STFC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 avril 1999
Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend maintenant son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes.
Ce soir, j'ai le plaisir d'accueillir Sonya Nigam, du comité directeur de Mothers Are Women, et Glen Cheriton, directeur exécutif de FatherCraft Canada. Nous attendons également l'arrivée de Mme Dona Eaton. Je vous souhaite la bienvenue à tous deux à cette très importante réunion de ce soir.
Nous aimerions, si possible, commencer par entendre vos exposés, puis nous aurons une discussion avec les membres du comité. Si Mme Eaton arrive très rapidement, elle pourra faire son exposé en même temps.
Nous donnerons peut-être d'abord la parole aux dames, en témoignage de notre respect.
Madame Nigam.
Mme Sonya Nigam (membre, comité directeur, Mothers are Women): Merci, monsieur le président et honorables députés. Je m'appelle Sonya Nigam et je représente ici ce soir Mothers Are Women.
Mothers Are Women est une organisation féministe de base progressiste qui défend les intérêts des mères qui, délibérément ou non, restent chez elles pour s'occuper de leurs enfants à plein temps ou à temps partiel. MAW cherche à atteindre de façon équilibrée et intégrée les objectifs suivants: assurer l'égalité entre les hommes et les femmes à la maison et au travail, protéger le bien-être des enfants et mettre en place des mécanismes pour aider les femmes et les hommes à concilier leurs responsabilités concernant un travail rémunéré et la vie familiale.
Depuis sa fondation en 1985, MAW a entrepris plusieurs projets de recherche et d'éducation publique axés sur les soins aux enfants et le travail non rémunéré. MAW est une des organisations qui ont fait du lobbying pour que des questions concernant le travail non rémunéré soient incluses dans le recensement de 1996 et poursuit ses efforts pour que la politique gouvernementale, économique et sociale du Canada tienne compte de la nature du travail non rémunéré, y compris les soins prodigués aux enfants par leurs parents.
Outre ces activités, nous aidons les femmes au foyer. Nous publions un magasine trimestriel national et nous avons un site Web. Nous coordonnons des groupes de discussion et des groupes de lecture et nous organisons des ateliers. MAW respecte et appuie toutes les options en matière de soins dispensés aux enfants et reconnaît la valeur de toutes les formes d'organisation des familles au Canada, aussi diverses soient-elles.
• 1825
Nous sommes également en faveur d'un régime fiscal progressif
et d'un système fixe d'imposition des personnes à titre individuel.
J'aimerais maintenant vous dire pourquoi il est approprié de parler du travail non rémunéré dans le cadre de la discussion de notre système d'imposition et de transfert. Le travail non rémunéré exécuté par les femmes, surtout celui qu'elles effectuent pour leurs enfants ou pour une personne à charge, reste mal compris et fortement sous-évalué au Canada comme ailleurs. Le fait qu'il n'est pas reconnu à sa juste valeur est une des raisons pour lesquelles ce type de travail, généralement réalisé par les femmes, est une source de discrimination et de pauvreté. L'écart salarial entre les deux sexes persiste étant donné que les femmes qui exercent un travail rémunéré continuent d'être mal payées, surtout dans le secteur de la prestation de soins dont la nature est identique à celle du travail non rémunéré que fournissent gratuitement les femmes.
Les femmes au Canada sont intervenues auprès des autorités pour que celles-ci répondent à leurs désirs d'obtenir une plus grande sécurité économique tout en reconnaissant que ce sont elles qui prodiguent les soins nécessités par les personnes à leur charge. Ces efforts se sont traduits par d'importantes améliorations dans le domaine du droit de la famille ainsi que par une gamme de mesures incluant l'équité salariale, des avantages sociaux, le congé de maternité, les prestations de pension et diverses mesures fiscales.
Toutefois, après analyse, il est manifeste qu'on a pris en considération de façon seulement sélective la contribution non rémunérée des femmes au bien-être de leurs enfants, de leur ménage et de la société, à la seule exception du domaine du droit de la famille. Mais dans tous les autres domaines, y compris le système d'imposition et de transfert, le travail non rémunéré des femmes continue de ne pas être reconnu à sa juste valeur et d'être sous- estimé par les pouvoirs publics.
La plupart des avantages sociaux dont disposent les femmes, que le gouvernement met en exergue après coup en les présentant comme des exemples de la reconnaissance du travail non rémunéré des femmes, sont directement reliés au travail rémunéré. De ce fait, les femmes qui n'exercent pas ou n'ont pas récemment exercé un emploi rémunéré se retrouvent exclues tout comme elles l'étaient il y a 50 ans.
Le gouvernement canadien, avec une certaine ambivalence et de façon peu coordonnée, semble avoir actuellement trois objectifs en ce qui concerne les familles canadiennes: l'égalité entre les sexes, le bien-être des enfants et la recherche d'un équilibre entre le travail rémunéré et les responsabilités familiales ou le travail non rémunéré.
Dans ses efforts en vue d'assurer l'égalité entre les sexes, le gouvernement dit aux femmes du Canada que, pour parvenir à cette égalité, elles devraient réduire le travail non rémunéré qu'elles consacrent à leurs personnes à charge et se concentrer sur le travail rémunéré. La réalité est que les femmes continuent d'accorder une très grande priorité à l'éducation de leurs enfants quand elles décident si elles veulent exercer un travail rémunéré quelconque et quand elles veulent le faire.
L'accroissement de la participation des femmes à la main- d'oeuvre rémunérée n'a pas assuré l'égalité entre les sexes, parce qu'il reste une grande inégalité en ce qui concerne les soins dispensés sans rémunération à des personnes à charge. Pour que les sexes soient égaux, il est essentiel d'accroître la participation des hommes aux activités familiales non rémunérées.
Pour que le gouvernement fasse progresser l'égalité entre les sexes dans notre société, il doit établir que les soins non rémunérés dispensés à des personnes à charge constituent une partie du travail que font les femmes et les hommes. Le travail rémunéré étant négligé dans les débats sur les politiques gouvernementales, le soutien nécessaire ne peut se matérialiser sans des mécanismes évidents tels que le régime fiscal. Même si, à notre avis, celui-ci est un élément essentiel d'une approche intégrée, nous n'avons pas l'impression qu'il devrait être le seul moteur de la politique de la famille.
Mothers Are Women considère qu'il est temps que le gouvernement fédéral élabore un programme global ayant pour objectifs l'égalité entre les sexes, le bien-être des enfants et l'atteinte d'un équilibre entre le travail rémunéré et les responsabilités familiales. En mettant en oeuvre un tel programme global, le gouvernement fédéral pourrait faire en sorte qu'il n'existe aucun conflit entre les différentes mesures élaborées en vue de l'atteinte de ces objectifs. Il pourrait également veiller à mettre en oeuvre ces mesures sans privilégier une sorte de famille plutôt qu'une autre tout en ciblant celles qui sont économiquement les plus vulnérables, ce qui lui permettrait de se poser en chef de file dans un domaine qui relève aussi manifestement des provinces.
À propos des orientations de la politique gouvernementale, je voudrais ajouter qu'il est nécessaire de reconnaître et d'appuyer les soins dispensés sans rémunération aux personnes à charge au moment où ce travail est exécuté et de faire en sorte que les personnes qui s'acquittent de cette tâche pendant un certain temps ne soient pas pénalisées ou défavorisées à cause de cela à la fin de leur vie.
• 1830
Pour faire progresser la mise au point des programmes
nécessaires, le gouvernement doit, à notre avis, s'engager à
approfondir ses recherches. Comprendre le rôle critique du travail
non rémunéré et le fonctionnement des ménages, des communautés, du
marché et des économies nationale et mondiale peut avoir des
répercussions essentielles et très étendues sur la politique
sociale et économique au Canada.
Même si cette question est du ressort de la décision individuelle, c'est aussi une décision qui a des dimensions macro- économiques. Statistique Canada donne l'exemple mondialement dans le domaine du travail non rémunéré et possède une masse de données permettant d'effectuer des recherches concrètes qui peuvent étayer de façon plus complète la politique gouvernementale en matière de travail non rémunéré. Les pouvoirs publics ont fortement sous- utilisé ces données. D'après un fonctionnaire de Statistique Canada, cet organisme n'est pas en mesure de confirmer que le recensement de 2001 inclura même une deuxième série de questions sur le travail non rémunéré.
En plus de cet engagement à collecter des données sur le travail non rémunéré, il faut également faire davantage de recherche sur la valeur accordée au travail non rémunéré afin de l'intégrer dans notre système de comptes nationaux, qui est le fondement de la plus grande partie de l'analyse macro-économique. C'est sur la base des statistiques économiques comme le PIB, la consommation, le revenu réel disponible et la productivité que la politique budgétaire du Canada, y compris la politique fiscale, est élaborée.
Nous avons non seulement besoin de recherches plus poussées, mais également d'un plus vaste débat public et de davantage de consultations avec le gouvernement. Celui-ci devrait appuyer un processus de consultation et encourager un débat public, notamment en assurant une sensibilisation et une formation de la population basées sur une compréhension croissante du fait que les soins donnés aux personnes à charge constituent un travail non rémunéré.
Pour terminer, nous voudrions reconnaître la complexité de la question du travail non rémunéré. Pour mieux reconnaître sa vraie valeur, il faut remettre en cause nombre d'idées reçues. Cela nous force à ne plus être sur la défensive et à imaginer des idées nouvelles. Beaucoup de temps et d'efforts ont été consacrés par des particuliers, des organisations et divers ministères à défendre leur propre point de vue et à combattre les autres, ce qui a bloqué l'évolution de la politique canadienne. Le sous-comité des finances a l'occasion de faire avancer les choses de façon positive.
Mothers are Women invite le sous-comité des finances sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge à adopter les recommandations suivantes:
Premièrement, nous recommandons que le gouvernement fédéral, en consultation avec toutes les parties concernées, élabore une initiative fédérale globale ayant pour objectif l'égalité entre les sexes, le bien-être des enfants et la recherche d'un équilibre entre le travail rémunéré et les responsabilités familiales.
Deuxièmement, toute modification du système de fiscalité et de transfert devrait viser à accorder immédiatement ou prévoir d'accorder des avantages sociaux aux travailleurs non rémunérés afin de reconnaître que les soins non rémunérés dispensés aux enfants constituent un travail productif.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral s'engage à collecter des données sur le travail non rémunéré lors du recensement de 2001 et ultérieurement ainsi qu'à accroître l'appui qu'il accorde à la recherche sur l'élaboration de méthodes d'évaluation du travail non rémunéré afin que le secteur informel et le secteur des ménages puissent être inclus dans nos comptes nationaux.
Enfin, nous recommandons que le ministre des Finances augmente l'aide financière que le gouvernement accorde à Condition féminine Canada pour ses travaux de recherche, d'élaboration de programmes et de consultation interministérielle ainsi qu'aux groupes qui militent en faveur de l'égalité des femmes dans le cadre du programme des femmes relativement à la question du travail rémunéré et des soins aux personnes à charge.
Merci.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé et, en particulier, pour vos recommandations.
Je voudrais maintenant donner la parole à M. Cheriton pour son exposé. Bienvenue.
M. Glen Cheriton (directeur exécutif, FatherCraft Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je tiens à vous remercier de m'avoir invité ici. Je pense qu'il s'agit en fait d'une question de fiscalité. C'est la première fois qu'une organisation représentant les hommes a, en fait, été invitée à donner son avis au sujet d'une question de cette nature. Il en est ainsi depuis longtemps. Aucun groupe représentant les hommes n'a été autorisé à intervenir dans l'affaire Thibaudeau, et ces groupes ont été aussi totalement exclus des audiences sur l'imposition des pensions alimentaires. C'est donc un événement sans précédent dans l'histoire.
Pour ce qui est de FatherCraft, j'en suis le directeur exécutif. Je m'appelle Glen Cheriton. Je ne vais pas lire mon exposé, mais le passer en revue et exposer diverses idées.
• 1835
FatherCraft est une organisation à but non lucratif. Au
départ, nous fournissions une certaine quantité d'aide pour
l'éducation des enfants, surtout à l'intention des pères qui
étaient seuls à les élever. Suite à cette aide téléphonique
concrète, nous avons découvert un certain nombre de questions qui
les préoccupaient. Je voulais les passer en revue.
La première chose qui m'a surpris était le fait que beaucoup de ces pères qui ont la garde de leurs enfants n'étaient pas autorisés à bénéficier de l'équivalent de l'exemption de personne mariée, même s'ils s'occupaient à plein temps de leurs enfants. Ils n'en bénéficiaient pas parce qu'ils payaient également une pension alimentaire. Ils payaient une pension alimentaire tout en ayant la garde exclusive. Cela semble leur poser un réel problème, parce qu'ils n'ont pas les mêmes avantages qu'une mère seule. Il n'y a pas de mère seule qui ait à payer une pension alimentaire tout en ayant la garde de ses enfants.
Cette situation n'est pas rare. En fait, environ 40 p. 100 des pères seuls paient apparemment une pension alimentaire tout en ayant la garde des enfants. C'est un parti pris du système d'impôt sur le revenu. Cela en fait partie intégrante. J'ai apporté le texte de la loi afin de pouvoir faire référence à plusieurs de ses dispositions.
Le deuxième problème que pose la loi de l'impôt sur le revenu concerne le crédit d'impôt pour enfants. Il favorise fortement les femmes. Les données fournies par Développement des ressources humaines Canada montrent que les mères seules reçoivent des crédits d'impôt pour enfants de 40 p. 100 plus élevés que les familles intactes, ce qui encourage l'éclatement des familles. Quand on voit les sommes que reçoivent les pères seuls, elles sont plus faibles que celles que reçoivent les familles intactes, même si leur revenu est plus faible. Cette situation est due à la disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui stipule que: «la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère».
L'interprétation de Revenu Canada est que toute femme faisant partie du ménage, qu'elle soit une deuxième épouse, une petite amie ou n'importe quoi d'autre, même si elle n'est pas le parent naturel, reçoit ce crédit d'impôt. Je cite dans mon mémoire le cas d'un père naturel de Vancouver qui s'était pourvu en appel parce qu'on lui avait dit: «Vous n'êtes pas le parent.» Aux fins de l'impôt sur le revenu, on dit au père qu'il n'est pas un parent parce qu'il est un homme. N'importe quelle femme disponible est considérée comme le parent réel, même si elle n'est pas le parent naturel.
Il y a là une disposition supplémentaire identique qui dit que ce crédit d'impôt pour enfants ne peut pas être partagé. En d'autres termes, si l'éducation des enfants est partagée, le crédit ne peut pas être partagé entre un homme et une femme. Il doit être accordé à la femme à quelques exceptions près. La Loi de l'impôt sur le revenu parle ensuite de «la mère»...
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Monsieur le président, je voudrais poser la question suivante à notre invité.
Quand vous faites ces références à la Loi de l'impôt sur le revenu, pourriez-vous mentionner le numéro de la page? Et quand vous citez une affaire, donnez simplement son nom, parce que ce sera certainement plus facile pour nos recherchistes un peu plus tard quand ils examineront la transcription. Merci beaucoup.
Le président: D'accord.
M. Glen Cheriton: Ceci figure dans la Loi de l'impôt sur le revenu de 1997, à l'alinéa 122.6f), je crois.
Le président: Vous établissez un autre précédent aujourd'hui, monsieur, parce que c'est la première fois que je vois un témoin parler d'une loi fiscale qu'il connaît de fond en comble. Continuez, je vous en prie.
M. Glen Cheriton: Je pense qu'en fait, j'ai parlé à beaucoup de pères qui connaissent cette loi. Si vous pensez que je la connais, vous devriez voir comment eux la connaissent. C'est parce que je m'appuie sur des gens qui la connaissent absolument par coeur; ils sont passés par toutes les étapes et on leur a dit qu'en tant que pères, ils ne pouvaient pas faire telle ou telle chose.
Il y a certaines exemptions à cela, mais elles sont contrôlées par la mère. Cela figure à l'alinéa 6301(1)a): «la mère de la personne à charge déclare par écrit»... Il s'agit du fait que le père peut recevoir le crédit d'impôt pour enfants si «la mère de la personne à charge déclare par écrit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être que le père, avec lequel elle réside, est le père de la personne à charge», etc. L'alinéa c) prévoit même la possibilité qu'il y ait plusieurs mères. Je n'ai pas encore bien compris cette disposition, mais, quoi qu'il en soit, plus de possibilités sont prévues en ce qui concerne la reconnaissance éventuelle de plusieurs mères que celle du père.
• 1840
Par ailleurs, nous avons découvert un problème qui est relié
étroitement à l'imposition du crédit pour enfants: il donne
manifestement lieu à des cas fréquents de fraude fiscale en ce qui
concerne la déclaration du revenu qu'il constitue. Cela représente
des revenus non déclarés d'environ 250 millions de dollars par an
de 1989 à 1992, comme je le montre dans mon mémoire.
Ce qu'il y a de curieux est que les sommes sur lesquelles porte cette fraude représentent la totalité de la différence entre les montants déclarés par les hommes et par les femmes. Cette fraude est toujours commise par des femmes. Il est assez curieux qu'apparemment, soit les hommes déclarent, en moyenne, un chiffre supérieur à celui de la pension alimentaire, soit les femmes déclarent un chiffre inférieur, tout au moins pour ce qu'elles reçoivent des pères seuls, si bien que le problème qui se pose si on modifie le mode d'imposition des pensions alimentaires est que cela dissimule en fait une fraude fiscale considérable. Le système récompense la fraude fiscale, l'encourage. Ces chiffres vont, en gros, disparaître avec les nouveaux régimes.
Le problème que cela pose—et c'est la raison pour laquelle l'affaire Thibaudeau a été très importante—est qu'en fait, en passant à un système... on impose maintenant plutôt le père que la mère parce que le montant d'impôt est plus élevé. Nous punissons ceux qui paient le plus loyalement et, en gros, nous récompensons la fraude fiscale. Le résultat net en est, bien entendu, que, voyant cela, beaucoup de pères déclarent qu'on leur dit qu'ils sont indésirables dans la famille, qu'ils ne font pas partie de la famille. Les femmes reçoivent les crédits. Les hommes paient les impôts. Ils ne sont pas traités comme de véritables membres de cette famille.
Il est intéressant d'examiner la part de l'éducation qu'assument les mères et les pères, et il y a eu une augmentation lente et régulière au fil des ans. Il y a plus d'hommes qui participent plus activement à l'éducation. Il y a plus de pères au foyer. Le père est plus souvent le principal dispensateur de soins. Dans les familles intactes, il en est ainsi dans environ 15 p. 100 des cas. D'après Statistique Canada, le père était le chef de famille dans 22 p. 100 des familles monoparentales, tout au moins en 1991. Et, en fait, d'après Condition féminine Canada, la proportion des soins dispensés aux enfants par les femmes est de 86 p. 100 supérieure à celle des hommes.
Mais, en fait, si on regarde les crédits d'impôt, ceux qui sont versés pour les soins dispensés aux enfants—et on pourrait en discuter—alors, essentiellement, si on compare les soins dispensés par les pères et par les mères et le montant des crédits d'impôt qui reviennent aux pères pour ces enfants par rapport à ceux qui reviennent aux mères, le père reçoit essentiellement environ le centième des sommes que touchent les femmes pour la même quantité de soins. On pourrait également dire que, dans les familles intactes, les soins dispensés par les pères ne sont absolument pas pris en considération et que le régime fiscal traite de la même façon la moitié des pères seuls.
Un autre élément intéressant est la différence pour ce qui est du traitement accordé par la Loi de l'impôt sur le revenu à l'aide fournie à un parent résidant à l'extérieur du Canada et à celle fournie à nos propres enfants ici. Un père peut obtenir un crédit d'impôt pour une pension versée à sa femme à l'étranger, mais pas au Canada. Il me paraît stupéfiant que le Parlement, dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu, accorde en fait une priorité plus élevée à l'aide fournie à quelqu'un à l'extérieur du Canada plutôt qu'à quelqu'un qui vit au Canada.
Un autre problème que pose la Loi de l'impôt sur le revenu est le fait que cette loi stipule expressément que le montant de la pension alimentaire ne peut absolument pas être établi en fonction des dépenses effectuées pour l'enfant et qu'on ne peut pas exiger qu'il en soit ainsi. C'est quelque chose qui préoccupe beaucoup les pères. Si vous payez pour un enfant qui est à l'université et que ces paiements ne vont pas à l'enfant—et on invoque cette loi pour dire que ces paiements ne peuvent pas être dépensés pour l'enfant—les dispositions de cette loi causent un problème.
• 1845
Je veux faire référence au paragraphe 56.1 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, l'allocation d'entretien. C'est une chose
très compliquée, mais, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu,
cette allocation peut seulement être considérée comme une pension
alimentaire pour enfants, à moins que la personne concernée ne
puisse se servir de cette somme à sa discrétion. En d'autres
termes, cet argent ira le plus souvent à la mère, et le père n'a
absolument aucun contrôle sur le fait qu'elle consacre cet argent
à l'enfant ou l'utilise pour ses vacances, et cela est dû à ce
paragraphe de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Une des choses dont je voulais vous faire état était la possibilité, compte tenu de cela, d'une contestation judiciaire de ce parti pris contre les pères dans le crédit d'impôt pour enfants. Il me semble qu'à un moment donné, ceci sera contesté en invoquant la discrimination sexuelle, parce que le parti pris est très manifeste dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Si un père et une mère contribuent à part égale à l'éducation d'un enfant—disons qu'ils sont séparés et que l'enfant passe 50 p. 100 de son temps avec son père et 50 p. 100 avec sa mère—et que la Loi de l'impôt sur le revenu dit que, malgré cette situation, le crédit d'impôt pour enfants doit être payé seulement à la mère et ne peut pas être partagé, cela sera contesté à un moment donné—et, je pense, avec succès.
Quant aux sommes en jeu, je pense que si cette disposition est étendue aux parents séparés qui se partagent l'éducation, elle sera inévitablement étendue aux familles intactes, et les montants des réclamations seront alors beaucoup plus importants que ceux qui étaient en jeu dans le conflit sur l'équité salariale dans la fonction publique.
Je veux faire référence à l'affaire Thibaudeau, parce qu'à cette occasion, les juges ont laissé entendre qu'en fait, ce parti pris—et ils parlaient de questions fiscales—était fondé, selon leurs propres termes, sur des «caractéristiques immuables plutôt que sur le mérite», ce qui donne très fortement à penser que la Cour suprême reconnaît qu'un parti pris existe dans ce cas. «Caractéristiques immuables» ne peut rien signifier d'autre que le sexe. Le parti pris qui existe dans la Loi de l'impôt sur le revenu est fondé sur des caractéristiques immuables et non pas sur le mérite, et je pense que c'est un point important à examiner.
Une des choses que je veux dire est que, d'après les niveaux de revenu de Statistique Canada, les hommes et les femmes non mariés gagnent, toutes choses égales par ailleurs, un montant identique et paient un montant identique d'impôt. Dans une famille comprenant des enfants, d'après l'Institut Vanier de la famille, le fardeau fiscal est réparti de telle façon qu'en moyenne, les pères paient 75 p. 100 des impôts et les femmes, 25 p. 100. Cette distorsion est due en partie aux différences de revenu et aux choix que font les gens, mais en fait, en grande partie à la Loi de l'impôt sur le revenu. Les gens sont donc moins libres au Canada; le père est moins libre de choisir de rester à la maison avec son enfant même s'il est le parent le plus qualifié, à cause de ce lien avec le crédit d'impôt pour enfants. En outre, beaucoup d'autres programmes gouvernementaux sont liés à ce même facteur.
Une des choses que je voulais signaler était le fait que l'exclusion pour soins aux enfants du Régime de pensions du Canada est liée au bénéficiaire du crédit d'impôt pour enfants. En pratique, cela signifie que le père ne peut pas demander cette exclusion sans la permission de la mère. Une mère n'a besoin d'aucune permission pour la demander, mais un père doit avoir la permission de la mère. Là encore, c'est une de ces choses qu'on ne peut pas partager et la mère est fortement favorisée. Si une mère ne veut pas rester à la maison, les dispositions de ce genre lui offrent moins de possibilités de choix, de même qu'aux hommes. Le résultat net en est, bien entendu, que les enfants disposent, en pratique, de choix beaucoup plus réduits.
Un des problèmes que pose le régime fiscal est que toutes ces choses-là sont des crédits d'impôt qu'une des parties peut essentiellement conserver en cas d'éclatement de la famille.
En outre, en ce qui concerne l'équivalence de l'exemption de conjoint, je ne comprends pas pourquoi, si une personne a un enfant et vit seule, cet équivalent au fait d'être marié—on peut imaginer ce qu'on veut, mais ce n'est tout simplement pas le cas. Par rapport à n'importe quelle politique sociale, ce n'est tout simplement pas le cas. La Loi de l'impôt sur le revenu encourage ce type d'éclatement de la famille avec les coûts sociaux correspondants, parce qu'une des parties peut essentiellement s'arroger tous ces crédits d'impôt et transférer le fardeau fiscal à l'autre. Le gouvernement augmente essentiellement ses revenus fiscaux avec ce type de système, mais, en fait, je pense que les coûts sociaux en consomment une grande partie, parce qu'ils sont extrêmement élevés.
• 1850
Pour les pères qui ont un revenu de faible niveau, il y a de
gros problèmes parce qu'ils sont si fortement imposés. Ils sont
essentiellement traités comme des contribuables individuels.
Un père qui a un revenu de 30 000 $ qui soutient une première famille en lui versant une pension alimentaire pour un enfant et est imposé à titre individuel, s'il a une nouvelle famille, s'en tirerait beaucoup mieux s'il touchait l'aide sociale. En fait, le seul moyen qu'ont beaucoup de ces pères pour pouvoir vraiment verser de l'argent à leurs enfants est de travailler au noir. Ils ont deux options: verser de l'argent pour leurs enfants ou payer leurs impôts. Beaucoup d'entre eux sont torturés par cette idée, mais beaucoup d'entre eux n'ont pas le moindre choix. Je ne suis pas dans cette situation, mais je compatis avec eux, et je suis simplement ici parce qu'ils ne peuvent pas se faire entendre. Ils n'ont aucun moyen d'exposer ces problèmes qui les inquiètent beaucoup.
J'ai des recommandations spécifiques, et je suppose qu'on me posera des questions à leur sujet. Je ne vais pas vous en donner lecture.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cheriton.
Pour commencer, je voudrais déclarer que vous avez utilisé une quantité énorme de termes techniques; j'en ai parlé avec le recherchiste et nous allons transmettre votre mémoire au service juridique pour en faire analyser l'exactitude. Je veux simplement que vous le sachiez à l'avance. Mais je vous remercie beaucoup de vos commentaires et de vos recommandations.
Je voudrais maintenant demander à M. Forseth de commencer. Nous accorderons dix minutes à chacun, Paul.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui, monsieur Cheriton. Vous avez certainement présenté un point de vue extrêmement provocant et, à en juger par les expressions et la gestuelle des personnes ici présentes, je peux voir que vous apportez une voix nouvelle ou une nouvelle sorte de perspective par rapport à ce qu'on entend généralement ces dernières années dans les comités parlementaires.
J'ai constaté que les groupes d'hommes ou les groupes de défense des droits des pères, appelez-les comme vous le voulez, commencent à se faire entendre dans notre pays. Il est certain que tous les groupes et tous les points de vue devraient pouvoir se manifester librement sans qu'on les rejette avant qu'ils aient même fini d'exposer leur message. Je pense que c'est ce qui est un peu arrivé dans le passé.
Nous avons constaté qu'il y a beaucoup de ce qu'on pourrait appeler des conflits sociaux comme nous l'avons noté durant les travaux du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes qui a examiné la Loi sur le divorce. Nous avons remis récemment un rapport au gouvernement et nous attendons sa réponse à ce sujet et à propos du genre de chose dont vous parlez, c'est-à-dire du fait que, dans leur ensemble, les règles du jeu établies par le gouvernement semblent militer contre la vie familiale et la paix dans les ménages.
La guerre entre les sexes, ou les insultes, ou la prétention d'être plus vertueux qu'un autre, et toutes les choses de ce genre que nous avons entendu exprimer par certaines des personnes qui se sont présentées devant notre comité, n'ont réellement aucune raison d'être, tout au moins pas ici. Mais il est certainement approprié d'avoir l'esprit ouvert et d'examiner certaines des choses que vous dites.
Nous savons que l'existence de notre sous-comité est liée à l'idée que se fait la population. Nous venons juste de remplir nos déclarations d'impôt sur le revenu. Les familles qui vivent dans la même rue parlent entre elles. Il peut y avoir deux gars qui vivent tous les deux à Kanata et travaillent dans une entreprise d'informatique, et ils savent quels sont leurs salaires et combien d'enfants ils ont; ils comparent leur situation familiale, et leurs enfants jouent ensemble dans la rue. Or, la ponction relative du gouvernement aux différents niveaux est tout à fait différente entre ces deux ménages, simplement à cause de la façon dont ils ont choisi de s'occuper de leurs enfants, etc.
Nous essayons donc d'aborder cette question, et nous avons entendu divers points de vue sur la façon de commencer à déterminer comment sortir de ce bourbier dans lequel nous sommes si englués en adoptant une certaine orientation fiscale.
Un des exemples qui ont été cités est qu'aux États-Unis, la société désirait peut-être se défaire de l'assurance médicale publique mais qu'à cause de la situation historique qui prévaut, elle est tellement prise dans ce bourbier qu'elle ne peut tout simplement pas en sortir. J'espère que ce n'est pas le cas ici.
• 1855
Nous allons certainement examiner les mesures techniques que
vous recommandez.
Mais je voulais vous interroger au sujet de la question de l'allocation d'entretien pour enfants. Vous avez dit en quelque sorte que nous savons maintenant qu'on ne considère plus cette allocation comme un transfert d'argent. Autrefois, la personne la versant ne payait pas d'impôt sur cet argent; l'impôt était payé par le récipiendaire. On ne procède plus de cette façon. La personne qui la verse, généralement le père, envoie l'argent de l'allocation d'entretien pour ses enfants une fois ses impôts payés, et la personne qui reçoit cette allocation n'a aucun impôt à payer sur ce montant.
Mais vous nous dites qu'il faut encore la déclarer pour pouvoir avoir droit à d'autres prestations. Il est certain que l'allocation d'entretien pour un enfant n'a pas à être déclarée aux fins du paiement de l'impôt sur le revenu alors que, je suppose, la pension alimentaire versée à un conjoint doit encore l'être. Vous pourriez peut-être simplement éclairer notre lanterne à ce sujet. Vous parliez d'argent non déclaré et de fraude fiscale, et ce que vous vouliez dire m'a tout à fait échappé.
M. Glen Cheriton: Le problème, je pense, est qu'avec le système existant, un père qui verse une pension alimentaire et a la garde des enfants perd l'équivalent de l'exemption de conjoint.
M. Paul Forseth: Faisons une distinction quand nous parlons du paiement d'une pension alimentaire. Il y a l'allocation d'entretien pour un enfant et celle pour un conjoint. De quoi parlons-nous ici? Parlons-nous d'un homme qui verse une allocation d'entretien à sa conjointe?
M. Glen Cheriton: Les dispositions ont peut-être été modifiées depuis 1997, mais c'est, de toute évidence, l'année où elles ont été introduites. Mais à ce moment-là, en 1997, la même chose s'appliquait que la pension alimentaire soit destinée à un conjoint ou à un enfant. La vaste majorité des pensions payées—et je pense que, dans l'affaire Thibaudeau, la Cour suprême a accepté le chiffre de plus de 80 p. 100—est, en fait, versée pour des enfants. On l'appelait autrefois aliment. On l'appelle entretien dans certaines provinces et aussi pension alimentaire.
La nature de l'argent ne change pas. Si vous versez de l'argent pour aider financièrement un autre ménage et si c'est vous qui vous occupez principalement des enfants, on vous refuse le crédit d'impôt parce que vous versez cet argent. Peu importe qu'il s'agisse de un dollar ou de 10 000 dollars, vous perdez de toute façon ce crédit d'impôt. Ne perdons pas de vue le fait qu'il y a des enfants qui ne reçoivent pas ce crédit d'impôt parce que quelqu'un assume ses responsabilités.
M. Paul Forseth: Vous dites donc que ces gens perdent la possibilité de bénéficier de l'équivalent de l'exemption de conjoint.
Mais que disiez-vous d'autres quand vous expliquiez que la personne qui reçoit l'allocation d'entretien pour enfants n'a apparemment plus à déclarer qu'elle l'a reçue aux fins du paiement de l'impôt sur le revenu? L'impôt est payé par la personne qui paie cette allocation et non pas celle qui la reçoit, et c'est une modification récente qui résulte de cette affaire Thibaudeau. Où cette fraude fiscale se produit-elle?
M. Glen Cheriton: La fraude fiscale est due au fait qu'il y a des différences entre les montants que les hommes versent et ceux que les femmes disent qu'elles reçoivent pendant les années précédant cette modification du régime d'imposition, et c'est un revenu non déclaré. Soit les hommes déclarent une somme excessive, soit les femmes une somme trop basse. Il est assez facile de voir le montant que paient les hommes. Ils doivent fournir des preuves pour cela. En général, les gens à qui j'ai parlé reconnaissent que c'est en fait un revenu non déclaré. Modifier le régime fiscal d'une façon qui dissimule le revenu non déclaré me paraît donc représenter principalement une gifle donnée à ceux qui paient des impôts.
M. Paul Forseth: Vous avez mentionné les clauses d'exclusion du Régime de pensions du Canada. Il en a été question hier. Vous dites que les parents, au sein de leur propre société familiale, ne sont pas libres de décider à l'occasion quel parent en fera la demande. Vous dites que le système favorise en quelque sorte une des parties.
M. Glen Cheriton: Exactement. C'est lié au bénéficiaire du crédit d'impôt pour enfants. La Loi de l'impôt sur le revenu stipule que ce crédit est accordé à la mère à moins qu'elle ne décide de le remettre à quelqu'un d'autre.
M. Paul Forseth: Avez-vous la référence ou la page où on peut trouver cela? Vous pourriez peut-être la fournir un peu plus tard.
M. Glen Cheriton: Je l'ai fournie ici.
Le président: La loi indique-t-elle que cela va à la femme si ce n'est pas elle qui a la garde des enfants?
M. Glen Cheriton: Elle part du principe que toute femme qui vit dans la maison... ou, si la garde passait d'un parent à l'autre, que cette femme conserve le crédit d'impôt pour enfants. Donc, la femme en bénéficie généralement, que les enfants soient ou non avec elle. En fait, certains pères que je connais peuvent seulement avoir leurs enfants—et c'est eux qui s'en occupent puisque les enfants vivent avec eux—si elle garde le crédit d'impôt.
Une voix: Vous semez la confusion dans mon esprit.
M. Glen Cheriton: Je ne veux pas en faire toute une affaire parce qu'il y a peu de gens dans ce cas. Mais il s'agit de gens qui s'occupent de leurs enfants, et ils considèrent que c'est une véritable discrimination, et c'est vrai. Et c'est réellement dur pour les enfants. Il y a 170 000 pères seuls, et 78 000 d'entre eux n'ont pas droit à l'équivalent de l'exemption de conjoint. À mon avis, ce sont de gros chiffres. Dans le contexte de votre étude, ils sont peut-être petits.
Mais il y a un problème qui se pose si le régime fiscal n'est pas équitable pour tout le monde. Si l'inéquité et la fraude fiscale sont favorisées, cela prend plus d'ampleur. On exclut les gens les plus productifs et les plus responsables de la société, et on attire les gens qui aiment vivre de cette façon, ce qui est irresponsable. Le problème a tendance à s'amplifier.
Il ne fait aucun doute pour moi que si les hommes bénéficiaient du même parti pris en leur faveur, c'est eux qui le feraient. Mais étant donné que la Loi de l'impôt sur le revenu a un parti pris contre les pères, elle protège une irresponsabilité limitée mais très importante.
M. Paul Forseth: Merci.
Je veux poser une question à Sonya Nigam. À la page 11 de votre mémoire, dans vos observations finales, vous déclarez la chose suivante:
-
Toute modification du système de fiscalité et de transfert devrait
viser à accorder immédiatement ou prévoir d'accorder des avantages
sociaux aux travailleurs non rémunérés afin de reconnaître que les
soins non rémunérés dispensés aux enfants constituent un travail
productif.
Avez-vous une idée de comment on pourrait exactement le faire?
Mme Sonya Nigam: On pourrait le faire en utilisant un crédit d'impôt remboursable. Ce serait une sorte de prestation immédiate. Ce qu'on projetterait d'accorder pourrait être quelque chose comme une pension pour les ménagères.
M. Paul Forseth: Alors, comment le ferait-on? Est-ce qu'il faudrait déclarer sur un formulaire quelconque qu'on a consacré tel nombre d'heures à s'occuper d'une personne infirme ou d'enfants à la maison et des signatures seraient-elles nécessaires? Je ne sais pas comment cela fonctionnerait.
Mme Sonya Nigam: Nous ne sommes pas expertes en fiscalité. Je pense que cela nous ramène à la nécessité d'effectuer davantage de recherches sur ces questions et de les examiner réellement de très près.
Mais je pense que le dernier formulaire de déclaration d'impôt incluait déjà un crédit pour les soins aux personnes à charge et aux personnes âgées, et peut-être pourrait-il y avoir quelque chose de ce genre. On pourrait l'étendre...
M. Paul Szabo (Mississauga—Sud, Lib.): La différence est qu'il est non remboursable. Il faut avoir un revenu imposable pour pouvoir en bénéficier le moindrement. Je pense que vous faites référence à un crédit d'impôt remboursable...
Mme Sonya Nigam: Nous disons qu'il serait remboursable.
M. Paul Szabo: ...comme le crédit d'impôt pour enfants.
M. Paul Forseth: Je m'en tiendrai là.
Le président: Merci, monsieur Forseth.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Madame, monsieur, je vous remercie de vous être présentés devant le comité. Je vous remercie aussi de vos exposés.
Je voudrais poser à Mme Nigam une question au sujet du travail non rémunéré. Vous lancez une idée et vous demandez aux fiscalistes de réfléchir à la question. Il y a deux possibilités: que le gouvernement, dans une déclaration fiscale, reconnaisse ce travail et y contribue financièrement, par des crédits ou différents autres éléments semblables, ou que le conjoint qui travaille fasse sur sa propre déclaration un partage de ses revenus avec l'autre conjoint. On pourrait ainsi reconnaître le travail non rémunéré.
Vous dites que les fiscalistes devraient se pencher sur la question, mais vous avez certainement une idée de la façon dont cela pourrait s'appliquer dans les faits.
[Traduction]
Mme Sonya Nigam: Nous ne sommes pas tellement en faveur du partage des revenus, qui nous paraît poser un problème parce que les avantages pouvant en découler peuvent être accordés au conjoint qui a le revenu le plus élevé et qui verse cette somme. Nous avons donc des réserves à cet égard.
• 1905
Pour ce qui est de quoi faire exactement, les mécanismes
exacts, nous sommes en faveur de différentes choses. Nous sommes en
faveur de choses qui constituent des paiements directs aux
travailleurs non rémunérés, quelque chose comme la prestation
fiscale pour enfants si c'est pour cela qu'elle a été conçue, parce
que nous avons certaines réserves à son sujet. À notre avis, il
s'agit davantage d'augmenter le revenu familial pour s'occuper des
enfants et non pas réellement de reconnaître l'importance du
travail non rémunéré. Nous voulons réellement qu'on reconnaisse son
importance. À notre avis, il est essentiel de progresser dans le
domaine de l'égalité entre les sexes.
Quant aux mécanismes exacts, cela me paraît problématique. À notre avis, nous ne disposons pas de tous les outils nécessaires pour étudier cette question. Nous ne sommes pas des expertes. Nous faisons tout notre travail sans être rémunérées. Nous ne disposons pas d'un grand nombre d'ouvrages de référence. Nous travaillons à la maison. Mais nous avons l'impression que le gouvernement doit prendre le temps d'examiner réellement la question d'une façon équitable envers toutes les familles. C'est tellement complexe. Il y a une telle gamme de mécanismes, comme M. Forseth l'a dit tout à l'heure, que nous avons beaucoup de mal à démêler tout cela.
[Français]
M. Serge Cardin: Ma question s'adresse à vous deux. Au départ, notre mandat portait sur l'étude de l'équité fiscale pour les familles. Nous devions nous pencher sur la situation des familles ayant un revenu et des familles ayant deux revenus. Il y a une différence importante entre les deux en termes de traitement fiscal. Nous sommes partis de là et nous envisageons maintenant la possibilité d'aller beaucoup plus loin. Nous aurons des recommandations à faire à un moment donné et nous pouvons dépasser le simple cadre de l'équité fiscale pour les familles à un et à deux revenus. Nous parlons maintenant de toutes sortes de choses, notamment le travail non rémunéré et l'égalité des sexes dans le traitement fiscal.
On constate souvent qu'il y a des choix individuels dans une famille, choix qui ont des impacts fiscaux. Croyez-vous que, de façon générale, c'est au gouvernement de faire en sorte que l'écart fiscal, compte tenu des choix individuels, soit comblé?
[Traduction]
M. Glen Cheriton: Dois-je répondre à cela?
En fait, ce que j'ai dit là concerne des domaines où, en fait, aucun choix n'est offert à la famille. La loi de l'impôt stipule expressément que le crédit d'impôt pour enfants ne peut pas être utilisé par le père. Il ne peut pas être partagé à moins que... même, je suppose, dans les cas où la femme en fait directement la demande au ministre, comme du temps de l'ancienne Loi sur le divorce, quand il fallait soumettre une demande de divorce au Parlement. Ce n'est pas réellement un choix.
Je voulais souligner les quelques domaines où, en fait, je pense que vos idées et les miennes se rejoignent. Une chose qui, je pense, constituerait un important changement est une déclaration conjointe pour les familles ayant des enfants à charge.
Le président: Seriez-vous d'accord avec cela, madame Nigam?
Mme Sonya Nigam: Là encore, je reviens à l'idée de reconnaître l'importance du travail non rémunéré. Si cela peut se faire en reconnaissant l'importance de ce travail, et si l'argent est remis directement aux travailleurs non rémunérés, qui en retirent ainsi un avantage, nous serions d'accord.
M. Glen Cheriton: Oui, merci. Je tiens à souligner qu'il y a, je pense, des domaines sur lesquels nous pouvons être d'accord; par exemple, remettre plus d'argent à la famille. Je crois que c'est cela. En particulier—et j'insisterai là-dessus—, si vous croyez que le mariage est un élément positif précieux dans la société canadienne, il faut alors manifestement éliminer le parti pris du régime de l'impôt sur le revenu, qui encourage l'éclatement des familles.
C'est quelque chose qui me paraît être un problème important, parce que c'est un inconvénient important pour les enfants. C'est un risque important. Le risque important qui se produit est que cela représente, en fait, l'élimination du père, et celui-ci est lésé, je pense, à différents égards au Canada. En effet, ces pères sont déçus par le système judiciaire, le régime fiscal et le gouvernement, parce qu'on leur dit qu'on ne veut pas d'eux dans la famille. Ils ne sont pas considérés comme des parents aux fins du régime fiscal. D'après ce que montrent nos recherches, on leur dit qu'ils ne sont pas inclus.
• 1910
Dans les recherches effectuées par Statistique Canada au sujet
des soins dispensés aux personnes âgées, tous les pères ont été
exclus. Tous les hommes ont été exclus de cette étude. Dans l'étude
nationale longitudinale sur les enfants et les jeunes, le nombre de
pères a été réduit à un niveau si faible qu'il n'a aucune valeur
statistique.
Je pense que l'autre chose sur laquelle nous serions d'accord est que des recherches plus approfondies sont nécessaires, même si je suppose que nous sommes peut-être en désaccord pour ce qui est de la nécessité de rééquilibrer les recherches que font toute une série de ministères au sujet des besoins des femmes, des choix qui leur sont offerts et du domaine concernant le fait que les familles ont besoin d'une participation des hommes. Je soulignerai qu'il faut être prêt à dire aux ministères qu'on ne peut pas, en pratique, exclure les pères et les hommes quand on étudie les questions touchant la famille. C'est ce qui se fait dans la pratique. On ne peut pas définir des orientations politiques dans ces domaines si la moitié de la population—qui paie 75 p. 100 des impôts—se voit dire qu'on ne va même pas la prendre en considération.
[Français]
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Cardin?
M. Serge Cardin: M. Cheriton a donné plusieurs exemples dans son exposé. Dans une vie antérieure, j'ai fait beaucoup de déclarations d'impôt sur le revenu et j'ai vu à l'occasion des hommes qui recevaient des pensions alimentaires et bénéficiaient des crédits pour la famille, pour les enfants.
Lorsque les conjoints ne vivent plus ensemble, il arrive que les hommes ne peuvent pas réclamer toutes les déductions parce qu'il y a des mésententes, mais de façon générale, dans une famille où tout va bien, il n'y a pas de problème. C'est souvent la femme qui reçoit les crédits, mais quand ça va bien, il n'y a pas de problèmes, quel que soit le conjoint qui reçoit les crédits. Quand il y a une séparation ou un divorce et que l'homme a la garde des enfants, il reçoit normalement les crédits correspondants. C'est toujours ce que j'ai vu.
[Traduction]
M. Glen Cheriton: Oui, j'ai certainement déjà entendu cet argument. Il consiste manifestement à dire que si on donne de l'argent à la famille, peu importe qu'on le remette à la femme ou à l'homme. En fait, on part plutôt du principe que si on le remet à la femme, elle le dépensera pour les enfants, alors que si on le remet à l'homme, qui sait ce qui va se passer? L'idée est qu'on ne peut pas le partager, parce qu'il est bien entendu impossible qu'ils reçoivent tous les deux ce crédit d'impôt pour enfants et que tous les deux soient traités comme des parents. Ce serait essentiellement le même argument qu'on invoquait au sujet des femmes. On ne pouvait pas verser aux femmes le même salaire qu'aux hommes parce qu'elles ne subvenaient pas financièrement aux besoins d'un conjoint et de leurs enfants, alors que les hommes, si. C'était le même argument.
Le président: Nous touchons là un élément clé: le crédit d'impôt pour enfants est basé sur le revenu familial. Il faut donc choisir un bénéficiaire, et normalement c'est la personne qui a le revenu le plus faible.
M. Glen Cheriton: Ce n'est pas ce que dit la loi. Elle parle de la mère.
Le président: Pour le crédit d'impôt pour enfants?
M. Glen Cheriton: Pour le crédit d'impôt pour enfants.
Le président: Je pense que c'est la personne qui a le revenu le plus faible, n'est-ce pas? Paul, vous êtes peut-être davantage au courant.
M. Paul Szabo: Vous confondez cela avec la déduction pour frais de garde d'enfants, qui est accordée au parent qui a le revenu le plus faible. Je vais simplement préciser le sens de certains termes, parce qu'il y a des choses qui figurent dans la Loi de l'impôt et d'autres qui ne font pas partie du régime fiscal. Dans votre exposé et dans ce domaine, nous parlons d'un crédit d'impôt pour enfants, mais ce crédit n'existe pas. On l'appelle la prestation fiscale pour enfants.
M. Glen Cheriton: Vous avez raison.
M. Paul Szabo: Il faut être clair, parce que la chose sur laquelle je pense que nous allons tous nous entendre est qu'il y a de nombreuses façons d'accorder des prestations aux familles qui ont des enfants. Certaines sont prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu et certaines sont basées sur autre chose. En outre, le montant de la prestation dépend de toute une série de facteurs.
Le président: Merci. Paul est notre comptable résident, nous comptons donc sur lui pour nous aider.
Oui, madame Nigam.
Mme Sonya Nigam: J'aimerais répondre à M. Cardin, qui a demandé si le gouvernement devrait compenser la différence entre les choix possibles. Je pense que le gouvernement a pour rôle de promouvoir la politique sociale au Canada et de chercher à atteindre certains objectifs, comme ceux que j'ai mentionnés dans le mémoire: l'égalité entre les sexes, le bien-être des enfants et l'équilibre entre le travail rémunéré et le travail non rémunéré. Et je pense que le mot «choix» est loin d'être neutre. Les choses qui arrivent dans la vie des familles se produisent souvent d'elles-mêmes.
Le président: Merci.
Pourriez-vous nous préciser, M. Cheriton, si les tableaux qui sont à la page 2 de votre mémoire viennent de Revenu Canada ou de Statistique Canada?
M. Glen Cheriton: Ils viennent du service des statistiques de Revenu Canada.
Le président: Le service des statistiques de Revenu Canada, d'accord. Nous allons essayer de les vérifier et de les valider. Merci.
[Français]
Avez-vous terminé, monsieur Cardin?
M. Serge Cardin: J'aimerais faire un dernier petit commentaire.
Dans le fond, les deux témoins défendent l'égalité des sexes, mais dans tout cela, on devrait principalement défendre les enfants, qui ont besoin de toutes les ressources possibles pour se développer le plus sainement possible.
Le président: Très bon.
[Traduction]
Voulez-vous commenter cela? Je pense que ce qu'il a dit est très juste.
M. Glen Cheriton: Oui, certainement.
L'égalité entre les sexes recouvre une multitude de choses, bonnes et mauvaises, disons. Je pense qu'une des choses que nous reconnaîtrons—et que cette loi fiscale ne reconnaît pas—est que les enfants ont besoin de leurs deux parents et qu'ils ont besoin que leurs deux parents soient traités avec respect. Cette loi ne traite pas les deux parents avec respect quand elle dit que l'un d'entre eux est le parent aux fins de la Loi de l'impôt et que l'autre est considéré comme un particulier.
Il me semble que cette loi est antérieure à beaucoup d'autres initiatives gouvernementales. En fait, je pense qu'elle a servi de modèle à un système de barrières visant à tenir les pères à l'écart du domaine de l'éducation des enfants. Nous avons pris différentes initiatives importantes pour que les femmes se sentent à l'aise au travail. On n'a pratiquement rien fait pour que les hommes se sentent plus à l'aise, encouragés, formés et confiants à la maison. En fait, je pense que c'est l'élément clé. Les enfants pourraient être élevés par des hommes et des femmes qui représenteraient des modèles pour eux. C'est l'idée sur laquelle est fondée la famille. C'est sur cette idée qu'est fondée l'égalité entre les sexes—un homme et une femme. Et nous nous sommes écartés de cette idée en nous tournant vers toutes les autres organisations qui contribuent beaucoup moins à l'égalité entre les sexes que la famille intacte.
Le président: Vous voulez dire que c'est parce que la société a changé au cours des 10 dernières années.
Je vais laisser les autres membres du comité continuer. Madame Redman, s'il vous plaît.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
En fait, M. Cardin a dit exactement ce que je voulais signaler. Nous venons tous ici... je veux dire que vous avez tous les deux un certain point de vue, et je respecte réellement le fait que vous avez soulevé des questions précises. Je pense que, siégeant ici pour exercer une fonction qui était traditionnellement surtout masculine, je penche fortement en faveur de l'égalité entre les sexes, parce qu'une des raisons de l'existence de cette initiative est qu'elle est nécessaire. Je ne crois pas que ce soit nécessairement à cette table que nous devrions mettre l'accent sur cela. Je conviendrai toutefois avec M. Cardin que l'élément clé de toute cette question est de considérer qu'elle concerne principalement les enfants.
Je pense également qu'il ne sert pas à grand chose, même si nous avons examiné certaines des statistiques, d'opposer la famille à un revenu et la famille à deux revenus. Je pense vraiment que la politique fiscale—et le gouvernement, pour qu'il légifère dans l'intérêt de la population—doit s'écarter de la recherche d'une ingénierie sociale. Nous devons permettre un choix. Et, comme l'a dit le président, il y a toutes sortes de permutations et de combinaisons en ce qui concerne la nature des familles et leur composition.
Il me paraît donc un peu contre-productif de se pencher sur les partis pris spécifiques de chacun, même si je comprends ce qui a été signalé ici.
Je pense que les soins aux personnes à charge posent un véritable problème. Je ne sais cependant pas si c'est nécessairement celui dont s'occupe notre sous-comité. Je pense qu'en ce qui concerne les choix axés sur les enfants, le parent qui a le plus faible revenu peut être le père ou la mère qui est à la maison. Il y a certainement des cas dans mon quartier où c'est le père de la famille intacte qui reste à la maison.
• 1920
Je ne pense donc pas que nous puissions supposer que les
familles vivent encore comme dans les feuilletons télévisés des
années 50, même si certains d'entre nous pensent peut-être que ce
serait une bonne chose. Je pense qu'à cette époque-là, il y avait
beaucoup de gens malheureux, et nous devons reconnaître que le
gouvernement n'a pas à faire ces choix à la place des hommes ou des
femmes.
Une des questions qu'il faudrait que je pose—et je commencerai par Mme Nigam—est la suivante: vous avez parlé d'autres outils, et je pense que c'est réellement important. D'après notre examen de la question, je ne pense pas que l'impôt sur le revenu soit nécessairement le seul outil. Je pense que nous devrions envisager les prestations d'assurance-emploi et une certaine souplesse dans l'accord du congé de maternité ou du congé parental afin que ce ne soit pas nécessairement toujours la mère qui puisse quitter son travail. S'il y avait une certaine souplesse, ce serait réellement très positif pour les femmes parce qu'elles pourraient contribuer au RPC et auraient ensuite une pension à leur retour dans la main-d'oeuvre active.
Je me rends compte que vous avez dit que vous n'étiez pas experte en fiscalité, mais je me demande si, après avoir examiné cela, de votre point de vue, vous pensez qu'il faudrait que ce soit universel.
Mme Sonya Nigam: Que les prestations soient universelles?
Mme Karen Redman: Tout cela devrait-il dépendre de votre tranche d'imposition, du montant d'argent que vous gagnez, ou est- ce quelque chose que toutes les familles ayant des enfants devraient pouvoir obtenir?
Mme Sonya Nigam: Si c'était une prestation directe, nous dirions qu'elle devrait être universelle. S'il s'agit de prestations liées à un emploi rémunéré, elles devraient être directement liées à cet emploi rémunéré.
Mme Karen Redman: Monsieur Cheriton, si vous deviez répondre à cela—et, bien entendu, ce pourrait être aussi bien l'homme que la femme, je vous inviterais donc à continuer à exposer votre point de vue—, pensez-vous que ce devrait être universel ou que c'est quelque chose qui pourrait être récupéré auprès des gens à revenu élevé?
M. Glen Cheriton: Je m'intéresse principalement aux gens à faible revenu. Je dois admettre que beaucoup des problèmes que j'ai vus... Je suis peut-être un peu brutal, mais j'ai l'impression que quelqu'un qui gagne 100 000 $ par an peut subvenir à ses besoins. Les gens pour qui je me bats sont ceux qui gagnent 30 000 $ ou 35 000 $, qui doivent aller à une banque d'alimentation, qui n'ont pas assez d'argent pour payer leur loyer ou acheter à manger pour leurs enfants et qui sont imposés en tant que particuliers. Vous pensez peut-être que le gouvernement ne procède pas à ces choix, mais pour ces gens-là, le gouvernement, les tribunaux et Revenu Canada font ces choix à leur place. Si c'étaient des femmes, leur revenu disponible serait plus élevé.
Alors, pour moi—et je vais rejeter la responsabilité directement sur vous, parce qu'en fait, c'est vous qui établissez les lois, qui engagez les gens dans les ministères—, c'est vous qui êtes responsables de cela. Il y a vraiment des gens qui sont traités de façon discriminatoire, et vous ne pouvez pas fermer les yeux sur cela.
Mme Karen Redman: Pour que ce soit très clair, j'ai dit que je comprenais les situations dont nous avons parlé, et je dis que cela ne devrait pas se produire. Je ne dis pas que cela ne se produit pas. Nous allons faire vérifier les choses que vous nous avez signalées. Mais, à mon avis, cela ne devrait pas se produire.
M. Glen Cheriton: Je pense que j'envisage cela dans deux optiques différentes. L'une d'elles consiste à tenir compte des enfants et de la façon dont ils grandissent. Je suis absolument convaincu que votre optique est erronée. Comment mettons-nous ce système en place en faisant comme si les choses ne se passaient pas comme cela et si, en théorie, les gens avaient le choix, alors qu'en fait, tout cela est lié à cette petite formule mystérieuse de la Loi de l'impôt sur le revenu? Voilà l'erreur que vous commettez.
Vous devez changer d'optique et dire qu'en fait, le problème est que les pères ne contribuent pas suffisamment à l'éducation de leurs enfants. Nous ne formons pas les pères. Nous ne leur fournissons pas les services de soutien nécessaires. Les enfants ont désespérément besoin que leur père s'occupe davantage d'eux. Je pense que si vous examinez les problèmes de notre société, comme les enfants en prison, les décrocheurs, les jeunes filles qui se retrouvent enceintes, le suicide... Il y a toute une gamme de problèmes, et tous sont liés à la contribution insuffisante des pères. Si vous prétendez être neutres à ce sujet, ce n'est pas vrai.
Vous devez changer d'optique et vous demander comment nous pouvons changer ce système afin de remédier au minimum à ces problèmes. En fait, pour y parvenir, il faut revenir sur certaines dispositions afin de ne pas favoriser l'éclatement des familles, étant donné que la seule institution qui permet, en fait, de façon raisonnablement efficace de faire participer les pères à la vie de leurs enfants est la famille intacte—le mariage. Et à moins de prendre des mesures dans ce sens ou, au minimum, de rétablir l'équilibre afin que les familles mariées ne soient pas défavorisées et que les pères ne soient pas défavorisés...
Mme Karen Redman: Je peux peut-être continuer. Une autre question importante est celle des agricultrices. Je me demande si vous avez examiné le moins du monde la situation dans les régions rurales et si vous avez des commentaires à ce sujet.
Mme Sonya Nigam: Nous avons eu un colloque sur le travail non rémunéré en octobre 1977, et les agricultrices y ont participé. Nous savons qu'il y a eu des améliorations dans ce domaine, mais je n'ai aucun commentaire direct à faire à ce sujet pour le moment.
Mme Karen Redman: Quand on voit les changements concernant la démographie des familles, mais également de la main-d'oeuvre, il y a beaucoup plus de gens qui travaillent à l'extérieur de chez eux, et il y a beaucoup plus de gens qui travaillent à temps partiel. Là encore, je me demande si vous avez examiné des mécanismes quelconques qui concerneraient le père ou la mère qui travaille à la maison devant son terminal d'ordinateur et s'occupe également des enfants? Cela fait-il, selon vous, partie de la reconnaissance de la valeur du travail non rémunéré?
Mme Sonya Nigam: Nous souhaiterions qu'on leur accorde certaines prestations, parce que les femmes qui travaillent chez elles et ont leur propre entreprise n'ont pas droit aux prestations de maternité ou à toute autre disposition liée au revenu provenant d'un emploi. Elles travaillent chez elles pour pouvoir s'occuper également de leurs enfants et passer plus de temps avec eux, et elles ne reçoivent pas d'avantages sociaux.
Mme Karen Redman: Il y a une autre question qui a été soulevée, et M. Cheriton y a probablement déjà répondu.
J'ai participé à une mission commerciale féminine à Washington il y a environ un an et demi, et les femmes qui avaient leur propre entreprise disaient qu'elles aimeraient pouvoir déduire leur gardienne à temps plein au titre des frais professionnels, parce que c'est une des choses qui leur permettent de poursuivre leur carrière. Je me demande si vous avez examiné également cette question.
Mme Sonya Nigam: Nous ne l'avons pas examinée directement, mais elle est directement reliée à la raison pour laquelle la participation des femmes à la main-d'oeuvre active est limitée—l'importance du travail qu'elles doivent faire pour s'occuper de leurs enfants à charge. C'est peut-être dans l'affaire Moge c. Moge que la question des femmes et de la chute de leur revenu a été discutée longuement et vraiment examinée. Vous pouvez travailler dans la main-d'oeuvre rémunérée et atteindre des salaires identiques à ceux des hommes jusqu'au moment où vous avez des enfants, et la situation change alors du tout au tout. C'est exactement pourquoi nous examinons cette question du travail non rémunéré. C'est également une question qui concerne l'égalité entre les sexes. Elle n'est pas facile à régler, mais je ne vois pas comment on peut éviter de chercher à le faire.
J'ai un fils et une fille, et je sais qu'ils pourront exercer des emplois rémunérés et continuer à gagner des sommes d'argent identiques jusqu'à ce qu'elle ait des enfants.
Le président: Merci, madame Redman.
Madame Jennings, je vous en prie.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux pour vos exposés. Vous avez tous les deux soulevé des questions qui m'intéressent beaucoup, et d'autres sur lesquelles il faudrait que je réfléchisse.
Madame Nigam, je dois dire que quand vous avez parlé des femmes qui sont parvenues à atteindre l'égalité au travail en matière de salaire—le même salaire pour le même travail—et dont la situation commence à se détériorer dès qu'elles ont des enfants, je comprends cela très bien. Je fêterai 25 années de mariage en juin, et j'ai toujours gagné plus d'argent que mon mari—parfois deux fois plus que lui. En 1992, j'ai eu une fille, et maintenant je constate que je gagne moins que lui. Je comprends donc cela très bien.
Le président: C'est aussi parce que vous êtes députée.
Mme Marlene Jennings: Exactement. Bon, c'est comme ça.
Le président: Mais c'est un choix délibéré, n'est-ce pas?
Mme Marlene Jennings: Peut-être est-ce à cause de ma formation d'avocate, mais je suis très intriguée par certaines des statistiques que vous nous avez fournies. Je me rends compte que vous avez dit, monsieur Cheriton, qu'en tant qu'organisation à but non lucratif, vous n'avez pas les ressources nécessaires pour faire toutes les recherches, etc., mais vous pouvez peut-être répondre à certaines de ces questions.
À la page 1, quand vous parlez de la déduction d'impôt pour les personnes mariées, pouvez-vous nous indiquer le revenu moyen de ces 78 000 pères séparés qui ont la garde de leurs enfants et paient une pension alimentaire? Je suppose qu'il s'agit d'une pension alimentaire pour leur ex-conjointe et non pas pour leurs enfants, puisqu'ils ont leur garde, n'est-ce pas?
M. Glen Cheriton: Aux fins de l'impôt, c'est la même chose. Dans un grand nombre de ces cas, même si vous lisez le jugement, vous ne pouvez pas dire si cette pension est destinée aux enfants ou à la conjointe. Je pense que c'est un problème qui existait dans le passé. La situation devient maintenant plus claire, mais il n'y a pas de différence, que l'argent soit versé pour la conjointe ou pour les enfants.
Mme Marlene Jennings: Je viens du Québec, et je pense que je peux parler de cette question. M. Cardin a dit la même chose. Je suis avocate, et les jugements, s'ils sont rendus par un tribunal, spécifient quel montant est en fait destiné aux enfants et quel montant est destiné à la conjointe. Bon, la situation est peut-être différente dans d'autres provinces, mais, au Québec, ce système existait déjà avant mon entrée à la faculté de droit, et j'ai commencé à étudier le droit en 1983 à l'âge de 33 ans.
Je ne connais donc pas le système dans les autres provinces, mais ce n'est pas ce qui se passe au Québec. Voilà pourquoi j'aimerais savoir si vous connaissez le revenu moyen des 78 000 pères séparés qui ont la garde de leurs enfants et qui, d'après vos chiffres, devraient pouvoir demander la déduction de marié, mais ne sont pas autorisés à le faire parce qu'ils versent une pension alimentaire pour leurs enfants. Avez-vous ce chiffre?
M. Glen Cheriton: En un mot, non. Je conviens avec vous que la situation au Québec est plus raisonnable et plus claire. Je la connais un peu parce qu'en 1994, Lloyd Axworthy a réalisé un examen de la politique sociale. Une des choses qui en est ressortie—et c'était un peu surprenant—était que le revenu des pères seuls ayant la garde de leurs enfants était légèrement plus faible que celui des familles intactes.
Mme Marlene Jennings: Mais de combien les revenus des familles intactes sont-ils supérieurs à celui des mères seules qui ont la garde de leurs enfants? C'est la deuxième question que j'allais poser. Permettez-moi de passer à cela. Vous parlez de la prestation fiscale pour enfants et vous dites que, d'après DRH, le montant moyen versé aux mères seules était de 40 p. 100 supérieur à celui reçu par les familles intactes, alors que les pères seuls recevaient entre 10 et 15 p. 100 de moins que les familles intactes.
J'ai suivi quelques cours en statistiques—et je ne veux vraiment pas que vous preniez cela comme une attaque contre ce que vous dites, parce que vous avez soulevé certaines questions très valables—et je sais qu'on peut faire dire n'importe quoi à des chiffres. Donc, quand je vois cela, ma première réaction est de poser les questions suivantes: Quel est le revenu moyen des mères seules? Quel est le revenu médian des mères seules? Quel est le revenu moyen des familles intactes? Quel est le revenu médian des familles intactes? Je poserai ensuite les mêmes questions à propos des pères seuls.
Si j'avais ces réponses et si elles indiquaient que le revenu moyen d'une femme qui élève seule deux enfants est de 20 000 $ par an et qu'une famille intacte avec deux enfants a un revenu moyen de, disons, 30 000 $—j'utilise simplement des chiffres hypothétiques—et que le revenu moyen d'un père seul est de 40 000 $, le fait qu'il y a des différences quant au pourcentage de ceux qui reçoivent la prestation fiscale pour enfants...
M. Paul Szabo: Cette prestation n'a absolument rien à voir avec le sexe.
Mme Marlene Jennings: Non, mais il établit un lien entre elle et le sexe.
M. Paul Szabo: Je le sais.
Mme Marlene Jennings: Elle est liée au revenu.
M. Paul Szabo: C'est une question mathématique. Cela n'a rien à voir avec...
Mme Marlene Jennings: Elle est liée au revenu, et c'est pourquoi je dis que je vois cela et que je veux savoir quels sont les revenus.
M. Glen Cheriton: Vous prenez donc pour hypothèse que cette prestation n'a rien à voir avec le sexe. Toutefois, une des choses que j'ai faites consiste à essayer de rassembler des statistiques comparant le traitement accordé aux mères et aux pères. Je pense que vous trouveriez surprenant que, même si le revenu des familles intactes était plus élevé, elles reçoivent un crédit d'impôt pour enfants plus élevé que les pères seuls. Quelle peut en être la raison?
Mme Marlene Jennings: Avez-vous des statistiques à ce sujet?
M. Glen Cheriton: Oui, j'ai ces chiffres. Ils viennent de Développement des ressources humaines.
Mme Marlene Jennings: Pouvez-vous nous les fournir?
M. Glen Cheriton: Je peux vous les fournir, oui.
Mme Marlene Jennings: Je vous en serais reconnaissante.
M. Glen Cheriton: La deuxième chose que je veux dire est que l'hypothèse selon laquelle le système ne favoriserait pas les femmes m'inquiète. J'ai obtenu une ventilation des pensions alimentaires pour enfants par province et par revenu pour l'année d'imposition 1995. Elle portait en fait sur pratiquement tous les contribuables au Canada, 99,97 p. 100 d'entre eux ou quelque chose de ce genre—, toutes les déclarations traitées par ordinateur.
J'ai calculé la différence entre les hommes et les femmes, en fonction du montant des pensions alimentaires par niveau de revenu, et je pense qu'il en va de même dans ce cas-ci. Aux faibles niveaux de revenu, les hommes et les femmes étaient traités avec la même brutalité. Au fur et à mesure que le revenu augmentait, il y avait un écart croissant entre les montants payés par les hommes et les femmes ayant le même niveau de revenu. Ce n'était donc pas de petites différences. Plus le revenu était élevé, plus les femmes étaient, en gros, favorisées. Pour des revenus de 50 000 à 60 000 $, les montants étaient huit fois et demie plus élevés. Ce ne sont pas des différences comme celles dont on a beaucoup parlé, comme 5 p. 100 et 10 p. 100.
Mme Marlene Jennings: Pouvez-vous nous fournir cela?
M. Glen Cheriton: Je peux le faire.
Mme Marlene Jennings: Je vous en prie.
M. Glen Cheriton: Ce n'est pas simplement une étude sélective; elle inclut tous les contribuables. Les différences que j'ai constatées dans ce domaine sont absolument énormes. D'accord, 22 p. 100 des chefs de famille monoparentale sont des hommes, mais ils reçoivent un pour cent des crédits d'impôt pour enfants. Les différences sont tellement énormes qu'il faut examiner la situation.
Mme Marlene Jennings: Mais, monsieur Cheriton, ce que nous avons essayé de dire, mon collègue M. Szabo et moi-même, est que la prestation fiscale pour enfants—nous allons seulement parler d'elle—est liée au revenu.
M. Paul Szabo: Au revenu familial.
Mme Marlene Jennings: Oui. Donc, les gens qui ont un revenu élevé ne la reçoivent pas. Donc, si les hommes seuls qui ont la garde de leurs enfants reçoivent seulement un pour cent des prestations fiscales pour enfants, si ce chiffre est exact, cela veut dire qu'ils ont des revenus plus élevés. Ils ne la reçoivent pas à cause de leur niveau de revenu. Je ne la reçois pas, parce que, même avec un salaire de députée—et c'est moi qui gagne le moins dans ma famille, ne l'oubliez pas—, je n'y ai pas droit. Je reçois seulement mon avis de cotisation du Québec à propos de la prestation fiscale pour enfants, qui me dit que je ne vais malheureusement pas en bénéficier parce que mon revenu est trop élevé.
Cela veut dire que les hommes dont vous parlez qui ne la reçoivent pas se situent en haut de l'échelle. Ce qu'on appelle le seuil d'admissibilité maximum est peut-être trop faible. C'est peut-être une autre question. Mais il ne s'agit pas là du sexe ou d'une discrimination, mais de personnes à faible revenu. Si le seuil est fixé à, je ne sais pas, 30 000 $, et que 95 p. 100 des mères seules reçoivent cette prestation, cela veut dire qu'elles gagnent moins que ce chiffre. Si seulement un pour cent des pères seuls la reçoivent, cela veut dire qu'ils sont au-dessus de ce seuil. Il est peut-être trop bas, mais c'est une autre question.
Le président: Il est de 50 000 $ par famille.
Mme Marlene Jennings: D'accord. J'utilise simplement cela comme exemple. Cela veut donc dire que si seulement un pour cent la reçoivent, ils ont un revenu supérieur à 50 000 $ par an, et 95 p. 100 de ces mères seules gagnent moins de 50 000 $. Cela fait une grosse différence quant à notre façon d'envisager au moins la situation que vous avez évoquée.
M. Glen Cheriton: Je voudrais signaler qu'il y a des chiffres—la plus vaste étude réalisée jusqu'à présent sur les revenus des mères et des pères ayant la garde de leurs enfants a été effectuée par Justice Canada sur la base des chiffres de 1991 figurant dans les dossiers des tribunaux. Cette étude a porté sur 3 129 cas sélectionnés. La plupart des pères seuls ont été rejetés, mais, pour ceux dont les données ont été prises en considération, il y avait moins de 10 p. 100 de différence entre les revenus des pères et des mères. C'est d'après les documents des tribunaux.
Mme Marlene Jennings: Je suis désolée, mais je n'ai pas compris ce que vous vouliez dire.
M. Glen Cheriton: Ce que je veux dire est que, sur la base de mes chiffres, vous prenez pour hypothèse que les pères seuls gagnent tous un revenu élevé—ce que tout le monde suppose—et que, dans leur écrasante majorité, les mères seules ont toutes un faible revenu. Mais, en fait, cette étude de Justice Canada, qu'on appelle l'étude Finnie, Stripinis et Giliberti, comporte des tableaux. Les données ont été réparties en trois groupes: revenu faible, revenu moyen et revenu élevé. Si on fait une ventilation par sexe, ce que j'ai fait—j'ai obtenu les données brutes du Ministère—, en considérant séparément les pères et les mères qui ont la garde de leurs enfants, il y a très peu de différence entre les revenus de ces deux groupes.
J'ai fait un calcul intéressant. J'ai pris le montant moyen obtenu par les pères seuls et l'ai ajouté à leur revenu. J'ai ensuite ajouté au revenu des mères le montant moyen de pension alimentaire qu'elles reçoivent, et leur revenu net—c'est bien sûr seulement une étude; elle n'est peut-être pas représentative, et je crois que c'est peut-être bien le cas—était plus élevé, une fois la pension alimentaire ajoutée, que celui des pères seuls. Elles touchaient, en moyenne, 5 000 $ d'après Revenu Canada, alors que les pères touchaient, en moyenne, 100 $.
N'émettons donc pas de telles hypothèses. Je pense que vous devriez peut-être faire des recherches et examiner cette question.
Le président: C'est ce que nous ferons, je pense. C'est un élément intéressant, et nous en avons pris bonne note. Nous examinerons les rapports ainsi que certaines des statistiques.
Monsieur Szabo, s'il vous plaît.
M. Paul Szabo: Merci.
Je vous remercie tous deux pour vos exposés.
Une des choses que, de toute évidence, j'ai apprise est qu'il y a de nombreuses permutations et combinaisons en ce qui concerne la situation, la configuration, les options, etc. Il va être extrêmement difficile de trouver une solution simple pour tous les cas, nous devons donc être prêts à accepter des idées nouvelles.
M. Cheriton, je pense que ce que vous nous avez appris de plus frappant à Paul et à moi au sujet de la garde et du droit de visite est que le père et la mère ont tous deux des rôles importants à jouer dans la vie de leurs enfants et que si un des deux ne participe pas activement à leur éducation, c'est généralement les enfants qui en pâtissent. Donc, merci pour cela. Nous comprenons cela très, très bien.
Sonya, je peux vous dire que la question du travail non rémunéré fait enfin surface en tant que priorité, et il est bon qu'elle ait figuré dans le recensement. Sachant que vous alliez venir, je voulais en savoir plus et j'ai donc consulté le Web.
Si cela vous intéresse, pour ce qui est des personnes de sexe masculin de plus de 15 ans, 87 p. 100 consacraient moins de deux heures par jour à s'occuper de leurs enfants, 7 p. 100 entre deux et quatre heures et seulement 6 p. 100 cinq heures ou plus. Les chiffres comparables pour les femmes étaient de 76 p. 100 qui leur consacraient moins de deux heures par jour, 7 p. 100 entre deux et quatre heures et 17 p. 100 cinq heures ou plus.
Je pense que les chiffres les plus frappants étaient ceux de la catégorie des cinq heures ou plus par jour, ce qui correspond fondamentalement au principal dispensateur de soins, qui étaient de 6 p. 100 pour les hommes et 17 p. 100 pour les femmes. Nous nous rendons compte que les choix que font les parents dépendent parfois de leur niveau de revenu, etc., si bien qu'on peut peut-être comprendre l'écart. Mais il est peut-être trop grand. Un allégement fiscal ne suffira pas à régler ce problème, nous le savons.
J'aimerais simplement vous poser deux questions à tous les deux. J'espère qu'elles seront brèves. Je pense que nous sommes ici parce que quelqu'un a fait la synthèse de tout ce problème en disant que, si les parents travaillent, ils obtiennent une déduction pour frais de garde d'enfants et que, si un seul parent travaille, le parent qui reste à la maison ou la famille n'obtiennent pas de prestation équivalente ou une sorte quelconque d'avantage. Cela vous paraît-il être un élément d'inéquité ou, comme le diraient certains, de discrimination?
Mme Sonya Nigam: Oui, mais je préciserai le sens de ma réponse. Nous ne cherchons pas à faire supprimer la déduction pour frais de garde d'enfants. Pour nous, c'est un élément très important pour permettre aux femmes de réintégrer la main-d'oeuvre active, nous ne visons donc pas sa suppression.
M. Paul Szabo: Je dirai très rapidement que, comme vous le savez, une déduction a plus de valeur pour une personne à revenu élevé que pour une personne à faible revenu. Prenons deux personnes qui ont des frais de garde d'enfants de 5 000 $; si une d'entre elles a un revenu de 100 000 $, elle obtiendra un chèque de remboursement de 2 500 $, alors que quelqu'un qui gagne peu, moins de 30 000 $, recevra seulement 1 250 $, une prestation inférieure de moitié. Pensez-vous que la contribution aux frais de garde d'enfants devrait être la même pour toutes les familles, quel que soit leur niveau de revenu?
Mme Sonya Nigam: Elle devrait être équitable envers toutes les familles.
M. Paul Szabo: D'accord. Monsieur Cheriton.
M. Glen Cheriton: Le problème se situe clairement au niveau du faible revenu, avec lequel les gens ont du mal à vivre. Pour dire les choses carrément, vous devez réduire les impôts des familles à faible revenu. C'est à ce niveau-là que vous devez consacrer plus d'efforts afin qu'il y ait plus de pères ayant un faible revenu qui s'occupent de leurs enfants.
Pour être franc, je ne me soucie pas des gens qui ont un revenu élevé. Justice Canada effectue cette étude sur les revenus supérieurs à 150 000 $, mais rien sur les bas revenus. Nous devons faire le contraire et dire qu'il faut une participation familiale plus importante à ce niveau.
Je pense que ces crédits d'impôt devraient être réservés aux faibles niveaux de revenu. Je pense qu'il devrait y avoir un crédit d'impôt pour ceux qui versent une pension alimentaire alors qu'ils ont un faible revenu et aident financièrement une autre famille. Il faut modifier l'impact des impôts au niveau plus bas, parce que c'est celui qui a principalement été touché par l'augmentation progressive des impôts.
C'est à cet égard que le revenu net d'impôt fourni par cette nouvelle mesure d'aide pour les enfants profite aux gens qui ont un revenu élevé. La plus grosse partie de ce revenu net d'impôt, le revenu qui a été retiré aux gens à faible revenu, ne va ni aux enfants ni aux femmes, mais aux gouvernements provinciaux. Voilà où se situe le problème.
M. Paul Szabo: D'accord.
Ma dernière question consiste fondamentalement à voir si certains principes ou critères à propos desquels j'ai interrogé d'autres témoins vous posent un problème quelconque, à avoir une idée de... la politique que vous préconisez devrait être fondée sur certains principes. Je vais vous les présenter très brièvement. Il y en a cinq, et certains d'entre eux sont assez généraux.
Le premier est que notre politique devrait être axée sur les enfants et promouvoir la défense de leurs intérêts.
La deuxième hypothèse, le deuxième principe, est que les parents sont les mieux placés pour déterminer quelle est la meilleure façon possible de s'occuper de leurs enfants.
Troisièmement, notre politique devrait fournir davantage de souplesse, d'options ou de choix pour permettre à l'un ou l'autre des parents de s'occuper des enfants ou de participer à la main- d'oeuvre active rémunérée.
Quatrièmement, notre politique devrait englober toutes les familles qui ont des enfants.
Pour finir, notre politique devrait être juste et équitable et ne pénaliser aucun choix en matière de soins dispensés aux enfants ni en imposer aucun.
À titre indicatif, y a-t-il dans ce que je viens de dire, dans ces principes, quelque chose qui vous gêne ou auriez-vous un commentaire quelconque?
Mme Sonya Nigam: Je dirai, au nom de Mothers Are Women, que nous n'avons absolument aucun problème avec les principes 2, 3, 4 et 5. Pour ce qui est d'axer cette politique sur les enfants, je pense que la difficulté que nous constatons est que la raison pour laquelle les femmes ont tendance à moins participer à la main- d'oeuvre active est précisément qu'elles sont axées sur leurs enfants, parce qu'elles choisissent de réduire leurs activités rémunérées afin de s'occuper d'eux. Il y a donc un choix qui est fait au niveau individuel. Pour ce qui est de l'élaboration des politiques, je pense que nous devons en discuter de façon plus approfondie, que ce soit...
M. Paul Szabo: Si vous voulez présenter d'autres mémoires au comité, nous les recevrons avec grand plaisir.
M. Glen Cheriton: C'est un monde complètement différent de celui dans lequel je vis normalement. Je viens d'un monde où je traite avec des pères qui sont absolument convaincus que vous avez mis au point un système pour les exclure, n'est-ce pas?
Beaucoup d'entre eux sont profondément déçus par la façon dont ils sont traités. Donc, quand quelqu'un dit, d'accord... Il y a toutes les choses que j'ai citées, et vous nous présentez ensuite une série de principes en disant que, oui, nous voulons réellement être équitables, nous voulons traiter tout le monde de la même façon.
J'ai très bien démontré que la Loi de l'impôt sur le revenu privilégie profondément l'éclatement de la famille et l'utilisation de tous les crédits d'impôt par une personne. Face à une telle situation, vous ne pouvez pas faire ici de grandes professions de foi à propos de ces prétendus principes, parce qu'en fait les pères qui sont victimes de discrimination ne sont pas dupes. Si vous dites qu'il faut axer cette politique sur les enfants afin de défendre leurs intérêts, ces gars-là ont traité avec des juges qui leur disent que, quoi qu'il advienne, l'enfant sera confié à la mère parce que c'est le mieux pour lui. Le mieux pour lui est d'avoir un seul parent; c'est essentiellement ce que dit la Loi de l'impôt sur le revenu.
M. Paul Szabo: Ces principes auxquels je faisais référence concernent cependant la politique fiscale, pas la garde des enfants.
M. Glen Cheriton: Non, pour moi, la Loi de l'impôt sur le revenu est antérieure à tout cela. Depuis l'époque de la première allocation accordée aux mères, toutes les dispositions qui y figurent ont eu pour prémisse qu'on impose les pères et qu'on aide financièrement les femmes—c'est la notion victorienne. Elles sont antérieures à tous les autres problèmes. C'est ce qui alimente les partis pris des tribunaux des familles.
M. Paul Szabo: Avez-vous des commentaires à ce sujet du point de vue des parents ou des familles, quand nous parlons de deux personnes travaillant ensemble?
M. Glen Cheriton: Dans la plupart des cas, vous le savez, les familles font ce qu'elles peuvent pour choisir ce qui convient le mieux à leurs enfants. Je pense que, dans un sens, on pourrait dire qu'on pourrait avoir plus de choix. Je pense qu'il serait bon que les familles présentent une déclaration conjointe. On pourrait éliminer certaines de ces choses afin que les gens puissent véritablement choisir si c'est le père ou la mère... Beaucoup de ces choses sont bonnes en principe. Mais à moins de reconnaître que le système n'est pas équitable et qu'on l'utilise traditionnellement pour exclure les pères afin qu'ils ne soient pas traités comme des parents... Ces gars-là ne croient pas que vous les traitez comme des parents.
M. Paul Szabo: Merci pour votre contribution. Je pense que vous avez bien exposé vos idées.
Le président: Merci, monsieur Szabo, et merci, chers collègues.
Madame Nigam, dans votre troisième recommandation, quand vous dites que nous devrions continuer à collecter les données du recensement, que pensez-vous du type de données qu'on collecte actuellement—sont-elles satisfaisantes ou faudrait-il également modifier la collecte des données?
Mme Sonya Nigam: Nous pouvons présenter un autre mémoire à ce sujet.
Le président: D'accord, si cela ne vous fait rien, je vous en prie.
Mme Sonya Nigam: Non.
Le président: Merci. Cette séance était réellement très intéressante. Vous avez soulevé beaucoup de notions techniques et d'idées convaincantes, qui ont parfois créé une certaine confusion, comme vous l'avez vu à nos réactions. Mais ce sont des idées extrêmement valables, et nous nous efforcerons avec nos recherchistes d'essayer aussi de les clarifier.
Si vous avez, tous les deux, d'autres renseignements que vous voudriez communiquer à notre comité, n'hésitez pas à le faire en vous adressant au greffier et faites-nous simplement savoir par écrit si vous voulez ajouter quelque chose que vous avez peut-être aussi oublié de nous présenter.
Au nom du comité, au nom de nous tous, nous voudrions vous remercier d'avoir partagé ces heures particulièrement intéressantes avec nous.
Nous aurons le plaisir de nous réunir à nouveau la semaine prochaine, chers collègues. Je vous remercie vraiment beaucoup.
La séance est levée.