CLAR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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LEGISLATIVE COMMITTEE ON BILL C-20, AN ACT TO GIVE EFFECT TO THE REQUIREMENT FOR CLARITY AS SET OUT IN THE OPINION OF THE SUPREME COURT OF CANADA IN THE QUEBEC SECESSION REFERENCE
COMITÉ LÉGISLATIF CHARGÉ D'ÉTUDIER LE PROJET DE LOI C-20, LOI DONNANT EFFET À L'EXIGENCE DE CLARTÉ FORMULÉE PAR LA COUR SUPRÊME DU CANADA DANS SON AVIS SUR LE RENVOI SUR LA SÉCESSION DU QUÉBEC
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 23 février 2000
Le président (M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.)): À l'ordre. Je constate qu'il y a quorum et nous pouvons donc commencer nos travaux.
Mesdames et messieurs, nous accueillons cet après-midi des témoins qui représentent le Grand conseil des Cris.
[Traduction]
Nous accueillons avec plaisir aujourd'hui M. Ted Moses, grand chef, M. Paul Joffe, conseiller juridique, et M. Paul Gull qui, si ma mémoire est bonne, témoigne aussi en sa qualité de chef, aux côtés du chef Moses.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Nous nous réjouissons que vous ayez pu trouver le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui. L'usage veut que vous disposiez de dix minutes pour faire un exposé, après quoi nous avons 35 minutes pour vous poser des questions. J'espère que cette période de dix minutes vous semble raisonnable. Je vous ferai signe si vous dépassez la limite de temps, et nous passerons alors aux questions.
Donc, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation. Je suppose que le chef Moses sera le premier à prendre la parole.
Le grand chef Ted Moses (président, Grand conseil des cris (Eeyou Istchee)): Meegwetch.
[Le témoin s'exprime en cri]
Je vous souhaite tous le bonjour et je vous remercie, au nom du Grand conseil des cris, de nous avoir invités à témoigner devant le comité législatif de la Chambre des communes chargé d'examiner le projet de loi C-20. Nous aimerions également exprimer notre gratitude à M. Bill Blaikie pour avoir fait en sorte que nous puissions prendre la parole devant votre comité.
Voilà fort longtemps déjà que le Grand conseil des cris participe activement au dossier de la sécession du Québec. Au fil des ans, il a sensiblement contribué à l'acquisition des connaissances académiques et juridiques dans le domaine. Il a participé à des forums internationaux d'établissement de normes en matière de droits de la personne où ont été discutées les questions d'autonomie gouvernementale et de sécession. Il était également intervenant dans le renvoi à la Cour suprême du Canada relatif à la sécession du Québec.
Avant le référendum d'octobre 1995 au Québec, nous avons tenu des consultations publiques au sein de nos collectivités au sujet de la sécession. Avant le référendum du Québec, nous avons tenu notre propre référendum dans le cadre duquel plus de 96 p. 100 de notre population ont affirmé vouloir demeurer au sein du Canada. Nous avons ensuite communiqué ce résultat à la population du Québec et à celle du Canada et, comme nous avons pu le vérifier plus tard dans un sondage d'opinion, notre vote a influencé l'opinion publique au Québec en faveur du maintien de la province au sein du Canada.
En ce qui concerne la Loi sur la clarté, nous avons rédigé un mémoire complet qui documente nos positions et nos préoccupations les plus graves. Il porte sur les questions pertinentes que nous estimons être névralgiques et pressantes. Les questions abordées touchent tous les Canadiens, de même que l'avenir du Canada comme tel.
Dans notre mémoire, nous faisons valoir que les Cris de la Baie James et d'autres peuples autochtones sont une «force politique» au sens de la décision rendue par la Cour suprême, que nous avons le droit de participer pleinement et à parts égales au processus de sécession, qu'il faut que la Loi sur la clarté affirme les obligations fiduciaires du gouvernement du Canada et du Parlement à l'égard des peuples autochtones, qu'il faut que le projet de loi fasse état de nos droits et préoccupations, de même que des questions connexes concernant les frontières d'un Québec indépendant, avec la même insistance que la Cour suprême dans son jugement.
• 1535
C'est pourquoi nous proposons des modifications précises à la
Loi sur la clarté de manière à la rendre équitable, juste et
équilibrée. De plus, nous avons rédigé un mémoire sur le projet de
loi 99 du Québec, de manière à mieux faire comprendre peut-être les
injustices lourdes de conséquences qui découlent des mesures prises
par le Québec et de les bien faire connaître.
Le projet de loi 99 du Québec est censé être la réplique aux efforts déployés par le gouvernement fédéral en vue d'appliquer le jugement rendu par la Cour suprême. Toutefois, le projet de loi 99 ne tient pas compte de la décision rendue par la Cour dans le renvoi relatif à la sécession du Québec. De plus, le projet de loi cherche, de manière illégale et illégitime, à faire en sorte que les Cris de la Baie James et d'autres peuples autochtones du Québec ne puissent jamais disposer librement d'eux-mêmes et de leur territoire, si le Québec décidait de se séparer du reste du Canada.
Le projet de loi 99 viole les principes de démocratie, de fédéralisme, de primauté du droit et de protection des droits autochtones et issus de traités. Il ne fait pas plus de cas de notre droit à l'autodétermination. Il cherche à concentrer le pouvoir absolu dans les institutions politiques québécoises. En fin de compte, son illégitimité n'est surpassée que par son illégalité flagrante.
Le gouvernement du Québec ignore à ses risques et périls une des conditions essentielles posées par la Cour suprême du Canada dans le renvoi relatif à la sécession du Québec. La cour a en effet statué que le Québec pourrait peut-être acquérir le droit de se séparer tant et aussi longtemps qu'il «respecterait les droits des autres».
Comme notre participation à la vie canadienne et internationale le prouve, nous prenons très au sérieux la question de la séparation du Québec. Nous sommes conscients que la destinée des générations présentes et futures de Cris et l'avenir de notre territoire traditionnel sont en jeu. Les Cris de la Baie James vivent dans Eeyou Istchee, l'habitent et le gouvernent depuis des milliers d'années et ils continuent de le faire. Ils ont un rapport profond de longue date avec leur territoire. Ce sont des faits historiques d'une importance considérable. Aucun gouvernement ou peuple non autochtone ne peut faire de pareilles affirmations. Par conséquent, c'est avec la plus grande incrédulité que nous avons pris connaissance de la Loi sur clarté et que nous avons découvert que l'on ne nous réserve pas la place à laquelle nous avons droit dans le processus de sécession. Voilà un état de faits que nous ne pouvons pas accepter et que nous n'accepterons jamais.
Notre traité, c'est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois, a été adopté par les gouvernements et les assemblées législatives tant du Canada que du Québec. Aux termes de ce traité, toutes les parties acceptent un arrangement fédéral permanent dans Eeyou Istchee et dans d'autres vastes étendues du nord du Québec. Ce contexte fédéral ne peut être changé sans le consentement des Cris. Le gouvernement fédéral ne peut contourner notre rôle en tant que partie égale et à part entière à ce traité en excluant notre participation du processus de sécession, dans son projet de loi sur la clarté.
Le ministre des Affaires intergouvernementales a informé votre comité que le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de nous inclure expressément comme une force politique dans le projet de loi. Il a déclaré, à tort, que nous ne sommes pas une «force constitutionnelle». Il a aussi incorrectement affirmé que nous ne prenons pas part au processus de modification de la Constitution. Aucun de ces critères n'a jamais été imposé par la Cour suprême.
Quoi qu'il en soit, l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 exige que nous participions directement à toute modification constitutionnelle projetée qui influerait sur nos droits. Qui plus est, les quatre premières conférences ministérielles sur les droits autochtones des années 80 et les négociations constitutionnelles de Charlottetown, en 1992, ont confirmé cette pratique établie au Canada. De plus, quand nous modifions notre traité, c'est-à-dire la Convention de la Baie James et du Nord québécois—ce que nous avons fait à de nombreuses reprises—, nous modifions de toute évidence nos droits constitutionnels. Nous prenons toujours part au processus de modification en tant que force politique de plein droit et égale.
Actuellement, les Cris de la Baie James sont confrontés à l'une des mesures les plus colonialistes qui soient. Le gouvernement du Québec prétend pouvoir nous transférer comme du bétail dans un nouveau pays. Le gouvernement fédéral, notre prétendu fiduciaire, collabore dans les faits à ce processus impitoyable. Si le gouvernement du Québec réussit à mettre en oeuvre son grand plan, je perdrai mon pays, je perdrai ma Constitution et je perdrai mes terres. Tout cela n'a jamais été défini en fonction des frontières géographiques du Québec.
Dans ce contexte pressant, il est irresponsable de la part de tout ministre d'État de dire que nous ne sommes pas une force constitutionnelle. Face aux menaces illégitimes et illégales que fait planer sur nous le Québec, il ne faut pas que le gouvernement fédéral nous affaiblisse, qu'il nous lie les mains en nous excluant de la Loi sur la clarté.
• 1540
Ce qu'a dit le ministre est tout à fait absurde. Ses propos
faussent la réalité et vont à l'encontre du gros bon sens. Ce n'est
pas la déclaration d'un gouvernement qui prend ses responsabilités
fiduciaires au sérieux. Fait tout aussi important, cette
déclaration va à l'encontre de la décision du plus haut tribunal du
pays.
La Loi sur la clarté n'a pas le droit d'atténuer l'insistance mise par la Cour suprême sur les peuples autochtones. La cour a expressément souligné nos droits et préoccupations dans le contexte de l'autodétermination. Elle a déclaré qu'il faudrait définir les frontières d'un Québec en sécession en accordant une attention particulière à nos terres du Nord. Où se trouve cette exigence dans la Loi sur la clarté? Ni le gouvernement fédéral ni le ministre n'a le pouvoir constitutionnel de changer les prescriptions de la cour de manière qui nous est préjudiciable.
Il semblerait que le ministre préfère voir le Canada sombrer plutôt que d'être sauvé par une poignée d'Indiens. C'est tout de même incroyable. C'est aussi la forme ultime de discrimination—rejeter l'aide de quelqu'un que vous estimez inférieur.
Les gouvernements du Canada et du Québec sont d'un même esprit. Ils craignent tous deux de conférer aux peuples autochtones des droits et des pouvoirs que ceux-ci ont déjà intrinsèquement. Quel tort cela causerait-il au Canada d'affirmer sans équivoque nos droits constitutionnels de manière à ce que nous puissions nous défendre et défendre notre pays contre la sécession?
Durant le renvoi relatif à la sécession du Québec, le procureur général du Canada a plaidé devant la Cour suprême, exhortant les juges à ne pas trop insister sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement a plusieurs fois affirmé à la Cour qu'il honorerait ses obligations constitutionnelles et fiduciaires à l'égard des peuples autochtones s'il y avait sécession. Pourtant, la Loi sur la clarté est, de manière inopportune, muette à cet égard. Dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour a statué qu'il fallait que le cadre juridique de négociation de la sécession mette l'accent autant sur la responsabilité constitutionnelle que sur les droits constitutionnels. D'inscrire des déséquilibres fondamentaux dans la Loi sur la clarté revient, pour le gouvernement fédéral, à renoncer à ses responsabilités fiduciaires. Ce geste trahit aussi la confiance de la Cour suprême.
La renonciation à ce devoir fiduciaire ne se limite pas au contexte de la sécession. Les Cris de la Baie James font actuellement l'objet de mesures agressives prises par le Québec et le Canada dans d'autres domaines. Par exemple, dans notre litige au sujet de l'exploitation de nos forêts, dans le cadre duquel nous demandons qu'on adopte des pratiques environnementales convenables sur notre territoire, les deux gouvernements se concertent pour faire retirer le juge Croteau. Ils prétendent qu'il n'est pas impartial parce qu'il s'est déjà prononcé fermement en faveur des droits issus du traité cri. Le gouvernement fédéral répudie aussi sa responsabilité fiduciaire à l'égard du peuple de la baie James et de ses droits constitutionnels. Voilà qui est de très mauvais augure en ce qui concerne la position fédérale. Le gouvernement est déterminé à nous marginaliser et à nous affaiblir, peu importe les conséquences sur tous les Canadiens et sur l'avenir du pays.
Le Grand conseil des cris est un chaud partisan de l'adoption de règles justes et harmonieuses de sécession. Le projet de loi 99 du Québec est la meilleure preuve jusqu'ici que de pareilles règles sont essentielles. Il faut que ces règles soient tout à fait conformes au jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans le renvoi relatif à la sécession du Québec. Toutefois, le gouvernement fédéral, par sa stratégie d'omission, d'exclusion et de maintien à l'écart du pouvoir dans la Loi sur la clarté, nous rend plus vulnérables en contexte de sécession.
Ce qui manque jusqu'ici, c'est une insistance sans équivoque sur le respect des droits de la personne de tous les peuples du Canada. Les questions d'autodétermination et de sécession exigent manifestement une approche axée sur les droits de la personne. Quand on règle des questions relatives aux droits de la personne, on a universellement l'obligation d'appliquer des principes d'équité, d'égalité et de justice pour tous.
Par conséquent, nous insistons respectueusement pour que la Loi sur la clarté soit revue de manière à correspondre à ce que nous préconisons dans notre mémoire.
Meegwetch. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Monsieur Moses, je vous remercie beaucoup de cet exposé et d'avoir si bien respecté la limite de temps.
Madame Meredith, vous êtes la première à poser une question.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président, et vous aussi, monsieur Moses.
J'ai trouvé vos propos fort intéressants. Tout comme le chef Phil Fontaine, vous mentionnez dans votre mémoire la consultation publique qui a eu lieu au sein de vos collectivités avant le référendum de 1995. Vous avez dit que 96 p. 100 de votre population souhaitaient continuer de faire partie du Canada.
• 1545
Je suppose que cela soulève une question: si l'on demandait,
dans le cadre d'un référendum, au peuple québécois si le Québec
devrait ou non se séparer du Canada, faudrait-il qu'il y ait un
autre référendum pour demander aux Cris s'ils souhaitent ou non
demeurer au Canada? Les critères permettant de mesurer la validité
du résultat devraient-ils être les mêmes dans les deux cas?
Le grand chef Ted Moses: Dans la mesure où nous sommes touchés, la position de notre peuple n'a pas changé. En fait, je me suis rendu dans les collectivités cries au cours des derniers mois et je puis vous dire que nul n'a dit avoir changé d'avis depuis le dernier référendum cri. Si cela s'avérait nécessaire, si notre peuple estimait essentiel de confirmer la position crie, alors je crois que nous le ferions, sans contredit. Je puis cependant vous affirmer avec certitude que les pourcentages n'ont pas changé et que la position de notre peuple serait la même.
Mme Val Meredith: Vous ne croyez pas que l'exigence de certains pourcentages influerait... De toute évidence, votre peuple est presque unanime à dire qu'il veut demeurer au Canada. Je suppose donc que vous n'êtes pas trop inquiet des conditions fixées pour la séparation du Québec, par opposition aux conditions fixées pour que vous vous sépariez du nouveau pays.
Le grand chef Ted Moses: Les résultats que j'ai mentionnés sont de toute évidence des faits. Ils sont le résultat d'un référendum cri. Toutefois, s'il devait y avoir un autre référendum, il faudrait manifestement qu'il y ait égalité pour tous. Tous ont le droit de prendre part au débat, et je tiens simplement à bien faire comprendre que ce ne sont pas les Cris qui l'ont suscité. Nous ne sommes pas sécessionnistes, et nous l'affirmons officiellement. Nos prônons le droit à l'autodétermination en tant que droit de la personne. Tous les peuples l'ont.
Mme Val Meredith: L'autre question que vous avez soulevée cet après-midi concerne la consultation. Vous estimez que la Loi sur la clarté a manqué le coche pour ce qui est de reconnaître la participation des peuples autochtones au processus de consultation. Ai-je bien compris?
Le grand chef Ted Moses: Tout à fait. Selon notre interprétation de la Loi sur la clarté, elle omet et exclut délibérément la pleine participation des peuples autochtones, particulièrement ceux de la province sécessionniste. Le projet de loi refuse de nous reconnaître comme une force politique.
Nous sommes une des forces politiques. Dans son jugement, la Cour suprême du Canada mentionne le fait que ce sont les forces politiques qui décideront de la question et de ce qu'est une majorité nette. Nous sommes sans contredit une force politique. C'est notre position. Nous avons été intervenants, de sorte que les juges de la Cour suprême en sont certes venus à cette conclusion.
Donc, le projet de loi omet manifestement et délibérément les peuples autochtones comme force politique. Toutefois, il ne fait aucun doute que nous en sommes. Nous avons pris part au processus de modification de la Constitution. Comme je l'ai dit, chaque fois que nous modifions la Convention de la Baie James et du Nord québécois, nous agissons en notre capacité en tant que force constitutionnelle. Par conséquent, nous exerçons notre droit constitutionnel de consentir à toute modification qui engage le gouvernement du Canada et, dans une certaine mesure, le gouvernement du Québec.
Donc, le rôle des peuples autochtones est exclu, et le gouvernement du Canada n'a certes pas respecté son obligation constitutionnelle à l'égard des droits constitutionnels des peuples autochtones et n'a pas agi comme celui qui a une obligation fiduciaire à l'égard des peuples et des terres autochtones.
Mme Val Meredith: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Monsieur Guimond.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, grand chef Moses, pour votre témoignage devant notre comité. Avant de vous poser une question qui traite précisément du projet de loi C-20 et du projet de loi 99 de l'Assemblée nationale du Québec, j'aimerais connaître un peu l'état de votre humeur vis-à-vis la mise en application du fameux rapport Erasmus-Dussault. Êtes-vous satisfait des négociations relatives aux revendications d'autonomie gouvernementale au sein du Canada à l'heure actuelle?
[Traduction]
Le grand chef Ted Moses: Je dois dire que j'ai été ravi. Je suis satisfait de la teneur et des conclusions du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Je crois qu'il faut être très clair à ce sujet.
Par contre, jusqu'ici, nous ne sommes pas satisfaits de la mise en oeuvre. En fait, nous sommes très insatisfaits de la mise en oeuvre des recommandations et conclusions de la commission et du rythme auquel elle s'effectue.
Pour vous donner un exemple concret, il y a toute la question de l'extinction des droits, que la commission royale a condamnée comme étant une pratique qui viole les droits de la personne des peuples autochtones. Deux comités des Nations Unies l'ont maintenant confirmé et demandent au Canada d'abolir cette pratique. Jusqu'ici, rien ne laisse croire que le Canada va agir en ce sens.
Des tentatives ont été faites dans d'autres domaines, où le gouvernement en envisage au moins la possibilité. Toutefois, ces tentatives ne sont pas à la hauteur des conclusions et des recommandations de la commission royale. En règle générale, nous sommes très déçus et très insatisfaits des progrès accomplis.
[Français]
M. Michel Guimond: Dans un article paru dans Le Devoir le mardi 19 janvier dernier sous la plume de la journaliste Manon Cornellier, il y avait certains éléments de comparaison entre le projet de loi C-20 que nous étudions aujourd'hui et le projet de loi 99 qui a été déposé à l'Assemblée nationale. Vous nous avez également soumis le mémoire que vous avez déposé devant l'Assemblée nationale du Québec concernant le projet de loi 99. Il ressort de l'analyse de la journaliste—c'est peut-être son opinion personnelle—que que la loi québécoise fait au moins référence à la question autochtone. Il semble que votre critique soit peut-être un peu moins grande à l'endroit du projet de loi 99 qui a été déposé à l'Assemblée nationale, parce que tout à l'heure vous teniez des propos assez critiques à l'endroit du projet de loi C-20. Vous n'êtes pas allé jusqu'à demander son retrait pur et simple, mais vous avez émis des propos assez critiques, je crois, tout à l'heure. J'aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Le grand chef Ted Moses: Merci.
Comme vous l'avez probablement compris, nous ne sommes pas non plus très enthousiastes au sujet du projet de loi sur la clarté. C'est parce que nous pensons que ce projet de loi ne nous intègre pas que nous essayons de faire certaines propositions.
De l'avis de la plupart des gens, le projet de loi 99 est, de toute évidence, une façon de riposter au projet de loi sur la clarté, lequel tente de refléter les décisions de la Cour suprême du Canada. À notre avis, le projet de loi sur la clarté n'y parvient pas. Il n'atteint pas l'objectif fixé par la Cour suprême et ne crée ni justice ni équilibre. Il ne reflète pas avec précision l'arrêt de la Cour suprême. Par conséquent, nous attirons l'attention des membres du comité sur le fait que certains ont été intentionnellement mis de côté comme participants et acteurs politiques à part entière.
• 1555
Pour ce qui est du projet de loi 99—je passe outre à tous les
préliminaires—nous devons dire que c'est une mesure législative
qu'il faudrait mettre au rancart, car elle paraît refuser aux
peuples autochtones—y compris les Cris du Québec—leur statut de
peuple. Ce projet de loi vise à nous mettre dans le même sac que le
peuple québécois—un seul peuple du Québec. C'est une violation de
nos droits; ce projet de loi cherche à nous retirer le droit de
tenir notre propre référendum à ce sujet et refuse également le
fait que nous partagions la souveraineté du Québec, tout en
prétendant que nous sommes comme n'importe qui d'autre, sans
distinction de langue, de culture ou de territoire—que nous
occupons.
Comme nous l'avons dit, le projet de loi 99 ne prévoit qu'un seul «peuple» québécois qui est fictif. À cet égard, il refuse de reconnaître les droits de la personne dont jouissent les peuples autochtones ainsi que les Cris. De notre point de vue, l'objet de ce projet de loi a peu de validité législative, voire aucune, et il permet simplement au Québec de se conférer certains pouvoirs qui dépassent de loin le cadre juridique fixé par la Cour suprême du Canada dans le renvoi relatif à la sécession.
Le président: Monsieur Blaikie.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais dire que j'ai peu de questions à poser au grand chef Moses, car je suis parfaitement d'accord avec ce qu'il vient de dire au sujet du projet de loi C-20, notamment le fait qu'il constitue un affront pour les peuples autochtones. Les membres du comité savent bien nous avons affirmé avec force que dans les articles qui prévoient la consultation par le gouvernement—afin de déterminer la clarté de la question ou de la majorité—les peuples autochtones doivent être ajoutés à la liste de ceux qui doivent être consultés.
Par ailleurs, dans le dernier paragraphe du projet de loi où il est question des négociations relatives à une proposition de sécession, nous avons également dit au comité que ce paragraphe devrait indiquer que les peuples autochtones doivent être à la table des négociations et ont le droit d'y être—il ne suffit pas qu'une autre partie prenne leurs intérêts en compte. Enfin, dans ce paragraphe au moins... J'imagine que vous devez bien sûr remercier ce gouvernement pour ses petits gestes de miséricorde, car il parle ici de vous, ce qui n'est pas le cas au chapitre des acteurs politiques. J'imagine que vous êtes censé représenter «tout autre avis estimé pertinent». Si l'on s'en tient au libellé actuel du projet de loi, c'est ainsi que les peuples autochtones sont pris en compte.
Nous espérons que les députés de la majorité et d'autres comprendront qu'il est sage et juste d'inclure les peuples autochtones dans ces articles afin de réparer cette injustice et pour que ce projet de loi, qui est encore imparfait à d'autres égards, corrige au moins cette insuffisance.
Je vous encourage donc fortement à dire, non seulement pour essayer de persuader les députés de la majorité... Si le comité n'apporte pas d'amendements, le projet de loi fera l'objet de beaucoup de critiques, de critiques fort accablantes, je crois, et continuera d'être en butte aux accusations, fort méritées, que vous venez de porter contre lui.
Le grand chef Ted Moses: Merci pour vos observations, monsieur Blaikie.
Si nous sommes ici, c'est certainement pour le faire remarquer aux membres du comité et pour faire tout ce qui est raisonnablement possible pour que nous devenions des acteurs politiques à part entière, conformément à l'arrêt de la Cour suprême, pour ce qui est du règlement de certaines questions liées à la sécession. Les lois de 1898 et 1912 du Canada et du Québec visant à repousser les frontières du Québec nous ont certainement omis et exclus, si bien que cette fois-ci, nous n'avons pas l'intention de ne pas faire partie du processus et de ne pas y participer pleinement. Reconnaissons tous que nous sommes ici pour rester, que nous sommes ici depuis des milliers et des milliers d'années.
Du fauteuil que j'occupe ici, je peux voir—si je regarde dans la direction du président—le tableau derrière lui. Si je ne me trompe pas, il représente les Pères de la Confédération. Je vois quelques fauteuils vacants: je crois qu'ils sont là pour les acteurs politiques oubliés à cette époque.
M. Bill Blaikie: Nous essayons toujours de trouver ceux qui pourraient s'y asseoir.
Le grand chef Ted Moses: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand.
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le président, si votre présence aujourd'hui peut encore une fois nous aider à nous assurer que la prochaine grande peinture qu'on accrochera lors d'un renouvellement de la Confédération vous inclura, je pense que ce sera un bon élément.
Je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance de l'ensemble de votre document ni d'analyser de façon approfondie les amendements que vous nous proposez. Je crois toutefois comprendre que les amendements que vous nous suggérez aujourd'hui, bien que plus détaillés, rejoignent essentiellement ceux que nous a proposés hier M. Phil Fontaine lors de sa comparution devant notre comité.
Vous avez exprimé votre désir est d'être, comme le disait la Cour suprême, a full political actor. Je crains toutefois que les amendements que vous nous avez proposés ne vous permettront pas d'atteindre ce but, comme les provinces d'ailleurs, contrairement à l'esprit de la décision de la Cour suprême. À mon humble avis, il me semble que vous octroyez, avant même la négociation, à 156 députés fédéraux le soin de décider de l'analyse d'une question claire et d'une majorité claire, ainsi que le soin de donner le go ou le no go à une négociation à laquelle vous participeriez, bien sûr.
N'aurait-il pas été plus légitime, selon les principes du fédéralisme et de la démocratie qui sont supposés diriger autant le fédéral et les provinces que les peuples autochtones, qu'on vous accorde la même force décisionnelle au lieu de se limite à tenir compte de vos revendications? Ne devrait-on pas vous accorder un poids véritable et vous traiter à titre de partenaire égal au fédéral?
[Traduction]
Le grand chef Ted Moses: Merci pour votre question.
Je sais que mon collègue, Phil Fontaine, le chef national de l'Assemblée des premières nations, a comparu devant vous hier. En fait, nous nous sommes parlé avant qu'il ne vienne ici. Nous avons l'habitude de nous parler.
Je sais qu'il a proposé cinq amendements. Nous en proposons neuf à ce comité. Ce ne sont pas des amendements que nous voulons faire pour la forme. Selon nous, ces changements au projet de loi sur la clarté s'imposent étant donné que certains éléments clés ont été omis dans le projet de loi et méritent d'être signalés. Par ailleurs, ces amendements créent un équilibre dans le projet de loi.
Sans aller dans trop de détails, la Cour suprême a parlé de la nécessité de négociations raisonnées, ce que reflètent nos amendements. Nous voulons également que les peuples autochtones soient considérés comme des participants et des acteurs politiques; nous proposons d'amender les paragraphes du préambule. Il faut parler également des résultats de tout ceci sur les valeurs et les principes constitutionnels qui, à notre avis, ont été omis, et faisons donc une proposition à ce sujet.
M. André Bachand: Nous avons un président qui s'en tient aux règles du jeu et je sais qu'il va m'interrompre au bout de cinq minutes.
J'aimerais vous mettre en garde. Nous sommes le cinquième parti et nous n'avons pas beaucoup de pouvoir, mais j'aimerais vous mettre en garde car, pour la première fois, vous allez laisser la Chambre des communes décider de votre participation ou non-participation à une négociation. Cent soixante députés vont décider pour vous si la question est claire, si la majorité est claire. De notre point de vue, les peuples des Premières nations, les provinces et le gouvernement fédéral devraient être traités de la même façon. Imaginez que...
Le président: Vous avez eu raison de dire que j'allais intervenir. Le témoin est là pour répondre à une question et non à un discours. Vous avez dépassé votre temps de parole avant même de terminer.
M. André Bachand: J'essayais de pratiquer ma deuxième langue maternelle.
Le grand chef Ted Moses: Merci. Comme vous pouvez le voir, je pratique ma deuxième langue—je ne sais pas si je peux dire qu'il s'agit d'une langue maternelle. Pour ce qui est de votre question, je reconnais que le Parlement et la Chambre des communes ont une responsabilité et un rôle en tant qu'acteurs politiques, tout autant que le Québec. Ce que nous voulons dire ici, c'est que les peuples autochtones doivent faire partie des acteurs politiques.
Dans son arrêt, la Cour suprême du Canada n'a pas dit que le Parlement ou le gouvernement du Canada a la compétence exclusive de décider ce qu'est une majorité claire et une question claire. Par conséquent, nous devons faire partie du processus et y participer pleinement.
Le président: Monsieur Cotler, s'il vous plaît.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Moses, ainsi qu'à ses représentants qui l'accompagnent.
J'aimerais revenir sur ce qui pourrait être un point de clarification, si vous permettez, car vous faites mention dans votre mémoire de la déclaration du ministre des Affaires intergouvernementales qui cherche expressément à vous exclure du projet de loi sur la clarté comme acteurs politiques. À mon avis, et cela découle également des discussions avec le ministre...
Tout d'abord, permettez-moi de dire que je pense que vous avez raison—et je crois que le ministre serait d'accord pour le dire aussi—vous êtes des acteurs politiques, comme le prévoit le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Comme vous le dites, vous êtes reconnus expressément comme acteurs politiques pour ce qui est des modifications constitutionnelles qui pourraient influer sur vos droits et vos traités.
Je ne pense pas que le ministre avait l'intention de vous exclure en tant qu'acteurs politiques. Autant que je sache, le ministre faisait mention de l'arrêt de la Cour suprême où les acteurs politiques sont définis en fait comme les gouvernements élus en général, ou plus précisément, au paragraphe 56 de l'arrêt de la Cour suprême, comme les deux ordres de gouvernement. Toutefois, pour ce qui est de votre déclaration générale, je pense que le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle indique expressément que vous êtes des acteurs politiques.
Le grand chef Ted Moses: Pour préciser les choses, en lisant le jugement, je vois que c'est l'expression «représentants élus» qui est utilisée. À cet égard, même si nous ne sommes peut-être pas élus par le public en général, qu'il s'agisse des Canadiens ou des Québécois, nous sommes élus par notre propre peuple. Nous avons des élections générales régulièrement et nous sommes élus par ceux qui ont le droit de vote. Je suis donc un représentant élu et cela me donne la qualité d'acteur politique ou d'acteur constitutionnel, comme vous voulez.
M. Irwin Cotler: Je pense que le ministre voulait parler du paragraphe 56 de l'arrêt de la Cour suprême, qui limite davantage le sens d'acteurs politiques, puisqu'il organise le fédéralisme en deux ordres de gouvernement, le fédéral et le provincial. Je sais que vous n'êtes pas tout à fait d'accord à ce sujet. Je crois, comme vous le dites, que dans son arrêt, la Cour suprême traite de la question de l'intérêt autochtone dans le contexte de l'autodétermination, mais elle en traite de façon assez limitée.
Si elle en traite de façon limitée—ce dont j'ai parlé ailleurs, comme vous le savez—c'est peut-être bien à cause des arguments invoqués devant la cour. À mon avis, une partie du problème auquel nous sommes confrontés, c'est que dans le contexte de l'avis de la Cour suprême, cette qualification par la cour est quelque peu plus limitée que certains d'entre nous l'auraient souhaité.
Le grand chef Ted Moses: Votre question comporte deux volets, je crois, et je vais essayer d'y répondre rapidement et de façon concise.
Si c'est le cas et si c'est ce que le ministre a vraiment voulu dire, pas de problème, intégrez-nous, apportez l'amendement et faites en sorte que nous soyons des acteurs politiques ainsi que des acteurs constitutionnels. C'est ce que nous proposons.
Pour ce qui est du second volet de la question, il me semble me rappeler que le gouvernement du Canada ou le procureur général du Canada a plaidé devant les juges de la Cour suprême pour leur dire de ne pas trop s'attarder sur la question des peuples autochtones. Le procureur général a donné des garanties aux juges que les droits des peuples autochtones seraient protégés comme faisant partie des droits constitutionnels des peuples autochtones.
Le président: Avez-vous une autre question?
M. Irwin Cotler: J'imagine que dans votre mémoire remis à l'Assemblée nationale du Québec au sujet du projet de loi 99, vous avez souligné, tout en vous appuyant sur des renvois, le fait que la démocratie ne puisse pas être limitée à la règle de la majorité simple. Vous savez, je pense, que ce comité s'inquiète lorsque quelqu'un laisse entendre qu'il faut un pourcentage supérieur à 50 p. 100 plus un, car le fait de mettre la barre plus haut est jugé non démocratique.
Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, une majorité simple de 50 p. 100 plus un ne convient pas, ou nous indiquer les principes dont il faudrait tenir compte pour décider de la définition d'une majorité claire.
Le grand chef Ted Moses: Oui, je crois que les 50 p. 100 plus un représentent probablement le dénominateur commun le plus bas en matière de majorité.
Deuxièmement, bien que cela soit peut-être en usage dans certains pays ou dans certains cas, sur la scène internationale, ce n'est pas le modèle couramment retenu pour interpréter les résultats d'un vote sur la sécession. Autant que nous le sachions, cette règle des 50 p. 100 plus un a été adoptée par des pays, autrefois colonisateurs, qui, à un moment donné, voulaient ne plus faire de colonialisme. Une majorité de 50 p. 100 plus un était donc considérée comme suffisante en pareil cas.
Le président: Monsieur Hill.
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je souhaite également la bienvenue à M. Moses.
Ce qui m'étonne, c'est que les Cris du Nord du Québec ont tenu leur propre référendum, ont voté et ont choisi ensuite de ne pas participer au référendum du Québec. Cela représente un nombre important de voix perdues. Pouvez-vous nous en indiquer le nombre, approximativement?
Le grand chef Ted Moses: Je crois qu'il faut apporter un correctif. Nous avons tenu notre propre référendum auquel ont participé 96,3 p. 100 des Cris. Les Cris ont encouragé leur peuple à exercer leur droit démocratique de vote et beaucoup de Cris ont voté. En fait, sans le remaniement arbitraire des circonscriptions lors d'élections ou de référendums dans le nord du Québec, on pourrait clairement démontrer que la grande majorité des suffrages ont été exprimés par les Cris et les Inuits. Les Inuits ne sont pas représentés ici et je ne peux pas parler en leur nom, mais je sais qu'ils ont tenu leur propre référendum. Ce vote a joué un rôle très important et a permis de ne pas diviser le pays.
M. Grant Hill: Par conséquent, l'information qui m'a été donnée selon laquelle les Cris n'ont pas participé au référendum du Québec est fausse? Ils ont été encouragés à voter et ont effectivement voté?
Le grand chef Ted Moses: Oui.
M. Grant Hill: J'ai posé la question suivante à autant de témoins que je le pouvais. Si le Canada est divisible—et c'est le principe que nous avons accepté—acceptez-vous le principe selon lequel le Québec est divisible?
Le grand chef Ted Moses: Si un État est divisible, comment alors une unité administrative de l'État ne pourrait-elle pas être divisible? Comment une unité administrative peut-elle avoir des droits supérieurs à l'État lui-même?
M. Grant Hill: Pour ce qui est du mécanisme en cas de vote pour la sécession, nous croyons—et c'est la position de l'opposition officielle—qu'un vote de 50 p. 100 plus un pour faire sécession du Canada devrait également être suivi par un vote de 50 p. 100 plus un pour ceux qui, dans la province, veulent rester au sein du Canada. C'est donc un mécanisme qui est prévu à cet effet. Seriez-vous en faveur d'un tel mécanisme?
Le grand chef Ted Moses: Au nom de l'égalité, peut-être que oui. Par contre, je dirais non s'il s'agit de demander aux gens de prendre une décision irréversible ou permanente, ou de prendre une décision pour les générations futures alors qu'elles n'ont pas la possibilité ni la capacité à ce moment-là de prendre une telle décision.
M. Grant Hill: Pouvez-vous me dire où se trouverait la frontière autochtone si les Autochtones du Nord décidaient de rester au sein du Canada? Pouvez-vous envisager un tel scénario cauchemardesque sans causer toutes sortes de problèmes?
Le grand chef Ted Moses: Sans hésitation, nous pouvons parler du territoire traditionnel occupé par les Cris et, bien sûr si vous allez plus au Nord, du territoire occupé par nos cousins du Nord, les Inuits. Cela correspondrait au territoire de 1898 et comprendrait tout le territoire de 1912—une bonne partie du territoire de 1898 et tout le territoire de 1912, ce qui équivaut à peu près aux deux tiers de la province du Québec dans le cas des Cris.
Ailleurs, je crois qu'il faut envisager la question sous un autre angle. Je ne vais pas faire de commentaire à ce sujet, car je ne connais pas autant le territoire traditionnel des autres peuples autochtones.
M. Grant Hill: Merci beaucoup.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Moses, si le résultat du référendum de 1995 avait été différent—si les oui l'avaient emporté et compte tenu du fait que 96,3 p. 100 des Autochtones avaient voté pour rester au sein du Canada—qu'aurait fait le Grand Conseil des Cris?
Le grand chef Ted Moses: Certainement, nous aurions demandé au gouvernement du Canada d'invoquer sa responsabilité constitutionnelle à l'égard des droits constitutionnels des Cris, car de toute évidence on se serait retrouvé dans une situation où un groupe de gens aurait été retiré de force de son territoire—sans son consentement—pour être installé ailleurs. De toute évidence, cela équivaut à une violation des droits fondamentaux de la personne et à une violation de la Charte des Nations Unies. Le Canada est membre des Nations Unies et par conséquent doit confirmer et respecter les droits de la personne, les droits humains des Cris ou des peuples autochtones.
Mme Karen Redman: Le gouvernement du Canada n'aurait pas reconnu le référendum PQ de 1995, car la question était très floue, tout comme la majorité exprimée, d'ailleurs. Le projet de loi sur la clarté vise essentiellement à créer un contexte de clarté et de variable qualitative au niveau de la question même et à déterminer si la majorité est claire ou non.
Je me demande si, d'après vous, ces considérations doivent être prises en compte à l'égard de toute question posée dans le cadre d'un référendum.
Le grand chef Ted Moses: Je crois que la qualité de la question est également très importante pour nous, car il s'agit d'une question qui demande aux gens de prendre une décision sur un point particulier. Si je me souviens bien, dans les deux derniers référendums, les questions n'ont jamais été très claires. La première ne l'était certainement pas. Les gens avaient toutes sortes de notions sur le sens de la question et sur les résultats de la réponse à ces questions.
La même situation s'est reproduite lors du dernier référendum. Compte tenu de la technologie d'aujourd'hui, j'ai été très surpris de voir que les gens ne connaissaient ou ne comprenaient pas la question. La qualité de la question est donc très importante, ainsi que le nombre de questions qui sont posées.
Il est également important pour nous de demander combien de fois vous allez répéter les mêmes questions? En 1980, s'il est ressorti très clairement que les gens n'appuyaient pas le gouvernement qui recherchait la sécession, pourquoi alors attendre 10 ou 15 ans de plus—jusqu'en 1995—pour essentiellement avoir le même objectif, tout en formulant peut-être la question de façon différente, alors que les gens ne la comprennent toujours pas?
Combien de fois va-t-il falloir mettre en doute l'intégrité et la sagesse du peuple? Attendez-vous que quelqu'un s'endorme, ne fasse pas partie du processus et que par conséquent les chiffres changent? Je ne le sais pas.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Moses. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui; malheureusement, votre temps de parole est écoulé.
M. Turp a quelque chose à dire.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le président, vous nous respectez toujours en parlant nos langues. Monsieur le chef Moses, je voudrais en notre nom, au nom du Bloc québécois et, je crois, au nom de tous les membres de ce comité, vous remercier dans la vôtre: [Note de la rédaction: Le député s'exprime en langue crie]. Je viens de vous dire merci pour votre présentation en cri. Veuillez excuser ma prononciation.
[Traduction]
Le grand chef Ted Moses: Je vous demanderais de répéter plus tard.
Le président: C'est l'astuce.
Le grand chef Ted Moses: J'ai trois ou quatre traductions en cri qui peuvent m'aider.
Le président: Merci beaucoup.
Le grand chef Ted Moses: Merci.
Le président: J'ai une question rapide à poser au comité. Convenez-vous de siéger pendant le vote? Quelles sont les instructions?
Des voix: D'accord.
M. Grant Hill: Revenons simplement à l'ordre du jour...
Le président: Oui. Tant que nous sommes tous ici. Cela règle la question.
Si vous êtes d'accord, continuons.
M. Michel Guimond: Un instant.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur le président, est-ce qu'il n'y a pas une tradition que vous avez cherché à faire respecter, à savoir que nous puissions nous absenter lors de la tenue de votes comme celui-ci? Je crois qu'à moins qu'on manque de temps pour entendre un témoignage, on devrait continuer de respecter cette tradition.
Le président: C'est le comité qui décide s'il continuera à siéger ou non. Je vous demande toujours si c'est le désir du comité de continuer à siéger ou non.
M. Daniel Turp: Si je comprends bien, ce vote va durer 15 minutes, tout comme les autres votes pour lesquels nous nous sommes absentés ces derniers jours. Est-ce bien 15 minutes? Monsieur Alcock?
[Traduction]
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je serais prêt à rester.
Le président: Je vais suspendre la séance pendant quelques instants.
Le président: Monsieur Guimond, vous faites appel au Règlement.
M. Michel Guimond: Oui, j'aimerais souligner, afin que cela soit clairement indiqué dans le compte rendu de nos débats, que le Bloc québécois a accepté d'entendre le témoignage du très honorable Joe Clark, malgré le fait que la gouvernement nous ait imposé son ordre du jour et appelés à aller voter en Chambre. Nous avons accepté de faire preuve de collaboration et d'entendre le très honorable Joe Clark.
Le président: Tous les membres du comité ont donné leur accord et j'apprécie beaucoup leur collaboration.
Notre prochain témoin est le très honorable Joe Clark, le leader du Parti progressiste-conservateur du Canada.
[Traduction]
Monsieur Clark, c'est un plaisir de vous accueillir parmi nous. Nous savons que vous êtes fort occupé, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Comme vous le savez, vous avez droit à 10 minutes pour votre exposé. Nous vous poserons ensuite des questions pendant 35 minutes. La parole est à vous.
Le très honorable Joe Clark (chef, Parti progressiste- conservateur du Canada): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.
Je suis ici en tant que fédéraliste canadien. Ce qui m'intéresse, c'est la manière de bâtir un Canada plus fort, pas celle de le briser, et je n'aime pas l'accent que ce projet de loi met sur la sécession. Pour la première fois dans l'histoire, la sécession pourrait être autorisée par le Parlement. J'estime qu'on a tort de vouloir mettre la sécession au coeur d'une loi alors qu'on a tout à gagner en se concentrant sur ce que les Canadiens peuvent accomplir collectivement.
Je ne suis pas ici pour vanter les mérites stratégiques du plan A ou du plan B, mais pour discuter d'un projet de loi particulier, le projet de loi C-20. Ce projet de loi est censé assurer que tout vote en faveur de la sécession d'une province refléterait un jugement éclairé sur une question claire—sans finesses cousues de fil blanc. Voilà bien le type de question que tout un chacun souhaite. C'est la seule qui conférerait un mandat réel aux souverainistes. Elle offre aussi la meilleure garantie quant à des négociations de bonne foi avec le reste du pays.
Mais ce projet de loi apporte-t-il ce type de certitude? Loin de là. Il est à la fois incendiaire dans sa méthode, du fait de son ingérence dans les compétences provinciales, et extrêmement vague, pour ne pas dire muet, dans les détails. Il ne donnera pas aux Canadiens l'assurance qu'ils recherchent. Il divise les fédéralistes au Québec, et à chaque nouvelle division, la souveraineté fait des gains. Ce qui est pire encore, l'adoption de ce projet de loi affaiblirait concrètement le pouvoir du gouvernement du Canada et de la fédération canadienne de réagir à un référendum sécessionniste et de bâtir le type de Canada auquel les Québécois choisiraient d'appartenir.
Voyons voir comment nous nous sommes retrouvés dans la situation actuelle. Malgré la confiance affichée du gouvernement fédéral, le Canada est passé à un cheveu de perdre le référendum de 1995. Personne ne saurait affirmer que les Québécois se sont montrés indifférents. Au contraire. La participation au référendum a été massive—93,5 p. 100. Certes, le gouvernement de M. Chrétien préfère attribuer cela à la nature de la question. M. Claude Ryan, en revanche, est d'avis que de nombreux fédéralistes ont voté «oui» par frustration, en l'absence de projets de renouvellement.
• 1630
Ce projet de loi est la réponse du gouvernement Chrétien à son
échec de 1995. Voilà l'exemple parfait du général qui livre sa
dernière guerre. Si M. Ryan a raison, et que le véritable problème
est l'absence de projets de renouvellement fédéraliste, ce projet
de loi va exactement à contresens.
De toute façon, la question pertinente au sujet du Québec n'est pas de se demander ce qui s'est passé hier, mais plutôt d'observer les mentalités actuelles et de se demander ce qui pourrait se passer demain. Le fédéraliste Alain Dubuc, journaliste à La Presse, a-t-il raison de souligner les changements profonds survenus dans cette province? Est-ce que le souverainiste Jean-François Lisée a raison de penser qu'un référendum sur la souveraineté est voué à l'échec? Et Claude Ryan a-t-il raison d'affirmer que la plupart des Québécois préfèrent un Canada renouvelé?
Comme vous l'avez constaté, le soi-disant projet de loi sur la clarté n'est pas du tout clair. Il ne définit pas ce qu'est une majorité claire. Il ne définit pas comment une majorité claire serait déterminée. Il ne dit rien des frontières ou de la manière dont elles devraient être déterminées. Il ne prévoit pas la formule d'amendement nécessaire à la réalisation de la sécession. Il laisse dans l'ombre l'obligation fiduciaire du Parlement à l'égard des peuples autochtones tout autant que les droits des peuples autochtones. Il ne précise pas quel rôle auraient les provinces à l'égard de la question, ni le rôle du Sénat, ni celui de la population. Et il n'est pas clair au sujet de la représentation à la table des négociations: les représentants d'une province qui aurait fait sécession se retrouveraient-ils ensemble autour de la table? Ces questions ne sont pas futiles.
Les peuples autochtones ne peuvent être évincés du champ fédéral sans leur consentement. Le projet de loi stipule que cette question serait abordée dans le cadre des négociations. Qu'est-ce que cela veut dire quant à l'obligation fiduciaire solennelle du Parlement et quant aux droits des Autochtones en vertu des articles 25 et 35 de la Charte?
Que se passerait-il si une province ignorait tout simplement le projet de loi, tenait un référendum et obtenait une majorité claire à une question qui n'aurait pas été approuvée par la Chambre des communes? On la traduirait en justice? On ferait comme si de rien n'était? Le projet de loi est muet sur cette question comme sur tant d'autres questions primordiales.
Le projet de loi prétend—et je cite—donner effet à l'avis de la Cour suprême. Cela n'est tout simplement pas le cas.
[Français]
Le projet de loi diffère de l'avis de la cour sur deux points fondamentaux. Premièrement, au paragraphe 153 de l'avis de la Cour, on peut lire, et je cite:
-
...il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en
quoi consiste «une majorité claire en réponse à une
question claire»...
La cour épelle «acteurs politiques» au pluriel. Le projet de loi est beaucoup plus restreint. Il confère un statut déterminant à un groupe d'acteurs politiques, les députés de la Chambre des communes, alors qu'il confère un statut inférieur aux provinces, aux territoires et au Sénat, dont les points de vue ne seraient, comme ceux des autochtones, que pris en considération.
Deuxièmement, la Cour suprême reconnaît l'obligation de chacun des participants à la fédération d'engager des discussions sur tout projet légitime. Là encore, le projet de loi C-20 est beaucoup plus restreint que ne l'est l'avis de la Cour. Il oblige légalement la Chambre des communes à se conformer aux modalités et au processus visant uniquement «un référendum sur un projet de sécession d'une province du Canada».
Aucune obligation semblable n'est associée à un référendum sur un projet de renouvellement ou d'amélioration du Canada. Dans les deux cas, l'avis de la cour est général, alors que celui du gouvernement est limitatif.
[Traduction]
À mon avis, ce projet de loi est tellement rigide qu'il mine dangereusement l'autorité d'un futur premier ministre de protéger notre pays d'une sécession. Il menotte le Canada et il évacue la souplesse qui a permis à MacDonald, à Laurier, à Mackenzie King et à d'autres premiers ministres de maintenir unie cette nation complexe.
Faisons quelques hypothèses. Supposons que nous sommes en 2011 ou en 2015. Supposons que l'économie mondiale tourne mal et que cela a des effets sur le Québec ou la Colombie-Britannique. Supposons encore qu'un chef charismatique surgisse, dans l'une ou l'autre province, et qui tire parti des circonstances pour remporter avec une majorité claire un référendum, comportant une question claire, sur la sécession.
• 1635
Sans le projet de loi C-20, le gouvernement du Canada aurait
la possibilité de consulter, de gagner du temps, de négocier, de
tenir son propre référendum et de recourir à toute la panoplie de
moyens habiles et équivoques que des gouvernements précédents ont
utilisés pour maintenir l'unité de notre pays dans des situations
de crise. Le projet de loi C-20 ne laisse aucune place à une telle
souplesse, puisqu'une loi fédérale prescrit les modalités et le
processus de sécession.
Entre autres choses, il offre un beau cadeau à toute province sécessionniste qui, une fois l'échec des négociations avéré, n'aurait qu'à réclamer la reconnaissance de la communauté internationale, et cela aux termes mêmes de la loi canadienne, le projet de loi C-20.
[Français]
Mais peut-on trouver une solution de rechange qui nous permettrait d'atteindre les buts supposés? Y a-t-il moyen de respecter les intérêts de l'ensemble des Canadiens en leur donnant une voix pour l'avenir de notre pays, tout en respectant le droit d'une province sécessionniste d'arrêter elle-même sa question et ses règles? Oui, il y a plusieurs solutions de rechange.
L'une a été avancée par l'ancien greffier du Conseil privé, Gordon Robertson, qui a proposé ce qu'il a appelé «une loi pour parer à l'imprévu», qui assurerait le maintien de l'autorité du gouvernement du Canada après un référendum sécessionniste et qui resterait en vigueur jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement. Cette loi pourrait donner lieu à la création d'un comité consultatif composé des premiers ministres des provinces ou des chefs autochtones. Elle ferait l'objet de délibérations avant un référendum, mais elle ne serait promulguée qu'advenant une victoire du Oui.
Une autre approche serait que le premier ministre convoque d'urgence une session plénière du Parlement ou une réunion des premiers ministres provinciaux et des chefs autochtones, ou les deux, en vue de rechercher un consensus à savoir si la question ou la majorité constituerait une base raisonnable pour les négociations.
Aucun premier ministre n'a besoin d'une loi pour agir dans ce sens.
[Traduction]
Ces solutions de rechange ne garantiraient pas qu'une province sécessionniste se range au jugement des autres. Pas plus que le projet de loi C-20. Elles ne préciseraient pas d'avance les détails. Pas plus que le projet de loi C-20. Elles n'étoufferaient pas une tentative de déclaration unilatérale d'indépendance. Pas plus que le projet de loi C-20. Par contre, ces solutions de rechange ne conféreraient pas à une province sécessionniste l'autorité légale de rechercher une reconnaissance internationale aux termes des négociations, comme le prévoit le projet de loi C-20.
J'aborderai un dernier point. Même le gouvernement n'est pas clair sur son projet de loi sur la clarté. À Toronto, le 25 janvier, le ministre a déclaré que la majorité ne devrait pas être déterminée à l'heure actuelle dans ce qu'il a appelé un Canada paisible comme il l'est aujourd'hui, mais qu'il serait préférable d'attendre qu'une situation de crise se produise pour que les députés soient en mesure d'évaluer la question selon les circonstances.
La logique et la raison d'être du projet de loi sur la clarté consistent à établir d'avance les règles, de manière à ce que tout le monde ait sa position, bien avant une situation de crise. Or, le ministre déclare que la question de la majorité ne serait pas connue d'avance. Elle serait décidée le moment venu, dans une situation de crise. Voilà la clarté sabotée. Voilà qui donne la certitude que les règles seront subjectives, rédigées en temps voulu, dans le but de discréditer l'issue d'un référendum.
Jean Charest, à la tête des troupes fédéralistes au Québec et opposé à ce projet de loi, en parle comme d'un trou noir où il est impossible de trouver des réponses claires. Il est évident qu'il serait réconfortant que tout soit clair, mais prétendre que cela est possible revient à entretenir de faux espoirs.
Le comité pourrait utiliser son temps à meilleur escient s'il profitait de la période tranquille dont a parlé M. Ryan pour envisager des moyens modernes de renouveler la fédération. L'adoption de ce projet de loi ajouterait à l'incertitude et réchaufferait la cause de ceux qui souhaitent le démantèlement du Canada.
• 1640
Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.
Le président: Monsieur Hill.
M. Grant Hill: Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le témoin de son exposé.
Nous avons rencontré plusieurs anciens politiciens, des hommes qui ont fait campagne avec vous dans le passé: Gil Rémillard, Ed Broadbent, Bob Rae. Ils s'accordaient tous pour dire, à l'époque, qu'il fallait éviter de parler de sécession pour ne pas la provoquer. Ils ont aujourd'hui changé d'idée, et ce, pour plusieurs raisons. Tous les trois, en fait, acceptent cette nouvelle approche.
J'aimerais savoir ce que vous répondez à vos anciens compagnons d'armes, qui soutiennent que cette stratégie était une erreur. C'est ce qu'ils ont dit.
M. Joe Clark: Je ne peux pas faire de commentaires sur ce qu'ils ont dit ou pensé.
M. Bill Blaikie: Ils ont dit qu'ils ont commis une erreur, qu'ils ont aujourd'hui changé d'idée.
M. Joe Clark: Je ne veux pas faire de commentaires là-dessus. Toutefois, je respecte leur point de vue. Il y a des personnes très sérieuses et de grande expérience qui estiment qu'il faut maintenant passer au plan B. Je ne suis pas d'accord, parce que cela veut dire que nous abandonnons tout espoir de renouvellement, et c'est là la seule façon, à mon avis, que nous pouvons gagner les gens à la cause du Canada. On ne peut pas obliger les gens à rester dans un pays par la menace. Il faut les convaincre qu'ils auront un meilleur avenir s'ils restent ici.
J'ai été fort impressionné par ce qu'a dit M. Ryan l'autre jour. Si nous avions fait plus d'efforts, avant 1995, pour convaincre les Québécois qu'il y avait de la place pour eux au Canada, les résultats du référendum auraient peut-être été différents. Nous devons, monsieur Hill, proposer des changements qui n'entraîneront pas la division entre votre province, la mienne et le Québec. Nous pouvons trouver des terrains d'entente, si nous faisons l'effort. Autrement, si nous insistons trop sur les conséquences difficiles de la sécession, nous irons à l'encontre du but recherché.
M. Grant Hill: Il est vrai qu'il existe des solutions positives pour garder ce pays uni. Vous avez dit que pour la première fois dans l'histoire, le Parlement reconnaît que le Canada pourrait être démantelé. À mon avis, cela correspond en tout point à ce qu'a dit la Cour suprême. Elle a reconnu que cette possibilité existe, et elle a cherché à établir un cadre de référence. À votre avis, est-ce que le projet de loi respecte l'avis de la Cour suprême?
M. Joe Clark: D'abord, je tiens à vous rappeler que l'ancien juge en chef Lamer, peu de temps après avoir pris sa retraite, a indiqué très clairement qu'il y a une différence entre une opinion et un jugement. Il a dit que le Parlement n'est aucunement obligé de suivre l'opinion de la cour.
M. Grant Hill: Mais ce que je veux vraiment savoir, c'est si, à votre avis, le projet de loi sur la clarté respecte l'avis de la Cour suprême. Est-ce qu'il en respecte les principes? C'est ce que je veux savoir très rapidement, parce que le temps presse.
M. Joe Clark: Ma réponse est très claire, monsieur Hill. Le juge en chef a déclaré que le Parlement n'était aucunement tenu de suivre l'opinion de la cour.
Permettez-moi d'apporter une précision. Une opinion émise par la cour est une chose. Une loi adoptée par le Parlement en est une autre. Je m'inquiète surtout de ce qui va se passer s'il y a sécession, si les négociations échouent. Je m'inquiète de ce que la province sécessionniste va faire. Elle va commencer à négocier et ensuite quitter la table si les négociations n'aboutissent pas. Elle va se rendre en France et dire, «Bonjour, France; allô, Gabon». Nous réclamons la reconnaissance de la communauté internationale aux termes de la loi du Parlement.» C'est très différent du processus qui consiste à réclamer la reconnaissance aux termes d'une opinion de la cour.
M. Grant Hill: Vous dites que vous seriez prêt à lutter contre toute menace de sécession en ayant recours aux moyens «habiles et équivoques» dont dispose le gouvernement fédéral. Je pense qu'en agissant de la sorte, vous manquez de respect envers la province qui essaie de faire sécession.
• 1645
Il faudrait plutôt adopter une approche fondée sur le respect,
tenir des discussions franches et honnêtes. Ce n'est pas le genre
de mots que j'utiliserais pour garder une province dans ce pays.
J'ai du mal à croire que c'est ce que vous avez voulu dire.
Dites-moi que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire.
M. Joe Clark: On a dû mal interpréter mes propos, monsieur Hill. On ne parle peut-être pas la même langue dans notre coin du pays.
Je faisais allusion au passé. Si vous jetez un coup d'oeil sur les crises que le pays a surmontées dans le passé, vous allez constater que les moyens habiles et équivoques auxquels on a eu recours nous ont été d'une grande utilité. Mackenzie King n'aurait pu diriger le Canada pendant la crise de la conscription s'il n'avait eu recours à des moyens équivoques.
Le projet de loi prive tous les Mackenzie King de demain de la possibilité tenir des discussions, de recourir à des moyens habiles pour sauver le Canada. C'est à cela que je fais allusion, à la façon dont nous avons gardé le pays uni. Ce projet de loi ne laisse aucune place à une telle souplesse, une souplesse qui nous a été d'une grande utilité dans le passé.
[Français]
Le président: Monsieur Turp.
M. Daniel Turp: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Clark, vous avez été un témoin privilégié des événements qui ont conduit à l'adoption, mais aussi au rejet, de l'Accord du lac Meech et de l'Accord de Charlottetown. Vous avez été témoin de la difficulté d'utiliser un processus d'amendement constitutionnel pour arriver à ces fins.
Je voudrais savoir si cette procédure qui est présentée et proposée dans le projet de loi C-20 vous apparaît appropriée, notamment quant à ce que dit ou ne dit pas le projet de loi sur la question de l'amendement constitutionnel qui serait nécessaire pour permettre l'accession du Québec à la souveraineté.
M. Joe Clark: Je préférerais nettement qu'on n'ait pas un projet de loi comme celui-là puisqu'il ne m'apparaît pas être une bonne façon de procéder. Je crois qu'il créera des obstacles dans le processus des accords constitutionnels ou des accords plus pratiques qui nous permettent de faire fonctionner une société comme la nôtre.
M. Daniel Turp: Est-ce que je comprends bien que d'après vous, ce projet de loi C-20 va venir compliquer le travail de tous les acteurs politiques, tels que les décrit la Cour suprême dans son avis?
M. Joe Clark: Vous me demandez s'il vient compliquer ce travail? J'aurais préféré qu'un tel projet de loi ne voie pas le jour parce qu'il contient premièrement une indication de rigidité et une approche négative qui ne saura pas encourager la sorte de changements qu'on peut effectuer dans une fédération.
M. Daniel Turp: Je comprends aussi que votre parti en est un qui accepte l'avis de la cour, qui dit que le projet souverainiste est légitime, qu'il y a derrière l'ambition de certains Québécois de faire de la souveraineté un projet très légitime et très démocratique. Là-dessus, comme vous l'avez déjà dit, la question de la majorité devient essentielle et elle devient un objet qui mérite d'être clarifié.
Est-ce que j'ai raison de penser que votre parti croit que la règle applicable est la règle de la majorité claire de 50 p. 100 plus un? Est-ce qu'il appartiendrait, selon vous, à l'Assemblée nationale du Québec, dans le cas du Québec, d'arrêter que telle est la règle de la majorité applicable?
M. Joe Clark: Premièrement, je ne remets nullement en question le fait que l'idée souverainiste soit légitime. Comme je l'ai dit dans de ma déclaration, je crois que c'est dans l'intérêt des souverainistes de poser une question claire parce que s'ils gagnaient, ils disposeraient de la meilleure façon possible de donner un sens de légitimité à leur projet face au reste du Canada.
• 1650
En ce qui concerne les droits de l'Assemblée nationale, je crois que
c'est l'Assemblée nationale ou la législature provinciale d'une autre
province, si une telle question existe dans une autre province, qui a
le droit d'écrire la question. Pour moi, la règle démocratique, c'est
toujours 50 p. 100 plus un.
Je crois aussi que c'est bien important d'avoir un processus qui peut donner aux autres Canadiens qui sont touchés par une telle démarche un sens de participation, un sentiment que leur voix peut compter, mais pas par le truchement d'une action qui peut sembler constituer une ingérence dans les compétences de l'Assemblée nationale.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Blaikie.
M. Bill Blaikie: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier M. Clark d'avoir présenté une des analyses les plus convaincantes du projet de loi.
Il est vrai que le projet de loi, à certains égards, est un geste de désespoir. La question est de savoir si ce désespoir est justifié. Je crois qu'il est pleinement justifié, que ce soit à long terme ou non. Si on doit recourir au plan A auquel vous semblez faire allusion, il faudra alors—du moins, à mon avis—instituer une sorte de fédéralisme asymétrique où le Québec sera reconnu en tant que peuple, ou société distincte, un fédéralisme qui ne se limite pas à une réforme administrative, qui suppose une certaine reconnaissance constitutionnelle.
Nous avons déjà tenté la démarche, d'abord avec Meech, que les Libéraux ont rejeté, et ensuite avec Charlottetown, que les Réformistes ont rejeté. Le paysage politique de notre pays est dominé par les deux partis qui sont à l'origine de ces échecs.
Or, nous nous trouvons maintenant dans une situation où, malheureusement, nous avons un gouvernement souverainiste à la tête du Québec qui est prêt à profiter, à tort ou à raison, de ces échecs. On pourrait dire que ce projet de loi créé un cadre qui empêche quiconque de profiter, à tort, de la situation.
Or, un gouvernement souverainiste peut profiter, à raison, de la situation et dire, écoutez, ces gens sont impossibles; on ne peut pas obtenir du reste du Canada un accord concret, qui se tient, qui n'est pas saboté pour des raisons politiques, qu'elles soient légitimes ou non. Nous devrions créer notre propre pays.
Par ailleurs, vous avez dit que de nombreux fédéralistes ont voté oui en 1995 pour dénoncer cet échec, mais également pour manifester leur volonté de tenter un nouvel essai. N'est-il pas juste de dire qu'un gouvernement souverainiste pourrait profiter de cette situation, où les gens ont voté oui, non pas à la sécession, mais à la création d'un contexte politique différent axé sur le fédéralisme renouvelé, pour se doter d'un faux mandat et exiger la tenue de négociations sur la sécession?
M. Joe Clark: Je vais essayer de répondre rapidement aux deux questions.
D'abord, je ne crois pas que ce geste de désespoir soit justifié. Les échecs passés ne sont pas garants de l'avenir, sauf si nous ne faisons pas l'effort d'essayer. Or, ce qui m'inquiète, c'est que cette approche va dissuader les gens d'essayer.
Il ne faut pas oublier que, après le rejet de Charlottetown et de Meech, les premiers ministres ont mis au point la déclaration de Calgary, qui manquait peut-être de rigueur aux yeux de certains, parce qu'ils voulaient trouver des solutions au problème. Si nous mettons l'accent sur les menaces plutôt que sur la recherche de solutions, ce genre de processus créatif sera impossible.
Des changements profonds sont en train de survenir. Nous avons entendu des témoignages—vous l'avez entendu ici, vous l'avez lu dans les journaux—au sujet des changements profonds qui sont en train de s'opérer au Québec. Je ne suis pas aussi bien placé que d'autres pour en juger, mais j'attache beaucoup d'importance aux propos d'Alain Dubuc et de Jean-François Lisée. Mon propre instinct me dit qu'il y a des changements qui sont en train de s'opérer dans la province.
• 1655
Je pense que de notre côté, nous sommes prêts à essayer de
trouver des solutions pour faire fonctionner le pays. Je ne crois
pas qu'on soit intéressé, à court terme, à entreprendre un
processus formel de réforme constitutionnelle, mais je pense qu'il
y a plusieurs démarches qui pourraient être entreprises.
Pour ce qui est de la deuxième question, si vous voulez donner un coup de semonce, si vous voulez essayer d'empêcher un gouvernement sécessionniste de proposer une question ambiguë, vous pouvez le faire, mais sans passer par cette loi. J'ai proposé la formule qu'a suggérée Gordon Robertson. Ce serait une façon de procéder.
On pourrait, par ailleurs, convoquer une conférence des premiers ministres ou des dirigeants autochtones, ou encore, dans le cas du Parlement, organiser des sessions extraordinaires. On peut atteindre ce but sans passer par une loi formelle, cette approche présentant toutes sortes de difficultés.
J'espère que vous ne ferez pas fi des préoccupations que j'ai soulevées au sujet des incidences de ce projet de loi sur le plan international. Je pense qu'il peut aider les souverainistes à réclamer la reconnaissance de la communauté internationale.
Je sais que la situation des Autochtones vous préoccupe beaucoup. Je n'ai entendu que la dernière partie du témoignage des Cris, mais il est vrai que le gouvernement a demandé au tribunal de ne pas se prononcer sur la question des Autochtones. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'intéresse pas à leur sort. Vous avez—le Parlement a—une obligation fiduciaire à l'égard des Autochtones.
Si vous optez d'atteindre votre but par l'adoption d'une loi formelle, vous allez être confrontés à toutes sortes de difficultés. Si le comité ne fait pas preuve d'ingéniosité, monsieur Hill, et ne propose pas des amendements au projet de loi, vous allez vous retrouver avec une mesure législative qui pourrait avoir un effet dissuasif sur le gouvernement indépendantiste, mais qui créerait également toutes sortes de problèmes pour le pays. J'adopterais donc une approche moins formelle.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand, s'il vous plaît.
M. André Bachand: Je suis convaincu que dans l'histoire des comités et du Parlement, il est très rare qu'un député ait officiellement la chance d'interroger son chef. Je le ferai d'une façon équilibrée, bien sûr.
Cela étant dit, pour poursuivre dans le même sens que mon collègue Blaikie, il y a eu, en 1995, des fédéralistes qui ont voté pour le Oui, soit par écoeurement, soit pour des changements. La même chose est arrivée en 1980: on se souvient qu'un Non voulait dire Oui en 1980. Alors, effectivement, autant la question est ambiguë, autant l'interprétation du résultat l'est, selon le camp. Et ce n'est pas surprenant. Mais je pense qu'on doit faire confiance aux gens. Après tout, des gens ont voté pour le Parti libéral en 1993 et l'ont reporté au pouvoir en 1997 en pensant qu'il n'y aurait plus de TPS et qu'il n'y aurait plus de libre-échange.
J'ai une autre question pour vous, monsieur Clark, et même deux si le temps me le permet. D'abord, il y a un sujet, entre autres, dont parlent souvent deux partis politiques représentés à cette table. Il s'agit de la fameuse question de la partition qui se résume par la phrase suivante: Si le Canada est divisible, le Québec est divisible. C'est une question qui soulève les passions, autant dans les Cantons de l'Est que dans l'Outaouais ou dans le Grand Nord du Québec. J'aimerais vous entendre au sujet de la partition et de ses implications pour les autochtones, bien sûr, mais aussi dans la perspective de certains autres partis fédéraux représentés à cette table.
M. Joe Clark: Je crois que la question qui touche les autochtones est bien particulière, étant donné la situation du Nouveau-Québec et leur situation historique. Ça, c'est une chose, et ce n'est pas facile. Mais au moins, il existe une base pour établir la position des autochtones.
Je crois que pour la plupart des autorités—et c'est quelque chose que j'accepte de la part des autres personnes qui en parlent—, la partition n'est pas quelque chose qu'on peut envisager dans une société comme la nôtre. Cela peut créer une confusion exceptionnelle. C'est ma réponse, monsieur Bachand.
M. André Bachand: J'ai une autre question, si on m'en laisse le temps, car le président a le tour de nous couper la parole à M. Mills et à moi, ainsi qu'à M. Blaikie de temps en temps. C'est avec amitié que je dis cela, Dennis.
[Traduction]
M. Raymond Bonin: Vous avez au moins la possibilité de poser une deuxième question.
M. André Bachand: C'est parce que la première était très courte.
Sur la question du rôle des provinces, hier soir, nous avions la chance de recevoir M. Gibbins de la Canada West Foundation, qui a fait un bon témoignage. Vous qui êtes de l'Ouest, quel message pourriez-vous adresser à toutes les provinces, mais plus spécifiquement aux provinces de l'Ouest par rapport à ce projet de loi quant à leur rôle et à l'opinion de la Cour suprême à cet effet? Quel message lance-t-on aux provinces de l'Ouest qui demandent de participer à la Confédération plus que jamais?
M. Joe Clark: Je crois que le vrai problème de ce projet de loi, c'est qu'il ne prévoit un rôle ni pour les provinces, ni pour le Sénat, ni pour les territoires, ni pour les autochtones. Ils ne sont pas acceptés comme des acteurs politiques, tel que prévu par la Cour suprême. La position de la Cour suprême était bien claire: elle a parlé des acteurs politiques au pluriel.
Pour ma part, je crois que cela change la nature de notre système fédéral que de permettre à la Chambre des communes seule de prendre des décisions au nom de tous les Canadiens. Nous sommes une fédération, et c'est dans la nature de notre pays. Je crois que ça peut être un précédent dangereux que de donner au Parlement du Canada le pouvoir d'agir au nom des provinces.
[Traduction]
Je pense, par exemple, dans ma province à...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Joe Clark: Exactement, c'est le vieux débat de 1981. Cela rappelle aussi le débat sur le programme énergétique national. Ce programme a été considéré, dans ma province, comme une ingérence de la part du gouvernement fédéral dans un domaine qui n'était pas de son ressort.
Je pense qu'il est possible que les intérêts légitimes des provinces puissent être négligés quand le gouvernement du Canada prétend suivre l'avis d'un tribunal qui a déclaré qu'il fallait traiter les provinces comme des forces politiques. Or, le gouvernement du Canada affirme que seule la Chambre des communes est une force politique. Je pense qu'il est risqué d'emprunter cette voie.
Le président: Monsieur Alcock
M. Reg Alcock: Merci monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Clark, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Nous avons certes mis du temps à essayer de saisir exactement le point de vue de votre parti sur cette question. Si je vous ai bien suivi aujourd'hui, je pense en fait avoir un peu mieux compris quand vous avez parlé de moyens habiles et équivoques.
Vous avez déjà choisi, par le passé, qui vous conseillerait en recrutant M. Bouchard et d'autres au sein de votre parti. Aujourd'hui, vous demandez l'avis de M. Lisée. Mais vous pourriez aussi demander conseil à MM. Peter Hogg, Bob Rae, Rémillard, Claude Castonguay et d'autres, qui ont aussi une opinion sur le projet de loi et qui le trouvent très utile à la discussion.
M. Joe Clark: Pierre Pettigrew.
M. Reg Alcock: Laissez-moi poser ma question, parce que vous semblez aller dans deux directions différentes. Vous avez dit le 13 décembre 1999 que ce projet de loi ouvrait la porte à la sécession, laissant entendre qu'il présentait un risque de sécession qui n'existait pas avant. Maintenant, ce que vous dites suppose que, même si la question et la majorité étaient claires, le gouvernement fédéral ne devrait pas négocier la sécession. Mais vous dites également que le projet de loi—et vous l'avez dit aujourd'hui—est incendiaire dans sa méthode, est une ingérence dans les pouvoirs du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale du Québec. Cela suppose, au contraire, que le gouvernement du Canada devrait négocier la sécession selon le bon vouloir du gouvernement du Québec, même si la question et la majorité ne sont pas claires.
Il me semble donc—et c'est pourquoi nous avons du mal à saisir où vous vous situez—que vous dites que nous ne devrions pas négocier même si c'est clair, que le projet de loi mène à la sécession; ou que nous devrions négocier même si ce n'est pas clair, que le projet de loi est incendiaire dans sa méthode. Pouvez-vous nous aider à comprendre où vous voulez en venir?
M. Joe Clark: Il y a sûrement quelqu'un qui n'est pas clair, monsieur Alcock.
Des voix: Oh, oh!
M. Joe Clark: Laissez-moi vous expliquer ce que je veux dire par ouvrir la porte à la sécession.
Actuellement, en réponse à une question qui lui a été renvoyée par le gouvernement du Canada, le tribunal a indiqué que les autres partenaires de la fédération sont obligés de considérer et d'étudier sérieusement toute proposition de changement au sein de la fédération. C'est l'avis du tribunal, un changement. Le gouvernement a restreint cela très sérieusement. Il veut qu'on tienne compte seulement des propositions de sécession. Je crois que c'est une erreur. J'aimerais savoir pourquoi le Parti libéral accepte seulement la moitié de l'avis du tribunal et ne suit pas son avis au complet.
Pour ce qui est de la partie qu'il suit concernant la sécession, il établit un échéancier très rigide. Il élimine des options. Si la question était claire, s'il y avait une majorité claire, le gouvernement du Canada serait obligé, selon cette loi, d'agir rapidement et d'amorcer des négociations avec diligence.
Un ancien premier ministre de votre parti, M. Mackenzie King, qui a éprouvé des problèmes du même genre avec la conscription, comme je l'ai déjà dit, a souvent trouvé des moyens de changer de sujet et de gagner du temps. C'est ainsi que notre pays est resté uni.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Sans ce projet de loi, si vous étiez premier ministre du Canada et que la situation se présentait, vous auriez le choix de tenir, par exemple, un référendum dans tout le pays ou au Québec. Vous auriez toutes sortes d'options à votre disposition sans ce projet de loi. Mais si le projet de loi est adopté, vous vous privez de ces options vous permettant de vous porter à la défense du Canada. Ce que vous faites, c'est donner aux provinces sécessionnistes un moyen rapide de transiger avec la Chambre des communes, en précisant comment elles doivent procéder, et vous privez le pays des moyens de se protéger. Je pense que cela n'a aucun sens.
J'aimerais que vous et les autres membres du parti de M. Laurier, le parti qui a joué un rôle tellement important dans la construction de notre pays, considériez l'importance de préserver les aspects politiques de cette question.
Le président: Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci monsieur le président.
J'ai seulement quelques brèves questions à poser. J'aimerais revenir sur ce que M. Alcock a dit il y a un instant.
Mais, d'abord, au sujet de ce que M. Hill a dit plus tôt, je ne sais pas très bien ce que vous pensez, monsieur Clark. Il m'a semblé que l'avis de la Cour suprême n'entrait pas en ligne de compte pour vous. Si vous aviez le choix, est-ce que vous décideriez d'annuler le projet de loi C-20, de continuer d'ignorer le renvoi de la Cour suprême et de vous en remettre à l'ambiguïté et à la flexibilité pour gouverner en la matière?
M. Joe Clark: J'aimerais rappeler encore une fois que l'ancien juge en chef a dit que personne n'était obligé de suivre l'opinion d'un tribunal. Il s'est donné la peine de faire une distinction bien claire entre la nature exécutoire du jugement d'un tribunal, ce que le renvoi n'est pas, et l'avis d'un tribunal, ce qu'il est. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est l'ancien juge en chef Antonio Lamer. Il n'est donc pas question de ne pas tenir compte des tribunaux.
Je préférerais que le projet de loi ne soit pas adopté, parce que je pense que son adoption aiderait et rassurerait les sécessionnistes, qui pourraient ainsi dire, même si le projet de loi était par la suite abrogé: «C'était la loi du pays. C'est le Parlement qui a établi le processus. Nous l'avons suivi. Cela n'a pas marché et nous demandons, avec l'autorisation du Canada, que notre proposition d'être reconnus comme une nation indépendante soit acceptée». Je préférerais ne pas offrir cette possibilité à une province sécessionniste.
On m'a demandé en conférence de presse si le gouvernement que je dirigerais abrogerait cette mesure. Je n'aime pas ce projet de loi. Je ne pense pas qu'on devrait l'adopter. J'ai dû faire face à une situation du genre avec le programme énergétique national. Je me suis battu contre ce programme quand j'étais dans l'opposition et, quand notre parti a pris le pouvoir, nous l'avons éliminé. Je serais porté à vouloir faire la même chose avec ce projet de loi.
M. Eric Lowther: Bien. Cela aide. Nous cherchons tous la clarté ici, mais votre proposition de recourir à l'ambiguïté semble avoir de l'effet sur moi, parce que j'ai beaucoup de mal à comprendre votre position. Je vous ai entendu dire que la clarté nous mène dans la mauvaise voie et empêche la flexibilité, mais vous dites aussi que nous avons besoin de plus de clarté. Ce sont les deux aspects du problème.
Ce qui compte pour moi aujourd'hui, c'est le sondage qui indique que, dans ma circonscription de Calgary-Centre, 98,7 p. 100 des gens croient qu'on devrait avoir une question claire. Pour eux, c'est important, et ils approuvent cela. Ils approuvent en général le projet de loi. Je me demande ce que vous diriez aux électeurs de Calgary-Centre si vous vouliez obtenir leur appui.
Une voix: Il changerait de sujet.
M. Joe Clark: Non. Je dirais qu'il y a des moments, dans la vie publique, où les gens doivent tenir à des principes, et je crois par principe que ce projet de loi fait fausse route. J'aimerais pouvoir persuader les gens de me croire. C'est ce que je dirais.
Mais pour ce qui semble vous embrouiller, monsieur Lowther, un projet de loi sur la clarté doit être clair. Une collègue de votre propre parti, Mme Meredith, a dit à la Chambre, si je ne me trompe pas, que ce projet de loi n'est pas clair. Il n'est pas clair du tout. Il n'est pas clair sur aucune des questions importantes. Ne prétendez pas être clair si vous ne l'êtes pas. Franchement, étant donné que vous avez parlé de partisannerie, je ne comprends pas comment le Parti réformiste peut, en toute conscience, approuver un projet de loi qui porte sur la clarté quand il n'est pas clair du tout.
Le président: Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Monsieur le président, je reviens à ce que j'ai dit plus tôt. Il dit que le projet de loi nous mène dans la mauvaise direction. Et pourtant, il veut que le projet de loi soit plus clair. Pour moi c'est ambigu, et c'est conforme à sa façon de demander au gouvernement comment envisager la question.
Mais les électeurs de Calgary-Centre vont demander pourquoi ils devraient voter pour vous quand ils veulent vraiment une question claire, pas de questions floues comme celles de 1995 ni de problèmes comme ceux que nous avons eus alors. J'ai entendu sa réponse à ce sujet et je pense que les électeurs seraient intéressés à l'entendre.
Une voix: Posez-la dans une assemblée publique locale.
Des voix: Oh, oh!
M. Joe Clark: Permettez-moi d'être clair au sujet de la clarté. Je ne pense pas que ce projet de loi soit une bonne idée. Je pense que, si le Parti réformiste ou le Parti libéral veut appuyer un projet de loi fondé sur le principe de la clarté, les dispositions du projet de loi devraient respecter les principes de clarté. Ce n'est pas le cas. Le projet de loi n'est pas clair sur à peu près toutes les questions importantes.
Est-ce que j'aimerais mieux que le projet de loi soit retiré? Oui. Si le projet de loi va de l'avant, devrait-il être plus précis sur certaines des questions qui sont actuellement vagues? Oui. Je ne pense pas qu'il y ait d'incohérence là-dedans, et je pense que la plupart des gens raisonnables comprendraient ce que je dis.
[Français]
Le président: Monsieur Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Clark. J'ai un commentaire, un peu comme celui de M. Alcock, et aussi une question très simple. Toute la population sait que vous êtes un grand démocrate, et j'ai toujours cru, jusqu'à aujourd'hui, que votre parti et vous-même seriez en faveur de l'autodétermination du Québec si cela était le voeu clair des Québécois.
Dans vos remarques préliminaires d'aujourd'hui, vous nous dites que ce projet de loi ouvre la porte à la sécession du Québec. Vous avez même parlé de la possibilité de la sécession de la Colombie-Britannique. Vous nous avez dit que vous préférez le statu quo et qu'advenant une victoire du camp du Oui, vous feriez tout pour empêcher la sécession.
Je trouve ici une très grande ambiguïté dans vos propos. Je dirais même que c'est confus. J'irais pratiquement jusqu'à dire que c'est un non-respect du voeu des Québécois, parce que j'ai l'impression que ce n'est pas un projet sur la clarté que vous recherchez, mais un projet autruche. Vous ne voulez pas dire oui ou non.
Ma question est très simple. En relation avec la question posée lors du référendum de 1995 au Québec, dont vous connaissez très bien le libellé, si vous aviez été premier ministre du Canada à cette époque-là et que le camp du Oui l'avait emporté, auriez-vous, en tant que premier ministre du Canada, enclenché un processus de négociations avec le Québec, négociations devant aboutir à la sécession du Québec?
M. Joe Clark: Je peux dire que s'il y avait eu un tel résultat, je n'aurais pas été tenté d'ignorer la question, d'ignorer le fait.
• 1715
Dans un sens, c'est le problème de ce projet de loi. On vit dans un
système politique. Tout ne peut pas être spécifié dans les lois. Bien
sûr, c'est une société qui a des lois, mais c'est aussi une société
politique, et certaines questions sont des questions politiques qui
requièrent des réponses politiques. Je crois qu'on essaie trop souvent
de donner des réponses trop rigides. Mais s'il y avait une réalité,
[Traduction]
si je devais faire face à une situation réelle, j'y ferais face. Ce que je dis, c'est qu'il serait possible de faire face à ce genre de situation sans un projet de loi de la sorte.
M. Bernard Patry: Étant donné que le résultat a été très serré au dernier référendum, que le camp du Oui a obtenu un peu plus de 49 p. 100 des voix, seriez-vous d'accord pour dire que vous devriez engager des négociations si le résultat avait été supérieur à 50 p. 100—par exemple, s'il avait été de 50 p. 100 plus une voix—à ce moment-là?
M. Joe Clark: Vous faites comme si j'avais été premier ministre au moment du dernier référendum. Si j'avais été premier ministre au moment du dernier référendum, les offres de la part de la fédération auraient été meilleures que celles proposées par votre gouvernement.
Vous avez entendu M. Ryan dire l'autre jour que, selon lui, un nombre important de fédéralistes—il ne pourrait dire combien et moi non plus—ont voté «oui» par frustration.
Mon objectif politique au Québec est d'essayer de donner aux fédéralistes, ou aux nationalistes du Québec qui ne sont pas séparatistes, des raisons de croire au Canada, des raisons d'adhérer au Canada. Si nous devions agir ainsi maintenant—et je pense que c'est très à propos—nous aurions de bien meilleures chances de bâtir et de conserver un pays solide. Si nous n'essayons pas de trouver un terrain d'entente sur quoi nous appuyer, et que nous avons plutôt recours aux menaces, nous allons inciter plus de gens—à contrecoeur et par frustration—à adhérer à la cause sécessionniste. Ce n'est pas ce que je veux.
M. Bernard Patry: Merci.
Le président: Malheureusement, nous avons épuisé le temps accordé au témoin.
[Français]
Le président: Je sais que cela fait deux fois, mais qu'est-ce qu'on peut faire? Tout le monde veut vous poser beaucoup de questions, monsieur Clark. J'apprécie beaucoup votre comparution devant le comité cet après-midi.
[Traduction]
Je suis sûr que tous les membres ont trouvé votre témoignage très utile pour nos délibérations sur ce projet de loi. Merci beaucoup monsieur.
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Peut-être pouvons-nous recommencer.
[Traduction]
M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Nous n'avons pas le quorum.
Le président: Oui, nous l'avons. Un quorum réduit, c'est tout ce dont nous avons besoin.
Monsieur Blaikie, vous avez une annonce à faire.
M. Bill Blaikie: Oui, monsieur le président. J'aimerais déposer les amendements du NPD. Je sais qu'un avis n'est pas nécessaire, mais je préfère les déposer maintenant et les faire consigner au compte rendu. J'ai huit amendements à présenter. Si je comprends bien, il me suffit de les remettre au greffier.
Le président: Merci monsieur Blaikie, nous les ferons distribuer.
M. Bill Blaikie: Merci.
Le président: Nous allons maintenant entendre le témoignage du directeur général de l'Association for Non Resident Quebeckers, M. Marshall Miller.
Monsieur Miller, nous tenons à vous remercier d'être venu rencontrer le comité aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous accueillir. Vous avez dix minutes pour faire une déclaration, après quoi les membres du comité disposeront d'au plus 35 minutes pour vous poser des questions.
Nous sommes impatients de vous entendre. La parole est à vous, monsieur.
M. Marshall Miller (directeur général, Association for Non Resident Quebeckers): Merci beaucoup, monsieur le président, et bon après-midi, mesdames et messieurs.
Je vous remercie d'avoir accepté d'entendre notre point de vue. Les idées que je vais exposer peuvent paraître nouvelles et inhabituelles dans le contexte canadien, mais elles ne le sont pas dans d'autres situations de référendum.
L'objectif de l'Association for Non Resident Quebeckers est d'obtenir pour tous les Québécois, peu importe où ils résident, le droit de voter à tout référendum susceptible d'entraîner la sécession de leur province d'origine dans leur pays d'origine.
[Français]
Nous disons que toutes les personnes nées au Québec sont des Québécois, peu importe où elles résident. Notre association a un site Internet, et nous avons des racines fortes. Nous n'avons reçu aucune assistance d'aucun gouvernement, d'aucun parti politique ni d'aucune corporation, sauf pour une petite corporation qui nous aide a défrayer les coûts de notre site Internet.
Nous avons un site Internet parce que, comme notre nom l'indique, les Québécois membres de notre association sont de partout à l'extérieur et nous ne nous conformons pas à la classique commodité locale qui convient à la structure de la plupart des associations.
[Traduction]
La liberté de circulation et d'établissement des Canadiens est un des aspects essentiels dont vous tiendrez compte, je l'espère. Le Canada est un pays où nous voulons que chacun puisse circuler librement. C'est d'ailleurs un droit qui est garanti par le paragraphe 6(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. Si cette mobilité interprovinciale entraîne dans les faits la perte de notre droit de vote au moment d'un référendum sur la sécession, ces droits ne sont qu'une coquille vide, parce qu'ils privent des électeurs du droit de participer peut-être au plus important scrutin de leur vie.
À la fin de mon exposé, je vais revenir brièvement sur la question de la liberté de circulation et sur la notion de frontières.
Le ministre a signalé à juste titre que les référendums sur la séparation présentent un cas particulier, parce que la sécession est irréversible. Quand nous avons quitté le Québec pour aller travailler dans une autre province, nous l'avons fait en tant que Québécois et en tant que Canadiens. La sécession pourrait nous forcer à choisir entre ces deux identités sans même avoir eu la possibilité de nous prononcer sur ce changement. C'est le seul cas pour lequel nous réclamons le droit de vote.
Nous croyons que le projet de loi C-20 s'écarte des termes employés par la Cour suprême d'une façon qui peut s'avérer dangereuse. Le projet de loi C-20 cite le paragraphe 87 de l'avis de la Cour suprême dans le préambule et au paragraphe 1(3), comme référence à l'emploi des mots «la population de la province», au sujet des droits du gouvernement d'une province de consulter sa population et de la Chambre d'examiner la clarté du résultat.
Cependant, le paragraphe 87 de l'avis du tribunal n'emploie pas, dans la version anglaise, le mot «population», mais les mots «the people of Quebec». Ce changement de terminologie peut entraîner deux problèmes à notre avis. Premièrement, l'emploi d'un autre terme que celui utilisé par la Cour suprême risque d'affaiblir le fondement juridique sur lequel repose le projet de loi C-20.
• 1725
Deuxièmement, il y a un problème de clarté. Le mot
«population» peut avoir plus d'une signification. On peut le
définir en lui attribuant le sens étroit de résidents, mais il peut
aussi avoir un sens plus large de personnes appartenant à un groupe
identifiable ayant des caractéristiques communes. Or, nous
partageons une caractéristique commune avec les nombreux Québécois
qui sont nés dans cette province—parce qu'il y a d'autres moyens
que la naissance d'obtenir l'identité québécoise—et nous avons, à
des degrés divers, connu la société québécoise parce que nous avons
grandi dans cette province et parce que nous avons participé à la
vie étudiante, culturelle ou professionnelle de la province. Cette
caractéristique est partagée par tous les Québécois qui vivent à
l'extérieur de la province. Le sens prévu dans le projet de loi
n'est pas clair, mais ce sens est évidemment très important pour
nous.
Pour essayer de comprendre ce que voulait dire la Cour suprême, nous avons non seulement examiné l'opinion exprimée sur le renvoi, mais nous nous sommes arrêtés à une affaire sur laquelle la Cour suprême s'était penchée en 1993, l'affaire Haig. Cette affaire portait sur le droit de participer à un référendum, la notion de résidence et les droits de vote. Même si le référendum avait déjà eu lieu et que la décision était donc sans objet, la Cour suprême voulait faire passer un message. Nous en sommes venus à la conclusion que la Cour suprême voulait dire tous les Québécois, pas seulement ceux qui résident dans la province.
Dans ses notes d'allocution, le ministre des Affaires intergouvernementales parle du nombre de fois que le mot «clair» revient dans la décision de Cour suprême pour en mesurer l'importance. Nous aimerions faire de même.
Dans notre mémoire écrit nous présentons un tableau qui fait état de la fréquence avec laquelle la Cour suprême utilise certaines expressions dans leur sens étroit comme «domicile», qui est un élément important de la loi électorale du Québec et encore plus puissant que la simple notion de résidence, comme «résidents» selon diverses combinaisons possibles et aussi pour élargir des concepts englobants comme «Québécois» le «peuple du Québec» de même que l'expression ambiguë «population».
La signification plus large et englobante avait au moins deux fois le poids d'une notion étroite reposant sur la notion de résidence et peut-être plus de 80 p. 100, selon la façon dont nous traitons l'expression ambiguë «population». En fait, le terme «domicile» ou «domicilié» au sens plus étroit utilisé au Québec n'a même pas été mentionné une seule fois. Il semble donc clair que la Cour suprême voulait que son jugement s'applique à tous les Québécois, et pas seulement à ceux qui résident dans la province au moment d'un référendum.
La Cour suprême n'étudie pas cette question en vase clos. Nous estimons également que le droit de vote des non-résidents recueille un solide soutien dans la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a appuyé et mis en place le principe des droits de vote étendus aux non-résidents pour le référendum sur l'indépendance tenu en 1999 au Timor-Oriental, droits dont je donne la liste à l'annexe B dans mon mémoire écrit. Je vais revenir là-dessus un peu plus tard.
Soit dit en passant, nous faisons remarquer que la question elle-même a été établie par des consultations entre la province et l'organisme fédéral parmi tant d'autres.
Nous croyons aussi qu'il existe de profondes obligations fédérales qui exigent l'inclusion des non-résidents. L'opinion sur le renvoi laisse aux acteurs politiques le soin de décider ce qui constitue une majorité claire. Le ministre des Affaires intergouvernementales l'a répété dans son exposé devant votre comité. Les acteurs politiques incluent les députés et c'est vous qui examinez cette question à l'heure actuelle.
La majorité claire va plus loin qu'un simple chiffre. L'ampleur de la consultation revêt aussi de l'importance. Ce que doit faire le Parlement, le projet de loi C-20, c'est de préciser l'ampleur de la consultation que le Parlement estimerait nécessaire.
Il est important de faire cela pour de nombreuses raisons, y compris le renforcement du droit à la mobilité dont j'ai parlé plus tôt, mais il est aussi important d'éviter de donner l'impression qu'on tente de tendre un piège pour tout référendum futur sur la sécession. S'il est su longtemps d'avance que les non-résidents doivent être inclus, alors les électorales de la province peuvent être conçues de manière à en tenir compte. Si on ne le dit pas d'avance, les séparatistes peuvent facilement alors crier à l'injustice et pourraient même trouver des appuis dans la communauté internationale.
N'oublions pas que la Cour suprême a prévu une porte de sortie en cas de négociations compromises ou d'absence de négociations. Cette porte de sortie est la reconnaissance possible par la communauté internationale d'une déclaration unilatérale d'indépendance. N'encourageons pas cette possibilité en posant des pièges secrets qui pourraient être activés plus tard. Cette stratégie risquerait d'avoir un effet boomerang. Avant la tenue du prochain référendum, soyons plutôt clairs, dans l'esprit du projet de loi, en ce qui concerne les droits des non-résidents sur la question de la séparation de leur province de naissance de leur pays d'origine.
À un niveau plus personnel, qu'en est-il de nos droits en tant que personnes? D'après notre expérience, un gouvernement provincial qui cherche la sécession n'a aucun avantage inhérent à conférer le droit de vote aux non-résidents en général. Nos provinces de résidence n'ont pas compétence à cet égard. Seuls le gouvernement fédéral, le gouvernement du peuple, et le Parlement sont en mesure de protéger le droit de voter à un référendum de sécession, droit perdu par ses citoyens qui se sont prévalus de leur droit à la mobilité interprovinciale.
• 1730
Nous disons également que le Canada devrait offrir à ses
citoyens tout modèle démocratique auquel il accorde son appui
ailleurs. Le gouvernement du Canada a appuyé le principe du droit
de vote des non-résidents lorsqu'il était membre du Conseil de
sécurité des Nations Unies, au moment du référendum tenu au Timor
en 1999. Il est inconcevable et on ne peut tolérer qu'une norme
plus élevée de droits démocratiques puisse être appuyée dans un
endroit aussi attristant que l'Indonésie et le Timor-Oriental dans
le cas d'un référendum sur la sécession alors qu'il n'en va ainsi
notre propre pays. La même norme en ce qui a trait aux droits de
vote des non-résidents devrait être applicable à tous les Canadiens
étant donné que le gouvernement du Canada l'a avalisée pour
d'autres. Nous nous tournons vers ce comité parlementaire pour
faire en sorte qu'il en soit ainsi.
Enfin, avant de faire des recommandations précises, j'aimerais ajouter autre chose concernant la mobilité et la notion de frontières.
Lorsque je vais aux États-Unis, je m'attends à traverser une frontière et à respecter les conditions d'entrée. Ils ont le droit souverain de décider pour eux-mêmes et leur histoire témoigne des changements dont ces décisions ont été l'objet de temps à autre. C'est normal.
Cependant, lorsque je me rends au Québec, je n'ai pas l'impression que je traverse une frontière dans la mesure où je suis un invité. J'ai tout à fait l'impression de revenir à la maison et je veux que les choses en restent ainsi. Lorsque je retourne visiter mes deux enfants qui vivent toujours dans la région métropolitaine ou que je vais me recueillir sur la tombe de ma fille dans un cimetière de Montréal, je ne veux pas avoir l'impression que je dois traverser une frontière.
Tout comme je pense que c'est peut-être Nelson Mandela qui a dit que ce ne sont pas les barreaux qui font la prison, je crois également qu'une frontière ne se résume pas à des gardes armés et des barrières. Cela peut aussi devenir un triste état d'esprit. Si ce triste jour devait arriver, je veux m'exprimer comme tous les autres Québécois.
Nous nous tournons vers ce comité, vers le Parlement, vers le gouvernement pour faire en sorte que nos voix soient entendues avant qu'ils estiment valable tout résultat favorable à une sécession.
J'ai deux recommandations à faire. Le libellé du projet de loi doit être modifié pour abroger les références à la «population d'une province», en raison du sens imprécis de l'expression, et les remplacer par «peuple d'une province», conformément à la formulation et à l'intention de la décision de la Cour suprême.
Deuxièmement, un nouvel article doit être ajouté au projet de loi C-20 pour exiger explicitement que l'admissibilité à voter vise les personnes normalement admissibles à voter aux élections provinciales et aux autres référendums ainsi que les personnes suivantes: les personnes nées dans la province, les personnes nées à l'extérieur de la province mais dont au moins l'un des parents est né dans la province, les personnes dont le conjoint appartient à l'une des deux catégories susmentionnées. Tous ces critères sont conformes aux normes avalisées par le gouvernement du Canada pour d'autres.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Miller, surtout de vous en être tenu au temps qui vous était imparti.
Y a-t-il des questions? Madame Meredith.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Miller.
Je vous écoutais avec intérêt dire que vous n'aviez pu voter au référendum parce que vous ne viviez pas dans la province de Québec et si j'ai bien compris—et je vous prête peut-être des propos—vous étiez un peu choqué d'être obligé de vous inscrire pour voter à l'occasion du référendum. Mais n'est-ce pas ainsi que les choses se passent d'habitude?
Si je voulais voter en Alberta, par exemple, aux élections fédérales, je ne pourrais le faire à moins d'y avoir résidé pendant 60 jours ou quel que soit le nombre de jours avant la tenue de ces dernières, à moins de m'être inscrit pour voter parce que mon travail m'éloignait de la province ou du pays. Pourquoi ce référendum ne s'apparente-t-il pas à n'importe quelle autre occasion valable de voter dans le pays où, si vous n'êtes pas un résident, vous perdez vraiment votre droit de voter à moins d'avoir une raison valable de vous trouver à l'extérieur de la province?
M. Marshall Miller: Il y a deux éléments, ou deux réponses à cette question, que j'aimerais donner. L'une découle de l'autre.
La première chose est qu'en tant que non-résident, j'ai présenté une demande au directeur général des élections au début de 1999, pour me faire inscrire au registre des électeurs autorisés à voter hors du Québec. Ce registre est tenu par le DGEQ, précisément, mais en vue d'un référendum ou de la sécession. Je ne crois pas que nous ayons le moindre droit d'intervention dans aucune des affaires locales ou des affaires qui relèvent purement de l'autorité de la province ou des pouvoirs de séparation prévus par notre constitution. Ils assument l'autorité législative dans certains domaines, et le gouvernement fédéral dans d'autres, et c'est ainsi qu'est fait le Canada.
Alors dans la mesure où ils posent des questions qui relèvent de leurs propres compétences, je ne pense pas que ceux d'entre nous qui sommes partis, que ce soit temporairement ou pour de plus longues périodes, aient quoi que ce soit à y redire. Nos droits sont entièrement protégés par notre constitution, parce que le Québec est encore régi par la loi constitutionnelle du Canada. Les droits de tous les citoyens sont protégés de la même manière.
Mais la sécession, c'est autre chose. Si elle survient, il y a un nouveau pays. Par conséquent, quels que soient nos privilèges, nos droits, nos sentiments et nos croyances en tant que Québécois, tout est perdu. Nous devons choisir entre le Canada ou le Québécois, et nous sommes menacés d'un changement de gouvernement dans l'avenir, puisque l'un ou l'autre des deux gouvernements pourrait décider de modifier ses politiques. Nous n'avons pas eu la moindre chance d'exprimer nos opinions, même si cela nous touche directement.
• 1735
Je ne veux pas prendre tout le temps qui nous est alloué,
parce que vous pourriez avoir une autre question à poser, mais dans
mon document, je fais une analogie. Si quelqu'un est né à
l'Île-du-Prince-Édouard et travaille à Toronto ou à Ottawa et que la
population de l'Île-du-Prince-Édouard décidait de faire sécession
avec le Canada, je ne pense pas que quiconque trouverait anormal
que tous les natifs de l'Île-du-Prince-Édouard établis partout au
pays puissent voter sur la question. C'est une norme qu'a appliqué
le Conseil de sécurité, que le Canada a avalisée, et je ne vois pas
pourquoi elle ne devrait pas s'appliquer ici.
Mme Val Meredith: Je suppose que ce qui me préoccupe c'est ce que vous pensez, bien que vous ayez quitté la province. Je ne dis pas que vous ne devriez pas ressentir d'attachement pour la province, que vous ne devriez pas vous préoccuper de sa décision d'avoir un référendum ou de faire sécession. Mais vous dites que le reste du Canada, les Canadiens d'ailleurs que le Québec, qui eux aussi vont perdre quelque chose... Ils vont perdre une très grande part de ce qu'ils considèrent être leur pays, et la décision aura de très grandes répercussions sur eux. Même si ce n'est pas aussi émotif et que ce n'est pas la même chose que de se voir retirer leur droit de naissance, comme vous le voyez, ils seraient tout de même très touchés par la décision. Et pourtant vous sous-entendez—peut-être n'est-ce pas ce que vous vouliez dire—que seuls les gens qui sont nés au Québec ou qui y ont vécu ont le droit de décider s'ils veulent ou non accepter cette modification du pays.
Je dirais, ou je vous vous suggérerais—et j'aimerais savoir ce que vous en pensez—que tous les Canadiens devraient pouvoir donner leur avis sur la question de la sécession. Est-ce que cela ne concerne pas tous les Canadiens, et non pas seulement ceux qui ont un droit de naissance?
M. Marshall Miller: Je pense que cela concerne sûrement tous les Canadiens, mais il me semble que ceux d'entre nous qui sommes nés au Québec sont particulièrement touchés, et tout autrement que les autres Canadiens. Un natif de la Colombie-Britannique reste Britanno-Colombien et Canadien après la sécession du Québec. Quelqu'un qui est né au Québec et qui n'a pas eu la chance de pouvoir donner son avis sur la question est touché tout autrement. Il faudrait que nous puissions décider si nous voulons être au Québec ou si nous voulons aussi être à la fois Canadiens et Québécois.
Mme Val Meredith: Mais je vous dirais... Peut-être est-ce trop simplifier les choses, mais je suis née en Alberta. Quand j'ai quitté l'Alberta, j'ai tourné la page. Je ne me considère pas Albertaine, mais plutôt Britanno-Colombienne. J'ai pris une décision, j'ai fait le choix d'aller vivre ailleurs et d'adopter cette identité et cette autre relation. J'aimerais donc vous demander, à vous qui avez quitté le Québec et vécu ailleurs pendant vingt ou trente ans, comment vous pouvez penser avoir plus voix au chapitre que moi, qui fais selon vous partie du monde extérieur?
M. Marshall Miller: Lorsque j'ai quitté le Québec, je n'ai pas cessé d'être Québécois. C'est ma conviction profonde.
Permettez-moi de vous donner un exemple. J'étais, il n'y a pas longtemps, en conversation avec un membre de l'Assemblée législative de l'Ontario sur un sujet tout à fait différent lorsqu'il a mentionné que sa femme était native de Montréal. Je lui ai demandé s'il pouvait m'accorder dix minutes après notre rencontre formelle. Il a accepté, et alors je lui ai expliqué ma démarche. Il m'a raconté quelque chose qui s'est passé dans un restaurant où il se trouvait. Quelques Québécois sont arrivés, et sa femme s'est jointe à eux en se déclarant Québécoise, elle aussi. Je ne suis pas le seul. Nous pensons tous comme ça.
Les gens du Québec sont, à plusieurs égards, différents. Les sondages le montrent. Notre mentalité le montre. Selon moi, le ministre des Affaires intergouvernementales n'est pas le seul à avoir le droit de se dresser avec orgueil et déclarer «je suis du Québec. Je suis Canadien et aussi Québécois». Nous pensons tous ainsi, et je pense que nous devrions pouvoir conserver cette vision des choses. Si on doit nous en priver, au moins, écoutez ce que nous avons à dire, nous aussi.
Le président: Monsieur Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond: Monsieur Miller, pour bien comprendre votre témoignage et l'apprécier à sa juste valeur, j'aimerais savoir si vous habitez Toronto présentement.
M. Marshall Miller: Oui.
M. Michel Guimond: Depuis combien d'années?
M. Marshall Miller: Depuis 22 ans, je crois.
M. Michel Guimond: Vous êtes à Toronto depuis 22 ans.
M. Marshall Miller: Oui.
M. Michel Guimond: Je pense que Mme Meredith a posé une question très pertinente, et je vais aller un peu plus loin.
Vous êtes un Québécois d'origine. Vous résidez à Toronto depuis 22 ans. S'il y avait cette année un référendum sur la souveraineté, selon ce qu'on comprend de votre mémoire, vous demanderiez de voter à ce référendum.
M. Marshall Miller: Oui.
M. Michel Guimond: Si ce référendum était accepté et qu'un processus de changement constitutionnel était enclenché, en vertu du projet de loi C-20, la législature provinciale de l'Ontario devrait tenir un référendum pour ratifier un changement constitutionnel. Êtes-vous au courant de cela?
M. Marshall Miller: Non.
M. Michel Guimond: Je vous le dis. Donc, auriez-vous aussi le droit de voter à ce référendum qui se tiendrait en Ontario?
M. Marshall Miller: Il me semble qu'on doit faire un choix. Il faut choisir où on un vote. Une personne, un vote: c'est un principe auquel que je crois.
M. Michel Guimond: Donc, malgré le fait que vous résidez en Ontario depuis 22 ans, malgré le fait que vous payez des taxes en Ontario... Votez-vous aux élections scolaires, municipales et provinciales en Ontario? Si vous êtes un Québécois... Est-ce que vous votez en Ontario?
M. Marshall Miller: Je crois que c'est une mauvaise façon de penser.
M. Michel Guimond: Non, non, je ne pense rien. Je vous pose des questions.
M. Marshall Miller: Est-ce que je peux poser une question moi-même?
M. Michel Guimond: Non. Je ne suis pas assis sur votre chaise. Vous avez déposé un mémoire. Vous avez demandé à être entendu par un comité formé par le gouvernement pour étudier le projet de loi C-20. Vous êtes donc ici pour répondre à mes questions. Votez-vous actuellement aux élections scolaires, municipales et provinciales en Ontario?
M. Marshall Miller: Mais oui.
M. Michel Guimond: Vous votez malgré le fait que vous êtes un Québécois?
M. Marshall Miller: Mais oui.
M. Michel Guimond: Ah, oui.
M. Marshall Miller: Ce sont des domaines qui sont de la compétence de la province de l'Ontario. Je ne dis pas que je veux voter sur tout ce qui se passe au Québec.
M. Michel Guimond: Comment cela pourrait-il s'articuler pour donner crédibilité à votre témoignage? Comprenez-vous bien mes questions?
M. Marshall Miller: Oui.
M. Michel Guimond: Comment cela pourrait-il s'articuler pour qu'une fois que vous auriez voté au référendum sur la souveraineté au Québec, comme vous le demandez, vous soyez rayé des autres listes en vertu de la règle «un individu, un vote?» Comment pourrait-on faire pour savoir que vous avez voté au référendum du Québec et s'assurer que vous n'allez pas voter ailleurs? Devrait-on prendre votre parole? Demanderiez-vous que l'on raye votre nom de la liste électorale? Voudriez-vous ne pas aller voter, même si lors du recensement, vous aviez voté aux élections scolaires la semaine précédente, aux élections provinciales le mois précédent, aux élections municipales du 1er novembre précédent? Demanderiez-vous que l'on raye votre nom de la liste électorale pour que vous ne puissiez pas voter à ce référendum-là? Est-ce là ce que vous nous dites?
M. Marshall Miller: Ce n'est pas exactement cela, parce que le référendum pour la province de l'Ontario n'aurait pas lieu avant que le résultat du référendum du Québec soit connu. Le peuple québécois aurait déjà pris sa décision. Je dis que j'ai le droit de me prononcer lors du premier référendum et non pas lors d'un référendum subséquent pour décider si nous sommes d'accord sur ça.
M. Michel Guimond: Mais ce deuxième référendum va s'adresser aux résidants et aux résidantes de l'Ontario. Comme vous, mon collègue de Sudbury, M. Bonin, va devoir voter dans sa ville pour ratifier le changement constitutionnel. Vous, comme résidant de Toronto, comme Ontarien depuis les 22 dernières années, mais comme Québécois d'origine, irez-vous voter? Avez-vous le droit d'y aller?
Au passage, je vais vous poser une petite question supplémentaire, une sous-question. Dans le cas où le Québec deviendrait souverain, revendiqueriez-vous la citoyenneté québécoise aussi?
M. Marshall Miller: Je ne le sais pas. Je ne le ferais probablement pas, parce que mes enfants habitent là. Et si j'ai bien compris le projet de loi lors du dernier référendum et que j'aie le choix, j'aurai les deux.
M. Michel Guimond: Et pour le deuxième référendum qui se tiendrait en Ontario, qu'est-ce qu'on ferait de vous? Est-ce que vous voteriez ou non? Pour ce deuxième référendum tenu en Ontario, seriez-vous-vous sur la liste électorale référendaire, comme Raymond Bonin, résidant à telle adresse à Sudbury, en Ontario?
M. Marshall Miller: Nous n'avons pas eu un référendum en Ontario au moment où le Québec en a eu un.
M. Michel Guimond: Non, non. La loi n'existait pas et le Québec n'a pas encore encore dit oui à la souveraineté. C'est une situation qui est posée par le projet de loi C-20. Vous devriez y penser sérieusement parce que ça vous donnerait peut-être deux occasions de voter non.
M. Marshall Miller: Le gouvernement fédéral peut exercer un contrôle à cet égard. Je parle ici uniquement d'un référendum portant sur la sécession au Québec, pour moi.
M. Michel Guimond: Ah, ça devrait être...
M. Marshall Miller: Pour les autres...
Le président: Votre temps est vraiment écoulé.
Monsieur Cotler.
[Traduction]
M. Irwin Cotler: Je n'ai qu'une brève question à poser. Je me demande comment le gouvernement fédéral pourrait s'y prendre pour apporter un amendement au sujet du droit de l'Assemblée législative provinciale de déterminer les caractéristiques de résidence et de droit de vote à un référendum provincial.
M. Marshall Miller: Ce n'est pas ce que nous recherchons, monsieur Cotler. Le projet de loi C-20 n'essaie pas de dicter au Québec la question qu'elle doit poser. D'après ce que je comprends, ce que le projet de loi C-20 dit c'est que le gouvernement du Canada et la Chambre des communes ne considéreront un résultat comme valide que si certaines conditions de clarté sont respectées relativement à la question et si le vote est majoritaire, et puisque la pratique dans le monde entier n'est pas de demander combien de temps vous avez vécu ailleurs ni de poser d'autres questions sur votre qualité de Québécois...
Je ne sais pas si vous vous en rappelez—vous n'étiez peut-être pas à la Chambre à l'époque, mais je suis sûr que vous en avez entendu parler—cette accusation de l'une des membres du Bloc québécois selon laquelle Céline Dion n'est plus assez Québécoise parce qu'elle vit si peu au Québec et qu'elle est si présente sur la scène internationale. Cela a soulevé un tollé de protestation.
Les Nations Unies ne posent pas de questions, pour déterminer qui est citoyen du Timor oriental, sur le temps passé ailleurs. C'est un droit acquis à la naissance. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut perdre. C'est un peu comme être Canadien, Américain, Britannique ou quoi que ce soit d'autre; le droit de naissance est reconnu. C'est cela, le facteur déterminant. Je suis né Québécois. Rien ne peut changer cela.
D'après le Bloc, cela dépend de la période que vous avez vécu hors du Québec, et cet argument reçoit un certain soutien. Je reconnais ce préjugé tout le temps, lorsque je parle à toutes sortes de gens, mais c'est un droit que j'ai acquis à la naissance et que je ne n'ai pas perdu. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit juste qu'on cherche à me l'enlever. J'ai donné un exemple d'autres personnes qui voient les choses comme moi, et je l'entends constamment des gens qui adhèrent à notre association. Ils ressentent la même chose. Leur entourage leur dit qu'ils ont quitté le Québec, donc qu'ils ne sont plus Québécois. Nous ne sommes pas de cet avis.
Je n'y peux rien s'il y a des Albertains ou des Britanno-Colombiens qui n'ont pas pour leur province l'attachement que nous ressentons pour la nôtre, mais c'est ainsi, et je pense qu'on nous doit bien d'en tenir compte. Il n'appartient pas à la Chambre ou à quiconque de dire quelle question ou quelle majorité est nécessaire, ni comment le Québec doit dresser sa liste électorale. Mais il revient à la Chambre—elle en a fait son affaire—de déterminer l'envergure de la consultation qu'elle peut juger appropriée.
Ce que nous disons c'est que si la norme, ailleurs, c'est le droit de naissance et qu'il n'y a pas ces questions connexes—le droit de naissance n'est pas remis en question ainsi—pourquoi est-ce que c'est valable pour les autres? Le gouvernement du Canada l'a même reconnu lorsque le Canada siégeait au Conseil de sécurité des Nations unies—et personne n'y a fait d'objection, je crois, ni même s'est abstenu ou quoi que ce soit de cette nature—alors pourquoi n'est-ce pas valable pour nous?
Le président: Monsieur Hill.
M. Grant Hill: Merci, monsieur le président, et merci à vous aussi, monsieur Miller.
Le fait que vous mettiez tellement l'accent sur le terme «population» est assez intéressant, parce qu'en fait, il me pose un problème. Il est très surprenant qu'on ait choisi d'utiliser le terme «population», et je ne suis toujours pas sûr de comprendre pourquoi. Ce n'est pas un terme spécifique.
Cet après-midi, nous avons entendu parler ici d'ambiguïté d'une façon qui, franchement, me laisse perplexe. Vous semblez dire que peut-être ce choix de terme est voulu à des fins précises, des fins d'ambiguïté. Pourriez-vous vous expliquer? Peut-être pourrez-vous m'aider à comprendre le sens de tout cela.
M. Marshall Miller: Je ne sais pas si je peux vous aider à comprendre un choix de terme auquel, après coup, on pourrait attribuer deux significations différentes. Pourquoi le faire?
• 1750
Oui, le mot «population» apparaît à plusieurs reprises, comme
vous pouvez le constater dans mon mémoire, qui était trop long pour
que je puisse le lire. Il m'a fallu préparer autre chose, parce que
je connais la rigueur avec laquelle le président applique la règle
des 10 minutes d'intervention. Je regrette que vous n'ayez pas eu
l'autre mémoire en main.
Le mot «population» peut avoir un sens ou l'autre, et c'est l'une des raisons pour lesquelles, à mon avis, nous devrions en revenir à la définition que lui donne la Cour suprême. Il est vrai que la Cour suprême elle-même a esquivé le problème.
Le président: Silence, je vous prie. Il y a un peu trop de bruit ici. Ceux qui ont des choses à se dire pourraient peut-être s'éloigner hors de portée des oreilles de tout le monde.
Je suis désolé, monsieur Miller.
M. Marshall Miller: Je vous remercie.
Dans la décision de la Cour suprême, à l'article où il est question du droit de sécession unilatérale dans une situation coloniale, le terme «population» revient souvent. Cependant, il me semble que si c'est la clarté que nous recherchons avec le projet de loi sur la clarté, il ne devrait pas y avoir de ces pièges secrets. C'est ce que je disais dans mon exposé oral, et puis j'ai compris que la question allait plus loin que cela; vous l'avez d'ailleurs relevé: qu'est-ce qui pourra servir de piège par la suite? Je pense que ce serait très dangereux d'en faire un piège plus tard. Je ne suis pas sûr que cela pourra vraiment prévenir la tenue d'un référendum. Je ne sais même pas ce qui pourra être déterminant à ce sujet. Mais plus les choses seront nettes en partant, plus les gens seront susceptibles de voter non pas stratégiquement, mais vraiment comme leurs convictions profondes le leur dicte.
M. Grant Hill: Si vous me permettez une petite digression, vous avez parlé d'être Québécois, né au Québec. Vous parlez aussi le français. Vous avez vécu hors du Québec pendant un certain temps. Le Projet de loi 99 du Québec mentionne à maintes reprises le peuple québécois. Pensez-vous pouvoir vous déclarer membre du peuple québécois d'après l'un ou l'autre de ces deux critères?
M. Marshall Miller: Pardonnez-moi mais de quels deux critères parlez-vous?
M. Grant Hill: Né au Québec et parlant le français.
M. Marshall Miller: Je ne sais pas s'il est vraiment nécessaire de parler le français pour être Québécois. Beaucoup de Québécois ne le parlent pas. Il est certain que j'ai grandi à une époque où c'était... Mes parents, par exemple, ne parlaient pas le français, en dépit de gros efforts pour l'apprendre, et pourtant ils se considéraient Québécois. De nos jours, cependant, si on veut vraiment profiter de ce que le Québec a à offrir et participer à l'activité économique et sociale, c'est un atout de parler le français. Mais je ne pense pas que ce soit un facteur déterminant. Je crois que ce qui fait un Québécois, c'est le temps passé au Québec ou le droit de naissance.
C'est un peu comme devenir Canadien. Aucune limite de temps n'est imposée à mon droit d'être Canadien si je choisis d'aller vivre un bout de temps aux États-Unis. J'ai toujours l'assurance de pouvoir revenir. Et je suis convaincu que s'il y avait un référendum dans tout le pays pour diviser le Canada et le dissoudre complètement, les Canadiens qui vivent partout dans le monde seraient invités à donner leur avis sur cette décision à cause de cette caractéristique unique qu'est le droit de naissance.
Une voix: Il vient de dire que tous les Canadiens devraient avoir voix au chapitre.
M. Marshall Miller: Je ne pense pas perdre ce droit de naissance en tirant parti de la mobilité, qui est garantie par la charte, ou que j'ai pris un risque quelconque en le faisant. Je ne pensais certainement pas, en quittant le Québec, que je remettais en question les droits qui me revenaient en tant que Québécois.
M. Grant Hill: D'accord, et vous dites que tous les Canadiens ont le droit de voter sur la sécession.
M. Marshall Miller: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je parle de tous les Canadiens nés au Québec. Ils restent Québécois jusqu'à la mort, tout comme quelqu'un qui est né au Canada reste Canadien jusqu'à la mort.
Je pense que l'une des erreurs de notre mode de pensée est un facteur avec lequel j'ai grandi et auquel j'ai beaucoup réfléchi. J'ai vécu à une époque où la question qui se posait était: vous êtes Québécois et vous êtes Canadien, mais qu'êtes-vous avant tout? Je pense que la Cour suprême nous a rappelé que cette question est erronée, et que nous sommes à la fois Québécois et Canadiens. Ce que je dis, c'est que c'est quelque chose qui reste, même si on décide d'aller vivre ailleurs, tout comme je reste Canadien même si j'allais vivre longtemps aux États-Unis. Nous ne perdons pas ce droit. C'est un droit de naissance.
Vous savez, c'est assez intéressant. Je suis quelqu'un d'ordinaire; je ne fais pas ce genre de geste. Cependant, la carte que je porte pour témoigner de mon identité est émise par le Québec, on n'y voit aucune mention du Canada. Alors un jour que je traversais la frontière vers les États-Unis avec ma femme, on nous a demandé des pièces d'identité. J'ai présenté un permis de conduire avec une photographie, et j'avais aussi mon certificat de naissance du Québec, qui n'indiquait que mon nom. L'agent des douanes l'a regardé et a dit: «Ah oui, vous êtes Québécois. Vous êtes donc aussi Canadien». Nous avons les deux nationalités, et c'est un fait reconnu. Ce n'est pas extraordinaire pour le reste du globe. Tout le monde comprend cela. Et pourtant, ici, ce ne semble pas être compris.
Le président: Monsieur Turp.
M. Daniel Turp: Merci, monsieur le président.
Je dois avouer ne pas être très convaincu par cet argument, monsieur Miller. Vous avez essayé d'interpréter la notion de population en y incluant des Québécois vivant à l'extérieur. Je ne crois pas que limiter, comme le fait la Loi électorale du Québec, qui accorde à certaines conditions le droit de vote à des non-résidents—comme vous le savez, il y a notamment une condition de temps, soit deux ans—, n'est pas quelque chose qui ne respecte pas le critère de la limite dans une société libre et démocratique. C'est une limite, de toute évidence, qui est raisonnable dans une société libre et démocratique parce que la plupart des lois qui concernent le vote de personnes ne résidant pas ou n'étant pas domiciliées sur le territoire où a lieu le vote ont été considérées comme conformes aux chartes des droits et libertés et aux droits politiques qui existent.
Alors de deux choses l'une: vous voulez voter au Québec dans un référendum tout en gardant votre droit de vote là où vous résidez ou êtes domicilié, ou vous voulez avoir deux droits de vote sur la même question. Comme l'a dit mon collègue Guimond, si on reconnaissait votre droit, vous pourriez voter non lors du référendum sur la souveraineté si vous n'étiez pas d'accord, et même si vous aviez perdu, vous pourriez voter non en Ontario au sujet d'un amendement constitutionnel visant à permettre l'accession du Québec à la souveraineté.
Il me semble que ce serait plus simple et plus raisonnable, si vous teniez à ce point à voter au Québec, si vous aimiez le Québec et si vous ne vouliez pas que le Québec se sépare du Canada, de revenir au Québec et d'y résider pendant six mois. À ce moment-là, la Loi électorale du Québec et la Loi référendaire vous permettraient de voter.
Est-ce que ce ne serait pas raisonnable?
M. Marshall Miller: Ce n'est vraiment pas une proposition pratique ou raisonnable. Elle peut paraître intéressante d'un point de vue intellectuel, mais elle n'est pas raisonnable en pratique. Il me semble qu'il n'est pas difficile que le Québec et l'Ontario se mettent d'accord pour s'assurer qu'un résidant de l'Ontario qui réclame le droit de vote dans un référendum portant sur la sécession, et aucune autre question, puisse voter avec les Québécois. Je crois qu'on peut contrôler cela.
Si le Québec en venait à un accord avec toutes les provinces voisines, on pourrait s'assurer qu'une personne a un droit de vote, et non pas deux comme vous l'indiquiez, lors d'un référendum sur la sécession de Québec.
M. Daniel Turp: Écoutez, il n'y a rien qui indique que vous n'auriez pas le droit de vote en Ontario, en Alberta ou en Colombie-Britannique si vous résidiez dans ces provinces.
Finalement, si, par hypothèse, l'Ontario voulait devenir un pays et utiliser les clauses de ce malheureux projet de loi C-20, vous auriez le droit de voter en Ontario pour décider si l'Ontario peut devenir un pays, mais selon votre thèse, vous auriez aussi le droit de voter au Québec pour que le Québec devienne un pays. C'est aussi simple que ça. Le critère du droit de vote est un critère de résidence ou de domicile. Il est tout à fait raisonnable, dans une société libre et démocratique, de limiter le droit de vote en créant un critère de résidence et de domicile.
Pourquoi alors la Cour suprême n'a-t-elle pas, lors de son jugement dans la cause Haig, à laquelle j'ai fait allusion, ou de son opinion au sujet de la sécession du Québec, utilisé ces mots ou parlé de ces droits?
• 1800
La Cour suprême veut nous indiquer que dans le cas d'une sécession,
la règle existante de résidence n'est pas suffisante. Elle parle
partout du peuple québécois. La seule décision qu'on doit rendre,
c'est de définir qui est le peuple québécois.
M. Daniel Turp: Écoutez, vous lisez des choses dans l'avis de la cour que je ne lis pas et que très peu de personnes ont lues. Vous avez une imagination très créatrice.
M. Marshall Miller: Est-ce une question?
M. Daniel Turp: Non, c'est un commentaire. Merci.
Le président: Avez-vous terminé? Oui.
[Traduction]
M. Bill Blaikie: Je trouve ce débat assez intéressant, monsieur le président. Ce qui me frappe, c'est que M. Miller présente un argument qui pourrait autrement sembler acceptable à mes collègues du Bloc. Ce qu'il dit, dans le fond, c'est qu'être Québécois c'est comme être Canadien. Autrement dit, il fait une analogie entre le Québec et le Canada, le Canada étant un pays et le Québec étant un pays aussi, en quelque sorte. Il dit que le fait d'être Québécois lui acquiert un droit de naissance. J'aurais pensé que mes collègues du Bloc sauraient apprécier cet argument, parce qu'ils voient le Québec comme une nation et voudraient en faire une nation indépendante.
Le témoin soutient qu'il y a une certaine analogie entre le Canada et le Québec. Je ne suis pas sûr d'accepter l'argument de M. Miller selon lequel le fait d'être né au Québec donne un droit acquis, mais j'aurais pensé que ceux qui veulent la séparation du Québec accueilleraient mieux cet argument que ne le font mes collègues du Bloc. Je pense seulement que c'est un peu...
M. Daniel Turp: Nous parlons du droit de vote. C'est autre chose.
M. Bill Blaikie: Eh bien, ce n'est pas le droit de vote...
M. Daniel Turp: C'est autre chose.
M. Bill Blaikie: Vous faites donc une distinction entre la citoyenneté et le vote.
M. Daniel Turp: Oui, c'est exact. La citoyenneté exige généralement que vous répondiez aux critères de résidence pour avoir le droit de voter. Il est relativement bien reconnu que ce n'est pas que la citoyenneté qui vous donne le droit de voter; il y a aussi un critère de résidence. Les citoyens canadiens ne peuvent pas tous voter aux élections fédérales, parce qu'ils doivent respecter le critère de résidence. C'est la même chose pour
[Français]
un citoyen du Québec.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): On ne tient compte que du critère de citoyenneté. Des citoyens canadiens qui résident dans certains pays européens exercent leur droit de vote lors des élections.
Le président: À l'ordre. À l'ordre.
[Traduction]
M. Marshall Miller: Personne n'a encore éteint mon micro.
Le président: Nous ne sommes pas ici pour avoir un débat, mais pour entendre un témoin.
Comme il n'y a plus de questions, je tiens à vous remercier, monsieur Marshall, de votre témoignage. Nous apprécions beaucoup votre venue aujourd'hui et nous vous remercions de votre participation aux travaux du comité. Merci beaucoup.
[Français]
M. Daniel Turp: Si je me rappelle bien...
M. Michel Guimond: Monsieur le président...
Le président: Oui, un instant.
M. Reg Alcock: J'invoque le Règlement.
Le président: Oui, monsieur Alcock.
[Traduction]
M. Reg Alcock: Merci, monsieur le président.
Est-ce que M. Guimond a l'intention de conclure ses observations ce soir avant que comparaisse la prochaine série de témoins, pour que nous puissions voter sur la motion qui nous est présentée?
[Français]
M. Michel Guimond: Non.
M. Reg Alcock: Non? Oh, thank you.
Le président: Monsieur Guimond, vous avez la parole.
M. Michel Guimond: Monsieur le président, j'ai le plaisir de prendre la parole—je vais dire comme ma mère—encore une sainte fois. Depuis lundi à 14 h 30, je prends la parole pour débattre d'une motion qui a été déposée justement par mon collègue le secrétaire parlementaire du ministre Stéphane Dion.
M. Reg Alcock: Et le président du Conseil privé.
M. Michel Guimond: Qu'il soit le président du Conseil privé, cela ne me préoccupe pas.
Monsieur le président, je pense qu'il serait pertinent de relire la motion dont nous débattons:
-
Que le comité peut, si nécessaire, afin d'accommoder
encore plus la liste des témoins, continuer à écouter
des témoins jusqu'à 17 h 30 jeudi, le 24 février 2000,
à condition que le président mette aux voix toutes
questions nécessaires pour disposer du projet de loi C-20
au plus tard le jeudi, 24 février 2000 à minuit.
• 1805
Monsieur le président, en clair, une motion comme
celle-là, dans un régime parlementaire britannique comme le
nôtre, c'est une motion de bâillon. Elle vise à
bâillonner les membres de ce comité et à bâillonner les
personnes qui voudraient venir se faire entendre devant
nous, les citoyens et les citoyennes de partout du Canada
et du Québec qui auraient des choses à dire sur ce
projet de loi antidémocratique, à savoir le projet de
loi C-20. C'est pour cette raison que nous ne
pouvons y concourir, monsieur le président.
Et là, j'ajoute un élément nouveau dans son discours, monsieur le président. J'en étais rendu à vous parler de ce que M. Claude Ryan pensait du renvoi de la Cour suprême, mais je vais vous faire part au préalable d'une autre pierre qui s'ajoute à la pyramide qu'on érige pour nous bâillonner.
Tout à l'heure, monsieur le président, à savoir le 23 février 2000 à 17 h 31, le gouvernement a déposé cette motion en Chambre, et je crois qu'il vaut la peine de la lire.
Monsieur le président, si le sbire du ministre ne réussit pas à convaincre le secrétaire parlementaire de m'interrompre ou d'invoquer le quorum—ils m'ont invoqué le quorum trois fois, monsieur le président—, est-ce que cela veut dire que les libéraux ont peur que je débatte de cette motion? Pourquoi m'invoquent-ils le quorum?
M. Daniel Turp: Ils ont peur.
M. Michel Guimond: Si on n'avait pas peur d'entendre ce que j'ai à dire, si les membres de ce comité étaient aussi assidus et aussi à l'écoute que mon nouveau collègue de cette Chambre M. Cotler qui, lui, respecte le droit de parole et respecte la démocratie parlementaire... Je crois qu'il est un parlementaire qui fera sa marque au sein du Parlement canadien. Bien entendu, il va bientôt se retrouver dans l'opposition et il aura à vivre avec l'opposition. On lui tend la main et on l'invite à s'en venir avec nous, au Bloc québécois.
M. Daniel Turp: Irwin, on a besoin d'un député.
M. Michel Guimond: J'ai le plaisir de vous lire la motion qui a été déposée tout à l'heure en Chambre, monsieur le président:
-
...il a été impossible d'en arriver à un
accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) ou
78(2) du Règlement relativement aux délibérations, à
l'étape du comité, du projet de loi C-20, Loi donnant
effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour
suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la
sécession du Québec.
-
En vertu des dispositions du paragraphe 78(3) du
Règlement, je donne avis qu'un ministre de la Couronne
proposera, à la prochaine séance de la Chambre, une
motion attribuant un nombre spécifié de jours ou
d'heures aux délibérations à cette étape et aux
décisions requises pour disposer de cette étape.
Fin de la lecture de la motion qui a été déposée en Chambre.
M. Daniel Turp: Il n'y a pas eu accord.
M. Michel Guimond: Monsieur le président, pourquoi n'y a-t-il pas eu d'accord? Est-ce qu'on va m'invoquer le quorum encore une fois, monsieur le président? C'est la preuve que les libéraux ont peur.
[Traduction]
Le président: Monsieur Alcock.
M. Reg Alcock: Monsieur le président, je regrette de devoir faire ce genre de rappel au Règlement, mais il me semble qu'il arrive souvent que M. Guimond ait de la difficulté à maintenir l'ordre dans son auditoire. Je ne suis pas sûr qu'il y a le quorum ici.
[Français]
M. Daniel Turp: Les libéraux ne veulent pas l'entendre. Il a des choses trop importantes à dire.
M. Michel Guimond: Rappelons que le quorum exige la présence de huit députés libéraux, mais qu'il n'y en a que deux qui sont à leur siège. Rappelons pourquoi on perd le quorum.
Le président: Je regrette, mais en l'absence de quorum, je dois suspendre la séance jusqu'à 19 h 30.
La séance est levée.