INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique*]
Le mardi 10 février 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte conformément au paragraphe 108(2) du Règlement. Nous faisons une étude sur les fonds de capital-risque des travailleurs.
Comparaissent devant nous cinq représentants de divers fonds de travailleurs. Pour l'interprétation, les appareils sont sur la table. Je propose que vous fassiez tout d'abord un bref exposé, après quoi nous passerons aux questions.
Monsieur Bachand, vous pourriez peut-être commencer, tout en nous présentant vos collègues. Merci.
[Français]
M. Raymond Bachand (président-directeur général, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec): Merci, madame la présidente. Au nom des mes collègues, j'aimerais remercier le comité d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin malgré un horaire chargé.
[Traduction]
Nous vous sommes reconnaissants d'avoir prévu une réunion pour nous entendre.
[Français]
Je m'appelle Raymond Bachand et je suis président-directeur général du Fonds de solidarité. Je suis accompagné des présidents-directeurs généraux des fonds de travailleurs membres de l'Alliance des fonds de travailleurs.
[Traduction]
Sont présents M. Sherman Kreiner, de Crocus Investment Fund, du Manitoba; M. David Levi, président de Working Opportunity Fund, de la Colombie-Britannique; M. Ken Delaney, de First Ontario Fund; et M. John McEwen, du Workers Investment Fund, du Nouveau- Brunswick.
Je suis pour ma part accompagné par deux éminents collègues du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Il s'agit de M. Fernand Daoust, ancien président de la Fédération des travailleurs du Québec et ancien président du fonds, et de M. Jean Martin, vice-président principal du fonds.
Comme vous le savez, le budget fédéral de 1996 introduisait une série de changements concernant le traitement fiscal et les niveaux de cotisation des sociétés à capital de risque des travailleurs. Plus précisément, les changements visaient à abaisser de 5 000 $ à 3 500 $ le niveau de cotisation maximum, à réduire le crédit d'impôt fédéral à 15 p. 100 et à faire passer la période de détention à huit ans pour les fonds à charte fédérale.
Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour aborder deux aspects. Tout d'abord, nous souhaitons illustrer la capacité avérée des fonds de travailleurs de créer des emplois et de maintenir le niveau d'emploi. Deuxièmement, nous voulons discuter des répercussions néfastes des mesures du budget de 1996 sur notre capacité d'attirer du capital d'investissement et, ce qui importe davantage, sur notre capacité d'investir dans de nouvelles sociétés canadiennes.
• 0910
Mon collègue, Sherman Kreiner, illustrera pour sa part les
effets néfastes des changements de 1996 dans le secteur qui
l'intéresse plus particulièrement.
Soulignons d'entrée de jeu que le budget à venir de février 1998 aura une incidence cruciale non pas sur la campagne de 1998, mais plutôt sur celle de 1999. C'est à cet égard qu'il est important.
Nous pouvons constater d'après les données statistiques de Mary Macdonald, l'experte canadienne en matière de capitaux de risque, que les experts du secteur estiment que les investissements de capital de risque dépasseront les 1,5 milliard de dollars cette année, alors que les entrées nettes de capital ne totaliseront que 750 millions de dollars. Une sortie nette de 750 millions de dollars est donc prévue, et si cela se produit durant deux années successives, on peut évidemment craindre une pénurie de capitaux d'investissement pour les sociétés canadiennes.
Contrairement à d'autres fonds communs de capital de risque dans les institutions financières traditionnelles, comme les banques, les sociétés à capital de risque des travailleurs sont véritablement des fonds de capital de risque financés par les travailleurs.
Nous sommes heureux que vous nous ayez invités ici ce matin pour vous expliquer que le secteur des fonds de travailleurs n'est pas similaire aux fonds de capital de risques, les seuls qui semblent intéresser les médias du pays à l'heure actuelle. Nous ne sommes pas seulement là pour maximiser le rendement des investissements de nos actionnaires; nous sommes là également pour assurer la création d'emplois, le développement économique et le rendement social. J'estime que nous avons très bien réussi sur ces deux plans.
Permettez-moi de souligner brièvement les avantages des fonds de travailleurs, tant sur le plan de la création d'emplois que sur celui du développement économique. Les quatre fonds représentés ici aujourd'hui ont investi au total 345 millions de dollars dans 137 sociétés en 1997. Ces investissements ont produit 6 800 emplois dans les diverses régions du Canada.
Entre 1992 et 1996, l'emploi total au Canada a augmenté de seulement 1,2 p. 100 par année en moyenne. Par contre, dans les sociétés où du capital de risque a été investi, l'emploi a augmenté de 26 p. 100 par année en moyenne.
Les sociétés à capital de risque des travailleurs sont devenues une importante source de capital pour les nouvelles sociétés technologiques à forte croissance. Au cours des neuf premiers mois de 1997, 634 millions de dollars, soit pratiquement 60 p. 100 de l'ensemble du capital de risque investi, ont été investis dans des sociétés en forte croissance dans les secteurs de la technologie de l'information et des sciences de la vie.
Les sociétés à capital de risque des travailleurs jouent également un rôle essentiel comme source de capital pour des collectivités régionales, auxquelles vous vous intéressez de près, j'en suis convaincu.
Au Québec, par exemple, nous avons créé 86 fonds à l'échelle très locale pour des projets d'entreprises d'une valeur se situant entre 5 000 $ et 50 000 $ et 16 fonds régionaux pour des projets d'une valeur allant de 50 000 $ à 500 000 $. Ces fonds sont administrés à l'échelle locale d'une manière décentralisée par les gens d'affaires du milieu. Ainsi, un fonds comme le Fonds de solidarité assure l'accès au capital à de très petites sociétés dans toutes les régions du Québec. Je sais que nos homologues dans d'autres régions, comme la Colombie-Britannique, en font autant. Voilà donc quelles sont les répercussions des fonds de travailleurs.
En deuxième lieu, quels sont les bénéfices nets pour le gouvernement? Le gouvernement en a-t-il pour son argent?
[Français]
Le Fonds de solidarité a commandé plusieurs études sur l'impact économique de ses investissements. Ces études ont été faites, en 1996 et en 1997, par le groupe SECOR et Regional Data Corporation. Elles ont démontré que les retombées économiques du soutien accordé aux actionnaires du Fonds s'avèrent plus importantes et plus structurantes qu'une réduction générale de l'imposition des particuliers. En particulier, l'impact sur l'emploi est deux fois et demie plus élevé et cet effet est récurrent plutôt que transitoire.
[Traduction]
Il ressort de l'étude que les répercussions directes et indirectes de la non-perception par le gouvernement de 100 millions de dollars en recettes correspondent à la création de 1 143 années-personnes dans le cas d'une réduction d'impôt, comparativement à 2 800 années-personnes dans le cas d'une mesure de soutien gouvernementale aux actionnaires d'un fonds de travailleurs qui prend la forme de crédits d'impôt.
Il ressort d'un deuxième groupe d'études, qui ont d'ailleurs été effectuées à deux reprises, que la période de récupération du gouvernement se situe entre 1,2 et 2,2 ans, selon la méthode utilisée pour l'étude. En effet, les méthodes de calcul de la période de récupération ont varié d'une étude à l'autre. Par ailleurs, la période de récupération est un peu plus élevée dans le cas du gouvernement fédéral que dans celui des gouvernements provinciaux.
Nous allons évidemment vous fournir des copies des études en question pour que vous puissiez en étudier la méthodologie. Nous serons disposés à répondre à toutes vos questions à cet égard.
• 0915
Selon nous, les sociétés à capital de risque des travailleurs
ont des répercussions formidables sur la création d'emplois et le
développement économique, surtout dans des régions qui ont été
négligées par les institutions financières traditionnelles que
sont, par exemple, les banques. Les fonds de travailleurs ont
généralement déployé beaucoup d'efforts dans les régions rurales du
Canada ainsi que dans les secteurs de haute technologie, alors que
les institutions financières traditionnelles ont fait preuve d'une
prudence excessive.
J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, Sherman Kreiner, pour qu'il complète nos commentaires liminaires.
M. Sherman Kreiner (président-directeur général, Crocus Investment Fund (Manitoba)): Merci, Raymond.
Madame la présidente, membres du comité, je suis le président- directeur général de Crocus Investment Fund, la société à capital de risque des travailleurs du Manitoba. Je vais appuyer sur l'expérience manitobaine pour illustrer les répercussions très négatives des changements prévus au budget fédéral de 1996 sur notre capacité de répondre aux besoins en capital de risque des entreprises du Manitoba, de créer de nouveaux emplois et d'assurer la propriété locale des entreprises manitobaines.
Je crois qu'il est bon que vous sachiez que, d'après Macdonald & Associates, le fonds Crocus totalise 81 p. 100—soit 4 $ sur 5 $—de l'ensemble du capital de risque disponible au Manitoba. Ainsi, si nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande de capital de risque, cette demande n'est tout simplement pas satisfaite dans notre province.
Depuis son lancement en 1993, le fonds Crocus a très bien su attirer des capitaux. Dans une province qui ne compte qu'un million d'habitants, nous avons réussi, au cours de nos quatre premières campagnes, à réunir près de 50 millions de dollars, et nous avons atteint un sommet de plus de 21 millions de dollars pour la campagne REER de 1996. Toutefois, l'effet combiné des changements importants apportés à la législation fiscale en 1996—soit la réduction du maximum de cotisation à 3 500 $ et la réduction du crédit d'impôt à 15 p. 100—a pratiquement réduit de moitié, à 11 millions de dollar, le montant de nouveaux fonds réunis durant la campagne REER de 1997.
Les changements ont d'ailleurs eu comme effet imprévu de rendre notre produit moins attrayant pour nos distributeurs. En effet, les courtiers sont désormais moins disposés à commercialiser notre produit. Avant les changements de 1996, les courtiers recevaient une commission de 250 $ à la vente d'un produit de 5 000 $ qui devait être détenu durant sept ans. Après les changements, les commissions des courtiers ont été réduites à 175 $, et ces derniers n'ont désormais aucune perspective de commission découlant des fonds sous gestion durant une période de huit ans. En 1997, le chiffre des ventes par courtier a baissé de 5 millions de dollars, et la valeur moyenne de vente par client a baissé de plus de 600 $.
Une fois les fonds réunis, nous devons, selon la loi provinciale qui nous régit, déployer le maximum d'efforts pour investir dans le secteur des petites et moyennes entreprises. Deux exigences nous sont imposées. Tout d'abord, 60 p. 100 de notre capital investissable à la fin d'un exercice financier donné doit être investi dans la petite et moyenne entreprise avant la fin de l'exercice financier suivant et, en second lieu, 75 p. 100 du nouveau capital réuni durant un exercice financier donné doit être investi dans les PME avant la fin de l'exercice financier suivant.
Or, nous avons dépassé, et de loin, ces exigences. Depuis le début de 1996, nous investissons à la cadence de 15 millions de dollars par année. Dès la fin de 1997, nous étions en avance de plus de 10 millions de dollars. Il faut dire cependant que, puisque nous n'avons réuni que 11 millions de dollars l'an dernier, notre mandat d'investissement pour la présente année n'est que de 8,25 millions de dollars au total. Ainsi, aujourd'hui, le 10 février, nous respectons déjà tout à fait les exigences de fin d'exercice, à un moment où la demande de capital de risque à appliquer à des transactions d'excellente qualité se fait sentir très fortement.
Et quelle est donc la valeur de nos investissements? Nous estimons que notre rendement en matière d'investissement est proportionnel à la qualité des transactions qui nous sont proposées. Notre taux de rendement annuel l'an dernier, qui s'est chiffré à 13,6 p. 100, a dépassé la moyenne du TSE 300, et notre rendement à long terme est également fort impressionnant. Le fonds Crocus, tout comme le Working Opportunity Fund de la Colombie- Britannique, a été choisi récemment par le magazine Maclean's comme étant «le meilleur de sa catégorie» parmi les fonds mutuels canadiens qui assurent «un rendement supérieur par rapport au risque».
Nous estimons également que nos investissements favorisent nettement la croissance économique. À l'heure actuelle, nous détenons dans 22 compagnies du Manitoba des investissements qui totalisent pratiquement 40 millions de dollars. Ces investissements ont permis de sauver ou de créer 1 200 emplois et ont assuré le maintien de 2 100 emplois de plus.
Les investissements du fonds ont également favorisé la participation d'environ 800 travailleurs du Manitoba à la propriété d'entreprises, et ont ainsi fait en sorte que leurs entreprises continuent d'appartenir à des intérêts locaux à mesure que les générations se succèdent.
Près de la moitié de nos investissements visent le secteur de la fabrication, et 1 $ de chaque 5 $ que nous investissons est affecté au secteur biomédical et à celui de la technologie de l'information. Nous avons consacré beaucoup d'efforts à faciliter la commercialisation des résultats de la recherche effectuée dans les centres de recherche. Je pense notamment à une première entreprise de coparticipation par laquelle l'Université du Manitoba et ses chercheurs scientifiques ont voulu commercialiser une pompe de pontage cardiopulmonaire unique en son genre. Nous avons également investi dans une machine à IRM directement utilisable en salle d'opération et dans la mise au point de médicaments pour lutter contre le sida.
Grâce à des participations stratégiques au capital de Angus Reid Group et de National Leasing, nous avons fait en sorte que ces sociétés maintiennent leur siège social au Manitoba.
• 0920
Quand j'ai témoigné devant votre comité, il y a plusieurs
années, j'ai parlé du succès que nous avions eu en travaillant de
concert avec la direction et le syndicat de Carte International,
une compagnie de 200 employés qui fabrique des transformateurs
électriques, pour empêcher que la compagnie ne soit vendue à une
compagnie américaine qui voulait fermer l'usine du Manitoba. Notre
entreprise conjointe avec la direction de la compagnie a permis de
conserver cette usine au Manitoba.
Grâce à nos rapports spéciaux avec le mouvement syndical, on a pu signer une convention collective dans les plus brefs délais. Vu nos connaissances spécialisées dans le domaine des entreprises appartenant aux employés, on a pu créer une structure de propriété conjointe par 25 employés. On instaurera d'ici peu un régime général de participation à l'entreprise pour les autres employés.
En outre, c'est au départ à cause du mandat de notre fonds que nous nous sommes efforcés de sauver cette compagnie à la dernière minute, et je suis ravi de pouvoir vous dire que cette entreprise est celle qui a le meilleur rendement dans notre portefeuille aujourd'hui.
Notre expérience jusqu'ici montre clairement qu'il existe un besoin annuel de quelque 15 millions de dollars de capital de risque pour des transactions de haute qualité dans la région que nous servons. À cause des changements apportés à la loi de l'impôt en 1996, le niveau des nouveaux capitaux mobilisés chaque année restera probablement à quelque 12 millions de dollars, et, là-dessus, seulement 75 p. 100, ou neuf millions de dollars, pourront servir aux nouveaux investissements. Pourtant, nous aurions besoin de 15 millions de dollars par année, soit près du double des capitaux disponibles de neuf millions de dollars par année.
Vu que nous représentons la quasi-totalité du capital de risque disponible dans la province, si cette tendance continue, le capital de risque disponible au Manitoba s'épuisera rapidement. Il faudrait donc abroger les changements apportés à la loi de l'impôt en 1996 pour revenir au niveau des nouveaux capitaux mobilisés en 1995-1996. C'est seulement à ce niveau que les capitaux requis correspondent aux capitaux disponibles.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Kreiner.
Je signale aux membres du comité que M. Kreiner nous quittera vers 10 h 15 et que si vous avez des questions à lui poser, vous devriez le faire le plus tôt possible. L'exposé a été divisé en deux parties, mais c'est à vous de décider comment poser vos questions.
Nous commencerons par M. Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à vous, messieurs, d'être venus.
Il semble y avoir une nouvelle demande pour obtenir un accès aux capitaux, surtout de la part des petites entreprises. Il est vrai qu'une bonne partie de ces investissements constituent un capital de risque, mais il y a aussi une bonne partie des investissements qui sont requis pour l'expansion et le développement. Cela m'a bien intéressé de vous entendre parler de votre association avec l'Université du Manitoba. Cette notion de partenariat entre le secteur privé, le gouvernement et les universités prend maintenant de plus en plus d'importance, non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres pays. Qui décide que l'on pourra utiliser les fonds du Crocus Venture Fund?
M. Sherman Kreiner: Voulez-vous savoir comment fonctionne notre processus de prise de décisions?
M. Werner Schmidt: Oui.
M. Sherman Kreiner: Nous avons une équipe de professionnels de l'investissement qui examinent les occasions d'investissement offertes au fonds. Nous faisons une évaluation en fonction des besoins d'ensemble de notre portefeuille et de la qualité des occasions d'investissement pour voir si un investissement quelconque peut être approprié pour notre fonds.
La décision est ensuite examinée par le Comité consultatif des investissements, qui compte des représentants des secteurs financiers commercial et universitaire du Manitoba. Le comité fait essentiellement un contrôle préalable de notre diligence et décide si l'investissement semble approprié. Enfin, le conseil d'administration prend la décision finale.
M. Werner Schmidt: Très bien. Ce que je voulais savoir, c'est qui décide quel genre de partenariat vous pouvez former.
M. David Levi (président, Working Opportunity Fund (Colombie-Britannique)): Je pense pouvoir vous le dire, parce que nous avons des partenariats du même genre en Colombie-Britannique. Nous avons recherché activement de tels partenariats, surtout avec les universités. Nous avons fait deux essaimages à partir des universités l'année dernière, un à Simon Fraser et l'autre à l'Université de la Colombie-Britannique. Je pense que nous en avons fait quatre ou cinq depuis quatre ou cinq ans.
De notre côté nous avons formé des liens avec les divers intervenants de la collectivité, c'est-à-dire les universités et les quatre fonds régionaux qui collaborent avec les groupes de développement des collectivités qui se spécialisent dans les prêts de moins de 50 000 $ aux petites entreprises. Nous forgeons aussi maintenant des partenariats avec des fonds spécialisés, notamment pour des choses comme les capitaux de démarrage, les films et la biotechnologie.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je pense vraiment qu'on peut dire que nous nous sommes efforcés activement d'obtenir le concours des autres intervenants de la Colombie-Britannique pour mettre de l'argent à la disponibilité des entreprises.
M. Werner Schmidt: Si je pose cette question, madame la présidente, c'est pour savoir qui surtout prend ces décisions. Est-ce que ce sont surtout les entreprises, ou bien plutôt les universités? Nous savons que l'on manque beaucoup d'argent dans les universités. Les universités exercent-elles des pressions indues pour qu'on utilise le capital de risque pour combler les insuffisances de leur budget?
M. Sherman Kreiner: Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de rapport. D'une part, il y a l'argent disponible pour la recherche. L'un des problèmes vient du fait que, dans notre province du moins, on a toujours très mal réussi à commercialiser les résultats de la recherche. Les fonds du secteur public ont surtout été offerts pour la recherche, et non pas pour la commercialisation. Qui plus est, et ce n'est pas vraiment étonnant, les scientifiques ne s'y connaissent pas tellement en matière de commercialisation.
Nous nous sommes vraiment efforcés d'identifier ces sources. En plus de l'argent, je pense que nous fournissons aussi une ressource très importante sur le plan de la valeur ajoutée aux chercheurs en les aidant à évaluer les aspects commerciaux de leurs recherches et à prendre toutes sortes de décisions commerciales. Par exemple, combien de temps un chercheur doit-il s'occuper seul de la mise au point d'un produit? Quand doit-il envisager de le vendre à un fabricant? Le chercheur doit-il faire lui-même les essais d'équipement? Quelle doit être la structure d'immobilisations de la compagnie?
De façon générale, les chercheurs n'ont pas accès à ce genre de renseignements et ne s'y connaissent pas vraiment. Nous avons donc fait beaucoup, tout comme le groupe de la Colombie-Britannique, pour fournir cette valeur ajoutée en plus d'investir dans l'effort de commercialisation.
M. Werner Schmidt: Peut-on dire à ce moment-là que vous n'investissez pas du tout dans les activités de recherche pure de l'université?
M. David Levi: C'est exact.
M. Sherman Kreiner: C'est notre cas aussi.
M. David Levi: Je comprends très bien ce que vous voulez savoir. J'étais à l'Université de la Colombie-Britannique il y a à peu près une semaine pour discuter de la question de la recherche pure avec le président. Vous avez raison. Le problème des universités, c'est qu'elles manquent de fonds pour la recherche pure. On a très bien réussi au cours des années à déterminer quelle part de la recherche pure aboutit à des technologies transférables à des entreprises commerciales.
Ce que l'université nous demandait, c'était d'appuyer ses activités de recherche pure pour que ce genre de transfert technologique reste possible. Nous ne pouvons pas faire de recherche pure. Ce n'est pas notre domaine et ce n'est pas ce que veulent nos actionnaires. On ne fait pas suffisamment de recherche pure à l'heure actuelle.
M. Werner Schmidt: Je sais, et je pense qu'il importe que nous nous concentrions sur des secteurs tout à fait précis. Je vous remercie de votre réponse.
J'ai une autre question. Comment savez-vous que la demande actuelle de 15 millions de dollars se maintiendra au Manitoba?
M. Sherman Kreiner: Je pourrais donner deux réponses à votre question. Compte tenu de la qualité de nos sorties de fonds à l'heure actuelle, nous recevons plus de demandes de transactions de haute qualité exigeant du capital de risque que jamais auparavant. Deuxièmement, quand nous commençons à investir dans des entreprises, elles veulent prendre de l'expansion et continuer à croître. Très souvent, elles redemandent des investissements supplémentaires après l'investissement initial.
Quand nous investissons dans une entreprise, nous acceptons à la fois de traiter avec cette nouvelle entreprise et sans doute de faire de nouveaux investissements de capital-risque dans l'entreprise. Ainsi, sur les dix derniers investissements que nous avons faits, sept étaient de nouveaux investissements, tandis que trois étaient des investissements qui venaient s'ajouter à un investissement initial. À l'heure où notre portefeuille englobera bientôt 20 ou 30 entreprises, nous devons à la fois prévoir de nouveaux investissements dans ces entreprises et prévoir aussi d'investir dans de nouvelles entreprises qui nous présentent une demande de capital-risque pour la première fois.
J'imagine en fait que, suivant le cours normal des choses, le portefeuille continuera de croître de lui-même en raison des nouvelles demandes que nous recevrons de la part des entreprises qui en font déjà partie.
M. Werner Schmidt: Je crois qu'il faudrait poser aussi la question aux autres témoins. Cette approche est-elle assez courante?
Je sais que notre comité a entendu comme témoin, il y a de cela trois ans et demi environ, Mme Mary Macdonald. Il était douloureusement évident que les fonds qui avaient été prévus comme capital-risque n'étaient pas utilisés comme il avait été prévu. Que s'est-il produit depuis?
Vous êtes maintenant ici en train de nous dire qu'il y a un manque de capital. Le problème serait donc exactement l'opposé de ce qu'il était il y a trois ans et demi. Que se passe-t-il à cet égard? Nous savons que certains fonds n'investissent pas avec des résultats aussi heureux que ceux qu'obtient le fonds Crocus.
M. Raymond Bachand: Prenons le cas du fonds québécois, qui est le plus grand et le plus ancien. Selon nos règles et règlements, nos investissements moyens sur l'année doivent atteindre 60 p. 100 de l'actif moyen de l'année précédente. Pendant 10 ans, le fonds a respecté cette règle avec des investissements qui s'élevaient aux alentours de 61 p. 100 ou 62 p. 100, mais depuis deux ans le niveau est passé à 67 p. 100 ou 68 p. 100. Je crois que cela répond directement à votre question relative à notre capacité d'investir les fonds de manière à en faire bénéficier la collectivité.
• 0930
Quant à l'avenir, comme vous le savez, le taux de chômage au
Québec est très élevé, se situant entre 10,5 p. 100 et 12 p. 100,
et étant donné la restructuration qui est en train de s'opérer dans
l'ensemble de l'économie canadienne en raison de la libéralisation
des échanges, nos sociétés s'orientent de plus en plus vers le
marché de l'exportation, car elles n'ont pas d'autre choix. Elles
se spécialisent dans l'exportation et elles ont besoin de capital
pour ce faire. Quand on veut réussir dans un créneau spécialisé sur
le marché international, on a besoin de capital, de capital non
garanti pour maintenir la croissance, et ce genre de capital, c'est
bien sûr notre affaire.
La présidente: Merci.
Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. Je tiens moi aussi à remercier les témoins de leur présence ici ce matin.
J'ai un certain nombre de questions à vous poser, mais je tiens à vous dire au départ que je suis très préoccupé par la question de l'investissement dans les petites entreprises. D'après mon expérience, les entreprises dans lesquelles on investit sont le plus souvent assez près de la limite de 500 employés et de 50 millions de dollars d'actif, si bien que les investissements ne vont pas aux PME.
Notre comité a travaillé diligemment avec les PME afin d'obtenir du capital-risque pour les PME ayant entre 50 000 $ et un million de dollars d'actif—nous allions même jusqu'à 1,5 million de dollars. Je m'intéresse en fait à ce qui se fait pour aider les PME.
Je crois vous avoir entendu dire que l'investissement moyen des sociétés de capital-risque de travailleurs est de 1,7 million de dollars. Or, bien souvent, ce sont les PME de 750 000 $ ou d'un million de dollars qui ont besoin d'aide; 80 p. 100 des nouveaux emplois au Canada sont créés par ces PME, et il me semble que le capital-risque ne va pas vraiment aux PME. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. David Levi: Tout d'abord, je puis vous dire que nous n'avons dans notre portefeuille aucune entreprise qui a plus de 35 millions de dollars d'actif. Pour les 42 entreprises que nous avons dans notre portefeuille, l'investissement initial dans tous les cas était, sauf peut-être pour cinq, de moins d'un million de dollars.
Bien souvent, les entreprises ont besoin d'une série d'investissements. Autrement dit, nous investissons 500 000 $, puis nous investissons encore 500 000 $, et, au troisième tour, l'investissement peut, selon la réussite de l'entreprise, atteindre deux millions de dollars. La très grande majorité des investissements que nous faisons dans les entreprises de notre portefeuille se situent toutefois entre 500 000 $ et 700 000 $ à l'étape initiale.
En fait, la moyenne de 1,7 million de dollars n'est pas représentative, en raison du biais introduit par trois ou quatre entreprises où nous avons investi au départ 2,5 millions de dollars pour passer ensuite très rapidement à 5 millions. Une des entreprises a dépassé la limite de 500 employés, mais l'effectif moyen de nos entreprises se situe entre 40 et 50.
Voilà donc le marché que nous ciblons. C'est la nature du secteur de la technologie de pointe et de la biotechnologie où nous exerçons notre activité qui explique que les entreprises... Voici comment j'aime à présenter la situation: il y a dix ans, c'était des bébés; elles avaient peut-être trois, quatre ou cinq employés. Aujourd'hui, en Colombie-Britannique, nous avons affaire à des adolescents, qui ont entre 40 et 50 employés. Demain, nous espérons un jour en arriver où vous êtes ici dans la vallée de l'Outaouais et avoir des entreprises du secteur de la technologie de pointe qui auront entre 500 et 1 000 employés. Presque tous nos investissements se font toutefois dans des petites entreprises.
Nous avons aussi un programme régional actif par lequel nous investissons dans des entreprises qui n'ont besoin que de 25 000 $ 30 000 $ ou 40 000 $. Nous tentons donc de fournir du capital à tous les niveaux, à toutes les entreprises, mais nous ne nous limitons certainement pas à des montants de 50 millions de dollars.
M. Raymond Bachand: Si vous le permettez, j'ajouterais que, dans le cas du Québec, je n'ai pas la médiane, mais je crois qu'elle serait sans doute beaucoup plus considérable—et je vous fais mes excuses, mais j'obtiendrai cette statistique. Supposons toutefois que nous ayons 50 investissements de 500 000 $, ce qui fait au total 25 millions de dollars, et un investissement de 25 millions de dollars; naturellement, l'investissement moyen en dollars n'est pas représentatif.
En réponse à cette préoccupation, car elle est très importante pour nous, nous avons bien entendu, comme je l'ai dit, créé avec les collectivités locales 86 fonds pour les montants allant de 5 0000 $ à 50 000 $. Ces fonds sont gérés de façon bénévole par des membres de la collectivité. Ces fonds n'ont pas de frais généraux.
• 0935
Les 16 fonds régionaux que nous avons créés pour les montants
allant de 50 000 $ à 500 000 $ sont dirigés, dans chaque région,
par un conseil d'administration. Nous avons un siège au conseil
d'administration. Le conseil a bien entendu un personnel spécialisé
composé d'analystes financiers, mais ils sont vraiment très
représentatifs de la région.
Ces fonds, qui sont maintenant en place depuis 16 ou 18 mois, ont approuvé au cours de la dernière année 150 investissements, qui se chiffrent à environ 30 millions de dollars au total et qui se sont traduits par des investissements de 150 millions de dollars. L'effet de levier est donc de 5 pour 1.
Dans 80 p. 100 des cas, nous n'aurions jamais pensé que ces investissements auraient été possibles à Montréal, car c'est une décision très traumatisante pour un homme d'affaires local que d'ouvrir son entreprise à un apport de capital. Après avoir travaillé pendant 5 ou 15 ans à bâtir son entreprise, il a tout d'un coup besoin de capital, si bien qu'il doit ouvrir son entreprise à un étranger, qui aura son mot à dire dans la gestion de l'entreprise et qui siégera au conseil d'administration.
Ainsi, plus nous sommes prêts de la collectivité, mieux c'est. Tous les fonds spécialisés que nous avons créés, les fonds technologiques, se trouvent aussi dans cette catégorie allant de 500 000 $ à 750 000 $.
Les investissements les plus spectaculaires et les plus médiatisés sont, bien sûr, les plus importants, comme celui de Novabus. Sur les 650 entreprises dans lesquelles nous avons investi au cours des quatorze dernières années, trois seulement ne répondent pas à la règle de l'actif maximal de 50 millions de dollars, qui s'applique dans le Canada tout entier. Au Québec, nous avons une autre règle qui précise que la valeur nette ne doit pas dépasser 20 millions de dollars.
Nous avons donc investi dans un petit nombre de très grandes entreprises, comme Novabus, qui étaient ni plus ni moins des entreprises en faillite—elles avaient un actif important, mais leur valeur nette était de zéro.
Novabus, par exemple, que nous avons démarré à partir de zéro et qui est devenu la plus importante compagnie d'autobus d'Amérique du Nord, a remis en marche l'ancienne usine de la GM à Saint-Eustache et compte maintenant environ 800 employés au Canada et 1 500 en Amérique du Nord. La compagnie est en train de passer entre les mains de Volvo, et c'est très bien. Volvo installera au Canada son centre nord-américain de la technologie des autobus.
Nous avons donc fait bon nombre de ces investissements spectaculaires dans des entreprises qui avaient un actif important mais dont la valeur nette était essentiellement nulle ou qui était en faillite. Nous sommes les seuls sur le marché québécois à nous lancer dans des redressements de ce genre, qui sont d'ailleurs la spécialité de notre fonds. Il ne faut pas oublier cet aspect, celui des redressements.
Excusez-moi de vous avoir fait une réponse aussi longue.
M. Walt Lastewka: Je me trompe peut-être. Je voudrais tout à l'heure obtenir une réponse de M. Delaney aussi.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci. Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci à vous tous. Merci, monsieur Bachand.
Je dois dire que j'ai vu naître le Fonds de solidarité avec beaucoup d'enthousiasme même si, à l'époque, j'étais dans une centrale rivale, disons, qui ne partageait pas vraiment cette idée. Il faut dire que beaucoup plus tard, cette centrale a décidé elle aussi de se créer un fonds.
Ce fonds est le résultat d'une démarche pragmatique de la Fédération des travailleurs du Québec à la suite de la crise qui a affecté profondément le Québec. Aussi profondément que l'Ontario en 1990-1991, la crise de 1981-1982 avait touché très fortement le Québec. Cette réflexion autour de l'emploi a poussé la FTQ à demander au gouvernement Lévesque de l'époque de l'aider à créer le Fonds de solidarité.
Je peux témoigner de ce qu'aujourd'hui, au Québec, pour tout problème important au plan d'une industrie, d'une entreprise, même dans le domaine culturel, on se tourne spontanément vers le Fonds de solidarité, qui a maintenant une équipe d'analystes—ce n'est pas une petite chose—qui lui permet de décider si, oui ou non, il peut investir l'argent des travailleurs, parce que la plupart sont des travailleurs et travailleuses, dans cette entreprise.
La question a été posée par M. Lastewka, et vous avez répondu en parlant des SOLIDE. J'aimerais que vous nous parliez davantage du résultat de cette analyse qui, je pense, est très importante pour M. Martin.
• 0940
On y dit que
le soutien des deux
gouvernements aux actionnaires du Fonds engendre 2,5
fois plus d'emplois qu'une réduction équivalente du
taux d'imposition sur le revenu des particuliers et
que, de plus, le soutien gouvernemental aux actionnaires du
Fonds exerce des effets récurrents, contrairement à la
réduction du taux d'imposition du revenu des
particuliers.
J'aimerais que vous nous expliquiez cela et, comme je vais vous laisser tout mon temps, je voudrais aussi que vous répondiez aux détracteurs qui disent que lorsque vous recueillez trop de fonds, vous n'êtes pas capables de les investir et qu'en conséquence, vous allez vers des investissements davantage sûrs.
Voici ma troisième question. Que faites-vous du bug de l'an 2000? Est-ce que vous alertez les entreprises dans lesquelles vous investissez?
M. Raymond Bachand: Merci, madame la députée. Vous avez abordé trois sujets tout à fait différents.
En ce qui concerne les études économiques, vous savez qu'on avait fait à deux reprises des études démontrant que les gouvernements de Québec et d'Ottawa retrouvaient leur investissement en un ou deux ans. Après la dernière étude du groupe SECOR, le sous-ministre des Finances de Québec nous avait dit: «Parfait, bon retour sur l'investissement pour les gouvernements.» Les économistes libéraux, pas au sens d'un parti politique, mais au sens idéologique, nord-américain du terme, disent: «La meilleure chose pour stimuler une économie, c'est de baisser les impôts.» Il nous avait donc demandé de comparer 50 millions ou 100 millions de dollars en crédits d'impôt pour les fonds de travailleurs par rapport à une baisse de taxe générale. Au retour, dans l'avion, j'étais un peu inquiet. J'ai parlé à nos économistes et on a commandé cette étude. Cette étude, vous l'avez devant vous et elle démontre qu'une baisse d'impôt est moins payante pour l'économie et donc pour les gouvernements que les crédits d'impôt accordés aux fonds de travailleurs.
Je ne suis pas moi-même économiste, mais je sais qu'il y a un certain nombre de facteurs qui expliquent cela facilement. Quand il y a une réduction d'impôt, il y a une partie de l'argent que les consommateurs dépensent à l'étranger, en tourisme ou en dépenses de loisirs et il y en a une autre qui est épargnée à des fins non productives pour l'économie, alors que dans les fonds de travailleurs, 100 p. 100 de leurs investissements sont mis dans le capital de l'entreprise. On sait que ce qu'il y a de plus productif pour la création d'emplois et le développement économique, ce sont nos entreprises qui investissent, qui se modernisent, qui sont capables d'affronter la concurrence et qui deviennent plus productives. C'est cela qui crée de l'emploi et de l'activité économique.
Donc, tout effort gouvernemental qui encourage les entreprises à se moderniser et à se capitaliser est fondamentalement plus payant pour l'économie que d'autres mesures. C'est ce que l'étude démontre très clairement. Donc, les fonds de travailleurs sont un système qui est payant pour l'actionnaire, parce qu'il a un double retour sur son investissement, un retour raisonnable. Nous ne lui procurons pas le retour maximum, mais il a un retour raisonnable et il a aussi le crédit d'impôt, ce qui, globalement, lui donne un des meilleurs retours.
Les entreprises trouvent le capital qu'elles n'avaient pas auparavant pour se développer et le gouvernement, quant à lui, retrouve son argent dans une période de un à deux ans. Donc, c'est un système équilibré. Les législateurs doivent faire attention quand ils essaient de modifier l'équilibre de ce système. On a abaissé les crédits d'impôt à 15 p. 100. Pour un fonds de travailleurs bien établi comme le nôtre, peut-être que 30 p. 100 de crédit d'impôt, ou 15 et 15 p. 100, est un niveau raisonnable, mais ce n'est sûrement pas le cas pour un fonds comme celui du Nouveau-Brunswick qui démarre et qui aurait besoin de 40 p. 100. On sait très bien que dans les autres provinces, où on vend les actions par l'intermédiaire des courtiers, le niveau de 30 p. 100 est beaucoup plus problématique.
Pour ce qui est de notre capacité d'investir, je pense avoir répondu tout à l'heure que nous maintenons à 67 ou 68 p. 100 la règle de 60 p. 100 qui nous est imposée. Je pense qu'il est important aussi de mentionner l'importance d'avoir un portefeuille d'obligations pour stabiliser le rendement du Fonds. Du point de vue de la politique publique... Vous savez que le Fonds de solidarité a 330 000 actionnaires. C'est une entreprise qui a plus d'actionnaires que Bell Canada, que CP Rail. Ce sont des travailleurs qui mettent 2 000 $ en moyenne par année, qui ont un compte moyen de 8 000 ou 9 000 $ au Fonds de solidarité.
Il était très important pour les ministères des Finances, à l'époque où on a créé le Fonds de solidarité, de s'assurer que ces travailleurs-là ne perdent pas d'argent. La moitié des actionnaires du Fonds de solidarité, quand ils ont souscrit au Fonds pour la première fois, achetaient le premier REER de leur vie.
• 0945
Après deux ans ou trois ans, ils prennent un deuxième
et un troisième REER. Donc, un fonds de travailleurs
comme le Fonds de solidarité a amélioré les habitudes
d'épargne au Canada et au Québec, ce qui était aussi un
objectif de politique publique. On sait que
le taux d'épargne au Canada est faible. Donc, on habitue
ces travailleurs à épargner, et ensuite ils diversifient
leur portefeuille, prennent un deuxième REER, etc.
Il est important d'avoir un rendement au Fonds. Le portefeuille placements, lui, a un rendement stable de 8 à 12 p. 100—entre 9 et 11 p. 100 depuis 14 ans—, alors que le portefeuille investissements, lui, varie de - 2 p. 100 à + 30 p. 100, dépendant évidemment des cycles économiques, ce qui nous donne notre rendement moyen.
La règle chez nous est d'avoir une proportion de 40 p. 100 de placements. C'est une proportion raisonnable. Cette règle varie de province en province et c'est une règle très importante.
Mme Francine Lalonde: Et l'an 2000?
M. Raymond Bachand: Comme nos systèmes ont été conçus récemment, l'an 2000 ne nous pose pas de problèmes. On pense que les compagnies deviennent de plus en plus sensibles à ça. Évidemment, pour nos très gros investissements, on fait actuellement une vérification diligente pour s'assurer que les entreprises vont passer à travers. Il y a un certain nombre d'entreprises qui auront des difficultés. Il est très important de faire partir la sonnette d'alarme.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci. Pour ma part, j'aimerais que nous parlions de rendement. Un des intervenants a parlé de la comparaison à faire entre le fonds Crocus et l'indice composé TSE 300, à 13 p. 100. Je suppose que ce fonds compte parmi les meilleurs fonds de travailleurs et que vous estimiez qu'il s'agissait là d'un excellent rendement. Je suppose que vous vous comparez à certaines des grandes entreprises canadiennes et que vous devez, dans ce contexte, tenir compte du risque.
Ne vous trouvez-vous pas en fait à concurrencer le secteur canadien des fonds communs de placement, qui à l'heure actuelle investissent directement dans des entreprises à faible capital? J'ai en tête un certain nombre de fonds communs de placement qui ciblent ce qu'ils appellent le «fonds des entreprises à faible capital», comme vous semblez le faire d'après ce que vous dites. D'après ce que j'entends dire, leurs taux de rendement sont bien meilleurs que ceux dont vous avez fait état. Et ils n'obtiennent aucune subvention. Pourquoi devriez-vous être subventionnés quand ils ne le sont pas?
M. Ken Delaney (First Ontario Fund (Ontario)): Je voudrais répondre à cette question dans le contexte de l'Ontario, car je crois que c'est dans cette province que beaucoup des fonds communs de placement qui investissent dans les entreprises à faible capital exercent leurs activités.
Il est juste de dire qu'il y a un certain nombre de fonds qui ciblent les petites entreprises à faible capital. En règle générale, les entreprises qu'ils ciblent sont celles qui ont été désignées par certaines des grandes maisons de courtage comme ayant un important potentiel de croissance. Elles en sont peut-être à une étape précoce de leur développement, mais ces entreprises ont quand même réussi à se trouver un preneur important et influent qui, grâce à ses relations, est en mesure de réunir un certain nombre de gestionnaires de fonds commun de placement qui se spécialisent dans les entreprises à faible capital, et ces investissements se font généralement juste avant l'étape de la première émission publique.
À first Ontario—et je sais que c'est ce que font beaucoup d'autres fonds de travailleurs—, nous cherchons des entreprises dans lesquelles investir et, si l'entreprise est destinée à faire l'objet d'une première émission publique, bien avant cela... Autrement dit, souvent, quand les fonds communs de placement qui investissent dans les entreprises à faible capital s'y intéressent, c'est le moment où le capital risque cherche à partir. On cherche aussi des placements privés. Nous intervenons aussi, par exemple, dans des cas de restructuration ou de redressement, comme le disait Raymond Bachand tout à l'heure.
Prenons par exemple cette compagnie ontarienne appelée Indalco. Il s'agit d'une entreprise d'aluminium de Mississauga qui avait du mal à rembourser certains de ces prêts bancaires parce qu'elle avait beaucoup emprunté pour construire une nouvelle aluminerie. Il a fallu environ dix mois pour que l'aluminerie soit en service au lieu des six mois qui avaient été prévus. Pendant cette période initiale, l'aluminerie ne générait aucun revenu et la banque s'impatientait et voulait la fermer.
Nous avons pu intervenir à ce moment-là et aider l'entreprise à refinancer ses dettes. Quand nous avons signé l'entente, l'entreprise avait déjà licencié ses 40 employés. Je suis heureux de rapporter que non seulement elle a réembauché ces 40 employés, mais elle en a embauché 40 autres, si bien qu'elle compte maintenant 80 employés. Les fonds communs de placement qui se spécialisent dans les entreprises à faible capital n'auraient jamais envisagé d'investir dans une entreprise comme celle-là. La raison en est simple: les restructurations ou les redressements exigent trop de travail. Il faut trop de temps, il faut négocier avec les fournisseurs créanciers et il faut peut-être faire intervenir une nouvelle banque ou négocier avec l'ancienne.
• 0950
Il existe donc un certain nombre de besoins sur les marchés
des capitaux auxquels les fonds de travailleurs peuvent répondre,
alors que les fonds communs de placement se spécialisant dans les
entreprises à faible capital ne le peuvent pas parce que les
entreprises qui exigent une restructuration ou un redressement de
ce genre ne trouvent généralement pas d'appui, au tout début en
tout cas, chez les grandes maisons de courtage. Les fonds communs
de placement ont plutôt tendance à s'en tenir aux investissements
qui ont l'appui de ces maisons de courtage.
M. David Levi: Je voudrais répondre.
Lorsque l'on dit «à faible capital», il faut vraiment comprendre ce dont il s'agit. Au Canada, le fonds de placement destiné à des entreprises à faible capital a en moyenne une assiette d'immobilisations de 100 millions à 150 millions de dollars qui peuvent être investis. Il faut évidemment comparer cela aux valeurs sûres qui, en moyenne, ont pour base un capital de 500 millions de dollars à un milliard de dollars.
Au moment où nous décidons d'investir dans une entreprise, celle-ci est évaluée généralement entre cinq millions et 20 millions de dollars; vous comprenez donc que nous représentons pour elle les capitaux de démarrage nécessaires pour la faire progresser jusqu'au point où les fonds de placement intéressés aux entreprises à faible capital pourraient intervenir. Prenons notre cas: nous avons aidé cinq entreprises qui ont toutes réussi à intéresser des investisseurs de fonds communs de placement destinés aux entreprises à faible capital qui sont intervenus à des prix beaucoup plus élevés et beaucoup plus tard que nous-mêmes.
Une de nos sociétés, récemment ouverte, a attiré des fonds de placement destinés aux entreprises à faible capital. Lorsque nous avons investi dans cette compagnie de biotechnologie, elle était évaluée à 17 millions de dollars. Or, comme elle est évaluée aujourd'hui à 100 millions de dollars, elle est maintenant devenue intéressante pour les fonds de placement destinés aux entreprises à faible capital. Elle est maintenant cotée à la Bourse de Toronto.
Non, nous ne concurrençons pas les fonds destinés aux petites entreprises à capital faible. Ceux-ci ne s'intéressent qu'aux sociétés ouvertes, alors que la plupart des sociétés dans lesquelles nous investissons sont des sociétés privées; de plus, ces fonds ne s'intéressent guère à celles qui sont évaluées entre 20 millions et 30 millions de dollars.
Il faut bien comprendre qu'il y avait une lacune béante dans ce secteur-là du marché au Canada. Il y a cinq ans, lorsque ces fonds commençaient à peine à démarrer, le capital de risque injecté se chiffrait à environ 300 millions de dollars. Cette année, le capital de risque a atteint 1,5 milliard de dollars. En une seule année, les placements de capital de risque partout au Canada ont atteint 1,5 milliard de dollars.
Tous ces mécanismes permettent aux petites entreprises de croître au rythme que nous avons vu au Canada depuis cinq ans. La recherche indépendante menée par des gens comme Mary Macdonald— vous vous interrogiez plus tôt au sujet des capitaux supplémentaires que nous détenions il y a trois ans—démontre très clairement qu'il nous a peut-être fallu un certain temps—un an ou deux—pour être en mesure d'effectuer ces placements, mais qu'aujourd'hui, nous investissons cinq fois plus par année qu'il y a cinq ans à peine, et que nous investissons dans des entreprises de haute technologie, dans des entreprises de biotechnologie, c'est-à-dire dans toutes sortes d'entreprises qui diversifieront l'économie canadienne.
Si vous parlez aux entreprises de technologie, elles vous diront que la force motrice, c'est évidemment leur besoin d'avoir accès à des capitaux de risque. S'il existe aujourd'hui des gens prêts à investir avec des capitaux de risque, c'est uniquement grâce aux fonds de travailleurs. Ce n'est pas parce que je fais partie de ce milieu que je suis obligé de le dire, mais je suis convaincu que le gouvernement a sans doute pris là une des meilleures décisions qui soit il y a dix ans lorsqu'il a proposé le démarrage de ces fonds. Dans notre milieu—et je parle maintenant du milieu des capitaux de risque qui n'inclut pas les fonds de travailleurs—, nous sommes d'avis que le montant de capital de risque que l'on a réussi à aller chercher à l'extérieur des fonds de travailleurs est resté stagnant au cours des dix dernières années.
Si l'on regarde les sommes recueillies par les fonds de travailleurs, on constate qu'il y a eu une augmentation à la marge des capitaux de risque privés, et c'est ce qui explique la croissance et le succès des entreprises du secteur de la haute technologie qui fascine aujourd'hui les Canadiens.
M. Alex Shepherd: Je sais que certains fonds de placement de ce genre investissent dans les mêmes secteurs que vous.
Vous parlez de croissance, et pourtant votre fonds ne montre qu'un rendement quinquennal de 5 p. 100. Est-ce ce qui explique que vous demandiez une subvention au gouvernement? Je crois plutôt que c'est parce que le Canadien moyen n'investira pas chez vous.
M. David Levi: Non, ce n'est pas le cas, d'après moi. Je crois que les Canadiens reçoivent directement le crédit d'impôt parce que c'est le seul placement au Canada auquel on ne puisse toucher pendant huit ans. Même les banques qui offrent une garantie de 100 p. 100 ne peuvent attirer des investisseurs pendant plus de cinq ans, ce qui est la durée de notre certificat de placement garanti.
La seule façon d'investir dans des sociétés privées est de le faire à long terme, de sorte que les gouvernements fédéral et provinciaux offrent des incitatifs aux gens pour qu'ils fassent quelque chose qu'ils ne feraient pas normalement, c'est-à-dire investir pour une période de huit ans sans possibilité de retirer leur argent. Voilà ce à quoi sert l'incitatif.
• 0955
En ce qui concerne notre taux de rendement les premières
années, nous investissons surtout dans des bons du Trésor.
Naturellement, comme vous le savez, les taux de rendement de la
plupart des bons du Trésor sont assez peu élevés.
Pour ce qui est des investissements à risque, nos taux de rendement ont été très élevés, ils se situent en fait dans le premier quartile au pays. Nous avons un taux de rendement très élevé pour le capital de risque, et on commencera à le remarquer dans notre taux de rendement global pour les années à venir. Typiquement, pour le capital de risque, les investissements qui ont du succès prennent plus de temps que ceux qui n'en ont pas. On se retrouve donc dans une situation où initialement le rendement est assez peu élevé mais il est ensuite suivi d'une croissance explosive au cours des années ultérieures. Nous approchons maintenant de ces années ultérieures.
La présidente: Merci, monsieur Shepherd.
La sonnerie indique tout simplement que la Chambre entreprend ses travaux. Nous allons poursuivre l'audience.
Monsieur Solomon.
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci beaucoup. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité. En fait, je ne suis pas membre titulaire du comité, mais j'ai pris l'initiative de demander au comité de vous inviter à comparaître pour nous expliquer comment fonctionne le Fonds de relance économique.
Mes collègues ont posé de très bonnes questions que je voulais moi-même poser, et vous y avez déjà répondu.
J'aurais quelques points à soulever concernant les gouvernements provinciaux. J'ai l'impression que les gouvernements provinciaux, et notamment les ministres des Finances, n'étaient pas très disposés à appuyer le maintien du plafond de 20 p. 100 ou de 5 000 $ pour le crédit d'impôt, ou qu'on revienne à ce plafond. Avez-vous une idée de la position de vos gouvernements provinciaux sur cette question, ou est-ce simplement des conjectures de ma part?
M. David Levi: Je peux peut-être commencer. En Colombie-Britannique, le montant d'investissement annuel maximum permis pour le crédit provincial est de 10 000 $. Il est en fait trois fois plus élevé qu'au fédéral. Ils ne font ici que reconnaître qu'ils aimeraient voir des investissements à hauteur du montant maximum. Nous avons une limite de 40 millions de dollars dans notre province pour ce qui est du montant maximum d'investissement qu'on peut aller chercher. Ils aimeraient nous voir atteindre cet objectif le plus rapidement possible chaque année.
M. Sherman Kreiner: Je voudrais renchérir sur ce que vous venez d'entendre. Je crois que nous avons l'accord du ministre des Finances du Manitoba. Encore une fois, l'impact de cette augmentation pour le Trésor du Manitoba serait négligeable car notre capitalisation annuelle globale est plafonnée. Donc, qu'on parle de tranches de 3 500 $ ou de 5 000 $, l'impact pour le Trésor et négligeable. Je suis tout à fait persuadé qu'on est pour ce changement au provincial.
M. Raymond Bachand: M. Landry a déclaré publiquement au Québec qu'il en ferait autant, naturellement. Si le gouvernement revenait au niveau de 5 000 $, il en ferait de même.
M. John McEwen (Workers Investment Fund (Nouveau-Brunswick)): Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement est aux prises avec un problème vraiment grave. Contrairement au meilleur conseil qu'ils pouvaient obtenir, ils ont donné la permission à l'un des fonds nationaux de vendre au Nouveau-Brunswick. Le fonds national a 26 millions de dollars en banque et ne fait pas grand-chose. Il a sorti 26 millions de dollars de l'économie du Nouveau-Brunswick pour les laisser à la banque, et il y a un certain niveau de colère qui n'a pas été exprimé publiquement, mais qui m'a été exprimé personnellement. Ils nous encouragent à investir au Nouveau- Brunswick où on a tellement besoin d'investissements.
Les crédits d'impôt prennent fin cette année, de sorte qu'il faudra les rétablir. Ils ne sont pas éternels. On avait accordé une période de cinq ans... et cette période arrive à échéance cette année. On voudrait bien faire plaisir à tout le monde, mais naturellement cela n'est pas possible.
On devra prendre le taureau par les cornes et venir nous appuyer et dire que c'est nous qu'on veut appuyer. Il s'agit d'un fonds qui a grandi chez nous. Ce n'est pas un fonds central à l'échelle du Canada. Il est là pour sortir des millions de dollars de notre économie au Nouveau-Brunswick, ce qui nous bouleverse considérablement, et pour fournir des dollars d'exploitation à un autre fonds.
Nous n'allons pas les nommer. Ce sont nos concurrents. Ils ne sont pas sur le marché aujourd'hui.
Je voudrais attirer votre attention sur la coupure de presse qui a été distribuée. Cela montre bien la direction que l'on est en train de prendre au Nouveau-Brunswick. On parle de l'alliance que nous avons formée avec la Banque nationale pour créer des occasions d'investissement pour les petites entreprises au Nouveau-Brunswick.
Vous parlez de petites et moyennes entreprises. Au Nouveau- Brunswick, on ne parle pas d'un million de dollars pour une petite ou moyenne entreprise, on parle d'un montant beaucoup plus petit.
• 1000
Les banques se demandent comment elles vont investir de façon
appropriée car elles font l'objet de beaucoup de critiques au
Nouveau-Brunswick. Elles nous voient. Elles ne voient personne
d'autre, mais elles nous voient comme le point d'entrée au Nouveau-
Brunswick. Nous les avons rencontrées et nous sommes en train de
déterminer l'infrastructure et les détails, mais elles se tournent
vers nous comme point d'entrée au Nouveau-Brunswick, pour fournir
les fonds de démarrage, à des fins d'investissement dépassant le
rôle des prêts.
Je pense qu'au Nouveau-Brunswick nous sommes dans une position différente du reste du Canada et je pense que la situation est en train d'évoluer de façon positive. Nous avons eu une mauvaise expérience et nous espérons maintenant que cette fois-ci ce sera une bonne expérience.
M. Ken Delaney: En Ontario la situation est également différente. Je pense que bien des gens se sont tournés vers l'Ontario pour voir ce qu'ils allaient faire.
C'était la fin de ce que j'appellerais une année expérimentale pour ce qui est du règlement visant le Fonds d'investissement des travailleurs en Ontario. L'Ontario était également très préoccupée par l'accumulation de capital qui n'était pas déployé, mais je pense qu'il est important de reconnaître que même il y a deux ans, lorsque le comité a entendu parler que cela posait un problème, ce n'était pas vraiment un problème universel; le problème était spécifique à un fonds.
L'Ontario a mis en place des règles très rigoureuses pour régir le rythme des investissements. Aujourd'hui en Ontario il faut investir 50 p. 100 du capital que vous mobilisez au cours d'une saison de RER avant la fin de l'année civile. En d'autres termes, vous devez investir la moitié du capital que vous mobilisez dans un délai de dix mois. Si vous ne réussissez pas, non seulement devez- vous faire face à des pénalités fiscales, mais on vous interdit d'émettre des crédits d'impôt, ce qui signifie que vous n'êtes plus sur le marché.
C'est la première année que cette politique a été mise en place, et je pense que le gouvernement ontarien a décidé d'attendre pour voir quel sera l'impact de cette politique. Dès que la politique a été annoncée, le plus gros fonds a répondu immédiatement en disant qu'il allait se tenir à l'écart du marché. C'est ce qu'il a fait l'an dernier, et c'est le cas encore une fois cette année.
Je suis heureux de dire que tous les fonds d'au moins dix millions de dollars qui sont gérés en Ontario, qui sont au nombre de huit, tous les huit, y compris le First Ontario Fund, ont respecté les règles qui régissent le rythme des investissements et sont en train de mobiliser des capitaux encore une fois cette année.
En ce qui concerne la position du gouvernement ontarien sur l'augmentation du maximum, je ne peux pas vraiment encore répondre à cette question. L'expérience vient tout juste de prendre fin et il est trop tôt pour répondre à la question. Je pense que ce qu'ils voulaient faire, c'est voir si leurs nouvelles règles sur le rythme des investissements auraient du succès avant d'élaborer la politique. Puisque les règles viennent tout juste d'entrer en vigueur, à ma connaissance ils n'ont pas encore pris de position.
M. John Solomon: Merci beaucoup.
J'ai posé cette question parce que j'ai l'impression que le ministre fédéral des Finances et ses hauts fonctionnaires hésitent à multiplier ce genre de crédit d'impôt sans l'appui de leurs homologues des provinces. Dans votre recherche de fonds additionnels, il serait peut-être utile que vous rendiez visite à vos ministres des Finances respectifs pour vous assurer que, à tout le moins, ils ont une bonne idée de la situation et vous appuieraient dans des négociations avec le fédéral.
Je voudrais vous poser une autre question, si je peux me le permettre, au sujet de la remarque qu'a faite Terence Corcoran dans le Globe and Mail du 13 janvier 1998. Quiconque ne sait pas trop ce qui se passe en matière de capital de risque conclurait, à la lecture de cet article, que ce n'est pas dans l'intérêt de tous.
J'aimerais connaître votre interprétation de cet article. Il s'intitule «Labour funds feed on taxpayers», et on y dit que les fonds de capital de risque de travailleurs exploitent les contribuables; on y dresse un tableau peu flatteur des fonds de capital de risque. Je ne partage pas l'opinion de M. Corcoran, mais j'aimerais savoir si vous avez lu l'article et vous donner un droit de réplique—en espérant toutefois que votre réplique ne sera pas aussi longue que l'article de M. Corcoran.
M. Raymond Bachand: Je suis toujours étonné de voir un journal qui se prétend un journal national, et qui est un journal national, parler du Canada comme si le Québec n'en faisait pas partie. Le plus vieux fonds de capital de risque de travailleurs du Canada est bien sûr le Fonds de solidarité. Il existe depuis 14 ans. C'est aussi le plus important au Canada. Avec ses 2,2 milliards de dollars, il est deux fois et demie plus important que le fonds de relance économique.
• 1005
C'est comme si nous n'existions pas. Les règles d'évaluation
dont parle M. Corcoran relèvent de la fiction. Ce n'est pas parce
qu'un médecin agresse un enfant que tous les médecins du Canada en
font autant. Nous avons des spécialistes. Bien sûr, nous
investissons dans des entreprises privées, sauf pour 20, mais nous
investissons dans 400 entreprises privées. Nos bilans financiers
sont vérifiés deux fois par année. Nous faisons appel à deux
cabinets de vérificateurs. Chaque année, nous nous soumettons à une
inspection par la Commission des valeurs mobilières du Québec. Et,
deux fois par année, les vérificateurs et un groupe de spécialistes
internes et externes examinent chaque cas pour évaluer la valeur
marchande des investissements, de sorte que ce qui figure au bilan
est conforme à l'évaluation des spécialistes de ce qui, d'après
eux, constitue la valeur du fonds d'année en année.
Bien sûr, il y a certains problèmes que nous ne connaissons pas. Nos investisseurs ne se précipiteront pas chez nous pour vider leurs comptes. Nos actionnaires ne partent pas au bout de huit ans. Ils restent nos actionnaires jusqu'à leur retraite ou leur préretraite. On avait une bonne opinion du fonds au départ et cette opinion n'a pas changé.
Je pourrais faire d'autres remarques, mais je vais laisser David poursuivre.
M. David Levi: M. Corcoran a fait paraître un autre article dans le Globe and Mail, il y a quelques jours, où il traite plus précisément des hypothèses erronées à partir desquelles on évalue les fonds. Vous trouverez dans notre trousse une lettre que nous avons envoyée au Globe and Mail où nous infirmons les huit points qu'il fait valoir dans son article.
N'oubliez pas que, pour les gens comme Terence et d'autres, lorsqu'il s'agit de fonds de capital de risque de travailleurs, il n'y en a qu'un et il est en Ontario, et parce qu'il est en Ontario, il semble que ce soit le seul fonds qui existe aux yeux du Globe and Mail.
Il existe plus de 20 fonds de ce genre au pays. La plupart sont en Ontario, mais il y a des fonds provinciaux, dont la plupart sont représentés ici. Tous sauf un ont satisfait aux exigences et la plupart ont même dépassé les exigences. Nous, en Colombie- Britannique, exigeons que 80 p. 100 des fonds soient investis pendant au moins cinq ans dans des petites et moyennes entreprises admissibles. Nos exigences sont donc plus élevées que les autres et, chaque année, nous prenons de l'avance, à l'instar de tous les autres fonds représentés ici.
Il y a eu un problème avec un fonds, mais je dois dire que le système fonctionne bien. Ce que je veux dire, c'est qu'à cause de mauvaises pratiques de gestion, ce fonds a connu de faibles rendements, et les investisseurs se sont tournés vers d'autres options. À cause du fonctionnement de cette loi—et la situation est la même, à peu de choses près, dans tout le pays—, si vous ne répondez pas aux exigences, vous ne pouvez pas solliciter davantage d'argent. Ce fonds est sorti du marché pendant une année et cette année sera la deuxième pendant laquelle Working Ventures ne sera pas sur le marché. Mais on ne saurait comparer ce qu'ils ont fait avec 800 millions de dollars de capital et ce que le reste de l'industrie a fait avec environ 2,5 milliards de dollars de capital.
Je pense que c'est malheureux et vous constaterez, à la lecture de ma lettre et d'après mes commentaires, qu'il semble que... J'ai eu un entretien avec une journaliste du Globe and Mail. Elle m'a appelé pour me poser des questions sur les fonds mais dans son article spécialisé, il semble que tout ce qu'elle pouvait dire se limitait à Working Ventures. Je lui ai dit: «Pourquoi n'appelez- vous pas le Fonds de solidarité? Il est deux fois plus gros, existe depuis deux fois plus longtemps et a un excellent dossier. Ne vous fiez pas seulement à ce que je dis.» À cette époque, nous n'existions que depuis quatre ans. Je lui ai dit de voir ce qui se passait du côté des fonds plus imposants. Elle m'a répondu: «Eh bien, nous n'aimons pas appeler au Québec», etc. Voilà exactement la teneur de notre entretien.
Il est vraiment dommage qu'on ne se concentre que sur un fonds, alors qu'il y en a 20 autres qui font bien leur travail.
La présidente: Merci.
Merci, monsieur Solomon.
Monsieur Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur Delaney, vous avez dit que vous n'étiez pas en concurrence avec les fonds communs de placement.
Par ailleurs, monsieur Levi, vous avez dit que vous vous concentriez sur les entreprises qui comptent de 40 à 50 employés. Qu'est-ce qui vous empêche de regarder du côté des plus petites entreprises? À mes yeux, vous commencez à ressembler à une banque. Autrement dit, vous prenez très peu de risques. Pourtant, vous ne devez pas voir les risques de la même façon qu'une banque. Nous savons que les petites entreprises de 20 ou 15 employés ont besoin de soutien financier. Pourquoi ne pensez-vous pas à elles?
M. David Levi: Je ne disais pas que nous investissions uniquement dans les entreprises de 40 à 50 employés. Je disais qu'en Colombie-Britannique, les entreprises d'un certain secteur avaient grandi et avaient maintenant de 40 à 50 employés.
Mais en repensant à votre question, je peux vous dire que moins de 25 p. 100 des entreprises dans lesquelles nous avons investi avaient un financement bancaire au moment de notre intervention. Il ne s'agit pas d'entreprises qui intéressent les banques de quelque façon que ce soit. Dans certains cas, si c'est de la biotechnologie, par exemple, il n'y a pas de ventes, et donc aucune capacité de susciter du financement.
Dans la plupart des cas d'entreprises du secteur de la haute technologie, au moment de notre investissement, le volume de ventes est assez faible. Ainsi, comme il y a peu de comptes clients, le financement par une banque est impossible.
Si vous examinez le processus d'investissement, il y a d'abord la phase du lancement initial, à laquelle nous participons. Nous avons lancé cinq nouvelles entreprises au cours des deux dernières années, à partir de rien. Nous faisons donc ce genre d'investissement.
Après le financement initial, il y a habituellement une période de forte croissance pendant laquelle se crée un besoin pour du capital de risque qui n'intéresse pas les banques, ni les fonds communs de placement. C'est en général à ce moment-là que nous intervenons, pour l'investissement initial de 500 000 à 700 000 $. À mesure que l'entreprise grandit, nous investissons, en moyenne, trois fois cette somme pendant la durée de l'investissement.
La valeur moyenne des entreprises dans lesquelles nous investissons varie de 5 à 10 millions de dollars, au moment de notre investissement. Si vous considérez cette croissance, vous ne pouvez solliciter les marchés publics pour des fonds destinés aux entreprises à faible capital, dont nous parlions plus tôt, avant d'avoir 100 millions de dollars en immobilisations. Nous comblons ce besoin. Nous prenons des entreprises qui ont de 5 millions à 10 ou 15 millions de dollars en actif et nous les aidons à croître jusqu'à ce qu'elles aient un actif de 100 millions de dollars. Ce n'est qu'à ce moment que les banques et les fonds communs de placement envisageront d'y investir.
Je dois vous dire que la première personne à avoir communiqué avec le Working Opportunity Fund a été un gérant de banque. Il nous a appelés parce qu'il voulait prêter de l'argent à l'un de ses clients mais ne pouvait le faire, étant donné qu'il manquait le capital-actions. Il voulait que nous fournissions le capital- actions pour qu'il puisse à son tour prêter de l'argent à l'entreprise.
On peut en dire autant des fonds communs de placement. Ils apprécient notre participation, étant donné que c'est notre capital de risque qui leur donne l'occasion par la suite d'investir dans une société. Nous travaillons donc de très près avec les fonds communs de placement et les banques, mais ces derniers se manifestent toujours sur le tard.
M. Janko Peric: Est-ce vous vous intéressez plus particulièrement à un secteur donné?
M. David Levi: Chacun des fonds provinciaux représentés ici s'adapte aux besoins de sa province. Dans notre cas, notre objectif consiste à favoriser la diversification de l'économie de la Colombie-Britannique. Ainsi, à l'heure actuelle, nous sommes le principal investisseur de la province dans les secteurs de la haute technologie et de la biotechnologie. Nous sommes le seul fonds de capital de risque du secteur du tourisme. Nous participons à l'heure actuelle à cinq sociétés du secteur du tourisme qui ont des activités en Colombie-Britannique. Nous participons également à toute une gamme d'investissements dans le secteur de la fabrication.
Certains partenaires participent avec nous à des investissements dans le secteur de la haute technologie. Après une première ronde d'investissements de notre part, un grand nombre d'autres investisseurs se manifestent habituellement. Ainsi, lorsqu'il nous faut plus d'argent, il est relativement facile de faire participer des investisseurs internationaux. C'est ce qui s'est passé au cours des dernières années, pour la première fois. La société Intel Corporation a investi dans l'une de nos sociétés. Deux ou trois groupes taïwanais ont investi dans un certain nombre de sociétés. Nous avons participé à des deuxième et troisième rondes d'investissement.
Nous réussissons donc à attirer également des investisseurs de l'étranger.
La présidente: Merci, monsieur Peric.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
J'aimerais poursuivre sur cette lancée. Tout d'abord, j'aimerais demander aux représentants des autres fonds de travailleurs s'ils estiment eux aussi qu'ils ont la responsabilité d'agir comme chefs de file et d'orienter l'évolution de l'économie canadienne.
M. Ken Delaney: Permettez-moi de vous dire, à titre de représentant de First Ontario, que nous reconnaissons tous, me semble-t-il, la participation importante des deux paliers du gouvernement à nos fonds, par le truchement des crédits d'impôt. À cause de cela, nous estimons avoir une responsabilité toute particulière en matière de politiques d'intérêt public. Chez First Ontario, nous estimons répondre à un besoin en compensant certaines insuffisances du marché des capitaux, ce qui a pour effet de stimuler l'activité économique ou de protéger des emplois.
• 1015
Dans notre cas, il y a un type d'investissement auquel nous
participons et pour lequel on trouve difficilement du financement
en Ontario, même auprès d'autres fonds de travailleurs. Il s'agit
des restructurations et des initiatives de relance. C'est un
créneau qui exige des compétences toutes particulières. Il faut y
mettre le temps. Les négociations sont longues.
Par contre, pour ce qui est des lancements d'entreprise de haute technologie dont le fonds de David se fait une spécialité, nous ne nous y intéressons pas beaucoup. Cependant, il existe d'autres sources de capital pour cela en Ontario.
Nous avons participé à un démarrage ici à Ottawa, avec un autre fonds de travailleurs, mais ce n'est vraiment pas notre spécialité.
D'autres fonds ontariens se spécialisent dans certains secteurs. Je pense par exemple au Canadian Medical Discoveries Fund, un fonds qui, vous l'aurez deviné, est essentiellement axé sur la biotechnologie.
Il me semble donc que les divers fonds se sont efforcés de répondre à certains besoins, de combler certaines insuffisances. Ce qui importe, en bout de ligne, c'est que nous voyons tous le gouvernement comme un joueur important. Nous avons de ce fait la responsabilité de combler certaines lacunes des marchés de capitaux qui, autrement, donneraient lieu à une diminution de l'activité des entreprises et à des pertes d'emplois pour les Canadiens.
M. John McEwen: Au Nouveau-Brunswick, nous avons à jouer un double rôle. D'une part, il nous faut investir dans les sociétés qui permettront à l'économie du Nouveau-Brunswick de maintenir son dynamisme et de se tailler une place enviable dans l'économie mondiale. Nous participons désormais à une économie mondialisée et nous devons demeurer aussi dynamiques que nous l'étions par le passé, sinon davantage.
L'autre aspect dont nous essayons de tenir compte au Nouveau- Brunswick, c'est le fait que pendant des années notre économie de base s'appuyait sur l'exploitation des ressources. Différents premiers ministres et politiciens de la scène provinciale ont tenté d'élargir la base de l'économie. Le premier ministre McKenna a fait comme tous les autres: il a réalisé quelques percées.
Nous avons toujours été bien servis par l'investissement du gouvernement fédéral au Nouveau-Brunswick. Cet investissement est maintenant en train de diminuer et il diminue très rapidement. Si l'on tient compte d'un calcul per capita, il diminue probablement plus rapidement chez nous que dans toute autre région du Canada.
La classe politique, les gens d'affaires et le Fonds estiment que l'une des grandes priorités est de combler cet écart. Nous devons trouver des sommes à investir pour remplacer ces fonds d'investissement qui diminuent en raison du changement des priorités gouvernementales au Canada. Nous prenons du recul constamment dans tous les différents types d'investissement.
Il y a donc deux possibilités. D'abord, il faut maintenir notre position dans l'économie mondiale et nous efforcer même de l'améliorer au moyen d'investissements appropriés dans des secteurs qui nous permettront au XXIe siècle d'être en bonne position. Deuxièmement, il faut remplacer ces fonds et ces investissements fédéraux qui sont maintenant réduits et qui ne cessent de diminuer.
M. Werner Schmidt: Qu'est-ce que cela a à faire avec le goût du risque?
M. John McEwen: Si des gens d'autres régions du monde s'apprêtaient à investir au Nouveau-Brunswick, je pense que nous n'aurions pas besoin de capital de risque. Je pense qu'investir dans l'entreprise au Nouveau-Brunswick, cela présente des risques, mais nous estimons que le Nouveau-Brunswick en vaut la peine. Si nous ne prenons pas ce risque au Nouveau-Brunswick et n'investissons pas dans nos propres capacités, dans notre propre province, j'ai du mal à croire que quelqu'un d'autre aura le bon sens ou l'heureuse idée, si l'on peut dire, d'investir au Nouveau- Brunswick.
Si nous n'investissons pas au Nouveau-Brunswick, nous n'aurons aucune position à défendre. Le gouvernement fédéral a retiré les investissements qu'il avait faits au fil des ans au Nouveau- Brunswick. Il réduit ses bases et sa présence. Si nous ne sommes pas là, s'il n'y a pas quelqu'un pour assurer le rattrapage de ce ralentissement, ce qui va se produire—étant donné que la nature a horreur du vide—, c'est que l'économie va prendre une mauvaise tournure.
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas la question que je posais, madame la présidente. Ce que je demande, c'est qu'est-ce qui va permettre à l'économie d'aller de l'avant? Nous devons être à l'avant-garde des nouveaux développements et penser dans cet esprit. Selon moi, c'est là la question. Se contenter simplement de perpétuer ce qui existait... C'est le problème qu'a aussi le milieu bancaire: la plupart du financement sert au secteur manufacturier et à ce vieux type d'entreprises.
Il me semble que l'économie mondiale que vous mentionnez s'oriente dans d'autres directions. Nous devons certainement encore pouvoir compter sur le secteur manufacturier, mais l'ensemble des nouveaux développements, la croissance de l'économie, s'orientent vers d'autres directions. Il me semble que le concept même de fonds d'innovation consiste à voir ce qu'on doit faire d'autre, quelles sont les nouvelles idées qu'il faut financer et que les bailleurs de fonds traditionnels ne financeront pas. Voilà la question, il me semble.
M. John McEwen: Absolument. Il y a une petite entreprise au Nouveau-Brunswick qui a mis au point une nouvelle technologie dans le domaine de l'extraction de l'or. Elle tente de faire accepter sa technologie. Il semble que ce soit faisable. Il semble que ce soit possible. C'est tout nouveau. Il y a bien des gens qui s'en méfient comme de la peste. Ils sont venus nous voir et nous ont demandé qu'on y injecte des capitaux afin qu'ils puissent affirmer leur présence dans le secteur aurifère. Il s'agit de MR; ils disposent d'une technologie de pointe et il n'y a pas de capitaux de risque disponibles. Ils ont fait appel à nous, et ils tentent de voir si nous pouvons injecter des capitaux dans leur société pour s'assurer que leur technologie de pointe sera mise sur le marché.
La présidente: Monsieur Bachand.
M. Raymond Bachand: Je pense, monsieur, pour répondre à votre première et à votre deuxième question, que nous avons une responsabilité, c'est certain, étant donné que nos actionnaires obtiennent un crédit d'impôt. Ils obtiennent un crédit d'impôt parce que nous leur disons bien clairement que nous n'allons pas leur procurer un rendement maximum sur leur investissement. Nous allons leur procurer un bon rendement, mais nous allons essayer de développer l'économie et de travailler avec les gouvernements dans les différents secteurs.
Il y a trois ou quatre secteurs: il s'agit bien sûr de secteurs tournés vers l'exportation, de secteurs technologiques, et même d'un secteur comme celui du tourisme—les banques; personne ne va vers le tourisme. Or le tourisme est l'un des secteurs à plus forte croissance dans le monde. À l'échelle mondiale, le Canada ne détient pas sa juste part du tourisme, il détient moins que sa part eu égard à son PIB. C'est un secteur à forte concentration de main-d'oeuvre et c'est très rentable. Cela coûte beaucoup moins cher de créer des emplois dans le secteur touristique que dans les industries de très haute technologie. Nous y avons donc investi beaucoup de ressources.
Nous avons investi beaucoup de ressources pour aider les petites entreprises à exporter. Bombardier et les grandes sociétés ont toutes leurs équipes de vice-présidents des affaires internationales qui parcourent le monde. Les petites entreprises ne peuvent pas se le permettre.
Ainsi, dans huit secteurs industriels différents, nous avons des sociétés complémentaires, de très petites sociétés. Nous y investissons de l'argent et ensemble nous finançons les efforts de mise en marché à l'échelle mondiale pour obtenir des contrats et pour les aider dans le secteur de l'exportation. Bien sûr, il y a les secteurs technologiques. Par exemple, le secteur de la biotechnologie est présent à Montréal. Le Fonds de solidarité est présent dans la moitié des sociétés de biotechnologie à Montréal—dans la moitié.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Mes questions s'adresseront à M. Bachand et à M. Delaney.
J'aimerais connaître, monsieur Bachand et monsieur Delaney, votre définition d'une petite entreprise, non pas d'une PME mais d'une petite entreprise.
M. Raymond Bachand: Ma définition personnelle d'une petite entreprise? C'est qu'on touche tout le spectrum. Ça dépend si on prend la définition des ministères des Finances et des économistes traditionnels.
Chez nous, quand on parle de toutes petites entreprises, on parle, par exemple, des entreprises qui sont rejointes par nos SOLIDE, nos fonds locaux avec les municipalités régionales de comté. Cela rejoint des entreprises qui ont de 2 à 15 employés. On en a 400 qui ont été soutenues par les 80 SOLIDE avec des capitaux de 5 000 à 50 000 $. Ça, c'est vraiment une petite entreprise.
Évidemment, la seule chose qu'on ne fait pas de ce côté-là, c'est financer des gens qui financent leur propre job. Il faut qu'il y ait une entreprise. Il faut qu'il y ait plus d'un employé dans une entreprise. Il faut qu'il y en ait au moins deux, trois, quatre ou cinq. Les travailleurs autonomes sont évidemment très légitimes. C'est une activité remarquable, mais je pense que c'est aux banques de faire crédit aux travailleurs autonomes et aux particuliers. Des toutes petites entreprises, on en a 400 dans notre portefeuille.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Eugène Bellemare: Oui, et c'est une heureuse réponse, parce que vous dites que vous avez 400 de ces entreprises qui ont en moyenne une dizaine d'employés.
M. Raymond Bachand: Je ne sais pas quel est le nombre moyen d'employés.
Une voix: Huit employés.
M. Raymond Bachand: La moyenne est de huit employés. C'est celui qui dirige tout notre réseau de SOLIDE qui vous a répondu. Il y a en moyenne huit employés dans ces entreprises.
M. Eugène Bellemare: Bravo pour votre réponse. Le travailleur qui investit, qui est-il exactement? Est-ce le travailleur qui est dans la compagnie ciblée ou si c'est un travailleur qui fait partie d'un syndicat et sait qu'on peut placer son argent? Lui, il fait des économies et il place son argent dans une industrie.
M. Raymond Bachand: Au Fonds de solidarité, on a aujourd'hui 330 000 actionnaires dont 63 p. 100 sont syndiqués et 37 p. 100 sont non syndiqués. Évidemment, le principe même du Fonds, c'est que les travailleurs n'investissent pas dans leurs entreprises mais diversifient leurs risques. Si votre entreprise fait faillite et qu'en plus de perdre votre gagne-pain, vous perdez l'épargne de votre vie, vous êtes en sérieuses difficultés. Le principe du Fonds de solidarité, c'est que vous mettez votre épargne dans un fonds commun qui, lui, diversifie ses investissements dans plusieurs entreprises. Donc 62 p. 100 des actionnaires sont syndiqués. Je dirais que c'est le Canadien moyen, notre classe moyenne, qui est constituée du gros de nos travailleurs. Si vous avez un revenu de 15 000, 18 000 ou 20 000 $ par année, je pense que vous ne payez pas d'impôt. Dans ce cas, le crédit d'impôt a moins d'importance. Pour que le crédit d'impôt en vaille la peine, vous devez avoir un revenu plus élevé. La masse des actionnaires gagne plutôt entre 35 000 $ et 55 000 $. Je pourrai vous faire parvenir les chiffres précis. Ce sont des gens qui mettent de côté en moyenne 2 000 ou 2 200 $ par année. Ils ne viennent pas tous les ans chez nous. Le compte moyen est de 8 000 à 9 000 $. Ce ne sont pas des sommes d'argent phénoménales, mais cela crée l'habitude de l'épargne.
M. Eugène Bellemare: Si j'ai bien compris, ce sont des gens qui gagnent environ 30 000 ou 35 000 $ par année.
M. Raymond Bachand: Je dirais que la masse de nos souscripteurs gagne entre 35 000 et 55 000 $.
M. Eugène Bellemare: Vos travaux de recherche montrent-ils l'impact des modifications budgétaires de 1996 sur les activités des FCRT?
M. Raymond Bachand: La modification budgétaire, c'est-à-dire le 3 500 $ et le 30 p. 100, mathématiquement, a réduit l'apport de fonds d'environ 70 ou 75 millions de dollars. Ce qui était facile à calculer, c'était évidemment ceux qui souscrivaient 5 000 $ et qui sont descendus à 3 500 $. Pour ceux-là, on peut quantifier du jour au lendemain le montant dont ils réduisent leurs souscriptions.
Bien sûr, comme le Fonds était en croissance, on a rattrapé une partie de cela, entre autres par notre travail de déductions à la source dans les entreprises dans l'ensemble du Québec. On a un réseau. On ne passe pas par des courtiers, contrairement à nos collègues. On a un réseau de 1 500 responsables locaux qui travaillent dans les entreprises, et à peu près la moitié de nos fonds vient des déductions à la source. C'est une croissance qui nous a permis de récupérer une partie de ces sommes-là.
M. Eugène Bellemare: Êtes-vous d'avis qu'il faut plafonner le montant annuel des fonds donnant droit à des allégements fiscaux?
M. Raymond Bachand: Je pense que le meilleur plafond n'est pas un plafond en dollars, mais plutôt les règles que chacune des provinces ont établies quant au pourcentage de fonds qui doivent être investis. Quand un fonds a la capacité nécessaire, quand il y a des demandes dans les entreprises, quand l'économie a la capacité d'absorber les investissements de capitaux de risque et de fonds de travailleurs, il ne devrait pas y avoir de plafond. Notre plafond est inscrit dans notre loi. Dans d'autres provinces, il y a des plafonds qui varient. C'est notre règle de 60 p. 100 qui est basée sur des chiffres différents de leur règle de 70 p. 100. On ne mesure pas la même chose. Ils mesurent au coût, et on mesure la valeur globale de notre portefeuille. Si on est capables d'investir cela, c'est qu'il y a un besoin dans l'économie. Tant que les gouvernements auront un retour sur l'investissement de deux ans ou d'un an, ce sera un bon système pour tout le monde.
M. Eugène Bellemare: On voit une prolifération d'organismes de fonds, et je me demande si on n'est pas en train de créer un trop grand nombre de ces organismes, qui risquent de devenir self serving, comme on dit en anglais. Ceux qui créent ces fonds ont un bon job et ils créent des emplois, des emplois pour eux-mêmes, mais c'est peut-être un peu boiteux du fait qu'il y en a peut-être trop. Est-ce que vous croyez que c'est un risque? Est-ce qu'on devrait limiter le nombre d'organismes?
M. Raymond Bachand: Je pense qu'il y a un problème en Ontario, mais je vais laisser mon collègue d'Ontario en parler. En Colombie-Britannique, il y a un fonds de travailleurs. Au Québec, il y en a deux maintenant, avec Fondaction qui vient d'être créé, qui n'a pas encore investi, qui est en phase de capitalisation. Au Manitoba, il n'y en avait qu'un. Je pense que le système canadien fonctionne au moyen d'une entente fédérale-provinciale qui laisse chaque province adapter ses fonds à son économie. Je pense qu'à l'origine, il était sage de la part du Québec et des autres de ne pas avoir de prolifération de fonds.
• 1030
Pour ce qui est de la taille du Fonds de solidarité,
pour ma part, je
soutiens que la taille d'un fonds ne devrait pas nous
faire peur. Au contraire, ça nous permet des
interventions plus structurantes dans l'économie.
On n'a pas peur de faire un Kenworth, dans lequel on n'a pas
investi parce qu'ils n'ont pas voulu de nous. Les
travaux de M. Cauchon, le ministre fédéral, et de
M. Landry, et la présence du Fonds de solidarité ont
fait que Kenworth est
revenu au Canada. La taille du Fonds nous
permet aussi, dans notre cas, de viser
un taux d'administration de
2 p. 100. Pour moi, c'est une règle absolue.
Nos frais d'administration sont
maintenant de 2 p. 100, y inclus les frais de
souscription. Nos actionnaires ne paient pas
de frais de courtage, et nos 1 500
responsables locaux n'ont pas de commission. Ce
sont des bénévoles qui n'ont droit qu'au remboursement de leurs
dépenses et de leur salaire s'ils sont à l'extérieur
de leur entreprise pendant une journée ou deux.
Tous nos frais d'enregistrement, de fiducie et
d'investissement sont compris dans ces 2 p. 100.
Il était peut-être sage de ne pas avoir une trop grande prolifération de fonds. Malheureusement, les syndicats ne se sont pas entendus en Ontario et il y a eu une prolifération de fonds plutôt qu'une uniformité.
[Traduction]
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Ken Delaney: Oui.
Monsieur Bellemare, permettez que je réponde à la première question que vous alliez me poser, au sujet des petites entreprises. En Ontario, maintenant, la réglementation requiert que les fonds des travailleurs réservent un certain montant des capitaux pour ce qu'on appelle dans la réglementation ontarienne les «petites entreprises», des entreprises qui ont moins de 50 employés et qui ont des éléments d'actif de moins de cinq millions de dollars.
Actuellement, nous devons injecter 15 p. 100 de nos capitaux dans ces entreprises. Ce pourcentage doit augmenter, sur une période de deux ans, jusqu'à 20 p. 100. Il y a donc un pourcentage des capitaux des fonds de capital risque des travailleurs de l'Ontario qui doivent être investis dans de petites entreprises.
Pour ce qui est de la question suivante, à savoir si nous avons créé un trop grand nombre de ces fonds, je pense que pour l'instant le mouvement est lancé. Beaucoup de ces fonds ont été créés.
Je pense qu'on pourrait rétrospectivement se demander ce qui se serait produit si un seul fonds avait été créé en Ontario et que l'Ontario avait suivi la même voie que les autres provinces. On peut penser qu'avec un seul fonds il aurait pu y avoir une plus étroite collaboration avec les autorités responsables de la réglementation, mais pour diverses raisons, on a rédigé une loi qui a permis à toute organisation de travailleurs de parrainer un fonds et cela a ouvert la porte à quiconque voulait trouver une organisation de travailleurs pour en établir un aussi.
Je pense que ce qui s'est produit, c'est qu'au lieu d'assurer un examen approfondi ou une étroite coopération entre un fonds unique et l'organisme de réglementation pour assainir et modifier les comportements, le marché prendra certaines décisions. Certains petits fonds pourraient ne pas survivre.
Est-ce la façon la plus efficace de procéder, étant donné le rôle que joue le gouvernement en tant qu'important actionnaire en accordant des crédits d'impôt? Aurait-il mieux valu ne créer qu'un seul fonds? C'est difficile à dire, mais je pense que pour l'instant c'est ce qui se passe.
Je pense que la réglementation de l'Ontario a imposé certains changements. Les fonds qui ne peuvent pas investir leur argent n'iront pas sur le marché maintenant. Il existe des règles sur l'investissement dans les petites entreprises. Je pense qu'un bon nombre de fonds vont relever le défi qui consiste à remplir le mandat de défense de l'intérêt public qui incombe aux fonds de travailleurs. Un petit nombre d'entre eux ne le feront pas, et ces fonds seront abandonnés en cours de route.
M. David Levi: Je me dois de faire une observation.
L'une des principales raisons pour lesquelles la Colombie- Britannique a créé le Working Opportunity Fund, c'est qu'il n'y avait à cette époque qu'un autre fonds de capital-risque dans la province. Comparativement au reste du pays, nous avions à peu près la moitié moins de capital-risque que les autres régions, par habitant.
Plus précisément, si le gouvernement voulait que soit créé le Working Opportunity Fund, c'était pour mettre en place une institution dans laquelle serait concentré le capital-risque de la province. C'est ce que nous avons fait. À l'heure actuelle, nous représentons le tiers de tout le capital-risque amassé dans la province. Nous avons pu réunir dans notre province une équipe de spécialistes de ce domaine, ce que nous n'avions pas auparavant.
C'est donc l'une des raisons particulières pour laquelle le fonds a été créé.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Monsieur Bachand, j'aimerais que vous nous parliez d'un autre aspect de l'action du Fonds solidarité, soit son travail pour développer la productivité de l'économie québécoise.
Au Comité de l'industrie, nous avons eu un document commandé par le Conseil privé, dont le sixième chapitre dit qu'il y a des problèmes permanents de productivité au Canada, des problèmes de productivité totale des facteurs. On dit là que non seulement on n'a pas fait suffisamment d'investissements en recherche et développement, non seulement on n'a pas transformé suffisamment cette recherche et développement en investissements visant l'innovation, mais aussi qu'il y a dans cette productivité totale des facteurs un aspect important, qui est la gestion nouvelle dans une entreprise. On constate que quand une entreprise innove au niveau de l'investissement technologique, elle est plus portée à innover aussi au plan de la gestion.
Or, ce que je sais du Fonds de solidarité, c'est qu'il ne se contente pas d'investir de l'argent. Il s'occupe aussi de formation des travailleurs, d'examen de la gestion et de transformation de la gestion dans un sens de concertation, qui m'apparaît coïncider avec cette définition d'une meilleure productivité des entreprises.
M. Raymond Bachand: Merci. J'allais d'ailleurs demander à la présidente si je pouvais faire des remarques sur la formation économique.
Une particularité vraiment exceptionnelle du Fonds de solidarité est la formation économique que nous faisons dans les entreprises. Dans chaque entreprise où nous investissons, nous faisons une intervention de formation économique des travailleurs. Nous donnons à un groupe d'une vingtaine de travailleurs un cours de deux jours, avec les états financiers de l'entreprise.
C'est un cours d'Economics 101. Qu'est-ce qu'un bilan? Qu'est-ce qu'un état de revenus et dépenses? On parle de notions de base de productivité. On dit que le mot «profit» is not a four-letter word, que c'est un mot sain, qu'une entreprise faisant des profits sera capable de payer de bons salaires. Une entreprise à profit va pouvoir moderniser son équipement et être plus compétitive et plus productive sur la scène nord-américaine. À la fin de la journée, le président de la compagnie vient répondre aux questions des gens. On fait cela, que les gens de l'entreprise soient syndiqués ou non. On pense que cette activité du Fonds de solidarité, qui est très particulier chez nous, a probablement changé les mentalités et des patrons et des employés, et sûrement du monde syndical. Bien sûr, le Fonds est un fonds de travailleurs. C'est la FTQ, la Fédération des travailleurs du Québec qui en a la maîtrise d'oeuvre.
Le Fonds lui-même a changé le milieu syndical au Québec. Alors que le Québec, dans les années 1970, détenait dans le monde occidental le championnat des jours-personnes perdus en raison de conflits de travail, ou était au deuxième rang, dans les deux dernières années, le Québec est l'un des deux meilleurs pays de l'OCDE en termes de jours perdus.
Il y a une foule de raisons à ça, mais la transformation des mentalités et du climat social dans une société est importante pour la productivité de nos entreprises. Souvent, les compliments ne viennent pas toujours d'où on le souhaite, mais ce sont les gens du Conseil du patronat et même de la Chambre de commerce, qui a toujours appuyé l'existence du Fonds de solidarité, qui disent que c'est l'un des rôles les plus importants du Fonds de solidarité. C'est un rôle dont on ne parle peut-être pas assez. J'allais dire que we don't like to brag. On n'a pas encore fait la révolution culturelle dans notre économie, mais c'est un rôle fondamental qui est très important dans notre société.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Levi, voulez-vous répondre à cette question?
M. David Levi: Malheureusement, j'avais mal compris votre horaire et j'ai un rendez-vous auquel je dois me rendre. Je croyais que la séance se terminerait à 10 h 30. Je vous présente donc à tous mes excuses et je vous remercie de nous avoir permis de témoigner devant vous. Le vice-président de notre fonds est dans la salle, si vous avez des questions à poser sur ce sujet. Encore une fois, je vous prie de m'excuser, j'avais mal compris l'horaire.
La présidente: Je vous en prie. Merci.
Madame Lalonde, avez-vous terminé?
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'aimerais illustrer l'importance de votre rôle. Quand BioChem a eu des problèmes, vous avez joué un rôle déterminant dans ce qui est maintenant l'un des success stories de l'industrie biopharmaceutique au Canada.
M. Raymond Bachand: Le Fonds intervient souvent dans le cas d'entreprises qui vont peut-être disparaître ou dont les sièges sociaux vont disparaître. BioChem Pharma est d'ailleurs un bel exemple d'une entreprise aujourd'hui. Je pense que vous connaissez tous BioChem Pharma. Il y a capitalisation boursière de plus de 3 milliards de dollars. C'est l'un des leaders dans la recherche de médicaments contre le sida et l'hépatite. BioChem Pharma, c'était quelques employés. C'était un spin-off universitaire. J'étais administrateur du Fonds et les gens pensaient qu'on payait trop cher pour BioChem Pharma étant donné les risques. Le Fonds intervient souvent pour tenter... Il faut développer notre économie et créer de l'emploi chez nous.
Maintenant, les acquisitions étrangères sont parfois bonnes. Parfois elles peuvent être saines pour l'économie, si un Softimage est acheté par Microsoft. Le problème pour nos sociétés exportatrices, c'est d'accéder rapidement à des réseaux de distribution mondiaux qui prendront leurs produits et les exposeront. Parfois, il vaut peut-être mieux être une division internationale. On veut peut-être ouvrir une usine d'ordinateurs, nous tous, mais il vaut peut-être mieux avoir IBM à Bromont. Je pense qu'on va mieux réussir dans le monde.
Il ne faut pas critiquer les acquisitions étrangères. Elles ne sont pas toutes mauvaises et elles permettent parfois à nos sociétés d'accéder au marché international. Mais quand on a la chance d'avoir des sièges sociaux et qu'on est capable de les développer et d'être l'acquéreur plutôt que l'acquis, le développeur plutôt que le développé, il ne faut pas manquer ces occasions.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Monsieur McEwen.
M. John McEwen: J'aimerais reprendre les propos de mon collègue sur les changements d'attitude, la formation, etc. Nous venons à peine de faire nos premiers pas dans cette direction. Le Fonds de solidarité est rendu bien plus loin que nous dans ce domaine, mais nous avons formé dans notre province 23 agents qui seront ainsi mieux en mesure de comprendre les questions financières, leurs relations avec la productivité des emplois, etc. Nous avons également un programme de sensibilisation dans les diverses collectivités, que ce soit auprès des syndicats ou des entreprises.
Les membres du comité pourront consulter les coupures de presse que j'ai amenées. Dans l'une d'entre elles, on dit que la Banque nationale et le fonds du Nouveau-Brunswick sont en train d'élaborer une relation, une alliance stratégique. Cette alliance apportera certains changements fondamentaux à notre économie et, nous l'espérons, suscitera une perception différente, une démarche différente. C'est un processus d'apprentissage auquel nous sommes fermement attachés. L'annonce de cet événement faisait immédiatement suite à une autre annonce, celle de la fusion des deux autres banques.
Je puis vous assurer qu'au Nouveau-Brunswick, notre participation n'a pas soulevé de tollé au sein de la population. Il faut sensibiliser les petites et moyennes entreprises, qui sont surtout représentées par la Fédération de l'entreprise indépendante. Ces entreprises nous font bon accueil et travaillent avec nous en étroite collaboration. Cette nouvelle dynamique permet d'établir des liens différents.
Nous espérons suivre les traces du Fonds de solidarité. Dans le domaine de la formation et de l'éducation, pas seulement au sein de son propre groupe, mais dans toute la province, le fonds a joué un rôle important au Québec. Nous admirons le travail qu'il a accompli et nous espérons suivre de près son exemple au fur et à mesure de notre expansion. C'est sans doute là l'un des principaux avantages des fonds de capital-risque de travailleurs.
La présidente: Madame Brown.
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bonjour.
Je ne vais pas parler des décisions que vous devez prendre à l'interne, à titre de directeurs de ces fonds. Vous savez ce que vous faites, je vous fais confiance. Je m'attacherai plutôt au fait que vous voudriez que nous exercions des pressions auprès du ministre des Finances pour renverser cette règle des 5 000 $, celle des 20 p. 100. N'est-ce pas là l'objet de cette réunion?
Un témoin: Oui.
Mme Bonnie Brown: D'accord. Je vais essayer de voir où vous vous situez par rapport aux autres intervenants.
• 1045
Sauf erreur de ma part, en 1995, des questions ont été posées
sur la part de vos investissements dans des banques ou dans des
valeurs mobilières gouvernementales pour lesquels un allégement
fiscal ne se justifiait pas. J'ai l'impression que c'est une des
raisons pour lesquelles ces changements ont été apportés en 1996,
pour vous inciter à investir ailleurs ou risquer de perdre vos
avantages fiscaux.
Est-ce que vous pensez comme moi que c'est la raison pour laquelle ces changements ont été apportés, ou est-il possible que ce soit d'autres acteurs n'ayant pas vu d'un très bon oeil votre arrivée sur les marchés financiers qui ont exercé des pressions pour que cet avantage fiscal dont vous jouissiez depuis quelques années soit supprimé ou pour le moins réduit?
Je pense à l'article de Corcoran. S'il est contre vous, je suis avec vous.
J'ai l'impression qu'il y a des gens pour qui vos 15 p. 100 c'est encore trop et qui ne manqueraient pas de se manifester si vous retrouviez vos 20 p. 100. Qui sont ces gens? Est-ce que je me trompe?
M. Raymond Bachand: Pas vraiment. Bien entendu, la tentation de psychanalyser la décision du ministère des Finances est forte, mais il est probable que tous ces éléments, tous ces facteurs ont joué un rôle, plus bien entendu le déficit du gouvernement. À l'époque il n'était question que de compressions budgétaires, et ce programme, je crois, coûtait beaucoup d'argent alors que l'Ontario était en pleine croissance et n'exerçait aucun contrôle sur l'expansion de ces fonds.
Mme Bonnie Brown: Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je veux savoir si d'après vous il y a des gens qui s'élèveraient contre ce retour aux 20 p. 100, des gens dont les sources de capitaux sont les mêmes que les vôtres.
M. Raymond Bachand: Il y a des gens qui feraient tout pour l'empêcher. Certainement. Il y a des gens qui d'une manière générale estiment que le gouvernement ne devrait en aucune circonstance accorder des crédits d'impôt. C'est la catégorie de gens qui regroupent le Fraser Institute et tous ceux qu'ils influencent dans la communauté. Il nous faut respecter leur opinion, mais bien entendu...
Mme Bonnie Brown: Ils adorent les REER.
M. Raymond Bachand: ...les fonds de capital-risque de travailleurs sont quelque chose d'unique au Canada. Il n'y en a nulle part ailleurs dans le monde.
Mme Bonnie Brown: Vous n'avez pas à les défendre. Je suis tout à fait pour.
M. Raymond Bachand: Je comprends.
Mme Bonnie Brown: L'autre chose qui m'intéresse c'est cette association. Est-ce que la CVCA est l'association qui regroupe tous les fonds qui essaient de réunir des capitaux de risque ou est-elle strictement limitée aux fonds de travailleurs?
M. Raymond Bachand: La Canadian Venture Capital Association regroupe tous...
Mme Bonnie Brown: Tout le monde.
M. Raymond Bachand: ...les capitaux de risque.
Parmi les fonds de capital-risque de travailleurs il y a pour l'essentiel une association regroupant les cinq fonds qui sont— nous sommes enregistrés, je dois peser avec soin mes mots—de véritables fonds de travailleurs, à savoir, des fonds dans lesquels les syndicats sont réellement présents. Ce sont des fonds réellement financés par les travailleurs. C'est la raison pour laquelle nous nous présentons toujours ensemble et ce depuis déjà un certain nombre d'années.
Mme Bonnie Brown: Il existe 20 fonds de capital-risque de travailleurs. Vous en représentez cinq.
M. Raymond Bachand: C'est exact.
Mme Bonnie Brown: Est-ce que vous avez une autorité quelconque qui vous permette de représenter tous les autres?
Une voix: Oui.
Mme Bonnie Brown: C'est ce que je ne comprends pas. Est-ce que vous avez votre propre association et a-t-il été décidé que c'était la position que tous ces fonds défendraient ou représentez-vous simplement les cinq fonds ici présents?
M. Raymond Bachand: Je ne peux pas vous répondre parce que tous les autres sont en Ontario, pour l'essentiel.
Mme Bonnie Brown: Oh. D'accord.
M. Ken Delaney: La situation varie d'une province à l'autre. Dans toutes les provinces à l'exception de l'Ontario il existe un seul fonds fruit d'un accord entre la principale centrale syndicale de la province, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. En Ontario, la décision a été prise de laisser la porte ouverte, il n'y a pas de fonds unique créé par l'instance syndicale centrale et tout investisseur en capital-risque qui trouve un syndicat décidé, aussi petit soit-il, peut créer un fonds.
À mon avis, les fonds originaux des autres provinces voulaient se distinguer de ces fonds parce qu'ils estimaient avoir un mandat relatif à la création d'emplois aussi bien que le mandat de vendre un investissement, et c'est pourquoi il était important pour eux d'avoir accès au crédit d'impôt, et de là, ils se sont dotés d'une déclaration de principes.
First Ontario est un fonds ontarien qui adhère à ces principes, et c'est pourquoi on nous a invités à nous joindre à ce groupe.
Les autres fonds de l'Ontario ont également une association. Nous en sommes membres aussi parce que notre fonds est d'origine syndicale et parce que nous sommes établis en Ontario.
• 1050
Jusqu'à présent, les activités de cette association portaient
essentiellement sur certaines questions relatives aux valeurs
mobilières et d'autres questions propres à l'Ontario. Mais ce
groupe est un sous-ensemble de la Canadian Venture Capital
Association. D'ailleurs, l'un des membres du comité de direction de
l'association ontarienne est président de la Canadian Venture
Capital Association.
J'aimerais répondre à votre première question. À mon avis, on peut dire que les investisseurs en capital-risque du Canada, aussi bien ceux qui traditionnellement empruntaient aux institutions prêteuses que ceux qui ont pris part à la création d'un fonds de travailleurs, reconnaissent que l'on manque de capitaux. De manière générale, les caisses de retraite se sont éloignées du marché du capital-risque. Sans les fonds de travailleurs, aussi bien les données de Mary Macdonald que les faits non scientifiques qui vous seront communiquées par n'importe quel membre de la Canadian Venture Capital Association confirment que sans les fonds de travailleurs, on serait aux prises avec une crise majeure.
Donc le fait que le groupe de l'Ontario soit favorable au plafond de 5 000 $ et à la restauration du crédit d'impôt, et le fait qu'un membre de la Canadian Venture Capital Association, en fait son président, siège à ce comité, répondent à votre question de savoir qui est pour et qui est contre.
Le fait est que les fonds de travailleurs n'empruntent pas aux institutions, ils ne sont donc pas en concurrence avec les autres investisseurs en capital-risque qui sont à la recherche d'argent frais. Traditionnellement, ces investisseurs empruntent aux institutions prêteuses, je ne crois donc pas qu'ils considèrent les fonds de travailleurs comme des concurrents. Chose certaine, les faits démontrent que la demande pour le capital-risque au stade intermédiaire de l'investissement est telle que le flux d'affaires ne souffre pas. Oui, il y a des gens qui s'opposent à cela, mais comme Raymond l'a dit, je crois, il s'agit essentiellement de personnes qui croient que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans l'orientation de l'activité économique, et que tout crédit d'impôt, qu'il s'agisse d'une allocation pour les dépenses en immobilisations ou de quoi que ce soit d'autre, crée des distorsions sur le marché.
Mme Bonnie Brown: Votre explication est très nette, merci.
La présidente: Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. Je voulais seulement avoir l'avis du groupe sur une question.
Il y a quelques années, le Comité de l'industrie pensait que certains fonds de capital-risque ne se conformeraient pas aux règles. Nous avons tâché d'éviter les pénalités et tout le reste, et on avait recommandé entre autres que le crédit d'impôt fédéral pour l'investissement soit alloué aux fonds selon leur rendement. Si je vous comprends bien, si je comprends bien ce que disent certains groupes d'investisseurs en capital-risque, on pénalise votre groupe parce que certains fonds de capital-risque ne se conforment pas et sont pénalisés, et ce sont ceux-là qui font le plus de bruit et non pas les fonds de capital-risque qui sont bien gérés. À vous entendre, c'est ce que j'ai compris.
À votre avis, est-ce que ce serait une bonne chose que le gouvernement procède de cette façon? Autrement dit, presque tout serait fonction du rendement. Si vous réussissez à réunir de l'argent et que vous l'utilisez bien, vous devriez pouvoir investir davantage et obtenir davantage de crédits d'impôt. Quelque chose du genre. Ainsi, on ne pénaliserait pas tout le monde, seulement ceux qui appliquent mal les principes.
M. Ken Delaney: À notre avis, ce problème a été largement réglé. Il a été réglé province par province. Je laisserai à Raymond le soin de dire ce qui se fait au Québec, mais je crois savoir que dans la plupart des provinces où il n'existe qu'un seul fonds, on travaille au niveau provincial en étroite collaboration avec les responsables de l'industrie. On définit à ce niveau ce que sont les objectifs de la politique gouvernementale.
En Ontario, à mon avis, le problème, c'est qu'il y a un fonds qui s'est doté d'une capacité de réunir des capitaux qui excédait sa capacité à les investir. Je pense que ce problème a été réglé par le nouveau règlement provincial. Donc, à notre avis, il existait un problème, mais ce problème a été réglé par les nouveaux règlements.
M. Raymond Bachand: Je suis d'accord avec Ken pour dire que le problème réglementaire n'existe plus. On l'a réglé en adoptant des règles strictes dans chaque province. La question de savoir combien de capitaux ces fonds doivent réunir tient davantage à la politique gouvernementale. À en croire l'étude de Mary Macdonald, il y aura bientôt une pénurie de ce côté.
• 1055
Les décisions qu'on prendra dans le prochain budget
détermineront essentiellement l'exercice financier de 1999. Il faut
donc avoir une perspective à moyen terme ici. S'il y a un manque à
gagner de 750 millions de dollars par année, 1998 ne posera pas de
problème; ce sont 1999 et l'an 2000 qui poseront le problème. Pour
ce qui est de la limite de 5 000 $, particulièrement pour tous les
fonds qui réunissent leur argent en passant par des courtiers, il
y a plusieurs signes dans l'industrie du courtage qui indiquent que
la limite de 3 500 $ est trop peu élevée. C'est une des choses qui
les empêche de réunir des capitaux.
M. Walt Lastewka: Je n'aurai pas besoin de beaucoup de temps pour ma prochaine question. Je me trompe peut-être dans mes calculs, mais les fonds de capital-risque de travailleurs comptent pour plus de la moitié—je crois que c'est 52 p. 100—du capital—risque investi au Canada. Mais je crois savoir que votre groupe compte pour environ 30 ou 35 p. 100. Est-ce exact?
M. Raymond Bachand: Nous regroupons environ les deux tiers des fonds de travailleurs du Canada, vous avez donc à peu près raison, c'est deux tiers de 50 et quelque pour cent.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: J'ai deux questions. Il n'y a aucun rapport entre elles.
Je ne connais pas l'étude de Mary Macdonald, je n'en ai qu'une vague idée. Pour ce qui est de ma première question, pouvez-vous nous dire en quelques mots si, à votre avis, il existe une pénurie de capital-risque au Canada, si l'on prend en compte l'ensemble de la situation? Quelle devrait être la proportion du capital-risque par rapport au produit national brut?
M. Raymond Bachand: Je ne peux pas vous donner de statistiques au pied levé, mais je crois que le Canada est encore loin derrière les États-Unis quant à la proportion du capital-risque par rapport au PNB, ou peu importe comment on interprète les statistiques.
M. Werner Schmidt: Oui, peu importe.
M. Raymond Bachand: Je crois aussi qu'il s'agit vraiment de prendre des mesures de précaution au cas où les fonds de travailleurs disparaissent. Par exemple, si vous abolissez les crédits d'impôt au Québec, par exemple, et en Colombie-Britannique, il ne restera plus pour le capital-risque de la Caisse de dépôt, et ce sera tout.
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas ce que je voulais aborder.
M. Raymond Bachand: Je sais. J'ai profité de l'occasion pour...
Nous sommes encore loin derrière les États-Unis, par exemple, pour ce qui est du capital-risque investi dans la biotechnologie et la technologie.
M. Werner Schmidt: D'accord.
Ma deuxième question est très simple, c'est une question pratique. D'abord, pendant combien de temps investissez-vous votre capital-risque dans une entreprise, et selon quels critères quittez-vous une entreprise?
M. Raymond Bachand: Nous tâchons d'investir notre capital- risque dans des entreprises à long terme, mais bien sûr, au départ...
M. Werner Schmidt: Pour combien de temps?
M. Raymond Bachand: De cinq à dix ans.
M. Werner Schmidt: D'accord.
M. Raymond Bachand: Au départ, on négocie comme qui dirait la clause de divorce. On espère bien sûr investir pour 13, 14 ou 15 ans, parce que nous investissons à la deuxième et à la troisième étape jusqu'au moment où les marchés financiers peuvent prendre la relève et investir dans l'entreprise. Tout dépend du rythme de croissance de l'entreprise. Cela peut se faire au bout de trois ans. Cela peut se faire aussi au bout de dix ans.
M. Werner Schmidt: Le critère déterminant est-il le moment où les marchés publics prennent le contrôle de la société?
M. Raymond Bachand: Il existe deux ou trois stratégies de sortie dont la plus fréquente est la vente de la société.
Soit le marché public prend le contrôle de la société, soit celle-ci est vendue; c'est sans doute la deuxième méthode qui est la plus utilisée dans le cas du capital-risque. Si la société se porte très bien, mais qu'elle ne connaît pas un fort taux de croissance, et si elle était très rentable, le propriétaire peut la racheter, ce qui constitue la troisième porte de sortie. Si la société se porte très bien et qu'elle prend de l'expansion, il lui faut plus de capitaux.
M. Werner Schmidt: C'est juste.
La présidente: Monsieur Delaney, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Ken Delaney: J'allais simplement vous parler de la troisième porte de sortie, mais M. Bachand l'a déjà fait.
La présidente: Très bien, je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur Schmidt.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: L'un des témoins a mentionné le fait que les sociétés ciblées étaient syndicalisées dans une proportion d'environ 62 p. 100.
M. Raymond Bachand: De nos 300 000 actionnaires, je crois que 62 p. 100 sont syndiqués et 37 p. 100 ne le sont pas.
M. Alex Shepherd: De vos...
M. Raymond Bachand: De nos 150 investissements directs, la moitié sont des entreprises syndiquées et l'autre moitié ne le sont pas. Des 600 entreprises dans lesquelles les autres fonds ont investi, je dirais qu'environ 90 p. 100 sont syndiquées pour ce qui est des petites entreprises.
M. Alex Shepherd: Si l'on prend votre portefeuille d'investissement total, environ 50 p. 100 des entreprises seraient syndiquées...
M. Raymond Bachand: Non, le pourcentage serait beaucoup moins élevé. La moitié des 150 entreprises dans lesquelles nous investissons directement sont syndiquées. Nous investissons dans 600 entreprises par l'intermédiaire de nos fonds technologiques, de nos fonds régionaux et de nos fonds locaux; 95 p. 100 des investissements sont consentis dans des entreprises non syndiquées parce que la plupart d'entre elles sont des petites entreprises.
M. Alex Shepherd: Cela m'a toujours intrigué. Pourquoi dans ce cas y a-t-il un lien avec les syndicats? Quel avantage cela représente-t-il pour votre organisme?
M. Raymond Bachand: La Fédération du travail du Québec a fait remarquer dès le départ que si l'économie ne crée pas des emplois à long terme—c'était après la récession—, il ne pouvait y avoir de syndicats. Les syndicats québécois ont changé leur façon de voir les choses—la FTQ et la CSN ont mis un certain nombre d'années à le faire—et ils se rendu compte que la responsabilité première du mouvement syndical au Québec était de s'assurer que l'économie fonctionne, que des emplois sont créés et que la récession prend fin. Les forces du marché agiront ensuite que les entreprises soient syndiquées ou non.
M. Alex Shepherd: Je m'interroge au sujet de cette opposition entre vieille économie et nouvelle économie. Pour plusieurs raisons, il arrive souvent que les nouvelles sociétés soient d'abord syndiquées. Je me demande si cela a une incidence sur vos décisions en matière d'investissement.
M. Raymond Bachand: Toutes les entreprises appartenant à la nouvelle économie sont non syndiquées et cela ne nous pose pas de difficultés. Ce qui influerait sur nos décisions d'investissement, cependant, ce serait s'il y avait un changement à cet égard dans le secteur traditionnel. Nous étudierions alors la situation de très près comme nous le faisons dans le cas de Tripap, la société de pâtes et de papier où travaillent 500 de nos membres, des travailleurs dans la cinquantaine et la soixantaine qui sont très expérimentés. Nous avons étudié de très près la situation puisqu'elle découlait d'une réduction des effectifs dans l'industrie des pâtes et papier qui est une industrie très cyclique.
Mais le fait que l'entreprise soit syndiquée ou non n'influe pas... nous effectuons une vérification sociale très spéciale dans les entreprises où nous investissons qu'elles soient syndiquées ou non. Nous n'investissons évidemment pas dans les entreprises dont la direction ne respecte pas les lois fondamentales du travail, ni dans les entreprises qui oeuvrent sur le marché noir. Nous n'investirions pas dans les sociétés de ce genre.
La situation est plus délicate si nous investissons dans une entreprise non syndiquée qui fait concurrence à des entreprises syndiquées. Cela s'est déjà produit. Une décision d'investissement de ce genre suscite de la controverse, mais elle a déjà été prise.
Fort heureusement, la plupart du temps, des entreprises canadiennes dans lesquelles nous investissons ont un marché local, mais si elles vendent 75 p. 100 de leur production sur le marché d'exportation, c'est une bonne raison de les appuyer. Ces sociétés ont un marché local. Nous essayons d'aider les sociétés de ce genre qui cherchent à percer sur le marché américain.
M. Ken Delaney: Notre lien avec les syndicats est extrêmement important et je crois que c'est d'ailleurs l'un de nos plus grands atouts. Comme dans le cas du Fonds de solidarité, cela nous aide à réunir des capitaux. Nous prenons des gens dans les ateliers, nous les formons et nous les aidons à acquérir un permis de vente et ils retournent sur le marché du travail et vendent des actions dans First Ontario. C'est la façon dont nous réunissons 60 p. 100 de nos capitaux.
Nous avons l'appui des syndicats parce qu'ils estiment que notre fonds comble des lacunes sur le marché des capitaux afin de créer des emplois. Les syndicats nous aident également à trouver des entreprises dans lesquelles investir.
Il y a une société de ce genre à Ottawa qui s'appelle IS2. Elle fabrique un important bien d'équipement, «une caméra à scintillation numérique», dont on se sert en médecine nucléaire. Nous avons investi dans la société de recherche qui conçoit et distribue cette caméra. IS2 ne la fabrique pas. C'est une entreprise syndiquée d'Ottawa qui la fabrique. C'est par l'entremise du syndicat que nous avons su que c'était une entreprise dans laquelle nos pouvions investir. C'est un très bon produit. L'entreprise créera beaucoup d'emplois, elle vise le marché d'exportation, son produit va permettre d'abaisser les dépenses de santé et nous avons appris son existence par l'entremise du syndicat.
Nous cherchons également à investir dans une entreprise de la péninsule du Niagara qui n'a pas encore rouvert ses portes. Nous avons conclu une entente et nous attendons un prêt bancaire pour ouvrir l'usine. Nous ferons une annonce d'ici deux ou trois semaines. C'est le syndicat qui nous a parlé de cette possibilité d'investissement.
Notre lien avec les syndicats est donc très important et nous y tenons beaucoup.
• 1105
À mesure qu'évolue le domaine des relations de travail et
qu'il devient plus complexe, les syndicats collaborent souvent avec
la direction d'une entreprise et connaissent ses besoins en
capitaux. À notre avis, c'est une relation vraiment synergétique.
La présidente: Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup appris.
J'aimerais vous poser une seule question et peut-être que vous pourriez conclure en y répondant.
Monsieur Delaney, vous avez dit que la réglementation avait réglé le problème. Je ne suis pas souvent d'accord avec Terence Corcoran. Cela étant dit, je me demande vraiment si le problème est réglé lorsque non pas votre fonds, mais Working Ventures Fund est passible d'une amende maximale de 100 millions de dollars. Je présume que l'information contenue dans cet article est juste.
Le problème auquel faisait face le plus important fonds de l'Ontario est-il réglé ou continue-t-il de se poser?
Ce problème va-t-il s'aggraver dans l'avenir comme le laisse entendre cet article?
M. Ken Delaney: Je dis que le problème est réglé dans la mesure où la réglementation fait en sorte qu'il serait très imprudent et presque impossible à un fonds de réunir plus de capitaux plus qu'il ne peut en investir. C'est donc dans ce sens que je dis que le problème est réglé.
La situation dans le cas de Working Ventures demeure la même.
La présidente: Très bien.
M. Ken Delaney: Je ne sais pas ce qu'il faut faire. Ils ont déjà réuni les capitaux.
La présidente: Le problème est donc réglé pour ce qui est des nouveaux capitaux-risque. Le problème se pose toujours à l'égard d'un ancien fonds et il finira par se régler.
Nous vous remercions de vos exposés. Je crois que Mme Brown a parlé d'une des questions sur lesquelles nous nous pencherons bientôt, c'est-à-dire le prochain budget.
Si vous avez des remarques à faire à ce sujet, allez-y.
M. Ken Delaney: J'ai deux remarques seulement à faire.
En ce qui touche Working Ventures, il a été proposé qu'on modifie la réglementation pour permettre aux gens de transférer leur argent d'un LSIF à un autre sans pénalité fiscale. Cela contribuerait peut-être à régler le problème même si on ne réunit pas de nouveaux capitaux.
Même si beaucoup de gens aimeraient qu'on attende encore un peu plus avant d'agir pour voir quel sera l'impact à long terme de la réduction du crédit d'impôt sur notre capacité à réunir des capitaux et à remplir notre mandat qui est de combler les lacunes du marché des capitaux et de créer des emplois, un changement dans le prochain budget n'aura aucun incidence avant 1999. Si on attend jusqu'au budget suivant, nous nous retrouverons à l'an 2000, et d'après les recherches de Mary Macdonald et d'après ce que nous disent tous les intéressés, nous ferons alors face à une crise. Je voulais simplement vous le signaler.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Bachand ou monsieur McEwen, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. John McEwen: Il convient que le mot de la fin revienne au plus important et au plus ancien fonds d'investissement des travailleurs au Canada. Je suis sûr que tout le monde partage mon avis là-dessus.
À notre avis, même si la réglementation règle le problème, il continuera à se faire sentir. Les médias vont continuer de soulever la question et il faut s'y attendre. Nous devons régler le cas des Terence Corcoran qui ont des oeillères, et nous pourrons le faire si vous nous donnez les outils voulus.
J'ai vu un jour un slogan dans une entreprise. Quelqu'un l'avait affiché pour rire. Le slogan était celui-ci: «Les raclées vont continuer jusqu'à ce que le moral des troupes s'améliore». Si nous pouvions retourner en arrière, ce qu'ont proposé les cinq fonds que vous avez entendus aujourd'hui c'est un processus réglementaire auquel il faudrait se conformer. Il serait impossible de constituer un fonds d'investissement des travailleurs seulement parce qu'un syndicat composé de 10 à 20 personnes est prêt à vous appuyer.
• 1110
Ce n'est cependant plus possible. Il faudra nous contenter du
régime que nous avons. Nous aimerions être en mesure au Nouveau-
Brunswick de mettre à la disposition des petites et moyennes
entreprises les investissements qui leur permettront de croître et
qui permettront de renforcer l'économie. Si nous faisons progresser
le portefeuille et encourageons ces entreprises, nous aiderions
beaucoup l'économie du Nouveau-Brunswick. Je crois que ce comité
peut jouer un grand rôle en faisant bouger ce portefeuille et en
changeant les paramètres. Nous pourrons ensuite ne pas tenir compte
du slogan «Les raclées continueront jusqu'à ce que le moral des
troupes s'améliore», parce que cette méthode est inefficace.
Nous avons besoin de votre aide et j'espère que vous nous appuierez là où cela compte. Vous aiderez ainsi le Nouveau- Brunswick. Il n'y a pas de représentants du Nouveau-Brunswick ici aujourd'hui, mais je peux vous assurer que ce sera le cas et que nous l'apprécierons. Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur McEwen.
Monsieur Bachand.
M. Raymond Bachand: Je ne ferai pas de conclusion, mais je ferai deux remarques. Je vous remercie d'abord de nous avoir accueillis.
Notre institution canadienne n'a pas son équivalent dans le reste du monde. Des gens des quatre coins du monde viennent à Montréal pour se renseigner à son sujet. Comment cela se peut-il? Je ne peux pas croire que les syndicats créent des fonds d'investissement. En aidant le contribuable, je crois que les gouvernements permettront à long terme aux sociétés canadiennes de jouir d'un avantage concurrentiel et d'avoir accès à des capitaux. C'est important étant donné que notre principal concurrent sont les États-Unis d'Amérique et leurs établissements financiers.
Voici ma deuxième remarque. Je vous prie de résister à la tentation d'adopter à l'échelle fédérale une réglementation qui s'appliquerait dans tout le Canada. Ce genre d'institution est réglementée en Colombie-Britannique, au Manitoba et dans notre province. L'Ontario a maintenant résolu le problème et s'est donné un bon régime. Je sais que certains seraient tentés d'uniformiser la réglementation à l'échelle nationale, mais je pense que ce serait une grave erreur.
Je vous remercie beaucoup.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Au nom du comité, je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
La séance est levée jusqu'à 15 h 30. Nous siégerons alors dans une autre salle, soit la salle 253-D de l'édifice du Centre. Je vous remercie beaucoup.