INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 10 février 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la préparation de la technologie de l'information en vue de l'an 2000.
Le Comité de l'industrie a le plaisir d'accueillir M. Monty et M. Desfossés, du Groupe de travail de l'an 2000. Si vous avez des commentaires préliminaires à faire, allez-y.
M. Jean C. Monty (président, Groupe de travail de l'an 2000): Bonjour.
[Français]
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, madame la présidente, de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Je suis très heureux d'être ici. Je constate avec plaisir que vous avez déjà commencé à donner suite à nos principales recommandations, que vous vous êtes déjà ralliés à notre cause et que vous avez décidé de jouer un rôle de premier plan pour que le Canada retire un avantage concurrentiel du défi de l'an 2000.
Je voudrais, cet après-midi, répondre au plus grand nombre de questions possible et je limiterai donc mon exposé au strict minimum, c'est-à-dire à quelques-uns des jalons et thèmes de notre rapport.
[Traduction]
L'été dernier, le ministre Manley a créé le Groupe de travail de l'an 2000, constitué de chefs de la direction d'entreprises des principaux secteurs industriels du Canada. Il lui a demandé d'examiner l'état de préparation de l'industrie canadienne, puis de lui présenter des avis sur la façon d'atténuer le risque informatique et de tirer parti de notre position de chef de file dans le dossier de la préparation. Nous avons immédiatement entrepris, de concert avec Statistique Canada, une enquête sur l'état de préparation des entreprises pour l'an 2000. Les résultats sont éloquents. Bien que plus de 90 p. 100 des entreprises soient conscientes du défi de l'an 2000, seulement 50 p. 100, environ, semblent avoir pris des mesures pour le relever. Seulement une entreprise sur dix, 10 p. 100, a adopté un plan d'action officiel pour régler le problème.
Ce manque de planification n'est pas le fait uniquement des PME, car une grande société sur deux ne s'était pas attaquée au problème de façon systématique. À la lumière de ces constatations, le Groupe de travail a conclu que le problème était à la fois grave et urgent. Dans les circonstances, nous avons décidé de publier notre rapport quatre mois avant la date prévue, soit le 3 février, plutôt qu'à la fin de mai, comme on en avait convenu avec le ministre Manley.
[Français]
Le rapport du Groupe de travail est le fruit d'un effort collectif. Avec l'aide de nos chefs de la direction, les p.-d.g. du Groupe de travail, nous avons comparé et résumé nos stratégies—les stratégies des entreprises que nous dirigeons—à l'égard du défi de l'an 2000 dans le but d'aider les autres entreprises à mieux se préparer et afin de leur permettre d'éviter certaines des erreurs appréhendées et aussi de réduire leurs coûts.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec des partenaires de choix qui sont bien placés pour répondre à un certain nombre de questions soulevées dans le rapport.
[Traduction]
Parmi ces partenaires, il y avait le Conference Board du Canada. Les résultats initiaux du Conference Board du Canada montrent que les entreprises gagneront un avantage concurrentiel non négligeable de leur état de préparation. Toutefois, si bien préparées que soient ces entreprises, elles doivent se prémunir contre celles qui ne le sont pas. Les sociétés dépendent de leurs fournisseurs ou de leurs intermédiaires pour une grande variété de services et de produits. Les fournisseurs non préparés pourraient compromettre le fondement même de leur compétitivité et mettre en péril la chaîne d'approvisionnement nationale. Dans certains cas, il pourrait en résulter la faillite de l'entreprise.
C'est pourquoi le Groupe de travail encourage fortement les sociétés à s'interroger sur l'état de préparation de leurs partenaires commerciaux si elles désirent tirer tout le profit possible de leur degré de préparation.
L'ACTI comptait également parmi nos partenaires. Afin de comprendre les réactions de nos partenaires commerciaux et de nos compétiteurs devant le défi de l'an 2000, et pour tirer des leçons de leur expérience, le Groupe de travail a demandé à l'Association canadienne de la technologie de l'information, aussi appelée ACTI, d'entreprendre une enquête approfondie sur les initiatives nationales des divers pays du monde à l'égard de l'an 2000.
L'ACTI en arrive à la conclusion que même si les efforts de la plupart des États se multiplient, les pays les mieux préparés sont encore ceux qui misent sur un solide partenariat entre l'industrie et les pouvoirs publics afin d'user de toutes les influences possibles pour transformer la sensibilisation en action. À l'examen des pratiques adoptées à l'étranger, le Groupe de travail conclut que les pays qui ont su créer la synergie entre le secteur privé et le secteur public sont ceux qui semblent le mieux réussir.
• 1535
Notre examen fiscal a aussi attiré l'attention sur les
autorités publiques et privées, ou l'interface affaires-gouvernement, qui
semblent les plus aptes à stimuler la préparation
à l'an 2000. Dans le secteur privé, ce sont apparemment les
banquiers, les assureurs, les vérificateurs et les commissions de
valeurs mobilières, de même que les associations d'entreprises
nationales, qui sont les plus actifs. Dans le secteur public, on a
jugé que les organismes de réglementation, les législateurs et les
dirigeants politiques étaient les intervenants les plus dynamiques
pour accélérer la préparation à l'an 2000.
Notre rapport est intitulé Appel à l'action. Il s'agit d'un appel urgent qui s'adresse directement aux chefs d'entreprises. La plupart des cadres supérieurs au Canada savent qu'il y a un problème à régler, mais la majorité d'entre eux n'ont toujours pas pris conscience de son ampleur ni des conséquences possibles pour leur entreprise. Notre message est que sans un plan d'action en bonne et due forme—et je souligne les termes «en bonne et due forme»—pour régler le problème, ils pourraient bien ne jamais voir ce qui les a frappés avant qu'il ne soit trop tard.
Notre première recommandation s'adresse aux propriétaires ou dirigeants d'entreprises qui n'ont pas adopté de plan d'action officiel. Nous les prions instamment de le faire immédiatement. Le temps fuit rapidement et l'échéance n'est pas négociable. Pour certains, d'ailleurs, il est peut-être déjà trop tard et leur préparation ne pourra être que partielle. En outre, il ne suffira pas qu'une entreprise fasse son propre ménage. Les sociétés n'agissent pas en vase clos, elles entretiennent des liens électroniques et commerciaux avec les gouvernements, les institutions financières, leurs associés, leurs clients et leurs fournisseurs—ici et à l'étranger, je le souligne.
La chaîne d'approvisionnement moderne s'étend du fournisseur jusqu'au client et dépend bien souvent des délais de livraison «juste à temps». Il suffit d'un maillon faible pour que la chaîne se brise.
La question ne revêt pas une importance cruciale seulement pour les entreprises: elle est devenue une priorité nationale. Nous estimons, même s'il incombe avant tout aux entreprises d'agir, qu'il ne faut négliger aucun moyen d'exhortation, étant donné la gravité de la situation. L'aide des institutions financières, des assureurs, des vérificateurs et des commissions de valeurs mobilières a été mise à contribution afin que ceux-ci usent de leur influence pour inciter les entreprises à agir. C'est ainsi qu'on a demandé aux institutions de crédit et aux assureurs d'insister pour obtenir un plan officiel avant d'accorder un prêt à leurs clients commerciaux.
Inspirés par l'approche dynamique et énergique du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), nous avons demandé aux organismes de réglementation d'intervenir par la persuasion dans la mesure du possible pour informer les sociétés avec lesquelles ils font affaire sur l'importance de la préparation à l'an 2000.
Nous avons demandé aux associations nationales de sensibiliser leurs membres au problème en diffusant de l'information et en faisant connaître les meilleures pratiques. Étant donné l'importance de notre commerce bilatéral avec les États-Unis, nous avons invité le Conseil canadien des chefs d'entreprises (CCCE) à examiner le défi de l'an 2000 et ses effets possibles sur les liens commerciaux stratégiques entre le Canada et les États-Unis. On prévoit d'organiser une conférence de haut niveau pour réunir des cadres supérieurs du Canada et des États-Unis afin de favoriser un débat sur ces liens commerciaux vitaux.
Afin de prévenir la pénurie de main-d'oeuvre compétente qui nous menace, le Groupe de travail recommande la création d'une catégorie spéciale d'emplois temporaires permettant aux personnes jouissant de compétences spécialisées sur la question de l'an 2000 d'intervenir. Comme stimulant à l'action, notamment au sein des PME, on propose également une taxe sans incidence sur les recettes.
Le Groupe de travail suggère également de reporter les modifications législatives ou réglementaires, dans la mesure du possible, dont la mise en oeuvre risquerait de priver les initiatives de l'an 2000 d'une partie de leurs ressources.
Conscient de l'influence globale de l'état de préparation du gouvernement sur le milieu des affaires, le Groupe de travail suggère aux gouvernements provinciaux de contrôler et de dévoiler l'état de préparation à l'an 2000 des administrations provinciales et municipales au moyen d'un mécanisme semblable à celui que votre comité ou le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a mis en place.
Enfin, afin de déterminer dans quelle mesure les entreprises répondront au défi et quels progrès ont été réalisés, le Groupe de travail recommande que Statistique Canada reprenne en avril 1998 une enquête semblable à celle réalisée.
• 1540
Même si notre mission est officiellement accomplie, les
membres du Groupe de travail sont loin de se laver les mains du
problème de l'an 2000. Le Groupe de travail prévoit de se réunir de
nouveau en mai afin d'étudier les résultats de la dernière enquête
de Statistique Canada sur l'état de préparation de l'industrie et
de dresser un bilan des mesures prises par les autorités
responsables pour mettre en oeuvre les recommandations du rapport.
Nous espérons sincèrement que d'ici là notre appel à l'action aura
été entendu et qu'il aura fait bouger.
En conclusion, je dois avouer que nous voulions que notre rapport donne l'idée «qu'il y a péril en la demeure» et que je suis enchanté de constater que vous avez répondu à notre appel avec ce même sentiment d'urgence. Je suis persuadé que, grâce à la direction énergique que vous exercez, votre comité jouera un rôle fondamental pour attirer l'attention du public sur la question de l'an 2000, sur les organismes qui agissent déjà et sur ceux dont les efforts sont encore insuffisants.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Monty.
Nous allons commencer par les questions de M. Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, messieurs, d'être venus cet après-midi. Cela fait plaisir de vous voir et de voir l'enthousiasme qui vous anime face à cette tâche.
J'aurais une ou deux questions à vous poser. La première devrait être facile et la suivante un peu moins. Qu'est-ce qu'une taxe sans incidence sur les recettes?
M. Jean Monty: Le plus facile est de vous répondre que... Habituellement, cela n'existe pas. Dans ce cas, nous suggérerions sans incidence à 99 p. 100.
Nous ne sommes pas experts en la matière, et je vais vous donner l'exemple d'une entreprise qui dépense 100 $ pour cette initiative en 1998. Le gouvernement pourrait lui permettre de calculer une dépense de 150 $ aux fins de l'impôt plutôt que de 100 $ et, en 1999, de déduire 50 $ de dépenses de ces dépenses réelles afin de récupérer les 50 $ qu'il a autorisé la société à dépenser en trop en 1998 aux fins de l'impôt. C'est en fait reprendre en 1999 ce qui a été donné en 1998.
L'idée est de voir comment une initiative gouvernementale de ce genre pourrait aider à ménager davantage de fonds pour les PME. Nous ne recommandons pas que cela soit fait pour les plus grosses sociétés, mais seulement pour les PME, afin de les aider à se financer et également de les y sensibiliser. Toute initiative fiscale de ce genre aidera les petites entreprises à s'intéresser à la question.
Notre recommandation porte à la fois sur une action sur le plan fiscal et un stimulant par le biais d'un financement sans intérêt. En fait, le gouvernement accorde un prêt sans intérêt de 12 mois par le biais de l'impôt sans que cela représente une somme considérable.
M. Werner Schmidt: Je pense que nous pourrions débattre de ce genre de principe pendant longtemps, mais j'aimerais poser mon autre question, qui est beaucoup plus délicate.
On parle de persuasion morale, d'encouragement, etc., afin de sensibiliser davantage les entreprises, et je trouve que c'est magnifique. Mais ensuite, vous suggérez qu'en mai vous vous réunissiez pour examiner le rapport statistique de Statistique Canada. Ainsi, tous ces gens-là viennent vous dire que oui, ils le font et qu'ils ont un véritable plan, qu'ils ont emboîté le pas et qu'en effet ils seront là en l'an 2000. Comment saurez-vous que c'est vrai?
M. Jean Monty: C'est une question en effet fondamentale. C'est d'ailleurs la première question que nous nous sommes tous posée. Quel est notre rôle à ce niveau? Quel est le rôle du Groupe de travail?
Après en avoir longuement débattu et discuté avant d'en arriver là, nous avons décidé qu'étant donné l'importance des initiatives nécessaires et l'ampleur et la complexité de la tâche, nous ne pouvions demander à quiconque d'autre ni à nous-mêmes de prendre la responsabilité des programmes de notre société, qu'il s'agisse de la Banque Royale, de Canadian Tire ou de n'importe quelle autre société au pays. Cette responsabilité devait être celle de la société elle-même. En fait, notre groupe de travail et peut-être votre comité pourraient montrer la voie, mais non pas être tenus de rendre des comptes. À notre avis, ce sont ceux qui doivent accomplir la tâche qui devraient être responsables.
Je vais vous expliquer pourquoi je crois personnellement très fermement à cela. Nous sommes une entreprise très importante, et dans notre groupe de sociétés nous avons une série d'unités. D'un côté, nous avons un petit groupe de 20 employés qui gèrent nos fonds de pension. Vous pouvez vous demander ce que serait l'incidence sur ces employés. Ils gèrent énormément d'argent, des milliards de dollars.
• 1545
En effet, un service de gestion de fonds de pension s'occupe
de tableaux de taux d'intérêt. Pratiquement tout son travail est
lié à quelque chose qui est daté. Il y a une quantité de travail
énorme à effectuer, mais, en définitive, il y a un cadre dans
lequel s'effectue tout ce travail.
À l'autre extrême, il y a une entreprise comme Northern Telecom dans notre groupe qui a 70 000 employés, et non pas 20, et qui travaille dans 150 pays. Imaginez-moi, qui préside BCE, et c'est seulement un exemple, aller dire que je veux voir dans le détail le programme de chacune des sociétés et que je suivrai tous ces détails mensuellement. C'est la seule chose que je pourrais faire toute la journée si ce devait être ainsi.
Dans notre groupe, nous avons probablement 200 sociétés d'importance différente. Considérez cela à l'échelle nationale, provinciale ou autre. C'est tellement complexe et les différences tellement énormes... Par exemple, un des plus gros problèmes pour Northern Telecom est de savoir comment traiter avec ses clients au sujet de la technologie qu'elle vend. Ses produits doivent être tels qu'ils doivent être adaptés bien avant l'an 2000 afin que ses clients puissent utiliser cette technologie pour servir leurs propres clients.
Les enjeux sont totalement différents selon l'importance et le type de société. Nous ne pensons pas qu'il soit possible que quelqu'un comprenne la complexité de toutes ces questions à tous les niveaux et soit tenu responsable dans un cadre de réglementation ou, pire, dans un cadre législatif. Nous ne pensons pas que ce soit faisable, et c'est la raison pour laquelle nous avons parlé de montrer la voie plutôt que d'assumer une responsabilité.
M. Werner Schmidt: Je ne vois pas d'inconvénient à cela. Je pense que c'est tout à fait évident et je suis bien d'accord.
Ma question va toutefois dans un autre sens. La responsabilité clairement établie, c'est celle des différentes sociétés. Je l'accepte et je pense que c'est la seule façon pratique d'envisager la chose. Je suis entièrement d'accord.
Ma question est la suivante. Votre groupe de travail a-t-il examiné avec les experts qui sont à votre disposition la possibilité de mettre au point un test que pourrait utiliser une firme ou une entreprise pour déterminer si nous sommes en fait prêts? Je pense que c'est là la question essentielle. Il ne vous appartient pas à vous, en tant que groupe de travail, ni à nous, en tant que comité, d'examiner tout cela. C'est totalement impossible et infaisable.
M. Jean Monty: Je répondrai deux choses. Oui, nous en avons discuté et nous avons examiné la question. Là encore, je vous donne l'exemple de l'outillage d'essai plutôt que des systèmes d'essai.
Prenez un téléphone. Vous pouvez essayer un téléphone pour vous assurer que les puces qu'il contient sont adaptées à l'an 2000. L'essai suivant consiste à brancher le téléphone au réseau de télécommunications de votre entreprise ou du pays et à vous assurer que celui-ci est également adaptable en fonction des interfaces. Il s'agit donc d'un test d'interface.
En fait, votre question est très bonne, parce que 50 p. 100 du travail lié à la question de l'an 2000 repose sur les essais; 50 p. 100 des fonds que nous allons tous consacrer à cela vont aller aux essais.
Le gros problème n'est pas de tester l'un ou l'autre des systèmes ou produits. C'est de tester l'intégration. Face à la complexité de tous les différents environnements dont je vous parlais en vous citant l'exemple de notre groupe de sociétés, je ne crois pas que nous pourrions avoir un cadre de test suffisamment complet pour tenir compte de toutes les circonstances. En fait, on ne peut pas tenir compte de deux environnements différents. Bell Canada en soi devra créer son propre cadre de test, de même que Northern Telecom. Chaque unité doit le faire.
M. Werner Schmidt: Là encore, je suis bien d'accord.
Ce que j'essayais de savoir, c'est s'il existe un genre de paradigme ou une série de critères que l'on pourrait appliquer à un type d'entreprise. Il y aura toujours des variances, mais pourquoi chacun devrait-il réinventer l'essieu de la roue alors que ce qui existe déjà est particulier à ce type d'entreprise?
M. Jean Monty: La réponse à cela, c'est que nous ne croyons pas que ce soit faisable. Parlez-en à CGI, à IBM, aux entreprises qui savent vraiment comment il faut faire. Il y a des entreprises qui ont fait de cela leur unique spécialité. Elles ont produit des outils afin de faciliter le codage et la recherche en ce qui a trait aux dates et aux systèmes, etc.
Nous n'avons pas pu trouver et ces entreprises non plus n'ont pas pu trouver d'outils qui permettent de vérifier l'ensemble de l'architecture d'un système. Les outils dont je vous parle seront utiles pour déceler les problèmes. Certains seront utiles pour coder les dates de remplacement, mais il n'existe pas de systèmes ni d'outils, à notre connaissance, qui permettraient de vérifier l'ensemble des activités et des structures d'une unité quelconque, qu'il s'agisse d'une organisation gouvernementale, d'une organisation sans but lucratif ou d'une société.
• 1550
J'ai une dernière observation à faire, si vous le permettez.
Il y a une organisation sans but lucratif aux États-Unis qui
cherche à obtenir la responsabilité de délivrer des certificats de
conformité pour l'an 2000. J'insiste bien sur le fait qu'il s'agit
d'une organisation «sans but lucratif». Il y a fort à parier—en
tout cas le pari paraît raisonnable—qu'aucune organisation à but
lucratif ne voudrait avoir la responsabilité de délivrer des
certificats de conformité pour l'an 2000, car vous pouvez imaginer
les problèmes juridiques avec lesquels l'organisation pourrait être
aux prises si l'une ou l'autre des entreprises ayant obtenu un
certificat n'avait pas bien fait le travail.
Les problèmes juridiques liés à l'attestation de la conformité, de même que la complexité du dossier, nous empêchent de proposer la création soit d'un organisme fédéral, soit d'un organisme sans but lucratif qui serait chargé de délivrer des certificats de conformité ou d'appliquer un outil de vérification quelconque.
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt. Nous vous reviendrons.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je tiens à remercier le témoin de sa présence ici aujourd'hui. Je sais que vous avez dû faire pas mal de changements à votre horaire pour pouvoir être des nôtres, et je vous suis très reconnaissant d'avoir bien voulu prendre le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
M. Jean Monty: Merci.
M. Walt Lastewka: J'ai lu vos recommandations avec beaucoup d'intérêt. Vous y parlez sans cesse de «responsabilité» et de «reddition de comptes». Je sais qu'à votre recommandation six vous disiez que les commissions des valeurs mobilières devraient prendre certaines mesures. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce que devraient faire les administrateurs d'entreprises, de leurs responsabilités à l'égard de l'entreprise qu'ils administrent et de l'obligation qu'ils ont envers les actionnaires de veiller à ce que l'entreprise soit en conformité. Vous avez dit à plusieurs reprises—et cela figure aussi dans les rapports sur le sujet—que les dirigeants ont un rôle à jouer pour veiller à ce que tout se fasse comme il se doit. Je vous invite à nous en dire plus long à ce sujet.
M. Jean Monty: Vous soulevez là un excellent point. Je suis en train de lire ici un petit document qui fait partie de la documentation et, en cherchant à répondre à votre question, j'essaierai de répondre aussi à un autre point, car le monsieur qui vient de me poser une question ne semble pas satisfait des réponses que je lui ai données.
M. Werner Schmidt: Exactement.
M. Jean Monty: J'essaierai de compléter ma réponse afin de vous aider, mais si vous voulez que nous y revenions, je serais heureux que vous me posiez une autre question.
L'Institut canadien des comptables agréés a publié un excellent bulletin à l'intention des administrateurs pour les aider en fait à suivre une procédure bien établie auprès des gestionnaires ou des dirigeants des entreprises qu'ils administrent, laquelle procédure leur permettrait de respecter leur obligation de diligence raisonnable, et pour les aider à faire l'examen du processus en tant que tel sans pour autant s'attacher à tous les détails du travail à accomplir.
Cette procédure renvoie en fait au plan d'action officiel que nous recommandons aux entreprises d'adopter, et peut-être est-ce là le genre de travail que ce monsieur voudrait que nous expliquions de façon plus détaillée. Il s'agit de déterminer si l'entreprise a réalisé un inventaire complet de tout ce qui doit être fait. Nous avons tous tendance à cet égard à penser aux systèmes d'information, à la paye, aux comptes fournisseurs et à tout le reste. Il faut toutefois aussi inclure dans l'inventaire les systèmes de sécurité, les systèmes de chauffage et de ventilation, les systèmes de télécommunication, et j'en passe. L'inventaire dépasse donc le cadre strict des systèmes d'information. Il doit aussi tenir compte d'une multitude de systèmes informatisés. C'est là le premier point.
Deuxième point, les conseils d'administration doivent demander aux dirigeants: «Avons-nous inclus ceci dans notre inventaire? Avons-nous évalué l'impact de l'an 2000?» Il y a en fait six étapes à suivre. Troisièmement, occupons-nous de convertir nos systèmes. Quatrièmement, une fois la conversion faite, il faut passer aux essais. Cinquièmement, nous savons qu'au bout du compte tout ne sera pas parfait et qu'il pourrait y avoir des erreurs; il faut donc prévoir des plans d'urgence. Enfin, qu'en est-il de nos partenaires?
C'est donc là une autre façon de veiller à ce qu'un tiers—et cela revient à la question du monsieur précédent—puisse examiner la procédure que les entreprises et les organisations devraient suivre, et c'est aussi ce qui est recommandé dans ce document.
• 1555
Comment avoir l'assurance que les conseils d'administration
poseront les questions qu'il convient de poser pour suivre
l'application de cette procédure en six étapes et demanderont aux
dirigeants de revenir périodiquement leur dire si les étapes ont
été suivies, leur parler des résultats de leur travail et, chose
très importante, leur parler aussi des essais dont j'ai fait
mention tout à l'heure?
M. Walt Lastewka: Nous en savons maintenant beaucoup, grâce aux sondages qui ont été faits, à votre rapport et aux discussions que beaucoup des députés ont eues dans leur circonscription, au sujet de ces PME qui remettent toujours à demain. C'est un problème auquel elles doivent faire face, et elles ne le font pas vraiment. Je suis notamment préoccupé par le fait que beaucoup de PME sont liées à des systèmes plus grands, de sorte que si le système maître va de l'avant et qu'elles ne sont pas prêtes, elles pourraient se retrouver sans échéancier et sans matériel de production. Elles pourraient être tout simplement laissées pour compte.
Je ne suis pas sûr que vous ayez insisté suffisamment sur ce problème dans votre rapport, et je vous demanderais d'ajouter dans votre rapport qu'il faudrait faire passer le message à ces centaines de milliers de PME que nous avons et qui créent des emplois dans notre pays.
M. Jean Monty: Cela m'amène en fait à vous parler de quelque chose dont je n'ai pas encore parlé.
Sur les 5 millions de dollars que dépensera le Groupe de travail, 80 p. 100 iront aux communications. Je m'explique. Vous avez raison de dire que c'est bien beau de parler à la Banque Royale et à Bell Canada, mais il y a bien d'autres entreprises que celles-là et le gouvernement fédéral. Il y a des centaines de milliers de petites entreprises dans la chaîne d'approvisionnement.
Comme première étape dans notre stratégie de communications à cet égard, nous tiendrons une dizaine de réunions sectorielles dans les différentes régions du pays. Ces réunions seront animées par un membre du groupe de travail et se tiendront d'un bout à l'autre du pays. Cela ne sera toutefois pas suffisant.
La deuxième étape sera un programme d'envoi direct par le courrier. Le premier volet du programme sera la responsabilité des compagnies du groupe Stentor. Les différentes compagnies de téléphone du pays enverront à quelque 800 000 entreprises un envoi postal direct pour décrire les problèmes et proposer des documents qui pourraient aider les entreprises ou leurs propriétaires ou encore leurs conseils d'administration à s'attaquer aux problèmes.
Le second volet du programme sera la responsabilité des banquiers. L'Association des banquiers canadiens ou les banques elles-mêmes feront parvenir à ces mêmes entreprises deux ou trois mois plus tard le même type d'envoi. Nous le ferons donc deux fois. Si donc il y avait des entreprises qui avaient été manquées par les compagnies de téléphone, les banques les attraperaient.
La dernière composante de notre programme publicitaire sera une campagne de presse. Nous avons une série d'annonces visant à mettre en lumière les problèmes qui se posent et qui seront publiées dans les organes de presse du pays à compter de la fin de février ou du début de mars. Les annonces seront assez saisissantes, car nous voulons vraiment réveiller ceux qui ne croient pas que le problème est aussi important que nous le croyons.
Nous ferons donc tout cela. Nous avons rédigé une liste de vérification à l'intention des PME. La liste fait deux pages, et vous pouvez la trouver aux pages 62 et 63 de notre rapport. Elle est présentée sous forme sommaire, car très peu de PME voudront parcourir un volume épais pour avoir une idée du problème qui se pose; elles n'en ont pas le temps. Nous les invitons donc à parcourir cette liste de deux pages et à demander à un de leurs dirigeants d'y donner suite.
Nous pensons que cette documentation contient suffisamment d'informations et de listes de vérification pour être utile au conseil d'administration ou au propriétaire de l'entreprise en question. Mais en fin de compte, c'est le propriétaire lui-même ou le responsable de l'exploitation qui doit en assumer la responsabilité.
M. Walt Lastewka: De nombreuses sociétés se targuent d'avoir atteint la norme ISO 9000, ce qui exige beaucoup de travail. Il pourrait y avoir des entreprises qui se conforment à l'ISO 9000 sans pour autant être prêtes pour l'an 2000.
M. Jean Monty: C'est exact.
M. Walt Lastewka: Puisque l'an 2000 est une année olympique, il faudrait peut-être donner un sceau d'or à celles qui auront rempli les exigences pour l'an 2000. Je pense que c'était votre idée, Werner. Il faut trouver une façon de reconnaître qu'elles sont prêtes et qu'elles ont vérifié leur système.
M. Jean Monty: Des entreprises comme la nôtre et la plupart des grandes sociétés ont déjà envoyé des lettres à leurs fournisseurs pour souligner qu'ils doivent prendre les mesures qui s'imposent pour être prêts, sinon ils vont se trouver rayés de la liste des fournisseurs.
• 1600
C'est une incitation puissante. Les sociétés comme la société
Chrysler, Northern Telecom ou la Banque Royale ne peuvent
simplement se permettre de recevoir de leurs fournisseurs des
produits qui risquent de mettre en danger leurs propres systèmes et
de créer des difficultés avec leurs clients à leur tour. C'est
probablement la meilleure incitation possible.
Le processus d'accréditation sera un processus intéressant, car il s'agira en fin de compte d'accorder une homologation. Sans le certificat, vous ne pourrez pas trouver beaucoup de clients.
Je ne suis pas très favorable à ce genre de... D'abord, c'est trop tard. À mon avis, il est trop tard pour commencer maintenant à créer un programme d'accréditation sur une grande échelle. C'est le moment de prendre des mesures concrètes plutôt que de faire intervenir un tiers pour le processus d'accréditation. Comme je vous l'ai déjà dit, un organisme sans but lucratif a déjà décidé d'entreprendre cette action aux États-Unis.
Il y a quelqu'un aux États-Unis qui est reconnu comme le grand expert de cette question de l'an 2000. J'ai reçu sa recommandation seulement hier. Il préconise la mise en place d'un système de responsabilité, mais il ne se voit pas en train d'accorder des certificats.
La présidente: Monsieur de Savoye.
[Français]
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur Monty, le problème du passage à l'an 2000 est un problème considérable qui va coûter énormément d'argent. J'aimerais peut-être, parce que je vois que les caméras fonctionnent, sensibiliser les gens qui nous écoutent aux dimensions considérables du problème.
Bien sûr, il y a les programmes d'application normaux, les programmes commerciaux qui sont généralement écrits en Cobol. Il y a en a d'autres, plus anciens, qui sont écrits en code spaghetti. Pour ceux-là, ce sera très compliqué et très coûteux. Il y en a qui ont été maintenus à jour de façon régulière et qui sont structurés. En principe, ce ne devrait pas être trop difficile à corriger.
Cependant, il y a plusieurs entreprises, parfois assez grosses mais plus souvent petites, qui utilisent des progiciels, des packages dont ils n'ont pas nécessairement la plus récente version. Il se peut même que le fournisseur n'existe plus. Il peut aussi s'agir, d'ailleurs, d'une copie pirate. Ces gens-là s'en vont vers la catastrophe et ne s'en doutent même pas.
Il y a aussi ce code inconnu, que vous mentionniez, qui est contenu dans une puce—qu'on pourrait désigner en anglais par hard-wired code in a chip—et qui fait fonctionner un système de chauffage, un système électrique, un système de sécurité, de l'outillage spécialisé ou quelque autre appareillage. Or, on ne sait pas ce qui est vraiment codé dans cette puce. On sait qu'actuellement cela fonctionne, mais lorsque le 1er janvier de l'an 2000 arrivera, il est possible que tout s'arrête.
Si le fournisseur a fait un suivi régulier, ça va. Si le fournisseur n'a pas fait un suivi régulier, si même le fournisseur n'existe plus, il faudra consulter la documentation technique. Si on ne l'a pas, on est sans doute devant un gros problème.
De plus, et vous le mentionniez également, il faut que tout cela communique avec d'autres pièces d'équipement, avec d'autres systèmes locaux ou éloignés. Cela va coûter très cher, monsieur Monty. Une entreprise devra se procurer des services afin de modifier le code ou acquérir de nouveaux logiciels, ou encore acquérir de nouveaux processeurs, voire même de nouvelles installations.
Vous dites qu'il est tout à fait impossible d'obtenir une certification absolument valable provenant de l'extérieur. C'est un processus complexe propre à chaque entreprise. Monsieur Monty, au-delà des aspects techniques qui sont en cause, il y a les aspects financiers. Vous avez mentionné plus tôt qu'on pouvait penser à une solution fiscale. Bien sûr, on peut penser à une solution fiscale comme des crédits d'impôt.
Vous avez aussi dit qu'en ce qui vous concerne, votre entreprise avait averti ses fournisseurs que s'ils n'étaient pas en conformité, vous verriez à en trouver d'autres qui le seraient. J'ai entendu dire que des entreprises bancaires pourraient refuser du crédit à certaines entreprises ou que des compagnies d'assurance pourraient refuser de les assurer.
Il y a donc deux types d'approche: l'approche positive selon laquelle on vous accorde un traitement fiscal favorable, c'est-à-dire des crédits d'impôt, et l'approche punitive ou négative selon laquelle on vous refuse du crédit ou on réduit vos assurances, ou encore on menace un fournisseur de lui faire perdre un client.
• 1605
Personnellement, je crains qu'avec cette deuxième
approche,
on se retrouve inutilement et rapidement en plein chaos. Les
délais sont serrés. Pourtant, les gens ne pourront pas régler
cela au cours des trois prochains mois. Il nous faudra
mettre les bouchées doubles ou triples d'ici le
1er janvier de
l'an 2000. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'on
devrait s'orienter vers des incitatifs positifs
ou vers des avis négatifs?
M. Jean Monty: Nous favorisons grandement les incitatifs positifs, l'encouragement à passer à l'action plutôt que les interventions punitives.
Quand nous avons mentionné plus tôt que les fournisseurs d'entreprises comme les nôtres, les plus grandes entreprises canadiennes, seraient mal pris s'ils n'étaient pas en conformité, nous ne voulions pas dire qu'ils devaient l'être dès avril 1998. La plupart du temps, on leur demande de l'être pour l'été 1999, pour donner le temps aux grandes entreprises qui utilisent les produits et les services de ces PME d'en trouver une autre qui serait en conformité.
Si nous visons à encourager l'action au lieu de chercher à punir, c'est que le programme ou le projet est tellement d'envergure, tellement complexe qu'il serait un peu bête d'être punitif dès le point de départ. En contrepartie, une entreprise qui prend le risque de ne pas être prête doit en subir les conséquences.
C'est là qu'arrive le cas des banques, des compagnies d'assurance ou des programmes de prêts du gouvernement. On ne peut en même temps juger les responsables de ces institutions selon leur façon de gérer leurs affaires et leur demander de ne pas être punitifs envers des gens qui ont pris des risques mal évalués. On ne peut leur demander de prêter de l'argent à des gens qui se trouvent en difficulté parce qu'ils n'ont pris aucune mesure, n'ont appliqué aucun plan d'action pour régler la situation dans laquelle ils étaient.
Donc, pour nous, c'est l'encouragement d'abord. Mais le punitif doit finir par suivre un jour ou l'autre, parce que les commettants avec qui ces gens-là font affaire, soit l'acheteur du produit, le prêteur de fonds ou tout autre, vont avoir à souffrir de la mauvaise gestion de l'entreprise en question. Alors, pour nous, les deux attitudes sont valables, mais on doit d'abord choisir les mesures incitatives.
M. Pierre de Savoye: Combien me reste-t-il de temps, madame la présidente?
[Traduction]
La présidente: Une minute.
[Français]
M. Pierre de Savoye: J'ai donc une dernière question, monsieur Monty. Si on veut mettre l'accent sur les mesures incitatives, lesquelles recommandez-vous sur le plan fiscal, comme crédits d'impôt, par exemple?
M. Jean Monty: Nous avons adopté une approche en rapport avec le contexte de la situation financière actuelle des gouvernements. Nous ne sommes pas de l'opinion que les gouvernements devraient payer pour l'entreprise, et certainement pas pour la grande entreprise. On ne demande aucune incitation fiscale pour les grandes entreprises canadiennes. C'est à elles de relever leurs propres défis, en particulier celui-là.
Une entreprise comme la nôtre, BCE, va dépenser 450 millions de dollars pour l'ensemble de tous les éléments rattachés à la solution de ce problème. Les grandes banques canadiennes vont devoir dépenser un montant de l'ordre de 100 millions de dollars chacune. Alors, on ne devrait pas recommander que certaines soient financées quand d'autres ont déjà pris leurs responsabilités.
Quant aux PME, demander au gouvernement de payer pour celles qui n'auraient pas rempli leurs obligations et pris leurs responsabilités serait aller trop loin, à notre avis. En effet, le gouvernement aura aussi des frais énormes à encourir. Sans vouloir parler au nom du chef de l'information du gouvernement canadien, je crois que la facture du gouvernement canadien sur ce plan sera de l'ordre de plus de un milliard de dollars. Le gouvernement a donc lui aussi ses problèmes à régler et ses responsabilités.
En contrepartie, dans une perspective incitative, nous avons suggéré au ministère des Finances d'examiner la possibilité de créer un crédit d'impôt en 1998, lequel serait remboursé par l'entreprise en 1999, de sorte que l'impact sur les revenus du gouvernement canadien se trouverait neutralisé. Cet exercice, cependant, aiderait au financement des dépenses encourues par les PME pour la réalisation des projets en question. C'est là que s'arrêtent nos recommandations quant aux mesures incitatives dans notre rapport.
La présidente: Merci. Monsieur Shepherd.
[Traduction]
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.
D'abord je voudrais vous remercier d'avoir présenté votre rapport quatre mois d'avance. C'est bien cela? Nous vous en sommes bien reconnaissants.
Je voudrais d'abord parler de votre résumé. Dans votre rapport, vous mentionnez que les entreprises ont déjà prévu environ 12 milliards de dollars pour le problème de l'an 2000. Peut-être que je me trompe, mais vous avez dit tout à l'heure que seulement 18 p. 100 d'entre elles ont mis en place de véritables programmes. Si je fais les calculs, cela signifie que le coût de ce projet pour tout le monde devrait se chiffrer entre 60 et 70 milliards de dollars. Autrement dit, cela représente presque 10 p. 100 de notre produit intérieur brut; est-ce bien cela?
M. Jean Monty: Nous avons fait notre estimation de 12 milliards de dollars en nous basant sur les renseignements donnés par les 2 000 sociétés qui ont fait l'objet d'une enquête par Statistique Canada. Nous avons ensuite fait une extrapolation pour l'économie nationale. Il s'agit donc d'une estimation de la dépense totale. Il ne s'agissait pas de dire que le coût représente 12 milliards de dollars pour les entreprises ayant participé à cette enquête. Ce serait une dépense nettement inférieure pour ces 2 000 sociétés, mais Statistique Canada a essayé de faire une extrapolation.
C'est une estimation très grossière. On peut dire que le chiffre qui présente le plus de difficulté dans toute cette enquête de Statistique Canada, c'est le chiffre de 12 milliards de dollars. La plupart d'entre nous croient que c'est une sous-estimation, mais nous n'avons pas de meilleurs chiffres à vous proposer.
Si quatre ou cinq des grandes banques dépensent chacune près de 100 millions de dollars, le gouvernement du Canada, un milliard de dollars, et notre groupe de sociétés, 450 millions de dollars, le total est déjà près de 2 milliards de dollars pour une demi-douzaine d'institutions, parmi les plus grandes, il est vrai.
Je crois que cela coûtera au moins ça, mais ce n'est qu'une approximation faite en fonction du sondage que nous avons mené, en fonction des réponses que nous ont faites les sociétés sur ce qu'elles ont l'intention de dépenser ou sur les dépenses qu'elles ont déjà faites. Bon nombre de ces entreprises n'ont pas répondu. Elles ne savaient pas quoi répondre. Statistique Canada emploie une formule d'estimation qui lui a donné le montant de 12 milliards de dollars.
M. Alex Shepherd: Manifestement, surtout pour les petites et moyennes entreprises, l'enjeu sera le coût. Il ne s'agit pas seulement de les sensibiliser au problème. Il faut les aider à assumer les dépenses que la solution de ce problème entraînera.
Vous avez parlé de modifier quelque peu certains avantages fiscaux. Je présume que vous pensez aux sociétés qui seraient admissibles à une déduction d'impôt pour petite entreprise.
M. Jean Monty: C'est là une des possibilités. Nous n'avons pas recommandé de formule précise. Nous ne sommes pas experts en la matière. Nous avons demandé au ministère des Finances d'examiner les diverses solutions qu'il juge les plus efficaces.
M. Alex Shepherd: Très bien.
Vous avez parlé du système de crédit d'impôt. Moi je préfère me tenir loin de cela. Je crois que vous avez parlé des logiciels, de l'élaboration des programmes, etc., mais il y a aussi l'élément matériel dont il faut tenir compte. Aux termes de la Loi sur l'impôt, le matériel pourrait faire l'objet de ce qu'on appelle une déduction pour amortissement. Évidemment, on ne peut amortir à 100 p. 100 les ordinateurs. Mais peut-être que, en l'occurrence, on pourrait le permettre?
M. Jean Monty: Il faut prévoir des dispositions non seulement pour le matériel ou les systèmes d'information, mais aussi pour les coûts en ressources humaines; il faut trouver une façon de mesurer ces coûts et d'inciter les entreprises à engager ces dépenses dans les meilleurs délais. Je ne tenterais pas de modifier les dispositions de la Loi sur l'impôt portant sur les déductions pour amortissement seulement en ce qui concerne le problème de l'an 2000. Il faut trouver une solution simple, une solution qui vous permette de recouvrer les dépenses l'année suivante, de sorte qu'elles sont sans incidence sur les revenus, sauf pour le financement sans intérêt auquel j'ai fait allusion.
Ce n'est pas une tâche facile pour le gouvernement du Canada, pour le ministère des Finances, mais, en dernière analyse, même si le problème est très vaste, c'est une question de déplacement, et non pas d'ajout, de ressources.
Je m'explique. Il est vrai qu'on consacrera des milliards de dollars à la solution de ce problème, mais ces milliards ne s'ajouteront pas à ce qui avait déjà été prévu au départ. De toute façon, il n'y a pas suffisamment de ressources humaines pour tout faire.
Le gouvernement du Canada, les grandes sociétés, les petites entreprises ont déjà des plans de modernisation de leurs systèmes. Quels que soient ces plans, il faudra les modifier et affecter les ressources existantes au problème du millénaire.
Il y aura donc, manifestement, une pointe dans les dépenses au titre des systèmes d'information en 1998 et en 1999—cela a commencé en 1997—mais il serait faux de dire que ce seront des dépenses supplémentaires, des ajouts. Le ministère des Finances examine divers incitatifs fiscaux, mais il serait extrêmement complexe de modifier les règles concernant la déduction pour amortissement simplement pour l'achat d'ordinateurs.
• 1615
Nous n'allons pas si loin. Pour les petites entreprises, nous
tentons de trouver une technique simple qui leur permettrait de
financer les dépenses sur les 18 prochains mois.
La présidente: Merci, monsieur Shepherd.
Monsieur Jones, avez-vous une question?
M. Jim Jones (Markham, PC): Oui.
À maintes reprises, vous avez dit que les gouvernements et notre comité devraient ouvrir la voie. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet.
M. Jean Monty: La meilleure chose que nous puissions faire en tant que groupe de travail—ce que nous pouvons très bien faire avec votre aide—serait d'établir des coalitions nationales pour assurer la responsabilisation.
Par conséquent, vous constaterez que, dans bon nombre de nos 18 recommandations, nous demandons directement aux commissions des valeurs mobilières, à l'Institut canadien des comptables agréés et aux organismes de réglementation de collaborer avec nous en vue d'amener leurs membres et les sociétés inscrites à la Bourse de Toronto à dévoiler leurs programmes, et ce, dans le but de persuader et de forcer la direction de ces différentes entités à faire ce qui doit être fait, car tous seront touchés par leur inaction.
Je recommanderai certainement—bien sûr, c'est à vous d'en décider—que vous convoquiez certains de ces organismes très importants afin de savoir ce qu'ils font pour leurs membres.
Par exemple, dans le secteur nucléaire, pourquoi ne pas convoquer Énergie atomique du Canada? Et Transports Canada, qui s'occupe du contrôle aérien? Et pourquoi pas le secteur des télécommunications, que je connais bien? Vous pourriez demander au sous-ministre d'Industrie Canada ou à la présidente du CRTC de venir vous expliquer ce qu'ils font avec les entreprises qu'ils régissent. Vous pourriez leur demander de venir vous présenter leur programme.
Vous pourriez aussi convoquer les représentants des commissions des valeurs mobilières de l'Ontario et du Québec, qui font de l'excellent travail, soit dit en passant. J'ai vu un très bon programme à la Commission des valeurs mobilières du Québec et je sais que celle de l'Ontario a aussi un plan très intéressant. Ces programmes ont fait l'objet de reportages récemment, après la reproduction de notre rapport dans les médias nationaux.
Vous pourriez convoquer des banques, peut-être une banque et le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, pour prendre connaissance de ce qu'ils font. Je vous signale que les banques sont les plus en avance au pays; vous ne devriez peut-être pas perdre votre temps avec elles. Vous préférerez peut-être vous pencher sur d'autres organisations telles que le Conseil canadien du commerce du détail, par exemple.
Il y a toute une liste d'organisations. Statistique Canada pourrait venir vous expliquer son prochain sondage ainsi que le genre et la raison des questions qu'on y posera. Le Conference Board du Canada a aussi fait de l'excellent travail sur ce sujet et pourrait venir vous en parler; il n'est toutefois pas en mesure d'exiger des comptes de ses membres, ce n'est donc peut-être pas une bonne suggestion. Mais pourquoi pas la Chambre de commerce du Canada et l'Alliance des fabricants et exportateurs du Canada?
La liste est longue, mais, en vous fondant sur nos 18 recommandations et selon le temps dont vous disposez et jusqu'où vous voulez aller, vous pourriez choisir une demi-douzaine de grandes institutions qui influent sur la responsabilisation. Leurs représentants pourraient venir explorer avec vous ce qu'elles font. Ce serait certainement très utile pour notre groupe de travail.
M. Jim Jones: Y a-t-il de grandes sociétés qui sont déjà prêtes?
M. Jean Monty: Bon nombre des grandes sociétés, certaines des grandes banques sont très en avance. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elles sont prêtes... Je sais qu'une entreprise de notre groupe sera prête en octobre 1998. Il s'agit de Northern Telecom, qui doit être prête pour ses clients et dont les systèmes touchent ceux d'autres entreprises. IBM est aussi bien avancée; vous pourriez convoquer John Wetmore, le dirigeant d'IBM Canada, qui était membre de notre groupe de travail. IBM est bien avancée; vous pourriez demander à ses représentants ce qu'ils ont fait.
La Banque de Montréal a un excellent programme. Je siège au conseil d'administration de la Banque de Montréal et j'ai vu le programme de la Banque. C'est probablement l'un des meilleurs à ma connaissance; la Banque sera prête d'ici la fin de l'année. Mais je ne pourrais vous signaler une société, une des grandes sociétés du pays, qui est déjà tout à fait prête. Je sais que certaines sont prêtes à 60 p. 100 ou 70 p. 100, et je sais que bien d'autres le seront d'ici l'automne de cette année, bien avant la date d'échéance, afin d'avoir tout le temps qu'il faut pour procéder aux essais d'intégration avec les fournisseurs et les autres systèmes de leur groupe.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.
Monsieur Bellemare, vous avez la parole.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Il n'y a pas tellement longtemps, il y a quelques jours en somme, nous avons reçu des gens du Conseil national de recherches du Canada. Un des scientifiques a avancé que le problème de l'an 2000 ne se posait pas vraiment pour l'an 2000 mais bien pour l'année 1999. Êtes-vous d'accord sur cela et pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes d'accord?
M. Jean Monty: Effectivement, le problème se pose déjà. Ce n'est pas le problème de l'année 1999 ou 2000, à proprement parler. Dans certains cas, celui des cartes de crédit par exemple, deux dates y sont indiquées: la date de mise en vigueur et la date d'expiration. Dans certains cas, cette dernière date dépasse l'an 2000. Les systèmes informatiques des compagnies de crédit ont dû être ajustés pour que leurs cartes soient valides. Donc, une carte passe dans la fameuse machine pour qu'on sache jusqu'à quelle date elle est valide. Ces systèmes-là fonctionnent déjà en conformité.
Je puis vous donner un autre exemple. Dans certaines entreprises, dont certaines de notre groupe, on prend des commandes de certains de nos clients qui s'étalent sur deux ou trois ans et qui dépassent l'an 2000. Elles ont donc déjà eu à ajuster leurs systèmes de facturation et de commandes pour qu'ils acceptent ces commandes et la date de l'an 2000. Il y a donc déjà des systèmes ajustés pour tenir compte de l'an 2000.
Ce à quoi vous faites sans doute allusion, c'est à une pratique qui a existé en informatique: on utilisait le nombre 99 pour signifier que le programme était terminé ou pour signifier qu'il y avait une erreur. C'était un code. Il y a 40 ans, l'année 1999 était bien loin. On ne s'en préoccupait donc pas et on utilisait 99. Par ailleurs, on n'a jamais utilisé les quatre chiffres des dates; on utilisait aussi seulement 99 pour indiquer 1999. L'année n'était indiquée que par ses deux derniers chiffres. Dans certains systèmes, en l'an 1999, le 99 pourra signifier qu'il y a une erreur et le système s'arrêtera de fonctionner.
En septembre 1999 ou, encore pire, le 9 septembre 1999, alors qu'on n'aura que des 9, il se posera des problèmes importants. Donc, il y aura déjà des problèmes en 1999, avant le 1er janvier de l'an 2000.
Mais il y a une foule d'autres choses à régler d'abord, compte tenu des autres exemples que je vous ai donnés, qui dépassent la difficulté de l'an 1999 ou de l'an 2000.
M. Eugène Bellemare: Je me reporte à votre recommandation 2. Croyez-vous que les ministères fédéraux font partie de la chaîne d'approvisionnement national et qu'en tant que tels, ils devraient refuser de faire affaire avec les entreprises qui n'auront pas réglé le problème de l'an 2000 chez elles?
M. Jean Monty: Je crois que oui. Cependant, je ne suis pas le gouvernement canadien et je ne suis sous-ministre dans aucun des ministères du gouvernement. Ce serait plutôt à eux de poser la question.
Par exemple, le Conference Board du Canada a énuméré certains des éléments importants pour nous tous dans notre vie quotidienne, comme la perception des taxes et des impôts—qu'on n'aime peut-être pas mais qui existe tout de même—, l'émission des chèques, la défense nationale, la gestion des soins de santé, les douanes, les services de transport en commun, la police, les services d'incendie, le nettoyage des rues, la collecte de ordures, et la liste est encore beaucoup plus longue. Il est évident que si des fournisseurs importants pour les services publics ne sont pas équipés de systèmes en conformité avec l'an 2000, nous aurons des problèmes.
Il est donc important que le gouvernement du Canada s'assure que ses fournisseurs soient en conformité pour que les Canadiens, les citoyens, reçoivent les services auxquels ils ont droit. Mais je suis très mal placé pour vous répondre d'une façon plus élaborée, parce que notre groupe de travail s'est donné pour mandat d'étudier les entreprises privées plutôt que les gouvernements. Notre mandat portant sur l'entreprise privée avait assez d'ampleur pour que nous décidions de laisser à d'autres les problèmes ou le défi des gouvernements.
Le ministre John Manley a répondu à notre rapport récemment, au cours d'une rencontre que nous avons eue, lui et moi. Il m'a assuré qu'il mettait en oeuvre un procédé de communication avec ses collègues du gouvernement du Canada, comme avec ses collègues des gouvernements provinciaux, pour s'assurer que les divers paliers de gouvernement et les divers ministères fédéraux prennent les dispositions nécessaires pour que soit relevé le défi de l'an 2000 par tous les organismes gouvernementaux canadiens. Mais cela relève plutôt d'instances autres que notre groupe de travail.
[Traduction]
M. Eugène Bellemare: J'ai une dernière question.
Monsieur Monty, à votre quatrième recommandation, vous proposez que les banques n'accordent pas de prêt aux clients qui ne sont pas prêts pour l'an 2000.
Cela pourrait créer une foule de problèmes, outre l'obtention d'un prêt. Ce pourrait être catastrophique. Les banques ne devraient-elles pas avoir la responsabilité d'aider leurs clients qui n'ont pas de programme plutôt que leur tourner le dos? Ne risquerait-on pas de permettre ainsi à certaines banques, à certaines occasions, d'invoquer cette raison pour justifier...?
M. Jean Monty: La concurrence est très forte dans le secteur bancaire. À mon avis, aucune banque ne veut intentionnellement promouvoir les affaires d'une autre banque qui serait plus encourageante ou qui accorderait un meilleur soutien aux clients qui ne se sont pas bien préparés à relever le défi de l'an 2000.
Dans notre rapport, nous ne recommandons pas de refuser des prêts. Nous recommandons aux banques de s'assurer que les entreprises qui demandent un prêt ont un plan officiel qui peut faire l'objet de discussions et d'examen par l'agent de prêt, qui n'aura pas toutefois à se pencher sur les détails de la mise en oeuvre du plan. De toutes façons, les banques exerceront une diligence raisonnable. Il est difficile de demander aux institutions financières de surveiller l'exécution d'un plan. Je ne crois pas qu'elles voudraient le faire, le gouvernement du Canada non plus.
Dans notre recommandation, nous demandons aux banques qui accordent des prêts de tenir compte, outre probablement une vingtaine d'autres facteurs et dans le cadre de l'exercice de la diligence raisonnable, des mesures que l'entreprise, qui est peut-être un organisme à but non lucratif, a adoptées pour relever le défi de l'an 2000.
Ce n'est pas parce qu'une entreprise n'a pas de plan qu'elle n'obtiendra pas de crédit, de prêt ou de financement. Vous leur demandez de vous expliquer ce qu'elles ont l'intention de faire, parce que vous voulez les aider étant donné l'expérience qu'ont acquise vos experts de l'information, vos spécialistes des systèmes qui sont passés par là. Le groupe de travail a des informations et une liste de vérification à ce sujet. Vous pouvez demander aux entreprises pourquoi elles n'ont rien fait.
Je vous donne un exemple. Vous vous souvenez sans doute que le Canada et bien d'autres pays ont adopté des lois en matière d'environnement qui encourageaient les banques et les institutions financières à vérifier, dans le cadre de l'exercice de la diligence raisonnable, si les emprunteurs se conformaient aux lois environnementales du pays.
C'est un bon exemple. Les banques l'ont fait parce que nous tous, citoyens et institutions canadiennes, avons une responsabilité à ce chapitre. Les banques ont exercé une diligence raisonnable pour s'assurer qu'elles n'accordaient pas de prêts à des entreprises qui violeraient les lois environnementales et qui seraient alors en difficulté.
C'est un bon exemple de la façon dont les institutions de prêt devrait aborder le problème de l'an 20000.
La présidente: Merci, monsieur Bellemare. Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Monty, je vous applaudis d'avoir eu le courage d'accepter ce travail. C'est une véritable montagne, qui semble pratiquement insurmontable. D'autre part, si tout va bien le premier jour de l'an 2000, personne ne saura que c'est à vous qu'on le doit, et, si ça ne va pas bien, on n'hésitera pas à vous en blâmer. J'applaudis donc votre courage.
À ce même propos, vous avez dit au début que c'était une priorité nationale, que c'était grave et urgent. Pouvez-vous quantifier en quelque sorte la gravité et l'urgence de ce problème?
On entend parler de 12 milliards de dollars pour régler le problème, mais de votre côté, vous parlez de toutes les entreprises qui n'ont pas encore compris le concept, qui ne se rendent pas compte de l'ampleur du problème. Il serait bon d'avoir une idée relative de la gravité et de l'urgence de ce problème.
Est-ce que c'est comparable à un effondrement de la bourse, à une récession prolongée, à un dollar à 60 cents, à quoi cela se compare-t-il? Pouvez-vous nous en donner une idée?
M. Jean Monty: Nous avons demandé à des gens plus savants que moi de se pencher sur la question, et en particulier au Conference Board. Nous leur avons demandé de se pencher sur les aspects encourageants, les aspects positifs: si le Canada est prêt, si les compagnies de notre pays sont prêtes avant les autres, est-ce que cela risque d'améliorer notre compétitivité? Ils nous ont répondu sans hésiter que oui.
D'un autre côté, il y a les aspects négatifs si nous ne sommes pas prêts. Et là, c'est très difficile, car le système est tel qu'il faudra apporter des ajustements par exemple, aux plans d'urgence. Supposons qu'une société ne puisse verser les salaires de ses employés parce que son système de paye n'est pas au point. Il faudra malgré qu'elle rédige des chèques. Il faudra qu'elle se débrouille pour contourner le système en procédant manuellement.
Il y a des problèmes qui ne sont pas aussi faciles à résoudre: celui des systèmes de sécurité est particulièrement difficile, les systèmes de contrôle aérien également, les systèmes de contrôle de l'énergie au niveau national et provincial sont particulièrement difficiles. Par conséquent, on se trompe en pensant qu'il sera possible de mettre en place des plans d'urgence dans tous les cas.
Les travaux du Conference Board nous ont fait conclure que le problème de désorganisation l'emportait probablement sur l'ensemble du problème national. Par exemple, on pourrait prendre comme ordre de grandeur 1 p. 100 du PNB. Or, on ne peut même pas donner un tel ordre de grandeur, car on pense que certaines sociétés seront prêtes, et en profiteront pour s'implanter sur le territoire de celles qui ne le sont pas. L'ennui, c'est que certaines sociétés ne seront pas prêtes et feront faillite et d'autres en profiteront.
Est-ce que les Canadiens peuvent en profiter pour s'emparer du territoire d'autres sociétés dans d'autres pays? Nous aimerions penser que cela est possible.
M. Eric Lowther: À ce même sujet, est-ce que le groupe de travail ou le Conference Board ou peut-être le gouvernement... Est-ce que vous savez si quelqu'un essaie de dresser une liste de priorités, une liste des fonctions dans notre société qui sont vraiment indispensables et qui doivent être prêtes pour l'an 2000? Je songe aux services d'urgence, ou aux soins de santé, aux services de police, etc., des services qui doivent absolument fonctionner si on veut éviter un véritable chaos le premier jour de l'an 2000?
M. Jean Monty: Je crois qu'on travaille effectivement à la question, mais j'aimerais demander à Alain Desfossés, qui dirige notre secrétariat, de m'aider. Il y a un autre comité de la Chambre, le Comité permanent des comptes publics, qui se penche sur la question et qui a demandé au DPI du gouvernement fédéral de dresser la liste de ces priorités et de s'assurer que les activités très prioritaires du gouvernement, celles qui nous affectent tous, ne seront pas interrompues.
Alain, je ne me trompe pas?
M. Alain-F. Desfossés (secrétaire, Groupe de travail de l'an 2000): Oui. Je crois comprendre qu'on a demandé une plus grande transparence dans les fonctions les plus critiques du gouvernement fédéral. Le rapport du dirigeant de l'informatique du gouvernement canadien est attendu d'un jour à l'autre.
M. Eric Lowther: Merci. J'aimerais céder mes deux dernières minutes à M. Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci.
Madame la présidente, nous ne pensons pas toujours au travail accompli par nos interprètes. Je tiens à les remercier pour la rapidité et l'exactitude avec laquelle ils interprètent cet après-midi. Je les surveille souvent, et je me dis: Seigneur, ils sont là derrière leur vitre, il faut les encourager de temps en temps. Je trouve qu'ils font un travail extraordinaire.
Je tiens également à féliciter le directeur général de BCE d'avoir accepté cette tâche.
Toutefois, j'aimerais apporter une autre correction; je ne cherche pas un responsable de l'accréditation. Mes questions n'étaient pas orientées dans ce sens, car je sais que ce serait impossible. Aussi souhaitable que ce soit, et en fait, je ne pense pas que ce soit souhaitable, cela ne marcherait pas.
L'important, c'est de connaître d'avance les conséquences au cas où ne serions pas prêts. Je sais que le Conference Board s'est penché sur ces questions, je sais que les gens de l'CGL se sont penchés sur la question, et je sais également que c'est une préoccupation pour votre organisation, qui est une énorme organisation.
En votre qualité de directeur général, cela doit vous inquiéter particulièrement. Quelles seront les conséquences si nous ne sommes pas prêts? Vous devez vous poser la question non seulement pour votre groupe de compagnies, mais également pour toutes les compagnies avec lesquelles vous avez des relations commerciales, et dont vous dépendez pour votre succès. Quelles seront les conséquences si nous ne sommes pas prêts?
M. Jean Monty: Nous perdrons des affaires, et il sera particulièrement difficile de s'en remettre, car nous perdrons la confiance de beaucoup de clients. D'autre part, ce n'est pas parce que vous avez raté des occasions faute d'être prêts que vous rattraperez le temps perdu l'année suivante. Nos clients, et la chaîne de leurs fournisseurs, seront victimes de cette situation. Nous avons donc mis en place un processus qui permette à chacun de nos conseils d'administration, à chacune des compagnies de notre groupe, de faire des vérifications très rigoureuses pour s'assurer que le travail nécessaire a bien été accompli. Mais plus le temps passe, plus il va devenir important de contacter nos fournisseurs à l'extérieur de notre société.
• 1635
Tout ce que je peux vous dire, c'est que du moins pour les
compagnies dont je suis responsable, nous utilisons tous les moyens
à notre disposition pour nous assurer que ce travail est bien
accompli, même si c'est aux dépens de projets excessivement
rentables. N'oubliez pas que les 400 millions de dollars que nous
allons consacrer à cela ne nous rapporteront pas un son de
bénéfice.
Les occasions que nous raterons en ne faisant rien sont énormes, mais le coût de nos efforts ne sera pas compensé par des recettes supplémentaires, à moins que nous ne puissions profiter du retard de certains concurrents. Toutefois, en fin de compte, nous établissons des processus en espérant que les autres sociétés feront la même chose pour que le travail soit accompli.
M. Werner Schmidt: C'est là l'aspect financier de la question, mais n'y a-t-il pas également un aspect humain? Les équipements de survie, par exemple, qui sont contrôlés par ordinateur, et toutes sortes d'appareils technologiques, que certains d'entre nous portent sur leur corps? Je n'en ai pas encore un, j'espère ne jamais en avoir, mais certains d'entre nous en ont. Qu'est-ce qui va se passer?
M. Jean Monty: C'est une excellente question. Vous pourriez demander à certaines associations qui regroupent des gens du secteur de la santé de venir vous parler du travail qu'elles accomplissent avec leurs membres pour s'assurer que ceux-ci sont bien prêts. Ce n'est pas un sujet sur lequel notre groupe de travail s'est penché.
M. Werner Schmidt: Oui, merci.
La présidente: Monsieur Murray.
M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Monty, je tiens à vous remercier pour les excellents services que vous rendez au pays. Vous avez répété que le gouvernement devait montrer l'exemple, mais je crois pouvoir dire que si ce comité n'avait pas été présidé par quelqu'un de votre calibre—et je ne cherche pas à vous flatter—sans parler de la réputation de ses membres, la sonnette d'alarme n'aurait pas retenti aussi fort.
Toutefois, beaucoup de gens restent sceptiques, et s'ils ne sont pas sceptiques, ils sont tout simplement dépassés par l'ampleur du problème. Je ne vous demanderai pas de répondre, mai j'aimerais bien savoir si vous vous sentirez en sécurité le 1er janvier de l'an 2000 si vous devez monter dans un avion et atterrir dans un grand aéroport.
J'ai une autre question à poser au sujet des avantages qu'on pourrait tirer de toute cette situation. Est-ce que quelqu'un y gagne quelque chose? Supposons que le Canada soit en avance sur les autres pays du monde, est-ce que ce serait un avantage, ou bien sommes-nous tellement imbriqués dans l'économie mondiale que cela ne fera pas de différence? Avez-vous réfléchi aux occasions que nous pourrions saisir?
M. Jean Monty: Je vous remercie pour vos observations au sujet du groupe de travail. Je ne veux pas non plus flatter un ministre, mais je dois dire que c'est le ministre Manley qui a eu l'idée de constituer ce groupe de travail. Je n'ai pas eu besoin d'aller le voir et de lui demander la création de ce groupe, l'idée est de lui. Je tiens donc à lui donner le mérite de cette initiative.
Vous parlez de tirer un parti constructif de cette situation, et je pense en effet que les compagnies axées sur l'exportation devraient étudier cette possibilité. À notre demande, le CCTI s'est intéressé à la situation dans d'autres pays, s'est demandé lesquels étaient vraiment en avance, et nous nous sommes aperçus que le Canada, qu'il s'agisse de l'ensemble des institutions ou du pays même, n'était pas loin d'être en tête. Nous ne sommes pas forcément les premiers, mais nous ne sommes certainement pas très loin derrière.
Le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie, le Danemark et le Canada font partie d'un groupe dont les membres se consultent mutuellement. Nous avons des sites Web sur les différentes initiatives. Kevin Lynch, le sous-ministre à Industrie Canada, m'a dit tout à l'heure qu'il revenait du Royaume-Uni et qu'il avait apporté notre rapport à son homologue britannique qui s'est beaucoup intéressé à certaines de nos recommandations. De notre côté, nous nous intéressons évidemment à ce que fait le Royaume-Uni.
Nous tirons mutuellement parti de nos expériences. Pour cette raison, je ne pense pas qu'il soit possible de profiter de la situation dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou l'Australie, mais il y a d'autres pays qui sont loin de prendre le problème suffisamment au sérieux—il est inutile de les mentionner, ce ne serait pas convenable—et où nos compagnies pourraient augmenter leurs exportations si les concurrents locaux ne sont pas prêts.
• 1640
Voilà donc nos intentions. C'est d'ailleurs ce que prévoyait
le ministre Manley lorsqu'il a commandé ce rapport. Est-ce que le
Canada peut améliorer sa compétitivité en étant prêt avant certains
concurrents? La réponse est que cela est probablement possible,
surtout pour le secteur des exportations.
M. Ian Murray: Vous avez parlé du problème des ressources humaines, et de la possibilité d'accélérer l'immigration des meilleurs éléments. Qu'est-ce qui nous prouve que ces gens-là n'ont pas déjà été saisis par un autre pays? Après tout, dans tous les pays... En fait, il y a des pays moins développés qui préparent beaucoup d'ingénieurs ou d'informaticiens mais qui n'ont pas l'infrastructure informatique correspondante. Ces gens-là pourraient accepter de s'établir ici. Cela dit, savez-vous s'il y a vraiment des gens qui ont les compétences nécessaires?
M. Jean Monty: C'est une excellente question. Par exemple, notre compagnie a en Inde, au Bangalore, un important groupe de spécialistes du codage. Nous ne sommes pas les seuls. Je sais que beaucoup de nos sociétés de technologie de pointe ont un tel accès. Nous avons accès à d'excellents informaticiens en Chine, certains en Russie. En fin de compte, est-ce que nous avons intérêt à demander à ces gens-là, qui travaillent déjà sur nombre de nos projets, de tout arrêter pour venir travailler à celui-ci, est-ce qu'il est possible de les détacher?
Certaines compagnies ont en fait élaboré un plan d'affaire précisément pour cette raison, un plan qui porte sur les deux prochaines années, et qui a pour but d'obtenir la collaboration de ces éléments-là pour les projets canadiens consacrés à l'an 2000. Le secteur privé est donc déjà à l'oeuvre et essaie d'obtenir ces ressources. Si Immigration Canada pouvait aider les compagnies qui ont élaboré des plans d'affaire dans cette optique... Ne nous leurrons pas, il y a des gens qui vont gagner beaucoup d'argent. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, c'est la façon dont le système fonctionne.
Il y a donc des pays qui disposent d'un peu plus de ressources que nous. C'est déjà un domaine où nous manquons de ressources, pas seulement pour l'an 2000, mais dans tous les secteurs des sciences et du génie informatique. Il va donc falloir trouver le moyen d'avoir accès aux ressources humaines excédentaires de certains pays. Il n'y a pas tellement de pays qui sont dans ce cas, et certaines compagnies ont déjà retenu beaucoup de bons éléments.
M. Ian Murray: Ai-je le temps de poser une question très courte?
La présidente: Oui, monsieur Murray.
M. Ian Murray: Ceux qui vont rater l'échéance, qu'il s'agisse de 1999 ou du 1er janvier de l'an 2000, vont rater le coche, n'est-ce pas. Il y a forcément des gens qui vont le rater. Il va y avoir beaucoup de nettoyage à faire un peu partout. Ces spécialistes, si nous les faisons venir, pensez-vous qu'on aura besoin d'eux rendant plusieurs années, qu'il y aura encore des emplois pour eux après l'an 2000?
M. Jean Monty: Je crois pouvoir dire que tout ne s'arrêtera pas le 1er janvier de l'an 2000, mais ça n'ira pas tellement plus loin, car il sera extrêmement coûteux de recourir à des mesures exceptionnelles pour contourner tous ces systèmes qui font partie de notre vie quotidienne et qui nous ont économisé énormément d'argent. Je ne pense donc pas que cela durera très longtemps au-delà de l'an 2000.
M. Ian Murray: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Murray.
[Français]
Monsieur de Savoye, avez-vous encore une question?
M. Pierre de Savoye: Madame Lalonde, voulez-vous prendre la relève, si vous le permettez, madame la présidente?
La présidente: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur Monty, j'ai été très heureuse de voir que vous aviez remis votre rapport au mois de février, parce que quand nous avions travaillé à la question, je voulais vous convoquer devant le comité parce que je me disais que le mois de mai, c'était beaucoup trop tard. Je suis donc comblée.
La première phrase de votre rapport déclare que «la cause première du problème semble faussement simple». Je pense que cette affirmation est des plus importantes. Mon collègue, qui m'a généreusement remplacée pendant un discours, me disait que vous aviez traité de cette question. Si je la pose à nouveau, c'est que, finalement, l'obstacle principal réside là.
Il y a plein de gens qui se disent que quelqu'un a trouvé une solution simple. Tout le monde parle d'un crack quelque part qui a trouvé la potion magique. Donc, comme il existe une potion magique, inutile de se préoccuper de cela. Or, je lisais quelqu'un de très bien informé qui disait que si les entreprises ont prévu investir davantage en 1999 qu'en 1998, c'est inquiétant. Si elles ne savent pas combien cela coûte, c'est encore plus inquiétant.
M. Jean Monty: Vous avez raison. Il y a effectivement de très bons outils qui ont été développés par de plus petites entreprises, qui aident à détecter certains des problèmes et qui rendent la conversion des systèmes beaucoup plus efficace.
• 1645
Mais notre groupe de travail, aussi bien que la plupart
des entreprises en informatique ou nos groupes
d'informatique à l'intérieur des grandes entreprises,
n'ont trouvé aucune solution de remplacement à
l'obligation de passer au travers des 100 millions de lignes de codes
qu'une compagnie comme
Nortel peut avoir, 140 millions ou quel que soit le
chiffre, de travailler avec ces outils-là à
déceler les sources d'embêtements et à opérer la
conversion. Il n'y a pas de
solution miracle qui se dessine à l'horizon pour
permettre aux entreprises de retarder la tâche en
espérant qu'une solution miracle se produise et vienne
réduire les coûts en 1999. On n'a pas trouvé ces
solutions miracle, mais plusieurs outils très
efficaces ont été développés et certaines entreprises
vont atteindre un beau chiffre d'affaires grâce à ces
outils.
Il n'en demeure pas moins que ça ne répondra pas à la demande et ne remplacera pas l'obligation d'accomplir le travail dans le détail et de satisfaire aux six éléments du plan formel que nous suggérons dans le rapport de notre groupe de travail. Pour nous, la difficulté de sensibiliser les entreprises au fait que, même si le problème peut sembler un peu bête, il faut s'y attaquer, constitue peut-être le gros du défi que nous avons et que vous avez à relever.
Mme Francine Lalonde: En discutant justement avec des cracks, je me suis fait dire que l'étape la plus difficile, c'était celle que je croyais la plus facile, c'est-à-dire celle du test, parce qu'une fois qu'on avait décelé les problèmes, qu'on les avait identifiés, soit qu'on ait recours à un nouveau système, soit qu'on intervienne sur le logiciel de base de données, etc. Le test va pratiquement exiger deux systèmes parallèles: un nouveau qui permette de fonctionner et l'ancien corrigé pour voir s'il va fonctionner.
M. Jean Monty: Vous avez raison. J'ai dit tantôt que 50 p. 100 de l'ouvrage—ça peut varier entre 45 et 55 p. 100—est relié au contrôle. Et ce sont des tests non seulement en temps réel, mais dans un environnement isolé. Ce sont aussi des essais intégrés, de sorte que tous les systèmes sont testés ensemble. C'est effectivement là la plus grande difficulté de tout le travail: la vérification.
Mme Francine Lalonde: On vous remercie de votre rapport mais, au fond, tout est encore à faire, parce que vous avez bien souligné...
M. Jean Monty: Chaque agent économique du Canada doit prendre la responsabilité de relever le défi. Ce que nous avons fait, c'est nous assurer que la plupart des agents économiques soient conscients du défi qu'ils ont à relever et lancer un appel à l'action. Nous avons donc besoin de communications d'envergure. De plus, nous offrons des outils qui aident à soulever les questions qui doivent être soulevées, mais cela ne saurait remplacer l'action qui doit être prise par chacun des agents économiques du Canada.
Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Monsieur Ianno.
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Monty pour cet excellent rapport. J'ai une ou deux questions à vous poser; j'ai parcouru votre rapport pour y trouver des réponses, et parfois c'est assez évident.
Est-ce qu'il est possible aujourd'hui de mettre sur pied une entreprise ou un système, d'acheter du matériel de traitement de l'information et de logiciels déjà tout équipés en prévision de l'an 2000?
M. Jean Monty: Oui.
M. Tony Ianno: Quand est-ce que cela a commencé en ce qui concerne...?
M. Jean Monty: Cela dépend du fournisseur. Certains fournisseurs ont équipé la majeure partie de leurs systèmes il y a trois ans, mais il y a toutes sortes de degrés.
M. Tony Ianno: Comment un petit entrepreneur peut-il être certain que le système qu'il a acheté l'année dernière est équipé?
M. Jean Monty: Il doit s'adresser à son fournisseur, ou au conseiller de celui-ci, lui poser des questions et exiger qu'un test soit effectué pour le confirmer. Toutefois, le problème va plus loin. C'est certainement une étape utile, mais la question se pose tout de même pour les applications qui ont été intégrées dans le système, et pour les logiciels qui ont été ajoutés.
Un simple programme de tableau numérique ou n'importe quel outil d'information ajouté au système échappe au contrôle du fournisseur car la personne ou la société utilise un programme élaboré par l'organisation. Il faut donc tenir compte de ces deux éventualités, s'assurer que le matériel qu'on a acheté et les systèmes qui ont été ajoutés sont bien modifiés, et ensuite, il faut procéder à des tests de l'ensemble du système qui en résulte.
M. Tony Ianno: J'essaie de sensibiliser la base, les gens de ma circonscription, qui ont souvent un ordinateur, peut-être deux, qui les ont achetés sur rayons du magasin d'un fournisseur au coin de la rue qui vend des ordinateurs, et qui les ont achetés il y a plus d'un an. Que doivent-ils faire, quelles sont les questions qu'ils doivent poser, étant donné qu'ils ne sont pas des experts et qu'ils n'ont pas non plus de spécialistes à leur disposition?
M. Jean Monty: Ils doivent aller voir le fournisseur et le fabricant. Ceux-ci ont des lignes téléphoniques pour aider les gens, et les gens doivent être au courant du problème, poser des questions, commencer par là. J'ajoute que cette réponse n'est pas une panacée non plus.
M. Tony Ianno: BCE et d'autres compagnies comme la vôtre, qui ont dépensé les 450 millions de dollars, ont des fournisseurs qui sont de petites entreprises et qui devraient essayer de régler le problème le mieux possible, mais très souvent leurs systèmes sont très simples. À part les vérifications dont nous avons parlé tout à l'heure, quelles vérifications peuvent-ils faire auprès de BCE ou d'autres grosses compagnies pour s'assurer que leurs systèmes sont compatibles?
M. Jean Monty: S'il s'agit d'un de nos fournisseurs, nous pouvons tester leurs produits sur nos propres systèmes et nous avons intérêt à le faire. Nous pouvons également passer dans nos propres systèmes les informations qu'ils nous envoient, et soumettre cette interface à des essais. Nous ne pouvons pas faire autrement. Il y va de notre intérêt car c'est important pour nous également. Et cela n'est pas vrai seulement pour notre compagnie, mais pour toutes les compagnies qui ont leurs propres fournisseurs.
M. Tony Ianno: Vous avez également parlé d'un groupe sans but lucratif aux États-Unis. Y a-t-il un équivalent au Canada?
M. Jean Monty: Alain, est-ce que vous connaissez un organisme sans but lucratif équivalent qui, au Canada, accrédite les organismes pour l'an 2000? Je n'en connais aucun.
M. Alain-F. Desfossés: Non.
M. Tony Ianno: Est-ce que votre groupe de travail aurait par hasard recommandé au gouvernement de mettre une place une sorte de groupe, surtout pour aider les petites entreprises qui ne sont pas capables de le faire elles-mêmes?
M. Jean Monty: Mes observations tout à l'heure en réponse à deux ou trois autres questions ont peut-être faire croire que ce moyen n'était pas le plus efficace possible, et qu'il vaudrait mieux dépenser l'argent pour sensibiliser les centaines de milliers d'entreprises qui sont concernées, pour leur donner ce genre d'outils: sites Web, information sur la marche à suivre, etc. Nous avons décidé que c'était plus efficace que d'élaborer un programme d'accréditation au sein du gouvernement pour les PNE.
La présidente: Monsieur Monty, vous nous avez très généreusement accordé votre temps, et nous l'apprécions beaucoup. Je crois comprendre que vous avez un autre engagement.
M. Jean Monty: Oui, Je dois assister à un dîner à Montréal.
La présidente: Est-ce que M. Desfossés pourrait rester?
M. Jean Monty: M. Desfossés pourrait rester.
La présidente: C'est excellent.
Nous vous remercions encore une fois pour votre rapport et, pour le temps que vous nous avez consacré.
M. Rand, je crois, va venir s'asseoir à la table au cas où il y aurait des questions.
Monsieur Jones, vous avez une autre question.
M. Jim Jones: Oui. Est-ce que tous les produits fabriqués actuellement sont conformes aux exigences de l'an 2000, ou bien est-ce qu'il y a encore du matériel ou du logiciel qui contiennent des puces non conformes?
M. Alain-F. Desfossés: Il y a certainement du matériel non conforme qui se vend à l'heure actuelle.
M. Jim Jones: Neuf?
M. Alain-F. Desfossés: Neuf. Et il y a certainement du logiciel sur les rayons des magasins qui n'est pas conforme. C'est une des raisons pour lesquelles dans son rapport le groupe de travail a invité les groupes de consommateurs à exercer des pressions et à s'assurer que les consommateurs étaient conscients de cette situation et qu'ils exigent une preuve d'accréditation du vendeur ou du fabricant.
M. Jim Jones: Est-ce que le comité n'aurait pas dû faire cette recommandation, qu'au moins les produits vendus en 1998 et 1999, soient conformes, et qu'un seau sur l'emballage le prouve? Les gens pourraient encore acheter ces produits, ces appareils convaincus qu'ils sont conformes, et pensant qu'ils peuvent écarter ce souci?
M. Alain-F. Desfossés: Non. Nous pensons que dès que les consommateurs seront suffisamment sensibilisés, ils s'attendront à ce que les produits qu'ils achètent soient conformes aux exigences de l'an 2000, et, à ce moment-là, les forces du marché, les règles de la concurrence interviendront, et il n'y aura plus aucun fabricant de matériel ou de logiciels pour fabriquer des produits non conformes.
M. Jim Jones: Nous devrions faire comme Microsoft. Quand vous développez un produit pour Windows 95, ou quelque chose de ce genre, vous pouvez apposer leur sceau sur votre produit, ce qui prouve qu'il est certifié pour Windows 95. Nous devrions avoir le même genre de chose. Après tout, il ne reste qu'environ 700 jours, ou même moins.
M. Alain-F. Desfossés: Je vous signale qu'à l'heure actuelle la plupart des fabricants de produits de marque annoncent leurs produits sur le site Web. Ou bien encore, ils annoncent que leurs fabricants ont une date limite pour apporter les corrections nécessaires. Ils vont même jusqu'à mentionner certains produits qui ne seront pas conformes, pour que les consommateurs soient prévenus d'avance qu'il est temps de changer leur système et d'acheter autre chose.
La présidente: Merci, monsieur Jones.
[Français]
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Plusieurs de mes questions ont déjà été posées par d'autres membres du Comité, mais j'aimerais revenir sur deux points. Premièrement, vous avez clairement indiqué que le pourcentage des PME qui sont même sensibilisées à la question de l'an 2000 est très faible. Donc, on peut s'attendre à ce que, malgré une vaste campagne de sensibilisation, un bon nombre de ces PME ne soient pas en mesure de faire face à la date critique.
Une des recommandations, c'est que les institutions de crédit réglementées exigent des entreprises emprunteuses la disponibilité d'un plan d'action. C'est bien beau pour les PME qui ont actuellement accès au crédit. Mais les études, même celles de l'Association des banquiers canadiens, démontrent que la grande majorité des PME, lors de leur création, ne sont pas créées grâce au crédit consenti par les institutions.
Comment pallier cette lacune et rejoindre ces gens qui sont actuellement en affaire mais n'ont pas de crédit? Ils sont en train de fonctionner à l'aide de retraits de leur REER ou à l'aide d'emprunts personnels qu'ils ont contractés auprès de leur famille ou de leurs amis.
Deuxièmement, comment sensibiliser d'ici l'an 200 ceux de nos futurs entrepreneurs qui n'iront probablement pas demander un emprunt à une institution financière? Est-ce que vous avez pensé à cela et, si oui, avez-vous quelques suggestions à soumettre à ce comité? Comment nous, membres du comité, pouvons-nous jouer un rôle sur ce plan?
M. Alain-F. Desfossés: C'est une excellente question. Le problème n'en est pas un de sensibilisation au problème. Selon les statistiques déjà publiées, il y a seulement 9 p. 100 des entreprises qui ne sont pas conscientes de l'existence du problème et seulement 10 p. 100 des petites entreprises qui n'en sont pas conscientes non plus.
Il y a déjà 50 p. 100 des petites entreprises qui agissent. Malheureusement, un nombre insuffisant d'entre elles utilisent une approche systématique, de sorte qu'elles ne sont pas pleinement conscientes de l'ampleur du problème qui risque de les hanter. Donc, ce n'est pas d'abord un problème de sensibilisation; il faut agir et le faire par une action systématique.
Effectivement, il n'y a qu'une petite entreprise sur deux, si j'ai bien compris, qui dépend de prêts bancaires. Encore là, comme M. Monty le mentionnait, la recommandation du Groupe de travail, c'est d'amener les institutions financières à sensibiliser les entreprises à la nécessité de se donner un plan d'action dans le cadre de l'évaluation des risques que, de part et d'autre, on doit prendre.
• 1700
Le Groupe de travail aura très bientôt l'occasion de
s'engager dans une campagne
de communication très importante. Le
Groupe Stentor écrira à 800 000 chefs d'entreprise, ce
qui est à peu près le nombre de
petites entreprises au Canada. Les banques à charte
suivront mais, comme vous le dites, il y a seulement
une entreprise sur deux qui aura accès à
cette information et en bénéficiera.
Une vaste campagne de communication ou d'annonces sera initiée d'ici deux ou trois semaines dans les revues spécialisées touchant au monde des affaires, les journaux, les quotidiens et les mensuels. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante fera distribuer copie de ce qu'on appelle la check-list pour la petite entreprise à quelque 88 000 de ses membres.
Il faut ajouter à tout cela la pression qui sera exercée sur elles par les plus grosses entreprises qui voudront connaître l'état de préparation des compagnies qui les approvisionnent et dont elles ont besoin. Compte tenu du fait que la masse de travail requise d'une petite entreprise est moins importante que celle qui est requise d'une grande entreprise et compte tenu du fait qu'il reste quand même tout près de deux ans, soit 23 mois, j'ai bon espoir que les chefs de petites entreprises vont réagir à temps et avec le jugement qui s'impose.
Le gouvernement du Québec, avec l'appui des courtiers en valeurs mobilières ou des comptables agréés du Québec, a fait un échantillonnage, un peu comme nous l'avons fait. Ce qui est intéressant, c'est que les conclusions de l'échantillonnage sont à peu près les mêmes que les conclusions auxquelles en est arrivée Statistique Canada à l'échelle du pays. C'est la raison pour laquelle le Groupe de travail a voulu inviter non seulement les autorités fédérales mais également les institutions des provinces et des municipalités à mettre l'épaule à la roue et à nous aider à sensibiliser les entreprises du pays.
Mme Marlene Jennings: J'ai une autre question. Dans le rapport, on recommande que le gouvernement canadien examine la possibilité d'imposer ou d'instaurer une taxe neutre pour aider les compagnies qui doivent faire des investissements pour faire face à la problématique de l'an 2000. Finalement, leurs dépenses seraient neutralisées si elles pouvaient, en 1998, affronter 150 p. 100 de ces dépenses ou investissements et seulement 50 p. 100 en 1999 pour pallier le fait qu'elles sont déjà allées chercher 50 p. 100 de cet investissement. Je pense que c'est une excellente idée que le gouvernement examine la possibilité de faire ce genre de chose.
Je crois qu'un de mes collègues a mentionné que cela serait probablement à l'intention des PME qui, sur le plan fiscal, peuvent faire des capitalisations, des amortissements, des investissements en capital, etc. Or, il y a quand même un bon nombre de personnes qui sont ce qu'on appelle des travailleurs indépendants, qui ne sont pas des compagnies, mais qui travaillent. Elles peuvent être sensibilisées à la problématique de l'an 2000. La personne peut être passée à l'action, mais il est possible que les dépenses qu'elle a dû faire ne soient pas déductibles de ses impôts. Évidemment, je ne suis pas une experte en fiscalité. Est-ce une chose que vous avez envisagée ou si vous ne vous êtes préoccupés que des PME au sens premier du terme?
M. Alain-F. Desfossés: Je pense que c'est la PME dans son sens convenu.
• 1705
Par contre, il faut reconnaître qu'une entreprise de six
employés et plus fait probablement face à un défi plus grand
qu'une entreprise qui ne compte qu'un travailleur
autonome.
Deuxièmement, la mesure fiscale incitative, telle que proposée, est neutre et, par conséquent, ne procure, sur une période de deux ans, aucun avantage pécuniaire à l'entreprise. Elle ne fait que lui permettre d'amortir la première année davantage de coûts encourus, qu'elle doit rembourser la deuxième année, l'idée étant que, plus vous agissez rapidement, plus vous avez facilement accès aux ressources qui deviennent de plus en plus rares puisqu'elles sont soumises à une concurrence internationale de plus en plus féroce.
Donc, le plus rapidement vous encourez ces coûts, qui de toute façon sont inévitables, le moins il vous en coûtera. Alors, c'est un incitatif neutre sur le plan fiscal, mais qui, en fait, amènera les compagnies à épargner de l'argent au cours des deux prochaines années.
Mme Marlene Jennings: Merci. Une dernière question. Vous avez parlé du rôle des groupes de protection des consommateurs. Pouvez-vous élaborer davantage sur ce point? Vous, ou M. Monty je crois, avez avancé que les groupes de protection des consommateurs pouvaient avoir ou avaient un rôle à jouer pour s'assurer que le public soit conscient du problème de l'an 2000. S'ils exerçaient ce rôle, cela pourrait devenir un moyen de pression employé par le public auprès des fabricants de produits dans le but de s'assurer que ces produits soient en conformité avec les exigences de l'an 2000. Pouvez-vous approfondir la question?
On peut se demander quelle sorte d'action ces groupes pour la protection des consommateurs pourraient entreprendre. Il ne s'agit pas simplement pour eux de demander aux PME si elles ont déjà des idées.
M. Alain-F. Desfossés: Écoutez, il nous est difficile, en tant que groupe de travail essentiellement composé de chefs de grandes entreprises, de parler au nom des consommateurs.
Cependant, dans le rapport, dans le cadre du chapitre qui traite du rôle des institutions parlementaires, tant au fédéral que dans les provinces, il y a une invitation adressée aux mouvements de consommateurs à s'exprimer sur le sujet. J'avoue ne pas avoir eu l'occasion de lire beaucoup d'articles dans les magazines spécialisés et dans les revues au cours des derniers mois sur ce sujet-là, en particulier en ce qui concerne les consommateurs eux-mêmes.
Si vous regardez à la page 57 de la section française du rapport, vous verrez que nous invitons les employés, directement ou par l'entremise de leurs syndicats, à demander des comptes à la gestion de l'entreprise sur ses préparatifs en vue de l'an 2000.
Au fond, il s'agit, comme le disait M. Monty, d'essayer de trouver ou de créer une coalition, ou l'expression d'une coalition de toutes les composantes de la vie économique et sociale du pays, qui exigerait des comptes des organisations dont la survie et la poursuite des activités sont essentielles au bon fonctionnement social et économique du pays.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
J'ai une question très courte à poser au sujet de la motivation des gens. J'ai l'impression que la plupart des petits entrepreneurs sont parfaitement au courant du problème. Ils sont au courant. Ils comprennent le problème, ou du moins ils savent qu'il existe.
Certains d'entre eux le comprennent très bien. En fait, certains savent même ce qu'il faut faire. Toutefois, j'entends parfois: «Oui, mais cela ne m'affectera pas.»
Et cela nous amène à une troisième chose. Les gens sont au courant, ils comprennent, mais ils refusent de croire que cela les affectera. Comment les en convaincre? Vous avez parlé de toutes ces mesures. C'est tout à fait humain. Comment convaincre les gens que cela les concerne?
M. Alain-F. Desfossés: Le défi de l'an 2000, c'est précisément que les gens, une fois alertés, s'empressent de nier le problème.
M. Werner Schmidt: Absolument.
M. Alain-F. Desfossés: C'est un problème qui concerne quelqu'un d'autre, pas moi. Cela ne peut pas être aussi grave. C'est de la technologie informatique; je vais donc laisser les spécialistes s'en occuper.
C'est probablement ce que vous et moi faisons lorsque nous avons un problème d'informatique. Nous le confions à des spécialistes. Ils le règlent, et nous sommes très satisfaits.
Le Groupe de travail a décidé d'allier des mesures d'encouragement et des mesures punitives. «Punitives» est un bien grand mot; il s'agit plutôt de pressions latérales. Si les clients d'un petit entrepreneur lui disent que s'il ne règle pas le problème de l'an 2000 il risque fort d'être rayé de la liste de ses fournisseurs dans les six prochains mois, c'est un encouragement suffisant pour qu'il se dise: «Arrêtons d'ignorer ce problème, faisons quelque chose, essayons au moins de savoir jusqu'où cela va même si nous espérons que cela ne nous concerne pas.» Une fois ces démarches accomplies, le petit entrepreneur peut oublier le problème et poursuivre ses activités en sachant qu'il n'aura pas de problème le moment venu.
Ceux qui résisteront en dépit de toutes les campagnes de communication et de toutes les pressions exercées sur eux, en dépit des appels aux actes lancés par diverses institutions nationales, ceux-là verront probablement leurs clients s'éloigner. Ils subiront les conséquences de leur inaction dans un domaine que l'on considère comme étant purement commercial.
Ainsi, aucune compagnie n'y échappera, et il est certain que tout le monde doit faire quelque chose.
M. Werner Schmidt: Cela m'inquiète sur le plan commercial. Il est certain que c'est très réaliste, mais je pensais également à d'autres domaines, les professionnels, les psychologues, les professions de la santé, les divers services de santé. Ce type d'opérations n'est pas aussi commercial, pas aussi orienté sur les bénéfices. Ils jouent un rôle primordial, et ils sont nombreux à penser que ce n'est pas un problème pour eux. Est-ce que c'est un problème?
M. Alain-F. Desfossés: Vous parlez des fournisseurs de services, je présume.
M. Werner Schmidt: Oui.
M. Alain-F. Desfossés: La plupart travaillent sur cette question depuis des années—depuis quelques années du moins—et considèrent que le temps passe plus rapidement que le rythme de reprise. Je dirais que les fournisseurs de services se préoccupent énormément du fait que les investissements sont insuffisants... Pour eux, ce n'est pas uniquement une question d'entreprise commerciale; il y a l'aspect social.
Ce qui distingue peut-être l'approche canadienne de ce qui se passe ailleurs, c'est que pour la première fois il y a des présidents-directeurs généraux de sociétés qui ont vécu un projet visant l'an 2000 et qui en parlent à d'autres PDG en leur disant: «Ne sous-estimez pas le problème.» Leur voix semble beaucoup plus crédible que celle des fournisseurs de services qui tentent, en même temps, de vendre leurs services.
Les membres du Groupe de travail espèrent que parce que le messager est en train de devenir le message, cette fois-ci, ce sera différent. Les chefs d'entreprises offriront un message plus crédible que les fournisseurs de services ne l'ont fait jusqu'à maintenant.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Shepherd, vous aviez une dernière question.
M. Alex Shepherd: M. Jones a soulevé un point très intéressant, à mon avis. J'aimerais y revenir.
Peut-être pas les programmeurs de logiciels principaux au pays, mais ceux qui ont écrit des applications industrielles, ou que sais-je, seront peut-être fort tentés de brader leurs produits sur le marché parce qu'ils sont devenus inutiles.
L'Association canadienne de normalisation ne devrait-elle pas annoncer qu'il est interdit de vendre aujourd'hui des produits qui ne sont pas adaptés à l'an 2000?
M. Alain-F. Desfossés: Une organisation de normalisation, par définition, je pense, est un organisme bénévole qui tente de définir des normes qui seront mises en oeuvre non pas de façon obligatoire, mais de façon volontaire.
M. Alex Shepherd: Très bien. Dans le cas de l'Association canadienne de normalisation, au cours de vos recherches, avez-vous examiné cet aspect? Est-ce un grand problème? C'est une question de rentabilité, pure et simple, de tenter d'écouler son inventaire.
M. Robert N. Rand (directeur des opérations, Groupe de travail de l'an 2000, Industrie Canada): Il s'agit, je pense, de questions complexes d'organisation industrielle. Tout comme dans l'industrie dans son ensemble, dans l'industrie de la technologie de l'information, les présidents d'entreprises prennent des décisions quant à savoir s'ils vont adapter leurs produits aux nécessités de l'an 2000 ou s'ils vont vendre leur capital intellectuel à un concurrent plus important. Il va y avoir des remous sur le marché.
En ce qui concerne les normes, l'un des défis auxquels, très franchement, il faudra faire face, vient du fait qu'à l'heure actuelle il n'y a aucune norme précise, acceptée à l'échelle internationale, pour les produits adaptés à l'an 2000. Une estampille d'homologation sur une boîte de logiciel peut donc porter à confusion.
Lorsque nous nous serons un peu rapprochés de l'an 2000, les organismes de normalisation auront peut-être trouvé une solution à ce problème, car en général, dans de telles situations, on prend l'avis et on adopte les pratiques de l'industrie, qu'il s'agisse d'entreprises d'équipement ou de logiciel. Le processus de normalisation en est un de consensus.
Personnellement, je pense que cette question est très appropriée. Le grand défi vient du temps qu'il nous reste. Le processus de normalisation est plutôt lent. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'autre mécanisme, pas plus que de normes clairement définies qui pourraient s'appliquer.
M. Alain-F. Desfossés: D'après ce qu'on m'a dit toutefois, un nombre toujours plus grand de sociétés examinent les normes britanniques élaborées il y a quelques années comme modèles à suivre. Plus on suivra cette norme, plus elle deviendra la norme.
La présidente: Merci, monsieur Shepherd.
Je tiens à vous remercier, messieurs Desfossés et Monty, ainsi que tous les membres de votre groupe de travail, de ce rapport que vous avez préparé et de votre comparution ici aujourd'hui, au nom de tous vos membres. Nous sommes heureux de relever avec vous le défi de diffuser, de notre mieux, l'information aux petites et moyennes entreprises, ce que nous nous engageons à faire.
Nous reconnaissons qu'il existe une multitude de problèmes, tels que les puces intégrées. Nous pourrions poursuivre ici pendant des heures. Nous allons tenter d'entendre les divers groupes.
Nous devons maintenant aller voter. Nous vous remercions d'avoir bien voulu prendre le temps de venir témoigner devant le comité. Nous espérons vous revoir.
M. Alain-F. Desfossés: Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs.
La présidente: La séance est levée.