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CLAR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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LEGISLATIVE COMMITTEE ON BILL C-20, AN ACT TO GIVE EFFECT TO THE REQUIREMENT FOR CLARITY AS SET OUT IN THE OPINION OF THE SUPREME COURT OF CANADA IN THE QUEBEC SECESSION REFERENCE

COMITÉ LÉGISLATIF CHARGÉ D'ÉTUDIER LE PROJET DE LOI C-20, LOI DONNANT EFFET À L'EXIGENCE DE CLARTÉ FORMULÉE PAR LA COUR SUPRÊME DU CANADA DANS SON AVIS SUR LE RENVOI SUR LA SÉCESSION DU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 23 février 2000

• 1935

[Français]

Le président (M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît. Il y a quorum aux fins de l'audition de témoins.

[Traduction]

Nos premiers témoins ce soir sont du Parti Égalité, représenté par Keith Henderson.

Monsieur Henderson, merci infiniment d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir. Vous êtes accompagné de Stephen Scott. Bienvenue au comité et merci de votre participation et de votre concours.

Selon le règlement, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Quand vos 10 minutes seront écoulées, nous aurons 35 minutes pour les questions des membres.

[Français]

Vous avez la parole.

M. Keith Henderson (chef, Parti Égalité): Merci beaucoup.

[Traduction]

Permettez-nous tout d'abord de vous remercier de votre invitation. Nous vous en sommes très reconnaissants.

D'entrée de jeu, je voudrais féliciter le gouvernement et les partis d'opposition qui appuient la loi de clarification. Voilà une mesure que revendique le Parti Égalité depuis fort longtemps. Cette mesure législative se fait attendre depuis un bon moment, en ce qui nous concerne. Nous sommes donc très heureux que le gouvernement ait pris l'initiative de déposer et de débattre ce projet de loi à la Chambre.

Cela dit, nous avons des préoccupations dans cinq domaines différents. Je voudrais vous en parler brièvement, et nous espérons ensuite être en mesure de répondre à vos questions.

Notre première préoccupation concerne la majorité requise. En quoi consiste une majorité claire? Pour nous, le projet de loi ne précise pas en quoi elle devrait consister, et c'est un défaut à notre avis.

De plus, nous estimons qu'un projet aussi fondamental consistant à entamer des négociations sur le démembrement d'un pays devrait reposer sur un large consensus. À notre avis, un consensus correspond normalement à une majorité des deux tiers. Nous expliquons tout cela en détail dans notre mémoire, mais vous devez déjà savoir qu'en vertu de certaines lois, même au Québec, si vous voulez dissoudre une association—un club de golf, par exemple—il faut l'aval des deux tiers des membres. Nous voulons nous assurer que les deux tiers des habitants de toute province qui envisage la sécession aient vraiment envie de quitter la fédération avant que ne soient déclenchées des négociations sur une question aussi fondamentale.

À notre avis, il faut définir cette majorité. Sinon, nous voilà toujours confrontés au problème de savoir en quoi elle consiste. Est-ce une majorité de 52 p. 100? De 55 p. 100? Voilà quelque chose qui nous préoccupe au plus haut point au Québec. Après tout, nous voulons savoir à partir de quel moment le gouvernement fédéral commencera à négocier l'abandon de nos droits. Par conséquent, il faut préciser un pourcentage.

Notre deuxième point concerne la question référendaire. Nous croyons comprendre que la position du gouvernement fédéral à cet égard consiste à laisser à la province le soin de rédiger sa propre question; autrement dit, que les provinces sont autonomes sur ce plan-là.

Mais à notre avis, lorsqu'il s'agit d'une question aussi sérieuse que le démembrement d'un pays, le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire sur la question qu'on pose. Pourquoi? Parce que si vous n'avez pas votre mot à dire, vous risquez le démembrement du pays.

Il est possible que des dirigeants provinciaux fédéralistes trouvent la question acceptable, alors que le gouvernement fédéral estime qu'elle n'est pas claire. Mais qu'est-ce que ça donne? Eh bien, ça pourrait amener le gouvernement fédéral à boycotter tout le processus référendaire. Ça ne s'est jamais produit jusqu'à présent, mais c'est possible.

Imaginez la confusion que cela pourrait entraîner dans la province du Québec ou n'importe quelle autre province si le gouvernement fédéral décidait de boycotter le processus référendaire. Cela voudrait dire... C'est inévitable. Il ne pourrait participer à un référendum s'il n'acceptait pas la question.

Et que feraient les citoyens? Comment voteraient-ils? Est-il possible qu'ils boycottent, eux aussi? Et quel en serait le résultat, dans ces conditions-là? À notre avis, il est indispensable que tout le monde accepte la question.

Troisièmement la loi de clarification conduit à un Canada divisible. D'ailleurs, que je sache, c'est l'une des rares démocraties à avoir officiellement déclaré qu'elle est divisible et à avoir même prévu les modalités de son démembrement. Voilà une question que nous n'avons jamais débattue, nous les citoyens du Canada—jamais. Le gouvernement fédéral n'a pas de mandat des électeurs pour déclarer que le Canada est divisible. Aucune autre démocratie occidentale avancée ne permet une telle chose, et nous défendons le droit des Canadiens de débattre la question.

Je voudrais soulever une autre question qui me semble importante. Rappelez-vous que cette mesure législative ne visera pas uniquement le Québec; elle s'appliquerait dans n'importe quelle province. Je sais que certains députés de la Chambre des communes sont convaincus qu'on ne voudrait jamais empêcher une province canadienne de quitter la fédération, si elle n'était plus d'accord pour y adhérer.

Permettez-moi de prendre l'exemple du Manitoba, parce qu'il faut bien que je choisisse un exemple. Imaginez que les Manitobains décident de quitter la fédération canadienne pour faire partie des États-Unis. Ils tiennent un référendum. Tout est clair. Une majorité importante vote en faveur.

• 1940

Selon les arguments qu'on avance, ils—c'est-à-dire les 1,5 million de Manitobains—auraient le droit de scinder le Canada en deux. Désormais les Manitobains auraient justement le droit de faire ça, et les Canadiens ne pourraient pas dire non.

En ce qui nous concerne, toutefois, les Canadiens peuvent dire non et devraient dire non. Les autres 28,5 millions d'habitants du pays devraient être en mesure de dire non à ce genre de projet.

Donc, la divisibilité de la fédération canadienne est une question dont il faut absolument discuter.

Notre quatrième point concerne la question du territoire de toute province concernée, et notamment du Québec. En tant que loyaux Canadiens, nous voulons que le gouvernement fédéral nous donne l'assurance qu'il n'acceptera jamais, dans le cas de négociations, que les Canadiens perdent leurs droits, et que nous aurons donc toujours le droit, là où il existe une majorité concrète dans la province du Québec, de continuer de faire partie du Canada. Certaines municipalités ont déjà affirmé leur désir de le faire. Elles voudraient rester canadiennes même si une majorité vote en faveur de la sécession.

Nous voulons que la loi de clarification affirme que nous aurons ce droit-là et que les négociateurs du gouvernement fédéral nous garantiront toujours ce droit. Nous aimerions que ceci soit explicité dans le projet de loi C-20. Pour nous, c'est fondamental.

Et enfin le dernier point, mais non le moindre, concerne le respect du principe de la primauté du droit. Nous savons tous que le gouvernement actuellement au pouvoir au Québec est un gouvernement séparatiste. Lucien Bouchard et le ministre des Affaires intergouvernementales ont déjà déclaré que dans l'éventualité d'un vote affirmatif, ils vont déclarer unilatéralement l'indépendance du Québec. Voilà ce qu'ils ont dit. Jacques Parizeau a déclaré en 1995 que 10 jours après un vote positif, il déclarerait unilatéralement l'indépendance du Québec. Voilà ce qu'il a dit. Ce n'est aucunement hypothétique. Au contraire, c'est une possibilité réelle.

Nous voulons que le gouvernement fédéral indique ce qu'il ferait face à une déclaration unilatérale d'indépendance. Comment ferait-il pour faire respecter la primauté du droit et notre Constitution si cela devait se produire?

Nous avons maintenant l'occasion rêvée de préciser tous ces éléments. Nous savons fort bien que la loi de clarification émane de la menace d'une déclaration unilatérale d'indépendance. C'est d'ailleurs pour cette raison que toute la question a été renvoyée devant la Cour suprême. Donc, nous ne parlons plus de situation hypothétique, mais de situation réelle.

L'administration de la justice relève du gouvernement du Québec. Dans l'éventualité d'une déclaration unilatérale d'indépendance, comment pourrions-nous avoir la garantie que la justice sera correctement administrée dans la province du Québec ou dans toute autre province, dès lors qu'on est en présence d'une tentative illégale de sécession? Voilà ce qui a provoqué ce débat, et ce serait une grave erreur que d'esquiver la question, plutôt que de l'aborder directement.

Nous avons un certain nombre d'amendements à proposer, que Stephen va vous expliquer très rapidement. Je lui cède donc la parole.

M. Stephen Scott (président, Comité spécial pour l'unité canadienne, Parti Égalité): Monsieur le président, pourrais-je demander au greffier de faire circuler ce document?

Le président: Est-il disponible dans les deux langues officielles, monsieur Scott?

M. Stephen Scott: Non, ce sont des propositions, mais je n'ai pas eu le temps...

Le président: Dans ce cas, vous devrez les faire distribuer vous-même, malheureusement.

M. Stephen Scott: Très bien.

Le président: Notre règlement empêche le greffier de faire circuler un document qui n'est pas disponible dans les deux langues officielles. Mais si vous décidez de le faire vous-même, à ce moment-là, cela ne relève plus de notre responsabilité.

Avez-vous quelque chose à nous dire au sujet de ces propositions, monsieur Scott?

M. Stephen Scott: Oui. Les questions les plus fondamentales sont analysées dans notre mémoire, mais je pensais qu'il serait possible, en y ajoutant un certain nombre d'éléments d'obtenir un projet de loi plus musclé, sans nécessairement y apporter des modifications importantes.

D'abord, en ce qui concerne le paragraphe 1(2), je voudrais proposer un amendement mineur qui aurait pour effet de permettre à la Chambre de proroger le délai de 30 jours prévu pour l'examen d'une question référendaire. Autrement, on encourage l'obstruction systématique et le recours à la clôture. Ainsi la Chambre pourrait de temps en temps proroger le délai de 30 jours.

L'origine de notre deuxième proposition est le fait qu'au dernier référendum, l'équité du processus référendaire est l'un des éléments qui a posé le plus problème. Les députés auront certainement vu les reportages faits dernièrement au sujet de la décision de la Cour d'appel du Québec, qui critiquait assez sévèrement les abus commis relativement au dénombrement des voix, sans pour autant inscrire une déclaration de culpabilité.

Au paragraphe 2(2), nous proposons par conséquent que parmi les éléments que devra prendre en considération la Chambre des communes en examinant le processus référendaire soient inclus l'équité et la régularité de tous les aspects de ce dernier.

• 1945

Nous proposons tout particulièrement d'ajouter les mots «sans limiter la portée générale de ce qui précède», par rapport à l'admissibilité et le recensement des électeurs, et toutes les autres questions pertinentes. Mais si l'on se contentait de parler de «l'équité et la régularité de tous les aspects du processus référendaire», ce serait déjà une grande amélioration.

En ce qui concerne le paragraphe 3(2)—c'est-à-dire, la disposition prévoyant que les ministres de la Couronne ne pourront proposer de modifications constitutionnelles à moins que le gouvernement n'ait traité de certaines conditions dans le cadre de négociations—nous proposons de supprimer le mot «toute» qui précède immédiatement les mots «modification des frontières de la province» pour que ce soit bien clair qu'on en tiendra compte.

Ensuite, nous ajouterions immédiatement après, entre parenthèses, les mots qui suivent:

    (soit le retrait de portions de son territoire qui ne faisaient pas partie de la province au moment de son adhésion à la fédération canadienne, ou le retrait d'une portion aussi importante que juge nécessaire la Chambre des communes pour garantir que le Canada dans son ensemble ou une partie quelconque de la population de la province concernée bénéficie d'un traitement équitable).

Autrement dit, le texte du paragraphe 3(2), soit la disposition faisant allusion au territoire, serait rédigé en termes plus énergiques.

Voilà les amendements que je propose, monsieur le président.

Est-ce que tous les membres du comité ont reçu une copie du document?

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Selon la règle, il fallait qu'ils soient dans les deux langues. Alors, on ne peut les distribuer.

M. Stephen Scott: Je comprends, mais il y a un paquet qui a été pris par le greffier et...

M. Daniel Turp: Monsieur le président, il n'a pas le droit de faire cela. Il donne les documents aux témoins alors qu'ils ne sont pas dans les deux langues.

Le président: Je ne peux pas contrôler les témoins, monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Non, mais vous permettez de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, monsieur le président.

M. Stephen Scott: Est-ce que tous les documents qui ont été présentés,... Par exemple, le texte de mon collègue était-il dans les deux langues? Si vous acceptez des mémoires...

M. Daniel Turp: Celui-là, oui. Vous l'avez fait en français. Nous l'avons donc. Mais les autres documents doivent aussi être en français.

Le président: Monsieur Turp, vous avez raison, mais dans ce cas-ci, ce n'est pas le comité qui distribue les documents. Si quelqu'un vient ici et donne un document à quelqu'un, je ne peux pas contrôler cela.

Je sais bien que, pendant les séances, il y a eu des documents qui n'ont pas été distribués par le greffier du comité parce qu'ils n'étaient pas dans les deux langues. Quelqu'un les a mis sur la table avant le début de la séance et les autres ont été distribués aux membres de la presse. Les autres qui sont ici ne sont pas disponibles dans les deux langues. Comme président, je ne peux pas contrôler cela. C'est la situation et je la regrette.

Nous avons adopté une règle voulant que le président et le greffier ne distribuent pas les documents qui ne sont pas disponibles dans les deux langues. Mais si une autre personne dans cette salle le fait, je n'y peux rien. Je ne suis pas obligé de contrôler tout ce qui se passe partout. Je suis seulement président d'un petit comité et je continuerai à remplir mes devoirs tels quels.

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Une motion a été adoptée. Vous êtes le gardien du respect de cette motion. Quand vous constatez qu'un témoin veut distribuer un document qui ne devrait pas l'être parce qu'il n'est pas dans les deux langues, je crois que vous devriez indiquer au témoin que cela ne devrait pas être fait. Je crois que c'est votre devoir le plus élémentaire que de vous assurer que la motion soit respectée.

Le président: Je l'ai déjà indiqué, monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Pouvez-vous l'indiquer au témoin?

Le président: Oui. Je peux dire au témoin que nous avons adopté une motion voulant qu'on ne distribue pas de documents à moins qu'ils soient disponibles dans les deux langues.

M. Stephen Scott: Monsieur le président, cela fait partie de mon témoignage. Je parle maintenant en français. Je témoigne en français. Je crois qu'il est bien permis de témoigner en français, comme de témoigner en anglais. Alors, cela fait partie de mon témoignage, ni plus, ni moins.

• 1950

M. Daniel Turp: Monsieur le président, par respect pour les membres francophones du comité, je dirai à M. Scott, qu'il aurait peut-être pu préparer une version française de ses amendements.

M. Stephen Scott: Hier soir, après que j'ai appris que je viendrais ici...

M. Daniel Turp: Oui, mais...

M. Stephen Scott: Je suis très prêt à traduire à l'intention du député qui aimerait...

Le président: La meilleure chose...

Des voix: Oh, oh!

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

La meilleure chose à faire en ce moment, c'est de commencer les questions. Cela mettra fin à ce problème.

Monsieur Hill.

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant le comité ce soir pour nous présenter votre point de vue.

Je viens de recevoir une nouvelle un peu surprenante. On m'invite au Québec pour faire un exposé devant l'Assemblée nationale du Québec au sujet du projet de loi 99, et je crois savoir que votre organisme aurait voulu comparaître pour présenter sa position sur ce projet de loi mais qu'on a refusé votre demande. Êtes-vous en mesure de confirmer cette information? Est-ce vrai?

M. Keith Henderson: Notre demande n'a pas été rejetée; on nous a simplement dit que nous serions entendus une autre fois. Je trouve intéressant néanmoins que les Marxistes-Léninistes aient eu l'occasion de témoigner au sujet du projet de loi 99, mais que le Parti Égalité, qui s'oppose évidemment à cette mesure législative, n'a pas pu le faire. C'est intéressant.

Un certain nombre de particuliers ont été invités à comparaître, mais le Parti Égalité, qui détenait quatre sièges à l'Assemblée nationale pendant les années 90, a été complètement ignoré. Je trouve ça très intéressant.

M. Grant Hill: Si je peux me permettre d'ouvrir une parenthèse, toutes les provinces ont été invitées à assister à ces réunions, puisqu'on estimait que c'était nécessaire, vu l'importance de la question. Mais pour diverses raisons, les représentants de seulement une province vont comparaître devant le comité, et ce à la demande de l'opposition officielle. C'est un peu paradoxal.

Vous avez exprimé des préoccupations au sujet d'une déclaration unilatérale d'indépendance, et ce qui pourrait être fait par le gouvernement du Québec. L'avis de la Cour suprême sur le renvoi a fait directement allusion à la question d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Il est donc clair qu'une telle déclaration serait illégale aux termes de l'actuelle législation canadienne sauf si certaines conditions sont réunies.

J'aimerais bien avoir votre réaction. L'avis de la Cour suprême sur le renvoi a clairement indiqué qu'une déclaration unilatérale d'indépendance n'est pas acceptable au Canada.

M. Keith Henderson: Je ne suis pas au courant de conditions en vertu desquelles ce genre de déclaration serait acceptable. Un tel geste serait illégal. La sécession doit se faire conformément à la Constitution canadienne. Par conséquent, il faut modifier la Constitution canadienne; c'est aussi simple que ça. Voilà ce qu'a affirmé la Cour suprême.

Il est possible que le gouvernement du Québec décide d'aller de l'avant illégalement en vue d'obtenir la reconnaissance de la communauté internationale. C'est tout à fait possible, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes si inquiets, car le gouvernement du Québec a déjà affirmé qu'il le fera tout comme M. Parizeau l'a affirmé.

Dans ce contexte, qu'arrive-t-il à notre Constitution si le gouvernement du Québec commet une illégalité? Le gouvernement fédéral intervient-il pour nous garantir que la Constitution sera respectée? Et dans l'affirmative, que fera-t-il au juste?

Rappelez-vous que l'administration de la justice relève de la province. Si cette dernière commet une illégalité, comment doit réagir le gouvernement fédéral?

Ce sont des questions qui inquiètent au plus haut point les gens qui habitent au Québec, et je me demande en quoi ce projet de loi répond à de telles préoccupations.

M. Grant Hill: Corrigez-moi si je me trompe, mais la condition à laquelle je faisais allusion tout à l'heure serait que le gouvernement fédéral ne négocie pas de bonne foi. Voilà la distinction. C'est en tout cas ce qu'a affirmé la Cour suprême

M. Stephen Scott: Non, c'est faux. La Cour suprême a simplement dit que d'autres États pourraient décider, à supposer que le processus n'ait pas été juste, de reconnaître l'existence d'un Québec révolutionnaire, mais la sécession ne deviendrait pas légale pour autant. La sécession ne peut être légale aux termes de la législation canadienne en l'absence d'une modification constitutionnelle, un point c'est tout.

De plus, il n'existe pas de droit de sécession en vertu du droit international; par contre, les régimes révolutionnaires peuvent obtenir la reconnaissance, et dans certaines conditions, des États étrangers seraient peut-être disposés à reconnaître formellement un régime révolutionnaire. Mais il n'y a pas de droit de sécession pour le Québec aux termes de la Constitution canadienne, à moins qu'on y apporte une modification, un point c'est tout.

M. Grant Hill: Très bien.

Vous avez commencé par nous dire que vous favorisiez le principe général de ce projet de loi, mais vous avez parlé ensuite d'un certain nombre de questions qui ne sont pas abordées dans les amendements—du moins pas toutes. Je conçois difficilement que ce projet de loi survive si on y apporte toutes les modifications que vous proposez pour répondre à vos préoccupations.

• 1955

M. Keith Henderson: Écoutez, ce que je peux vous dire, c'est que nous serions d'accord pour que le gouvernement aille encore plus loin. Nous sommes satisfaits de ce que propose le gouvernement. En ce qui nous concerne, c'est une mesure législative qui se fait attendre depuis longtemps. C'est une excellente initiative. Donc, nous sommes contents. En même temps, nous aimerions que le projet de loi aille encore plus loin pour répondre aux préoccupations que nous avons soulevées.

Les amendements que nous avons rédigés sont de portée assez limitée car même si nos préoccupations sont d'ordre général, nous ne souhaitons pas tout chambouler. Par contre, nos préoccupations sont à notre sens légitimes. Dans le meilleur des mondes, toute une série d'amendements serait proposée pour y répondre. Mais nous avons décidé de nous limiter à l'essentiel et d'adopter par conséquent une approche plus prudente au niveau des amendements.

Mais pour ce qui est de nos idées et de nos préoccupations précises relativement au projet de loi, notre mémoire soulève à mon sens un certain nombre de questions très légitimes que le gouvernement et, nous l'espérons, l'opposition, voudront prendre en considération pendant le débat.

Le président suppléant (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Merci.

[Français]

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: À bien y penser, monsieur le président, je n'ai pas de questions.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Monsieur Blaikie, voulez-vous intervenir?

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous avez vécu deux référendums au Québec. À votre avis, les questions référendaires étaient-elles claires? Et sinon, quel a été l'effet de ce manque de clarté sur le résultat?

M. Keith Henderson: À mon avis, les questions référendaires n'étaient pas claires. D'abord, elles étaient très longues, puisqu'elles comptaient plus de 100 mots dans certains cas, et elles étaient assorties de toutes sortes de conditions. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à être de cet avis. Bon nombre de fédéralistes, et même séparatistes, ont laissé entendre qu'elles n'étaient pas particulièrement claires.

Quant à l'incidence de ce manque de clarté, je suis convaincu qu'un bon nombre de personnes qui ont voté oui lors de ces deux référendums croyaient que le Québec continuerait de faire partie du Canada et d'envoyer des députés à Ottawa, même s'ils avaient voté oui. Là je parle de pourcentages. Plus d'un quart des électeurs qui ont voté oui—c'est donc un nombre considérable—comprenaient mal l'incidence de leur propre décision.

Voilà donc une bonne indication de la confusion que peut entraîner une question qui n'est pas claire.

Je répète qu'à notre avis, le gouvernement fédéral devrait participer à la formulation de la question. Il a certainement un rôle à jouer, justement pour éviter la situation que j'ai décrite, où le gouvernement fédéral se sentirait obligé de boycotter un référendum avec lequel il n'est pas d'accord, étant donné que la question n'est pas claire alors que l'opposition fédéraliste au Québec estime qu'elle est claire.

Voilà le meilleur moyen de s'attirer de gros ennuis. Quel message communiquera-t-on ainsi aux électeurs de notre province? Doivent-ils boycotter ou voter? Est-il préférable qu'ils participent au référendum ou qu'ils s'en abstiennent? Nous aurons certainement de gros ennuis si nous permettons une telle chose.

Par conséquent, j'encourage vivement le gouvernement fédéral à trouver le moyen d'avoir voix au chapitre.

M. Stephen Scott: Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose.

Si vous regardez le compte rendu des débats législatifs, vous constaterez quelque chose d'assez surprenant. Lors du dernier référendum, l'opposition libérale a essayé d'incorporer dans la question le mot pays, pour que la question se lise «Voulez-vous un pays souverain?»

Mais le gouvernement a rejeté cette demande. Il a refusé qu'on incorpore le mot «pays» dans la question. Pourquoi? Parce que la question aurait été trop claire. Y a-t-il quelque chose d'aussi élémentaire que d'employer le mot «pays» pour que les électeurs comprennent clairement qu'ils votent sur la possibilité ou non de créer un nouveau pays?

Si vous voulez un parfait exemple d'obscurcissement délibéré, le voilà; vous pourriez difficilement trouver mieux.

Mme Karen Redman: Vous avez soulevé la question d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Mais il s'agirait finalement d'une simple déclaration qui n'aurait pas de portée juridique, si bien qu'on n'y donnerait pas suite. Voilà l'une des raisons pour lesquelles la loi de clarification cherche à garantir la clarté de la question, même sur le plan qualitatif... c'est-à- dire les nuances du libellé de la question et quelle majorité l'emporterait, que ce soit un vote pour ou contre sur une question claire.

Vous avez également dit que les Québécois ont le droit de rester Canadiens, et ce par rapport à la possibilité de partage du territoire. Mais ne pensez-vous pas que c'est justement ça qu'affirme le projet de loi, à savoir que les Québécois ont le droit de rester Canadiens tant qu'ils n'auront pas clairement exprimé leur volonté de ne plus appartenir au Canada?

M. Keith Henderson: Vous avez soulevé deux points. Permettez- moi tout d'abord de réagir à vos propos au sujet de la déclaration unilatérale d'indépendance.

• 2000

Il est vrai que la Cour suprême a déclaré qu'une déclaration unilatérale d'indépendance serait illégale. À supposer que gouvernement du Québec fasse une telle déclaration, ce document n'aurait aucune portée juridique. Mais rappelez-vous qu'un gouvernement qui opte pour une telle ligne de conduite pourrait essayer de lui donner force de loi. C'est possible. Il pourrait déterminer qu'il a une raison légitime de le faire, en l'occurrence, le fait qu'il a emporté le référendum. Même s'il y a le risque que d'autres y réagissent très mal, le gouvernement estimerait qu'il a emporté le référendum et qu'il a donc le droit de mettre à effet sa déclaration unilatérale d'indépendance.

De plus, aux termes de la Constitution canadienne, l'administration de la justice relève du gouvernement provincial. Ce dernier a une force policière et un système judiciaire. Il n'est certainement pas inconcevable qu'un gouvernement séparatiste—quelqu'un comme Parizeau, par exemple—décide, ayant emporté le référendum, de déclarer unilatéralement l'indépendance et de mettre à effet cette déclaration. Cela voudrait dire qu'aux termes des lois québécoises, vous seriez tenus de payer tous vos impôts au gouvernement du Québec. Et si vous refusiez de le faire, ce serait une infraction aux termes de la loi québécoise pour laquelle vous seriez peut-être passible de sanctions.

Voilà pour l'administration de la justice. Nous ne demandons pas au gouvernement fédéral de nous rassurer en nous disant que le courrier continuera d'être livré et que tout marchera comme sur des roulettes. Nous voulons savoir exactement ce qui va se produire dans cette éventualité-là. Nous parlons après tout d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Ce n'est pas un jeu de Monopoly. C'est sérieux, et les gens vont poser des gestes sérieux en fonction de cette décision. Nous avons justement des inquiétudes à cet égard.

Que ferez-vous pour nous protéger contre cette possibilité? Pour moi, c'est une question tout à fait légitime. Je sais que le ministre a affirmé que le gouvernement fédéral continuera à fonctionner comme si de rien n'était, mais ce n'est pas suffisant, pour les raisons que je viens d'évoquer. Si le gouvernement provincial a recours à la police pour faire respecter des lois illégales, qu'est-ce qu'on est censé faire? Qu'arrive-t-il à ce moment-là?

Mesdames et messieurs, voilà précisément la situation à laquelle nous pourrions être confrontés dans l'éventualité d'une déclaration unilatérale d'indépendance.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup, madame Redman.

Je donne la parole à M. Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Henderson, monsieur Scott, j'ai écouté vos propos avec grande attention et de façon très assidue. Je suis persuadé que vous avez remarqué comme moi que, sur les huit députés libéraux membres du comité, il y en a seulement deux qui ont écouté votre présentation, étant donné que six n'étaient pas intéressés à vous poser des questions. Je dois passer mon tour; je n'ai pas de questions à vous poser.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Monsieur Cotler, vous avez la parole.

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): J'ai deux questions à vous poser. La première fait suite à celle de ma collègue, Mme Redman.

Vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait participer à l'élaboration d'une question référendaire portant sur la sécession, et que toute question référendaire sur la sécession qui serait retenue par l'Assemblée nationale du Québec devrait être renvoyée devant les tribunaux.

Voilà donc ma question: N'est-il pas vrai que la Cour suprême a déclaré qu'elle n'a pas l'intention de jouer un rôle de surveillance pour ce qui est de déterminer la clarté de la question, et que ce rôle revient aux acteurs politiques, comme le disait le professeur Hogg hier dans son exposé? La Cour suprême s'est déjà prononcée sur la question, mais vous semblez vouloir la relancer.

M. Keith Henderson: Oui, c'est vrai. Je ne sais pas quelles limites, le cas échéant, pourraient viser un renvoi devant la Cour suprême, mais j'espère que le gouvernement fédéral a le droit de renvoyer toute question qui lui semble pertinente devant la Cour suprême pour clarifier le droit. S'il voulait demander à la Cour suprême dans quelle mesure un vote affirmatif à cette question nécessiterait une modification constitutionnelle, il me semble que la Cour suprême serait obligée d'y répondre.

M. Irwin Cotler: Mais le gouvernement fédéral a déjà pris position sur la question, à savoir que la formulation et la teneur de la question référendaire relèvent de la responsabilité exclusive de l'Assemblée nationale du Québec.

M. Keith Henderson: Je sais bien qu'il a pris cette position- là, mais à notre avis, il fait fausse route. Il ne faut pas que le gouvernement fédéral renonce à la possibilité de se prononcer sur la question, pour les raisons que nous venons d'évoquer. Le fait est que si nous réussissons à conclure une entente sur la question, nous éviterons le genre de catastrophe que je décrivais tout à l'heure.

Donc, je ne suis pas sûr... Je comprends très bien que la Cour suprême ne souhaite pas jouer un rôle de surveillance, mais à notre avis, il faudrait renvoyer cette question devant la Cour pour savoir si un vote affirmatif nécessiterait une modification constitutionnelle. Voilà notre position.

• 2005

Si tel est le cas, nous encouragerions le gouvernement fédéral à chercher activement un moyen par lequel il pourrait participer à l'élaboration de la question, pour que nous ne soyons pas confrontés à un désaccord...

Stephen voudrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Stephen Scott: J'ajouterais ceci. La Cour suprême a indiqué qu'il existe une obligation implicite de négociation, et qu'elle n'a pas l'intention ni de contrôler ce processus ni d'empêcher le gouvernement d'une province de poser les questions qu'il juge appropriées. Mais la Cour n'a jamais dit qu'elle ne répondrait pas aux questions qui lui seraient posées au sujet du processus. Elle n'a jamais dit que si on lui demandait de se prononcer sur la légalité ou l'illégalité de certaines mesures, elle ne répondrait pas.

La Cour d'appel du Québec et certainement la Cour suprême du Canada, sur pourvoi, ont le droit de répondre à toute question concernant la possibilité que certaines propositions nécessitent éventuellement des modifications constitutionnelles. Cela n'a rien à voir avec la formulation de la question référendaire. Cela n'a rien à voir avec la supervision du processus de négociation. La Cour nous a déjà fait savoir qu'elle n'a pas l'intention de s'immiscer dans ces questions-là. Mais elle n'a jamais dit que des questions liées à cet élément-là ne pourraient jamais être renvoyées devant les tribunaux.

M. Irwin Cotler: Vous avez dit que la loi de clarification nous amène à ce que vous appelez un «Canada divisible», mais n'est- il par vrai que la Cour suprême a statué que des négociations sur la sécession ne pourraient être déclenchées que si une majorité claire se prononce en faveur de la sécession?

Autrement dit, la Cour suprême n'a-t-elle pas déjà donné une certaine légitimité, bien que ce soit dans un certain cadre législatif, à la cause sécessionniste? Le projet de loi C-20 ne constitue-t-il pas une tentative pour créer un cadre législatif dans le cadre duquel la sécession puisse être négociée?

M. Keith Henderson: Il y a deux éléments de réponse. Premièrement, c'est vrai ce que vous dites, mais il faut effectivement que ce soit fait conformément aux prescriptions de notre cadre législatif. Il importe que tout le monde comprenne clairement en quoi consiste ce cadre législatif. Permettez-moi donc de vous citer un extrait du jugement rendu au mois d'août:

    La population du Canada, par l'entremise de leurs divers gouvernements dûment élus et reconnus en vertu de la Constitution, de mettre à effet quelque mesure constitutionnelle visant le territoire canadien qui soit jugée souhaitable, y compris l'éventuelle sécession du Québec.

Mais la population canadienne a également le pouvoir, par l'entremise de ses différentes assemblées législatives, de dire non à la sécession, quelle que soit la majorité obtenue en faveur de la sécession lors d'un référendum.

Autrement dit, en tant que Canadiens, nous avons le droit de dire que nous ne voulons pas que notre pays soit démembré. Je reviens à l'exemple du Manitoba: 1,5 million de Manitobains pourraient décider qu'ils préfèrent faire partie des États-Unis, mais 28,5 millions d'autres Canadiens pourraient décider qu'ils ne sont pas d'accord, et ils ont tout à fait le droit de dire non à cette proposition.

Donc, il faut certainement négocier, mais le facteur décisif serait l'adoption d'une modification constitutionnelle. Voilà la différence fondamentale entre les deux situations.

M. Stephen Scott: Peut-être pourrais-je ajouter qu'il s'agit évidemment d'un projet de loi tout à fait valable, qui sera considéré valable aux termes de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ce à titre de modification constitutionnelle concernant le fonctionnement de l'exécutif ou de la Chambre des communes. Il serait également jugé valable en vertu du pouvoir non attribué dont on a confirmé la légitimité dans Jones c. AG Canada vers 1975.

Le Parlement a évidemment le droit d'établir les paramètres de ce cadre législatif, mais rappelez-vous que le processus de négociation qui devrait être entamé, d'après la Cour suprême, ne conduit pas nécessairement à une entente, et encore moins à la modification constitutionnelle qui serait nécessaire pour réaliser la sécession.

Je vous signale également que la Cour a déclaré en termes très généraux que l'obligation de négocier correspond à l'obligation de réagir à toute initiative légitime consistant à changer le régime constitutionnel, si bien que la Chambre ou le Sénat ou n'importe quelle assemblée législative provinciale pourrait faire une contre- proposition en vue de déclarer, par exemple, que le pays était indissoluble, ce qui aurait pour effet de créer une obligation pour chaque province, y compris le Québec, de négocier ce genre de chose.

L'obligation de négocier est présentée en termes très généraux, et la Chambre des communes a tout à fait le pouvoir de forcer le Québec à négocier n'importe quelle proposition, qu'elle soit ou non conforme à la volonté exprimée par la population dans le cadre d'un référendum sur l'indépendance.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup, monsieur Cotler. Je donne maintenant la parole à M. Hill.

M. Grant Hill: Merci.

En ce qui concerne la question référendaire, et la possibilité que tout le monde s'entende là-dessus, je dois dire que cela me paraît optimiste. J'aimerais bien que cela se produise. Mais c'est peu probable, me semble-t-il, étant donné que la loi référendaire au Québec accord au gouvernement le droit de poser aux citoyens la question qu'elle juge appropriée. Il serait donc difficile de forcer le gouvernement du Québec à poser une question précise.

À mon avis, vous avez une vue un peu idéaliste de la situation si vous pensez que tout le monde pourra s'entendre. J'espère, grâce à ce projet de loi, qu'il n'y aura plus jamais une question nébuleuse, mais nous n'en avons pas la garantie. Comment peut-on forcer les autorités à poser une question claire?

• 2010

M. Keith Henderson: En fin de compte le gouvernement fédéral a le pouvoir d'imposer sa volonté au sein de notre fédération. Pourquoi je vous affirme ça? Eh bien, parce qu'il jouit du pouvoir de révocation. S'il ne veut pas qu'un référendum aille de l'avant parce que la question lui semble nébuleuse, il a tout à fait le pouvoir de s'assurer qu'il n'ira pas de l'avant. Il détient d'autres pouvoirs également.

Donc, il me semble important, dans un premier temps, d'établir les paramètres du cadre. On ne peut pas permettre que des questions référendaires entraînent non seulement de la confusion mais des dissensions. Permettre une telle chose dans une fédération serait absurde. Il doit y avoir un moyen pour le gouvernement fédéral—et j'ai donné un exemple extrême, mais il y a peut-être d'autres pouvoirs que pourrait exercer le fédéral—de dire: Écoutez, nous devons être d'accord sur la question avant que nous acceptions de vivre pour la troisième fois cette expérience déchirante.

M. Grant Hill: Je pense que vous conviendrez avec moi pour dire que le gouvernement fédéral a changé sa stratégie car au lieu de parler de la réalité de la sécession, ce qui risquerait de mettre le feu aux poudres, il établit les modalités de tout ce processus. Bien que certaines dispositions me semblent moins que parfaites, elles nous amènent à suivre un chemin qui me semble...

J'ai entendu ceci à maintes reprises: Les Québécois, si on leur posait une question claire, décideraient en toute connaissance de cause de trouver un autre moyen de régler les problèmes de notre fédération. Êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Keith Henderson: Écoutez, Grant, je dois vous dire honnêtement que j'aime bien le Canada tel qu'il existe actuellement. À mon avis, c'est un bon pays. À mon avis, nous n'avons plus besoin de remanier la Constitution. J'aimerais qu'on mette tout ça derrière nous. Le Canada va très bien. C'est un bon pays. Attaquons-nous plutôt aux véritables problèmes, plutôt que de parler des pouvoirs que prévoit la Constitution, de rééquilibrage et de la nécessité d'accorder plus de responsabilités aux provinces, etc. À mon avis, ce n'est pas nécessaire.

Ce qui compte dans tout ça, ce n'est pas de savoir quelles améliorations nous pourrions apporter à notre système. On peut certainement en parler, mais c'est tout à fait à part. Nous parlons ici d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Voilà le vrai enjeu. Nous parlons de ce que le gouvernement du Québec ou celui d'une autre province pourrait faire dans l'éventualité d'une victoire au référendum. C'est ça qui devrait nous intéresser au plus haut point, à mon avis.

On peut toujours débattre de la question de savoir ce qu'il faut faire pour rectifier les problèmes de la fédération, mais pour ma part, je voudrais insister sur un élément particulier. Nous avons un gouvernement au Québec qui semble tout à fait résolu à sortir de la fédération canadienne. Nous avions un premier ministre en 1994 qui serait allé bien loin pour sortir de la fédération. Il aurait déclaré unilatéralement l'indépendance du Québec, et il l'a même avoué.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup, monsieur Hill.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Monsieur Henderson, quand vous parliez tout à l'heure d'une déclaration unilatérale d'indépendance et de la primauté du droit, mon collègue d'en face avait l'air incrédule et secouait la tête en signe de refus.

Cela vous semblera peut-être un peu extrême, mais je dois absolument vous citer un extrait d'un article paru dans Le Soleil du 15 février 1996:

    Je veux simplement attirer votre attention sur une vérité fondamentale. Dans une société qui respecte la primauté du droit, l'État dispose d'un certain nombre d'outils et d'institutions pour exercer ses pouvoirs sur son territoire. D'abord, il y a les lois adoptées par un Parlement démocratiquement élu, ensuite, il y a le système judiciaire, et troisièmement, il y a la police.

Nous, en tant que gouvernement, avons rejeté la voie de la violence ou la menace de la violence. Malheureusement, on ne peut en dire autant de Jacques Brassard, auteur de cette déclaration.

Pour les fins du compte rendu, je demanderais aux membres du Bloc de déclarer, en termes aussi énergiques que possible, qu'eux, aussi, rejettent la voie de la violence.

M. Keith Henderson: Si je peux me permettre, je serais tout à fait ravi que ce soit fait, c'est quelque chose qui se fait attendre depuis longtemps.

Peut-être y a-t-il certains membres du gouvernement québécois qui ont fait de telles déclarations. C'est possible. Mais j'aimerais qu'ils les fassent plus souvent et en termes plus clairs et absolus.

D'après ce que j'ai entendu dire dernièrement, et ce que je vois dans le projet de loi 99, une mini-déclaration unilatérale d'indépendance fait actuellement l'objet d'un débat. Voilà ce dont ils parlent. Mais c'est illégal; c'est inconstitutionnel. Ils n'ont absolument rien compris à la décision rendue par la Cour suprême au mois d'août.

Il s'agit, après tout, du gouvernement du Québec, dont les actes sont plus éloquents que les mots. Si vous comptez adopter ce genre de projet de loi, eh bien, ça nous inquiète. Nous, nous vivons au Québec. Nous sommes inquiets. Nous voulons savoir ce que fera le gouvernement fédéral si ce projet de loi est adopté, comme il le sera certainement, au cours des semaines ou mois qui viennent.

• 2015

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

Messieurs Henderson et Scott, je constate que nous devons maintenant passer aux prochains témoins. Merci infiniment de votre présence.

Nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre aux prochains témoins de prendre place.

• 2015




• 2022

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je rouvre la séance.

Encore une fois, nous recevons des témoins au sujet du projet de loi C-20. Nos prochains témoins

[Français]

représentent l'Union des producteurs agricoles du Québec. Ce sont M. Gratien D'Amours, vice-président, et M. Jean Larose, directeur général de l'organisation. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, qui sera suivie d'un dialogue avec les membres du comité.

M. Gratien D'Amours (vice-président, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci.

Nous sommes heureux d'être ici ce soir pour présenter le point de vue de l'Union des producteurs agricoles. L'Union des producteurs agricoles est une organisation qui existe depuis 75 ans. La personne qui m'accompagne en est le directeur général, M. Larose.

Au fil de son histoire, l'UPA a travaillé avec acharnement à de nombreuses réalisations, soit le crédit agricole, le développement de la presse québécoise avec son journal La Terre de chez nous, le coopératisme agricole, l'électrification rurale, le développement éducatif des campagnes, la mise en marché collective et, bien sûr, l'implantation de l'agriculture durable.

Réunis au sein de leurs unions, les 46 000 producteurs et productrices agricoles québécois investissent, bon an mal an, 500 millions de dollars dans l'économie du Québec et du Canada. Leurs 35 000 exploitations agricoles, majoritairement familiales, procurent de l'emploi à 70 000 personnes.

Chaque année, le secteur agricole québécois dépense au-delà de trois milliards de dollars pour assurer le fonctionnement de ses entreprises, autant d'argent qui fait tourner la roue de l'économie et qui assure la prospérité du Québec et du Canada rural.

Le 10 décembre dernier, le projet de loi C-20 était déposé à la Chambre des communes sous l'appellation Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'article 1 de ce projet de loi s'énonce comme suit:

    1. (1) Dans les trente jours suivant le dépôt à l'assemblée législative d'une province, ou toute autre communication officielle, par le gouvernement de cette province, du texte de la question qu'il entend soumettre à ses électeurs dans le cadre d'un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, la Chambre des communes examine la question et détermine, par résolution, si la question est claire.

• 2025

Plus tard, le 15 décembre dernier, était présenté le projet de loi 99 à l'Assemblée nationale du Québec, portant sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Le premier paragraphe de l'article 10 de cette loi s'énonce comme suit:

    L'État du Québec et l'Assemblée nationale ne sont liés, en ce qui concerne l'exercice du droit fondamental et inaliénable du peuple québécois à disposer de lui-même, que par ces dispositions de la présente loi et des autres lois applicables de l'Assemblée nationale.

Ces deux articles cristallisent l'antagonisme de vues qui oppose les gouvernements en place dans les deux capitales sur la question d'une éventuelle sécession du Québec par voie de référendum.

Si les deux options en présence trahissent à l'évidence la couleur des formations politiques qui se profilent derrière ce double exercice législatif, il faut reconnaître que l'enjeu en cause dépasse indubitablement la stricte perspective partisane et renvoie à cette catégorie de débats qui placent toute une société face à elle-même, aux valeurs qui la fondent et aux principes qui la guident.

C'est dans ce contexte que l'Union des producteurs agricoles est maintenant appelée à donner son avis devant le Comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-20.

Ce bref document expose, dans un premier temps, le rôle historique de l'UPA vis-à-vis des grands débats de société. Il fait ensuite état de son point de vue quant aux relations fédérales-provinciales et sur la question nationale, pour enfin se terminer par la prise de position de l'UPA relativement au débat qui entoure le projet de loi C-20.

L'UPA et les grands débats de société: L'UPA n'est jamais restée en marge des grands débats de société au Québec. Cette attitude est bien résumée dans l'extrait suivant, tiré d'un procès-verbal du conseil général de l'UPA, sa plus haute instance décisionnelle après le congrès général, et portant sur la question d'un éventuel débat référendaire en septembre 1992. Il y est dit:

    L'UPA a le devoir d'agir, tout comme elle l'a fait dans les autres grands débats, soit de donner les informations sur les enjeux, rappeler nos revendications, suivre de près le débat, rectifier les faits si nécessaire [...] le conseil général n'accepte pas que l'UPA participe de façon partisane au débat, mais on ne peut se permettre de ne pas se prononcer sur les enjeux.

Apolitique par tradition, l'UPA ne s'est pas moins impliquée dans les grands débats qui ont jalonné l'histoire du Québec moderne. Elle a participé de manière dynamique à la Révolution tranquille, appuyant la nationalisation de l'électricité et favorisant la création du ministère de l'Éducation. Elle a approuvé l'adoption de la Charte de la langue française. Elle est restée neutre mais avisée dans le débat référendaire de 1980, comme elle l'a fait 12 ans plus tard avec celui de Charlottetown, et plus tard encore avec celui de 1995.

À titre d'exemple supplémentaire et un peu moins contemporain, rappelons que l'UPA s'est engagée, au fil de son histoire, dans plusieurs autres débats. Nos congrès généraux de 1939, 1940 et 1941 ont adopté des résolutions contre la conscription. Nous avons aussi été présents lors de plusieurs commissions royales d'enquête qui furent monnaie courante dans les années 1950 et 1960.

De toutes ces interventions de l'UPA, un principe ressort avec une remarquable constance: profiter de toutes les tribunes pour faire entendre la voix de notre agriculture, de ceux et celles qui en vivent, et infléchir un tant soit peu le cours de l'histoire dans le sens des revendications du monde agricole.

L'intention de l'UPA est donc d'éclairer le débat en tant qu'organisation syndicale qui défend l'intérêt de ses membres. Ses préoccupations sont vastes, sociales, économiques et politiques au sens large du terme.

L'UPA, la question nationale et les relations fédérales-provinciales: L'intérêt de l'UPA pour la question nationale et les relations fédérales-provinciales a des racines lointaines. Sans relever chacune de ses prises de position historiques, mentionnons que l'UPA s'est constamment montrée réticente à l'égard des empiétements du gouvernement fédéral sur les prérogatives des gouvernements provinciaux et qu'elle a toujours exprimé une ferveur certaine pour l'autonomie des provinces dans leurs champs de compétence, et plus spécialement pour celle du Québec.

La question nationale s'étant pour ainsi dire exacerbée au milieu des années 1980, notamment sous l'impulsion des accords du lac Meech, nous croyons opportun d'insister un peu plus, bien que toujours succinctement, sur les positions successives qui ont été les nôtres depuis cette époque.

• 2030

En mai 1986, nous avons produit un mémoire intitulé Les municipalités de demain, dans lequel nous pouvons lire:

    Au Québec, c'est un fait bien connu, le pouvoir, c'est d'abord et avant tout Québec et son Assemblée nationale. Une donnée qui fait partie de notre histoire et de notre culture, une donnée qu'on ne réussira peut-être jamais à changer...

Dans notre mémoire de mai 1987 sur les accords du lac Meech, nous avons retenu les extraits suivants:

    Lorsque nous sommes, en tant que producteurs et productrices agricoles, à l'origine d'investissements de près de 14 milliards de dollars et de 400 000 emplois directs et indirects, il va de soi que le cadre constitutionnel qui va régir notre société et notre peuple québécois exige une attention particulière...

    Nous réitérons qu'afin de ne pas nous engager au niveau agricole dans un goulot d'étranglement, il est nécessaire que le Canada reconnaisse notre droit à choisir nos priorités. Ceci n'est constitutionnellement possible qu'en n'obtenant un retrait inconditionnel et une pleine compensation financière tant dans nos juridictions provinciales que dans celles qui sont partagées. Si ces deux conditions ne peuvent être obtenues, le statu quo est moins dangereux que de signer les Accords du Lac Meech.

Au cours de 1990, le conseil général de l'UPA, son conseil exécutif et le Congrès général ont largement discuté de la question nationale. Le congrès a adopté deux résolutions sur le sujet et l'union s'est prononcée en faveur de la souveraineté du Québec. Il convient ici de préciser qu'il s'agit pour ainsi dire du seul hiatus dans l'apolitisme de notre organisation tempéré, du fait que le Québec tout entier connaissait une rare effervescence nationale après le rejet de Meech, au moment de la commission Bélanger-Campeau. Si l'UPA a pris un parti, c'est celui du Québec.

Du mémoire soumis à ladite commission, nous avons jugé bon de retenir les extraits suivants:

    L'UPA s'intéresse au plus haut point à toute question relative à l'avenir du Québec. La présence de l'UPA dans les grands débats passés et actuels concernant non seulement les secteurs qu'elle représente mais aussi toutes les questions qui touchent de façon générale les citoyens et citoyennes du Québec témoigne de son engagement indéfectible à cet égard.

    L'histoire politique du Québec, depuis la Confédération jusqu'à nos jours, en est une de batailles interminables pour s'arroger des pouvoirs essentiels à son épanouissement économique. C'est aussi une histoire d'empiétement direct dans les champs de juridiction que l'on croyait acquis au Québec, une histoire de duplication de structures, de chevauchements des politiques et d'une multitude de querelles fédérales-provinciales pour faire respecter les particularités, les politiques et les choix démocratiques du Québec.

Sauf l'exception «tempérée» de 1990, l'union est toujours demeurée en marge des options politiques. Elle s'est toujours engagée dans les débats de société et ses positions n'ont jamais été contradictoires. Essentiellement, elle a toujours réclamé sa juste part des sommes fédérales et a aussi toujours demandé que les pouvoirs de décider du développement de son secteur soient une prérogative québécoise. Dans la très grande majorité de ses implications dans les débats de société, elle a mis en lumière les impacts sur notre agriculture, de même que sur les hommes et les femmes qui en font leur profession.

Pour l'UPA, les Québécois sont seuls maîtres de leurs choix.

En déposant le projet de loi C-20, le gouvernement fédéral a ravivé les hostilités sur le front constitutionnel, reconnaissent les observateurs. L'initiative surprend quelque peu, ajoutent-t-ils, de la part d'un gouvernement qui a toujours clamé que les Canadiens en ont soupé d'entendre parler de constitution.

De fait, il ne suffit pas de se draper dans la décision de la Cour suprême concernant le renvoi sur la sécession du Québec pour que la démarche perdre pour autant son caractère tactique. Concrètement, comme l'indignation soulevée au Québec en témoigne, le geste n'a équivalu à rien d'autre qu'à jeter de l'huile sur le feu et à attiser des antagonismes qui s'étaient apaisés.

Personne, au Québec, n'a été dupe de la manoeuvre vite assimilée à un coup de force. Même les fédéralistes les plus convaincus sont nombreux à penser qu'«il faut bien affirmer au reste du pays qu'il y a certaines choses sur lesquelles on ne peut passer», comme le déclarait M. Claude Ryan à l'occasion d'une entrevue télévisée sur le sujet à la suite de l'annonce du projet de loi et, bien sûr, de ses commentaires lors d'une comparution ici même, il y a quelques jours.

De fait, on ne se trompe pas en résumant ainsi le sentiment général: les Québécois et les Québécoises sont les seuls à pouvoir décider de leur avenir.

• 2035

Les chefs de nos principales formations politiques provinciales s'entendent d'ailleurs avec raison, du moins quant au fond, pour dire que seule l'Assemblée nationale du Québec est à même de pouvoir décider des conditions qui entoureraient un éventuel processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

L'UPA se range résolument à cette opinion, à plus forte raison parce que les Québécois et les Québécoises ont toujours su faire montre par le passé d'une exemplaire maturité politique, quelle que soit la vision du Québec qu'ils privilégient.

Cette constatation commande à elle seule le respect de leur autonomie, peu importe la façon dont elle s'exerce, dans nos droits, dans nos politiques, dans notre culture, dans notre langue et par rapport à notre destin et, à plus forte raison, quand nous l'exerçons sous les auspices de la démocratie. Les Québécoises et les Québécois l'ont plus d'une fois démontré: ils sont «assez grands» pour ça. Qu'il suffise de penser aux débats référendaires de 1980, 1992 et 1995.

Au fil de ses 75 ans d'histoire, l'UPA, avons-nous dit, s'est toujours gardée loin des prises de position politiques à saveur partisane. Jamais toutefois, avons-nous dit également, elle n'est restée en marge des grands débats de société, s'étant toujours crue dépositaire d'une haute responsabilité sociale notamment fondée sur des principes de justice et d'équité. C'est au nom de cette responsabilité qu'elle prend position.

C'est ce même sens des responsabilités qui l'interpelle et qui en appelle aujourd'hui à la mesure et à la pondération. Les Québécoises et les Québécois, croyons-nous, n'avaient pas besoin d'un tel débat. Toutefois, le cours des événements étant ce qu'il est, nous sommes d'avis que les Québécois, outre qu'ils soient seuls maîtres de leurs choix et justement parce qu'ils le sont, ont également le devoir de former un front uni et de se ranger, en rangs bien serrés, derrière l'article 10 du projet de loi 99, à savoir que:

    L'État du Québec et l'Assemblée nationale ne sont liés, en ce qui concerne l'exercice du droit fondamental et inaliénable du peuple québécois à disposer de lui-même, que par les dispositions de la présente loi et des autres lois applicables de l'Assemblée nationale.

Il est clair pour nous, et la même évidence devrait s'imposer avec clarté à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, que seul le peuple du Québec, par le biais des institutions qui sont les siennes, a le droit de statuer sur la nature, l'étendue et les modalités de l'exercice de son droit à disposer de lui-même, et qu'aucun autre parlement ou gouvernement ne peut limiter de quelque façon les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale, ni porter atteinte à l'intégrité de son territoire.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Monsieur Hill, je vous accorde cinq minutes.

M. Grant Hill: Merci, monsieur le président. De nombreuses personnes qui sont venues comparaître ont affirmé que le projet de loi C-20 allait à l'encontre des droits de l'Assemblée nationale du Québec, tandis que d'autres témoins disaient que c'est faux et qu'au contraire ce projet de loi permettrait au Québec de mettre en oeuvre, s'il respecte certaines règles très précises qui y sont énoncées, son projet de sécession. Vous ne semblez pas appuyer cette dernière position.

M. Gratien D'Amours: De fait, je crois que ce qui nous préoccupe, c'est le fait qu'on veuille établir les règles avant même que la question n'ait été posée. Nous croyons qu'on nous enlève ainsi justement cet élément de capacité de décider clairement. On nous demande finalement d'accepter, comme l'indique ce projet de loi qui fait allusion à la clarté et dont on a pris connaissance, que ce sera la Chambre des communes qui décidera si la question est claire. Il est clair qu'un parti politique au pouvoir qui déciderait qu'elle n'est pas claire pourrait décider de lui-même de dire non à une province. C'est là l'élément majeur de ce projet de loi que nous n'acceptons pas.

M. Grant Hill: Selon vous, est-ce que la question qu'on a posée lors du dernier référendum ne présentait aucune ambiguïté et ne pouvait faire l'objet d'aucune confusion?

• 2040

M. Gratien D'Amours: Selon nous, l'histoire politique du Québec a démontré le grand sens du respect de la démocratie de la population du Québec. Nous gageons sur cette capacité des gens de respecter la démocratie. Nous croyons que ce sont ces gens qui devront prendre la décision. Pour nous, c'est clair. Le passé, à notre avis, est garant de l'avenir.

M. Grant Hill: Ce n'est pas une réponse qui correspond précisément à ma question. Je vous avais demandé si vous jugiez que la question qu'on a posée lors du dernier référendum était claire. Était-ce une question sans ambiguïté, sans confusion?

M. Gratien D'Amours: À mon avis, la dernière question était claire, et les Québécois ont voté en connaissance de cause. C'est ce que nous soutenons.

M. Grant Hill: Quel problème se présenterait si on posait une question absolument claire portant uniquement sur la sécession du Québec?

M. Gratien D'Amours: Le problème ne se situe pas à ce niveau-là. Nous affirmons qu'il appartient à l'Assemblée nationale de prendre cette décision-là et qu'on ne saurait accepter que ce soit une entité autre que celle-ci qui ait cette autorité. C'est la priorité; c'est par là que ça doit passer.

M. Grant Hill: Ce projet de loi prévoit que l'Assemblée nationale a le droit de poser une question portant sur tout sujet, à l'exception de la sécession. En pareil cas, il appartiendrait à la Chambre des communes de déterminer s'il s'agit d'une claire ou non. Ce n'est pas une question qui s'adresse uniquement aux Québécois; c'est une question à laquelle nous tous ici devons répondre. C'est là la différence. Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord sur cela?

M. Gratien D'Amours: Au risque de répéter ce que j'ai déjà dit, ce projet de loi n'empêche pas l'Assemblée nationale de poser des questions, mais il demeure que c'est la Chambre des communes qui devra décider de la clarté d'une question. Puisqu'au sein de la Chambre des communes, il y a une majorité qui est formée par le parti qui est au pouvoir, on craint que ce parti puisse, pour des raisons partisanes, décider que la question n'est pas claire et ainsi empêcher la démocratie de s'exercer. C'est ça, le fond de la question.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup, monsieur Hill.

[Français]

Monsieur Guimond.

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président. Monsieur Larose et monsieur D'Amours, je voudrais dans un premier temps vous adresser, au nom des 44 collègues députés du Bloc québécois, mes sincères félicitations pour votre présentation.

Encore une fois, l'UPA a fait devant nous une présentation teintée d'un très grand professionnalisme. Même si on ressentait parfois dans vos propos une certaine indignation quant au bien-fondé du projet de loi C-20, vous avez malgré tout fait cela dignement et avec professionnalisme. On reconnaît la facture de l'UPA. J'aimerais aussi que vous adressiez nos salutations à votre président, M. Laurent Pellerin, qui, j'en suis persuadé, aurait aimé être des vôtres ce soir.

On entend l'UPA nous parler d'autre chose que des négociations de l'OMC, nous parler d'autre chose que du rapport Kroeger sur le transport du grain dans l'Ouest, nous parler d'autre chose que des aliments génétiquement modifiés au Parlement fédéral. Elle nous parle du fondement même de la démocratie. Je pense que c'est tout à l'honneur des producteurs et productrices agricoles que vous représentez.

• 2045

Il y a des producteurs de l'UPA dans mon comté, à l'île d'Orléans et sur la côte de Beaupré, et mon collègue Daniel Turp en a à Salaberry, à Huntingdon et dans les autres coins de son comté.

M. Daniel Turp: À Sainte-Martine.

M. Michel Guimond: Votre présentation devant nous ce soir est vraiment rafraîchissante.

Si on se pense au consensus qui se dessine actuellement au Québec, on peut citer notamment les trois partis représentés à l'Assemblée nationale, 60 p. 100 de la députation québécoise ici, à la Chambre des communes, et les trois grandes centrales syndicales qui regroupent plus de un million de travailleurs et de travailleuses. On peut y ajouter votre voix, celle de l'UPA, puis on peut ajouter à la vôtre celle de Claude Ryan, chef de l'opposition officielle au Parlement de l'Assemblée nationale en 1980 et chef du camp du Non lors du référendum de 1980. J'aimerais savoir si vous adhérez à une proposition de retrait pure et simple du projet de loi C-20 et vous entendre davantage nous expliquer pour quelle raison.

M. Gratien D'Amours: Je crois que notre présentation en a témoigné. De fait, on a appuyé le projet de loi 99 dans ce sens-là. C'était le message que nous voulions vous transmettre lors de notre présentation.

Je voudrais vous transmettre les excuses de mon président, M. Pellerin, qui est retenu à Québec, au Sommet de la jeunesse, et qui m'a demandé de le remplacer. Je m'excuse de ne pas vous les avoir transmises plus tôt.

M. Michel Guimond: Vous avez accepté de venir témoigner devant nous à Ottawa. Je ne connais pas vraiment les structures syndicales à l'UPA, mais je suis persuadé que les différents syndicats de base affiliés à la fédération ou à la confédération que représente l'UPA auraient apprécié qu'on aille les rencontrer dans chacune des régions du Québec. Je suis persuadé que vos syndicats de base auraient apprécié qu'on aille dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, sur la Côte-Nord, en Abitibi-Témiscamingue, dans la région Laurentides-Lanaudière et à Saint-Hyacinthe afin qu'ils puissent faire valoir leur position vis-à-vis de ce projet de loi C-20.

M. Daniel Turp: Rimouski. Ils voulaient qu'on aille à Rimouski.

M. Michel Guimond: J'ai déjà mentionné le Bas-Saint-Laurent—Gaspésie qui couvre Rimouski.

On aurait aussi pu aller rencontrer les producteurs agricoles de Winnipeg, puisque vous avez aussi des liens avec les démocrates du syndicalisme agricole dans les autres provinces.

Selon vous, un projet de loi comme celui-ci aurait-il mérité que ce comité se déplace dans les régions du Québec et du Canada afin qu'il puisse entendre les vues des gens ordinaires, des citoyens ordinaires, plutôt que de grosses corporations avec des lobbyistes qu'elles paient 5 000 $ par jour pour préparer leurs mémoires?

Une voix: Combien?

M. Michel Guimond: Cinq mille dollars par jour.

M. Gratien D'Amours: Il aurait probablement été bien intéressant que votre comité vienne discuter de ce projet de loi avec les gens afin qu'ils puissent vraiment en comprendre les enjeux. Cela aurait pu être justement une occasion de faire un débat plus rapproché des gens, des personnes qui ne peuvent évidemment pas participer à une discussion telle que celle de ce soir. L'UPA n'aurait eu aucune aucune objection à cela, si telle avait la volonté du comité. En nous rapprochant des gens, nous aurions pu démocratiser ce débat. Il va sans dire que nous ne serions pas opposés à cela.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blaikie, je vous accorde cinq minutes.

[Traduction]

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue à nos témoins de l'UPA et de leur dire que j'ai eu l'occasion pendant les années 80 de collaborer un peu avec ses représentants au moment où il y avait certaines inquiétudes au sujet des pluies acides et de l'éventuelle effet des pluies acides sur le Québec. À l'époque, j'étais membre d'un comité spécial chargé d'examiner le problème des pluies acides, et je me souviens d'avoir travaillé avec les représentants de l'UPA sur ce dossier, par rapport à l'érable à sucre ainsi qu'à d'autres aspects de l'agriculture au Québec.

• 2050

À l'époque, nous avions un peu les mêmes préoccupations, mais ce soir, mon interprétation du projet de loi C-20 est un peu différente de la vôtre. Je voudrais justement en parler avec vous.

D'abord, vous et bon nombre d'autres personnes, notamment mes collègues du Bloc québécois, parlent souvent du consensus qui existe au Québec au sujet du projet de loi C-20. Il est certainement vrai que beaucoup de Québécois sont contre le projet de loi C-20. Je ne prétends certainement pas le contraire.

Par contre, il est également vrai—mes collègues du Bloc le savent déjà, mais je vous dis ça à titre d'information, au cas où vous ne le sauriez pas—que nous avons reçu un bon nombre de Québécois devant le comité qui sont en faveur du projet de loi C-20. Certains d'entre eux ont par le passé joué un rôle important dans la défense des intérêts du Québec. Par exemple, M. Rémillard, M. Castonguay et plusieurs professeurs qui enseignent dans des universités québécoises sont venus défendre le projet de loi C-20 devant le comité.

Donc, il n'est pas tout à fait juste de donner l'impression que tout le monde au Québec est diamétralement opposé à ce projet de loi, car certains citoyens ne sont pas de cet avis. Les sondages indiquent d'ailleurs que sur le plan démographique, il est même possible que les partisans du projet de loi soient plus nombreux qu'on ne l'avoue ici.

Je vous ai entendu dire qu'un gouvernement fédéral, pour des raisons purement partisanes, pourrait invoquer cette loi pour annuler ou neutraliser—je ne me souviens plus du terme que vous avez utilisé—un vote majoritaire en faveur de la sécession. À mon avis, c'est vrai, en ce sens qu'un gouvernement fédéral pourrait chercher à abuser de son pouvoir, à annuler ou à ne pas prendre au sérieux la volonté clairement exprimée par le peuple québécois—et il faudrait éventuellement examiner ce problème, s'il surgissait—mais si un gouvernement agissait de la sorte, ce ne serait pas grâce au pouvoir que lui confie le projet de loi C-20.

À mon avis, le projet de loi C-20 ne lui donne pas cette possibilité-là. C'est le genre de chose qui arrive, à cause de la nature humaine. N'est-il pas également vrai qu'un gouvernement québécois pourrait, pour des raisons purement partisanes, mal interpréter le résultat d'un vote sur une question particulière?

Bon nombre des arguments avancés contre le projet de loi C-20 semblent partir du principe que le gouvernement du Québec existe—pour employer une métaphore théologique ou biblique, si vous voulez—dans une dimension intemporelle, c'est-à-dire avant la chute, en état d'innocence, et que par conséquent, aucun gouvernement québécois ne ferait le genre de choses dont on accuse régulièrement le gouvernement fédéral.

Comme je traite avec le gouvernement fédéral depuis une vingtaine d'années, je peux très bien comprendre que les gens nourrissent ce genre de suspicion. Par contre, en tant que théologien, je refuse de croire que le gouvernement du Québec a précédé Adam et Ève ou la Chute de l'Homme, de telle sorte qu'il ne lui viendrait jamais à l'idée, Dieu l'en garde, si vous me permettez l'expression, de participer à ce genre d'exercice politique, monsieur le président.

Vos remarques ont provoqué cette réaction-là en moi, et je m'en excuse. J'aurais peut-être dû faire ce discours à quelqu'un d'autre à un autre moment.

Mais le fait est que les deux paliers de gouvernement peuvent se montrer irresponsable et profiter d'une situation. L'objet de ce projet de loi est justement de confier au Parlement du Canada la responsabilité de tenir compte de cette réalité pour que le Parlement ne puisse pas décider, quelles que soit la question, la majorité ou la situation, que nous négocierons la sécession si le gouvernement du Québec nous dit de le faire, étant donné qu'il a existé avant la Chute et que tout ce qu'il fait est bon.

• 2055

Le président: Monsieur Blaikie, vous avez parlé pendant un bon cinq minutes, si je ne m'abuse. C'est impressionnant.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Nous aurons maintenant une réponse de nos témoins. Est-ce que tout le monde est d'accord? Passons à la réponse maintenant.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Une voix: ...

Le président: Je ne suis pas théologien.

M. Gratien D'Amours: Je vais essayer de répondre. Il y a un ensemble d'éléments. D'abord, je dois dire que je me souviens très bien de la lutte contre les pluies acides. L'UPA avait organisé une conférence internationale justement pour convaincre nos voisins américains surtout qui, faut-il dire, en sont les grands responsables. À ce moment-là, on avait travaillé beaucoup avec les gens qui étaient préoccupés par cette question-là.

Au sujet du commentaire selon lequel 100 p. 100 des gens sont d'accord sur les propos qu'on exprime ce soir, nous n'avons pas dit cela. Et je ne pense pas non plus que ce soit le cas. En tout cas, il y a au moins M. Dion qui n'est pas de cet avis.

Pour être plus sérieux, je vous dirai que dans l'histoire du Québec, il serait difficile de trouver un exemple où ces gens-là n'ont pas respecté la démocratie, leurs institutions démocratiques, et les verdicts qu'ils ont donnés. Peut-être direz-vous qu'on a une confiance excessive dans nos institutions, mais on n'a pas d'exemple qui nous démontre qu'au Québec, peu importe le parti au pouvoir, on n'a pas respecté cela. Et on mise beaucoup là-dessus. C'est pour cela que l'on dit qu'il faut redonner le pouvoir à ces institutions, car finalement, qu'on le veuille ou non, ce pouvoir-là, on le remet à la Chambre des communes, alors qu'on a des institutions qui nous ont démontré qu'elles étaient capables de bien faire leur travail.

Bien sûr, c'est un acte de foi, mais il y a des preuves et je pense que l'on mise beaucoup là-dessus et qu'il est légitime qu'il en soit ainsi.

Le président: Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Contrairement à mon collègue Blaikie, je n'essaierai pas de savoir ce qui existait avant Adam et Ève, parce qu'on pourrait avoir de grands débats là-dessus. Mais peut-être que je vais parler aussi longuement que M. Blaikie.

J'aimerais remercier M. D'Amours et M. Larose d'être ici ce soir. Il faut vous dire qu'on a eu la chance, d'un côté ou de l'autre, d'entendre des témoins parmi les plus grands professeurs, les plus grands constitutionnalistes, les plus grands avocats constitutionnalistes et les plus grands politiciens que le pays ait connus, mais finalement, merci beaucoup de nous avoir ramenés ce soir à la base. Comme on dit en italien: return to basics, non pas au syndicat de base, mais à la base de ce que vous êtes. Je ne peux pas m'empêcher de vous rappeler que dans mon coin de pays, les Cantons de l'Est, je vis avec l'UPA quotidiennement. J'ai la chance de connaître M. Jacques Proulx, qui demeure à 10 minutes de chez moi, à Saint-Camille. C'est pour vous dire à quel point on est proches de l'UPA.

Cela étant dit, il reste que le message que j'entends de vous est aussi celui de certains autres témoins qui sont venus nous dire de faire confiance aux gens qui habitent le Québec; il ne s'agit pas d'avoir une confiance aveugle, mais de faire confiance aux institutions qu'on a décidé de mettre en place.

M. Ryan me disait que la démocratie québécoise n'a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. Au contraire, elle pourrait peut-être soumettre des idées à d'autres à l'intérieur même de ce pays. Ce n'est pas un souverainiste qui dit cela. Je ne suis pas un souverainiste, mais un fédéraliste. Ce n'est pas toujours facile.

• 2100

M. Michel Guimond: Pas encore.

M. André Bachand: Ce n'est pas toujours facile.

M. Michel Guimond: Pas encore.

M. André Bachand: Pas toujours facile.

M. Michel Guimond: Vous allez être fatigué.

M. André Bachand: Si on a été capable de convaincre Jean-Français Lisée, on est capable de convaincre Michel Guimond. Blague à part...

M. Michel Guimond: Vous allez être fatigué comme Léon Dion.

M. André Bachand: Monsieur D'Amours, je dois vous demander si ça paraît que le gouvernement essaie de nous berner au niveau de la démocratie. On commence à être fatigués. D'ailleurs, même Geoffroi rit avec nous ce soir. C'est pour vous démontrer à quel point tout le monde est fatigué. Ça fait du bien, Geoffroi, de dérider un peu l'atmosphère parce que c'est tellement sévère.

Cela étant dit, monsieur le président, j'aimerais poser une question à l'UPA, qui vient de nous donner une leçon de bon sens, non pas juridique, non pas légaliste, non pas politique, mais de gros bon sens à son état pur.

J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qui suit. Comme vous le savez, monsieur D'Amours, à l'extérieur du Québec, le projet de loi C-20 procure une zone de confort pour le reste du Canada, car il dit, entre autres, que c'est normal d'avoir une question claire et une majorité claire. On pense qu'avec ce projet de loi, si les Québécois ont une question claire et sont obligés d'obtenir une majorité claire pour faire la sécession, il est fort probable qu'ils ne décideront pas de choisir une option qui serait dramatique pour le Canada.

Si vous aviez un message à transmettre aux gens qui habitent à l'extérieur du Québec—vous collaborez souvent avec eux—sur la réalité québécoise, quel serait-il?

M. Gratien D'Amours: Il nous arrive assez fréquemment de travailler avec des gens de l'extérieur du Québec, parce que nous travaillons avec une organisation qui s'appelle la Fédération canadienne de l'agriculture, dont l'UPA est membre.

Je pense que le message en est un de respect. C'est un message de respect d'une société et de ses institutions. Je pense que c'est le message que je leur transmets. Et je leur rappelle qu'il faut se faire confiance.

En fait, je pense que ce sont ces choses-là qu'il faut dire. C'est le message que je leur transmets. C'est court, mais c'est vraiment ce que je pense.

M. André Bachand: Merci, monsieur.

[Traduction]

Le président: Monsieur Alcock.

Allumez la lumière chez M. Alcock.

Une voix: Vous voulez que j'allume la lumière chez lui?

Des voix: Oh, oh!

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je dois avouer que les témoignages de votre dirigeant m'ont vraiment remonté le moral.

Je dois également avouer que j'étais un peu tiraillé en écoutant vos témoignages. Je passe beaucoup de temps en compagnie des agriculteurs de l'Ouest, qui connaissent de graves difficultés en ce moment, comme vous le savez. C'était donc avec beaucoup d'intérêt que j'ai constaté que vous viendriez témoigner devant le comité.

Dans un sens, je préférerais vous parler ce soir du problème de la chute des prix des produits primaires sur les marchés mondiaux, car cela cause de graves difficultés à nos agriculteurs. Nous essayons de nous en sortir dans l'Ouest, et ça, vous le savez par l'entremise de la Fédération canadienne. Donc, quand je constate la présence de votre association d'agriculteurs, je suis surpris, non pas du fait que vous soyez venus témoigner, mais par la position que vous avez adoptée.

• 2105

En 1995, le premier ministre de l'époque de la province a prévu, dans le projet de loi 1, que le gouvernement n'aurait qu'à offrir, et non pas à conclure, une entente de partenariat avec le reste du Canada si les oui l'emportaient. M. Parizeau a indiqué très clairement que le délai maximum pour obtenir la réponse du fédéral serait de 365 jours, et qu'à n'importe quel moment au cours de cette période il pourrait déclarer unilatéralement l'indépendance du Québec. Ça, c'est un fait.

Quand on voit une volonté de régler les problèmes de cette façon—au moyen d'une action unilatérale de ce genre, qu'il laisse toutes sortes de questions sans réponse, crée un système d'une légitimité douteuse et entraîne davantage de débats, de conflits et de confusion—quelle en est l'incidence sur vos membres? Quelle serait l'incidence d'une déclaration unilatérale d'indépendance sur vos membres, qui sont les partenaires de la Fédération canadienne de l'agriculture et qui découvrent tout d'un coup qu'ils en sont les concurrents? Quelle en est l'incidence sur la position que vous aimeriez peut-être prendre devant l'OMC, si vous n'êtes pas reconnus?

Il est vrai que nous ne pourrions pas ignorer une situation de ce genre, et qu'on finirait tôt ou tard par prouver un modus vivendi. Mais n'y a-t-il pas une meilleure solution? N'y a-t-il pas une meilleure façon de régler ce genre de problème? À bien des égards, ce projet de loi ne fait que prévenir le genre de chaos qui pourrait résulter si jamais nos rapports se détérioraient à ce point-là. Ne pensez-vous pas que ce chaos aurait une incidence fort négative sur les personnes que vous représentez?

[Français]

M. Gratien D'Amours: En réponse à votre question, il y a eu des affirmations qui ont été faites. Évidemment, les membres partagent des options politiques et les gens réagissent probablement en fonction des options politiques. Pour notre part, à l'UPA, on respecte ça. On s'est toujours dit que ce sont les gens qui habitent le Québec qui vont décider en commun à partir d'une décision qu'ils vont prendre sur une base individuelle. C'est comme cela qu'on a vu cela. Donc, les gens ont réagi en fonction de leurs options politiques.

Si cela se produisait—évidemment, la question est hypothétique—nous n'envisageons pas que le lendemain matin, l'UPA n'aurait plus de lien avec la Fédération canadienne de l'agriculture, puisqu'il va falloir quand même qu'on continue de part et d'autre. La vie va continuer. Bien sûr, cela peut avoir certains impacts, mais présentement, on a des ententes, et ces ententes, à mon avis, tiendraient quand même. Ce sont des ententes par rapport à la mise en marché de certains produits, et les marchandises traversent.

À notre avis, de part et d'autre, les gens ont des avantages à continuer à entretenir les relations qu'ils ont et le commerce qu'ils font, parce que les biens circulent et que les avantages sont réciproques. On pense que la vie continuerait. Mais c'est tellement hypothétique comme situation qu'il faudrait l'envisager si la question se posait dans les faits. Pour l'instant, c'est là notre avis. C'est l'analyse que l'on fait.

Pour les questions qui touchent l'Organisation mondiale du commerce, il y a des ententes qui sont là, bien sûr, mais à prime abord, on ne pense pas que cela change beaucoup de choses.

Le président: Monsieur Alcock, brièvement.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Je vous demande simplement d'y réfléchir. Vous n'arrêtez pas de dire que c'est une situation hypothétique. Mais il se trouve que nous avons failli nous trouver dans cette même situation en 1995, au dire du premier ministre de l'époque, qui a affirmé pendant le référendum qu'il était prêt à faire une telle déclaration.

• 2110

C'est bien beau de dire que la vie continue, et je l'espère autant que vous, mais pourquoi prendre ce risque? Si tel est votre objectif, pourquoi ne pas le poursuivre dans un contexte qui prévoit une procédure ordonnée qui protégera vos membres contre cette éventualité-là? Voilà l'objet réel de ce projet de loi.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. André Bachand: ...

M. Reg Alcock: Oui, plutôt que de changer de sujet ou de pratiquer la politique de l'autruche, parce qu'il va sans dire que nous allons fermer les yeux là-dessus.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Donnons l'occasion au témoin de répondre.

[Français]

Évidemment, il y a des désaccords dans ce comité, mais pas pour les témoins. Les témoins ont l'occasion de répondre.

À l'ordre.

M. Gratien D'Amours: Je pense qu'il est important de juger les institutions ou les individus dans le cadre des rôles qu'ils assument. Si M. Parizeau a dit ça ailleurs, dans un autre forum, alors qu'il n'était plus premier ministre, la question devient encore plus hypothétique. Ce qui est important, c'est que les gens respectent les mandats qui leur sont confiés par les institutions démocratiques qui les ont élus. Comme organisation, si le parti au pouvoir, quel qu'il soit, ne respectait pas les mandats qui lui ont été confiés par des institutions démocratiques, par voie démocratique, nous serions les premiers à réagir.

On veut que les institutions se comportent comme elles l'ont fait, dans le respect de la démocratie. On est probablement assez chanceux d'avoir cette capacité ici.

[Traduction]

M. Reg Alcock: C'est trop tard. C'est peut-être déjà trop tard. C'est ça le problème.

[Français]

Le président: Monsieur Guimond, à vous la parole.

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président. Je pense, monsieur D'Amours, que vous avez très bien répondu et que vous ne pouvez pas être tenu responsable de tout ce qui a été écrit et de tout ce qui s'est dit par des personnes dont vous n'avez pas le contrôle. On vous a entendu pour connaître l'opinion de l'UPA sur le projet de loi C-20. Vous ne pouvez pas tout commenter tout ce qui s'est dit.

Par exemple, je suis persuadé que vous n'êtes pas d'accord sur ce que lord Durham disait de nous en 1839:

    Voici une race d'hommes habitués aux travaux incessants d'une agriculture primitive et grossière, habituellement enclins aux réjouissances de la société, unis en communautés rurales, maîtres des portions d'un sol tout entier disponible et suffisant pour pourvoir chaque famille...

Lord Durham disait cela en 1839. Je ne peux pas arriver et vous demander aujourd'hui si cela correspond encore à l'agriculture au Québec dans les années 2000. J'ai été obligé d'illustrer par le ridicule le commentaire que M. Alcock faisait.

M. Gratien D'Amours: Voulez-vous entendre mes commentaires?

M. Michel Guimond: Oui, j'aimerais avoir vos commentaires.

M. Gratien D'Amours: Nous pensons qu'ils ne sont pas tous comme ça. On travaille avec certains, et on s'entend. Je comprends bien votre intervention et le contexte dans lequel vous la situez.

M. Michel Guimond: Est-ce que vous savez quelle proportion du boeuf de l'Alberta est consommée au Québec? Est-ce que vous avez les chiffres? Je les ai, mais je veux vérifier si les vôtres sont conformes aux miens.

M. Gratien D'Amours: Ce n'est pas récent, mais à ma connaissance, les importations de boeuf de l'Alberta correspondent à une dépense d'environ 700 à 800 millions de dollars annuellement pour le Québec.

M. Michel Guimond: Qu'est-ce que cela représente comme pourcentage de la consommation québécoise?

M. Gratien D'Amours: La production intérieure correspond à environ 10 p. 100 de la consommation.

M. Michel Guimond: Il est dommage que M. Alcock soit au téléphone avec son mentor, Stéphane Dion, car je suis persuadé qu'il aimerait nous entendre. Malheureusement, il n'a qu'une seule oreille à mon écoute. Je suis persuadé que si le Québec devenait souverain, les producteurs de boeuf de l'Alberta voudraient continuer à vendre leur boeuf au Québec. Et si, après l'accession du Québec à la souveraineté, les producteurs de boeuf de l'Alberta voulaient cesser de vendre du boeuf au Québec, pour se plaindre, par mécontentement ou par mauvaise humeur, je suis persuadé que les Argentins, les Chiliens et d'autres producteurs dans le monde, se feraient un plaisir de nous vendre le leur. Si le Québec devient souverain, on ne se mettra pas à manger du riz demain matin. On va continuer à manger du McDonald, du steak sur le barbecue et des brochettes. Pensez-vous qu'on va continuer à consommer du boeuf si le Québec devient souverain?

• 2115

Le président: Fin des questions aussi sans doute.

Monsieur D'Amours, avez-vous quelque chose à ajouter concernant le boeuf? Y a-t-il quelque chose à répondre à cette question?

M. Gratien D'Amours: La réponse que j'ai donnée tout à l'heure voulait dire qu'il est clair que présentement, l'agriculture au Québec consiste en une grande production laitière: on approvisionne d'autres provinces.

Étant donnée la situation présente, on achète d'autres produits, et le boeuf en est un bon exemple. Cela démontre assez clairement que la dynamique de production qui s'est développée dans l'Ouest donne de bons résultats, ce qui fait en sorte qu'ici on achète ce boeuf-là. Il y a probablement des avantages réciproques à faire cela.

On pense que dans une situation normale, les choses continueraient de la même façon, peu importe les décisions qui se prendraient après une décision politique qui ferait en sorte qu'il y aurait sécession du Québec. Mais c'est très hypothétique, et il faut avouer que la raison pour laquelle on est d'abord ici, c'est surtout pour s'exprimer sur le fond du projet de loi C-20.

Le président: Merci beaucoup, monsieur D'Amours et monsieur Larose.

Nous avons terminé les 45 minutes de questions. Je sais bien que d'autres collègues veulent poser des questions, mais nous avons pris au-delà de 45 minutes. Je crois que nous devons maintenant terminer notre séance avec les témoins ce soir. Je voudrais vous remercier. Je regrette de ne pas avoir été ici quand vous avez commencé vos remarques, mais j'ai été en mesure d'entendre vos réponses. Merci pour votre aide et bonsoir.

Une voix: Monsieur le président, avons-nous d'autres témoins?

Le président: Oui, oui, un instant.

M. Michel Guimond: Non, plus d'autres témoins.

Le président: Un instant.

• 2120




• 2121

Le président: À l'ordre. Nous pouvons recommencer. Monsieur Guimond, vous avez encore la parole.

M. Michel Guimond: Monsieur le président, si vous ajoutez le mot «encore», vous voulez sûrement nous faire remarquer que depuis lundi à 14 h 30, alors que nous sommes mercredi soir et qu'il est 21 h 20, j'ai effectivement encore la parole pour vous entretenir d'une motion qui a été présentée par mon collègue le député de Winnipeg, M. Alcock, collègue que je respecte...

Non, non, on va laisser faire pour ce qui est du secrétaire parlementaire, cette fois-ci.

Donc, je respecte énormément mon collègue qui, je le présume, monsieur le président, pour toutes les personnes qui nous écoutent, est un grand démocrate et saura maintenir son attention pendant ma présentation même si je devrai utiliser parfois des mots assez crus. Ainsi, en tant que député de l'opposition voulant s'exprimer en toute bonne foi au nom de son parti, je devrai qualifier la motion qu'il nous présente et dire que nous la considérons inacceptable, bien que légitime en vertu du régime parlementaire d'inspiration britannique que nous avons ici, au Parlement du Canada.

Je considère que cette motion est inacceptable, parce qu'étant donné le sérieux de ce projet de loi, il est important d'entendre des témoins et parce que nous ne pouvons, comme députés de l'opposition, accepter un bâillon. Et le bâillon est double cette fois-ci. Nous avons un bâillon à deux têtes, un bâillon bicéphale, monsieur le président. Il est bicéphale dans le sens qu'il nous a été proposé ici par la personne juridique que représente le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires intergouvernementales, mais on a proposé aussi l'autre céphale, l'autre aspect, l'autre céphalée, l'autre aspect qui me donne un paquet de céphalées. Je vous avouerai que quand j'arrive chez moi, j'ai de nombreuses céphalées. J'ai de la difficulté à m'endormir, monsieur le président. J'espère qu'au terme de l'exercice, je ne finirai pas hydrocéphale.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

[Français]

M. Michel Guimond: Et le deuxième bâillon nous est venu...

Le président: Il y a appel au Règlement.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je voudrais faire une suggestion constructive à mon confrère. Comme d'habitude, j'apprécie au plus haut point ses remarques. Je les trouve très instructives, et je dois dire que j'ai beaucoup appris en l'écoutant. Mais s'il pouvait parler un peu moins fort et un peu moins vite, j'aurais moins de mal à le comprendre. S'il était disposé à faire ça, je pourrais peut-être rester là pour l'écouter.

M. Michel Guimond: Monsieur le président, c'est une excellente offre. Je vais essayer d'y accéder, à condition que vous acceptiez de m'écouter jusqu'à 9 h 30 demain matin.

Il ne m'est pas facile de...

M. Reg Alcock: Vous n'avez qu'à dire oui.

Une voix: Jusqu'à ce que mort s'ensuive...

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur le président, je dois préciser que lorsque j'ai parlé tout à l'heure d'un bâillon bicéphale, je pensais à la motion qui nous a été imposée par le leader du gouvernement à 17 h 31 cet après-midi, le mercredi 23 février.

Mais pour bien comprendre pourquoi un parti comme le nôtre... Je suis persuadé que tous les collègues qui sont présents ici ce soir se partagent en deux catégories. Certains collègues veulent écouter ma présentation pour savoir vers quoi elle s'oriente, des collègues comme M. Cotler qui a toujours été attentif et qui meurt d'envie de connaître la conclusion, l'aboutissement de cet exposé. D'autres collègues, ceux qui sont de ce côté-ci de la table, M. Blaikie et M. Turp, qui sont avant tout de grands démocrates et qui...

• 2125

Le président: André.

M. Michel Guimond: J'avais oublié M. Bachand. Merci, monsieur le président. Ces collègues sont dans l'opposition pour le moment. Ce sont peut-être des collègues qui espèrent que leur parti—je pense surtout à mes collègues du NPD et du Parti conservateur—prendra un jour les rênes du gouvernement, qu'il formera le gouvernement, auquel cas ils n'oseront pas faire subir aux libéraux alors dans l'opposition la technique du bâillon, parce que je suis persuadé qu'ils considèrent que c'est antidémocratique.

Donc, il y a de nombreuses personnes ici. Il y a vous, monsieur le président, et le personnel qui vous accompagne, le greffier, nos interprètes très compétents qui ont failli avoir à me traduire de l'allemand vers le français et l'anglais, mais il aurait fallu faire installer une autre cabine.

Vous savez, le système est compliqué ici. Mon collègue Turp a même fait une présentation en langue crie. Je peux vous dire que cela a ébranlé les colonnes du temple, monsieur le président. On n'est pas habitués d'entendre les députés du Bloc québécois parler cri ici, mais mon collègue Turp l'a fait.

Donc, j'en étais rendu à vous parler, monsieur Cotler et collègues, de la réplique que M. Claude Ryan avait faite quant au renvoi de la Cour suprême. M. Ryan s'est exprimé en ces termes:

    Le Renvoi oblige à préciser en premier lieu ce qu'il faut entendre par le Québec. Selon le Mémoire du Gouvernement fédéral, le Québec est une province du Canada, sans plus.

Monsieur le président, j'aimerais faire une remarque. Cette porte de saloon qui nous déconcentre quand on essaie de faire une présentation sérieuse me fait penser aux meilleurs films westerns, les westerns spaghetti de Sergio Leone, quand il y a quelqu'un qui sort. On dirait une porte de saloon.

Hier, quand mon collègue le secrétaire parlementaire est sorti par cette porte, j'ai été littéralement traumatisé. J'ai eu peur, cher collègue, quand je vous ai vu sortir. Le président aussi a été traumatisé. J'espère qu'on pourra faire une réquisition en trois copies: une copie pour le président, une copie pour M. Marleau, une copie pour le whip, une copie pour le leader aussi, afin de faire réparer cette porte parce qu'elle nous déconcentre quand on essaie de faire une présentation sérieuse.

Le président: Le greffier peut réparer n'importe quoi.

M. Michel Guimond: Oui. Je reviens à des propos un peu plus sérieux. M. Ryan disait, au sujet du renvoi de la Cour suprême:

    De là à dire que le Québec est une province comme les autres, il n'y a qu'un pas. Or, cette conception réductrice n'a jamais été admise au Québec. Dans l'état actuel du droit, le Québec a le rang de province mais il forme au sein de l'ensemble fédéral canadien une société distincte par la langue...

J'aimerais souhaiter le bonsoir aux sbires du ministre Dion. Les sacs et les mallettes s'en vont, monsieur le président. Nous allons perdre toutes nos questions. Les mallettes à roulettes s'en vont.

M. Ryan nous dit:

    Dans l'état actuel du droit, le Québec a le rang de province mais il forme au sein de l'ensemble fédéral canadien une société distincte par la langue et la culture de la grande majorité de ses habitants, par son droit civil et ses institutions. Ce caractère distinct du Québec est au coeur du débat constitutionnel. Pour définir le Québec, on a utilisé divers termes comme ceux de collectivité, de peuple, de nation, de société. [...] Tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis plus d'un demi-siècle, qu'ils fussent d'orientation fédéraliste ou souverainiste, ont insisté pour que ce caractère soit plus explicitement affirmé et reconnu. Dans le Mémoire du Gouvernement fédéral, le Québec est assimilé aux groupes ethniques, religieux ou linguistiques minoritaires au sein des états constitués auxquels le droit international refuserait le droit à l'indépendance. On s'éloigne dangereusement, en parlant ainsi, du concept de l'égalité des deux peuples fondateurs naguère reconnu par le gouvernement fédéral.

• 2130

M. Ryan dit plus loin:

    Sur le droit à l'autodétermination, interprété comme pouvant impliquer entre autres options le choix en faveur de la souveraineté, il existe au Québec un consensus large et profond entre les principales formations politiques et la grande majorité des acteurs politiques oeuvrant sur la scène québécoise. Tous sont d'accord pour reconnaître que l'avenir politique du Québec, quelle que soit l'option devant être retenue, relève en dernière analyse de la volonté souveraine du peuple québécois.

L'avis de la Cour suprême du Canada, bien qu'il comporte certains éléments de réponse recherchés par le gouvernement fédéral, présente des éléments inattendus pour ce dernier telle que la reconnaissance par la cour de la légitimité de la démarche québécoise et l'obligation de prendre en considération l'expression de la volonté démocratique du peuple québécois.

Dans le renvoi, on peut lire:

    Le rejet clairement exprimé par le peuple du Québec de l'ordre constitutionnel existant conférerait clairement légitimité aux revendications sécessionnistes, et imposerait aux autres provinces et au gouvernement fédéral l'obligation de prendre en considération et de respecter cette expression de la volonté démocratique en engageant des négociations et en les poursuivant en conformité avec les principes constitutionnels sous-jacents...

Venons-en maintenant à la discussion que je voulais vous exposer sur l'entente-cadre sur l'Union sociale canadienne, un objet de fierté pour le gouvernement fédéral. On a vu qu'au Québec, elle n'a pas été très très bien accueillie, même par l'opposition libérale à Québec.

Parallèlement aux initiatives postréférendaires plus directement liées à la question québécoise que sont la déclaration de Calgary et le renvoi devant la Cour suprême, un autre grand dossier a marqué l'actualité de la fédération canadienne d'une façon importante, s'agissant de l'évolution des rapports entre cette dernière et le statut du Québec.

Ce dossier concerne les rôles et les responsabilités des deux ordres de gouvernement dans le champ des politiques sociales. Sur le plan constitutionnel, le champ des politiques sociales relève pour l'essentiel de la compétence des provinces. C'est un domaine où le gouvernement fédéral est néanmoins fortement intervenu en s'appuyant principalement sur ses moyens financiers.

Au Canada, la répartition des ressources fiscales entre les deux ordres de gouvernement n'est pas proportionnée à celle des dépenses qu'ils doivent assumer en raison de leurs responsabilités constitutionnelles respectives. Les provinces assument la majeure partie des coûts des programmes sociaux, mais c'est le gouvernement fédéral qui dispose de la meilleure part des ressources fiscales nécessaires pour les financer.

On s'en rendra compte, monsieur le président, le lundi 28 février prochain, lorsque le ministre des Finances, Paul Martin, déposera son budget et fera ressortir que le gouvernement fédéral a accumulé des surplus de 95 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. C'est inadmissible, monsieur le président.

Si le gouvernement fédéral a des surplus de 95 milliards de dollars, c'est d'abord parce qu'il a coupé dans les transferts sociaux aux provinces, parce qu'il a coupé dans les programmes d'assurance-emploi, parce qu'il a pigé dans la caisse d'assurance-emploi au détriment des travailleurs et des travailleuses, et aussi parce qu'il taxe trop, monsieur le président.

Si le gouvernement fédéral n'était pas aussi gourmand, aussi ogre, s'il était raisonnable, il ne dégagerait pas de surplus. Avant d'être député, j'ai siégé comme conseiller municipal à la municipalité de Boischatel, sur la côte de Beaupré, où sont situées les chutes Montmorency. Un gouvernement municipal se doit de présenter à chaque année un budget équilibré, ce qui signifie qu'on se doit de taxer, donc d'avoir des revenus, en fonction de nos dépenses.

Lorsque la municipalité où vous habitez, monsieur le président, Kingston, se pète les bretelles parce qu'elle dégage des surplus budgétaires, cela vient tout simplement confirmer qu'elle taxe trop ses citoyens. Normalement, un palier de gouvernement devrait taxer en fonction de ses besoins.

C'est pourquoi, monsieur le président, je vous dis à l'avance que si le ministre des Finances, comme on s'y attend, arrive avec des surplus de 95 milliards de dollars pour les cinq prochaines années, ce n'est pas nécessairement un exemple de bonne gestion. C'est tout simplement un signe qu'il taxe trop. Qu'il redonne l'argent aux travailleurs et aux travailleuses, aux gens ordinaires, aux pêcheurs, aux fermiers de l'Ouest canadien en Saskatchewan, qui en ont besoin. Ce sera une preuve que ce gouvernement est trop gourmand. Nous le rappellerons au ministre des Finances lundi prochain.

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Dans les années 1990, le gouvernement fédéral a fait d'importantes diminutions dans ses paiements de transfert aux provinces destinés au financement des programmes sociaux. Il a fait des coupures unilatérales. Insistons, monsieur le président, sur le terme unilatérales. Examinons l'étymologie du terme «unilatéral». «Uni» veut dire, d'un seul côté, monsieur le président. Cela veut dire que le gouvernement fédéral... On a entendu des exemples de qualificatifs du fédéralisme: le fédéralisme collaborateur, dominateur. C'est ce que Robert Bourassa... Au gouvernement fédéral, on soutenait que nous étions dans un système de fédéralisme coopératif.

Rappelez-vous ce que M. Bourassa avait dit au lendemain du dépôt du rapport du comité Beaudoin-Dobbie. Il avait dit que c'était un exemple de fédéralisme dominateur. Quand je vous dis que les coupures unilatérales conduiront...

[Traduction]

M. Reg Alcock: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Français]

Le président: À l'ordre. Il y a appel au Règlement par l'honorable secrétaire parlementaire au ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé de la Reine.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Merci, monsieur le président. Je voudrais invoquer le Règlement, et par la même occasion, faire une remarque très sérieuse. Ce processus a été difficile, même très difficile. Je dois dire que M. Guimond a gagné mon respect pour la façon dont il a mené ce débat.

Cela dit, je regrette qu'il n'ait pas pu intéresser plus longtemps son public, mais je vous demanderais, monsieur le président, de vérifier la présence d'un quorum.

[Français]

Le président: Non, il n'y a pas quorum.

[Traduction]

M. André Bachand: Il faut combien de membres?

[Français]

Le président: Le quorum est de huit et nous sommes sept.

[Traduction]

M. Reg Alcock: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: La séance est levée jusqu'à demain, 9 h 30.