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STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 mai 1999

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants dépendants.

J'ai le plaisir d'accueillir ce matin M. Jim Davies. Il est professeur et président du département d'économie de lÂuniversité Western Ontario. Il est ici à titre personnel. Nous accueillons également M. David Duff, professeur de la faculté de droit de l'Université de Toronto.

C'est la troisième séance d'une série d'audiences que nous tenons dans diverses régions du pays. Nous sommes déjà allés à Vancouver et nous étions à Calgary hier. Ce soir, nous nous mettrons en route pour Halifax et nous serons à Montréal vendredi. Nous tenons des consultations nationales sur cette question très importante.

Soyez les bienvenus messieurs. Je vous demande de ne pas prendre plus de 10 à 15 minutes pour nous laisser tout le temps de poser des questions. Que celui qui veut prendre la parole le premier commence.

M. Jim Davies (témoignage à titre personnel): Ma mère était une Wallace. Quand j'étais encore très jeune, elle m'a dit que le fait d'avoir épousé un Davies avait été un gros avantage parce que l'on se rapproche ainsi du début de l'alphabet. Par conséquent, je passe avant David de justesse. La théorie de ma mère se confirme une fois de plus.

Je suis professeur à Western et directeur du département d'économie. Je m'intéresse à la façon dont la famille est traitée sur le plan fiscal depuis assez longtemps. J'ai écrit un document à ce sujet pour l'Association canadienne d'études fiscales au début des années 90. L'année dernière, l'Institut C.D. Howe m'a demandé de faire une étude avec Ken Boessenkool. L'Institut C.D. Howe a publié en novembre un commentaire intitulé Giving Mom and Dad a Break: Returning Fairness to Families in Canada's Tax and Transfer System.

Lorsque j'ai appris que vous teniez ces audiences dans diverses régions du pays, je me suis dit que j'aimerais beaucoup avoir l'occasion de venir parler d'un sujet que je connais assez bien. Je vous ai distribué des exemplaires de mon mémoire de quatre pages dont je ne mentionnerai que les points saillants.

Au début de mon mémoire, je signale que les économistes spécialisés en finances publiques ont cherché activement une solution équitable pour les familles dans le cadre d'un système d'impôt progressif. Nous sommes conscients depuis longtemps de la nécessité d'élaborer des systèmes équitables pour les contribuables ayant diverses responsabilités familiales. Quelques principes importants et relativement simples sous-tendent cette analyse et les conclusions sont claires.

Une de ces conclusions est que le système fiscal doit prévoir une déduction universelle pour tous les enfants à charge. C'est un sujet qui revient souvent dans les manuels universitaires courants sur les finances publiques, ou dans les cours et discussions sur la fiscalité organisés par les départements d'économie des universités canadiennes. Dans la plupart des cas, la conclusion est qu'il faudrait prévoir des exemptions ou des déductions pour les personnes à charge.

Le principe sous-jacent est celui de la capacité de payer, autrement dit, les contribuables doivent payer en fonction de leur faculté contributive. C'est aussi un concept de base pour les économistes qui sont spécialisés dans ce domaine. La capacité de paiement est établie en fonction de deux principaux facteurs: le revenu et les responsabilités familiales. Soit dit en passant, ce principe et cette approche sont très semblables à l'approche recommandée par la Commission Carter (Commission royale d'enquête sur la fiscalité) dans les années 60.

Au Canada, ce principe est reconnu en ce qui concerne les conjoints non actifs. Si un des conjoints ne travaille pas et n'a aucun revenu, l'autre a droit à un crédit non remboursable d'une valeur de 5 900 $. Ce crédit démontre que l'État reconnaît officiellement que la capacité de payer diminue du fait que la famille compte une personne de plus dont il faut couvrir les dépenses obligatoires.

Par conséquent, nous reconnaissons cet aspect de la capacité de paiement mais nous ne reconnaissons pas de façon systématique ou générale les frais associés aux enfants. C'est une attitude très étrange. Comme je l'ai signalé, elle va à l'encontre du principe de la capacité de payer. Elle est aussi très différente de celle qui a été adoptée dans presque tous les autres pays industriels évolués.

Avec M. Boessenkool, j'ai examiné ce qui se fait dans les autres pays de l'OCDE. Nous avons constaté que la Grande-Bretagne est pour ainsi dire le seul autre pays où cette situation n'est pas reconnue.

• 0915

Le système canadien n'a pas toujours été structuré comme il l'est actuellement. Jusqu'en 1987, le fisc reconnaissait les charges financières que représentent des enfants à charge en accordant une exemption personnelle. J'ai vérifié sur une vieille déclaration d'impôt et j'ai constaté que c'est en 1986 que cette exemption était la plus élevée (710 $ par enfant). Elle équivaudrait actuellement à environ 1 000 $ par enfant. Elle a été remplacée par un crédit non remboursable en 1988, puis supprimée en 1992.

Ce que le gouvernement fédéral considère comme sa politique fiscale en faveur des enfants comporte deux principaux volets. Le premier est la prestation fiscale canadienne pour enfants qui, à mon avis, n'a pratiquement aucun rapport avec le système fiscal. C'est un programme de transfert. Je ne sais même pas ce qu'est une prestation fiscale. Les impôts et les prestations sont deux choses différentes. J'estime qu'on devrait l'appeler tout simplement la prestation canadienne pour enfants.

Le président: C'est le fisc qui vous l'accorde.

M. Jim Davies: Peut-être que c'est ça.

C'est le dernier-né d'une série d'initiatives dont la première était le crédit d'impôt remboursable pour enfants, instauré en 1978 qui a évolué sous diverses formes depuis lors. Ce crédit est actuellement dans une phase de transition. Lorsque la dernière étape sera atteinte, c'est-à-dire en juillet 2000, le montant de la prestation sera de près de 2 000 $ pour le premier enfant et d'environ 1 800 $ par enfant supplémentaire, ce qui représentera un montant considérable.

Le système a été amélioré dernièrement au coût d'environ deux milliards de dollars. Une de ses caractéristiques importantes est que le pourcentage de ce montant récupéré par le fisc est très élevé. Autrefois, ce taux de récupération élevé s'appliquait aux revenus de 21 000 $ à 26 000 $. Dans la phase finale, il s'appliquera aux revenus de 21 000 $ à environ 30 000 $. Passé ce niveau de revenu, le taux de récupération diminuera.

Ce que je veux dire, c'est que cette prestation accroît considérablement le taux marginal d'imposition effectif pour cette tranche de revenu. Par exemple, la personne qui réintègre le marché de l'emploi après avoir été inactive pendant un certain temps constatera, si son revenu se situe dans cette fourchette, que son niveau de vie et son revenu net n'auront pas beaucoup augmenté, ce qui risque de mettre un frein puissant aux efforts déployés pour travailler. Même si les intéressés ne comprennent pas tous les rouages de ce système, ils constateront que leur situation financière ne se sera pas améliorée, ce qui est très décourageant.

Somme toute, la prestation pour enfants est une formule attrayante pour accorder un soutien de revenu aux familles dont le revenu se situe dans une tranche inférieure. En fait, le fisc ne se préoccupe pas de savoir si les familles sont traitées de façon équitable face à l'impôt. Ce programme de transfert est attrayant à maints égards mais il faudrait s'intéresser de plus près à la façon dont les enfants sont traités sur le plan fiscal.

Quant à la déduction pour frais de garde d'enfants, je n'en parlerai pas beaucoup aujourd'hui. Vous savez très bien qu'elle a été majorée dans le budget de 1998 et que le maximum est passé de 5 000 $ à 7 000 $ pour les enfants âgés de moins de 7 ans et de 3 000 $ à 4 000 $ pour les enfants plus âgés, ce qui est assez considérable.

Si je n'ai pas l'intention d'en parler beaucoup, c'est parce que cette déduction est parfaitement raisonnable et justifiable. Je pourrai vous expliquer exactement pourquoi tout à l'heure si vous me posez la question. Je ne trouve rien à redire à ce sujet. À noter que cette déduction n'est accordée qu'à un pourcentage assez peu élevé de familles avec des enfants.

J'ai navigué sur les sites Web de Revenu Canada et de Statistique Canada hier et, d'après mes calculs, 17 p. 100 seulement des familles avec des enfants réclament cette déduction. Environ 83 p. 100 ne la réclament pas. Les familles à double revenu et celles à revenu unique ont bien des points communs. La plupart des familles dont les deux parents ont un revenu ne réclament pas cette déduction. En outre, elle n'est accordée qu'aux parents qui placent leurs enfants dans des garderies officielles et qui peuvent fournir des reçus. Cette déduction est parfaitement justifiable dans ces cas-là, mais elle n'aide pas la plupart des familles avec des enfants, soit 83 p. 100 d'entre elles.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Pourriez-vous préciser si les 17 p. 100 en question sont des familles avec enfants ou sont des familles où les deux parents ont un revenu?

M. Jim Davies: Non... ce sont toutes des familles avec des enfants.

M. Paul Szabo: Le pourcentage des familles à double revenu avec enfants est-il légèrement plus élevé?

M. Jim Davies: Probablement. Il devrait être supérieur à 17 p. 100 mais je crois que ça représente malgré tout moins de la moitié des familles canadiennes avec enfants.

M. Paul Szabo: Environ un tiers, je crois.

• 0920

M. Jim Davies: D'accord.

Je voudrais parler des changements que j'estime nécessaires. Tous les parents savent que les enfants coûtent cher; les frais de garderie ne représentent que la pointe de l'iceberg. Il faut les loger, les nourrir et les vêtir. C'est à la fois une obligation morale et une obligation légale. Les parents sont obligés de le faire.

Le minimum requis pour répondre à ces besoins de première nécessité ne peut donc être utilisé pour l'achat de biens de consommation. Je dirais même que le gouvernement ne peut en disposer. Pour évaluer la capacité de payer du contribuable, il faudrait que ces frais obligatoires soient déduits du revenu du contribuable, ce qui n'est pas le cas.

Combien faudrait-il déduire? En 1986, on déduisait environ l'équivalent actuel de 1 000 $ par enfant. Dans le commentaire que j'ai rédigé avec Ken Boessenkool, j'ai recommandé une déduction de 2 000 $ par enfant, ce qui est encore largement inférieur aux dépenses obligatoires pour les enfants.

J'ai deux enfants. Je sais que ça coûte cher. Je fais ces dépenses de bon coeur mais je n'ai pas vraiment le choix pour ce qui est d'assurer la subsistance de mes enfants. Ce montant de 2 000 $ est minime et on peut facilement l'assumer.

D'autres rajustements devraient aller de pair avec l'instauration d'une telle déduction. La déduction pour frais de garde d'enfants représente, comme je l'ai déjà signalé, une somme assez considérable. Je ne suis pas certain que le faible pourcentage de familles qui en profitent aient actuellement besoin qu'on l'augmente.

Boessenkool et moi avons recommandé de retrancher de cette déduction un montant équivalent à celui de la déduction universelle que nous proposons. De cette façon, les parents qui ont des enfants en garderie et qui reçoivent une déduction pour frais de garde d'enfants paieraient tout impôt supplémentaire. Ils auraient droit à une nouvelle déduction équivalant à 2 000 $ par enfant. Il suffirait par conséquent de retrancher cette somme du montant de la déduction actuelle et ça reviendrait au même. Comprenez-vous? C'est la formule que nous recommandons. Ce serait kif-kif.

Que ferions-nous en ce qui concerne la prestation fiscale canadienne pour enfants? Pour parler de certaines de mes autres études, je dois dire que je suis très préoccupé au sujet des taux marginaux. Ils sont de 60 p. 100 ou 70 p. 100 pour les petits salariés. C'est complètement dingue. Il serait bon d'essayer de régler ce problème.

Il y a une solution possible. Si vous instauriez la déduction universelle en question, toutes les familles qui doivent payer de l'impôt pourraient en bénéficier. Si vous décidiez par exemple de maintenir le montant de la prestation fiscale pour enfants au niveau actuel, sans y apporter le moindre changement, pour les personnes dont le revenu est égal ou inférieur à 15 000 $ mais que, dans le cas de revenus supérieurs à 15 000 $, vous fixiez un faible taux d'imposition uniforme sur cette prestation—comme les 7,5 p. 100 que nous avons proposés—les familles seraient protégées.

Grâce à l'effet conjugué de la prestation fiscale pour enfants et de l'avantage que les familles tireraient de la déduction que nous proposons d'instaurer, leur revenu, après déduction des impôts et des transferts, demeurerait constant ou augmenterait. Nous estimons que cette façon de procéder simplifierait la prestation fiscale pour enfants. Nous recommandons également de la jumeler avec le crédit pour TPS, ce qui simplifierait encore davantage le système fiscal.

Par conséquent, ces trois initiatives, c'est-à-dire l'octroi d'une déduction universelle de 2 000 $ par enfant, le rajustement compensatoire à la déduction pour frais de garde d'enfants et le jumelage de la prestation fiscale pour enfants et du crédit pour TPS, en se basant sur le système en place avant le dernier budget fédéral, coûterait en tout trois milliards de dollars, alors que la facture des améliorations apportées par le gouvernement fédéral dans son dernier budget s'élève à environ deux milliards de dollars.

Autrement dit, le système que je préconisais au mois de novembre—et que je trouve encore excellent—ne coûterait qu'environ un milliard de dollars de plus que celui que le gouvernement est en train d'instaurer. Cette solution me paraît très intéressante. Il serait tout à fait logique d'instaurer une exemption universelle. C'était le système en place avant 1987 et, pendant des années, personne n'a mis son bien-fondé en doute. C'est une formule qui me paraît très raisonnable.

Vous pourriez répliquer que seuls les contribuables à revenu élevé en bénéficieraient. Ce que je vous répondrais, c'est que l'on a une conception bizarre de la richesse au Canada. Prenez le cas d'une famille dont les deux parents travaillent et ont un revenu net total de 36 000 $. Je n'estime pas que ces gens-là sont riches. Pourtant, ils n'ont pas droit à la prestation fiscale pour enfants. Si leurs enfants vont à l'école et qu'ils n'ont pas besoin de les mettre en garderie, ils ne reçoivent pas non plus de déduction pour frais de garde. Par conséquent, on ne tient pas compte du fait qu'ils ont des enfants. Il se pourrait qu'ils en aient trois ou quatre. Je connais des parents qui ont quatre enfants à charge et qui sont dans cette situation. Ils ne reçoivent pas un sou. J'en connais d'autres qui n'ont pas d'enfants au foyer et qui paient exactement le même montant d'impôts. Pourtant, la capacité de payer n'est pas la même. Les parents avec quatre enfants à charge sont beaucoup moins en mesure de payer de l'impôt. Bien des parents avec deux enfants au foyer n'ont droit à aucun avantage fiscal.

• 0925

C'est une simple question d'équité au niveau du système de perception. Je ne pense pas que le seul fait d'avoir un revenu supérieur à 60 000 $ ou 70 000 $ par an soit une raison suffisante pour ne pas tenir compte de la situation personnelle des contribuables. Un minimum d'équité entre les personnes qui gagnent plus de 70 000 $ par an et entre les riches et les pauvres est nécessaire. La redistribution des revenus n'est pas tout; l'intégrité du système fiscal est également très importante. Une répartition équitable des charges fiscales entre les Canadiens qui ont la chance d'avoir des revenus suffisamment élevés pour pouvoir payer beaucoup d'impôt est également importante.

C'est tout pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Davies.

Monsieur Duff.

M. David Duff (témoignage à titre personnel): Merci. Je donne des cours sur le droit fiscal et la politique fiscale à la faculté de droit de l'Université de Toronto depuis trois ans. Au début de ma carrière, j'ai écrit et rédigé plusieurs articles sur le droit de la famille. Ce sont par conséquent des sujets qui m'intéressent beaucoup. Je fais actuellement des travaux dans ce domaine et je suis très heureux d'avoir l'occasion de témoigner.

J'ai deux points principaux à exposer. Je pensais avoir sept minutes pour le faire et j'ai donc essayé de résumer le plus possible. J'ai donc deux points principaux à exposer et aussi trois suggestions à faire à ce sujet.

Le premier point concerne la soi-disant discrimination fiscale à l'égard des familles à revenu unique et le deuxième, qui est relié au premier, concerne le principe du fractionnement du revenu. À ce propos, je parlerai plus particulièrement des enfants à charge et de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Mon premier point concerne le choix de l'entité fiscale. Après avoir consulté d'innombrables documents concernant la politique fiscale au cours des 20 dernières années, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de raison valable de considérer les conjoints comme une seule entité fiscale. Depuis sa création, le système canadien a adopté une entité fiscale individuelle au lieu du système de déclaration d'impôt commune qui est en vigueur aux États-Unis et qui considère par conséquent les conjoints comme une seule entité fiscale. Ce système a été adopté en 1948 aux États- Unis, pour diverses raisons très complexes.

Je recommande de maintenir le système axé sur l'entité individuelle car je trouve qu'il est fondé.

Pourquoi? Premièrement, d'après plusieurs études, on n'a aucune preuve probante que le revenu d'un conjoint est partagé en deux avec l'autre conjoint. Par conséquent, si l'on part du principe que le revenu est partagé pour justifier une entité commune, on ne possède aucune preuve que le revenu soit effectivement partagé.

Deuxièmement, une multitude de facteurs tendent à prouver que l'entité commune ou familiale influence divers choix personnels importants. L'adoption d'une telle entité fiscale se traduit immanquablement par un avantage ou par des pénalités. C'est ce que démontre le système américain. Entre 1948 et 1959, les conjoints avaient intérêt à se marier. Le système était basé sur le mariage et l'est toujours d'ailleurs. Au Canada, on s'en est éloigné en assimilant l'union de fait au mariage. Je pense que l'on compte inclure également les couples formés par des personnes de même sexe, ce que j'approuve d'ailleurs.

Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de définir ce que l'on entend par une entité familiale ou commune. Ce sont des choix très personnels et il ne suffit pas de définir ce concept dans la loi mais ce genre de relation est nécessairement assorti d'un avantage ou d'une pénalité. J'estime que le système fiscal devrait essayer de rester neutre dans ce domaine et que la seule façon d'y arriver est de maintenir l'entité individuelle.

• 0930

En outre, les études prouvent également que l'unité fiscale axée sur les époux ou les conjoints a un effet encore beaucoup plus dissuasif sur la participation des salariés secondaires au marché du travail payé. Les salariés secondaires sont généralement des femmes dans notre société et, par conséquent, ce système a un effet dissuasif très marqué sur la participation des femmes au marché du travail parce que, lorsqu'elles le quittent pendant un certain temps, dès qu'elles le réintègrent, on applique à leur revenu un taux d'imposition équivalant au taux marginal combiné des deux conjoints et elles doivent par conséquent payer plus d'impôt que s'il s'agissait du taux normal correspondant à leur revenu personnel.

La troisième raison pour maintenir le système de la déclaration d'impôt personnelle est liée au principal but de l'impôt sur le revenu. L'impôt sur le revenu joue un rôle social important car il atténue les inégalités et équilibre la répartition des revenus. On peut le considérer comme une assurance en quelque sorte. Nul n'ignore que les personnes privilégiées sur le plan matériel doivent en grande partie leur aisance à leurs efforts personnels mais que la chance est malgré tout un facteur important.

Un des principaux objectifs du système d'impôt progressif est donc d'atténuer les conséquences de la répartition inégale des revenus propre à l'économie de marché. Si c'est un but important de l'impôt sur le revenu, il faut mettre l'accent sur l'individu qui a droit au revenu et en a le contrôle. L'individu est par conséquent l'entité fiscale qui convient pour des raisons parfaitement logiques.

Voilà les raisons pour lesquelles j'estime que le système fiscal doit rester axé sur le système de déclaration d'impôt personnelle. La conséquence du barème de taux progressif et de l'entité fiscale individuelle est que des familles ayant le même revenu global auront nécessairement des charges fiscales différentes puisque leurs revenus seront répartis différemment. Je le démontre mathématiquement. C'est un fait. Ce n'est pas de la discrimination mais la conséquence inévitable du choix de l'entité fiscale individuelle et d'un système fiscal progressif. Cette conséquence est, bien entendu, que la répartition des deux revenus est différente mais la progressivité et l'entité individuelle sont des choix justifiés.

C'est la première observation que j'avais à faire.

Le deuxième point concerne le fractionnement du revenu. Je vous ai déjà expliqué les conséquences du choix de l'entité fiscale individuelle et des taux d'imposition progressifs. Par contre, les différences qui existent au niveau des charges fiscales de diverses familles, ayant le même revenu global mais réparti différemment, peuvent être atténuées dans la mesure où le fisc accepte les transferts de revenu ou le fractionnement du revenu entre conjoints.

À noter cependant que cette forme de fractionnement du revenu est différente du fractionnement du revenu présumé dans une déclaration d'impôt commune. Dans ce dernier cas, il ne s'agit pas d'un fractionnement réel mais présumé du revenu. On présume que le revenu est partagé en deux. Pour autant qu'ils soient acceptés, les transferts de revenu tendent à égaliser ou à mieux répartir le revenu réel et les charges fiscales des familles du fait que les conjoints ont intérêt à fractionner leur revenu en deux parts égales.

Par contre, le système fiscal canadien est ambivalent. Notre attitude à l'égard du fractionnement du revenu est contradictoire. D'une part, nous l'encourageons et nous encourageons les contribuables à verser des fonds dans le REER de leur conjoint, à les y laisser pendant trois ans puis à les retirer. À ce moment-là, ils sont considérés comme faisant partie du revenu du conjoint. Cela devient une forme de fractionnement du revenu. Nous l'encourageons en fait. Nous encourageons également ce système dans le versement des prestations du Régime de pensions du Canada qui peuvent être partagées avec le conjoint.

Ce sont donc deux formes que d'encouragement. Par contre, il y a plusieurs règles—les règles d'attribution et d'autres règles—qui ont un effet dissuasif sur le fractionnement du revenu en obligeant les contribuables qui ont transféré des biens à leur conjoint à payer de l'impôt sur la valeur de ces biens.

• 0940

J'abolirais les règles d'attribution sur les transferts de biens à un conjoint. Leur abolition établirait le bien-fondé du système axé sur l'entité individuelle. Si nous pensons que quiconque a droit au revenu ou en a le contrôle doit payer de l'impôt, il faudrait considérer ces transferts de biens légitimes et les reconnaître officiellement.

La perspective est toutefois différente en ce qui concerne les enfants. On peut présumer que les enfants n'ont pas un contrôle effectif sur leur revenu et j'estime par conséquent que, dans leur cas, les règles d'attribution sont justifiées, mais pas en ce qui concerne les conjoints.

En outre, l'abolition de ces règles serait avantageuse du fait qu'elle encouragerait les transferts de biens, généralement des transferts faits par le soutien de famille, qui est généralement l'homme, à sa conjointe qui reste au foyer ou dont le revenu est peu élevé. Elle aurait des répercussions bénéfiques au chapitre du droit de la famille également. Je ne sais pas si certains d'entre vous s'y connaissent en matière de droit de la famille, de divorce et de rupture d'un mariage. Les femmes s'en sortent généralement très mal. Cette formule encouragerait les transferts réels de biens.

Ma première recommandation est donc d'abolir les règles d'attribution en ce qui concerne les transferts de biens entre conjoints.

Voici en quoi consiste la deuxième suggestion que j'ai à faire: je suis en faveur d'une déduction pour frais de garde d'enfants parce qu'elle atténue les effets dissuasifs de l'impôt sur la participation au marché du travail payé, mais je la modifierais. Pour le moment, la déduction pour frais de garde d'enfants doit être retirée du revenu du parent qui gagne le moins et n'est admissible que si l'on a effectivement payé un tiers pour la garde. Je recommanderais que l'on permette à quiconque a payé des services de garde d'enfants de les déduire de son revenu. Autrement dit, les parents auraient généralement intérêt à l'appliquer au revenu de celui des deux conjoints qui gagne le plus parce qu'elle serait alors plus intéressante. Je recommande en outre d'accepter que la somme correspondante soit versée au conjoint qui reste au foyer.

Il s'agit en fait d'une proposition très semblable à celle de M. Szabo; elle est légèrement différente mais après avoir lu le projet de loi qu'il a proposé, je pense que celui-ci est fondé sur le même principe en ce qui concerne le fractionnement du revenu limité aux transferts réels de revenu. Cette formule encouragerait les transferts réels de revenu. Elle tiendrait compte des dispositions différentes que les parents pourraient prendre en ce qui concerne la garde des enfants, selon leurs préférences. Ça confirmerait—et je crois que c'est important—l'importance économique et sociale de la garde d'enfants assurée par les conjoints qui restent au foyer. À noter qu'elle aurait en outre des conséquences bénéfiques puisqu'elle laisserait à celui des conjoints qui reste au foyer—généralement la femme—la latitude voulue pour verser des contributions dans un REER. Si le revenu était considéré, à juste titre, comme des gains cotisables aux fins du Régime de pensions du Canada, ça permettrait de recevoir des crédits pour les versements ultérieurs de pension en vertu de ce régime.

En outre, si ces paiements étaient traités comme des gains assurables aux fins de l'assurance-emploi, un tel système améliorerait la situation des femmes qui, d'après ce qu'on en a dit dans les médias, sont désavantagées par les modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'assurance-emploi du fait qu'elles perdent des heures de participation au marché du travail parce qu'elles en sortent généralement pour un certain temps et le réintègrent plus tard. Tout dépend de la façon dont la question est traitée. Si l'on tenait compte du nombre réel d'heures de travail entrant en ligne de compte dans le calcul de l'admissibilité à l'Assurance-emploi, la situation s'améliorerait probablement beaucoup. Un tel changement confirmerait que la garde des enfants est assimilable à un emploi.

Ma deuxième recommandation est donc la suivante: il conviendrait de modifier la déduction des frais de garde d'enfants de façon à permettre à celui ou celle qui les assume d'en bénéficier et de verser la somme correspondante au conjoint qui reste au foyer.

Ma troisième proposition pourrait sembler un peu plus discutable. Au lieu d'augmenter le montant du crédit d'impôt pour le conjoint, je le supprimerais pour autant que le conjoint qui subvient aux besoins de la famille puisse bénéficier d'un crédit d'impôt tenant compte des frais de soutien du conjoint qui reste au foyer—le crédit actuel pour le conjoint est légèrement inférieur au crédit personnel de base, à savoir 20 p. 100 de moins.

Laissez-moi vous expliquer pourquoi je l'abolirais. Si l'on encourage les transferts de revenu entre conjoints, le conjoint auquel ce revenu est transféré, c'est-à-dire celui ou celle qui reste au foyer ou qui garde les enfants à temps partiel et travaille à temps partiel, peut utiliser son crédit, c'est-à-dire la totalité du crédit personnel.

• 0945

Voici donc un système ou plutôt une série de propositions de changements encourageant le transfert réel du revenu entre conjoints au lieu des transferts présumés actuels et permettant le transfert des avantages fiscaux entre le conjoint qui reste au foyer et le soutien de famille. Au lieu d'un système qui permet les transferts d'avantages fiscaux, de la femme à l'homme généralement, on en instaure un nouveau qui encourage les transferts de revenu de l'homme à la femme. Je crois que ce n'est qu'une des raisons pour lesquelles ce système est nettement supérieur à l'autre. Il y en a plusieurs autres mais je crois que ces propositions contribuent de façon beaucoup plus satisfaisante à l'égalité des sexes, qui est un objectif louable, que l'autre solution axée sur l'entité commune et l'augmentation du crédit pour le conjoint.

Ce sont mes trois recommandations. Je m'arrête, car je crois avoir parlé pendant les 15 minutes qui m'étaient accordées. Merci.

Le président: Merci. Je parlais de 15 minutes en tout et non de 15 minutes chacun. Nous consacrerons 10 minutes aux questions. Je vous prie d'être brefs pour ne pas perdre du temps.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): J'ai particulièrement apprécié votre exposé, monsieur Davies.

La formule d'impôt actuelle a été adoptée en période de hausses d'impôt et nous avons abandonné certaines dispositions de l'ancien régime fiscal en ce qui concerne les parents et les enfants parce que l'on s'efforçait de faire des économies. Les changements équivalent en fait à une hausse d'impôt et comme vous le dites si justement, le système actuel impose de lourdes charges aux contribuables à faible revenu. À cause des mesures de récupération, les taux d'imposition marginaux sont très élevés, comme l'indiquent plusieurs graphiques que nous avons eu l'occasion d'examiner au cours des exposés précédents.

Cette notion plutôt simpliste irrite la plupart des contribuables. On constate que le mode de garde d'enfants qui a été choisi se différencie des autres formules de garde du fait que c'est celui qui donne droit à une déduction des frais. Nous nous demandons comment on pourrait également reconnaître les autres modes de garde d'enfants tels que la garde assurée par un des parents par opposition à la garde rémunérée. Vous semblez avoir trouvé une solution. J'ai posé la même question à la plupart des témoins qui m'ont observé d'un regard vide et m'ont répondu qu'ils comprenaient le principe mais qu'étant donné qu'ils ne sont pas experts fiscaux, ils ne savent pas comment on pourrait procéder. Vous avez peut-être trouvé une solution pour sortir de cette impasse.

Je voudrais que vous nous donniez un peu plus de précisions à ce sujet. Les frais de garde d'enfants sont effectivement reconnus en partie par le biais de la déduction prévue à cet égard mais nous essayons de trouver un moyen de reconnaître d'autres modes de garde d'enfants que les services externes rémunérés. Monsieur Duff, la formule que vous proposez tente également de régler ce problème. M. Davies pourrait peut-être nous donner quelques précisions supplémentaires sur ce problème.

M. Jim Davies: Bien. Je crois que la meilleure façon d'envisager la situation consiste à dire que les impôts sont basés sur le revenu monétaire et que le fait d'avoir des enfants a toutes sortes de conséquences dont l'une est qu'il entraîne des frais directs. Par conséquent, si votre enfant est placé dans une garderie et que vous devez payer ce service, il s'agit de dépenses réelles. En outre, les enfants entraînent des frais d'alimentation, de logement, d'habillement et, bien entendu, beaucoup d'autres dépenses. J'insiste sur les besoins de première nécessité.

Pour moi le problème est que l'on ne tient compte que d'une des dépenses importantes que les parents doivent faire en négligeant toutes les autres dépenses essentielles que l'on ne peut éviter. Je crois que c'est la meilleure façon de concevoir le problème.

Ce point de vue n'indique pas de façon explicite ce qui se passe lorsqu'un conjoint reste au foyer et garde les enfants lui- même ou elle-même. Je pourrais expliquer pourquoi je ne pense pas que cette situation ait des incidences sur le plan fiscal mais je ne sais pas si vous voulez pousser l'analyse plus loin.

• 0950

M. Paul Forseth: Nous essayons de trouver un moyen de tenir compte des efforts de garde d'enfants mais aussi des dépenses correspondantes. Le système tient compte des services de garde d'enfants payants parce qu'il y a des reçus mais que l'on n'a droit à aucune déduction si la garde est gratuite ou si elle est assurée par un des parents.

M. Jim Davies: Je pourrais peut-être faire quelques commentaires à ce sujet. Le rapport de la Commission Carter contient des observations très intéressantes.

Les parents sont conscients du fait que s'ils restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants, ils renoncent à un revenu. Ce manque à gagner fait partie des frais d'éducation des enfants. Dans notre système fiscal, on considère que la personne qui reste au foyer pour prendre soin des enfants produit un revenu en nature ou un revenu fictif. Le fait de renoncer à un revenu possible de 20 000 $ pour pouvoir prendre soin des enfants au foyer est assimilable à la création d'un produit d'une valeur de 20 000 $, qui est consommé par votre famille. Par conséquent, c'est exactement la même situation que lorsqu'on cultive des légumes pour sa consommation personnelle. Du point de vue économique, ça fait augmenter le revenu.

On ne doit pas payer d'impôt là-dessus, bien entendu. Le revenu fictif des services de garderie créés à domicile n'est pas imposable. C'est toutefois une déduction implicite pour la perte d'une occasion d'avoir un revenu due au fait de garder ses enfants soi-même à la maison. Par conséquent, ce problème est déjà réglé. En accordant une déduction pour frais de garde d'enfants aux parents qui ont recours à des services de garderie payants, on met sur un pied d'égalité tous ceux qui ont ces deux options différentes. C'est mon point de vue.

M. Paul Forseth: Mais vous...

Le président: Les cinq minutes que vous aviez sont écoulées. Nous allons manquer de temps.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît, brièvement.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Bonjour, messieurs, et merci de votre présentation. Vous êtes des spécialistes dans vos domaines respectifs. Les gens qui viennent nous voir, les regroupements, les mères de famille et celles qui restent à la maison ont des demandes bien spécifiques. Bien que vos recommandations soient assez innovatrices pour certaines, en les additionnant à celles des autres, on arriverait à un système qui répondrait probablement aux besoins des gens.

Les gens qui restent à la maison, surtout les femmes, ont besoin d'être reconnus et appuyés. J'ai comme l'impression que, dans les mesures que vous nous présentez, on ne voit pas réellement l'effort fait au niveau des familles à faible revenu et la reconnaissance donnée aux enfants plutôt qu'au revenu des parents, c'est-à-dire l'argent apporté à la famille, le soutien apporté globalement à la famille.

Auriez-vous des commentaires sur les demandes des familles comme telles, peu importe leur niveau de revenu, et aussi sur les familles à revenu plus faible? Vous avez parlé, monsieur Davies, de la répartition de la richesse. C'est important dans le système fiscal, et plusieurs de vos recommandations touchent plutôt les gens qui ont un revenu moyen ou supérieur.

[Traduction]

M. David Duff: C'est une remarque pertinente. Elle s'applique effectivement aux commentaires que j'ai faits. Les mesures que je préconise s'appliqueraient principalement à la classe moyenne mais elles entraîneraient une réduction de l'impôt pour la classe moyenne. Ça peut se faire d'une façon ou d'une autre. Je crois qu'un changement de la structure du système serait avantageux.

Le fait que je me sois contenté de faire trois suggestions ne veut pas dire que je ne me préoccupe pas des autres aspects du système fiscal. Étant donné que j'avais peu de temps, je n'ai pas pu les aborder tous. Je pense que vous avez toutefois parfaitement raison. Les solutions que je propose ne contribueraient pas beaucoup à améliorer la situation des économiquement faibles. Ils ne pourraient pas profiter de cette forme de fractionnement du revenu. Il faut donc trouver des solutions passant par divers types de mesures gouvernementales et c'est précisément ce que nous faisons.

• 0955

Nous poursuivons divers objectifs politiques par le biais de la Loi de l'impôt sur le revenu. En ce qui concerne les enfants par exemple, je pense que l'on en poursuit au moins trois. Le premier est l'octroi d'exemptions fiscales pour les personnes à charge dont a parlé M. Davies. J'approuve cette formule. Un autre aspect est la déduction pour frais de garde d'enfants dont j'ai parlé brièvement. Le troisième est un crédit d'impôt pour enfants remboursable s'adressant aux familles à faible revenu.

Toutes ces mesures peuvent et devraient être prises dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il y a divers objectifs gouvernementaux à atteindre par divers moyens. Je n'ai pas examiné la question d'aussi près mais j'estime que ce sont les aspects extrêmement importants du système fiscal et du système de transfert. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

[Français]

Le président: Merci.

M. Serge Cardin: J'ai déjà fini, monsieur le président?

Le président: Vous aviez trois minutes.

M. Serge Cardin: D'accord.

Le président: C'est parce qu'on est déjà en retard de cinq minutes.

M. Serge Cardin: Parfait.

Le président: Madame Dockrill.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci beaucoup d'être venu témoigner. Monsieur Duff, les commentaires que vous avez faits au sujet de l'importance de l'égalité des sexes m'ont réjouie. J'estime également qu'il est très important de signaler les politiques gouvernementales qui constituent un obstacle à la promotion de ce principe. Je suis personnellement fermement convaincue que c'est le cas en ce qui concerne le fractionnement des revenus.

J'ai une toute petite question à vous poser, monsieur Davies. Dans votre exposé, vous avez suggéré de jumeler le crédit d'impôt pour enfants et le crédit pour TPS, en maintenant les montants versés actuellement mais en imposant un taux d'imposition uniforme peu élevé sur les montants déclarables et en commençant à un niveau de revenu familial un peu plus bas.

Hier, le Conseil de planification sociale de Winnipeg nous a fait un exposé à Calgary. Il a notamment reconnu que la prestation fiscale pour enfants contribuait beaucoup à égaliser les chances des enfants. Par contre, les représentants de ce conseil se sont dit très préoccupés au sujet d'une certaine discrimination fondée sur la source de revenu. Ils ont dit que 36 p. 100 seulement des familles avec des enfants, ayant un revenu leur donnant droit à des prestations, en ont reçu en 1996, à cause des dispositions de récupération s'appliquant aux prestations d'aide sociale. Deux provinces seulement n'essaient pas de récupérer les prestations.

M. Jim Davies: Par conséquent, le problème est dû aux dispositions de récupération prévues dans le système d'aide sociale.

Mme Michelle Dockrill: Oui. Je me demande si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.

M. Jim Davies: La prestation fiscale pour enfants est due à une initiative fédérale-provinciale et il était prévu que le gouvernement fédéral accorde une aide accrue. Plusieurs provinces au moins ont opté pour une réduction de leur aide. Je suppose qu'elles estimaient que ces réductions ne mettraient pas les assistés sociaux dans une situation plus précaire en raison des changements qui compensent leur effet. Les provinces qui ne récupèrent pas les prestations se montrent plus généreuses.

Je ne suis pas expert en politique sociale et par conséquent, il serait probablement préférable que je m'abstienne de dire si j'estime que c'est justifié. Nous sommes dans une période où la situation des finances publiques semble s'être améliorée et l'on peut peut-être se montrer un peu plus généreux en ce qui concerne les paiements de transfert. Les mesures de récupération des prestations des assistés sociaux ou des économiquement faibles doivent être considérées d'un oeil très critique parce qu'elles ont tendance à perpétuer la pauvreté.

Mme Michelle Dockrill: Si je fais ce commentaire et pose cette question, c'est parce que, dans le mandat du sous-comité, il est question des familles canadiennes avec des enfants à charge. Un grand nombre de familles vivent malheureusement dans la pauvreté. Je voudrais savoir si vous avez des commentaires à faire sur l'influence que le système d'impôt et de transfert actuel peut avoir sur leur situation.

Merci.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé vos deux exposés extrêmement intéressants et je vous remercie. Je vous poserai mes deux questions et vous laisserai le temps d'y répondre.

• 1000

Monsieur Davies, j'ai l'impression que vous ne vous préoccupez pas des familles à revenu unique ou à double revenu, de la question de la progressivité ni du fait que les déductions sont plus intéressantes aux échelons supérieurs de l'échelle des revenus qu'aux échelons inférieurs.

Vous avez parlé de la déduction pour frais de garde d'enfants. Quelqu'un a signalé hier que la limite d'âge pour l'admissibilité est de 15 ans. Plusieurs témoins ont dit qu'il était plutôt illogique de permettre de déduire les frais de garde d'un enfant en âge de garder des enfants lui-même, ce qui est possible dès l'âge de 11 ans. Ils se sont demandé s'il ne serait pas préférable d'abaisser la limite d'âge et de réutiliser les fonds ainsi économisés pour aider une autre catégorie de contribuables.

Monsieur Duff, vous avez parlé de supprimer le crédit d'impôt pour le conjoint. Je suis heureuse de constater que vous vous préoccupez beaucoup de l'équité au sein de la cellule familiale dont on ne peut présumer qu'elle soit fonctionnelle ou non. Ce n'est pas le rôle du système fiscal. Par contre, si l'on supprime le crédit d'impôt, il faut cesser de l'accorder aux couples qui n'ont pas d'enfants ou qui n'ont plus d'enfants au foyer. Je me demande si vous pourriez faire des commentaires à ce sujet.

M. David Duff: C'est vrai. La conséquence d'une telle mesure est que sans enfant ou sans quelque source indépendante de revenu, cette personne n'aurait droit à aucune exemption ou crédit. D'ailleurs, qu'est-ce qui justifie ce genre de crédits? Il faudrait que j'y réfléchisse un peu plus mais à mon avis, les crédits qui me sont accordés à titre d'exemption personnelle sont justifiés du fait qu'ils correspondent à ce qu'il m'en coûte pour survivre ou pour vivoter. Il faudrait fixer un montant de base non imposable.

J'estime que lorsqu'un des conjoints apte au travail reste au foyer et n'a par conséquent aucune source personnelle de revenu, il a fait le choix de ne pas participer au marché du travail ni à un type d'activité productive ou l'autre. Je considère que c'est en quelque sorte un choix de consommation. Je doute que ce genre de choix doive être pris en considération sur le plan fiscal. Le but de ces crédits est de permettre aux contribuables de retourner sur le marché du travail et de continuer à travailler pour eux-mêmes et à subsister. Dans ce cas, il n'y a aucune fonction économique.

Il s'agit d'une réponse provisoire. Il faudrait que j'y réfléchisse encore un peu. Je ne sais pas si vous pouvez répondre, monsieur Davies. Je suis certain que votre réponse sera différente de la mienne.

M. Jim Davies: J'aurais peut-être besoin également d'avoir le temps d'y réfléchir. Je pourrais peut-être répondre à la question que vous m'avez adressée.

Je ne suis pas en faveur d'une réduction du montant des frais admissibles pour la déduction des frais de garde d'enfants. Si les familles à revenu unique estiment qu'elles n'ont pas été très bien traitées—et je pense qu'elles ont de très bonnes raisons de le croire—la solution n'est pas d'essayer de réduire les prestations qui sont versées aux personnes qui réclament la déduction pour frais de garde d'enfants mais d'instaurer un système plus équitable pour les familles à revenu unique. C'est le genre de solution que j'essaie de proposer.

En ce qui concerne le fait que les déductions sont plus intéressantes pour les contribuables à revenu élevé, je dirais qu'en Ontario, le taux marginal de l'impôt provincial est d'environ 50 p. 100 pour les contribuables qui se situent dans une tranche d'imposition supérieure; par conséquent, j'estime que la déduction est plus intéressante pour eux que pour une personne dont le revenu est de 20 000 $ parce que, sans cette déduction, le taux d'imposition sur le revenu qui leur permet d'assumer les frais obligatoires associés aux enfants serait de 50 p. 100. Par conséquent, le montant de leurs impôts est supérieur à celui des impôts d'une personne qui se situe au palier inférieur de la tranche d'imposition la plus élevée par exemple.

C'est une erreur de considérer les déductions pour enfants comme une prestation. Il faut les considérer comme un moyen de traiter de façon équitable les familles qui se situent pratiquement dans la même tranche de revenu. Par conséquent, il faut se demander si la façon dont sont traitées deux familles ayant un revenu comparable est équitable.

• 1005

Pour ce qui est de prendre de l'argent aux riches pour le donner aux pauvres, c'est une autre question. Les économistes et les experts en finances publiques préconiseront toujours de rajuster les taux dans les diverses tranches d'imposition et non de refuser d'accorder la déduction.

Le président: Merci, madame Redman.

J'ai deux petites questions à poser, monsieur Davies. En ce qui concerne la déduction universelle de 2 000 $ par enfant à charge, estimez-vous que le montant devrait être lié à l'âge de l'enfant? Autrement dit, estimez-vous que plus l'enfant est jeune et plus le montant de la déduction devrait être abaissé ou préconisez-vous une déduction générale de 2 000 $, quel que soit l'âge de l'enfant? En outre, si quelqu'un réclame la déduction pour frais de garde d'enfants, ne devrait-il réclamer que la différence entre le montant total et 2 000 $ au lieu de réclamer les deux déductions?

M. Jim Davies: Je répondrai d'abord à la première question. Il serait peut-être bon de donner quelques précisions à ce sujet. Nous essayons de transmettre un message simple en préconisant d'accorder une déduction de 2 000 $ par enfant, voire d'un montant supérieur lorsqu'il s'agit de jeunes enfants. Il faut avoir une vue d'ensemble des avantages que présente une telle déduction. Cet enfant restera au foyer pendant au moins 18 ans. Il faut se demander quelle somme totale cela représenterait. Si votre revenu augmente pendant que les enfants sont au foyer, vous risquez de passer dans une tranche d'imposition supérieure. Par conséquent, vous n'avez peut-être pas nécessairement intérêt au cours de ces 18 années à avoir de plus fortes déductions au début et de moins fortes plus tard. Ce sont les subtilités de la fiscalité.

Quelle était la deuxième question?

Le président: Si quelqu'un réclame la déduction pour frais de garde d'enfants, conviendrait-il de fixer un plafond? Autrement dit, si nous accordons une prestation de 2 000 $ à quelqu'un dans le cadre d'un régime universel, conviendrait-il de ne lui permettre de déduire que la portion des frais excédant 2 000 $ et pas les 2 000 $ et les 4 000 $ de frais, par exemple? Autrement dit, cette personne ne devrait-elle pouvoir déduire au maximum que les 4 000 $ de frais pour lesquels elle possède des reçus?

M. Jim Davies: D'après la formule que nous proposons pour le moment, si vous avez un enfant âgé de moins de 7 ans, vous pouviez réclamer une déduction pour frais de garde d'enfants de 7 000 $.

Le président: En plus des 2 000 $ par enfant?

M. Jim Davies: Non. Nous recommandons de ramener le montant de la déduction pour frais de garde d'enfants à 5 000 $ et d'accorder une déduction universelle de 2 000 $. Par conséquent, les familles auraient droit à coup sûr à une déduction de 2 000 $.

Le président: C'est bien.

Merci beaucoup, messieurs. Je crois que vous nous avez donné matière à réflexion. Vous avez fait quelques propositions géniales. Au nom de mes collègues, je vous remercie d'être venus ce matin.

• 1007




• 1017

Le président: Nos prochains invités sont les représentants du Groupe de défense des enfants pauvres, à savoir la directrice de programmation, Mme Christa Freiler. Nous accueillerons également Olivia Chow, qui représente le Children's and Youth Action Committee, et Kerry McCuaig, qui représente la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants. Soyez les bienvenues.

Je vous prie de présenter vos invités. Je voudrais également que les exposés ne durent pas plus de cinq à six minutes par groupe, ce qui nous laisserait largement le temps de poser des questions. Sinon, nous n'aurons pas assez de temps comme ce fut le cas avec le groupe de témoins précédent.

On pourrait peut-être commencer par le Groupe de défense des enfants pauvres. Allez-y, madame Freiler.

Mme Christa Freiler (directrice de la programmation, Groupe de défense des enfants pauvres): Merci beaucoup.

Je m'appelle Christa Freiler et je vous voudrais présenter rapidement les quatre autres personnes qui m'accompagnent. Ce sont quatre parents venant de divers milieux; vous pourrez également leur poser des questions. Voici Molly Ladd-Taylor, une mère qui est sur le marché du travail, Dawn Archambault, une mère seule, Deirdre O'Sullivan, une mère au foyer et Michael Flanaghan, père de quatre enfants.

Les trois d'entre nous qui font un exposé ont décidé de se partager les 15 minutes qui leur sont accordées. J'essaierai par conséquent d'être aussi brève que possible. Je voudrais d'abord vous donner un aperçu qui constituera un changement de rythme par rapport aux discussions qui ont précédé. Nous n'insisterons pas beaucoup sur les aspects techniques du système fiscal; nous essaierons plutôt de donner un autre aspect au débat et de situer à nouveau le problème de l'équité fiscale dans le contexte de la politique de la famille parce que nous estimons que la politique fiscale est un instrument puissant et efficace de politique sociale et qu'elle permet de soutenir les parents dans leur rôle ou de leur mettre des bâtons dans les roues.

• 1020

Nous estimons que la principale source du problème auquel font face les familles canadiennes est que le système fiscal canadien ne soutient pas suffisamment la famille. Je voudrais vous énoncer brièvement les trois principales causes de ce problème.

La première est que la politique gouvernementale est ambivalente en ce qui concerne le rôle des femmes, tant sur le marché du travail qu'au sein de la famille. Étant donné que nous ne savons pas s'il faut aider les femmes comme mères, comme travailleuses ou dans ces deux rôles, la politique gouvernementale canadienne est pour ainsi dire figée et le système de soutien aux familles avec enfants est extrêmement sous-développé.

La deuxième raison est qu'au Canada, l'éducation des enfants est toujours considérée en grande partie comme une responsabilité privée alors que d'autres pays ont adopté une vision plus collective de l'enfant et de son rôle dans la société. Voici deux ou trois exemples: le système fiscal canadien est un des rares systèmes fiscaux, voire le seul, de tous les pays industrialisés, qui ne reconnaisse pas officiellement les frais qu'entraîne l'éducation des enfants même si nous savons qu'élever un enfant jusqu'à l'âge de 18 ans coûte environ 160 000 $. Ça représente par conséquent un sacrifice financier énorme, que font d'ailleurs la plupart des parents. Cependant, la prestation canadienne pour enfants est, par rapport aux prestations pour enfants accordées dans les autres pays industrialisés, une des moins avantageuses pour les familles à revenu moyen.

Le troisième facteur responsable du sous-développement du système de politique familiale est que le rôle du gouvernement fédéral dans la politique de la famille a encore diminué au cours des dernières années, même s'il n'a jamais été très important.

Ainsi, pour ce qui est des allocations familiales, le gouvernement du Canada aidait beaucoup plus les parents des générations précédentes que les jeunes familles actuelles. Les allocations familiales représentaient un montant assez important par rapport au salaire d'un travailleur. Lorsque ce système a été complètement modifié, c'est-à-dire en 1993, la valeur des allocations familiales avait diminué et maintenant, elles ne sont plus universelles.

Les politiques gouvernementales n'ont pas été adaptées aux besoins actuels des familles canadiennes et ne les protège plus contre une conjoncture défavorable du marché de l'emploi. On pourrait citer de nombreux cas qui le prouvent.

Enfin, étant donné que les politiques gouvernementales axées sur la famille sont appuyées de moins en moins, on en arrive à un système où les familles sont mises de plus en plus en concurrence. Un exemple a été cité dans l'exposé précédent. La nouvelle prestation fiscale pour enfants est axée sur les familles actives. Les familles de petits salariés sont mises en concurrence avec les familles d'assistés sociaux. Les familles où un seul des conjoints travaille sont mises en concurrence avec celles où les deux conjoints ont un revenu. Nous estimons que des politiques gouvernementales sont nécessaires pour offrir des options dignes de ce nom aux parents de jeunes enfants. Les parents ne devraient pas être obligés de choisir entre la possibilité de gagner un revenu adéquat et celle de passer suffisamment de temps avec leurs enfants.

Mes deux collègues développeront le thème de l'équité et de son repositionnement; elles suggéreront plusieurs politiques concrètes que nous voudrions proposer aujourd'hui.

Merci.

Olivia.

Le président: Je suis heureux d'accueillir Mme Olivia Chow. Je pense que vous êtes conseillère pour la Municipalité de Toronto.

Mme Olivia Chow (militante pour les enfants, Children's and Youth Action Committee): C'est exact, et je défends la cause des enfants. Le maire a décidé de me nommer il y a un an et demi.

Vous faites une tournée nationale dans un but bien précis. Il ne s'agit pas uniquement de défendre une notion abstraite comme l'équité; le but réel de votre entreprise est d'aider nos enfants, des enfants comme Sylvia, qui nous a accompagnés ici aujourd'hui. Il faut axer nos efforts sur un sujet capital, à savoir nos enfants et veiller à ce qu'ils soient convenablement nourris et bien élevés, et à ce qu'ils bénéficient d'un soutien adéquat.

Vous ne pourrez pas régler le problème de l'équité fiscale tant qu'il y aura des enfants qui meurent de faim au Canada, même si c'est difficile à croire. Vous ne pourrez pas régler ce problème tant qu'il y aura des enfants qui vivent dans des appartements de sous-sol mal éclairés. Vous ne pourrez pas examiner le problème de l'équité fiscale tant que des mères et leurs enfants seront expulsés de leur logement. Il y a ici une mère qui se trouve dans cette situation.

Ceux et celles d'entre vous qui habitent le sud de l'Ontario peuvent voir des enfants qui connaissent de graves difficultés. Leurs difficultés sont telles qu'ils ne sont pas assurés d'avoir un foyer ou d'avoir une paire de bottes pour l'hiver. On ne peut pas parler d'«équité» quand plus d'un million d'enfants vivent dans la pauvreté, la mère étant généralement le seul soutien de famille.

• 1025

Qu'est-ce que l'équité? C'est le désir de justice pour toutes les familles, une justice administrée de façon à ce que les besoins essentiels des enfants soient satisfaits, à ce qu'ils ne soient pas privés d'un toit, de soins et de nourriture. J'aborderai ce sujet plus tard. Personne ne désire qu'une mère soit pénalisée parce que l'on veut améliorer la situation d'autres mères. Personne ne désire que les mères qui restent au foyer ne privent d'argent les enfants dont la mère travaille. Le souci de l'équité ne peut pas s'exprimer sous cette forme.

L'équité nécessitera trois changements principaux.

J'ai apporté quelques accessoires. J'ai été enseignante et j'enseigne toujours au niveau collégial. Par conséquent, j'aime les accessoires.

Le premier changement nécessaire est d'ordre financier. Quand on parle d'impôt, on entre inévitablement dans des considérations d'ordre financier. L'équité signifie que les efforts déployés par toutes les familles pour élever leurs enfants doivent être reconnus et par conséquent, pour simplifier les choses, il faudrait accorder un crédit d'impôt pour enfants à toutes les familles. Je crois que le gouvernement a instauré un tel programme il y a deux ans. Je vous en félicite. Vous devrez prévoir des fonds supplémentaires pour l'année prochaine, pour l'an 2000, et continuer à augmenter le montant des crédits jusqu'à ce que les familles reçoivent 4 000 $ par enfant par an pour que les enfants n'aient pas à souffrir de ne pas manger à leur faim et de ne pas être logés décemment.

Ce système ne fera disparaître la pauvreté chez les enfants que si vous ne permettez pas aux provinces de récupérer le crédit d'impôt pour enfants et de l'arracher de la bouche de nos enfants, car c'est ce qui se passe. Elles reprennent cet argent. En Ontario, comme dans plusieurs autres provinces, les enfants les plus pauvres n'ont pas droit à un crédit d'impôt pour enfants. Par conséquent, on devrait considérer l'initiative prise depuis deux ans comme un crédit d'impôt pour les enfants sauf les plus pauvres. C'est ce que c'est en fait.

À quoi bon instaurer une prestation fiscale? Quelle est l'utilité d'investir des fonds dans la lutte contre la pauvreté chez les enfants pour que certaines provinces les récupèrent? On vous accuse alors de laisser le problème de la pauvreté s'aggraver. À quoi sert une telle initiative?

Le problème de la pauvreté chez les enfants s'aggrave effectivement. Les chiffres ne mentent pas. Par conséquent, pourquoi ne traitez-vous pas cette prestation comme vous traitez les soins de santé, en fixant des normes nationales? Vous seriez alors justes à l'égard des mères qui restent au foyer en tenant compte de leurs efforts et en faisant en sorte qu'elles reçoivent deux ou trois milliers de dollars par an. Les mères au foyer qui sont assistées sociales ne reçoivent pas votre prestation fiscale pour enfants actuellement.

Le deuxième changement, dont d'autres témoins feront une analyse beaucoup plus détaillée, est d'ordre législatif. Les mères et les pères ont besoin de longs congés parentaux, ils ont besoin de congés payés pour pouvoir rester auprès de leurs enfants lorsqu'ils sont malades et ils doivent avoir le droit—du moins en ce qui concerne les parents avec des enfants en bas âge—de raccourcir leur journée de travail. Ça leur permettrait d'assumer plus facilement et leurs responsabilités parentales et leurs obligations professionnelles.

Le fait de réduire les subventions d'aide à l'emploi pour les mères qui travaillent n'aide pas du tout celles qui restent au foyer; ça ne fait qu'accroître les difficultés des enfants dont la mère travaille. Ça revient à «punir son voisin» ou, en l'occurrence, à punir les enfants de son voisin. Je ne crois pas que ce genre de politique corresponde aux valeurs des Canadiens.

Par conséquent, pour être juste à l'égard de toutes les mères au foyer, et pas uniquement de celles qui ont un mari qui a un emploi, il faudrait instaurer un crédit d'impôt; il faudrait qu'elles reçoivent de l'argent et pas seulement des réductions d'impôt. Les réductions d'impôt n'aident pas ceux et celles qui sont trop pauvres; elles n'aident pas les assistés sociaux.

Le troisième changement concerne la création de programmes de garde d'enfants; vous avez vu le rapport concernant les avantages d'un programme national de garderies et je crois qu'il y a six ans à peine, le Parti libéral a affirmé, dans son Livre rouge, c'était nécessaire. Je suis toujours convaincue que c'est votre objectif fondamental.

• 1030

Voyez la popularité du programme de garderies québécois qui coûte 5 $ par jour aux parents. Il a énormément de succès et aide les parents, ceux qui travaillent comme ceux qui n'ont pas d'emploi. Par conséquent, il faudrait donner une incitation, établir des normes et convaincre les provinces de les suivre. La meilleure façon d'unir le pays ne serait-elle pas d'utiliser le meilleur modèle canadien en ce qui concerne les enfants, c'est-à- dire le modèle québécois? Pourquoi ne suivrait-on pas ce modèle?

Pour résumer, je répète que les besoins de base des enfants canadiens ne sont pas satisfaits. On ne peut pas parler des enfants sans signaler tous ces manques, que ce soit sur le plan du logement, des soins, ou de l'alimentation. Il faut régler ces problèmes. Est-ce trop coûteux? Non. Ça coûtera beaucoup plus à nos enfants si ne faisons rien pour les régler. L'an 2000 approche et il faut agir. Il faut que toutes les familles soient traitées avec équité et s'arranger pour satisfaire les besoins essentiels des enfants.

Le président: Merci, madame Chow.

Madame McCuaig.

Mme Kerry McCuaig (directrice générale, Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants): Pour assumer leur rôle important d'éducateurs, les parents ont besoin de plusieurs outils: du temps, un revenu et des services de garde d'enfants. Je parlerai surtout de deux de ces outils, à commencer par le temps.

On constate que de moins en moins de parents ont accès à des congés de maternité et à des congés parentaux payés. En raison des changements qui ont été apportés au système de l'assurance-emploi, moins de 40 p. 100 des mères qui travaillent ont maintenant accès à un congé de maternité payé. Étant donné que le montant des prestations a en outre été réduit, la durée moyenne des congés de maternité pris par les jeunes mères n'est plus que de 12 semaines. Cette situation pose un problème de santé national étant donné qu'elle compromet la santé de la mère et de l'enfant ainsi que celle des familles.

Une des solutions que nous vous proposons est d'améliorer le système canadien des congés de maternité et des congés parentaux en le rendant universel pour que tous les parents y aient accès, qu'ils fassent partie de la population active rémunérée ou non. Nous recommandons d'abord de prolonger jusqu'à un an la durée des congés accordés aux parents qui ont un emploi en prévoyant un congé d'une durée de 24 semaines pour la mère et un autre d'une durée de 28 semaines pour un des deux parents. Afin d'encourager les pères à s'occuper activement de leurs enfants, un bonus de six semaines pourrait également leur être accordé même si ce ne sont pas eux qui mettent l'enfant au monde.

La deuxième solution que nous proposons consiste à créer un fonds national d'infrastructure pour l'apprentissage précoce et les services de garderie. Il n'existe pas de programme semblable au Canada. C'est un des facteurs qui font que nous sommes très en retard sur le plan social sur d'autres pays industrialisés et surtout sur les pays européens.

Il est reconnu que des programmes de qualité sont bénéfiques aux jeunes enfants. Les études démontrent à l'unanimité que les enfants qui ont accès à ce genre de programmes en tirent de gros avantages plus tard dans la vie: ils facilitent leur développement social, développent leurs facultés d'apprentissage et augmentent leurs chances de devenir de bons citoyens.

C'est un autre domaine de la politique sociale où nous sommes atteints de schizophrénie. En matière de garde d'enfants, on ne sait pas toujours s'il est question de transfert de fonds aux mères de façon à pouvoir entreposer les enfants quelque part pour permettre aux parents de participer à des programmes de formation ou à des programmes de travail. Par contre, les programmes de garderies font également penser à des programmes d'apprentissage précoce.

Le programme que nous proposons comblera ces deux besoins simultanément, pour autant qu'il soit bien administré. C'est pourquoi nous préconisons un système global auquel tous les parents auraient accès pour leurs enfants, qu'ils travaillent ou non. D'ailleurs, j'espère que les autres parents ici présents en parleront pendant la période des questions. Certains de ces parents n'occupent pas un emploi rémunéré et font le sacrifice financier nécessaire pour offrir ces programmes à leurs enfants parce qu'ils sont conscients de leur efficacité.

• 1035

Je voudrais parler brièvement de la déduction pour frais de garde d'enfants. Nous estimons pour notre part que ces frais sont des charges professionnelles légitimes pour les parents qui travaillent. Par conséquent, ils ne devraient pas être imposables parce qu'ils n'accroissent pas le bien-être ou le pouvoir d'achat discrétionnaire de la famille. Par conséquent, il n'est pas possible de mettre en oeuvre un programme de garde d'enfants par le biais du système fiscal.

Nous nous unissons à d'autres organismes qui vont demander au gouvernement de faire du budget du nouveau millénaire un budget pour les enfants. Je voudrais vous donner un aperçu des éléments que nous voudrions qu'il contienne pour que le gouvernement fédéral prouve qu'il s'engage réellement à respecter son tout nouveau programme politique national concernant l'enfance.

Le gouvernement devrait d'abord affecter des crédits de deux milliards de dollars à la création d'un fonds national d'infrastructure pour l'apprentissage précoce et les services de garderies.

Le président: Est-ce deux millions ou deux milliards de dollars?

Mme Kerry McCuaig: C'est deux milliards de dollars.

Le président: Je voulais seulement vérifier.

Mme Kerry McCuaig: Nous proposons de prélever un milliard de dollars sur la caisse de l'assurance-emploi pour instaurer un système universel de congés de maternité et de congés parentaux payés. Nous proposons également de prévoir 1,6 milliard de dollars supplémentaires pour que toutes les familles, celles à faible revenu, celles à revenu modeste et celles à revenu moyen, aient accès à la prestation canadienne pour enfants.

Nous faisons ces suggestions en sachant qu'elles sont conformes aux lignes directrices établies par le premier ministre qui prévoient la répartition des excédents budgétaires entre la réduction de la dette, des mesures fiscales et de nouvelles dépenses de programmes. Nous estimons en l'occurrence que les solutions que nous préconisons concordent avec les propositions gouvernementales. Je crois qu'il est temps d'agir. Les familles canadiennes ont beaucoup souffert pour pouvoir réduire le déficit. Étant donné que nous avons maintenant un excédent, nous estimons qu'il devrait être consacré aux familles.

Merci.

Le président: Merci, madame McCuaig. Le premier ministre a toujours dit qu'il est plus difficile de gouverner avec un excédent qu'avec un déficit. Merci beaucoup.

Nous ferons des tours de cinq minutes.

[Français]

Nous allons commencer par M. Cardin. Cinq minutes, monsieur Cardin.

M. Serge Cardin: Mesdames, messieurs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je pense que c'est important.

Vous nous avez présenté beaucoup de choses en peu de temps et elles se résument à environ quatre milliards de dollars. Notre président nous a dit qu'il était difficile de gouverner quand il y avait des surplus; personnellement, je trouve cela relativement facile, à condition qu'on puisse déterminer nos priorités.

Vous dites qu'il y a des priorités au plan économique. On parle de formation, d'investissements en technologie, tout cela pour créer des emplois et de l'activité économique. Vous êtes venus nous parler de l'enfant. Vous dites que la ressource la plus précieuse d'un pays, d'une famille et des gens en général, ce sont les enfants.

Vous nous avez présenté plusieurs choses. Vous dites que des enfants ont faim, manquent de logement, vivent dans la pauvreté. D'autres intervenants avant vous nous ont dit qu'il n'y avait pas d'enfants pauvres comme tels, que c'étaient les parents qui avaient des problèmes économiques. Vous nous présentez la possibilité d'aider les parents, les enfants, les garderies, et vous parlez aussi de prestations.

Vous mentionnez aussi l'équité dans différents éléments. Des gens viennent nous dire que les personnes veulent avoir le choix; elles veulent que le gouvernement les appuie dans leur choix, que ce soit de rester à la maison pour élever leurs enfants ou d'aller travailler. Dans vos recommandations, vous parlez également d'aide pour la petite enfance.

Est-ce que vos recommandations feraient en sorte que la femme qui désire rester à la maison pourrait faire son choix sans être pénalisée financièrement et aurait droit à une aide totale pour élever ses enfants, peu importe qu'elle ait un revenu faible, moyen ou élevé?

• 1040

[Traduction]

Le président: Qui veut répondre? Madame McCuaig.

Mme Kerry McCuaig: Les recommandations que nous faisons sont des initiatives qui constituent à notre avis le noyau d'un programme politique visant à résoudre les problèmes des familles à quelque stade que ce soit. Pour leur assurer un revenu, nous recommandons d'instaurer, à l'instar des pays européens, une prestation pour enfants substantielles. Nous recommandons plus précisément de majorer le montant de la prestation pour enfants à 4 200 $ par enfant et d'agencer le système de façon à ce que les familles à revenu modique ou moyen aient leur part également.

En ce qui concerne les programmes d'apprentissage précoce et de garderies que nous préconisons de créer, il ne s'agit pas uniquement d'aider les mères qui travaillent. Nous pensons que ce serait une grosse erreur de considérer ces programmes comme une aide à l'emploi. Il s'agit d'une aide à l'apprentissage précoce. C'est un investissement majeur dans les enfants.

Quant au système de congés de paternité et au système universel de congés de maternité et de congés parentaux, ils donneraient à toutes les mères—quelle que soit la situation économique familiale et pas seulement dans les cas où il y a une autre personne qui touche un revenu—l'occasion de se retirer du marché du travail pour au moins les 12 premiers mois qui sont les mois décisifs.

C'est également une erreur de considérer le rôle de parent comme un rôle figé. Nous sommes toutes parents. Nous avons toutes fait partie de la population active à un moment ou l'autre. Nous avons toutes été hors du marché du travail à d'autres périodes. Ces arrêts dépendent en grande partie du stade du cycle parental dans lequel on se trouve.

Par conséquent, c'est une erreur de considérer ce problème comme un problème qui concerne uniquement les mères qui restent au foyer ou les mères qui travaillent parce que nous sommes toutes à un moment ou l'autre des mères au foyer et des mères qui travaillent. J'espère avoir répondu à votre question.

Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter? Madame Freiler.

Mme Christa Freiler: Je tiens à signaler que je suis entièrement d'accord avec Mme McCuaig et que, pour la plupart des parents, la question du temps est capitale, surtout pour les mères mais de plus en plus pour les pères. La dichotomie entre les mères au foyer et les mères qui travaillent ne doit pas nous faire oublier que tous les parents veulent en fait pouvoir passer plus de temps avec leurs enfants. Il serait peut-être bon que le marché du travail s'ajuste pour permettre aux parents de disposer du temps libre nécessaire. Nous ne l'avons pas mentionné dans nos recommandations parce que l'élargissement du congé parental devrait résoudre le problème en partie. Comme l'a dit Kerry, il ne faut pas faire une coupure entre les personnes qui sont sur le marché du travail et celles qui ne le sont pas. Il faut voir ce qu'on peut faire pour que les parents n'aient pas à renoncer à un revenu décent pour passer suffisamment de temps avec leurs enfants.

Même si elle n'est pas complète, je pense que la série de propositions que nous faisons est un début de solution à ce dilemme.

Le président: Madame Chow.

Mme Olivia Chow: À supposer que je sois la mère qui a un emploi et que ma collègue ne travaille pas, mais qu'elle reste au foyer. Elle ne tient pas à ce que le gouvernement m'enlève de l'argent pour le lui donner. Ce qu'elle veut, c'est que j'obtienne de l'argent pour mon enfant et en recevoir pour le sien. Par conséquent, du fait qu'elle élève son enfant au foyer, elle devrait toucher 4 200 $. Je devrais recevoir le même montant, que je travaille ou non. Bien entendu, du fait que je travaille, j'aurais également besoin de services de garderies et autres services, que je paierais. C'est mon premier argument.

Le deuxième est que les études actuelles contiennent peu de données comparatives prouvant par exemple qu'une mère seule qui va travailler passe moins de temps avec ses enfants que si elle restait au foyer. Des études effectuées en Grande-Bretagne et en Suède—dont il est question dans un ouvrage intitulé Single Mothers in an International Context: Mothers or Workers?—indique que les mères qui travaillent à plein temps consacrent actuellement plus de temps à leurs enfants que ne pouvaient leur consacrer les femmes au foyer à plein temps il y a une trentaine d'années. C'est indiqué à la page 273 de cet ouvrage qui cite des études internationales indiquant que c'est le temps que l'on passe avec ses enfants, que l'on travaille ou non, qui compte le plus.

• 1050

Le président: Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Je vous remercie d'être venues témoigner. J'estime que c'est très important. Je crois que vous nous avez rappelé en quoi notre mandat consiste exactement. À mon avis, le système fiscal, ou le système de transfert fiscal dans le contexte des familles avec des enfants à charge, doit s'appliquer à toutes les familles canadiennes. C'est un principe très important qu'il ne faut pas oublier.

En examinant votre mémoire, j'ai vu que vous avez écrit à la première ligne «politique fiscale à titre de politique de la famille». C'est très important parce que je trouve que c'est exactement ce dont il s'agit. Il s'agit des familles et d'investissement dans nos enfants, donc dans notre avenir. Je suis absolument convaincue, moi aussi, qu'une de nos principales priorités doit être d'éliminer la pauvreté chez les enfants et de faire en sorte que les politiques gouvernementales ne s'écartent pas de cet objectif.

J'ai également constaté que vous avez dit que les parents sont mis en concurrence. Pendant les nombreux déplacements que nous avons faits dernièrement dans divers endroits, je me suis mise à craindre que ce soit précisément ce qui se passe. Je comprends très bien que vous militiez en faveur de la famille.

La plupart des témoins que nous avons écoutés au cours des derniers jours ont parlé de fractionnement du revenu et pensent que c'est une solution au problème de l'iniquité fiscale. D'autres témoins considèrent que c'est un problème d'égalité des sexes et que les femmes sont désavantagées en ce qui concerne leur participation au marché du travail. Je me demande si vous pourriez nous exposer vos vues sur le fractionnement du revenu.

Mme Christa Freiler: C'est une notion qui ne nous est pas complètement étrangère et je pourrais donner mon opinion personnelle, mais ce ne serait pas celle d'un expert en la matière; je préférerais donc m'abstenir. Je sais que plusieurs personnes qui témoigneront après nous connaissent bien l'approche familiale et les aspects techniques du système fiscal. En fait, vous devriez peut-être poser à nouveau la question à deux ou trois des représentants de Campagne 2000.

Je ne pense pas que nous ayons examiné le sujet. Je sais que c'est une option que l'on est en train d'examiner et que ses avantages et ses inconvénients sont très semblables à ceux dont vous avez parlé mais, à moins qu'une de mes collègues ne tienne à faire des commentaires à son sujet, j'estime que nous ne sommes pas encore en mesure d'en parler en connaissance de cause.

Mme Michelle Dockrill: Si je pose cette question, c'est parce que les parents seuls n'ont pas de revenu à partager. C'est ce qui me préoccupe au sujet du système de fractionnement du revenu qui est proposé. C'est la raison pour laquelle je pose cette question.

Vous avez parlé de la nécessité d'universaliser les congés de maternité et de paternité. Je ne sais pas si vous avez vu l'étude effectuée par Shelley Phipps qui compare les systèmes en place dans divers pays. Je l'ai lue plusieurs fois au cours de la dernière semaine et l'on dirait que chaque fois j'y puise des informations supplémentaires. Je voulais vous lire un passage sur lequel vous pourriez peut-être faire des commentaires. Cette étude signale notamment que les pays où les prestations de maternité et de paternité sont supérieures à la moyenne ont également tendance à offrir d'autres paiements de transfert très avantageux. L'incidence de la pauvreté dans les familles avec des enfants est inversement proportionnelle à la valeur de ces transferts. Cette étude signale en outre que le Canada n'est pas du tout un chef de file dans ce domaine. Je voulais seulement savoir si vous êtes d'accord avec Shelley Phipps à ce sujet.

• 1055

Le président: Qui veut répondre?

Mme Olivia Chow: Je souhaiterais être en France ou en Suède.

Mme Michelle Dockrill: Voici une question que j'ai posée à plusieurs témoins. Étant donné qu'il y a bien des politiques à adopter et bien des initiatives à prendre si nous tenons effectivement à faire disparaître les inégalités dont sont victimes les familles avec des enfants à charge, aimeriez-vous que le sous- comité soit en quelque sorte l'instigateur d'un engagement ferme en faveur d'une stratégie nationale de l'enfance?

Le président: Madame McCuaig.

Mme Kerry McCuaig: Je voudrais répondre brièvement à votre dernière question.

Au Canada, on parle généralement de la pauvreté chez les enfants comme d'un événement accidentel. On dit par exemple que cela irait mieux si l'intéressée n'était pas tombée enceinte, si elle n'était pas tombée enceinte de cet homme-là ou si elle n'était pas divorcée. Cela revient à dire que si les femmes avaient un homme qui a un bon revenu dans leur vie, le problème de la pauvreté chez les enfants ne se poserait même pas.

C'est toutefois en grande partie la politique gouvernementale qui est la cause de ce problème. Si la même jeune femme, dans la même situation, avait mis son enfant au monde en France, elle aurait un enfant en bonne santé et elle serait elle-même en bonne santé; elle pourrait concilier le travail et la famille et les retombées seraient positives pour l'enfant. Au Canada par contre, du fait que les familles n'ont pas accès à des programmes de soutien analogues aux programmes français, le taux de mortalité infantile est plus élevé et les problèmes de poids insuffisant à la naissance sont plus fréquents, comme tous les autres problèmes associés à la pauvreté. La pauvreté n'est donc pas accidentelle mais elle est due à un certain nombre de lacunes dans la politique sociale.

En ce qui concerne votre question, je dirais que c'est précisément ce que nous espérions. Nous étions heureux de constater que votre mandat ne portait pas seulement sur quelques mesures fiscales précises mais également sur le système de transfert fiscal. C'est le sujet sur lequel nous avions décidé de mettre l'accent.

La publication du programme national pour les enfants est également une belle occasion d'en parler. Un nombre croissant de Canadiens demandent que le premier budget du millénaire soit un budget pour les enfants. Nous espérons que vous tiendrez compte de nos opinions—qui rejoignent celles d'autres témoins—et que vous en tiendrez compte lorsque vous préparerez vos recommandations. Ce n'est pas un seul élément du système fiscal qui est injuste envers les familles, mais le système fiscal en général et le système des transferts fiscaux.

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Dockrill.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Je crois que celle qui a pris la parole la première a dit qu'il faudrait améliorer considérablement le système fiscal pour pouvoir soutenir adéquatement toutes les familles. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là?

Mme Christa Freiler: Nous ne parlions pas uniquement du système fiscal mais à la fois du système fiscal et du système de transferts fiscaux. Par rapport à bien d'autres pays, et pas seulement la Suède et la France, même si ces pays se distinguent particulièrement, le Canada a la réputation d'être en retard en matière de politique de la famille. Nous estimons que le Canada devrait être très embarrassé de ce retard compte tenu de notre belle performance dans le domaine des soins de santé universels et de la sécurité du revenu pour les personnes âgées.

Par conséquent, le problème réside surtout dans le retard que nous avons sur d'autres pays industrialisés en ce qui concerne le niveau de soutien apporté aux familles avec des enfants. C'est ce que je voulais dire en affirmant que nous avions beaucoup à faire dans ce domaine par rapport à d'autres programmes efficaces dont nous avons le droit d'être fiers. Dans le domaine de la politique de la famille, nous n'avons vraiment pas de quoi être fiers de notre performance.

Je parle d'une amélioration générale qui concerne le système fiscal et le système des transferts fiscaux. L'exemple que j'ai cité est que l'impôt ne tient pas compte des enfants, et il y en a d'autres; par exemple, le Canada n'a pas mis en place un système universel pour l'apprentissage précoce et la garde des enfants; en outre, la prestation pour enfants accordée aux familles à revenu modique ou moyen est d'un montant très limité.

• 1100

Dans le cadre de l'étude dont il a été question, Shelley Phipps a fait beaucoup de calculs pour savoir combien les prestations pour enfants rapportent aux familles à revenu modique, c'est-à-dire celles qui ont un revenu de 30 000 à 35 000 $. Le Canada se trouve en dixième position parmi les dix pays qui offrent un niveau de soutien peu élevé aux familles à revenu modique qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Au lieu de régler le problème, nous mettons les familles pauvres en concurrence.

Nous avons visé tellement haut pour les prestations pour enfants que les familles à revenu modique ou moyen sont totalement laissées pour compte. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas se montrer généreux à l'égard des familles pauvres, mais c'est un bon exemple. Au cours des dix dernières années, nous avons visé tellement haut pour la prestation fiscale canadienne pour enfants que les familles qui sont le plus laissées pour compte sont celles à revenu moyen. Il ne s'agit pas des familles qui ont un revenu de 100 000 $ mais de celles dont le revenu total se situe entre 30 000 et 40 000 $.

Ces données confirment nos assertions, à savoir qu'il n'y a pas de quoi se vanter.

M. Jim Jones: Je crois que vous avez également dit qu'au Canada, l'éducation des enfants relève uniquement de la famille ou de l'individu alors que dans d'autres pays c'est également la responsabilité de l'État. Pouvez-vous citer les taux d'imposition et énumérer quelques caractéristiques des pays où l'État assume une plus grande part de responsabilité dans l'éducation des enfants?

Mme Christa Freiler: Je peux répondre la première.

J'espère que Mme Brigitte Kitchen, qui est une spécialiste en matière de politique sociale et de politique fiscale, ne verra aucun inconvénient à ce que je vous dise qu'elle sera une des personnes à prendre la parole au nom de Campagne 2000. Elle pourra vous donner des renseignements plus précis à ce sujet.

Dans plusieurs pays européens, le taux d'imposition est plus élevé et c'est notamment ainsi que la politique de la famille est financée. Pourtant, les contribuables ne se révoltent pas dans ces pays.

Il faut payer pour les services que l'on reçoit et je crois que les Canadiens comprennent ce principe. D'après tous les sondages dont nous avons examiné les résultats, la plupart des Canadiens sont disposés à payer des impôts pour obtenir des services pour eux-mêmes ou pour leurs concitoyens. Par conséquent, quand on prétend que les Canadiens réclament une baisse d'impôts, il s'agit plutôt de l'élite que des familles ordinaires parce que celles-ci se rendent compte que, pour obtenir les services nécessaires, il faut payer sa juste part d'impôts.

Mme Olivia Chow: Puis-je ajouter quelque chose? D'après une étude américaine, si l'on investit par exemple un dollar pour un enfant âgé de moins de 6 ans, cet investissement rapportera sept fois plus 25 ans plus tard, parce que cet enfant sera un membre productif de la société. Dans le contexte canadien, le rendement sera de quatre cents pour cent. De nombreuses études ont été effectuées à ce sujet. Les économistes peuvent le confirmer.

Par conséquent, il s'agit d'un investissement très productif. Dans combien de fonds communs de placement peut-on investir un dollar et en retirer quatre? C'est un excellent investissement et il concerne nos enfants.

Le président: Madame O'Sullivan, vous aviez quelque chose à dire.

Mme Deirdre O'Sullivan (parent, Children's and Youth Action Committee): Bonjour. Je suis une mère au foyer. J'ai trois enfants et j'ai des frais de garde dans le courant de l'année.

Je suis en faveur de l'éducation préscolaire et j'envoie mes enfants à temps partiel dans des garderies éducatives et autres types de garderies. Pendant l'été, j'envoie également mes enfants dans des camps de jour. Je fais du bénévolat dans ma localité et j'ai par conséquent besoin de services de garderies pour lesquels je dois payer. Personnellement, je pense que des services de garderies et d'éducation préscolaire accessibles à toutes les familles seraient beaucoup plus intéressants pour les parents qui se trouvent dans ma situation qu'une déduction annuelle de 2 000 ou 3 000 $ de notre impôt sur le revenu.

M. Jim Jones: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Jones, ce sera votre dernière question.

M. Jim Jones: Oui.

Quelqu'un a dit que 40 p. 100 des mères actives ont accès aux congés de maternité. Pouvez-vous me parler des caractéristiques des organismes ou entreprises qui offrent des congés de maternité et de ceux qui n'en offrent pas.

• 1105

Mme Kerry McCuaig: Non. Ce que je disais, c'est que 39 p. 100 des mères qui versent des primes d'assurance-emploi doivent réclamer des prestations d'assurance-emploi lorsqu'elles prennent un congé de maternité. Ce renseignement vient des études du Conseil de perfectionnement des ressources humaines (CPRH). Les 39 p. 100 des mères qui prennent des congés de maternité ne prennent en moyenne que 12 semaines de congé. Une étude très précise a été effectuée à ce sujet. Nous présumons que c'est parce que la moitié de leurs gains antérieurs ne représente pas un revenu suffisant ou parce que de nos jours, les travailleurs et travailleuses se sentent très vulnérables quand ils s'absentent pour quelque période que ce soit. Ils ont peur de perdre leur emploi.

La plupart des lois provinciales prévoient une période équivalente à celle accordée par l'AE, soit six mois. Elles prévoient environ six mois et par conséquent, le Canada fait relativement bonne figure lorsqu'il annonce un tel programme dans les tribunes étrangères. Par contre, lorsqu'on calcule le pourcentage des mères qui y ont accès et la durée réelle du congé, on constate qu'il n'y a pas de quoi se vanter.

En outre, un nombre de plus en plus restreint de femmes cotisent à l'assurance-emploi du fait qu'un nombre croissant de travailleurs deviennent autonomes. Par conséquent, l'accès est très limité.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'apprécie beaucoup vos interventions. C'est intéressant que Mme Chow fasse les louanges du modèle québécois en matière de garde d'enfants parce que pas plus tard qu'hier, à Calgary, quelqu'un l'a critiqué sévèrement. On a dit que ce système rendait les services de garde plus accessibles mais que ceux-ci n'étaient pas de très bonne qualité. Je trouve par conséquent que c'est intéressant d'entendre des opinions différentes. À mon avis, c'est un problème qui n'est pas facile à résoudre et nous apprécions beaucoup qu'un grand nombre de personnes essaient d'y trouver une solution.

Le groupe précédent de témoins a fait deux suggestions intéressantes sur lesquelles je voudrais connaître votre réaction. Je m'adresse à vous, madame O'Sullivan, parce que vous avez dit que vous aviez des frais de garde d'enfants alors que l'on pense que vous restez à la maison à ne rien faire d'autre que d'être à l'entière disposition de vos enfants.

La déduction de 2 000 $ dont il a été question plus tôt permettrait-elle de résoudre le problème en grande partie? On a en effet recommandé d'accorder une déduction de 2 000 $ à tous les parents et par conséquent, tous les frais de garde d'enfants payés par le père ou par la mère, qu'ils soient au foyer ou qu'ils travaillent, pourraient être déduits.

Mme Deirdre O'Sullivan: Je ne sais pas si je peux répondre à cette question au nom de toutes les femmes. Personnellement, je ne pense pas qu'il faille avoir fait la dépense pour y avoir droit.

Je ne tiens pas à répondre au nom des autres femmes parce que tout le monde devrait avoir le choix. C'est pourquoi il serait préférable de financer des programmes au lieu d'avoir recours à toutes sortes de combines qui passent par l'impôt sur le revenu.

Le président: M. Flanaghan voudrait faire d'autres commentaires.

M. Michael Flanaghan (parent, Groupe de défense des enfants pauvres): En ce qui concerne les déductions, à moins d'avoir de très gros revenus, elles ne sont pas très visibles dans les remboursements d'impôt, et c'est le cas de la plupart d'entre nous. C'est ce qui se passe en Ontario actuellement, où les conservateurs allègent soi-disant les impôts alors que la plupart d'entre nous ne remarquent pas la différence, à moins d'être très riches et encore, car les intéressés ne la remarquent probablement pas non plus. Elle est imperceptible.

Il faut des initiatives qui ne nous obligent pas à débourser ou qui nous procurent de l'argent pour pouvoir faire ce que l'on juge nécessaire comme par exemple faire garder ses enfants. Je suis enseignant suppléant et ça ne vaut pas la peine de faire de la suppléance pour 100 $ par jour par exemple, si ça m'oblige à débourser 50 $ pour payer la garderie, la gardienne ou quelqu'un d'autre pour garder mes enfants. Ça ne rime à rien. Par contre, si je pouvais déposer 100 $ à la banque pour en disposer selon mes besoins, ça serait utile et j'irais travailler. Ça nous permettrait de mieux vivre.

• 1110

Si l'on compare les allégements fiscaux aux prestations, dans le cas des prestations, les montants accordés retournent intégralement dans le système. Les petits salariés dépensent tout l'argent qu'ils gagnent. Dans le cas d'un allégement fiscal, on ne fait rien de cet argent. On ne le touche pas. On ne s'en aperçoit même pas. J'estime que c'est très important d'en être conscient.

Le président: Madame McCuaig, ne recommandiez-vous pas une déduction d'impôt de 4 200 $ par enfant ou ai-je mal compris?

Mme Kerry McCuaig: Non. Nous avons recommandé de porter le montant de la prestation fiscale pour enfants à 4 200 $ par enfant. La seule recommandation d'ordre fiscal que nous faisons est d'instaurer une déduction d'impôt universelle pour les parents avec des enfants, une déduction qui tienne compte de la différence entre un soutien de famille qui a des enfants et un qui n'en a pas. Nous devons contribuer à l'éducation des enfants; c'est une responsabilité sociale.

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: J'allais préciser que cette prestation devrait être accessible à tous les parents. L'inconvénient d'une déduction, c'est qu'on n'y a pas droit si l'on n'a pas de revenu...

Mme Christa Freiler: Pourrais-je répondre très brièvement? Il est difficile de répondre à cette question sans avoir des renseignements précis. Ma première réaction est que la reconnaissance fiscale universelle des enfants dont nous avons discuté et dont Kerry vient de parler ne devrait pas être financée uniquement par les autres parents. Ce n'est pas juste. S'il faut réduire la déduction pour frais de garde d'enfants et utiliser les économies ainsi réalisées pour financer une prestation fiscale universelle pour les parents, ce n'est pas intéressant. Si nous accordons beaucoup d'importance aux enfants et estimons que nous devons être collectivement responsables de leur éducation, tous les contribuables canadiens devraient payer. Il ne devrait pas s'agir d'une simple redistribution entre les diverses catégories de parents. Voilà ma première réaction.

La deuxième est que nous avons dit que les frais de garde d'enfants sont en réalité des frais professionnels. Par conséquent, j'estime qu'il existe d'autres possibilités de tenir compte des frais de garde d'enfants. Il s'agit en fait d'un investissement dans un réseau de services. C'est à mon avis à ce niveau que se situe la deuxième faiblesse de votre recommandation.

Mme Karen Redman: Je voudrais également avoir votre opinion au sujet de la question suivante. D'après les statistiques, 17 p. 100 seulement des contribuables qui ont droit à la déduction pour frais de garde d'enfants en bénéficient, ce qui est assez étonnant. Je me demande pourquoi.

Mme Kerry McCuaig: Il n'y a pas suffisamment de services de garderies et les parents qui sont en mesure de fournir des reçus ne peuvent le faire que par l'intermédiaire des programmes de garde d'enfants reconnus ou s'ils sont les employeurs. Cependant, la plupart des services de garde d'enfants... Je vais vous citer un exemple qui concerne Toronto. Les Metro Toronto Children's Services estiment que les frais de garde d'enfants non déclarés se chiffrent à 420 millions de dollars. Par conséquent, dans cette seule ville, 420 millions de dollars sont en circulation clandestinement. Ce seul fait est déjà préoccupant, mais ce qui l'est plus encore, c'est ce que deviennent les enfants qui sont gardés dans le contexte d'une économie souterraine.

Mme Karen Redman: Je crois que c'est ce qui se passe effectivement. À quoi cette situation est-elle due? À la piètre qualité des services de garderie? Au fait que nous ne donnons pas plus de 20 000 à 25 000 $ par an aux diplômés universitaires qui font le travail? Vous êtes-vous demandé pourquoi l'économie souterraine prospère?

Mme Kerry McCuaig: Parce qu'il n'y a pas assez de programmes de qualité à un coût abordable qui les rende accessibles aux parents. À Toronto, cette situation est due au fait que le nombre de garderies n'a plus augmenté depuis quatre ans et que même les parents en mesure de payer 1 000 $ par mois pour placer un tout jeune enfant n'arrivent pas à trouver de la place. Par conséquent, les parents sont forcés de compter sur les services parallèles.

Mme Olivia Chow: À Toronto, plus de 15 000 enfants sont sur la liste d'attente et à cause du nouveau programme Ontario au travail, qui est le programme d'emploi pour les mères assistées sociales—il s'agit du moins en majorité de mères—, 34 000 enfants supplémentaires auront besoin de services de garde alors qu'il n'y a plus de places libres à Toronto. Les services de garderies actuels sont nettement insuffisants par rapport à la demande.

• 1115

Mme Karen Redman: Je voudrais pousser la discussion un peu plus loin. Sans vouloir trop insister là-dessus, à supposer que mon conjoint et moi travaillons tous les deux, nous devrions avoir les moyens de nous payer des services de garderies. Voulez-vous dire que, en raison du nombre croissant de personnes qui travaillent à temps partiel ou pour un salaire modique, les parents n'ont pas les moyens de s'offrir des services de garderies de qualité?

Mme Olivia Chow: C'est exact. Pour un parent qui travaille, c'est très difficile. Les services de garderies de qualité coûtent généralement très cher. Bien des familles n'ont pas les moyens de se les payer—celles dont le revenu familial imposable est inférieur à 30 000 $. Ces services sont inabordables.

Vous pouvez demander à Michael et à d'autres personnes ici présentes. La province et la ville subventionnent notamment en grosse partie la garde de 23 000 enfants à Toronto. Nous ne devons payer que la différence. Elles paient une forte proportion des frais et nous n'en payons qu'une petite partie. C'est ce qui nous permet d'avoir accès à ces services. Cependant, comme il n'existe pas de programmes analogues à l'échelle nationale ou à l'échelle de toute la province, la plupart des parents n'ont plus qu'à s'adresser à des gardiennes non licenciées. Ils n'ont pas le choix.

Le président: Merci, madame Chow. C'est Mme Ladd-Taylor qui fera le dernier exposé.

Mme Molly Ladd-Taylor (parent, Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants): Bonjour. Je suis enseignante et j'ai trois enfants. Deux d'entre eux sont présentement dans des garderies reconnues officiellement.

Ce problème revêt divers aspects. On ne peut notamment pas dissocier le rôle de parent des activités professionnelles. J'ai eu recours à des services de garde d'enfants parallèles pour mes enfants. Je suis restée au foyer. Ils ont également été placés dans des garderies officielles. Je crois que ça explique tout. Ce n'est pas une solution de mettre un groupe de parents en concurrence avec un autre. Nous sommes tous dans la même situation à un moment ou l'autre de notre vie professionnelle.

Un des problèmes est qu'à cause de la pénurie de services de garderies et des réductions de subventions, les parents comme moi qui paient le plein prix doivent faire face à une hausse des tarifs. Par conséquent, quand on a deux ou trois enfants, le coût devient prohibitif, même pour des personnes comme mon mari et moi qui ont un revenu assez confortable.

C'est la raison pour laquelle une prestation ou de bons services de garderies accessibles à tous seraient très avantageux pour une personne comme moi, même si je jouis d'une certaine aisance matérielle.

Je voudrais également parler du sujet que Mme O'Sullivan a abordé, à savoir la nécessité d'avoir accès à des services de garde d'enfants pour les parents qui restent au foyer et des avantages que cette formule présenterait pour une personne comme moi. Dans ma localité par exemple, on constate, surtout depuis que les budgets scolaires ont été réduits en Ontario, que les écoles comptent de plus en plus sur les parents pour les aider et notamment pour les campagnes de financement ou autres activités analogues. Les parents sont de moins en moins capables de les aider à cause de la situation du marché du travail, de la pénurie de services de garde d'enfants ainsi que pour d'autres raisons. Cette année, notre école a par exemple dû annuler sa fête ainsi que certaines activités de financement très importantes.

C'est une situation très inquiétante. Je suis extrêmement inquiète pour mes enfants et j'estime que c'est pour cela qu'il est absolument essentiel que le parent qui reste au foyer ait suffisamment de ressources pour avoir le temps et les moyens financiers nécessaires pour aider les enfants de notre collectivité, nos propres enfants et les autres.

Le président: Merci beaucoup. Je crois que la déduction pour frais de garde d'enfants que l'on peut réclamer actuellement est de 2 200 $ en moyenne. Vous préconisez de la majorer à 4 200 $, ce qui représente une augmentation de 2 000 $. Je vous signale que cette semaine, le Globe and Mail a publié un tableau exposant les diverses options et que si l'on voulait accorder un crédit de 1 000 $ par enfant, la facture s'élèverait à sept milliards de dollars. Par conséquent, on transférerait indirectement l'équivalent de 14 milliards de dollars.

C'est pourquoi j'ai dit qu'il est beaucoup plus difficile de gouverner avec un excédent budgétaire. Je ne suis pas là pour dire que le message que nous communiquerons...

Mme Kerry McCuaig: Nous demandons une augmentation progressive.

• 1125

Le président: Nous mettrons le gouvernement au courant de vos priorités et nous lui ferons savoir qu'il est nécessaire de consacrer deux milliards de dollars à un fonds d'infrastructure ou un milliard de dollars aux congés de maternité ou à l'universalisation de la prestation canadienne pour enfants. C'est le message dont je prends note. Nous ferons les calculs plus tard, d'après les priorités de notre prochain budget. Nous transmettrons toutefois ce message.

Je vous remercie au nom de tous les membres du comité de nous avoir fait connaître vos priorités et de nous avoir donné un aperçu des difficultés auxquelles la plupart des Canadiens sont confrontés. La tâche qui nous attend ne sera pas facile mais vos opinions nous aideront beaucoup à prendre une décision. Merci.

Nous passerons directement au prochain témoin. Nous ne suspendrons pas la séance.

Notre prochain invité représente la Ontario Christian Home Educators Connection. Je suis heureux d'accueillir son secrétaire, M. Jake Zwart.

Monsieur Zwart, nous voudrions que votre exposé ne prenne pas plus de cinq à sept minutes, pour nous laisser le temps de poser des questions. Soyez le bienvenu. Allez-y.

M. Jake Zwart (secrétaire, Ontario Christian Home Educators Connection): Merci.

Comme vous l'avez dit, je m'appelle Jake Zwart. Quant au collègue qui devait m'accompagner, Jack Baribeau, je le connais et il devait faire un choix entre nourrir sa famille et venir ici. Il a décidé de nourrir sa famille. Il est entrepreneur à son compte. Je suis travailleur autonome également.

Je voudrais d'abord vous parler brièvement de notre organisme. L'OCHEC, l'Ontario Christian Home Educators Connection, est un organisme bénévole sans but lucratif qui représente les éducateurs à domicile. Toutes ses politiques et initiatives sont fondées sur les principes chrétiens et sur les préceptes moraux et spirituels de la Bible.

Qu'est-ce que l'éducation à domicile? Je crois que la plupart d'entre nous en ont entendu parler. Il en est question dans les médias pour le moment. Il s'agit de l'éducation assurée par un des parents à domicile. Il s'agit généralement de la mère. Elle remplace l'éducation scolaire publique ou privée. Je sais que vous représentez le gouvernement fédéral mais mes impôts et taxes financent l'enseignement public et notre famille ne reçoit aucun service en contrepartie. Je n'insisterai toutefois pas trop là- dessus, étant donné que l'éducation relève des gouvernements provinciaux.

Comment pourrais-je décrire les membres de notre organisme? Il s'agit en général de familles composées des deux parents qui n'ont qu'un seul revenu. Pour faire de l'enseignement à domicile, il faut nécessairement qu'un parent reste au foyer. Quelques familles monoparentales font partie de notre organisme mais d'une façon générale, il s'agit de familles biparentales. Un parent doit enseigner et par conséquent il ou elle ne travaille pas. Plusieurs d'entre nous ont toutefois une occupation rémunératrice à temps partiel.

Quelques parents montent des entreprises familiales dans lesquelles ils se font aider par les enfants, ce qui est possible, puisque leur éducation est faite à domicile et que l'on dispose de temps supplémentaire pour les entreprises familiales. Il y a notamment parmi nous plusieurs vendeurs de livres. Dans les congrès où je vais, je rencontre un assez grand nombre de vendeurs de livres qui en ont fait une entreprise familiale. Il s'agit généralement de la mère qui donne des cours à ses enfants à domicile et qui vient vendre des livres avec eux en fin de semaine.

• 1130

Je voudrais vous expliquer brièvement comment on devient éducateur à domicile. On opte pour l'éducation à domicile pour diverses raisons. Nous formons un groupe très varié mais notre dévouement envers nos enfants est une constante. Aucun de nous ne voudrait renoncer à l'éducation de ses enfants à domicile pour avoir plus de temps libre et encore moins pour avoir la possibilité de gagner un deuxième revenu. Nous prenons nos responsabilités à coeur. En général, la loyauté des éducateurs à domicile envers leur pays, envers leur église s'ils appartiennent à une religion ou envers les autres institutions dont ils font partie est aussi grande que celle qu'ils ont à l'égard de leur famille. Ils font également une distinction entre leur famille et l'État et auraient tendance à adopter une attitude très protectrice en ce qui concerne leur famille.

Le nombre d'enfants qui reçoivent l'éducation à domicile au Canada représente environ 1 p. 100 de la population et il augmente. Environ 40 p. 100 des personnes qui ont participé au congrès qui a eu lieu il y a une quinzaine de jours étaient venues par intérêt ou faisaient l'éducation à domicile depuis un an ou deux.

Le deuxième point intéressant est que les éducateurs à domicile ont généralement davantage d'enfants que les autres familles. En ce qui nous concerne, le nombre moyen d'enfants éduqués à la maison et d'enfants d'âge préscolaire est de 2,75 enfants âgés de moins de 18 ans par famille. Cette moyenne ne comprend pas les enfants âgés de plus de 16 ans ni, dans quelques cas, les enfants qui vont à l'école ou d'autres enfants éduqués à domicile. En fait, une des membres du conseil d'administration est enceinte de son douzième enfant. Il y a donc quelques très grosses familles.

Quelles sont les répercussions fiscales de l'éducation à domicile? Je n'ai pas cité de chiffres précis dans mon mémoire; j'ai plutôt essayé de donner un aperçu de notre cheminement. La plupart des exemples cités dans les médias concernent des petites familles et les calculs ont été faits par des organismes tels que l'Institut C.D. Howe. Nous souhaiterions que la déduction ou les prestations s'adressent aux grosses familles, parce qu'il en reste encore au Canada.

Il est un fait connu que la déduction d'impôt est plus avantageuse pour le soutien de famille que pour son conjoint, dans le cas des familles biparentales à revenu unique. Une solution évidente serait de faire en sorte que la déduction soit équivalente dans les deux cas.

Nos membres n'ont généralement pas droit à la déduction pour frais de garde d'enfants, en raison de la nature même d'une famille où un seul des parents gagne un revenu. S'il s'agissait d'un dispensateur de soins autonome au lieu d'un parent, il pourrait réclamer la déduction pour frais de garde d'enfants.

Je voudrais également citer quelques chiffres. D'après Statistique Canada, un peu plus d'un jeune enfant sur 20 de familles à double revenu vit dans la pauvreté, alors que... Je ne sais pas si c'est exact mais un nombre assez élevé de familles vivent dans la pauvreté. D'après un sondage effectué en 1991 par le Centre de recherches Décima Ltée, 70 p. 100 des Canadiennes resteraient à la maison si elles avaient le choix. D'après un autre sondage effectué par la firme Compas en 1997, 92 p. 100 des adultes estiment que la formule idéale pour les enfants est d'être élevés à plein temps par les parents. Pourtant, d'après les statistiques, en 1995, 71 p. 100 des familles biparentales étaient des familles où les deux conjoints travaillaient.

Il y a une grosse différence entre ce que les parents souhaiteraient faire et ce qu'ils font effectivement. Il existe probablement une raison et s'il est difficile de prouver l'existence d'une relation quantitative, il est également difficile de ne pas tenir compte des données: la plupart des parents voudraient que l'un d'entre eux reste au foyer pour prendre soin de leurs enfants et que l'autre gagne le revenu familial. Dans un régime démocratique, on voudrait qu'il y ait une politique fiscale conforme aux désirs de la famille.

• 1135

Si l'on reconnaissait par ailleurs que l'avenir du Canada appartient aux enfants, on encouragerait les parents à maintenir une structure familiale qui leur permette de prendre soin de leurs enfants comme ils le désirent. Comme nous l'avons déjà mentionné, ce désir est qu'un des parents reste à la maison.

Les familles que notre organisation représente ont décidé que la garde des enfants est leur responsabilité directe. Cette responsabilité se prolonge jusqu'à l'âge où les enfants sont scolarisés. Nos familles estiment qu'elles peuvent donner à leurs enfants un développement supérieur sur le plan moral, spirituel et éducatif en assumant la responsabilité de les éduquer à domicile. Elles en sont tellement convaincues qu'elles sont disposées à renoncer à un deuxième revenu et à beaucoup de temps libre pour former leurs enfants. Je dirais que la plupart de ces familles ne changeraient pas d'avis, même si leur niveau de vie se détériorait encore davantage pour cette raison. Elles savent que la vie n'est pas uniquement une question d'aisance matérielle. Elles préféreraient avoir une vie riche sur le plan spirituel, moral et culturel et vivre dans la pauvreté matérielle que l'inverse.

En bref, les éducateurs à domicile ne sont pas très nombreux au Canada. Ils représentent environ 1 p. 100 des enfants, ont des familles plus nombreuses que la moyenne et ne réagissent pas de la même façon que les autres familles aux mesures gouvernementales visant à inciter ou à décourager les familles nombreuses. Je crois cependant que c'est surtout au gouvernement et à vous qu'il incombe de faire en sorte que ces Canadiens qui sont disposés à donner beaucoup de leur personne ne soient pas pénalisés financièrement à cause de la décision qu'ils ont prises. Ils investissent dans l'avenir du pays en se consacrant à leur famille mais en sont pénalisés financièrement. L'argent n'est pas leur motivation principale mais il les aide à satisfaire leurs besoins alimentaires.

Nos recommandations sont les suivantes:

Il faudrait modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour autoriser le fractionnement du revenu entre conjoints dans les familles à revenu unique où un des parents reste au foyer pour s'occuper des enfants ou des autres membres de la famille à charge. Une telle modification permettrait d'augmenter le niveau de l'exemption personnelle de base du parent qui reste au foyer et d'abaisser la tranche d'imposition du soutien de famille. On pourrait aussi adopter un système d'imposition qui s'appliquerait à la cellule familiale plutôt qu'au revenu personnel fractionné.

Nous recommandons de remplacer l'exemption pour frais de garde d'enfants liée au niveau de revenu familial par une exemption universelle.

Les familles où un des parents reste au foyer ont des frais de garde d'enfants au même titre que les familles qui ont deux revenus. Les déductions pour frais de garde d'enfants devraient être applicables dans les deux cas.

La dernière recommandation est d'abaisser le niveau d'imposition. Les Canadiens, et plus particulièrement nos membres, préfèrent être autonomes que de voir le gouvernement prendre le contrôle de leur vie.

Nous recommandons en outre à tous les paliers de gouvernement de reconnaître que les familles qui ont décidé de ne pas profiter des programmes gouvernementaux courants leur font réaliser des économies. On pourrait donc par exemple accorder un crédit d'impôt aux parents qui ont opté pour un autre mode d'éducation que l'enseignement public. Je suis certain qu'il est possible de trouver d'autres cas semblables dans le domaine des soins de santé et dans bien d'autres domaines.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Zwart.

Trois de mes collègues voudraient poser des questions et par conséquent j'accorde dix minutes pour toute la période de questions. Nous commencerons par M. Forseth.

M. Paul Forseth: Merci.

C'est votre dernière recommandation qui m'intéresse particulièrement:

    Nous recommandons en outre à tous les paliers de gouvernement de reconnaître que les familles qui ont décidé de ne pas profiter des programmes gouvernementaux courants leur font réaliser des économies. On pourrait donc par exemple accorder un crédit d'impôt aux parents qui ont opté pour un autre mode d'éducation que l'enseignement public.

Avez-vous poussé votre analyse plus loin et êtes-vous en mesure de dire quel niveau de déduction vous recommanderiez pour le moment?

M. Jake Zwart: Non, je n'ai pas approfondi la question. Cependant, je pense que nous savons que les frais annuels d'éducation d'un enfant dans l'enseignement public se chiffrent à environ 5 000 ou 6 000 $ par an. D'après plusieurs personnes qui ont analysé à fond les deux systèmes scolaires, l'enseignement privé a tendance à être de meilleure qualité et moins coûteux que l'enseignement public. Par conséquent, la qualité de l'enseignement ne dépend pas des fonds investis mais on pourrait toujours, dans un premier temps, se baser sur ce que ça aurait coûté dans le système d'enseignement officiel.

• 1140

M. Paul Forseth: Avez-vous examiné le système de la Colombie- Britannique? Il tient partiellement compte des frais d'enseignement privé.

M. Jake Zwart: Je n'ai pas examiné ce système de très près. J'estime que c'est celui qui a le chèque en main le dernier qui impose des conditions; c'est pourquoi je préconise un crédit d'impôt plutôt qu'un système nécessitant des justificatives qui fait que mon argent sert à financer la fonction publique. La bureaucratie prélève une partie de cet argent et me renvoie un chèque ou l'envoie à une école privée en imposant ses conditions. Par conséquent, je préconise un crédit d'impôt qui ne soit assorti d'aucune condition.

M. Paul Forseth: Étant donné qu'en vertu de la Constitution, l'enseignement est une responsabilité provinciale, la reconnaissance partielle des frais d'enseignement privé devrait figurer dans la partie de la déclaration d'impôt sur le revenu réservée à la province plutôt que dans la partie réservée au gouvernement fédéral. Cette reconnaissance relèverait donc d'une décision des provinces.

M. Jake Zwart: Je le sais, et c'est pourquoi je n'ai pas voulu trop insister sur le sujet.

M. Paul Forseth: Bien. Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Merci, monsieur, de votre présentation. L'occasion est belle et je me sens obligé de vous dire que dans le fond, vous demandez qu'on vous permette de vous retirer du système d'éducation et de recevoir un crédit équivalent. D'autres intervenants ont soulevé certains aspects qui figurent dans vos recommandations, mais en y apportant des nuances. Est-ce que les personnes qui enseignent à la maison possèdent les mêmes compétences que les autres enseignants? Sont-elles soumises à certaines exigences en matière de compétences?

[Traduction]

M. Jake Zwart: C'est une bonne question. D'après certaines études portant sur l'enseignement à domicile, la formation des enfants concernés est équivalente ou supérieure à celle que reçoivent les enfants dans le système d'enseignement public. D'après d'autres études, le niveau d'instruction de la mère, qui assure dans la plupart des cas l'enseignement à domicile, n'a aucune influence sur la qualité de l'enseignement.

Ce qui importe dans ce cas, ce n'est pas le niveau d'instruction mais le dévouement. C'est le dévouement des parents qui font passer leurs enfants avant tout qui détermine les résultats obtenus.

J'ai parlé d'un crédit d'impôt pour les parents qui assurent l'enseignement à domicile. Je reconnais que cette question relève de la compétence des provinces et par conséquent, je voudrais surtout parler des initiatives qui relèvent du gouvernement fédéral et qui seraient susceptibles de nous aider dans le contexte de la structure familiale que nous représentons. Vous pourriez surtout aider les parents qui se chargent eux-mêmes de l'instruction de leurs enfants en allégeant d'une façon ou d'une autre le fardeau financier de ces familles biparentales à revenu unique.

Je vous prie d'y réfléchir. Je vous recommande de tenir compte non seulement de la famille traditionnelle qui compte en moyenne de 1,8 à deux enfants mais aussi des plus grosses familles, parce qu'il en reste au Canada. J'aimerais également que vous le fassiez de façon à laisser la compétence de la famille intacte en tenant compte de ses efforts et du fait que c'est elle qui élève la prochaine génération de Canadiens.

• 1145

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions à poser. Vous avez parlé de fractionnement du revenu entre conjoints et je me demande si votre proposition concerne uniquement ceux qui ont des enfants ou si elle concerne toutes les familles et si vous prévoyez la possibilité de leur laisser le choix à cet égard. Vous avez proposé en outre que l'un ou l'autre des deux conjoints puisse réclamer l'exemption personnelle de base. Pensez-vous dans ce cas que la déduction pour conjoint puisse être supprimée progressivement ou complètement?

Votre quatrième recommandation est en fait à l'opposé des mesures préconisées par les autres groupes de témoins qui recommandent de financer un système universel de garderies à même les impôts et de redistribuer les services qui sont subventionnés par le secteur public. Je me demande si vous pourriez me dire ce que vous pensez de leurs propositions. Je suppose que vous étiez là quand ils ont fait leur exposé.

M. Jake Zwart: En ce qui concerne votre première question sur le fractionnement du revenu, je ne sais pas très bien comment je procéderais. Je ne sais pas si le système devrait s'appliquer à toutes les familles ou uniquement à celles qui ont des enfants. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi et par conséquent, je préférerais ne pas répondre à cette question.

À mon avis, le fractionnement du revenu réglerait automatiquement le problème de la différence entre le soutien de famille et son conjoint en ce qui concerne l'exemption personnelle de base.

En ce qui concerne votre deuxième question, vous avez raison. Je considère personnellement que c'est moi qui ait décidé d'avoir des enfants et que je suis responsable de leur éducation. Je ne considère pas que c'est la responsabilité du gouvernement. Je ne considère pas que c'est la responsabilité du gouvernement de les élever. Je ne considère pas que c'est la responsabilité du gouvernement de fournir des services de garde si je décide d'aller travailler. C'est le gouvernement qui a décidé de le faire et du fait même, il commet une injustice à l'égard des parents qui assument eux-mêmes l'éducation de leurs enfants. J'estime qu'il faut mettre fin à cette injustice.

Vous avez effectivement raison. À bien des égards, ma suggestion est à l'opposé de celles qui ont été faites par le groupe de témoins qui m'a précédé.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Monsieur Zwart, je vous remercie de nous avoir exposé un point de vue différent et de nous faire bénéficier de votre expérience. Merci encore d'être venu. Bon voyage de retour.

M. Jake Zwart: Merci.

Le président: J'ai l'honneur d'accueillir le prochain groupe de témoins. Il s'agit de M. Finn Poschmann, analyste de politiques de l'Institut C.D. Howe, de Colin Hughes, président de la campagne de Toronto pour Campagne 2000 et de Mme Brigitte Kitchen, chargée de cours en travail social de lÂuniversité York. Bonjour.

• 1150

M. Hughes ou M. Poschmann peut commencer. Que le premier des deux qui est prêt commence. Essayez de ne pas parler plus de cinq à sept minutes pour nous laisser tout le temps nécessaire pour les questions et les réponses.

Monsieur Poschmann.

M. Finn Poschmann (analyste de politiques, Institut C.D. Howe): Merci, monsieur le président.

Je devrai parler à toute vitesse à cause des circonstances.

Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de venir témoigner. Quelques aspects fondamentaux de notre système fiscal, surtout du barème d'imposition, ont une incidence sur le traitement fiscal de la famille. Les taux d'imposition marginaux, c'est-à-dire les taux d'imposition qui s'appliquent à la tranche suivante de revenu gagné, est un thème qui reviendra souvent dans mes commentaires.

Je signalerai en premier lieu que presque toute la différence en impôt fédéral à payer—c'est-à-dire la différence entre l'impôt que doivent payer les familles à revenu unique et les familles à double revenu—est due au fait que chaque conjoint doit remplir une déclaration personnelle et au fait que le barème d'imposition fédéral est axé sur des taux progressifs. Je sais qu'on vous l'a dit à plusieurs reprises dans le cadre de ces audiences.

Le premier chiffre que je cite dans mes documents et que j'ai tiré d'une publication récente de l'Institut C.D. Howe portant sur divers sujets concernant la famille reflète cette situation. Il indique les différences dues au barème d'imposition progressif, selon le niveau de revenu familial. Dans chaque cas, ces chiffres montrent l'incidence de l'impôt selon qu'il s'agit d'une famille à revenu unique ou d'une famille dont les deux parents ont un revenu.

La seule autre cause des différences d'impôt est due aux exemptions ou crédits personnels ou pour conjoint. Ces différences n'existent que depuis 1973 et elles n'ont jamais représenté plus de 200 $ à 300 $ d'impôt.

M. Paul Forseth: Pourriez-vous ralentir un peu? L'interprète a de la difficulté à suivre votre rythme. J'ai remarqué qu'à un certain moment, elle essayait de reprendre son souffle.

Le président: Prenez tout le temps nécessaire pour dire ce que vous avez à dire.

M. Finn Poschmann: Bien. Merci, monsieur le président.

L'impôt payable par les contribuables qui ont recours à des services de garderies qui fournissent des reçus est beaucoup moins élevé que l'impôt payable par les autres contribuables. Par contre, pour ce qui est du revenu disponible, l'écart est beaucoup moins marqué, parce que les parents doivent payer pour la garde des enfants. C'est ce qu'ont signalé les représentants du ministère des Finances qui ont témoigné il y a deux ou trois semaines.

Nous pourrons examiner la question de plus près plus tard si cela vous intéresse. Je parle de la déduction pour frais de garde d'enfants pour ne négliger aucun aspect du problème. Je n'ai pas l'intention de la critiquer.

D'une façon générale, le problème est que la progressivité des tranches d'imposition fédérales associe des taux d'imposition élevés à des contribuables dont le revenu n'est pas très élevé, ce qui accroît la difficulté d'avoir les moyens d'élever des enfants dans la plupart des cas.

Un système d'impôt sur le revenu des particuliers équitable n'est pas nécessairement lié à une déclaration d'impôt personnelle et le recours à une déclaration commune contribuerait beaucoup à régler les problèmes que l'on impute au système fiscal et qui sont à l'origine de la création de votre sous-comité.

Un des principaux avantages d'un système de déclaration commune est qu'il simplifierait beaucoup les décisions concernant le ménage. Dans ce cas, il importe peu que ce soit tel conjoint qui fasse du temps supplémentaire ou qui paie les factures du ménage au lieu de faire des économies pour l'éducation des enfants. Ce qui est essentiel, c'est d'aplanir les différences qui existent entre le fardeau fiscal des familles à revenu unique et celui des familles où les deux parents ont un revenu.

Aux États-Unis, on utilise la déclaration commune pour ces mêmes raisons; en outre, en France et en Allemagne, on a recours au mécanisme du fractionnement du revenu pour obtenir à peu près le même résultat.

On attribue généralement deux faiblesses au système de déclaration commune. La première est qu'il réduit l'indépendance sociale et économique des femmes. L'autre est qu'il expose le revenu du salarié secondaire au taux d'imposition marginal plus élevé de son conjoint.

En ce qui concerne la première faiblesse, il suffit de faire une comparaison entre le Canada et les États-Unis. Pour que cet argument tienne debout, il faudrait croire que les femmes canadiennes sont plus indépendantes que les femmes américaines sur le plan social et financier et que cette différence est due à la structure du barème d'imposition fédéral. Il faudrait en être convaincu pour que cet argument tienne debout.

À ce propos, je signale que le taux de participation des femmes au marché du travail est légèrement plus élevé aux États- Unis qu'au Canada.

En ce qui concerne les taux marginaux pour les seconds titulaires de revenus, il est également utile de faire une comparaison avec les États-Unis. Premièrement, le seuil à partir duquel les contribuables voient leur taux d'imposition augmenter est beaucoup plus élevé aux États-Unis. Deuxièmement, les seuils sont encore beaucoup plus élevés quand les conjoints font une déclaration commune—ils sont de 61 000 $ et 148 000 $ aux États- Unis pour les deux premiers échelons supérieurs, ce qui représente 28 p. 100 et 31 p. 100 des taux fédéraux américains, alors que dans le cas des contribuables canadiens, les deux paliers sont de 29 590 et 59 180 $.

Si l'on adoptait le système de déclaration commune, les tranches d'imposition changeraient. L'écart entre deux tranches serait plus grand si bien qu'un plus grand nombre de couples paieraient le même taux. Le système semblerait beaucoup plus uniforme pour les couples.

L'aplanissement du système est l'argument qui va au coeur du problème. Il contribue à rendre le système plus équitable. Je dis cela parce qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à la déclaration commune pour rendre le système fiscal équitable à l'égard des familles, étant donné que l'on pourrait atteindre le même but en adoptant un barème d'imposition uniforme ou plus uniforme, c'est-à-dire un barème où les taux d'imposition n'augmentent pas aussi vite.

C'est donc le moment de parler d'uniformisation des taux d'imposition. Comme dans le cas du système de déclaration commune, les principaux avantages de ce système sont la simplification des décisions familiales et des choix en matière d'emploi, d'épargne et d'investissement. Je n'insisterai pas beaucoup sur leur extrême popularité, ou sur l'intérêt manifeste que ce système présente. Je n'insisterai pas non plus sur le fait que l'uniformisation des taux d'imposition mettrait fin à toutes les tergiversations à propos du choix entre une déduction ou un crédit. Ça n'aurait plus d'importance.

• 1155

L'uniformisation des taux d'imposition présente en général les mêmes avantages que des initiatives aussi simples qu'un abaissement du taux médian fédéral et un relèvement du seuil à partir duquel interviennent d'abord le taux médian puis le taux maximum. Le taux médian pourrait baisser de 26 p. 100 à 23 p. 100 dans un premier temps et le taux maximum pourrait correspondre à un revenu élevé et pas à un revenu de 59 180 $. La suppression de l'absurde surtaxe temporaire sur les revenus élevés serait également utile.

Pourquoi plusieurs contribuables sont-ils réticents lorsqu'il est question d'adopter des taux d'imposition uniformes ou d'uniformiser davantage les taux actuels? C'est généralement parce qu'ils croient à tort que des taux uniformes entraîneront nécessairement une hausse d'impôts pour les pauvres et une baisse d'impôt pour les riches. Ce n'est pourtant qu'une question purement structurelle. On peut obtenir le degré souhaité de progressivité effective des taux en faisant des choix judicieux en matière d'exemptions personnelles et de taux d'imposition marginaux. Il suffit de bien faire ses calculs.

L'autre raison pour laquelle certains contribuables s'opposent à une uniformisation totale ou à une uniformisation accrue des taux est qu'ils pensent que l'imposition des revenus supplémentaires des nantis à des taux marginaux plus élevés que les revenus des moins privilégiés est intéressante sur le plan moral ou sur le plan économique. D'après un philosophe utilitariste du XIXe siècle, la société s'en porte mieux. Ce raisonnement est fondé sur l'hypothèse que la satisfaction que procure l'accessibilité de fonds supplémentaires pour la consommation est moins grande lorsque ce pouvoir d'achat accru est à la portée des riches que lorsqu'il est à la portée des pauvres. Le fait que cette hypothèse ne puisse être confirmée de façon absolue n'a aucune importance.

• 1200

Je signale toutefois que si un haut fonctionnaire du ministère des Finances, du CPRH ou quelque autre membre du gouvernement actuel estime que cette assertion est vraie, on ne lui a pas permis de jouer un rôle utile dans l'élaboration de la politique fiscale. Ce fait peut être prouvé. La preuve se trouve dans le deuxième chiffre que j'ai cité, c'est-à-dire celui qui indique les taux marginaux fédéraux effectifs par rapport au niveau de revenu et au nombre d'enfants. Les taux marginaux sont proportionnellement beaucoup plus élevés pour les familles à faible revenu que pour celles à revenu élevé. Par conséquent, les vieilles doctrines libérales sont mises au rancart.

J'aurais deux remarques à faire au sujet de ce chiffre. La première est qu'il s'agit uniquement des taux fédéraux. Le tableau serait beaucoup plus sombre—bien plus sombre, comme l'a mentionné M. Richards au début de la semaine—si on tenait compte des impôts provinciaux et du système de la prestation canadienne pour enfants. En Ontario, ces plateaux seraient d'environ 70 p. 100 au bas de l'échelle, même si la réduction d'impôt qui a été promise est accordée et en Saskatchewan, le taux marginal est supérieur à 90 p. 100 pour une grande fourchette de revenus. Il ne faut pas oublier que ces taux d'imposition effectifs concernent les familles ordinaires dont le revenu est peu élevé. Il ne s'agit pas de dispositions de récupération des prestations d'aide sociale.

L'autre remarque importante est que, si l'on compare la situation d'une famille où les deux conjoints travaillent à celle de la famille où un seul des conjoints a un revenu que j'ai choisie comme exemple, la perspective générale ne change pas. La prestation fédérale pour enfants est déjà liée au revenu familial. Par conséquent, ces taux d'imposition extrêmement élevés ne changeraient pas et les perspectives générales non plus. Il s'agit des familles à revenu supérieur car si le revenu était gagné par deux contribuables, le taux d'imposition marginal effectif sur le revenu combiné augmenterait plus lentement.

L'uniformisation des taux d'imposition au cours de l'ère postmoderne comprendrait un abaissement des taux pour les familles à faible revenu et les familles à revenu moyen; il faudrait en outre faire en sorte que les taux d'imposition élevés ne s'appliquent qu'aux tranches de revenu supérieures. Permettez-moi de vous proposer maintenant un train de réformes fiscales qui relèveraient directement de vos attributions.

Une exemption pour enfants à charge est la première condition essentielle à l'instauration d'un régime fiscal équitable pour toutes les familles. M. Davies vous a parlé des aspects théoriques du problème ce matin. À ce propos, je signale que l'exemption pour personnes à charge existait déjà en 1992 et je tiens à insister particulièrement sur le fait qu'une déduction universelle de 2 000 $ issue de la déduction pour frais de garde d'enfants dont le montant a été augmenté dernièrement aiderait les familles où un seul conjoint a un revenu sans nuire aux familles à deux revenus.

Je ferai maintenant quelques commentaires sur mes deux derniers tableaux qui concernent la répartition du revenu entre ces deux types de familles. La troisième figure qui se trouve dans les documents que je vous ai remis est tirée de l'ouvrage de Boessenkool et Davies qui est paru l'automne dernier. Elle indique que quatre cinquièmes des familles canadiennes faisant partie des 40 p. 100 de familles situées en haut de l'échelle des revenus sont des ménages où les deux conjoints ont un revenu. C'est extrêmement étonnant étant donné que celles-ci ont tendance à avoir des revenus beaucoup plus élevés que les familles à revenu unique, comme l'indique la figure suivante—extraite de Le Quotidien de Statistique Canada. En 1996, les familles où les deux parents avaient un revenu gagnaient en moyenne 60 p. 100 de plus que les familles à revenu unique. Par conséquent, ceux ou celles qui auraient tendance à en faire une affaire de lutte des classes auraient intérêt à chercher ailleurs, parce que ce n'est pas le cas.

Pour mettre fin à cette situation absurde où les taux d'imposition sont très élevés pour les familles à faible revenu, il faudrait apporter des améliorations majeures à la prestation fiscale pour enfants. Je suggère de combiner le montant supplémentaire de base par enfant et le crédit d'impôt pour TPS pour en faire un seul crédit dont le montant diminuerait progressivement pour la plupart des familles mais qui serait accordé à un niveau de revenu un peu plus bas qu'actuellement.

• 1205

Cette formule est analysée dans l'ouvrage de Boessenkool et Davies et fait partie d'une série de réformes plus élaborées proposées dans le document que j'ai rédigé avec l'aide de Jack Mintz, paru en février. Dans ce document, nous avons essayé d'établir une orientation à long terme en ce qui concerne le système d'impôt sur le revenu des particuliers en tenant compte de ses points faibles et de proposer des changements dont le coût est abordable à moyen terme.

À mon avis, l'intérêt de ce document est qu'il contient plusieurs recommandations qui concernent directement les problèmes qui ont été signalés par les témoins; ces recommandations sont fondées sur des principes qui permettraient d'élaborer une politique fiscale rationnelle. Notre étude n'était pas du tout axée spécifiquement sur la fiscalité dans le contexte de la famille.

J'ai terminé. Je vous invite à examiner les documents que j'ai mentionnés pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles une réforme du système fiscal est nécessaire et sur les mesures à prendre. Vous pouvez bien entendu poser toutes les questions que vous voulez. Si l'un d'entre vous n'a pas les documents que j'ai mentionnés, je peux les faire distribuer.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Poschmann.

Le prochain témoin est M. Hughes.

M. Colin Hughes (président, Campagne de Toronto, Metro Campaign 2000): Merci.

Je remercie Mme Brigitte Kitchen de s'être jointe à nous aujourd'hui. Mme Kitchen était membre de la Commission ontarienne pour l'équité fiscale; elle est professeure à lÂuniversité York et milite depuis longtemps en faveur de l'adoption de politiques visant à protéger les enfants et leurs droits.

Je ferai d'abord une brève description de notre organisation. Nous sommes le partenaire communautaire pour Toronto de Campagne 2000, une coalition pancanadienne de groupements et d'organisations qui militent pour la mise en oeuvre de la résolution en faveur de l'élimination de la pauvreté chez les enfants pour l'an 2000, adoptée par la Chambre des communes en 1989.

Pour élaborer un système fiscal plus équitable pour les familles, il convient de se demander comment le système fiscal et son pendant, le système des transferts, pourraient être améliorés de façon à aider les familles canadiennes à assumer leur rôle dans la société, à savoir élever des enfants. C'est un rôle coûteux et important. La proportion extrêmement élevée d'enfants pauvres au Canada est la preuve que les familles ne sont pas traitées de façon équitable. Le débat sur l'équité fiscale n'a malheureusement eu jusqu'à présent pour seul résultat que de mettre en concurrence les familles à double revenu et les familles à revenu unique ou plus précisément les mères actives et les mères qui restent au foyer.

Il est complètement légitime de rester au foyer pour s'occuper des enfants mais au Canada, la plupart des femmes ayant des enfants ont un emploi qui sert généralement à assurer le revenu familial et à éviter la pauvreté ou à en atténuer les effets. Moins d'un tiers des femmes avec des enfants d'âge préscolaire et moins d'un quart de celles qui ont des enfants d'âge scolaire ne sont pas sur le marché du travail. Ces femmes font partie de familles où le père est le seul soutien de famille et touche un revenu suffisant pour que sa conjointe puisse rester à la maison ou de familles d'assistés sociaux.

La controverse est restée axée sur la déduction pour frais de garde d'enfants et sur la perception qu'elle avantage les familles où les deux parents ont un emploi et qui ont des frais de garderie par rapport à celles où un seul des conjoints a un revenu et qui n'ont pas de frais de ce genre. Ce n'est pourtant pas vrai. Le parent qui reste au foyer et son conjoint ne doivent pas payer d'impôt sur la valeur que représente la garde de leurs enfants. La femme qui a un emploi doit gagner assez pour payer quelqu'un d'autre pour garder ses enfants. Les frais de garde sont en réalité des frais professionnels et ne devraient pas être imposables.

En réduisant ou en supprimant la déduction pour frais de garde d'enfants, on désavantagerait en fait les parents actifs sur le marché du travail. Par exemple, la proposition de l'Institut C.D. Howe de réduire la déduction pour frais de garde d'enfants de 2 000 $ pour instaurer une déduction d'impôt de 2 000 $ par enfant désavantagerait les familles à deux revenus.

La famille à revenu unique recevrait une déduction d'impôt de 2 000 $ par enfant outre le fait de ne pas devoir payer d'impôt sur la valeur imputée de la garde des enfants assurée par un des parents. Elle serait par conséquent avantagée par rapport aux couples de deux salariés. En outre, une déduction d'impôt par enfant non remboursable n'aiderait pas du tout les familles pauvres ou les familles à faible revenu. Un tel système serait éminemment injuste dans un pays où un enfant sur cinq vit dans la pauvreté et dans une ville comme Toronto où un enfant sur trois est dans ce cas.

Les assistés sociaux qui ont des enfants sont les contribuables les plus désavantagés. La façon dont sont traités ces parents qui restent au foyer est un bel exemple des inégalités qui existent entre les diverses classes sociales. Ces mères sont punies parce qu'elles restent au foyer. Elles doivent se contenter des maigres prestations d'aide sociale et elles doivent payer de l'impôt sur le montant total des prestations supplémentaires qu'elles reçoivent de l'aide sociale, prestations qui visent précisément à éliminer la pauvreté chez les enfants.

Les deux principales mesures de récupération concernent également les assistés sociaux que l'on ne s'attend même pas à voir travailler, comme les personnes handicapées, les parents qui ont de très jeunes enfants ou même les couples qui servent de famille d'accueil à des enfants placés par les services d'aide sociale.

• 1210

Si l'on veut que le système devienne plus équitable, il est nécessaire de trouver une solution pour aider toutes les familles, peu importe leur situation personnelle ou financière, à supporter les frais et à faire des choix en ce qui concerne leurs enfants. Le montant des prestations pour enfants devrait être considérablement accru. Le montant actuel de 1 625 $ maximum par enfant par an est nettement insuffisant pour couvrir tous les frais. Si le but de la prestation fiscale est de partager les responsabilités dans ce domaine, il faudrait également l'accorder aux familles à revenu supérieur en la transformant en prestation universelle et en tenant compte ainsi des frais qu'entraînent les enfants.

Il faudrait cesser de déduire le supplément de prestations pour enfants des prestations d'aide sociale. C'est une honte que ce supplément, qui est censé servir à lutter contre la pauvreté chez les enfants, ne soit avantageux que pour une famille pauvre sur trois, à cause de cette mesure de récupération. En ce qui concerne la déduction pour frais de garde d'enfants, la meilleure formule consisterait à la supprimer progressivement après avoir instauré un système universel d'excellents services de garde et d'éducation pour jeunes enfants accessibles à tous les enfants, à plein temps ou à temps partiel, que les parents travaillent ou qu'ils restent au foyer.

Il faudrait également rendre les congés de maternité et les congés parentaux accessibles à un plus grand nombre, par le biais de l'assurance-emploi. Cette accessibilité accrue permettrait à un nombre beaucoup plus élevé de parents d'avoir le choix et de décider de consacrer plus de temps à leurs enfants, et pas seulement à ceux qui en ont les moyens. Un programme de congés de maternité et de congés parentaux accessibles à un plus grand nombre de parents pourrait également être une nouvelle forme d'aide sociale au niveau de subsistance permettant à un des parents de rester à la maison avec un jeune enfant.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous ferons des tours de cinq minutes. Allez-y, monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Monsieur Poschmann, dans la nouvelle recette que vous prescrivez, vous avez dit également que vous augmenteriez substantiellement le montant de l'exemption personnelle de base. Avez-vous fait des calculs pour déterminer à quel niveau ce palier devrait être relevé?

M. Fin Poschmann: Dans les travaux que j'ai faits dans ce domaine, je n'ai pas insisté sur une augmentation de l'exemption personnelle. Ce que je viens de dire, c'est que si l'on est préoccupé au sujet des taux d'imposition effectifs dans un système fiscal très uniforme hypothétique, il faut prévoir une exemption plus élevée, pour que le fardeau fiscal total d'un contribuable dont le revenu est d'environ 20 000 $ ne soit pas plus lourd que maintenant. Par conséquent, ce niveau doit être établi à la suite de calculs. Il faut déterminer le niveau de revenu auquel on voudrait égaliser le fardeau fiscal pour obtenir le chiffre correspondant. Par conséquent, il faudrait que le taux marginal fédéral soit d'environ 23 p. 100—dans un scénario hypothétique d'impôt uniforme—et que l'exemption personnelle soit de l'ordre de 11 000 $ à 12 000 $.

M. Paul Forseth: D'après ce que vous avez dit, et d'après ce que bien d'autres témoins ont dit, le système fiscal semble reconnaître les services de garderies payés mais pas les services de garde d'enfants non payés assurés par un des parents. Pourtant, il s'agit également de garde d'enfants. Pourquoi le système fiscal favoriserait-il un mode de garde d'enfants par rapport à un autre? Par conséquent, si nous voulons maintenir la déduction pour frais de garde d'enfants, que pourrait-on faire pour tenir compte de façon équitable des services de garde non payés? La recette que vous préconisez tient-elle compte de ce principe?

M. Finn Poschmann: Oui. Elle en tient compte de deux façons. M. Hughes a rappelé que la garde des enfants assurée par un des parents n'est pas imposable et je suis bien d'accord avec lui. La production familiale n'est pas imposable. Pour prendre des décisions à ce sujet, il faut déterminer quand et dans quelles conditions on veut autoriser une déduction pour frais de garde d'enfants.

Par contre, étant donné que les taux d'imposition fédéraux augmentent considérablement à des niveaux de revenu relativement peu élevés, la garde des enfants par un des parents est moins intéressante sur le plan financier qu'elle ne devrait l'être. Elle l'est moins en tout cas qu'elle ne l'était. Par conséquent, on pourrait peut-être revenir un peu en arrière pour que les taux d'imposition élevés ne commencent pas à un niveau de revenu aussi bas et accorder une déduction assez forte pour la garde des personnes à charge.

• 1215

Le chiffre de 2 000 $ que j'ai mentionné nous ramène à peu près une génération en arrière pour ce qui est de la valeur réelle de la déduction pour enfants. Une reconnaissance de cet ordre des frais de base d'éducation des enfants, frais qui ne sont pas adéquatement représentés dans l'assiette fiscale et qui ne devraient pas être imposables, aiderait à financer la garde des enfants à domicile.

M. Paul Forseth: Je suppose que l'un d'entre vous a quelque chose à ajouter.

Mme Brigitte Kitchen (Metro Campaign 2000): Oui. Si je comprends bien, votre mandat consiste à examiner les conséquences qu'a le système fiscal pour les familles avec des enfants. Cependant, une catégorie de contribuables a totalement été négligée ou du moins je n'en ai pas du tout entendu parler ce matin. Il s'agit de ceux qui n'ont pas d'enfants. Au Canada, le revenu des parents avec des enfants est imposé de la même façon que celui des parents sans enfants, du fait que l'exemption d'impôt pour enfants a disparu. Ce commentaire concerne la première question.

En ce qui concerne la deuxième, celle qui a trait à la valeur du revenu imputé de la garde des enfants à domicile, je m'inspirerai des documents qui ont été publiés au sujet de l'impôt. J'espère que vous voudrez bien m'en excuser. Ces documents signalent que, pour que le système soit équitable à l'égard des parents qui restent au foyer et des couples de deux salariés, il faudrait exempter les frais de garde d'enfants du revenu du parent qui est sur le marché du travail.

Ce n'est pas le cas. On ne compense qu'une partie des frais réels de garde d'enfants. On reproche bien entendu au système actuel de favoriser les contribuables qui ont un revenu élevé par rapport aux autres, en raison de la progressivité du système fiscal canadien. Il ne faut toutefois pas oublier qu'en Ontario par exemple, la marge d'imposition maximum sur les revenus élevés est de 54 p. 100. Une femme qui doit payer des frais de garde d'enfants de 10 000 $ devra gagner 20 000 $ pour pouvoir débourser une telle somme.

En supprimant la déduction pour frais de garde d'enfants, on commettrait non seulement une injustice à l'égard de cette femme, parce qu'elle ne pourrait pas récupérer ses frais de garde à la maison, mais on lui imposerait en outre une hausse d'impôt. Par conséquent, elle serait doublement mise à contribution. La proposition consistant à essayer de supprimer la déduction pour frais de garde d'enfants ne tient donc pas debout sur le plan de l'équité fiscale.

M. Paul Forseth: Je ne disais pas ça. D'après les commentaires des Canadiens, la déduction pour frais de garde d'enfants vise effectivement à tenir compte de certains frais de garde mais il n'y a pas plusieurs types de garde d'enfants. Que diriez-vous si le système fiscal ne faisait aucune distinction entre divers modes de garde et s'il reconnaissait la garde des enfants à domicile par un des parents? Pourquoi le système fiscal avantage-t-il certains parents par rapport aux autres?

Mme Brigitte Kitchen: Il ne le fait pas. Il faut comprendre qu'il n'y a pas divers types de garde d'enfants. Les parents qui restent au foyer afin de prendre soin des enfants, et il s'agit surtout de femmes, doivent payer pour les faire garder quand ils décident d'aller sur le marché du travail.

Par conséquent, le système actuel en tient compte mais pas suffisamment, parce qu'il ne permet de déduire qu'une partie des frais de garde. Pour qu'il soit vraiment équitable, il faudrait rembourser à la mère la totalité des frais de garde et c'est pourquoi des groupements comme le nôtre appuient la position de la Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde d'enfants à savoir qu'une solution plus équitable à ce problème serait la création d'un programme ou d'un service.

• 1220

M. Paul Forseth: Merci.

Le président: Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'être venus témoigner. On a fait bien des commentaires que j'approuve. J'en ai moi-même deux ou trois à faire. Je les adresse à Mme Kitchen et à M. Hughes.

Une des personnes qui est venue témoigner à Vancouver ou à Calgary, je ne sais plus très bien, a fait une réflexion intéressante. Cette dame a dit qu'elle estimait qu'il était ridicule de cibler l'activité parentale et qu'il faudrait plutôt cibler les enfants. Je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.

Beaucoup de témoins ont parlé de fractionnement du revenu. Ils estiment que c'est une formule qui permettrait peut-être de faire disparaître les injustices dont nous sommes conscients.

Madame Kitchen, je vous soumets un commentaire sur lequel je voudrais que vous me donniez votre opinion. Il concerne ce que d'autres témoins ont dit au sujet de l'étude de Shelley Phipps à propos du Canada et de notre position par rapport aux autres pays. Je suppose que vous connaissez cette étude. Vous pourriez peut-être nous dire quel but il faudrait essayer d'atteindre.

Mme Brigitte Kitchen: Vous voudriez donc savoir ce que je pense du commentaire de Shelley Phipps. Elle a fait le rapport entre le système fiscal et le traitement des familles avec des enfants puis a parlé de programmes de transfert et de services sociaux destinés à aider les familles. Elle a dit que dans les pays européens, le rapport est très net mais les méthodes employées ne sont pas très homogènes. Certains pays préfèrent le système des transferts fiscaux alors que d'autres mettent davantage l'accent sur les programmes. Étant donné que nous nous adressons à un comité des finances, je parlerai d'abord du système fiscal.

Une des initiatives les plus intéressantes est celle qui a été prise en Allemagne, où la cour suprême a décidé que le gouvernement n'avait pas le droit de faire payer de l'impôt sur le revenu nécessaire, c'est-à-dire le revenu de base nécessaire, pour élever un enfant qui est, d'après ce que nous avons entendu, de 7 000 $ au Canada. Par conséquent, au lieu d'augmenter le montant de la déduction personnelle, il faudrait ajouter une exemption d'impôt de 7 000 $ pour les enfants si l'on voulait adopter le modèle prôné par la cour suprême allemande.

Cette proposition a bien entendu été contestée et a suscité bien des discussions sur l'opportunité de respecter l'ordonnance de la cour en créant une déduction d'impôt ou en ajoutant ce montant à l'allocation familiale universelle. Par conséquent, les opinions diffèrent. Je signale que le nouveau gouvernement allemand est un gouvernement social-démocrate et qu'antérieurement ce parti était en faveur d'une hausse des allocations familiales mais que, depuis qu'il est au pouvoir et que l'Allemagne a un déficit budgétaire considérable, il est beaucoup plus enclin à octroyer ce montant supplémentaire par le biais du système fiscal. C'est toutefois un principe très intéressant qui a été contesté devant les tribunaux. Il s'agit de décider quelles dépenses obligatoires un gouvernement devrait permettre aux contribuables de déduire de leur revenu personnel.

• 1225

Pour le moment, les enfants sont traités pratiquement comme des biens de consommation ou comme des animaux familiers. Lorsque j'étais à la Commission ontarienne pour l'équité fiscale, un des témoins avait fait la déclaration suivante dans le cadre des audiences que nous avions tenues: «Les enfants ne sont pas des éléphants après tout et ils ne devraient pas être traités comme des biens de consommation».

Un des témoins a dit tout à l'heure qu'il avait pris la décision d'avoir des enfants et que c'était à lui d'en prendre soin. Il a dit qu'il ne s'attendait pas à ce que le gouvernement l'aide à élever ses enfants. J'estime que si les politiques fiscales et les programmes sociaux des pays membres de la Communauté européenne diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre, ils ont un point commun: ils reconnaissent explicitement que la responsabilité en matière d'éducation des enfants doit être partagée entre les parents et l'État, à savoir le gouvernement. Ils reconnaissent également que si l'on accepte ce principe, on ne peut pas considérer que les enfants relèvent uniquement de la responsabilité des parents à partir d'un certain niveau de revenu. C'est pourtant le raisonnement que l'on tient actuellement au Canada dans le contexte de la prestation pour enfants. Soit que cette responsabilité est partagée soit qu'elle ne l'est pas. Nous vous demandons d'être au moins logiques en ce qui concerne les enfants.

Mme Michelle Dockrill: Je voudrais savoir si vous êtes disposés à faire des commentaires sur les opinions que vous avez exprimées au sujet du fractionnement du revenu.

Mme Brigitte Kitchen: Je crois que vous avez signalé que l'Allemagne a adopté ce système. C'est un principe intéressant. Dans le cas d'un soutien de famille qui a un revenu de 60 000 $, on pourrait...

Ce système est injuste à l'égard du second titulaire de revenu dans le cas d'un couple de deux salariés. On peut toujours faire toutes sortes de calculs. On pourrait s'arranger pour encourager un plus grand nombre de femmes à devenir actives sur le marché du travail mais sur le plan fiscal, on ne peut pas dissocier une telle mesure de la déduction pour frais de garde d'enfants. Une telle mesure rendrait la situation encore plus compliquée qu'elle ne l'est déjà. Je pense que le fractionnement du revenu existe déjà dans une certaine mesure du fait que les conjoints remettent chacun une déclaration d'impôt sur le revenu, basée sur leur revenu personnel. Par conséquent, c'est déjà un fractionnement du revenu en quelque sorte.

Le président suppléant (M. Paul Forseth): Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: La déduction pour frais de garde d'enfants n'est réclamée que par environ un tiers des couples de deux salariés qui y ont droit. Autrement dit, les services de garde d'enfants non déclarés sont très courants.

Pour les couples de deux salariés, la déduction moyenne réclamée en 1996 était de 2 600 $. Cette année-là, le niveau des prestations pour un enfant d'âge préscolaire était de 5 000 $ alors qu'il est actuellement de 7 000 $; il a donc changé. Il est assez évident que la valeur de cette prestation a été fort exagérée parce qu'elle n'est pas utilisée. En fait, le montant net moyen des prestations touchées par les familles à double revenu qui l'ont réclamé n'était que de 700 $ par an.

En 1996, le gouvernement du Canada s'attendait à ce que le manque à gagner fiscal dû à la déduction pour frais de garde d'enfants se chiffre à environ 500 millions de dollars. Toutes les solutions qui ont été proposées pour essayer de mettre un terme à cette injustice possible coûteraient plusieurs milliards de dollars. Un crédit d'impôt remboursable de 1 000 $ coûterait sept milliards de dollars. Si vous supprimiez la déduction pour frais de garde d'enfants qui donne apparemment lieu à des abus, les contribuables seraient peut-être tentés de ne pas déclarer le revenu supplémentaire que représenterait ce crédit parce que ça aurait des répercussions sur d'autres avantages qu'ils reçoivent. Je trouve que c'est une situation extrêmement compliquée.

• 1235

Je voudrais savoir si vous estimez que le système de la prestation fiscale canadienne pour enfants est une initiative visant à régler le problème de la garde des enfants ou une mesure gouvernementale visant à réduire la pauvreté.

M. Colin Hughes: C'est beaucoup à la fois. Et si je parlais de la déduction pour frais de garde d'enfants?

Ça représente effectivement des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Soyons réalistes. Les réductions d'impôt représentent un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars. En Ontario, la réduction d'impôt a coûté environ six milliards de dollars. À combien s'élèverait la facture à l'échelle nationale? Ce sont effectivement des sommes colossales mais les enjeux sont extrêmement importants.

Quant à toutes les histoires que l'on fait au sujet de la déduction pour frais de garde d'enfants, je pense que la plupart des travailleurs et travailleuses du secteur des garderies qui ont été mes collègues ne sont pas particulièrement enthousiastes au sujet de cette approche à la garde et au développement de la petite enfance. C'est de toute évidence avant tout une mesure de création d'emplois.

Il faut toutefois reconnaître que c'est pour ainsi dire la seule mesure gouvernementale de participation aux frais de garde d'enfants qui subsiste. Quand le Régime d'assistance publique du Canada a été complètement chamboulé, toute forme de contribution gouvernementale en matière de garde d'enfants a disparu. La seule autre contribution fédérale indirecte est la prestation fiscale pour enfants financée grâce aux fonds récupérés sur les prestations versées aux familles d'assistés sociaux; ces fonds sont réinvestis dans une mesure ou l'autre concernant la garde des enfants...

M. Paul Szabo: Nous abordons trop de sujets à la fois.

Voici ma dernière question. Elle concerne les principes. Je crois que vous reconnaissez tous les deux qu'il y a bien des changements possibles pour remanier les programmes, prestations, déductions, crédits ou autres mesures semblables existants. Ça ne pose aucun problème d'ordre technique; par contre, il faut que les principes transparaissent dans ces changements. Je voudrais donc énoncer cinq principes que l'on pourrait examiner pour savoir si vous avez des réticences à les accepter.

Premièrement, notre politique devrait être axée sur les enfants. Les intérêts supérieurs des enfants devraient être notre premier impératif.

Deuxièmement, il faudrait présumer que les parents sont les principaux dispensateurs de soins et qu'ils sont les mieux placés pour décider quelle est la meilleure formule de garde pour leurs enfants, en fonction de la situation économique familiale et d'autres facteurs semblables.

Troisièmement, notre politique devrait s'efforcer de laisser une très grande latitude aux familles avec des enfants, de leur laisser de nombreuses options ou de nombreux choix et de permettre à un des deux parents de rester au foyer pour prendre soin des enfants ou de faire un travail pour lequel il est rémunéré.

Quatrièmement, la politique devrait tenir compte de toutes les réalités sociales, des circonstances et des préférences des parents et de leurs enfants, c'est-à-dire qu'elle devrait tenir compte du fait qu'une famille sur six est une famille monoparentale.

Enfin, la politique devrait être juste et équitable et ne jamais pénaliser ni imposer certains choix en ce qui concerne la garde des enfants.

• 1240

Mme Brigitte Kitchen: Je pense que nous n'avons pas la moindre réticence en ce qui concerne le premier principe, à savoir que la politique devrait être axée sur les enfants.

En ce qui concerne le deuxième, nous avons déjà plus de réserves. Les parents sont effectivement les principaux dispensateurs de soins. Le problème, c'est que dans la plupart des familles, les deux parents doivent travailler pour avoir un revenu suffisant pour vivre. Par conséquent, la question du choix ne se pose même pas dans la plupart des cas.

M. Paul Szabo: D'après les données de M. Shillington, que le revenu annuel de l'époux soit de 10 000 $ ou de plus de 100 000 $, dans un tiers des cas, les deux conjoints travaillent; dans un tiers des cas, un conjoint travaille à plein temps et l'autre à temps partiel et dans le dernier tiers des cas, un des conjoints reste toute la journée à la maison pour s'occuper des enfants. Autrement dit, ce choix n'a rien à voir avec le revenu. Il est toutefois influencé par le revenu, ce qui est en fait à l'opposé de ce que vous venez de dire.

Mme Brigitte Kitchen: Je n'ai pas vu les données de Richard Shillington...

M. Paul Szabo: Développement des ressources humaines a également confirmé ces données. Elles s'appliquent à tous les niveaux de revenu.

Mme Brigitte Kitchen: Voulez-vous dire qu'un tiers des familles de deux salariés ayant un revenu de 10 000 $ et qu'un tiers de celles...

M. Paul Szabo: Vous avez dit que les deux parents doivent travailler.

Mme Brigitte Kitchen: C'est vrai dans bien des cas.

M. Paul Szabo: Mais ce n'est pas vrai en ce qui concerne l'ensemble de la population.

Mme Brigitte Kitchen: Vous avez dit vous-même que la plupart des gens ne réclament pas la déduction pour frais de garde d'enfants. J'aurais pensé que pour des raisons financières, ces parents essayaient de prendre toutes sortes de dispositions pour faire garder les enfants, principalement par des membres de la famille, qui ne sont pas nécessairement dans le meilleur intérêt des enfants. Vous avez dit que votre premier principe est que la politique doit être axée sur les enfants. On peut trouver des services de garde d'enfants peu coûteux sur le marché parallèle.

M. Paul Szabo: Bien. Le deuxième principe est que les parents sont les mieux placés pour décider quelle est la meilleure formule pour leurs enfants.

Mme Brigitte Kitchen: Je ne pense pas que ce soit aussi facile que cela, à cause du contexte économique. Il faut voir...

M. Paul Szabo: Qui est mieux placé que les parents pour décider quelle est la meilleure formule pour leurs enfants?

M. Colin Hughes: Ça dépend notamment du genre de choix que l'on a en ce qui concerne la garde. Par exemple...

M. Paul Szabo: C'est le troisième principe.

M. Colin Hughes: Je voudrais citer un exemple concret.

À Toronto, dans le cadre du programme Ontario au travail, qui est un programme d'assistance-travail, la municipalité a offert le choix entre des services de garde reconnus et des services non reconnus aux parents obligés de participer à ce programme. Comme ils avaient le choix, 98 p. 100 d'entre eux ont opté pour des services de garderie de qualité, titulaires d'une licence. Je ne dis pas que ce système pourrait être généralisé à l'échelle nationale mais j'essaie de vous faire comprendre que l'on n'a pas ce genre de choix dans d'autres domaines pour la seule raison qu'ils ne sont pas accessibles. Par conséquent, l'État a effectivement un rôle à jouer...

M. Paul Szabo: Notre politique devrait par conséquent favoriser ces choix.

M. Colin Hughes: Elle devrait effectivement favoriser ce genre d'options.

M. Paul Szabo: C'est précisément la teneur même du troisième principe. Par conséquent, vous êtes d'accord. Est-ce tout ce que vous avez à dire?

M. Colin Hughes: C'est effectivement le troisième principe. Je voudrais toutefois ajouter que notre gouvernement provincial a prôné le choix pour les services de garde d'enfants. Pourtant, 98 p. 100 des intéressés n'ont pas opté pour les services officieux et la province ne les y a pas encouragés. Par conséquent, la liberté de choix est plutôt une expression à la mode tous ces temps-ci.

Je voudrais parler du deuxième principe au sujet duquel Mme Kitchen a fait des commentaires. J'estime que les parents sont les principaux dispensateurs de soins mais il ne faut pas oublier que la société a la responsabilité de contribuer au bien-être de nos enfants. C'est l'élément qui manque dans l'équation. Personne n'en a parlé. C'est précisément à cause de ce genre de raisonnement que les parents sont toujours mis à contribution et que la société tire son épingle du jeu dans ce domaine.

Je travaille pour la Société d'aide à l'enfance. Nous avons continuellement affaire à des familles qui en sont arrivées là précisément parce que notre société ne leur offre pas les ressources, les choix, les options et les outils nécessaires pour élever leurs enfants comme il se doit. Par conséquent, j'estime qu'il faut mettre beaucoup plus l'accent sur cet aspect. Quant aux autres principes, je...

• 1245

M. Finn Poschmann: Je suis entièrement d'accord en ce qui concerne les troisième, quatrième et cinquième principes, ainsi que le deuxième mais, nous n'avons pas tardé à constater qu'il y a une certaine contradiction entre le premier et le deuxième. La première observation que Mme Kitchen a faite est que les parents ont parfois recours à des membres de la famille ou aux grands-parents pour garder leurs enfants ou qu'ils s'arrangent pour les faire garder gratuitement et ce n'est peut-être pas toujours la meilleure solution. Elle ne mâche pas ses mots.

Votre premier principe laisse entendre en fait que la politique fiscale du gouvernement devrait favoriser un type précis de services de garderies, ou c'est du moins ainsi qu'on peut l'interpréter. On sous-entend que les services de garderies payants à l'extérieur de la maison sont nécessairement meilleurs que les autres. Il faut effectivement tenir compte des diverses réalités économiques sous-jacentes mais ce sont des réalités auxquelles les parents essaient de faire face.

C'est précisément pour cette raison que l'on obtient des chiffres intéressants comme ceux que M. Shillington a cités. Ces chiffres sont exacts. Ils indiquent que beaucoup de parents estiment que la solution qu'ils préfèrent est de garder eux-mêmes leurs enfants à domicile, même si cette décision exige d'énormes sacrifices financiers. Par conséquent, quand on examine les dollars fiscaux que le gouvernement...

M. Paul Szabo: Le premier principe, à savoir que la politique doit être axée sur les enfants et tenir compte de leur intérêt supérieur a été notamment formulé ainsi parce que Condition féminine Canada prétend que tout avantage accordé à un parent qui reste au foyer serait un obstacle à l'accès de la femme au marché du travail.

M. Finn Poschmann: C'est possible.

M. Paul Szabo: Cet organisme pense davantage à la condition de la femme et il déconseille de donner la prestation à un parent qui reste au foyer parce qu'il y aurait plus de parents au foyer qu'au travail. Par contre, ce raisonnement ne tient pas compte du fait que si le deuxième parent décide d'aller travailler, cette décision risque d'entraîner des frais de garde d'enfants. Cependant, la plupart des familles ont un deuxième revenu et un chèque de paie net qui augmente le revenu familial disponible total. Plusieurs facteurs comme les choix, les droits à la pension ou l'avancement professionnel entrent donc en ligne de compte.

Dans l'autre cas, les frais parentaux directs ou les frais de garde d'enfants sont éliminés mais la famille se prive également d'un revenu net de l'ordre de 10 000 $ à 15 000 $.

Par conséquent, le problème n'est pas de savoir si l'on a droit à la déduction pour frais de garde d'enfants. La principale considération qui entre en ligne de compte pour une famille est de décider quel système de valeurs elle adopte en ce qui concerne ses enfants. Les parents doivent se demander s'ils sont disposés à renoncer à un revenu net de 10 000 $ à 15 000 $ pour pouvoir assurer eux-mêmes la garde de leurs enfants.

M. Finn Poschmann: Je suis d'accord sur toute la ligne.

Le président: Un instant, s'il vous plaît. Avez-vous des questions à poser à M. Szabo?

Mme Brigitte Kitchen: J'ai en fait d'autres commentaires à faire. À propos de politique axée sur les enfants, je signale qu'il existait un programme de ce genre. Il est toujours possible de le rétablir. Il s'agit du programme universel d'allocations familiales. Les parents touchaient un chèque qu'ils aillent travailler ou non. Les allocations n'étaient pas imposables. C'était le meilleur programme axé sur les enfants qui ait existé. C'est peut-être le moment de réexaminer cette formule.

M. Paul Szabo: Je vous rappelle que cette question relève du cinquième principe, à savoir qu'il ne faut pas pénaliser les choix des parents ni leur imposer des choix.

Mme Brigitte Kitchen: Oui. Rétablissez ce programme, je vous en prie.

M. Paul Szabo: Je suis d'accord.

Le président: Allez-y, monsieur Poschmann.

M. Finn Poschmann: Je suis d'accord avec M. Szabo sur pratiquement toute la ligne. Je me demande toutefois dans combien de temps la mise en oeuvre progressive d'une politique axée sur les enfants pourrait entrer en contradiction avec plusieurs autres principes. En effet, ce principe peut devenir facilement incompatible avec celui de la liberté de choix des parents.

Le président: Merci.

C'est le moment de vous remercier d'être venus aujourd'hui pour exposer vos opinions. Notre tâche est quelque peu allégée grâce à vos témoignages mais elle reste toutefois difficile. Merci encore de nous avoir fait connaître vos opinions.

M. Finn Poschmann: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Nous reprenons nos travaux à 13 heures. La séance est levée.