. Nous savions tous que le secteur bancaire changeait, mais le groupe MacKay l'a formulé d'une manière très claire en illustrant ce que les répercussions seront.
Nous croyons que le défi des gouvernements sera de modeler l'environnement concurrentiel. Le rapport, comme l'ont dit d'autres témoins, favorise la concurrence. Ce qui laisse entendre qu'il faut ouvrir les vannes, mais il faudra toujours donner forme à cette initiative et s'assurer que tout fonctionne.
Bien entendu, les caisses de crédit et les caisses populaires sont réglementées par les provinces. Ma centrale a été établie au niveau provincial mais elle est réglementée par le fédéral et notre organisation centrale canadienne est également réglementée par le fédéral. Ainsi, vous avez une grande influence sur les décisions que nous prenons et sur la façon dont nous fonctionnons au sein de notre industrie.
Le rapport du groupe de travail favorise les caisses de crédit. Il leur donne un solide vote de confiance. Tout au long du rapport, il est question de notre institution, qui est présentée comme une solution de rechange très viable offrant un potentiel incroyable pour améliorer le marché des services financiers.
Nous avons également aimé les recommandations particulières concernant les caisses de crédit et les centrales de caisses de crédit qui apporteraient une plus grande souplesse à la façon dont nous traitons avec nos caisses de crédit et à la façon dont nos caisses de crédit traitent avec les Canadiens. Selon nous, le gouvernement devrait prendre cette recommandation très au sérieux.
Le rapport est fort bien équilibré. Il pose ce qu'il faut faire pour équilibrer tous les secteurs. Selon nous, il devrait être adopté tel quel.
• 1020
Il y a pourtant une complication pour nous. J'ai dit que notre
organisation est provinciale et partiellement fédérale.
Manifestement, pour que tout fonctionne dans notre cas, il faut que
les gouvernements provinciaux et fédéral collaborent.
L'harmonisation est essentielle pour trouver une façon de persuader
les gouvernements provinciaux qu'il s'agit d'un excellent rapport
contenant de bonnes recommandations. Il s'agit d'un rapport
courageux étant donné que c'est le gouvernement fédéral qui l'a
commandé, mais il contient des conseils à l'intention des deux
niveaux de gouvernement. Je crois que les membres du groupe de
travail ont fait preuve de courage, mais qu'il faut travailler avec
les deux niveaux de gouvernement pour s'assurer qu'il y aura des
résultats. C'est là l'essentiel de mon premier message: les
relations fédérales-provinciales sont essentielles pour qu'il y ait
des résultats et il nous faut votre coopération et celle des
provinces.
Je puis vous en fournir un exemple tiré du domaine des assurances. Les assureurs nous disent de laisser les compagnies d'assurance adhérer à l'Association canadienne des paiements, accéder au système de compensation et recevoir des dépôts. Nous croyons que cela est bon pour la concurrence. Nous estimons que les compagnies d'assurance apporteront une bonne contribution ou qu'elles pourraient le faire. On a dit aussi que les banques et les caisses de crédit devraient être autorisées à offrir, enfin, des produits d'assurance à leurs membres. Nous croyons que cela rendra l'industrie beaucoup plus compétitive et que nous pouvons faire un excellent travail dans ce domaine, mais il faut que les provinces donnent leur accord et qu'elles agissent en temps opportun.
Je pense que je devrais aborder un autre point avant de céder la parole au groupe suivant.
Les caisses de crédit du pays examinent très sérieusement la façon dont elles assurent la prestation de leurs services. Nous examinons de près la structure de notre système. Notre force est le rapport que nous entretenons avec nos clients. Nous les appelons des membres, mais ils sont aussi les propriétaires, de sorte que si nous faisons des profits, ces profits sont retournés à ceux et celles qui ont utilisé les services. Le rapport du groupe de travail reconnaît que nous sommes déjà engagés dans cet exercice d'examen de nos structures et de la façon dont nous nous gouvernons et dont nous assurons la prestation des services.
Nous sommes très hétérogènes. Chacun des directeurs de caisses de crédit est ce que j'appellerais un non-conformiste. Ce sont des gens qui ne voulaient probablement pas travailler pour les banques, ou qui ayant travaillé pour elles n'ont pas aimé leur expérience, et qui veulent plus d'indépendance dans la façon de diriger leur institution financière. C'est pourquoi les caisses de crédit n'arrivent pas toutes à la même conclusion sur la façon d'être dirigées ou de se diriger elles-mêmes.
En Ontario, nous en arrivons à la fin d'une série de rencontres régionales tenues sur une période d'un mois. Nous avons parlé à nos 309 membres en visitant 15 villes, en rencontrant des gens et en discutant à fond avec eux de la façon dont nous devrions fonctionner. L'exercice a été très intéressant. Je crois qu'il importe que vous, les membres du comité, compreniez que peu importe la structure qui émergera pour les caisses de crédit, l'important est de préserver le fait qu'elles appartiennent aux membres et qu'elles sont dirigées par eux et par la collectivité. Et c'est à ce niveau que le rapport MacKay nous est si favorable. Il faut que la direction des institutions financières se situe au niveau de la collectivité pour qu'elles demeurent en place.
Permettez-moi de vous donner un bref exemple. Supposons que vous exploitez une grande banque à l'échelle du pays, ou toute institution financière majeure à l'échelle du pays, et que vous vouliez investir là où vous aurez le rendement le plus élevée. Il s'agit d'une décision tout à fait rationnelle, logique et bonne en soi. Elle est axée sur la perspective de profits. Si vous exploitez une succursale à Thunder Bay et une autre à Calgary et que vous constatez que les actifs à Thunder Bay ne vous rapportent que 6 p. 100 mais que vous pouvez obtenir un rendement de 15 p. 100 à Calgary, vous transférez l'argent de Thunder Bay à Calgary. Il s'agit d'une décision sensée. Par contre, si vous exploitez une caisse de crédit qui est dirigée à Thunder Bay et qui tire tous ses dépôts de Thunder Bay, vous y resterez même si la situation économique se dégrade. Vous ne déplacerez pas l'argent un peu partout au pays. Vous vous contentez des 6 p. 100 obtenus. Vous devez être rentable et vous devez accumuler des bénéfices non répartis et un capital, mais vous ne transférez pas l'argent à l'extérieur de la collectivité. Cela nous donne un avantage distinct. C'est là la notion de direction dans la collectivité. C'est aussi un exemple de la façon dont cela fonctionne.
Je tiens à dire que les caisses de crédit et leurs membres apprécient la capacité de prendre des décisions locales sur la façon de fonctionner. Certaines des options qui sont actuellement abordées par notre organisation nationale et les options qui sont fournies dans le rapport MacKay nous permettent de créer des banques coopératives—et cela est très bien. Ce débat est en cours chez nous. Certaines caisses de crédit pourraient vouloir en profiter, et je n'ai rien contre, mais je dois vous dire que dans le cas de l'Ontario, la grande majorité de nos caisses de crédit n'appuient pas le modèle de banque coopérative à cause de la menace que cela représente pour la notion de direction exercée au sein de la collectivité. Il est possible qu'une telle initiative érode ce rôle de la collectivité et, par conséquent, celui des caisses de crédit. À une ou deux exceptions près, les 309 caisses disent qu'elles ne veulent pas devenir une banque coopérative d'envergure nationale.
• 1025
Par conséquent, vous devriez en être très conscient quand vous
entendrez les autres caisses de crédit un peu partout au pays. Nous
sommes prêts à ce qu'un certain nombre de caisses de crédit aillent
dans ce sens, et nous travaillerons avec elles, mais vous devriez
savoir comment le système perçoit cette option.
C'est ainsi que je mettrai un terme à mes observations préliminaires. J'ai pris beaucoup de temps et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions plus tard durant la matinée.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Guss.
Nous entendrons maintenant M. Gerald Soloway, président, M. Joseph Chertkow, directeur, Législation et politiques, et M. William Harker, de l'Association des compagnies de fiducie du Canada. Bienvenus.
M. Gerald Soloway (président, Association des compagnies de fiducie du Canada): Merci, monsieur le président.
Mon nom est Gerald Soloway et je suis le président de l'Association des compagnies de fiducie. Je suis également président et directeur général de Home Savings & Loan Corporation, une institution réglementée.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. William Harker, président de Trimark Trust et un des vice-présidents de l'Association des compagnies de fiducie, et de M. Joseph Chertkow, directeur, Législation et politiques, de l'association.
L'Association des compagnies de fiducie est un groupe qui représente de petites institutions de dépôt indépendantes. On pourrait dire de nos membres qu'ils occupent des créneaux au plan des services sur le marché de détail et des services financiers aux entreprises et aussi parce qu'ils sont axés sur les collectivités à l'échelle du Canada.
Le secteur de prêts et de fiducie a connu des changements profonds au cours de la dernière décennie. Notre industrie est différente parce que la réforme fédérale de 1992 autorise maintenant les banques à posséder des compagnies de fiducie. Nos membres ont survécu à la consolidation de l'industrie au cours de la dernière décennie et de la très grave récession des valeurs mobilières du début des années 90, et ils sont aujourd'hui convaincus que le deuxième niveau des institutions financières indépendantes canadiennes a un rôle économique important à jouer. Il s'agit d'un secteur de libre entreprise auquel on peut associer de nombreuses innovations en matière de services à la clientèle qui sont maintenant tenues pour acquises sur le marché canadien.
Notre industrie a également eu un rôle clé à jouer dans l'établissement de relations personnelles à long terme pour aider les clients et les propriétaires de petites entreprises à planifier leur avenir financier. Avec le vieillissement de la population du Canada, il y aura un intérêt marqué pour les services financiers.
Deux des principaux thèmes du rapport MacKay sont l'amélioration de la concurrence et de la compétitivité et l'amélioration du cadre réglementaire. Nos membres s'intéressent beaucoup à ce que dit le rapport sur ces thèmes et à ce que le gouvernement aura comme réponse. Par conséquent, nous sommes très heureux de la vision formulée par le groupe de travail concernant le secteur des services financiers du Canada. Selon le rapport, il devrait y avoir plusieurs grandes institutions financières contrôlées par des intérêts canadiens et plusieurs institutions nationales et régionales plus petites, avec des positions concurrentielles fortes sur le marché intérieur qu'elles desservent. Cela est particulièrement important à la lumière des projets de fusion visant à créer des mégabanques.
La question essentielle que nous posons à votre comité est la suivante: Quel type de cadre de travail et de politiques seront mis en place par le gouvernement fédéral pour favoriser davantage de sources de concurrence? Les institutions étrangères sont une source possible. Toutefois, nous ne croyons pas qu'un grand nombre de banques étrangères seront incitées à s'établir au Canada à la suite des changements apportés à la politique sur l'entrée des banques étrangères. Nous croyons que certaines viendront au Canada, mais il n'y en aura pas beaucoup. Toutefois, nous croyons que la seule véritable source de concurrence sur le marché de détail doit venir des institutions canadiennes, y compris des plus petites compagnies de fiducie et des caisses de crédit, qui sont axées sur la collectivité et la région.
• 1030
Les questions auxquelles votre comité devra répondre
comprennent le type de politiques qui peuvent être mises en oeuvre
pour créer un contexte dans lequel les membres du second niveau
pourront devenir de meilleurs concurrents et le type d'incitatifs
qui peuvent être adoptés au profit des institutions de deuxième
niveau et de leurs clients.
Au départ, nous croyons que les règles ne devraient pas favoriser les grandes institutions au détriment des petites. Je tiens à mentionner une initiative réglementaire récente, la proposition de la SADC qui doit entrer en vigueur le 30 avril 1999 et qui vise un régime de primes liées au risque pour l'assurance-dépôts au Canada.
Nous croyons qu'il faudrait aller dans l'autre sens plutôt que d'encourager l'établissement d'un solide second niveau. Une telle initiative pourrait nuire aux intérêts des plus petites compagnies en les rendant moins concurrentielles. Nous estimons que le système proposé fera en sorte d'attribuer aux plus petites institutions un niveau de risques plus élevé et que cela sera source de difficultés financières. Il est difficile de réaliser des profits si le système vous pénalise; de plus, les primes plus élevées qui seront imposées surtout aux plus petites compagnies contribueront à amenuiser les marges bénéficiaires qui diminuent déjà. Selon nous, il s'agit d'une expérience dangereuse. Nous avons proposé à la SADC un projet pilote d'une durée de deux ans avant la mise en oeuvre du plan. Selon nous, il faudrait qu'Ottawa remette sérieusement en question la valeur actuelle de tout dispositif de gestion du risque utile.
Cela étant dit, la question principale concerne les approches à prendre pour favoriser un second niveau essentiel d'institutions financières canadiennes. Permettez-moi, l'espace d'un moment, de revenir à quelques-unes des recommandations pertinentes du rapport MacKay. Certaines visent à faciliter le démarrage d'institutions financières. Le rapport recommande un allégement du fardeau fiscal avec la reconnaissance du fait que l'impôt sur le capital et non les impôts sur le revenu constitue un obstacle important à l'entrée d'institutions de plus petite envergure. Mais pourquoi faudrait-il limiter l'exonération de dix ans d'impôt sur le capital aux nouvelles institutions? Nous pensons que les membres actuels et les nouveaux membres dans ce secteur devraient bénéficier de ce genre de soutien. Nous estimons aussi que le gouvernement devrait aller plus loin et qu'il devrait éliminer la taxe sur le capital pour les plus petites institutions, tant nouvelles qu'existantes.
Deuxièmement, le groupe de travail recommande un nouveau mandat pour le BSIF, qui serait de favoriser une approche plus entrepreneuriale et innovatrice à la réglementation des services financiers. Cela fait référence à l'évolution de la culture de supervision. Le groupe de travail recommande aussi que les responsables de la réglementation adoptent une politique plus nuancée. Nous sommes heureux de l'orientation du rapport MacKay et nous comptons bien que les recommandations seront appliquées.
Toutefois, nous croyons que le groupe de travail ne va pas assez loin. Nous recommanderions également que le vérificateur général contribue à identifier la gamme des obligations de compte rendu et de conformité, qui est très étendue, et qui s'applique actuellement aux petites institutions, et nous recommanderions une simplification du système.
Nous recommandons aussi l'établissement au sein du BSIF d'une division des petites institutions qui serait constituée de personnes ayant une expérience et une expertise particulières des petites institutions. C'est la façon dont la culture de supervision peut changer.
Le groupe de travail recommande l'élimination des chevauchements réglementaires au niveau fédéral. Le BSIF devrait être le seul organisme de réglementation. Il faudrait se débarrasser des aspects du mandat de la SADC qui font double emploi. C'est ce que nous favorisons depuis des années et nous appuyons fermement la recommandation du rapport MacKay à ce chapitre.
• 1035
Le groupe de travail fait certaines recommandations pour
favoriser le secteur coopératif. Ces recommandations comprennent
l'octroi du statut de banque à des institutions, qui deviendraient
des banques coopératives. Nous appuyons la reconnaissance des
caisses de crédit du Canada comme élément majeur du second niveau
et de la mise en oeuvre des recommandations proposées. Nous croyons
que les nouveaux pouvoirs proposés pour les caisses de crédit
devraient—dans la mesure du possible et je le dis, dans la mesure
du possible, parce que ce ne sera pas toujours le cas—être étendus
au secteur des compagnies de fiducie.
Nous insistons sur le fait que, pour améliorer la concurrence intérieure, les petites institutions entrepreneuriales du Canada devraient bénéficier des mêmes incitatifs que ceux qui sont offerts au secteur coopératif. En d'autres mots, pourquoi ne pas établir des règles du jeu équitables pour les caisses de crédit? Cela devrait comprendre la possibilité de convertir des compagnies de fiducie pour en faire des banques communautaires. Le droit de se constituer en banque à charte ou de continuer comme banque communautaire devrait être clairement reconnu pour toutes les compagnies de fiducie actuelles et futures.
En conclusion, nous appuyons la vision du groupe de travail pour le secteur des services financiers. Nous prions le gouvernement de donner suite à sa vision. Nous estimons qu'il est dans l'intérêt des Canadiens que cette vision comprenne un second niveau dynamique et concurrentiel d'institutions financières indépendantes.
Nous vous remercions de nous avoir offert la possibilité de commenter le rapport MacKay.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Soloway.
Nous entendrons maintenant M. Christopher Moon, de Davis Webb Schulze & Moon. Bienvenue.
M. Christopher Moon (avocat, Davis Webb Schulze & Moon): Merci, monsieur le président et membres du comité.
J'apprécie grandement la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis un avocat de société au service de Davis Webb Schulze & Moon, à Brampton, où je pratique le droit des sociétés et le droit commercial depuis 25 ans environ. Le nom de la société Davis est bien connu dans le monde de la politique et du gouvernement, mais je ne considère pas mon témoignage comme un exposé politique ni comme un exposé de notre société. Je suis plutôt personnellement préoccupé des conséquences des décisions que le Parlement doit prendre et je crois avoir certains points à soumettre à votre réflexion.
Je fais partie aussi de l'exécutif de la section du droit commercial de l'Association du Barreau canadien et j'ai été directeur de la Chambre de commerce de Brampton, de sorte que le point de vue que je vous apporte aujourd'hui est celui d'une personne qui est engagée dans le milieu des affaires, principalement du milieu de la petite et moyenne entreprise et de quelqu'un qui entretient depuis longtemps des rapports avec les banques locales.
J'aborderai trois éléments du rapport MacKay, auquel j'accorde mon appui général, comme c'est le cas des autres intervenants. Ces éléments sont les prêts aux petites entreprises, le caractère confidentiel des renseignements et les questions liées aux consommateurs, de même que la compétitivité des banques et les fusions bancaires.
La section du rapport qui traite des attentes des Canadiens en matière de comportement des sociétés reconnaît que les prêts aux petites entreprises est un sujet de débat public continu et qu'il est souvent critiqué parce que les banques refusent de financer le démarrage d'entreprises. J'ai consacré plusieurs années à défendre les intérêts des deux parties. J'ai été témoin des difficultés qui surgissent lorsque les banques restreignent le crédit de manière apparemment unilatérale ou qu'elles ne veulent plus financer le démarrage d'une entreprise en particulier. D'autre part, j'ai représenté la plupart des grandes banques dans le cadre de programmes de prêts fusions de banques, y compris les prêts à de petites entreprises dans le cadre du programme de prêt garanti destiné à l'amélioration des entreprises. J'ai traité des garanties et des avances relativement à plusieurs centaines de prêts à de petites entreprises au cours des trois dernières années seulement.
Le programme de prêt aux petites entreprises est un atout important pour les petites entreprises et il favorise le démarrage et la croissance de nombreuses entreprises. Toutefois, j'ai aussi été témoin de l'échec de plusieurs d'entre elles. Quand notre cabinet intervient pour liquider les actifs, il y a des pertes considérables dans la plupart des cas. Sans ce programme, les banques seraient dans une situation à peu près intenable quand vient le temps de prêter à ces petites entreprises.
Une des recommandations concrètes du rapport MacKay concernant le financement des petites entreprises, pour les aider directement, est que les prêteurs devraient être disposés à offrir des programmes de financement plus innovateurs à des prix appropriés pour les emprunteurs à risques élevés qui, actuellement, ne peuvent probablement pas obtenir de financement. Selon mon expérience, cela constitue une déclaration plutôt naïve puisque dans tous les cas à risque élevé, il n'y a pas de prix approprié qui permette de couvrir le ratio de perte et le coût de l'administration. Si, au plan de la politique publique, nous voulons continuer de financer ce type de prêts—je crois que nous devrions le faire—il faudra que le gouvernement continue de participer aux risques dans le cadre de programmes comme le programme de prêt destiné à l'amélioration d'entreprises. Ce n'est pas vraiment sérieux que de blâmer les banques qui n'offrent pas ces prêts.
• 1040
Pour ce qui est du caractère privé des renseignements et des
droits des consommateurs, je suis personnellement d'accord avec
toute l'argumentation qui vise à donner plus de pouvoirs aux
consommateurs. Les banques sont dans une position de pouvoir et
d'influence considérables face à leurs clients et elles devraient
être tenues de rendre des comptes sur la façon dont elles utilisent
ce pouvoir. Le rapport reconnaît que ce pouvoir comporte deux
aspects: l'un porte sur le caractère confidentiel des
renseignements personnels et l'autre, sur le crédit.
Personnellement, j'irais plus loin que le rapport en ce qui a trait au caractère confidentiel des renseignements. Aucun client ne devrait recevoir d'appel d'un représentant d'assurance-vie qui se sert de renseignements obtenus d'un département de crédit. De même, le département de crédit ne devrait obtenir aucun renseignement sur la santé ou sur le dossier médical d'un client de ce groupe d'assurance, même au sein d'une même banque. Je recommanderais que les banques soient empêchées, par voie législative, de divulguer les renseignements financiers, personnels ou médicaux obtenus dans le cadre de la vente d'un produit ou d'un service à une autre succursale ou à une autre division. De même, elles ne devraient jamais utiliser ces renseignements pour commercialiser les produits ou les services d'une autre succursale ou division sans le consentement préalable du client.
Il y a aussi une question beaucoup plus délicate à aborder, celle de la compétitivité et de la politique sur les fusions. À ce sujet, je dirais que le rapport MacKay vise en plein dans le mille, mais qu'il est plutôt favorable à la surréglementation des banques en matière de fusion. Bien que le rapport précise que cela est important pour la politique publique de ne pas imposer de contraintes inutiles en matière de décisions de gestion, il recommande l'établissement d'un processus d'examen détaillé de l'intérêt public face aux fusions. Le ministre des Finances pourrait obtenir des engagements exécutoires et refuser d'autoriser une fusion si l'intérêt public l'y poussait. Cela s'ajoute à l'examen concurrentiel en vertu de la Loi sur la concurrence et à un examen des garanties par le surintendant des institutions financières.
Selon moi, si une fusion bancaire peut résister à un examen concurrentiel et à un examen des garanties, le public pourrait être assuré que son argent est en sécurité et qu'il y aura toujours de la concurrence dans le secteur financier. Ce sont des façons légitimes de vérifier si l'on tient compte de l'intérêt public au plan économique. Je soutiens qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin et d'instituer un processus d'examen de l'intérêt public en général. Une saine concurrence fera en sorte que les consommateurs obtiennent de bons services financiers.
Le fait d'exiger davantage d'engagements publics de la part de deux banques canadiennes qui souhaitent prendre de l'expansion par le biais d'une fusion que d'une banque qui souhaite procéder par développement interne ou d'une banque étrangère est préjudiciable aux plus petites banques canadiennes ou même aux plus grandes, et cela n'est pas justifiable. Le rapport MacKay lui-même reconnaît qu'en bout de ligne, c'est le leadership des banques et des actionnaires de l'institution en cause qui détermineront quelle stratégie est la meilleure pour chacune des institutions.
Malgré l'image que présente le rapport MacKay d'un avenir concurrentiel et dynamique, ses recommandations concernant les fusions semblent basées sur une approche passée telle que les banques canadiennes peuvent être réglementées au chapitre de leurs combinaisons commerciales sans que cela puisse affecter gravement leur capacité de concurrencer. Dans un environnement déréglementé, concurrentiel et en pleine croissance, cette conclusion est intenable et pourrait s'avérer contre-productive dans la poursuite de l'objectif déclaré d'une forte présence des banques canadiennes.
De même, il semble que la recommandation d'un examen d'intérêt public en matière de fusion suppose que les banques canadiennes seraient soumises à un ensemble de règles différent et plus lourd que celui qui est imposé aux institutions étrangères ou aux autres établissements non bancaires, comme les compagnies de prêt axé sur l'actif et incorporées au niveau provincial, et les compagnies d'assurance. À moins que ces règles ne s'appliquent à tous les participants du marché, la réglementation des fusions bancaires canadiennes et l'obligation de prendre des initiatives d'intérêt public potentiellement non économiques et coûteuses ne peuvent que diminuer la capacité des banques de concurrencer efficacement et avantageusement avec d'autres institutions. Les banques canadiennes pourraient être dans une situation compétitive désavantageuse par rapport à des établissements étrangers et non bancaires.
Si des initiatives doivent être autorisées dans ces circonstances, je suis d'avis que leur durée et leur portée devraient être limitées.
• 1045
La recommandation selon laquelle le ministre devrait avoir le
pouvoir d'interdire une fusion pour des raisons d'intérêt public
laisse entendre qu'il devrait faire une enquête trop superficielle
et trop arbitraire. Je crois qu'il devrait y avoir des preuves
fondées d'un tort clair et réel important pour le public canadien
en général avant que le ministre soit autorisé à intervenir dans la
décision des deux banques de fusionner. La politique devrait
favoriser la liberté des entreprises et assurer la protection du
public et non l'interférence du public en matière de décisions
commerciales.
La définition et l'expression «intérêt public» devraient également reconnaître que la liberté en matière de choix de gestion pour les banques canadiennes dans un marché concurrentiel global est en soi dans l'intérêt du public. Les entreprises, y compris les banques, ont besoin de certains faits avant de prendre des décisions et d'aller de l'avant.
Une politique définie en termes vagues, comme le suggère le rapport, crée de l'incertitude, nuit au processus de prise de décision et affecte la capacité des entreprises d'agir de manière décisive en vue de créer ou d'exploiter des possibilités d'affaires.
Pour conclure, monsieur le président, je vous soumettrais que pour en arriver à des retombées maximales pour les clients des banques, le Canada et les banques elles-mêmes, toute réglementation concernant les fusions devrait s'appliquer à l'ensemble des intervenants du milieu bancaire, y compris l'examen des projets de fusion d'entités étrangères qui s'adonnent à des activités bancaires sur le marché canadien.
L'imposition d'initiatives ou de conditions pour les fusions bancaires canadiennes devrait être l'exception plutôt que la règle. Elles ne devraient pas être requises à moins qu'il y ait un danger clair et réel pour le public canadien en général. Ces initiatives devraient être d'une portée et d'une durée limitées. Il faudrait aussi définir l'intérêt public afin de reconnaître le fait qu'il est souhaitable, dans l'intérêt public, que les banques et les entreprises bénéficient d'une liberté d'action pour être concurrentielles.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions plus tard.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Moon.
Nous en arrivons maintenant à la période de questions et réponses, et nous commençons par M. Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président. Messieurs, merci pour les exposés que vous venez de nous faire.
J'ai quelques questions à poser. La première s'adresse à M. Guss.
On peut lire ce qui suit dans votre mémoire: «Pour cette raison, nous appuyons entièrement les recommandations»—il s'agit de la première—«qui obligeraient les institutions financières à s'intéresser à leur collectivité et à y rendre des comptes». Que voulez-vous dire exactement par cela? J'imagine que dans le cadre de bonnes pratiques commerciales, les institutions financières voudraient, de manière générale, avoir une bonne image d'entreprise et entretenir de bons rapports avec la collectivité. Êtes-vous en train de nous laisser entendre que nous devrions réglementer en quelque sorte une participation à la vie communautaire? Que voulez-vous dire exactement par cela?
M. Jonathan Guss: D'accord. Permettez-moi d'être clair. Je crois que vous devriez réglementer le moins possible...
M. Dick Harris: D'accord.
M. Jonathan Guss: ... mais que vous devriez aussi établir certaines règles pour inciter les organismes à rendre des comptes à leurs collectivités.
Une des raisons pour lesquelles nous croyons que vous ne devriez pas réglementer est que nous le faisons naturellement par la façon dont nous sommes établis, incorporés et gouvernés. J'en reviens toujours à l'expression «direction». La structure des caisses de crédit est telle que nous devons tout naturellement rendre des comptes aux collectivités dans lesquelles nous sommes établis. Et nous en sommes très fiers.
Nous appuyons donc la recommandation du rapport MacKay voulant que les institutions financières doivent rendre des comptes à la collectivité. Nous sommes là pour vous, nous vous appuyons et nous le faisons bien. Laissez aux autres institutions le soin de déterminer comment elles veulent procéder. Nous obtenons une bonne part de marché sur la base de cette orientation communautaire.
M. Dick Harris: Selon vous, que faut-il entendre dans le rapport MacKay par la notion que les institutions financières doivent rendre des comptes à leurs collectivités? Qu'est-ce que cela vous dit?
M. Jonathan Guss: J'ai donné plus tôt l'exemple de la façon dont les organisations qui sont établies au pays ou à l'échelle du globe enverront l'argent là où elles obtiennent les taux de rendement les plus élevés.
Je crois donc que si vous êtes installé dans une collectivité depuis des années et que vous touchez un rendement de l'avoir de 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100, vous devez vraiment quelque chose à la collectivité. Quand l'économie connaît des difficultés, vous ne devriez pas vous retirer. Il faut être rationnel. Il faut faire preuve de bon sens. Il faut s'assurer d'être rentable, mais pour une différence de trois ou quatre points de pourcentage sur le rendement, il n'y a pas lieu de se retirer. Bien sûr, nos caisses de crédit demeurent dans les collectivités.
C'est ainsi que je demanderais à d'autres institutions pourquoi elles ferment des succursales. Elles peuvent toujours continuer de faire de l'argent dans ces collectivités, avec ces succursales. Je ne pense pas que par règlement on puisse leur dire de rester. Elles devraient trouver chez elles le sens et les valeurs nécessaires pour demeurer.
M. Dick Harris: Vous parlez donc d'incitatifs supplémentaires...
M. Jonathan Guss: C'est exact.
M. Dick Harris: ... et d'influence plutôt que d'une réglementation. C'est très bien, merci.
Monsieur Moon, j'ai aimé votre exposé, particulièrement quand vous avez dit qu'un prêteur devrait être disposé à offrir un financement plus innovateur à des prix appropriés à des emprunteurs à risques plus élevés. Je conviens avec vous qu'il s'agit d'une déclaration plutôt naïve. Je ne crois pas que nous puissions réglementer les banques pour ce qui est de certaines pratiques en matière de prêt. Nous ne pouvons leur dire à qui elles doivent prêter de l'argent. Je crois plutôt que nous devrions offrir des débouchés à ceux qui ont plus d'expertise et qui s'intéressent davantage aux prêts à risques élevés pour leur permettre de s'établir et de combler le vide qui va du microprêt jusqu'aux premiers échelons de prêt pour le démarrage et l'expansion de petites entreprises.
Avez-vous une observation à faire à ce sujet?
M. Christopher Moon: Bien que je ne l'ai pas mentionné, cela fait partie de mes notes. Je pense aussi que M. Matthew Barrett, de la Banque de Montréal, a proposé d'établir une nouvelle banque pour la petite entreprise. Cela a été rendu public avant la publication du rapport MacKay. Je crois qu'il s'agit là d'une approche innovatrice. Toutefois, il n'a pas dit qu'il était disposé à perdre de l'argent. La pensée innovatrice est une chose, mais c'en est une autre que de laisser entendre que les banques devraient prendre des risques élevés sans exiger un prix approprié pour se couvrir.
M. Dick Harris: Je me souviens de lui avoir posé une question à ce sujet. Il m'avait répondu que son institution avait des prêts représentant environ 100 millions de dollars. Je lui ai dit: «Eh bien, M. Barrett, je crois que nous parlons d'environ 500 à 5 000 $ pour les microprêts». Je crois qu'il s'est rendu compte que nous l'encouragions à incorporer aux plans de la banque la possibilité de microprêts, dans la mesure du possible.
J'ai une autre question pour vous, monsieur Moon. Je pense que nous parlons de l'engagement public. Vous avez mentionné ce qui suit dans votre mémoire:
-
Le fait d'exiger davantage d'engagement public de deux banques
canadiennes qui veulent croître en fusionnant, plutôt que d'une
banque qui a une croissance interne ou que d'une banque étrangère,
est préjudiciable aux plus petites banques canadiennes et n'est pas
justifiable.
J'ai tendance à être d'accord avec cette affirmation. Je penserais—et vous verrez ce que vous en pensez—que l'engagement public qui ferait partie de toute proposition de fusion pourrait possiblement se limiter à un plan d'atténuation des effets d'une réduction de la taille des succursales et du nombre d'employés.
Pensez-vous que c'est là tout l'engagement public que nous pouvons exiger des banques—qu'elles incorporent à leur projet de fusion, le type de mesures d'atténuation auxquelles elles entendent recourir si elles reconnaissent qu'il doit y avoir une réduction des effectifs, le type de mesures d'atténuation auxquelles elles entendent recourir?
M. Christopher Moon: Selon moi, il y a deux aspects à cela. Le premier, et vous avez insisté sur cet aspect, est que nous ne devrions pas sauter sur l'occasion de fusionner afin d'exiger des conditions de deux banques en particulier, peut-être à leur détriment sur le marché, comparativement à d'autres qui n'ont pas à faire de telles concessions, comme les banques étrangères et les banques non réglementées.
Pour ce qui est du type de choses que vous aimeriez faire, il se pourrait bien que l'un des buts de la fusion soit de réduire les coûts. Après avoir lu certains des documents d'information, cela me paraît être une question importante pour les banques, c'est-à-dire de réduire leurs coûts d'exploitation. Comme les gens constituent l'un des coûts majeurs, il faut supposer que les gens font partie du processus. Comme M. Barrett l'a dit dans un autre document que j'ai déposé, il est possible de réduire les coûts en prenant de l'expansion ou en réduisant les frais généraux.
• 1055
Je ne pense pas qu'il soit approprié de demander à une banque
comment elle entend faire face à ce problème; il vaut plutôt mieux
la sensibiliser au problème. Je ne crois pas qu'il soit approprié
non plus de leur dire, comme le suggère le rapport, que le ministre
leur refuse l'autorisation de fusionner parce qu'il n'est pas
d'accord avec ce que les banques proposent.
M. Dick Harris: Merci, monsieur Moon.
J'ai une autre question, si vous me le permettez, qui s'adresse à M. Soloway. J'aimerais avoir quelques clarifications s'il vous plaît monsieur. À la page 4 de votre mémoire il est question de la possibilité de convertir les compagnies de fiducie en banques communautaires. Je traite avec une compagnie de fiducie et, en ce qui me concerne, c'est ma banque. J'y fais des dépôts. J'y peux y obtenir à peu près tous les services qui sont offerts par une banque à charte ou une banque de premier niveau. Quelle serait la différence entre une compagnie de fiducie, comme celle avec laquelle je traite aujourd'hui, et une banque communautaire?
M. Gerald Soloway: Dans une large mesure, je crois que les banques ont davantage de pouvoirs pour desservir la collectivité, par exemple pour émettre des lettres de crédit. M. Harker vous donnera plus de précisions à ce sujet.
M. William Harker (vice-président, Association des compagnies de fiducie du Canada): J'ajouterai simplement quelques éléments aux garanties et aux lettres de crédit. Sachez cependant que des restrictions s'appliquent aux compagnies de fiducie concernant les prêts fusions de banques, qui sont un secteur important. En outre, si on faisait aussi des concessions en matière d'encouragements ou d'incitatifs à l'intention des petites institutions ou de ces banques communautaires—qui pourraient prendre la forme de pouvoirs que les grandes banques ne pourraient pas avoir—cela pourrait devenir un élément de différenciation important.
Les services bancaires fusions de banques sont une caractéristique importante des banques qui ne s'appliquent pas aux compagnies de fiducie.
M. Gerald Soloway: Simplement pour aller plus loin, vous dites que les banques ont des pouvoirs que les compagnies de fiducie n'ont pas. Si elles doivent offrir un meilleur service à la collectivité et livrer concurrence dans un secteur géographique donné, la possibilité de devenir une banque serait appréciée.
M. Dick Harris: La possibilité de faire des prêts commerciaux serait probablement un gros changement. Cela ouvrirait-il davantage de débouchés?
M. Gerald Soloway: Oui.
M. Joseph Chertkow (directeur, Législation et politiques, Association des compagnies de fiducie du Canada): J'aimerais élaborer sur cette réponse. Deux choses me viennent à l'esprit. Premièrement, les banques ne sont pas soumises à un chevauchement de juridiction provinciale comme notre industrie l'est depuis 25 ans. C'est la véritable valeur de la succursale bancaire.
Deuxièmement, il y a le fait très obscur que seule une banque peut utiliser l'expression «opérations bancaires», qui est inscrite dans la Loi sur les banques. Elles ont donc le monopole d'une expression française et c'est là une valeur de la franchise bancaire. Dans la mesure où cela est perçu comme un avantage, je pense qu'il devrait être possible de continuer dans la même voie ou de devenir une banque.
M. Dick Harris: Merci.
J'ai une dernière question, monsieur le président, pour M. Krehm. Votre proposition est intéressante. Si je comprends bien, vous parlez de l'obligation que nos institutions prêteuses reviennent davantage à un système de réserve. C'est une notion dont on parle depuis des décennies, je crois. Les opposants disent que bien qu'il s'agit d'une assez bonne idée, il serait bien que toutes nos devises soient couvertes par des réserves d'or.
M. William Krehm: Cela n'a rien à voir avec la question.
M. Dick Harris: D'accord. Mais le fait d'exiger un système de réserve ne contribuerait-il pas à augmenter les coûts d'exploitation des institutions financières, coûts qui seraient éventuellement refilés aux consommateurs sous forme de frais de service? Ne finirions-nous pas par payer un prix plus élevé pour les services?
M. William Krehm: Premièrement, nous avons eu un système de réserve partiel pour les banques jusqu'en 1994, et aux États-Unis—étant donné que nous avons parlé de règles du jeu équitables—les banques doivent toujours confier 3 p. 100 de leurs dépôts à la Federal Reserve. La Bundesbank, qui est le temple du monétarisme, a des réserves de 2 p. 100. Voici l'avantage de cette approche: en cas de surchauffe de l'économie, plutôt que d'essayer d'intervenir en augmentant les taux d'intérêt, on augmente les exigences de réserve, ce qui restreint le crédit. Cela ne plaît pas nécessairement aux spéculateurs financiers qui comptent sur les fluctuations des taux d'intérêt, mais cela aide la collectivité.
Voilà qui répond à votre question immédiate. Cela n'a rien à voir avec l'or.
M. Dick Harris: Vous avez parlé de la crise asiatique. Je crois que vous avez dit que la crise asiatique est essentiellement attribuable à une décision concernant...
M. William Krehm: La déréglementation des banques.
M. Dick Harris: Exact.
Taïwan est un des pays asiatiques qui a survécu à la crise. Quand j'ai demandé au ministre des Finances pourquoi le système bancaire de son pays avait si bien survécu à la crise asiatique, il m'a répondu en termes très généraux «Dans notre pays, nous ne faisons pas de prêts stupides». Il a ajouté «Le fait est que plusieurs autres pays asiatiques ont des difficultés parce qu'ils consentent des prêts très importants et que le pourcentage de leurs prêts non productifs a grimpé en flèche. Étant donné que nous sommes beaucoup plus prudents concernant le crédit accordé par les banques, nos prêts non productifs sont minuscules comparativement aux leurs».
M. William Krehm: Puis-je dire un mot au sujet des prêts prudents?
M. Dick Harris: Bien sûr.
M. William Krehm: Cela a quelque chose à voir avec la crise asiatique et les emprunteurs de la petite entreprise au Canada.
Qu'arrive-t-il quand nos mégabanques perdent des milliards de dollars en prêts imprudents dans des pays au sujet desquels elles connaissent très peu de choses? Elles rappellent les lignes de crédit de leurs petits emprunteurs. Cela arrive lors de toute crise. Et c'est la raison de laquelle nous ne devrions pas parler de libre marché, de déréglementation des banques. Nous devrions les laisser prendre de l'expansion en Asie sans tenir compte de l'effet que cela pourrait avoir sur les petits emprunteurs au Canada. Quiconque est dans ce commerce—et je l'ai été—peut vous dire que lorsque les banques connaissent des difficultés, les petites entreprises perdent leur ligne de crédit du jour au lendemain. Cela arrive parce que les banques ont eu des difficultés à financer des entreprises comme Campeau aux États-Unis, qui faisait collection de grands magasins.
M. Dick Harris: Je sais de quoi vous parlez. J'ai été en affaires dans les années 80 en Colombie-Britannique, et je sais exactement de quoi vous parlez.
Je n'ai pas considéré que les prêts accordés à des pays d'Amérique latine ou que les prêts accordés à certains pays du tiers monde étaient très prudents, quand elles ont perdu des centaines...
M. William Krehm: Je ne considère pas que certains des prêts faits à New York sont très prudents. Je parle des fonds de couverture à long terme auxquels s'intéressent certains de nos entrepreneurs financiers les plus intelligents et les plus importants... Vous ne pouvez discuter des besoins des emprunteurs du pays sans considérer dans quoi sont engagées nos banques à l'échelle globale. La globalisation des communications est un fait. Par ailleurs, le fait de s'en servir pour jouer 24 heures par jour avec l'argent d'autrui ou avec le crédit que les banques peuvent créer, avec l'autorisation du gouvernement du Canada, est une tout autre chose.
M. Dick Harris: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de vos interventions réfléchies.
Monsieur Moon, vous avez parlé de prêt aux petites entreprises et de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Il y a un an, Wells Fargo comptait environ 10 000 clients au Canada. Aujourd'hui, elle en a environ 120 000. L'institution fait des profits en consentant des prêts au taux préférentiel plus 8 p. 100. Sachant cela, croyez-vous qu'il y de véritables possibilités pour le secteur privé de prêter aux petites entreprises sans l'intervention du gouvernement, et croyez-vous que nous puissions rouvrir ce dossier? Je pense aux dispositions pour les nouvelles banques formulées dans le rapport MacKay et aux avantages pour ces nouvelles banques.
J'aimerais bien connaître vos observations sur cette question. Y a-t-il des choses qui, du point de vue de l'organisme de réglementation, peuvent faire en sorte que le gouvernement ne s'occupe plus de prêts? Je suis un Canadien de la région de l'Atlantique et je vois plutôt d'un mauvais oeil le fait que le gouvernement prête aux entreprises; je reconnais qu'il y a des avantages, mais il y a aussi des inconvénients.
D'un point de vue réglementaire, que pouvons-nous faire pour encourager d'autres intervenants du secteur des services financiers, qu'il s'agisse de banques étrangères, de nouvelles banques, de compagnies de fiducie ou de caisses de crédit et pour faire en sorte que cette activité parrainée par le gouvernement devienne une activité axée sur le marché qui, dans les faits, contribue à augmenter ou à tout le moins à maintenir l'accès au crédit pour les petites entreprises et qui permette aux fonctionnaires, aux bureaucrates et aux politiciens d'arrêter de déterminer le risque du point de vue du crédit d'une petite entreprise?
M. Christopher Moon: Je ne suis pas banquier, par conséquent mes propos valent ce qu'ils valent. Je sais pour avoir traité avec les banques à charte canadienne au cours des trois ou quatre dernières années que l'analyse statistique des plus petits prêts permet aux institutions de prendre des décisions en matière de prêt à un groupe ayant un profil particulier ou à un groupe sans garantie importante et de reconnaître qu'il y aura une certaine proportion de pertes plutôt que de faire une analyse détaillée pour chaque prêt.
Je sais aussi que le coût du prêt constitue également un élément concurrentiel. Certaines banques établissent des programmes de prêt à faible coût pour des montants de 50 000 $ à 75 000 $ comme s'il s'agissait d'émettre une carte de crédit pour les petites entreprises. Ces banques examinent le crédit personnel du propriétaire plutôt que de l'entreprise elle-même, et reconnaissent que si la personne a un bon dossier de crédit, elle devrait rembourser son prêt.
Pour ce que j'en connais, ce type d'analyse est déjà en usage pour les programmes de prêt au Canada. Sans une connaissance directe, je serais porté à croire que Wells Fargo et d'autres institutions font ce type d'analyses pour mettre sur pied des programmes de prêts. Mais je ne saurais commenter plus avant.
M. Scott Brison: Je crois comprendre que Wells Fargo reconnaît à la base que ces prêts comportent des risques importants et que les taux sont ajustés en conséquence. À une époque, les banques faisaient des prêts personnels, et c'était le bon temps. Ce genre de prêts occasionnaient moins de pertes que celles qui ont été enregistrées pour les prêts étrangers au cours des années 80. Je parle du coût élevé des emprunts, mais je crois qu'il y a toujours place pour les prêts personnels. Si nous faisons en sorte que les dispositions soient avantageuses pour les nouvelles banques—et peut-être aussi pour les caisses de crédit et les compagnies de fiducie—peut-être pourront-elles augmenter et améliorer l'accès au capital dans les petites villes sans compromettre le statut des banques à charte.
M. William Krehm: Puis-je dire quelque chose à ce sujet? Il y a quelques jours, le Wall Street Journal publiait des données statistiques montrant que les banques les plus stables et les plus rentables aux États-Unis ne sont pas les grandes banques, mais bien les banques du milieu de gamme qui, essentiellement, font toujours des prêts personnels, un élément qui bien entendu échappe à l'informatique. Deuxièmement, les banques communautaires connaissent leurs clients, elles évoluent parmi eux et elles savent à qui on peut faire confiance et à qui on ne doit pas faire confiance. Ces banques réussissent mieux.
• 1110
Nous avons suggéré au groupe de travail d'établir un nouveau
type de banque à charte. Peut-être que quelques-unes des caisses de
crédit pourraient accéder à cette catégorie, bien que leur problème
soit d'appartenir aux déposants, alors que les banques ont besoin
d'actifs à court terme encaissables. Les banques reçoivent des
dépôts.
Pour cette nouvelle catégorie de banque à charte, les prêts seraient limités—j'espère que M. Barrett me le pardonne—à un ou deux millions de dollars. En retour, on pourrait demander à ces banques d'installer des succursales dans les collectivités ayant une population inférieure à 10 000 habitants, par exemple, qui sont pénalisés parce que les grandes banques réduisent leurs effectifs. Cela constituerait un atout extrêmement important. Il y a aussi beaucoup de personnes qui ont l'expérience des banques et qui sont sans emploi à cause de la réduction des effectifs. Il n'y aurait aucune difficulté à trouver le personnel nécessaire pour une banque de ce type et les clients mécontents des grandes banques se précipiteraient vers ces petites banques.
Ces banques s'établiraient comme banques communautaires, resteraient sur place et ne pourraient devenir très grosses. De toute façon, les grandes banques ne s'intéressent pas tellement à ce marché; elles s'intéressent plutôt au gros marché. Si vous participez à un prêt consortial de 100 millions de dollars, il suffit d'un cadre dirigeant pour signer l'engagement. Malheureusement, les banques ne connaissent pas beaucoup ce genre de transactions, qui peuvent ricocher et affecter aussi les banques taiwannaises. Voilà ce qui est bien dans une économie globalisée qui abat tous les obstacles. C'est comme un gros navire lancé à toute vapeur.
M. Scott Brison: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
M. Jonathan Guss: Je veux revenir à Wells Fargo. Je crois qu'il s'agit d'un excellent exemple qui montre bien que le défi est l'accès et non le prix. Je dirais au gouvernement que lorsqu'il s'agit d'examiner la possibilité d'un programme de prêts, il faut l'envisager du point de vue des incitatifs à créer un accès au financement, sans se préoccuper du prix.
Les caisses de crédit font beaucoup de prêts à la petite entreprise. En Ontario, notre actif est de 13,5 millions de dollars dont deux milliards, soit 15 p. 100, représentent des prêts à la petite entreprise. Quand je parle de «petite entreprise», je veux dire vraiment de très petites entreprises. Nous considérons qu'il est facile d'obtenir du crédit à Toronto. La concurrence est vive à Toronto et il est beaucoup plus facile d'y obtenir un prêt commercial. Dès que vous vous éloignez vers la banlieue de Toronto, cela devient beaucoup plus difficile. Il suffit de regarder autour de soi pour découvrir qu'il y a des compagnies de fiducie et des caisses de crédit et qu'elles sont les concurrents les plus manifestes—à l'extérieur de la ville. C'est parce que les banques ne se tirent pas aussi bien d'affaires en banlieue.
Je crois donc qu'il faut trouver des incitatifs pour que les banques viennent en banlieue et aussi pour nous permettre d'accéder à ces marchés.
M. Scott Brison: Merci.
Merci, monsieur le président. Puis-je poser deux autres questions?
Le président: Oui, vous le pouvez, surtout si elles sont bonnes.
M. Scott Brison: Elles le sont toujours. Vous êtes très bon pour moi, monsieur le président.
J'ai posé cette question au sujet des nouvelles banques à d'autres témoins parce que je crois vraiment qu'il soit possible d'établir de nouvelles banques. Si nous parvenons, d'un point de vue réglementaire, à établir les avantages appropriés, nous pourrons éliminer les craintes que les gens peuvent avoir au sujet d'un système de plus en plus monopolistique ou oligopolistique.
Quelles sont vos idées concernant les avantages qui pourraient être offerts à de nouvelles banques? Je sais que M. MacKay a suggéré une exonération temporaire d'impôt. Vous avez suggéré une mesure qui ne soit pas discriminatoire. Il y a aussi la possibilité que les gouvernements envisagent de se retirer du domaine du prêt commercial aux entreprises et qu'il y ait des incitatifs ou des débouchés particuliers pour les prêts à risques élevés et les prêts à taux élevés.
• 1115
On pourrait rattacher cette idée à autre chose, comme je l'ai
fait lors de la rencontre à Halifax avec des représentants de
sociétés de crédit-bail et d'assurance. Si on n'autorise pas les
grandes banques à vendre de l'assurance et à offrir du crédit-bail,
que pensez-vous de la venue des nouvelles banques? Les gens à qui
j'ai parlé n'étaient pas contre l'idée que ces petites banques de
10 millions de dollars viennent dans ce secteur, parce qu'elles ne
jugent pas qu'il s'agit d'une concurrence déloyale.
Peut-être pourrait-il y avoir des avantages en matière d'assurance-dépôts pour atténuer les craintes des petites banques et, bien sûr, un accès complet au système de paiements. D'un point de vue technologique, la possibilité de faire des affaires avec une petite banque communautaire en Nouvelle-Écosse à partir de Toronto et d'obtenir de l'argent dans un guichet automatique est très attrayante. Je pense que la technologie plus que toute autre chose offre la possibilité d'un meilleur accès à ces petites banques.
Que croyez-vous que nous pourrions faire pour vraiment inciter les banques à aller dans ce sens, pour faire en sorte que la réglementation du gouvernement n'interfère pas avec les règles du jeu qui disent que les banques ne peuvent faire telle ou telle chose?
M. William Harker: Peut-être pourrais-je commencer à répondre. Je pense que vous avez donné une longue liste de très bonnes idées. L'accès au système de paiements n'est peut-être pas essentiel au départ, mais dès que vous êtes établi, vos clients vous demandent d'accéder à ces services.
Les primes de la SADC sont un facteur important. Nous l'avons déjà mentionné, mais les propositions actuelles nuiront aux petites banques presque par définition. Si les risques ne sont pas diversifiés, vous devez vous situer dans une catégorie de risques plus élevés, ce qui est probablement exact par définition mais qui risque de nuire à la petite institution. À tout le moins, ne pénalisons pas la petite institution. Peut-être pouvons-nous lui offrir un incitatif.
Je pense que vous avez tout à fait raison. Il sera beaucoup plus facile de voir s'il y aura des répercussions négatives sur un secteur de l'industrie comme le crédit-bail. Si on autorise d'abord les petites institutions à entrer sur le marché, nous aurons au moins tout le temps nécessaire pour que cela se produise à l'échelle nationale. En résumé, ce sont toutes de très bonnes initiatives.
M. Gerald Soloway: Permettez-moi d'ajouter quelque chose, monsieur Brison. Dans le cas d'une petite compagnie réglementée—je cherche uniquement à élaborer sur cet aspect—il doit y avoir un contexte réglementaire qui favorise ce que vous dites. Notre entreprise est une petite compagnie publique qui dispose d'actifs de près de 550 millions de dollars, mais à l'échelle des compagnies, notre entreprise est petite. Face à l'organisme de réglementation provincial et à la SADC, qui s'occupe de l'assurance sur nos dépôts, si le contexte est tel que si vous faites quelque chose d'un peu différent et de risqué, aucune compagnie responsable ne se lancera dans les prêts fusions de banques à moins que les conditions ne soient favorables. En d'autres mots, je parle d'une compagnie comme la nôtre. Je peux vous dire qu'à tous les niveaux de réglementation, on considère le prêt commercial comme la mort des petites compagnies.
La Société d'assurance-dépôts du Canada a une très grande responsabilité. Elle permet à toutes les petites compagnies—et c'est la même chose pour ce qui est des caisses de crédit, mais par des voies différentes—d'inciter le public à lui confier de l'argent. Le public nous donne de l'argent. Nous lui versons des intérêts et nos dépôts sont assurés par une tierce partie, qui est le gouvernement fédéral. Par conséquent, les autorités réglementaires ont une lourde responsabilité de s'assurer que nous ne connaîtrons pas d'échec, afin que le public ne soit pas obligé de payer les pots cassés par l'entremise de la SADC, etc.
Si les autorités réglementaires nous disaient «Nous n'aimons pas cela. Peu importe ce que dit la loi, nous ne vous encouragerons pas à vous lancer dans ce domaine en tant que petite compagnie», il faudrait être une petite compagnie plutôt particulière pour se risquer dans ces conditions. Vous dites aussi qu'il ne doit pas y avoir qu'un changement législatif, qu'il doit y avoir des incitatifs pour amener les petites compagnies à le faire.
M. Scott Brison: Si nous voulions envisager un système évolutionnaire, peut-être que la Loi sur les prêts aux petites entreprises pourrait s'appliquer aux nouvelles banques et favoriser la coopération entre le gouvernement fédéral et les nouvelles banques, en supposant que les nouvelles banques comprennent mieux les entreprises locales. Il s'agit là aussi d'un avantage. Peut-être pourrait-il y avoir quelque chose de neuf qui ferait intervenir la Loi sur les prêts aux petites entreprises. C'est peut-être une idée.
Le président: Une dernière observation, monsieur Krehm.
M. William Krehm: L'intervenant précédent a parlé de climat risqué et de climat rassurant. Tant et aussi longtemps que vous utilisez uniquement des taux intérêts élevés pour calmer l'économie, vous ne créez pas de climat sûr pour les petites banques et les mégabanques. La seule différence entre les deux est que les mégabanques sont trop grosses pour dégringoler. Soit dit en passant, cela fait partie de tous les documents sur les banques. Il s'agit d'une loi tacite. Habituellement, les petites banques et les compagnies de fiducie font faillite ou font l'objet d'une prise de contrôle.
Le président: Merci, monsieur Krehm.
Nous passons maintenant à M. Valeri, qui sera suivi de M. Cullen et de M. Discepola.
M. Tony Valeri: Je n'ai que quelques questions concernant les coopératives. M. MacKay parle d'un rôle accru pour les coopératives. Vous avez dit qu'en Ontario vous ne vous lanceriez pas dans les banques communautaires à cause du fardeau que vous impose la réglementation de rendre des comptes. Vous le faites déjà et vous dites pouvoir le faire mieux, alors pourquoi opter pour les banques communautaires?
Je sais que la question a été posée de diverses façons, mais j'aimerais être plus précis. Y a-t-il des pouvoirs particuliers qui échappent actuellement aux coopératives et qui limitent leur capacité réelle de concurrencer les banques?
Deuxièmement, je crois qu'il y a certaines différences quand on examine les caisses de crédit d'un point de vue national. Il suffit de voir la force des caisses populaires au Québec. Prenez aussi l'exemple de VanCity, à Vancouver, et d'autres coopératives plus petites. Il y a des différences réelles du point de vue de la taille. Y a-t-il un dénominateur commun, compte tenu de la taille et de la portée, auquel nous devrions, en tant que gouvernement, nous intéresser et qui contribuerait à créer un type de caisse de crédit nationale dans le secteur bancaire?
M. Jonathan Guss: Merci. C'est une question merveilleuse. En tout premier lieu, je devrais m'assurer qu'il n'y a pas de malentendu au sujet de ce que j'ai dit concernant les banques communautaires. Quand j'ai dit que les caisses de crédit de l'Ontario n'étaient pas entichées par l'idée d'une banque coopérative nationale, je disais en réalité qu'elles ne sont pas intéressées à faire partie d'une institution nationale comportant des succursales à l'échelle du pays, parce qu'elles pourraient perdre leur lien avec la collectivité. Je vous ai induit en erreur: elles ne sont pas contre le fait de devenir des banques communautaires en tant que tel.
M. Tony Valeri: D'accord.
M. Jonathan Guss: En d'autres mots, une caisse de crédit qui s'appellerait ABC Credit Union à Toronto pourrait bien se dire, chic, pourquoi n'utiliserions-nous pas les pouvoirs accordés aux banques en vertu de la loi fédérale en devenant la Banque communautaire ABC. En même temps, la caisse souhaite demeurer à Toronto sous la direction de gens de Toronto et garder avec les membres une relation étroite qui découle de la direction exercée par la collectivité.
Bien qu'il y ait peu de caisses de crédit qui veulent vraiment l'établissement d'une banque coopérative nationale, je dis simplement qu'il y en a plusieurs que cela intéresserait. Si elles devenaient une banque, elles voudraient se contenter d'être une banque communautaire et de maintenir leurs racines dans la collectivité. Voilà pour la première observation.
Toute cette question suscite un débat très intéressant et c'est ce que nous avons demandé à M. MacKay de faire. Nous avons demandé un débat sur la pertinence de devenir une banque coopérative nationale.
La Loi sur les banques accorde certains pouvoirs—M. Soloway en a mentionné quelques-uns—qui pourraient aider les caisses de crédit. L'un d'eux est la possibilité de faire du prêt commercial, mais cela est limité. Certaines caisses de crédit aimeraient aller au-delà de ces limites et le fait de devenir une banque les aiderait certainement.
Par contre, il y a des inconvénients, et nous avons fait certaines recherches. Le mot «banque», malgré ce qu'en disent les promoteurs, suscite certaines réactions.
Nous avons fait des recherches. Nous avons parlé à 2 400 Canadiens. Nous avons fait appel à Environics, une très bonne société. Leur sondage indique que la notion de banque est fort bien acceptée à Toronto, mais qu'ailleurs il est probablement mieux d'être une caisse de crédit, bien que les gens ne comprennent pas très bien ce qu'est une caisse de crédit. On nous a dit qu'il vaudrait mieux garder le nom de caisse de crédit et chercher à mieux faire connaître le sens de votre désignation. Il n'est pas nécessaire de faire partie d'un groupe. Toute la collectivité peut accéder à la caisse de crédit, qui offre une gamme de services, comme une banque. Mais de grâce, ne prenez pas le titre de banque.
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Et pourquoi cela? Pourquoi est-ce si différent à Toronto? À
Toronto, 250 000 personnes travaillent pour les banques, ce qui
veut dire que presque tout le monde travaille pour une banque ou a
une mère, un père, une soeur, un frère ou un enfant qui travaille
pour une banque. Donc, les gens de Toronto en ont contre les
banques. Partout ailleurs, les gens qui n'aiment pas les banques
changent d'institution. C'est pourquoi les caisses de crédit et les
compagnies de fiducie ont tellement d'attrait partout ailleurs.
Vous avez mentionné les écarts géographiques. Je viens d'en parler. Supposons que vous habitiez la Saskatchewan, où 30 p. 100 du marché est occupé par les caisses de crédit, ou la Colombie-Britannique, où 25 p. 100 du marché appartient aux caisses de crédit. Plus vous vous éloignez de Toronto et plus vous vous éloignez du siège social, où les décisions sont prises, plus vous serez porté à essayer une autre solution. Par contre, si vous habitez Toronto, vous êtes très satisfait de votre banque. S'il y a lieu, vous vous plaindrez localement, et vous obtiendrez une rétroaction.
Je n'ai pas répondu à toutes les questions, mais j'ai abordé certains éléments auxquels je tiens.
M. Tony Valeri: Pour ce qui est du dénominateur commun, y a-t-il quelque chose qui pourrait servir de dénominateur commun dans une structure de caisse de crédit et qui favoriserait l'établissement d'une solution de rechange nationale aux banques?
M. Jonathan Guss: Oui. Nous devons simplifier le mécanisme de prise de décisions. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le gestionnaire de toute caisse de crédit est un non-conformiste qui jouit d'une grande indépendance parce que les décisions se prennent localement. Il faut donc modifier la Loi sur les associations coopératives de crédit, la LACC, qui est la loi qui chapeaute les centrales de caisse de crédit.
Il y a une centrale dans chacune des provinces, sauf au Québec qui a son propre système, les caisses Desjardins. Nous croyons que les centrales devraient envisager une fusion pour rationaliser le processus de prise de décisions locales à l'échelle du pays.
Dans un sens, je suis en train d'éliminer mon propre emploi. Je travaille très fort avec les dirigeants des autres centrales afin de créer une centrale nationale qui prenne les décisions sur la façon d'assurer la prestation des services localement.
La loi ne nous autorise pas à fusionner. Par conséquent, aucune loi ne nous permet de continuer. Il est donc essentiel de modifier cette loi.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Oui, j'ai d'autres questions, monsieur le président. Merci.
Je veux parler du processus d'examen des fusions. Selon vous, monsieur Moon, le processus mis de l'avant par M. MacKay est quelque peu onéreux et n'est probablement pas nécessaire. Je vous pose une question à laquelle j'aimerais que d'autres intervenants répondent également.
En vous écoutant, j'ai eu une certaine impression. Vous avez dit que tant que le mécanisme fonctionne sur le marché et que les marchés sont capables de le supporter, les consommateurs ne devraient pas avoir leur mot à dire, parce qu'on s'occupera d'eux de toute façon.
Le rapport MacKay précise que toutes les grandes fusions devraient être soumises aux dispositions du Bureau de la politique de concurrence, du Bureau du surintendant des institutions financières et aussi à un processus d'examen public. De plus, le rapport précise que le ministre devrait conserver certains pouvoirs discrétionnaires relativement à des décisions au cas par cas.
Vous estimez que cela n'est pas nécessaire. Voilà votre position: les consommateurs ne devraient pas avoir leur mot à dire dans ce processus.
M. Christopher Moon: Essentiellement, oui. Permettez-moi d'insister sur le fait que si le public est protégé, nous ne devrions pas chercher à nous en prendre aux banques lorsqu'elles cherchent à s'allier pour obtenir des concessions qu'elles ne seraient pas obligées de faire si elles se contentaient de croître.
M. Tony Valeri: Supposons, d'un point de vue purement technique, que le Bureau de la politique de concurrence vous dise que pour tel produit, vous excédez le seuil de 65-35, et que, par conséquent, vous devez fermer toutes ces succursales. Vous nous dites que cela est tout à fait acceptable pourvu que l'on s'y conforme et que l'intérêt du public n'aie pas à être abordé compte tenu de la Loi sur les banques et de la façon dont le système bancaire a évolué au pays.
M. Christopher Moon: Je n'ai pas participé à ce débat de manière directe, mais j'ai lu sur la question et j'ai parlé à des gens. Quand des compagnies comme ING ou mbanx viennent offrir des services bancaires sans établir de succursales, il est tout naturel que les yeux se tournent du côté des formes traditionnelles des services bancaires. Nous examinerons ce que nous avons toujours fait. Mais de dire à une entreprise qu'elle doit continuer de faire ce qu'elle a toujours fait quand elle pense qu'elle devrait agir autrement peut avoir des résultats contre-productifs pour l'ensemble de l'économie. Peut-être les banques prennent-elles une mauvaise décision, mais qui d'autres devrait la prendre? Sont-ce les gouvernements ou les personnes qui exploitent les entreprises?
M. Tony Valeri: Ce n'est pas le gouvernement qui prend la décision. Le but de l'examen public est de permettre au public de jouer son rôle. Ce n'est pas le gouvernement qui, lundi matin, dira aux banques «Vous devez faire ceci parce que c'est ce que nous croyons que vous devriez faire».
Je mets en doute votre observation concernant le fait que le processus n'est pas nécessaire. D'un certain point de vue, je pourrais être d'accord avec vous si vous disiez que les gouvernements ne devraient pas dire simplement oui ou non. Nous recommandons un processus qui permette au public de participer. C'est la raison d'être de votre comité, qui permet à tous d'exprimer leurs opinions à ce sujet comme vous l'avez fait ce matin et comme d'autres le feront. C'est véritablement ce que vous remettez en question et c'est cela que je trouve un peu perturbant.
M. Christopher Moon: Je comprends bien. Je crois avoir dit deux choses. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable d'imposer ce processus à un type d'activités commerciales particulières—une combinaison de deux entreprises—quand on ne s'y oppose pas en d'autres temps.
M. Tony Valeri: Cela s'appliquerait à toutes les fusions qui représentent une valeur de cinq milliards de dollars ou plus dans le secteur des services financiers.
M. Christopher Moon: Si le public est préoccupé—et je crois qu'il se préoccupe de la façon dont les institutions financières fonctionnent dans les collectivités—peut-être faudrait-il un examen annuel des activités, peu importe qu'il y ait une fusion ou non.
M. Tony Valeri: Cela constitue une autre proposition du rapport MacKay—qu'un ombudsman soumette un tel examen au Parlement ou au ministre.
M. Christopher Moon: L'essentiel de ma suggestion était de demander au ministre pourquoi il choisit les fusions pour le faire.
M. Tony Valeri: Je voudrais répondre à cela, parce que vous me rappelez quelque chose. Personne ne s'en prend aux fusions. Au départ, les banques ont demandé au groupe de travail de préparer le rapport qui a été soumis. Le fait que les fusions aient fait surface n'est pas véritablement la faute du groupe de travail. Le groupe de travail n'a pas été créé pour commenter les fusions, mais ce sont les banques qui ont décidé d'en parler avant que le groupe de travail ne soumette son rapport. Nous ne sommes pas dans cette situation à cause du groupe de travail, mais parce que les banques ont décidé d'annoncer les fusions avant que le groupe de travail ait soumis son rapport sur l'avenir du secteur des services financiers.
M. Christopher Moon: Je devrais dire aussi que même si j'ai fait cette déclaration et que j'y crois, je suis assez réaliste pour reconnaître que cela ne se produira pas. S'il doit y avoir un processus, je crois que l'aspect le plus pertinent de mes observations serait que le test de l'intérêt public soit beaucoup plus étroit dans sa portée qu'il ne l'est.
M. Tony Valeri: Pouvez-vous m'aider sur un point? Vous avez dit que vous devez trouver des preuves concluantes que cela nuirait à l'intérêt public. Comment définissez-vous cette notion?
M. Christopher Moon: Comme je n'ai jamais suivi le processus, je ne suis pas tout à fait sûr. Ce serait certainement une mesure beaucoup plus précise que la proposition formulée en termes vagues. Je suppose que les banques ne devraient pas avoir à prouver ni à établir que la fusion est dans l'intérêt du public. Il faudrait aller dans l'autre sens et prouver que la fusion ne sera pas nuisible à l'intérêt public. Les banques devraient être libres de fusionner à moins que quelqu'un n'en subisse un tort réel.
M. Tony Valeri: Puis-je avoir d'autres observations sur le processus de fusion tel que décrit dans le rapport MacKay? Le rapport mentionne la doctrine officieuse selon laquelle les gros ne devraient pas acheter les gros, et qu'il faudrait abandonner cela. Devrait-il y avoir des exceptions à cela? Les autres membres du panel ont-ils confiance au processus de fusion? Est-ce un processus trop onéreux? Le public devrait-il jouer un rôle dans ce processus?
M. William Harker: Je vais à tout le moins commencer à répondre.
Je crois que tout homme d'affaires serait préoccupé qu'un organisme externe vienne lui dire comment exploiter son entreprise. Ce simple fait rend les choses encore plus difficiles, de telle sorte que tout homme d'affaires a un préjugé défavorable au départ. Dans le cas qui nous intéresse, j'estime personnellement que le processus est plutôt raisonnable et assez normal, et je crois qu'il devrait être poursuivi. Toutefois, usons de prudence. Chaque fois que nous imposons une condition pour dire à un homme d'affaires comment exploiter son entreprise, nous obtenons une conséquence à laquelle nous ne nous attendions pas, presque par définition. Assurons-nous donc que le nombre de conditions sera maintenu au minimum.
Le président: Monsieur Guss.
M. Jonathan Guss: Il nous faut tout d'abord reconnaître qu'il s'agit là d'une question qui intéresse la population et qu'il était nécessaire de procéder à un examen officiel de cette question. Nous sommes heureux de voir avec quelle rapidité que votre comité et celui de l'autre endroit, le Sénat, avez décidé de consulter la population.
De notre point de vue, nous reconnaissons que cela va entraîner un écart sur le plan de la concurrence. Cet écart s'atténuera lorsque les fusions seront en cours mais cela va modifier profondément le secteur et réduire les services. Je crois qu'il va falloir intervenir.
Il existe, d'après nous, des clients potentiels dans le marché où nous opérons. Ce sont les personnes qui sont à la recherche d'un service de qualité à un coût raisonnable, et non pas celles qui recherchent le meilleur prix. ING, Wells Fargo, MBNA et le marché des cartes de crédit se chargeront d'offrir ces services à ces personnes. Il ne s'agit pas non plus des personnes qui recherchent une gamme étendue de services. C'est pour cette raison que nous pensons pouvoir profiter de ce créneau, et les petites sociétés de fiducie espèrent aussi y parvenir. Nous allons pouvoir pénétrer dans ce marché parce que c'est là que se trouve déjà notre créneau.
Nous sommes toutefois obligés de reconnaître que cet aspect intéresse la population et qu'il faut en tenir compte d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi l'approche recommandée dans le rapport MacKay est excellente. D'après les auteurs de ce rapport, il faut veiller à ce qu'il y en ait pour tout le monde.
Le président: Monsieur Krehm, voulez-vous faire un dernier commentaire?
M. William Krehm: Oui, j'aimerais préciser qu'il ne faudrait pas croire que le gouvernement vient de décider récemment de s'intéresser aux banques. Je dois rappeler que jusqu'au début des années 60, les banques n'avaient pas le droit d'accorder des prêts hypothécaires résidentiels. Il est vrai que, depuis cette époque, elles ont acheté des obligations indonésiennes.
Je tiens également à vous demander de ne pas oublier l'effet de levier absolument incroyable que peuvent utiliser les banques. Il est de 358 à 1 pour la monnaie légale et les banques utilisent cet effet de levier dans des régions du globe qu'elles ne connaissent absolument pas. Par exemple, la Banque de la Nouvelle-Écosse a acquis une participation majoritaire dans une banque du Venezuela ou du Mexique. Il n'est pas possible de parler des fusions sans tenir compte de cet effet de levier. Il est impossible d'approuver les fusions sans avoir auparavant soigneusement vérifié la situation actuelle des banques, et cette situation va se détériorer au cours des prochaines semaines. Si l'on ne procède pas de cette façon, la fusion servira uniquement à camoufler l'opération de sauvetage des banques qu'il faudra lancer un de ces jours.
Le président: Merci, M. Krehm.
Je vais donner aux députés suivants une période de quatre minutes: Mme Redman, qui sera suivie par MM. Discepola et Cullen.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Un des principaux aspects qu'a abordé le groupe de travail MacKay est celui de la protection des consommateurs; les recommandations visent d'ailleurs à la renforcer. Il propose la création d'un ombudsman indépendant, l'adoption de mesures législatives visant à mieux protéger les renseignements personnels et l'interdiction de la vente liée avec coercition.
Les banques nous disent que l'autoréglementation donne d'excellents résultats et qu'elles souhaitent que les mesures prises à leur endroit soient étendues à l'ensemble du secteur financier. Pensez-vous que l'autoréglementation donne de bons résultats? Suffirait-il de renforcer le cadre réglementaire et de surveillance, avant de donner aux banques la possibilité de vendre de l'assurance et de faire du crédit-bail automobile? Devrait-on plutôt préserver et renforcer les mécanismes de surveillance actuels?
Le président: Monsieur Soloway.
M. Gerald Soloway: Tout d'abord, notre groupe appuie les recommandations contenues dans le rapport MacKay. Je ne pense pas que l'on puisse s'en remettre exclusivement à l'autoréglementation. Il serait peut-être un peu naïf de penser que les cinq ou six banques qui contrôlent la majorité des dépôts au Canada vont axer toutes leurs décisions sur l'intérêt de la population. Il est impératif de donner suite aux suggestions que vous avez mentionnées, comme renforcer les peines sanctionnant la vente liée. Si l'on n'agit pas dans ce sens, je ne pense pas que l'autoréglementation suffira.
Monsieur Harker, avez-vous des commentaires sur ce point?
M. William Harker: Je suis tout à fait d'accord avec cela.
M. Gerald Soloway: Nous appuyons les recommandations et serions très heureux de les voir adopter sous leur forme actuelle. L'autoréglementation n'est pas une option.
Le président: Monsieur Guss.
M. Jonathan Guss: Nous sommes d'accord. Le problème ne se pose pas lorsque la collectivité a son mot à dire, parce que, dans ce cas, l'on est obligé de rendre des comptes aux propriétaires. Je repense aux jours où je travaillais pour le gouvernement fédéral et ce n'est peut-être pas très juste. Mais à cette époque, les banques avaient tendance à corriger le problème lorsqu'il y avait une plainte mais elles n'abandonnaient pas la pratique à l'origine de la plainte. Les gens qui sont venus nous demander du crédit nous racontent souvent des histoires de ce genre. Ils réussissent à résoudre leur problème mais l'année suivante, le même cas se reproduit. C'est pourquoi il va falloir probablement créer un ombudsman dont le coût de fonctionnement serait assumé par les banques et qui jouirait d'une certaine indépendance à l'égard des banques et des autres institutions financières.
Mme Karen Redman: J'aimerais avoir une précision, personne ne s'oppose à ce que le cadre réglementaire s'applique à l'ensemble du secteur financier. Il n'est pas nécessaire de viser uniquement les banques, cela peut s'appliquer à toutes les institutions financières.
M. Jonathan Guss: Ce qui est bon pour les unes est également bon pour les autres. Je crois que nous devrons tous être prêts à accepter ce cadre réglementaire.
M. Gerald Soloway: J'appuie les commentaires de M. Guss.
Le président: Monsieur Moon, êtes-vous également d'accord avec M. Guss?
M. Christopher Moon: Je suis tout à fait d'accord avec cela.
Le président: Vous êtes tous d'accord avec M. Guss? Oui?
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
Je présume, messieurs, que vous faites également allusion à la règle concernant la participation multiple. Si nous faisons passer le contenu à 20 p. 100, cela devrait être tout aussi efficace.
M. Soloway, je présume également que votre recommandation concernant l'exonération de l'impôt sur le capital pendant une période de 10 ans ne viserait pas uniquement les petites institutions mais également toutes les banques. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Gerald Soloway: Non, j'ai parlé des petites banques.
M. Nick Discepola: Mais vous dites que cela devrait s'appliquer à tous de façon équitable et que nous devrions avoir les mêmes règles du jeu, tant pour les grosses institutions que pour les petites.
Je représente une petite circonscription rurale du Québec. Le mouvement des caisses populaires est très dynamique mais cela m'inquiète tout de même. Pour reprendre les paroles de M. Guss, il faut qu'il y en ait pour tout le monde, mais il va tout de même y avoir cinq grandes institutions. Voilà ce qui m'inquiète. Si je pouvais croire que le Trust National, par exemple, le mouvement coopératif et les banques étrangères étaient vraiment en mesure de faire concurrence aux grosses institutions, j'hésiterais beaucoup moins.
Vous semblez par ailleurs être très favorable au rapport MacKay, M. Guss. Vous appuyez pratiquement toutes ces recommandations. Lorsque vous avez présenté votre exposé, vous avez dit que nous devrions mettre en oeuvre rapidement ces recommandations. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il y aurait des désavantages à faire un choix parmi ces recommandations. Pourriez-vous m'en citer quelques-uns? Y a-t-il des recommandations qu'il faudrait mettre en oeuvre rapidement si l'on approuvait les fusions, comme celles sur la vente d'assurance ou sur le crédit-bail automobile? Quelles sont les recommandations par lesquelles il faudrait commencer? Quelles sont celles qui peuvent attendre et combien de temps pourrions-nous attendre? Devrait-on parler de six mois ou de six ans? À part les recommandations concernant l'assurance et le crédit-bail automobile, y a-t-il d'autres recommandations qu'il conviendrait d'introduire sur une période plus longue?
Le président: Essayez de répondre à cela en deux minutes. Qui veut commencer? Monsieur Guss.
M. Jonathan Guss: Je vais commencer.
Comprenez-moi bien lorsque je dis qu'il faut traiter toutes les institutions de la même façon. Je parlais uniquement de la protection des consommateurs. Cela devrait s'appliquer à toutes les règles concernant la vente forcée, la divulgation complète des coûts, les normes en matière de protection des renseignements personnels et l'ombudsman des services financiers.
Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut accorder une exonération de l'impôt sur le capital et un traitement fiscal particulier si l'on veut que toutes les institutions puissent prospérer. Les caisses de crédit bénéficient d'un traitement fiscal différent. Je ne dirais pas qu'il est spécial. En vertu de l'article 137 de la Loi de l'impôt sur le revenu, nous payons un impôt sur le revenu. Le taux applicable est le taux des petites entreprises parce que nous sommes de petites entreprises qui n'ont pas accès au marché financier. Je dirais que les sociétés de fiducie qui n'ont pas accès au marché financier mais qui respectent les critères applicables aux petites entreprises devraient bénéficier du même traitement fiscal. Cela ne figure pas dans le rapport mais l'on pourrait l'ajouter.
Pour ce qui est de l'assurance et des modifications à apporter à la Loi sur les ACC, que j'ai déjà mentionnées, il faudrait procéder très rapidement.
M. Nick Discepola: Que proposez-vous pour le rapport MacKay? Devrait-on mettre en oeuvre l'ensemble des 124 recommandations ou procéder de façon sélective? Quelles seraient les conséquences de cette dernière approche?
M. Jonathan Guss: Cela est difficile à dire. Je pourrais en choisir sept que j'aimerais voir adopter d'ici six mois pour les caisses de crédit mais les recommandations sont si équilibrées, le mot juste est peut-être calibrées, c'est un peu comme s'ils avaient réglé parfaitement tous les boutons pour harmoniser les recommandations.
J'hésite un peu à proposer de commencer par certaines recommandations et d'en remettre d'autres à plus tard. Il est toutefois possible que des membres de la commission MacKay soient en mesure de dire que l'on peut procéder de façon progressive sans nuire à l'ensemble. Je dois reconnaître que cela me dépasse.
M. Nick Discepola: Pourquoi êtes-vous donc prêt à appuyer les recommandations avant qu'elles soient mises en oeuvre? Nous avons des réserves à l'égard de quelques-unes d'entre elles mais devrions-nous introduire progressivement les recommandations qui nous paraissent prioritaires?
M. Jonathan Guss: Non. J'aimerais qu'elles soient toutes adoptées en même temps mais je sais que le Parlement ne peut tout faire d'un seul coup et il serait peut-être bon qu'un spécialiste explique la façon dont cela devrait se faire. Mais je ne vois pas comment l'on pourrait adopter d'un seul coup l'ensemble des recommandations.
M. Nick Discepola: Qu'est-ce qui serait, d'après vous, un délai raisonnable?
M. Jonathan Guss: De six à 18 mois.
M. William Harker: Si vous voulez bien me donner encore 30 secondes, il y a des recommandations qui vont apporter des changements fondamentaux à l'ensemble du secteur. Je pense aux modifications des primes versées à la SADC qui doivent intervenir prochainement, qui nous préoccupent gravement, à l'accès au système de paiement, à ce genre de choses, à la notion de banque communautaire. Si nous allons de l'avant avec l'une de ces initiatives, il va falloir donner aux institutions un délai suffisant pour qu'elles puissent se préparer. Il y a donc, parmi ces recommandations, des recommandations fondamentales qui vont toucher la stratégie des institutions.
Il y en a d'autres qui ne touchent pas l'aspect planification. Pour l'ombudsman, tout le monde dit que nous n'avons pas besoin de ces recommandations, que nous respectons déjà ces conditions, et qu'il n'est donc pas nécessaire de prévoir un délai, par exemple.
M. Nick Discepola: M. Moon, pensez-vous que le risque de voir disparaître des succursales et de perdre entre 20 et 30 000 emplois est suffisamment grave pour que les députés examinent ce processus de plus près ou devrait-on simplement laisser jouer les forces du marché?
M. Christopher Moon: Ces possibilités inquiètent gravement les collectivités et les personnes concernées. D'un point de vue national, nous n'aimerions donc pas non plus que nos banques ne puissent jouer qu'un rôle de second plan parce qu'un concurrent étranger, un autre Réno Dépôt du secteur bancaire, a réussi à les écarter d'un secteur donné, parce qu'elles n'étaient pas suffisamment compétitives.
Cela touche donc l'intérêt national. Je reconnais également que si l'on interdit aux banques d'exercer leurs activités comme elles le souhaitent, de devenir des institutions dynamiques et rentables dans un marché différent, cela va entraîner également des coûts pour la population.
Je crois que chaque avantage s'accompagne d'un coût. L'équilibre souhaitable entre les deux s'apprécie en fonction de l'intérêt de la population mais il n'est pas possible d'affirmer d'un côté que la perte d'emplois et la disparition de certaines institutions sont inévitables et de l'autre, que cela n'entraînera aucun coût pour la population. Il y aura d'autres coûts.
M. Nick Discepola: Puisque vous êtes avocat, j'aimerais poser une dernière question et je remercie le président de son indulgence.
À propos de la question des renseignements personnels et des consommateurs, vous affirmez qu'il faut interdire la vente liée avec coercition, en prévoyant des sanctions juridiques, comme cela est mentionné dans le rapport MacKay, mais vous ajoutez que la vente de produits ou de services d'une succursale ou d'une division devrait être interdite si le consommateur n'y a pas consenti au préalable.
En tant qu'avocat, quelle serait votre recommandation? Comment puis-je empêcher la vente liée avec coercition? Le prêteur pourrait exiger de l'emprunteur que ce dernier consente à ce que je divulgue ou utilise des renseignements personnels. Ce seul fait, l'absence de consentement préalable, pourrait entraîner le refus du prêt, parce que si je ne donne pas mon consentement, on pourra me refuser le prêt.
M. Christopher Moon: Le consentement préalable vise uniquement la commercialisation des services d'une autre division dans ce paragraphe, et c'est l'intention recherchée dans ce passage.
M. Nick Discepola: Mais comprenez-vous ce que je dis? Si je demande un prêt ou une hypothèque et qu'une des conditions à remplir est d'accepter que les renseignements donnés soient utilisés par l'institution, si je me refuse à le faire, on va peut-être me refuser l'hypothèque ou le prêt demandé.
M. Christopher Moon: C'est cela la vente liée.
M. Nick Discepola: Très bien. Mais vous dites que si j'ai donné mon consentement, l'institution peut utiliser ces renseignements.
M. Christopher Moon: C'est la même chose pour les demandes d'emploi. Il n'est pas permis de poser certaines questions.
M. Nick Discepola: Mais si vous n'y répondez pas, vous n'obtenez pas l'emploi.
Je crois que j'ai épuisé mes quatre minutes, monsieur le président.
Le président: En fait, vous les avez dépassées.
Allez-y, monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Je vais essayer de ne pas dépasser mes quatre minutes mais je ne veux pas vous faire de promesses.
J'ai une question qui s'adresse principalement à MM. Guss et Soloway, mais les autres témoins peuvent également y répondre. Si nous avons le temps, j'aimerais également aborder un point particulier avec M. Krehm.
Les auteurs du rapport MacKay proposent que les institutions financières fédérales aient la possibilité de devenir des filiales d'un groupe financier qui serait constitué en vertu d'une nouvelle loi sur les sociétés financières de portefeuille. Pourriez-vous nous dire quelle est, d'après vous, la raison d'être de cette recommandation et si vous estimez qu'elle est souhaitable? Troisièmement, comment le secteur des services financiers pourrait se développer à l'avenir selon que l'on donne suite ou non à cette initiative? Quatrièmement, si l'on adoptait ces mesures, comment pensez-vous que la situation évoluerait selon que l'on approuve ou non les fusions envisagées?
S'agit-il d'une bonne recommandation? Comment toucherait-elle à l'avenir la structure du secteur des services financiers si elle était mise en oeuvre, selon que l'on procède ou non aux fusions proposées?
Messieurs Guss ou Soloway, voulez-vous intervenir là-dessus?
M. Jonathan Guss: Je vais passer.
M. Gerald Soloway: Je vais faire quelques commentaires.
Personnellement, notre groupe n'a pas étudié cette question de façon très détaillée mais au Canada, je crois que c'est la même chose aux États-Unis, les institutions de dépôt ne peuvent appartenir à des sociétés industrielles, et je crois que c'est là un principe qui a bien servi nos deux pays. Je m'avance peut-être un peu trop mais je dirais que, si une grande société industrielle, et je n'ai rien contre ce genre de sociétés, décidait de transformer une de ses filiales en une banque, je ne suis pas certain que ce genre de système fonctionnerait aussi bien aux États-Unis et au Canada.
Nous n'avons pas beaucoup étudié cette question. Nous n'y avons pas réfléchi. Vous soulevez un problème intéressant. Je sais qu'en Europe, il est fréquent que les institutions de dépôt et les industries fassent partie d'un même groupe mais ce n'est pas ce que nous avons connu au Canada. Cela serait très différent. Je dois vous dire franchement que je ne sais pas quels pourraient être les groupes qui appuieraient un tel changement.
M. William Harker: D'une façon générale, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. Les sociétés de portefeuille peuvent utiliser leurs filiales comme institution de dépôt ou un autre genre d'institution, et en principe, c'est une bonne façon d'exercer des fonctions de réglementation distincte. Lorsque l'on permet à une banque de vendre de l'assurance, est-ce qu'on l'autorise elle-même à le faire ou est-ce qu'on l'oblige à utiliser une de ses filiales pour le faire, filiale qui fait alors l'objet d'une réglementation distincte de celle de la banque?
Les deux solutions sont possibles. Nous ne devrions pas fusionner des activités industrielles et des activités de dépôt. Il en va peut-être différemment pour d'autres composantes des services financiers.
Le président: Monsieur Guss.
M. Jonathan Guss: Oui, merci.
Ce débat remonte au gouvernement libéral qui a précédé les Conservateurs de 1984, et vous vous souvenez que Barbara McDougall a également traité cette question au milieu des années 80?
Tout d'abord, mettons de côté pour un moment les aspects commerciaux. Une société de portefeuille fait deux choses. Elle permet l'harmonisation des décisions stratégiques concernant tout un groupe d'établissements financiers. Cette structure peut être fort utile à une société d'assurance qui veut posséder une banque pour offrir des services bancaires ou autres. Maintenant que toutes ces institutions vont avoir accès au système de compensation de l'ACP, pourquoi ne l'utiliseraient-elles pas?
• 1155
Du point de vue de la réglementation, c'est un aspect très
important parce qu'il donne à l'autorité de réglementation la
possibilité d'exercer, par le biais d'une institution, une
surveillance sur un groupe de sociétés financières et à les obliger
éventuellement à renforcer le capital des filiales les plus
faibles.
Je crois qu'il en va de même à l'autre extrémité. C'est la même chose pour les banques communautaires. Il sera plus facile à de nouveaux acteurs de pénétrer le marché, et je reviens au point qu'a mentionné M. Soloway. Des sociétés commerciales pourront ainsi créer des banques et cela se fera en donnant à l'autorité de réglementation la possibilité de surveiller l'ensemble du groupe financier. C'est ce qui explique cet aspect.
M. Roy Cullen: Vous pensez donc que cela créerait une sorte de marché secondaire et un environnement plus concurrentiel dans le secteur des services financiers?
Je me demandais si, M. Soloway en particulier, vous pourriez envoyer vos réflexions sur ce sujet au comité. C'est un domaine assez complexe mais qui me paraît très important. Si nous décidons d'avoir un secteur secondaire fort et un environnement très concurrentiel dans le secteur des services financiers, nous allons devoir déterminer quels sont les aspects qui favorisent cette évolution ou qui jouent contre elle.
M. Gerald Soloway: Nous serions ravis de vous remettre quelque chose dans une semaine ou deux.
M. Roy Cullen: Très bien. Merci.
M. Krehm, sur la notion des réserves obligatoires pour les banques, j'aurais deux brèves questions.
Sur le plan de la politique monétaire, je trouve cette question particulièrement complexe... Actuellement, le principal instrument de politique monétaire utilisé est le taux d'intérêt de la banque centrale. Si l'on imposait à nouveau des réserves obligatoires, a) ne risquerait-on pas de réduire la masse monétaire et quelles seraient les répercussions d'une telle réduction sur l'accès aux capitaux et b) si nous ne disposons pas à l'heure actuelle des instruments monétaires dont nous aurions besoin pour mettre en oeuvre une politique en matière de taux d'intérêt, qu'est-ce qui indique que la masse monétaire n'a pas suivi la demande de capital au Canada?
M. William Krehm: Signalons dès le départ que l'idée n'est pas nouvelle. On s'est déjà servi des réserves, on les augmente pour réduire le crédit et ralentir une économie en surchauffe ou on les abaisse pour stimuler une économie stagnante. Cela a été utilisé pendant des années, sous Roosevelt notamment.
En 1939, la loi exigeait des réserves de 5 p. 100 mais la Banque du Canada demandait 10 p. 100. Le premier gouverneur a été interrogé par le comité des finances qui vous a précédé et il a déclaré que c'était ce qui se faisait en Angleterre. Lorsque l'on augmente le montant des réserves obligatoires sans augmenter pour autant les taux d'intérêt, cela a pour effet de resserrer le crédit. À l'heure actuelle, vous voyez, les banques ont un levier de 358 p. 100.
Je signale en passant que la monnaie légale qu'elles possèdent sert uniquement à leurs opérations. Elles s'en servent pour la compensation quotidienne des chèques et pour leurs guichets automatiques. Cela ne représente pas une garantie et les banques ne peuvent utiliser ces fonds à d'autres fins.
L'abandon du système des réserves, je mentionne en passant que cela s'est produit dans quelques grands pays au monde, le Canada a été choisi comme cobaye, a entraîné des modifications en cascade des taux d'intérêt. Et ces modifications successives sont à l'origine de la crise internationale qui va s'étendre et s'aggraver.
N'oubliez pas que le rapport du groupe de travail a été déposé il y a un an et trois mois, et que les problèmes se sont accumulés depuis. Je peux vous garantir que ces problèmes vont continuer à s'accumuler et à s'aggraver.
Le président: Merci.
M. William Krehm: Nous devons concevoir d'autres façons de contrôler le système financier.
Le président: Merci beaucoup, M. Krehm et merci à tous. Nous avons entendu un groupe de témoins très intéressants, de bons exposés et d'excellentes questions par les députés.
J'aimerais vous demander de faire un peu de travail pour nous. J'aimerais bien savoir quelles seront les orientations futures du secteur des services financiers, et quel sera son visage pour les années 2010, 2015 ou 2020, pour que je puisse le décrire aux Canadiens. Pourriez-vous préparer quelques pages et nous les envoyer, aux soins du comité des finances, pour nous expliquer quelle sera, d'après vous, la situation en 2010, pour votre secteur ou pour vous en tant qu'individu? Nous aimerions nous faire une idée du genre d'avenir qui nous attend. C'est un travail que les membres du comité apprécieraient certainement. Bien sûr, il faudra parler de l'effet de la globalisation, de la démographie, de la technologie, et du reste.
• 1200
Au nom du comité, je vous remercie. Vous nous avez été fort
utiles.
La séance est levée. Nous revenons à 13 heures.
Le président: Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous cet après-midi.
Pendant la séance de 13 à 15 heures, nous allons entendre des représentants des organismes suivants: le Collègue Durham, la Fort York Small Business Association et une petite entreprise de Toronto, la Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord et Life Spin Women's Resource Centre, un organisme local de lutte contre la pauvreté; et McArthur and Company Publishing Limited.
Nous allons commencer par la Fort York Small Business Association. Elle est représentée par son président qui est également député provincial, M. Rosario Marchese. Bienvenue.
M. Rosario Marchese (président, Fort York Small Business Association): Je suis heureux d'être ici, monsieur le président.
Je suis accompagné de John Banka qui aura également l'occasion de prendre la parole, j'espère. Vous me donnez quelques moments ou cinq minutes chacun? Comment allons-nous procéder?
Le président: Oui, vous pourriez prendre cinq minutes chacun. Lorsque nous aurons entendu tous les témoins, nous passerons à une période de questions.
M. Rosario Marchese: Très bien. Nous sommes contents d'avoir cette possibilité parce que cela fait très, très longtemps que nous nous occupons de la question de l'accès au crédit. En fait, c'est la principale raison pour laquelle la Fort York Small Business Association a été créée. Il ne s'agissait pas de s'occuper des autres problèmes des petites entreprises. La principale question qui a amené les fondateurs de cette association à se regrouper était celle de l'accès au crédit pour les petites entreprises. Cette question continue à les préoccuper. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il serait bon de vous indiquer pourquoi nous étions ici.
Personnellement, je ne suis pas un spécialiste de ce domaine, si ce n'est que cela fait des années que des gens me parlent de ces questions. En tant que député provincial, j'ai eu à maintes reprises l'occasion d'aborder ces questions, de façon directe et indirecte.
Nous pensons que le secteur bancaire est un secteur où la concentration est très forte. C'est pourquoi nous ne pensons pas que la fusion des banques serait une bonne chose pour la population ou pour les petites entreprises.
Regardez le secteur bancaire américain. Il y avait 14 000 banques ou à peu près, il y en a maintenant 9 000.
Lorsque l'on regarde notre secteur bancaire, on constate qu'il y a six banques à charte et que cela n'est pas beaucoup. La concentration a pratiquement atteint son maximum. Ce qui n'empêche qu'avec les fusions de banques projetées, cette concentration va encore augmenter. Je ne pense pas que cela soit bon pour le pays.
• 1310
Je pense, et c'est d'ailleurs ce que pensent les chefs de
petites entreprises, que des emplois vont disparaître. J'en suis
convaincu. Les banques qui veulent fusionner prétendent que le
nombre des emplois perdus sera sans doute faible. Elles affirment
en fait que cette fusion va créer des emplois.
Elles expliquent que des emplois seront perdus par attrition, ce qui laisse entendre qu'il n'est pas très grave de perdre des emplois de cette façon mais je fais remarquer, tout comme beaucoup d'autres, que ces postes seront perdus à jamais, ce qui veut dire qu'il y aura davantage de chômage. Dans une économie qui va, je le crains, se trouver en récession dans un an ou deux, cela risque de causer des problèmes pour les autres. Je ne vois pas comment une économie en récession pourrait s'occuper des personnes qui viennent de perdre leur travail.
Il y aura des fermetures de succursales, cela est certain, dans de nombreuses régions de l'Ontario et du Canada, et cela est un problème grave. Voilà un aspect qui nous inquiète.
Je tiens à vous dire que je ne suis pas convaincu du tout, que malgré l'opposition que suscite la fusion des banques, ceux qui s'y opposent vont gagner ce combat. L'affaire est déjà entendue, monsieur le président. Je suis convaincu qu'il y a des ministres qui ont déjà conclu des ententes avec les banques. Je n'en ai pas la preuve mais c'est mon expérience de ces choses qui me fait dire cela.
Toutefois, si l'opposition continue à se faire entendre, comme cela a été le cas dernièrement, le gouvernement va devoir revoir ses positions. C'est en tenant compte de mon idée que l'affaire est déjà décidée que je tiens à formuler certaines suggestions qui concernent les choses pour lesquelles nous devrions lutter, à savoir que l'ombudsman qui existe à l'heure actuelle pour les petites entreprises est inefficace. C'est un ombudsman qui est manifestement rémunéré et choisi par les banques. Il ne peut adopter une position neutre, cela nous paraît constituer un problème. Et nous savons qu'il y a beaucoup de gens d'affaires qui ont demandé que l'on introduise un peu d'objectivité ici, et pour eux ce n'est pas un rôle objectif, il y a donc là un problème.
Cela marque un progrès important, si l'on pense à toutes ces années au cours desquelles nous avons lutté pour faire représenter les intérêts des petites entreprises, de sorte que cette initiative des banques nous a paru positive; je considère malgré tout que le rôle de l'ombudsman est mal conçu.
Il y a une autre chose que nous demandons depuis des années, c'est une loi sur le réinvestissement dans la collectivité. Je suis sûr que la plupart d'entre vous en ont déjà entendu parler. Je sais qu'il y a un projet de loi d'origine parlementaire présenté à la chambre, je ne sais pas très bien où cela en est, qui parle d'une loi sur le réinvestissement dans la collectivité; nous sommes tout à fait en faveur d'une telle mesure et nous espérons que les membres du comité aussi l'appuieront.
Avec cette loi, on saurait mieux où va l'argent des banques. Il est difficile de le savoir parce que nous n'avons pas accès aux documents qui l'indiquent, cela est donc un problème. La loi sur le réinvestissement dans la collectivité permettrait de mieux savoir où va l'argent et à qui mais également de vérifier que les banques versent davantage d'argent aux collectivités pour le développement économique. Nous pensons que cette loi a donné d'excellents résultats aux États-Unis. Nous estimons que les banques canadiennes accepteraient une telle loi et que nous devrions donc en adopter une.
L'autre aspect sur lequel nous travaillons est la création d'une association des consommateurs de services financiers. Les associations de consommateurs ne sont pas très dynamiques au Canada. Les associations existantes disposent de si peu de fonds qu'elles ne réussissent pas à représenter les intérêts des consommateurs et de la population. J'estime que si l'on autorise la fusion des banques, nous allons avoir besoin d'une association des consommateurs des services financiers qui soit dynamique et en mesure de protéger et de défendre les intérêts des consommateurs. Nous demandons depuis des années que se crée une association des consommateurs et nous obligerions les banques à signaler dans leur correspondance avec leurs clients qu'il existe une association de consommateurs de services financiers. Nous espérons tous qu'une telle association pourrait, grâce aux cotisations, obtenir suffisamment de fonds pour retenir les services d'avocats et de spécialistes qui pourraient défendre nos intérêts. À l'heure actuelle, cela n'existe pas.
• 1315
Ma troisième suggestion, et je crois qu'elle est aussi
importante que les autres, est de donner accès au conseil
d'administration des banques à des personnes qui ne détiennent pas
de participation dans les banques. Il faudrait que les petites
entreprises, et peut-être les associations nationales de personnes
âgées et d'autres, aient des représentants qui siègent à ces
conseils d'administration. Si nous sommes des intéressés ou des
actionnaires, comme nous le disent certains banquiers, nous
devrions avoir le droit de nous asseoir avec eux pour veiller à ce
que leurs intérêts englobent également nos intérêts.
Je vous présente ces suggestions, monsieur le président, pour le cas où le comité ou vos membres souhaiteraient s'en servir pour dire aux banques que, si la fusion va se faire, il existe un certain nombre de sujets qu'il serait bon d'aborder auparavant.
Le président: Merci, M. Marchese.
Nous allons maintenant entendre M. Banka.
M. John Banka (secrétaire-trésorier, Toronto Small Business Support Organization): Je m'appelle John Banka et je représente la Toronto Small Business Support Organization. Je suis le secrétaire-trésorier de cette organisation.
Je souscris à pratiquement tout ce qu'a dit Rosario mais j'aimerais intervenir d'un point de vue légèrement différent.
Je crois que si l'on autorise les banques à fusionner, nous devrions leur demander de faire certaines concessions. Les banques qui ne vont pas fusionner peuvent continuer à exercer leurs activités comme elles le font actuellement mais celles qui vont le faire devraient accepter de renoncer à certaines choses. Elles prétendent qu'elles vont renforcer leur efficacité, qu'elles vont faire des économies d'échelle et donc, épargner des sommes qui pourraient être redistribuées à l'ensemble de la population.
Je me suis fait une petite liste d'épicerie que j'aimerais passer en revue avec vous. Je crois que les banques pourraient émettre notamment des cartes de crédit de base avec des taux d'intérêt plus faibles, le taux préférentiel plus 5 p. 100, par exemple. Elles ont déjà offert des voyages par avion gratuits, des véhicules, des sommes de 500 $ par an etc. Il y a bien sûr quelqu'un qui paie tout cela et je crois que cela vient en grande partie des taux d'intérêt de 17 à 28 p. 100.
Nous sommes en faveur de l'adoption d'une loi sur le réinvestissement dans la collectivité, dont Rosario vient de parler. Les banques qui fusionnent devraient être tenues de pratiquer cette forme de prêt.
Nous pensons également que les banques devraient offrir au public des comptes de chèques à faible coût.
Les banques fusionnées devraient être obligées de continuer à offrir des services dans les localités où il ne reste qu'une seule banque. La dernière banque ne pourrait quitter la localité.
Les banques ayant fusionné devraient également être tenues de divulguer des renseignements concernant le crédit pour que nous puissions savoir combien elles prêtent aux petites entreprises et de quelle façon. Utilisent-elles ou non la Loi sur les prêts aux petites entreprises? Elles disent qu'elles le font mais à l'heure actuelle, nous n'avons aucun moyen de le vérifier.
Nous ne nous opposons pas à ce qu'un actionnaire puisse acquérir une participation supérieure à 10 p. 100 du capital d'une banque. Nous savons que cela peut entraîner certains risques, et que les banques pourraient s'arranger pour traiter avec leurs filiales ou leurs groupes de sociétés. Il existe plusieurs façons de remédier à cela. Voilà une suggestion qui est peut-être nouvelle pour le comité.
J'estime que les déposants devraient assumer davantage de risques; le montant des dépôts assurés varierait de façon inverse à la répartition du capital de la banque. Les dépôts effectués dans une banque qui appartiendrait à une seule personne ne seraient pas assurés. Cela obligerait les déposants à examiner la structure du capital des banques. Et cela rendrait plus concurrentiel le secteur bancaire. C'est du moins une idée qui mérite, je crois, d'être examinée.
J'avais préparé ces commentaires pour un groupe qui devait prendre la parole devant la ville de Toronto et ils ont été préparés par écrit mais je n'ai malheureusement pas amené de copie avec moi. J'ai demandé le numéro de télécopie à votre greffière et je vais vous en envoyer une copie pour que vous puissiez examiner tout cela plus tard.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, M. Banka.
Nous allons maintenant donner la parole à Jules R. Quenneville, président et chef de la direction de la Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord, et Robert Dempsey. Bienvenue.
M. Jules R. Quenneville (président et chef de la direction, la Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord): Je suis heureux de me présenter devant ce comité au nom de la Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord. Mon propos aujourd'hui concernera la vision du groupe de travail et les sujets généraux qu'il a abordés, dans la mesure où ils concernent l'industrie de l'assurance multirisque et ses clients. J'aimerais par ailleurs soumettre plus tard au comité des commentaires écrits sur d'autres aspects des recommandations du rapport ou d'autres questions susceptibles de se présenter par la suite, lorsque nous aurons eu davantage le temps d'examiner les études et les divers documents de soutien préparés pour le groupe de travail.
• 1320
Notre société, la Garantie, Compagnie d'assurance de
l'Amérique du Nord, s'est occupée d'assurance multirisque depuis sa
création. Nous opérons au Canada depuis 126 ans. Nous avons fait
face pendant tout ce temps à la concurrence des assureurs étrangers
et nous allons continuer à le faire. Nous sommes une société
contrôlée par des Canadiens. Nous employons à l'heure actuelle 244
personnes dans sept villes canadiennes, de Vancouver à Halifax. Nos
produits incluent l'assurance des biens, l'assurance-automobile,
l'assurance-responsabilité et les garanties.
Les garanties sont des couvertures spécialisées dans le domaine du cautionnement et du détournement. Nous avons été la première société d'Amérique du Nord à offrir une couverture contre les risques de détournement. Ces couvertures spécialisées, qui sont utilisées mondialement pour les transactions commerciales, n'ont pas été mentionnées expressément par le comité dans son rapport, ni dans les études sur le secteur des assurances multirisque préparées par Coopers & Lybrand et elles n'ont pas été mentionnées non plus dans l'examen des services financiers préparé par McKinsey.
Il existe aujourd'hui plus de 200 compagnies d'assurance multirisque qui offrent divers produits aux consommateurs canadiens. Les acteurs de ce marché particulièrement concurrentiel doivent répondre rapidement aux besoins des consommateurs en offrant des produits et un service de qualité, à défaut de quoi ils disparaissent rapidement. À la différence des banques, des compagnies d'assurance-vie et des autres intermédiaires considérés par le groupe de travail, nous ne sommes pas des intermédiaires financiers. Nous sommes des intermédiaires dans le domaine du risque. Par le biais de l'assurance multirisque et de la réassurance, le risque est transféré du petit nombre de détenteurs de police qui subissent un sinistre à un réseau d'assureurs et de réassureurs qui indemnisent ces pertes.
L'évaluation du risque que prend l'assureur en vendant des polices et le transfert de ce risque à son réseau de réassureurs font partie d'un processus de gestion du risque. Ce processus est hautement spécialisé et demande de l'expérience, du savoir-faire et une main-d'oeuvre qualifiée. L'assurance a pour but d'indemniser le consommateur des pertes éventuelles. Le capital des sociétés d'assurance multirisque sert donc à garantir le versement des réclamations éventuelles.
Dans les banques, le capital sert à garantir les dépôts faits par les consommateurs dans les cas où les prêts ne seraient pas remboursés. Le même capital ne peut servir à la fois de garantie pour les risques de crédit et de garantie pour les risques en cas de catastrophe. En cas de catastrophe majeure, qui entraînerait la faillite d'entreprises et la disparition de biens, le même capital devrait répondre à deux demandes simultanées.
Nous avons présenté notre position au sujet de la concurrence par l'entremise de l'Association canadienne des assureurs qui a comparu devant le comité permanent sur les banques en 1995, par notre lettre du 7 novembre 1997 envoyée au groupe de travail et encore une fois, par l'exposé qu'a présenté l'Association canadienne des assureurs au groupe de travail en novembre 1997. Notre position, telle qu'elle apparaît dans notre lettre, est la suivante. Les assureurs canadiens ne seront pas les seuls perdants. Les consommateurs canadiens assisteront à une augmentation des prix et à une diminution de l'offre des produits parce que les survivants chercheront à récupérer leurs pertes.
Les banques ont longtemps évolué dans un marché peu concurrentiel. Comme la plupart des oligopoles, le secteur bancaire a rarement fait preuve d'innovation ou de sensibilité aux besoins de sa clientèle. L'innovation est plutôt venue du secteur des coopératives qui ont introduit, par exemple, les guichets automatiques, les comptes d'épargne à intérêt quotidien, les hypothèques à remboursement variable et les prêts aux consommateurs. Si les banques exercent leur influence dans le secteur de l'assurance, un secteur beaucoup moins concurrentiel, les consommateurs peuvent s'attendre, à long terme, à voir diminuer la gamme des produits offerts et les prix augmenter.
Nous croyons que certaines recommandations du groupe de travail proposent en fait, sous le couvert de favoriser la concurrence, des politiques protectionnistes qui auront pour effet de concentrer davantage le pouvoir financier entre les mains du secteur bancaire. Les banques canadiennes ont opéré dans un oligopole, un système où la concurrence est limitée parce qu'il n'existe qu'un petit nombre de vendeurs. Les banques ont déclaré éprouver des difficultés à soutenir la concurrence internationale mais ces difficultés ne viennent pas du fait qu'elles n'ont pu se développer dans un marché canadien restreint. Comme pour la plupart des oligopoles, le secteur bancaire n'a pas fait preuve d'innovation ou de sensibilité aux besoins de sa clientèle. La dernière opération de déréglementation qui a touché les compagnies de prêts et de fiducies et les courtiers en valeurs mobilières a clairement eu pour effet de concentrer davantage la concurrence. La consolidation des banques a réduit le nombre des joueurs et augmenté les revenus de l'oligopole bancaire.
Pour ce qui est de la distribution, notre compagnie a toujours fourni des services par l'entremise de courtiers d'assurance multirisque indépendants. Grâce à son objectivité, à son indépendance, à son professionnalisme le courtier explique aux consommateurs quels sont les produits et couvertures offerts et ces derniers sont alors en mesure de faire un choix et donc, d'exercer un pouvoir. Nous craignons que le groupe de travail ne préconise des politiques qui viennent réduire la concurrence au sein du système de distribution, en ne tenant pas compte de l'importance du réseau des courtiers indépendants.
• 1325
Nous appuyons tout à fait la position de l'Association des
courtiers d'assurance lorsqu'elle dit que la question n'est pas de
savoir si les banques doivent faire de l'assurance. Elles ont la
possibilité d'exercer cette activité depuis 1992. La vraie question
est de savoir s'il faut accorder aux banques des privilèges
spéciaux qui leur permettront de faire une concurrence déloyale aux
autres fournisseurs de produits d'assurance, ce qui leur permettra
de renforcer encore la position dominante qu'elles occupent dans le
secteur des services financiers.
Aujourd'hui, les banques exercent un contrôle énorme sur les consommateurs. Ce contrôle risque encore de s'alourdir si les banques obtiennent ce qu'elles veulent. Si le gouvernement accepte les recommandations du groupe de travail sur les assurances multirisque, les consommateurs verront leurs choix réduits, les services reçus insuffisants et les prix s'élever.
Les retombées sur l'emploi n'ont pas été suffisamment prises en compte par le rapport du groupe de travail alors que, d'après les études effectuées par l'association des courtiers, 60 000 emplois sont en jeu. La plupart de ces emplois se trouvent au niveau local, dans pratiquement tous les centres urbains et ruraux du Canada. Si l'on adopte les recommandations du groupe de travail, notre système de distribution actuel va disparaître et nous allons gravement nuire à la capacité de notre société de faire face à la concurrence et de communiquer avec ses assurés.
En conclusion, j'aimerais ajouter qu'au cours de ses 126 ans d'existence, notre compagnie s'est gagné la confiance de ses clients et l'appui du secteur international de la réassurance par sa croissance constante, son approche prudente et sa stabilité financière. C'est grâce à cet appui et à cette confiance que notre compagnie est en mesure d'assurer les projets les plus ambitieux au Canada.
Nous allons continuer à travailler à la croissance économique du Canada. Dans l'intérêt de tous les Canadiens, nous vous demandons de ne pas renforcer davantage la concentration des services financiers.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, MM. Quenneville et Dempsey.
Nous allons maintenant entendre M. Peter Nares, directeur exécutif de Self Employment Development Initiatives, et Carol Rock, directrice exécutive de Women and Rural Economic Development. Bienvenue.
M. Peter Nares (directeur exécutif, Self Employment Development Initiatives): Merci, monsieur le président.
L'organisme que je représente est un organisme de charité qui oeuvre depuis 1986 auprès des Canadiens à faible revenu pour les aider à devenir autosuffisants en se créant un emploi. Dans le premier mémoire que nous avons présenté au groupe de travail, nous avons principalement parlé de deux sujets: l'accès au crédit et les actifs et l'épargne des Canadiens à faible revenu. Nous allons principalement parler de ces deux sujets dans notre exposé d'aujourd'hui.
Un bref commentaire au sujet du rapport. Je travaille dans le domaine des politiques depuis des années et j'ai lu de nombreux rapports mais je dois dire que ce rapport est un des meilleurs que j'ai lus. Il est équilibré, clair et bien rédigé. Je tenais à le signaler.
Le rapport aborde la question de l'accès au micro-crédit et j'aimerais parler brièvement de ce sujet. Comme le rapport le note, l'accès au microcrédit est difficile pour les Canadiens à faible revenu. Le rapport mentionne également que certains programmes mis sur pied pour s'attaquer à cette difficulté ont donné d'excellents résultats. Le rapport présente ensuite des recommandations sur la façon dont ce secteur particulier de l'économie pourrait évoluer.
Je tiens à dire que nous appuyons toutes les recommandations du rapport du groupe de travail. Je ne vais pas les relire ici parce que je suis certain que vous les connaissez.
Il y a un point au sujet de l'accès au micro-crédit que nous aimerions ajouter à ce que dit à ce sujet le rapport en question; tant au Canada, aux États-Unis que dans les pays en développement, les programmes d'accès au micro-crédit ont donné de meilleurs résultats lorsqu'ils étaient reliés à d'autres genres de services, comme la formation en gestion des petites entreprises ou les conseils techniques. C'est pourquoi nous estimons que la recommandation du rapport au sujet du micro-crédit pourrait être complétée en tenant compte de cet aspect, et je vais lire notre mémoire.
Le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de DRHC et d'Industrie Canada, devrait examiner la façon d'étendre l'un de ces programmes, dont certains d'entre vous ont peut-être entendu parler, le programme d'aide à l'emploi autonome, qui a été une réussite au Canada, aux personnes dont les revenus sont faibles mais qui n'ont pas droit à l'assurance-emploi. Je suis certain que nous pourrions avoir une discussion très créatrice sur la façon d'utiliser le surplus de l'AE pour appuyer un tel programme.
En outre, il est évident que la formation et l'aide technique réduisent les risques que court une entreprise au moment de son démarrage et donc, ceux des prêteurs et qu'il serait donc souhaitable que l'on demande aux institutions financières de participer à ces programmes et d'examiner le genre de financement qu'elles pourraient leur accorder.
• 1330
Le deuxième sujet dont j'aimerais vous parler est celui de
l'investissement et de la responsabilisation communautaires qui est
également abordé dans le rapport. Je vais parler d'un aspect que
nous avons présenté au groupe de travail. Il n'a pas été mentionné
dans le rapport et c'est pourquoi je veux en reparler maintenant.
C'est la question de l'épargne et des actifs des Canadiens à faible
revenu.
Lorsqu'on examine les facteurs qui contribuent à la pauvreté au Canada, on constate qu'on s'est principalement intéressé jusqu'ici aux transferts de revenu et à la consommation. La question des actifs et de l'épargne qui pour les Canadiens à revenus moyen et supérieur, représentent des moyens de se protéger en cas de difficultés financières n'a pas été étudiée.
Il y a un programme qui existe aux États-Unis et qui mérite d'après nous d'être adopté au Canada. Il s'agit de comptes de développement personnel qui sont en fait des dépôts accélérés à usage restreint. Selon ce système, la collectivité, le secteur privé et le gouvernement s'engagent à déposer dans un compte spécial un montant égal à celui qui est versé par les Canadiens à faible revenu. Chaque participant définit l'objectif recherché en suivant un cours de sensibilisation aux aspects économiques et précise ses objectifs en matière d'épargne, les actifs dans lesquels seront investis en fin de compte les dépôts. Les actifs sont les actifs habituels, achat d'une maison, éducation postsecondaire, capital pour une entreprise, participation à un programme de formation ou de recyclage.
Depuis un an, nous avons consacré 11 mois à faire de la recherche sur ce sujet, du point de vue de l'élaboration des politiques et du point de vue des consommateurs. L'Association des banquiers canadiens et Développement des ressources humaines Canada ont subventionné cette recherche. Nous pensons que les résultats auxquels a abouti cette recherche justifient que l'on fasse l'essai d'un tel programme au Canada, à l'échelle nationale et nous recommandons au comité d'envisager de donner son appui à cette recommandation. Vous trouverez dans mon mémoire la formulation exacte de cette recommandation.
Merci de votre temps.
Le président: Merci beaucoup, M. Nares.
Madame Rock.
Mme Carol Rock (directrice exécutive, Women and Rural Economic Development): Merci de nous avoir donné l'occasion d'être ici.
Women and Rural Economic Development, ou WRED, est un organisme de développement économique communautaire à but non lucratif qui s'intéresse principalement à la participation des femmes rurales à l'économie. Nous offrons une formation en emploi autonome, faisons fonctionner un fonds de mini-prêts et jouons le rôle d'organe-ressource pour les réseaux locaux d'entreprises mises sur pied par des femmes dans les zones rurales. WRED exerce ses activités dans quatre régions de l'Ontario, et a créé 20 réseaux de femmes d'affaires dans les régions rurales de la province. Plus de 500 femmes ont participé à nos programmes depuis 1994 et celles-ci exploitent aujourd'hui 400 entreprises.
Nous travaillons depuis quelque temps avec les jeunes ruraux et à la formation d'entreprises dans le cadre d'alliances entre organisations. WRED est associé à SEDI pour mettre sur pied plusieurs initiatives et nous appuyons la position adoptée par SEDI et ses recommandations. Nos remarques vont porter sur les préoccupations qui sont particulières aux collectivités rurales et sur la question de l'accès au crédit pour les femmes.
Il est difficile de savoir quel sera l'effet exact de la fusion des banques sur les collectivités rurales. Aux États-Unis, ces fusions ont souvent entraîné une réduction des prêts consentis aux entreprises locales. Les collectivités rurales risquent de nos jours de perdre des services dans de nombreux domaines, notamment dans la santé, dans l'éducation et maintenant dans les services bancaires. Les nouvelles sociétés ne vont pas s'établir dans les collectivités où les services sont insuffisants.
L'aspect qui intéresse particulièrement les agriculteurs et les petites entreprises est la question de savoir si les décisions seront prises au niveau local ou à un niveau supérieur. Nombre d'entreprises familiales craignent que les décisions en matière de crédit soient centralisées et prises par des agents qui connaissent mal les exploitations et les entreprises agricoles ainsi que les besoins locaux. Avec une telle approche centralisée, les fonds sont bien souvent utilisés pour accorder des prêts ou effectuer des placements dont la rentabilité est supérieure, les risques plus faibles, ou destinés à des segments du marché auxquels les représentants des banques fusionnées accordent une priorité plus forte. Une telle attitude risque de faire diminuer les prêts accordés au niveau local et donc, d'affaiblir l'économie rurale.
Pour ce qui est de l'accès des femmes au crédit, nos clientes, les femmes rurales à faible revenu, ont déjà beaucoup de mal à avoir accès au crédit. Leurs entreprises sont trop petites ou trop nouvelles et bien souvent, elles n'ont jamais emprunté ou elles ont déjà eu des difficultés dans ce domaine.
• 1335
Une de nos clientes a voulu emprunter de l'argent pour rénover
sa cuisine de façon à respecter la réglementation en matière
d'hygiène pour offrir des services de traiteur. Son entreprise
était démarrée et son plan d'affaires prévoyait des bénéfices mais
on a demandé à son mari de garantir le prêt. Elle a remboursé ce
prêt de 5 000 $ en moins d'un an mais lorsqu'elle a demandé des
documents concernant ses antécédents de crédit, elle a constaté que
la banque avait rédigé le prêt au seul nom de son mari. Une autre
cliente avait un contrat de vente signé mais n'a pu obtenir
l'argent nécessaire pour acheter le produit qu'elle devait vendre.
Ce genre d'expériences est fréquent pour les femmes entrepreneures,
en particulier dans les collectivités rurales.
Nous savons que les mini-prêts accordés à un taux d'intérêt raisonnable ne sont pas rentables. Nous reconnaissons également que les prêts à eux seuls ne suffisent pas, comme le démontrent diverses études. Il faut offrir à nos clients une aide ou une formation technique pour qu'ils puissent utiliser leur crédit de façon judicieuse. Il y aurait lieu de créer des partenariats entre les banques et les organismes communautaires qui seraient disposés à fournir des services intégrés de prêts et de développement d'entreprise. C'est uniquement de cette façon que les petits entrepreneurs pourront créer des entreprises durables.
Nous appuyons de tout coeur certaines recommandations qui figurent dans le rapport du groupe de travail. Nous appuyons l'attribution de nouveaux pouvoirs aux caisses de crédit pour qu'elles soient plus efficaces, notamment le pouvoir de créer des banques. Nous appuyons également les recommandations concernant la divulgation et la transparence. Nous espérons qu'il ne sera pas nécessaire d'adopter une loi du genre du CRA pour obliger les banques à participer au développement économique communautaire. Comment ferions-nous autrement pour savoir si les profits que retirent les banques des activités des entreprises rurales sont réinvestis, en partie au moins, dans ces mêmes collectivités?
Merci de votre temps.
Le président: Merci beaucoup, Mme Rock.
Nous allons maintenant entendre M. Andrew Bolter de LIFE*SPIN—Women's Resource Centre. Bienvenue.
M. Andrew Bolter (directeur, Programmes de développement communautaire, LIFE*SPIN): Merci. Je remplace Mme Katherine Turner, qui n'a malheureusement pas pu venir à cause d'une urgence familiale.
L'Oxford Dictionary définit «money (la monnaie en français)» comme étant (Traduction) «un moyen d'échanger des biens». Il définit «credit (le crédit en français)» comme étant (traduction) «la possibilité de retarder le paiement de biens ou de services; une somme d'argent prêtée par une banque, un prêt, etc.»
La monnaie et le crédit sont des outils qui ont été créés pour faciliter les échanges économiques et ce sont des outils extrêmement utiles. Ces outils n'ont toutefois aucune valeur intrinsèque distincte de ce qu'ils peuvent nous apporter pour améliorer notre vie. Il y a également des aspects de notre vie et des interactions auxquels nous accordons une valeur certaine mais difficile à exprimer en termes monétaires. Notre incapacité à quantifier ces valeurs ou notre refus de le faire ne veut pas dire qu'elles ne sont pas importantes. Elles sont simplement moins visibles. Nous ne les voyons pas. LIFE*SPIN essaie d'équilibrer ces aspects dans toutes ces activités et c'est ce point de vue que nous apportons à l'analyse du rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada.
À titre d'information, mentionnons que LIFE*SPIN a été créé en 1989 sous la forme d'un organisme communautaire de base lorsqu'un groupe de mères, chefs de famille monoparentale ont commencé à se communiquer des renseignements au sujet des ressources locales et à défendre mutuellement leurs intérêts. Constitué en organisme de charité à but non lucratif en 1991, LIFE*SPIN rend compte de ses activités à un groupe d'intérêt. Ce groupe comprend les personnes à faible revenu de London en Ontario.
Nous avons adopté une stratégie de lutte contre la pauvreté qui comporte trois éléments. Le premier consiste à fournir aux personnes à faible revenu de London de l'information, sur l'application des lois par exemple, pour que ces derniers puissent prendre des décisions tenant compte des renseignements obtenus et choisir des mesures adaptées à leur situation. Deuxièmement, nous fournissons des services de médiation et de défense des intérêts aux personnes qui éprouvent des difficultés à communiquer avec les autres organismes gouvernementaux, et aux personnes qui n'arrivent pas à se débrouiller seules avec les renseignements que nous leur avons fournis. Troisièmement, nous estimons que la lutte contre la pauvreté ne représente qu'un aspect d'objectifs économiques et écologiques plus larges et nous avons adopté par conséquent une stratégie de développement à long terme visant le renforcement et l'autosuffisance de la collectivité, ce qui constitue pour nous l'élément essentiel du développement économique communautaire.
Je signale qu'à London, le nombre des enfants vivant dans la pauvreté est supérieur à la moyenne provinciale, même si les revenus sont dans cette ville parmi les plus élevés de la province. Il a donc tout un contraste dans notre ville.
• 1340
Nous savons bien que ce n'est pas avec nos services de
médiation et de défense des intérêts que nous allons faire
disparaître la pauvreté; nous cherchons donc à établir des liens
avec les membres de notre groupe cible sachant que nous pouvons
établir des partenariats fructueux au sein de cette collectivité et
avec les autres intéressés, et apporter ainsi des solutions aux
problèmes de la pauvreté. Nous considérons que ce genre d'action a
pour effet de redonner du pouvoir aux citoyens et de mobiliser des
ressources communautaires sous utilisées. C'est là un élément
essentiel du processus. Il faut toutefois regretter que les
décideurs locaux utilisent bien souvent les personnes à faible
revenu comme une source d'information potentielle concernant ces
questions mais qu'ils ne les considèrent pas comme des personnes
qui méritent de participer autrement à l'examen de ces problèmes.
Comme l'a fait remarquer Lucy Aldersand Melanie Conn dans More than Dollars: A Study of Women's Community Economic Development in British Columbia:
-
Selon la théorie classique du développement économique, les
décisions et le contrôle appartiennent aux sociétés et aux
investisseurs ainsi qu'aux niveaux supérieurs du gouvernement. Par
contre, pour de nombreux théoriciens et praticiens, l'aspect
essentiel du [développement économique communautaire] est l'idée de
donner ce contrôle à la collectivité. Le contrôle de la
collectivité devient le moyen essentiel qui permet de résister à la
dépendance de la collectivité face à une industrie unique ou à un
investisseur extérieur, et qui favorise l'utilisation des
ressources locales et la mise en oeuvre d'une comptabilité sociale.
Je mentionne brièvement que LIFE*SPIN a participé à différents aspects du développement communautaire. Nous avons mis sur pied des groupes de financement par les pairs, un fonds de prêts d'urgence et des comptes de développement communautaire. Ces derniers comptes permettent à des personnes à faible revenu de regrouper leurs ressources et de constituer une réserve qui pourra être utilisée pour répondre aux besoins imprévus, qu'il s'agisse de remplacer un réfrigérateur, de donner des soins vétérinaires à un chat ou de répondre à une situation d'urgence. Nous essayons d'éviter que ce fonds soit considéré comme un actif par les autorités de l'aide sociale et n'influe sur le droit aux prestations des membres de notre collectivité, en essayant de faire une exception aux lois relatives à l'aide sociale.
Nous avons également une association de prêts au développement communautaire qui gère le fonds des prêts communautaires. Nous avons l'équivalent du Good Food Network de Toronto. Nous l'appelons le Green Market Basket et nous offrons de la nourriture à plus de 4 000 personnes par mois par l'intermédiaire de ce programme. Nous nous occupons également d'un projet de logement communautaire destiné aux femmes ayant besoin d'un appui psychiatrique. Voilà donc nos principaux domaines d'activités.
Pour en revenir au rapport du groupe de travail, je signale que nous faisons partie de la Canadian Community Reinvestment Coalition. Je crois savoir que Duff Conacher vous a présenté un mémoire. Nous sommes heureux d'appuyer ses positions mais nous n'allons pas les répéter. Nous appuyons sans aucune réserve la position de la CCRC.
J'aimerais ajouter quelques commentaires. Notre organisme aimerait voir le jour où la valeur de toutes les entreprises et de toutes les institutions pour la société et pour leurs actionnaires s'appréciera en fonction de leur rendement financier, social et écologique. Jusqu'ici, les institutions financières ont bénéficié d'un cadre réglementaire favorable et elles ont fourni un service essentiel aux Canadiens. Nous avons donc été ravis de voir que le groupe de travail recommandait que les institutions financières s'engagent à fournir un accès général à des services bancaires de base. Nous sommes également heureux de constater que le groupe de travail souligne la nécessité de donner du pouvoir aux consommateurs, de mettre en oeuvre des règles strictes en matière de divulgation et de transparence et un système de comptabilité global.
Tant que les entreprises privées estimeront que la rentabilité financière est la seule façon de mesurer la réussite, les coûts sociaux et écologiques de leurs activités devront être assumés par la collectivité et non par les entreprises. Lorsque les institutions financières seront davantage responsables envers les collectivités, les consommateurs pourront influencer les décisions des institutions financières et celles-ci pourront fournir des ressources supplémentaires pour que les collectivités puissent absorber ces coûts qui sont moins apparents.
Nous demandons que le gouvernement examine chaque année, avec la participation de la population, les déclarations de responsabilité communautaire et qu'il évalue le rendement de chaque institution, et que les résultats soient largement diffusés. Nous aimerions également que soit divulguée la liste des demandes de développement communautaires classées par type, montant et sexe de l'auteur de la demande, en mentionnant le nombre des projets approuvés et refusés.
Il est également important de diffuser les renseignements concernant les plaintes communautaires et la façon dont elles ont été réglées. L'on risque autrement que les banques tentent de répondre à leurs obligations en matière de réinvestissement dans la collectivité en faisant des dons charitables ou en investissant dans des institutions qui accordent de mini-prêts. Les grandes institutions financières commencent à s'habituer à participer à la vie communautaire de cette façon, et nous reconnaissons que ce genre de réinvestissement est souvent justifié, mais il existe d'autres besoins non comblés. Il est essentiel que la collectivité participe à ce processus, notamment au processus d'évaluation du rendement. Cela inciterait également les institutions financières à trouver de nouveaux moyens de participer à la vie communautaire, à découvrir des moyens qui répondent à la façon dont la collectivité définit ses «besoins».
• 1345
Nous demandons également que l'on envisage d'accorder des
incitatifs fiscaux pour les investissements dans le développement
communautaire. Avec ces incitatifs, les investisseurs pourraient
récupérer une partie de l'avantage qu'en retire de façon plus
concrète la collectivité. Dans un monde où les investisseurs ne
s'intéressent bien souvent qu'aux bénéfices à court terme et y
voient le seul critère d'investissement, ce genre d'incitatifs
risque de jouer un rôle essentiel si l'on entreprend des projets de
développement communautaire durable. Les collectivités ont besoin
de partenaires pas de bienfaiteurs. Ces partenaires doivent
accorder de la valeur à leurs propres ressources et à celles des
collectivités avec qui ils travaillent.
Je vous remercie de votre attention et d'avoir accepté de mener à bien cette tâche.
Le président: Merci beaucoup, M. Bolter.
Nous allons maintenant entendre Kim McArthur, de McArthur & Company Publishing Limited.
Mme Kim McArthur (présidente et éditrice, McArthur & Company Publishing Limited): Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole aujourd'hui. Je serai très brève.
La publication récente du rapport MacKay et les suggestions qu'il contient au sujet des nouvelles orientations des institutions financières canadiennes me font penser que l'expérience que j'ai acquise dans le secteur de l'édition au Canada depuis une quinzaine d'années est susceptible d'intéresser votre comité. Je ne suis pas venue bardée de statistiques ou de transparents parce que je sais que vous en avez déjà trop. J'espère par contre vous communiquer l'expérience et les connaissances que j'ai acquises sur le terrain de l'édition, et qui pourraient s'appliquer au projet de fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal.
En 1987, Little, Brown Boston m'a demandé de lancer une filiale canadienne de leur société. Little, Brown Canada avait été constituée en société en 1953 par Jack McClelland, et était donc une société canadienne qui bénéficiait de droits acquis. Comme vous le savez, cela n'est pas rien compte tenu de la politique culturelle version Baie Comeau en vigueur à l'époque. J'ai dirigé Little, Brown Canada pendant 11 ans et nous avons toujours fait des bénéfices, parfois plus parfois moins, nous avons acquis une bonne notoriété et connus de nombreux succès de librairie, tant pour des ouvrages canadiens qu'étrangers.
Il est intéressant de signaler que Methuen, la société que j'avais quittée pour former Little, Brown Canada, a été vendue deux semaines plus tard. Cela a été mon premier contact avec les achats et les regroupements mais pas le dernier. En 1990, Time and Warner ont uni leurs forces aux États-Unis. Huit ans plus tard, au printemps de cette année, leur stratégie internationale de regroupement les a amenés à fermer Little, Brown Canada et à envoyer tous les livres que nous distribuions à un distributeur canadien. Le programme d'édition canadienne de Little, Brown Canada a tout simplement été supprimé. Les auteurs ont toutefois récupéré leurs droits, ce qui m'a permis de démarrer une nouvelle société d'édition canadienne cet été, à partir de ce qui restait de Little, Brown Canada.
Vous pourriez en conclure que je panique dès que j'entends le mot fusion ou regroupement, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. En fait, ces événements concernent le rapport MacKay et les fusions proposées sur plusieurs points intéressants. Lorsque je dirigeais Little, Brown Canada, je pensais qu'étant donné que nous soutenions bien la concurrence des autres entreprises internationales, que nous avions des best-sellers comme Richard Ford et Jack Granatstein, et que nos profits alimentaient les coffres de Time Warner, le regroupement éventuel de certaines activités ne nous toucherait pas. Cette façon de raisonner n'était pas la bonne, comme la suite des événements nous l'a montré.
Comme cela est signalé dans le rapport MacKay, les regroupements et les économies d'échelle sont la voie de l'avenir. En fin de compte, le fait que nous étions la seule société d'édition Time Warner au Canada n'a pas été jugé suffisant. Time Warner a estimé qu'il serait plus rentable pour elle de vendre ses livres à H.B. Fenn qui s'occuperait ensuite de les expédier, de remplir les commandes des clients canadiens, de s'occuper des invendus et du reste, comme il le faisait auparavant pour Warner.
En fin de compte, ces événements ont eu un effet bénéfique pour cette société canadienne, Fenn. J'ai réembauché tout mon personnel et mes agents de vente, c'est-à-dire près de 30 personnes, et j'ai lancé une nouvelle société canadienne, ce qui m'a permis de reprendre les 50 auteurs qui étaient publiés auparavant par Little, Brown; tout cela a donc eu un effet doublement bénéfique. L'entreprise canadienne qui s'occupe de toutes les activités de Time Warner au Canada a connu un démarrage foudroyant et d'un autre côté, après un été assez difficile, nous connaissons un départ en flèche. Ce n'est certainement pas ce qui avait été prévu à l'origine mais la bonne nouvelle, c'est que les deux entreprises, Fenn et McArthur & Company, ne dépendent plus désormais des décisions que pourraient prendre un conglomérat américain, et je crois que cela risque de vous intéresser.
Time Warner a respecté tous les engagements qu'elle avait pris en 1990, par exemple, celui de continuer à utiliser des entrepôts canadiens, à publier des auteurs canadiens, et d'avoir une bonne présence sociale. Si, à la suite du rapport MacKay, on autorise la fusion des banques, ne pourrait-on pas leur demander de prendre elles-mêmes un certain nombre d'engagements? Cela a été très efficace dans le cas de Time Warner et dans un autre cas dont je vais vous parler dans un instant, celui de Chapters.
Les banques ont parlé d'un certain nombre de choses comme pas de fermeture de succursale dans une collectivité où la seule banque qui reste est l'une des deux banques fusionnées; pas de mise à pied dans les collectivités où les deux banques ont des succursales, à l'exclusion de toute autre banque; ajout de 500 succursales, dont le nombre total passerait ainsi à 3 000, les clients des banques fusionnées auraient accès aux 6 200 guichets automatiques sans avoir à payer de frais interbancaires, ce qui permettrait d'épargner près de 30 millions de dollars aux Canadiens, engagement de dépenser 7 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour développer une technologie de pointe, dont nous aurons tous besoin, selon le rapport MacKay, engagement de dépenser 750 millions de dollars pour la formation de personnel qualifié qui travaillera dans la nouvelle entité et amener le total des dons sociaux à 250 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.
• 1350
Bien entendu, l'engagement qui m'intéresse personnellement le
plus, comme les autres entrepreneurs, est l'engagement qu'ont pris
les banques de s'occuper davantage des petites et moyennes
entreprises. Matthew Barrett a mentionné que la banque des petites
entreprises pourrait être une banque à l'intérieur d'une banque,
comme les mbanx. Les petits entrepreneurs comme moi aimeraient
beaucoup qu'en cas de fusion, ces engagements soient respectés, et
qu'ils soient officialisés.
Le rapport MacKay indique clairement que les institutions financières vont devoir prendre rapidement de nombreuses initiatives pour pouvoir soutenir la concurrence du marché international. Les banques canadiennes éprouvent déjà des difficultés à conserver leur position actuelle face à la concurrence accrue que leur font les sociétés internationales qui s'occupent des listes de paie, des cartes de crédit et des fonds mutuels, qui exercent leurs activités au Canada sans s'être regroupées, et sans tirer avantage d'un regroupement des capitaux et des compétences.
Je crains que, si nous interdisons ces fusions, les institutions financières américaines et internationales n'occupent à l'avenir une place prépondérante ici. Si on permettait à nos institutions financières d'unir leurs forces aujourd'hui, cela renforcerait la stabilité du réseau bancaire canadien et leur permettrait d'étendre, grâce à leur puissance nouvelle, leurs activités en Amérique du Nord et à l'étranger.
Je vais vous parler d'un dernier exemple du secteur de l'édition. Il y a quelques années, Larry Stevenson, le directeur de Chapters aujourd'hui, a réuni tous les éditeurs pour leur expliquer qu'une fusion entre les magasins Coles et SmithBooks au Canada permettrait de créer une entité qui placerait le réseau des librairies que l'on appelle maintenant Chapters, parmi les cinq premiers en Amérique du Nord. Il avait des transparents, des diapositives, des tableaux et toutes sortes d'éléments qui démontraient que seuls, SmithBooks et Coles n'y arriveraient pas. On construisait aux États-Unis près de 500 grandes surfaces par an, et c'était ce qui allait se passer au Canada.
Si SmithBooks et Coles ne fusionnaient pas... Regardez ce qui se produisait chaque fois qu'ils ouvraient un magasin. Lorsque SmithBooks ouvrait un magasin, Coles en ouvrait un autre juste en face. Ils se faisaient une concurrence mortelle. Il leur a dit qu'en travaillant seuls et en se faisant concurrence, les ressources des deux réseaux nationaux de librairies ne pouvaient que s'épuiser. Séparés, ces deux groupes arrivaient tout juste parmi les 15 premiers en Amérique du Nord.
À l'époque, j'ai rédigé une lettre, qui a été signée par les autres éditeurs canadiens et étrangers, destinée à Investissement Canada dans laquelle nous appuyions la fusion pour la plupart des raisons dont je vous ai entretenu aujourd'hui. Je suis convaincue, en tant que Canadienne, qu'il est préférable de fusionner les forces lorsque cela est nécessaire pour répondre à la concurrence internationale, tout en préservant la nationalité des entreprises.
C'est ce qui s'est passé avec Chapters, un projet qui a connu une réussite incroyable. Ils ont fermé quelques-uns des petits magasins qui se faisaient concurrence dans les centres d'achat mais ils ont ouvert 52 superlibrairies Chapters dans différentes régions du Canada. Cela a véritablement stimulé le secteur des librairies et tout le monde en a profité. Nous vendons beaucoup plus de livres écrits par nos auteurs, tant canadiens qu'étrangers.
Entre-temps, au Royaume-Uni, il est bon de signaler que Borders, un réseau de librairies appartenant à des intérêts américains, vient d'ouvrir sa septième superlibrairie. C'est ce qui aurait pu se produire au Canada mais M. Stevenson a eu la perspicacité de prévoir correctement l'avenir, de fusionner les réseaux de librairies canadiennes et d'introduire les superlibrairies.
J'estime que l'on devrait offrir la même possibilité aux banques. En tant que Canadienne, je préfère de loin continuer à faire affaire avec des institutions financières canadiennes qui ont un passé ici qu'être obligée de traiter avec des institutions financières américaines parce qu'individuellement, nos banques n'ont pas pu résister à la concurrence que leur faisaient des institutions étrangères trop puissantes.
Merci.
Le président: Merci, Mme McArthur.
Voilà qui termine les exposés.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais donner la parole à M. Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'une brève question pour M. Quenneville.
Merci pour vos exposés.
À la page 2, je m'intéresse au passage où l'on peut lire: «Le capital des compagnies multirisque sert en fait à garantir le versement des réclamations éventuelles». Cela nous fait comprendre comment fonctionne votre société. Et vous poursuivez «Dans les banques, le capital vient garantir les dépôts...».
Que font les banques actuellement? Je parle des banques qui ont acheté des compagnies d'assurance. D'où vient le capital qu'elles utilisent pour couvrir leurs risques?
M. Jules Quenneville: Je ne peux pas répondre à votre question parce que je ne sais pas d'où viennent leurs capitaux. Je peux toutefois vous dire que si elles ont mis sur pied une succursale distincte qu'elles exploitent comme une compagnie d'assurance, si elles l'exploitent de la même façon qu'une compagnie d'assurance fonctionnerait, leur capital doit figurer dans leur bilan, elles ont réassuré leurs polices probablement auprès de sociétés étrangères et s'occupent de transfert de risque, comme nous. C'est une situation que nous acceptons, ce sont nos concurrents et nous le reconnaissons.
• 1355
Nous tenons toutefois à faire remarquer que ces institutions
ne devraient pas pouvoir fusionner leurs activités au sein d'une
seule entité, parce qu'ensuite il serait très difficile de savoir
où se trouvent les capitaux. Tant qu'il y a une succursale
distincte qui exerce des activités bancaires et une autre qui fait
de l'assurance, comme c'est le cas actuellement, nous savons où se
trouve leur capital, si nous prenons la peine d'examiner les
documents que ces sociétés doivent déposer, pourvu que l'on
conserve le cadre réglementaire actuel. Personnellement, je n'ai
pas fait les recherches qui m'auraient permis de savoir exactement
ce qu'il en était dans ce domaine.
M. Dick Harris: Si les banques décident de vendre de l'assurance et regroupent toutes leurs activités dans leurs succursales, serait-il souhaitable, sur le plan commercial, qu'elles continuent à opérer comme elles le font aujourd'hui et qu'elles répartissent le risque en se réassurant auprès de sociétés étrangères? J'ai l'impression que vous dites que les banques ne devraient pas se réassurer mais plutôt utiliser leur capital et leurs dépôts pour garantir ce risque.
M. Jules Quenneville: Je crois que c'est l'orientation que semble favoriser le groupe de travail puisqu'il permet aux succursales bancaires de vendre de l'assurance. Ces succursales ne s'occuperont plus uniquement de prendre des dépôts et de jouer le rôle d'intermédiaires financiers. Elles vont exercer une activité toute différente en utilisant la même coquille juridique que pour leurs activités d'intermédiaire financier, procédé qui me paraît pour le moins suspect.
M. Dick Harris: Je vois. Est-ce la réglementation qui prévoit que le capital des compagnies d'assurance multirisque doit être utilisé pour garantir les réclamations éventuelles? Est-ce que cela est prévu par règlement?
M. Jules Quenneville: La réglementation fédérale oblige les compagnies d'assurance auxquelles elle s'applique à avoir un capital minimum, cette réglementation est administrée par le BSIF.
M. Dick Harris: Ne pourrait-on pas appliquer cette réglementation aux banques qui ont regroupé leurs activités dans le domaine de l'assurance avec leurs...? Je pose la question parce que cela m'intéresse.
M. Jules Quenneville: Si l'on appliquait aujourd'hui cette réglementation à un groupe bancaire dont une des succursales vend de l'assurance, la réglementation viserait également cette succursale. Par contre, lorsqu'une succursale opère à la fois dans le domaine de l'assurance et dans celui des dépôts, il devient, je crois, très difficile de déterminer quel est le montant du capital que la succursale devrait avoir et de vérifier que ce capital est conservé à l'intérieur du groupe financier qui exerce ces activités.
M. Dick Harris: Vous affirmez donc qu'il serait très difficile de surveiller...
M. Jules Quenneville: Voire impossible.
M. Dick Harris: Très bien.
J'aurais une dernière question. Je voulais la poser cette question à un représentant du secteur des assurances. Je n'ai pas entendu votre exposé mais je ne crois pas que vous vous soyez prononcé sur la fusion des banques. S'il fallait choisir, seriez-vous prêt à accepter la fusion des banques, si celles-ci s'engageaient à ne pas vendre d'assurance?
M. Jules Quenneville: J'espère que vous ne voulez pas laisser entendre que nous serions prêts à échanger...
M. Dick Harris: Je sais, mais je voulais simplement savoir quelle était votre opinion. Supposons que votre secteur soit obligé de prendre une décision et que votre opinion puisse influencer cette décision. Que pensent les membres de votre secteur au sujet des fusions? Si les banques s'engageaient à ne pas vendre d'assurance, seriez-vous prêt à appuyer ces fusions ou un projet de fusion?
M. Jules Quenneville: Je ne suis pas venu ici pour parler de la fusion des banques.
M. Dick Harris: Très bien. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Nous allons entendre maintenant un exposé parce que M. Gary Polonsky, président du Collège Durham, vient d'arriver. Vous pourriez dire quelques mots et nous reviendrons ensuite aux questions.
Bienvenue.
M. Gary Polonsky (président, Collège Durham): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je devrais sans doute commencer par me présenter et expliquer pourquoi je suis ici. Je suis venu parce qu'une banque m'a demandé de le faire mais personne ne m'a obligé à dire quoi que ce soit. En fait, je leur ai mentionné que j'allais recommander quelque chose que les banques n'aimeraient pas beaucoup, et elles l'ont accepté.
Je vais vous dire qui je suis en 30 secondes. Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine, et vous allez peut-être trouver un peu creuses les 8 ou 10 prochaines minutes mais je vous pardonnerai même si vous en arrivez à cette conclusion. Lorsque l'on m'a demandé de venir, j'ai rappelé que je n'étais pas un spécialiste de ce domaine. Mais on m'a dit «Gary, on sait, au moins entre Toronto et Oshawa, que tu réfléchis, que tu es honnête et que tu fais du bon travail dans ton domaine». Je reconnais que je suis honnête mais pour le reste, je n'en sais trop rien.
Je suis fier d'être le président du Collège Durham. Nous prenons des risques, nous connaissons une croissance très rapide et nous sommes solvables, il y a une affiche ISO sur notre campus. Pour ce qui est de l'égalité, nous garantissons aux employeurs la qualité du travail de nos diplômés. Nous garantissons aux étudiants qui veulent étudier chez nous qu'on ne refusera pas leur candidature parce qu'ils ne disposent pas de moyens suffisants. Nous avons certains domaines de spécialisation, notamment dans le secteur de la formation. Je ne sais plus très bien, après ce que je viens de dire, pourquoi on m'a demandé de venir ici, mais je fais ce que je peux.
Je ne suis pas un spécialiste mais j'ai quand même essayé d'en savoir davantage. J'ai lu le rapport MacKay et j'ai passé la journée de mardi, la semaine dernière, avec John Cleghorn, j'ai au moins fait des efforts pour ne pas avoir l'air complètement ignare.
Je vais aborder trois sujets et formuler une recommandation. Le premier aspect est que, si nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation financière mondiale aussi difficile, c'est parce qu'il y a eu une déréglementation globale sans qu'on ait mis en place des mécanismes de contrôle globaux pour éviter que les pires prévisions ne se réalisent. Il n'existe aucun mécanisme mondial de réglementation des bourses de valeurs mobilières à l'heure actuelle. C'est pourquoi les maillons les plus faibles sont en train de nuire à l'ensemble de la chaîne.
À cause de la corruption qui sévit dans des pays comme le Japon et l'Indonésie, dans le domaine des banques, dans les entreprises et dans certaines bourses de valeur, et à cause de la multiplication des échanges internationaux, l'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest sont tout à coup touchés par ces facteurs, alors qu'il y a 10 ans, cela n'aurait pas été le cas. Bien entendu, le petit morceau de silicone qui a été découvert en 1977 n'a pas arrangé les choses. Ce n'est pas que les Américains du Nord soient des anges. Il y a eu aux États-Unis, par exemple, le fiasco des institutions d'épargne et de prêts et ce pays a dû tirer des conclusions de cette expérience mais nous pouvons au moins dire que notre dossier est certainement meilleur que celui de bien d'autres pays.
Il ne semble pas que les Don Johnston et les FMI de ce monde réussiront à rétablir la situation dans un délai raisonnable et sans nuire à l'ensemble de l'humanité. Ma première remarque, pour la répéter, est que la vie n'est pas simple et que les Canadiens seraient naïfs de croire que tout le monde partage nos valeurs, non pas que nos valeurs soient toujours les meilleures. Mais nous allons connaître une période très troublée à court terme et peut-être même à long terme.
Le deuxième aspect que je tiens à signaler est le fait qu'il est impossible de prévoir l'avenir. Les organismes, les particuliers et les familles, ainsi que les sociétés, doivent essayer des choses, avoir l'esprit ouvert, considérer les données comme des amies et les commentaires comme des cadeaux. Ce n'est pas que les personnes qui occupent des postes de pouvoir soient plus stupides que celles qui les ont précédées ou que leurs intentions soient moins pures; la réalité est tellement complexe que je crois que nous devrions tous reconnaître que faire son possible est peut-être bien souvent la seule chose que l'on puisse faire. Vous avez dû entendre des gens qui ont des idées très différentes sur à peu près tous les sujets. Ces gens-là ont des expériences différentes, des points de vue différents et cela est normal.
• 1405
Je vais aborder mon dernier point, qui porte sur une tendance
qui va se confirmer, je crois, à savoir l'importance du rôle des
consommateurs. Je vais vous raconter à ce sujet trois petites
histoires très courtes.
Je peux vous dire qu'il y a dix ans, cinq ans, même peut-être trois ans, mes étudiants acceptaient à peu près tout ce que mon organisation leur offrait, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Ils me font savoir en venant me voir, en m'envoyant un mot ou un courrier électronique, ou en m'appelant chez moi, qu'ils veulent un service de première qualité et cela, très rapidement, voire immédiatement. Chaque fois qu'il y a un problème, ils me le signalent très rapidement. Vous avez sans doute tous observé ce changement d'attitude chez les consommateurs dans vos domaines respectifs.
Mon deuxième exemple est celui d'un étudiant particulier, qui se trouve être mon petit-fils de cinq ans. La semaine dernière, lorsque j'ai été le voir à Winnipeg, il m'a dit qu'il aimait beaucoup son école maternelle, dans laquelle il vient de passer son premier mois, mais que la musique qu'on y joue était vraiment ennuyeuse. Eh bien, j'ai peut-être trouvé que la musique que l'on jouait dans mon école maternelle était ennuyeuse mais je l'ai acceptée. Dans son cas, il va amener deux disques à l'école, les Spice Girls et les Backstreet Boys, pour montrer à son éducatrice comment elle pourrait respecter davantage les souhaits de sa clientèle lorsqu'il s'agit de musique.
Le troisième exemple que je vais vous donner est celui du père de ce petit enfant, qui est vice-président des services financiers et administratifs d'une grande société de transport par camion dans l'ouest du Canada. Il vient de quitter la Banque Royale pour faire affaire avec une banque dont je n'avais jamais entendu parler il y a un mois, The Associates. Je sais maintenant que The Associates est très populaire aux États-Unis et dans les cercles bancaires internationaux. Je lui ai demandé pourquoi il avait changé et il m'a répondu: «C'est très simple, avec cette banque, j'ai accès à plus d'argent, plus rapidement et au même taux.» Il a donc changé de banque et il y a bien sûr des gens qui changent de fournisseurs, dans tous les secteurs économiques, et il n'y a absolument rien que les gouvernements, ni qui que ce soit d'autre puissent y faire.
Je vais donc conclure, avant de présenter une recommandation, en disant que cet aspect ne m'inquiète pas du tout personnellement et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Canadiens qui s'en inquiètent, même si cela préoccupe sans aucun doute très gravement les personnes qui travaillent dans des secteurs connexes. Les Canadiens ne sont pas trop inquiets parce que si la décision de Cleghorn ou de Barrett ne leur convient pas, ils vont changer d'institution, choisir une autre banque, une société de fiducie, une caisse de crédit, Wells Fargo, The Associates ou la Banque de Hongkong; il y a maintenant des solutions qui s'offrent aux gens et les gens s'en servent.
Je vais terminer par une recommandation et je dirais que, si elles veulent fusionner, qu'elles fusionnent et les gens prendront les moyens pour se défendre, si cela est nécessaire.
J'aimerais ajouter une dernière chose avant de m'arrêter, parce que cela touche mon secteur, c'est la question des répercussions que cela pourrait avoir sur l'emploi. Certains prétendent que ces fusions vont se traduire par la disparition de dizaines de milliers d'emplois, en particulier dans cette région du pays. Comme nous le savons tous, l'offre et la demande touchent la situation de l'emploi, comme tout le reste, et les Canadiens ont beaucoup de chances de nos jours. Si l'on tient compte de l'aspect démographique de l'offre et d'une économie en expansion pour la demande, il faut presque faire des efforts pour ne pas trouver de travail ces jours-ci, si l'on possède les compétences que l'on demande. Plus de 95 p. 100 des étudiants qui ont obtenu leur diplôme au printemps dernier, par exemple, ont trouvé un travail.
Je parlais ce matin avec des gens du secteur privé, et la présidente d'une société m'a dit qu'elle avait très hâte qu'il y ait des personnes du secteur bancaire qui prennent une retraite anticipée parce qu'elle avait besoin d'embaucher des employés possédant ces compétences et qu'elle n'arrivait pas en ce moment à trouver de telles personnes sur le marché du travail.
Je vais terminer en reprenant ma recommandation: si elles veulent fusionner, laissez-les faire. Merci.
Le président: Merci, M. Polonsky.
Nous allons maintenant revenir aux questions. Monsieur Harris, vous pouvez poser une dernière question brève et je donnerai ensuite la parole à M. Brison.
M. Dick Harris: Merci.
Je tiens à vous assurer, M. Quenneville, que je n'essayais pas de vous obliger à prendre position, je vous ai posé cette question parce que cela m'intéresse. Je ne voulais pas du tout vous obliger à prendre parti. Je vous demande de m'excuser si vous l'avez compris de cette façon.
Voulez-vous répondre à cela ou préférez-vous oublier ma question?
M. Nick Discepola: Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas ça qui va l'inciter à voter réformiste.
M. Dick Harris: Pas de problème.
Je vais donc passer à M. Polonsky. J'ai bien aimé vos observations parce que je suis sincèrement convaincu que les Canadiens sont suffisamment intelligents pour changer de banque s'ils n'en sont pas satisfaits des services qu'on leur offre. L'objectif recherché dans le secteur des services financiers est de renforcer la concurrence et de diversifier les choix, car cela est toujours bon pour les consommateurs. Si les changements apportés au cadre réglementaire ont pour effet de renforcer la concurrence et de diversifier les choix, alors je crois que cela ira très bien pour notre pays.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président et merci à tous pour vos exposés très intéressants.
Je voulais adresser ma première question à... est-ce bien M. Quenneville? Je prononce mon nom à l'anglaise en ce moment mais j'essaie d'améliorer mon français et un jour, il se prononcera en français.
[Français]
Je crois avoir besoin d'une autre semaine de cours d'immersion.
[Traduction]
C'est le courtage d'assurance et le crédit-bail automobile qui soulèvent les questions les plus complexes parce que la venue des principales banques à charte dans ces secteurs suscite une vive opposition. Il faut toutefois reconnaître que la situation actuelle ne va pas se maintenir, qu'elle va évoluer, et que si nous faisons ce qu'il faut faire, dans quelques années, le secteur des services financiers sera tout à fait différent de ce qu'il est aujourd'hui, et qu'en fait, toutes les règles seront différentes.
Si vous aviez librement accès au système de paiement, tout comme vos concurrents et les courtiers d'assurance, par exemple, et si vous pouviez créer une nouvelle banque avec un capital de 10 millions de dollars, une nouvelle banque qui bénéficierait d'avantages auxquels les grandes banques n'auraient pas droit, des avantages de nature réglementaire, seriez-vous intéressé à participer à d'autres domaines du secteur financier, par exemple le secteur bancaire, si l'on vous en laissait la possibilité? Ou cela vous serait-il difficile?
M. Jules Quenneville: Je dirais qu'il ne suffit pas que la réglementation facilite l'accès à un secteur donné aux personnes qui ne le connaissent pas ou qui n'ont pas librement choisi d'y investir. Il faut encore qu'il soit souhaitable, sur le plan commercial, d'utiliser ainsi son capital. Dans le passé, lorsque les autorités de réglementation ont supprimé des règles pour libéraliser un secteur donné, ce n'est pas toujours ce qui s'est produit. Cela s'explique peut-être parce qu'il faut penser à divers aspects, comme la possibilité d'exercer l'activité envisagée, sa rentabilité, les chances de succès, les divers aspects qui doivent être analysés, qui ont été mentionnés ici aujourd'hui par d'autres témoins, le capital humain, le savoir-faire, la capacité de réussir et les chances de succès, ce sont des éléments qu'il n'est pas facile d'intégrer en un tout harmonieux.
C'est pourquoi, personnellement, je ne pense pas que le simple fait de supprimer certaines règles va modifier la situation actuelle.
M. Scott Brison: Voyez-vous des difficultés à ce que les grandes banques, les banques de catégorie A, fassent du courtage d'assurance. Et si l'on accordait à ces nouvelles banques un accès préférentiel au courtage d'assurance? Je parle des petites banques communautaires, pas des grandes banques. Je parle des petites banques qui auront un capital de 10 millions de dollars. Il serait bon pour tous les Canadiens d'avoir plus facilement accès au crédit. C'est peut-être grâce aux nouvelles banques que l'on pourra atteindre cet objectif d'intérêt général.
Seriez-vous favorable à ce que les nouvelles banques puissent participer à ce secteur si les banques plus importantes ne pouvaient le faire?
M. Jules Quenneville: Je crois que M. Dempsey veut répondre.
M. Robert Dempsey (vice-président principal, Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord): L'un des gros problèmes que pose l'arrivée des banques sur le marché de l'assurance, c'est celui de l'accès aux données dont ne peuvent disposer les sociétés d'assurance. Prenons rapidement l'exemple d'une demande d'assurance-automobile en Ontario. Nous ne sommes pas dans ce cas autorisés à prendre connaissance de l'emploi du demandeur. Les banques possèdent ce renseignement dans leurs fichiers tirés des prêts à la consommation. Elles ont des données sur la santé.
Je comprends bien que vous avez l'impression qu'une véritable muraille de Chine a été construit à l'intérieur des banques afin de compartimenter l'information et l'empêcher de se transmettre d'un secteur à l'autre. Nous avons bien peur qu'il n'en soit rien en réalité.
Les règles du jeu ne sont donc pas les mêmes pour tous. Si vous autorisez les petites banques à offrir dans les mêmes conditions des polices d'assurance, elles pourront compter sur de plus grosses banques de données concernant les consommateurs que ne peut le faire à l'heure actuelle le secteur de l'assurance. Voilà un des domaines dans lesquels la lutte n'est pas égale.
J'en reviens à la question des capitaux. Nous avons peur que les capitaux des banques soient sollicités pour deux types différents de risque, les catastrophes et les risques financiers. En cas de catastrophe telle qu'un tremblement de terre, quand non seulement des biens sont endommagés, mais quand des entreprises font faillite et quand le remboursement de certains prêts est exigé, les moyens et les capitaux devant permettre de rebâtir le pays ne sont pas illimités. Lorsque les fonds sont épuisés, la population se retourne vers le gouvernement pour qu'il déclare l'état d'urgence et qu'il la secoure, et c'est l'argent des contribuables canadiens qui est sollicité pour rebâtir le pays.
J'estime qu'il incombe au gouvernement du Canada de faire en sorte que les moyens financiers de notre pays, grâce aux capitaux apportés par les investisseurs ainsi que par les sociétés d'assurances et les banques étrangères, soient suffisants pour que l'on puisse prendre en charge ces catastrophes, si elles se présentent. Nous nous référons en fait aux capitaux. Ne laissez pas les banques engager doublement leurs capitaux sur deux types de risque.
M. Scott Brison: Votre secteur est très rentable. Il n'y a pas de mal à ça, mais il est très rentable. Le secteur de l'assurance de biens et risques divers correspond à 3 p. 100 de l'actif des services financiers canadiens et dégage 13 p. 100 des bénéfices. C'est là que l'écart est le plus grand entre le montant de l'actif et les bénéfices. C'est un secteur très rentable. Je peux donc comprendre que d'autres opérateurs financiers, tels que les banques, veulent en avoir une part. Je peux aussi comprendre que vous ayez des sueurs froides à la pensée que les grosses banques puissent en avoir une part, mais j'ai quand même un peu de difficulté à m'imaginer que vous vous inquiétiez au sujet des plus petits concurrents.
M. Robert Dempsey: En réalité, les banques peuvent à l'heure actuelle être propriétaires de sociétés d'assurance et offrir, par l'intermédiaire de ces sociétés distinctes, des polices d'assurance sur le marché. Tout le monde est sur un pied d'égalité. C'est à partir du moment où elles peuvent se servir de leurs réseaux de succursales pour distribuer leurs produits et de leurs bases de données pour adapter leurs produits à la clientèle que le jeu de la concurrence devient déséquilibré.
Si les banques ont bien plus de capitaux que les sociétés d'assurance, c'est entre autres parce qu'elles ont bénéficié d'une réglementation plus protectionniste du gouvernement, qui leur a permis de faire fructifier leur capital. Aujourd'hui, nous déréglementons et nous leur permettons de se servir de ces capitaux pour nous concurrencer, nous qui avons bâti notre capital en faisant face à la concurrence internationale.
M. Scott Brison: J'ai bien apprécié votre exposé traitant du conseil parlementaire sur les micro-crédits. C'est une question que nous rencontrons en permanence. La question de l'accès aux capitaux dans les petites localités rurales est extrêmement importante pour un député qui, comme moi, vient des Maritimes.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du succès de Calmeadow. Quel doit être l'écart au niveau des taux pour qu'il soit raisonnable et quels sont les taux d'intérêt pratiqués sur les prêts correspondant à des micro-crédits au Canada? Est-ce le taux privilégié plus cinq points? Le taux privilégié plus huit points? Quel est l'écart en général? Quel est aussi le pourcentage de défauts de remboursement sur ces prêts?
Si je vous pose cette question, c'est parce que le marché des prêts aux petits emprunteurs ou à ceux qui présentent davantage de risques évolue très rapidement. Il y a un an, Wells Fargo avait 10 000 clients au Canada. Cette année, elle en a 120 000 alors qu'elle consent des prêts à huit points au-dessus du taux privilégié. Certains concurrents étrangers envisagent en fait la possibilité de consentir ce genre de prêts à taux plus élevés et à plus hauts risques. Je me demande comment s'insère à ce niveau le modèle des micro-crédits.
Mme Carol Rock: Nous nous penchons sur le modèle Calmeadow. Le problème, c'est qu'une fois que l'on tient compte de l'assistance technique ainsi que du travail d'organisation et de l'aide apportée pour mettre en place les cercles d'examen par les pairs et apporter le soutien nécessaire, par exemple, l'opération est très onéreuse. Nous avons donc élaboré un modèle différent. Nous faisons des prêts individuels. Nous traitons les demandes et nous avons ensuite deux partenariats différents avec les caisses populaires locales. La caisse populaire se charge en fait d'administrer le prêt. Nous avons consenti une trentaine de prêts jusqu'à présent et nous avons eu deux cas de non-remboursement.
Quant au taux d'intérêt que nous appliquons, ou celui qu'appliquent les caisses de crédit, c'est trois points au-dessus du taux privilégié.
M. Scott Brison: Trois points?
Mme Carol Rock: Elles ne gagnent pas d'argent sur ces opérations.
M. Scott Brison: Effectivement, c'est difficilement rentable. D'après ce que j'en sais, c'est fondé...
Mme Carol Rock: C'est un investissement communautaire.
M. Scott Brison: Oui, bien sûr, et ce n'est rendu possible que grâce à l'altruisme des personnes concernées. On peut s'en féliciter. Mais il est malheureusement difficile d'étendre cette opération ou d'en faire un modèle que l'on pourrait reproduire automatiquement dans les différentes localités en l'absence de perspective de profit.
M. Peter Nares: J'aimerais ajouter une ou deux choses à ce que vient de dire Carol. Au sujet des micro-crédits, on se demande depuis longtemps si ce qui importe c'est l'accès au crédit ou le coût de ce crédit. Je pense que l'expérience nous enseigne—et je crois que c'est ce que vous voulez dire—qu'il est très difficile d'en arriver à une autonomie financière lorsqu'en fait on prête aux pauvres. Par conséquent, la question continue à se poser sur ce point et on a fait de nombreuses expériences avec différents modèles.
Il est intéressant de se tourner de ce point de vue vers les centres de développement des entreprises ou les sociétés de projets de développement communautaire. Je ne sais pas si vous êtes familiarisé avec ce programme. Il a été lancé par Industrie Canada. À l'origine, il était subventionné. Il vise à long terme à être autosuffisant et il offre des prêts de dernier recours pouvant se monter à 75 000 $ dans les localités des régions rurales et du Nord canadien.
En fait, les résultats obtenus n'ont pas été mauvais. D'aucuns soutiennent que les prêts ne sont pas consentis aux plus pauvres. D'ailleurs, les banques ont commencé à se placer sur ce marché, ce qui fait que ces prêteurs de dernier recours entrent aujourd'hui plus activement en concurrence avec les banques que par le passé.
Pour ce qui est donc de la marge, nous avons mis sur pied, en collaboration avec Bain & Company de Toronto, un modèle en vertu duquel la Banque de la Nouvelle-Écosse serait le grossiste appelé à fournir le capital, et pour retomber sur ses pieds, autrement dit dans un cadre qui ne serait pas à but lucratif, un prêteur au détail devrait pratiquer un taux d'environ 14 p. 100. Bien entendu, sur le plan politique, on se retrouve là devant des taux que l'on peut qualifier d'usuraires.
Il y a là un bien grand défi à relever lorsque l'objectif est celui de l'autonomie financière.
Le président: Merci, monsieur Brison et monsieur Nares.
Nous allons maintenant passer à Mme Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Je voudrais poser ma question à M. Marchese et à Mme McArthur.
Vous avez tous deux évoqué très précisément l'éventualité d'une fusion. Vous avez l'air de considérer que c'est un fait accompli, et je dois vous dire que pour en juger ainsi vous vous appuyez certainement sur d'autres renseignements que les miens.
• 1425
Madame McArthur, vous nous dites que les fusions, si vous en
croyez votre expérience, n'ont pas été mauvaises. Le groupe de
travail MacKay fait état d'un nombre considérable de
recommandations, dont l'une précise que l'on ne peut envisager une
fusion que si de manière générale elle est logique d'un point de
vue commercial pour une catégorie de banques données. Mais pour
l'essentiel, on évoque la nécessité de protéger le consommateur, et
on exige aussi que notre secteur financier, entendu au sens le plus
large, fasse preuve d'un esprit d'entreprise. On y adopte nombre de
recommandations envisageant de démolir encore plus qu'on ne l'a
fait jusqu'à présent la structure des quatre piliers du secteur
financier et de renforcer les sociétés de fiducie, les caisses
populaires et les sociétés d'assurance, en leur accordant une
partie des capacités et des moyens d'accès dont bénéficient les
banques à l'heure actuelle.
Je me demande simplement ce que vous pensez du fait que nous demandons... Et je vous dirai que c'est une bonne chose pour le consommateur canadien—que notre secteur financier fasse preuve d'un plus grand esprit d'entreprise.
M. Rosario Marchese: Je considère personnellement que les banques peuvent être plus rentables et plus efficaces dans leur exploitation sans avoir à fusionner. Pour moi, la question des fusions est fondamentale. C'est la raison de ma présence ici aujourd'hui. Je ne pense pas qu'une fusion soit indispensable. Je considère que le secteur financier est déjà très concentré. Il peut faire tout ce qu'il veut dans le cadre des pouvoirs dont dispose actuellement les grandes banques. S'il a besoin de se restructurer pour devenir plus efficace, je pense que cela peut se faire en l'absence de fusion. C'est ma conviction personnelle. Je ne pense pas qu'une fusion le rendra plus efficace, plus rentable ou meilleur pour les consommateurs ou pour le grand public.
Mme Karen Redman: J'aimerais cependant que vous vous penchiez sur d'autres recommandations et sur le fait qu'on ne nous demande pas simplement d'être plus efficaces. Il s'agit de savoir en fait à quoi va ressembler la situation lors du prochain millénaire. De manière très globale, nous réexaminons la totalité du secteur financier et nous demandons à tous les établissements financiers de faire preuve d'un meilleur esprit d'entreprise, ce qui revient à mettre en place un nouveau système indépendamment de la réglementation et des responsabilités actuelles.
Je vous demande si vous avez l'impression, lorsque vous voyez l'ensemble des recommandations du rapport du groupe de travail MacKay, indépendamment des fusions bancaires, que ces recommandations vont donner naissance à un nouveau secteur financier dont vont profiter les Canadiens.
M. Rosario Marchese: C'est une bonne question, madame Redman. Je n'ai pas lu le rapport dans son intégralité, j'ai simplement pris connaissance de ce qu'en ont dit les journaux. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider sur ce point.
Mme Karen Redman: J'apprécie votre honnêteté.
Madame McArthur, laissez-moi vous poser la même question. Je dois vous dire que j'apprécie particulièrement la façon dont vous avez illustré le problème. Je suis heureuse d'apprendre que l'édition se porte bien au Canada.
Il y a une grosse succursale de Chapters qui vient d'ouvrir dans la circonscription à côté de la mienne. Je regarde mon petit libraire indépendant et j'ai bien peur qu'il n'en ait plus pour longtemps. J'aime beaucoup ce magasin. Je connais ceux qui y travaillent. J'ai bien peur que les magasins Chapters et leurs pareils... Même si c'est peut-être logique à l'échelle internationale, pour une Canadienne comme moi, où est l'équilibre? J'ai l'impression que l'on cherche à faire la même chose dans le secteur financier.
Mme Kim McArthur: Si l'on prend l'exemple de Chapters, à partir du moment où vous continuez à fréquenter le magasin de votre libraire indépendant, il va très bien s'en sortir. Le meilleur exemple est celui de Richard Bachman et de Different Drummer Books à Burlington. Chapters et Indigo ont tous deux ouvert des magasins à quelques rues de chez lui. Sa clientèle a baissé dans un premier temps, puis tous ses clients sont revenus et son chiffre d'affaires a augmenté. Chapters a fait venir des gens qui n'étaient jamais entrés dans une librairie. Je considère que Chapters a procuré des quantités d'emplois, non seulement dans le commerce du détail, mais dans la construction, et qu'il a dans ce secteur élargi le marché, sur lequel on vend aujourd'hui davantage de livres que ne l'avaient jamais fait, Smiths, Coles et tous les libraires indépendants.
Dans l'édition, nous avons aussi cet énorme marché que représente l'Internet. Amazon.com vend aujourd'hui des milliards de dollars de livres par l'Internet.
Pour revenir aux fusions bancaires, il y a la possibilité pour les établissements financiers d'aller de l'avant. Ils ont besoin de cette technologie et je pense qu'il leur faut fusionner pour faire les énormes investissements nécessaires à l'acquisition de cette technologie, tout simplement pour être dans la course au plan international.
J'ai donné l'exemple des sociétés internationales de cartes de crédit et de The Associates, dont M. Polonsky a parlé... Toutes ces sociétés internationales sont au Canada. Je pense que la concurrence est une bonne chose... c'est la clé de l'avenir... et que l'on trouve en fait dans les recommandations du rapport MacKay de très bons exemples de ce que peuvent faire les banques pour étendre leurs activités et renforcer leur esprit d'entreprise. Je considère cependant qu'elles doivent fusionner afin d'avoir une assise suffisante et j'ai bien peur que si elles agissent séparément, ces quatre banques ne fassent que s'étioler.
On peut rapprocher les sociétés de fiducie des libraires indépendants. Bien des gens, notamment au Québec, ne traitent qu'avec les sociétés de fiducie, et c'est très bien. Mon beau-père fait affaire avec une société de fiducie ukrainienne locale dans le West Village de la rue Bloor, et il n'en bougera jamais. Elles vont bien s'en tirer. Elles ont leur propre marché.
Si l'on veut toutefois être à la pointe de la finance internationale, je pense que les fusions sont nécessaires et je ne pense pas que l'on absorbera toutes les sociétés de crédit et toutes les sociétés de fiducie.
Mme Karen Redman: Je voudrais revenir là-dessus. Ce que vous dites, c'est que, de manière globale, vous êtes en faveur des recommandations du groupe de travail MacKay parce qu'elles favorisent l'esprit d'entreprise.
Mme Kim McArthur: Disons qu'elles dégagent certaines perspectives et, comme quelqu'un l'a dit—je crois que c'était Peter—elles sont très équilibrées. C'est un rapport très bien pensé. On évite de pousser les hauts cris et de paniquer alors que j'ai eu à maintes reprises l'occasion de le faire au cours des dernières années. Ça ne sert à rien. On nous dit simplement, voilà ce qui va se passer à l'avenir. Quelle est la meilleure façon de réagir?
Mme Karen Redman: Je vous remercie.
Le président: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Quenneville, est-ce votre entreprise est membre du groupement technique des assurances?
M. Robert Dempsey: Oui.
M. Paul Szabo: C'est donc lui qui se charge de l'évaluation des risques, des renseignements sur les cotes, etc., afin d'apprécier les risques en matière d'assurance.
M. Robert Dempsey: Le groupement technique des assurances a désormais été regroupé avec le Conseil de l'assurance du Canada. Nous avons finalement réussi à fédérer tous les différents services, tous les membres de ces associations, toutes les sociétés d'assurance. Nous nous marchions en quelque sorte sur les pieds avec toutes ces associations différentes.
M. Paul Szabo: J'en connais quelque chose. J'ai déjà été trésorier du groupement technique des assurances.
M. Robert Dempsey: Une excellente organisation.
M. Paul Szabo: Une excellente organisation.
M. Roy Cullen: Très saine financièrement.
M. Paul Szabo: Je pense que c'est important, parce que bien des gens ne se rendent pas compte que toutes les sociétés d'assurance n'ont pas cette énorme tâche qui consiste à évaluer les risques et à appliquer une cote au plan national. Mais cela signifie par ailleurs que d'autres intervenants peuvent entrer dans le secteur de l'assurance sans avoir à engager de nombreux conseillers. Ils peuvent acheter ces renseignements et ces conseils.
Il m'apparaît qu'il y a des compétences qui peuvent être mises à la disposition du secteur de l'assurance comme des banques pour que vous ayez à peu près tous les mêmes renseignements et pour que vous puissiez exercer librement votre concurrence. J'ai l'impression que grâce à leurs filiales les banques se débrouillent assez bien dans le secteur de l'assurance. Est-ce votre sentiment?
M. Jules Quenneville: Nous convenons, je pense, qu'à partir du moment où une banque a une filiale dans l'assurance et que cette dernière acquiert des compétences et un savoir-faire, quels que soient les moyens qu'elle met en oeuvre pour y parvenir, nous n'avons aucune objection à faire. C'est indispensable, si l'on veut donner à ces gens les moyens d'agir.
M. Paul Szabo: Je pense que vous avez fait preuve d'une grande diplomatie dans votre intervention en utilisant des termes tels que «désavantagé» ou «conférer un avantage concurrentiel», etc. D'autres intervenants dans votre situation ont carrément parlé de vente liée. C'est ce qui leur confère un avantage par rapport à la concurrence.
Vous êtes assis à côté de la personne qui est probablement la première qui comparaît devant nous pour illustrer une vente liée.
M. Nick Discepola: La deuxième.
M. Paul Szabo: Disons, cet après-midi.
Le président et directeur général de la plus grande banque canadienne a déclaré: «Je veux que vous alliez parler en faveur des fusions». Il n'a pas dit «Je ne vous accorderai pas ce prêt pour votre école si vous n'y allez pas». Il a déclaré simplement: «Je suis John Cleghorn, le président de la plus grosse banque canadienne et ce serait une très bonne chose pour moi si vous y alliez.» C'est fait de manière un peu plus subtile.
Les ventes liées coercitives sont illégales, mais il y a aussi les façons d'influencer et les pressions qui s'exercent, sans que cela soit dit et sans qu'il y ait en fait de documents ou d'autres traces.
• 1435
Je pense, pour résumer votre position, que vous n'avez pas
peur d'entrer en concurrence avec elles, mais que si elles font
affaire par ailleurs avec un client potentiel, il peut en résulter
un certain lien—plus ou moins subtile ou direct—et personne n'en
saura jamais rien.
M. Dempsey craint que même si l'on impose des restrictions ou une communication de l'information entre vous et les banques, ce soit une chose bien difficile à contrôler, et vous n'êtes même pas sûr... Et c'est bien utile parce que les ventes liées n'ont jamais été acceptables. Les banques vous diront qu'elles s'y opposent et qu'elles ne les encouragent jamais, et pourtant c'est une chose qui se passe au niveau des succursales, et des gens sont venus en témoigner devant nous. Je pense que vos craintes sont tout à fait fondées, mais les banques se débrouillent déjà très bien dans le secteur de l'assurance sans leur réseau de succursales et j'ai l'impression qu'elles continueront à bien se débrouiller.
La question que je vous pose—et M. Polonsky voudra éventuellement me répondre—c'est si, à partir du moment où l'on autorise les banques, dans le cadre de ces recommandations, à vendre des polices d'assurance par l'intermédiaire de leurs succursales, vous êtes pour que l'on autorise aussi les sociétés d'assurance à participer au système des paiements?
M. Jules Quenneville: Je pense que cette question a déjà été posée plus tôt. Lorsque vous parlez de participation au système de paiements, ne pourriez-vous pas me poser cette question indépendamment de toute autre condition fixée dans une sorte de marché? Je ne pense pas qu'il y ait de possibilités de compromis sur la question de savoir si les banques doivent pouvoir vendre des polices d'assurance de biens et risques divers par l'intermédiaire de leurs succursales. Je réponds carrément non. Aucune solution de compromis n'est possible. Vous venez de passer quelques minutes à faire avec brio de subtiles considérations sur la façon de...
M. Paul Szabo: Je ne pense pas qu'elles étaient subtiles.
M. Jules Quenneville: Pour ce qui est du système de paiements, si vous pensez à la possibilité pour les consommateurs de la Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord—que nous considérons comme étant nos clients—de payer leur compte, lorsqu'ils traitent avec nous, dans une machine bancaire, je réponds oui. Je n'y vois aucun inconvénient. D'ailleurs, il faudrait que l'on puisse disposer des installations offrant aux consommateurs la possibilité de payer leurs factures de cette manière.
Quant à la négociation du prix, l'explication des risques couverts et tout ce qui, sous une forme ou sous une autre, correspond aujourd'hui à la description du produit, je pense qu'il nous faut continuer à procéder comme avant.
M. Paul Szabo: Vous voulez rester une société d'assurance. Vous ne voulez pas devenir une banque.
M. Jules Quenneville: C'est exact.
M. Paul Szabo: Bien.
Le président: M. Polonsky voudra peut-être commenter ces observations.
M. Gary Polonsky: Oui, je vous remercie, monsieur le président.
Je ne voudrais pas que l'une des personnes ici présentes puisse croire que le président d'une banque bien précise m'a demandé cela. C'est quelqu'un d'autre qui l'a fait. Plusieurs semaines après cet événement, j'ai demandé à plusieurs personnes de m'aider à rendre mon exposé aussi pertinent que possible. Mon collège, par exemple, ne traite pas avec la Banque Royale; il traite avec la Banque de Montréal.
J'aimerais faire une dernière observation, si vous me le permettez, pendant que j'ai le micro. Parmi les personnes que j'ai contactées avant de venir ici, Il y a l'un des principaux associés de l'un des six grands cabinets comptables—les KPMG et les Deloitte et Touches de ce bas monde. On en est venu à parler de l'industrie de l'automobile, et quelqu'un qui, comme moi, vient d'Oshawa, a tendance à se préoccuper de la santé de l'industrie de l'automobile.
Ce responsable m'a dit un certain nombre de choses qui peuvent, je crois, se rapporter à notre discussion. Il considère que le Pacte de l'automobile va inévitablement disparaître parce que le jeu de la concurrence au niveau mondial va tout simplement en imposer la nécessité d'une façon plus ou moins incontrôlée. Il estime aussi que c'est la raison pour laquelle on a laissé plonger le dollar d'environ 10¢, ce qui bien entendu va faire perdre à tous les Canadiens, à terme, quelque 12 à 14 p. 100 de leur niveau de vie. Apparemment, c'est le prix que les gouvernements estiment que les Canadiens doivent payer pour rester concurrentiels.
Cela pourra apparaître quelque peu machiavélique, draconien ou autre à certaines personnes qui sont dans cette salle; mais il n'en reste pas moins que l'on discute du Pacte de l'automobile, que le dollar a perdu 10¢ et que notre niveau de vie va baisser de quelque 12 à 14 p. 100 si la situation se poursuit.
• 1440
C'est un gros prix à payer pour maintenir artificiellement
notre compétitivité. Si le monde est devenu aussi difficile qu'on
veut bien le dire, il n'y a qu'une façon d'être concurrentiel,
c'est d'être compétitif.
Je suis fier de pouvoir vous dire, par exemple, que ma propre organisation, qui n'est pas énorme—notre chiffre d'affaires n'est que de quelque 55 millions de dollars—a appris à déborder ses concurrents des États-Unis, sur certaines gammes de produits, dans leur propre pays. J'ai un bureau et du personnel à Dallas, par exemple, qui se charge de vendre pour des millions de dollars une formation ISO aux Américains.
Ce serait peut-être plus facile si le monde était plus simple, mais il ne semble pas que ce soit le cas et il vaut donc mieux être excellent et faire preuve de détermination. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Polonsky. Merci, monsieur Szabo.
Nous allons accorder cinq minutes à M. Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Notre temps est compté et je vous serais donc gré d'être concis dans vos réponses.
J'ai une petite question à poser à M. Quenneville et j'interrogerai ensuite Mme Rock et Mme McArthur au sujet des micro-prêts et des prêts à la petite entreprise.
Monsieur Quenneville, j'ai jugé intéressante votre remarque sur la double menace. Je n'avais pas entendu cet argument auparavant. Toutefois si, comme vous nous le dites, les banques ont d'ores et déjà des filiales dans le secteur de l'assurance, on peut penser que cette double menace existe déjà. Je me demande si vous y voyez un inconvénient ou si cela ne concerne que le service dispensé par l'intermédiaire des succursales.
M. Jules Quenneville: Cette double menace a trait au système des institutions financières. Si vous prenez l'ensemble des capitaux utilisés dans le cadre du système à l'heure actuelle, une banque devrait être autorisée à exercer les activités qui sont les nôtres à l'heure actuelle dans le secteur de l'assurance des biens et risques divers, qui est une activité qui revient à transférer les risques. Il est probable que son capital immobilisé sera bien plus important et qu'elle encourra davantage de risque.
Si elle procède en passant par une filiale distincte, la question peut être examinée et étudiée. Des règlements peuvent être promulgués. Les responsables du BSIF, qui est l'organisme de surveillance au niveau fédéral, pourront adopter des recommandations concernant ce qu'il est sage de faire au sein de notre système financier. Si nous nous mettons à tout mélanger et à regrouper ces différents types d'opérations financières au sein d'un même organisme, on ne voit plus très bien ce qui se passe.
M. Roy Cullen: Merci.
Vous dites que tout le monde doit être placé sur le même pied. Si l'on se place du point de vue du consommateur canadien, celui-ci a davantage le choix lorsqu'il peut s'adresser à un seul guichet bancaire et y souscrire une police d'assurance de biens et risques divers en même temps qu'un REER. Comment défendez-vous le choix du consommateur? Plutôt que de chercher à mettre tout le monde sur le même pied, prenons le point de vue du consommateur. Pourquoi ne serait-il pas dans l'intérêt du consommateur d'avoir davantage le choix?
M. Jules Quenneville: J'ai évoqué la question lors de mon exposé. C'est ainsi que lorsqu'on a regroupé au sein du secteur les sociétés de fiducie et les courtiers en placement de valeurs mobilières, la concurrence a en fait diminué. Les possibilités de choix ont disparu. Il n'était plus possible de s'adresser à ces établissements parce que les banques étaient arrivées et les avaient rachetés. Je pense donc que dans ce cas on s'est retrouvé avec un choix moindre, et non pas le contraire.
M. Roy Cullen: Très bien.
Madame Rock, vous évoquez dans votre mémoire le risque que posent les fusions du point de vue de l'accès aux capitaux. Je pense que l'expérience faite aux États-Unis va dans votre sens, de même qu'en ce qui a trait aux services locaux de vente au grand public. Toutefois, vous vous inquiétez par ailleurs de la centralisation des décisions qui pourraient résulter des fusions.
Je me demande si cela ne pourrait pas éventuellement jouer dans l'autre sens. Si la Banque Royale fusionne avec la Banque de Montréal, les programmes destinés aux petites entreprises pourront être regroupés. Cela pourra éventuellement se traduire par un relèvement du plafond des prêts et éventuellement par la constitution d'une plus grosse masse critique. Qu'est-ce qui vous amène à croire qu'il y aura une plus grande centralisation des prêts en cas de fusions?
Mme Carol Rock: C'est mon expérience personnelle et tout simplement le fait que je craigne de manière générale un regroupement des services.
• 1445
Lorsque nous avions une ferme, nous avions un compte à la
Banque de Montréal et cette dernière a décidé de ne plus confier
les décisions à sa succursale locale. Nous allions donc voir le
responsable, nous négociions un prêt d'exploitation pendant un an
et nous avions ce que nous pouvions considérer comme une entente.
Je pouvais partir tranquillement en déplacement. Du jour au
lendemain, tout a changé et nous n'avons plus d'interaction avec le
responsable des décisions.
C'est donc tout simplement une crainte généralisée qui s'appuie aussi sur des recherches faites par des spécialistes.
D'un autre côté, ce que vous dites est toujours possible. S'il existe une succursale de la Banque de Montréal et une autre de la Banque Royale dans une ville et si ces deux banques fusionnent, il se peut que la masse critique soit alors suffisante pour que les décisions restent prises au niveau local. Toutefois, rien ne nous le garantit et nous devrons nous en remettre à la banque à qui il appartiendra de faire ce choix.
M. Roy Cullen: Une dernière question, monsieur le président.
Madame McArthur, vous avez évoqué la déclaration de M. Barrett concernant l'éventualité de mettre sur pied une nouvelle banque pour les petites entreprises. Je dois dire que l'idée me plaît, mais je suis quelque peu méfiant. Pensez-vous que cette proposition soit vraiment sérieuse? Ne va-t-on pas par là se contenter, comme on dit, de déplacer les chaises longues sur le pont du Titanic? Quel est l'intérêt de tout regrouper au sein d'une seule société de prêts pour les petites entreprises?
Mme Kim McArthur: C'est ce que j'ai lu dans la presse. Il a prononcé un discours à Calgary. C'est là que j'ai eu ce renseignement. En plus d'annoncer qu'il allait constituer cette banque pour les petites entreprises, il a évoqué ce que vous avez mentionné, à savoir le relèvement des plafonds sur les prêts et l'accélération de la procédure, les prêts d'un montant maximum de 100 000 $ pouvant être accordés en 24 heures.
Je pense que tout tient à la fusion de ces deux entreprises. Bien entendu, on sait que la Banque de Montréal—c'est moi bien sûr qui le dis—offre d'excellentes choses pour les femmes, de très bons programmes assurant la promotion des femmes au sein de la banque. La Banque Royale a davantage la réputation de traiter avec les femmes à la tête d'entreprises. Les deux mis ensemble, je pense que l'on a vraiment là la possibilité de créer une banque pour les petites entreprises qui ait une orientation bien établie et qui pourrait faire appel à toutes sortes de gens ayant vraiment les qualifications dont elle a besoin, comme Carol l'indiquait tout à l'heure. On pourrait vraiment réaliser des choses parce que l'on aurait la garantie d'une réponse dans les 24 heures lorsqu'on demande un prêt, par exemple.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Je serai très bref, parce que je sais que d'autres députés veulent aussi vous poser des questions. J'ai une série de questions à vous poser, mais je m'en tiendrai à un thème particulier.
Lorsque je présidais les audiences du comité dans les Maritimes, j'ai déjà entendu quelque chose d'inquiétant. Ça ne m'avait pas frappé avant d'entendre aujourd'hui M. Polonsky. J'aimerais que vous nous donniez des précisions, parce que j'ai entendu dire la même chose que M. Szabo. Je l'ai d'ailleurs consigné dans mes notes, qui sont devant moi. Avez-vous, oui ou non, été contacté par un employé de banque, qui vous a demandé de faire une intervention devant notre comité en faveur de la banque? Oui ou non.
M. Gary Polonsky: Non.
M. Nick Discepola: Nous avons donc mal entendu, M. Szabo et moi.
M. Gary Polonsky: Je me suis peut-être mal exprimé. J'ai dit en fait qu'une personne de la banque m'avait appelé.
M. Nick Discepola: Une personne de la banque mais non un employé de la banque?
M. Gary Polonsky: Un employé de la banque m'a appelé pour me dire de déclarer ce qu'il me paraissait bon de dire, et non pas...
M. Nick Discepola: Vous y avez donc ensuite réfléchi et vous avez pu rencontrer très rapidement le président à ce sujet, juste comme ça?
M. Gary Polonsky: Il était prévu depuis juin que le président vienne participer dans mon collège à une tribune libre. J'ai pu profiter de ce rendez-vous déjà fixé. Il n'y a eu absolument aucune coercition. Je ne suis le laquais de personne, monsieur.
M. Nick Discepola: Très bien, je voulais que ce soit précisé parce qu'à Terre-Neuve nous avons rencontré deux personnes qui avaient été contactées par le gérant de leur banque pour qu'elles témoignent également en faveur de la banque. J'ai trouvé cela normal, mais si soudainement ça devenait une habitude, je m'en inquiéterais.
M. Gary Polonsky: J'ai dû mal me faire comprendre, et je vous prie de m'en excuser.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Discepola.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. Je serai moi aussi très bref parce que je sais que vous voulez aussi poser des questions.
Le président: Non, ça va.
M. Tony Valery: Je voudrais simplement aborder la question de l'intérêt public, parce que je ne suis pas sûr qu'on l'ait traitée en détail. Une fois de plus, M. Polonsky, j'espère que je ne vous ai pas mal compris. Je vais revenir sur...
En réponse à une autre question, vous avez parlé du Pacte de l'automobile. Si j'ai bien compris, vous nous avez dit que le Pacte de l'automobile avait en fait instauré une concurrence artificielle sur le marché et que notre niveau de vie en souffrait.
M. Gary Polonsky: Non.
M. Tony Valeri: Est-ce que je fais erreur?
M. Gary Polonsky: J'ai l'impression que ce n'est pas mon jour, monsieur le président.
• 1450
Je voulais dire que la survie du Pacte de l'automobile était
l'objet de discussions et qu'il y a des gens qui prédisent sa
disparition. Bien des observateurs ont l'impression que s'il venait
à disparaître, le Canada aurait bien du mal à être concurrentiel
avec un dollar à 80¢, par exemple. Dans un tel cas, il serait dans
l'intérêt national de faire plonger le dollar, et effectivement il
a bien plongé!
M. Tony Valeri: Je ne dois pas être dans un bon jour, mais, pour faire le bien, je vous demanderai maintenant si l'on doit tenir compte de l'intérêt public sur toute cette question des fusions. MacKay évoque la question de l'intérêt public et d'une procédure d'évaluation de l'impact sur le public des fusions éventuelles pour ce qui est de l'avenir des services financiers. Avant que vous veniez témoigner, nous avons entendu aujourd'hui au moins un témoin nous dire que le public n'avait aucun rôle à jouer en la matière, qu'il s'agissait purement d'une décision d'entreprise et que si les banques estiment devoir agir ainsi sans que le Bureau de la concurrence et le BSIF ne s'y opposent quant aux modalités techniques du dossier, il n'y avait rien à en redire—le public n'a aucun rôle à jouer dans cette affaire. J'aimerais simplement savoir ce que disent plus précisément les membres de votre groupe.
Plus précisément il y a toujours eu une politique selon laquelle les gros établissements ne doivent pas en acheter d'autres, surtout lorsqu'il s'agit de banques. MacKay a préconisé que l'on abandonne précisément ce principe. Les membres de votre groupe sont-ils d'accord pour dire qu'il faut l'abandonner, ou doit-on faire des exceptions à cette règle?
Quant au mécanisme d'évaluation de l'impact sur le public, est-il trop lourd? Doit-on entreprendre une telle opération? Le public doit-il jouer un rôle? Enfin, le gouvernement doit-il s'en charger, comme le préconise MacKay?
M. Gary Polonsky: Je vous répondrai par l'affirmative. Je pense que c'est très utile. J'estime que la manifestation ultime de l'intérêt public s'adressera probablement au public considéré en tant que consommateur et non pas en tant que groupe de pression, en tant que spécialiste ou autre.
Je considère que l'économie a subi une mutation majeure et que c'est le marché qui pousse à la roue. Par conséquent, j'estime que si une banque fait une grosse erreur, les consommateurs, par leur façon de réagir, la lui feront payer. Les actionnaires finiront par être déçus et ils joueront très vite un rôle lorsqu'il s'agira de savoir qui doit diriger ces banques. Des changements de direction se produiront ainsi que d'autres modifications cycliques.
Je dis simplement que je n'ai aucune idée de l'intérêt pour les banques de fusionner ou non. Si elles fusionnent et si cela s'avère une bonne décision, les consommateurs et les actionnaires en seront récompensés. Si cela s'avère une mauvaise décision, ils seront desservis, mais ils réagiront de manière à ce qu'il y ait des changements. Je pense que les banques vont s'adapter parce qu'en fin de compte, c'est le consommateur qui aura le dernier mot lors du prochain millénaire.
Le président: Monsieur Marchese.
M. Rosario Marchese: J'aimerais apporter un commentaire au moment où nous abordons toutes ces choses.
Si je suis là aujourd'hui, c'est parce que la question de l'intérêt public me préoccupe. Je ne sais pas très bien d'ailleurs qui a pu dire selon vous que l'intérêt public n'était pas concerné en la matière...
M. Tony Valeri: C'est un témoin précédent.
M. Rosario Marchese: Eh bien, disons que je trouve cette réflexion bizarre.
Nous sommes tous touchés par ces décisions, qui mettent automatiquement en jeu l'intérêt public puisqu'elles touchent l'emploi, les succursales et leur incidence sur les services, l'augmentation ou la diminution éventuelle des frais facturés à la clientèle ainsi que—et c'est la raison de ma présence ici—, les avantages ou les inconvénients éventuels de cette mesure sur les petites entreprises.
Je suis inquiet de ce que, au fil des années... À titre d'exemple, les prêts consentis par les banques aux entreprises ont augmenté de 100 milliards de dollars entre 1995 et 1997, et plus de 80 milliards de dollars ont été prêtés aux grosses entreprises sous la forme de prêts de 5 millions de dollars ou davantage. De plus, les mégabanques vont contrôler 75 p. 100 du total des prêts consentis aux petites et moyennes entreprises, et 80 p. 100 du crédit à la consommation. Cela m'inquiète terriblement.
Nous n'avons aucune garantie des banques si l'on excepte le fait qu'elles déclarent vouloir mettre en place cette banque pour les petites entreprises pour que l'argent aille davantage dans ce secteur. Ce n'est pas ce qui a été fait par le passé. Parce qu'elles ont peur que l'on fasse jouer l'intérêt public et que le public ne s'oppose à ces fusions, craignant qu'il n'y ait pas davantage d'argent qui aille aux petites entreprises, elles ont proposé cette banque consacrée aux petites entreprises.
• 1455
Je n'y crois absolument pas. Je ne pense pas qu'il y ait
davantage d'argent qui ira aux petites entreprises. Je pense que si
la chose devait se produire, il nous faudrait une divulgation
pleine et entière des modalités et des statistiques de prêts pour
que le public puisse savoir véritablement si cette banque consacrée
à la petite entreprise va effectivement mettre davantage d'argent
à la disposition du grand public.
Pour répondre toutefois à votre question, l'intérêt public est bien évidemment concerné. Je m'inquiète au sujet des fusions. Je ne les accepte pas comme un moyen de renforcer l'esprit d'entreprise au sein des banques.
Le président: D'autres membres du groupe veulent-ils faire des commentaires?
Monsieur Dempsey.
M. Robert Dempsey: J'ajouterai simplement que les banques offrent un service qui s'apparente à celui que dispense une compagnie d'électricité: c'est une nécessité. La vraie question est de savoir si, en autorisant une fusion, on maintient une concurrence suffisante sur le marché pour que la banque, quelle que soit sa taille, reste innovatrice et réponde aux besoins du consommateur.
L'histoire nous montre que lorsqu'on laisse les compagnies de distribution de gaz et d'électricité devenir trop grosses, elles deviennent en quelque sorte difficiles à contrôler. Il s'agit donc en fait de savoir si, après avoir atteint une telle taille, les banques deviendront incontrôlables et s'il deviendra alors impossible de les laisser faire faillite sur le marché sans détruire l'économie du Canada.
Le président: Merci, monsieur Dempsey.
Monsieur Nares.
M. Peter Nares: Très rapidement, nous avons parlé à plusieurs reprises d'équilibre dans notre exposé. Sur ce point précis, j'ai trouvé que le rapport était équilibré lorsqu'il s'agit de donner aux banques la possibilité de faire avancer leur dossier compte tenu des impératifs de l'entreprise. Sur le plan politique, on avance la nécessité de protéger l'intérêt public. Il y a aussi les intérêts de la collectivité dont il faut tenir compte en prévision des décisions qui seront prises.
Si l'on autorise en fait les banques à fusionner, je pense que le rapport du groupe de travail décrit le cadre plus large au sein duquel cette opération pourrait donner des résultats. En tant qu'avocat des intérêts communautaires, je prétends pour ma part que vous avez là la possibilité d'étudier les contreparties qui pourraient être négociées au cas où la fusion se justifierait largement d'un point de vue économique. Je ne suis pas suffisamment un spécialiste pour vous dire si c'est le cas. Si d'autres pensent qu'il en est ainsi, j'estime que nous avons là la possibilité de faire augmenter le montant des investissements communautaires des banques.
Le président: Monsieur Valeri et monsieur Nares, je vous remercie.
J'ai juste une question à vous poser concernant en fait l'objectif de cet exercice, qui vise à nous doter d'un secteur des services financiers de classe mondiale et à nous pencher sur l'orientation future de ce secteur. Voilà qui est à mon avis au coeur de notre débat de politique publique.
MacKay a évoqué le jeu de la mondialisation, de la technologie et des changements démographiques qui ont lieu au sein de notre société. Il a parlé de développement et d'évolution d'un secteur des services financiers faisant davantage appel à l'esprit d'entreprise.
Toutefois, en écoutant nombre des témoins qui comparaissent devant notre comité—je ne me réfère pas nécessairement à votre groupe, parce que je pense que certains d'entre vous se penchent sur l'avenir—j'entends des gens nous exposer des points de vue qui, soit représentent celui de leur secteur, soit celui de leurs intérêts bien compris, sans que l'on cherche à se représenter l'avenir. Comment se représentent-ils l'avenir du secteur des services financiers? Quel doit en être la configuration? Quels sont les éléments qui vont le rendre différent ou supérieur à ce qu'il était?
Voyez ce que nous avons devant nous aujourd'hui. Vous me pardonnerez, mais je suis père de deux enfants de 9 et de 10 ans et, pour des raisons évidentes, j'ai tendance à penser en termes de générations. J'ai l'impression que ce débat, qui concerne en fait les deux ou trois prochaines années, sera déterminant, à condition que nous ayons la chance d'y arriver, pour la prochaine génération. Quel est le système que nous voulons adopter? Quels sont les critères que nous devons envisager?
Je me demande pour quelle raison les gens ont peur d'aborder ce problème. Il est difficile de prévoir l'avenir, mais je dis souvent qu'en dépit de cette réalité on peut néanmoins contribuer à l'orienter. Je me demande simplement pourquoi les gens hésitent. Est-ce la peur de l'inconnu? Qu'est-ce qui retient les gens d'agir?
M. Andrew Bolter: Je pourrais peut-être vous répondre.
Le président: Oui, monsieur Bolter.
M. Andrew Bolter: De mon point de vue, lorsque je me situe au niveau de la collectivité, ce que je veux obtenir de ma banque—on a toujours un sentiment d'appartenance, c'est «ma banque» et «la banque où je fais affaire»—c'est qu'elle serve les intérêts de la collectivité au sein de laquelle elle exerce ses activités. On confie son argent à la banque et elle nous confère un certain sentiment de sécurité. Elle protège notre argent. Nous espérons qu'elle nous aidera à prospérer et à développer nos ressources. Nous voulons aussi qu'elle aide de manière générale la collectivité à développer ses ressources communautaires.
Une banque, c'est avant tout un endroit où on place de l'argent, non? Elle le garde pour nous et elle s'en sert à son tour pour gagner de l'argent. C'est très simple. Elle s'en sert de toutes sortes de façons pour gagner de l'argent.
Pour moi, ce serait tellement plus logique que les banques investissent notre argent dans nos collectivités et prennent des décisions au niveau local. Comment faire fonctionner ce modèle, je ne sais pas.
Le président: Il me semble que pour vous, le secteur des services financiers, c'est les banques.
M. Andrew Bolter: Comment dites-vous, les banques?
Le président: Oui, pour l'essentiel. C'est aussi le problème qui se pose à nous, parce que chaque fois que nous parlons du secteur des services financiers, les gens pensent aux banques avant toute autre chose.
M. Andrew Bolter: Disons que j'englobe les caisses de crédit et les sociétés de fiducie et, de manière générale, tous les établissements où l'on place son argent.
Les caisses de crédit ont besoin d'exercer d'autres activités. Eh bien, elles ne le font pas. Elles agissent de plus en plus comme des banques, et c'est là le problème. Nos caisses de crédit locales nous avaient habitués à une plus grande conscience sociale. Elles ont une plus grande conscience sociale que bien des banques au niveau des collectivités locales, mais je constate qu'elles s'apparentent de plus en plus à des banques. Elles imitent les banques et ce n'est pas là un modèle qui profite à nos collectivités. Elles ne créent pas d'emploi dans nos collectivités. Où est le capital social? Comment l'évaluer dans ce que font les banques?
C'est la même chose que pour les compagnies d'électricité. Les banques ne sont pas des entreprises au vrai sens du terme. Elles contrôlent les mécanismes de transaction. Elles ont de l'argent. Quiconque a des millions de dollars peut gagner de l'argent simplement en les plaçant.
On peut perdre de l'argent dans le monde entier. On peut engager des quantités d'experts qui vont le faire à votre place, mais cela ne produit aucun capital social. Nous voulons que l'argent revienne dans nos collectivités pour qu'il puisse être utilisé avec profit.
Si vous tenez compte du capital social, des bénéfices procurés par ce capital et des avantages qu'en retire la collectivité lorsqu'on aide plus particulièrement les collectivités à faibles revenus et celles dans lesquelles il convient de réinvestir certains fonds, on est alors en mesure de savoir ce qui est utile et ce que les banques doivent faire. Il faut qu'elles fassent des bénéfices mais qu'elles rendent en contrepartie des services au niveau local. C'est pour l'essentiel ce que nous réclamons.
Je ne connais pas l'ensemble du mécanisme qui serait nécessaire. Je sais qu'aux États-Unis il y a la Community Reinvestment Act. Je pense que ça fonctionne dans ce pays. On pourrait avoir quelque chose de semblable ici, mais il faudrait l'adapter à nos besoins.
Le président: Monsieur Polonsky.
M. Gary Polonsky: Je dirais, monsieur le président, que tous les Canadiens veulent vivre dans un pays prospère et généreux. On l'oublie peut-être, mais la raison pour laquelle les Polonsky ont abouti au Canada, c'est parce que pendant les premiers siècles de notre existence, nous vivions dans une région du monde dont la population ne savait même pas ce que c'était de vivre dans un pays «généreux», «prospère», «libre» et autres qualificatifs de ce genre.
Je pense que c'est la même chose quand on passe d'un pays à un secteur d'entreprise, que ce soit ou non la banque. Les gens qui gèrent ce secteur sont payés pour que tout marche bien. Si l'entreprise n'est pas prospère et progressiste, on n'ira pas bien loin.
Nous parlons cet après-midi du secteur de la banque. Ce matin, j'ai pris part aux délibérations d'un groupe sur l'industrie des télécommunications. Quelqu'un a demandé si les gagnants allaient être les sociétés de télécommunications, les sociétés téléphoniques, les sociétés de communications par satellite ou les câblodiffuseurs. Là aussi, on se demandait qui allaient être les gagnants.
Je me suis dit, quelle importance? Dans la mesure où elle sera bien servie, c'est la population qui choisira finalement. Les gagnants dans ce secteur, ce seront les sociétés progressistes, prospères et généreuses.
Au bout du compte, un pays est la somme de ses collectivités, de ses entreprises et de ses habitants. Je pense qu'il n'y a qu'une façon de tout concilier. Je digresse, mais je conclurai simplement en disant qu'à mon avis le grand danger en la matière c'est que des gens en obligent d'autres à penser en termes d'exclusion. Le monde est à la recherche de solutions qui englobent et non pas qui excluent.
• 1505
Pour en revenir au secteur de la banque, je considère que si
les consommateurs estiment finalement que les banques ont tout ce
qu'il faut, qu'elles sont prospères, progressistes, généreuses,
sensibles aux besoins des collectivités, etc., elles seront alors
les gagnantes et il en ira de même pour le pays pris dans son
ensemble.
Le président: Merci, monsieur Polonsky.
Monsieur Marchese, vous avez un commentaire à faire?
M. Rosario Marchese: Si nous mettons l'accent sur les banques, c'est parce qu'elles contrôlent la grande majorité de la richesse de notre pays, soit probablement aux environs de 70 p. 100. Les sociétés d'assurance, on l'a mentionné, contrôlent 3 p. 100 de cette richesse. C'est peut-être davantage, mais je n'en suis pas sûr. Nous pensons en priorité aux banques parce que c'est là que se trouve l'argent.
Quant à savoir à quoi doit ressembler à l'avenir le secteur financier, il s'agit là d'une question à laquelle pourraient être appelées à répondre, si cela intéresse le président et les députés, des personnes familiarisées avec les orientations que l'on pourrait prendre en la matière. Ce pourrait être utile.
L'essentiel pour quelqu'un comme moi, que les fusions bancaires préoccupent et qui s'inquiète de manière générale de l'insuffisance des facilités de crédit offertes aux petites entreprises, c'est qu'il incombe aux politiciens de veiller à l'intérêt public. Je considère par conséquent que vous avez l'obligation d'établir des critères de protection de l'intérêt public. En quoi consistent-ils? C'est à vous de le définir.
Je considère qu'il appartient à votre comité de se pencher sur les valeurs, les critères et les principes qui protègent l'intérêt public. À l'occasion, ces décisions prises dans le secteur financier vont entrer en contradiction avec l'intérêt public, et parfois elles coïncideront avec lui. Lorsqu'il y a contradiction, vous avez cependant le devoir de protéger l'intérêt public. J'ai donc le sentiment qu'il convient de définir certaines valeurs et certains principes qui se rapportent à l'intérêt public et qui correspondent aux intérêts des collectivités et de la population en général.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Nares.
M. Peter Nares: J'aimerais faire un commentaire sur la question elle-même.
Le président: Allez-y.
M. Peter Nares: Excusez-moi, monsieur le président, mais je pense qu'il est injuste de nous demander de nous prononcer sur l'ensemble de la question. En effet, on nous demande une réponse globale alors que nous avons une vision parcellaire. D'un côté, on nous demande de répondre au rapport du groupe de travail dans le domaine qui nous intéresse en particulier, et de l'autre vous nous dites que vous vous inquiétez de voir que nous n'abordons pas en même temps la question en adoptant un point de vue plus large.
Je vous ferai respectueusement remarquer que ce n'est pas en ces lieux que l'on pourrait répondre à votre question. Je considère que c'est une excellente question, mais j'estime qu'il nous faut revoir notre façon de procéder si l'on veut trouver une réponse à ce qui me semble être à l'origine de votre question.
Le président: Je vous remercie infiniment de cette observation. J'ai toujours eu l'impression que l'on invitait des témoins à comparaître devant notre comité pour nous donner évidemment leurs points de vue particuliers. Il est indéniable que vos points de vue et vos commentaires ont des répercussions sur l'ensemble de la situation.
Je suis sûr que les gens qui viennent ici défendre les fusions comprennent que cela aura des répercussions dans les autres secteurs financiers, et il en va de même pour ceux qui s'y opposent, pour ne prendre que cet exemple précis.
Mais vous avez raison de parler ainsi. Je peux vous dire que sur cette question, mais aussi sur bien d'autres qui concernent notre pays, nous avons besoin de discuter bien davantage de l'avenir.
Donc, au nom du comité, je tiens à remercier tous les membres du groupe. Il s'est montré excellent et a donné lieu à l'échange de questions et de réponses d'un très bon niveau. Je vous remercie.
Nous allons faire une pause de deux minutes. Nous reviendrons tout de suite après.
Le président: Je déclare la séance ouverte. Lors de cette séance, nous aurons le plaisir d'accueillir les représentants de la Dominion du Canada, Compagnie d'assurances générales, de l'Insurance Brokers Association of Ontario, de l'Islamic Financial Institutions, Canada, de l'Alberta Securities Commission, de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et de l'Association canadienne des courtiers en placement.
Nous allons commencer par le représentant de la Dominion du Canada, Compagnie d'assurances générales, M. George L. Cooke, son président et directeur général. Soyez le bienvenu.
M. George L. Cooke (président et directeur général, Dominion du Canada, Compagnie d'assurances générales): Merci, monsieur le président.
Vous avez devant vous une copie en français et en anglais du mémoire que j'ai présenté au comité sénatorial il y a une semaine environ. Avec votre permission, je les dépose officiellement devant votre comité comme faisant partie intégrante de notre témoignage. J'aimerais simplement souligner quelques points, sans me référer aux textes d'un discours, qui viendront compléter ces longs documents, et je vous renverrais à l'article que je vous ai joint, tiré du New York Times.
Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître. C'est une grande chance que de pouvoir participer à la discussion autour de cette table.
Les entreprises du secteur de l'assurance sont bien occupées ces temps-ci. Le rapport MacKay, que toutes les personnes ici présentes connaissent, j'en suis sûr, a donné lieu à un débat très animé sur la structure du secteur des services financiers, tant aujourd'hui qu'à l'avenir. Le point essentiel dont nous tenons à discuter a trait à la recommandation qui vise à autoriser les banques à vendre de l'assurance au grand public par l'intermédiaire de leurs succursales.
Les recommandations de MacKay peuvent paraître anodines, mais nous considérons que leur mise en oeuvre risque de remettre en cause la prospérité du secteur de l'assurance de biens et risques divers au Canada, secteur qui emploie quelque 100 000 personnes d'un bout à l'autre du pays.
Il est important que le comité comprenne bien que les entreprises de notre secteur ont toujours tout mis en oeuvre pour répondre aux besoins et aux désirs du consommateur. Ainsi, nous offrons aux consommateurs une gamme étendue de produits de qualité à des prix très concurrentiels. Ainsi, ces deux dernières années en Ontario, le coût de l'assurance automobile a diminué en moyenne de 18 p. 100, ce qui témoigne bien de la nature concurrentielle de notre marché.
Nous offrons un excellent service. Plus de 82 p. 100 de nos consommateurs, que nous avons sondés il y a un mois ou deux, sont très satisfaits de la qualité des services qui leur sont dispensés. C'est un service de qualité exceptionnelle comparativement à celui qu'offrent des secteurs comparables.
Les consommateurs ont le choix. Ils peuvent choisir le produit, le prix et le fournisseur des services. Nous mettons nos produits à la disposition du consommateur de bien des manières. Nous estimons qu'il est très important que le consommateur continue à bénéficier de prix concurrentiels, d'une qualité de services qui reflète la concurrence intense qui se fait sur le marché et de la possibilité de choix à laquelle il a été habitué. Pour qu'il en soit ainsi, je considère qu'il faut à l'avenir, comme c'est le cas aujourd'hui, que certaines conditions économiques soient préservées.
Il faut que les conditions mises à l'entrée et à la sortie de ce secteur de l'économie soient minimes, que les consommateurs soient informés afin de pouvoir faire des choix en toute connaissance de cause, et que les possibilités d'accès à l'information soient justes et équilibrées entre les différents participants aux activités de ce secteur. Je dis aujourd'hui aux membres du comité que les recommandations du rapport MacKay vont faire exactement le contraire. Elles vont imposer un maximum de conditions à l'entrée et à la sortie de ce secteur; elles vont causer un déséquilibre entre les banques et les sociétés d'assurance pour ce qui est de l'accès à l'information; enfin, elles vont imposer aux consommateurs un moindre choix, moins de concurrence et moins d'information.
Plus de 230 entreprises opèrent actuellement dans notre secteur et je veux que votre comité comprenne bien que nous n'avons pas peur de la concurrence; en fait nous l'encourageons et elle nous stimule. Toutefois, nous ne voulons pas de la concurrence déloyale ou de celle qui s'exerce lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. Nous ne pensons pas que ce genre de concurrence soit bonne pour les consommateurs.
Les banques sont autorisées à posséder des sociétés d'assurance de biens et de risques divers depuis 1992, mais elles ont été tenues de maintenir cette activité à l'écart du reste pour d'excellentes raisons: pour éviter les pressions inutiles qui s'exercent du fait des ventes liées ou des pratiques commerciales coercitives; pour protéger la confidentialité des consommateurs; enfin, pour que les conditions du marché restent justes et équilibrées pour tous les intervenants.
Il est intéressant de constater que depuis 1992 les banques ont été obligées de jouer le jeu face à la concurrence et qu'elles n'ont pas trouvé ça très facile. Certaines d'entre elles ont dû se résoudre en fait à fournir gratuitement certains produits pour attirer les consommateurs, ou à recourir à certaines pratiques pour casser les prix. L'accusation est peut-être un peu forte, mais étant donné les capitaux énormes dont elles disposent, elles ont toutes sortes de facilités pour pratiquer un interfinancement légitime mais par ailleurs discutable.
• 1525
Il est intéressant de relever que les partisans du rapport
MacKay nous parlent d'innovation en matière de produit, mais que
les banques ont eu six ans pour se monter novatrices sur les
produits et que nous n'avons vu apparaître absolument aucune
innovation. En réalité, elles n'ont fait que copier les produits
qu'offraient déjà les autres entreprises du secteur. Aujourd'hui,
par conséquent, elles veulent pouvoir disposer en somme d'un
avantage et il faut avouer qu'à notre avis, le rapport MacKay
recommande qu'on le leur accorde.
Je vous ai remis une copie d'un article du New York Times dans lequel M. Cleghorn parle de la fusion, l'auteur de l'article nous disant ce qu'il en pense. J'attire votre attention sur ce qui a été souligné, où l'on voit non seulement que la position adoptée ne tient pas compte des craintes tout à fait légitimes des consommateurs, qui ont peur de ne pas recevoir un service de qualité, mais où l'on relève par ailleurs une observation que je trouve particulièrement étrange—en l'occurrence que les banques ont besoin de s'agrandir pour concurrencer au plan national plus de 2 200 caisses de crédit provinciales ainsi que, j'imagine, les 230 sociétés d'assurance de biens et risques divers qui se font concurrence sur le marché actuel.
Essentiellement, si l'on autorisait les banques à vendre de l'assurance au grand public par l'intermédiaire de leurs succursales, nous affirmons qu'elles auraient accès à de l'information qui, malgré toutes les précautions prises par M. MacKay, serait illégale et que les sociétés d'assurance comme la nôtre, et c'est bien normal, n'ont pas le droit de se procurer, de conserver ou d'utiliser lorsqu'elles accordent une assurance ou lorsqu'elles évaluent leurs décisions. Elles nous disent qu'elles n'abuseront pas de cette possibilité d'accès à l'information et M. MacKay fait observer que des mesures législatives et une trop lourde réglementation sont susceptibles d'éliminer ce danger qui menace la confidentialité et la concurrence et de protéger les intérêts du consommateur. Nous vous avouons bien franchement qu'à notre avis on ne peut pas interdire par voie législative l'utilisation de la connaissance.
Il est intéressant de relever que la semaine dernière, un des participants aux délibérations a indiqué devant le comité sénatorial que ce rapport recommandait un trop grand nombre de mesures législatives inutiles pour justifier que l'on prenne des mesures afin d'éviter l'apparition d'un marché trop concentré et trop peu concurrentiel au cas où les recommandations seraient mises en oeuvre.
Je vais vous faire part de deux témoignages, si vous me le permettez. À la suite de mon intervention devant le comité sénatorial il y a une semaine ou deux, j'ai fait circuler les notes que je vous ai remises aujourd'hui, non seulement aux parlementaires, mais aussi à tous nos employés et aux courtiers d'un bout à l'autre du pays. J'ai croulé sous un véritable déluge de réponses, c'est le moins qu'on puisse dire. Les réponses qu'on m'a faites sont très intéressantes, et deux témoignages nous intéressent particulièrement ici.
L'une des réponses provenait d'un courtier exerçant ses activités dans une province autre que l'Ontario, qui m'a félicité pour la position que j'avais adoptée et pour avoir bien exprimé ses inquiétudes et celles de nombre de ses clients. Il a précisé cependant qu'il avait peur d'exprimer lui-même ce genre d'opinion par peur que l'on supprime sa marge de crédit et le prêt qu'il avait contracté. Il est très inquiétant d'entendre ce genre de choses, que ce soit dans notre pays ou dans n'importe quel autre pays au monde.
J'ai reçu hier un communiqué en provenance de l'un de nos employés. Il me disait qu'il avait une carte Visa et une carte MasterCard, et qu'il avait voulu faire un emprunt, justement à la banque qui lui avait délivré sa carte Visa, afin de solder son compte sur les deux cartes de crédit. Le prêt lui a été accordé à condition qu'il annule sa carte MasterCard. Ne s'agit-il pas là d'une forme de coercition tout à fait inadmissible dans le monde où je veux vivre, et il faut bien parler dans le deuxième cas de vente liée, pratique tout à fait inacceptable et très difficile à enrayer.
• 1530
Je peux d'ailleurs vous dire que ce ne sont là que quelques
exemples parmi tous ceux qui m'ont été communiqués.
Lors des discussions devant le comité sénatorial, on m'a fait remarquer que l'ombudsman du secteur des banques n'avait reçu des plaintes que de la part de 1 p. 100 environ des clients des banques. Il en a été ainsi en dépit du fait que M. MacKay relève que plus de 16 p. 100 des répondants à son sondage d'opinion publique expriment leurs craintes et précisent avoir fait directement l'expérience de ventes liées ou de pratiques coercitives. Je pense que cela nous indique tout simplement que l'une des solutions avancées par M. MacKay sous la forme d'un élargissement du rôle de l'ombudsman est théoriquement bonne mais que dans la pratique, elle ne va pas régler la question. Il est évident que cette pratique est largement plus répandue aujourd'hui qu'on ne le signale. Si l'on augmente les possibilités d'abus, je ne peux pas imaginer que l'on puisse s'attendre à ce qu'un recours insuffisant aujourd'hui devienne suffisant demain.
Je crois qu'il est de mon devoir de vous dire que les consommateurs sont satisfaits de leurs sociétés d'assurance et insatisfaits de leurs banques. Je vous avoue bien franchement que si l'on autorise les banques à vendre au grand public de l'assurance par l'intermédiaire de leurs succursales, cela reviendra finalement pour le gouvernement à entériner des pertes d'emploi d'un bout à l'autre du pays—et je vais m'arrêter quelques instants sur ce point.
Le principe ici est bien simple. À l'heure actuelle, des sociétés comme la nôtre distribuent leurs produits par l'intermédiaire de courtiers indépendants installés dans les petites localités. Les décisions sont prises dans ces localités, là où les gens habitent et travaillent, et ceux qui prennent les décisions sont installés dans ces localités. Du fait de la concentration qui va finalement découler de l'adoption éventuelle de ces recommandations, ces emplois seront presque immédiatement, et du moins à très court terme, supprimés et remplacés par des emplois dans les grands centres d'appel ou leur équivalent dans les zones urbaines. Dans le meilleur des cas, on va substituer un type d'emploi dans une localité rurale par un autre type d'emploi dans une zone urbaine.
Les effets de cette mesure dans un pays comme le Canada sont, à mon avis, très évidents. Je pense que l'on peut présenter un dossier très solide. D'après les chiffres dont nous disposons et les observations que nous avons faites, ce démembrement va entraîner en fait une perte nette de 20 000 emplois. C'est un argument très important. On n'en parle absolument pas dans les recommandations du rapport MacKay ou dans l'analyse qui y est faite.
Voici finalement ce que je veux dire: au bout du compte, le consommateur se retrouvera finalement avec un moindre choix, moins de concurrence et tout ce que cela suppose, notamment des prix plus élevés et des services de qualité moindre. Je vous demande donc, à vous et aux autres responsables, dans quel intérêt envisage-t-on cette réforme? Je vous réponds que c'est dans l'intérêt du consommateur et qu'au lieu de mettre en oeuvre ces recommandations, nous devrions chercher à renforcer la concurrence sur nos marchés en prenant des mesures à cette fin, informer davantage et en temps utile les consommateurs, et tirer parti de la technologie dont nous disposons.
Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis prêt à participer à la discussion qui va suivre.
Le président: Merci, monsieur Cooke.
Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Insurance Brokers Association of Ontario, son président élu, M. Gil Constantini, et son directeur Robert J. Carter. Soyez les bienvenus.
M. Gil Constantini (président élu, Insurance Brokers Association of Ontario): Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de notre point de vue concernant le rapport du groupe de travail MacKay.
Je m'appelle Gil Constantini, et je suis le président élu de l'Insurance Brokers Association of Ontario. J'exerce par ailleurs mes activités de courtier indépendant à North York, qui fait désormais partie de la grande agglomération de Toronto. J'ai à mes côtés aujourd'hui Bob Carter, notre directeur général.
Nous ne reprendrons pas ici son intervention, mais l'IBAO entérine le point de vue exprimé récemment devant votre comité par notre association nationale, l'Association des courtiers d'assurance du Canada. Nous allons cependant développer un certain nombre de points soulevés par l'ACAC.
Les consommateurs de notre province et des autres régions du Canada bénéficient de l'un des secteurs de l'assurance de biens et de risques divers les plus concurrentiels, les plus solides, les plus rentables. Cette branche est aussi l'une des plus concurrentielles de tout le secteur des services financiers. Cette concurrence intense profite aux consommateurs. Il y a un grand nombre d'entreprises concurrentes, un marché non concentré qui facilite l'entrée et la sortie des nouveaux arrivants, de bons services fournis dans le cadre de contrats à court terme et sans pénalité ou sans frais imposés en cas de changement d'assureur, et un marché à la consommation de plus en plus sensible aux prix.
• 1535
Si nous en croyons notre expérience, le cadre actuel favorise
l'établissement de prix indépendants, une meilleure stabilité de
l'exploitation et une plus grande souplesse des prix. C'est aussi
le meilleur moyen de garantir l'efficacité et l'innovation au
niveau des produits. De plus, les consommateurs jouissent d'une
abondance de produits. Ils ont une multitude de choix en ce qui
concerne les tarifs, la qualité du service et les assureurs.
Les consommateurs profitent aussi du code de déontologie qui régit toutes les opérations effectuées sur le marché par les courtiers indépendants de notre pays. De plus, notre secteur s'efforce résolument de promouvoir un meilleur professionnalisme en améliorant les niveaux d'instruction grâce à une formation continue obligatoire et à l'imposition d'une certification par étapes. Le Canada est très en avance sur ce point par rapport à d'autres pays étrangers.
Le rapport laisse entendre par ailleurs que les consommateurs bénéficieront de primes d'assurance moins élevées si l'on confère aux banques des privilèges spéciaux. Ce point de vue part d'une fausse hypothèse. Rien ne prouve que le coût total du réseau de distribution des courtiers indépendants soit plus élevé que le coût direct du vendeur ou de la banque offrant des polices d'assurance par l'intermédiaire de ses succursales. Comparons par exemple le coût des polices d'assurance sur la vie ou d'assurance hypothécaire qu'offrent les banques à celui des polices d'assurance, moins chères et plus complètes, qu'offrent les agents et les courtiers indépendants d'assurance sur la vie.
On peut aussi prendre les chiffres fournis par la Commission des services financiers de l'Ontario, anciennement la Commission des assurances de l'Ontario, qui démontrent clairement que jour après jour, ce sont les sociétés de courtage qui offrent les polices d'assurance automobile les plus intéressantes.
Le secteur de l'assurance de biens et de risques divers est parvenu à maturité au Canada. Si la commercialisation de l'assurance se fait en majorité par l'intermédiaire des courtiers indépendants, ce n'est pas parce qu'il y a une affinité entre les assureurs et les courtiers, mais parce que l'on s'est bien rendu compte que le réseau de distribution des courtiers était efficace et rentable. Ces éléments propres à l'industrie et bien d'autres facteurs ont été totalement passés sous silence par le groupe de travail MacKay. De manière générale, ce groupe de travail comprend très mal le secteur de l'assurance de biens et risques divers, et cela nous préoccupe. Ça nous paraît inquiétant étant donné que ce groupe de travail propose justement une réforme considérable de ce secteur.
Il préconise un modèle européen, modèle qui ne donne pas toujours de bons résultats, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce faisant, le groupe de travail propose un système qui va réduire les possibilités de choix et limiter la concurrence. Avec moins de choix et moins de concurrence, on va se retrouver avec des prix plus élevés.
Quels avantages les consommateurs peuvent-ils bien en tirer? Pourquoi bouleverser sans raison ce qui marche bien dans notre secteur des services financiers pour accorder un plus grand contrôle aux banques? Le secteur de l'assurance de biens et risques divers nous apporte la preuve qu'une concurrence saine et équilibrée, la possibilité de choisir, l'innovation et la qualité du service profite aux consommateurs et à notre économie.
Le véritable problème, ce n'est pas l'absence de concurrence dans le secteur de l'assurance de biens et risques divers, c'est l'absence de concurrence dans le secteur bancaire. Nous aimerions que la concurrence qui existe dans le secteur de l'assurance de biens et risques divers s'exerce aussi dans notre secteur bancaire. C'est sur cela que devraient porter à l'heure actuelle les politiques fédérales.
Le gouvernement fédéral a pour politique de reconnaître que le secteur des petites et moyennes entreprises est le moteur de la croissance de l'économie canadienne et revêt une importance fondamentale pour la création d'emploi au Canada. Si les recommandations du rapport MacKay concernant la vente d'assurance par les banques sont acceptées, c'est le secteur des petites sociétés d'assurance de biens et risques divers qui va supporter le plus gros des bouleversements au niveau de l'emploi et, on peut le dire, des pertes d'emploi. Les retombées régionales en seront réduites de manière significative.
Pour mieux faire comprendre aux membres du comité à quel point notre secteur contribue à garantir la santé économique de nos collectivités, nous vous avons remis aujourd'hui un résumé de l'étude socioéconomique que nous avons commandée en mai 1998.
Les banquiers canadiens prétendent qu'il faut leur donner le libre accès à d'autres secteurs tels que celui de l'assurance de biens et risques divers pour renforcer leur compétitivité au plan international. Sans qu'il y ait d'élément de preuve convaincant, le groupe de travail MacKay propose d'accorder des privilèges encore plus grand au secteur bancaire canadien, déjà fortement concentré et jouissant d'une position dominante. On ne voit pas en quoi le fait de mettre en faillite des centaines de petites entreprises dans notre province va renforcer le rôle joué par les banques, si ce n'est pour augmenter leur profit. Nous voyons mal qui va bénéficier, si ce n'est les banques, du fait que l'on va mettre des milliers d'Ontariens au chômage. Il est clair que le débat actuel, qui est saupoudré de références à la compétitivité et à la mondialisation, n'est pas axé sur le consommateur, mais vise carrément à satisfaire le désir de croissance, de contrôle et de rentabilité des banques au détriment d'une juste concurrence, de l'économie et du consommateur. Il est indéniable à notre avis que les nouveaux pouvoirs proposés par le groupe de travail MacKay vont conférer aux banques des avantages concurrentiels qui ne sont pas conformes aux intérêts des consommateurs et des petites entreprises.
• 1540
Les règles en matière d'assurance bancaire, qui ont été mises
en place en 1992, comme vous le savez, donnent de bons résultats et
doivent être maintenues. Les règles établies en 1992 ont autorisé
de nouveaux participants, notamment les banques, à entrer sur le
marché de l'assurance de biens et risques divers sans bouleverser
inutilement la concurrence. Ne perdons pas notre temps à changer ce
qui va bien.
Monsieur le président, j'aimerais que l'on prenne acte d'un autre facteur. Il y a une question plus importante qui mérite d'être discutée davantage et qui n'a rien à voir avec les fusions ou l'attribution de pouvoirs. Sur le plan des politiques publiques, le rapport MacKay reconnaît que les banques occupent une place spéciale dans notre société. Dans notre pays, des mesures ont été instaurées par les pouvoirs publics pour que les banques bénéficient d'une situation privilégiée. Pourtant, le groupe de travail MacKay préconise des mesures qui viennent complètement bouleverser cette politique publique fondamentale et largement acceptée au Canada. Ce changement est par ailleurs imposé à la population canadienne par les établissements mêmes qui ont bénéficié pendant des dizaines d'années de ces mesures protectionnistes. Il faut que tous les Canadiens se penchent sur cette question. Nous estimons que ce doit être la première étape de toute réforme.
Monsieur le président, je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Constantini.
Nous allons maintenant entendre le président de l'Islamic Financial Institute, Canada, M. Said Zafar. Soyez le bienvenu.
M. Said Zafar (président, Islamic Financial Institutions, Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des finances de la Chambre des communes de nous avoir donné l'occasion de comparaître. J'ai à mes côtés le vice-président de notre comité, Abdalla Ali, ainsi que Shameela Chinoy, l'un de ses membres.
J'aimerais pour commencer vous rappeler, monsieur le président, que vous avez indiqué lors de la séance précédente que vous souhaitiez que l'on vous fasse plus ou moins des propositions pour l'avenir. C'est exactement ce qui nous amène—l'avenir. L'avenir, d'ailleurs, ce n'est pas demain ou après-demain, c'est pour toute une génération. La banque islamique a 1 400 ans et elle se prépare à entrer dans le XXIe siècle.
Il y a plus de 130 banques islamiques dans le monde, qui gèrent plus de 120 milliards de dollars US. Dans les pays islamiques et non islamiques, comme le Royaume-Uni, certaines banques classiques ont ouvert des guichets ou des comptoirs islamiques offrant des produits financiers islamiques. Parmi ces banques, on peut citer l'ABN Amro Bank, la National Commercial Bank d'Arabie saoudite, la Bank Misr d'Égypte, la Banque Nationale de Paris, Kleinwort Benson, ANZ Grindlays Bank plc et la Citibank. On peut d'ailleurs dire que Londres est le centre des activités bancaires islamiques dans le monde occidental.
Nous avons présenté notre dossier au groupe de travail et voici l'exposé, légèrement modifié, que nous lui avons fait.
Étant donné l'importance de la population musulmane au Canada, environ 500 000 personnes... dans votre circonscription, monsieur le président, je ne dirais pas qu'il y a 500 000 Musulmans, mais cela représente au moins 20 p. 100 de vos électeurs, nous avons les chiffres. D'autres députés, Carolyn Parrish...
Le président: Je m'en souviendrai.
M. Said Zafar: Oui, parce qu'ils vont savoir que j'ai fait cet exposé et que j'ai comparu devant votre comité.
Le président: Et je dirais d'excellentes choses à votre sujet.
M. Said Zafar: Merci. Oublions les excellentes choses, j'aimerais plutôt que vous recommandiez à l'ensemble du comité des finances de la chambre que nous soyons autorisés à ouvrir des banques islamiques.
Il y a une épargne importante qui reste improductive et inutilisée et qui attend d'être investie dans un produit financier islamique. Ce réservoir inutilisé d'épargne en possession des Musulmans doit être mis à profit pour fournir des capitaux d'exploitation et des capitaux à risque aux petites et moyennes entreprises canadiennes, donnant ainsi une impulsion supplémentaire à ce qui est le moteur de l'économie canadienne.
L'économie canadienne est fondée sur la libre entreprise. C'est un principe auquel croit la société musulmane. Nombre de décisions économiques sont dictées par le jeu économique de l'offre et de la demande, du profit, des marchés et de la concurrence. Étant donné la demande préexistante de produits financiers islamiques offerts par des établissements islamiques, on a besoin d'une telle institution sur le marché financier canadien.
Une banque islamique n'est pas simplement une banque, c'est aussi un fonds de placement ou une société d'investissement. Compte tenu de la tendance actuelle au regroupement des services financiers au sein d'un guichet unique, on a d'autant plus besoin d'intégrer les produits financiers islamiques offerts sur le marché des services financiers au Canada. Les produits financiers islamiques constituent de ce point de vue un créneau spécialisé.
Ces dernières années, les choix et les tendances ont évolué au Canada en matière de placement et il est indéniable que l'on s'oriente davantage vers les participations en capital. Compte tenu du fait que les finances islamiques sont davantage axées sur les participations en capital, on disposera ainsi d'une source importante de fonds de roulement pour les petites et moyennes entreprises canadiennes. De plus, la stabilité des placements effectués au Canada suscite l'intérêt des investisseurs étrangers. La présence d'établissements financiers islamiques au Canada servira d'incitatif et nous donnera la possibilité d'attirer des capitaux étrangers au Canada.
Je vais maintenant demander à ma collègue, Shameela Chinoy, de détailler, point par point, les demandes que nous vous présentons.
Mme Shameela Chinoy (membre, Islamic Financial Institutions, Canada): Merci. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, avant de présenter mon exposé au comité, j'aimerais que vous consultiez la table des matières du manuel que nous vous avons remis et je vous encourage à poser des questions sur tous les points que nous avons soulevés.
Nous avons rédigé à l'intention du comité un projet de banque islamique s'insérant dans le secteur bancaire canadien et nous ne voyons pas pourquoi ce serait impossible à réaliser. Il y a un certain nombre de notions bien particulières, que je me suis efforcé d'expliquer par voie de questions et de réponses et j'incite tous les membres du comité à me poser des questions à ce sujet à la fin de la séance.
Voici ce que nous demandons: que l'on autorise la création au Canada d'établissements financiers islamiques réglementés—et nous insistons sur les terme «réglementés»—pouvant offrir des produits financiers islamiques et que les banques et établissements financiers canadiens classiques soient autorisés à se prévaloir de certains créneaux spécialisés et à offrir des produits financiers islamiques au Canada par l'intermédiaire de guichets islamiques installés dans leurs succursales dispensant des services au grand public. Je ferais remarquer que c'est ce que font la Citibank et ANZ dans leurs succursales de Londres, en Angleterre. Elles offrent des produits islamiques dans leurs succursales de High Street. Vous n'avez pas besoin d'aller dans les îles Caïman pour faire des opérations bancaires selon les principes islamiques. Nous demandons aussi que l'on n'oblige pas les banques ou les établissements financiers à mettre à la disposition des déposants des comptes portant intérêt et que l'on considère le taux zéro comme étant un taux d'intérêt acceptable.
Je m'arrête ici un instant pour vous expliquer en quoi consiste le taux zéro. L'Islam interdit à la base tout versement d'intérêt ou tout paiement à un taux déterminé à l'avance. Selon cette doctrine, si la banque vous offre un taux d'intérêt fixe de deux ou de 3 p. 100, c'est contraire aux principes établis. Mais parallèlement, ce n'est pas parce qu'il est prêté sans intérêt que le capital est gratuit. C'est une grave erreur que bien des gens font lorsqu'on parle de «prêts sans intérêt». Il ne s'agit pas d'un capital gratuit dont on fait cadeau. Tous ceux qui placent de l'argent dans un établissement financier islamique s'attendent à obtenir un rendement, mais ils sont prêts par ailleurs à participer à l'opération au point de ne pas en attendre un rendement fixe, ce rendement fluctuant en fonction de la rentabilité de l'opération dans laquelle l'argent est placé.
• 1550
Nous demandons aussi, l'argent étant versé sans intérêt, que
l'on n'impose pas l'exigence du dépôt de réserve auprès de la
banque centrale. C'est un principe inhabituel, mais il faut bien
voir que le capital n'étant aucunement garanti, cette réalité est
exposée aux investisseurs ou aux déposants. Ils en sont conscients
et l'on n'a donc pas besoin de respecter les normes de la SADC en
matière de dépôt.
Nous aimerions que le comité reconnaisse que dans le cadre de la nouvelle législation sur les banques, nous avons besoin au Canada, aujourd'hui plus que jamais, de produits et de services offrant des possibilités de financement sans intérêt. En conséquence, nous demandons que l'on apporte les modifications nécessaires à la Loi sur les banques, à la Loi de l'impôt sur le revenu, à la taxe sur les produits et les services et à d'autres textes de loi afin de faire place aux établissements financiers islamiques.
Je suis prête à répondre à toutes les questions que voudront me poser les députés. Je vous remercie.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre le président de l'Alberta Securities Commission, M. William Hess. Soyez le bienvenu.
M. William L. Hess (président, Alberta Securities Commission): Monsieur le président, les questions que nous voulons évoquer avec vous aujourd'hui sont importantes pour les consommateurs de tous les produits financiers et il convient de les régler si l'on veut que les marchés financiers canadiens fonctionnent efficacement et équitablement.
Lorsque vous serez à Montréal, vous entendrez une intervention complémentaire de nos collègues de la commission des valeurs mobilières du Québec, mais je peux vous garantir que tout ce que vous allez entendre aujourd'hui est le reflet des délibérations permanentes des responsables de la réglementation des valeurs mobilières dans l'ensemble des provinces et des territoires du Canada.
Avec votre permission, je vais demander à David Brown, le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, de présenter notre exposé.
M. David Brown (président, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario): Merci de cette présentation, monsieur Hess, et merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à comparaître et à parler devant vous aujourd'hui.
Nous sommes venus aujourd'hui avant tout pour répondre aux questions que vous-mêmes ou les membres de votre comité voudront bien nous poser en notre qualité de responsables de la réglementation des valeurs mobilières. Je tiens cependant à profiter de cette occasion pour vous dire quelques mots au sujet de l'un des éléments du rapport MacKay qui a éveillé un grand intérêt et alimenté les discussions chez les administrateurs canadiens des valeurs mobilières, en l'occurrence, les dispositions du rapport MacKay qui réclament un renforcement des mesures de protection des consommateurs de produits financiers au Canada.
Avant d'aborder précisément ces questions, je crois devoir évoquer tout d'abord le principe d'une commission nationale des valeurs mobilières et l'intérêt qu'a soulevé dans la presse et ailleurs la création d'une commission nationale des valeurs mobilières, parce que cela se rapproche de certaines propositions que nous voulons faire en tant qu'administrateurs des valeurs mobilières pour remédier aux préoccupations relevées dans le rapport MacKay.
Il est clair qu'avec 10 responsables distincts de la réglementation des valeurs mobilières au Canada—et en fait il y en a 12 si l'on compte les responsables de la réglementation des valeurs mobilières dans les territoires—on peut s'inquiéter du risque d'une fragmentation de la réglementation dans ce qui est essentiellement un marché des capitaux.
On a fait différentes tentatives au cours des années pour mettre sur pied un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. D'ailleurs, quatre commissions royales et groupes de travail se sont penchés sur la question au cours des 30 dernières années pour recommander la création d'une commission nationale des valeurs mobilières. La plus récente a siégé il y a deux ans environ.
Je pense qu'il est constant que ces initiatives ont échoué en partie parce que l'on n'a pas réussi à apaiser les craintes du Québec sur les questions de compétence, et aussi, celles d'autres provinces estimant que l'on n'avait pas tenu compte des disparités ou des différences régionales.
• 1555
Il n'en reste pas moins que la coordination entre les
provinces est un objectif visé depuis longtemps par ces mêmes
responsables de la réglementation des valeurs mobilières et que
cela s'est traduit par la création de ce que l'on pourrait appeler
maintenant une commission nationale virtuelle des valeurs
mobilières. Cela s'est fait sur la base de la confiance mutuelle et
un protocole d'accord a d'ailleurs été publié par tous les
administrateurs des valeurs mobilières du pays. Il s'applique aux
situations dans lesquelles les émetteurs ou les courtiers agréés
ont à traiter avec plusieurs responsables de la réglementation des
valeurs mobilières, autrement dit avec plusieurs provinces.
Le protocole d'accord précise que chacune des commissions qui existe aujourd'hui dans notre pays est prête à s'en tenir à l'analyse, ou à l'examen et aux recommandations, du personnel de chacune des autres provinces. Si celui qui lance un prospectus, par exemple, veut le faire accepter dans plusieurs provinces du pays, il lui suffit de déposer un dossier devant l'une d'entre elles et de traiter uniquement avec le principal responsable de la réglementation dans cette province, soit essentiellement celle dans laquelle son siège social est situé. Les commissions des valeurs mobilières font donc tout le travail à la base et, plus particulièrement, les commissions des valeurs mobilières des autres provinces que la province principale acceptent de s'en tenir aux recommandations du personnel de la province principale.
Le principe de cette commission nationale virtuelle des valeurs mobilières signifie aujourd'hui que les émetteurs et les courtiers agréés, et d'autres intervenants qui ont affaire au régime des valeurs mobilières, n'ont à traiter qu'avec une seule province. Elle est habilitée à recevoir la participation pleine et entière de toutes les provinces, y compris le Québec, et elle reste sensible aux réalités régionales.
Pour en revenir maintenant au rapport MacKay et au fait que ce dernier reconnaît la nécessité de renforcer la protection des consommateurs de services financiers, il s'agit là d'une question que les administrateurs canadiens des valeurs mobilières jugent hautement prioritaire. Nous avons cherché les moyens d'améliorer l'efficacité du marché en supprimant les chevauchements, dont certains sont relevés dans le rapport MacKay, mais surtout nous avons voulu combler certaines lacunes de la réglementation, qui elles aussi sont relevées dans le rapport MacKay.
L'une des difficultés vient de la répartition constitutionnelle des pouvoirs au Canada. Comme nous le savons tous, la compétence réglementaire et législative sur les établissements bancaires et la banque relève exclusivement du Parlement fédéral. Les tribunaux ont accordé le pouvoir de réglementation des valeurs mobilières aux provinces en vertu de leurs pouvoirs sur la propriété et les droits civils. Les sociétés de fiducie et les assureurs sont réglementés en fonction de la loi selon laquelle elles ont été constituées. En conséquence, la réglementation dépend des types d'établissement et non pas de la catégorie d'activités ou d'entreprise exercées. Nous avons vu ces dernières années que le rôle des participants au marché a considérablement évolué depuis la mise en place de la structure de la réglementation actuelle et que cela a été dû en partie à l'abandon du principe des quatre piliers il y a 10 ans.
Aujourd'hui, nous avons un marché dans lequel les banques nationales et étrangères, les courtiers en valeurs mobilières, les sociétés de fiducie et d'assurance, les caisses de crédit et différents intermédiaires offrent des services similaires mais relèvent de régimes de réglementation tout à fait différents. En fait, la partie gauche du bilan de la plupart des opérateurs du secteur financier est désormais pratiquement la même. Les activités des banques et de leurs courtiers en placement ou des fiducies qui sont leurs filiales sont devenues de plus en plus intégrées.
Les administrateurs canadiens des valeurs mobilières considèrent qu'il est temps de revoir cette répartition en matière de réglementation. Nous estimons qu'il est peu probable qu'une réglementation exclusive des banques par le pouvoir fédéral et une réglementation exclusive par les provinces des filiales qu'elles possèdent à part entière soit la meilleure réglementation possible. Nous considérons aussi que de toute évidence cette situation a été la cause des préoccupations au sujet des consommateurs qui sont exprimées dans le rapport MacKay. Les administrateurs canadiens des valeurs mobilières se demandent donc actuellement s'il n'est pas temps que le Canada envisage un nouveau partage des pouvoirs de réglementation qui tienne compte des activités et non pas de la façon dont a été constituée la société.
• 1600
Nos travaux ont été influencés en grande partie par le nouveau
régime de réglementation qui vient d'être institué en Australie.
Comme les membres du comité le savent peut-être, à compter du 1er
juillet de cette année, le régime de réglementation de l'Australie
a été subdivisé en deux parties, un responsable fiduciaire de la
réglementation, qui s'intéresse à la sécurité et à la santé
financière des participants au marché, et un responsable de la
réglementation du marché, qui règle les activités sur le marché de
tous les opérateurs des services financiers.
Dans le contexte canadien, le BSIF serait le responsable fiduciaire tout trouvé. C'est actuellement le principal rôle du BSIF et celui-ci ne participe en fait que très peu actuellement à la réglementation du marché. Nous estimons aussi qu'il faudrait qu'en vertu d'un accord avec les provinces, la réglementation fiduciaire des assureurs et des sociétés provinciales de fiducie qui dépendent d'organismes provinciaux soit progressivement transférée à des responsables fédéraux.
Bien évidemment, nous considérons par ailleurs que le choix tout trouvé pour réglementer le marché est celui des commissions des valeurs mobilières, agissant par l'intermédiaire des administrateurs canadiens des valeurs mobilières. C'est essentiellement ce que font les administrateurs des valeurs mobilières. Les mécanismes de réglementation et les infrastructures sont en place. Notre mécanisme axé sur la confiance mutuelle a donné lieu à la création d'un système national de réglementation harmonisée à l'échelle du pays en faisant suffisamment place aux intérêts régionaux pour tenir compte des différentes pratiques locales.
Selon ce modèle, les commissions des valeurs mobilières assumeraient la responsabilité du contrôle des opérations sur le marché de tous les établissements financiers, y compris les banques, les sociétés de fiducie, les sociétés d'assurance et les caisses de crédit, et fixeraient les normes de gestion de portefeuille pour tous les groupements de capitaux, non seulement les fonds communs de placement, mais aussi les fonds de pension et les fonds d'assurance à gestion séparée.
Au cours des prochains mois, les administrateurs canadiens des valeurs mobilières continueront à développer ces notions et à en discuter avec nos gouvernements provinciaux. Notre objectif est de pouvoir remettre des propositions aux responsables fédéraux pour qu'elles soient prises en compte lors de la poursuite de l'examen du rapport MacKay.
Merci, monsieur le président. Avec M. Hess, je suis prêt à répondre à vos questions lorsque le moment sera venu.
Le président: Merci, monsieur Brown. Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, M. Joseph Oliver, son président et directeur général, et Ian Russell, son vice-président principal. Soyez les bienvenus.
M. Joseph Oliver (président et directeur général, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de nous accueillir aujourd'hui.
J'ai à mes côtés aujourd'hui Ian Russell, notre vice-président principal, marchés des capitaux. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de donner notre avis au sujet de l'avenir du secteur des services financiers, dont nos membres constituent un élément important. La suite que vont donner les législateurs à ces recommandations dictera l'orientation de ce secteur d'importance primordiale. Elle déterminera par ailleurs leurs conséquences sur la population et sur l'économie du Canada à l'aube du nouveau millénaire.
Nous avons déposé officiellement un mémoire dont je résumerai les principaux points. Je commencerai par exposer très rapidement la situation qui règne dans notre secteur et au sein de notre association. L'ACCOVAM est l'organisation nationale chargée de l'autoréglementation du secteur des valeurs mobilières au Canada. Nous avons pour mission de réglementer les activités commerciales des sociétés de placement ainsi que les méthodes de vente et les critères de qualification des conseillers en placement. L'association représente par ailleurs notre secteur auprès des responsables de la réglementation, des gouvernements, de la Banque du Canada et du public. Nous avons à l'heure actuelle 184 membres qui regroupent de grosses sociétés de services polyvalents ainsi que des petits cabinets et des maisons de taille moyenne. Toutes ces entreprises dispensent des conseils financiers ainsi que des services de transaction et de souscription à des clients individuels et institutionnels dans tout le pays. Certaines sont de grosses entreprises intégrées et possédées par des banques, mais la plupart d'entre elles sont des sociétés indépendantes. D'autres encore sont les filiales de sociétés mobilières ou d'organisations bancaires étrangères.
La taille et la croissance de notre secteur sont impressionnantes. Le capital contrôlé a doublé au cours des quatre dernières années, passant à 8 milliards de dollars. Le total de l'actif géré pour le compte des clients atteint près de 350 milliards de dollars. Les innovations en matière de produits abondent et la liquidité que nous conférons aux marchés est fondamentale pour leur viabilité. Par conséquent, notre secteur joue un rôle clé dans l'économie canadienne. Les entreprises qui sont membres de notre association emploient quelque 34 000 personnes au Canada, sans compter les emplois indirects, que nous jugeons significatifs.
• 1605
Les petites, les moyennes et les grosses entreprises comptent
sur nos membres pour lever les capitaux dont elles ont besoin pour
développer leurs activités et, ce faisant, créer de l'emploi au
Canada. Les entreprises de notre secteur ont levé entre 15 et
20 milliards de dollars de capital-actions au cours de chacune des
trois années écoulées, ce qui est près du double, en proportion, à
ce qui est recueilli aux États-Unis.
Les particuliers font de plus en plus confiance à notre secteur pour placer les capitaux dont ils auront besoin pour leur retraite. Le Canada, qui était un pays d'épargnants est devenu un pays d'investisseurs. Les fonds communs de placement sont passés de 33 milliards de dollars il y a quelque 10 ans à 275 milliards de dollars cette année, ce qui fait que pour la première fois au cours de leur histoire, les Canadiens ont davantage d'argent investi dans les fonds communs de placement que dans leur compte d'épargne et dans les CPG. La situation a donc changé du tout au tout pour ce qui est de la participation des Canadiens au marché—elle se situe désormais à environ 38 p. 100.
Les particuliers s'aperçoivent qu'ils doivent compter de plus en plus sur leurs propres ressources pour assurer leur avenir et il est donc primordial que notre secteur continue à fonctionner efficacement et dans les règles. Les Canadiens dépendent de plus en plus de nous.
Pour ce qui est du rapport du groupe de travail, nous estimons que le renforcement de la concurrence dans le secteur des services financiers est dans l'intérêt de tous les Canadiens. Le secteur canadien des valeurs mobilières est loin d'avoir la taille de certains autres secteurs ou de ses concurrents dans d'autres pays. Il n'en reste pas moins que nous sommes favorables à la concurrence, à condition que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Dans un marché plus concurrentiel, les prix des produits et des services financiers sont plus compétitifs, les innovations apparaissent sur le marché, la formation de capital est plus efficace et les emplois se multiplient. C'est pourquoi nous nous félicitons de voir que le groupe de travail vise à favoriser la concurrence dans ses propositions. Nous sommes tout à fait en faveur de cette grande orientation et nous vous incitons à adopter dans les meilleurs délais ces recommandations.
Laissez-moi vous dire rapidement ce que nous pensons des principales propositions. Pour ce qui est des nouveaux arrivants sur le marché, nous sommes d'accord pour que les barrières faisant obstacles à l'arrivée des banques étrangères, notamment les interdictions s'appliquant aux succursales et les critères exigés en matière de capitaux, soient supprimées ou considérablement réduites pour favoriser davantage la concurrence dans le secteur bancaire.
Nous sommes tout à fait en faveur de la proposition devant amener les établissements qui ne prennent pas de dépôt à s'intégrer au système de paiement canadien à condition, bien entendu, qu'ils répondent à certains critères de solvabilité, de liquidité et de réglementation. Plus précisément, il faut que les sociétés qui sont membres de notre association puissent faire partie de l'Association canadienne des paiements.
L'accès au système des paiements permettrait aux sociétés de valeurs mobilières d'offrir directement des comptes-chèques à leurs clients. Les sociétés d'investissement seraient donc placées sur le même pied que les banques pour gérer les actifs de leurs clients, et nos clients pourraient ainsi se lancer résolument dans le commerce électronique en ayant directement accès au réseau Interac.
Nous sommes heureux de constater que le groupe de travail va dans le sens de notre intervention en refusant d'accorder aux établissements réglementés par le gouvernement fédéral la possibilité de s'organiser au moyen d'une société de portefeuille. Tout le monde sera ainsi placé sur le même pied pour ce qui est des entreprises n'obéissant qu'à un minimum de réglementation dans des secteurs tels que le financement et le crédit-bail à grande échelle.
L'ACCOVAM a indiqué qu'elle était d'accord avec la modification de la politique interdisant «aux gros d'acheter des gros», avec cette réserve que certains de nos membres ne sont pas d'accord avec cette proposition, vous le savez je crois. Le comité spécial a néanmoins recommandé que les responsables fédéraux s'opposent aux fusions pour éviter les conséquences dommageables sur la concurrence. Nous sommes d'accord avec lui.
Le groupe de travail a recommandé l'adoption de règles comptables plus souples pour faciliter les acquisitions, tant sur le marché national qu'à l'étranger. À notre avis, l'intégration rapide des marchés des capitaux en Amérique du Nord exige que l'Institut canadien des comptables agréés harmonise dans toute la mesure du possible les règles comptables canadiennes avec celles du GAAP des États-Unis, notamment en ce qui a trait aux regroupements d'entreprises.
Nous jugeons par ailleurs nécessaire que les commissions provinciales accordent aux sociétés cotées en bourse certaines facilités lorsqu'il s'agit d'appliquer les règles comptables canadiennes ou américaines. Il s'agit ici de conférer aux sociétés canadiennes cotées en bourse une plus grande marge de manoeuvre lorsqu'elles se lancent dans des fusions ou des acquisitions pour faciliter leur expansion. Cela mettrait par ailleurs les sociétés canadiennes sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes des États-Unis.
• 1610
En matière de fiscalité, le groupe de travail recommande que
l'on supprime l'impôt spécial sur le capital des établissements
financiers et que, si cela s'avère impossible, que l'on propose au
minimum une application plus uniforme de l'impôt sur le capital et
que l'on fasse porter le fardeau fiscal sur les bénéfices des
entreprises. L'association est d'accord avec cette proposition.
Le groupe de travail recommande que les gouvernements prennent résolument des mesures pour supprimer les chevauchements dans la réglementation fiduciaire, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial et ainsi qu'entre les différentes provinces. Nos responsables de la réglementation ont soulevé le même argument un peu plus tôt.
L'abandon du principe des quatre piliers a permis aux banques, aux sociétés d'assurance et aux sociétés de valeurs mobilières d'offrir à leurs clients individuels et institutionnels toute une gamme de produits et de services. Cette gamme englobe les obligations et les produits dérivés, les financements sous la forme de placements privés, les fonds communs de placement et les fonds administrés individuellement.
Il en est résulté des différences significatives entre les établissements au niveau des règles régissant les capitaux et des pratiques de vente. Dans certains cas, les différences de réglementation ont donné lieu à une faible protection des consommateurs et ont augmenté les risques financiers des établissements.
Ces différentes règles ont aussi amené des changements d'activités non productifs en faveur d'organisations soumises à une réglementation plus souple. Ce phénomène qualifié d'arbitrage réglementaire, remet en cause l'intégrité de l'ensemble du secteur financier.
L'ACCOVAM recommande que les responsables fédéraux et provinciaux de la réglementation en arrivent à une réglementation plus cohérente. Nous recommandons en particulier qu'ils fassent en sorte que les différents intervenants qui exercent des activités financières similaires soient réglementés de la même manière.
Ces dernières années, il y a eu une plus grande collaboration entre le BSIF et les responsables de la réglementation des valeurs mobilières en ce qui a trait aux sociétés de valeurs mobilières qui sont des filiales bancaires. C'est une chose importante si l'on veut réduire au maximum les chevauchements en matière de réglementation. L'ACCOVAM est le responsable de la réglementation des services financiers et des ventes des courtiers en valeurs mobilières qui sont des filiales possédées par les banques.
Le BSIF reçoit donc de deux façons des renseignements détaillés sur les sociétés de valeurs mobilières qui sont des filiales bancaires: grâce à la procédure de vérification interne des banques elles-mêmes et grâce au contrôle de conformité des services financiers exercé par l'ACCOVAM. Le recours à un seul organisme d'autoréglementation, l'ACCOVAM, tant par la commission des valeurs mobilières que par le BSIF, évite les chevauchements et place les contrôles de conformité des services des courtiers en valeurs mobilières entre les mains d'un seul responsable externe de la réglementation.
Le groupe de travail recommande aussi que les vendeurs de valeurs mobilières respectent certains critères de qualification appropriés, qui doivent être harmonisés entre les différentes provinces. À l'heure actuelle, certains établissements réglementés par le fédéral qui vendent des produits liés aux valeurs mobilières au grand public ne sont pas nécessairement assujettis aux mêmes formes de qualification que les entreprises réglementées par l'ACCOVAM.
L'ACCOVAM est le seul organisme national au Canada qui bénéficie d'une délégation de pouvoir pour réglementer le secteur des valeurs mobilières et protéger les investisseurs. Elle est donc particulièrement bien placée pour aider le gouvernement du Canada et les responsables provinciaux à coordonner et à faire respecter les objectifs et les politiques de protection des consommateurs dans le secteur des valeurs mobilières dont font partie ses membres.
Ainsi, à la demande des administrateurs canadiens des valeurs mobilières, l'ACCOVAM a pris sous sa responsabilité la gestion de l'Association des courtiers en fonds de placement du Canada, qui est l'organisation d'autoréglementation des distributeurs de fonds. Cette association sera régie conjointement avec l'IFIC et les administrateurs publics. Les établissements réglementés par le fédéral qui vendent des fonds communs de placement seront tenus de se joindre à l'Association canadienne des courtiers en fonds communs de placement, qui aura quelque 50 000 membres inscrits. C'est une énorme entreprise.
L'ACCOVAM et les quatre bourses de valeurs mobilières collaborent aussi à l'élaboration d'une norme s'appliquant aux employés des sociétés membres qui veulent avoir le titre de planificateurs financiers. Elles feront en sorte de répondre à l'intérêt public qui veut que les personnes ayant ce titre aient une longue expérience et de grandes qualifications. Notre but est d'en arriver à une norme qui soit entérinée par les responsables de la réglementation et acceptée à l'extérieur du secteur des valeurs mobilières.
En somme, l'intégration du secteur des services financiers, le placement direct de l'épargne personnelle dans les fonds communs de placement et les effets de la mondialisation obligent les décideurs canadiens à relever un grand défi. Ce défi est d'encourager les établissements financiers efficaces et concurrentiels, à bien traiter les consommateurs et à garantir le fonctionnement de marchés efficaces et liquides pour le compte des émetteurs et des investisseurs. L'ACCOVAM est prête à les aider à accomplir cette tâche fondamentale.
• 1615
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Oliver.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Commençons par M. Valeri.
M. Tony Valeri: J'ai une très brève question à poser au représentant de l'Association canadienne des courtiers en valeur mobilière. Je veux revenir sur les commentaires que vous avez présentés dans votre mémoire au sujet des structures d'entreprise souples et des sociétés de portefeuille.
J'imagine que l'expression «société de portefeuille» est un moyen de promouvoir la réglementation par fonction plutôt que par institution. Je ne crois pas que le rapport MacKay aille aussi loin, mais est-ce que vous pensez que la réglementation par fonction est une méthode à privilégier? À votre avis, qui se prévaudrait d'un nouveau système de ce genre? Est-ce que ce seraient les grandes institutions, celles inscrites à l'annexe I, ou les petites institutions? Qu'est-ce qu'elles pourraient faire de plus qu'à l'heure actuelle? Finalement, quels sont les risques que cette structure de société de portefeuille vous paraît entraîner et de quelle façon est-ce que le BSIF pourrait les atténuer?
M. Joseph Oliver: Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, et je crois en avoir gardé la majorité à l'esprit, mais vous devrez peut-être m'en rappeler certaines.
L'avantage d'une réglementation par fonction est que, premièrement, aucun écart de réglementation ne se crée. Le responsable de la réglementation qui se spécialise dans un secteur donné et dont le mandat correspond à cette responsabilité fournit de façon constante un niveau uniforme de protection dans l'ensemble du marché.
Une des préoccupations de l'Association canadienne des courtiers en fonds commun de placement vise précisément à corriger les lacunes de la réglementation qui sont apparues à la suite de la croissance rapide des ventes de fonds communs de placement. Il faut reconnaître que 60 000 personnes au pays vendent des fonds sans offrir le même niveau de protection aux acheteurs de fonds communs de placement que ce qu'offrent les sociétés membres de l'Association des courtiers en valeur mobilière ou d'autres adhérents au système d'autoréglementation. Premièrement, ces vendeurs n'appliquent pas les mêmes règles en matière de distribution. Deuxièmement, personne ne surveille effectivement ces règles.
Le principe de base, à mon avis, est qu'un particulier devrait avoir droit à la même protection lorsqu'il achète le même produit, quel que soit le vendeur auquel il s'adresse. C'est l'avantage de la réglementation fonctionnelle dans le contexte de la protection du consommateur.
Il existe des secteurs que l'Association canadienne des courtiers en fonds commun de placement, par exemple, n'aborde pas à l'heure actuelle. Mentionnons entre autres les fonds réservés, qui du point de vue économique sont très semblables aux fonds communs de placement mais qui n'offrent pas la même protection à l'investisseur au moment de la vente.
Ces cas illustrent bien la logique de la réglementation par fonction. En outre, le mandat des divers responsables de la réglementation devra différer. Le BSIF est chargé de la réglementation des banques. Il s'intéresse à la réglementation prudentielle et veut éviter l'insolvabilité au sein du système. Il doit veiller à ce qu'il n'y ait aucun risque systémique pouvant mettre en péril l'ensemble du système.
Du point de vue du responsable de la réglementation des valeurs, des exposés complets, exacts et clairs protègent les investisseurs qui posséderont au moins l'information nécessaire pour prendre des décisions éclairées. Parfois, ces deux mandats sont opposés. Mais là n'est pas la question.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président. Je crois que je vais poursuivre avec M. Oliver.
Une des recommandations, puisque vous parlez d'accroître la concurrence et d'attirer l'entreprise étrangère, vise une période de grâce de dix ans accordée aux nouvelles institutions financières pour l'impôt sur le capital. Sur les plans de l'équité et de la justice à l'égard des institutions existantes, est-ce que vous croyez qu'il s'agit d'une recommandation réaliste en vue d'inciter les institutions étrangères, en particulier, à se lancer dans le secteur bancaire au Canada?
M. Joseph Oliver: Je ne crois pas être en mesure de répondre à cette question pour l'instant. Je peux recueillir un peu plus de renseignements à ce sujet et communiquer de nouveau avec vous. Je ne pense pas que je peux répondre adéquatement à la question.
M. Paul Szabo: Très bien. En théorie, d'après votre expérience, est-ce que nous devons stimuler la concurrence, offrir des encouragements, ou est-ce que la Wells Fargo, par exemple, ou ING ont manifesté un intérêt naturel à l'égard du marketing de créneaux?
M. Joseph Oliver: Il y a un intérêt. Je crois que la préoccupation de base a trait à la nature de l'impôt et à son caractère théoriquement inapproprié.
M. Paul Szabo: Ma dernière question s'adresse à M. Zafar et à Mme Chinoy. Le concept des institutions financières islamiques est relativement récent, du moins pour moi, sur le plan théorique. On le connaît mieux à Londres, où vous avez une expérience particulièrement valable. Est-ce qu'on a effectué des démarches au Canada ou aux États-Unis en vue d'établir des institutions financières islamiques, à titre de projets pilotes par exemple, dans des créneaux...? Quel accueil vous a été réservé jusqu'à maintenant?
M. Said Zafar: Si l'entreprise avait connu un certain succès, nous ne serions pas ici. Voilà ma réponse à cette question.
En effet, en 1980, le président et le conseil d'administration de la Banque islamique internationale de développement en Égypte sont venus à Ottawa et ont rencontré le surintendant des institutions financières. À cette époque, on m'a dit que le climat au Canada n'était pas propice à l'ouverture de banques islamiques.
Nous nous sommes tournés vers le Québec. Et cela va vous étonner—nous étions nous-mêmes surpris. Le Québec nous a répondu qu'en effet, il autorisait la création d'une banque islamique à l'échelle provinciale, sur le modèle des caisses populaires. Mais mon client, la Banque islamique de développement en Égypte, ne voulait pas aller plus loin.
Permettez-moi de vous fournir une autre réponse. Malheureusement, monsieur Szabo, mesdames et messieurs les députés, de toutes les banques étrangères inscrites à l'annexe B, aucune n'a le droit d'accepter de demande émanant d'un pays arabe ou musulman, et la communauté bancaire internationale le déplore. Avec votre aide, monsieur le président, vous qui comptez 20 p. 100 de Musulmans dans votre circonscription, j'espère que nous serons en mesure de modifier la situation. On retrouve la plus importante école islamique au Canada dans la circonscription de M. Szabo et quatre mosquées dans celle de Mme Carolyn Parrish.
Nous surveillons ces aspects. Monsieur Szabo, vous êtes témoin de nos efforts, et nous les poursuivons. Nous avons essayé de créer un groupe de travail...
M. Paul Szabo: J'aimerais poser une dernière question, très brève. Il y a une importante population islamique au Canada...
M. Said Zafar: Plus d'un demi-million.
M. Paul Szabo: Ces citoyens ont des économies, des richesses imposantes qui ne fructifient pas au Canada à l'heure actuelle.
M. Said Zafar: En effet.
M. Paul Szabo: Il faudra peut-être du temps pour progresser un peu et établir un régime bancaire islamique officiel et réglementé au Canada. Entre-temps, est-ce que vous avez examiné d'autres façons qui vous permettraient de faire fructifier ces ressources au Canada, en particulier le capital de risque, etc.?
M. Said Zafar: Nous avons une coopérative d'habitation, que nous avons créée il y a 17 ans. Cette société a maintenant des actifs de 25 millions de dollars. Nous avons mis sur pied une société de location de voitures. Nous avons acheté un centre de services médicaux à Montréal, nous avons aussi... Une nouvelle coopérative d'habitation sera bientôt créée, rue Bay, la Halal Housing Corporation.
Peu à peu, nous progressons. Vous seriez étonnés d'apprendre que la Islamic Cooperative Housing Society reçoit plus de demandes de prêts pour l'achat de maisons de la part de non-Musulmans. Qu'on ne s'y trompe pas, nos services ne sont pas réservés aux Musulmans. À la Bank Malaysia Berhad, à Kuala Lumpur, 30 p. 100 des clients sont des non-Musulmans.
À notre avis, l'argent n'a pas de religion. Permettez-moi de le répéter, et vous pouvez me citer, monsieur: L'argent n'a pas de religion. C'est l'utilisation de l'argent qui présente des connotations religieuses. Le système bancaire islamique fonctionne donc comme tous les autres.
Comme le disait notre prophète, l'homme est responsable de son propre bien-être économique. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu dresser des plans futuristes, auxquels le président a fait allusion, et j'en ai été fort heureux monsieur. Merci beaucoup.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): J'aimerais simplement poser une question d'ordre général au sujet de la protection des consommateurs et du rapport MacKay—que ceux qui le désirent y répondent. Je me demande s'il y a un certain consensus.
Comme vous le savez, M. MacKay pensait qu'il faudrait resserrer un peu la réglementation, ne pas se contenter d'une simple autoréglementation comme par le passé. Cela signifie sans doute un ombudsman indépendant, des mesures législatives de protection des renseignements personnels et des interdictions plus générales en matière de vente liée. Ce que semblent nous dire au moins les représentants du secteur de l'assurance, c'est que la perspective d'une diversification des produits bancaires les inquiète profondément. Est-ce que vous pensez que le système actuel peut donner des résultats satisfaisants? Indépendamment de la convergence, à votre avis, est-ce que le système doit être resserré ou est-ce que ce resserrement s'impose seulement s'il y a convergence et que les banques offrent de nouveaux produits?
Si vous voulez parler aussi de la question de la location de voitures, allez-y.
Au bout du compte, ma question est la suivante, est-ce que le système d'autoréglementation donne des résultats satisfaisants ou avons-nous besoin d'un système plus strict, en règle générale?
Le président: Monsieur Carter, puis monsieur Cooke.
M. Robert J. Carter (directeur, membre du comité exécutif, Insurance Brokers Association of Ontario): J'aimerais signaler que nous recevons de nombreuses plaintes que nous ne pouvons pas déposer parce que les intéressés hésitent à signer les documents nécessaires. Nous savons d'expérience que le simple fait d'envoyer des notes ne donne aucun résultat.
Le système actuel est satisfaisant, mais nous semblons éprouver des difficultés en matière de protection des renseignements personnels. Dans certains cas, des clients demandent un prêt-auto et, mystérieusement, après avoir fourni leur numéro de police d'assurance, ils reçoivent des devis de la société d'assurance-automobile de la banque.
J'aimerais vous donner deux ou trois petits exemples qui m'inquiètent dans le système bancaire actuel, un système qui, à mon avis, pourrait empiéter plus encore si on lui donnait plus de pouvoirs.
Un de mes amis est cadre supérieur dans l'industrie de l'assurance et il a reçu une offre d'assurance de l'une des banques. Il n'y a pas donné suite parce qu'il oeuvre lui-même dans ce domaine. Trois semaines plus tard, on l'a appelé sur sa ligne privée pour lui demander pourquoi il n'avait pas répondu. Personne ne connaît ce numéro de téléphone si ce n'est la banque elle-même, qui l'a dans ses dossiers. C'est la seule façon dont le service d'assurance de la banque a pu savoir comment le rejoindre.
Récemment, j'ai pensé que je devenais le client idéal de ma banque. J'avais converti ma carte bancaire en carte de crédit, afin d'avoir une seule et même carte pour accéder à mon compte bancaire et faire des transactions. J'ai deux cartes de crédit distinctes, alors quand une société de cartes de crédit m'irrite par ses tactiques, je passe à l'autre. J'avais donc adopté la carte de crédit de cette banque et je m'en servais constamment pour faire des transactions dans mon compte. Le 2 octobre, je suis allé payer des factures et ma carte a été refusée parce qu'elle n'avait pas été renouvelée. Je ne sais pas si cela vous arrive, mais je ne regarde jamais la date de fin de validité de ma carte de crédit.
• 1630
Le lendemain, quand j'ai téléphoné, on m'a dit que la banque
n'avait pas suffisamment de personnel, parce qu'elle a tellement de
clients, pas assez de personnel pour informer les clients du
non-renouvellement d'une carte. Si ma carte n'a pas été renouvelée,
c'est que je ne l'avais pas utilisée depuis quelques temps comme
carte de crédit. J'ai fait valoir que je l'utilisais régulièrement
comme carte bancaire, mais on m'a répondu que cela ne comptait pas.
J'ai alors demandé à parler à un supérieur ou à un gestionnaire.
Après m'être heurté à quatre reprises à une messagerie vocale, j'ai
finalement laissé un message pour dire «Oubliez cela, je n'ai pas
besoin de votre carte de crédit et je suis en train de prendre de
nouvelles dispositions pour mes opérations bancaires.»
Je sais que parfois, quand des clients demandent une hypothèque, on leur suggère d'acheter leur assurance-maison auprès de la banque. Vous pouvez peut-être adopter des règles législatives, mais je peux vous l'affirmer—et je vais citer une phrase célèbre de Pierre Trudeau—si on ne peut pas légiférer au sujet de ce qui se passe dans les chambres à coucher de la nation, on ne peut certainement pas légiférer sur ce qui se passe dans les bureaux d'une entreprise privée. Quand les clients viennent demander un prêt, ils s'intéressent surtout à ce qu'il faut faire pour l'obtenir aux meilleures conditions. Si quelqu'un en profite pour tenter de vous vendre de l'assurance ou d'autres services, vous vous sentez obligé de céder. Je crois avoir lu récemment dans le journal qu'un comptable a intenté une poursuite parce que pour obtenir un prêt commercial on lui a affirmé qu'il devait transférer à la banque tous ses fonds communs de placement.
Vous pouvez donc adopter la loi la plus stricte au monde et déclarer que les banques n'ont pas le droit d'utiliser certains renseignements ou de recourir à la vente liée, mais il y a des cas où des clients ont transféré leur assurance-auto parce qu'on leur accordait un quart de point de pourcentage de moins sur leur prêt -auto. Ces clients vous diront qu'ils ne veulent pas déposer de plainte officielle parce qu'ils ont obtenu un prêt-auto à des conditions intéressantes et que l'assurance-auto leur revient à peu près au même prix. Alors si vous donnez plus de pouvoirs aux banques dans notre secteur d'activité, elles utiliseront ces pouvoirs pour contrôler plus encore le consommateur.
Le président: Est-ce que vous soutenez que nous devrions retirer des pouvoirs aux banques?
M. Robert Carter: J'en serais ravi. Je ne crois pas que les banques doivent contrôler tous les services financiers, et nous avons vu, à mesure qu'elles s'emparaient d'autres piliers... Je pense que si on leur permet de vendre nos services dans leurs succursales—selon ce que disait M. Cooke—, on assistera à d'importantes pertes d'emploi, et je ne crois pas que le consommateur sera bien servi.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: J'aimerais faire un bref commentaire.
Nous nous sommes souvent trouvés confrontés à la question de la vente liée. Vous nous décrivez aujourd'hui une situation où l'on vous a dit que parce qu'on lui offrait un quart de point de pourcentage de moins pour son prêt quelqu'un a acheté l'assurance.
M. Robert Carter: En effet.
M. Tony Valeri: À mon avis, il s'agit de regroupement de services, et non pas de vente liée à caractère coercitif. Si on avait affirmé à ce client «Je ne vais pas vous accorder le prêt si vous n'achetez pas d'assurance», alors à mon avis cela constituerait un cas de vente liée à caractère coercitif. C'est un problème auquel le comité s'est déjà heurté, mais vous semblez croire que ce que vous avez décrit équivaut à une vente liée et ne devrait pas être autorisé.
M. Robert Carter: À mon avis, ce n'est pas la vente liée qu'il faut autoriser, parce qu'il s'agit d'un exemple évident. Je connais des personnes qui sont allées à la banque et dont le prêt a été approuvé seulement quand elles ont rempli une demande d'assurance. On ne leur a jamais demandé de le faire, on ne leur jamais dit de le faire, mais il était certainement implicite que cette démarche faciliterait le processus.
Et chaque fois que nous prenons les banques sur le fait et déposons une plainte, une plainte en bonne et due forme, la banque répond que le gérant a outrepassé ses pouvoirs. Si vous allez au fond de la question et que vous dites que votre travail est... Mon épouse était caissière à temps partiel et elle a démissionné; cela n'en valait pas la peine. Lorsqu'il faut conclure un nombre donné de prêts, vendre un nombre donné de cartes de crédit, faire ceci et cela, le gérant de la banque, pour atteindre ses objectifs, ne ménage rien. Et vous ne pouvez pas contrôler cet aspect, vous ne pouvez pas le réglementer d'une façon quelconque, parce que le personnel va faire tout ce qui lui faut faire pour atteindre les objectifs qui lui sont donnés par la direction de la banque. Il ne s'agit peut-être pas de la politique de gestion de la banque, mais les choses se passent ainsi tous les jours.
M. Tony Valeri: Vous convenez toutefois de la définition de vente coercitive par opposition à regroupement de services. L'assureur peut dire «Je vais assurer votre voiture, mais si j'assure aussi votre domicile je peux vous offrir l'assurance-auto à un meilleur prix.» C'est un regroupement de services.
M. Robert Carter: Il y a seulement deux ou trois sociétés qui agissent de la sorte.
M. Tony Valeri: Voilà qui est fort intéressant, car chaque fois que je vais renouveler mon assurance c'est ce qu'on me dit. Et je n'adresse pas de critique à l'industrie; j'affirme simplement que cela me semble être un regroupement de services. Quand quelqu'un dit que...
M. Robert Carter: Mais on demeure dans le domaine de l'assurance. C'est encore le même produit. Vous ne prenez pas quelque chose d'autre; on ne vous dit pas que vous devez acheter quelque chose d'autre ou faire quelque chose d'autre afin de...
M. Tony Valeri: Nous pouvons nous interroger sur l'opportunité de regrouper divers types de produits, mais je vous dis que la distinction entre le groupement et la vente coercitive... Si quelqu'un me dit «Remplissez la formule d'assurance et nous allons parler de votre prêt», je comprends. Mais si quelqu'un affirme...
M. Robert Carter: Et que dites-vous de la question «Remplissez la formule d'assurance pendant que nous examinons votre prêt»?
M. Tony Valeri: Cela va encore. Mais cela ne va plus lorsque l'on vous dit «Je peux vous prêter un quart de point de moins si vous achetez l'assurance» ou «Cela fera un quart de point de plus si vous ne prenez pas l'assurance». À mes yeux, il s'agit de regroupement, parce que le consommateur peut choisir. Est-ce que nous sommes d'accord?
M. Robert Carter: Oui, je suis d'accord, mais je ne vois pas très bien comment vous pouvez faire la distinction quand la porte du bureau est fermée.
M. Tony Valeri: Non. Je conviens que nous aurons de la difficulté à réglementer cet aspect. Mais je veux simplement veiller à ce que nous utilisions tous la même définition, parce que le premier problème découle de la définition.
M. Robert Carter: Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une difficulté. Je dirais qu'il est tout simplement impossible de réglementer cet aspect.
M. Tony Valeri: Très bien. Vous avez droit à vos opinions.
M. George Cooke: Monsieur le président, puis-je glisser un mot?
Le président: Très certainement. Vous êtes sur la liste, monsieur Cooke.
M. George Cooke: Merci.
Premièrement, permettez-moi de préciser une distinction très importante entre l'assurance des biens et l'assurance-risques divers, c'est-à-dire l'assurance-maison ou auto et l'assurance-vie, qui peut aller de la police d'assurance-vie au fonds réservé, etc. Il s'agit d'une distinction qu'il faut très bien comprendre pour parler de protection des renseignements personnels, de nature du produit. C'est une distinction importante quand M. Oliver parle de l'attrait qu'exerce le système canadien des paiements. Cela ne me dit rien. Cela est sans doute fort intéressant pour la société d'assurance-vie, par exemple.
Néanmoins, je crois que personne ici ne songe à nier la nécessité de dispositions législatives qui protègent adéquatement le consommateur. Cela serait absurde. Je ne crois pas que l'industrie le souhaite. Le problème que soulève le rapport MacKay vient de ce qu'on veut en arriver ou sembler en arriver à une conclusion, quelle que soit la valeur des faits recueillis. Il faut s'excuser, si vous me permettez l'expression, de cette conclusion en multipliant les mesures de protection du consommateur. Si vous vous abstenez d'intervenir, vous n'avez pas besoin de mesures législatives supplémentaires, de réglementation supplémentaire, de protection supplémentaire.
Il y a donc un compromis à faire pour décider d'une option. Je ne dis pas nécessairement que les mesures particulières prônées dans le rapport MacKay sont exécrables, si vous choisissez ce modèle. Mais si vous voulez fonctionner à l'extérieur de ce modèle, utiliser un modèle distinct, il se peut fort bien qu'un grand nombre de ces mesures soient inutiles.
Ce que nous voulons souligner très clairement est donc, premièrement, que vous n'avez pas besoin d'adopter le modèle MacKay pour parvenir à l'objectif préconisé par M. MacKay, qui est d'accroître la concurrence, d'offrir de meilleurs prix, de meilleurs services, des créer emplois, etc. Il faut être bien clair à ce sujet.
Je crois que le deuxième point, au sujet de la vente liée à caractère coercitif, devient beaucoup plus épineux en raison d'un danger dont nous n'avons pas encore parlé. En effet, lorsque quelqu'un a accès à de l'information, notamment des renseignements concernant la solvabilité d'un particulier, sa situation financière ou sa santé personnelle, tant qu'à y être, il ne l'utilise peut-être pas explicitement pour catégoriser un risque ou en établir le prix, parce que cela est peut-être interdit; de fait, cela est interdit. Mais si vous avez accès à cette information, vous en tenez compte pour prendre une décision d'assurance, pour accepter ou rejeter une demande. Et vous pouvez légiférer jusqu'à la fin des temps, vous n'arriverez jamais à écarter cette possibilité. Elle demeure. C'est une question très grave pour les consommateurs. L'abstinence est la seule solution à ce problème. Aucune excuse ne vous permettra de contourner cette difficulté.
Il y a donc des degrés de vente liée, des degrés de coercition que l'on peut mesurer, il y a utilisation abusive de l'information qui n'est explicite nulle part dans les règles que vous envisagez. Cela n'est pas inscrit, mais cela influe véritablement sur le résultat.
Pour en venir à la question que posait M. Valeri en discutant avec M. Carter, notre société, par exemple, offre très clairement un rabais sur l'assurance-maison lorsque nous assurons aussi la voiture. Nous sommes prêts à l'offrir à tous les propriétaires de résidence et à tous les propriétaires de voiture, et l'importance de la remise est approuvée par l'organisme de réglementation dans toutes les compétences où elle est appliquée. Elle est approuvée en raison de la réduction des coûts, de l'économie qui découle du regroupement des polices, qu'il s'agisse d'économies administratives ou d'une réduction notable du coût des pertes. Les rabais s'appliquent à tous, équitablement.
• 1640
Le scénario dont parle M. Carter, qui fait que vous pouvez
obtenir un prêt à un quart de point de moins et que l'on peut
modifier ceci et cela est arbitraire. Personne n'est au courant de
ces pratiques, il n'est pas nécessaire de les offrir à tous et on
ne les offre pas à tous. Par conséquent, il y a une question de
regroupement de services, un regroupement qui peut être équitable
pour tous, pour certains ou uniquement dans les cas où il faut
recourir à de telles pratiques pour conclure une transaction.
Le problème, en l'occurrence, comme vous l'avez fort justement souligné, vient de ce que tout cela est extrêmement difficile à contrôler. D'après ce que je crois comprendre, le gouvernement vient de promulguer le paragraphe 459(1) de la Loi sur les banques. Il me semble important que les membres du comité comprennent bien que ce n'est pas là ce dont M. MacKay parlait. Je ne veux pas que quelqu'un quitte cette réunion convaincu que nous venons de régler la question de la protection des renseignements personnels, la question de la vente liée ni même une partie de ces questions. M. MacKay va beaucoup plus loin quant à ce qui lui paraît nécessaire pour surmonter le problème qu'il crée par ses autres recommandations, si jamais elles sont mises en oeuvre.
Souvenez-vous des difficultés qu'a présentées l'adoption de la loi actuelle, d'une certaine façon, depuis le moment où elle a été proposée jusqu'au moment où, récemment, elle est devenue loi dans notre pays, et réfléchissez au problème concret que vous aurez lorsque vous essayerez d'élargir ce cadre.
À mon avis, la question que le comité doit se poser vise à déterminer si le résultat de ce que propose M. MacKay justifie cette nouvelle intrusion dans la vie privée. Dans la mesure où il la justifie, alors très bien, allez-y. Dans la mesure où il ne la justifie pas, ne faites rien, mais vous devez vous poser une question fort différente, car il vous faut décider si le consommateur a vraiment besoin de nouvelles mesures de protection qui viendront s'ajouter à celles qui sont déjà en place. Il est fort possible que vous constatiez la nécessité de certaines, et bien honnêtement je crois que s'il s'agit vraiment de protection du consommateur, la plupart d'entre nous sont tout à fait disposés à les adopter.
Le président: Merci, monsieur Cooke.
Monsieur Brown.
M. David Brown: J'aimerais aborder un autre aspect de la question de Mme Bennett au sujet de la protection du consommateur.
À notre avis, le rapport MacKay envisage la protection du consommateur de façon fort étroite et restrictive, et il met l'accent surtout sur le traitement des plaintes des consommateurs et, dans une moindre mesure, sur l'interface entre le consommateur et le fournisseur de services.
Les administrateurs de valeurs mobilières considèrent que la protection du consommateur est un univers beaucoup plus vaste. Nous croyons qu'il englobe la documentation publicitaire au point de vente, les documents d'information. Qu'est-ce que le consommateur sait du produit qu'il achète? Est-ce que le consommateur comprend toutes les conséquences de sa décision, est-ce qu'il comprend les contraintes liées au rachat s'il s'agit d'un produit rachetable? Nous pensons donc que toute cette question de la documentation au point de vente est également importante sur le plan de la protection du consommateur.
Nous croyons en outre que la protection du consommateur recouvre l'agrément et la formation des effectifs de vente, qu'elle comprend aussi les pratiques de vente, pour veiller, en premier lieu, à ce que les personnes qui offrent des produits financiers aient les compétences et la formation nécessaires et, deuxièmement, à ce que les pratiques de vente soient uniformes pour toute la gamme des produits financiers.
Nous pensons donc que le rapport MacKay n'a fait qu'effleurer la question de la protection du consommateur lorsqu'il a examiné toute la gamme des produits financiers maintenant offerts sur le marché.
Le président: Merci, monsieur Brown.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une question à M. Constantini.
Vous dites que le secteur I.A.R.D. est une industrie développée, très rentable et très stable au Canada, et dans la suite de votre mémoire vous affirmez que la concurrence est saine et équitable, que l'industrie offre des choix, des produits innovateurs et d'excellents avantages, tant pour le consommateur que pour l'économie. L'un des aspects que M. MacKay a essayé de corriger par son rapport est celui des changements que la technologie et la mondialisation imposent à l'ensemble du secteur financier, je vous demande donc de quelle façon ces deux forces influent sur votre secteur.
Dans le même paragraphe, vous affirmez que vous seriez prêt à appuyer au sein du secteur bancaire une évolution présentant les mêmes caractéristiques que celle qu'a connue le secteur de l'assurance des biens et des risques divers. Est-ce que vous croyez que le groupe de travail MacKay présente des recommandations de ce genre et quels seraient les facteurs propres à stimuler une concurrence de ce genre dans le secteur bancaire?
M. Gil Constantini: Premièrement, je crois que les banques ont déjà la capacité d'intervenir et de prospérer dans le secteur de l'assurance, et elles le font. Ainsi, la CIBC s'est hissée au 21e rang des entreprises d'assurances au Canada en cinq ans et ce, dans le cadre du système actuel. Par conséquent, il est possible de fonctionner dans le cadre que nous avons actuellement.
• 1645
Évidemment, l'automatisation ne se traduit pas nécessairement
par une meilleure protection du consommateur. Elle permet
simplement de faire les choses plus rapidement, plus facilement,
grâce à l'ordinateur. Cela ne signifie pas nécessairement que le
consommateur reçoit le type de services personnalisés qu'il désire.
Nous affirmons entre autres qu'il ne convient peut-être pas, au Canada, de vendre de l'assurance au moyen d'un numéro 1-800. Est-ce que cela profite à la population canadienne que des entreprises d'assurance ou des banques aient recours à des entreprises à l'extérieur de notre pays pour faire du marketing à l'intérieur de nos frontières? Je crois que c'est là le véritable problème que nous devons régler. L'automatisation est inévitable. Je viens de dépenser dans mon propre bureau environ 200 000 $ pour mettre à niveau nos systèmes en vue du nouveau millénaire, afin que mes clients puissent bénéficier d'un service quotidien efficace.
Nous avons parfois tendance à nous limiter à un seul type d'assurance. Nous parlons d'assurance-auto plutôt que d'autres types d'assurance parce que cela semble être le secteur le plus rentable et le plus concurrentiel. Mais notre entreprise offre toute la gamme des services, et à titre de professionnels nous offrons à nos clients non seulement de l'assurance-maison ou auto, mais aussi de l'assurance commerciale, de l'assurance-vie, etc. Nous offrons donc toute une gamme de services, plutôt que de nous en tenir à un créneau et de limiter le nombre de produits que nous essayons de vendre.
Nous devons aussi accepter une réglementation et des règles d'agrément que d'autres n'ont pas nécessairement à respecter. Nous avons des exigences en matière de formation. Notre activité quotidienne, professionnelle, commerciale, fait l'objet d'une multitude de contrôles. Tant que nos concurrents fonctionnent dans le même cadre, sont assujettis aux mêmes exigences ou questions de formation, nous n'avons rien à dire, mais nous voulons veiller à ce que les règles du jeu demeurent équitables, pour que le consommateur ne risque pas de mélanger les torchons et les serviettes. Je pense que c'est un problème très réel.
J'espère que cela répond en partie à votre question.
Mme Karen Redman: Certainement, en quelque sorte, mais lorsque j'ai parlé des changements dans le secteur de l'assurance des biens et des risques divers, je voulais savoir de quelle façon vous envisagez l'évolution de votre profession en ce début de millénaire, qu'il y ait ou non fusion des banques, que les banques vendent ou non de l'assurance. Je suppose que les forces qui façonnent le secteur financier se répercuteront sur toutes les professions.
M. George Cooke: Est-ce que je pourrai ajouter quelque chose à ce sujet, monsieur le président.
Le président: Nous allons d'abord écouter M. Carter.
M. Robert Carter: Nous voyons ce que les banques proposent. Nous assistons à la fusion de sociétés d'assurances et à la fusion de sociétés de courtage, pour les besoins d'une technologie coûteuse, etc. Parce que les banques jouissent d'une position privilégiée depuis de si nombreuses années et qu'il ne reste plus que quelques gros joueurs, la seule façon pour elles de maintenir une concurrence du même type que la nôtre à l'avenir est d'accepter de nouvelles institutions. Je ne comprends pas le secteur bancaire...
Je suis déçu, en quelque sorte, du groupe de travail MacKay parce que son rapport traite de ce qui convient aux banques. Je doute que la prise de contrôle de notre industrie ou le fait de pouvoir s'ingérer dans notre industrie soit une bonne chose pour les banques ou pour les Canadiens. Il ne m'appartient pas de dire ce que les banques doivent faire pour accroître la concurrence, mais je sais qu'autrefois je ne payais pas mes chèques. Je sais qu'autrefois je ne supportais pas de frais de service pour chaque transaction. À cette époque, il y avait plus de banques et de sociétés de fiducie, etc. Tout à coup, maintenant que les banques ont pris le contrôle des sociétés de fiducie et les ont intégrées dans le système des paiements, je dois assumer des frais de service pour tout et rien si je ne fais pas attention, si je ne maintiens pas un solde minimum ou si j'utilise les services bancaires électroniques.
Le président: Monsieur Cooke.
M. George Cooke: Au sujet de ce que vous dites par rapport à la technologie, personne n'a le monopole de la technologie aujourd'hui. Il y a des centres d'appel dans les maisons de courtage d'assurances indépendantes, il y en a chez les agents captifs, et les banques y ont elles aussi recours. La technologie existe et elle offre au consommateur des choix quant à la façon dont les produits sont achetés, que ce soit en personne, c'est-à-dire de la façon traditionnelle, ou par téléphone, par l'entremise d'un centre d'appels où un vendeur dynamique prend l'initiative, ou encore sur l'Internet.
• 1650
Nous sommes effectivement en mesure de vendre des produits
d'assurance sur l'Internet. Cette méthode va évoluer et changer
profondément et de diverses façons les choix qui s'offrent au
consommateur et les exigences relatives à la protection du
consommateur. Donc, pour ce qui est du type de distribution, la
technologie n'est pas propre à un intermédiaire donné, mais les
divers types de technologie pourraient fort bien faire jouer des
facteurs différents. La technologie permet aussi de diffuser de
l'information aux niveaux maintenant nécessaires au consommateur.
C'est la caractéristique d'un cadre concurrentiel. Vous pouvez
maintenant faire des comparaisons grâce à la technologie, cela
était encore impossible il y a trois ou quatre ans.
Très bientôt, dans notre province, vous pourrez obtenir de l'information comparative sur les niveaux de service, basée sur des sondages indépendants. Cette information sera mise à la disposition des consommateurs grâce à la technologie, en particulier l'Internet, et vous pourrez effectivement vérifier la cote de votre fournisseur de services.
Le BSIF, s'il s'y décide, pourrait fort bien diffuser ainsi de l'information sur la santé financière de nos institutions, pour que le consommateur ait un autre élément lui permettant de comparer les prix et les services. On pourrait fournir aux consommateurs une variable au sujet de la santé financière, pour les aider à faire des choix.
Ce qui compte, c'est que la technologie va évoluer et modifiera la façon dont nous fonctionnons aujourd'hui. Aucun fournisseur n'a le monopole de cette technologie et rien, dans le rapport MacKay, du point de vue de l'assurance des biens et des risques divers, ne touche à l'une ou l'autre de ces questions au sujet de notre avenir—comme il le faudrait pourtant.
Le président: Merci, monsieur Cooke et madame Redman.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: La semaine dernière, notre comité visitait l'ouest du Canada. Certains de vos collègues là-bas nous ont affirmé approuver le fait que les banques vendent des produits d'assurance parce qu'à leur avis, cela leur permettait aussi de commercialiser des produits que les banques offrent à l'heure actuelle. Comme on dit, c'est donnant, donnant. À en juger par ce que j'entends aujourd'hui, il s'agirait plutôt d'un processus à sens unique.
À l'heure actuelle, y a-t-il des produits que seules les banques vendent mais que votre réseau de courtage pourrait aussi commercialiser? Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple quelconque?
M. George Cooke: En réalité, tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre, de nombreux intermédiaires vendront divers produits, si on le leur permet.
Nombre de mes courtiers indépendants vendent maintenant aussi des produits d'assurance-vie, ils sont en mesure de prendre des dispositions pour des hypothèques—en tenant compte des limites et des obstacles—ou d'orienter un client d'une façon ou d'une autre vers des fonds communs de placement.
Je connais bien la personne dont vous parlez, et je crois qu'elle vous a présenté un exposé à Calgary. Une partie de sa stratégie consiste à utiliser le réseau de distribution qu'elle continue de développer pour pouvoir vendre des produits bancaires et des produits d'assurance-vie. Il ne s'agit pas d'empêcher les banques de vendre de l'assurance. Nous parlons de la façon dont les banques peuvent intervenir dans ce secteur, compte tenu de l'information à laquelle elles ont accès. De quelle façon pouvons-nous maintenir des règles du jeu équitables et de quelle façon pouvons-nous veiller à ce que les consommateurs soient adéquatement protégés? Nous n'affirmons pas qu'il faut limiter les choix des consommateurs pour ce qui est des personnes et des entreprises auprès de qui ils achètent un produit. Nous ne vous demandons pas de réduire la concurrence. Ce que nous essayons de dire, c'est plutôt le contraire. La personne qui vous a parlé à Calgary pourrait déjà faire aujourd'hui une grande partie de ce qu'elle veut faire demain si elle trouvait le capital dont elle a besoin pour parvenir à ses fins. Chose curieuse, les banques refusent de le lui prêter.
Deuxièmement, je le souligne, nous ne proposons pas d'interdire aux banques de vendre nos produits. Les banques vendent déjà des produits semblables aux nôtres. Nous vous demandons simplement de maintenir des règles du jeu équitables.
M. Roger Gallaway: M. MacKay expose—nous en avons déjà discuté—la question de savoir quand le regroupement de services ou de produits franchit la limite de l'acceptable et devient de la vente liée, coercitive. Au Canada, nous n'avons pas très bien su protéger les consommateurs. Les entreprises de câblodistribution ont regroupé les services et que s'est-il passé? Absolument rien. Les compagnies de téléphone ne cessent de regrouper les services. Et qu'est-ce qui se passe? Rien.
M. George Cooke: Vous avez indéniablement un marché plus concurrentiel lorsque les services sont dégroupés, dans ces deux secteurs.
M. Roger Gallaway: Évidemment, mais vous devez admettre qu'il n'y a que trois entreprises de câblodistribution au Canada, de fait, et qu'elles contrôlent plus de 95 p. 100 du marché. Dans le cas des compagnies de téléphone, malgré une certaine déréglementation, le nombre des intervenants est limité.
La même chose se passe dans le cas des banques, qu'il y en ait six, cinq ou trois—quel que soit le nombre. Les Canadiens ne sont pas très exigeants lorsqu'il s'agit de protection du consommateur. Est-ce qu'il n'y a rien dans le rapport MacKay qui vous porte à un certain optimisme en ce qui concerne les dispositions de protection des consommateurs ou des propositions qui y sont exposées? Pensez-vous qu'il s'agit d'un scénario impossible?
M. George Cooke: Je ne vois rien d'encourageant dans le rapport sur bien des points, et il ne faut pas s'en étonner. M. MacKay tente d'arriver à une conclusion au sujet de laquelle lui et moi sommes totalement en désaccord. Je crois que ce que le mandat que l'on a confié à M. MacKay, et ce que M. MacKay a demandé publiquement à diverses reprises à ceux d'entre nous qui commentent son rapport, est d'en parler sans sortir d'un cadre donné—des facteurs qu'il a choisis en matière de concurrence, de protection du consommateur, d'emplois, etc. M. MacKay a adopté une certaine philosophie qui, à son avis, améliorera la concurrence, créera des emplois, stimulera l'innovation, etc. Je ne suis d'accord avec lui sur aucune de ses hypothèses.
Il propose un nombre excessif de mesures de protection du consommateur, rendues nécessaires par sa conclusion au sujet de l'univers. Je ne nie pas la nécessité de protéger le consommateur; je vous dis que cette option n'est pas la seule qui s'offre si vous n'essayez pas de valider l'ensemble précis des recommandations de M. MacKay. Il y a d'autres façons de procéder.
Le président: Avez-vous un dernier mot à ajouter?
M. Robert Carter: J'aimerais faire une remarque, puis je céderai la parole à Gil. Vous parlez de trois entreprises de câblodistribution, de trois ou quatre compagnies de téléphone et de cinq banques. En Ontario, il y a 230 entreprises accréditées d'assurances des biens et des risques divers qui mènent des activités par l'entremise de courtiers indépendants, directement, par l'entremise d'agents captifs ou au moyen d'un numéro 1-800. Je ne vois pas sur quoi se base M. MacKay pour laisser entendre que le fait d'accorder aux banques un accès plus large à notre secteur d'activité va intensifier la concurrence. Nous avons déjà une concurrence bien plus vive que tout ce que M. MacKay et les banques ont pu voir.
Le président: Monsieur Constantini.
M. Gil Constantini: Nous aimerions qu'il y ait plus de concurrence dans le secteur bancaire aussi, cela nous semblerait bénéfique. Nous envisageons un cadre qui accorde de la souplesse aux institutions. Elles ont besoin de s'attaquer au marché mondial, mais il faut que cela se fasse sans nuire au marché intérieur ni à nos propres intérêts dans notre pays. Je pense qu'il y a une distinction très concrète à faire ici.
Le président: Merci.
Monsieur Cooke.
M. George Cooke: Je crois que vous avez cité l'exemple des compagnies de téléphone et de câblodistribution. De toute évidence, depuis que vous avez autorisé une certaine concurrence dans le secteur du téléphone, nous avons connu une forte augmentation au chapitre de l'innovation des produits. L'industrie du gaz naturel constitue un autre exemple récent, au cours des 10 dernières années, un secteur où lorsque vous avez recommandé le dégroupement des services vous avez énormément facilité la concurrence. Selon les estimations, à l'époque, on envisageait des économies de 0,75 milliard de dollars pour les consommateurs de la province.
Pour ce qui est du groupement et du dégroupement des services, la clé, du point de vue de la protection du consommateur, réside dans le fait que si ces mesures doivent véritablement permettre de réduire la concentration et d'accroître la concurrence et si vous pouvez diffuser à l'intention des consommateurs une information venue de tiers qui peut être valablement défendue d'une façon ou d'une autre, ces éléments sont sans doute bénéfiques. Mais si le groupement concentre les pouvoirs et mine les règles du jeu pour réduire la concurrence, cela n'est pas très logique.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Au nom des membres du comité, je vous remercie sincèrement de votre collaboration. La discussion a été fort intéressante. Nous allons certainement examiner plus à fond les nombreuses idées que vous nous avez communiquées avant de présenter nos recommandations au ministre des Finances, d'abord dans notre rapport provisoire puis dans notre rapport final. Merci.
La séance est levée.