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36e Législature, 1ère Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 36
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 24 novembre 1997
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-212. Deuxième lecture> |
M. Jay Hill |
Mme Sue Barnes |
M. Peter Mancini |
M. Michel Bellehumeur |
M. Jay Hill |
M. Ted White |
M. Ted White |
M. Jay Hill |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI DE MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION SUR LES MINES ANTIPERSONNEL |
Motion |
M. Peter Adams |
Projet de loi C-22. Deuxième lecture |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Keith Martin |
M. Daniel Turp |
M. Bill Blaikie |
L'hon. Sheila Finestone |
M. Keith Martin |
M. Bob Kilger |
M. Scott Brison |
M. Keith Martin |
M. David Price |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
MME LORIE KANE |
M. Joe McGuire |
MME CATRIONA LEMAY DOAN |
M. Rob Anders |
LE SÉNATEUR MARCEL PRUD'HOMME |
M. Guy Saint-Julien |
LES PEUPLES AUTOCHTONES |
M. Claude Bachand |
LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU DIABÈTE |
Mme Elinor Caplan |
LES MINES ANTIPERSONNEL |
M. Keith Martin |
LE FESTIVAL OLYMPIQUE INTERNATIONAL DES ENFANTS |
Mme Beth Phinney |
LE DÉCÈS DU JUGE JOHN SOPINKA |
Mme Eleni Bakopanos |
LA JOURNÉE NATIONALE DES PATRIOTES |
M. Stéphane Bergeron |
LA COLOMBIE-BRITANNIQUE |
M. Gurmant Grewal |
LES GROUPES DE PRESSION CONTRE LA CHASSE AU PHOQUE |
M. John McKay |
L'EMPLOI |
M. Bill Blaikie |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Jacques Saada |
LE CURLING |
M. Rick Borotsik |
LE MOIS DE SENSIBILISATION AU DIABÈTE |
M. Paul Bonwick |
LE CURTAIN CLUB THEATRE |
M. Bryon Wilfert |
LE LIBAN |
M. Mark Assad |
QUESTIONS ORALES |
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Lawrence MacAulay |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Lawrence MacAulay |
Mme Deborah Grey |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Jim Gouk |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Jim Gouk |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Réjean Lefebvre |
L'hon. Lawrence MacAulay |
M. Réjean Lefebvre |
L'hon. Lawrence MacAulay |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Lawrence MacAulay |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Lawrence MacAulay |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
M. Jean Dubé |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
M. Jean Dubé |
L'hon. Paul Martin |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
M. Monte Solberg |
L'hon. Paul Martin |
OPTION CANADA |
M. Pierre Brien |
L'hon. Sheila Copps |
M. Pierre Brien |
L'hon. Sheila Copps |
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA |
M. Dick Harris |
L'hon. Paul Martin |
M. Dick Harris |
L'hon. Paul Martin |
OPTION CANADA |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Sheila Copps |
M. Michel Gauthier |
L'hon. Sheila Copps |
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS |
M. Myron Thompson |
L'hon. Anne McLellan |
M. Myron Thompson |
L'hon. Anne McLellan |
L'ENVIRONNEMENT |
M. Bernard Bigras |
L'hon. Christine Stewart |
REVENU CANADA |
M. Denis Coderre |
Mme Sue Barnes |
L'ENVIRONNEMENT |
M. Bill Gilmour |
L'hon. Christine Stewart |
M. Bill Gilmour |
L'hon. Christine Stewart |
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES |
M. Pat Martin |
L'hon. Alfonso Gagliano |
M. Pat Martin |
L'hon. Alfonso Gagliano |
L'APEC |
M. Scott Brison |
L'hon. Lloyd Axworthy |
LES MINES TERRESTRES |
M. David Pratt |
L'hon. John Manley |
LA SOCIÉTÉ POUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS |
M. Scott Brison |
M. Julian Reed |
LA FISCALITÉ |
M. Deepak Obhrai |
L'hon. Paul Martin |
LA PRODUCTION LAITIÈRE |
M. Jean-Guy Chrétien |
L'hon. Gilbert Normand |
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PORTS |
M. Peter Mancini |
Le Président |
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA |
M. Jim Jones |
L'hon. Paul Martin |
L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES |
M. Steve Mahoney |
L'hon. Pierre S. Pettigrew |
LES ROUTES |
M. Roy Bailey |
L'hon. David M. Collenette |
L'ÉQUITÉ SALARIALE |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Marcel Massé |
PRÉSENCE À LA TRIBUNE |
Le Président |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Le budget principal des dépenses |
M. John Williams |
M. Randy White |
L'hon. Don Boudria |
M. Chuck Strahl |
M. Jay Hill |
M. John Williams |
Le Président |
M. Randy White |
AFFAIRES COURANTES |
DÉCRETS DE NOMINATION |
M. Peter Adams |
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS |
M. Peter Adams |
COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Défense nationale et anciens combattants |
M. Robert Bertrand |
Affaires étrangères et commerce international |
M. Bill Graham |
Industrie |
Mme Susan Whelan |
Justice et droits de la personne |
Mme Shaughnessy Cohen |
Procédure et affaires de la Chambre |
M. Peter Adams |
LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION |
Projet de loi C-286. Présentation et première lecture |
M. Michel Bellehumeur |
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE |
Procédure et affaires de la Chambre |
Motion d'adoption |
M. Peter Adams |
PÉTITIONS |
Le Sénat triple E |
M. Monte Solberg |
Le Code criminel |
M. Monte Solberg |
Les pensions |
M. Monte Solberg |
La santé |
M. Jim Hart |
M. Grant Hill |
L'avortement |
M. Grant Hill |
L'euthanasie |
M. Grant Hill |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Peter Adams |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI DE MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION SUR LES MINES ANTIPERSONNEL |
Projet de loi C-22. Deuxième lecture |
M. Daniel Turp |
Amendement |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
Amendement |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Keith Martin |
M. Bob Kilger |
L'hon. Lloyd Axworthy |
Amendement |
M. Daniel Turp |
M. Keith Martin |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Bob Kilger |
M. Bob Mills |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
Amendement |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
Amendement |
M. Ted McWhinney |
M. Scott Brison |
M. Keith Martin |
M. Daniel Turp |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Bob Kilger |
M. Keith Martin |
L'hon. Lloyd Axworthy |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Daniel Turp |
M. Keith Martin |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Keith Martin |
L'hon. Lloyd Axworthy |
Troisième lecture |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Bob Kilger |
L'hon. Lloyd Axworthy |
M. Bob Kilger |
M. Ted McWhinney |
M. Bill Graham |
M. Bob Mills |
M. Deepak Obhrai |
M. Daniel Turp |
Mme Maud Debien |
M. Bob Kilger |
Motion |
(La motion est adoptée.) |
Mme Michelle Dockrill |
M. Keith Martin |
M. Scott Brison |
M. David Price |
M. David Pratt |
Mme Paddy Torsney |
M. Gurmant Grewal |
M. Keith Martin |
M. Roy Bailey |
Mme Monique Guay |
M. Jacques Saada |
M. Rey D. Pagtakhan |
M. Peter Adams |
M. Andrew Telegdi |
M. Keith Martin |
M. Clifford Lincoln |
Mme Jean Augustine |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 36
CHAMBRE DES COMMUNES
Le lundi 24 novembre 1997
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Traduction]
LE CODE CRIMINEL
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.) demande que le projet de loi C-212, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants (peine capitale) soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
—Madame la Présidente, Gallup a publié la semaine dernière les résultats de son plus récent sondage concernant l'appui de la population canadienne à la peine capitale. Les résultats indiquent que si le rétablissement de la peine capitale faisait l'objet d'un référendum national aujourd'hui, 63 p. 100 des Canadiens y seraient favorables.
Le Parti réformiste croit qu'en ce qui concerne des questions de nature morale et litigieuse comme la peine capitale, les Canadiens devraient suivre leur conscience et voter selon leurs convictions personnelles dans un référendum national exécutoire. Nous avons demandé la tenue d'un référendum exécutoire sur la peine capitale, mais le gouvernement s'y est opposé. Par ce refus, le gouvernement a répondu aux Canadiens qu'il sait ce qui est le mieux pour eux et qu'ils n'ont pas le choix.
C'est pour cette raison que j'ai présenté ce projet de loi. Si le gouvernement fédéral refuse de tenir un référendum exécutoire aux prochaines élections fédérales, la Chambre des communes devrait tenir un vote libre pour permettre aux députés de voter selon la volonté de leurs électeurs et non pas au gré de leurs patrons politiques ou selon leurs propres convictions personnelles. Ce serait vraiment un exercice démocratique.
Le projet de loi prévoit la peine capitale pour tout adulte reconnu coupable de meurtre au premier degré. Il y a meurtre au premier degré lorsque l'acte est planifié et délibéré, lorsque la mort survient pendant une agression sexuelle ou un enlèvement ou lorsque la victime est un agent de la paix ou un agent des services correctionnels. Un meurtre au premier degré n'est pas un acte accidentel, c'est un geste commis froidement, de façon calculée et brutale.
Afin de répondre aux préoccupations que les gens peuvent avoir au sujet du caractère irréversible de la peine de mort, on a inscrit d'importantes mesures de protection dans ce texte législatif. C'est ainsi qu'on a prévu le recours automatique au droit d'appel au premier palier. Même si le condamné n'interjette pas appel lui-même, il est réputé l'avoir fait et le tribunal examinera le cas relativement à toutes les questions de fait et de droit afin de déterminer le bien-fondé de la déclaration de culpabilité.
Les appels doivent être entendus dans un délai raisonnable. Si le jury et le tribunal estiment que tout prouve que le condamné est coupable hors de tout doute raisonnable, il n'y a pas raison de le laisser moisir des années dans l'anti-chambre de la mort. Si la peine est maintenue, il doit être exécuté dans un délai raisonnable. L'exécution se fera par injection. Cette méthode d'exécution est plus humaine que la pendaison ou l'électrocution. Elle assure une fin rapide et indolore et évite de transformer une suite d'événements tragiques ayant débuté par un meurtre brutal en un cirque médiatique et public.
On peut s'interroger sur la nécessité d'un tel projet de loi. Selon moi, plusieurs raisons militent en faveur du rétablissement de la peine de mort. D'abord et avant tout, c'est à l'État de protéger la société. Nous ne devons pas oublier au cours de ce débat que tôt ou tard les meurtriers finissent pas être libérés. Entre 1986 et 1995, un total de 133 personnes condamnées à des peines de prison pour avoir commis des meurtres au premier ou au second degré ont commis, une fois libérées, de nouveaux crimes, dont 87 crimes sexuels et violents et dix meurtres. De toute évidence, nos soi-disant programmes de réinsertion ne fonctionnent pas.
De plus, deux meurtriers reconnus comme tels se sont évadés et ont de nouveau tué quelqu'un. Comment expliquer aux familles des victimes que l'on ait laissé ces douze meurtriers frapper à nouveau? Comment défendre le système judiciaire devant la famille d'une seule de ces victimes?
Je pourrais citer douze cas en exemple, mais je me contenterai d'en porter un seul à l'attention de la Chambre. Allan Legere a commis quatre meurtres en 1989. Il s'est évadé de prison pendant qu'il purgeait une condamnation à perpétuité pour avoir tué de sang-froid un vieux marchand en 1986. Il s'est évadé puis a tué quatre autres Canadiens innocents, respectueux de la loi.
Je suis sûr que quelqu'un ici aujourd'hui va soulever les affaires Donald Marshall, Guy Paul Morin et David Milgaard. Ces trois hommes ont passé des années de leur vie derrière les barreaux, condamnés pour des crimes qu'ils n'avaient pas commis. C'est une chose dont les Canadiens ne sont pas fiers. J'espère que les années de souffrance et d'incarcération inutiles qu'ont connues ces trois hommes nous ont enseigné à quel point la justice pouvait facilement être corrompue. Ils ont remporté une dure bataille qui a mis en évidence les problèmes qui existent au sein de notre système, des erreurs que nous devons faire attention de ne jamais refaire.
Lorsque les services de police locaux font l'objet de pressions de la part du public qui réclame un coupable, nous devons examiner la preuve d'un oeil d'autant plus critique.
Nul ne devrait être reconnu coupable de meurtre au premier degré et condamné à mort sur la base de preuves circonstancielles. Nous disposons maintenant de méthodes plus sophistiquées pour les tests d'ADN. Ces affaires qui ont fait beaucoup de bruit ont mis en garde le public et le système judiciaire contre l'excès de zèle dont peut faire preuve la police lorsqu'elle cherche à faire condamner une personne à la hâte.
David Milgaard a été condamné pour meurtre au deuxième degré et n'aurait donc de toutes façons jamais été condamné à mort. En vertu de ce projet de loi, tous les faits et preuves ayant mené à la condamnation de Guy Paul Morin et de Donald Marshall auraient été soigneusement réexaminés. Ces deux hommes ont été récemment innocentés sur la base de la preuve apportée par les résultats des tests des empreintes génétiques. Si leur procès avait eu lieu aujourd'hui, ils n'auraient jamais pu être condamnés. Les tests d'empreintes génétiques qui ont apporté la preuve de leur innocence pourraient aussi facilement apporter, sans l'ombre d'un doute, la preuve qu'une autre personne est coupable.
En cette veille du XXIe siècle, notre système judiciaire devrait avoir recours à la toute dernière technologie pour décider de la culpabilité ou de l'innocence d'un accusé.
Beaucoup de gens se plaisent à citer les statistiques et à nous dire que le taux d'homicides a diminué depuis 1975, année où ce taux a atteint un record de 3 p. 100 000 Canadiens. Pourquoi ne prennent-ils pas l'année 1966 où le taux était inférieur à la moitié de ça, soit 1,25 p. 100 000? En 1996, le taux d'homicides était de 2,11 p. 100 000. Que l'on mesure depuis 1966 ou depuis 1975, c'est toujours beaucoup trop.
D'autres statistiques s'appliquent beaucoup mieux au débat d'aujourd'hui. Elles sont extraites d'une récente publication du Centre canadien de la statistique juridique ou Juristat. En ce qui concerne les homicides on dit que les meurtres au premier degré, en proportion de tous les homicides, ont augmenté régulièrement, passant de 36 p. 100, en 1978, à 57 p. 100, en 1996. Cela signifie qu'en 1978, 238 personnes ont été accusées de meurtre au premier degré, mais qu'en 1996 il y en eu 361, bien qu'il y ait eu 28 meurtres de moins en 1996 qu'en 1978. De toute évidence, quelque chose a changé, puisque la proportion des meurtres délibérés et planifiés a augmenté de plus de 50 p. 100 depuis l'abolition de la peine capitale en 1976.
Il ne faut pas voir la peine de mort comme une soif de vengeance, mais comme un désir de justice. Aucun acte de vengeance ne peut réparer les torts causés. Aucune punition ne peut effacer les cicatrices des victimes ou les ramener à la vie si elles ont été tuées. La peine de mort n'est pas une vengeance. Le rôle de l'État n'est pas d'imposer des peines motivées par la vengeance. Le rôle de l'État est de rendre la justice.
La peine de mort a un rapport avec la sécurité publique. La seule façon absolument certaine d'empêcher que les personnes extrêmement dangereuses ne fassent d'autres torts, c'est de leur en enlever la possibilité. Pourquoi la société n'aurait-elle pas le droit d'enlever la vie à une personne qui a violé une de nos lois les plus fondamentales en assassinant une autre personne?
En 1982, un tiers des 300 condamnés pour meurtres au Canada déclaraient préférer la peine de mort à l'emprisonnement à perpétuité. En fait, en 1983 en Saskatchewan, un meurtrier formellement condamné réclamait la mort par injection, parce qu'il estimait que l'emprisonnement à vie était une peine cruelle et injuste. Sa demande a été rejetée par le tribunal.
Certains pensent qu'il suffit d'enfermer les meurtriers capables des crimes les plus horribles pour quelques décennies. Certains s'opposent à la peine de mort pour des raisons strictement morales. C'est leur droit et je pense qu'ils devraient avoir l'occasion de se prononcer par référendum.
Par contre je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que l'on ne devrait pas appliquer la peine de mort parce que notre système judiciaire pourrait condamner des innocents. Le problème qu'ils soulèvent n'a pas trait à la peine de mort. C'est un problème plus fondamental concernant la capacité de notre système de justice pénale d'établir la vérité.
Si l'on croit qu'un innocent a été condamné, il ne suffit pas de s'opposer à la peine de mort. C'est tout aussi grave de garder un innocent en prison pendant 10 ou 20 ans. Ceux qui croient que notre système de justice pénale ne fonctionne pas ont l'obligation morale de le réformer, de protéger tous les innocents, et pas seulement ceux qui pourraient être passibles de la peine de mort.
Il n'y a pas de doute que notre système de justice pénale pose un problème. Selon nos lois, c'est mal d'enlever la vie à un être humain. D'une certaine façon, notre système est nettement mal adapté. En disant cela, je pense à l'affaire Latimer.
Beaucoup de gens croient que la condamnation du père de Tracy Latimer pour meurtre au deuxième degré était justifiée, mais d'autres pensent que cela montre que le Code criminel doit prévoir différents types d'accusation. Je ne sais pas si la ministre de la Justice envisage quelque chose comme une catégorie de meurtres par compassion, mais si c'est le cas, je l'incite fortement a prévoir une large gamme de possibilités pour ce qui est des peines, de manière à refléter toutes les convictions des Canadiens sur le plan moral, pour un enjeu aussi controversé.
Avec le système actuel, le juge a peu de latitude dans la détermination de la peine qu'il infligera à Latimer. Certains Canadiens sont d'accord, d'autres non.
Permettez-moi de porter un autre cas de meurtre à l'attention de la Chambre. Dans l'île de Vancouver, un homme a été assassiné et son meurtrier est en liberté. La population n'a pas réclamé à cor et à cri qu'on emprisonne le coupable, parce que la victime était apparemment un indésirable. Comme les gens n'aiment pas la victime, ils ont plutôt réclamé une peine légère ou l'absence de peine pour le criminel. Ce n'est pas correct.
D'une certaine manière, je crois que notre système de justice pénale a oublié que son rôle était de protéger tous les citoyens, même ceux que nous n'aimons pas. En tant que société, nous ne pouvons pas laisser à la population le soin de rendre la justice. Nous devons prévenir le syndrome du justicier et laisser de la place pour la compassion pour ceux qui agissent par pitié et non par méchanceté. L'État devrait avoir la possibilité d'imposer les sanctions les plus sévères pour les crimes les plus haineux pour mieux protéger les citoyens.
Rien ne ramènera la victime. La peine de mort n'y changera rien, mais elle empêchera que le meurtrier ne tue à nouveau.
Paul Bernardo ne sortira peut-être pas de prison pendant bien longtemps, mais sa complice sera libre très bientôt. Clifford Olson n'a peut-être pas obtenu sa libération conditionnelle cet été, mais en fin de compte, il pourra lui aussi être libéré et marcher librement dans nos rues, dans nos quartiers où nos enfants jouent.
Voulez-vous que des gens capables de violer, de torturer et d'assassiner vivent près de vous? Voulez-vous prendre cette chance avec vos enfants et petits-enfants? Lorsque ces individus sortiront, car c'est une certitude, ne comptez pas sur eux pour déménager ailleurs.
La peine de mort n'est peut-être pas un moyen de dissuasion pour les individus malades bien décidés à détruire la vie d'autres êtres humains, mais si la peine de mort n'a pas d'effet dissuasif, il en va de même des peines d'emprisonnement de 15, 20 ou 25 ans. La dissuasion n'est pas la question en jeu dans le cas présent. Soixante-dix p. 100 des Canadiens qui ont appuyé la peine de mort en 1996 ont déclaré qu'ils seraient quand même en faveur de cette mesure même si on prouvait qu'elle n'avait aucun effet dissuasif. Au lieu de cela, la majorité des Canadiens croient que la peine capitale sert à protéger la société.
En résumé, je crois qu'on devrait rétablir la peine de mort pour les gens coupables de meurtres au premier degré, ces crimes haineux. Le projet de loi offre d'énormes occasions d'appel en fonction des faits et du droit et la possibilité de commuer la peine de mort en peine d'emprisonnement à vie. La société devrait pouvoir imposer la peine capitale pour protéger les citoyens contre ceux qui n'ont aucun remords, n'ont aucune possibilité de se racheter. On doit prévoir un délai raisonnable pour la procédure d'appel et l'application de la peine. L'exécution par injection est plus humaine que la pendaison ou l'électrocution et ne réduit pas la peine de mort à un spectacle médiatique.
Je le répète, le Parti réformiste et moi-même croyons que les Canadiens devraient décider si oui ou non ils veulent rétablir la peine capitale dans le cadre d'un référendum national exécutoire. Comme je l'ai dit plus tôt également, étant donné que le gouvernement rejette cette idée, la meilleure option qui s'offre est la tenue d'un vote libre à la Chambre des communes.
Soixante-trois p. 100 des Canadiens veulent le rétablissement de la peine de mort. Il incombe aux députés de respecter la volonté de leurs électeurs. Ainsi, je demande le consentement unanime aux députés présents pour faire en sorte que le projet de loi C-212 fasse l'objet d'un vote.
Une voix: On bafouille la démocratie comme d'habitude.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter sa motion?
Des voix: Non.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le consentement est refusé.
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je me sens obligée de participer au débat sur le projet de loi C-212, qui a été présenté par le député de Prince George—Peace River.
Il a pour objet de rétablir la peine de mort dans les cas de meurtre au premier degré commis par un individu âgé de 18 ans ou plus. Par ailleurs, il augmenterait les peines de prison imposées aux personnes de moins de dix-huit ans ayant commis un meurtre au premier ou au deuxième degré.
J'aimerais parler d'abord du rétablissement de la peine de mort.
La peine capitale a fait l'objet de longs débats à la Chambre avant qu'elle ne soit abolie par un vote de cette dernière, en 1976, il y a plus de 20 ans. Depuis, elle a fait l'objet de plusieurs débats, non seulement au Parlement, mais également dans d'autres forums. Le débat le plus important depuis l'abolition de la peine capitale a eu lieu à la Chambre en 1987. J'en garde un souvenir très vif car c'était la première fois que, en tant que simple citoyenne, j'écrivais à mon député pour l'encourager à voter contre la peine capitale.
Le débat de 1987 portait sur une motion du gouvernement d'alors, qui demandait à la Chambre des communes d'appuyer le principe du rétablissement de la peine capitale et la constitution d'un comité spécial chargé de faire des recommandations sur le genre d'infractions qui devraient être passibles de la peine de mort et sur la méthode, ou les méthodes, par laquelle elle devrait être administrée.
Comme je le disais, la question fut amplement débattue. La Chambre s'est prononcée à l'occasion d'un vote libre. Il semble que certaines personnes n'arrivent pas à comprendre que la peine capitale a été rejetée au Canada à l'issue d'un vote démocratique. Certaines personnes refusent d'abandonner la partie.
Une majorité des députés ont alors voté contre la motion et, par le fait même, contre le rétablissement de la peine de mort dans le Code criminel. Depuis ce vote, la peine capitale n'a jamais été une question nationale de premier plan.
Pourquoi sommes-nous appelés à débattre maintenant du rétablissement de la peine capitale? Nous sommes à la période des initiatives parlementaires et un député réformiste a soulevé le point. Est-ce que de nouvelles circonstances exigent ou commandent que le Parlement examine à nouveau la question? Je comprendrais peut-être si la tendance montrait une hausse marquée du taux des homicides. Cela pourrait expliquer la nécessité du débat et justifier qu'on ouvre à nouveau le dossier de la peine de mort.
Le député de Prince George—Peace River n'est certainement pas motivé par une augmentation du taux des homicides. En fait, en 1996, le taux a été le troisième plus bas depuis 1975. Il se chiffrait à trois homicides pour cent mille habitants en 1975, la dernière année où l'on a imposé la peine capitale pour un meurtre. En 1987, alors que la Chambre a tenu un débat en profondeur sur une motion d'initiative ministérielle au sujet de la peine capitale, le taux avait baissé à 2,4 meurtres pour cent mille habitants, ce qui représente une diminution de 20 p. 100 par rapport à 1975.
En 1995, le taux avait encore baissé et se chiffrait à 1,99 meurtre pour cent mille habitants, soit une diminution de 33 p. 100 depuis 1975, la dernière année où la peine de mort était en vigueur au pays. Le taux pour 1996 est de 2,1.
Je tiens à être claire. Je ne sous-estime pas, et personne en cette Chambre ne sous-estime, la gravité de l'homicide. Nous savons tous aujourd'hui qu'une autre tragédie s'est produite au Canada durant le week-end. Chaque homicide est une tragédie qui interpelle notre société et soulève des questions au sujet de notre société. Chaque homicide, chaque meurtre doit être puni de la façon la plus rigoureuse possible et c'est ce que l'on fait.
Cependant, les statistiques montrent que le taux des homicides était de trois pour cent mille habitants lorsque la peine capitale était utilisée et qu'il se situe à environ deux meurtres pour cent mille habitants depuis que la peine capitale ne fait plus partie de notre système, puisqu'elle a été abolie il y a plus de 20 ans comme je l'ai déjà dit.
Cette diminution ne corrobore donc pas la valeur dissuasive de la peine de mort. Le taux n'a pas seulement cessé d'augmenter depuis l'abolition de la peine de mort, il a diminué du tiers.
Ces statistiques signifient qu'il n'existe aucune preuve que la peine capitale constitue un moyen utile de faire échec aux meurtres. Si la peine capitale n'est pas un moyen efficace pour lutter contre les homicides et les meurtres, nous devrions nous demander à quoi il servirait de la rétablir.
J'estime que la peine capitale constitue un moyen excessif d'atteindre les objectifs de l'imposition de la peine. Ces dernières années, au moins trois cas dont on a beaucoup parlé ont été mis en lumière et devraient porter notre société à réfléchir lorsqu'il s'agit du rétablissement de la peine capitale: les condamnations injustifiées pour meurtre de Donald Marshall, fils, Guy-Paul Morin et David Milgaard.
Si la peine capitale avait été en vigueur, ils n'auraient peut-être pas eu une deuxième chance de vivre. La peine capitale est irrévocable. Elle n'offre aucune possibilité de corriger les erreurs de l'État, peu importe s'il est bien intentionné, peu importe les sentiments que nous éprouvons et peu importe la longueur des articles de journal qui peuvent être écrits à cet égard. Une erreur de ce genre est également tragique et elle est tout à fait évitable lorsque la peine capitale ne fait pas partie des recours dont nous disposons dans notre système de justice.
Je m'oppose à la peine capitale pour des raisons pratiques. Il revient à ceux qui veulent modifier la loi d'une manière aussi fondamentale de présenter des arguments convaincants. Les arguments que je viens d'entendre et ceux qu'on fait valoir ne me convainquent pas.
Je m'oppose à la peine capitale non seulement pour des raisons pratiques, mais également pour des raisons morales. La peine capitale nous oblige à nous interroger sur notre perception de nous-mêmes en tant que pays et peuple. Dans les autres pays, du moins les pays occidentaux, la tendance veut que la peine capitale soit abolie. Rétablir la peine capitale au Canada irait à l'encontre de la tendance qui existe ailleurs. J'estime qu'appuyer le rétablissement de la peine capitale en cas de meurtre constituerait une mesure très régressive, mesure que les députés du Parti réformiste semblent vouloir préconiser.
Les Canadiens croient-ils vraiment qu'ils se sentiraient davantage en sécurité de vivre dans une société où la peine capitale est imposée? Pour être très brutale, j'irais même jusqu'à demander s'ils croient vraiment que cela permettrait d'économiser l'argent aux contribuables. Que les Canadiens regardent ce qui se passe aux États-Unis. Ils y trouveront certaines réponses à ces questions.
Le projet de loi du député accroîtrait également les peines d'emprisonnement pour meurtre imposées aux personnes âgées de moins de 18 ans. J'ai trouvé étonnant qu'il n'en parle pas puisque cela fait partie du projet de loi, mais je veux tout de même commenter. Je rappelle au député que la période d'inadmissibilité aux libérations conditionnelles pour les jeunes reconnus coupables de meurtre a été prolongée de beaucoup à compter du 1er décembre 1995.
Je voudrais m'arrêter un peu aux dispositions qui s'appliquent actuellement aux jeunes reconnus coupables de meurtre. Le dossier d'un jeune qui avait 14 ans ou plus au moment où il a commis un meurtre au premier ou au second degré peut être transféré devant un tribunal pour adultes. Si ce tribunal le reconnaît coupable, sa peine minimale sera l'emprisonnement à vie.
Avant le 1er décembre 1995, un jeune reconnu coupable de meurtre au premier ou au second degré par un tribunal pour adultes pouvait être condamné par ce tribunal à une peine de cinq à dix ans. Depuis le 1er décembre 1995, les dispositions suivantes s'appliquent.
Tout d'abord, un jeune de 16 ou 17 ans reconnu coupable de meurtre au premier degré doit purger une peine de détention d'au moins 10 ans; un jeune de 16 ou 17 ans reconnu coupable de meurtre au deuxième degré doit purger une peine de détention d'au moins sept ans; un jeune de 14 ou 15 ans reconnu coupable d'un meurtre au premier ou au deuxième degré par un tribunal pour adultes doit purger une peine de détention de cinq à sept ans, selon ce que décide le tribunal. Dans ce dernier cas, si le juge ne précise pas la durée de la peine, elle est automatiquement de cinq ans.
Je voudrais remonter avant le 1er décembre 1995, lorsque les jeunes de tout âge reconnus coupables de meurtre au premier ou au second degré par un tribunal de la jeunesse étaient condamnés à une peine maximale de cinq ans moins un jour se divisant en une période maximale de détention de trois ans et une période maximale de liberté surveillée de deux ans moins un jour.
Il est malheureux que je manque de temps parce que j'aurais pu présenter d'autres faits. Peut-être un de mes collègue pourra-t-il reprendre où j'ai laissé.
Il me faut préciser que tous les jeunes reconnus coupables d'un meurtre au premier degré par un tribunal de la jeunesse sont passibles d'une peine maximale de 10 ans, comptant un maximum de six ans en détention et une période maximale de liberté surveillée de quatre ans. Les jeunes reconnus coupables de meurtre au second degré par un tribunal de la jeunesse sont passibles d'une peine maximale de sept ans, comptant une période maximale de quatre ans de détention et une période de liberté surveillée n'excédant pas trois ans.
Ces changements ne s'appliquent que depuis deux ans. Le Comité de la justice examinera ces dispositions. Je suggère de laisser le ministre de la Justice, qui sait que c'est une question importante, s'en occuper. Nous prenons les choses au sérieux. À mon avis, la peine capitale n'a pas sa place dans notre société juste.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord féliciter le député qui présente le projet de loi pour le travail qu'il a accompli. J'ai lu sa mesure législative aujourd'hui et il est évident que le député a consacré énormément de temps à la rédaction de son projet de loi. Je l'en félicite. Par contre, le député ne sera sûrement pas surpris d'apprendre que je n'approuve ni le contenu ni l'objet de ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui vise à rétablir la peine capitale au Canada et, comme ma collègue vient de le mentionner, à imposer la peine d'emprisonnement à vie à certains jeunes contrevenants reconnus coupables de meurtre au premier degré.
Fait intéressant, lorsque le député a présenté et expliqué son projet de loi, il a dit que le but de l'exercice n'était pas la vengeance. Il a précisé que la vengeance n'avait rien à voir avec sa demande de rétablir la peine capitale. Il a ajouté qu'il ne s'agissait pas non plus d'exercer une nouvelle forme de dissuasion. Selon la députée qui est intervenue avant moi, les statistiques montrent bien que la peine capitale ne dissuade en rien les meurtriers.
Donc, si ce n'est ni la vengeance ni la dissuasion, quel est le but de cette mesure législative? Ce serait la sécurité, selon l'auteur du projet de loi. Il veut dire, j'imagine, qu'une personne reconnue coupable d'un meurtre au premier degré qui serait exécutée ne commettrait plus d'autres meurtres. La réalité, c'est qu'il est possible dans notre pays d'imposer la peine d'emprisonnement à vie. La réalité, c'est que des gens comme Paul Bernardo et Clifford Olson, dont parlait l'auteur du projet de loi, ne seront jamais remis en liberté. L'emprisonnement des contrevenants permet d'assurer la sécurité de la population. Si l'on parvient à assurer la sécurité de la population en jetant en prison les contrevenants, alors, à quoi servirait de les exécuter? Si la vengeance n'est pas le but visé et si l'on peut assurer la sécurité de nos concitoyens de façon plus humaine et civilisée, alors le député conviendra qu'il serait préférable d'agir ainsi.
Une voix: Il ne faut pas compter là-dessus.
M. Peter Mancini: Je ne le fais pas. Cela dit, rien ne justifie l'existence du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. J'estime que nous pouvons garantir la sécurité autrement et d'une meilleure façon en tant que société. Si nous disions aux Canadiens qu'une personne déclarée coupable de meurtre au premier degré dans les circonstances les plus horribles ne pourra être libérée à moins d'y être autorisée par les Canadiens à qui elle aura adressé une demande en vertu de la disposition de la lueur d'espoir, les Canadiens seraient d'accord dans la mesure où ils se sentiraient vraiment en sécurité.
Comme je l'ai dit, le projet de loi n'a aucune raison d'être.
Le député qui parraine cette mesure et ses collègues qui ont hué la députée libérale qui est intervenue, a dit que si l'on tenait ce débat, c'est à cause de l'opinion publique. Si l'on soulève de nouveau cette question qui a déjà été débattue, non pas une fois, mais deux fois à la Chambre, c'est que, selon un sondage Gallup, 63 p. 100 des Canadiens le veulent et demandent le rétablissement de la peine capitale.
Si l'opinion publique justifie vraiment ce projet de loi, je voudrais que le député me dise s'il est prêt à inclure une note dans son projet de loi et à dire que nous voulons la peine capitale, mais nous allons revenir sur la question si jamais l'opinion publique change. Dans trois ans, si les sondages indiquent que 55 p. 100 des Canadiens s'opposent à la peine capitale, nous allons légiférer de nouveau...
Une voix: Cela ne s'est jamais produit.
M. Peter Mancini: Le député qui a présenté la motion prétend que cela ne s'est jamais produit. Pour trancher cette question, je suppose que nous devrions nous fier à une campagne de relations publiques entre les groupes défendant les droits des victimes qui réclament la peine capitale, d'une part, et le Conseil des églises qui s'y oppose, d'autre part. On pourrait modifier la loi selon l'appui que remportera un ou l'autre côté auprès des Canadiens.
Une voix: L'opinion publique.
M. Peter Mancini: Exactement. Modifions chaque mesure législative tous les ans, selon les arguments que certains groupes pourraient faire valoir à la télévision et auprès des médias et selon leur succès à rallier la majorité de l'opinion publique.
Ceux qui subiraient la peine de mort entre 1997 et l'an 2000, par exemple, année où la loi pourrait être réexaminée, se seraient tout simplement trouvés dans le mauvais camp de l'opinion publique pendant trois ans. Nous pourrions modifier la loi de nouveau en l'an 2000 et abolir alors la peine de mort.
En 2010, nous pourrions de nouveau nous raviser, et ceux qui seraient condamnés entre l'an 2000 et 2010 auraient énormément de chance. Ils s'en tireraient, contrairement à ceux qui suivraient.
Nous laisserions ainsi le sondage Gallup nous dicter les mesures que nous devons adopter au Parlement, alors que nous y avons été élus pour représenter les intérêts de nos électeurs, mais aussi pour diriger notre pays à l'aube du nouveau millénaire.
C'est la tâche qui nous incombe, et je pense que nous devons nous en acquitter. Nous savons maintenant que ce projet de loi n'a pas de raison d'être. Nous savons qu'il est tributaire de l'opinion publique et qu'il vise, j'imagine, l'accumulation de points supplémentaires dans un autre sondage Gallup.
J'imagine que ce serait effectivement la justice à la façon des réformistes. Nous savons que les jurés peuvent se tromper, et je veux soulever un autre point que j'estime important. Dans de nombreux États chez nos voisins du Sud, la peine de mort existe.
Or, maintes études révèlent que les jurés hésitent à trouver un individu coupable s'ils savent qu'il s'expose à la peine de mort.
L'auteur du projet de loi a parlé de l'affaire Latimer, et il est intéressant de signaler que les jurés qui ont trouvé M. Latimer coupable et qui ont été interviewés par la suite ont dit—et ce n'est un secret pour personne, puisque l'avocat de la défense a fait valoir cet argument—que s'ils avaient su que la peine minimale était de 10 ans, ils auraient déclaré le prévenu innocent.
Si nous acceptons les statistiques mentionnées par le député, bien que je les trouve discutables, mais disons que nous acceptons que 40 p. 100 des Canadiens s'opposent à la peine de mort pour des raisons morales, si ces personnes font partie de jurys et que, moralement, elles ne peuvent accepter la peine de mort prévue par la loi, alors elles n'auront d'autre choix que d'acquitter l'accusé.
Je demande à l'auteur du projet de loi de réfléchir à cela très sérieusement, car c'est une conséquence tout à fait réelle dans les États où la peine de mort existe.
En réalité, l'envers de la médaille dans ce cas, c'est la frustration par rapport au système judiciaire. Le projet de loi prévoit une procédure d'appel obligatoire. C'est un projet de loi très américain. À mon avis, il convient de dire que ce que nous faisons en l'occurrence, c'est du libre-échange par rapport à certains problèmes de justice.
Nous importons dans notre pays une mesure législative américaine pour l'intégrer à un système judiciaire et à une structure de tribunaux qui sont de nature britannique. Soyons clairs. Nous essayons de faire la quadrature du cercle et nous n'y arriverons pas.
Aux États-Unis, où une loi de ce genre est en place, dans tous les cas, les appels traînent pendant des années. C'est une lutte pour la vie. Ne vous méprenez pas: il y a au Canada des organisations qui trouvent des fonds pour continuer appel après appel, qui cherchent à obtenir clémence.
Il faut examiner ce que cela représente en réalité. C'est bien beau et facile de dire que cela règle le problème et qu'on aura une exécution après avoir demandé la permission d'en appeler.
Comme il ne me reste qu'une minute, je vais essayer de conclure. À l'instar de mon collègue, j'ai tellement à dire là-dessus que je pourrais parler encore longtemps. Toutefois, je trouve absolument paradoxal et quelque peu troublant que le parrain de ce projet de loi dise que nous favorisons cela et que nous allons régler cela clair et net, de telle sorte que personne ne soit vraiment dérangé, qu'il n'y ait pas de spectacle public.
Que les partisans de la peine capitale traînent l'accusé ici, qu'il l'exécute ici, qu'ils le regardent dans les yeux pendant qu'il se débat et qu'ils viennent ensuite me dire qu'ils sont en faveur de la peine capitale.
Je n'ai pas abordé les parties du projet de loi qui touchent aux jeunes contrevenants ni au petit article intéressant qui exige que le corps de l'exécuté soit enterré dans la prison. Et mon collègue dit que cela n'est pas inspiré par la vengeance. Belle charité chrétienne!
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi présenté par le Parti réformiste.
Ce projet de loi n'a rien de surprenant, compte tenu qu'au cours de la 35e Législature, les réformistes avaient déposé un projet de loi...
[Traduction]
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Ce projet de loi n'est pas une mesure réformiste. C'est mon projet de loi d'initiative parlementaire à moi, député de Prince George—Peace River. Les projets de loi et les motions d'initiative parlementaire ne viennent pas tous d'un parti.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Nous reprenons le débat.
M. Michel Bellehumeur: Madame la Présidente, le député de l'Ouest canadien a peut-être honte de son parti. Effectivement, c'est un député seul qui dépose ce projet de loi. Il y en a qui sont capables de faire la distinction.
Cela étant dit, au cours de la 35e Législature, un autre député du Parti réformiste a déposé un projet de loi proposant un référendum sur la peine de mort. On s'en souviendra, il y a eu un débat dans cette Chambre. De façon unanime, sauf pour les députés du Parti réformiste, les députés ont voté contre ce projet de loi. Je rappelle au député qu'il s'agissait du projet de loi C-261. Les députés du Parti réformiste étaient en faveur du projet de loi, alors que tout le reste de la Chambre était contre ce référendum.
Aujourd'hui...
[Traduction]
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Au cours de la 35e législature, le projet de loi dont vient de parler le député était le mien. Ce n'était pas un projet de loi réformiste. C'était un projet de loi d'initiative parlementaire. Le député devrait s'informer. La politique réformiste n'est pas tout à fait celle qui ressort de ces projets de loi. Il devrait donc se renseigner. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'il critique des projets de loi d'initiative parlementaire, mais qu'il ne les associe pas directement au parti!
[Français]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Nous reprenons le débat.
M. Michel Bellehumeur: Madame la Présidente, cela ne va pas bien pour le Parti réformiste, parce qu'un deuxième député vient de se dissocier de son parti. Ça ne va pas bien. Il en reste quatre ou cinq, et ils qui vont peut-être se dissocier aussi.
Cela étant dit, le projet de loi du député de Prince George—Peace River a deux volets, comme on l'a dit tantôt: le premier volet est de rétablir la peine capitale et le deuxième volet est d'imposer une peine d'emprisonnement maximale pour les contrevenants, les personnes qui ont commis des actes extrêmement graves. Je ne diminue pas la gravité des gestes, mais pour des personnes âgées de moins de 18 ans ayant commis, entre autres, un meurtre au premier degré, on imposerait une peine de prison à vie.
La façon dont on modifie le Code criminel, c'est qu'on voudrait remplacer l'article 235—et je pense que ça vaut la peine qu'on comprenne tout le sens du libellé de ce projet de loi—par ce qui suit:
Quiconque commet un meurtre au premier degré est coupable d'un acte criminel et doit être condamné:
a) à mort lorsque le contrevenant avait au moins dix-huit ans au moment de la commission de l'infraction;
b) à l'emprisonnement à perpétuité lorsque le contrevenant avait moins de 18 ans au moment de la commission de l'infraction.
On voit donc qu'on veut modifier deux volets, c'est-à-dire le Code criminel concernant la peine capitale et la Loi sur les jeunes contrevenants.
En ce qui concerne le premier volet, les modifications au Code criminel, je pense que nous savons tous, en cette Chambre, qu'il y a eu un gros débat à ce sujet au cours des années 1975-1976, lorsqu'il existait encore, au Canada, la peine capitale. On a voulu le modifier. Il y a eu un débat au niveau moral, l'Église s'en est mêlée, ainsi que la politique et le niveau social. Je pense que dans les années 1975-1976, il y a eu un débat extrêmement important sur cela. Il y a eu un compromis, parce qu'on a aboli la peine capitale. Le compromis a été l'emprisonnement à vie avec possibilité de libération conditionnelle 25 ans plus tard. Peut-être que ce n'était pas la meilleure des formules, mais c'était la formule qui représentait le plus justement la population à l'époque, l'évolution.
Il faut comprendre qu'un peuple, une société, un pays évoluent. Peut-être pas le Parti réformiste, mais le reste évolue. On ne pense pas exactement de la même façon aujourd'hui qu'il y a 25, 30 ou 40 ans. Je pense que c'est normal, dans une société libre et démocratique, de se pencher sur le sujet, surtout qu'avec les experts et les gens du milieu, on est capables de faire une analyse beaucoup plus objective de la situation qui n'est pas drôle, j'en conviens. Lorsque c'est un cas de meurtre au premier degré, il n'y a rien de drôle. Lorsqu'on regarde les journaux, il n'y a rien de plaisant non plus, mais je pense que dans une société comme la nôtre, il fallait vérifier tout cela. On l'a fait dans ces années-là et nous sommes arrivés à une formule somme toute bonne.
Cependant, avec les années, on l'a améliorée. Récemment, avec tous les articles du Code criminel pouvant faire en sorte qu'un individu soit déclaré criminel dangereux avec impossibilité de libération conditionnelle, je pense qu'on a réglé encore certains problèmes. Peut-être qu'au cours des années, on verra à l'améliorer de nouveau, mais ce ne sera sûrement pas en tombant dans l'excès, comme le député réformiste le voudrait ce matin par le dépôt du projet de loi C-212, et faire du meurtre au premier degré une infraction exigeant la peine capitale.
Il y a des objectifs, et je vais prendre le temps de vous les lire. Pourquoi sommes-nous passés de la peine capitale au système qu'on a aujourd'hui? En France et dans d'autres pays d'Europe également, on a eu le même débat de société et on est arrivés à une législation qui ressemble à celle du Canada.
L'objectif recherché par l'imposition d'une sentence, ce que le juge, quand il impose une sentence, doit faire, doit penser, doit dire, c'est ceci: «Le juge, en se basant sur la gravité objective et subjective de l'acte, vise à imposer une sentence juste, adaptée à l'infraction et au délinquant. Il doit s'interroger sur les objectifs à atteindre par l'imposition d'une sentence.» Également, «une sentence doit en plus posséder un caractère de dissuasion à l'endroit de l'accusé et d'exemplarité à l'égard des gens de son milieu, de sa région, et même, dans certains cas, de la province. Mais la sentence doit aussi tenir compte de la réhabilitation actuelle ou éventuelle du détenu. Les objectifs que le juge doit considérer sont les suivants: la protection de la société, la rétribution, la dissuasion, l'exemplarité, la réadaptation sociale du délinquant et sa protection contre d'autres sanctions.» Tout cela, je pense qu'avec le système actuel, on arrive à un juste milieu, et, comme je le disais plus tôt, on peut toujours l'améliorer.
Une autre raison pour laquelle nous devons—en tout cas, c'est à titre individuel que je le dis aujourd'hui, mais connaissant assez bien mes collègues du Bloc québécois, je pense que plusieurs d'entre eux sont de mon avis également—être contre un tel projet de loi, et c'est un motif extrêmement important, c'est la possibilité d'erreur au niveau du système judiciaire. Je pense que même si on a un système qui a fait ses preuves, le système judiciaire n'est pas infaillible. Personne ici, à la Chambre, n'est infaillible non plus. Aucun juge n'est infaillible et je pense qu'il y avoir des cas où un individu a été trouvé coupable, alors qu'il ne l'est pas véritablement.
Au Canada, on a vu des gens qui étaient emprisonnés pendant 5, 10 ou 15 ans, et par la suite, à cause de l'ouverture du dossier, à cause d'une enquête supplémentaire, on a découvert que ces individus avaient été accusés, avaient été trouvés coupables injustement et ils ont été libérés.
Je sais qu'avec l'avancement dans le domaine médical, entre autres, on peut améliorer ou tenter de commettre moins d'erreurs dans le système judiciaire, et je fais référence à l'analyse de l'acide désoxyribonucléique, mieux connu sous le sigle d'ADN. On peut faire des analyses pour savoir si un individu est véritablement le meurtrier avec des choses qu'on retrouve sur les lieux du crime.
Mais les meilleures techniques n'empêchent pas qu'il pourrait se glisser des erreurs et que des gens seraient trouvés coupables d'un meurtre au premier degré. Si le projet de loi du député était adopté par la Chambre, l'individu serait mis à mort, alors que dix ans plus tard, on pourrait découvrir qu'il n'était pas coupable.
Également, avant de me prononcer sur ce projet de loi, avant même de me prononcer sur le projet d'un collègue réformiste présenté au cours de la 35e Législature, j'avait examiné les écrits, j'avais regardé ce qu'en pensaient les experts. Les experts criminalistes ne sont pas unanimes, mais la grande majorité, dont Gisèle Côté-Harper, Antoine Manganas, Jean Turgeon et autres, disent que la peine capitale n'a pas d'effet dissuasif sur un individu dans le cas d'un meurtre au premier degré.
En conclusion, en ce qui concerne les jeunes contrevenants, la modification proposée à la Loi sur les jeunes contrevenants débalancerait complètement cette législation. Pour ces motifs supplémentaires, je suis contre le projet de loi du député.
[Traduction]
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec intérêt le débat de ce matin. Au cours de la dernière législature, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai proposé un projet de loi visant à faire tenir, conformément à la politique réformiste, un référendum à caractère exécutoire sur la question. Il réclamait un référendum auprès du public qui, dans les sondages, comme d'autres députés l'ont fait remarquer, s'est toujours exprimé dans une proportion de 65 p. 100 ou plus en faveur du rétablissement de la peine de mort. Voilà une chose qui n'a pas changé avec le temps.
Un député a prétendu que les temps et les problèmes avaient bien changé, mais le fait reste que l'opinion publique sur ce point n'a pas changé. Cela nous montre que la Chambre, où les députés peuvent jouir d'un vote libre mais votent contre la volonté de la population, est déphasée par rapport aux gens, à moins que ce soient les gens qui sont déphasés par rapport au Parlement. C'est l'un ou l'autre. Nous devons faire quelque chose pour rapprocher davantage ces deux positions.
Un moyen évident de le faire consiste à inviter le public à se prononcer dans le cadre d'un référendum. Cela donnerait l'occasion de tenir un vaste débat public. Tout le monde aurait la possibilité d'exprimer son point de vue. Au bout du compte, c'est la population qui déciderait dans quelle voie elle souhaite voir le pays s'engager.
Un député a trop exagéré la façon dont fonctionnent les référendums en disant que nous serions en référendum tous les ans, toutes les cinq minutes. C'est de la foutaise. Je met ce député au défi de nous mentionner un pays dans le monde où les référendums sont pratique commune.
Même la Suisse, où l'on procède à de nombreux référendums chaque mois dans les cantons, ne tombe pas dans l'excès ridicule et absurde évoqué par le député qui parlait de revenir constamment sur les mêmes questions. Les Suisses reviennent certes sur des questions, mais à des intervalles beaucoup plus longs. Il n'est pas inhabituel qu'un changement d'attitude se produise après plusieurs années afin de modifier la politique sur une question dont il est nécessaire de saisir la population à l'occasion d'un référendum. Le fait est qu'un référendum est un excellent moyen pour sonder l'opinion publique. On dispose d'une période suffisante pour discuter de la question.
À l'heure actuelle, il semble sûrement que le public voterait en faveur du rétablissement de la peine capitale. En discutant avec mes électeurs, la majorité d'entre eux étant favorables au rétablissement de la peine capitale, je leur ai demandé quels genres de freins et contrepoids ils adopteraient en cas de rétablissement de la peine capitale. Quels genres de poids et contrepoids adopteraient-ils pour éviter qu'un innocent ne soit condamné à mort par erreur?
La proposition qu'ils font le plus souvent, et elle est excellente, c'est que le jury à un procès pour meurtre ait l'occasion de soupeser toutes les preuves, d'entendre tous les témoignages relatifs aux circonstances du meurtre. Si la peine capitale était rétablie, on propose que le jury ait le pouvoir de recommander cette peine au juge. Ce ne serait pas automatique. La peine capitale serait infligée sur recommandation du jury. Cette proposition règle un des problèmes soulevé par le député, à savoir que les jurés craignent de condamner des gens de cette façon.
C'est une suggestion qui été faite par un de mes électeurs. En pareille situation, la cour amorcerait cette discussion. Si le jury dispose du pouvoir de recommander la peine capitale, le juge servirait alors de contrepoids final en acceptant ou en rejetant la recommandation.
Je me rends compte que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui ne prévoit pas cela. Si nous tenions un référendum, beaucoup de suggestions semblables pourraient être faites. C'est important de s'en souvenir.
Un autre député a dit que la tendance était que de moins en moins de pays étaient en faveur de la peine capitale. Aux États-Unis, notre plus proche voisin, de plus en plus d'États rétablissent la peine capitale. Dans une bonne partie des États-Unis, on tente, de façon croissante, d'appliquer la ligne dure contre le crime. Les autorités judiciaires sont de plus en plus sévères en matière de criminalité, et cela donne des résultats.
Par exemple, à New York, le commissaire de la police, qui est élu aux États-Unis, a décidé il y a quelques années d'appliquer une politique de tolérance zéro à l'égard de la criminalité juvénile et de la criminalité en général dans le métro. Il a ordonné aux agents d'arrêter les contrevenants, qu'ils ne fassent que cracher sur le trottoir ou dessiner des graffitis. Après quelques mois d'application de cette politique, les trafiquants de drogues, les meurtriers, les violeurs ont compris le message et que leurs crimes ne seraient pas tolérés, de sorte que la criminalité a diminué radicalement dans le métro.
Il en est résulté, notamment, que ce commissaire de police a été élu maire de New York. Une fois maire, il a fait adopter des contrôles plus rigoureux du crime, ce qui s'est traduit par une baisse du taux de meurtres, qui est tombé d'environ 35 p. 100 en quelque six mois. J'ai vu récemment à la télévision une émission à ce sujet. Une femme, qui vivait dans un des ghettos noirs, a dit que, durant ses 30 années d'existence, il ne s'était pas passé une seule journée sans que des coups de feu ne soient tirés, jusqu'à ce que ce maire soit élu et qu'il ait adopté la politique de la tolérance zéro à l'égard du crime et ait entrepris de faire le ménage dans la société.
La société veut exercer un meilleur contrôle sur l'élément criminel. Je regarde la criminalité chez les jeunes dans ma circonscription, où les graffiti sont de plus en plus fréquents. Je suis au Canada depuis 1979. À Vancouver, les graffitis n'existaient pratiquement pas à cette époque. Lorsque je suis arrivé à Ottawa en 1993, il n'y avait presque pas de graffitis ici non plus. Maintenant, il y en a partout à Ottawa et partout dans ma circonscription.
Si nous adoptions la même politique de la tolérance zéro à l'égard de la criminalité chez les jeunes, nous serions dans une bien meilleure situation aujourd'hui. Ce projet de loi exprime le désir de la population de voir son gouvernement, c'est-à-dire nous, reconnaître leurs préoccupations et adopter la politique de la tolérance zéro à l'égard de ces crimes. Si nous n'intervenons pas pour empêcher des choses comme les graffitis, nous devrons naturellement accepter toutes sortes de crimes graves. Nous avons vu durant le week-end à Victoria, une adolescente de 14 ans qui a été tuée par un groupe de ses pairs. Nous devons vraiment faire comprendre aux gens que nous ne sommes pas prêts à accepter ce genre de crime.
Malgré ce qu'ont affirmé certains députés, les Canadiens semblent s'entendre sur ce point. Ils veulent que nous rétablissions la peine capitale. Le fait est que la Chambre ne répond pas aux préoccupations de ces gens et que les députés qui n'hésitent pas à dire sur un ton arrogant qu'ils défieront la volonté de leurs électeurs ne rendent pas service à ces derniers.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Madame la Présidente, comme toujours, cette question finit par produire un débat assez passionné, même s'il était plutôt court cette fois-ci. Je suis certain que les gens qui nous regardent à la télévision ont remarqué les députés qui lançaient des remarques d'un côté et de l'autre de la Chambre durant le débat.
Dans les cinq petites minutes dont je dispose pour résumer la question, je vais essayer de soulever le plus de points possibles pour réfuter certains des arguments avancés par les députés des autres partis.
Premièrement, il est important de signaler que la députée de London-Ouest et d'autres ont refusé que cette question des plus importantes fasse l'objet d'un vote. Autrement dit, une fois de plus dans cette Chambre, on a refusé que justice soit faite. Je suis d'avis, tout comme beaucoup de députés du Parti réformiste du Canada, que les mesures d'initiative parlementaire devraient toutes être mises aux voix, qu'il s'agisse d'un projet de loi ou d'une motion.
Deuxièmement, j'attire l'attention du public ou de tous ceux qui voudraient suivre le débat et faire quelques recherches à ce sujet, sur le fait que la députée de London-Ouest a repris presque mot pour mot ce qu'avait déclaré, dans le hansard du 14 mai 1996, un de ses anciens collègues, M. Gordon Kirby, qui était alors secrétaire parlementaire du ministre de la Justice.
Une voix: Qu'est-il devenu?
M. Jay Hill: Qu'est-il devenu? Il n'a pas été réélu dans Prince Albert. Je n'affirme pas que sa position au sujet de la peine capitale y était pour quelque chose, mais sa défaite est peut-être en grande partie attribuable au fait que la majorité de ses électeurs ont jugé qu'il ne défendait pas leur point de vue au Parlement. Cela explique peut-être en grande partie sa défaite.
Le député néodémocrate demandait pourquoi il faudrait rétablir la peine capitale s'il était possible d'assurer la sécurité publique autrement. Qu'il aille donc poser la question aux douze familles qui, entre 1986 et 1995, ont perdu des proches aux mains de meurtriers qui avaient été relâchés ou, dans un cas, qui s'était évadé, et qui ont tué de nouveau. Je rappelle au député que lorsqu'il dit cela, certains de ces animaux, car c'est bien ce qu'ils sont, ne seront jamais remis en liberté. De toute évidence, certains d'entre eux sont relâchés parce qu'ils sont des récidivistes.
Quant au député bloquiste, je lui répondrai qu'il est regrettable qu'un de mes collègues et moi-même ayons dû invoquer le Règlement pendant son intervention. Je n'aime pas voir ce genre de chose se produire pendant l'étude des initiatives parlementaires, mais les propos tenus par le député indiquent clairement que le Bloc québécois n'a pas la moindre idée de la raison d'être des initiatives parlementaires.
Essentiellement, une initiative parlementaire, qu'il s'agisse d'un projet de loi ou d'une motion, est une mesure présentée par un simple député. C'est la raison pour laquelle celles qui peuvent faire l'objet d'un vote font l'objet de ce qui est censé être un vote libre à la Chambre des communes. Le vote n'est pas censé être dicté par la ligne du parti. Par conséquent, les observations du député soulignant que nous voulions nous dissocier du Parti réformiste sont sans fondement aucun. J'essaie de représenter mes électeurs, et c'est pourquoi j'avance cette proposition, même si ce n'est pas la politique du Parti réformiste.
Je remarque qu'il me reste seulement une minute. Nous avons eu bien peu de temps pour discuter d'une question aussi importante. Tous les députés de tous les partis ont exprimé le même avis. Il est regrettable que nous n'ayons pas plus de temps, que nous n'ayons pas plus qu'une petite heure pour discuter d'une position qui a l'appui de nombreux Canadiens. Comme on l'a dit sans détours, l'appui au rétablissement de la peine capitale recommence à augmenter après avoir fléchi. Mais, pour répondre à une affirmation du NPD, cet appui n'a jamais été inférieur à 50 p. 100.
Dernier point. Si la majorité des députés n'ont pas le courage de représenter leurs électeurs et de rétablir la peine de mort pour les meurtres au premier degré, je serais certainement en faveur de la position récemment énoncée par Stockwell Day, d'Alberta: relâchons ces bêtes-là dans la population carcérale, qui fera justice.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): L'heure prévue pour l'étude des mesures d'initiative parlementaire est terminée, et l'article est rayé du Feuilleton.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI DE MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION SUR LES MINES ANTIPERSONNEL
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que, après la deuxième lecture, le projet de loi C-22 soit renvoyé à un comité plénier, que la Chambre soit autorisée à examiner ce projet de loi à toutes les étapes durant la séance en cours et que, si elle n'a pas fini d'examiner ce projet de loi à l'heure normale de l'ajournement, elle continue de siéger jusqu'à ce qu'elle ait terminé. Il est aussi convenu que si la Chambre siège au-delà de 18 h 30, il n'y aura ni demande de quorum ni motions dilatoires.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le député présente sa motion?
Des voix: D'accord.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose: Que le projet de loi C-22, Loi de mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, soit lu pour la deuxième fois et, par consentement unanime, renvoyé au comité plénier.
—Madame la Présidente, je suis très heureux ce matin de prendre part avec les députés, à l'examen à l'étape de la deuxième lecture, de cette mesure législative qui vise à mettre en oeuvre la Convention interdisant l'emploi des mines terrestres antipersonnel.
[Français]
Je tiens d'abord à remercier tous les députés de cette Chambre de leur coopération pour l'adoption rapide de cette loi. Je voudrais souligner le fait que tous les partis politiques sont prêts à unir leurs efforts pour adopter ce projet de loi aujourd'hui.
Pour moi, c'est un important témoignage de la nature du Parlement du Canada. Chaque jour, nous avons de grandes différences sur les taxes, l'environnement, la Constitution, etc. Mais lorsqu'il s'agit d'un projet de loi pour sauver les enfants et pour aider des victimes innocentes, nous pouvons travailler ensemble. C'est un message important aux Canadiens et aux Canadiennes et un appel aux Parlements du monde d'agir vivement pour éliminer les mines antipersonnel.
[Traduction]
Le débat d'aujourd'hui est très important. C'est un débat qui rapproche tous les partis, et par là même notre pays qui, d'une seule voix, adresse aux gens du monde entier un message très important, à savoir que nous sommes prêts à prendre des mesures qui, sans exception aucune, épargnera littéralement chaque année des milliers de vies humaines.
Cela fait des années que les députés des deux côtés de la Chambre s'expriment avec éloquence et avec vigueur sur cette question. Je vois aujourd'hui à la Chambre un certain nombre de députés qui ont personnellement défendu cette cause et travaillé activement à sa poursuite.
Il est important que, en tant que Parlement, nous présentions un front uni quand les représentants des divers pays qui seront à Ottawa la semaine prochaine pour signer le traité. Le premier ministre pourra être le premier à remettre au secrétaire général de l'ONU la ratification du traité, ce qui déclenchera la deuxième étape du processus. Il ne s'agit pas d'une simple signature, mais bien d'une ratification. Dans quelques mois à peine, 40 pays auront ratifié le traité, ce qui est le chiffre minimum pour qu'il devienne un texte de loi international ayant force exécutoire à l'égard des pays signataires.
Les origines de ce mouvement sont intéressantes. C'est à l'instance de milliers d'individus à travers le monde qu'il a débuté. C'est un exemple très révélateur du nouveau visage et de la nouvelle réalité de la politique internationale. Les décisions ne sont plus l'apanage exclusif des gouvernements. C'est ce que j'ai appelé les communes mondiales: la nouvelle démocratie s'exerce sur la scène mondiale où les ONG, les organisations civiles et les individus, reliés au fil des ans par la magie des nouveaux systèmes de télécommunication et de traitement de l'information, ont uni leurs efforts pour attirer l'attention des gouvernements sur le fléau qu'est cette arme et sur ses effets pervers.
De toute ma vie, je n'ai jamais rien vu d'aussi révélateur du mal qui anime les hommes que lors de ma visite au Liban il y a une semaine. Je suis allé voir de jeunes enfants hospitalisés dans le sud du Liban. Blessés par des mines qui avaient l'air de jouets, ils sont maintenant infirmes. Ces mines ne sont pas conçues à des fins militaires, mais clairement pour que les enfants les ramassent. Il suffit de la chaleur que dégagent leurs mains pour qu'elles explosent et leur arrachent un membre, notamment un bras.
Nous sommes dans une situation, aujourd'hui, qui nous permet de prendre position contre ce genre de malveillance de l'homme. Ensemble, nous avons demandé, il y a 13 mois, que les pays et les ONG partageant notre point de vue se réunissent à Ottawa pour voir s'il n'y aurait pas moyen de mobiliser l'opinion publique mondiale et profiter de l'effort extraordinaire des ONG.
Nous avons vu clairement que les voies ordinaires ne permettraient pas de parvenir à un résultat. Les couloirs normaux de discussion sur le désarmement aboutissaient à des culs-de-sac. Ils ne permettaient pas d'arriver à des approbations concrètes. C'est à ce stade que nous avons mis au défi les nations du monde de venir à Ottawa, au bout d'un an, pour signer un traité. Dans le premier cas, on peut dire que la réaction en était une de scepticisme et même d'ironie quant à la possibilité que cette démarche réussisse. Ce n'était tout simplement pas ainsi que l'on était censé procéder.
La preuve que nous avions raison c'est que la semaine prochaine nous espérons que plus de 100 États seront représentés à Ottawa pour la signature du traité. Cela montre un sens nouveau de participation du public à la mise en place d'une nouvelle initiative importante au niveau international. C'est maintenant une des causes les plus fortes, les plus importantes et les significatives de notre époque.
C'est est un hommage aux députés et un témoignage de leur travail dans les différentes associations parlementaires de par le monde. Je pense aux résolutions adoptées par des groupes comme l'UIP, l'assemblée de l'OTAN et d'autres. Les députés ont aussi fait leur part pour mobiliser l'opinion. Dans certains cas ce sont les systèmes parlementaires qui ont joué leur rôle. Il appartient maintenant aux parlements de ratifier ce traité.
Il est important de noter que ce que l'on a qualifié de processus d'Ottawa n'est pas simplement la signature d'un morceau de papier. Ce n'est pas simplement le fait qu'il y ait un traité. C'est le fait que divers pays viendront ici, non seulement pour montrer qu'ils adhèrent à la nouvelle convention, mais aussi pour s'engager activement dans les discussions sur la façon de la faire appliquer. Ce que l'on peut maintenant appeler le deuxième processus d'Ottawa est conçu pour réunir les pays, pour mobiliser les ressources en vue du déminage et pour utiliser pour le déminage les efforts qui étaient consacrés à la pose de mines.
Il y a 110 millions de mines terrestres dans le monde, lesquelles font entre 600 et 800 blessés par mois, dans 80 p. 100 des cas des civils, des enfants ou d'autres innocents.
Qu'on me permette de citer un autre cas que j'ai vu de mes yeux vus quand je me trouvais au Golan la semaine dernière. Nos casques bleus, comme leurs confrères autrichiens et japonais, doivent accomplir leurs missions dans une zone où les mines n'ont pas été repérées de sorte que chaque pas peut être fatal.
La semaine précédant mon arrivée, un jeune soldat autrichien a d'ailleurs perdu une jambe. C'est la preuve que ces armes présentent un danger non seulement pour les gens vivant dans le voisinage de champs de mines mais également pour nos casques bleus, où qu'ils soient dans le monde.
Voilà pourquoi nos militaires et les Forces canadiennes ont joué un rôle actif au Cambodge et en Bosnie, par exemple, dans l'élimination des mines terrestres.
Je pense que les membres du Comité des affaires étrangères qui viennent de rentrer au pays après un séjour en Bosnie peuvent témoigner du fait que la présence des mines terrestres empêche ce pays de se développer à nouveau, de se refaire une santé sur le plan économique, pour la simple raison que chacun craint que chaque pas soit le dernier. Qui oserait procéder aux semailles quand on sait que la charrue peut heurter une mine terrestre et vous tuer ou à tout le moins vous estropier à vie?
Le double objectif de la conférence d'Ottawa est d'amener les pays à signer le traité et de mobiliser les ressources financières, techniques et politiques nécessaires afin que l'on puisse procéder à l'élimination complète des mines terrestres dans le monde, favoriser la réadaptation des victimes et, plutôt que de se contenter de remplacer leurs membres par des prothèses, leur permettre d'aspirer à une conception plus saine de la vie.
En effet, il n'y a rien de plus important pour un jeune enfant qui a été estropié par une mine terrestre que de faire en sorte qu'il puisse croire à nouveau que la vie vaut la peine d'être vécue et que le monde des adultes se préoccupe de son sort, tout en aidant les pays qui ont été saccagés par les mines terrestres à amorcer une lente reprise de leur développement. Certes, les choses ne s'amélioreront pas du jour au lendemain.
Cela prendra des années, mais nous pouvons faire en sorte que les conférences comme celle qui aura lieu à Ottawa la semaine prochaine servent de catalyseurs pour amener les pays à s'engager à consacrer des ressources financières et autres à la tâche massive qu'est l'élimination des mines terrestres.
Certains ont fait remarquer—et il fallait s'y attendre—que le traité sur les mines terrestres n'a pas l'aval de grandes nations comme les États-Unis, la Chine et l'Inde, mais il convient de noter que ses effets se font déjà sentir.
C'est ainsi que la Chine a déclaré un moratoire sur les exportations de mines terrestres, tout comme les États-Unis d'ailleurs. Dans ses discussions avec le président Eltsine, en Russie, le premier ministre a confirmé que ces pays continueraient d'appliquer un moratoire et qu'ils seraient peut-être prêts à venir signer l'entente.
Il est intéressant de noter que même des pays qui sont encore en conflit d'une certaine façon, la Syrie et Israël, se sont engagés à venir à la conférence elle-même pour commencer à trouver des façons de participer à ce mouvement très large pour débarrasser le monde des mines terrestres.
Je ne m'attends pas à des miracles. Je ne m'attends pas à ce que les intéressés trouvent leur chemin de Damas, mais ces pays-là seront présents. Ils participeront aux discussions, aux pourparlers.
Là encore, j'encourage mes collègues à la Chambre, qui auront l'occasion de rencontrer ces délégués et de leur parler, à rechercher des façons dont nous pouvons travailler ensemble avec beaucoup de ces pays pour entreprendre des projets dans le cadre desquels nous pouvons aider à déminer le plateau du Golan ou à éliminer les sources de conflits à Chypre et dans d'autres pays, où les mines elles-mêmes sont devenues partie intégrante du problème.
Il est également vrai de dire qu'on devra effectuer beaucoup de travail pour élaborer des techniques plus efficaces pour se débarrasser des mines terrestres. Rien n'est plus primitif pour moi que de regarder une opération de déminage où des gens formés à cette fin sont dans le champ littéralement avec une tige de métal qu'ils enfoncent lentement dans le sol dans l'espoir que la tige ne déclenchera pas le mécanisme de détonation de la mine et qui ont ensuite la tâche très ardue de dégager lentement les mines en question.
Je crois qu'il y a, en ce qui concerne notre propre excellence technique dans les pays du monde entier, la capacité et la volonté de mettre au point de nouveaux moyens grâce auxquels nous pourrons commencer à éliminer ces mines et à aider les pays touchés.
Je vais vous donner un exemple qui j'ai trouvé tout à fait incroyable. Je pense qu'il est probablement bien connu qu'on a publié dernièrement un livre intitulé Aftermath qui parle des conséquences de la guerre et de ce qui en découle.
La France, l'un des pays les plus avancés et les plus civilisés du monde, est toujours engagée, 75 ans après la Première Guerre mondiale, dans une campagne active de déminage de 16 millions d'hectares de certaines des terres les plus fertiles de France dans lesquelles on retrouve encore des munitions laissées après la Première Guerre mondiale.
Des gens perdent la vie chaque année dans le cadre de ces activités de déminage 75 ans plus tard. Pensez à ce que cela signifie, si la France est confrontée à un tel problème. Qu'en est-il en Angola, au Cambodge ou au Nicaragua, ces pays qui sont loin d'avoir les mêmes ressources, les mêmes capacités, pour entreprendre des efforts de ce type? Nous avons une occasion, avec la réunion qui se tiendra la semaine prochaine à Ottawa, de rappeler aux pays présents qu'un traité, ce n'est qu'une première étape. L'étape suivante est d'appliquer le traité, de faire en sorte qu'il veuille dire quelque chose, de prévoir les moyens et les ressources nécessaire à son bon fonctionnement.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui nous offre un moyen de nous assurer que, en vertu de la loi canadienne, nous soyons en position d'appliquer intégralement le traité. Le projet de loi C-22 a plusieurs objectifs importants.
Il interdit la production, l'emploi, le stockage et le transfert de mines antipersonnel au Canada. Il exige la destruction de toutes les mines antipersonnel, sauf à des fins d'entraînement. Il établit des dispositions concernant les mesures de vérification prévues dans la convention pour assurer le respect de la convention.
Le projet de loi C-22 criminalise, en vertu du droit canadien, les activités interdites en vertu de la convention. Le texte de la convention est annexé au projet de loi, ce qui démontre le lien direct entre le projet de loi C-22 et le traité que nous allons défendre la semaine prochaine à Ottawa.
La mesure législative a été conçue très rapidement. En l'examinant davantage, nous avons trouvé important de régler quelques préoccupations relativement à l'application de la charte. Dans ce contexte, nous présenterons un amendement au paragraphe 11(2) qui garantira le respect de la charte pour les personnes qui doivent fournir de l'information au gouvernement concernant l'acquisition ou la possession de mines terrestres.
Le projet de loi tient compte ainsi des problèmes qu'on pourrait avoir relativement à la charte, dans les cas où il faut émettre un mandat pour donner accès à des installations privées ou à des résidences de manière à permettre de découvrir les faits. Nous pourrons alors profiter encore une fois de la protection de nos tribunaux, comme le prévoit notre Code criminel, pour nous assurer qu'on n'enfreindra pas les dispositions sur les droits de la personne.
Le projet de loi et la convention présentent de légères différences à certains égards. Nous avons modifié les définitions des mots «mine» et «mine antipersonnel» pour les rendre plus précises en vertu de la loi canadienne. Ce changement ne vise nullement à affaiblir ces définitions. En fait, il les renforce, pour que l'interprétation des tribunaux soit plus claire et plus efficace. Ces définitions sont plus radicales que celles qui sont utilisées dans la convention.
Le projet de loi prévoit aussi des dispositions exonérant les mines correctement désactivées qui peuvent, par exemple, être exposées dans un musée ou gardées en souvenir. Il exempte aussi les membres des Forces canadiennes, les agents de la paix ou les fonctionnaires compétents qui peuvent devoir posséder temporairement des mines antipersonnel dans le cadre de leur travail. Ils peuvent en transporter, par exemple, lorsqu'ils les amènent vers un lieu de destruction.
Au pays, ce projet de loi établit la base juridique qui permettra de veiller à ce qu'il n'existe jamais de mines au Canada. En transformant ce projet de loi en loi, nous officialisons notre engagement à demeurer à tout jamais absents de l'industrie des mines antipersonnel et nous appelons tous les autres pays à faire de même. Nous donnons vraiment l'exemple en étant le premier pays à ratifier cette convention. Ce geste accélérera le processus de ratification par les 39 autres pays dont la signature est essentielle à l'entrée en vigueur de la convention.
Le compte à rebours peut commencer dès aujourd'hui, alors que nous nous apprêtons à adopter le projet de loi qui fixe la mesure et les normes à suivre pour tous les autres pays.
Le processus peut être amorcé en cette Chambre dès maintenant. Je n'utilise pas ces mots à la légère, je crois vraiment que nous vivons un moment déterminant pour le pays, pour la Chambre des communes et pour le Parlement du Canada en accomplissant, encore une fois, un grand geste de leadership. Nous avons l'occasion de démontrer notre dévouement envers la paix, la lutte contre la souffrance et le soutien au bien-être des enfants dans les pays accablés par les mines.
Je demande donc à tous les députés à la Chambre de se joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-22, comme ils l'ont déjà fait dans le passé, lorsque tous les députés de tous les partis au Parlement ont manifesté leur coopération, leur participation et, dans bien des cas, leur passion et leur engagement.
Il est intéressant de constater que la façon la plus efficace et la plus éloquente d'expliquer l'objectif et la réalité de ce que nous faisons vient souvent, non pas de parlementaires chevronnés, mais plutôt de la bouche des enfants. Jeudi dernier, j'ai participé à Toronto à un événement de l'UNICEF où de jeunes enfants de l'école Ancaster s'étaient réunis pour lancer un nouvel enregistrement vidéo traitant des mines terrestres, qui sera expédié à toutes les écoles du Canada et même à des écoles du Cambodge.
Ces jeunes élèves de quatrième année ont entrepris de leur propre chef de rédiger un traité. Il convient que je termine mon discours de présentation en rappelant ce que ces jeunes m'ont dit lorsqu'ils m'ont présenté ce traité. Il s'agit d'une déclaration des droits des enfants qui vivent dans des pays où il y a des mines antipersonnel. Voici les mots qu'ils ont employés:
«Les enfants ont le droit de savoir à quoi ressemblent les mines antipersonnel et de se renseigner à leur sujet.
Les enfants ont le droit de savoir où se trouvent les mines antipersonnel.
Les enfants ont le droit de se trouver dans un endroit exempt de mines antipersonnel.
Les enfants ont le droit de ne pas se faire taquiner lorsqu'ils sont blessés par des mines antipersonnel.
Les enfants ont le droit de recevoir le meilleur traitement médical possible, sans frais pour leur famille.
Les enfants ont le droit de bénéficier d'une surveillance.
Les enfants ont le droit de s'amuser et d'être respectés, même lorsqu'ils sont blessés.
Les enfants ont le droit de jouer et de ne pas être blessés.
Les enfants ont le droit de fréquenter l'école, même s'ils sont blessés.»
Les enfants de l'école Ancaster m'ont demandé d'apporter ce traité des enfants sur les mines antipersonnel à la Chambre des communes pour en faire part à mes collègues. Il montre que cette génération croit que le Canada peut changer les choses.
Je recommande le projet de loi C-22 aux députés de la Chambre. Je leur demande d'en faciliter l'adoption rapide et de dire au reste du monde que le Canada continuera de prêcher l'exemple pour faire en sorte que le monde soit exempt de mines antipersonnel pour les enfants qui ont rédigé ce traité et qui se font les porte-parole des enfants du monde entier.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, je suis fier de me faire le porte-parole du Parti réformiste pour appuyer le projet de loi C-22. Ce projet de loi constitue un exemple de ce que la Chambre peut faire lorsque les députés collaborent sur une question qui est importante aux yeux des Canadiens. Il s'agit d'une question que nous défendons en tant que pays. Elle est au coeur même de notre identité en tant que Canadiens. Le Canada est un pays épris de paix, un pays épris de justice et un pays qui aspire à bâtir un monde meilleur pour tous.
Le projet de loi C-22 est un exemple de ce que la Chambre peut faire à l'avenir. Le Parti réformiste appuie cette initiative depuis le tout début. J'espère que ce projet de loi sera un exemple de ce que le gouvernement et la Chambre pourront faire à l'avenir à l'égard de la politique étrangère, car les mines antipersonnel ne constituent qu'une petite partie du problème plus vaste que sont les conflits et leur prévention en cette fin du XXe siècle.
Je sais que le ministre des Affaires étrangères et ses collaborateurs sont désireux d'aller au-delà de ce projet de loi pour élaborer une politique étrangère qui traite non pas de la gestion des conflits, mais de leur prévention. En matière de politique étrangère, nous sommes à l'aube d'une ère où le Canada pourra exercer son pouvoir de persuasion pour amener les nations animées des mêmes sentiments que lui à bâtir un monde plus pacifique.
Ce ne sont pas des paroles creuses. Elles renferment plutôt des solutions pragmatiques que nous pouvons appliquer en politique étrangère.
Permettez-moi de vous raconter comment j'en suis venu à m'intéresser à cette question. J'ai travaillé en Afrique australe, à la frontière du Mozambique, au milieu des années 80 et au début des années 90. À l'époque, le Mozambique était l'un des pires pays au monde. Cette nation était déchirée par les guerres civiles; son territoire, garni de mines.
L'hôpital était situé à 20 kilomètres de la frontière. En tout, 50 000 réfugiés avaient traversé la frontière à la recherche d'une vie meilleure, d'un refuge sûr. Tragiquement, certains d'entre eux ont perdu une jambe.
En 1992, je suis retourné à cet hôpital pour rendre visite à mon ancien patron. J'ai pu discuter avec lui pendant quinze minutes avant qu'on vienne nous prévenir que quelqu'un venait de mettre le pied sur une mine. Nous nous sommes rués vers la salle d'urgence, puis ensuite directement vers le bloc opératoire. Tout cela est encore frais à ma mémoire.
En arrivant au bloc opératoire, nous avons aperçu un jeune Mozambicain de 18 ans, encore très conscient, qui était assis et qui regardait le bas de son corps. Sa jambe était déchiquetée, son pied, complètement tordu, la plupart des muscles, des tendons et de la chair, arrachés. Il avait reçu des éclats de métal dans l'aine et dans le bas-ventre. Malgré tout, il était fort conscient de ce qui lui arrivait.
Il quittait le Mozambique pour aller s'installer en Afrique du Sud, où il espérait trouver un avenir meilleur, plus sûr. Il voulait travailler et vivre en paix. Mais ce jour-là il a fait un pas et entendu un déclic qui a changé à jamais le cours de sa vie.
Ce jeune homme n'est qu'un des 30 000 êtres humains partout dans le monde qui ont silencieusement mis le pied sur un de ces dispositifs et qui ont sauté. Certains en meurent, mais de nombreux survivent dans la pauvreté, l'insécurité et leur vie n'a rien à voir avec ce qu'elle aurait pu être.
Dans le cas de ce jeune homme, il devra vivre avec une seule jambe. Nous avons mis trois heures pour amputer sa jambe au-dessus du genou. Il aura probablement besoin d'autres opérations chirurgicales à cause d'infections, de sorte que l'amputation n'est pas terminée. Il a eu la chance de ne pas être blessé plus haut ou de ne pas avoir marché sur une mine antipersonnel plus grosse. Il arrive souvent que les jambes soient arrachées à la hanche.
Comme le ministre l'a mentionné et aussi incroyable que cela puisse paraître, certains de ces dispositifs sont conçus comme des jouets. Certains ont la forme de papillons. Naturellement, les enfants sont portés à les ramasser et se font arracher les bras. Leur but n'est pas de tuer, mais de mutiler.
La logique perverse qui sous-tend ces dispositifs, c'est que ces engins ne doivent pas tuer, ce qui serait trop simple. Ils doivent mutiler. Ainsi, la personne mutilée rappelle constamment à la société ce que les mines, l'opposition, l'ennemi peuvent faire.
Ces mines représentent une perte financière constance pour la société. Elles laissent un souvenir constant et illustrent constamment la peur qui existe dans la société. Les victimes ne sont ni des combattants, ni des guerriers, ni des soldats. Ce sont des membres de la population. Les mines terrestres ne sont pas conçues afin de combattre contre des soldats, contrairement à ce qu'on croit habituellement. Les mines terrestres ont pour objet de terroriser des civils innocents. Ces armes doivent inspirer la terreur. D'une façon générale, elles ne font pas partie des armes utilisées par des militaires.
Pour donner une idée des fins auxquelles elles sont destinées, je dirai que j'ai vu, quand j'étais au Mozambique, que ces mines étaient placées autour des champs, autour des puits d'eau potable. On les installait dans les champs pour faire payer les gens et pour les forcer à prêter allégeance à un groupe en particulier. S'ils refusent, ils risquent de sauter sur les mines et sont incapables de se nourrir.
Les mines sont aussi utilisées par les guérilleros. Les guérilleros utilisent les mines pour faire sauter des barrages ou des réservoirs d'eau potable. Les mines n'ont pas servi à de justes fins militaires dans les années 1990, contrairement à ce qu'on croit généralement.
Le comité international de la Croix-Rouge l'a démontré de manière très concluante, et nous lui sommes redevables d'avoir travaillé d'arrache-pied pour nous renseigner et pour contredire les informations selon lesquelles les mines terrestres étaient des outils de guerre utiles à la fin du XXe siècle. Il n'en est rien. L'utilité des mines est le principal argument qui a été invoqué pour dénoncer la démarche actuelle. On a dit qu'elles servaient à des fins militaires. Ce n'est pas vrai. Ce sont des armes qui servent à terroriser la population, et c'est pour cette raison que le projet de loi dont nous sommes saisis propose leur interdiction.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner la contribution très importante de citoyens canadiens, de membres de la communauté internationale et, en particulier, le travail exceptionnel que Mines Action Canada a accompli pour faire avancer ce dossier depuis quatre ans.
Les réformistes se sont intéressés à la question d'entrée de jeu, car nous avons présenté à ce sujet des projets de loi d'initiative parlementaire dès le début de 1995; aussi, nous nous sommes réjouis lorsque M. Ouellet a donné son appui et nous avons été heureux de soutenir cette initiative lorsque le ministre des Affaires étrangères a appuyé l'idée et qu'il a amorcé le processus à Ottawa.
Des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères comme Jill Sinclair, Bob Lawson et Ralph Lysyshyn ont fait un travail exceptionnel pour faire avancer le dossier au sein du ministère et à l'échelle internationale. Je dois aussi ajouter que les Canadiens peuvent être fiers du travail qu'ils ont accompli à Oslo.
Les Américains ont essayé de diluer la teneur du traité. Ils ont tenté de le faire afin que le traité comporte d'énormes failles qui l'auraient rendu sans valeur. Au lieu de cela, les fonctionnaires canadiens du ministère des Affaires étrangères ont mené une offensive et ont réussi à rallier l'appui d'autres pays afin que nous puissions être fiers du projet de loi qui a été élaboré à Oslo, afin qu'il soit solide et que, pour une fois, il soit efficace à interdire les mines terrestres. C'est quelque chose dont nous, en tant que Canadiens, pouvons être très fiers.
Je vais prendre quelques minutes pour montrer l'ampleur du problème des mines terrestres. Plus de 30 000 mines terrestres sont enfouies partout dans le monde. Elles causent des dommages absolument horribles dans certains pays. En Angola, une personne sur 270 est victime d'une mine terrestre, et le nombre est semblable au Cambodge.
Mais ce n'est pas tout. Les mines terrestres peuvent rester enfouies dans le sol pendant plus de 50 ans. Comme le ministre l'a mentionné, il y a encore aujourd'hui en France des accidents causés par des mines terrestres. C'est en Égypte qu'on trouve le plus de mines terrestres. Ces mines, qui ont été mises en place durant la Seconde Guerre mondiale, continuent d'exploser et de blesser des gens chaque jour. Les mines terrestres restent aussi enfouies dans le sol et causent des dommages économiques énormes à des pays qui n'ont pas besoin de cela.
N'oublions pas que la plupart de ces mines terrestres se trouvent dans des pays qui sont parmi les plus pauvres du monde. Ces mines restent enfouies pendant plus de 50 ans, empêchant les pays de se relever sur le plan économique. C'est devenu un problème tellement grave en Angola et au Mozambique que des civils innocents sont prêts à s'aventurer dans des endroits minés pour labourer leurs champs afin de pouvoir se nourrir. C'est devenu un choix entre courir le risque de se faire tuer ou mutiler par une mine ou mourir de faim. Voilà la triste réalité. Voilà le triste choix que certains des gens les plus pauvres du monde doivent faire chaque jour. Nous devrions avoir honte que ces engins aient été construits au départ et qu'ils soient semés partout comme ils le sont depuis plus de 80 ans.
Les coûts sont énormes. En Croatie, des milliers et des milliers d'hectares sont minés, ce qui coûte un quart de milliard de dollars chaque année en perte de productivité. Des pays comme l'Angola, le Cambodge et la Tchétchénie sont tellement minés qu'il leur faudra des années pour rétablir leur économie.
Le coût global du déminage est estimé à plus de 50 milliards de dollars par an. La fabrication de ces engins ne coûte que de 7 $ à 30 $ l'unité. Mais il faut dépenser de 300 $ à 1 000 $ pour les enlever. Ces coûts ne seront pas assumés par les pays qui ont été minés, mais par la communauté internationale. Les pays n'ont pas l'argent qu'il faudrait. C'est pourquoi le projet de loi est si important et a été adopté aussi rapidement, ce dont les Canadiens peuvent être fiers.
Le processus a débuté il y a quatre ans. Si on tient compte du temps qu'il faut d'habitude au niveau international, le traité a été élaboré à la vitesse de l'éclair. Il y a des enseignements intéressants à tirer de cette expérience. Tout d'abord, notre pays ne voulait pas se contenter d'un traité élaboré par consensus. Le plus souvent, quand on élabore un traité de cette manière, on obtient un résultat futile, un traité qui ne vaut même pas le papier sur lequel il est écrit, parce qu'il y a tellement d'échappatoires qu'il devient inapplicable.
Nous ne nous sommes pas contentés d'une solution de deuxième choix. Nous avons opté pour ce que la majorité des pays du monde pourraient appuyer. Nous avons donc une traité qui a du mordant, pour changer. Nous avons aussi fixé un délai. Il y a un an, le ministre a dit que, en décembre prochain, nous nous entendrions sur un traité. C'est une initiative que les réformistes peuvent appuyer sans aucune réserve.
Nous en avons plein le dos des traités dont l'élaboration prend des dizaines d'années, alors que nous savons que la majorité les appuie. Pendant que nous tergiversons sur une foule de détails, des pays s'en vont à vau-l'eau, des économies sont détruites et, même chez nous, il y a un prix à payer.
Même lorsque les guerres ont lieu à l'autre bout du monde, nous devons payer le prix. Les guerres obligent des personnes à chercher refuge ailleurs. Comme nous avons signé la convention sur les réfugiés, nous avons l'obligation de les accueillir chez nous. Ces réfugiés pathétiques qui préféreraient rester chez eux attendent de nous un secours. L'intégration d'un seul réfugié coûte 75 000 $ aux contribuables. Ces coûts doivent être assumés par nos programmes sociaux déjà surchargés. Nos budgets de défense doivent aussi assumer des coûts considérables.
Résultat, nous mettons également la vie de nos soldats en danger. Les mines antipersonnel ont fait énormément de victimes non seulement dans des pays éloignés, mais encore parmi nos propres troupes. Les gardiens de la paix craignent beaucoup plus les mines antipersonnel que les balles des francs-tireurs. D'ailleurs, la majorité des pertes au sein de nos troupes ont été causées par des mines antipersonnel.
Prenons, par exemple, le cas tragique d'un gardien de la paix dont les parents vivent dans le nord de l'île de Vancouver. Leur fils a été déchiqueté par une mine antipersonnel dans l'ancienne Yougoslavie. Ils ont travaillé très fort pour attirer notre attention sur cette question. C'est un coût que nous devons tous assumer.
En outre, quand des pays tentent de se remettre sur pied, nos budgets d'aide et de développement entrent en jeu dans les efforts de déminage et de reconstruction des sociétés et de leur économie mises à mal par la guerre, et les mines antipersonnel contribuent à cette destruction continue de leur économie.
Le processus d'Ottawa est important parce qu'il marque une nouvelle coopération entre les ONG et le gouvernement. Nous ne devons pas laisser ce processus mourir. Car, dans ce processus réside l'espoir d'appliquer les leçons apprises à d'autres initiatives de politique étrangère à venir.
De 1945 à 1985, la communauté internationale est passée d'un conflit à l'autre. Nous avons vu les germes de conflits futurs se développer sous nos yeux. Au Rwanda, dans l'ancienne Union soviétique, au Cambodge, en Birmanie, en Amérique centrale, la guerre a fait rage et les conflits intestins ont détruit une foule d'économies et coûté des millions de pertes de vies humaines.
Nous vivons dans un monde où les règles sont fondées sur l'ordre mondial créé après 1945. Ce monde a changé. Entre 1945 et 1985, les Nations Unies ont mis sur pied six opérations de maintien de la paix qui ont coûté environ 3 milliards de dollars. Depuis 1985, nous avons connu plus de 26 de ces opérations.
L'après-guerre froide a fait naître une nouvelle ère, un nouvel ensemble de règles et une nouvelle série de défis. Nous ne nous sommes pas montrés à la hauteur de ces défis. En fait, nous avons échoué lamentablement.
Au lieu de tenter de prévenir les conflits, nous avons essayé de les gérer avec tous les coûts que cela représente. Nous avons regardé éclater des pays sous nos yeux et laissé tuer des millions de gens, détruire des économies et semer les germes du malaise et de la haine ethniques pour des générations à venir.
C'est un châtiment que nous devrons tous payer. Il est grand temps de commencer à reconnaître que la gestion des conflits n'est plus acceptable en politique étrangère. Nous devons envisager de prévenir les conflits et modifier notre politique étrangère pour mettre l'accent sur la prévention plutôt que sur la gestion des conflits.
C'est là que le processus d'Ottawa peut intervenir. La communauté des ONG est habituellement le premier groupe sur place à observer les signes précurseurs de conflit, la rapide militarisation injustifiée, les violations des droits de la personne et l'effondrement des structures gouvernementales et judiciaires. Ce sont tous là des faits dont les ONG sont témoins. Elles communiquent souvent leurs voeux aux structures gouvernementales, mais elles se heurtent à l'inertie habituelle existant au sein des administrations et plus particulièrement au sein des administrations internationales.
Nous avons payé le prix de cette inertie, de cette inaction. Ceux qui vivent très loin ont payé un prix beaucoup plus élevé. Nous devons changer cette façon de penser.
Il est important de nous servir de la communauté des ONG qui ont participé au processus d'Ottawa comme d'un système d'alerte rapide qui peut identifier les pays sur le point d'éclater, identifier les signes précurseurs de conflit, et canaliser cette information directement vers une organisation centrale. Le choix le plus logique serait peut-être le centre de gestion de crise de l'ONU, à New York. On a beau dire ce qu'on veut au sujet de l'Organisation des Nations Unies et de ses lacunes, c'est peut-être le meilleur choix que nous ayons aujourd'hui. Même si l'ONU était supprimée ou s'effondrait, il faudrait créer quelque chose pour la remplacer. Il y a là un autre défi, auquel je reviendrai peut-être plus tard au cours de mon allocution, à savoir la restructuration et la réorganisation des Nations Unies.
Le centre de gestion de crise de l'ONU pourrait recueillir toute l'information qui lui est présentée en tant qu'organisation d'alerte rapide, puis la transmettre directement aux Nations Unies. Il doit ensuite y avoir un groupe de réactions par la communauté internationale pour répondre à ces précurseurs. Ces réactions pourraient être des initiatives diplomatiques, des initiatives d'édification de la paix et la diffusion d'une information positive pour réfuter la propagande qui est souvent utilisée au début d'un conflit.
Dans les conflits, depuis celui du Rwanda jusqu'à celui de l'ancienne Yougoslavie, un outil que favorise un petit nombre de personnes consiste à diffuser de la propagande négative pour faire passer un autre groupe pour le mal incarné. Comme Michael Ignatieff l'a déjà dit dans un de ses articles, ces groupes sont souvent très similaires, mais ils se nourrissent du narcissisme des différences. Ils prospèrent en noircissant les petites différences qui existent entre divers groupes ethniques. Ce faisant, ils polarisent les groupes ethniques, ce qui leur permet d'engendrer la peur, la haine, l'exécration et, au bout du compte, la guerre.
Ce cycle doit et peut être brisé. Une fois que les précurseurs sont cernés, la propagande positive peut entrer en jeu. En fait, l'ONU a déjà le pouvoir de faire cela au moyen des radios à ondes courtes et des instruments de communication dont elle dispose. Il est extrêmement important que l'ONU s'implique par des initiatives diplomatiques et de la propagande positive.
En outre, un outil qui n'est pas souvent utilisé est l'outil économique. Beaucoup de ces pays comptent sur les institutions financières internationales pour survivre. Ils utilisent aussi les sommes fournies par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et d'autres IFI pour se militariser à outrance et déclencher des conflits. L'argent est le nerf de la guerre. On ne peut pas faire la guerre sans argent. Dans ce cas, coupons donc l'approvisionnement d'argent.
Les IFI peuvent servir non seulement de bâton, mais aussi de carotte. Elles servent de bâton lorsqu'on refuse l'octroi de nouveaux prêts, qu'on empêche les pays de renégocier des prêts, des sommes et des subventions et qu'on exige, au besoin, le remboursement de prêts. Nous pouvons aussi nous en servir pour geler les actifs des dirigeants qui sont engagés dans des activités faisant courir des risques à leurs peuples.
Nous pourrions geler les actifs de dirigeants comme Mobutu Sese Seko, décédé récemment, qui était un des hommes les plus riches du monde. Et pourquoi pas ceux de Daniel Arap Moi, du Kenya, lorsqu'il se lance dans des opérations visant à exterminer différents groupes ethniques de son pays ou lorsqu'il essaie de dresser les Kalenjins contre les Masais ou les Masais contre les Kikuyus. De telles opérations peuvent être arrêtées si on agit sur les responsables, qui sont souvent un noyau restreint.
Les institutions financières internationales pourraient aussi tendre des carottes. En prêtant de l'argent pour monter des opérations de maintien de la paix entre différents groupes, en soutenant des initiatives de pacification, en soutenant des activités qui rapprochent des groupes, en accordant des micro-prêts à des groupes minoritaires pour les aider à consolider leur position économique, en récompensant les efforts de ceux qui établissent des structures favorisant le bon gouvernement et la paix dans un pays, nous pouvons aider à éliminer les précurseurs de la guerre.
La tâche est énorme et il nous faudra des organismes comme les ONG et les gouvernements pour l'accomplir. Lorsqu'une nation-État doit assumer un rôle, je crois qu'aucune autre ne peut mieux le faire que le Canada. Le Canada ne s'ingère pas, il organise.
Au XXe siècle, à l'aube du XXIe, il y a un vide dans la politique extérieure. Deux superpuissances se surveillaient l'une l'autre en s'appuyant sur leurs arsenaux nucléaires respectifs et en souscrivant à la notion absurde de destruction mutuelle. Le monde a changé. Le monde bipolarisé autour de ces deux superpuissances s'est libéré et les groupes ethniques tenus à l'écart et nourrissant des haines les uns pour les autres ont brisé leurs chaînes et des conflits ont éclaté.
Des pays comme les États-Unis et bien d'autres membres du Conseil de sécurité ne peuvent pas être ceux qui amèneront au dialogue. Ils sont perçus à tort ou à raison comme impérialistes ou bien ils traînent avec eux un bagage colonialiste.
Le monde cherche un nouveau groupe pour amener les nations à se parler. Je crois que la responsabilité incombera aux puissances moyennes comme l'Autriche, l'Australie, le Costa Rica, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et le Canada. Beaucoup de ces nations travaillent dans l'isolement à des initiatives de pacification. Il serait plus efficace pour ces pays de travailler ensemble de façon multilatérale, mais aucun ne veut assumer le leadership pour faire en sorte qu'un rapprochement s'opère.
Le Canada pourrait s'en charger. Nous avons prouvé, dans le dossier des mines antipersonnel, que nous avons le pouvoir de persuasion voulu. Nous avons prouvé, par nos efforts de maintien de la paix qui ont mérité un prix Nobel de la paix, que nous savons créer un consensus international en faveur de la consolidation de la paix. Nous avons les compétences diplomatiques nécessaires. Nous avons les employés du ministère des Affaires étrangères. Et nous avons, sur la scène internationale, une réputation sans égal ou presque. Il y a aussi l'aspect de la sécurité, et nous entretenons des rapports avec des gens de la ceinture du Pacifique à l'Europe et jusque dans des régions situés plus au sud. Nous sommes dans une position enviable pour nous acquitter de cette tâche.
À l'approche du tournant du siècle, je peux seulement faire le souhait que le ministre travaille en collaboration avec ses homologues de pays tels que ceux que j'ai mentionnés. Il pourrait leur demander de venir assister à un petit sommet, un sommet des puissance moyennes, au Canada. Il pourrait réunir ces pays, mettre cartes sur table et déterminer ce que chacun fait dans le domaine de la consolidation de la paix.
J'étais en Norvège lors de la signature du traité d'Oslo sur les mines antipersonnel. Je me suis entretenu avec des parlementaires d'autres pays, dont la Norvège. Je voulais m'informer de ce qui se faisait dans leur pays. J'ai découvert un fait remarquable: ce qu'ils font ressemble beaucoup à ce que nous faisons. Dommage que nous le fassions chacun de notre côté. Ensemble, nous pourrions faire avancer plus vite le dossier de la politique étrangère internationale. La démarche proposée favoriserait la coopération et la communauté d'esprit.
Je demande donc au ministre des Affaires étrangères, aux députés ministériels et aux députés d'unir leurs efforts dans ce sens. C'est la seule façon de faire en sorte que soient apportés les changements nécessaires pour que cesse l'inertie bureaucratique internationale en matière de politique étrangère internationale. Nous pourrons alors nous pencher sur les questions de sécurité qui nous touchent tous. Lorsque je parle de questions et de défis en matière de sécurité, je songe non seulement aux dangers d'ordre militaire, mais aussi aux menaces à l'environnement. Ces dangers englobent nos problèmes au pôle nord, les risques nucléaires et les menaces à l'environnement comme tel. Toutes ces questions nécessitent une coopération à l'échelle internationale.
En travaillant de concert avec six à dix pays, nous pouvons constituer le noyau de base qui, en diffusant le même message à travers le monde, suscitera d'autres adhésions, comme dans le cas de l'initiative d'Ottawa. Au début, il n'y avait pas 100 pays qui voulaient interdire les mines antipersonnel. Le processus a démarré avec une poignée de nations, sous le leadership des ONG, du Canada et de quelques autres pays. Nous pouvons procéder de la même façon dans le cas de questions et de défis plus grands en matière de sécurité.
J'espère que dans l'avenir notre pays et notre Parlement pourrons faire face à ces défis plus grands en matière de sécurité. Si nous continuons à aller d'un conflit à l'autre sans essayer de prévenir ceux-ci, avant longtemps nous ne pourrons plus soutenir la cadence. Nous n'avons plus les moyens de laisser les États du monde être déstabilisés par des conflits internes. Nous n'avons plus les moyens de tolérer la prolifération de cette destruction. Il faut être réaliste et se rendre compte que, tôt ou tard, nous allons être confrontés à des problèmes tels que ceux qui se manifestent ailleurs dans le monde. Il est essentiel de s'occuper de cette question dès maintenant.
On dit souvent qu'il vaut mieux prévenir que guérir. J'espère que le Canada appliquera ce principe au niveau de sa politique étrangère.
Quand j'en ai parlé à Jody Williams, lauréate du prix Nobel de la paix, elle a dit que ce sont de belles paroles. Je ne lui ai pas rappelé que lorsque nous travaillions à interdire les mines antipersonnel il y a quatre ans, les gens disaient que c'était un rêve et que c'étaient aussi de belles paroles. Je vous le dis, ce ne sont pas simplement de belles paroles. Ce sont des solutions pragmatiques.
Si nous refusons de rêver et de nous tourner vers l'avenir, de bâtir un nouveau monde meilleur et plus solide en nous servant de nos connaissances, d'outils et de solutions pragmatiques, du leadership dont nous pouvons faire preuve en tant que nation, alors nous n'avons rien. Nous pouvons et nous devons utiliser nos pouvoirs de persuasion morale, ainsi que les outils que nous avons au bout des doigts pour bâtir un monde meilleur et plus pacifique pour toute l'humanité.
Pour terminer, j'aimerais dire encore une fois que tous les Canadiens ont raison d'être fiers de ce qui a été accompli. Le Parti réformiste est très fier de faire partie du processus car nous encourageons les mesures de maintien de la paix depuis de nombreuses années et nous continuerons à le faire. Nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec le gouvernement et de travailler à trouver des solutions pragmatiques et efficaces pour le maintien et la consolidation de la paix dans l'avenir. Nous espérons y parvenir d'une manière qui sera une source de fierté pour tous les Canadiens. Le dossier des mines antipersonnel est une occasion pour nous de prendre appui sur les initiatives de diplomatie de Pearson et de montrer que nous tenons à notre rôle en tant que Canadiens et partisans de la paix dans le but d'assurer un avenir plus sûr et plus solide pour les pays de toutes les régions du monde.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Madame la Présidente, lorsque Alfred Nobel décida d'instituer les prix qui font rayonner le nom de l'inventeur de la dynamite, celui-ci déclara que les principaux dividendes de son invention devaient servir à promouvoir la paix dans le monde.
En 1997, c'est à la Campagne internationale contre les mines terrestres et à sa coordonnatrice, Jody Williams, que ces dividendes ont été attribués, des dividendes mérités qui récompensent plus de six ans d'intense labeur orchestré par plus d'un millier d'organisations non gouvernementales réparties dans plus de 60 pays. Grâce à cette campagne, dont l'ancien secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, a dit qu'il s'agissait de l'exercice le plus important et le plus efficace de la société civile depuis la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays ont interdit l'exportation des mines antipersonnel, détruit ou commencé à détruire leur stock de mines, banni ou suspendu leur utilisation ou annoncé qu'ils mettaient fin à leur production.
Ces efforts de la société civile, qui a ainsi appelé les États de la communauté internationale dans son ensemble à réagir face au fléau des mines antipersonnel, n'auraient sans doute pas pu produire une convention d'interdiction de ces mines, n'eut été de l'initiative et de la détermination de l'actuel ministre des Affaires étrangères du Canada.
En faisant converger les représentants de gouvernements, d'organisations internationales et d'ONG dans la capitale fédérale, en octobre 1996, et en initiant le processus d'Ottawa, le ministre a assumé un leadership qui se concrétisera par la signature, les 3 et 4 décembre prochain, de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Ce processus d'Ottawa était caractérisé par une collaboration sans précédent des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de la communauté internationale, et surtout et davantage encore, par sa vitesse d'exécution.
Que ce soit à Vienne, à Bonn ou à Bruxelles, ces multiples acteurs ont gardé constamment à l'esprit l'échéance proposée par le ministre canadien des Affaires étrangères, en octobre 1996, et ont approuvé à Oslo, le 18 septembre dernier, moins d'un an avant le défi lancé par le ministre, le texte d'une convention qui tend vers l'interdiction complète des mines antipersonnel. C'est cette Convention que le projet de loi C-22 vise à mettre en oeuvre et que la Chambre des communes est invitée à adopter de façon accélérée aujourd'hui, tant en deuxième qu'en troisième lecture.
J'ai le plaisir d'annoncer que le Bloc québécois appuiera, sous réserve d'un examen de certains amendements visant à améliorer la législation de mise en oeuvre, le projet de loi C-22. L'appui à ce projet de loi est d'abord et avant tout l'appui à une convention visant à «unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationale», pour reprendre ainsi le texte du préambule de la Charte des Nations unies, auquel le Canada souscrit et auquel un Québec souverain, que le Bloc québécois appelle de ses voeux, entend souscrire sans réserve aucune au moment où il accédera au concert des nations.
Il s'agit d'un appui à un instrument qui cherche d'abord à éradiquer les instruments meurtriers que sont les mines antipersonnel, en en interdisant dorénavant l'emploi, la mise au point, la production, l'acquisition, le stockage, la conservation ou le transfert. Il faut espérer que les obligations générales qu'assument les États mettront fin à la pose des mines antipersonnel qui demeure un problème grave, si l'on considère que pour chaque mine enlevée aujourd'hui, 20 nouvelles mines sont posées.
Cette Convention contribuera de même à la destruction des 110 millions de mines réparties à travers plus de 70 pays dans le monde, qui mutilent au-delà de 25 000 personnes chaque année, dont 80 p. 100 sont d'innocentes victimes civiles. Les mines antipersonnel font 70 nouvelles victimes par jour, soit une à toutes les 20 minutes. Et pendant la durée de mon allocution ici, à la Chambre des communes, aujourd'hui, une autre personne aura été tuée ou, si elle est plus chanceuse, n'aura été qu'amputée par ce petit engin de la mort. Vraisemblablement, cette victime aura été un enfant, un jeune Afghan, un jeune Cambodgien ou un jeune Somalien, sans doute, puisque beaucoup de morts et de blessures causées par les mines terrestres dans ces pays ont pour victimes des enfants.
Cette Convention favorisera aussi la destruction des mines antipersonnel dans les zones minées et imposera aux États parties l'obligation de veiller à la destruction des mines au plus tard dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention. Ces obligations seront onéreuses, seront très onéreuses, pour des États comme la Bosnie-Herzégovine dont le territoire recèle à lui seul plus d'un million de mines, comme j'ai pu l'apprendre lors d'une récente mission parlementaire. Mais elles le seront aussi pour des États comme l'Angola, la Croatie, l'Érythrée, l'Irak, le Mozambique, le Soudan et le Vietnam qui ont en commun d'être des États en développement.
Leurs terres agricoles demeurent inexploitées et les grandes superficies pour la culture des pâturages seront inutilisées aussi longtemps que des mines antipersonnel joncheront les sols de ces pays et causeront les morts et blessures qui obligeront ces États à supporter également les frais qu'entraîne l'aide aux victimes.
Et dans cette perspective, la Convention promeut à juste titre la coopération et l'assistance internationales sans lesquelles on ne pourra pas atteindre les objectifs de la Convention. Ainsi, la Convention prévoit-elle que chaque État partie à le droit de chercher à obtenir et à recevoir une assistance d'autres États parties, si possible et dans la mesure du possible. Les États parties qui sont en mesure de le faire s'engagent d'ailleurs à fournir une assistance pour le soin aux victimes de mines, mais aussi une assistance au déminage.
En vertu de l'article 9 de la Convention, les États s'engagent aussi à prendre «toutes les mesures législatives, réglementaires ou autres qui sont appropriées, y compris l'imposition de sanctions pénales, pour prévenir ou réprimer toute activité interdite à un État partie par la Convention qui serait menée par des personnes ou sur un territoire sous sa juridiction ou sous son contrôle.»
Le projet de loi C-22 semble s'avérer la principale mesure législative visant à assumer cette obligation, de même qu'il cherche à donner effet à l'ensemble de la Convention dans l'ordre juridique canadien.
J'ai examiné avec attention le texte du projet de loi C-22 et il me paraît contenir les dispositions nécessaires pour une exécution de bonne foi, comme l'exige la règle pacta sunt servanda consacrée à l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de la Convention sur les mines antipersonnel. Certains amendements pourraient toutefois améliorer cette législation de mise en oeuvre, et j'aurai l'occasion, tout à l'heure, lors de l'étape du rapport en comité, de présenter et de motiver les amendements que le Bloc québécois souhaite faire apporter au projet de loi C-22.
Comme sur d'autres questions relevant du domaine des affaires étrangères, le Bloc québécois est inspiré par des valeurs et des convictions communes à celles du parti gouvernemental et des autres partis dans cette Chambre. Ici, les valeurs de paix et de sécurité internationale sont en cause, de même que celles de la promotion et de la protection des droits et libertés et particulièrement du droit le plus fondamental à la vie.
C'est pourquoi le Bloc québécois est disposé à appuyer le projet de loi C-22 et la Convention qu'il vise à mettre en oeuvre, l'un et l'autre étant le reflet de telles valeurs. Le Bloc québécois soumettra à la Chambre dans quelques instants des projets d'amendement visant à améliorer ce projet de loi et à rendre plus démocratique le processus par lequel les amendements qui pourraient lui être apportés seraient adoptés dans l'avenir.
L'adoption du projet de loi C-22 par la Chambre des communes, son approbation ultérieure par le Sénat et sa sanction permettront à l'État canadien de compléter sa phase 1 du processus d'Ottawa. Et si la phase 1 de ce processus se sera avérée déterminante, sa phase 2, celle qui mettra l'accent justement sur l'assistance et la coopération internationales, doit réussir. Elle doit réussir, si l'on veut que les objectifs de la Convention sur les mines antipersonnel soient atteints. D'autres mesures devront être adoptées, et le Bloc québécois continuera d'appuyer celles qui contribueront à la réalisation des objectifs de la Convention.
Dans un autre moment de lucidité, et de sagesse devrait-on ajouter, le Suédois Alfred Nobel avait affirmé, et je le cite:
[Traduction] <«Mes usines pourraient mettre fin à la guerre plus rapidement que vos congrès. Quand viendra le jour où deux corps d'armée peuvent s'anéantir en une seconde, il faut espérer que toutes les nations civilisées renonceront à la guerre et demanderont à leurs soldats de rentrer à la maison».
[Français]
Les congrès que sont les Parlements de nos États doivent encore aujourd'hui se faire l'écho des souhaits exprimés par Alfred Nobel. Ils doivent joindre leurs efforts à ceux de la société civile et des organisations internationales pour promouvoir la paix et épargner l'être humain du fléau de la guerre pour faire ainsi émerger, pour faire triompher l'humanité.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Madame la Présidente, je suis heureux de participer à ce débat historique aujourd'hui au nom du Nouveau Parti démocratique et de mes collègues du caucus fédéral du NPD.
Je tiens à féliciter le ministre en cette journée qui, j'en suis persuadé, doit être l'une des plus heureuses de son mandat aux Affaires étrangères. Ayant eu l'occasion de travailler avec le ministre autrefois lorsque nous étions tous les deux d'humbles porte-parole de l'opposition en matière d'affaires étrangères, je sais que le temps dont il dispose dans ses fonctions ne peut pas toujours être consacré librement aux activités qu'il préconise.
Je sais que la journée d'aujourd'hui doit être spéciale pour lui car il a pu donner suite aux attentes qu'il nourrissait et que nous partageons tous avec lui pour faire du Canada un pays capable de prendre les rênes pour bâtir un régime international permettant d'éviter la guerre et d'éliminer la violence que représentent les mines antipersonnel.
Ce qu'a dit le député de l'île de Vancouver est très intéressant. Ça nous donne une idée de l'horreur qu'a pu ressentir le personnel médical qui a vu de près les dégâts que peuvent faire les mines terrestres. Ça nous donne aussi une idée de l'horreur qu'ont ressentie les gens au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui ont vu de près les dégâts que pouvaient faire les armes chimiques, et nous aide à comprendre les efforts qui ont été faits par la suite pour veiller à ce que de telles armes ne soient jamais plus employées.
Il est vraiment dommage que nous n'ayons pas appris la même leçon au sujet des mines terrestres il y a 80 ans. On dit que la France souffre encore des conséquences de la Première Guerre mondiale. Je me souviens que, quand je me suis rendu à Vimy avec une délégation parlementaire en 1992, on m'a dit qu'environ 26 fermiers avaient été tués par des mines terrestres qui se trouvaient encore enfouies dans le sol, et ceci se passait dans les années 90.
Les mines terrestres sont d'une certaine manière un symbole de ce qui s'est passé au XXe siècle. Les civils sont autant, sinon plus que les militaires, devenus les cibles de la technologie militaire.
Ce que je veux dire, c'est que j'espère qu'aujourd'hui nous serve d'exemple et soit le début d'un effort mondial que je considère tout aussi, voire plus important sur le plan mondial, en vue d'éliminer un autre type d'armes qui visent avant tout les civils et non pas le personnel militaire. Je veux parler bien sûr des armes nucléaires.
Ce serait magnifique, au sens le plus vrai du terme, si nous pouvions avoir une campagne pour l'abolition des armes nucléaires, comme nous l'avons fait dans le cas des mines antipersonnel. Je suis sûr que le ministre partage ce point de vue et je l'invite d'ailleurs à prendre exemple sur la campagne contre les mines antipersonnel.
Beaucoup de gens oeuvrent en ce sens un peu partout dans le monde, mais il ne sont qu'un minorité. Il doivent devenir la majorité dans les milieux gouvernementaux et internationaux. L'exemple à suivre ne tient pas qu'à l'initiative réussie des gouvernements, et notamment du gouvernement canadien dans le cas présent, mais bien à l'effort conjugué des gouvernements, des organismes internationaux, des ONG, de simples particuliers, des partis politiques et des groupements non partisans. Nous devons aussi tenir compte du fait que le Canada a réussi sans insister, ce que nous faisons malheureusement trop souvent, sur la nécessité d'avoir la participation des États-Unis à la réalisation d'un consensus.
Bien entendu, dans le cas des armes nucléaires, il est difficile d'avoir un traité ou de réaliser quelque chose sans la participation de ceux qui possèdent les armes nucléaires. Il est cependant possible de faire quelque chose au sujet des essais nucléaires, du commerce des produits dérivés du nucléaire, etc. Il y a de nombreuses façons de travailler à la réalisation d'un consensus international contre les choses qui contribuent à perpétuer les armes nucléaires. Nous devrions nous inspirer des résultats obtenus dans le cas des mines antipersonnel, car ils montrent bien ce que nous sommes capables de faire sans le consentement des États-Unis ou d'autres grandes puissances.
Nous ne nous sentons pas que ce que nous faisons aujourd'hui est moins important parce que les États-Unis n'ont pas adhéré. Si les États-Unis, la Russie et d'autre grandes puissances avaient signé le traité, nous aurions évidemment l'impression d'avoir accompli bien davantage sur le plan pratique. Mais cela ne diminue en rien les résultats obtenus au niveau pratique, ni même aux plans moral et politique.
Comme le ministre l'espère, j'en suis persuadé, à l'instar de tous les députés, il se peut que les autres pays qui n'ont pas encore signé finissent par le faire.
Il y a environ deux ans, j'ai participé à l'une des premières tables rondes sur ce sujet. Elle a eu lieu au centre national des conférences. On a souligné alors que nous devrions faire tout ce que nous pouvions pour réussir à faire disparaître les mines antipersonnel. À l'époque, nous rêvions encore de ce qui se produit maintenant.
Je vais répéter ce que j'ai dit ce jour-là. J'ai déclaré que ce devrait être un prototype de ce que nous pourrions faire en ce qui concerne les autres problèmes qu'on devait régler, notamment celui des armes nucléaires. Nous devons en profiter pour les éliminer alors que cette occasion s'offre à nous, maintenant que la guerre froide est terminée et avant qu'un autre différend entre les puissances nucléaires ne rende l'élimination des armes nucléaires très improbable une fois de plus.
Le NPD appuie cette initiative depuis le début. Nous avons présenté un certain nombre de motions d'initiative parlementaire sur ce sujet au fil des ans, à l'instar des autres partis. Nous sommes très heureux de voir que les efforts en question portent fruit.
Nous félicitons les ONG concernées ainsi que les groupements comme Mines Action Canada, la Croix Rouge, l'UNICEF et toutes les autres organisations qui ont jeté les bases d'un appui public pour une interdiction des mines terrestres. Comme le ministre l'a reconnu, une chose très importante se produit.
Une masse critique importante est en train de se former aux niveaux politique, bureaucratique et parlementaire, ainsi qu'au niveau des ONG et c'est ce qui rend ce genre de choses possible et donne un élan irrésistible pour tant d'autres pays. À un certain stade, les gens veulent faire partie d'une bonne initiative. Nous devons créer d'autres bonnes initiatives auxquelles les gens voudront adhérer.
Nous voulons également marquer le rôle très important et très difficile que la princesse Diana a joué en sensibilisant les gens à la nécessité d'interdire les mines terrestres. Nous voulons également féliciter Jodie Williams, la militante américaine à la tête de la campagne internationale pour interdire les mines terrestres, et toutes les ONG qui ont participé à cette campagne dans le monde entier.
C'est là un exemple de la façon dont la diplomatie canadienne peut réussir si on concentre nos efforts et nos énergies sur des questions autres que la promotion des échanges commerciaux. Je crois qu'un aspect regrettable de la politique étrangère du Canada au cours des dernières années a été le fait qu'on a mis presque exclusivement l'accent sur la promotion des échanges commerciaux au détriment d'efforts dans d'autres domaines. Je dis «presque exclusivement», parce que c'est évident que ce n'était pas exclusif. Il y avait d'autres entreprises du genre.
Aujourd'hui, nous disons que le gouvernement pourrait faire beaucoup plus s'il canalisait davantage son énergie mentale, son argent et sa volonté politique et passait moins de temps à mousser les échanges commerciaux au moyen d'entreprises comme Équipe Canada. Il devrait consacrer plus de temps au développement, non pas avec Équipe Canada, mais avec Équipe monde, pour des choses comme l'interdiction des mines antipersonnel et des armes nucléaires et d'autres problèmes mondiaux, surtout s'ils ont un caractère d'une telle urgence.
Le gouvernement fédéral doit assurer au traité tout le soutien financier nécessaire. Nous voulons que ce soit bien clair que, quand il le fera, il aura l'appui des députés de ce coin-ci de la Chambre. Il sera extrêmement coûteux de soutenir, partout dans le monde, le déminage d'une manière continue et la réadaptation des victimes. Nous exhortons le ministre à trouver les ressources nécessaires. Nous espérons que ce sera l'un des moyens que choisira le gouvernement pour manifester son engagement durable à l'égard des valeurs et des politiques que nous approuvons aujourd'hui, dans le cadre de ce débat.
C'est aujourd'hui un grand jour pour le Parlement et le Canada. J'espère que, dans 20 ans, nous pourrons, en y repensant, réexaminer le processus d'Ottawa et dire que c'est devenu un modèle, un prototype, un stimulant, grâce à la manière dont nous aurons traité différentes questions urgentes concernant le désarmement. J'espère surtout que, en regardant en arrière, nous pourrons dire que c'est devenu un modèle qui nous a permis d'amener le monde à abolir non seulement les mines antipersonnel et le commerce des petites armes à feu, mais aussi les armes nucléaires et la menace qu'elles représentent pour la terre et pour l'avenir de l'humanité.
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Madame la Présidente, j'ai suivi le débat d'aujourd'hui. J'ai bien aimé entendre nos parlementaires honnêtes et inquiets aborder ces questions troublantes qui touchent tous les membres de la société et qui peuvent miner le bien-être et la santé d'enfants, d'agriculteurs et même de nos casques bleus, puisque les mines terrestres peuvent prendre toutes sortes de formes.
J'ai eu le grand honneur d'accompagner le ministre des Affaires étrangères. Il est profondément convaincu de l'importance d'enrayer l'usage de ces mines terrestres. Il ne suffit pas de déminer les terrains, il faut aussi éduquer et sensibiliser les gens. Avant tout, il faut faire comprendre au monde entier que ces mines intolérables, qui estropient ou tuent notamment de jeunes enfants ne protègent les intérêts de personne.
J'ai écouté ce qu'avait à dire mon collègue. Je me demande quel rôle il pense que chacun d'entre nous peut jouer sur la scène tant nationale qu'internationale. Nous avons un rôle à jouer non seulement dans nos circonscriptions, où il est de notre droit et de notre devoir d'expliquer aux gens le caractère diabolique de ces instruments, mais aussi auprès de nos collègues que nous avons l'occasion de rencontrer partout dans le monde, par l'entremise des associations internationales auxquelles nous sommes affiliés.
Nous devrions encourager nos propres députés à discuter avec des parlementaires d'autres pays afin qu'une loi similaire, un traité ou une déclaration du genre soit adopté de façon rapide et constructive, partout dans le monde, et que tous les pays y consacrent les fonds nécessaires, même ceux qui ne sont pas encore disposés à être signataires pour l'instant, mais qui ont les moyens de contribuer à la réadaptation, à l'éducation et à la formation de ceux qui sont déjà des victimes ou qui pourraient l'être.
Je me demande ce que le député pense de tout cela.
M. Bill Blaikie: Madame la Présidente, je remercie la députée de sa question.
Il nous incombe à tous de saisir toutes les occasions qui se présentent et il ne faut pas avoir peur d'être véhéments à ce propos dans nos rapports avec des parlementaires, des législateurs et des politiques de tous les coins de la planète. Les occasions ne manquent pas de faire connaître notre point de vue, que ce soit à titre individuel, comme membres des diverses associations dont nous faisons partie ou dans les assemblées internationales auxquelles nous participons à titre de membres d'une délégation canadienne.
Dans ces assemblées, et dans la vie en général, on est parfois enclin à ne pas insister quand quelqu'un s'enflamme à propos d'une idée et essaye de persuader ses interlocuteurs de son bien-fondé. Ce n'est pas «cool» d'agir de la sorte. On fait des déclarations et l'on peut toujours dire qu'on les a faites.
Je pense cependant qu'il faut aller plus loin. Chaque fois que l'occasion se présente, nous devrions accrocher les gens à table comme dans les corridors pour que, grâce à des efforts concertés, ces questions soient inscrites à l'ordre du jour, qu'elles fassent l'objet de discussions et que des décisions soient prises. Acculez les gens au pied du mur et forcez-les à réfléchir. C'est le genre de choses que les Canadiens peuvent faire dans des rassemblements internationaux.
Nous avons assisté, dans le passé, à de nombreux rassemblements au cours desquels nous avons rencontré toutes sortes de gens. Dans le cas qui nous occupe, nous pourrions correspondre avec les législateurs des pays non signataires et leur présenter des arguments pour essayer de leur faire changer d'avis, ou du moins exercer un peu de pression sur eux pour qu'ils pressent à leur tour le pouvoir exécutif de leur pays de suivre l'exemple du Canada.
L'hon. Sheila Finestone: Madame la Présidente, j'ai une question complémentaire pour le député. Je suis heureuse qu'il ait fait allusion aux émotions.
On doit présenter des expositions dans la salle des chemins de fer ou dans la salle de lecture. J'espère que le député invitera les gens qu'il connaît à venir ici. Il devrait même inviter des parlementaires étrangers à visiter le Canada. Il devrait les accueillir au nom du ministre des Affaires internationales.
L'exposition est déchirante. On y voit, par exemple, de redoutables petites mines imitant des jouets, qui attirent et fascinent les enfants et leur explose dans les mains quand ils les soulèvent.
Nous avons vu des enfants à qui les mines ont arraché les mains, les jambes ou des bouts de bras et de jambes. Il est très facile de parler avec le genre d'émotion dont a parlé le député. Je suis heureuse qu'il en ait parlé.
Nous avons une véritable cause internationale à défendre. À mon avis, le Canada pourrait faire un excellent travail, comme nos parlementaires d'ailleurs et nos organisations parlementaires internationales auxquelles j'espère que le Parti réformiste décidera un jour d'adhérer pour voir ce qui se fait à l'extérieur du Canada et élargir ses horizons.
Je remercie le député de ce commentaire. Peut-être voudra-t-il répondre aux miens, plus particulièrement en ce qui concerne le Parti réformiste?
M. Bill Blaikie: Madame la Présidente, je ne tiens pas à répondre parce que je ne veux pas ruiner l'effort de coopération qui se déroule ici aujourd'hui, en dehors de tout esprit de parti. Nous aurons d'autres occasions de réfléchir aux différences entre les partis quant à leur participation à certaines associations parlementaires et non à d'autres.
Je veux simplement dire que, lorsque nous réfléchissons à ces mines construites sous la forme de jouets afin que les enfants soient tentés de les ramasser, nous avons honte de faire partie de la race humaine lorsqu'on pense que ces armes ont été imaginées par des esprits humains et construites par des mains d'hommes.
Il est difficile de concevoir un monde où une telle chose serait possible, mais c'est le monde auquel nous sommes confrontés et que nous luttons aux côtés de nombreux autres pays pour pouvoir le changer.
D'un point de vue théologique et biblique, cela nous rappelle à quel point le péché règne sur notre univers. Cependant, nous devons aussi songer aux paroles d'Isaïe. Nous voulons transformer les glaives en hoyaux et les lances en serpes. En abolissant une fois pour toutes les mines terrestres dans bien des pays, comme l'a affirmé le député du Parti réformiste, nous voulons créer un monde plus accueillant pour les hoyaux ou les charrues. Tant de gens ne peuvent labourer le sol, cultiver la terre, produire leurs aliments et se développer économiquement à cause des mines terrestres.
L'ancienne métaphore des glaives transformés en hoyaux et des lances changées en serpes s'applique doublement dans le présent cas. Il ne s'agit pas simplement de transformer le métal des épées en charrues. Il s'agit de créer un monde où les gens pourront utiliser des charrues sans craindre de perdre une jambe, un bras ou même la vie.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement.
Je veux simplement indiquer que la députée de Mont-Royal induit délibérément la Chambre en erreur quand elle dit...
Une voix: Rappel au Règlement.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le whip.
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Madame la Présidente, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement. Il s'agit peut-être d'un élément de discussion, mais j'estime que nous devrions nous garder d'engager la Chambre dans cette voie alors qu'il y a un tel sujet à débattre aujourd'hui.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Le député voudrait-il reformuler sa phrase?
M. Keith Martin: Bien sûr, madame la Présidente. La députée de Mont-Royal, peut-être à son insu, a induit la Chambre en erreur quand elle a dit que le Parti réformiste ne comprend pas se qui se passe à l'étranger. Je ne voulais pas orienter le débat dans cette direction, mais je tiens à ce qu'elle sache que c'est le Parti réformiste qui, en 1994, a abordé le premier le dossier sur les mines antipersonnel en présentant à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire en faveur de leur interdiction. C'est plutôt le gouvernement qui a refusé...
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je crains que votre intervention ne soit en train de tourner au débat. Nous reprenons le débat avec le député de Kings—Hants.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Madame la Présidente, les Canadiens devraient être très fiers de cette réalisation. Le Canada a retrouvé, pour un bref moment, son rôle traditionnel de puissance moyenne; la politique étrangère est de nouveau liée aux droits de la personne, question qui préoccupe les Canadiens depuis 1993.
Le ministre des Affaires étrangères a fait preuve de leadership en se faisant le champion de l'interdiction des mines antipersonnel, avec le succès que nous savons. Au nom de mon parti, j'aimerais féliciter le ministre pour ce qu'il a accompli. J'aimerais également prendre le temps de féliciter Jody Williams ainsi que les ONG et les particuliers, dont la princesse Diana qui a attiré l'attention des masses, à l'échelle nationale, sur cette question extrêmement importante à un moment où l'appui international était essentiel.
Chaque année, les mines antipersonnel font plus de 20 000 blessés, qui ne sont pas tous des soldats qui essayent de prendre une colline. La plupart d'entre eux ne sont même pas des soldats en train de déminer un terrain.
Les personnes les plus vulnérables sont en fait les civils. Il y a quinze jours, je suis allé en Bosnie avec une délégation de députés membres des Comités de la défense et des affaires étrangères. En Bosnie, j'ai pu constater de visu les dégâts et les souffrances causés par les mines antipersonnel. Les casques bleus canadiens donnent des cours d'information sur les mines aux élèves de l'élémentaire.
J'ai été surpris, voire même troublé, par leur familiarité avec le sujet. Les enfants ont des sobriquets pour les bombes. Certaines s'appellent des mines Skoal parce qu'elles ont la forme de boîtes de tabac. D'autres, des caméras parce qu'elles ressemblent à une caméra. D'autres encore s'appellent des ananas à cause de leur ressemblance avec ce fruit.
Il me semble que l'innocence de l'enfance ne peut pas coexister avec une connaissance intime des mines terrestres. En Bosnie, on place des mines autour des maisons pour empêcher le retour chez eux des réfugiés et des personnes déplacées. Les fermiers mettent des mines autour de leurs champs pour empêcher les vols. Dans certains cas, des champs entiers sont inutilisables en raison des mines qui s'y trouvent.
Le mandat de la SFOR ne prévoit pas le déminage des champs. Pour que leurs champs soient déminés, certains agriculteurs ont recours à des stratagèmes comme placer ou déplacer des mines sur le bord des routes à proximité de leurs champs pour attirer l'attention et donner la priorité au déminage de leurs propres champs. Six millions de mines ont été placées en Bosnie pendant la guerre et, à ce jour, l'ONU estime qu'il en reste trois millions.
Le problème pour les troupes de maintien de la paix c'est que l'on ignore ce qu'il est advenu de millions de mines. Il y a quelques semaines un semi-remorque s'est renversé près de Banka Luka et il est tombé sur une mine qui a explosé. C'était dans une zone qui avait été déminée auparavant, on peut donc supposer qu'elle avait été minée de nouveau.
Pour nous, Canadiens, il est parfois difficile d'imaginer la peur constante que produit le fait de vivre dans une zone où les mines sont omniprésentes. Moi, par exemple, ce que j'aime c'est aller courir, chaque matin. Lorsque nous étions en Bosnie, dans la zone de Velika Kladusa et dans d'autres, on nous a avertis de ne pas aller courir le matin. Il ne faut pas s'écarter de la route asphaltée. Si vous marchez sur le côté de la route, vous risquez de mettre le pied sur une mine.
J'ai grandi dans une zone rurale de Nouvelle-Écosse. Depuis que je suis revenu de Bosnie, je ne prends plus pour acquis la paix, la tranquillité et la sécurité que je pensais aller de soi lorsque j'étais enfant. Lorsque j'étais enfant, je pouvais courir et jouer dans les champs sans risque ni crainte d'être mutilé ou tué par une mine antipersonnel.
Des agriculteurs, des mères, des pères, des enfants, des gens innocents, voilà ceux qui paient pour ces guerres qui ont été livrées et qui, dans une grande mesure, sont maintenant terminées. La fabrication de mines antipersonnel ne nécessite pas une technologie sophistiquée, ce qui constitue une partie du problème. Parfois, les États les moins stables fabriquent des mines antipersonnel et des gens en produisent dans leur sous-sol en raison de l'accessibilité des ressources et des moyens nécessaires pour les fabriquer.
Il s'agit là d'un problème difficile à maîtriser et à contenir. Comme pour tout effort humanitaire important, cette interdiction exigera beaucoup de savoir-faire et de ressources. Le ministre des Affaires étrangères a mentionné plus tôt la nécessité d'investir dans des techniques et du matériel sophistiqués pour enlever les mines antipersonnel. Cette initiative revêt également une importance cruciale. Il faudra bien du temps avant que toutes les mines antipersonnel ne soient enlevées de pays comme le Cambodge, la Bosnie, le Rwanda, l'Angola, l'Afghanistan et l'Égypte, pour m'en mentionner que quelques-uns.
Les Canadiens ont un rôle très important à jouer dans cet effort. Nos casques bleus sont parmi les meilleurs au monde. Je tiens à le mentionner. Je suis revenu de la Bosnie en éprouvant une énorme fierté pour nos casques bleus et en constatant que nos extraordinaires missions de maintien de la paix, qui sont reconnues dans le monde entier, constituent une des choses qui nous distinguent en tant que Canadiens.
Je rappelle également aux députés du Bloc que, si le Québec se séparait du Canada, une des premières choses que nous perdrions serait notre capacité de participer pleinement et efficacement à des missions internationales de maintien de la paix et à d'autres genres de tribunes internationales. Les Canadiens ne sont pas les seuls à avoir besoin d'un Canada uni et fort, le monde aussi a besoin d'un Canada uni et fort.
Nous avons consacré plus de 11 millions de dollars aux entreprises humanitaires de déminage. Comme le ministre l'a dit, nous devons continuer d'investir dans la technologie et peut-être créer ainsi des possibilités de développement pour des entreprises canadiennes comme Bombardier qui peuvent avoir la capacité de mettre au point de nouvelles technologies pour la tâche très importante qui nous attend.
Cela peut prendre jusqu'à une journée entière à 10 casques bleus pour déminer manuellement un champ de mines de la dimension d'un gymnase. Le déminage requiert des ressources importantes et soutenues qui sont très coûteuses. Au cours des dernières années, entre deux et cinq millions de mines de plus ont été déployées. Ce nombre, ajouté au nombre des mines déjà enfouies dans le sol, signifie qu'au rythme auquel on procède actuellement au déminage, il faudrait des décennies pour débarrasser le monde des mines qui sont actuellement dans le sol. Entre-temps, des milliers d'autres personnes seront blessées ou tuées même avec la conclusion de cet accord.
Voilà pourquoi, après cette semaine, nous ne pouvons pas oublier qu'il faudra exercer une vigilance constante pour veiller à ce que l'on fournisse les ressources nécessaires pour que la tâche qui commence avec la signature de cette convention sur les mines terrestres se poursuive tout au long des années à venir dans le cadre de notre participation à cet effort. Le financement du FMI peut et doit être assorti d'une conditionnalité afin d'assurer la coopération entière des pays qui sollicitent des fonds de cet organisme. En adoptant ce projet de loi, les Canadiens démontreront aux autres pays qu'il faut procéder rapidement et sans hésiter à la ratification de la convention.
J'ai une autre note à propos de mon voyage en Bosnie. Lors d'une de nos séances d'information, nous avons appris qu'on peut convertir une mine antichar en une mine antipersonnel. Cela peut se faire à l'aide d'une scie à ruban dans certains cas. La mine TMA-3, qui ressemble à une bobine de film, peut être découpée en trois parties au moyen d'une scie à ruban ordinaire, ce qui en fait trois mines antipersonnel.
La définition de mine antipersonnel se trouve à la page 2 du projet de loi et s'énonce ainsi:
«mine antipersonnel» Mine destinée, de par sa construction ou ses modifications, à exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne [...] Les mines ainsi destinées à exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'un véhicule et non d'une personne [...] ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel...
Nous devons veiller à ce que la mine TMA-3 antichar ne puisse échapper à la portée de cette mesure à cause d'une lacune du projet de loi. On peut imaginer que des sociétés canadiennes pourraient continuer à fabriquer des mines antichar de modèle TMA-3 et les vendre à un autre pays avec le permis d'exportation. Dans l'autre pays, la mine pourra être modifiée pour en faire trois mines antipersonnel. Rien ne peut empêcher l'acheteur de modifier cette mine si son pays n'est pas signataire de cette convention. Une fois que la mine a quitté le Canada, ce dernier est dégagé de toute responsabilité à son égard. Au cours du présent débat, je demande donc au gouvernement d'expliquer comment la définition sera appliquée pour éviter ce genre de situation.
On peut se féliciter d'avoir amené 100 pays à signer la convention. Toutefois, à l'exception des États-Unis, les grands pays qui n'ont pas signé sont justement ceux où les activités militaires sont le plus floues. Nous devons continuer à exercer tout notre pouvoir sur la scène internationale, en tant que pays de puissance moyenne, pour inviter ces autres pays à signer la convention.
Je termine par ces mots de l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali: «À lui seul, un pays ne peut rien contre ces champs de la mort remplis de mines antipersonnel. Aucun pays ne peut à lui seul empêcher le déploiement de ces armes inhumaines, mais tous les pays unis dans un seul but peuvent rendre ce monde plus sûr pour des générations à venir.»
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, je félicite le député de Kings—Hants pour le discours convaincant qu'il vient de prononcer sur cette grave question. Encore une fois, il a montré son engagement en matière de politique étrangère, comme il l'a fait avec beaucoup d'éloquence depuis qu'il est à la Chambre.
Je voulais lui faire remarquer—mais il le sait probablement—que, dans les Maritimes, il existe des groupes très actifs qui connaissent bien les techniques de déminage et qui, au nom du Canada et des Maritimes, participent partout dans le monde à des activités de déminage. Les Canadiens sont fiers d'eux.
Par leurs actions, ces groupes ont sauvé bien des vies et continuent à faire avancer cette question importante consistant à extraire des centaines de millions de mines antipersonnel.
J'espère que le député communiquera avec ces groupes pour leur fournir l'aide nécessaire afin d'alerter les Canadiens et d'améliorer la situation à l'étranger.
Je voudrais des précisions sur les propos de la députée de Mont-Royal. Le Parti réformiste se félicite des initiatives internationales, mais il tient à ce que, lorsque nous nous rendons à l'étranger, ces voyages soient consacrés au travail, pour que nous en tirions une certaine expérience, des compétences, pour que ces voyages soient une utilisation productive de l'argent des contribuables.
Nous n'avons jamais été et nous ne sommes toujours pas intéressés par des voyages à l'étranger qui seront un gaspillage de l'argent des contribuables et de notre temps.
Beaucoup de Canadiens ont des difficultés financières et nos budgets sont très serrés. Nous, réformistes, sommes très conscients de ces difficultés, et c'est pourquoi nous continuons à évaluer chaque voyage à l'étranger, ses avantages et son intérêt. Nous ne prendrons part à ces voyages que lorsqu'ils répondent à un besoin identifiable, lorsqu'il y a quelque chose à en retirer et que nous pouvons avoir une participation efficace.
Je réitère mes félicitations au député de Kings—Hants, et je lui demande s'il a des idées à proposer à la Chambre sur la manière dont le Canada pourrait continuer à participer à l'important travail du déminage.
M. Scott Brison: Madame la Présidente, je remercie le député d'avoir signalé que de nombreux Canadiens des Maritimes participent aux missions de maintien de la paix. J'en ai rencontré quelques-uns au moment de la mission de la SFOR. Il y a des organismes dans les Maritimes et des particuliers dans ma circonscription qui ont soutenu avec vigueur et constance ce type d'initiative.
C'est sans doute à cause de notre humilité et de notre tendance à nous déprécier, mais nous, des Maritimes, n'aimons pas trop nous vanter. Ce genre d'appui venant de l'Ouest nous fait plaisir.
Nous sommes fiers de tous les Canadiens qui ont pris part à cet effort. C'est un progrès. J'estime que cela peut servir la cause de l'unité nationale, car je pense, à dire vrai, que si nous informons mieux les Canadiens de l'importance de ce rôle de chef de file et de la bravoure de nos soldats de la paix, nous leur donnerons de nouveaux motifs de fierté, de nouvelles raisons de préserver un Canada fort et uni.
[Français]
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi sur l'interdiction des mines terrestres.
Ce n'est pas souvent que je trouve une raison pour féliciter le gouvernement, surtout dans le domaine des affaires étrangères, mais aujourd'hui, je salue le ministre pour ses efforts. Les Canadiens et les Canadiennes devraient être fiers que le Canada ait joué un rôle clé dans les négociations du traité sur les mines terrestres, ce qui est conforme à la noble tradition canadienne de s'employer à rendre le monde plus sûr.
Les effets de ce traité seront principalement ressentis dans des pays tels que le Cambodge, l'Angola et le Mozambique où les victimes des mines terrestres sont des civils en train de gagner leur vie dans les champs et les enfants en train de jouer.
Mon collègue de Kings—Hants s'est récemment rendu en Bosnie où il a rencontré des agriculteurs qui ne pouvaient pas labourer leur champ, parce qu'ils craignaient d'être déchiquetés par des mines. D'autres se servent des mines pour protéger leurs récoltes.
Ce traité contribue à régler ce problème et je suis convaincu que les députés de cette Chambre et la totalité des Canadiennes et Canadiens sont fiers de cette initiative qui a été menée par le Canada. J'offre donc à nouveau mes félicitations les plus chaleureuses au gouvernement.
J'ai toutefois certaines préoccupations qui concernent aussi bien notre pays lui-même que sa situation internationale. Il me semble qu'il y a des entreprises au Canada qui fabriquent du matériel qui pourrait être utilisé dans des mines terrestres. D'après ce qu'on m'a dit, ces mines n'ont pas besoin d'une technologie complexe pour fonctionner. Elles se composent toutefois d'un grand nombre de pièces.
Ma préoccupation est la suivante: Que se passerait-il, dans les années et les mois qui viennent, si on découvrait qu'un détonateur, un ressort ou n'importe quelle pièce dans une mine terrestre utilisé quelque part a été fabriqué au Canada ou dans d'autres pays par une compagnie canadienne?
Notre pays compte de nombreuses grandes sociétés d'électronique qui fabriquent toutes sortes de petites pièces bizarres qui servent à assembler des composantes d'ordinateurs, de radios, de téléviseurs et de téléphones. Il serait extrêmement embarrassant qu'on découvre qu'un produit fabriqué par une grande société canadienne a été utilisé à son insu comme détonateur dans une mine terrestre. Peut-on prendre des mesures pour empêcher une telle chose de se produire?
Mes préoccupations relatives aux affaires internationales ne sont peut-être pas aussi simples. La première concerne les États-Unis. J'ai l'impression que le gouvernement américain a fait ce qu'il pouvait pour faire partie de ce traité, mais, en fin de compte, quand la sécurité internationale a été prise en considération, il a dû s'en abstenir.
Ce que je vais dire est très important et ne doit pas être négligé. Il y a une grande différence entre les mines terrestres placées dans un champ au Angola qui empêchent les agriculteurs de gagner leur vie et les mines qui protègent les droits et les libertés des habitants de la Corée du Sud contre les dangereux voisins communistes du Nord. Les mines terrestres que ce traité cherche à interdire sont dangereuses pour les populations, alors que celles qui sont installées par les Américains, nos amis et nos alliés, sont là pour protéger les gens.
Je ne saurais trop insister sur cela, et je vais donc répéter. Ce traité est utile dans le sens où il s'agit d'un effort d'entreprise pour débarrasser le monde des mines terrestres datant d'anciennes guerres. Quand le conflit est terminé et que les soldats sont rentrés chez eux, il faut avoir la possibilité de rétablir une situation normale. Cela veut notamment dire qu'il faut déminer les champs afin que les hommes, les femmes et les enfants innocents puissent travailler, jouer, construire et prospérer sans crainte.
Telle n'est pas la situation qui prévaut au 38e parallèle, la frontière entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. Elle est bien différente. Il ne s'agit pas d'une guerre ancienne. C'est un cas manifeste de conflit qui existe encore. Les 37 000 soldats de l'armée américaine sont là pour protéger notre allié de la région du Pacifique contre une invasion. La zone où les mines terrestres américaines ont été mises en place est une zone de conflits. Elle est surveillée par les Coréens du Sud, ainsi que par les Américains.
Enfin, il ne faut pas oublier que le 11 novembre, les Canadiennes et les Canadiens ont interrompu leurs activités pour rendre hommage aux anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et ceux qui ont combattu pour défendre la liberté de la Corée du Sud pendant la guerre de Corée.
Cette liberté est encore en danger à cause de la menace militaire que fait peser la Corée du Nord. Dans cette zone, même s'il n'y avait pas de mines, les agriculteurs ne travaillent pas la terre. Ce n'est pas un endroit où jouent les enfants, c'est une zone militaire. Les États-Unis sont un grand ami et allié du Canada. Ce pays n'a pas signé ce traité. Le gouvernement américain a étudié la question et a conclu que s'il le faisait, cela compromettrait sa position en Corée et mettrait donc en danger la vie de ses 37 000 soldats, celle des Coréens du Sud et les libertés qui existent dans ce pays et pour lesquelles on s'est battus.
On a annoncé, vendredi dernier, que la Corée du Nord entamerait des pourparlers de paix avec la Corée du Sud en incluant dans ses discussions la Chine et les États-Unis, et ce, dès le mois de décembre. Nous attendons et nous suivons les développements, en espérant que ces pourparlers soient en bonne voie et portent fruit.
Il y a autre chose que tout le monde devrait savoir au sujet de l'effort américain à l'approche de la date de signature de ce traité. Les États-Unis essaient présentement de trouver quelque chose pour remplacer les mines terrestres antipersonnel utilisées actuellement dans la péninsule coréenne. Ils ont également dit qu'ils désirent vivement aider à éliminer les mines terrestres dans le monde entier d'ici à l'an 2010 et qu'ils ont l'intention de contribuer plus de 100 millions de dollars aux activités internationales de déminage au cours de la prochaine année.
La liste des pays signataires du traité est très longue, mais il manque plusieurs acteurs très importants, en particulier la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Corée du Sud, l'Inde et le Pakistan.
J'encourage notre gouvernement à continuer à faire pression auprès de ces pays.
Enfin, il y a deux endroits où les mines terrestres ont eu des effets particulièrement graves sur la population civile des dernières années: l'Afghanistan et le Cambodge. La présence de ces mines est une séquelle du régime communiste.
D'après ce qu'on m'a dit, certaines mines datant de l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique ont été délibérément conçues pour ressembler à des jouets. C'était une tentative délibérée de tuer des enfants et de terroriser les Afghans dans le but de les assujettir.
Il est important que le Canada montre la voie, non seulement pour débarrasser le monde de ces mines terrestres, mais également pour saisir toutes les occasions possibles d'informer les Canadiens et les Canadiennes que la raison pour laquelle les pays que je viens de citer n'ont pas signé ce traité sont bien différentes de celle pour laquelle les Américains n'ont pas signé non plus. Quand le monde sera devenu un endroit plus sûr, la protection des plus vulnérables de nos alliés par les États-Unis deviendra de moins en moins nécessaire.
Mon autre préoccupation de nature internationale est la suivante: il s'agit en effet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique qui se réunit au moment où on se parle. Je crois savoir que la question des droits de la personne ne figure pas à l'ordre du jour de la réunion de l'APEC, mais seulement celle portant sur la question économique. Ce n'est pas cela qu'il faut faire, et je sais que beaucoup de Canadiens et de Canadiennes sont également de cet avis.
Je suggère au Canada de soulever publiquement la question du traité sur les mines terrestres sans rien laisser de côté, en ne se contentant pas de faire des réunions bilatérales. Si notre gouvernement désire vraiment débarrasser le monde des mines terrestres, le sommet de l'APEC représente une occasion opportune d'inciter divers pays à y participer.
Je tiens à féliciter le gouvernement et à rendre hommage en particulier au ministre des Affaires étrangères. J'espère sincèrement que le gouvernement prendra mes commentaires au sérieux et en tiendra compte.
Le Président: Mon cher collègue, il reste encore du temps pour des commentaires ou des questions, mais comme il est presque 14 heures, je vous accorderai encore la parole après la période des questions orales. Dès ce moment, nous allons procéder aux déclarations de députés et nous commencerons avec l'honorable député d'Egmont.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
MME LORIE KANE
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, un grand moment du sport au Canada a eu lieu en fin de semaine dernière, lorsque Lorie Kane, qui est originaire de l'Île-du-Prince-Édouard, a terminé les quatre rondes réglementaires du championnat de la LPGA ex-aequo en première place.
Les 30 meilleures golfeuses au monde étaient réunies à Las Vegas pour la dernière ronde, qui devait permettre de couronner la championne.
Pour Lorie et pour le golf féminin au Canada, qu'une canadienne de l'Île-du-Prince-Édouard arrive en première place était un événement remarquable. Le fait que Lorie ait perdu après trois trous de départage face à Annika Sorenstam, la joueuse qui a gagné le plus d'argent et a été la meilleure pendant la saison, ne diminue en rien la fierté que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard éprouvent pour sa performance.
À tort ou à raison, le succès d'un golfeur se mesure à l'argent qu'il remporte. D'après cet étalon, Lorie, qui a gagné plus de 425 000 $ US, s'impose comme la meilleure golfeuse canadienne de l'histoire. Qu'elle ait accompli cela en étant une recrue sur le circuit ne le rend que plus impressionnant.
Lorie est une grande ambassadrice pour le sport, pour l'Île-du-Prince-Édouard et pour le Canada. Elle n'oublie jamais ceux qui l'ont aidée depuis ses débuts.
Lorie, nous te félicitons et nous te souhaitons de continuer à remporter des succès.
* * *
MME CATRIONA LEMAY DOAN
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais ajouter un nom à la liste des grands athlètes canadiens, celui de Catriona LeMay Doan.
Samedi dernier, Madame LeMay Doan est devenue la première femme à pulvériser deux records mondiaux de patinage de vitesse en moins d'une heure lorsqu'elle a battu le meilleur temps pour le 500 mètres et pour le 1 000 mètres. Madame LeMay Doan est la meilleure sprinteuse sur patins du monde et elle représente le Canada.
Au nom des habitants de Calgary-Ouest, qui ont tenu la coupe du monde de sprints à l'Anneau olympique, je demande à tous les députés de se lever pour souligner cet exploit remarquable.
* * *
[Français]
LE SÉNATEUR MARCEL PRUD'HOMME
M. Guy Saint-Julien (Abitibi, Lib.): Monsieur le Président, terrassé par une crise cardiaque il y a une semaine, le sénateur Marcel Prud'homme reprend ses forces à l'Hôtel-Dieu de Montréal.
Politicien coloré au verbe facile, il a eu une fructueuse carrière parlementaire à Ottawa de 1964 à 1993 en tant que député libéral de Saint-Denis, à Montréal. Il a été nommé au Sénat en tant que sénateur indépendant en 1993.
Prompt rétablissement, Marcel, de la part de tes amis députés canadiens et des employés de la Chambre des communes à Ottawa.
* * *
LES PEUPLES AUTOCHTONES
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, un an après le dépôt du rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, je dénonce l'inertie de ce gouvernement à donner suite à ses principales recommandations.
Parmi celles-ci, il y a l'autonomie gouvernementale, dont les négociations piétinent toujours. Pourtant, cet enjeu constitue un droit essentiel permettant aux autochtones de s'affranchir de la dépendance financière envers Ottawa.
Il y a également les nombreux problèmes sociaux soulevés par la Commission d'enquête, qui exigent une intervention gouvernementale rapide et efficace. Ai-je besoin de rappeler à cette Chambre que les autochtones vivent dans des conditions inconciliables avec la dignité humaine? Leur santé chancelle, le taux de toxicomanie, d'alcoolisme et de suicide est le plus élevé au pays, et ils sont parmi les Canadiens les plus mal logés. Le Québec, de son côté, bénéficie de statistiques beaucoup plus avantageuses.
Au nom du Bloc québécois, je presse le gouvernement de bouger dans ce dossier. Je lui demande de s'inspirer des recommandations de la Commission qui visent à redresser cette piètre situation.
* * *
[Traduction]
LE MOIS DE LA SENSIBILISATION AU DIABÈTE
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Monsieur le Président, novembre est le Mois de la sensibilisation au diabète.
Près de 1,5 million de Canadiens souffrent de cette maladie, qui est l'une des principales causes de décès prématuré et de graves problèmes de santé. Les chances d'avoir le diabète augmentent avec l'âge. Cette maladie touche plus de 11 p. 100 des Canadiens âgés de 65 à 74 ans.
Le taux de diabète chez les autochtones est trois fois plus élevé que dans la population en général. C'est pourquoi, dans le discours du Trône, le gouvernement a mentionné la nécessité d'élaborer de nouvelles initiatives pour enrayer la croissance rapide du diabète dans les collectivités autochtones.
Santé Canada joue un rôle important dans la lutte contre le diabète en finançant la recherche par l'intermédiaire du Conseil de recherches médicales, en aidant au fonctionnement du conseil multisectoriel canadien du diabète et en travaillant avec les premières nations pour élaborer des programmes efficaces de lutte contre le diabète.
Monsieur le Président, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter à l'Association canadienne du diabète, et à ses nombreux bénévoles, beaucoup de succès durant le Mois de sensibilisation au diabète.
* * *
LES MINES ANTIPERSONNEL
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui marquera un moment historique pour le Canada lorsque nous adopterons à la Chambre une loi qui interdira l'emploi, la production et la vente de mines antipersonnel.
En faisant cela, le Canada sera l'un des premiers pays du monde à avoir une loi interdisant ces engins horribles qui tuent plus de 30 000 personnes par année et qui paralysent les économies de certains des pays les plus pauvres du monde.
Le Canada, de concert avec les ONG, a mené l'assaut contre ces engins. Action Mines Canada, le personnel des Affaires étrangères et les députés ont uni leurs efforts pour mener à bien cette initiative. Voilà un exemple de ce que le Canada peut faire sur la scène internationale.
Nous devons maintenant aller au-delà des mines terrestres et nous servir de ce processus à Ottawa pour nous attaquer aux questions plus vastes qui nous touchent tous en matière de sécurité. Notre politique étrangère doit nous pousser à agir et non seulement à réagir. Le monde a besoin d'un leader au XXIe siècle pour poursuivre ces objectifs, et le Canada peut jouer ce rôle.
Le XXIe siècle appartient au Canada. Nous devons saisir toutes les occasions qui s'offrent à nous et aller de l'avant.
* * *
LE FESTIVAL OLYMPIQUE INTERNATIONAL DES ENFANTS
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je veux informer la Chambre d'un événement remarquable qui se tiendra à Hamilton. Le comité exécutif des Jeux internationaux des enfants a unanimement appuyé la candidature de Hamilton comme ville-hôte du premier festival olympique international des enfants, qui se tiendra du 1er juillet—Jour du Canada—au 8 juillet de l'an 2000.
Treize disciplines sportives sont prévues au programme, ainsi que la tenue d'un festival culturel et la célébration des Jeux olympiques qui se tiendront la même année, en Australie.
Le comité organisateur de Hamilton souhaite obtenir la participation de 100 villes et de quelque 5 000 athlètes de toutes les régions du Canada et du monde à cette célébration du sport et de la culture, qui coïncidera avec le début du nouveau millénaire.
Le thème du festival, qui prône l'unité, reflète les aspirations des jeunes du monde entier qui viendront chez nous pour y faire rayonner l'esprit olympique. Quelle belle façon pour les jeunes Canadiens de célébrer l'unité, entre eux et avec la jeunesse du monde entier.
La ville de Hamilton compte sur l'appui du gouvernement fédéral, au moment où elle se prépare à organiser l'un des principaux événements du nouveau millénaire au Canada.
* * *
LE DÉCÈS DU JUGE JOHN SOPINKA
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Monsieur le Président, nous avons tous été consternés d'apprendre ce matin le décès soudain, après une brève maladie, du juge John Sopinka de la Cour suprême.
[Français]
Le juge Sopinka a été nommé à la Cour suprême du Canada en juin 1988. Né en 1933 à Broderick, en Saskatchewan, il a fait ses études à Hamilton, en Ontario, et a obtenu un diplôme de l'Université de Toronto en 1958. Avant d'être nommé à la Cour suprême, il était l'un des avocats les plus réputés du pays, ayant été admis au Barreau de cinq provinces et de deux territoires.
[Traduction]
Le juge Sopinka était un grand juriste. On se souviendra de lui en raison de sa contribution sur le banc et au système judiciaire canadien, qu'il a servi avec grande distinction.
Au nom de tous les députés de la Chambre, je transmets mes sincères condoléances aux membres de sa famille.
* * *
[Français]
LA JOURNÉE NATIONALE DES PATRIOTES
M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de souligner la Journée nationale des Patriotes, célébrée hier à Saint-Denis-sur-Richelieu. Cette journée, instituée pour honorer la mémoire des Patriotes, revêt cette année une signification toute particulière puisque nous commémorons le 160e anniversaire des événements de 1837 et le 10e anniversaire du décès de l'un de nos plus grands Patriotes, le regretté René Lévesque.
Le 30 octobre 1995, près de 94 p. 100 des Québécoises et Québécois se sont démocratiquement prononcés sur leur avenir collectif. Mais ce précieux héritage démocratique qui nous aura permis de tenir cet exercice fondamental de consultation dans le calme, la civilité et le respect mutuel, c'est aux Patriotes du siècle dernier que nous le devons.
Sachons donc apprécier le legs des Patriotes et les sacrifices auxquels ils ont consenti pour que nous puissions jouir aujourd'hui de ces libertés civiles et politiques qui nous sont chères et de ces institutions démocratiques et responsables dont nous sommes si fiers.
Cela dit, nous savons que la noble mission des Patriotes demeure inachevée. Mais le peuple québécois, dans leur foulée, s'est résolument engagé sur la voie menant notre pays à sa souveraineté.
* * *
[Traduction]
LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, depuis 1993, les libéraux n'ont pas su s'occuper des préoccupations de la Colombie-Britannique.
Ils ont établi leur propre programme pour le sommet de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, l'APEC. Ce programme n'inclut pas des questions telles que les droits de la personne, la création d'emplois ou la volonté de faire de la Colombie-Britannique le huitième tigre du Pacifique. Il se veut plutôt une tentative lamentable de panser des plaies. Les véritables créateurs d'emploi en Colombie-Britannique sont la pêche, l'industrie forestière et les produits liés à l'environnement. Or, ceux-ci ne figurent pas à l'ordre du jour de l'APEC.
Les libéraux ne sont pas parvenus à négocier un traité avec les États-Unis sur le saumon du Pacifique. Ils ont éteint les phares le long de la côte pacifique. Ils ont décimé la garde côtière dans cette région. Ils ont même fermé la base Chilliwack, laissant ainsi la Colombie-Britannique sans capacité d'intervention en cas d'urgence.
Les libéraux ont privé les habitants de la Colombie-Britannique de leurs porte-parole en empêchant 25 députés fédéraux de la province de participer au sommet de l'APEC. Les libéraux auraient préféré accueillir l'APEC à Toronto ou à Montréal.
Ils entretiennent le feu de l'aliénation de la Colombie-Britannique avec un montant de 65 millions de dollars. Ils ne créent pas d'emplois en Colombie-Britannique. Mais les habitants de notre province sont trop futés pour se laisser berner par les libéraux.
* * *
LES GROUPES DE PRESSION CONTRE LA CHASSE AU PHOQUE
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, comme le savent tous les députés, des groupes de pression mènent une campagne véhémente contre la chasse au phoque au moyen de réclames télévisées et d'un numéro 1-800. Ils envoient des messages tout faits aux Canadiens et leur demandent de téléphoner à leurs députés respectifs.
Mon collègue, le député de Mississauga-Ouest, s'est insurgé contre cette pratique et a rappelé tous les gens qui l'avaient appelé. En outre, il a envoyé un lettre au Toronto Star, dans laquelle il corrige certaines erreurs qui figurent dans l'exposé.
Le groupe de défense des droits des animaux lui a fait envoyer une lettre d'avocat lui ordonnant de prendre un avocat ou, autrement dit, de ne pas se mêler de cette affaire, de ne pas corriger des erreurs ni poser des questions pointues s'il ne veut pas être poursuivi.
C'est là violer scandaleusement la liberté d'expression et les fonctions d'un député. On ne peut pas tolérer cela dans une société civile. C'est tenter honteusement de réduire un député au silence sur un sujet qui intéresse les Canadiens. En clair, ce n'est pas correct.
* * *
L'EMPLOI
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, les autorités politiques de l'Union européenne ont annoncé qu'ils vont fixer des objectifs de création d'emplois et lancer des programmes de lutte au chômage. Entre-temps, le gouvernement libéral du Canada semble satisfait que le chômage se maintienne à 9 p. 100 et rejette les propositions néo-démocrates voulant qu'on fixe des objectifs et des calendriers de création d'emplois.
En fait, la semaine dernière, le gouverneur de la Banque du Canada a dit que l'économie canadienne pourrait atteindre sa pleine capacité l'an prochain avec un taux de chômage de 8,9 p. 100. Les libéraux et la Banque du Canada semblent croire que les 1,5 million de chômeurs canadiens sont de trop et qu'ils ne participent pas, en fait, à l'économie.
C'est une attitude scandaleuse. Il faut s'engager à créer de vrais emplois pour des personnes réelles au lieu d'idolâtrer certains indicateurs économiques et les fausses théories économiques dont ils font partie.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Monsieur le Président, vendredi dernier, le gouvernement a annoncé une réduction du taux de cotisation à l'assurance-emploi, ce qui représente un allègement fiscal de 1,4 milliard de dollars.
Pour les employés, à compter du 1er janvier 1998, le taux de cotisation baissera de 2,90 $ à 2,70 $ par tranche de 100 $ de gains assurables. Quant aux employeurs, leur taux de cotisation baissera de 4,06 $ à 3,78 $. Ces diminutions de cotisation résultent de prévisions plus optimistes du gouvernement fédéral quant à ses finances publiques. Ce dernier a d'ailleurs souligné sa volonté de baisser ces taux de cotisation à l'avenir dans toute la mesure du possible.
Le geste du gouvernement s'inscrit dans un objectif plus large de prendre tous les moyens susceptibles d'assurer la croissance de l'économie canadienne. Cette dernière passe notamment par la création d'emplois et le maintien de meilleures conditions en faveur de l'investissement public et privé.
* * *
[Traduction]
LE CURLING
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour informer la Chambre d'une grande contribution canadienne au sport du curling.
L'an prochain, à Nagano, au Japon, les Jeux olympiques comprendront une autre discipline officielle, le curling. Cette semaine, à Brandon, au Manitoba, ma ville natale, on choisira les représentants canadiens aux compétitions de curling de Nagano.
Les Canadiens feront connaissance avec les joueurs de curling les plus talentueux jamais réunis sous un même toit. Les dix meilleures équipes de curling de chaque sexe se feront la lutte pour avoir l'honneur de défendre les couleurs de leur pays aux Jeux olympiques. Il va sans dire que j'ai un parti pris, car quatre de ces équipes viennent du Manitoba. Cependant, quand ils seront choisis ce week-end, les représentants du Canada, quelle que soit leur province d'origine, jouiront de l'appui de tous les Canadiens dans leur quête de l'or.
Je tiens à féliciter la présidente du comité d'organisation de Brandon, Pam Horn, et les 900 bénévoles d'attirer encore une fois l'attention sur le sud-ouest du Manitoba et le curling. Brandon mérite sa réputation d'hôte et son titre de capitale du curling du Canada.
* * *
LE MOIS DE SENSIBILISATION AU DIABÈTE
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Monsieur le Président, novembre est le mois de sensibilisation au diabète. Le 14 novembre, le Jour de l'insuline a été célébré partout dans le monde. Ces événements m'intéressent d'une façon particulière, car le découvreur de l'insuline, sir Frederick Banting, est né dans le canton de New Tecumseh, qui se trouve dans ma circonscription, Simcoe—Grey.
Le Dr Banting s'est mérité une place spéciale dans le coeur des Canadiens, voire de tous les habitants de la planète grâce à sa découverte d'un remède permettant de traiter le diabète. Nul doute que nous avons tous un ami, un proche ou un voisin qui bénéficie directement de la découverte du Dr Banting.
À la mémoire d'un grand homme et d'un grand Canadien, j'invite tout le monde à faire activement la promotion du rôle de l'éducation dans la prévention et le traitement du diabète. Le diabète est une maladie grave de plus en plus répandue dans le monde et handicapant plus de 100 millions de personnes.
Nous sommes redevables au Dr Banting et nous pouvons rembourser notre dette en participant activement à la prévention et au traitement du diabète. Chers collègues, joignez vos efforts aux miens pour relever ce défi.
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LE CURTAIN CLUB THEATRE
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, le 21 novembre marque le 25e anniversaire de l'inauguration du Curtain Club Theatre sur le chemin Newkirk, à Richmond Hill.
Nous pouvons être fiers de la tradition qu'a instaurée le Curtain Club, tradition qui remonte à 1952 et qui a permis de présenter aux habitants de Richmond Hill et des environs des productions théâtrales de première catégorie, qui vont des comédies aux tragédies et qui les font passer du rire aux larmes.
Nous avons de la chance d'avoir, dans notre collectivité, pareille organisation professionnelle ainsi qu'un groupe de bénévoles très engagés et dévoués qui participent à la production, à la création des décors et au travail exceptionnel des comédiens.
Il convient aussi de signaler que le Royal Canadian Air Farce, qui célèbre également son 25e anniversaire, s'est produit pour la première fois à Richmond Hill, au Curtain Club Theatre. Cette extraordinaire équipe de comédiens canadiens a ravi ses auditeurs par ses satires et son humour terre à terre. Sa première émission radiophonique a été diffusée à partir du Curtain Club de Richmond Hill.
Le théâtre canadien bénéficie du dévouement et de l'engagement de ceux qui sont prêts à consacrer de longues heures de préparation, de travail soutenu et d'effort pour présenter des divertissements à leurs concitoyens.
Je félicite le Curtain Club Theatre et le Royal Canadian Air Farce.
* * *
[Français]
LE LIBAN
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de souligner ici la présence de l'ancien président du Liban, M. Amine Gemayel.
Il est ici en visite avec sa charmante dame, et nous reconnaissons en M. Gemayel un grand défenseur de l'indépendance et de l'intégrité du territoire du Liban.
On voudra lui démontrer et souligner notre gratitude, non seulement des Libanais qui demeurent au Liban aujourd'hui, mais de tous les Libanais à travers le pays qui luttent et espèrent avec lui que le Liban trouvera son véritable territoire assuré avec une paix après 17 ans de conflits.
Donc, la visite de l'ancien président, M. Gemayel, et de son épouse nous honore.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes maintenant à la sixième journée de la grève des postes qui paralyse le pays d'un océan à l'autre. Les coûts pour les entreprises et les familles se situent dans les centaines de millions de dollars. Des milliers de travailleurs ont déjà été mis à pied.
Au cours du week-end, ce gouvernement a joué avec l'idée d'imposer aux postiers une loi de retour au travail, mais il n'est pas allé plus loin. Ce n'était que des idées et des vaines paroles.
Voici ma question. Combien de jours et combien de semaines cette grève va-t-elle durer encore? Quand ce gouvernement va-t-il obliger les travailleurs des postes à retourner au travail?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, nous suivons la situation de très près. C'est pour le gouvernement un grand sujet de préoccupation.
Nous voulons que les parties reviennent à la table de négociation et s'entendent sur une convention collective.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, laissez-moi vous dire quels sont les gens qui suivent la situation. Ce sont les familles qui ont des entreprises comme les Lorenze du nord de l'Alberta et des milliers d'entreprises familiales comme elles.
Cette famille s'est lancée dans la vente de livres par correspondance et elle a hypothéqué sa maison pour monter l'entreprise. Il s'agissait de travailler fort pour parvenir à son but, du moins c'est ce qu'on pensait. Mais voilà qu'il y a cette grève des postes. Les Lorenze risquent maintenant de perdre leur entreprise, leur rêve et même leur maison familiale. Donc ce genre de réponse ne suffit pas.
Voici ce que j'aimerais demander à ce gouvernement qui suit toute la situation de si près. Quelles explications peut-il donner aux milliers de personnes dont les vies mêmes sont touchées par cette grève?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux comprendre qu'un parti qui a toujours préconisé une réduction de la présence gouvernementale veuille maintenant que le gouvernement soit plus interventionniste. La démarche que nous encourageons a déjà donné des résultats. Laissons-la suivre son cours, laissons les parties parvenir à une entente.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Monsieur le Président, cette opposition officielle est un parti qui préconise l'arbitrage des propositions finales, car de cette façon nous pouvons éviter une telle démarche qui mène constamment à la grève.
Le ministre du Travail ne cesse de répéter à la Chambre des communes que le gouvernement ne va pas légiférer pour mettre fin à la grève et qu'il va simplement suivre de près la situation. Pourtant, le ministre des Travaux publics s'est donné un moment de réflexion au cours du week-end et a dit à l'Association canadienne de marketing direct, au mois d'août, qu'il présenterait une loi de retour au travail.
Je demande simplement: Qui dit la vérité ici?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, l'arbitrage des propositions finales est bel et bien une mesure d'arbitrage. Bref, nous n'en sommes pas encore à cette étape-là. Ce que nous voulons, c'est une convention collective. L'arbitrage des propositions finales est une formule qui donne des résultats dans certains secteurs seulement et elle n'est pas utile dans la situation actuelle.
M. Jim Gouk (West Kootenay—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, une loi de retour au travail doit également prévoir une autre solution que la grève pour régler le conflit.
On sait bien que le gouvernement libéral, avide d'argent, est en situation de conflit d'intérêts puisqu'il attend de la Société canadienne des postes qu'elle réalise des profits énormes et les lui remette.
Compte tenu de cette situation, quel mécanisme impartial le gouvernement utilisera-t-il pour régler le conflit actuel, s'il se décide enfin à intervenir?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, j'ai offert aux deux parties l'intervention d'un médiateur pour les aider à revenir à la table de négociation et signer une convention collective.
Je demande au député de laisser les deux parties travailler à la conclusion d'une entente qui leur convienne et de laisser le médiateur faire son travail.
M. Jim Gouk (West Kootenay—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, la grève de 1987 a été suivie d'une loi de retour au travail, toute comme la grève de 1991. Nous sommes en 1997 et il y a de nouveau grève. Ce conflit de travail, à l'approche de Noël, risque d'entraîner des milliers de mises à pied. Il coûte cent millions de dollars par jour aux entreprises, érode la situation de la Société canadienne des postes et fera perdre des emplois aux membres du STTP.
Combien faudra-t-il encore de grèves pour que le gouvernement se décide à protéger les 30 millions de Canadiens et à mettre en place, en dépit de l'opposition de la Société canadienne des postes, un mécanisme permanent de règlement sans grève ni lock-out?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit à la Chambre, je déposerai un projet de loi de mise à jour de la Partie 1 du Code canadien du travail.
Des consultations ont eu lieu ces deux dernières années et ni la partie patronale, ni le syndicat n'ont prôné l'abolition des droits liés à la négociation collective.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, le premier ministre s'opposait fermement à l'imposition d'une loi spéciale pour forcer le retour au travail à Postes Canada, et je le cite. Il disait:
[...] il y a une grève parce que le Parlement du Canada a donné le droit de grève à ce syndicat. C'est la loi, et nous devons respecter la loi en donnant aux deux parties la chance d'en arriver à une solution négociée.
Pourtant, hier, le ministre responsable des Postes, lui, envisageait l'imposition d'une loi spéciale.
Le vice-premier ministre peut-il nous indiquer quelle sera l'option du gouvernement, celle du premier ministre qui dit vouloir respecter le processus de négociation, ou celle du ministre responsable des Postes qui passe son temps à brandir le spectre d'une loi spéciale?
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, comme mon collègue le sait bien, je n'ai rien dit au sujet d'un projet de loi de retour au travail.
Ce que j'ai essayé de faire, c'est de laisser le système faire ses preuves. Je demande à mon collègue de faire la même chose, de laisser les grévistes retourner à la table des négociations et de leur permettre d'arriver à une entente qui améliorera la situation pour tous les Canadiens.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je veux bien croire le ministre du Travail, mais cela donne que le ministre responsable des Postes, son collègue, a brandi constamment la menace d'une loi spéciale.
Je demande au ministre responsable de la Société canadienne des postes s'il ne réalise pas que, par ses actions, il a faussé le jeu des négociations, et pourrait mener directement les parties à une impasse.
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, on a affirmé bien des choses durant les négociations, mais il y a un processus à suivre dans notre pays. En vertu de la partie I du code, j'ai le devoir de veiller à ce que ce processus soit respecté.
Le processus comporte un certain nombre d'étapes, et nous sommes en train de les franchir. Laissons le système faire ses preuves.
[Français]
M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, déjà depuis le mois d'août, on sait que la situation va se dégrader aux Postes, puisque le ministre responsable avait accidentellement annoncé sa stratégie d'une loi spéciale, bien avant que les employés aient décidé d'une grève.
Est-ce que le gouvernement ne réalise pas qu'il est entièrement responsable du fouillis dans lequel on se retrouve aux Postes, en présentant deux positions différentes: le ministre du Travail qui dit vouloir laisser jouer la négociation et le ministre responsable de la Société canadienne des postes qui promet, depuis trois mois, une loi spéciale?
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, j'ai offert aux deux parties les services d'un médiateur qui les ramènerait à la table des négociations et tâcherait d'obtenir une entente. Pourquoi ne pas laisser le STTP et la Société des postes avoir recours aux services d'un médiateur pour parvenir à une entente qui améliorera la situation pour tous les Canadiens?
[Français]
M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre n'a pas tout simplement livré les employés des Postes en pâture à la Société canadienne des postes en promettant dès le départ qu'il leur enlèverait rapidement leur droit de grève par une loi spéciale?
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai fait aucune promesse. Tout ce que j'ai fait, c'est accepter d'appliquer la loi et la partie I du Code canadien du travail, qui se trouve à être un élément de la législation de notre pays. Je vais veiller à ce que la loi soit respectée. Il y a un certain nombre d'étapes à suivre et nous en sommes là pour le moment.
[Français]
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre du Travail s'est fait l'apôtre d'une solution négociée au conflit des Postes. Il a même reconnu qu'une loi de retour au travail nuirait aux négociations en cours. Pourtant, le ministre responsable de Postes Canada menace maintenant d'imposer une loi spéciale.
Pourquoi le ministre responsable veut-il saboter les négociations au lieu de laisser les pourparlers suivre leur cours?
[Traduction]
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, s'il y a quelqu'un qui n'a pas saboté les négociations, c'est bien moi. Je me suis assuré que le régime de négociation collective ait une chance de fonctionner dans notre pays. Je me suis assuré que nous respections les lois du pays et je vais m'assurer que nous respectons les lois du pays.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, voilà le numéro du bon flic et du mauvais flic qui se joue sur le parquet de la Chambre des communes.
Plus tôt aujourd'hui, on a dit au ministre du Travail que, sans l'ingérence du gouvernement, la Société canadienne des postes et ses employés pourraient conclure une entente d'ici 72 heures. Pendant la période des questions, le ministre a admis que, sans l'ingérence du gouvernement, les parties pourraient négocier une entente.
Le ministre du Travail réaffirmera-t-il son engagement à trouver une solution négociée en insistant pour que le projet de loi de retour au travail soit mis au réfrigérateur?
L'hon. Lawrence MacAulay (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, c'est la députée qui soulève la question d'une loi de retour au travail. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai offert les services d'un médiateur du programme du ministère du Travail. Ce que je tente de faire, c'est de faciliter les négociations. J'essaie d'aider le STTP et la Société canadienne des postes à négocier une convention collective.
Nous devrions les laisser faire leur travail. Nous devrions laisser le médiateur faire son travail.
* * *
L'ASSURANCE-EMPLOI
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, le gouvernement a annoncé vendredi qu'il allait réduire les cotisations d'assurance-emploi de 20 cents seulement et les faire passer de 2,90 $ à 2,70 $.
Les dirigeants d'entreprise de tout le pays s'entendent pour dire qu'on pourrait réduire de 60 à 70 cents les cotisations d'assurance-emploi. Même l'actuaire chargé du compte d'assurance-emploi affirme que le fonds demeureraient viables si on réduisait les cotisations de 90 cents.
Pourquoi le ministre du Développement des ressources humaines a-t-il choisi de faire passer les intérêts du ministre des Finances avant ceux des Canadiens, de ne pas leur offrir l'allégement du fardeau fiscal dont ils ont besoin, surtout étant donné l'augmentation d'impôt de 11 milliards de dollars...
Le Président: La parole est à l'honorable ministre du Développement des ressources humaines.
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à dire que la Chambre a été très heureuse d'apprendre vendredi matin qu'on allait réduire une deuxième fois les cotisations de 10 cents. Les Canadiens ont été très heureux de constater que pour la quatrième année d'affilée, les cotisations allaient baisser. C'est une bonne nouvelle.
Les chefs d'entreprise et les employés se réjouissent de voir qu'ils peuvent compter sur un régime qui sera viable à l'avenir, qui ne contribuera pas à la dette comme dans le passé, car nous sommes des gens sérieux.
M. Jean Dubé (Madawaska—Restigouche, PC): Monsieur le Président, le régime serait viable avec des cotisations de 2 $.
La semaine dernière, les fonctionnaires du ministère des Finances ont amené le Comité des finances à croire que le vérificateur général avait accepté de ne pas être le vérificateur pour l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Le vérificateur général a dû envoyer une lettre au Comité des finances pour expliquer sa position. Il a précisé clairement qu'il croyait devoir être le vérificateur pour l'office et pourtant, vendredi, le ministre des Finances a continué de dire que ce n'était pas la position du vérificateur général.
Le ministre sait-il maintenant à quoi s'en tenir et peut-il dire à la Chambre pourquoi ses fonctionnaires ont induit en erreur le Comité des finances?
Le Président: Je préférerais, chers collègues, que nous nous abstenions d'utiliser des paroles de ce genre. Je donne au ministre des Finances la possibilité de répondre s'il le souhaite.
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, soyons très clairs. Cela est indigne du député et j'espère qu'il va retirer l'affirmation qu'il a faite selon laquelle des représentants du gouvernement auraient tenté d'induire le comité en erreur.
Cela dit, permettez-moi de dire que le vérificateur général aura un accès complet à tous les renseignements voulus pour effectuer sa vérification. Il est possible qu'il soit choisi comme vérificateur général. Le fait est que la décision reviendra à l'Office d'investissement du RPC, qui est indépendant du gouvernement. Je rappelle au député que cette initiative ne vient pas du gouvernement fédéral seulement, mais également des gouvernements provinciaux.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, vendredi, le ministre des Finances a annoncé une réduction des cotisations d'assurance-emploi qui ne vaut pas un clou aux yeux des Canadiens...
Des voix: Bravo!
M. Monte Solberg: ...et ils applaudissent. Voilà qui est plutôt gênant.
Si les Canadiens travaillent sept jours par semaine et tolèrent qu'on vienne puiser d'énormes sommes d'argents dans leurs poches, ils en seront quitte pour faire le premier paiement sur une tasse de café. Ce sont des miettes. Quand est-ce que le ministre des Finances va cesser de distribuer des cinq cents et des dix cents aux Canadiens et leur accorder enfin un allégement fiscal digne de ce nom?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est une réduction d'impôt de l'ordre d'un milliard quatre cent millions de dollars. C'est la deuxième plus grande baisse des cotisations d'assurance-chômage de toute l'histoire du fonds. Comme mon collègue l'a mentionné, ce mouvement a été amorcé il y a trois ans et a donné lieu chaque année à une réduction des cotisations d'assurance-emploi. C'était tout à fait contraire à la pratique des hausses de ces cotisations inaugurée par le gouvernement précédent.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, en même temps que le ministre réduit de 10 cents par jour les cotisations d'assurance-emploi, il va hausser à compter du 1er janvier les charges sociales au titre du RPC de 1,90 $ par jour, et de 3,80 $ dans le cas des travailleurs autonomes.
Quand le ministre va-t-il cesser de se livrer à ce genre de tours de passe-passe et admettre que les impôts sont à la hausse et non pas à la baisse, comme il tente de le faire croire aux Canadiens?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je crois vraiment que le critique financier du Parti réformiste doit faire ses devoirs s'il veut mériter le respect des Canadiens. Les cotisations versées au Régime de pensions du Canada ne vont pas dans les coffres du gouvernement. Elles sont versées dans un fonds distinct qui rapporte des dividendes aux cotisants du RPC.
Si, comme sa question semble l'indiquer, il trouve si révoltant le dossier de l'impôt sur le revenu, il pourrait en parler à son collègue de Calgary—Nose Hill qui a proposé d'augmenter de 25 p. 100 l'impôt sur le revenu des particuliers pour atteindre le plafond de 600 millions de dollars.
* * *
[Français]
OPTION CANADA
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.
L'enquête du directeur général des élections du Québec sur Option Canada a permis de constater le manque flagrant de collaboration des anciens administrateurs de cet organisme. L'ancien directeur des opérations, René Lemaire, a refusé d'ouvrir les livres d'Option Canada, l'avocat Michel Hudon, qui a incorporé Option Canada, refuse de dire ce que cet organisme avait comme activité, et ainsi de suite.
Est-il courant d'accorder, moins de 20 jours après son incorporation, une somme de près de cinq millions de dollars à des gens qui...
Le Président: La parole est à la ministre du Patrimoine canadien.
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, la somme qui a été accordée miroitait en totalité les sommes d'argent qui ont été données à Option souveraineté par M. Duhaime.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, j'ai une question additionnelle.
M. Claude Dauphin, l'ex-président d'Option Canada, ex-député libéral et membre du conseil d'administration du Conseil pour l'unité canadienne, a pourtant affirmé qu'Option Canada était le bras politique du Conseil pour l'unité canadienne.
Quelles activités politiques la ministre du Patrimoine a-t-elle bien pu financer?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face fait certaines allégations au sujet de ce qui a été déclaré.
J'aimerais qu'il fasse attention, parce qu'il faut se rappeler que le 16 janvier 1997, le ministre des Finances du gouvernement du Québec a dit, en ce qui concerne les rapports financiers du gouvernement du Québec relativement au référendum: «Rendre public le plan financier mis en place par le gouvernement québécois lors du référendum serait faire preuve de négligence». Cela, ça vient du ministre des Finances du gouvernement péquiste à Québec.
* * *
[Traduction]
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, la pauvre députée de Calgary—Nose Hill n'a jamais proposé de hausse de 25 p. 100. C'est le ministre des Finances qui a inventé cela. Dans la même veine, il essaie d'inventer un mécanisme de vérification très privé pour l'Office d'investissement du RPC, même si le vérificateur général a dit que son ministère devrait se charger de cette vérification.
Pourquoi le ministre des Finances refuse-t-il de laisser le vérificateur général du Canada surveiller l'énorme fonds de placement du RPC? Qu'essaie-t-il de cacher?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, l'Office d'investissement du RPC a cette possibilité.
Quant à la déclaration de la députée de Calgary Nose—Hill selon laquelle la dette de 600 milliards de dollars serait épongée grâce à une hausse de l'impôt sur le revenu de 25 p. 100, elle est de notoriété publique. Si c'est faux, la députée prendra-t-elle maintenant la parole et nous dira-t-elle comment les réformistes épongeront la dette de 600 milliards de dollars ou peut-être ont-ils l'intention de ne plus verser de prestations aux Canadiens et de ne plus respecter les obligations que nous avons à leur endroit?
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a fait erreur non pas une, mais bien deux fois.
Je vais parler du fonds de placement. Le projet de loi établit clairement que l'Office d'investissement du RPC embauchera son propre vérificateur privé. Le vérificateur général ne participera pas à cette vérification.
Je vais réitérer ma question au ministre des Finances. Si le vérificateur général dit qu'il peut s'acquitter de cette tâche et que ce serait plus efficace et rentable qu'il le fasse, pourquoi le ministre des Finances refuse-t-il que les activités de l'Office d'investissement du RPC soient examinées publiquement? Qu'essaie-t-il de cacher?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, l'examen sera entièrement public. Toute l'information sera disponible. Elle sera mise à la disposition du vérificateur général, et celui-ci fera rapport à ce sujet.
L'Office d'investissement peut nommer un vérificateur de l'extérieur qui a une expérience plus approfondie que le vérificateur général ou il peut nommer ce dernier. Le député devrait lire le projet de loi.
Pourquoi refuse-t-il de parler de la dette de 600 milliards de dollars? Le Parti réformiste refusera-t-il de respecter ses obligations envers les Canadiens? Pourquoi craint-il de dire ce qu'il est prêt à faire? Les Canadiens ont-ils une raison de se méfier des réformistes...
Le Président: La parole est au député de Roberval.
* * *
[Français]
OPTION CANADA
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, 4,8 millions de dollars de l'argent des contribuables sont utilisés, on ne sait par qui, on ne sait pourquoi, on ne sait pas vraiment comment et on ne sait pas quand, et la ministre responsable du Patrimoine refuse toujours de répondre à quelque question que ce soit au sujet d'Option Canada.
Je lui demande bien sincèrement celle-ci: La ministre, qui a dit à quelques reprises sur les tribunes qu'elle n'a rien à cacher, ne croit-elle pas que sa responsabilité la plus fondamentale, en tant que ministre responsable, c'est de répondre franchement et dès maintenant à toutes ces questions?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, si le député est tellement intéressé aux dépenses publiques, peut-être qu'il pourrait examiner un peu ce que le gouvernement du Québec a dépensé pour l'option séparatiste, et je cite: «Le Secrétariat à la restauration aux études, 9,4 millions; le rapport Le Hir, pouf! on se souvient du rapport Le Hir; la Commission régionale et nationale sur l'avenir du Québec, 8,5 millions; les subventions au Conseil de la souveraineté, 4 millions; les envois postaux à tous les citoyens, 2 millions et 3 millions; l'embauche de...»
Le Président: L'honorable député de Roberval.
M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, c'est exactement ce que je lui demande. Les chiffres de Québec sont publics, ils sont connus, et on veut connaître les chiffres d'Ottawa.
La ministre ne réalise-t-elle pas qu'en agissant de cette façon, en répondant n'importe quoi, elle se rend coupable de cover-up?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, ces chiffres se retrouvent dans les comptes publics. Alors, on ne peut pas nous accuser que nos chiffres sont secrets, parce que les chiffres du gouvernement du Canada sont dans les comptes publics.
* * *
[Traduction]
LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, ces derniers jours, il y a eu plusieurs incidents où de jeunes voyous ont sauvagement battu des jeunes et des adultes à Coquitlam et à Saanich, en Colombie-Britannique, ainsi qu'à Calgary et à Sunbury, en Alberta, la ville où j'habite. À Saanich, une jeune fille a été tuée et son corps a été jeté dans un ravin.
La ministre de la Justice va-t-elle abolir la loi libérale sur les jeunes contrevenants, qui n'a aucune espèce d'effet dissuasif sur les jeunes et dont l'inutilité totale a été bien démontrée?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. En fait, comme il le sait probablement, mon ministère est à préparer une réponse au rapport sur la Loi sur les jeunes contrevenants que le Comité permanent de la justice a déposé à la Chambre en avril dernier. Mes homologues provinciaux et moi-même allons nous réunir à Montréal la semaine prochaine et cette loi sera un des points les plus importants à l'ordre du jour de notre réunion.
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, cela ne nous avance pas. Nous avons entendu de telles choses avant aujourd'hui.
Ils parcourent le Canada avec l'élite. Ils visitent l'élite. Ils sont censés faire toutes ces consultations. Il n'y a pas un député à la Chambre, y compris vous-même, monsieur le Président, qui pourrait se tenir au coin d'une rue dans n'importe quelle ville du Canada sans que tout le monde lui crie de nous débarrasser de la Loi sur les jeunes contrevenants parce qu'elle est inefficace.
Quand la ministre mettra-t-elle finalement de l'ordre dans ses priorités? Quand cessera-t-elle de parler de ces choses inutiles et fera-t-elle quelque chose d'utile? Si elle ne peut pas faire le travail, qu'elle cède sa place à quelqu'un qui le peut.
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ferai remarquer que, à mon sens, la plupart des Canadiens comprennent que le problème de la criminalité juvénile est beaucoup plus complexe que semble le laisser croire le député.
Je peux le rassurer, ainsi que tous les Canadiens, en disant que nous prenons le problème très au sérieux. C'est d'ailleurs pourquoi nous consultons les provinces. Nous travaillons de concert avec de jeunes contrevenants pour que les modifications que nous apporterons à la loi permettent véritablement de l'améliorer.
Le Président: Chers collègues, je sais que nous nous échauffons tous un peu pendant la période des questions, mais il m'est difficile d'entendre les réponses. Je vous demande de vous calmer un peu.
* * *
[Français]
L'ENVIRONNEMENT
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement.
Après la dénonciation de l'entente de Regina sur les gaz à effet de serre par les groupes environnementaux, par l'ambassadeur canadien en environnement et par le gouvernement du Québec, nous apprenons, ce matin, que plusieurs pays industrialisés viennent de faire un consensus à Tokyo pour stabiliser leur émission de gaz à effet de serre d'ici 2005, non pas d'ici 2010, comme le prévoit l'entente de Regina.
La ministre de l'Environnement est-elle prête à revoir l'entente de Regina pour endosser cette position de compromis...
Le Président: L'honorable ministre de l'Environnement a la parole.
[Traduction]
L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit la semaine dernière que l'accord conclu à Regina était un bon consensus, mais ce n'est pas l'objectif ultime du gouvernement fédéral.
Nous allons rendre notre objectif public avant la réunion de Kyoto, mais pour le moment nous continuons de négocier, non seulement avec les pays développés, mais avec ceux en développement également, au sujet de ce grave problème pour nous assurer que nous aurons un consensus à Kyoto.
* * *
[Français]
REVENU CANADA
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national.
Avec ce qui s'est passé à Québec, la semaine dernière, les contribuables canadiens sont inquiets quant à la confidentialité de leurs dossiers fiscaux. Pour les contribuables, pour avoir confiance au système fiscal, nous devons, sans l'ombre d'un doute, assurer la confidentialité des informations fournies.
Est-ce que la secrétaire parlementaire peut assurer cette Chambre et tous les Canadiens qu'à Revenu Canada, les informations fournies par les contribuables sont confidentielles?
Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.
[Traduction]
Absolument. La confidentialité, que ce soit celle d'un particulier ou d'une société, est le principe de base de notre régime fiscal. L'application est volontaire et nous prenons très au sérieux tout effort pour avoir accès à de l'information. C'est une grave affaire et je voudrais dire clairement que Revenu Canada connaît bien cette obligation et que les récents articles de presse ne visent pas le ministère.
* * *
L'ENVIRONNEMENT
M. Bill Gilmour (Nanaïmo—Alberni, Réf.): Monsieur le Président, jeudi dernier le premier ministre a dit qu'il ne s'estimait pas lié par l'entente fédérale-provinciale conclue le 12 novembre afin de stabiliser les émissions aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2010.
Ce sont les provinces qui doivent s'occuper des émissions. Ce sont les provinces qui subiront les répercussions économiques de l'entente de Kyoto.
Pourquoi le premier ministre a-t-il fait perdre leur temps aux provinces, compte tenu qu'il avait en tête un échéancier différent depuis le tout début?
L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral et les provinces reconnaissent que les changements climatiques sont un problème grave et concret dont ils doivent s'occuper, mais ils sont aussi conscients des nombreuses possibilités liées à la situation.
Ce matin, j'ai signé une entente au nom du gouvernement fédéral avec ENMAX and Vision Quest de l'Alberta. Le ministère fédéral de l'Environnement achètera de l'énergie propre produite en Alberta au moyen de l'énergie éolienne. Pourquoi le Parti réformiste n'est-il pas capable de voir les possibilités liées aux changements climatiques?
M. Bill Gilmour (Nanaïmo—Alberni, Réf.): Monsieur le Président, en parlant de vent, il y en a beaucoup de l'autre côté de la Chambre.
Il ne reste qu'une semaine avant la signature du traité à Kyoto et le Canada est le seul membre du G7 qui n'a pas encore énoncé sa position, parce que le gouvernement tâtonne. Les provinces ont convenu de stabiliser les émissions aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2010. Or, le premier ministre parle maintenant de l'an 2007.
Compte tenu que le traité sera signé à Kyoto dans quelques jours, la ministre peut-elle dire à la Chambre et aux Canadiens quel est le plan du gouvernement et comment celui-ci sera mis en oeuvre?
L'hon. Christine Stewart (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, pour ce qui est de ce dossier, tout l'air chaud dans cette Chambre est produit par les réformistes.
Ce matin, la société Petro-Canada, dont le siège est à Calgary, et la compagnie de biotechnologie Iogen, d'Ottawa, ont signé une entente historique afin de produire de l'essence non polluante en se servant de déchets agricoles et de déchets de bois transformés.
Ce procédé offre beaucoup de possibilités pour le Canada, notamment les entreprises, les industries et les particuliers. Quand le Parti réformiste finira-t-il par comprendre que ce dossier est important et qu'il offre de nombreuses possibilités économiques non négligeables?
* * *
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, lorsqu'ils formaient l'opposition, les libéraux ont publié un rapport dans lequel on disait que la Société canadienne des postes ne devrait pas payer d'impôt et devrait générer juste assez de recettes pour couvrir ses coûts de fonctionnement et améliorer ses services aux Canadiens.
Aujourd'hui, le gouvernement libéral exige que Postes Canada paient des dividendes de 294 millions de dollars sur cinq ans et 131 millions de dollars d'impôt. Cette grève pourrait prendre fin aujourd'hui si le gouvernement laissait tomber ses exigences déraisonnables en matière de profits.
Le ministre des Services gouvernementaux va-t-il ordonner à Postes Canada de retourner à la table de négociation et renoncer aux dividendes qui sont à la source de ce conflit?
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, Postes Canada est à la table depuis le début et continuera de l'être. Cette société a le mandat de négocier. Nous croyons dans un règlement négocié.
Quant à l'autre volet de la question, le député n'ignore certes pas que le mandat de Postes Canada a été examiné en 1996. L'étude a duré un an et a analysé toutes les façons dont la société pourrait être dirigée et leurs répercussions financières.
Le gouvernement a reçu le rapport, y a répondu et a confié un nouveau mandat à Postes Canada. Je suis sûr que ce mandat peut être réalisé avec le règlement négocié.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, la Société canadienne des postes n'est pas censée être la vache à lait du gouvernement fédéral. Quand on regarde les profits et les dividendes que le gouvernement exige de Postes Canada, on voit bien qu'il se prépare à mettre cette société aux enchères. C'est comme engraisser un veau avant de le mener au marché.
Le ministre des Travaux publics va-t-il cesser d'exiger des dividendes de Postes Canada et assurer aujourd'hui à la Chambre que le gouvernement ne liquidera ni ne privatisera jamais ce précieux actif?
L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, combien de fois devrai-je le dire en français et en anglais? Nous ne voulons pas privatiser la Société canadienne des postes. Nous voulons que cette société continue à livrer le courrier. C'est une bonne société dans l'économie mondiale.
Le député devrait faire autant d'affaires que nous à l'étranger. Postes Canada doit réaliser des profits pour pouvoir renouveler son équipement et investir dans la technologie moderne.
Contrairement aux néo-démocrates, nous regardons vers l'avenir au lieu de vivre dans le passé.
* * *
L'APEC
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères a prévenu les participants au Forum de coopération économique Asie-Pacifique que ce forum ne servirait à rien si l'on n'y traitait pas des droits de la personne et des questions environnementales.
La Société canadienne d'expansion des exportations a accordé un financement de 172 millions de dollars venant de l'argent des contribuables au projet des Trois-Gorges, alors que la Banque mondiale, l'ACDI et l'Ex-Im Bank des Étas-Unis refusent d'appuyer ce projet pour des raisons qui touchent l'environnement et les droits de la personne.
Compte tenu des critères qu'il a exposés aux participants à la conférence de l'APEC, le ministre des Affaires étrangères estime-t-il que la politique étrangère du Canada à l'égard de l'Asie n'est plus pertinente?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, un certain nombre de mesures importantes ont été prises la semaine dernière à la réunion des ministres de l'APEC.
Premièrement, les ministres ont convenu que les questions ayant trait aux conséquences du changement économique et de la libéralisation du commerce sur les marchés du travail seraient examinées par le groupe de travail ministériel sur les ressources humaines. Cela suppose des consultations avec les parties syndicales et patronales pour veiller à ce que toutes les conséquences soient bien examinées.
Deuxièmement, les ministres ont aussi décidé d'appuyer une rencontre ministérielle sur les femmes. Cette rencontre aura lieu aux Philippines l'an prochain.
* * *
LES MINES TERRESTRES
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.
Début décembre, des représentants de plus d'une centaine de pays seront à Ottawa pour signer le traité interdisant les mines antipersonnel. J'ai récemment contacté le ministre, suggérant que, à l'occasion de cette conférence, le gouvernement prenne l'initiative de tenir une exposition mettant en vedette la technologie canadienne de déminage, qui est très perfectionnée.
Le ministre pourrait-il informer la Chambre des progrès faits par son ministère pour donner suite à ma suggestion?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député de Nepean—Carleton de sa suggestion.
J'ai le plaisir d'annoncer à la Chambre que les 3 et 4 décembre, il y aura à Ottawa, concurremment à la signature de la déclaration d'Ottawa, une exposition illustrant l'expertise canadienne en matière de déminage.
L'existence de cette technologie permettra non seulement de mettre en oeuvre le traité à la conclusion duquel le Canada a tant travaillé, mais également d'offrir des solutions aux personnes dont la vie a été bouleversée par les effets malheureux des mines antipersonnel.
* * *
LA SOCIÉTÉ POUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai informé la Chambre que le président de la Société pour l'expansion des exportations, Ian Gillespie, a dit au Comité des affaires étrangères que la SEE hésitait à adhérer au code de déontologie proposé par le ministre des Affaires étrangères.
Comment peut-on s'attendre à ce que les sociétés canadiennes adhèrent à ce code de déontologie alors qu'on sait que les sociétés d'État canadiennes veulent s'y soustraire? Le ministre du Commerce international rétablira-t-il la pertinence de la politique étrangère du Canada en veillant à ce que la SEE adhère au code de déontologie du ministre des Affaires étrangères?
M. Julian Reed (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, la Société pour l'expansion des exportations doit souscrire aux politiques du gouvernement fédéral; par conséquent, elle doit souscrire aussi à tout code de déontologie établi par le gouvernement.
Cependant, le code de déontologie dont il est question est destiné aux entreprises qui ne sont pas encore signataires et l'adhésion est volontaire.
* * *
LA FISCALITÉ
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Monsieur le Président, la circonscription que je représente est composée de petits entrepreneurs, de parents seuls, de salariés mariés et de personnes âgées. Tous ces gens essaient de joindre les deux bouts. Ces Canadiens ne veulent pas de cadeaux de la part du gouvernement. Tout ce qu'ils veulent, c'est que le gouvernement cesse de les ponctionner.
Ma question s'adresse au ministre des Finances. Son dernier allégement fiscal est vraiment de la rigolade. Quand se mettra-t-il à l'écoute de ces Canadiens et quand s'engagera-t-il à accorder un véritable allégement fiscal aux petites entreprises, aux parents seuls, aux salariés mariés et aux personnes âgées?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, 1,4 milliard de dollars, c'est peut-être rien pour le député. Pour les Canadiens, toutefois, ce sont de vrais dollars.
Par ailleurs, les 850 millions de dollars que mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, a consacrés à la prestation fiscale pour enfants et la seconde tranche de 850 millions de dollars qui sera versée sous peu sont aussi de vrais dollars.
Je pense également à l'allégement fiscal accordé aux étudiants. Ce sont aussi de vrais dollars. Les dollars économisés par suite de la baisse des taux hypothécaires et des taux d'intérêt sur les prêts contractés pour l'achat d'une automobile, qui a été rendue possible par l'assainissement des finances publiques, sont aussi de vrais dollars.
* * *
[Français]
LA PRODUCTION LAITIÈRE
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur le Président, les importations de mélanges d'huile, de beurre et de sucre qui entrent notamment dans la fabrication de la crème glacée, inondent de plus en plus nos marchés depuis 1995, et ce sont nos producteurs laitiers qui en font les frais.
Le ministre de l'Agriculture est-il conscient du danger de laisser pourrir une telle situation, et a-t-il l'intention de continuer à poser les gestes qui s'imposent pour protéger nos producteurs laitiers dont les quotas ont diminué de près de 3 p. 100?
L'hon. Gilbert Normand (secrétaire d'État (Agriculture et Agroalimentaire)(Pêches et Océans) Lib.): Monsieur le Président, je suis content que le député soulève la question qui est effectivement un problème pour nos producteurs laitiers.
Une entente a été signée sur les produits d'importation qui incluent le beurre. Ce produit respecte actuellement l'entente. Alors, nous en sommes à regarder de quelle façon on pourrait modifier cette entente, mais il faut savoir aussi que si on modifie l'entente pour le produit de l'huile de beurre, il faudra également la changer pour les autres produits.
* * *
[Traduction]
LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PORTS
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Ma question s'adresse au ministre des Transports. En juillet dernier, le détachement de Vancouver de la Police de Ports Canada a été démembré. La Société du port de Vancouver prélevait auprès des grandes sociétés multinationales de transport maritime qui utilisent les installations portuaires des frais, dont une partie servait à payer les services de police dans le port, services qui ne coûtaient rien aux contribuables canadiens.
Depuis le mois de juillet, le service de police de Vancouver exerce la surveillance dans le port. Cela devait coûter 1 million de dollars. Certains signes portent à croire que la facture s'élèverait à 1,5 millions de dollars, et cela simplement depuis juillet.
Étant donné que le gouvernement a promis que le démembrement de la Police de Ports Canada ne coûterait rien aux contribuables canadiens...
Le Président: Le député de Markham.
* * *
LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA
M. Jim Jones (Markham, PC): Monsieur le Président, si j'ai bien compris, le ministre des Finances a déclaré que le conseil d'investissement du RPC choisirait ses propres vérificateurs. Le ministre a avoué qu'une personne de l'extérieur pourrait être plus compétente. Le travail d'un vérificateur ne consiste pas à protéger le conseil d'administration, mais bien les actionnaires, c'est-à-dire les Canadiens.
Pourquoi la loi ne donne-t-elle pas au vérificateur général accès aux renseignements qui lui permettraient de s'assurer que les Canadiens sont protégés?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a bien précisé que le vérificateur général aura accès à tous les renseignements dont il a besoin pour mener à bien sa vérification. Il examinera le Régime de pensions du Canada.
Si la loi n'est pas assez claire à cet égard, nous prendrons les mesures correctives qui s'imposent.
Le conseil d'investissement pourra choisir un vérificateur externe ou le vérificateur général. Comme les provinces participent également au Régime, le conseil pourrait fort bien décider qu'un vérificateur externe serait plus apte à effecteur le travail. C'est au conseil que reviendra la décision.
* * *
L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.
Durant son premier mandat, le gouvernement s'est attaqué au chômage chez les jeunes en implantant la Stratégie emploi jeunesse. Cependant, le chômage persiste et demeure un grave problème pour les jeunes du Canada.
Quelles mesures le ministre a-t-il prises pour régler cette importante question?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député de Mississauga-Ouest, qui s'intéresse énormément à l'emploi chez les jeunes.
Effectivement, notre stratégie a consacré une somme de 350 millions de dollars sur trois ans à la transition de l'école au travail pour 110 000 jeunes Canadiens. Grâce à Service jeunesse Canada, cinq mille Canadiens ont reçu de l'aide.
Près de 20 000 jeunes ont profité du programme Jeunes stagiaires Canada, 60 000 du plan de carrière pour étudiants et 60 000 du programme d'emplois d'été; 60 000 autres ont trouvé des emplois dans des secteurs apparentés à leurs domaines d'étude.
* * *
LES ROUTES
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, chaque année le gouvernement d'en face va puiser 5 milliards de dollars dans les poches des automobilistes sous forme de taxes sur l'essence. Sur ces 5 milliards, il redonne aux provinces l'équivalent d'environ 6 p. 100. Voilà pourquoi les provinces collaborent de moins à moins à l'entretien des routes.
Ma question s'adresse au ministre des Transports. L'Association canadienne des automobilistes a déclaré à maintes reprises que, pour régler le problème, il faudrait rendre 20 p. 100 des recettes provenant de ces taxes sur l'essence aux provinces. Quand le ministre va-t-il rendre 20 p. 100...
Le Président: Le ministre des Transports.
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement fédéral aide les provinces à construire des routes depuis 1919, de sorte qu'il existe un programme national des routes depuis nombre d'années.
Il ne faut donc pas se demander si nous devrions appliquer un tel programme, mais dans quelles conditions nous devrions le poursuivre et combien d'argent nous devrions y consacrer. Quant à la question précise concernant les taxes, je suis certain que le député pourra en discuter plus tard, peut-être avec le ministre des Finances.
Nous avons bel et bien un programme. Nous venons d'annoncer l'extension d'un accord avec le Nouveau-Brunswick. J'espère que nous pourrons l'appliquer pendant des années.
* * *
[Français]
L'ÉQUITÉ SALARIALE
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, dans le dossier de l'équité salariale, le président du Conseil du Trésor a toujours limité à 1,3 milliard de dollars le plafond du règlement possible avec ses fonctionnaires.
Pourtant, la ministre responsable de la Condition féminine vient d'affirmer que le gouvernement fédéral disposerait de plus d'argent pour solutionner ce problème.
Alors, pourquoi le président du Conseil du Trésor retarde-t-il le règlement du dossier sur l'équité salariale, alors qu'on sait maintenant qu'il a en poche plus d'argent pour régler cette question?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, dans le dossier de l'équité salariale, nous avions présenté, en avril, un règlement qui se serait monté à 842 millions de dollars.
Nous avons augmenté de 500 millions de dollars, entre le mois d'avril et le mois d'août, et pendant ce temps-là, le syndicat n'a fait aucune concession sur les montants qu'il réclame. Une négociation consiste essentiellement à un compromis entre deux parties.
Nous attendons que le syndicat fasse un compromis raisonnable, et nous serons prêts, à ce moment-là, à négocier une solution.
[Traduction]
Le Président: Chers collègues, nous terminons ainsi notre période des questions.
* * *
PRÉSENCE À LA TRIBUNE
Le Président: Chers collègues, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune de mon homologue, le président de l'assemblée législative de la Colombie-Britannique, l'honorable Dale Lovick.
Des voix: Bravo!
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet du budget principal des dépenses déposé à la Chambre le 1er octobre 1997, qui vient de nous revenir au terme de son étude en comité et qui doit être adopté sous peu.
Mon rappel au Règlement a trait à certaines irrégularités touchant ce budget. Je tiens toutefois à préciser, comme l'a fait Mme Sauvé le 12 juin 1981, qui était alors présidente de la Chambre, et je vous renvoie à la page 10546 du hansard, peu importe qu'il s'agisse d'une dépense importante ou d'un crédit de un dollar. Ce contre quoi j'en m'élève aujourd'hui, c'est le processus parlementaire.
À ce propos, j'aimerais vous signaler plusieurs crédits qui, à mon avis, sont inadmissibles et ne devraient par conséquent pas être visés par le projet de loi de crédits découlant de ce budget.
Dès 1971, des députés s'élevaient constamment contre le fait que le gouvernement se sert du budget pour modifier des lois et obtenir l'autorisation de financer des programmes qui n'ont pas été approuvés. Vos distingués prédécesseurs, monsieur le Président, se sont toujours rendus aux arguments en faveur de la radiation de crédits des prévisions budgétaires, les 10 mars 1971, 22 mars 1977, 7 décembre 1977, 25 mars 1981, 12 juin 1981, 21 juin 1981, 21 mars 1983 et 21 mars 1984.
Le Président Jerome, dans une décision de principe qu'il a rendue le 22 mars 1977, comme en fait foi le hansard à la page 4221, déclarait que le Parlement autorise le gouvernement à agir en adoptant des lois et lui alloue l'argent pour financer les programmes autorisés en adoptant une loi portant affectation de crédits.
Cette décision découlait en partie des décisions du Président Lamoureux qui déclarait, le 5 février 1973, comme en font foi les Journaux à la page 95, que le projet de loi d'autorisation doit devenir loi avant que la loi des subsides n'autorise le crédit en cause.
Cette loi constitue un prérequis nécessaire pour approuver l'affectation de crédits; ce principe est fondé sur un ancien usage constitutionnel tel que décrit dans la 25e édition de l'ouvrage d'Erskine May, Parliamentary Practice, à la page 689.
Découlant d'anciennes lois et coutumes britanniques en passant par la Loi constitutionnelle pour en arriver au paragraphe 80(1) du Règlement, il est établi qu'il appartient à la Chambre des communes seule d'attribuer des subsides et crédits parlementaires au Souverain.
Bien que la tâche de gouverner appartienne à l'État, il ne peut fournir tant de services à la population à moins que des fonds du Trésor soient mis à sa disposition. Seule la Chambre des communes peut mettre ces fonds à la disposition de l'État.
La Chambre insiste pour que la Couronne, lorsqu'elle demande des fonds, précise les fins auxquelles ils serviront. C'est donc le droit de contrôler les deniers publics que nous devons défendre avec vigueur et conserver pour la Chambre seule.
Dans cette défense que je vous présente, monsieur le Président, je signale que huit crédits du Budget principal ont été irrégulièrement soumis à la chambre. On demande au Parlement d'approuver cinq postes de ce budget alors que l'approbation législative n'a pas encore été accordée. Trois crédits visent à légiférer par le biais des projets de loi de crédits.
Tout d'abord, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a, à son crédit no 1, dépenses de fonctionnement, une activité appelée «Programmes en agriculture et politiques», qui porte notamment sur la Commission canadienne du blé.
Comme il est dit dans les plans de dépenses de la partie III, le ministère apportera des changements qui concernent avant tout la réorganisation de la Commission canadienne du blé. Or, aucune loi n'a encore été adoptée pour autoriser cette réorganisation.
Des changements de cette nature ont été proposés au cours de la dernière législature dans le projet de loi C-72, mais ce projet n'avait atteint que l'étape du rapport au moment de la dissolution. Il a été de nouveau présenté, sous le numéro C-4, le 25 septembre 1997, et il n'a pas encore reçu la sanction royale.
Il faut noter que la partie II, le livre bleu comme on dit couramment, énumère les postes budgétaires comme ils figureront dans la loi de crédits, mais avec des détails insuffisants. Il faut donc se reporter à la partie III pour connaître les détails des plans et priorités des ministères en ce qui concerne les fonds dont ils demandent l'approbation à la Chambre.
Nous devons toutefois nous servir de la partie II parce qu'elle emploie la même présentation que le projet de loi de crédits qui approuve le budget des dépenses.
Comme il est difficile de dire au juste quel montant correspond à tel poste à l'intérieur d'un crédit, je vous demande, monsieur le Président, d'annuler le crédit no 1 du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, car il contient des fonds qui serviront à financer des programmes non encore approuvés par le Parlement.
Deuxièmement, en ce qui concerne le crédit 15 de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui porte sur les dépenses du programme et qui comprend notamment l'activité de détermination du statut de réfugié au sens de la Convention, la commission a indiqué qu'elle commencerait, au milieu de 1997, à tenir des audiences où les demandes seraient entendues par un seul membre de la commission, ce qui va à l'encontre de la Loi sur l'immigration.
Le projet de loi C-49 déposé durant la dernière législature afin de modifier l'article 69.1 de la Loi sur l'immigration est mort au Feuilleton avant la deuxième lecture. Par conséquent, selon ce qui est précisé à la partie III et sous-entendu à la partie II, la commission fonctionne en marge de ses pouvoirs législatifs relativement aux fonds justifiés dans le Budget des dépenses.
Encore une fois, comme nous devons utiliser la partie II du Budget des dépenses et comme il est difficile de déterminer de façon précise le montant de ce poste dans le crédit, je vous demande donc, monsieur le Président, de supprimer du Budget des dépenses le crédit 15 de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Une situation semblable existe à Environnement Canada. Dans le crédit 1, qui porte sur les dépenses de fonctionnement, le ministère a des activités intitulées «Un environnement sain» et «La sécurité face aux dangers de l'environnement», où son principal objectif est la mise en oeuvre de la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de la nouvelle Loi sur la protection des espèces en péril au Canada. Aucune des ces mesures législatives n'a reçu la sanction royale.
Le projet de loi C-74 de la dernière législature, Loi canadienne sur la protection de l'environnement, a été présenté le 10 décembre 1996, mais n'a pas été débattu à l'étape de la deuxième lecture. Quant au projet de loi C-65 de la dernière législature, la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada, il a atteint l'étape du rapport avant la dissolution du Parlement.
Là encore, puisque nous devons consulter la partie II qui contient le budget des dépenses et puisqu'il est difficile de savoir quel est exactement le montant de ce poste particulier du crédit, je vous demande, monsieur le Président, de rayer du budget le crédit 1 d'Environnement Canada.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, dans son Programme des affaires indiennes et inuit, au crédit 5, dépenses de fonctionnement, sous la sous-activité Services fonciers et fiduciaires, travaille à céder des responsabilités et à favoriser les occasions économiques par le développement durable des ressources naturelles, en comptant pour cela sur différentes mesures législatives qui ont été présentées pendant la dernière législature mais qui n'ont pas obtenu la sanction royale.
Certaines de ces mesures ont été présentées à nouveau, notamment le projet de loi C-6, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, et le projet de loi C-8, Loi de mise en oeuvre de l'Accord Canada-Yukon sur le pétrole et le gaz. Toutefois, les modifications de la Loi sur les Indiens, réunies autrefois dans le projet de loi C-79, n'ont pas encore été présentées à cette Chambre.
Là encore, il faut consulter la partie II qui contient le budget des dépenses, et puisqu'il est difficile de savoir le montant exact de ce poste particulier du crédit, je vous demande, monsieur le Président, de supprimer du budget des dépenses le crédit 5 du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Mon cinquième point concerne Transports Canada. Le crédit 1 du ministère, dépenses de fonctionnement, sous ses secteurs d'activité intitulés politiques et programmes et cessions, demande à la Chambre de réserver des crédits provenant du Trésor dans le but notamment de constituer en entreprise les principaux ports du Canada, d'établir une société sans but lucratif pour exploiter la Voie maritime du Saint-Laurent et de permettre aux administrations de pilotage de récupérer tous les coûts de leurs services, en plus de poursuivre le démantèlement de la Société canadienne des ports.
Un projet de loi visant à autoriser ces mesures a été présenté à la dernière législature sous le titre C-44, mais il n'est parvenu qu'à la troisième lecture le 16 avril 1997, avant de mourir au Feuilleton. Aujourd'hui, le projet de loi C-9, qui reprend l'ancien projet de loi C-44, est à l'étape du rapport et comprend l'article 197 qui dissout la Société canadienne des ports.
Le budget des dépenses du ministère indique que les versements à la Société canadienne des ports ont été ramenés à zéro, de sorte que le ministère a procédé dans les faits à l'exécution du projet de loi C-9, et j'en déduis que les autres éléments du projet de loi C-9 exigeant l'engagement de dépenses sont également compris dans ce crédit. Étant donné que le budget de la société est réduit à zéro, quels autres moyens s'offrent au ministère pour poursuivre ces activités?
Là encore, nous devons utiliser la partie II qui contient le budget des dépenses. Étant donné la difficulté d'établir le montant exact de ce poste budgétaire, je vous demanderais, monsieur le Président, de rayer du budget des dépenses le crédit no 1 du ministère des Transports.
Les trois ministères et organismes du groupe suivant, à la partie III, demandent au Parlement d'approuver des crédits pour combler des besoins opérationnels, ce qui équivaut à modifier la loi par le biais d'une loi de crédits. Je renvoie la Chambre à la décision rendue par le Président Jerome, le 22 mars 1977, à la page 4220 du hansard: «...les modifications à la loi devraient être apportées au moyen de mesures législatives et non pas par des crédits.»
Le Président: Ce rappel au Règlement pourrait avoir des répercussions d'une portée considérable. J'aimerais entendre ce que le député a à dire. Si vous devez tenir d'autres rencontres, je vous recommande de le faire dans le foyer de la Chambre. J'aimerais beaucoup entendre ce rappel au Règlement mais tout ce bruit me distrait. Le député de St. Albert.
M. John Williams: Monsieur le Président, il y a tout d'abord le Tribunal canadien du commerce extérieur qui, par le truchement du crédit no 35 des dépenses de programmes, étend son mandat avec la mise en oeuvre de l'accord sur les achats gouvernementaux. À ce jour, il n'y a pas d'autorité législative permettant d'étendre le mandat du tribunal, fixé par la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, de façon à lui permettre d'entendre les plaintes en vertu de cet accord qui n'a toujours pas été soumis au Parlement pour confirmation.
Là encore, il faut utiliser la partie II qui contient le budget des dépenses. Comme il est difficile de déterminer avec précision le montant réservé à cela dans le crédit, je vous demande, monsieur le Président, de rayer le crédit no 35 du Tribunal canadien du commerce extérieur du budget des dépenses.
Une deuxième irrégularité vient du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Au crédit no 15 du ministère, à la rubrique des dépenses de programme, on trouve un montant pour le fonds renouvelable du Groupe Communication Canada, qui est un organisme de services spéciaux. Il a été créé en 1990, en partie en vertu de l'article 29.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, et il est responsable de l'impression et de la publication pour le gouvernement.
En mars 1997, le ministère a officiellement privatisé le Groupe Communication Canada. On demande maintenant au Parlement d'accroître le fonds renouvelable du GCC de 21 millions, en raison de la vente des services d'impression et des services en logistique de distribution, selon la partie I du budget des dépenses.
La privatisation des services d'impression du gouvernement exige des modifications à la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux dont l'article 19 exige que le ministre nomme, par arrêté, un haut fonctionnaire du ministère au poste d'imprimeur de la Reine pour le Canada qui exerce les fonctions en matière d'imprimerie et d'édition pour le compte du gouvernement canadien. À ce jour, aucune mesure législative à cet effet n'a été présentée à la Chambre. Le ministère agit donc indirectement, en vertu de la loi sur la gestion des finances.
Il est important de remarquer que même si le poste concernant le GCC figure dans le budget comme un poste législatif, il n'est pas là simplement pour information comme c'était le cas avec d'autres postes législatifs comme les salaires des ministres.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que, depuis 1991, le paragraphe 29(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques autorise les organismes à fonds renouvelable à utiliser une loi portant affectation de crédits pour modifier leur mandat et leur budget, donnant ainsi au Parlement le droit de s'ingérer dans leurs affaires. Par conséquent, je demande la suppression de ce poste qui figure à la page 1-61 de la partie II du Budget des dépenses,
Enfin, la création du Bureau d'information du Canada et le crédit 40, dépenses de programme, semblent inhabituels. Ce bureau a été créé, le 9 juillet 1996, conformément à l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur la gestion des finances publiques, par un décret rebaptisant Bureau d'information du Canada le Programme de soutien aux organismes volontaires et l'inscrivant à l'annexe I.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
La Loi sur la gestion des finances publiques permet au gouverneur en conseil d'inscrire à l'annexe I.1 tout secteur de l'administration publique fédérale. Toutefois, le Programme de soutien aux organismes volontaires n'était un secteur ni du ministère des Communications ni du ministère du Patrimoine canadien.
De plus, il convient de noter que le verbe utilisé dans la Loi sur la gestion des finances publiques est inscrire et non créer, ce qui ajoute du poids à mon argument.
En outre, selon moi, créer un organisme par décret est contraire à la définition du pouvoir législatif donnée, le 7 décembre 1977, par le président Jerome qui dit, entre autres, à la page 1642 du hansard, que le processus législatif comporte trois lectures et l'étape de l'étude en comité, ce qui donne aux députés amplement le temps de participer au débat et de proposer des amendements.
Par la suite, on a cherché à légitimer le Bureau d'information du Canada par le biais du budget des dépenses et d'une loi portant affectation de crédits. Pourtant, le 22 mars 1977, le président Jerome disait, tel que consigné à la page 4220 du hansard, que les budgets supplémentaires n'avaient qu'une durée limitée et qu'ils ne devraient donc pas être utilisés pour financer ou autoriser des programmes nouveaux.
Cet argument a été repris par Mme le président Sauvé, le 12 juin 1981, lorsqu'elle a dit, comme le rapporte le hansard à la page 10546, que le gouvernement ne pouvait pas essayer d'obtenir, par le biais d'une loi portant affectation de crédits, l'autorisation de créer de nouveaux programmes. Le gouvernement doit au contraire se contenter de demander l'autorisation de consacrer certaines sommes à des programmes qui ont déjà été approuvés par une loi.
Comme le cite Beauchesne au commentaire 938, la Présidente a encore eu l'occasion de s'étendre sur cette question le 21 mars 1983 quand elle a déclaré, à la page 23968 du hansard, que même s'il est arrivé qu'une loi a été modifiée au moyen de loi de crédits, ce précédent ne justifie pas qu'on use à nouveau de postes budgétaires pour modifier d'autres lois.
Conformément à ces deux décisions de la présidence, je demande que le crédit 40, Bureau d'information du Canada, soit rayé du budget des dépenses principal.
Je suis consterné par les façons de faire de ce gouvernement. Le budget des dépenses principal pour l'exercice 1997-1998 a été déposé à la Chambre le 20 février 1997.
Parce que le Parlement a été dissous, ce budget n'a pas été approuvé en juin conformément au Règlement. Le gouvernement a dû par conséquent présenter un budget des dépenses principal à la nouvelle législature. Or, le 1er octobre 1997, il a présenté exactement le même budget, bien que sachant pertinemment que le programme législatif sur lequel ce budget était fondé avait pris fin.
À mon avis, cette action du gouvernement est un outrage à la Chambre et celle-ci doit défendre rigoureusement son droit exclusif d'accorder les crédits. À mon avis, les crédits que j'ai cités, monsieur le Président, sont en fait irrecevables. C'est avec respect que je vous demande de les déclarer comme tels.
Pour conclure, si nous voulons protéger le rôle de cette institution de veiller à ce que l'État ne fasse pas une mauvaise utilisation de l'aide et des crédits, il est impératif que nous nous conformions à la procédure parlementaire à cet égard et à la règle du droit qu'a si souvent citée le ministre de la Justice sous la dernière législature à propos d'une autre question.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je ne parlerai pas aussi longtemps que mon collègue.
Aujourd'hui, l'opposition officielle porte cette situation à votre attention parce que nous croyons qu'elle est fondamentale pour notre institution démocratique. Le gouvernement tente d'usurper des pouvoirs et de la responsabilité de la Chambre et de ses représentants. Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement ordinaire. Il s'agit d'une étude, d'une analyse et d'un examen exhaustif portant sur une question fondamentale. Le gouvernement fonctionne-t-il selon la loi du pays ou se moque-t-il de la loi qu'il demande aux citoyens de respecter?
Comme on le sait, cette responsabilité de la Chambre est un principe de base de notre Constitution. Le principe fondamental voulant que l'État n'ait pas le pouvoir de lever des impôts sans l'autorisation du Parlement se trouvent même dans la Grande Charte. La déclaration des droits de 1689 dit: «Il est illégal de lever des fonds pour les fins de la Couronne en invoquant la prérogative royale sans l'autorisation du Parlement ou pendant une période plus longue ou d'une manière différente de celle qui a été autorisée.»
Le principe selon lequel le Parlement approuve les dépenses à des fins précises remonte au moins à l'époque de Charles II. Il a été défini sous le règne de William et Mary. En conséquence, nous sommes aujourd'hui régis par des règles qui établissent qu'il est illégal pour le gouvernement de faire des dépenses autres que celles qui ont été approuvées par le Parlement, de la manière dont elles ont été approuvées.
Le député de St. Albert avance l'argument que certains éléments du Budget des dépenses ne respectaient pas ces règles parce qu'ils n'avaient pas été sanctionnés par une loi. Pour étayer son argument, je vous renvoie au commentaire 937 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition:
Afin d'inclure un poste dans un budget, le gouvernement doit le proposer en vertu d'un pouvoir qu'il possède déjà et non chercher en fait à s'arroger un pouvoir nouveau qui devrait faire l'objet d'une loi. Que le crédit soit une somme importante ou un seul dollar importe peu. Le gouvernement ne peut usurper, par le biais d'une loi de crédits, une autorisation qu'il n'a pas encore en vertu de lois existantes.
Nos recherches poussées, menées par diverses personnes hautement qualifiées, ont montré qu'il n'existe aucun pouvoir dans les domaines que nous avons définis.
Le commentaire 935 exprime simplement la situation de la façon suivante:
On ne doit pas tenter d'obtenir par le biais des affaires relatives aux subsides une autorisation qui devrait normalement provenir de source législative.
Je suis d'avis, comme le député, qu'il n'existe aucun pouvoir législatif relativement aux sommes auxquelles il s'oppose dans le crédit no 35 du Tribunal canadien du commerce extérieur, le crédit no 15 du ministère des Travaux publics et le crédit no 40 du Commissariat à l'information du Canada.
Le député de St. Albert s'est aussi opposé aux sommes dans le crédit no 1 du ministère de l'Agriculture, le crédit no 15 de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le crédit no 1 de l'Environnement, le crédit no 5 du ministère des Affaires indiennes et le crédit no 1 du ministère des Transports. Il soutient que ces postes demandent un pouvoir de dépenser conféré par une loi que le Parlement n'a pas encore adoptée.
Le commentaire 941 dans la sixième édition de Beauchesne stipule que:
S'il arrive qu'un poste du budget intéresse un projet de loi non encore adopté par le Parlement, le projet de loi d'autorisation doit être adopté avant que la dépense prévue ne soit autorisée par une loi de crédits.
Il s'agit d'un ordre et non d'une demande.
Le commentaire 942 souligne pour sa part que:
Demander un crédit avant que la loi créant les programmes ne soit adoptée reviendrait à mettre «la charrue devant les boeufs».
Par le truchement de ces postes dans le budget des dépenses principal, le gouvernement tente de dépenser la dot et de planifie la lune de miel avant même d'avoir fait la demande en mariage. Nos règles reposent sur la tradition et avant que le gouvernement ne réserve l'appartement des nouveaux mariés au Hilton de Niagara Falls, il doit être fidèle aux trois rendez-vous qu'il nous a fixés: la deuxième lecture, l'étape du rapport et la troisième lecture. Il doit également courtiser nos voisins d'à côté, sans parler de l'approbation finale qu'il faut obtenir auprès de papa qui est à Rideau Hall.
Avant de conclure, monsieur le Président, j'aimerais vous citer un extrait de l'introduction du budget des dépenses principal, partie II, le document qui sert en quelque sorte de préface aux prévisions de dépenses. On peut y lire ceci: «Les dépenses votées sont les crédits que le gouvernement demande au Parlement de lui accorder pour l'exercice 1997-1998 afin de remplir les divers mandats qui sont confiés à chaque ministre et qui sont précisés dans les lois que le Parlement a approuvées.»
Ce n'est tout simplement pas vrai. Détail ironique, ce même document qui contient des infractions à nos règles parlementaires énonce précisément ces dernières dans son introduction. Énoncer les règles qui l'on s'apprête à enfreindre, c'est se moquer des députés de la Chambre et de ceux et celles qui les ont élus.
Il s'agit d'une autre tentative inquiétante de la part du gouvernement pour amoindrir l'influence de la Chambre des communes et rendre les députés superflus. C'est ce qu'il a fait en présentant des projets de loi au Sénat, en annonçant leur adoption à l'avance et en créant des organismes avant même que le Parlement, la Chambre des communes n'approuve les lois les constituant.
Aujourd'hui, le gouvernement va encore plus loin dans cette voie en dépensant des crédits sans approbation législative. Nous vous demandons de protéger le droit constitutionnel qu'a la Chambre de communes depuis une époque ancienne d'exiger l'approbation législative avant de sanctionner toute affectation de crédits.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le principal argument qu'on présente aujourd'hui est le suivant.
Le seul libellé qui figure dans la Loi portant affectation de crédits est celui qui paraît dans la partie II du budget des dépenses. Comme nous le savons, l'année dernière, la partie III du budget des dépenses n'a été déposée que plus tard, car elle comprenait des renseignements portant sur des années subséquentes. Rien dans la partie I ni dans la partie III ne figure dans la Loi portant affectation de crédits. Seul le libellé précis de la partie II figure dans cette loi et a donc force de loi. Notre façon de procéder dépend uniquement du libellé de la partie II et de rien d'autre.
Monsieur le Président, avant d'aller trop loin dans cette intervention, je voudrais souligner que le gouvernement a fait preuve de beaucoup de respect envers la Chambre dans la façon dont il s'est occupé du processus budgétaire et de tout le reste.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Don Boudria: Avant le déclenchement des élections...
Le Président: Je vous en prie, chers collègues. Je veux entendre les propos du député et je vous demande donc de bien vouloir cesser de chahuter.
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, avant le déclenchement des élections, le gouvernement a demandé que les crédits provisoires soient en vigueur tout au long de la période électorale. Il a obtenu le consentement de la Chambre pour que le Parlement fonctionne pendant les élections et au cours de la période qui a suivi. Cette façon de procéder est rare, sinon sans précédent.
Ensuite, immédiatement après les élections et contrairement à ce qui s'était fait au cours de nombreuses législatures précédentes, sinon de toutes, des mandats du gouverneur général n'ont pas été émis, bien qu'ils eussent été tout à fait appropriés et conformes à la Loi sur la gestion des finances publiques. Par respect pour la Chambre, tout s'est déroulé pour que les choses se fassent d'une manière opportune et pour éviter de recourir à des mandats du gouverneur général.
Je voudrais ajouter qu'il y a eu collaboration des députés de tous les côtés de la Chambre, notamment des leaders, qui ont jugé bon de s'entendre sur une formule par laquelle nous pourrions débattre les crédits et prévoir un certain nombre de journées d'opposition pour pouvoir arriver à la journée de demain qui est le dernier jour réservé au débat sur les crédits et le projet de loi portant affectation de crédits qui en découlera. Cela s'est fait avec le consentement de tous les partis et j'en suis reconnaissant à tous les députés.
Fondamentalement, le gouvernement voulait non seulement respecter le Règlement de la Chambre, mais également veiller à ce qu'on évite d'avoir recours à des mécanismes comme les mandats du gouverneur général afin de témoigner le plus grand respect à notre institution, même si, je le répète, le recours à des mandats de ce genre aurait été impossible.
Les parties III, bien entendu, ne forment pas un élément central de cette question. Je le répète, il s'agit d'inventions plutôt récentes et, en fait, l'année dernière, elles n'ont pas été déposées en même temps que le budget des dépenses principal. On les a déposées plus tard pour pouvoir y ajouter des renseignements concernant les années subséquentes en conformité avec l'un des engagements pris durant la campagne électorale de 1993. Nous croyons que cette formule permet une plus grande participation des députés.
Je voudrais aborder en détail quelques-unes des questions soulevées par le député. Il a déclaré qu'on devrait mettre de côté le poste de dépenses de la Commission canadienne du blé parce que le gouvernement cherche à obtenir des crédits alors que, selon l'opposition, le Parlement n'a encore adopté aucun projet de loi du gouvernement établissant les détails. Le même argument a été avancé dans le cas du créfit 15 de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié et du crédit 1 d'Environnement Canada.
Je tiens à dire deux choses. Tout d'abord, dans le cas de tous ces projets de loi dont la Chambre est saisie, lorsque cela s'impose, il y a une recommandation royale au sujet de la prérogative de la Couronne de dépenser de l'argent. Ensuite, bien entendu, on ne pourrait dépenser sans avoir les crédits voulus.
Ainsi, je tiens à signaler en premier lieu qu'il ne s'agit pas des dépenses mêmes. Il s'agit simplement de prévoir dans le budget des dépenses le financement nécessaire à ces dépenses. Les dépenses ne seront effectuées qu'après que le projet de loi nécessaire aura été adopté, le cas échéant. Bien entendu, on ne dépensera pas l'argent sans avoir la loi portant affectation de crédits ou la recommandation royale qui peut être exigée par une loi donnée.
Une autre chose que la présidence doit absolument considérer est que ces mêmes dépenses faisaient partie des crédits provisoires qui ont été votés en mars dernier. Si l'argumentation de l'opposition est aussi valable que cela, je demanderai à la présidence pourquoi elle ne l'était pas il y a seulement quelques mois pour les mêmes sources et les mêmes gens.
J'estime que si la Chambre n'a pas vu d'objection à voter en mars dernier des crédits provisoires présentés exactement de la même manière que les dépenses de la partie II, elle devrait pouvoir tout aussi bien voter ces mêmes crédits tels qu'ils sont lorsqu'elle devra se prononcer là-dessus, probablement en fin de journée demain.
Il se peut fort bien que le président du Conseil du Trésor veuille présenter les observations que je viens de présenter. Rien de ce que je viens de dire ne doit être considéré comme ayant été dit en son nom.
Au nom du gouvernement en général, je dirai que je crois que ces crédits ont été présentés comme il le fallait conformément aux coutumes de la Chambre et, par ailleurs, à la façon dont la Chambre s'est prononcée sur nombre des mêmes crédits il y a seulement quelques mois, soit en mars 1997.
Tel est le point de vue que je tiens à soumettre à la présidence. Je demande à la présidence de considérer le point soulevé par les députés d'en face comme non valable et de juger que le budget tel qu'il est imprimé est conforme au Règlement et devrait être adopté en temps opportun, soit demain peut-être.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais simplement faire valoir deux ou trois arguments concernant ce recours au Règlement. Tous les députés en saisissent bien l'importance, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour l'opposition et pour le Parlement même. Ce recours au Règlement touche directement la raison de notre présence à la Chambre, qui est d'approuver des mesures législatives et d'assurer le financement nécessaire pour les mettre en oeuvre.
Le leader du gouvernement à la Chambre a soutenu que le simple fait d'approuver le budget des dépenses ne veut pas dire grand-chose, puisqu'il ne se passe rien tant que la mesure législative n'est pas adoptée. Si cela est exact, tout le processus d'établissement du budget des dépenses n'est qu'une comédie.
Nous approuvons ce document de bonne foi, en croyant que le gouvernement engagera les dépenses qui y sont prévues. Contourner le processus d'approbation du budget des dépenses, qui consiste à s'assurer que l'argent est bien dépensé comme il le devrait et au moment prévu, c'est vraiment mettre la charrue devant le boeuf. Les dépenses sont approuvées avant que les mesures législatives soient en place afin d'autoriser le gouvernement à engager ces dépenses.
Deuxièmement, je souligne que les partis du gouvernement et de l'opposition procèdent de bon gré aux arrangements et aux négociations concernant les jours désignés. Je le répète, cela n'a rien à voir avec le rappel au Règlement, voulant que les crédits ne fassent pas l'objet d'un vote à moins que la mesure législative ait été approuvée. De bonne foi, nous pouvons négocier et prévoir les jours désignés. Demain est d'ailleurs un jour désigné, mais cela n'a rien à voir avec le recours au Règlement dont vous êtes saisi aujourd'hui, monsieur le Président, et qui a pour objet de déterminer lequel vient en premier, la loi ou le budget des dépenses.
Troisièmement, plus tôt au cours de cette législature, monsieur le Président, vous avez rendu une décision sur un recours au Règlement que j'avais présenté concernant la création d'un office d'investissement aux termes du projet de loi C-2, qui n'est pas encore adopté. Vous avez statué alors que la dépense n'ayant pas eu lieu, le projet de loi ne violait pas mes privilèges de parlementaire, mais vous avez quand même réprimandé le gouvernement. Vous avez dit en gros que vous preniez cette affaire très au sérieux. Vous avez réprimandé le ministère des Finances et les responsables de ce genre de manoeuvres. Vous leur avez dit qu'ils frôlaient l'abus. Je sais que je suis en train de paraphraser. Ils frôlaient l'abus et vous avez dit que vous preniez cela très au sérieux. Vous avez dit que ce n'était pas la première fois que cela se produisait et que vous espériez que cela ne se produise plus.
Demain, si vous permettez que le Budget des dépenses soit approuvé tel qu'il a été déposé, nous ne serons pas seulement au bord du précipice, mais bien au fond, loin de la noble époque où les lois étaient adoptées avant que les crédits ne soient approuvés.
Monsieur le Président, je vous prie instamment d'examiner les arguments présentés aujourd'hui par les députés de ce côté-ci de la Chambre. En ne faisant pas ce que le député de St. Albert a demandé, on se trouverait à neutraliser le rôle des parlementaires, qui est d'essayer de faire toute la lumière nécessaire sur le Budget des dépenses.
Monsieur le Président, je vous exhorte à vous rendre compte qu'on est allé trop loin. Je vous prie instamment de rendre la bonne décision demain en supprimant ces crédits du Budget des dépenses avant qu'il ne soit mis aux voix.
Le Président: Le leader du gouvernement à la Chambre demande-t-il la parole pour présenter de nouvelles informations?
L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, conformément à vos instructions, ce que je veux dire fait suite aux remarques que le député vient de faire, et non sur ce qui a été dit auparavant. Je voudrais simplement dire que l'inverse de ce que le député vient d'affirmer serait tout à fait illogique.
Si le gouvernement adoptait toutes sortes de mesures législatives financières, accompagnées des recommandations royales pertinentes, et n'incluait pas, dans le Budget des dépenses, les sommes nécessaires à la mise en oeuvre des programmes prévus, cela voudrait dire essentiellement que nous adopterions des lois, mais qu'aucun programme ne pourrait être mis en oeuvre durant la même année civile. Les fonds ne pourraient être prévus que pour les années subséquentes. Une telle situation serait totalement irresponsable et irréaliste.
Inversement, si le gouvernement prévoyait de dépenser de l'argent dans des mesures législatives et n'incluait pas dans le Budget des dépenses les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre ces programmes immédiatement, ce serait les mêmes députés d'en face qui protesteraient. Ils diraient, probablement avec raison, que le gouvernement se trouve à engager de nouvelles dépenses sans que les crédits nécessaires aient été approuvés. C'est de deux choses l'une.
Je ne crois pas que les remarques du dernier intervenant ajoutent quoi que ce soit au point soulevé auparavant par le député. Ce qui vient d'être dit ajoute à la crédibilité du gouvernement pour ce qui est de la façon dont le Budget des dépenses a été préparé.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, si vous me le permettez, je voudrais ajouter un ou deux points au sujet du même rappel au Règlement.
Tout d'abord, pour revenir sur une affirmation que vient de faire le leader du gouvernement à la Chambre, j'avais l'impression que c'était là le raisonnement qui justifie les budgets supplémentaires, et non le budget principal des dépenses. Il s'agit de faire en sorte que le gouvernement ait un moyen de présenter des mesures législatives et de mettre les programmes en route au cours de la même année civile.
Deuxièmement, je dirai, sans élaborer, qu'une longue tradition veut que les ministres comparaissent devant les comités permanents. À titre de porte-parole principal de l'opposition pour le ministre de l'Agriculture, je puis vous dire que le ministre responsable du premier crédit incriminé, le crédit no 1 qui porte sur les programmes agricoles et les politiques, ne nous a pas donné l'occasion, aux autres députés et à moi, le porte-parole, de l'interroger sur cette dépense. Si nous avions pu le faire, peut-être cet incident aurait-il été évité.
On m'informe qu'un grand nombre de ministres n'ont pas comparu. Comme la septième et dernière journée d'étude des crédits a lieu demain, selon l'entente convenue, si les ministres comparaissent plus tard, ils ne discuteront pas vraiment du budget des dépenses, et les divers postes ne pourront être réduits à la lumière de l'examen effectué par le comité.
M. John Williams (St. Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai encore une petite observation à faire pour réfuter le point de vue du leader du gouvernement à la Chambre.
Beaucoup de projets de loi sont restés en plan au Feuilleton, dont le budget des dépenses principal, lorsque le Parlement a été dissous, en avril dernier. Le budget principal a été redéposé tel quel, sans le moindre changement, le 1er octobre. Cependant, il était évident, puisqu'il n'a pas présenté de nouveau certains de ces projets de loi, que le gouvernement avait modifié son programme.
Si le gouvernement avait changé son programme, s'il avait changé d'idée sur ce qu'il allait dépenser, il avait certainement l'obligation envers la Chambre de modifier le budget des dépenses à la lumière de son programme d'après les élections.
Le Président: Pour dire le moins, ce rappel au Règlement a été fort intéressant. J'examinerai sûrement les points de vue des deux côtés et toutes les informations fournies.
Je vais étudier la question et je ferai connaître ma décision non pas aujourd'hui, mais, je l'espère, dans un très proche avenir. Après avoir tout examiné, j'en ferai rapport à la Chambre.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je demande des précisions. Je suppose que vous êtes en train de nous dire que vous ferez connaître votre décision à la Chambre avant le vote sur le budget des dépenses demain soir.
Le Président: J'ai l'intention de faire le plus possible de recherches. Le député ne voudrait sans doute pas que je prenne une décision sans avoir obtenu toutes les informations pertinentes. J'ai l'intention d'étudier la question à fond et j'espère que je pourrai le faire.
M. Randy White: Monsieur le Président, nous sommes d'avis qu'un vote sur le budget des dépenses actuel est franchement assez illégal. Il ne convient pas que la Chambre vote sur le budget des dépenses, dans sa forme actuelle.
Le Président: Je tiendrai compte de tous ces facteurs avant de prendre ma décision. Cependant, je ne prendrai pas de décision en fonction des contraintes de temps, même si c'est un facteur, mais en me fondant sur toutes les données que j'aurai à ma disposition, sans que je n'ait à revenir sur ma décision plus tard.
AFFAIRES COURANTES
[Traduction]
DÉCRETS DE NOMINATION
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de déposer, dans les deux langues officielles, quelques décrets de nomination.
Conformément aux dispositions du paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont adoptés d'office par les comités permanents compétents, dont la liste est jointe en annexe.
* * *
RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.
* * *
COMITÉS DE LA CHAMBRE
DÉFENSE NATIONALE ET ANCIENS COMBATTANTS
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
Je profite de l'occasion pour remercier les membres et le personnel du comité de la défense et du comité des affaires étrangères, qui se sont rendus en Bosnie pour constater de leurs propres yeux le travail magnifique que faisaient nos troupes dans le maintien de la paix. Nos militaires aident aussi beaucoup de citoyens à reprendre le dessus et à se refaire une vie. Ils ont fait une très bonne impression à la communauté internationale et, grâce à eux, tous les Canadiens peuvent être fiers et heureux de vivre dans un pays aussi beau.
C'est avec plaisir que je dépose le rapport, que tous les partis ont adopté à l'unanimité en acceptant que notre présence en Bosnie soit prolongée jusqu'en juin 1998.
En terminant, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à nos troupes, au personnel de l'ambassade et aux autres Canadiens qui nous ont accueillis à bras ouverts et ont fait en sorte que notre visite soit très complète.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Afin d'aider le gouvernement à décider s'il doit recommander que des militaires canadiens participent à la force internationale de stabilisation actuellement en mission en Bosnie, une délégation composée de quatre membres du Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international et de quatre membres du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, comme l'a mentionné mon collègue, le président de ce comité, s'est rendue en Bosnie il y a deux semaines.
Le rapport contient nos recommandations, dont celle de poursuivre notre participation jusqu'à la fin du mandat S-4, en juin 1998. Ces recommandations se fondent sur ce voyage, sur une audience publique et sur un débat sur la question devant nos deux comités.
[Français]
J'aimerais également profiter de cette occasion pour remercier tous ceux qui nous ont fourni leur aide lors de notre visite et pour dire jusqu'à quel point nous avons été impressionnés du travail que le personnel militaire, diplomatique et non-gouvernemental canadien accomplit dans la région.
[Traduction]
INDUSTRIE
Mme Susan Whelan (Essex, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité permanent de l'industrie.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 22 octobre 1997, le comité a examiné le projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives, dont il a convenu le mardi 20 novembre 1997 de faire rapport avec une proposition d'amendement.
JUSTICE ET DROITS DE LA PERSONNE
Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité a examiné les circonstances qui l'ont conduit à étudier le projet de loi C-16 et qui ont entouré son étude. Le rapport a été entrepris par le comité et porte sur certaines préoccupations que nous avions et auxquelles j'ai fait allusion lorsque j'ai déposé notre premier rapport sur le projet de loi C-16, dit projet de loi Feney, il y a une dizaine de jours.
Comme le rapport a trait à la capacité des députés à la Chambre des communes de bien jouer leur rôle, nous avons en outre décidé de demander au gouvernement de fournir une réponse au rapport, conformément à l'article 109 du Règlement.
PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le douzième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant la composition de certains comités.
Si la Chambre y consent, j'ai l'intention de proposer l'adoption de ce douzième rapport plus tard aujourd'hui.
* * *
[Français]
LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ) demande à présenter le projet de loi C-286, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur les archives nationales du Canada en conséquence (destruction et falsification de documents et accès aux documents confidentiels du Conseil privé).
—Monsieur le Président, je suis très heureux de présenter à la Chambre, en première lecture, un projet de loi portant sur des modifications à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur les archives nationales, particulièrement des modifications traitant de la destruction et de la falsification de documents. Il y a aussi quelque chose d'extrêmement important, compte tenu de l'actualité qu'on peut lire régulièrement dans les journaux, soit des modifications nous permettant d'avoir accès à des documents du Conseil privé qui sont, à l'heure actuelle, confidentiels.
La Loi sur l'accès à l'information n'a pas assez de dents, plusieurs personnes le disent, et elle ne répond pas aux besoins actuels. Un de ceux qui l'ont dit, entre autres, c'est le commissaire à l'accès à l'information dans son dernier rapport.
Je peux vous assurer que les modifications que je propose à ces deux lois correspondent en tous points aux inquiétudes et aux attentes du commissaire à l'accès à l'information. J'ose espérer que tous les députés de cette Chambre m'appuieront dans cette démarche pour donner plus de visibilité, plus d'accès, donner des dents à la Loi sur l'accès à l'information, mais surtout imposer des pénalités à ceux qui font tout en leur pouvoir pour la contrecarrer.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
[Traduction]
LES COMITÉS DE LA CHAMBRE
PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la Chambre y consent, je propose que le douzième rapport du Comité permanent de la procédure et des Affaires de la Chambre, présenté plus tôt aujourd'hui, soit adopté.
Le vice-président: Le secrétaire parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
* * *
PÉTITIONS
LE SÉNAT TRIPLE E
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente une pétition signée par des habitants de Medicine Hat, qui exhortent le Parlement à confirmer son engagement envers un Sénat triple E et à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour permettre l'élection de sénateurs en Alberta.
LE CODE CRIMINEL
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, les signataires d'une autre pétition demandent au Parlement de confirmer qu'il est du devoir et de la responsabilité des parents d'élever leurs enfants conformément à leur conscience et à leurs convictions et de préserver l'article 43 du Code criminel du Canada sous sa forme actuelle.
LES PENSIONS
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, les signataires de la dernière pétition que j'ai à présenter exhortent le Parlement à adopter une loi pour procéder à la réduction progressive des opérations du Régime de pensions du Canada tout en protégeant les pensions des personnes âgées et pour inciter les Canadiens à contribuer à des REER obligatoires de leur choix.
LA SANTÉ
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur et le privilège de prendre la parole en conformité de l'article 36 du Règlement pour présenter une pétition au nom d'électeurs de ma circonscription, Okanagan—Coquihalla.
Plus de 1 500 signataires s'inquiètent de ce que le comité du Codex sur la nutrition et les aliments ait proposé un projet de loi qui modifiera radicalement la loi et qui aura des effets importants et très négatifs sur la santé et le bien-être de milliers de Canadiens, notamment des aînés et des personnes souffrant de maladies chroniques.
Les pétitionnaires demandent au Parlement de s'opposer à la réglementation des suppléments alimentaires.
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, j'ai aujourd'hui quatre pétitions à présenter au nom d'électeurs de ma circonscription.
La première concerne les aliments de santé; elle ressemble à celle que mon collègue vient de présenter et précise qu'une alimentation saine constitue une mesure préventive pour tous les Canadiens.
L'AVORTEMENT
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition demandent au gouvernement de tenir un référendum national qui aurait force obligatoire lors des prochaines élections, afin de demander aux Canadiens s'ils sont en faveur de ce que le gouvernement fédéral finance l'avortement sur demande.
L'EUTHANASIE
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je veux finalement présenter deux pétitions qui dénoncent l'approbation de l'euthanasie.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.
Le vice-président: Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI DE MISE EN OEUVRE DE LA CONVENTION SUR LES MINES ANTIPERSONNEL
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-22, Loi de mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité plénier.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et, avec le consentement unanime, la Chambre se forme en comité plénier sous la présidence de M. Milliken.)
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. La Chambre étudie en comité plénier le projet de loi C-22, Loi de mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction.
(Les articles 2 à 5 sont adoptés.)
[Français]
(Sur l'article 6)
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, ce matin, j'ai déposé une proposition d'amendement visant à assurer avec plus de clarté l'introduction d'une disposition de la Convention elle-même dans la législation de mise en oeuvre, puisque l'article 6 de la loi ne se réfère qu'à deux des obligations générales contenues dans le projet de traité.
J'ai débattu et discuté avec des représentants du ministère de la Justice, et d'après eux, il n'est pas nécessaire d'intégrer cette disposition à l'article 6 du projet de loi.
Je n'ai pas été convaincu par ces arguments et je pense que pour plus de clarté et pour envoyer un message à tous ceux qui voudront introduire cette obligation générale dans leur loi, il serait utile, à mon avis, que l'on ajoute l'alinéa 6(1)c) comme je le propose, de façon à ce que la Convention soit mieux introduite en droit canadien. C'est donc la proposition que je soumets à cette Chambre.
Le président: Si l'honorable député veut proposer son amendement, aurait-il l'obligeance de le lire?
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, je propose:
Que le projet de loi C-22, à l'article 6, soit modifié par adjonction, après la ligne 16, page 3, de ce qui suit:
«c) d'assister, d'encourager ou d'inciter de quelque manière quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un État partie en vertu de la Convention.»
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais parler de l'amendement afin de rappeler aux députés que la convention est déjà assujettie à l'article 21 du Code criminel.
Si nous devions à nouveau mentionner précisément ces dispositions particulières, cela pourrait donner à entendre que le Code criminel ne s'applique que dans les cas qui sont spécifiquement mentionnés. Une telle situation pourrait en fait créer des complications pour la Couronne lorsqu'elle veut appliquer le Code criminel à d'autres aspects de la législation. Il faudrait des renvois précis au Code criminel chaque fois qu'une situation est mentionnée.
L'amendement aurait en réalité l'effet de promulguer à nouveau le Code criminel. À mon avis, personne dans cette Chambre ne souhaite se lancer dans une telle affaire. C'est une question que nous avons déjà abordée. Je tiens à signaler aux députés que cet aspect est déjà abordé dans le Code criminel. Une telle mesure ne ferait que rendre l'interprétation plus compliquée et pourrait créer des difficultés quant à l'interprétation que les tribunaux pourraient donner à la question.
Le président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président: Le vote porte sur l'amendement. Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: À mon avis, les non l'emportent.
Une voix: Avec dissidence.
Le président: Je déclare l'amendement rejeté.
(L'article 6 est adopté.)
[Français]
(Les articles 7 à 9 inclusivement sont adoptés.)
(Sur l'article 10)
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois suggère à nouveau une façon de mieux introduire le traité en droit interne, et à cette fin, j'ai constaté, à la lecture de la législation de mise en oeuvre, que l'on avait omis de reprendre, dans l'article 10, une partie importante de l'article 3 de la Convention.
D'ailleurs, je profite de cette occasion pour souligner que lors d'une séance du Comité des affaires étrangères et du commerce international, un représentant de la Campagne internationale contre les mines terrestres a signalé l'importance de cette disposition et l'importance de la partie qui concerne la question du nombre minimum de mines antipersonnel qui devrait être conservé par les États.
Pour cette raison, je souhaite que le projet de loi soit amendé de façon à ce que l'on inclue la dernière phrase de l'article 3.1 du traité à l'article 10.
Que le projet de loi C-22, à l'article 10, soit modifié par substitution, à la ligne 42, page 4, de ce qui suit:
«que de la formation à ces techniques. Le nombre de ces mines ne doit toutefois pas excéder le minimum absolument nécessaire aux fins susmentionnées».
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes d'accord avec l'amendement proposé par l'honorable député.
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, l'amendement contient des points intéressants, mais il n'a vraiment rien à voir avec ce projet de loi. Il n'est pas nécessaire, il n'ajoute rien au projet de loi et nous nous y opposons.
Le président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: À mon avis, les oui l'emportent.
Une voix: Avec dissidence.
Le président: Je déclare l'amendement adopté.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)
Le président: L'article 11 est-il adopté?
(Article 11)
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le gouvernement a un amendement à proposer pour cet article.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, comme je l'ai mentionné dans mon discours au moment de la deuxième lecture, lorsque nous avons examiné cet article, nous tenions absolument à ce que toutes les dispositions de la Charte soient strictement respectées. C'est ainsi que je propose:
Que le projet de loi C-22, à l'article 11, soit modifié par substitution, aux lignes 12 à 15, page 5, de ce qui suit:
Demande d'ordonnance judiciaire
«(2) Dans le cas où la personne refuse ou omet de communiquer les renseignements ou les documents demandés dans le délai précisé, le ministre peut demander à un juge d'une cour supérieur ou de la Section de première instance de la Cour fédérale d'ordonner à cette personne d'effectuer cette communication.
Notification
(3) Le ministre donne à la personne visée un préavis d'au moins sept jours de la date de l'audition de la demande.
Ordonnance
(4) Le juge saisi de la demande peut rendre l'ordonnance s'il est convaincu que la communication est nécessaire pour que le Canada s'acquitte de ses obligations au titre de la Convention et que l'intérêt public l'emporte sur le droit à la vie privée de la personne visée.»
Le président: Le vote porte sur l'amendement.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je veux simplement m'assurer que la loi sera bien traduite dans la version française. Je crois qu'au paragraphe (2), on devrait plutôt lire «division de première instance» plutôt que «section de première instance».
Alors, si tel est le cas, je souhaiterais que la version française de l'amendement présenté par le ministre, au paragaraphe (2), on remplace le mot «section» par «division». Je crois comprendre que quelqu'un est en train de faire la vérification.
Le président: Peut-être que pendant cette prise en considération, nous pouvons passer à l'honorable député d'Esquimalt—Juan de Fuca qui veut participer à ce débat.
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le président, j'aimerais savoir ce que le ministre et ses conseillers considèrent comme des motifs raisonnables et quelles dispositions dans cette partie du projet de loi protègent la vie privée des citoyens.
Cette disposition me paraît être une approche autoritaire dans la mesure où elle confère au ministre le pouvoir extraordinaire d'entrer chez des gens et d'exiger des renseignements. Je voudrais que le ministre nous dise ce qui constitue des motifs raisonnables.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, c'est pour la raison que le député mentionne que nous présentons l'amendement.
Plutôt que ce soit le ministre qui déclare que des renseignements doivent être produits, selon les besoins, en vertu de la convention concernant la possession ou l'acquisition de mines, nous proposons un amendement qui ferait qu'il faudrait demander à un juge qu'il émette une ordonnance, après avoir entendu des preuves montrant que les exigences du traité ont plus d'importance que les intérêts du public ou la protection de la vie privée. Nous donnons aux tribunaux le pouvoir de décider, au lieu de laisser ce soin au ministre.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, j'ai constaté que cet amendement semble entraîner un amendement à une autre disposition du projet de loi qui est l'article 21 et, si j'ai bien compris, le paragraphe 11(2) ne pourra plus faire l'objet d'une sanction, comme c'était prévu à l'origine à l'article 21.
J'aimerais qu'on m'explique pourquoi, dorénavant, le paragraphe 11(2) n'est plus mentionné à l'article 21, selon le projet d'amendement subséquent. Je veux comprendre la raison pour laquelle on retire le paragraphe 11(2) de l'énumération prévue à l'article 21.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, la raison pour laquelle nous enlevons le renvoi au paragraphe 11(2) à l'article 21, c'est que nous ne voulons pas présumer de la décision d'un juge. J'ai toujours été très prudent dans ma carrière en ce qui concerne la justice, et je ne présume jamais des décisions. Il serait bon, dans ce cas, de faire de même.
[Français]
Le président: Au sujet de la version française, est-on maintenant d'accord sur les mots utilisés dans cette version?
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le Président, nous attendons d'obtenir la vérification du texte en ce qui concerne la traduction des mots qui ont été soulevés par l'honorable député de Beauharnois—Salaberry.
Le président: Nous pouvons peut-être passer aux autres articles du projet de loi à ce moment-ci. Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
(Les articles 12 à 14 inclusivement sont adoptés.)
[Traduction]
(Article 15)
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le président, j'ai une question au sujet du paragraphe 15(4). Essentiellement, il parle de la perquisition sans mandat. Un conseiller juridique nous a expliqué que c'était pour utiliser lorsque quelqu'un cherche à enlever des mines subrepticement et qu'il faut l'arrêter. Je suppose que c'est correct. La seule chose c'est qu'il semble y avoir place pour des abus. Y aurait-il un moyen d'y remédier ou de resserrer le texte?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, cette disposition a été mise explicitement pour prendre en considération le fait que la Chambre étudie actuellement ce que l'on appelle les modifications Feney au Code criminel. Ces dernières tiennent compte de ces circonstances atténuantes. Nous voulons que cela soit conforme à la modification qui sera apportée au Code criminel.
(Les articles 15 et 16 sont adoptés.)
[Français]
(Sur l'article 17)
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, dans le souci de rigueur qui caractérise notre formation politique, surtout dans la version française de la loi, je souhaite que l'article 17 soit amendé dans sa version française seulement pour ajouter après le mot «dignité» le qualificatif «humaine» pour qu'il soit concordant avec le texte anglais où on parle de «human dignity».
Je sais qu'on a soulevé quelques objections, mais j'ai vérifié un certain nombre de textes internationaux où les mots «dignité humaine» sont utilisés en français de la même façon qu'on utilise les mots «human dignity» en anglais.
Que le projet de loi C-22, à l'article 17, soit modifié, par substitution, dans la version française, à la ligne 27, page 8, de ce qui suit:
«réputation ou la dignité humaine de tout individu».
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes d'accord.
[Traduction]
Le président: L'amendement est-il adopté?
Des voix: D'accord.
(L'amendement est adopté.)
Le président: L'article 17, modifié, est-il adopté?
Des voix: Avec dissidence.
(L'article 17, modifié, est adopté.)
[Français]
(Sur l'article 19)
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, sur l'article 19, il n'y a pas de proposition d'amendement de la part du Bloc québécois, mais j'aimerais poser une question au ministre. Il semble qu'il y aurait au moins lieu d'adopter un règlement de façon à mettre en oeuvre la Convention. Il est fait référence d'ailleurs à ce règlement au paragraphe 6(2) de la loi de mise en oeuvre.
J'aimerais savoir si le ministre a l'intention de présenter, dans les meilleurs délais, le règlement qui compléterait la loi et qui viserait à assurer une mise en oeuvre intégrale aux plans législatif et réglementaire de la Convention, et dans quel délai précisément?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, il s'agit là d'une bonne question. Nous adopterons tout règlement pertinent une fois le traité signé et en vigueur. Le règlement visera la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et nous l'appliquerons, mais il faut d'abord que le traité soit signé et déposé auprès du secrétaire général avant que nous puissions adopter ce règlement.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, dois-je comprendre que le gouvernement n'est pas en mesure de faire adopter le règlement avant la signature et la ratification de ce traité par le gouvernement?
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, c'est essentiellement notre intention. Nous devrons attendre la signature du traité, qui aura lieu la semaine prochaine. Le premier ministre le déposera ensuite auprès du secrétaire général. Nous devrons alors adopter le règlement qui porte directement sur la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Nous promulguerons ce règlement à ce moment-là.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, si je comprends bien la raison pour laquelle le gouvernement n'est pas en mesure d'adopter le règlement avant la signature et la ratification du traité, c'est que les délais ne le permettent pas.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, la façon dont ces questions sont traitées est quelque peu obscure, comme le député le sait bien, étant donné qu'il a fait carrière dans le milieu universitaire.
Nous ne pouvons pas promulguer de nouveau règlement tant que le traité n'aura pas été signé. Le gouverneur en conseil aura alors le pouvoir de mettre en oeuvre le traité énoncé dans le projet de loi. Nous ne pourrons pas le faire tant que nous n'aurons pas signé le traité.
[Français]
(L'article 19 est adopté.)
(Sur l'article 20)
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, notre projet d'amendement soulève une question certainement plus fondamentale et cette discussion du projet de loi en est une qui donne l'occasion de parler de la question de la participation du Parlement, en particulier de la Chambre des communes, dans la conclusion et la mise en oeuvre des traités.
Cette question revêt une importance certaine, puisqu'elle pose la question du rôle des élus et de l'ensemble des députés de la Chambre des communes dans la conclusion des traités. Le traité qui fait l'objet de la mise en oeuvre a été négocié et conclu, il sera signé et ratifié par l'exécutif sans qu'il y ait eu véritablement une participation des parlementaires et de la Chambre des communes dans son ensemble.
Puisque l'on prévoit, à l'article 20, que cette Convention sera amendée et qu'à la suite de l'amendement, les modifications à la loi pourront être faites par un arrêté, il est paru intéressant de susciter un débat sur le rôle du Parlement et de voir à ce que celui-ci soit impliqué dans l'approbation d'un traité qui viserait à amender cette nouvelle Convention sur les mines antipersonnel avant même que le gouvernement du Canada ne procède à l'acceptation d'un tel traité d'amendement.
Par conséquent, nous souhaiterions que, déjà, cette loi prévoie une participation du Parlement et un débat au Parlement avant que le gouvernement n'accepte un amendement au traité. Par conséquence, nous proposons que cet article soit amendé. Ce serait un amendement qui pourrait changer considérablement la pratique en matière d'approbation des traités, une pratique qui, au Canada, est tout à fait inconsistante.
C'est une pratique qui ne révèle pas une participation significative de la Chambre des communes, et une pratique qui pourrait s'aligner sur celle d'autres Parlements, tel le Parlement du Royaume-Uni qui, aujourd'hui et depuis quelques années, participe de façon plus active à la discussion et au débat sur les traités que l'exécutif compte signer et ratifier au nom du gouvernement.
C'est donc là une occasion de susciter un débat, de connaître la position du ministre des Affaires étrangères sur cette question et de voir s'il souhaite que le Parlement du Canada soit impliqué davantage dans le processus de conclusion des traités.
Que le projet de loi C-22, à l'article 20, soit modifié, par substitution aux lignes 12 à 19, page 9, de ce qui suit:
«Amendement de la Convention
20. Dans le cas où la Convention est amendée, le ministre doit déposer le projet d'amendement au Parlement dans les quinze jours suivant son adoption par la Conférence d'amendement. L'instrument d'acceptation d'amendement par le Canada ne pourra être déposé qu'après l'approbation de l'amendement par la Chambre des communes. Après le dépôt de l'instrument d'acceptation par le Canada, le ministre doit modifier l'annexe de la présente loi en conséquence et déposer le texte de l'arrêté de modification dans les quinze premiers jours de séance de l'une ou l'autre des Chambres suivant la prise de l'arrêté.»
[Traduction]
Le président: Le vote porte sur l'amendement.
M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le point qu'a soulevé le député est intéressant, il concerne un principe général. Le député l'a soulevé devant le Comité permanent des affaires étrangères, qui a constitué un groupe de travail ou sous-comité pour examiner la question.
Je puis dire, sans exagérer, que c'est un sous-comité très puissant, tout comme on dit souvent que les tribunaux sont très puissants. À notre avis, comme c'est nettement prévu, cet amendement aurait pour effet d'apporter un changement fondamental à la loi constitutionnelle du Parlement. Notre position sur ce plan n'est pas rigide, toutefois, à notre avis, il ne serait pas correct d'utiliser un amendement à une mesure technique pour proposer ce genre de modification. Cette question devrait être considérée comme un principe général, ainsi que l'a fait le Comité permanent des affaires étrangères en constituant ce groupe de travail.
C'est pourquoi nous sommes d'avis que le député devrait retirer cet amendement à ce stade. De notre côté, nous nous engagerions à soumettre ce principe général au groupe de travail. Il sera toujours temps, quand le groupe de travail fera une recommandation, de proposer des amendements à cette mesure législative si elle est adoptée, ainsi qu'à d'autres. C'est notre point de vue.
Techniquement, proposer indirectement un changement constitutionnel fondamental à une loi du Parlement ne se fait pas. Et donc, à notre avis, le député devrait retirer cet amendement. De notre côté, nous nous engagerions à veiller à ce que cet impressionnant groupe de travail, dont le président et les membres sont très qualifiés, examine rapidement cette question.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, l'amendement est très complexe et ses répercussions sur ce genre de négociation sont considérables.
Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est le forum approprié pour discuter de l'amendement. Nous ne pouvons l'appuyer aujourd'hui. Cependant, nous croyons que la discussion pourrait avoir lieu au comité et que ce genre de changement pourrait être apporté en vue de la ratification d'un futur traité.
Il importe de reconnaître que bien des pays analyseront la loi canadienne concernant le traité sur les mines antipersonnel et adapteront certaines approches canadiennes à leurs propres situations.
Nous ne voulons pas créer une loi qui s'embrouillerait facilement dans les mécanismes du Parlement et qui empêcherait la ratification rapide dans les autres pays. C'est qui s'est produit, par exemple, aux États-Unis où, les pouvoirs de négociation accélérée n'ayant pas été accordés au président, le progrès a été ralenti et le pays n'a pas pu participer aux négociations commerciales internationales dans la mesure où il aurait pu le faire s'il avait eu droit à la négociation accélérée.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président le Parti réformiste ne peut appuyer l'amendement proposé par le député de Beauharnois—Salaberry, mais nous croyons qu'il serait utile de le présenter à la Chambre des communes à une date ultérieure en vue d'un autre débat et d'une étude plus exhaustive.
Si cet amendement était accepté maintenant, il détournerait l'attention de l'objectif et de l'orientation actuelle du projet de loi. Nous espérons avoir l'occasion d'examiner cet amendement plus en détail éventuellement.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je veux rassurer le secrétaire parlementaire que je n'ai pas voulu être inélégant en proposant un tel amendement, ou inélégant envers la Constitution, puisque ces matières sont trop sérieuses pour qu'on manque d'élégance.
Comme vous l'avez constaté, c'était pour soulever une question devant le ministre qui, de toute évidence, suscite de l'intérêt, à la fois du parti de l'opposition officielle et du Parti conservateur. C'est une question qui mérite d'être débattue à fond, comme l'ont fait d'autres Parlements et comme ce Parlement ne l'a pas fait suffisamment dans les dernières années.
Avant de considérer la proposition faite par le secrétaire parlementaire, j'aimerais tout de même demander au ministre s'il peut nous offrir une réaction initiale sur la question que pose cet amendement et que pourraient poser d'autres amendements, au rôle que pourrait jouer le Parlement, notamment la Chambre des communes, dans le processus de négociation des traités.
Je lui demanderais peut-être de faire un commentaire tout à fait préliminaire à la lumière de l'expérience qu'il vient de vivre avec ce traité que cette législation vise à mettre en oeuvre et qui aurait pu faire l'objet d'un débat dans cette Chambre, autrement qu'à l'époque de la législation de mise en oeuvre. J'apprécierais un commentaire du ministre sur cette question.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je suis certainement très intéressé par les propositions faites par l'honorable député. Je suis d'accord avec les recommandations du secrétaire parlementaire, à savoir qu'il pourra y avoir un bon échange de points de vue au Comité des affaires étrangères.
Comme il l'a dit, c'est un problème général de remplacement des représentants de l'exécutif pour négocier et signer le traité. En général, je suis intéressé à examiner toutes les façons par lesquelles le Parlement est engagé dans les questions ayant trait aux affaires étrangères, particulièrement par exemple la décision prise par un gouvernement de mettre en place une intervention militaire sous l'égide des Nations unies, etc.
En ce moment, je suis un observateur très intéressé dans le travail du Comité des affaires étrangères. J'attendrai avec beaucoup d'intérêt le travail de ce comité.
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, j'apprécie la réponse. Je constate que le ministre ne veut pas trop en dire sur cette question à cette étape-ci, mais il demeure que cette question mériterait d'être mise aux voix pour que nous connaissions la position des partis.
Donc, je n'ai pas l'intention de retirer le projet d'amendement, mais c'est bien sûr mon intention de débattre de la question devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, comme le souhaite le ministre.
Le président: Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur l'amendement?
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le Président, si j'ai bien compris l'intention du député de Beauharnois—Salaberry avec cet amendement, c'est de susciter un débat de substance, et on voit déjà, par les interventions quand même brèves, le témoignage et l'engagement de tous les partis, particulièrement de parti gouvernemental. Le ministre lui-même s'est dit intéressé de savoir quels seraient les résultats d'une étude en profondeur par l'entremise du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Alors, je crains et j'hésite, parce que si on met la question aux voix et que l'amendement est rejeté, à ce moment-là, je ne crois pas que le gouvernement s'engagera à répéter la même offre qui est contenue dans cet amendement pour que cette substance se retrouve devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui a déjà quand même beaucoup de travail à faire. Mais si la matière est d'une telle importance qu'on souhaite susciter ce débat au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, je demanderais le consentement de la Chambre à ce qu'on retire cet amendement et qu'on permette ensuite à ce que cette étude se fasse en comité, à la suite de l'engagement pris par le ministre lui-même.
Le président: Est-ce qu'il y a le consentement unanime pour que l'amendement soit retiré pour l'étude en comité?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président: Il n'y a pas de consentement unanime pour la proposition.
Est-ce que le Comité est prêt à se prononcer sur l'amendement?
Des voix: D'accord.
[Traduction]
Le président: Les députés ont entendu l'amendement. Plaît-il au comité d'adopter l'amendement?
Des voix: Non.
(L'amendement est rejeté.)
(L'article 20 est adopté.) (Sru l'article 21)
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre.
L'article 21 crée une infraction hybride qui donne aux agents chargés d'exécuter la loi l'occasion de décider, selon la gravité de l'infraction, s'il convient de procéder par procédure sommaire ou par mise en accusation.
Dans le cadre de ce projet de loi, quels critères serviront à déterminer s'il s'agit d'une infraction punissable par procédure sommaire ou par mise en accusation?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme dans la plupart des cas, ce sera au procureur de déterminer les critères. Je le répète, je me garderais bien de décider pour le procureur ce qu'ils devraient être. Je pense que nous devrions nous en remettre à sa compétence et au processus normal prévu par le Code criminel.
M. Keith Martin: Monsieur le Président, existe-t-il des précédents ou des exemples que le ministre pourrait citer pour illustrer comment la poursuite, dans des circonstances similaires à celles-ci, fait la distinction entre infraction punissable par procédure sommaire et infraction punissable par mise en accusation?
Je m'inquiète de ce que le projet de loi pourrait aboutir à des mesures très sévères dans le cas de personnes déclarées coupables par mise en accusation, alors que d'autres ne le seraient que par procédure sommaire.
J'aimerais que le ministre et ses fonctionnaires m'expliquent comment faire la différence. Existe-t-il des exemples que nous pourrions étudier, ou des exemples qu'il pourrait donner aujourd'hui à la Chambre pour illustrer comment fonctionne le processus?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, il est difficile de fournir des exemples puisque c'est la première fois que ça arrive.
Dans les précédents traités internationaux, qu'il s'agisse des conventions sur les armes chimiques ou autres, nous n'avons pas été à même d'aborder la question de principe. On appliquera sans doute le critère déterminant, à savoir la gravité de la faute. Si, par mégarde, quelqu'un expédie ce genre de munitions à l'étranger ou fournit des renseignements à leur sujet, sans avoir cherché à contourner la loi, il va de soi que le procureur fera preuve de clémence dans la détermination de la peine. Mais s'il s'agit d'une tentative délibérée, malveillante d'enfreindre la loi, si quelqu'un cherche à exporter des mines antipersonnel pour aider un autre pays à enrichir son arsenal militaire, une peine très sévère s'imposera de toute évidence.
Ce sera au procureur d'apprécier les circonstances. Il devra déterminer la gravité de l'infraction et adapter la peine aux normes du système judiciaire canadien qui sont marquées au coin de la modération.
Le président: La présidence pourrait peut-être demander au ministre s'il entend proposer un amendement à cette disposition. Plus tôt au cours du débat il a été fait allusion au fait que l'on proposerait peut-être un amendement à l'article 21. Je constate qu'il n'en est encore rien.
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, l'adoption de l'amendement proposé au paragraphe 11(2) fait qu'il ne sera pas nécessaire de proposer l'amendement en question.
Le président: Je vous remercie.
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, on m'a interrogé sur la version française de l'amendement au paragraphe 11(2). Cherchant l'interprétation à donner à «federal court trial division», nos collaborateurs ont pu établir que la traduction exacte était bel et bien «section de première instance de la Cour fédérale».
Le président: Cela a trait à l'article 11. Nous pourrions peut-être d'abord en finir avec l'article 21. D'autres députés veulent-ils poser des questions ou faire des observations sur l'article 21?
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je crois que c'est jeudi, en fin de journée, que j'ai eu l'occasion de rencontrer des avocats du ministère de la Justice. À ce moment-là, on m'avait assuré que le projet de loi avait été examiné par les autorités visant à déterminer la conformité de ce projet de loi avec la Charte canadienne des droits et libertés. Je suis quand même assez surpris qu'un amendement soit proposé aujourd'hui pour assurer cette conformité.
Je suis curieux de savoir si toute la loi a été examinée pour s'assurer qu'elle soit conforme à cette Charte, et si le gouvernement est en mesure de nous indiquer à quel moment l'examen de cette loi a été fait par les autorités pour s'assurer de la conformité des lois à la Charte canadienne.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, je remercie le député de ses observations. Cela montre peut-être la valeur de la vigilance dont les députés font toujours preuve. Dans notre introduction, nous avons demandé l'indulgence de la Chambre. On a rédigé ce projet de loi en deux semaines et demie, soit une période plutôt courte, lorsqu'on connaît le système.
Nous voulions tenir compte de tous les renvois particuliers à la Charte. Le député a examiné la question en profondeur la semaine dernière à cet égard. Nous avons ensuite demandé à des fonctionnaires du ministère de la Justice de procéder à un autre examen complet cette fin de semaine. Ils ont recherché minutieusement toutes les applications particulières, et c'est alors que nous en sommes arrivés à l'amendement proposé aux termes du paragraphe 11(2). On voulait s'assurer que les tribunaux interpréteraient la loi, et non le ministre.
Je garantis à la Chambre que, selon nous, en fonction de l'examen par une tierce partie qui a lieu cette semaine, c'était la seule question qui se posait. Même là, nous ne voulions rien laisser au hasard. Nous souhaitions veiller à ce que ces dispositions respectent parfaitement la Charte.
[Français]
(L'article 21 est adopté.)
(Sur l'article 22)
[Traduction]
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le président, en ce qui concerne le paragraphe 22(2), j'ai une question pour le ministre et son collaborateur.
Ils parlent des objets qu'on a saisis à la suite de la perpétration d'une infraction. Je voudrais un éclaircissement. Lorsqu'on parle des objets saisis, est-ce que cela clarifie le paragraphe 22(2) et se reporte aux objets modifiés précisément pour être utilisés dans la perpétration d'une infraction, ce qui exclut les biens qui ne sont que très peu liés à l'infraction?
En d'autres termes, en ce qui concerne les objets dont il est question au paragraphe 22(1), s'agit-il d'objets directement reliés à la perpétration d'une infraction, par exemple une automobile qu'on pourrait utiliser pour transporter des mines, et non de la maison d'une personne?
De plus, lorsqu'il est question du fait que le ministre a le pouvoir de décider comment on va disposer des objets saisis, ne devrait-on pas laisser aux tribunaux le soin de décider de la façon de disposer des objets définis au paragraphe 22(2)?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, pour répondre au député et après avoir consulté les fonctionnaires, je peux dire que cela respecte la pratique déjà en vigueur en vertu du Code criminel. Plutôt que de saisir tous les biens d'une personne condamnable en vertu de la loi, on ne prendrait pas la maison, même si l'un des produits interdits peut s'y trouver.
Disons que, si quelqu'un est en possession d'une mine terrestre antipersonnel et que l'on doit la saisir comme pièce à conviction, on ne voudra pas saisir toute la maison et tout ce qu'elle contient, parce que des membres de sa famille peuvent s'y trouver et qu'ils ne sont pas responsables. C'est le même genre de principe qui se trouve dans le Code criminel pour des choses comme, par exemple, les cas de possession de drogue.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le président, je remercie le ministre de sa réponse, mais je me demandais s'il pouvait répondre à la deuxième partie de ma question. Au paragraphe 22(1), on dit que le ministre a le pouvoir de décider de la manière dont on disposera des biens saisis. La manière dont on disposera de ces objets ne devrait-elle pas relever des tribunaux, et non du ministre?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le président, je devrais préciser, juste au cas où les gens ne comprendraient pas.
Le mot ministre dans la définition ne désigne pas nécessairement le ministre des Affaires étrangères. Cette appellation pourrait s'appliquer à différents ministres. Dans ce cas précis, évidemment, cela relèverait du procureur général du Canada, l'agent légal du gouvernement du Canada. Encore une fois, c'est comparable à ce qui est prévu pour d'autres infractions dans le Code criminel, les ministres agissant au nom du gouvernement. Je puis vous dire que le ministre des Affaires étrangères n'aurait absolument aucun intérêt à agir comme agent d'application dans ce cas.
(L'article 22 est adopté.)
(Les articles 23 à 25 inclusivement sont adoptés.)
[Français]
(Sur l'article 11)
Le président: Il y a un amendement proposé par le ministre des Affaires étrangères à l'article 11.
L'amendement est-il adopté?
(L'amendement est adopté.)
Le président: L'article 11, tel que modifié, est-il adopté?
Des voix: D'accord.
(L'article 11, tel que modifié, est adopté.)
[Traduction]
(L'article 1 est adopté.)
Le président: L'annexe est-elle adoptée?
[Français]
(Sur l'annexe)
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, j'ai une question.
L'inclusion de la Convention en annexe n'est pas tout à fait nécessaire, comme me l'ont signalé quelques juristes du ministère de la Justice, mais je pense qu'il est utile d'intégrer cette Convention dans une loi, de façon à la diffuser et de s'assurer qu'elle soit connue.
Je veux demander au ministre, qui a lu de façon tout à fait éloquente tout à l'heure un traité rédigé par des enfants qui ont dit souhaiter, dans cette déclaration, connaître les droits qu'ils ont en vertu de cette Convention, s'il entend et s'il a pris des mesures pour diffuser le texte de cette Convention, qui est une Convention sur laquelle tous les partis de cette Chambre s'entendent et sur laquelle ils comptent beaucoup pour que le phénomène des mines antipersonnel soit éradiqué.
Je voudrais savoir quelles sont les mesures qui ont été prévues par le gouvernement pour assurer la diffusion de ce traité.
[Traduction]
L'hon. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, tout d'abord, je crois qu'on a remis à tous les parlementaires la documentation sur le traité la semaine dernière. Sauf erreur, il y avait notamment une copie du traité.
Le document est aussi sur le site Web et tout le monde peut y avoir accès. Je peux remettre les coordonnées du site Web aux députés. Je devrais ajouter que nous avons établi un site Web distinct pour la conférence même. La semaine prochaine, pendant que la conférence aura lieu au Centre de conférences, les députés pourront suivre les travaux dans une petite salle que nous aurons aménagée à cet effet.
Nous voulons inviter des participants, des ministres, des représentants d'ONG et certains des enfants qui participent à venir rencontrer les députés. Nos fonctionnaires seront sur place pour communiquer des renseignements.
Ils le feront jeudi prochain, probablement après la période des questions. Nous souhaitons que la plus grande participation possible des députés. La salle de conférence étant très petite, peu de gens peuvent y entrer. Nous avons donc pensé aménager une salle ici, au Parlement, pour que les députés puissent participer et entendre ceux qui participeront à la séance spéciale de jeudi.
Il arrive de temps à autre que des employés prennent nos documents pour les lire. Si c'est ce qui est arrivé dans ce cas, nous serons très heureux de remplacer la documentation en question, peut-être par l'entremise du porte-parole de chacun des partis. Si des députés voudraient de la documentation supplémentaire, nous nous ferons un plaisir de la leur fournir.
Je sais que nous ne devons pas utiliser d'accessoires, monsieur le président, donc je fais appel à votre indulgence. On nous a remis ce matin des épingles comme celle-ci illustrant le logo de la conférence. Si des députés en veulent, je serai heureux de leur en remettre quand nous aurons terminé nos travaux.
Le président: Aucun député n'invoque le Règlement.
(L'annexe est adoptée.)
(Le titre est adopté.)
(Rapport est fait du projet de loi modifié, qui est agréé.)
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose: Que le projet de loi soit lu une troisième fois et adopté.
Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera ce soir à l'heure de l'ajournement, à savoir: l'honorable député de Frontenac—Mégantic—L'industrie laitière.
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le Président, le ministre a un engagement qui l'obligera à quitter la Chambre. Je me demande s'il n'y aurait pas consentement unanime de la Chambre pour accorder au ministre deux ou trois minutes, au maximum, pour prononcer quelques paroles sans qu'on le considère comme un porte-parole à l'étape de la troisième lecture.
Je demande donc le consentement unanime de la Chambre pour que le ministre puisse dire quelques mots.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le whip du gouvernement de son intervention.
Je veux profiter de l'occasion pour remercier les députés à la Chambre de la façon dont les travaux se sont déroulées aujourd'hui.
S'il est une chose qui ait caractérisé ce mouvement de lutte contre les mines terrestres, c'est un sens du partenariat. Ce mouvement n'appartient à personne. Il a été un effort collectif rassemblant des ONG et de simples citoyens, des membres du Cabinet, le premier ministre et mes collègues qui ont pris les décisions à cet égard. Je songe à mon prédécesseur, M. Ouellet, qui a donné le branle au mouvement en décrétant un moratoire, et aux décisions d'éliminer les mines terrestres prises par le ministre précédent de la Défense nationale. Je songe aussi aux députés de l'opposition qui ont, précédemment, présenté vaillamment des résolutions d'initiative parlementaire visant à faire bouger la Chambre dans ce dossier.
Un grand nombre de personnes ont su s'élever au-dessus de beaucoup de considérations plus immédiates pour en arriver à un plan aux horizons plus larges.
Je siège depuis longtemps au Parlement, comme beaucoup de gens le savent, et, comme quelqu'un l'a dit aujourd'hui, nous connaissons de temps en temps un moment de grâce. Je crois que nous connaissons aujourd'hui un de nos meilleurs moments. Je tiens à remercier tous les députés d'avoir fait de cette journée une journée dont les Canadiens se rappelleront longtemps.
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Madame la Présidente, dans le même esprit de collaboration, je me demande si la Chambre accorderait son consentement à ce qui suit.
Même si le principal porte-parole du gouvernement dispose habituellement de 40 minutes à l'étape de la troisième lecture, je propose que le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères et le président du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, le député de Toronto-Centre—Rosedale, disposent chacun de dix minutes et que la rotation se fasse ensuite selon la procédure normale à la Chambre.
Je vous garantis que le secrétaire parlementaire et le député de Toronto-Centre—Rosedale, qui préside le comité, parleront seulement dix minutes chacun.
La Présidente suppléante (Mme Thibeault): Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, comme on l'a déjà dit à la Chambre, je partagerai le temps mis à ma disposition avec le député de Toronto-Centre—Rosedale.
Ce traité est en soi une réalisation importante. Il poursuit l'édification progressive d'un monde pacifique commencée dans des moments les plus éclairés de la guerre froide avec les traités de désarmement progressif, nucléaire et autre, et de cessation des essais nucléaires.
Il est à remarquer, toutefois, que ce traité présente une importante innovation, à savoir la participation de personnes qui ne sont habituellement pas associées à la réalisation des traités. Comme l'a déjà dit Jeremy Bentham, la loi n'est pas l'affaire des seuls juges, mais bien des juges et compagnie, la compagnie incluant dans ce cas-ci les organisations non gouvernementales et, comme l'ont signalé à juste titre les députés de l'opposition, la princesse Diana, notamment. Il y a eu un mouvement de citoyens dans lequel la force de l'opinion publique a permis de produire en seulement 12 mois un traité qui aurait dû prendre des années à mettre au point, si l'on compte la cérémonie qui aura lieu à Ottawa en décembre.
Dans un certain sens, nous faisons l'histoire et cela continue. La démocratisation des affaires étrangères et de la conclusion de traités va sûrement se poursuivre grâce à cette première étape importante.
Je veux aborder un second point dont il a déjà été question au cours du débat et c'est le fait qu'il s'agit d'un traité bref. Le traité est succinct, et il a du mordant. Cela va à l'encontre des tactiques habituelles d'élaboration des traités. Il y a moyen de faire des traités au moyen d'une conférence diplomatique en rédigeant un texte qu'on peut qualifier à sa guise d'anodin, de général ou de creux. On peut de cette façon dégager un très grand consensus, mais le traité est vide de sens.
Ce traité-ci a du nerf, et notre gouvernement, sans doute avec les ONG et d'autres instances, a décidé délibérément qu'il valait mieux avoir un traité qui dit quelque chose, quitte à ce que des États importants s'abstiennent de le signer ou de le ratifier. C'est dans ce sens que nous avons fait porter nos efforts. Certains auront remarqué que, alors que les pays intéressés par le traité étaient relativement peu nombreux au départ, il y en a maintenant plus d'une centaine. En soi, c'est déjà une belle réalisation.
Au Canada, l'élaboration et la ratification des traités sont les deux étapes nécessaires pour conférer leur validité aux textes internationaux, et elles relèvent toutes deux du pouvoir exécutif. Le processus parlementaire se limite à l'adoption de la très importante loi de mise en oeuvre, mais celle-ci n'a aucune incidence sur la validité du traité en droit international. Il n'en va toutefois pas de même dans tous les pays, et c'est pourquoi, à la veille de ces deux étapes qui doivent être franchies chez nous, la signature qui sera faite officiellement dans les deux prochaines semaines, et la ratification, qui pourrait avoir lieu le même jour, nous avons jugé nécessaire et souhaitable de faire adopter sans tarder la loi de mise en oeuvre du traité.
Nous voulons adresser un message aux autres pays où la législature doit intervenir, notamment aux États-Unis, où le Sénat doit s'en mêler aux termes de sa constitution, pour qu'ils s'organisent. S'ils doivent rédiger une loi pour adhérer au traité, qu'ils s'y mettent. Si cela signifie la signature, la ratification et l'adoption d'une loi, qu'ils le fassent le plus vite possible.
Je voudrais attirer votre attention sur ce qu'on appelle le facteur d'attrition dans la conclusion et l'application de traités, Je vais citer la fameuse Convention sur le droit de la mer, à laquelle les diplomates canadiens ont tellement contribué. La convention devait prendre effet après avoir été ratifiée par 60 pays. Cent-deux pays l'ont signée en 1982, mais il fallu attendre 14 ans pour que 60 de ces 102 signataires la ratifient et qu'elle prenne effet. Je pourrais également citer le premier des grands traités de lutte anti-terroriste, la Convention de Tokyo de 1963 sur le détournement d'avions. Cette convention devait entrer en vigueur après avoir été ratifiée par 12 pays. Il a fallu 8 ans pour que les 12 pays la ratifient.
Dans le cas qui nous occupe, 40 pays doivent ratifier la convention pour qu'elle prenne effet. La convention entrera en vigueur 6 mois après la ratification par le 40e pays. Nous voudrions que le processus soit fait en un an. C'est pourquoi la dynamique que le Parlement tente de lui imprimer en obtenant le consentement de tous les partis est si importante.
Il y a un autre facteur dont je voudrais parler parce que je pense que nous contribuons à l'élaboration des lois. Quel est l'effet de la convention? D'aucuns ont dit que nous avons oublié certains des principaux fabricants et exportateurs de mines terrestres. Certains d'entre eux peuvent aller s'établir dans d'autres pays, échappant ainsi à la loi. Ce traité n'est-il pas plein de trous?
Je dirai simplement qu'en droit international, en ce qui concerne l'opinion dissidente de l'un des plus grands juges du tribunal international de l'après-guerre, le juge Manfred Lachs, un traité, même s'il n'a pas été ratifié par un pays, peut s'appliquer à ce pays simplement à cause du nombre prépondérant de pays l'ayant ratifié. Autrement dit, le traité fait partie du droit international courant ou constitue parfois une forme supérieure de droit international, le jus cogens. Il peut s'appliquer aux pays ne l'ayant pas ratifié ou signé. Dans le cas qui nous occupe, c'était l'Allemagne de l'Ouest. Il s'agissait d'une opinion d'avant-garde en 1969 quand elle a été faite dans le tribunal international. Elle a perdu son caractère d'avant-garde et devient de plus en plus acceptée. Nous verrons que des juristes soulèveront cet argument au Canada.
Si 100, 120, voire 140 pays signent la convention et la ratifient, bien téméraire qui pourra dire qu'on peut faire abstraction des dispositions du traité.
Voyons les choses sous un autre angle. Le fait de signer et de proclamer des ententes de ce genre et d'en faire des lois a une valeur éducative, même pour les pays qui ne les signent pas. Les pays se préoccupent beaucoup de l'image qu'ils projettent dans le domaine du droit international. C'est ce que nous avons constaté quand nous avons demandé à certains pays s'ils adhéreraient au traité. Ils répondent qu'ils ne le feront pas, mais qu'ils examineront leur position; ils pourraient adopter certaines parties de l'entente même s'ils refusent de signer et de ratifier l'ensemble du traité.
Tout ce que je dis, c'est que, dans la décision qu'elle a rendue sur les essais nucléaires, la Cour internationale de Justice a établi un principe juridique selon lequel les déclarations unilatérales d'intention, qui restent à être confirmées par l'adoption d'un principe, d'une loi, d'un traité ou de quelque chose du genre, peuvent devenir des entités ayant force obligatoire.
En fait, le gouvernement français a été lié par une déclaration qu'avaient faite son président, Giscard d'Estaing, et son ministre des Affaires étrangères, même s'ils ne se rendaient peut-être pas compte de l'importance qui y serait accordée.
Nous croyons que le fait d'aller de l'avant avec cette convention a une valeur éducative. Voilà l'une des raisons pour lesquelles nous courons le risque. Il est préférable d'avoir un traité qui a du mordant, même si les États-Unis, la Chine et la Russie n'y adhèrent pas, que d'avoir un traité vague et ouvert.
Nous comptons sur le fait que de nombreux pays ou certains pays qui disent de pas pouvoir, pour des raisons politiques nationales, signer et ratifier la convention accepteront d'adopter certaines parties du traité. Nous les encouragerons à le faire.
C'est la loi est qui en train de s'écrire. Donc, dans un deuxième sens, grâce à la contribution de représentants d'organismes non gouvernementaux et à la démocratie participative, nous rédigeons des ajouts au droit international. Je recommande aux députés l'adoption de ce projet de loi.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je remercie la Chambre d'avoir accepté à l'unanimité que je partage le temps dont je dispose avec le secrétaire parlementaire, quoique ma gratitude soit un peu tempérée par l'enthousiasme avec lequel le député de Red Deer a insisté pour que nous ne disposions chacun que de 10 minutes. Je ferai certainement de mon mieux pour me plier à sa volonté et à celle des autres députés.
Le traité et le projet de loi qui nous est soumis sont l'aboutissement d'années d'efforts d'ONG, sous l'impulsion de Jody Williams, qui a comparu récemment devant notre comité, et de ses collègues aux États-Unis, qui ont été secondés de façon compétente par notre gouvernement, le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre. Comme d'autres députés l'ont dit, cela illustre qu'en dépit de la complexité du monde actuel, il est possible de réaliser beaucoup de choses. Lorsque l'on fait preuve de détermination, que l'on travaille d'arrache-pied et, par-dessus tout, lorsque l'on collabore, il est possible d'obtenir des résultats.
Les députés et l'humanité tout entière doivent toute leur gratitude aux milliers de citoyens, aux ONG et aux gouvernements de nombreux pays, ainsi qu'aux organisations internationales qui ont uni leurs efforts dans cette grande aventure qui culminera à Ottawa la semaine prochaine.
Le ministre et des députés ont beaucoup parlé des mines terrestres. On nous a dit qu'il y en avait plus de 110 millions d'enterrées en Bosnie, au Laos, au Cambodge, en Angola, en Afghanistan et au Kurdistan. On peut douter de leur utilité militaire, mais une fois qu'elles ont été installées, elles prélèvent un lourd tribut au sein des populations. Des femmes, des enfants, des agriculteurs et bien des gens souffrent d'horribles tragédies et voient leur vie ruinée, sans compter que ces mines nuisent au développement des pays où elles se trouvent. Des millions d'agriculteurs sont incapables de continuer à produire et vivent dans la pauvreté parce qu'ils n'ont plus accès à leurs champs.
Depuis 1975, il y a eu plus d'un million de blessures attribuables aux mines antipersonnel dans le monde. Comme l'a déclaré le ministre, quatre membres du Comité des affaires étrangères et quatre membres du Comité de la défense se sont rendus en Bosnie la semaine dernière. Ils ont pu visiter nos troupes et ont pu constater de leurs propres yeux les conditions créées par la présence de ces petits objets si faciles à installer et si coûteux et dangereux à retirer. Leur capacité de détruire tient à leur conception astucieuse. Certaines mines ne sont pas plus grosses qu'une rondelle de hockey et sont enterrées. D'autres sont fixées sur un arbre et sont reliées à des fils-pièges; elles sont placées à hauteur de la tête ou de la poitrine pour provoquer le maximum de dommages à l'innocent passant.
Nous avons appris à quel point il est difficile et dangereux d'enlever ces armes horriblement efficaces. Nous avons rencontré nos soldats qui risquent quotidiennement leur vie et leur intégrité physique en exécutant la tâche délicate et dangereuse que constitue l'enlèvement de ces mines; nous leur avons parlé. Je pense en particulier au caporal Mark Isfeld, mort en 1994 alors qu'il effectuait cette tâche.
Nous avons visité le Centre Mine Action des Nations Unies; nous y avons appris que cela prend une année à 1 000 personnes pour enlever les mines sur dix kilomètre carrés et qu'au moins 100 kilomètres carrés doivent être déminés uniquement en Bosnie. Comme il n'y a actuellement que 750 spécialistes capables de s'acquitter de cette tâche, on estime qu'il faudra au moins une trentaine d'années pour déminer cette région malheureusement ravagée par la guerre. On n'ose imaginer combien de temps il faudra pour faire de même en Angola, en Afghanistan, au Laos et dans les autres pays du monde hélas victimes de la guerre.
La situation dont nous avons été témoins nous a prouvé que le traité doit comporter d'autres aspects, qu'il ne doit pas se limiter à interdire les mines, mais garantir un mode d'application rigoureux et des opérations de déminage efficaces financées à l'échelle mondiale. Il faut aussi prévoir de l'aide pour les victimes si l'on veut répondre aux besoins humanitaires.
Nous pouvons être fiers du fait que le Canada contribue à l'atteinte de ces objectifs importants dans des endroits comme la Bosnie, où nos soldats sont à l'oeuvre. Ceux-ci enlèvent les mines eux-mêmes et montrent à d'autres comment faire. Ils appuient le centre de déminage des Nations Unies. Par le biais de la Banque mondiale et d'autres mesures financières, nous contribuons de manière bilatérale et multilatérale au travail de ce centre et d'autres organismes du monde entier.
Nous contribuons à la réadaptation des victimes. Lors de notre voyage en Bosnie, nous avons eu l'occasion de visiter l'hôpital à Sarajevo. Nous avons parlé avec des médecins de l'Université Queen's qui montraient à d'autre personnel médical comment faciliter la réadaptation des malheureuses victimes. Nous avons parlé à des experts de l'ACDI qui faisaient la même chose. Nous avons parlé à nos propres soldats qui aidaient à repeindre et à remettre en état les hôpitaux ravagés par la guerre, qui serviront à accueillir les victimes de cette terrible tragédie.
Nous savons que ce travail est effectué partout dans le monde par l'ACDI et par d'autres ONG canadiennes qui oeuvrent courageusement dans des coins reculés du monde dans des circonstances difficiles.
La mesure législative vise à mettre en oeuvre le traité et à voir à ce que les conditions de ce dernier soient respectées au Canada. C'est le deuxième accord de ce genre que la Chambre ait eu à examiner récemment, le premier étant la convention sur les armes chimiques. Nous avons vu la nécessité d'avoir un moyen universellement crédible d'assurer la mise en oeuvre, l'efficacité et l'exécution de ce genre d'accord dans de nombreux pays.
À mon avis, ce n'est pas la dernière fois que la Chambre est appelée à adopter une mesure législative semblable. Je crois que, dans le monde où nous vivons aujourd'hui, nous serons de plus en plus appelés à accomplir ce genre de travail afin de faire de ce monde un endroit plus sûr et plus sain.
En général, le traité représente quelque chose pour moi, comme cela devrait être le cas pour tous les députés. Quelle leçon pouvons-nous tirer de cela en tant que Canadiens? Que nous dit cette question au sujet de notre rôle international dans un monde de plus en plus interdépendant? Pourquoi le Canada, un pays où les mines antipersonnel ne posent pas de problème, mène-t-il cette campagne qui sera toujours connue comme étant le processus d'Ottawa?
Les Canadiens croient qu'il est nécessaire que notre pays soit actif au sein de la communauté mondiale, qu'il voie à ce que nos valeurs, particulièrement la tolérance et la compassion qui sont issues de notre société biculturelle et pluraliste, soient propagées dans le monde entier. À cette fin, nous devons travailler de façon productive avec les autres pays, les institutions internationales, les ONG et les particuliers pour rallier les gens à une cause commune pour le bien de l'humanité. Dans ce sens, le traité et la mesure législative représentent le but visé par le Canada.
Quel meilleur exemple à suivre que ceux de Lester Pearson, de John Humphrey, du Dr Norman Bethune et de nombreux autres Canadiens qui ont reconnu que pour vivre dans ce monde aujourd'hui, il y faut participer pleinement? Lorsque nous nous décidons à agir ainsi, nous pouvons parvenir à des résultats incroyables.
[Français]
En terminant, j'aimerais juste offrir une petite réflexion sur la nature de notre travail aujourd'hui et le travail qui a été accompli par ce traité.
Il me semble que de ce traité et le rôle que le Canada a pu jouer dans l'élaboration de ce traité et la réussite diplomatique qu'il représente est encore une preuve de ce que le Canada peut réaliser en tant que pays fort et uni.
Je suis certain que la plupart des députés ici présents conviendront avec moi que notre puissance dans le monde et notre pouvoir de réaliser des changements dans le monde pour le bien-être de l'humanité, tels qu'illustrés par ce traité, sont accrus par le fait que nous sommes un pays uni d'un océan à l'autre et que nous parlons sur la scène internationale avec notre expérience collective et nationale.
C'est donc une autre leçon que nous voulons tirer de cette expérience, une leçon qui sera présentée de plus en plus dans le futur dans ce monde si interdépendant, une leçon qui peut bénéficier à tous et à toutes, Québécois, gens de l'Ontario, gens de la Colombie-Britannique et gens des autres provinces de ce magnifique pays.
[Traduction]
La mesure que nous adoptons aujourd'hui est un pas très important. Travaillons ensemble à avancer davantage pour le bienfait non seulement des Canadiens mais aussi de toute l'humanité.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, j'estime que c'est un privilège de pouvoir intervenir devant la Chambre sur le projet de loi C-22. Je vais tâcher d'être aussi bref que possible pour que le plus de députés possible puissent prendre la parole au sujet de cette importante mesure législative.
Pour commencer, comme l'a fait remarquer le député de Rosedale, les Canadiens sont heureux de voir que les parlementaires peuvent se pencher sur des questions comme celle-ci et, ensemble, trouver une solution et la faire adopter rapidement par la Chambre. Surtout lorsqu'il s'agit d'affaires étrangères, ils veulent que cette sorte de diplomatie se manifeste même en cette enceinte, car c'est là quelque chose qui nous fait défaut, mais nous avons certainement l'occasion aujourd'hui d'en faire preuve.
Je tiens à féliciter le ministre de sa collaboration et du fait qu'il ait réussi à faire accepter cette mesure ici ainsi qu'à l'échelle internationale. Tout ce travail a commencé pendant la dernière législature lorsque l'un de nos députés a déposé un projet de loi.
Je tiens à féliciter les organismes non gouvernementaux, Jody Williams et tous les autres qui sont venus témoigner devant le comité et qui ont joué un si grand rôle dans l'élaboration de cette mesure.
Pour nous les Canadiens, il convient tout à fait que ce soit notre mesure législative, la loi que nous sommes sur le point d'adopter à la Chambre, qui servira d'exemple pour certains de la quarantaine de pays qui ont accepté de signer la semaine prochaine. Il faut espérer que cela incitera les autres pays à faire de même.
Je dois avouer qu'au début, je ne connaissais pas grand-chose sur les mines antipersonnel. Je n'étais certainement pas conscient de tout ce qu'elles représentaient. Nous avons vu la carte de la Bosnie. Nous avons vu les points roses qui la couvraient. Nous avons vu jusqu'à quel point tout le pays était couvert de mines. Nous avons vu des gens dans certaines des villes frontalières, peut-être la moitié des habitants, qui avaient perdu littéralement un bras, une main, une jambe. Cela nous a vraiment fait comprendre toute la gravité du problème.
Nous avons appris que des mines antipersonnel pouvaient être dissimulées même dans l'écorce des arbres et que ces engins n'étaient pas mis à la vue de tous, mais qu'ils étaient bel et bien dissimulés. Elles pouvaient être cachées dans des briques d'où sortait un cheveu qui servait de détonateur, ou dissimulées sous des imitations de canettes pleines de coca-cola qui dissimulaient des explosifs plastiques. Un enfant pouvait aussi bien prendre ce contenant et être mutilé ou tué. On comprend alors qu'il s'agissait d'un problème très grave qu'aucun être humain ne pouvait accepter.
Nous n'avons eu aucune hésitation à collaborer dans ce dossier et à participer à une entreprise qui aurait des répercussions partout dans le monde.
Des aspects du projet de loi donne au gouvernement le pouvoir d'empiéter sur certains droits des Canadiens. La plupart d'entre nous y verront cependant un empiétement acceptable.
Nous devons nous garder de projeter une image de scout sur la scène internationale. Nous devons aller plus loin que les discours en montrant que nous pensons vraiment ce que nous disons et que nous sommes déterminés à aider les pays à déminer leurs champs, les lits de leurs cours d'eau, leurs routes, etc.
Il est facile d'adopter des lois. Je me rappelle du débat sur la prostitution juvénile dans les pays étrangers. Je ne vois pas comment nous aurions pu appliquer ce genre de mesure législative. Nous avons bonne conscience d'adopter des lois de ce genre, mais la question est de savoir comment les appliquer.
Nous avons parlé de la Convention de la Haye qu'un sous-comité examine et plus précisément de la question de l'enlèvement d'enfants. Nous sommes tous sensibles au fait qu'il s'agit d'un sujet délicat et chargé d'émotion. Il est facile de condamner ce genre d'activité, mais il est plus difficile de prendre des mesures concrètes pour la combattre.
J'aurais dû préciser au départ que je partagerai mon temps avec le député de Calgary-Est.
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Il y a un petit problème. La Chambre devra donner son consentement étant donné que le député dispose d'un créneau de 40 minutes. Nous allons clarifier cela tout de suite. La Chambre consent-elle à ce que le député partage son temps?
Des voix: D'accord.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, je suis désolé de ne pas l'avoir dit au départ.
Nous devons nous assurer que nous allons participer à l'application de la mesure législative et continuer à la promouvoir même si c'est parfois difficile.
Nous devons également examiner l'énorme problème de déminage qui se pose. Il y aurait 200 ou 300 millions de mines dans le monde. Les chiffres sont énormes. Nous devons aider les gens à s'aider eux-mêmes dans ce domaine. Les troupes canadiennes y veillent en apprenant aux enfants à reconnaître les endroits où se trouvent les mines, à alerter les autorités et en fait à agir. Les engagements de ce genre ne coûtent pas grand chose et sont importants si nous voulons débarrasser le monde de ce grave problème.
Nous devons aussi comprendre les raisons pour lesquelles certains pays ne sont pas prêts à signer. Nous avons tous entendu M. Clinton déclarer hier à Vancouver que si les États-Unis ne pouvaient pas renoncer aux mines terrestres, c'était parce qu'ils devaient protéger leurs soldats. Que nous soyons ou non d'accord sur la raison donnée, nous devons encourager les États-Unis à trouver d'autres solutions que l'emploi de mines antipersonnel terrestres. Il existe d'autres solutions et, à mesure que la science progressera, je suis sûr que les pays comme les États-Unis y auront recours.
Nous devons aussi tenir compte des États délinquants et de l'usage qu'ils pourraient faire des mines terrestres. Je suis convaincu, et je l'ai dit souvent à la Chambre, que, au XXIe siècle, le terrorisme sera probablement l'une des plus grandes menaces auxquelles les citoyens du monde auront à faire face. Nous devons bien sûr nous inquiéter de la présence des mines terrestres, de l'emploi qu'on en fera et de l'usage de différents engins explosifs. Nous pourrions parler du plutonium que la Russie envoie au Canada. Nous pourrions parler de toute cette question.
Il importe pour nous d'exercer de la pression dans le monde, par les voies diplomatiques et organisationnelles. Or, nous sommes très bien placés pour le faire. Je pense au fait que nous appartenions à des organisations comme la Francophonie, le Commonwealth et l'APEC. Par l'intermédiaire de ces organisations, nous pouvons exercer beaucoup de pression sur les différents pays pour les amener à signer ce traité et à se débarrasser des mines terrestres.
Le point qu'il faut faire valoir à la Chambre, c'est qu'il ne suffit pas d'en parler. Nous ne nous contenterons pas d'adopter ce projet de loi, de nous congratuler et de passer à autre chose. Nous devons être sûrs que ce sera un processus continu et durable.
Je sais qu'un certain nombre de députés ont vu de leurs yeux ce que cela veut dire que de vivre dans la crainte des mines terrestres. Au Canada, nous sommes chanceux. Quand on revient d'endroits comme la Bosnie, le Cambodge ou le Laos, nous nous rendons compte de la chance que nous avons de vivre ici. Nos enfants peuvent courir et jouer librement dans les champs, parce qu'il n'y a pas de mines terrestres. Faisons en sorte qu'il n'y en ait jamais, dans notre pays, et tâchons de les éliminer dans le reste du monde.
Il importe que nous élargissions le débat pour nous pencher sur la réforme de l'ONU. Le ministre en a parlé. Il est certain que la rationalisation des Nations Unies est une chose qui nous aidera à atteindre ce que nous voulons au XXIe siècle. Des modifications au sein de l'ONU sont extrêmement nécessaires. Nous devons travailler avec les ONG et d'autres pays pour nous assurer qu'il n'y ait pas de luttes intestines pour savoir qui fait quoi, et que l'on n'aggrave pas cette terrible multiplication des services et des bureaucraties qui gêne tellement pour parvenir au but.
Je voudrais mentionner le Comité des affaires étrangères. Beaucoup ne savent pas ce que nous faisons à ce comité. Il y a plusieurs députés ici qui sont membres de ce comité. Il est important pour nous d'étudier des questions comme celle-ci, ainsi que les problèmes de l'heure qui préoccupent les Canadiens. Trop souvent, nous sommes paralysés par la rédaction de gros rapports, qui ont le don de consommer beaucoup de temps et d'expertise. Ils coûtent aussi très chers. En fin de compte, ils terminent sur des tablettes.
Là, nous avons un exemple de question bien réelle. Nous pouvons en voir l'intérêt. C'est une question qui préoccupe les gens. Une chose à laquelle le comité peut s'intéresser.
Beaucoup de députés ont demandé au gouvernement de rendre les comités plus utiles. Nous avons demandé au gouvernement de permettre aux comités de traiter directement avec le ministre. Nous voudrions que les comités parlent des vrais problèmes, que ce soit l'esclavage au Soudan, les graves problèmes du Nigéria ou de l'Iraq, l'enlèvement d'enfants canadiens ou le terrorisme. Parlons de ces questions bien réelles pour les Canadiens et les députés, et nous pourrons peut-être parvenir à un résultat analogue à celui que nous avons aujourd'hui.
C'est un objectif. Une bonne partie restera un rêve. Nous avons déjà entendu ce genre de requête. Nous connaissons tous les échecs que nous avons subis. Toutefois, il est temps de regarder ce que nous faisons et d'essayer d'améliorer les choses.
C'est pour cela que c'est un privilège que de pouvoir dire que nous collaborons à la mise en oeuvre d'une mesure législative.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer ce projet de loi.
Le projet de loi C-22 est une importante mesure législative et je suis heureux de pouvoir partager mes commentaires avec mes collègues de la Chambre.
J'aimerais prendre quelques instants pour exprimer ma gratitude à plusieurs personnes qui se sont dévouées sans compter à cette cause des plus louables.
À l'échelle internationale, les noms de la lauréate du prix Nobel de la paix, Jody Williams, et de son organisation, et de la regrettée princesse Diana qui a attiré l'attention des nations sur cette cause, viennent à l'esprit. J'applaudis le comité du prix Nobel de la paix pour avoir reconnu les efforts de Jody Williams et de son organisation en leur décernant un prix bien mérité.
Ici au Canada, beaucoup de particuliers et de nombreux groupes, dont Mines Action Canada, ont pris l'initiative de travailler à l'interdiction, à l'échelle internationale, des mines terrestres.
Sur une note plus personnelle, j'applaudis mon collègue d'Esquimalt—Juan de Fuca, qui depuis plusieurs années travaille sans relâche à promouvoir cette question sur la scène canadienne.
Fin 1995, il a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire demandant l'interdiction, à l'échelle internationale, des mines antipersonnel, projet de loi qui reçut l'appui du ministre des Affaires étrangères d'alors. Lorsque ce portefeuille fut confié au ministre actuel, il donna lui aussi son appui à cette initiative.
J'aimerais également profiter de cette occasion pour féliciter le ministre des Affaires étrangères pour ses efforts, qui vont culminer sous peu à Ottawa. Le Canada peut être fier de cette réalisation. Mes félicitations s'adressent à tous les Canadiens qui ont participé et qui ont fait en sorte que plus de 120 pays seront à Ottawa la semaine prochaine pour signer le traité.
Le traité interdit l'emploi, le stockage, la production et le transfert de mines terrestres antipersonnel. Il comprend également une aide au déminage et une aide aux victimes de mines antipersonnel. Ce devait être un traité de désarmement collectif et il renferme plusieurs mesures humanitaires importantes qui non seulement interdisent la fabrication de mines antipersonnel, mais qui interdisent également aux pays d'en utiliser et d'en vendre.
L'exemption du Canada lui permettra d'importer, d'exporter et de posséder des mines pour l'instruction militaire, le déminage et la destruction de mines. Les agents de police et la GRC pourront également posséder et transférer les mines dans le cadre de leurs fonctions de déminage.
Si un pays est soupçonné de violer le traité, la communauté internationale y enverra des enquêteurs. Ils auront le pouvoir de faire des perquisitions et des saisies avec ou sans mandat. Des maisons d'habitation peuvent être inspectées avec un mandat. Des mandats ne sont pas nécessaires pour perquisitionner des bases militaires ou des entrepôts.
Ce projet de loi entrera en vigueur une fois la sanction royale donnée et dans toutes les provinces. Comme je n'ai que 10 minutes pour traiter de ce projet de loi, je laisserai la plupart des détails techniques à ceux qui ont pris la parole avant moi et à ceux qui la prendront par la suite, car je suis en accord avec la majeure partie des aspects de ce projet de loi.
Les mines antipersonnel constituent une question très sérieuse sur la scène internationale. L'utilisation de ces mines viole déjà de nombreuses conventions de droit international. On estime que, chaque année, plus de 250 000 personnes sont du moins mutilées et souvent tuées par des mines antipersonnel. Cela revient à une personne toutes les 20 minutes. Il s'agit là d'une perte tragique. Ce qui est encore plus tragique, c'est que ces pertes sont souvent inutiles.
Comme les mines antipersonnel n'ont pas été enlevées des endroits qui ont connu la guerre, bon nombre de leurs victimes sont mortes ou ont été blessées inutilement. Ces mines sont actuellement déployées dans plus de 70 pays, dont la plupart sont des pays en développement. Des pays comme l'Afghanistan, l'Angola, la Bosnie, le Cambodge, la Croatie, l'Érythrée, l'Iraq, le Mozambique, la Somalie, le Soudan et le Vietnam sont tous touchés. Environ cent millions de mines attendent leur prochaine victime à l'heure actuelle. Étant donné la variété des mines, car il existe plus de 350 genres de mines terrestres différents, la gravité des blessures peut varier grandement.
Ces pertes aurait pu et surtout auraient dû être évitées. Les mines terrestres ne font aucune discrimination. Elles attaquent tous ceux qui passent sur leur chemin. Nos braves casques bleus ont payé un tribut très onéreux en des endroits comme la Bosnie. Ces courageux soldats accomplissent un devoir dont le Canada s'honore et s'enorgueillit; il faut leur rendre hommage car ils exécutent bravement leur tâche, malgré les périls pour leur vie.
Il est intéressant de remarquer que ceux qui fabriquent des mines ou en ordonnent l'installation ne risquent pas d'être estropiés ou tués par leurs mines terrestres. Ce sont plutôt les soldats qui courent ce risque et d'innocents civils qui sont victimes de ce carnage insensé. Je me demande souvent combien de politiciens ou de hauts fonctionnaires doivent affronter le danger que représentent ces mines terrestres.
Je m'intéresse personnellement à ce projet de loi. Je viens de la Tanzanie, qui se trouve immédiatement au nord du Mozambique, un pays ravagé par les mines terrestres posées dans le cadre d'un conflit interne. Mon expérience, dans mon pays d'origine, me permet de comprendre quel peut être, sur la population civile, l'effet dévastateur des mines placées au hasard.
Dans ces pays, le développement de l'infrastructure est limité aux centres urbains. Dans la campagne, les gens empruntent des sentiers et des pistes de brousse pour aller d'un village à l'autre. Les femmes utilisent ces sentiers pour aller chercher de l'eau dans les rivières et les puits. Les enfants jouent dans ces endroits, ils courent sur les pistes pour aller rencontrer leurs amis des villages voisins.
L'utilisation non réprimée de ces mines terrestres nuit à une société où le principal moyen de transport dans les campagnes reste la marche. Nous pouvons donc nous imaginer les horreurs que peuvent provoquer ces mines. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les soldats paient chèrement l'absurdité de ceux qui cherchent à atteindre des objectifs politiques.
Ceux qui fabriquent ces instruments d'horreur devraient être tenus responsables au même titre que ceux qui les posent. Ce n'est que juste. Par conséquent, nous pouvons aller plus loin et interdire la fabrication des mines terrestres.
Avec environ 2 millions de mines terrestres installées chaque année, la production de ces mines et le déminage entraînent des coûts économiques réels. Le coût de production des mines varie entre 3 $ et 70 $ l'unité. Pensez à tout ce que l'on pourrait faire avec cet argent. Environ 100 000 mines sont désamorcées chaque année, à un coût variant entre 300 $ et 1 000 $ l'unité. Si l'on tient compte de tous ces chiffres, on arrive à une somme globale de 50 milliards de dollars. Cette somme peut paraître énorme, mais ce n'est rien, comparativement aux pertes de vies attribuables aux mines. On croît que, pour chaque mine enlevée, vingt autres sont posées.
Au rythme où le déminage se fait actuellement, si plus de mines terrestres étaient posées, il faudrait plus de 1 000 ans pour débarrasser le monde de ces engins meurtriers. Mais il ne sera pas facile de se débarrasser de ces mines.
Outre le temps incroyable qu'il faut mettre simplement pour trouver les mines, puisqu'il n'existe pas de plans précis pour la plupart des terrains minés, le déminage est un exercice très dangereux. On calcule que sur 5 000 mines enlevées, une personne sera tuée et deux autres blessées.
Je pourrais continuer de vous citer des statistiques, mais cela ne servirait pas à mettre l'accent sur la question fondamentale. Il ne s'agit pas d'une question d'argent, mais d'une question de valeurs morales.
La contribution que les victimes estropiées ou tuées auraient apportée à notre société auraient compensé, et de loin, les pertes économiques associées au déminage.
Pour dire les choses plus simplement et plus directement, la vie humaine n'a pas de prix. Nous devons tous prendre des mesures pour mettre un terme à cette tuerie insensée de civils innocents et de soldats.
Je voudrais faire remarquer que plusieurs États importants n'ont pas encore signé ce traité et j'espère qu'ils surmonteront leurs différends et y adhéreront également.
En général, ces pays invoquent des raisons de sécurité pour utiliser les mines. Pourtant, ces mines causent souvent autant de pertes aux armées qui les posent qu'à l'ennemi.
Nous vivons maintenant dans un village mondial. Nous sommes membres d'une gigantesque famille. Nous devrions consacrer nos efforts à promouvoir l'harmonie et la coexistence pacifique. Toutes les religions du monde prônent l'amour de son prochain. Les guerres sont destructrices, elles causent la perte de vies humaines précieuses, détruisent des familles et sont la source de bien des souffrances.
Cependant, nous avons encore bien du chemin à faire avant de pouvoir coexister pacifiquement. Ce traité est le premier pas dans la réalisation de cet objectif et il a tout mon appui sans condition.
En conclusion, je voudrais dire que même si je souscris fièrement à ce projet de loi, je partage également la souffrance de ceux qui ont été victimes de mines terrestres. Je tiens à leur dire que même si notre intervention est peut-être un peu tardive et même si nous les avons laissé tomber, nous prions pour que les générations actuelles et futures n'éprouvent pas les mêmes souffrances qu'eux.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le Président, je vous informe que je partagerai mon temps de parole avec ma collègue, la députée de Laval-Est.
Le vice-président: Comme je l'ai indiqué pendant le discours de l'honorable député de Red Deer, vu que l'honorable député a 40 minutes à sa disposition, il est nécessaire que la Chambre donne son consentement pour qu'il puisse diviser son temps de parole avec un autre député.
Est-ce qu'il y a consentement unanime de la Chambre?
Des voix: D'accord.
M. Daniel Turp: Monsieur le Président, la première fois où j'ai entendu parler de convention et de mines antipersonnel, c'était à l'occasion de discussions avec des collègues de l'Université libre de Bruxelles. Des professeurs et des étudiants de droit international militaient pour l'élimination de ces «engins de la mort», comme ils les qualifiaient déjà au début de cette décennie.
Cette question m'a intéressé, comme elle a intéressé tous ceux qui militent en faveur du désarmement, tous ceux qui suivent, à Vienne et ailleurs, les conférences visant à ce que la communauté internationale se départisse de ces instruments de la mort que sont les armes nucléaires, les petites armes, les mines de toutes sortes et notamment les mines antipersonnel.
Je n'avais pas eu l'occasion, cependant, de voir ce qu'étaient ces engins de la mort jusqu'à ce que, il y a quelques semaines, je me rende avec des collègues de cette Chambre en Bosnie-Herzégovine où on a présenté à plusieurs reprises des mines, leur façon de fonctionner, leur façon de tuer et leur façon de mettre en péril la vie humaine. C'était une expérience plutôt émouvante et qui démontrait jusqu'à quel point l'objectif de la communauté internationale de mettre un terme à la production de ces mines, et de mettre un terme à leur utilisation, était un objectif qui méritait d'être appuyé.
C'est fort de cette réalité que j'ai pu convaincre les députés de notre parti, le Bloc québécois, d'appuyer l'initiative du ministre des Affaires étrangères et d'assurer que notre parti soutienne la Convention, telle qu'elle est maintenant présentée dans la législation canadienne.
Cette conscientisation de la communauté internationale et notre propre conscientisation ne doivent pas nous faire oublier, cependant, que cette Convention est une oeuvre inachevée et qu'elle le demeurera sans doute. Le débat qui a eu cours aujourd'hui dans cette Chambre permet de constater jusqu'à quel point nous vivons dans un système où il y a un déficit démocratique lorsqu'il s'agit de voir à l'adoption et à la conclusion d'une telle Convention et à sa mise en oeuvre dans le droit interne. Je vais prendre quelques minutes pour parler de l'une et l'autre de ces questions.
Cette Convention sera vraisemblablement signée les 3 et 4 décembre par au-delà d'une centaine de pays. Il s'agit d'environ 120 pays qui pourraient se présenter à Ottawa pour les fins de signature de cette Convention. Mais la communauté internationale comporte 191 pays, et 70 États au moins manqueront à l'appel, 70 États qui n'ont pas encore décidé de s'engager dans la voie de l'élimination de ces mines.
Encore faudrait-il que les États qui signeront la Convention deviennent partie à celle-ci et fassent en sorte que leur Parlement ou leur gouvernement procède à la ratification ou à l'adhésion de cette Convention. Parmi les États qui, encore à ce jour, hésitent à donner leur appui à cette Convention, on retrouve trois membres du Conseil de sécurité, c'est-à-dire les États-Unis, la Russie et la Chine, qui sont parmi les États puissants de ce monde et qui ne veulent pas prendre le train pour Ottawa et le train d'Ottawa.
Par conséquent, l'oeuvre est inachevée et pourrait le demeurer. En ce sens-là, le travail qu'a accompli le ministre des Affaires étrangères ne fait que commencer et le travail de tous ceux qui l'ont soutenu, y compris le travail qui est fait dans cette Chambre, doit continuer. Le Bloc québécois appuiera les initiatives visant à assurer que cette Convention ait des effets toujours plus importants dans la communauté internationale.
Mais le débat d'aujourd'hui a tout de même permis d'illustrer jusqu'à quel point le Parlement et les parlementaires n'ont pas une voix suffisante, je dirais satisfaisante, dans le processus par lequel l'on adopte des traités, le processus par lequel des traités viennent à naître et viennent à créer des obligations qui sont très importantes et qui supposent très souvent, comme c'est le cas du présent traité, une législation visant à exécuter les obligations contenues dans un traité.
Nous avons présenté cet après-midi un amendement qui visait à déterminer jusqu'à quel point le gouvernement était prêt à s'engager dans une démocratisation du processus de conclusion des traités. Le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères parlait tout à l'heure de la démocratisation des relations extérieures, dont a été témoin la communauté internationale par l'adoption de ce traité qui a mis en présence, non seulement des gouvernements, mais aussi des organisations non gouvernementales auxquelles se sont associées bien entendu des organisations internationales. Il serait temps que l'on démocratise aussi le processus par lequel les États participent à des négociations internationales et à la conclusion des traités internationaux.
Le Bloc québécois a donc cherché à vérifier l'état d'esprit du ministre des Affaires étrangères en ce domaine pour constater que cette question n'a pas soulevé un intérêt aussi grand qu'il le mérite, bien que la question sera posée dans le cadre des travaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, où nous, du Bloc québécois, souhaitons un débat réel et un débat qui puisse donner lieu à des modifications importantes de la pratique en la matière.
C'est donc dire que, dans le cas qui nous intéresse, dans le cas de ce projet de loi qui sera adopté en cette fin de journée, un projet de loi que nous avons cherché à enrichir par des propositions constructives visant à améliorer la législation de mise en oeuvre, nous aurons, au bout du compte, une loi de mise en oeuvre d'une convention sur laquelle le Bloc québécois est dans un fondamental accord, une convention qui liera le Canada, lorsqu'il aura signé et ratifié cette Convention, et une Convention dont j'ose croire qu'elle liera un jour un Québec souverain, que le Bloc québécois appelle de ses voeux, qui succédera à ce traité selon les prescriptions du droit international qui seront applicables lorsque l'État québécois accédera à sa souveraineté.
Pour conclure, ce traité et cette loi de mise en oeuvre sont une réussite dont la communauté internationale devra s'enorgueillir la semaine prochaine. Il est vrai que le ministre des Affaires étrangères a partagé avec des collègues et avec les collègues de cette Chambre la gloire que procure l'adoption de cette Convention, mais c'est la communauté internationale qui en bénéficiera. Ce sont les hommes, les femmes et les enfants qui en seront les principaux bénéficiaires, puisque leurs droits fondamentaux, le droit le plus fondamental qu'est le droit à la vie, seront les droits que cette Convention réussira à mieux protéger.
C'est donc une humanité qui sera, pour l'essentiel, la bénéficiaire de cette Convention, une humanité qui est composée de ces hommes, de ces femmes que les États, les nations doivent protéger, y compris lorsqu'ils font des traités. Je reprendrai les propos d'un grand internationaliste, qu'aime d'ailleurs citer un de mes collègues d'université, un professeur de droit international connu dans les milieux politiques, parce qu'il a été ministre et vice-premier ministre du Québec, le professeur Jacques-Yvan Morin. Jacques-Yvan Morin se plaît souvent à citer, comme il l'a fait dans son cours à l'Académie de droit international, en 1994, le grand internationaliste Bartholomé de Las Casas qui, un jour, a dit, et j'ai le plaisir de le citer aujourd'hui: «Todas las naciones son hombres.»
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, d'emblée, je vous dirai que j'interviens aujourd'hui avec beaucoup d'intérêt sur le projet de loi C-22 qui porte sur la mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Je le fais aussi avec énormément de compassion, en pensant à tous ceux et celles, souvent des êtres innocents, que la mort a fauchés ou dont la qualité de vie est définitivement diminuée à la suite de l'explosion d'une mine. Je songe également à un autre aspect très important de ce dossier, celui du déminage et des efforts que la communauté internationale devra déployer en ce sens.
Un fait demeure toutefois, et c'est un grand pas. Dans quelques jours, à Ottawa, nous assisterons à la signature de la Convention internationale visant l'interdiction des mines antipersonnel. Malheureusement, ce traité ne réglera pas le problème une fois pour toutes, car des pays importants n'y adhéreront pas. Cependant, il contribuera à en contenir les effets pervers. Le Bloc québécois salue donc le leadership du gouvernement canadien et de son ministre des Affaires étrangères dans ce dossier, ainsi que les efforts de la communauté civile et des ONG.
Je vais maintenant faire un bref historique sur les mines antipersonnel. Les mines antipersonnel constituent des armes bon marché. On estime que chacune d'entre elles coûte approximativement entre 3 $ et 50 $ américains, et elles n'ont qu'un seul objectif: mutiler l'adversaire. Malgré son faible coût à l'achat, il s'agit d'une arme pernicieuse qui poursuit son travail destructeur bien au-delà des guerres et des conflits, comme nous le verrons.
Peu coûteuses, faciles à produire et efficaces, ces armes furent utilisées dans bon nombre de conflits. Qu'on se souvienne de la guerre indo-pakistanaise, la guerre Irak-Iran, celle du Golfe, ou encore les conflits internes au Cambodge et en Angola qui ont démontré la force meurtrière des mines antipersonnel. Servant d'abord à des fins défensives lors de conflits entre les pays, elles créaient des boucliers de protection ayant pour but, essentiellement, de retarder la progression de l'ennemi. C'est l'origine des champs de mines.
Cependant, le secteur d'application de ce type de mines a évolué. Elles servent maintenant lors de conflits internes et de guerres civiles et sont employées par les forces de police, des groupes d'insurgés et de guérillas, des groupes paramilitaires.
Fait encore plus triste, certains gouvernements font usage de ces mines contre leur propre population. Au Kurdistan, le gouvernement irakien aurait miné les champs de plusieurs villages, afin d'y faire régner la terreur. Les mines antipersonnel deviennent, dès lors, des outils pour contrôler les mouvements de la population et pour y faire régner la peur, le but principal étant ici, malheureusement, de tuer et de mutiler des civils.
Comme nous pouvons le constater, les conséquences de l'emploi des mines antipersonnel sont nombreuses et très graves. Et comme si la situation n'était pas assez terrifiante, ce sont maintenant les civils qui sont aux prises avec ce fléau. Les mines antipersonnel font la guerre en temps de paix.
En effet, les mines antipersonnel frappent sans discrimination des hommes, des femmes, des enfants, des personnes innocentes victimes de la cruauté des guerres qui ont eu lieu dans leur pays. Abandonnées dans le décor, si je peux m'exprimer ainsi, les mines antipersonnel provoquent des drames humains d'une tristesse inouïe. Quand la victime ne meurt pas, la plupart du temps, elle se retrouve amputée d'un membre. Cependant, rappelons-nous que les pays qui sont aux prises avec les mines antipersonnel sont presque tous des pays en voie de développement, des pays pauvres qui ne peuvent fournir à leurs blessés des soins adéquats par manque de ressources humaines et financières. Lourdement handicapées, ces victimes sont incapables de participer à l'économie locale, de travailler pour subvenir aux besoins de leur famille.
Et que dire des tragédies économiques engendrées par les mines antipersonnel? Dans certains pays, les agriculteurs sont dans l'impossibilité de cultiver leurs terres ou de mettre leurs bêtes au pâturage, leurs champs étant infestés de mines. On a vu des régions auparavant autosuffisantes sur le plan agricole dépendre désormais de l'aide alimentaire extérieure. À titre d'exemple, on estime que les mines antipersonnel dans certaines régions de l'Angola ont réduit la production de nourriture de plus de 25 p. 100.
De plus, et bien souvent, le transport de la nourriture s'avère irréalisable, les routiers refusant de s'aventurer sur des routes parsemées de mines. Dans le même sens, en plus de semer la terreur, les mines empêchent la reconstruction d'après-guerre en gênant le travail des organismes humanitaires et des forces de maintien de la paix.
Mais s'il est une chose horrifiante et inadmissible lorsqu'on parle des mines antipersonnel, ce sont les préjudices physiques et psychologiques subis par les enfants victimes de cette barbarie. Les enfants martyrs, proies du napalm, ont bouleversé le monde. Les mines antipersonnel sont du même acabit.
Pour cette raison, et elle n'est pas la seule, comme nous l'avons constaté, les gouvernements signataires de la Convention doivent poursuivre leurs démarches de persuasion auprès des pays non signataires. Il n'en demeure pas moins que des problèmes causés par les mines antipersonnel, comme je l'ai dit tantôt, ne se régleront pas d'un seul coup par la signature de la Convention. Leur impact sera grandement diminué, soit. Toutefois, la question du déminage, elle, demeure entière.
Pis encore, à l'heure actuelle, pour chaque mine soustraite du sol, 20 nouvelles mines sont installées. À ce rythme, on estime qu'il faudrait 1 100 ans et investir plus de 30 milliards de dollars pour éliminer complètement les mines antipersonnel dispersées actuellement sur la Terre.
Il est donc impérieux de s'attaquer au déminage de façon efficace et avec des outils aussi modernes que ceux qu'on utilise pour les poser. Par contre, on sait que le déminage coûte cher. En 1994, l'ONU a dépensé 70 millions de dollars américains pour retirer moins de 100 000 mines. Dans les faits, il en coûte de 300 $ à 1 000 $ pour enlever une seule mine.
La communauté internationale peut faire valoir qu'elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour effectuer un déminage total. Cependant, force est de constater que dans les années 1980, les exportations d'armements lourds et légers à destination des pays du tiers monde représentaient 70 p. 100 du commerce mondial des pays riches. Il y a là une responsabilité internationale évidente, eu égard aux pays pauvres qui se sont appauvris au profit des pays riches et des lobbies de l'armement.
Mais malgré une baisse importante des exportations d'armements lourds vers les pays en voie de développement, nous assistons depuis les années 1990 à la prolifération inquiétante des armements légers. Une analyse nous révèle, et je cite: «De 1980 à 1995, dix États africains totalisant une population de 155 millions d'habitants ont été déchirés par des guerres civiles. On y a dénombré entre 3,8 et 6,9 millions de morts, presque tous tués par des armes légères, soit 2,5 à 4,5 p. 100 de la population de ces dix pays. Il semble que les dirigeants des pays occidentaux soient de plus en plus préoccupés par le surarmement des régions en crise du tiers monde, là où précisément on leur demande d'envoyer des forces d'interposition. Une prise de conscience semble émerger de cette contradiction fondamentale: d'un côté, les pays riches tentent d'arrêter des conflits, de l'autre, ils continuent à alimenter en armements les belligérants.» L'histoire se répète.
Encore là, toutefois, des mesures s'imposent et des solutions existent. En ce sens, l'aboutissement de la Convention sur les mines antipersonnel est de nature à nous encourager et à nous faire espérer la conclusion d'un accord multilatéral sur les armes légères.
En terminant, le Bloc québécois réitère son appui au projet de loi C-22. Le processus d'Ottawa est plus que nécessaire. Mais, comme je l'ai mentionné, il reste beaucoup à faire. Ayant pour cible, à l'origine, les chars d'assaut et les autres véhicules blindés, ce sont maintenant les civils dont la vie est mise en danger par les mines antipersonnel, ceux-là mêmes qui ont déjà le plus souffert de la guerre.
La signature de la Convention sur les mines antipersonnel, le 3 décembre prochain, permettra, nous l'espérons, de réduire les désastres humains. Toutefois, il restera toujours l'épineux problème du déminage auquel la communauté internationale devra s'attaquer de façon sérieuse.
C'est là le prix à payer si les mots «justice» et «équité» ont encore un sens. C'est aussi le prix à payer pour la paix et la sécurité.
[Traduction]
M. Bob Kilger (Stormont—Dundas, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Il y a eu des discussions entre les représentants de tous les partis sur la motion suivante, et je voudrais que vous demandiez le consentement unanime de la Chambre à ce sujet.
Une voix: Oh, oh!
Le vice-président: Je pourrais peut-être entendre la proposition du whip en chef du gouvernement.
M. Bob Kilger: Monsieur le Président, je ne veux pas empêcher quiconque d'intervenir au sujet de cette très importante question. Comme on peut le constater par le nombre de députés présents à la Chambre aujourd'hui, il s'agit d'un sujet sur lequel de nombreux députés veulent se prononcer. Toujours dans le même esprit, je propose:
Que, à la fin du débat d'aujourd'hui en troisième lecture sur le projet de loi C-22, la question soit réputée avoir été mise aux voix et adoptée à l'unanimité.
[Français]
Le vice-président: Le whip en chef du gouvernement a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir présenter la motion?
Des voix: D'accord.
[Traduction]
Le vice-président: La Chambre a entendu le libellé de la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Le vice-président: La motion est adoptée.
Plus tôt aujourd'hui, j'ai informé la Chambre des questions qu'on aborderait dans le cadre du débat sur la motion d'ajournement ce soir. C'est vraiment à regret que je signale à la Chambre qu'on a annulé ce débat. Ainsi, nous allons poursuivre le débat en cours à la Chambre.
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or, NPD): Monsieur le Président, c'est un grand honneur pour moi de me prononcer, au nom du Nouveau Parti démocrate, en faveur de l'initiative par laquelle notre pays s'engage à interdire les mines terrestres.
Ce traité est l'illustration du pouvoir que le peuple peut exercer quand il agit collectivement et du bon usage que les gouvernements peuvent faire du pouvoir qui leur est confié quand ils s'en donnent la peine.
Il y a tout juste un an, une très grande majorité de pays du monde ont convenu que, malgré l'importance des dépenses à engager et l'ampleur des répercussions à prévoir sur le plan militaire, il fallait s'attaquer à ce problème d'ordre moral. Les mines antipersonnel sont un fléau et n'ont pas leur place dans l'arsenal des pays démocratiques d'aujourd'hui.
Nous, les Canadiens, jouissons de milliers de kilomètres d'espace ouvert. J'ai donc du mal à m'imaginer vivant dans un pays où vous risquez à chaque pas de franchir une frontière invisible, une frontière entre la vie que vous menez aujourd'hui et une vie sans une jambe ou sans votre enfant. Je m'imagine mal vivre dans un pays où le champ que votre famille laboure depuis des générations est maintenant une zone dangereuse et ennemie, qui risque à chaque pas de tuer ou de briser un avenir, un pays où vos enfants ne peuvent pas jouer dans la rue ou dans la forêt, un pays où la peur vous tenaille constamment.
Si je suis très favorable à ce traité, c'est peut-être parce je suis mère d'une petite fille. J'ai lu plein de chiffres sur les enfants de son âge qui, chaque jour, sont tués ou estropiés par des mines. J'ai lu au sujet de ces mines recouvertes de plastique ou de tissu de couleurs brillantes pour attirer les enfants, pour les tuer. Des engins conçus de la sorte n'ont pas leur place dans le monde que je veux léguer à mon enfant.
Au Canada et dans d'autres pays avancés, on parle beaucoup des droits et des obligations et des comportements acceptables. Mais en même temps, on autorise les gouvernements à fabriquer et exporter des mines terrestres, des armes qui n'ont qu'un but, tuer ou estropier. C'est le comble de l'hypocrisie.
Depuis 1868 et la Déclaration de Saint-Pétersbourg, qui interdisait les armes qui aggravent inutilement les souffrances, jusqu'à la Convention de Genève, qui interdisait de terroriser les non-combattants, des gouvernements ont travaillé très fort pour épargner aux humains les excès douloureux de la technologie militaire moderne. Parallèlement, cependant, ils s'efforçaient de perfectionner les armes afin de pouvoir mettre au point des dispositifs comme le type de mine dont je parlais tout à l'heure, et qui vient avec un manuel d'instructions où on peut lire ceci: «Elles sont particulièrement efficaces contre les enfants curieux. Elles rendent la vie difficile dans les collectivités rurales sans mettre les troupes ou les véhicules blindés en danger.»
Il y a aussi les mines anti-personnel couvrant une grande surface. Elles sont larguées d'avions et en touchant terre, elles projettent huit fils-pièges très minces. Dès que quelqu'un trébuche sur un de ces fils, la mine éjecte des plombs mortels sur une surface de 60 mètres. Il y a des mines remplies de petites fléchettes de formes irrégulières qui s'enfoncent profondément dans la chair des victimes. D'autres sont fabriquées de plastique, pas parce que cela coûte moins cher, mais parce que le plastique est indétectable aux rayons X. Le chirurgien doit fouiller à l'aveuglette dans le corps de son patient pour en retirer les morceaux de mines. Une récente innovation a consisté à rendre les plombs radioactifs au moyen d'uranium appauvri de telle sorte que les victimes souffrent aussi d'empoisonnement par irradiation.
C'est sur de tels engins que travaillent les gouvernements du monde dans leurs laboratoires et, pendant ce temps, leurs dirigeants prêchent la paix et la compassion.
Le traité est une immense pas en avant, un pas vers un terrain plus sûr. Mais nous ne sommes pas encore à l'abri du danger. D'ici que les grandes puissances aient le courage de signer cette convention et que les États-Unis aient celui d'accepter l'interdiction de plein gré, nous savons que chaque jour, pendant encore des décennies, des vies seront gâchées par des mines antipersonnel.
Chaque année, en Europe, des mines mises en place au cours de la Seconde Guerre mondiale explosent et tuent. Cette guerre est terminée depuis plus d'un demi-siècle. Depuis ce temps, d'innombrables autres mines ont été posées. Le sol de pays comme l'Afghanistan, le Vietnam, le Cambodge, l'Angola et la Bosnie est parsemé de bombes qui ne disparaîtront pas avant plusieurs décennies. Pendant ce temps, encore plus de familles seront détruites. C'est un fait incontestable, mais nous pouvons y réfléchir et faire de notre mieux pour briser le cycle de la violence et de la mort.
Les Nations Unies ont fait un excellent travail pour coordonner les projets de déminage partout dans le monde, mais ce travail sera vain si nous, les membres des gouvernements du monde, ne promettons pas à nous-mêmes et à nos enfants de mettre un terme à la multiplication des mines. Cette promesse exige plus que l'obligation de prononcer de beaux discours à la Chambre des communes. Il faudra appliquer toute la pression morale des Canadiens sur les pays qui insistent toujours pour que les mines antipersonnel fassent partie de leur arsenal de défense.
Il est ironique de penser que notre premier ministre est aujourd'hui l'hôte d'une réunion des pays membres de l'APEC, à Vancouver. Les leaders de la Chine et des États-Unis, qui ont tous deux refusé de signer la convention, participent à cette réunion. Hier le président américain Bill Clinton a au moins eu le courage de féliciter le Canada et de l'inviter à aller de l'avant avec le traité. Entre temps, le gouvernement de la Chine, à qui l'on attribue un fort pourcentage de la fabrication mondiale des mines antipersonnel et de leur exportation, refuse de signer le traité et même de discuter de sa signature.
C'est vraiment un grand progrès que le gouvernement libéral ait pris l'initiative de ce traité. Au nom des députés néo-démocrates, je tiens à remercier sincèrement notre ministre des Affaires étrangères qui, par son travail diligent, a réussi à faire de ce traité une réalité. Cela montre ce dont les gouvernements sont capables lorsqu'ils décident d'agir de manière décisive. La seule chose que je déplore, c'est que le ministre semble être une voix isolée, au sein du gouvernement, lorsqu'il s'agit de réclamer une approche plus morale et plus humaine des relations étrangères. Alors qu'il intervient auprès des Chinois et les prend à partie parce qu'ils refusent de se conformer aux normes internationales, d'autres dirigeants du gouvernement invitent à leur table le président chinois, à Vancouver.
Je ne suis qu'une modeste voix parmi le choeur international qui réclame l'interdiction des mines antipersonnel. Il y en a des dizaines de milliers d'autres, dont ceux qui ont reçu le prix Nobel de la paix cette année, et beaucoup d'autres particuliers, groupes et gouvernements. Je voudrais aussi souligner les efforts du gouvernement travailliste de la Grande-Bretagne et du premier ministre Tony Blair. Ils ont montré ce que peut faire un gouvernement moral qui a le courage d'utiliser ses pouvoirs. Pour eux, l'interdiction des mines antipersonnel se rattache à la philosophie morale de la démocratie sociale, tout comme pour nous, du NPD. Cela est indissociable de nos convictions au sujet de la dignité humaine et de la coopération internationale.
Il faut situer cette question dans un contexte plus large. Les mines antipersonnel sont une manifestation évidente et incontestablement condamnable de l'inhumanité de l'homme envers l'homme, mais il y a d'autres manifestations auxquelles les dirigeants mondiaux n'accordent aucune attention, ou alors très peu. Je demanderai, pour être brutale, pourquoi interdire les mines antipersonnel s'il n'y a pas d'hôpitaux pour traiter les enfants atteints de la rougeole? Pourquoi éviter à des gens la mort par le shrapnel si on les laisse succomber à la malaria, au froid ou à la faim?
Ce traité doit être une première étape, mais il est tout à l'honneur du gouvernement que je puisse prendre aujourd'hui la parole à la Chambre pour dire qu'il a signé une belle page dans le livre de la civilisation mondiale. Nous adoptons une nouvelle loi pour les pays civilisés du monde, et cela est méritoire. Au nom de mes électeurs, de mon parti, de ma fille Kayla et en mon nom personnel, je remercie tous ceux qui ont contribué à faire de ce traité une réalité.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais rappeler à la députée que d'autres ont participé au mouvement d'interdiction des mines antipersonnel. Action Mines Canada, une association d'organismes non gouvernementaux, a fait de l'excellent travail en alertant l'opinion publique à cet égard. D'autres députés l'ont fait également, tout comme d'autres gens l'ont fait depuis quatre ans. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui s'est intéressé à cette question.
Je voudrais reprendre la députée sur un autre point. L'Angleterre n'était pas le seul pays engagé dans le processus, encore qu'il ne se soit engagé que sous les pressions exercées par la princesse Diana. La Norvège et le Canada se sont aussi engagés. La Belgique a été l'un des premiers pays à avoir pris l'initiative de détruire unilatéralement ses mines. Elle a interdit les mines avant même que la question ne retienne l'attention.
Je tenais à faire cette mise au point. Si la députée veut corriger son discours à cet effet, elle est libre de le faire.
Mme Michelle Dockrill: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de ses observations. Comme nous le savons tous, notre temps de parole est très limité. J'aurais pu continuer encore longtemps pour parler des points qu'il vient de soulever.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, mes observations seront succinctes aujourd'hui, mais très lourdes de sens. Je partagerai mon temps avec le député de Compton—Stanstead.
L'époque actuelle est pleine de défis pour une puissance intermédiaire. Dans le contexte de l'après-guerre froide, l'État a vu grandement diminuer sa capacité d'influer sensiblement sur la politique étrangère et internationale. Par contre, les ONG, les multinationales et les individus ont vu leurs pouvoirs et leurs forces augmenter considérablement.
Comme en témoigne ce traité, le gouvernement peut reconnaître que les temps changent et il peut mettre à contribution le nouveau pouvoir des ONG pour créer une politique étrangère sensée dans un nouveau contexte assorti de défis.
Une nouvelle tendance, la sécurité de la personne, a aussi vu le jour dans le contexte de l'après-guerre froide. De plus en plus, on parle de la sécurité de la personne et non de la sécurité nationale dans les milieux de la politique étrangère. La notion de sécurité de la personne reconnaît que, depuis la fin de la guerre froide, la plupart des conflits ont été des conflits intérieurs. La majorité d'entre eux ont opposé des gouvernements à leur population.
C'est dans ce contexte que nous devons reconnaître la nécessité de préserver la sécurité des individus. La sécurité de la personne est donc en voie de devenir aussi importante que la sécurité nationale. Le traité sur les mines antipersonnel reconnaît cette tendance et permet de renforcer la sécurité de tous les citoyens du monde.
Le Canada doit rester vigilant et utiliser tous les moyens dont il dispose, y compris la Banque mondiale et le FMI, pour faire pression sur les pays non signataires et pour les amener à appuyer ce traité. Nous devons aussi veiller à ce qu'il y ait des ressources financières pour aider les pays à respecter les conditions du traité.
Le rôle de premier plan que le Canada a joué dans la démarche d'Ottawa est un exemple éloquent de ce que nous pouvons accomplir. Il montre aussi le rôle que nous devons continuer de jouer, un rôle important à titre de puissance intermédiaire dans le contexte de l'après-guerre froide. Dans la tradition des Lester Pearson et des Joe Clark, nous avons la possibilité et le devoir de continuer de jouer un rôle clé au chapitre de la politique et des affaires étrangères, de protéger les droits de tous et d'assurer leur sécurité.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le Président, je serai bref moi aussi. J'ai quelques remarques à faire au sujet des discours qui ont été prononcés par les députés aujourd'hui.
Le nom de Jody Williams a été mentionné plusieurs fois. Comme beaucoup d'autres députés, j'ai assisté à un petit déjeuner organisé en son honneur il y a environ deux semaines. Lorsqu'on l'a interrogée sur ce que serait son prochain projet, elle a dit clairement qu'elle était loin d'avoir terminé son projet sur les mines antipersonnel. Elle a dit qu'elle continuerait de travailler à ce projet.
Nous avons maintenant l'occasion de franchir une autre étape relativement à cette question, et c'est exactement le genre de chose qu'elle aimerait faire. La réunion de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique se déroule actuellement à Vancouver. Je crois comprendre qu'il n'y sera pas question des droits de la personne, mais seulement de l'économie. Ce n'est pas la bonne chose à faire. Je sais que beaucoup de Canadiens et le ministre croient aussi que ce n'est pas la bonne chose à faire.
Le bilan de nos partenaires commerciaux en ce qui concerne les droits de la personne devrait être mentionné, et pas seulement en passant. De la même façon, l'APEC est une excellente tribune pour discuter des questions de sécurité. La situation est de plus en plus explosive dans la ceinture du Pacifique à mesure que la Chine acquiert de la puissance et que la Corée du Nord devient de plus en plus imprévisible. À l'avenir, l'APEC se penchera sur les questions relatives à la sécurité internationale dans la région. L'APEC ne sera bientôt plus capable de faire fi de cette question. Ce serait un merveilleux début, pour établir un précédent important, si le Canada jouait un rôle de premier plan dans cette initiative.
Je propose que le Canada soulève la question du traité des mines antipersonnel dans son ensemble publiquement et pas simplement dans le cadre de rencontres bilatérales. Si le gouvernement entend bien débarrasser le monde des mines antipersonnel, le sommet de l'APEC serait une occasion en or d'inviter les autres pays à adhérer au traité.
Là encore, je veux féliciter le gouvernement et plus particulièrement le ministre des Affaires étrangères de ses efforts.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Burlington.
Je suis très heureux de pouvoir intervenir sur ce projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Celui-ci qui permettra au Canada de respecter ses obligations aux termes de la convention internationale interdisant les mines antipersonnel.
Comme les députés le savent, des représentants de plus de 100 pays viendront à Ottawa le 3 décembre pour participer à la signature du traité et au forum sur les mines. Cet événement mettra un terme au processus d'Ottawa que le ministre des Affaires étrangères a lancé l'année dernière lorsque la conférence sur le désarmement parrainée par les Nations Unies, qui avait lieu à Genève, n'a pas abouti.
Ce projet de loi, intitulé Loi de mise en oeuvre de la Convention sur les mines antipersonnel, est, bien entendu, nécessaire pour inscrire dans la loi, ce qui leur donne plus de poids, les obligations politiques et diplomatiques du Canada en tant que pays signataire de la convention. J'espère certes que d'autres pays signataires agiront avec la même rapidité et détermination que notre Parlement pour ratifier ce traité.
Au nom des habitants de ma circonscription, Nepean—Carleton, je voudrais une fois de plus féliciter personnellement le ministre des Affaires étrangères pour les énormes efforts personnels qu'il a déployés dans le cadre de cette initiative. Il a rendu tout le Canada très fier et ses efforts vont tout à fait dans le sens de la grande tradition de la diplomatie canadienne.
Lorsque les Canadiens pensent à nos réalisations sur le plan diplomatique, ils pensent à Lester B. Pearson, à la crise du canal de Suez et au maintien de la paix. Nous pouvons ajouter le nom du ministre des Affaires étrangères et le traité sur les mines antipersonnel. Il faut également, bien entendu, rendre hommage aux centaines d'ONG, d'organisations internationales conduites par la militante américaine Jody Williams et appuyées par d'autres comme la regrettée Diana, princesse de Galles. On a atteint ensemble un objectif humanitaire très important.
Nous avons tous entendu les statistiques concernant les mines antipersonnel. On estime qu'il y en a 100 millions enfouies dans le sol de 70 pays autour du globe. Toutes les 20 minutes, une mine antipersonnel tue ou mutile quelqu'un. Pour chaque mine retirée du sol, 20 nouvelles sont mises en place. Dans 80 p. 100 des cas, les victimes sont des civils innocents, souvent des enfants et des femmes. Les pays en cause sont notamment l'Afghanistan, le Cambodge, le Mozambique, la Somalie et le Vietnam. Les mines explosent longtemps après la fin du conflit au cours duquel elles ont été mises en place. Les mines antipersonnel causent la mort et des blessures graves de façon aléatoire, au hasard.
Sur le continent nord-américain, nous avons la chance de vivre sans la menace constante des mines antipersonnel. D'autres n'ont pas cette chance.
Il y a sept ans, je suis allé au Zimbabwe, dans le sud de l'Afrique, dans le cadre d'une délégation parrainée par l'ACDI. Notre visite comprenait une visite dans un camp de réfugiés situé le long de la frontière du Mozambique et appelé Tongagora. Ce que j'y ai vu en trois heures est demie m'a laissé une image inoubliable de ce qu'est la vie pour de nombreux êtres humains moins chanceux que nous.
Pour plus de 40 000 réfugiés ayant fui la guerre au Mozambique, dont un grand nombre luttaient contre les effets de la malnutrition, de la malaria et de la diarrhée ainsi que d'autres maladies, ce camp était leur foyer. Plus de la moitié de la population du camp était des enfants souvent marqués physiquement par la guerre, avec des membres amputés et la figure marquée d'horribles cicatrices.
L'image d'un enfant en particulier est gravée dans ma tête pour toujours. Comme tous les enfants du camp, ce jeune garçon était couvert de haillons. Il devait avoir 11 ou 12 ans et s'appuyait sur un bâton en guise de béquille, parce qu'il avait été amputé d'une jambe au genou. Du côté droit, la moitié de sa mâchoire semblait avoir été emportée par une explosion. Assis confortablement dans l'autobus qui quittait le camp, je regardais cet enfant et la seule chose qui me venait à l'esprit, c'était que jamais il ne connaîtrait la vie dont bon nombre d'entre nous bénéficions au Canada.
Commencer sa vie comme réfugié dans un camp est déjà assez terrible sans être défiguré et amputé en plus. Je ne saurai jamais si ce garçon avait été blessé par une mine antipersonnel, mais il est clair que ces mines sont à l'origine de nombreuses amputations dans ce camp. Chaque fois que je revois ce jeune garçon en pensée, je songe aux mines et aux torts incalculables qu'elles font à des innocents. Aussi malchanceux que fut ce garçon, beaucoup de victimes de mines terrestres au Mozambique n'ont jamais réussi comme lui à rallier un camp de réfugiés. Certains n'ont tout simplement pas pu faire le long voyage vers la sécurité et d'autres sont morts au bout de leur sang à l'endroit ou près de l'endroit où ils avaient fait sauter une mine.
Les mines terrestres ne causent pas que des blessures physiques. Des torts psychologiques graves sont aussi associés aux mines terrestres. L'édition de samedi dernier du Globe and Mail publiait une série de lettres de jeunes Bosniens qui en disent long quant à l'incidence de la menace des mines terrestres sur les jeunes esprits.
Admir Mujkic, un élève de 12e année dans l'est de Tuzla, écrit ceci: «Ce sera bientôt le printemps. Les nuits seront chaudes et on sera tenté d'aller se promener. Nous en avons assez des cafés enfumés, mais où pouvons-nous aller? Il y a des mines partout. Les champs, les prés et les forêts sont probablement truffés de mines. Cela pourrait probablement ruiner ma vie ou la vie, la jeunesse, les convictions, les amours de quelqu'un d'autre. Je veux courir dans les champs de fleurs avec ma petite amie. Je veux cueillir pour elle la première violette, grimper aux arbres et parcourir les forêts. Je veux me coucher dans l'herbe et regarder le ciel pendant des heures. Je veux rêver».
Melisa Dzanovica, une élève de 7e année aussi de Tuzla, écrit ceci: «Mon ami, ne regarde pas le ciel, ne compte pas les étoiles, ne contemple pas la lune jaune, car tout pourrait sauter en un instant. Un seul faux pas suffit. Alors, regarde où tu marches, mon ami. Ton ennemi est dans la terre. Il t'entoure d'un fil épais. Souviens-toi qu'il y a pire que la guerre: survivre à la paix, mon ami.»
Il y a un certain nombre de défis à relever en rapport avec cette convention. Il faudra notamment faire en sorte que la ratification par les signataires s'opère rapidement de sorte que cette convention puisse être incorporée au droit international pour interdire la fabrication, la possession, l'utilisation et l'exportation des mines terrestres. En tant que parlementaires, nous devons travailler avec nos homologues des autres pays pour veiller à ce que cela se fasse rapidement.
Un autre défi consiste à amener ceux qui ne signeront pas la convention, notamment nos voisins du Sud, à en devenir signataires. Ce serait un énorme progrès.
Il est bien dommage que les États-Unis aient décidé de ne pas signer la convention pour le moment. Comme nous le savons, ils ont invoqué leur position de défense en Corée du Sud pour expliquer leur refus de signer, même si au moins un de leurs généraux, le général Norman Schwarzkopf, a dit que les États-Unis n'ont pas besoin de mines terrestres pour se défendre, eux ou leurs alliés.
Il faut cependant reconnaître aux États-Unis le mérite d'avoir détruit 1,5 million de mines terrestres et d'avoir promis d'en détruire autant d'ici peu de temps. Ils se sont également engagés à accroître de 25 p. 100 l'an prochain le budget déjà considérable qu'ils consacrent aux opérations de déminage.
Cela m'amène au plus important peut-être des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que communauté mondiale, à savoir passer de la signature et de la ratification de la convention à la prochaine phase qui devrait consister en un effort international concerté visant à débarrasser le sol de ces mines. Le processus d'Ottawa aura l'air facile en comparaison. Cette nouvelle phase exigera de la volonté politique, des ressources considérables ainsi qu'une technologie à la fine pointe du progrès pour faire en sorte que l'entreprise de déminage ne fasse plus de morts ni de blessés.
Autant le Canada a dirigé le processus d'Ottawa vers la conclusion d'une convention sur l'interdiction des mines terrestres antipersonnel, autant devrions-nous prendre la tête du processus visant à débarrasser le monde de ces armes épouvantables. Nos forces armées comptent certains des militaires les mieux formés pour effectuer le déminage terrestre et notre technologie est l'une des plus modernes.
Dans mon premier discours à la Chambre, j'avais parlé de deux entreprises que je suis fier d'avoir dans ma circonscription et qui travaillent à la mise au point d'une technologie de déminage de pointe. Il s'agit des sociétés Computing Devices of Canada et Thomson-CSF.
La société Computing Devices of Canada travaille à la fabrication d'un système qui combine diverses technologies de détection de mines terrestres. La technologie créée par cette entreprise utilisera un système qui permettra de détecter même de faibles quantités de métal. Ce système, doté d'un radar capable de sonder le sol, pourra y détecter la présence de corps étrangers. Il utilisera également une caméra à rayons infrarouges qui permettra de reconnaître les fluctuations thermiques dans le sol dues à la présence de mines terrestres. Un autre instrument de détection permet de repérer la présence d'azote, une composante majeure des explosifs.
La technologie utilisée par la société Thomson-CSF comporte un système robotique très perfectionné capable de creuser le sol, d'en extraire les mines et de les neutraliser.
Je mentionne ces choses pour montrer que l'élimination de plus de 100 millions de mines dans le monde est une tâche extrêmement difficile, mais pas impossible.
Les progrès considérables de la technologie permettent de réduire énormément les blessures et les décès liés aux activités de déminage.
En terminant, tous les Canadiens peuvent être fiers des résultats diplomatiques remarquables obtenus par le ministre et les nombreuses autres personnes qui ont oeuvré à la réalisation de ce traité.
En une année, nous avons fait des progrès considérables vers la solution d'un problème qui afflige une grande partie de l'humanité, mais n'oublions pas que le plus difficile reste à faire.
J'ai bon espoir que, fort de sa détermination politique, de ses ressources financières et des progrès technologiques, le Canada saura encore une fois jouer un rôle de premier plan dans l'un des dossiers humanitaires les plus importants de notre époque.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je suis moi aussi honorée et heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-22. Je suis particulièrement fière, mais pas du tout surprise, que ce projet de loi ait obtenu l'appui de tous les partis à la Chambre.
Nous ne sommes pas souvent d'accord, mais nous nous entendons sur ce point parce que nous intervenons d'abord en notre qualité de Canadiens et ensuite à titre de défenseurs de la paix dans le monde. En septembre dernier, j'ai eu l'honneur de participer, avec mes collègues de Brossard—LaPrairie et de Esquimalt—Juan de Fuca, ainsi que le ministre, à la conférence d'Oslo en Norvège au moment où le traité a été négocié et au forum des organisations non gouvernementales, avec les gens qui dirigent le mouvement depuis des années.
La délégation canadienne a fait valoir ses points avec brio. À Oslo, ses interventions, son engagement, sa persévérance ont été sans égal et grâce à cela les pays de tous les coins de la planète comptent maintenant sur le Canada pour assurer le leadership dans ce dossier.
En fait, en adoptant ce projet de loi, nous deviendrons le premier pays à ratifier le traité d'interdiction des mines antipersonnel. Cette mesure, ainsi que la récente destruction de nos dernières mines encore fonctionnelles, témoignent du degré de notre engagement à détruire les mines terrestres et à sauver des vies.
Durant le présent débat, nous avons entendu le député de Nepean—Carleton parler longuement de l'impact des mines actives, de ce dont il a été témoin et du rôle important du Canada dans le cheminement du dossier jusqu'à la présente étape.
Tous les députés à la Chambre et tous les habitants de ce pays sont déterminés à voir disparaître toutes les mines de la planète. J'ai donc cru qu'il vaudrait mieux concentrer mes commentaires sur les motifs qui poussent les Canadiens à travailler si farouchement et si rapidement pour imposer une interdiction mondiale. Quelles sont les prochaines étapes?
Ce projet de loi porte sur la paix et la sécurité internationale. Il propose des étapes pour protéger les terres des gens et leur fournir le moyen de subvenir aux besoins de leurs familles en toute sécurité. Pendant trop longtemps, les gens avaient faim, dans plusieurs pays, tandis que leurs rizières et leurs champs restaient stériles, parce que c'était trop dangereux de les cultiver.
L'aspect le plus important de ce projet de loi, ce sont les gens. Cette mesure vise à sauver des vies. Elle vise à prévenir ces morts inutiles et à rendre l'espoir aux collectivités.
C'est effrayant de penser que, même avec l'extraordinaire coopération de la Chambre, dans le seul temps que nous avons consacré à ce débat, des centaines de personnes, des civils, des agriculteurs, des femmes et des enfants sont blessés ou tués par des mines terrestres antipersonnel. Toutes les 20 secondes, une personne est touchée.
Durant mon intervention et celle de mon dernier collègue à avoir pris la parole, 30 personnes auront été blessées par des mines terrestres. Certaines en mourront sur-le-champ. D'autres mourront lentement, pendant des semaines. Nous savons à quel point les blessures infligées de cette manière sont graves physiquement, et les soins médicaux ne sont pas toujours accessibles pour les victimes.
À Oslo, j'ai entendu parler de gens pour qui il a fallu six jours avant d'arriver à un service d'urgence. Même alors, ces services sont parfois insuffisants. Comme leurs blessures ne sont pas traitées immédiatement, ils risquent de souffrir de la gangrène plus tard. Si un enfant est blessé, il doit se faire poser une trentaine de prothèses tout au long de sa vie. Pensons seulement au coût que cela représente. Pensons que les gens qui sont ainsi blessés sont ensuite incapables de subvenir aux besoins de leur famille car, dans beaucoup de pays, les emplois sont très rares.
Ils ne peuvent plus cultiver le riz ni travailler à la ferme. Les femmes ont beaucoup moins de chances de se marier. Si elles ont la chance de se marier, elles ont souvent des accouchements compliqués.
Leur vie est remplie d'obstacles. Comme la députée de Nepean—Carleton l'a mentionné, ces blessures ont des conséquences catastrophiques, sur le plan émotif, chez les enfants et les adultes.
Il faut absolument veiller à la réintégration sociale de ces personnes. Ce sont des victimes innocentes. Ce sont des femmes qui travaillaient aux champs pour nourrir leur famille, des enfants qui jouaient ou ramassaient du bois pour le feu.
Le 4 décembre, quand les délégués retourneront dans leurs pays respectifs et que les chefs d'État repartiront avec leur copie officielle du traité, notre travail ne fera que commencer.
Chers collègues, nous devons nous concentrer sur notre tâche et travailler avec ferveur. La signature du traité n'est qu'une première étape. Nous devons garder la question à l'avant-plan de la scène politique et publique. Nous devons continuer d'encourager les pays qui ne signeront pas la convention à le faire parce que, autrement, il restera des pays qui pourront acheter des mines terrestres, qui en transféreront, les stockeront et sèmeront le désordre sur la planète.
Un élan a été donné. Nous pouvons faire beaucoup sur notre lancée. Nous devons inviter tous les pays à aller de l'avant, nous devons rendre le traité universel.
Ce traité nous donne un excellent exemple du fonctionnement de la diplomatie, de ce que l'on peut faire lorsque les gouvernements écoutent la population et agissent et de ce qui peut être réalisé lorsque les individus et les groupes travaillent de concert, sans relâche, et de ce que notre pays, le Canada, en tant que puissance moyenne et nation pacifique, est capable d'accomplir au cours du présent siècle et du prochain.
Avec les autres députés à la Chambre, je félicite toutes les personnes qui ont eu un rôle à jouer dans l'élaboration de ce traité historique et tout particulièrement la députée de Brant, pour son initiative et pour avoir contribué à me sensibiliser à la question il y a plusieurs années, et le ministre des Affaires étrangères, pour sa vision, sa persévérance, son engagement et son énergie. Il a pris un risque l'an dernier, il s'est obstiné et il a travaillé très fort. Je félicite le premier ministre, car les pressions politiques qu'il a exercées ont été critiques pour l'atteinte du résultat.
Les 2, 3 et 4 décembre, le monde aura les yeux braqués sur nous, alors que nous prendrons une mesure humanitaire majeure et amènerons le monde à franchir une nouvelle étape dans le désarmement. Nous pourrons reprendre le même processus progressiste pour nous attaquer à d'autres causes.
Le 4 décembre, le mal aura été vaincu, le bien triomphera et la population de la planète pourra se réjouir que nous ayons finalement adopté une attitude progressiste face à une arme mortelle qui frappe sans discrimination. Le monde saura que nous réussirons un jour à éliminer les mines. Mon collègue a mentionné certaines possibilités qui s'ouvrent aux Canadiens dans le processus. Nous savons que, s'il n'y a plus de mines, nos troupes de maintien de la paix en mission dans différents pays pourront mieux accomplir leur travail et seront un peu plus en sécurité.
Le débat a été magnifique et je suis fière d'avoir pu y participer.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Souris—Moose Mountain.
La population de Surrey-Centre est très heureuse que je me prononce en son nom en faveur de cette mesure législative destinée à mettre en oeuvre la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Mes électeurs et moi-même voudrions rendre un hommage tout particulier à mon collègue du Parti réformiste, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca, qui non seulement assistait à la réunion d'Oslo, mais a pendant des années travaillé comme médecin au Mozambique, dans une zone truffée de mines. En fait, en 1995 et 1996, c'est le député réformiste qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire demandant l'interdiction des mines antipersonnel, mais le gouvernement a refusé d'en faire un article soumis à un vote.
Si ce projet de loi avait fait l'objet d'un vote, le traité aurait peut-être pu être signé beaucoup plus tôt, deux ans plus tôt, sauvant ainsi beaucoup de vies de par le monde.
Ce fut une des rares fois où un ministre des Affaires étrangères a déclaré que l'on devrait appuyer la motion d'initiative parlementaire. Le fait qu'un ministre libéral appuie un projet de loi d'initiative parlementaire était d'une importance telle qu'il a gonflé le moral des activistes et des organisations non gouvernementales qui se battaient déjà pour obtenir l'élimination de ces armes meurtrières.
Le nouveau ministre libéral des Affaires étrangères a également souscrit à l'initiative d'interdiction des mines antipersonnel. Le Canada a poursuivi ce dossier de concert avec d'autres pays, dans l'espoir de rallier un consensus en faveur d'une interdiction à l'échelle internationale.
En octobre 1996, à la conférence de stratégie internationale, le Canada a exhorté la communauté internationale à signer un traité interdisant la production, l'utilisation, le stockage et l'exportation des mines terrestres. Et c'est ainsi que fut amorcé le «processus d'Ottawa».
Les organisations non gouvernementales dans le monde ont toujours prétendu qu'une interdiction des mines terrestres s'imposait, car ces engins constituent une violation des droits internationaux de la personne et du droit international puisqu'ils tuent ou estropient plus de 20 000 civils par an.
Un projet de traité a été présenté à Oslo, en Norvège, en septembre 1997. Il interdit l'utilisation, la production, le stockage et le commerce des mines antipersonnel, mais ne touche pas un mot sur l'aide au déminage et aux victimes. Jusqu'ici, plus de 120 pays ont exprimé leur intention de signer le traité d'Oslo. Le mois prochain aura lieu à Ottawa la cérémonie de signature officielle.
Les Forces canadiennes appuient le traité. Ce ne sont pas les preuves favorables à l'interdiction des mines antipersonnel qui manquent chez les militaires.
Le traité d'Oslo vise un traité collectif de désarmement international. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est le fruit du projet de traité d'Olso. Le projet de loi C-22 comporte de nombreux éléments humanitaires importants qui interdiront aux pays signataires non seulement de produire des mines terrestres, mais également de les utiliser et d'en faire le commerce.
Les exemptions dont jouit le Canada à l'égard de ce traité nous permettront d'importer, d'exporter et de posséder des mines terrestres à des fins exclusives de mise au point de techniques de déminage ou de destruction des mines, et de la formation à ces techniques. Nos agents de la paix et nos agents de la GRC seront aussi autorisés à posséder et à transporter des mines terrestres dans l'exercice de leurs fonctions afin de les désamorcer.
Si un pays est soupçonné d'enfreindre le traité, une mission d'établissement des faits sera dépêchée sur place par la communauté internationale et aura le pouvoir de procéder à des perquisitions et à des confiscations, avec ou sans mandat. Les perquisitions dans les maisons privées devront se faire avec mandat. Il n'est pas nécessaire d'avoir un mandat pour perquisitionner dans les bases militaires ou les entrepôts.
Le projet de loi contient 14 sections. J'aimerais en décrire certaines qui sont importantes.
Comme nous le savons, il existe des interdictions. En vertu de ce projet de loi, il est interdit de placer des mines antipersonnel sous ou sur le sol ou une autre surface ou à proximité. Il est aussi illégal de mettre au point, de produire, de stocker ou de transférer à quiconque, directement ou indirectement, des mines antipersonnel, excepté à des fins de formation aux techniques de déminage ou de destruction des mines, ou de leur exposition dans des musées. Il est également illégal d'importer ou d'exporter des mines antipersonnel.
Il existe également une section concernant la destruction des mines. Les personnes qui sont en possession de mines antipersonnel sont tenues de les livrer à certains endroits pour leur destruction immédiate, à l'exception des membres des Forces armées, de la GRC ou d'autres personnes autorisées par le ministre à rendre ces mines inoffensives.
Il y a les règles d'inspection. Si un pays est accusé d'enfreindre ce traité, le ministre des Affaires étrangères de ce pays doit délivrer aux membres de la mission d'établissement des faits des Nations Unies un certificat les autorisant à inspecter les lieux soupçonnés d'abriter des mines, à savoir les bases militaires ou les entrepôts industriels. Ce pouvoir s'étend seulement aux installations commerciales. Les membres de la mission d'établissement des faits ne peuvent pénétrer dans une maison d'habitation sans le consentement de l'occupant.
Enfin, il y a une section concernant l'exécution, qui habilite les agents chargés de faire appliquer la loi à déclarer une personne coupable et à décider du montant des amendes. La peine dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire va d'une amende de 5 000 $ à un emprisonnement maximal de dix-huit mois, ou les deux. Dans le cas d'une déclaration par mise en accusation, elle va d'un amende de 500 000 $ ou d'un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux.
Les États-Unis et la Chine ont refusé d'être signataires de ce traité. Toutefois, ces deux pays ont mis en oeuvre plusieurs aspects importants du traité tels que la destruction de leurs stock de mines. D'ailleurs, ils n'en exportent plus depuis quelques années. Nous espérons que la Chine et les États-Unis finiront un jour par signer le traité.
Plus que tout autre pays, les États-Unis se sont engagés à financer le déminage. Ils se sont assurés que les mines antitank n'étaient plus antipersonnel. Ils ont déjà détruit un nombre record de mines. Les États-Unis sont le premier pays à avoir demandé à l'ONU d'interdire les mines antipersonnel. Les États-Unis s'attendent à jouer le rôle de soldats de la paix dans de nombreuses régions du globe et ils s'attendent également à ce qu'on leur cède, mais à Oslo, les pays ne l'ont pas fait. Nous savons que, la semaine dernière, les États-Unis ont perdu au large des côtes africaines un appareil et son équipage qui étaient en route vers une opération de déminage en Afrique.
Les pays où les conflits font rage, tels que la Bosnie, la Turquie, les pays du Moyen-Orient, l'Inde et le Pakistan, n'ont eux non plus pas encore signé. Bien que ces pays ne soient pas encore signataires, le fait que le traité contienne des dispositions contraignantes est plus porteur de promesses qu'un traité que tout le monde signe mais qui contient tellement d'échappatoires qu'il en devient inutile.
En ce qui concerne le projet de loi sous sa forme actuelle, l'une sources de préoccupations est le manque de détails sur la personne qui sera désignée par le ministre pour surveiller le destruction des mines et l'application de la loi au Canada.
Une autre interrogation porte sur la demande d'aide. En effet, le traité engage les parties à porter assistance aux cosignataires sans qu'il soit fait mention d'une limite financière. C'est une aide qui peut être accordée lorsque les circonstances s'y prêtent et que nous en avons les moyens. Le gouvernement doit veiller à ce que, chaque fois que nous donnons de l'aide, nous le fassions de la manière la plus efficace compte tenu des coûts. C'est important. Il faut que le projet de loi soit adopté le plus tôt possible.
Imaginons un instant les conséquences humaines pour les civils. L'histoire montre que les mines n'arrêtent pas les armées, mais tuent des personnes. Certains villages sont cernés de mines, il y en a dans les champs, les prairies, les forêts. Les écoles sont pleines d'affiches rappelant aux enfants de faire attention aux mines. Le vocabulaire de ces enfants est émaillé de mots comme guerre, mine, danger, peur, tuer, sang, etc. On demande aux enfants de ne pas toucher aux mines parce que ce sont les jouets de la guerre.
On leur dit de ne pas regarder le ciel splendide ou la lune d'or et de ne pas compter les étoiles, car il suffit d'un instant pour qu'il y ait du sang partout. Il suffit d'un faux pas. On leur dit de regarder au sol, c'est là qu'est l'ennemi.
Il y a pire que la guerre. Il leur faut encore survivre à la paix. Les familles connaissent bien la crise, le manque d'argent. Dans ces pays, même les enfants doivent travailler pour faire vivre leur famille. Les mines oubliées peuvent détruire leurs rêves en une fraction de seconde. La guerre habite toujours leur coeur, leur âme, leur mémoire. Des gens ont perdu une jambe. On n'entend plus le bruit de l'artillerie ni la sirène, mais le son soudain des détonations. Personne ne sait comment manipuler les mines. Pour terminer...
Le vice-président: Je regrette de signaler au député qu'il a déjà largement dépassé son temps de parole. Je sais qu'il partage son temps avec le député de Souris—Moose Mountain. Il tient certainement à ce que cet autre député ait ses dix minutes.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son intervention brillante et érudite.
Que pensent ses électeurs de ce problème?
M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, mes électeurs et moi sommes fiers d'appuyer ce projet de loi à la Chambre. Ce fut un honneur de pouvoir prendre la parole pour signifier cet appui.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Monsieur le Président, un soir comme aujourd'hui, il est difficile de prendre la parole et de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. Je suis heureux d'appuyer ce projet de loi et de savoir qu'il ferait l'unanimité dans ma vaste circonscription.
Lorsque nos travaux prendront fin ce soir et que nous rentrerons chez nous, nous ne nous attendrons pas à entendre des coups de feu, ni le bruit d'une mine terrestre qui explose. Nous vivons dans une paix et une quiétude relatives. Toutefois, même si le projet de loi est adopté à l'unanimité, il y a des Canadiens qui ne sont pas aussi optimistes que nous le sommes au sujet des armes dissimulées dans notre pays. Les gens savent que cette situation existe, mais il semble n'y avoir aucun moyen ni effort légal qui soit déployé pour empêcher cela.
Une mine est une des choses les plus faciles à dissimuler et à apporter dans notre pays. Rien n'est plus facile à cacher et à apporter dans notre pays qu'une petite mine de plastique. Nous savons par expérience que de nombreuses armes entrent quotidiennement en contrebande au Canada.
J'étais à bord d'un avion avec un type de Cornwall qui m'a parlé de la contrebande qui se produit dans sa ville. Il m'a dit que celle-ci est la capitale canadienne de la contrebande. Je lui ai demandé s'il était possible que des mines soient apportées en contrebande au Canada. Il m'a répondu: «Pourquoi pas! Des armes à feu entrent bien en contrebande, pourquoi pas des mines!»
Lorsque le projet de loi sera adopté, je voudrais que la Chambre des communes prenne un moment pour réfléchir à l'accumulation des armes et à la constitution d'arsenaux dans notre pays. D'après les conversations que j'ai eues avec des policiers de la Saskatchewan et avec l'homme de Cornwall que j'ai rencontré dans l'avion, il se pourrait qu'il y ait chez nous une mine terrestre prête à exploser.
Je me réjouis de l'excellent travail que le ministre et mes collègues ont accompli à la Chambre. Je suis heureux d'appuyer la motion. J'espère que tous les Canadiens garderont l'oeil ouvert afin que nous nous occupions sans tarder de ces armes de destruction et de ceux qui les possèdent, pour éviter que le Canada revive la malheureuse expérience de nombreuses autres régions du monde.
Au nom de mes électeurs, je suis heureux de dire que je vais très certainement appuyer le projet de loi.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-22.
Oui, le Bloc québécois appui sans réserve le projet de loi C-22. Et je tiens, en mon nom personnel et au nom de mes collègues du Bloc québécois, à féliciter toutes les ONG impliquées dans ce dossier, les acteurs non étatiques et le ministre des Affaires étrangères pour l'aboutissement heureux du traité d'Ottawa.
Cela étant dit, les ravages qu'ont faits et que font toujours les mines antipersonnel ne sont un secret pour personne. D'ailleurs, constamment à l'avant-garde des réalités mondiales, le Bloc québécois a déjà, depuis plusieurs années, mis en garde à plusieurs reprises le gouvernement libéral sur les atrocités causées par les mines antipersonnel.
Dès décembre 1995, ma collègue de Laval-Est, lors d'une déclaration à la Chambre, exhortait le Canada à éliminer «ces armes de souffrances» pour reprendre ses propos. Même chose pour le député de Repentigny qui, en mai 1996, critiquait rondement l'entente survenue lors de la Conférence internationale sur les mines antipersonnel, qui s'était tenue à l'époque à Genève et où le gouvernement fédéral avait été signataire de ladite entente. Rappelons-nous que cette entente n'interdisait pas complètement les mines. Au contraire, le protocole affirmait que les futures mines devaient être détectables ou autodestructrices. Mon collègue du comté de Repentigny avait qualifié l'accord d'absurde et il avait tout à fait raison.
Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Tout le monde doit se réjouir de cette Convention qui interdit les mines antipersonnel. Et les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Au prix de 3 $ pièce, les mines sont un moyen peu coûteux de terroriser ses ennemis. Et c'est pour cette raison, entre autres, qu'on retrouve environ 110 millions de mines terrestres disséminées un peu partout dans plus de 70 pays dans le monde. De ce nombre, cinq millions supplémentaires sont vendus chaque année. Les mines créent une vraie hantise dans les pays où leur présence est généralisée. On n'a qu'à penser à l'Angola, au Cambodge, au Mozambique, à la Somalie, au Vietnam, et beaucoup d'autres encore.
Dans ces pays en voie de développement où les mines sont bien souvent oubliées, elles empêchent les gens de fonctionner normalement. Les mines privent ces régions ou du moins rendent l'utilisation de grandes superficies de terres inutilisables et incultivables. Généralement affligés par la pauvreté, le ravitaillement alimentaire et l'aide au développement sont souvent une aventure très périlleuse pour les ONG qui travaillent sur le terrain dans ces pays, ce qui a pour conséquence directe l'appauvrissement de communautés entières. Et cette pauvreté devient d'autant plus choquante devant l'incapacité de ces pays, faute de moyens financiers, de procurer des fauteuils roulants, ou même des prothèses aux différentes victimes.
Et que dire des enfants? Le plus beau cadeau que la vie ait pu me donner sont mes deux enfants, deux enfants en pleine santé. C'est inconcevable de penser, même si c'est la réalité, que le quart des personnes soignées pour des blessures causées par les mines dans les unités de la Croix-Rouge en Afghanistan et au Cambodge sont des enfants. Quoi de plus normal pour un enfant que d'aller à l'école? Au Mozambique, au moins un enfant par jour est estropié ou tué par une mine terrestre, alors qu'il se rend à l'école. Il faut que ce carnage cesse, et heureusement, nous sommes sur la bonne voie.
Depuis que je suis critique en matière de coopération internationale, je suis beaucoup plus en mesure de voir et d'apprécier au plus haut point le travail fantastique des organisations non gouvernementales. Dans le présent dossier, il est primordial de donner beaucoup de crédit au travail de Mme Jody Williams, coordinatrice de la CIMT. Formée à l'origine de quelques militants bien intentionnés et guidés par une femme déterminée, cette détermination s'est transformée en une coalition d'un millier de membres. Le travail de Mme Williams et de ses acolytes a même été reconnu par le Comité du prix Nobel, puisqu'on lui a décerné le prix Nobel de la paix.
Ainsi, la campagne contre les mines terrestres a été lancée à la fin de 1991. Elle intégrait en son sein 11 organisations représentant plus de 1 000 ONG réparties dans plus de 60 pays. Ces organismes avaient un but en commun: le bannissement des mines antipersonnel.
Vue au départ comme utopique, l'idée d'éliminer les mines antipersonnel a fait son chemin. La CIMT, avec l'aide de centaines d'ONG, a été capable de changer l'ordre du jour mondial et ainsi à amener les gouvernements à les suivre.
À la suite des nombreux succès de ces derniers, l'Assemblée générale de l'ONU a voté en 1996 une résolution demandant aux États, le plus rapidement possible, de poursuivre vigoureusement l'interdiction sur les mines antipersonnel.
En octobre 1996, le Canada a pris l'initiative de convoquer une réunion de stratégie des États en faveur de l'interdiction des mines. Sous le thème «Vers l'interdiction complète des mines antipersonnel», la conférence a accueilli 350 participants de 75 pays. C'est ainsi qu'en janvier 1997, 50 pays avaient interdit l'exploitation des mines antipersonnel, 15 pays avaient détruit ou commencé à détruire leurs stocks de mines, 30 pays avaient banni ou du moins suspendu leur utilisation et 20 pays avaient annoncé qu'ils n'en produiraient plus.
À la conclusion de ce qu'on a appelé le «processus d'Ottawa», le ministre des Affaires étrangères du Canada a terminé la conférence en lançant une invitation aux États à revenir, en décembre 1997, à Ottawa, afin de signer un traité d'interdiction sur les mines antipersonnel. Voilà où nous en sommes rendus maintenant.
Il va sans dire que le Canada a joué un rôle important dans la réalisation de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Comme on a pu le constater, le processus d'Ottawa vise à négocier et à signer, au plus tard en décembre 1997, une convention internationale obligatoire interdisant l'emploi, la production, le transfert et le stockage des mines antipersonnel.
Sans les initiatives de la CIMT et du Canada, la création de cette Convention aurait peut-être été retardée de plusieurs années encore et ce, au prix inacceptable de souffrances et de vies humaines.
Enfin, le Canada a fait preuve de leadership sur le plan international dans ce dossier. Mais le Canada se devra d'être vigilant.
Alors que le «Processus d'Ottawa 1» s'apprête à se terminer, il faut dès maintenant penser au «Processus d'Ottawa 2». La signature de la Convention en décembre prochain ne marque pas la fin du processus, bien au contraire. Le «Processus d'Ottawa 2» devra voir au bon fonctionnement de la Convention sur le terrain. Le Canada devra assurer l'universalisation et l'entrée en vigueur le plus tôt possible de la Convention ainsi que l'adoption de nouveaux programmes massifs de déminage et d'aide aux victimes. Avec le «Processus d'Ottawa 1», il était question de la théorie. Mais avec le «Processus d'Ottawa 2», il sera question de la pratique.
Le travail le plus important pour le Canada et la communauté internationale débutera dès le 5 décembre prochain, soit au lendemain de la signature de la Convention du 2 au 4 décembre prochain. C'est à ce moment qu'on pourra voir le sérieux de cette entente.
Malheureusement, il y a une ombre au tableau. Certains pays, comme la Chine, la Russie et les États-Unis, n'ont pas l'intention de signer la Convention. Je n'ai pas l'intention de faire un procès d'intention à ces pays non signataires. Mais des rapports comme celui de Human Rights Watch, In its own words—basé sur des documents d'archives du Pentagone—et celui de Demilitarization for Democracy, Exploding the Landmines Myth in Korea, font valoir de façon convaincante l'utilité marginale et souvent improductive des mines terrestres.
D'ailleurs, ces rapports font même mention que les mines terrestres américaines ont été l'une des principales causes des pertes américaines lors de la guerre du Vietnam. Et pourtant, de tels arguments n'ont pas suffi au président des États-Unis pour le faire changer d'idée.
Il m'apparaît assez évident que ce dernier, pressé par son lobby militaire, a décidé de ne pas signer le traité. De plus, il a apporté comme argument, pour décliner la signature, son souci de protection des troupes américaines stationnées dans la péninsule coréenne. Il m'est très difficile de comprendre de tels arguments. J'ai regardé, comme tout le monde, les reportages à la télévision du conflit armé contre l'Irak en 1991. À voir l'arsenal d'armes de haute technologie que possèdent les États-Unis, comment le président des Américains peut-il prétendre qu'une arme aussi primitive que la mine terrestre reste indispensable pour défendre les troupes américaines?
Je pense que les pays non signataires de la Convention ont simplement eu un manque de volonté politique. Et cela est très regrettable. Mais je crois que la pression populaire mondiale fera éventuellement changer d'idée ces pays.
En terminant, j'aimerais rappeler à cette Chambre qu'on a gagné une bataille, mais que la guerre est loin d'être remportée. Restons vigilants et unissons nos forces afin de faire de ce monde un endroit libéré d'une vraie calamité que sont les mines antipersonnel.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager la période de temps qui m'est allouée avec le secrétaire parlementaire du premier ministre.
Toutes les 22 minutes, une personne meurt ou est blessée par l'explosion d'une mine. Cela veut dire, en termes très concrets, que depuis ce matin—je suis arrivé à la Chambre à 11 heures, il est maintenant environ 19 h 10—pendant le temps où j'étais ici à participer au débat de cette Chambre, près de 25 personnes sont mortes ou blessées à cause d'une mine, et parmi ces personnes, en particulier des civils, surtout des civils, et parmi ces civils, en particulier des enfants. Certaines mines sont même conçues pour attirer particulièrement les enfants, qu'on pense aux mines papillons, par exemple.
Beaucoup de mes collègues ont abordé la question des coûts sociaux, des coûts environnementaux de ces mines. Ce qu'il faut remarquer, c'est qu'avec tout ça, rien ne prouve jamais que les mines aient changé le cours d'un conflit. Jamais un conflit n'a été définitivement marqué par l'emploi des mines.
J'aimerais citer un passage d'un article qui a été écrit, notamment par M. Cyrus Vance, l'ancien secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères:
[Traduction]
«L'attention du monde étant fixée sur des négociations visant à détruire les armes nucléaires et à prévenir une nouvelle course aux armements nucléaires dans la péninsule coréenne et en Asie du Sud, on pourrait croire que les mines terrestres, ces toutes petites armes qui peuvent tenir dans la paume d'une seule main, constituent difficilement une menace à la paix mondiale. En fait, même si la réduction de la menace d'une guerre nucléaire doit demeurer la première priorité des efforts internationaux de réduction des armements, les petites armes tuent et blessent quatre personnes chaque jour. Le Département d'État américain fait remarquer que les mines terrestres sont peut-être la pollution la plus toxique et la plus répandue qui menace l'humanité.
«Nous sommes persuadés que seule une interdiction totale quant à la production, à la possession, au transfert et à l'utilisation de mines antipersonnel nous fera progresser vers la suppression totale de ce fléau. Nous croyons que les États-Unis doivent être les premiers à viser cet objectif».
[Français]
Les États-Unis n'ont pas pris ce leadership, mais le Canada l'a fait, et on doit en être extrêmement fiers. J'aimerais prendre quelques secondes pour souligner en particulier les efforts qui ont été déployés par le premier ministre, par l'ancien ministre des Affaires étrangères, M. André Ouellet, par l'actuel ministre de l'Environnement, par l'actuel ministre des Affaires étrangères du Canada, dont on sait tous les efforts qu'il a accomplis, dont on sait qu'il respecte la très grande tradition canadienne de maintien de la paix et de promotion de la paix.
Très brièvement, je voudrais vous parler de mon expérience à Oslo. J'étais à Oslo au moment de la négociation du traité. J'étais accompagné d'ailleurs de la députée de Burlington et du député d'Esquimalt—Juan de Fuca. Vous auriez dû voir dans cette salle la crédibilité des négociateurs canadiens. Vous auriez dû voir à quel point ces fonctionnaires canadiens de haut niveau, venant des Affaires étrangères et de la Défense nationale, nous ont fait honneur. Trop souvent, on décrie les fonctionnaires, mais je dois vous dire que de les voir agir comme ils l'ont fait à Oslo vaut largement la peine que le Canada le sache.
En même temps que la négociation sur le traité, il y avait une conférence des ONG. Et sur la place, juste en face de l'endroit où se négociait le traité, j'ai fait un peu le tour d'une exposition organisée par les ONG. L'un des fonctionnaires m'accompagnait. Il m'a présenté à quelqu'un de la Croix-Rouge, en me présentant comme parlementaire du Canada. Je ne sais pas d'où est sortie cette dame-là, mais une dame en fauteuil roulant, une jeune Cambodgienne, sans jambes, parce qu'elle les a perdues en sautant sur une mine, est venue me voir. Elle m'a regardé en disant: «Canada, bravo.» Ça, c'est une expérience que je ne suis pas prêt d'oublier. C'est une expérience qui vous donne une fierté absolument extraordinaire dans ce pays.
Le 9 septembre, le ministre des Affaires étrangères est venu prononcer une allocution à la Conférence des ONG. L'émotion qu'il y avait dans cette salle, à la fin de ce discours, était quelque chose d'absolument remarquable.
Alors ce que je voudrais dire à tous les Canadiens, c'est: Soyez vraiment fiers de vos leaders politiques. Soyez fiers de cette Chambre qui, tous partis confondus, va appuyer l'une des plus grandes causes humanitaires des dernières décennies.
Le processus d'Ottawa, c'est une grande alliance, on a insisté beaucoup là-dessus, une alliance entre les sociétés civiles, les ONG, Mme Jody Williams, que je félicite bien sûr, et l'organisation qu'elle représente, ainsi que la Croix-Rouge.
J'aimerais conclure, si je peux—cela ne prendra que quelques secondes—en lançant un grand appel à la jeunesse canadienne. Quand je suis arrivé en politique, on m'a taxé d'idéaliste. Or, je voudrais que la jeunesse canadienne sache ceci: il y a un an à peine, tout le monde était sceptique quant à l'initiative canadienne. Dans quelques jours, c'est plus de 100 pays qui seront ici à Ottawa—soit en signant, soit en adhérant moralement—pour adhérer, donc, à ce traité d'élimination des mines antipersonnel.
Ce que je veux dire à ces jeunes, c'est qu'il y a de la place pour l'idéalisme en politique. La preuve, nous l'avons aujourd'hui. Et oui, comme députés, on peut faire une différence. Mais comme députés, on peut faire une différence à condition de comprendre qu'une société, ce sont des élus, ce sont des organisations non gouvernementales, c'est toute une population qui décide de se rallier. C'est cela, la concrétisation de ce qu'on fait ce soir.
Je sais qu'il y a encore beaucoup à faire pour un monde de paix, mais aujourd'hui, j'éprouve une immense fierté à franchir, avec tous mes collègues, et en fait avec tout notre pays, un pas important dans la bonne direction.
[Traduction]
M. Rey D. Pagtakhan (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier mon collègue, le député de Brossard—LaPrairie, de bien vouloir partager avec moi le temps mis à sa disposition.
Je prends la parole ici pour appuyer le projet de loi C-22, Loi de mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Le député de Winnipeg-Nord—St. Paul est assuré que la Chambre va relever le défi. En fait, ce projet de loi, dont le titre abrégé est Loi de mise en oeuvre de la Convention sur les mines antipersonnel, marque un tournant pour le Parlement canadien et partant, pour le peuple canadien.
Une fois promulgué, le projet de loi mettra en oeuvre les obligations du Canada conformément à la Convention. Il mettra en place non seulement la législation nationale nécessaire pour que nous remplissions nos obligations conformément à la Convention, mais aussi des garanties de la Charte des droits. Il donnera aux tribunaux canadiens une plus grande aisance d'interprétation pour faciliter les poursuites à l'égard de toute allégation de violation.
Je me permets ici de rendre hommage au gouvernement pour cette initiative historique et en particulier à l'honorable ministre des Affaires étrangères pour sa persévérance et son extraordinaire pouvoir de persuasion.
Le ministre est évidemment assuré de l'appui total du caucus ministériel. En fait, le premier ministre lui-même a manifesté aussi beaucoup de volonté et de détermination dans cette affaire. Je rappelle à la Chambre que le premier ministre a porté la question à l'attention des chefs d'État de l'Europe de l'Est et de l'Ouest lorsqu'il s'est rendu là-bas il y a deux semaines. Il y a quelques jours encore, à l'occasion de la réunion de l'APEC à Vancouver, il a de nouveau soulevé la question auprès du président Clinton des États-Unis.
L'engagement du gouvernement est ferme. Sa détermination à réussir est inébranlable, et il entrevoit un succès complet.
Déjà, nous voyons que la Chine, après avoir accepté de prolonger un moratoire sur les exportations, assistera à la cérémonie de signature de décembre en qualité d'observateur; ce sera la toute première fois que la Chine assiste à une conférence sur les mines terrestres. Nous voyons que les États-Unis, après avoir prolongé leur moratoire, cherchent activement des moyens de remplacer les mines qu'ils utilisent actuellement et ont annoncé une nouvelle initiative en matière de déminage et d'aide aux victimes. Nous voyons que la Russie s'est engagée à signer la convention le plus tôt possible. Ce sont là des développements très louables.
D'ici deux brèves semaines, le Canada, en se faisant l'hôte de la conférence de signature de la convention et du forum sur le déminage, appelée phase I du processus d'Ottawa, déploiera aux yeux du monde le zèle avec lequel il tâche de mettre fin à la folie des mines terrestres antipersonnel.
En tant que Canadiens, nous avons raison d'être fiers que notre pays ait assumé un rôle de chef de file dans un dossier qui a pris une envergure internationale parce que c'est un dossier qui touche au coeur de l'humanité.
Je suis fier de dire à la Chambre que dans ma province, le Manitoba, des ONG comme le Council for Canadians with Disabilities, le Centre for Disability Studies et le Disabled Peoples International, ont aidé d'autres organismes d'aide aux personnes handicapées ailleurs dans le monde à acquérir les habiletés de promotion nécessaires pour faire pression auprès des gouvernements et des communautés pour qu'ils apportent leur soutien dans ce dossier. Les efforts d'un mouvement mondial ont été rendus possibles parce que des ONG, des spécialistes et des dirigeants se sont concertés pour s'attaquer aux vastes dimensions du problème.
Nous ne pouvons vraiment pas oublier la véritable tragédie des victimes de mines terrestres, la perte incompréhensible de jeunes enfants innocents, les victimes au nom desquels nous devons parler. Ce sont les jeunes d'aujourd'hui qui devront poursuivre la lutte contre l'héritage de mines terrestres légué par notre génération s'ils veulent en finir avec ces armes meurtrières qui blessent et tuent plus de civils que de militaires, qui tuent plus de gens que les armes nucléaires et chimiques réunies.
S'adressant à la Conférence canadienne sur le déminage humanitaire et l'assistance aux victimes des mines terrestres tenue le 31 janvier dernier à Winnipeg, le ministe des Affaires étrangères a dit, et je cite: «Nous pouvons faire une différence. Et nous la faisons. Nous devons continuer à travailler ensemble, en tirant pleinement avantage de l'élan que nous avons imprimé au Canada en vue d'aider le monde à se débarrasser de ces armes intolérables».
Nous, les parlementaires, et vous, par notre entremise, pouvons contribuer aux efforts. Comme le premier ministre l'a dit récemment: «Nous avons travaillé avec d'autres gens qui pensent comme nous et nous avons montré à ceux qui doutent que le Canada peut faire sa part en tant que force du bien dans le monde... Le travail est fort bien amorcé, mais il ne prendra fin que le jour où nous persuaderons encore plus de pays de signer la convention. Et nous continuerons de travailler pour atteindre cet objectif et faire appliquer la convention».
Nous continuerons de travailler au-delà du processus d'Ottawa, afin d'obtenir le nombre minimal de ratifications, soit 40, qui nous permettra de mettre pleinement en vigueur la convention, qui fera alors partie du droit international. Nous continuerons de travailler au-delà de ce processus pour faire en sorte que l'avenir, sans être complètement libre de guerres, soit au moins libre de la perte inutile de vies de civils, libre de tous ces membres amputés, de ces yeux qui ne voient plus, de ces corps mutilés, de ces chocs émotifs et de ces souffrances humaines dues aux mines terrestres anti-personnel que l'on peut prévenir.
Bref, ce projet de loi est historique et nous demande de jouer un rôle historique. Je suis heureux qu'en tant que parlementaires, nous répondions résolument à l'appel, au nom de tous les Canadiens.
M. Peter Adams (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, c'est un privilège que de prendre part, en cette journée très spéciale, au débat sur un projet de loi lui aussi très spécial qui aura pour effet la mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Le projet de loi traite des obligations du Canada en vertu de cette convention. Il oblige le Canada à coopérer de diverses manières de façon à faciliter la mise en oeuvre du traité et de veiller à empêcher toute activité interdite en vertu de ce dernier.
Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de Kitchener—Waterloo.
Aux termes de la Convention, chaque État partie s'engage à détruire tous les stocks de mines antipersonnel dont il est propriétaire ou détenteur ou qui sont sous sa juridiction ou son contrôle, ou à veiller à leur destruction, dès que possible, et au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur du traité.
Cette loi est une étape nécessaire pour nous permettre d'amener les États du monde entier à signer un traité interdisant les mines antipersonnel.
Encore une fois, conformément à la tradition établie par Mike Pearson à la Chambre, le Canada est à l'avant-garde des efforts mondiaux de maintien de la paix. Il a fallu beaucoup d'efforts pour en arriver là et il en reste beaucoup à faire. Je dois cependant avouer que je suis plus optimiste aujourd'hui que je ne l'étais il y a quelques années. Je ne suis pas de nature pessimiste. Je sais qu'il existe une interdiction mondiale plus ou moins efficace des armes chimiques et biologiques. Il y a à peine quelques années, j'avais très peu d'espoir de voir adopter un traité interdisant les mines terrestres.
En avril 1996, en tant que membres de la délégation canadienne de l'Union interparlementaire présidée par le sénateur Peter Bosa, nous avons été incapables de faire accepter cette question comme principal élément à l'ordre du jour. Nous avons toutefois pu en parler et obtenir qu'elle remonte dans l'ordre de priorité des questions à discuter aux futures réunions de l'UIP.
Au cours de cette même année, je me souviens d'une réunion sur la colline du Parlement, qui était parrainée par Mines Action Canada, la Croix-Rouge canadienne et Bruce Coburn. Cette réunion avait été organisée par la députée de Brant, maintenant ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Malgré la présence de Bruce Coburn, cette réunion n'a pas attiré tellement de monde. Toutefois, mon pessimisme m'a amené à sous-estimer l'influence de la base, ici, au Canada, et dans le monde entier.
Depuis que j'ai été élu, j'ai toujours reçu des appels et des lettres au sujet des mines terrestres. Chaque fois que je visite des écoles, secondaires ou primaires, on me pose des questions sur les mines terrestres. Divers groupes de Peterborough ont manifesté un intérêt constant pour cette question. Pas plus tard qu'hier, à l'église, les gens discutaient du déminage et de l'importance de la tâche qui nous attend. Par exemple, une personne suggérait qu'on plante des arbres dans les zones qui ont été déminées. L'intérêt manifesté par la base fait son oeuvre depuis longtemps, et ce n'est pas fini.
Cette vague d'intérêt pour la question fut la part que Peterborough a prise dans ce que le ministre des Affaires étrangères a décrit à la conférence d'Oslo. Il a décrit l'intérêt que les gens ordinaires portaient dans le monde entier à cette question comme «une coalition en train d'émerger entre les éléments de la société civile et les gouvernements engagés dans le mouvement en faveur de l'interdiction des mines antipersonnel. Cette coalition avait le pouvoir de modifier la dynamique et l'orientation de l'ordre du jour international.»
Dans le cadre de ce même discours, notre ministre des Affaires étrangères a porté une attention particulière au rôle des organisations non gouvernementales, ONG, dans le processus. J'ai mentionné Mines Action Canada et notre Croix-Rouge. Il a donné en exemples la Campagne internationale d'interdiction des mines terrestres et le Comité international de la Croix-Rouge. Il a ajouté et là encore je cite des passages de son discours d'Oslo: «De toute évidence, on ne peut plus, dans cette démarche, reléguer les ONG à un simple rôle de conseillers ou de défenseurs d'une cause. Elles ont maintenant leur place dans la prise de décisions. Vous avez dit que les gouvernements appartiennent aux peuples et doivent répondre à leurs espoirs, à leurs exigences, à leurs idéaux.»
C'est un changement en soi, la reconnaissance de relations qui existent entre le peuple et le gouvernement. Le rôle du peuple et des ONG est constant dans le cadre de cette interdiction des mines terrestres. Cela ne s'arrête pas là. Voici ce que le ministre des Affaires étrangères a également dit à Oslo: «D'autre part se pose la question du rôle de «chien de garde» qui revient à la société civile» —c'est-à-dire le peuple— «lorsqu'il s'agit de juger dans quelle mesure les États honorent les obligations qu'ils ont contractées. Le Canada, la Campagne internationale d'interdiction des mines terrestres, le Comité international de la Croix-Rouge et plusieurs autres de nos principaux partenaires ont toujours soutenu qu'un traité humanitaire dépourvu des modes traditionnels de vérification du contrôle des armes peut être une solution efficace à la crise des mines antipersonnel. Cela suppose que la société civile —le peuple— peut et va jouer un rôle efficace pour décourager et démasquer les manquements délibérés au traité».
Ce changement dans les relations entre le peuple et le gouvernement va même au-delà de cet important traité anti-mines. À mon avis, cela nous donne l'espoir d'apporter aux nations du monde entier une paix durable.
Dans la dernière citation tirée du discours du ministre des Affaires étrangères à Oslo, le ministre affirme que nous devons nous demander s'il est possible de préserver et de renforcer les relations de travail étroites et constructives qui se sont établies entre les gouvernements et la société civile à la faveur du processus d'Ottawa, cette démarche qui a mené à la rédaction du traité et que nous sommes si fiers d'appeler le processus d'Ottawa.
Le ministre demande ensuite si nous pouvons maintenir et renforcer l'incroyable élan politique que ces relations uniques ont aidé à faire naître, donnant à des millions d'êtres humains l'espoir qu'une solution internationale intégrée et efficace à la crise mondiale des mines antipersonnel viendra en quelques années plutôt qu'en quelques décennies.
Pouvons-nous démontrer que le processus d'Ottawa constitue un modèle efficace et durable de réponse à la mutation de la nature même des conflits internationaux?
Selon moi, il faut que la réponse à ces questions soit oui, nous pouvons et nous devons poursuivre le travail à partir de ce merveilleux exemple d'intervention des gens de la base.
En terminant, comme tous mes collègues et tous les députés à la Chambre des communes, je tiens à féliciter et à remercier sincèrement ceux qui ont porté le dossier jusqu'à maintenant. Je m'engage fermement à appuyer ce projet de loi, le traité et toutes les activités de suivi requises.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre est périodiquement saisie de questions qui galvanisent tous les partis politiques et leurs députés et les font parler d'une seule et même voix. C'est le cas aujourd'hui.
Nous avons fait preuve d'unité sur la question dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je parle ici des mines antipersonnel, de leur interdiction, de leur neutralisation et de nos efforts pour rendre notre monde un peu plus sûr. Je suis très fier de siéger en cet endroit aujourd'hui. Je crois que tous les Canadiens peuvent être fiers du rôle que nous jouons.
Il y a 40 ans, c'était un 28 février, ma famille et moi quittions la Hongrie et arrivions à la frontière autrichienne. Nous avons dû traverser la frontière en pleine nuit et nous étions conscients que le sol sous nos pieds contenait des mines.
Si j'en parle, c'est pour montrer que beaucoup de gens dans le monde sont aux prises avec ce fléau que constituent les mines antipersonnel. De nombreux Canadiens en ont eux-mêmes fait l'expérience. Le fait de traverser un champ à pied, ce qui constitue normalement une exercice banal, peut devenir une épreuve terrifiante.
J'avais alors dix 10 ans, mon frère en avait 12 et ma soeur était âgée de trois ans. Mes parents avaient la mi-trentaine. Les mines servaient habituellement à empêcher la venue d'intrus, mais derrière le Rideau de fer on les utilisait pour empêcher les gens de s'enfuir.
Je n'ai jamais oublié la terreur que j'ai ressentie cette nuit-là. Il y a eu un an en septembre dernier, j'étais en Bosnie-Herzégovine comme observateur aux élections. Pour une population de quatre millions d'habitants, on y trouvait six millions de mines antipersonnel.
À Mostar, j'ai franchi un pont surplombant la rivière Neretva qui divise Mostar-Est et Mostar-Ouest. D'un côté vivent les Mulsulmans et de l'autre, les Croates. C'est une magnifique rivière. Une fois qu'on l'a vue, on veut s'en approcher. Si l'on a sa canne à pêche, on veut y taquiner le poisson. Le paysage est splendide. L'ennui, c'est qu'il est impossible d'arpenter les rives, car partout où l'on pose le pied en Bosnie-Herzégovine on doit toujours se rappeler qu'il y a six millions de mines antipersonnel cachées dans ces contrées.
Il faut s'interroger sur le genre d'expérience que peut représenter le fait pour une personne de vivre dans des conditions où le simple plaisir de se promener dans la forêt peut se transformer en une tragédie.
Je pense à tous ces cimetières où l'on venait de déposer des fleurs en hommage aux victimes de cette terrible guerre et aux six millions de mines antipersonnel qui sont encore actives malgré la fin des hostilités, prêtes à tuer des gens venus reconstruire leur maison détruite par la guerre, un cultivateur travaillant dans les champs ou encore un enfant jouant à la balle dans un pré.
Je suis on ne peut plus fier d'être dans cette enceinte. C'est en 1956-1957 que les Canadiens, sous la gouverne de Lester B. Pearson, ont inventé la notion du maintien de la paix pour résoudre la crise de Suez. C'est précisément cette tradition que nous poursuivons avec la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui.
En accordant notre appui à ce que l'orateur qui m'a précédé, le député de Peterborough, a qualifié de mouvement populaire, nous reconnaissons la nécessité de mettre fin à la folie des mines antipersonnel et la folie de la guerre qui a mutilé des centaines de milliers, voire des millions de personnes, et de tout mettre en oeuvre pour y arriver.
Quand on réfléchit au portrait démographique du Canada et à ce qui fait de nous ce que nous sommes, des gardiens de la paix qui cherchent à améliorer les conditions de vie sur la planète et, dans bien des cas, une terre d'espoir dans un monde perturbé, où nous accueillons des gens des quatre coins du monde, un sixième de notre population n'étant pas née au Canada, cela aide à comprendre pourquoi nous voulons tellement rendre ce monde meilleur. Peu importe où dans le monde les hostilités font rage, il y a toujours des Canadiens qui viennent de cette région de la planète et qui ont, dans leur patrie d'origine, des amis et des parents qui souffrent.
Oui, je suis incroyablement fier de ce que nous faisons aujourd'hui et du rôle que nous avons joué pour faire de l'interdiction des mines antipersonnel une réalité dans un avenir pas trop lointain.
Je ne peux que féliciter tous mes collègues de l'unanimité dont ils ont fait preuve dans ce dossier.
Je signalerais plus particulièrement le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre qui ont mis l'épaule à la roue, avec la plus grande vigueur sur la scène politique nationale et à l'échelle internationale, pour promouvoir la cause de l'interdiction des mines antipersonnel et libérer notre monde de ce fléau.
Il est juste que le prix Nobel ait été décerné à Jody Williams, qui a mené les organisations non gouvernementales dans leur lutte contre les mines antipersonnel. Je pense également à ma circonscription où tant de gens ont travaillé à cette cause, plus particulièrement le Comité central mennonite.
Nous savons que les Canadiens nous appuient dans nos efforts pour faire avancer cette mesure. Je pense que nous pouvons être fiers de la mission que nous avons entreprise et de la marque que nous allons laisser.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer à parler du projet de loi C-22, je voudrais remercier la présidence, le greffe, le personnel et les pages à qui l'on a demandé de rester plus longtemps pour que nous puissions poursuivre cet important débat. En tant que députés nous apprécions tous beaucoup vos efforts.
C'est peut-être le dernier discours de la soirée. Je voudrais dire que ce fut un grand honneur que d'assister aujourd'hui à toutes ces interventions de députés de tous les partis, unis comme on le voit rarement à la Chambre.
Nous avons surmonté les inefficacités habituelles propres à la Chambre des communes et, pour une fois, nous avons réussi à collaborer au sujet d'une question avec laquelle il serait bien difficile d'être en désaccord. Une fois de plus, je voudrais ajouter mon nom au travail qui a été fait par tant de membres de la population canadienne, de la communauté internationale, des organisations non gouvernementales et des députés qui ont siégé ou siègent encore ici. Je voudrais remercier en particulier les députés du Parti réformiste qui ont appuyé cette initiative de façon très éloquente, ainsi que tous les autres députés.
Il est honteux qu'il ait fallu attendre une telle occasion pour tous nous réunir. J'espère qu'à l'avenir nous pourrons saisir ensemble d'autres initiatives de politique étrangère qui seront pour le bien des habitants de ce pays et du monde entier.
Le projet de loi C-22 sauvera des vies. Comme on l'a dit précédemment, plus de 30 000 personnes sont mutilées par des mines, la plupart du temps des hommes, des femmes ou des enfants parfaitement innocents. Il suffit de regarder sur la table d'opération, dans les yeux d'une victime, un jeune à la recherche d'un endroit meilleur où vivre, pour y voir la terreur d'avoir perdu un membre.
Ayant amputé tant de personnes qui avaient marché sur des mines, je ne pouvais m'empêcher de penser au sort tragique qu'elles doivent vivre aujourd'hui, à la vie qu'elles mènent, si différente de celle qu'elles menaient auparavant. En une seconde, en un battement des paupières, ces personnes, qui étaient des membres de la société productifs et en santé, se trouveront désormais au bas de l'échelle socio-économique dans des pays déchirés par la guerre civile.
Ces dispositifs ne touchent pas des pays riches comme le nôtre. Ils touchent les pays les plus pauvres de la terre, de l'Angola au Cambodge, de la Somalie à l'Égypte, du Rwanda à l'ex-Yougoslavie. Ces mines antipersonnel entraînent des conséquences horribles, non seulement sur le plan humain, mais également dans les économies qui dépérissent. Ce projet de loi contribuera grandement à prévenir ce carnage.
Regardons au-delà des mines antipersonnel. Regardons la vie au-delà des mines antipersonnel pour voir ce que nous réserve l'avenir. Il y a une vie après les mines antipersonnel. Ce que nous pouvons faire maintenant, c'est réfléchir à la démarche qui a eu lieu à Ottawa et utiliser et réorienter cette collaboration inhabituelle entre les membres des organisations non gouvernementales et des gouvernements qui oeuvrent ensemble à la réalisation d'un objectif commun. On ne saurait laisser cette collaboration s'effriter. Il faut y donner suite, la faire grandir et la réorienter vers d'autres questions liées à la sécurité qui nous concernent.
Au moment où nos regards se tournent vers le XXIe siècle et vers les défis qui attendent notre pays et les autres pays du monde, nous ne pouvons nous empêcher de réfléchir au fait que nous avons échoué dans notre politique étrangère.
Les conflits représentent le plus grand défi. Les mines antipersonnel constituent une partie importante des conflits, mais une petite partie de l'ensemble de la situation. Nous devons examiner les conflits dans une perspective plus vaste et y chercher des solutions plus constructives.
Nous pouvons réfléchir au conflit qui a eu lieu en Bosnie. Les signes étaient là constamment. On nous disait constamment que l'ex-Yougoslavie se déchirerait et exploserait dans un bain de sang d'une ampleur que l'Europe n'avait pas vue depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous, les pays du monde, avons croisé les bras et avons pleuré. Au mieux, nous avons entrepris des initiatives diplomatiques et, au pire, nous sommes restés là à nous tordre les mains sans rien faire.
Au bout du compte, plusieurs milliers de civils innocents sont morts, des milliers de femmes ont été violées et des milliers d'enfants ont été tués. La tragédie aurait pu être évitée. Un grand nombre de ces vies auraient pu être sauvées.
On nous a répété pendant des mois qu'un massacre allait se produire dans la région des Grands Lacs en Afrique. Le major-général Roméo Dallaire a maintes fois averti, jusqu'au dernier moment, que des milliers de personnes seraient massacrées. Qu'avons-nous fait? Pratiquement rien. D'ailleurs, un autre génocide se prépare dans la région des Grands Lacs et, encore une fois, nous ne faisons rien.
Nous pouvons pourtant faire quelque chose contre ces problèmes importants. Le Canada s'apprête à changer seul sa politique étrangère pour passer de la gestion de conflits à la prévention des conflits.
Nous savons qu'il y a des solutions constructives. Il y a quelques pays de puissance moyenne qui sont neutres et relativement riches, qui exercent un pouvoir diplomatique extraordinaire et qui, avant toutes choses, sont respectés sur la scène internationale. Ce sont, entre autres, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Autriche, l'Afrique du Sud et le Canada. Le monde se cherche un leader qui rassemblera ces pays pour former un noyau à partir duquel on commencera à changer ensemble la politique étrangère sur la scène internationale. Nous devons repenser la façon dont les pays traitent entre eux.
Les grandes puissances, les membres du Conseil de sécurité, par exemple, les États-Unis, la France, l'Allemagne, l'Angleterre, la Chine et la Chine ne peuvent faire cela à cause de leur bagage politique respectif et parce que ces pays ne jouissent pas d'un respect aussi vaste que celui des puissances moyennes. Par conséquent, nous pouvons jouer un rôle inusité en collaborant avec la communauté des ONG pour régler ce problème.
Pour commencer, nous devons mettre sur pied un système de pré-alerte relativement aux conflits. Ce système de pré-alerte pourrait être créé par les ONG et ferait partie du noyau du processus d'Ottawa. Les ONG sont souvent les premiers à reconnaître les signes précurseurs des conflits, à être témoins de l'effondrement des structures gouvernementales et judiciaires, de la persécution des minorités et des violations des principaux droits de la personne.
Ils pourraient communiquer leurs informations à un organisme central, comme le centre de crise des Nations Unies, à New York. Ces informations pourraient ensuite être traitées par les Nations Unies dans leur ensemble.
On assiste actuellement à une réforme des Nations Unies, qui se caractérise par l'amélioration du fonctionnement du Conseil de sécurité et le retrait du droit de veto à ses membres. C'est une question que notre pays doit régler, de concert avec la communauté internationale.
Parmi les solutions, on compte l'établissement d'un système de surveillance, l'établissement d'un centre qui recueillerait les informations, comme le centre de crise des Nations Unies. Une série de solutions pourraient être mises en oeuvre, par exemple, des initiatives diplomatiques, des initiatives de maintien de la paix, des programmes de propagande positive dans des régions où la situation se dégrade afin de ramener les belligérants à la même table, et la prise de mesures punitives additionnelles comme des sanctions, le cas échéant, et le recours aux institutions financières internationales comme outils économiques pour priver les belligérants du nerf de la guerre, l'argent. Pas d'argent, pas de guerres. Les institutions financières internationales procurent beaucoup d'argent à nombre de pays, dont certains sont en guerre.
Il est de la plus haute importance d'agir dans ce domaine. Ce ne sont pas que des mots. Si nous échouons, nous assisterons à une explosion de conflits ethniques.
Entre 1945 et 1985, il y a eu environ six missions de maintien de la paix des Nations Unies qui ont coûté près de 2,3 milliards de dollars, soit 23 p. 100 du budget des Nations Unies. De 1985 à aujourd'hui, les Nations Unies ont consacré 77 p. 100 de leur budget aux missions de maintien de la paix. C'est plus que le double de toutes les autres dépenses réunies. Cela a acculé les Nations Unies à la faillite. C'est une situation intenable.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils s'intéresser à cette question? Pour la simple raison que ce qui se passe dans un pays lointain finira par nous toucher tôt ou tard. Quand un conflit éclate et que les populations s'entretuent et que les économies sont dévastées, c'est à la communauté internationale qu'il incombe de réparer les pots cassés.
Nous encourons des coûts dans nos budgets de la défense, nos budgets pour le maintien de la paix, nos budgets pour l'aide internationale et la reconstruction économique de même que dans nos programmes sociaux au Canada lorsque des réfugiés, êtres tragiques, fuient leur pays natal pour trouver refuge à l'étranger. Ils viennent chez nous chercher asile et, parce que nous avons signé la convention des Nations Unies sur les réfugiés, nous sommes obligés de les accepter, comme nous le faisons. Il nous en coûte environ 75 000 $ par réfugié pour les intégrer dans la société canadienne. C'est beaucoup d'argent. Cela contribue à alourdir le fardeau de notre système de programmes sociaux déjà accablé.
Loin de moi la pensée de le reprocher aux réfugiés, mais je veux simplement faire comprendre qu'à une époque où nous connaissons des difficultés économiques et où l'État manque d'argent, nous n'avons pas les moyens de supporter des coûts accrus, sans parler du danger que courent nos casques bleus et nos travailleurs de l'aide internationale quand ils sont en mission à l'étranger.
Un certain nombre de casques bleus ont d'ailleurs été tués ou mutilés par des mines antipersonnel alors qu'ils se trouvaient en mission dans des zones dangereuses. Ne serait-il pas plus raisonnable d'empêcher ces situations de se produire au lieu de ramasser les morceaux plus tard?
De plus, une fois qu'une guerre éclate, les germes de malaise ethnique et de futurs conflits sont semés pour toujours. On n'a pas besoin de regarder plus loin que la situation en Bosnie pour constater que ce pays ne demeurera pas comme il est à l'avenir. À l'heure actuelle, c'est artificiellement, par la force, qu'il demeure un pays. À moins que nous, la communauté internationale, soyons prêts à rester en Bosnie encore 75 ans, rien ne changera. Une fois que nous en sortirons, si nous en sortons avant cela, le pays éclatera dans une violente secousse. Il est important de nous en rendre compte et de prendre des initiatives pour que ces situations ne se reproduisent plus.
Le processus d'Ottawa peut s'appliquer non seulement à des dossiers de sécurité militaire internationale, mais aussi à d'autres problèmes qui nous touchent, des problèmes écologiques aux problèmes économiques. Nous appliquons déjà beaucoup de ces principes à nos initiatives économiques multilatérales dans le cadre de l'ALENA, de l'ALE, de l'OMC et maintenant de l'AMI. Nous pouvons y voir des exemples des efforts que fait la communauté internationale pour travailler de concert à résoudre les différends.
En terminant, je tiens à dire à quel point je suis fier aujourd'hui d'être un réformiste, un parlementaire et un Canadien. En effet, les Canadiens et le Canada ont établi un nouveau modèle de coopération à la Chambre et à l'échelle internationale dans la poursuite d'objectifs pour aider les plus démunis, pour sauver des vies et pour rendre notre monde meilleur.
Monsieur le Président, je vous remercie, vous et la Chambre, de m'avoir donné ce temps de parole. J'espère que cela ne sera pas la fin des initiatives qui feront appel à la coopération entre les députés à la Chambre pour travailler à rendre la société meilleure pour tous les Canadiens.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, en septembre dernier, mon épouse, mes frères, ma soeur et moi-même sommes allés en France pour une réunion de famille et des vacances. Nous nous sommes réunis dans une ferme en Normandie d'où nous avons visité les sites et les plages que la Seconde Guerre mondiale a fait passer à l'histoire.
Deux de mes frères ont porté l'uniforme au cours de la guerre, alors que les autres et moi-même étions encore à l'école. Et pourtant, les toponymes et les événements de la Seconde Guerre mondiale, qui étendaient alors une ombre immense sur le monde, étaient très présents dans notre conscience et dans notre vie de jeunes gens. Qu'il s'agisse du silence assourdissant des plages Utah et Omaha ou de la plage Juno, où les troupes canadiennes ont débarqué, ou de l'image saisissante des bunkers massifs et des emplacements de pièces laissés par les Allemands, toute la côte raconte l'histoire de la sauvagerie, de l'extrême futilité et de la profonde tristesse de la guerre et des armements.
Il est difficile de visiter Bayeux, Caen, Sainte-Mère-L'Église ou Arromanches sans être terriblement ému par l'énorme coût humain de la guerre et des armements. Partout résonne l'écho des cris des hommes combattant une guerre terrible. Des milliers de vies ont été littéralement pulvérisées par des armes destructrices.
Qu'il s'agisse de balles ou de mortiers, de mines sous-marines ou de mines antipersonnel, les armes de guerre et de destruction n'ont aucune pitié, car leur seule raison d'exister est de blesser et de détruire. Nous nous sommes recueillis sur les sépultures de guerre et nous avons été terriblement frappés par l'immensité du sacrifice. Des jeunes de 20 ou 25 ans ou parfois même des adolescents sont morts à cause de la folie ou de l'orgueil d'un homme. Des millions de personnes, des dizaines de millions en fait, si l'on compte les pertes énomres qu'ont subies l'Union soviétique et l'Allemagne nazie, ont été sacrifiées à l'autel de la guerre et des armes de destruction.
[Français]
Je m'imagine facilement un jeune Canadien, peut-être du Québec ou du Manitoba, peut-être de Vancouver, de Toronto ou du Cap-Breton, débarquant sur la plage Juno, sous une pluie infernale d'explosions. Quel courage il lui aura fallu devant ce barrage démoniaque d'explosions, où chaque pas devient le dernier, où chaque boulet, chaque balle, chaque mine devient un instrument de mort, chaque instrument de mort plus meurtrier que l'autre, plus destructeur que l'autre.
Avons-nous appris les leçons de la futilité de la guerre et des armements? Avons-nous appris la leçon de tous ces milliers de sacrifiés à travers le monde, nous, tellement chanceux d'avoir évité leur sort, d'avoir évité le carnage qui fut leur sort?
Malheureusement, des centaines de milliers, peut-être même des millions d'innocents aujourd'hui continuent à payer le prix de guerres futiles et inutiles et des armes de destruction. Que ce soit hier au Mozambique ou en Angola, que ce soit hier en Bosnie, que ce soit aujourd'hui au Liban ou en Algérie, pour ne citer que ces pays, combien d'innocents, combien de centaines de milliers d'innocents ont vécu et continuent à vivre le fléau de guerres atroces, eux qui ne cherchent seulement et surtout qu'à vivre en paix et en tranquillité dans leurs familles et dans leurs communautés.
[Traduction]
Je suis profondément reconnaissant que notre pays soit une terre de paix et de conciliation, qui refuse la guerre et les armes comme moyens de régler les différends.
Je suis aussi profondément reconnaissant, pour mes enfants et leurs propres enfants, que notre pays soit si bien ancré dans la tradition de la démocratie et de la paix.
Je salue notre ministre des Affaires étrangères et tous ceux qui ont travaillé si fort à cette initiative de traité sur les mines antipersonnel. Je le remercie d'avoir mené notre pays vers une expression concrète, une belle réalisation, de la paix dans un monde qui trop souvent et trop facilement recourt aux hostilités et aux armes pour régler des différends.
Puisse ce succès rapide et étonnant de l'initiative canadienne ouvrir la voie à d'autres initiatives internationales de désarmement. Puisse le traité sur les mines antipersonnel être un puissant symbole d'un nouveau siècle, qui devrait nous donner un nouvel ordre mondial dans lequel le règlement pacifique des conflits remplace la futilité, la sauvagerie et les lourdes pertes humaines qu'on associe à la guerre et aux armes de destruction.
En guise de conclusion, je voudrais citer un poème d'un de nos collègues, le député de Cochrane—Supérieur. Dans un recueil de poèmes qu'il m'a donné récemment et dont le titre est Semences, il exprime, me semble-t-il, les raisons qui font que nous sommes tous en faveur de cette initiative.
[Français]
Là-bas les enfants aboient
Entre les rafales des mitraillettes
Les mères protègent leurs seins
La source de la vie
Les soldats foulent du talon
Une terre usurpée
Le silence de l'occupation
Puisque les sourds entendent...
Parlez-moi d'amour!
Je suis un enfant
Sans revolver ni char d'assaut
Là je ne comprends pas
Je ne peux plus jouer à la guerre
Comme ils font si bien
Dans le monde des grands
Je suis un enfant
Laissez-moi pleurer
Je serai un grand endurci
Et laissez-moi rire maintenant
Je n'en aurai pas le temps
Dans le monde des grands
[Traduction]
Le traité sur les mines antipersonnel est un legs que nous faisons aux enfants du monde entier, pour qu'ils puissent se comporter différemment de leurs ancêtres et de nous et apprendre à vivre en paix, dans une paix et une harmonie réelles et durables.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je sais gré au député d'avoir bien voulu partager son temps de parole avec moi. Il se fait tard, il est vrai, mais je suis vraiment honorée de prendre la parole au nom de mes électeurs d'Etobicoke—Lakeshore.
Nombre d'entre eux ont suivi le débat toute la journée et j'ai reçu plusieurs appels, des appels de soutien et de félicitations aux hommes et femmes des deux côtés de la Chambre qui ont su se solidariser et ont pris la parole en faveur du projet de loi C-22, Loi de mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel.
Je suis heureuse d'entendre non seulement des discours éloquents, mais aussi des félicitations pour le travail que tous ont accompli.
Les 3 et 4 décembre, le regard du monde entier sera tourné vers le Canada et vers les 89 pays ou plus qui signeront ici la convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Je félicite moi aussi le ministre des Affaires étrangères, le Centre Mine Action des Nations Unies et les autres organismes non gouvernementaux, Jody Williams et ceux qui ont reçu avec elle le Prix Nobel, ceux qui ont travaillé sans relâche pour que la signature d'une convention sur l'interdiction des mines terrestres devienne une réalité à Ottawa, le 3 décembre 1997.
Les efforts que le Canada a déployés pour débarrasser le monde de ces armes meurtrières témoignent de l'humanisme dont notre pays fait preuve et de la tradition rigoureuse dont s'inspire la politique étrangère canadienne. On admire notre pays pour la compassion profonde qu'il montre envers ceux qui ont moins de chance que lui, compassion que le traité vient amplifier.
J'ai fait partie du groupe des représentants des comités permanents des affaires étrangères et de la défense qui se sont rendus en ex-Yougoslavie, pays infesté de mines terrestres. J'ai vu personnellement les effets dévastateurs que ces armes peuvent avoir sur la vie d'individus. On estime qu'il y a plus de 18 000 champs de mines en Bosnie. On prévoit qu'il faudra plus de 70 ans pour éliminer les quelque trois millions de mines terrestres qui sont restées à la suite de conflits récents.
Inutile de dire qu'on évalue à 25 000, dont une bonne partie sont des enfants, le nombre de civils qui sont tués chaque année dans le monde par des mines terrestres.
Cette convention était attendue depuis longtemps. Je suis fière que le Canada ait pris, à l'échelle mondiale, l'initiative de débarrasser notre planète de ces épouvantables armes. Le projet de loi C-22 marque le début de la sensibilisation mondiale aux mines terrestres. Des jeunes et des vieux sont frappés physiquement et moralement par ces mines, ils souffrent de leurs blessures et de la perte d'êtres chers.
La signature de la convention marque le début d'une plus grande sensibilisation à la question.
Le processus d'Ottawa est l'occasion de lancer un mouvement de sensibilisation. Il vise à poursuivre la tâche d'amener la communauté internationale à interdire l'utilisation, le stockage, la production et le transfert des mines anti-personnel. Nous ne pouvons pas oublier que, une fois ce traité signé par les États participants, le travail du Canada ne sera pas terminé. Après la signature du traité, le Canada et le monde devront continuer de collaborer avec les pays qui n'auront pas signé pour les convaincre de le faire.
Nous savons que des pays importants comme les États-Unis et la Chine n'ont pas appuyé la convention. J'en suis déçue et je suis sûre que nous le sommes tous. Leur soutien nous aiderait beaucoup à éliminer complètement les mines terrestres de la planète. C'est pourquoi le Canada doit poursuivre sans relâche ses efforts et exercer des pressions sur les pays qui ne signeront pas le traité d'Ottawa. En tant que pays, nous nous devons de rendre le monde plus sûr, d'en faire un monde où les enfants ne craindront plus d'être victimes de ces armes mortelles.
J'invite les jeunes Canadiens à contempler ce remarquable exploit avec fierté et d'y voir un exemple de la forte volonté politique qui existe à la Chambre. À toutes les victimes des mines terrestres dans le monde, je dis que vous avez exprimé votre opinion sur ces armes. Sachez, vous qui connaissez la douleur, qui avez vécu une tragédie, que votre voix a été entendue. Le Canada vous a entendus.
Je termine en disant que je suis très fière que nous ayons fait preuve de leadership sur la question. Je remercie sincèrement le ministre des Affaires étrangères, le premier ministre et nos ONG d'être parvenus à faire aboutir le traité sur les mines terrestres antipersonnel.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Conformément à la motion adoptée plus tôt aujourd'hui, le projet de loi, en troisième lecture, est réputé avoir été mis aux voix et adopté à l'unanimité.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
Le vice-président: Je tiens à féliciter tous les députés qui ont participé au débat pour la qualité de leurs interventions.
[Français]
Comme il est 20 h 10, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 20 h 10)