NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 23 mars 2000
Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): J'aimerais déclarer ouverte la séance conjointe du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Avant d'accueillir nos deux ministres, j'aimerais souligner la présence de deux personnes. Premièrement, nous recevons M. Gerald Howarth du Parlement de Westminster. C'est le bel homme assis à côté de M. Earle. Il est secrétaire du Comité parlementaire de la défense du Parti conservateur à Westminster. Il est aussi vice-président du groupe aéronautique parlementaire. Nous avons eu la chance d'échanger hier soir certains points de vue intéressants à l'occasion d'un dîner.
[Note de la rédaction: Inaudible]
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale): ...un conservateur.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): C'est exact. Nous avons dû en importer un.
Bienvenu. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous, monsieur Howarth.
Notre collègue Jacques Saada se joint à nous pour cette séance portant sur ce sujet particulier. Il est président de la section canadienne de la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis. Jacques, nous sommes heureux que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui.
• 1530
Nos deux ministres, le ministre Eggleton et le ministre
Axworthy, n'ont pas vraiment besoin d'être présentés. Je vais donc
simplement vous leur céder la parole et leur demander de présenter,
le cas échéant, le personnel qui les accompagne.
Bill, aviez-vous une déclaration?
Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Tout ce que j'ai à dire, c'est que les ministres doivent nous quitter à 16 h 30 et que nous de disposons donc que d'une heure. Chers collègues, ne l'oubliez pas lorsque vous poserez vos questions et interviendrez. Nous ne disposons pour ainsi dire que d'une heure et nous allons nous en tenir là.
Messieurs les ministres...
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères): Merci, messieurs les coprésidents.
Je dirais, pour compléter, que si le comité veut poursuivre la discussion, il va sans dire que des hauts fonctionnaires seraient à votre disposition et prêts à revenir vous rencontrer pour toute autre consultation qui serait nécessaire.
Permettez-moi de commencer en disant que je suis très heureux que le ministre Eggleton et moi-même puissions vous rencontrer en séance conjointe pour discuter de la reconduction de l'Accord du NORAD pour une nouvelle période de cinq ans. Je pense que je n'apprends rien à personne en disant que le NORAD est à la base de la coopération canado-américaine en matière de défense depuis 1958 et qu'il encadre notre coopération en ce qui a trait à la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.
Même s'il y a beaucoup de constantes dans la relation entre le Canada et les États-Unis, le contexte dans lequel se développe celle-ci évolue. La fin de la guerre froide et l'émergence de la mondialisation—un processus d'interconnexion entre les populations, les entreprises et les économies qui gagne en vitesse—ont enclenché des changements qui ont un impact sur les relations à l'échelle internationale.
[Français]
En particulier, d'un point de vue militaire, les anciennes priorités de défense mutuelle contre une attaque nucléaire ou une agression massive au moyen d'armes classiques par un adversaire idéologique ont été remplacées par de nouvelles préoccupations.
Des menaces nouvelles et diffuses à la sécurité sont apparues: des conflits internes de plus en plus nombreux, comme au Kosovo, la prolifération des armes de destruction massive, des problèmes de sécurité régionaux, le terrorisme, le narcotrafic, le crime organisé, ainsi que les dangers qui menacent la technologie, l'information et les infrastructures critiques.
Le NORAD a changé, lui aussi, en réponse à cette évolution du contexte de sécurité internationale.
[Traduction]
Il est très important que toute discussion que nous avons respecte et réagisse à cela. En particulier, il est important de signaler que c'est lors de la reproduction de l'accord du NORAD en 1996 que nous avons procédé à la première édition majeure du document, qui était inchangé depuis 1981. Nous avons transformé ce qui était un arrangement de défense durant la guerre froide en un document approprié au nouveau contexte relatif à la sécurité que je viens tout juste de décrire.
Vous vous rappellerez, d'après les examens de la politique étrangère et de défense menés en 1994 et 1995 et le débat en Chambre en 1996, lorsque l'accord actuel a été reconduit la dernière fois, que le public et les parlementaires appuyaient vigoureusement notre participation au NORAD.
La poursuite de la coopération en matière de défense aérospatiale au sein du NORAD reflète la relation spéciale que nous entretenons avec les États-Unis. La coopération bilatérale aux fins de la défense des intérêts de sécurité nord-américains remonte à l'accord d'Ogendsburg de 1940 et constitue un complément naturel des multiples liens politiques, économiques, culturels et sociaux qui unissent les deux pays.
Nous ne faisons plus face à une menace imminente qui viendrait de missiles balistiques et de bombardiers à long rayon d'action. Mais notre participation continue au NORAD nous fournira une capacité globale d'alerte contre les missiles balistiques, tout en assurant un niveau de défense contre les aéronefs et les missiles de croisière.
Outre son rôle concernant les aspects militaires de la sécurité nord-américaine, le maintien des capacités de défense aérospatiale dans le cadre du NORAD a des implications importantes pour la souveraineté canadienne. Grâce au NORAD, le gouvernement est davantage en mesure de s'assurer que sa volonté est respectée dans toutes les sphères de compétence canadienne en lui donnant, de façon très rentable, la possibilité de suivre et de contrôler les développements dans son espace aérien.
Ces considérations ont amené les comités parlementaires qui ont examiné la politique étrangère et de défense du Canada en 1994-1995 à recommander la reconduction de l'accord à l'époque. Ces recommandations demeurent valides.
Parce que nous lui avons apporté des révisions majeures en 1996, l'accord demeure, d'après nous, une base appropriée à partir de la laquelle le NORAD peut mener les missions qui lui sont assignées.
L'accord actuel ne vient à expiration que le 12 mai 2001 et, normalement, la question de sa reconduction ne serait soulevée qu'à la fin de la présente année ou au début de l'an prochain. Alors pourquoi en parler maintenant?
D'abord à cause des élections présidentielles aux États-Unis. Vous êtes familiers avec le processus électoral américain. C'est une période à la fois intense, longue et turbulente. Une période qui culminera juste au moment où la question de la reconduction devra être abordée.
• 1535
La Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis,
composée de représentants civils et militaires de haut niveau des
ministères et départements compétents du Canada et des États-Unis,
a examiné les différentes options à ce chapitre. J'aimerais rendre
un hommage tout particulier à notre collègue Jacques Saada, qui en
est le président canadien et qui a joué un rôle de tout premier
plan au sein de cette très importante commission.
Pour assurer la stabilité au niveau de la planification et du budget et pour éviter tout risque de complications associées à la période des élections américaines, la Commission a jugé qu'il serait prudent de procéder à la reconduction de l'accord bien avant sa date d'expiration du 12 mai 2001. Il est recommandé que l'accord du NORAD soit reconduit sans changements pour cinq ans à partir du 12 mai 2001. Aucun changement n'est proposé. L'objectif est de simplement reconduire l'accord pour une période de cinq ans.
Le débat qui s'engage sur un système national de défense antimissiles milite aussi en faveur de la reconduction du NORAD maintenant. Vous avez entendu parler de cette question. Un certain nombre de témoins ont récemment abordé le sujet au cours des travaux des comités des affaires étrangères et de la défense. Nous ne sommes pas ici pour traiter en détail de ce sujet, mais j'aimerais tout de même souligner quelques points.
D'abord et avant tout, le programme national de défense antimissiles est un programme américain; les États-Unis n'ont pas encore décidé de déployer un tel système et ils n'ont pas non plus invité le Canada à y participer. Aux termes de l'accord actuel, le NORAD n'a pas de mission de défense antimissiles et la reconduction de l'accord sans changements continue cet état de chose.
Si les États-Unis décidaient de déployer un système antimissiles, ils ne pourraient décider unilatéralement d'utiliser le NORAD comme base opérationnelle. Comme le Canada est un partenaire à part entière du NORAD, les États-Unis devraient obtenir son accord s'ils voulaient en changer le mandat.
La question d'un système national de défense antimissiles souligne de très grands enjeux pour le Canada, et notre acceptation ou notre refus à cet égard aurait des conséquences d'une très grande portée. Avant que le Canada n'arrête sa position, il faut se pencher sur diverses questions.
Un système national de défense antimissiles constitue-t-il une protection contre la véritable menace? Bon nombre croient que non. Nombreux sont ceux qui sont d'avis que l'utilisation de missiles balistiques pour attaquer les États-Unis est le scénario le moins probable, et qu'il est beaucoup plus plausible qu'une attaque soit faite à l'aide de missiles de croisière et d'autres vecteurs contre lesquels un système national antimissiles ne fournirait aucune protection.
On peut aussi se demander si un tel système fonctionne. Comme vous le savez, les Américains ont dû remettre à plus tard les prochains essais de la technologie, et des défis technologiques importants restent à régler.
Il faut aussi se demander si nos alliés au sein de l'OTAN sont d'accord. Bon nombre expriment de sérieuses réserves. Au cours de discussions tenues juste avant Noël, l'OTAN a commencé à examiner sérieusement la question, mais cet examen est loin d'être terminé.
On doit aussi se demander si le déploiement d'un tel système exigerait une dénonciation unilatérale du Traité ABM et, si oui, si un tel geste risquerait de déclencher une course aux armements avec la Russie. Même si les Américains pouvaient obtenir que le traité soit modifié, le déploiement d'un système national de défense antimissiles pourrait avoir des implications à l'égard de la Chine ou déclencher une course aux armements avec des États hors-la-loi qui chercheraient à produire des armes offensives capables de percer un bouclier antimissiles.
Et surtout, quels seraient les effets d'un système national de défense antimissiles sur l'architecture mondiale de non-prolifération nucléaire que nous avons mise en place au cours des cinquante dernières années? Monsieur le coprésident, je peux dire que le Canada a joué un rôle important dans la mise en place de cette architecture. Depuis 1946, le Canada s'emploie activement à contenir, par une approche multilatérale, la prolifération des armes nucléaires. Nous estimons donc que nous devons poursuivre nos initiatives, surtout qu'une conférence d'examen doit commencer le mois prochain.
Cette architecture de non-prolifération repose sur une entente fondamentale entre les États dotés d'armes nucléaires et ceux qui n'en ont pas et aux termes de laquelle les premiers s'engagent à désarmer en contrepartie de l'engagement des seconds à ne pas se doter d'armes nucléaires. Cette architecture, qui constitue les bases de la stabilité stratégique, a déjà subi un certain nombre de secousses depuis un an—avec les essais de l'Inde et du Pakistan, le refus du Congrès américain de ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et l'impasse de la conférence sur le désarmement à Genève. On craint qu'un système national de défense antimissiles pourrait l'affaiblir davantage si le déploiement d'un tel système était interprété comme une autre preuve que les États-Unis cherchent surtout à renforcer leurs capacités plutôt qu'à les réduire.
• 1540
À l'heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de fournir
des réponses à ces questions et à nombre d'autres interrogations.
Elles n'en soulèvent pas moins de sérieuses préoccupations qu'il
faut prendre en compte, et qu'on prendra sûrement en compte—des
préoccupations qui sont vitales pour notre sécurité.
Nous traiterons de la question du système national de défense antimissiles en temps et lieu, quand les informations seront claires et qu'on pourra répondre à beaucoup de ces questions. Toutefois, la reconduction de l'accord du NORAD ne préjugera en rien de la position que le gouvernement pourra prendre à ce sujet lorsqu'il sera prêt à se prononcer.
Pendant que se poursuit le débat sur le système national de défense antimissiles, nous voulons nous assurer de préserver la coopération mutuellement avantageuse entre le Canada et les États-Unis au sein du NORAD. La reconduction du NORAD à ce moment-ci nous permettrait d'atteindre cet objectif.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci monsieur le ministre.
Monsieur Eggleton, avez-vous aussi une déclaration à faire?
M. Arthur Eggleton: Merci beaucoup messieurs les coprésidents. Je suis accompagné de M. Ken Calder, responsable des politiques, et du général David Jurkowski.
Je tiens aussi à saluer le travail de Jacques Saada et des membres de la commission mixte. Cette commission a une longue histoire, qui remonte à 1940, date de sa création à Ogdensburg, dans l'État de New York, au moment où le premier ministre Mackenzie King et le président Franklin Delano Roosevelt ont marqué le début d'une grande relation entre nos deux pays. L'accord du NORAD, entré en vigueur en 1958, est effectivement la pierre angulaire de la coopération en matière de défense entre les États-Unis et le Canada, et cette coopération est couronnée de succès.
[Français]
Dans le cadre plus vaste des relations Canada—États-Unis, NORAD est le complément naturel des liens importants qui unissent nos deux pays dans de nombreux domaines.
[Traduction]
Quand le NORAD a été reconduit pour la dernière fois en 1996, nos deux gouvernements ont convenu de transformer ce qui était un arrangement de défense durant la guerre froide en un nouveau partenariat adapté à la situation géostratégique présente et à venir. Comme il le fait depuis 1958, le NORAD permet de détecter toute intrusion dans l'espace aérien nord-américain, de la caractériser et de donner l'alerte, qu'il s'agisse d'avions, de missiles ou de véhicules spatiaux.
L'autre sphère de responsabilité importante du NORAD est le contrôle aérospatial, qui comprend deux aspects: la souveraineté aérienne et la défense aérienne. La capacité de surveillance, d'alerte et de contrôle de l'espace aérien canadien est un élément de défense fondamental qui a d'importantes répercussions sur la souveraineté de notre pays. Le NORAD permet de repérer les avions qui pourraient entrer dans l'espace aérien de notre pays.
Une fois qu'un avion se trouve dans l'espace aérien nord-américain, le NORAD collabore avec les autorités civiles du trafic aérien jusqu'à ce qu'on ait réussi à identifier l'avion. Si nécessaire, le NORAD peut dépêcher un avion d'interception pour confirmer l'identité de l'avion qui peut entrer dans notre espace aérien.
Le NORAD a une capacité plus limitée pour détecter et détruire les missiles de croisière. Il a d'ailleurs été jugé prioritaire d'améliorer cette capacité. Les opérations de surveillance et d'alerte ne sont toutefois pas limitées au contrôle des avions et des missiles de croisière. Le NORAD détecte de façon anticipée le lancement de missiles balistiques et suit leur trajectoire dans l'atmosphère et dans l'espace, dans le cas des missiles balistiques intercontinentaux.
La détection anticipée de tous les missiles balistiques lancés n'importe où dans le monde est une contribution précieuse du NORAD à la stabilité stratégique. Le NORAD a autant la capacité de surveiller le lancement de missiles expérimentaux que de détecter des objets artificiels, et il peut fournir rapidement des informations sur la situation et la nature des missiles et des objets.
Pour vous donner une idée des objets artificiels qui peuvent se trouver dans l'espace, le NORAD repère actuellement plus de 600 satellites en activité. D'ici 10 ans, on prévoit que 1 500 à 1 800 satellites seront lancés dans l'espace, sans compter les nombreux débris spatiaux dont certains ne mesurent que 10 mètres de longueur. Pourtant, tous ces objets pourraient nuire sérieusement à la mise en orbite de satellites commerciaux, scientifiques et militaires ainsi que des navettes spatiales.
Compte tenu de la superficie de l'espace aérien du Canada et du nombre comparativement limité de ses forces militaires, le NORAD reste pour nous un moyen très efficace d'assurer notre surveillance.
De plus, le NORAD aide à lutter contre le trafic de la drogue—rôle qui a été ajouté dans l'accord de 1991—et contribue aussi aux activités de recherche et de sauvetage. Le NORAD s'occupe aussi de l'observation environnementale et météorologique dans l'espace. Cet accord présente donc toute une série d'avantages.
L'accord du NORAD a été reconduit la dernière fois pour cinq ans en mai 1996. Il vient à expiration l'an prochain, mais comme Lloyd l'a signalé, nous voulons le reconduire tout de suite avant que le gouvernement américain ne ralentissent ses activités pour la période des élections présidentielles.
• 1545
Quels sont les enjeux de la reconduction de cet accord?
Commençons d'abord par la contribution du Canada, les coûts que le
Canada doit engager. Le Système d'alerte du Nord, par exemple,
comprend au Canada 11 radars longue portée, 36 radars automatiques
courte portée et 4 radars côtiers. C'est une partie de notre
contribution et de nos coûts.
Il y a 1 080 militaires canadiens affectés au NORAD. Sur ce nombre, 800 sont stationnés à Winnipeg, à North Bay, à Bagotville et à Cold Lake. Les 280 autres travaillent aux États-Unis, et plus de 100 d'entre eux au centre des opérations de Cheyenne Moutain, au Colorado. Combien cela nous coûte-t-il? Bien, le Canada assume environ 10 p. 100 des frais de fonctionnement du NORAD, ce qui correspond à environ 320 millions de dollars, tandis que les États-Unis déboursent presque 3 milliards de dollars par année.
Sans le NORAD, le Canada devrait donc engager des coûts prohibitifs, ne serait-ce que pour une partie des activités de surveillance requises. Pour pouvoir, par exemple, détecter et repérer les avions ou les missiles susceptibles d'entrer dans notre espace aérien, le Canada devrait consacrer près d'un milliard de dollars de plus par année, sans compter les frais de démarrage ou les coûts en capital.
Nous aurions aussi d'autres coûts non financiers à assumer si nous voulions gérer seuls les activités que nous exécutons actuellement en collaboration avec les États-Unis dans le cadre du NORAD. Par exemple, la capacité du Canada d'interopérer—mot important—avec les forces américaines serait sûrement compromise. Le commandement militaire unifié et nos liens de communications avec les forces américaines seraient rompus, ce qui mettrait en péril notre collaboration avec notre principal allié.
La collaboration avec les forces aériennes américaines du NORAD offre aux pilotes de chasse canadiens une expérience exceptionnelle qui peut s'avérer essentielle pour leur permettre de participer à part entière aux opérations, comme ce fut le cas au Kosovo.
Sans les informations sur l'espace et les programmes spatiaux militaires des États-Unis, les efforts de modernisation des forces canadiennes seraient directement touchés. Il nous faudrait investir beaucoup plus que les 600 millions de dollars déjà engagés dans le projet spatial conjoint.
Il est incontestable que le Canada a profité et continue de profiter de l'accord du NORAD. Les faits et les chiffres le confirment. Le NORAD continuera de s'adapter à l'évolution du paysage géostratégique. C'est simplement une question de prudence qui permettra à cette organisation mixte de répondre aux nouveaux besoins en matière de sécurité.
Par exemple, certains aimeraient que le NORAD organise des missions importantes liées à l'infrastructure. Ces missions mettraient l'accent sur les moyens de protéger nos communications et nos systèmes informatiques contre des agressions malveillantes. Ce sont des questions très importantes que nous examinons. Bien sûr, certains aimeraient que le NORAD devienne le centre de commandement et de contrôle du système national de défense antimissiles des États-Unis.
En juillet de l'an dernier, le président Clinton a signé le National Missile Defense Bill, un projet de loi adopté par le Congrès pour engager les États-Unis à construire et à déployer un système de défense antimissiles dès que la technologie le permettra. Si ce système est déployé, il faudra donc renégocier avec la Russie le Traité concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques conclu en 1972. Malgré les problèmes technologiques et diplomatiques qui y sont associés, le projet de loi et le principe du système de défense antimissiles ont obtenu un appui solide de la part du Congrès américain.
Plus tard cette année, le gouvernement américain projette de déterminer si le déploiement est possible. Le président pourrait ensuite décider plus tard cette année, peut-être au début de l'automne, de déployer ou non le système de défense antimissiles, ou d'en retarder le déploiement. Le gouvernement va fonder sa décision sur les quatre éléments suivants: la faisabilité technologique, dont je viens de parler, qui est prévue dans le projet de loi, la menace persistante de missiles, les coûts du déploiement du système et d'autres questions de sécurité nationale, comme l'impact sur les systèmes internationaux de contrôle des armes, les relations avec la Russie et la Chine et les relations avec les alliés de l'OTAN, dont mon collègue a parlé.
À ce jour, le gouvernement du Canada n'a pas encore été officiellement invité à participer au système national de défense antimissiles et il n'a pas pris de décision à ce sujet non plus. Comme le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants l'a entendu... le comité a entendu un certain nombre de témoins parce que c'est une question d'actualité, une question qui doit faire l'objet d'audiences publiques. Vous tenez d'ailleurs des audiences là-dessus. Comme des témoins experts vous l'ont dit, le système de défense antimissiles qui est proposé ne fait pas appel au territoire canadien, ni à la technologie canadienne, ni à l'argent ou au personnel canadien. Cependant, les Américains l'ont indiqué clairement, y compris le sous-secrétaire à la Défense dans l'allocution qu'il a prononcée récemment lors de son passage à Calgary, qu'ils souhaitent obtenir l'accord et l'appui du Canada.
• 1550
Le Livre blanc de 1994 du gouvernement, qui énonce notre
politique sur la défense, traite de toute la question de la défense
nationale antimissile quand il nous engage à chercher à mieux
comprendre la défense antimissile par la recherche et la
consultation. Toute décision sur la participation du Canada à un
système de défense antimissiles balistiques devrait être fondée sur
des informations qui ne sont pas encore disponibles aujourd'hui.
Nous devons savoir, par exemple, ce que le système offrirait au Canada. Pourrions-nous influencer la conception du système si jamais nous y participions? Quel rôle jouerions-nous dans le fonctionnement du système? Serait-il effectivement lié au NORAD? Quel serait le coût de notre participation? Et surtout, le Canada voudrait évaluer l'impact d'un système national de défense antimissiles sur la question du contrôle des armes, surtout dans le cadre du Traité ABM, qui est aussi cité explicitement dans le Livre blanc.
Pour toutes ces bonnes raisons, il est prudent de reconduire l'accord du NORAD tel qu'il existe aujourd'hui. Nous ne proposons pas de modifications à l'accord. Nous aurions ainsi plus de temps pour répondre à certaines questions liées à la défense nationale antimissiles et discuter davantage avec le gouvernement américain de sa conception du programme. La reconduction de l'accord du NORAD ne nous engage pas à l'égard de la défense nationale antimissiles et ne préjuge en rien de la décision que le gouvernement du Canada pourra prendre à ce sujet.
Je pourrais ajouter, toutefois, qu'à part les aspects qu'a bien fait ressortir mon collègue, il nous faut aussi examiner la question dans le contexte des relations globales canado-américaines.
Pour terminer, le NORAD est depuis quatre décennies la base de la coopération canado-américaine en matière de défense. Pendant toutes ces années le NORAD n'est pas demeuré statique. Au contraire comme je pense nous vous l'avons tous les deux bien fait ressortir, l'accord a changé parallèlement à l'évolution du contexte stratégique au fil des ans.
[Français]
NORAD sert bien les intérêts du Canada, car c'est son principal outil en matière de surveillance, d'alerte et de contrôle aérospatiaux.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, ministre Eggleton et ministre Axworthy, de vos déclarations.
Nous passerons aux questions. Les ministres doivent nous quitter à 16 h 30. Comme l'a dit le ministre Axworthy, les représentations officiels sont à notre disposition et continueront de l'être. Et si vous voulez rencontrer de nouveau les ministres, nous pourrions les inviter. Passons directement aux questions.
Les deux coprésidents sont convenus d'adopter, pour la première ronde de questions, la pratique des sept minutes par parti du Comité parlementaire de la Défense nationale et des anciens combattants. Nous vous laissons donc le soin de vous répartir le temps imparti pour ce qui est des questions et des réponses. Je vais devoir être très strict pour des raisons d'équité entre les partis. Tout le monde devrait donc disposer d'au moins sept minutes pour poser des questions.
Commençons dès maintenant par un membre du Parti réformiste. Monsieur Hanger.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs les ministres, de comparaître devant notre comité.
J'aimerais relever une observation que vous avez faite tous les deux, à savoir que les États-Unis ne nous ont pas officiellement invités à participer au système national de défense antimissiles. Voilà une déclaration assez intéressante. Pourtant, lors de sa comparution devant le Comité de la défense le général MacDonald a dit qu'il croyait que si le Canada décidait de ne pas participer au programme national de défense antimissiles, son propre poste de commandant-adjoint ne serait alors d'aucune utilité. Il a ajouté que les Américains commencent à se montrer soupçonneux à l'égard de la participation des Canadiens au NORAD et pourraient ne pas vouloir partager l'information. Il semble que ce programme national de défense antimissiles joue vraiment un rôle important dans la position du Canada au sein du NORAD.
Ministre Axworthy, vous avez parlé de la grande importance que revêt le NORAD pour la sécurité du Canada. En 1996 vous avez fait allusion à plusieurs points, cinq, si je ne m'abuse, pourtant notre comité de la défense s'est fait dire par des témoins que la relation canado-américaine au sein du NORAD est menacée. Ministre Axworthy, comme ce projet de système national de défense antimissiles est dans l'air depuis un certain nombre d'années, serait-il juste de dire que si nous n'avons pas appuyé le système national de défense antimissiles c'est en raison de votre position idéologique dans toute cette affaire et que vous ne voulez pas vraiment vous y immiscer?
M. Lloyd Axworthy: Non, monsieur Hanger. Je pense que mes préoccupations, comme je viens tout juste de le dire au comité, se fondent sur ce qui constitue les meilleurs intérêts de sécurité pour le Canada. Ce sont ces intérêts fondamentaux que je dois défendre à titre de ministre des Affaires étrangères.
Comme je l'ai dit très clairement, le Canada constate depuis au moins quatre ou cinq décennies que pour conjurer le danger que posent les armes nucléaires il faut absolument mettre en place un programme de contrôle des armements et de désarmement de manière à limiter la dissémination des armes nucléaires, leur l'utilisation éventuelle et à commencer à prendre des mesures, du mieux que nous le pouvons, au désarmement nucléaire. Il y va de la sécurité du Canada. L'intérêt de sécurité du Canada doit donc être examiné dans le contexte de que nous pouvons faire pour renforcer le régime que nous avons mis en place aussi méticuleusement au fil des ans.
Si des préoccupations sont soulevées... Par exemple, si vous donnez un degré de priorité élevé à un système de défense unilatéral, vous n'avez pas là un système statique, monsieur Hanger. Cela a d'énormes répercussions. Selon les lois de la physique, toute action entraîne une réaction. Si vous mettez en place un système unilatéral, je peux vous assurer que les autres pays ne resteront pas là, les bras croisés. Ils riposteront.
Les Russes pourraient cesser de souscrire au processus START. Ils pourraient cesser de déployer leurs engagements à l'égard des MIRV. Ils pourraient contribuer à retarder les efforts de désarmement. Le traité de non-prolifération constitue un très bon équilibre entre les États dotés d'armes nucléaires et ceux qui n'en ont pas. Une entente a été conclue. Les États dotés d'armes nucléaires doivent montrer qu'ils la respectent. En contrevenant à l'entente ils risquent d'inciter des États à se retirer.
Qu'arriverait-il si la Chine se retirait du TNP? Qu'arriverait-il si le Brésil...
M. Art Hanger: Cela fait beaucoup de si.
M. Lloyd Axworthy: ... décidait de se retirer de l'entente de non-prolifération? Qu'arrive-t-il lorsqu'il y a des répercussions en Asie, en Afrique et ailleurs dans le monde et que tout à coup les armes nucléaires prolifèrent à l'échelle de la planète?
Ainsi, monsieur Hanger, prenez ma préoccupation—et je vais la partager avec vous—c'est que nous devons examiner cette question dans le cadre plus large de la sécurité du Canada. J'estime que dans l'intérêt de la sécurité, il faut à tout prix atténuer le risque omniprésent de prolifération et de menace nucléaires.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Martin, vous avez trois minutes.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci.
Merci, messieurs, de comparaître devant nous aujourd'hui.
Je dirais que la réaction opposée a déjà été provoquée en ce qui concerne non pas la Russie, mais la Chine. Les objectifs de la Chine en matière de politique étrangère dans les îles Spratly, à Taïwan et au Tibet a clairement démontré qu'ils ne sont rien d'autre qu'une toute discrète violette. Je dirais donc que si nous sommes laxistes en matière de système national de défense antimissiles nous le serons également en ce qui a trait à notre sécurité.
Ce que je veux faire ressortir ensuite c'est que l'ACDI doit mieux canaliser ses efforts. Elle doit développer une expérience qui lui soit propre. Elle doit mesurer ses résultats et revenir à ses activités principales qui portent sur la santé et l'éducation.
Je vous fais simplement valoir, ministre Axworthy, que vous avez commandé une étude externe de la gestion et des pratiques financières de l'ACDI. Mais nous avions proposé cette initiative à ce comité et il y avait...
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Martin, j'ai de la difficulté à voir en quoi l'ACDI touche la question abordée aujourd'hui.
M. Keith Martin: Je vais simplement terminer, si vous le permettez.
Le troisième point, ministre Axworthy, c'est que l'ambassadeur Fowler présidera le Conseil de sécurité. Lui demanderez-vous de soumettre un plan exhaustif ou à tout le moins d'entreprendre un plan, au sein du P5, pour que les Nations Unies, le FMI et la Banque mondiale se lancent dans l'élaboration d'un plan d'action exhaustif portant sur la prévention des conflits plutôt que sur les activités postérieures à un conflit?
Enfin, ministre Eggleton, je vous demande simplement, au nom de nos soldats aux abois, si vous êtes prêt à mettre en place l'indemnité de vie chère avant la fin de la présente année... Cette question est en veilleuse depuis un bon moment. Ils ne peuvent plus supporter la situation. Je vous demande humblement de parler au Secrétariat du Conseil du Trésor afin d'obtenir cette IVC pour nos soldats et ce, dans les plus brefs délais.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Messieurs les ministres, avec tout le respect que je dois à mon collègue, la plupart de ses observations n'ont rien à voir avec la défense antimissiles ou le NORAD. Je vous donne une minute si l'un ou l'autre d'entre vous a des observations à faire.
M. Lloyd Axworthy: Je vous dirais, monsieur Martin, que la question n'est pas de baisser ou de durcir le ton ou que sais-je encore. La question est de savoir quel est l'intérêt de sécurité du Canada.
Je crains que si d'autres pays... La Chine est signataire du TPN. Elle accepte les inspections et les rigueurs de ce traité. Si elle voit qu'un autre pays signataire prend des mesures qui influeraient sur les équilibres stratégiques, elle pourrait très facilement se retirer, ce qui aurait pour effet de fragmenter le TNP. Nous nous retrouverions tout à coup dans un monde où la course aux armements redoublerait. Je ne pense pas que personne d'entre nous le souhaite.
M. Arthur Eggleton: Même si je ne vois pas la pertinence de la question, je viens toujours à la défense de nos troupes. Je peux peut-être simplement mentionner que l'IVC n'a pas été mise en veilleuse. Nous sommes en train d'élaborer le cadre du système et nous devrions le mettre en oeuvre dans les prochaines semaines.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Bill Graham): Peut-être aimeriez-vous dire quelque chose au sujet de l'ACDI, monsieur le ministre, puisque vous êtes ici.
M. Arthur Eggleton: C'est que...
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Et qui selon vous va gagner la coupe Stanley?
[Français]
J'accorde maintenant sept minutes au Bloc québécois.
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur Axworthy et monsieur Eggleton, on a souvent reproché au Canada de réagir aux positions des États-Unis plutôt que d'être proactif. On dit que le Canada agit souvent en réaction aux politiques américaines.
Cette fois-ci, le Canada a une belle occasion d'agir avant que les États-Unis aient pris leur décision; je pense ici au déploiement du système antimissile. Les États-Unis n'ont pas encore invité le Canada à être y participer, et cela est une bonne chose parce que j'ai l'impression que le jour où ils nous inviteront, nous ne pourrons pas dire non. Puisque l'invitation ne nous a pas encore été lancée, le Canada ne pourrait-il pas dès maintenant donner son point de vue afin d'influencer la décision des États-Unis? J'aimerais savoir ce que vous pensez de la réouverture du Traité ABM. Est-ce que le Canada serait favorable à la réouverture du traité afin qu'on puisse permettre aux États-Unis de faire le déploiement de leur système? Pourquoi le Canada n'exprime-t-il pas son point de vue maintenant afin de pouvoir influencer les États-Unis, plutôt que d'attendre que les États-Unis aient pris leur décision pour faire connaître sa position en réaction?
[Traduction]
M. Arthur Eggleton: Excellent point.
Je pense que nous devons nous engager au début en ce qui a trait aux discussions avec notre...
[Français]
M. René Laurin: Veuillez m'excuser, mais j'aimerais également soulever la question de l'évaluation de la menace. D'abord, est-ce que le Canada partage l'opinion des États-Unis quant à l'évaluation de la menace existante? Ensuite, que pensez-vous de la possibilité de rouvrir le traité?
[Traduction]
M. Arthur Eggleton: En ce qui concerne votre question portant sur l'idée d'être proactif, tant mon collègue que moi-même croyons que nous devons nous engager avec nos homologues aux États-Unis relativement à cette question et que nous devons obtenir des réponses aux questions que nous avons soulevées.
Le fait que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants s'est intéressé activement à la question et a entendu un certain nombre de spécialistes nous indiquent également que nous devons nous engager. Nous devons approfondir nos études et essayer d'obtenir une réponse aux questions qui revêtent une très grande importance comme nous l'avons dit tous les deux. Si les États-Unis décident de déployer ce système, nous en subirons les conséquences. Nous faisons partie du même continent. Cela va nous toucher d'une manière ou d'une autre.
Je crois donc qu'il nous faut des réponses à ces questions. En fait, nous l'avions déjà dit dans le livre blanc de 1994.
En ce qui a trait à l'évaluation de la menace, tout dépend du fondement de cette évaluation. Les Américains ont tendance à assimiler l'existence—la «capacité»—à la menace. Le fait que les Nord-Coréens aient mis au point un système et une capacité qui pourrait être davantage élargie et exportée... Ils assimilent la capacité à la menace alors que d'autres ont tendance à se demander, dans le cas de la menace, si une attaque de ce genre risque de se produire. Quelles sont les possibilités? Est-ce vraiment quelque chose de très lointain? Est-il raisonnable de supposer qu'une attaque ou une menace d'attaque est dans le domaine du possible?
Cette évaluation est en fait en cours. Nous examinons cette question nous-mêmes, en tant que Canadiens.
En ce qui concerne le traité ABM, je vais passer la parole au ministre Axworthy.
M. Lloyd Axworthy: Dans ce cas, je suis d'accord avec ce qu'a dit le ministre de la Défense. Nous recommandons la patience et non la passivité. Mais cela veut dire que nous devons être prudents, je crois, que nous devons faire les bons choix et que nous ne devons pas simplement rester là en nous croisant les bras.
Nous avons déjà été très actifs sur un certain nombre de fronts. Tant le ministre que moi-même sommes engagés très activement au sein de l'OTAN où ce sujet de discussion a été soulevé au cours des séances de l'information de l'automne. Nous communiquons fréquemment tant avec la Russie qu'avec les États-Unis au sujet des discussions qui ont cours à l'heure actuelle sur le traité ABM. On nous demande notre opinion et nous la donnons. Nous poursuivons ce genre de dialogue étant donné que ce qui se passe avec le traité ABM est de toute évidence un élément essentiel.
• 1605
Je dirais de plus que les initiatives que nous prenons à New-York le mois
prochain à la Conférence d'examen du Traité sur la
non-prolifération des armes nucléaires témoignent de notre très
grand intérêt. Nous soumettons un nouveau plan d'action pour le
Traité de non-prolifération des armes nucléaires et des
propositions qui nous permettraient d'essayer de l'universaliser.
Nous avons offert de donner l'impulsion à un régime de contrôle de
la technologie relative aux qui imposerait une véritable limite au
développement de la technologie relative aux missiles. Ainsi, nous
ne sommes pas passifs. Il s'agit d'activités dans le cadre
desquelles nous essayons de renforcer le système de contrôle des
armements.
Je ferais juste une autre observation. Je le répète, il n'y a rien de statique à ce chapitre; la situation évolue, mais les mesures que l'on prend peuvent entraîner des changements de comportement. Je crois qu'il y a quatre ou cinq ans, personne n'aurait prévu que l'Argentine, le Brésil ou l'Afrique du Sud auraient renoncé à leur capacité nucléaire, or, c'est ce qu'ils ont fait; ils avaient cette capacité et y ont renoncé. Le Bélarus, le Kazakhstan et l'Ukraine possédaient une capacité nucléaire et y ont renoncé pour des raisons économiques. La même chose pourrait-elle se produire en Corée du Nord, en Iran et en Iraq? Arrêtez-vous quelques instants sur ce qui s'est passé au plan politique le mois dernier. Des élections parlementaires ont eu lieu en Iran, indiquant un changement de vue, une tentative de se tourner davantage vers l'extérieur, une invitation. Les États-Unis viennent juste de modifier leur politique à l'égard de l'Iran, il y a trois ou quatre jours. Pour ce qui est de la Corée du Nord, c'est l'Union européenne qui fait maintenant des gestes d'ouverture.
Par conséquent, dire que ce qui était perçu comme une menace il y a un an à peine sera une menace d'ici un an n'est qu'une supposition. Ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'il n'y a pas de règles fixes dans ce domaine. En fait, les menaces actuellement prévues pourraient également être contrées par d'autres moyens ou modifiées de telle façon que d'autres formes de défense seraient jugées plus pertinentes.
C'est la raison pour laquelle, nous convenons tous les deux qu'il s'agit d'un dossier d'actualité et qu'il faut envisager ce qu'il est possible de faire pour changer certaines évaluations de risque faites il y a deux ou trois ans dans le cadre du rapport Rumsfeld.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Il reste une minute pour le Bloc, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Messieurs les ministres, bonjour.
Le puissant complexe militaro-industriel des États-Unis effectue actuellement un intense lobby afin que les États-Unis se lancent dans ce que j'appelle le mini-système Star Wars. À leur tour, les États-Unis font des pressions diplomatiques assez intenses auprès du Canada et des autres pays pour influencer leurs décisions. Du moins, c'est ce que les médias nous rapportent et que vous-même, monsieur Axworthy, avez d'ailleurs indiqué.
La semaine dernière, des témoins sont venus dire aux membres du Comité des affaires étrangères que les essais pourraient être complétés d'ici 2005 et que l'opération pourrait être lancée. L'année 2005 n'est pas très loin et on sait que les États-Unis pourraient aussi agir unilatéralement.
Monsieur le ministre, est-ce que le gouvernement canadien a l'intention de consulter la population canadienne le plus rapidement possible même s'il n'a pas été invité officiellement, dit-il, à participer au système de défense antimissile?
[Traduction]
M. Lloyd Axworthy: Bien sûr. Je crois en fait que la consultation a déjà débuté par l'entremise des deux comités. Les comités des affaires étrangères et de la défense ont déjà commencé une série d'audiences et demandé à des témoins de comparaître. Je pense qu'il est très utile de commencer à faire connaître ce point de vue.
Comme l'a dit le ministre Eggleton toutefois, il reste encore beaucoup d'autres inconnues. Entre temps, nous allons poursuivre plusieurs initiatives avec les États-Unis, nos alliés de l'OTAN et les membres de la conférence TNP. Bien des choses sont en jeu à l'heure actuelle. Nous nous engageons certainement à faire en sorte qu'un débat public très sérieux s'engage à ce sujet. Soit dit en passant, comme vous le savez probablement, les États-Unis ont remis les essais techniques pour encore quelques mois, si bien qu'ils risquent d'être remis jusqu'au lendemain des élections présidentielles. Il est maintenant envisagé de freiner le processus.
Ce que je veux dire, c'est que je ne pense pas qu'il soit bon de porter un jugement à la hâte au sujet d'un projet très fluide, qui comporte tant de variables et qui donc, pourrait être modifié en l'espace de quelques semaines ou mois.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Avez-vous un commentaire rapide à faire, monsieur Eggleton?
M. Arthur Eggleton: Je voulais simplement donner suite à ce que vous avez dit au sujet d'un mini-système de guerre des étoiles dont il a été question à plusieurs reprises; je ne crois pas que les faits corroborent un tel système. Que vous pensiez qu'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise idée, il faut faire remarquer qu'il est question ici de missiles intercepteurs défensifs terrestres, de missiles non nucléaires, de missiles qui intercepteraient un nombre limité d'armes; il est question d'en déployer une centaine environ. Un tel système ne permettrait absolument pas de répondre à une attaque massive comme celles dont on parlait à l'époque de la guerre froide. Un tel système ne permettrait pas de répondre à une attaque massive lancée par un pays doté d'un vaste arsenal d'armes nucléaires et de missiles de lancement.
• 1610
Le facteur de dissuasion n'a jamais constitué un système de
défense dans un tel contexte, mais le fait que les deux côtés aient
été dotés d'autant d'armements permettant une destruction massive
a toujours été le problème; comme mon collègue l'a dit, cette
situation a été quelque chose de terrible à supporter et l'est
toujours. C'est la raison pour laquelle le traité de non-prolifération, le
traité ABM et tout le reste sont très importants.
Il est question aujourd'hui d'un système limité d'interception
défensif terrestre.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.
Nous en arrivons maintenant au Parti libéral, sept minutes, en commençant par M. Proud.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, messieurs.
Comme on l'a dit un peu plus tôt aujourd'hui, le Livre blanc de 1994 reconnaît la pertinence de la défense antimissiles balistiques pour le Canada, mais nous avons limité notre participation. D'après le Livre blanc, les négociations relatives à la reconduction des accords NORAD doivent préserver les avantages qui découlent de nos relations avec les États-Unis et nous devons réagir aux nouvelles menaces à la sécurité de notre continent. D'après vous, quelles sont certaines de ces menaces?
M. Lloyd Axworthy: Je vais répondre en premier, puis, Art pourra intervenir.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je crois qu'elles sont multiples. Comme vous le savez, monsieur Proud, nous avons fait la promotion, devant plusieurs instances internationales, de l'approche de notre politique étrangère qui met l'accent sur la sécurité humaine et qui a parfaitement conscience de la réalité du crime organisé, du terrorisme et du narcotrafic. Ces activités qui touchent les particuliers constituent évidemment une menace importante pour notre sécurité, car elles ébranlent nos collectivités, notre peuple et nos institutions. Elles sont un élément crucial de cette menace.
La diffusion des connaissances au sujet des armes de destruction massive et de la technologie sous-jacente pose un autre problème de sécurité. L'éclatement de l'Union soviétique s'est traduit par un transfert de personnes, de matériaux militaires et de diverses connaissances dans des petits États—c'est l'un de ses effets négatifs—qui pouvaient alors acquérir une certaine capacité de largage à partir de vapeurs de rebut, de missiles de croisière, d'avions-robots ou d'ICBM. Il faut tenir compte de toutes ces réalités.
La question qu'il faut poser est la suivante: quelle doit être l'importance de l'écran ou du mur de protection? Est-il plus rentable de mettre au point des systèmes internationaux pour contrôler ces armements, les bloquer, les limiter, les inspecter et les vérifier de manière qu'il soit impossible de les utiliser en toute impunité? C'est un débat qui se poursuit sans cesse.
Je suis d'accord avec Art. L'approche américaine consiste à dire que nous pouvons avoir un système de défense antimissiles susceptible d'assurer une protection contre certaines attaques nucléaires menées par un État hors-la-loi. Comme je l'ai dit, quel va être l'État hors-la-loi de demain? La Corée du Nord va-t-elle rester un État hors-la-loi si, en fait, elle s'effondre au plan économique? Si vous avez le choix, allez-vous larguer vos armes au moyen d'un ICBM, d'un missile de croisière—et nous ne disposons d'aucun moyen de défense à cet égard, pour l'instant—ou dans la valise d'un voyageur? Ce sont les questions qu'il faut soulever. Pour en revenir à la déclaration de M. Clinton au sujet de la rentabilité, s'agit-il de la façon la plus rentable d'assurer la sécurité de Amérique du Nord et du Canada?
Entre temps, ce qui reste le fondement de tout cela, et jusqu'à ce que l'on puisse prouver que le Canada fait fausse route, je crois que l'approche de notre pays, pour en revenir à l'époque, monsieur Proud, où le Canada s'est déclaré contre le recours aux armes nucléaires... Lorsque nous sommes sortis du projet Manhattan en 1946, nous aurions pu devenir une puissance nucléaire. Nous disposions de la capacité nécessaire pour ce faire. À cette époque, le gouvernement et le Parlement canadiens se sont déclarés contre le recours aux armes nucléaires; on a pensé en effet qu'en optant pour la prolifération, on augmentait le danger et le risque. C'est la raison pour laquelle nous avons toujours adopté cette approche depuis.
M. Arthur Eggleton: Sans compter qu'il s'agissait d'une bonne décision.
Permettez-moi également de répondre à votre question. Le NORAD permet simplement au Canada et aux États-Unis d'assurer conjointement la souveraineté de l'espace aérien nord-américain et au-delà. Cela devient un facteur de plus en plus important de l'accord NORAD vu le nombre des activités qui se déroulent dans l'espace. Le NORAD garantit notre souveraineté, nous donne de l'information non seulement au sujet de tout appareil ou missile qui pourrait s'approcher de notre espace aérien, mais aussi dans d'autres parties du monde. Le NORAD a été en fait en mesure de détecter le lancement de missiles Scud pendant la guerre du Golfe, fournissant ainsi une information militaire très précieuse.
• 1615
Par ailleurs, pour ce qui est des trafiquants de drogue, des
terroristes ou de quiconque tenterait d'entrer dans notre espace
aérien par avion, c'est une façon précieuse de réagir qui permet
également de prendre des mesures défensives contre tous ces
appareils, qu'il s'agisse d'appareils canadiens ou américains.
Le fait que nous participions également au projet spatial conjoint permettra de fournir des renseignements supplémentaires sur ce qui se passe dans l'espace et au sol, vu de l'espace. Ces renseignements sont précieux pour assurer la souveraineté de notre espace aérien collectif et je crois qu'il est important de le faire ensemble.
Il est important, par l'entremise du NORAD, de tracer un périmètre autour de l'Amérique du Nord, au lieu de laisser aux États-Unis le soin de le faire de leur côté et de laisser au Canada le soin de le faire de son côté. Comme je l'ai dit plus tôt, on ne peut pas se permettre de faire la même chose, si bien qu'à mon avis, l'accord est extrêmement précieux et nous n'en payons que 10 p. 100 du coût.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.
Mme Longfield dispose de deux minutes.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Merci.
Pour revenir sur les points forts et les avantages du NORAD, de la coopération et de l'interopérabilité avec les États-Unis, il est évident que l'incertitude relative au programme national de défense antimissiles commence déjà à inquiéter les Canadiens qui se trouvent au complexe de Cheyenne Moutain. D'après ce que nous savons, la question ne va pas être réglée dans le proche avenir et risque en fait de perdurer.
Quelles mesures prenons-nous pour faire en sorte que les Canadiens qui se trouvent au complexe de Cheyenne Mountain ne soient pas davantage marginalisés? Je crois que si toute cette opération fonctionne si bien, c'est parce que le travail s'est toujours fait en étroite collaboration.
M. Arthur Eggleton: Nous n'en sommes pas encore au point où le NORAD a été désigné comme l'organisme responsable. J'ai posé la question au secrétaire de la Défense il y a quelques mois et il ne s'y était pas arrêté. Par conséquent toute discussion au sein du NORAD est non officielle. Le gouvernement des États-Unis n'a certainement pas pris de décision à cet égard.
N'oubliez pas qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Ce n'est pas encore au point technologiquement parlant et d'autres essais s'imposent. Le président n'en a pas encore décidé le déploiement. Nous avons abordé toutes sortes de questions aujourd'hui et je crois que tous les deux, nous disons qu'il faut s'attaquer à ces questions; nous n'en sommes toutefois pas encore arrivés au point où il est possible de prendre une décision au sujet de la participation du Canada.
Je ne pense pas que quiconque soit marginalisé. L'une des questions à examiner portera sur l'avenir, en ce qui concerne le NORAD, si le Canada ne participe pas à ce programme. Question importante: qu'adviendra-t-il du NORAD si les États-Unis font ce déploiement et que nous n'y participons pas? Il est toutefois prématuré de dire que nous sommes marginalisés, pour l'instant, dans tous les cas.
M. Lloyd Axworthy: Je dirais ceci à Mme Longfield: j'ai appris au cours des quatre ans et demi que j'ai passé dans ce portefeuille qu'il faut apprendre à avoir une certaine tolérance de l'ambiguïté et de l'incertitude. C'est ainsi que les choses se passent.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame Longfield.
Nous passons maintenant au Nouveau Parti démocratique pour sept minutes. Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les deux ministres qui nous ont présenté ce sujet si important. Je suis heureux d'apprendre que vous convenez tous les deux que le dossier du programme national de défense antimissiles est véritablement d'actualité.
J'aimerais pousser un peu plus loin, car je dois tout de suite dire que j'apprécie les propos qui ont été attribués à M. Axworthy—ainsi que les propos qu'il a tenus aujourd'hui—notamment ceux que les médias lui attribuent:
-
Il faut résister à la tentation d'ériger des murs, de battre en
retraite, de s'isoler du monde. Il faut au contraire créer une
approche multilatérale afin, tout d'abord, de mettre un terme à la
prolifération des missiles; cette approche doit également faire
partie intégrante d'un régime renforcé de non-prolifération.
Je conviens avec vous qu'il s'agit certainement d'une approche canadienne et nous en avons parlé un peu plus tôt aujourd'hui. Ce qui en découle également, ce que j'ai remarqué—et certains des intervenants d'aujourd'hui l'ont confirmé—c'est que les avis divergent quelque peu au sujet de l'appui en faveur de ce système. Le ministère des Affaires étrangères adopte l'approche que vous avez exposée, monsieur Axworthy, mais les militaires ont peut-être plus tendance à appuyer le programme national de défense antimissiles.
J'aimerais demander aux deux ministres s'ils sont du même avis à cet égard? Malgré ce que vous avez dit au sujet de l'ambiguïté, je crois qu'il faut être clair au sujet d'une question aussi importante.
M. Arthur Eggleton: Ne croyez pas tout ce que vous lisez dans les journaux.
M. Lloyd Axworthy: Effectivement.
M. Arthur Eggleton: Nous pensons tous les deux qu'il s'agit d'une question très importante qu'il faut aborder dans plusieurs contextes. Lloyd s'intéresse de très près à la non-prolifération, au traité ABM; il a d'ailleurs dit qu'il s'agissait de questions importantes qu'il faut aborder.
En même temps, il faut examiner nos relations en matière de défense et bien sûr, il est naturel pour les militaires d'envisager cette perspective et de noter que nous entretenons ces relations avec les États-Unis depuis longtemps. Canadiens et Américains travaillent côte à côte au complexe de Cheyenne Mountain. C'est un Américain qui est responsable, alors que le commandant adjoint pour tout l'espace aérien nord-américain est un Canadien—c'est un point important lorsque l'on examine la situation.
Bien sûr, la question est envisagée de ce point de vue et de la façon dont cela s'intègre dans un système, vu que le NORAD s'occupe déjà de l'alerte avancée et de la détection des missiles. Naturellement, si l'un des partenaires envisage la possibilité de déployer un système de défense, l'autre partie, représentée par ceux qui travaillent là quotidiennement, s'intéresse bien sûr à la façon dont cela pourrait s'intégrer dans le système.
Soyons toutefois très clairs, il s'agit d'une décision qui sera prise par le gouvernement du Canada. C'est une décision qu'il faudra prendre avec les représentants de ces deux comités, les députés de la Chambre des communes et les Canadiens pour déterminer ce qui sert le mieux l'intérêt du Canada. Lloyd et moi-même nous consacrons à déterminer ce qu'est le meilleur intérêt du Canada et à présenter cette position au Cabinet.
M. Gordon Earle: Merci pour votre réponse.
Il y a peu de temps, M. Axworthy parlait de l'approche canadienne qui consiste à se déclarer contre l'approche nucléaire, à s'en écarter. Je remarque que vous avez dit ce qui suit dans votre réponse, monsieur Eggleton: «Sans compter qu'il s'agissait d'une bonne décision». Continuez-vous à penser que c'est toujours le cas? La décision était bonne au moment du Livre blanc, mais continuez-vous à penser...
M. Arthur Eggleton: Qu'il s'agissait d'une bonne décision?
M. Gordon Earle: Le fait de se déclarer contre l'approche nucléaire, la prolifération des armes nucléaires.
M. Arthur Eggleton: La décision qui a été prise en 1946, dont le ministre a fait mention?
M. Gordon Earle: Oui.
M. Arthur Eggleton: Bien sûr, c'était la bonne décision.
M. Gordon Earle: C'était le cas à ce moment-là; à votre avis, est-ce toujours la bonne décision?
M. Arthur Eggleton: Absolument. Nous ne parlons pas d'armes nucléaires. Le NORAD n'a pas cette responsabilité et nous n'avons pas d'armes nucléaires au Canada.
M. Gordon Earle: D'accord.
M. Arthur Eggleton: Pour ce qui est de notre système national de défense antimissiles, nous ne parlons pas de missiles qui se trouveraient sur notre sol pour commencer; il ne s'agit pas de missiles nucléaires, mais d'intercepteurs défensifs. C'est ce que les États-Unis proposent.
M. Gordon Earle: On a également dit que la décision finale à ce sujet devait être prise à partir de renseignements qui ne sont pas encore disponibles; il reste encore beaucoup d'inconnues dont certaines ont été signalées.
Je crois qu'il est aussi probablement vrai qu'il existe beaucoup de facteurs connus disponibles dont l'un, à mon avis, est très important—je veux parler de la préoccupation exprimée par la Russie et la Chine à propos de la mise au point de ce système par les États-Unis, le fait que peut-être, même s'il est désigné comme étant un système de défense, il ouvre également la voie à des tactiques offensives. C'est une caractéristique très bien connue à laquelle s'opposent la Chine et la Russie. A-t-on pris ce facteur connu en compte et envisage-t-on d'en saisir une instance internationale, peut-être même d'en saisir les NU pour que cet organisme donne son avis à cet égard?
M. Lloyd Axworthy: Au premier niveau, c'est le Traité ABM entre la Russie et les États-Unis qui est en cause. Il n'y a pas d'autres parties au Traité ABM, ce sont les deux seuls signataires. Ils sont engagés dans une discussion active afin de savoir si oui ou non ils doivent accepter des modifications au traité. Cette discussion est loin d'être terminée et il reste beaucoup de points de discussion. Nous sommes constamment tenus informés de la nature de la discussion et de son évolution. Je mettrais cet élément dans la colonne des inconnues également, puisque l'on ne connaît pas encore l'issue de ces discussions.
Si en fait, la Russie et les États-Unis parviennent à un accord au sujet d'une modification au Traité ABM de manière que l'on en conserve non seulement la lettre, mais aussi l'esprit, je crois alors que cela aura un effet constructif sur la plus vaste question d'un régime de contrôle des armements. Cela n'aurait pas l'effet de fracture auquel on pourrait s'attendre si l'abrogation se faisait de façon unilatérale. Je mettrais donc tous ces facteurs dans la colonne des inconnues.
La position de la Chine s'inscrit dans un contexte régional particulier, à cause de la proximité de l'Inde et du Pakistan qui viennent juste d'acquérir une capacité nucléaire limitée. Si la Chine décide de réagir au programme national de défense antimissiles en augmentant sa capacité de missiles, en dotant certains de ses missiles d'ogives multiples, cela pourrait entraîner des réactions en chaîne avec l'Inde et le Pakistan; cela revient donc simplement à placer la barre encore plus haut. Le contexte est donc particulièrement régional, même si à mon avis, nous sommes tous mis à partie.
• 1625
J'ai été très encouragé—et je crois que nous devrions tous
l'être—par la position très ferme adoptée par le président Clinton
lors de sa récente visite, lorsqu'il a pris la parole devant le
Parlement indien. Il a simplement dit que la non-prolifération
reste toujours le meilleur moyen de régler la question; il a
encouragé l'Inde à souscrire au Traité d'interdiction complète des
essais nucléaires et à être partie au TNP. Je crois que nous
devrions tous être très heureux de voir le président américain
jouer ce rôle de leader.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Earle.
Une dernière question rapide, monsieur Hanger, et une autre de ce côté.
M. Art Hanger: Je vais poser cette question au ministre Axworthy.
Si le Canada est invité à participer au programme national de défense antimissiles, cela semble offrir l'occasion idéale de raccommoder nos relations avec les États-Unis dans le domaine du commerce et de la coopération en matière de sécurité. Étant donné que les changements apportés au ITAR—c'est-à-dire, le règlement américain sur le commerce international des armes—se sont traduits par une diminution des ventes pour les sociétés canadiennes, notre engagement à participer au programme national de défense antimissiles ne servirait-il pas à renforcer nos liens économiques avec les États-Unis et à atténuer certains des effets de la réduction de l'exemption du Canada?
M. Lloyd Axworthy: Là encore, monsieur Hanger, je ne suis pas d'accord avec l'hypothèse sur laquelle s'appuie votre question. En fait, nos relations avec les États-Unis sont excellentes, à mon avis. Sur le plan économique, nos échanges ont considérablement augmenté. Nous venons juste de signer plusieurs nouveaux accords qui règlent nos conflits.
En ce qui concerne le règlement ITAR, comme vous le savez, nous avons signé un accord de principe en octobre dernier, lors de la visite du président Clinton, et nous travaillons très activement avec les États-Unis pour mettre en oeuvre cet accord. J'espère que nous allons mener une série de négociations très importantes la semaine prochaine pour essayer de régler toute cette question. En fait, nous avons la volonté de résoudre ces questions, à la manière canado-américaine. Nous sommes en train de les résoudre, monsieur Hanger.
Je crains que l'hypothèse sur laquelle s'appuie votre question ne corrobore pas vos conclusions.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Hanger.
J'ai eu l'occasion ce matin de poser plusieurs questions à M. Heinbecker, si bien que je vais simplement me contenter de dire que je suis heureux de voir les deux ministres manifester leur appui à l'égard de nos deux comités qui sont saisis de ces questions fort importantes.
Je vais céder la parole à mon collègue, M. Graham, pour la dernière question et pour la conclusion de notre séance.
Merci beaucoup, messieurs les ministres, de votre présence.
Le coprésident (M. Bill Graham): J'ai une seule question que je vais poser à M. Eggleton.
J'aimerais auparavant dire que, si j'ai bien compris, vous avez très soigneusement circonscrit les difficultés et prévu le temps et les paramètres nécessaires à toute décision éventuellement prise; en supposant que nous acceptions un tel programme, j'imagine que nos collègues américains s'attendent à un appui financier de notre part. Même compte tenu des 10 p. 100 dont vous avez parlé plus tôt, il me semble que ces 10 p. 100 feraient un terrible trou dans votre budget. Peut-être qu'à l'occasion de notre prochaine séance, nous pourrions inviter M. Martin également pour connaître l'orientation que nous allons prendre.
Une voix: Avec son stylo.
Le coprésident (M. Bill Graham): A-t-on pensé aux effets financiers de ce programme, si nous l'acceptons?
M. Arthur Eggleton: C'est une des questions en suspens. Bien sûr, je ne crois pas que l'on s'attende à ce que le Canada paie les missiles ou leur installation. Peut-être une autre partie du système...
Par exemple, nous participons déjà au programme spatial conjoint. C'est un programme tout à fait distinct du programme national de défense antimissiles, mais il permet également de détecter ce qui se passe dans l'espace aérien.
On ne connaît pas vraiment tous les paramètres, mais il s'agit simplement de certaines des hypothèses qui circulent à ce sujet. Je crois que pour l'instant, les États-Unis recherchent notre appui et non nos ressources financières.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci beaucoup.
Au nom de nos collègues, je termine sur ce point, et j'aimerais vous remercier d'être venus à cette séance. Nos deux comités s'intéressent à la sécurité du Canada. Nous examinons cette question et je crois que M. Earle a bien résumé notre position en disant que parfois, nos perspectives sont différentes, puisque les problèmes que nous devons régler sont différents. Il est important d'envisager ces deux perspectives à la fois et il a été très utile de recevoir les deux ministres aujourd'hui. Merci beaucoup à tous les deux.
La séance est levée jusqu'à la semaine prochaine.