SCYR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 décembre 1999
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à tous, à notre Sous-comité sur les enfants et jeunes à risque. Nous pouvons siéger aujourd'hui, parce que le comité principal ne se réunit pas, et nous lui en sommes reconnaissants.
[Français]
Je voudrais accueillir chaleureusement Jocelyne Tougas. Nous nous connaissons bien maintenant.
[Traduction]
Également, nous accueillons Ken Battle et Sherri Torjman du Caledon Institute. Nous comptons aussi parmi nos témoins Laurel Rothman et Martha Friendly de... Eh bien, cela dépend des fonctions qu'elles assument aujourd'hui.
À quel titre comparaissez-vous aujourd'hui?
Mme Martha Friendly (coordonnatrice, Child Care Resource and Research Unit, Centre for Urban and Community Studies, Université de Toronto): Je représente aujourd'hui l'Université de Toronto.
Le président: D'accord.
[Français]
Est-ce qu'on déjeune?
La greffière du comité: Oui,
[Traduction]
quand vous êtes prêts.
Le président: D'accord.
Pour vous motiver encore davantage, je vous signale qu'un léger déjeuner nous sera servi; nous faisons les choses en grand.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): C'est un excellent déjeuner. Notre devise est «Nourrissez-les et ils viendront».
Le président: C'est exact. Nous remercions donc le président du comité principal d'avoir l'extrême générosité de nous payer ce déjeuner.
• 1110
Permettez-moi de vous rappeler notre objectif. Le comité
principal nous a confié la tâche de produire des recommandations
avant le congé de Noël sur ce qui pourrait être proposé en vue du
budget de février prochain, un budget destiné aux enfants.
Notre travail, ce matin, consiste à comprendre peut-être la relation entre ce budget des enfants et les éléments qu'il devrait contenir. C'est ce dont parleront nos invités, je l'espère, ainsi que de l'objectif à plus long terme d'amener le gouvernement fédéral et les provinces à signer un plan d'action national pour les enfants d'ici décembre 2000.
Nous parlerons donc d'une part de la relation entre le budget pour les enfants de février et d'autre part d'un plan d'action national pour décembre. J'espère que nous sommes tous d'accord sur ce programme. Cela semble être le cas.
La semaine dernière, Richard Shillington nous a présenté un exposé très utile sur les mesures de récupération et les impôts en général.
Je vais donc maintenant demander à nos témoins de nous faire part de leurs opinions et de leurs réflexions, dans l'ordre prévu à notre ordre du jour. Nous entendrons d'abord les représentants du Caledon Institute of Social Policy, Ken Battle et Sherri Torjman. Bienvenue.
M. Ken Battle (président, Caledon Institute of Social Policy): Merci, monsieur le président. Merci au comité de nous avoir invités.
Nous allons nous attaquer à la tâche que vous venez de définir. Nous travaillons à ce dossier depuis un certain nombre d'années déjà mais, dernièrement, nous avons publié quelques rapports dans le cadre d'une série de rapports sur l'élaboration d'une politique familiale. Permettez-moi de faire deux observations générales avant de passer à notre document.
À notre avis, six grands domaines de politique devraient être pris en compte dans le prochain budget. Ce sont des éléments essentiels à l'évolution de la politique familiale. Nous savons que notre vision d'une politique familiale ne va pas se réaliser du jour au lendemain. Pour nous, c'est un projet dont la réalisation nécessitera un certain nombre d'années si l'on veut atteindre, à peu près du moins, les objectifs de notre Institut.
Pour ce qui est de nos propositions en matière de politique familiale, nous pensons qu'il faudrait tenir compte dans le budget de trois caractéristiques. Ce sont les trois caractéristiques, ou normes, selon le nom que vous souhaiterez leur donner, qui ont servi à élaborer nos propres propositions. La première d'entre elles, c'est que nos propositions sont équilibrées. On y trouve un juste milieu entre les dépenses et les réductions d'impôt. Ces propositions visent particulièrement les familles qui ont des enfants, mais on y discute également d'allégements fiscaux à l'intention des couples sans enfant et des personnes seules.
Dans le cas des familles, nous proposons un mélange de mesures en matière de revenus et de services. Dans la partie qui traite des revenus, on dit qu'il faut appuyer les familles par divers moyens.
Nos propositions, même si elles sont générales, sont bien ciblées. Il est important qu'elles le soient parce que nous n'avons pas encore constaté l'existence d'un nirvana suite à l'abolition du déficit. On ne dépense pas encore l'argent sans regarder et il faut encore faire des choix.
Grâce à l'équilibre de nos propositions, les familles avec enfants à revenu faible et moyen seraient privilégiées, au moyen d'un fonds national de développement de l'enfant que nous recommandons afin d'appuyer les services d'éducation offerts à la petite enfance, auxquels nous donnons une définition très générale, et aussi par le biais de nos propositions relatives à la prestation pour enfants et aux impôts. Mais ces mesures seraient également avantageuses pour tous les contribuables. Il est important pour nous que la politique familiale ne soit pas entièrement dissociée de l'ensemble de la politique fiscale. Elle en fait partie intégrante.
Enfin, le thème qui sous-tend nos propositions est qu'il faut modifier la politique de façon réelle par des moyens structurels. Il est trop facile de dire que le prochain budget est celui des enfants et qu'une fois ce budget adopté, nous pourrons passer à la haute technologie ou à d'autres sujets. Ce n'est pas réaliste. Ce que nous souhaitons, ce sont des changements fondamentaux au niveau des structures, tant du côté des services que des revenus. Nous étayons ces changements structurels dans nos propositions.
• 1115
Nos propositions portent sur six éléments, mais nous nous
concentrerons sur cinq d'entre eux. L'élément dont nous ne
parlerons pas est l'extension des prestations de congés parentaux
dans le cadre de l'assurance-emploi. Nous avons proposé que les
prestations de congés de maternité et de congés parentaux offerts
dans le cadre de l'assurance-emploi soient doublées, dans un
premier temps. Le gouvernement l'a fait. Nous avons présenté nos
propositions avant que cette mesure soit annoncée. Cette
proposition est donc déjà mise en oeuvre, même s'il ne s'agit pour
nous que d'un point de départ.
Compte tenu du nombre croissant de travailleurs autonomes et d'employés à temps partiel et vu les limites de l'assurance-emploi comme mécanisme de prestation, il reste encore de nombreux problèmes à régler au titre des congés parentaux, mais nous n'avons pas l'intention de nous attarder sur cette question aujourd'hui. Nous allons plutôt nous concentrer sur cinq autres domaines. Il s'agit de deux propositions importantes relatives à la prestation fiscale pour enfants, dont je vais vous parler, de la réindexation du régime fiscal, de modifications à apporter aux fourchettes d'imposition et, enfin, d'une proposition de création d'un fonds national de développement de l'enfant.
Commençons par ce dernier sujet, c'est-à-dire le fonds de développement de l'enfant. Nous avons ajouté un autre élément qui se retrouve dans deux propositions. Il s'agit de cibler les familles qui ont des enfants handicapés, tant pour ce qui est des services que des revenus.
Je vais demander à Sherri de vous parler du fonds national et des familles qui ont des enfants handicapés, puis je vous parlerai de la question des transferts fiscaux.
Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): Merci, Ken.
Comme Ken l'a mentionné, je vais me concentrer sur l'un des aspects de notre vision en matière de politique familiale, une politique définie au sens large. Je tiens toutefois à signaler que même si nous avons défini de façon générale les différents éléments de la politique familiale, nous savons que cette politique est encore plus vaste que les éléments dont nous allons vous parler aujourd'hui. La politique familiale est manifestement liée aux questions de logement, de sécurité dans les collectivités et de salaire minimum. Nous reconnaissons que tous les autres domaines contextuels de la politique font partie de la politique familiale, mais nous ne les aborderons pas aujourd'hui.
Du point de vue des services, nous traiterons plus particulièrement de ce que nous appelons les services de développement de la petite enfance et les mécanismes d'aide aux familles. Notre définition des «services de développement de la petite enfance» comprend une vaste gamme de services aux enfants, de la conception jusqu'à la maternelle, les services de garderie dans des centres ou des services aux foyers titulaires d'une licence, ainsi que toute la gamme des services de développement destinés aux enfants. C'est de cette façon que nous concevons et définissons le développement de la petite enfance. En outre, il existe des mécanismes d'aide aux familles sous forme de centres de ressources familiales dans les collectivités—par exemple des bibliothèques qui prêtent des jouets ou des livres, ou des cours d'information à l'intention des parents. Nous avons également préparé des remarques à ce sujet afin de définir de façon générale le développement de la petite enfance et l'aide aux familles, qui pour nous sont étroitement liés et intégrés.
On a clairement démontré qu'il est nécessaire d'investir dans ces domaines. Je suis sûre que vous en avez beaucoup discuté dans votre comité, et je n'entrerai pas dans les détails, si ce n'est pour dire que tout ce qui a été écrit à ce sujet indique clairement qu'il est nécessaire d'investir dans les toutes premières étapes de la vie des enfants. Les familles canadiennes ont donc besoin d'aide. Les documents sont très clairs et on a dit un peu partout que les familles canadiennes ont besoin de toute une gamme de mesures d'aide en raison des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Nous sommes d'accord avec cela et nous souhaitons présenter quelques propositions dans ce sens.
Nous devons reconnaître—et cela a été démontré clairement—qu'il n'existe pas de régime cohérent au Canada. Exception faite du régime québécois, il n'existe qu'un ensemble de mesures hétéroclites. Le régime québécois est un modèle que devrait suivre le reste du pays, car il n'existe certes pas de politique familiale ailleurs au Canada. Nous pouvons tirer de nombreuses leçons du régime québécois.
Nous connaissons les difficultés qui existent pour ce qui est de l'accès à des garderies et des établissements préscolaires de grande qualité et de coûts abordables. Cela touche encore davantage des familles qui ont des enfants handicapés, qui connaissent dans ce domaine des problèmes graves. Nous avons donc des documents au sujet des problèmes d'accès et d'abordabilité.
Ce que nous proposons, c'est une méthode pour régler certains de ces problèmes. Nous avons présenté une proposition visant la création d'un fonds national de développement de l'enfant. En fait, ce que nous souhaitons, c'est que soient créés des services de développement de l'enfant et d'aide aux familles qui seraient assumés par toute une gamme d'intervenants, y compris les écoles, les entreprises et les syndicats. Surtout, nous souhaitons que les gouvernements jouent un rôle de premier plan dans ce domaine. Nous estimons que le secteur public a un rôle extrêmement important à jouer auprès de nos enfants et les gouvernements—surtout le gouvernement fédéral—doivent faire preuve de leadership. Le fédéral et les provinces doivent investir ensemble dans ce domaine comme partenaires.
• 1120
Nous souhaitons que le gouvernement fédéral crée un fonds doté
d'un financement pour une période d'au moins cinq ans afin d'en
assurer la stabilité. Nous proposons un financement d'au moins un
demi-milliard de dollars par année, sur une période de cinq ans.
Nous savons que ce montant peut faire l'objet de discussions, mais
nous croyons qu'il doit être suffisamment élevé pour amener les
gens à négocier.
Il faudrait que les provinces trouvent le moyen d'investir des sommes semblables. Nous savons que cela peut être difficile, surtout dans la région de l'Atlantique. Il y a toujours eu des difficultés lorsqu'il s'agit de financement de contrepartie, mais ce n'est pas nécessairement le genre de financement que nous préconisons. Nous sommes en train d'élaborer les détails, mais nous ne croyons pas qu'il doit s'agir nécessairement d'un financement de contrepartie. Il faudrait toutefois que les provinces puissent investir des ressources fraîches, que ce soit en espèces—ce qui serait idéal—ou sous la forme d'autres ressources qui seraient investies dans ce fonds. Ce que nous préconisons, c'est donc un partenariat, un fonds dans lequel les deux ordres de gouvernement investissent.
Nous avons dressé une liste de principes qui pourraient régir les dépenses et les investissements dans ce domaine. Ces principes sont au nombre de cinq et il s'agit de l'intégralité, de l'universalité, de l'accessibilité, de la qualité et de la reddition des comptes. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes principes que ceux énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, mais cette loi nous sert de modèle quant à la façon dont on pourrait élaborer des services aux enfants dotés d'une forte participation du secteur public.
L'intégralité signifie l'appui à une gamme complète de services. Il ne s'agit pas d'investir dans un secteur—par exemple dans un centre de ressources familiales seulement—mais d'offrir toute une gamme de mécanismes d'appui.
L'universalité signifie que ces services seraient offerts à toutes les familles. Ils ne seraient pas limités aux familles à faible revenu. Ces mécanismes seraient mis à la disposition de toutes les familles. On pourrait établir un barème de frais proportionnels, au besoin, mais il s'agit d'un mécanisme de financement qui devra être élaboré. Et ces services ne seraient pas obligatoires. Les familles pourraient choisir si elles souhaitent s'en prévaloir ou non, comme c'est actuellement le cas, par exemple, pour le jardin d'enfants. Comme vous le savez, la majorité des familles canadiennes choisissent toutefois d'envoyer leurs enfants au jardin d'enfants.
Nous souhaitons un régime auquel toutes les familles puissent avoir accès. Dans bien des cas, les familles n'ont pas accès aux services à l'heure actuelle, soit à cause de leurs coûts, soit parce que leurs enfants ont des besoins particuliers, soit encore parce qu'elles ne parlent ni le français ni l'anglais. Nous croyons donc que l'accessibilité est un élément très important.
La qualité est essentielle. Le contrôle de la qualité serait assuré au moyen de lois et de dispositions provinciales relatives à la prestation de ces services.
Il est évident que la surveillance et l'exécution sont des éléments essentiels. Ces activités sont liées au cinquième grand principe, c'est-à-dire la reddition des comptes. Ce principe porte sur les rapports, la surveillance et l'exécution uniforme des règles. Le processus de reddition des comptes exige une participation très active de la collectivité et, idéalement, des parents.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de notre vision ou de notre programme, pour ce qui est des meilleures méthodes de prestation. Les principes que j'ai mentionnés serviraient à définir le cadre de ce régime, mais les ouvrages dans ce domaine ont permis d'identifier certains principes liés à la prestation des services. Nous souhaitons également les proposer. Il s'agit de l'intégration des services, de la prestation par divers intervenants et de l'assise dans la collectivité.
Par intégration des services, nous entendons le fait que ces services doivent être élaborés dans un continuum et être à tout le moins liés entre eux d'une façon quelconque, contrairement aux mesures hétéroclites qui existent actuellement. Nous souhaitons que soit établi un lien beaucoup plus étroit avec le système d'enseignement public, et nous examinons à l'heure actuelle comment ce lien pourrait être établi—par exemple, l'école pourrait servir de noyau à la collectivité, ou l'on pourrait mettre en place des modèles plus intégrés de prestation des services.
Pour ce qui est de la prestation par divers intervenants, nous reconnaissons qu'il existe dans le régime actuel différents agents de prestation. Il faudrait probablement conserver les organismes privés, publics et à but non lucratif qui oeuvrent déjà dans le domaine, même si nous estimons que les fonds publics devraient financer des services publics et des services à but non lucratif.
Enfin, nous parlons d'assise communautaire car nous estimons qu'il est très important que la collectivité participe activement à l'élaboration et à la surveillance constante de quelque régime que ce soit. Il est essentiel que les administrations communautaires et les parents y participent.
• 1125
Nous croyons donc que cette politique devrait être élaborée en
fonction de cinq principes clés et de trois principes de prestation
des services. Ces principes sont tirés des ouvrages que nous avons
lus et de certaines études, dont mes collègues pourront discuter
plus en détail.
Évidemment, tout cela devra s'inscrire dans le contexte de l'Entente cadre sur l'union sociale. Nous reconnaissons que cette entente est le principal contexte dans lequel cette politique doit s'inscrire. Toutefois, nos enfants nous tiennent fort à coeur, nous sommes convaincus de leur importance, et nous devons donc être très prudents en matière de qualité et d'investissement public.
Si cette option, qui est la première dans notre vision, n'est pas retenue, il y en a deux autres. Je vais vous les décrire très brièvement.
La seconde option consisterait à investir dans un régime de financement global très semblable au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Dans un tel régime, le gouvernement fédéral détermine qu'il investira un certain montant dans les services, et les provinces sont libres de dépenser ces fonds à leur gré dans les services de leur choix. Dans un tel régime, la reddition de comptes et la surveillance jouent un rôle essentiel car les fonds ne seraient pas liés comme dans le cas de la première proposition.
La troisième option consiste à mettre en place un régime uniquement fédéral, pour lequel le gouvernement investit dans le régime fiscal et surtout dans des allégements fiscaux liés aux déductions pour frais de garde et à d'autres allégements fiscaux, dont je vous parlerai, relatifs aux enfants handicapés. Dans le cadre d'un régime uniquement fédéral, il faudrait également inclure des projets de démonstration du type «partir d'un bon pas, pour un avenir meilleur». Nous croyons que ces projets sont extrêmement importants et nous ne voulons pas minimiser de quelque façon que ce soit l'impact qu'ils ont eu sur les enfants et les collectivités du Canada.
Nous souhaiterions toutefois que l'on passe à l'étape suivante. Ces projets de démonstration ont prouvé leur valeur, à notre avis, et le défi consiste maintenant à voir comment on peut dépasser l'étape de la démonstration pour les rendre plus accessibles aux autres enfants du pays. Il s'agit d'une option de dernier recours, bien sûr; nous souhaiterions que soient faits des investissements dans des projets de démonstration uniquement fédéraux, mais seulement s'il n'est pas possible d'adopter ce qui pour nous constitue le régime idéal.
Si j'ai le temps, monsieur le président, j'aimerais vous parler brièvement de la question des enfants handicapés. J'ignore si je pourrai vous expliquer de quoi il s'agit en très peu de temps.
Nous craignons que les enfants handicapés soient exclus du plan d'action national pour les enfants. Nous espérons que ce n'est pas le cas et nous voulons nous assurer que votre programme tient compte des besoins des familles qui ont des enfants handicapés, car ces familles ont de très grands besoins. Comme je l'ai dit, le régime actuel est hétéroclite, et c'est encore pire pour les familles dont les enfants ont besoin d'aides techniques ou d'équipement, ou de services quelconques.
Il existe plusieurs façons de traiter cette question, et nous l'avons expliqué dans un rapport que nous avons préparé sur le régime applicable aux personnes handicapées, un rapport intitulé «Le budget des enfants touchera-t-il également les enfants handicapés?». Il est possible de prendre un certain nombre de mesures pour améliorer le régime fiscal actuel. Idéalement, il faudrait également s'attaquer à la question des services et, dans un tel cas, notre principe d'accessibilité s'appliquerait, comme je l'ai mentionné, aux familles qui ont des enfants handicapés.
Mais si nous n'adoptons pas le régime général où nous investissons dans les services, nous espérons que le régime fiscal tiendra compte des soins qui sont dispensés, surtout par les parents, parfois 24 heures par jour. Ces parents ont parfois besoin d'un répit dans la prestation de ces soins. On ne tient que très peu compte des soins supplémentaires que doivent dispenser ces parents. L'aide qui leur est offerte est surtout du type institutionnel et très officielle. Nous sommes prêts à consentir des allégements fiscaux pour les soins en institution, mais on laisse à leur sort les parents qui doivent se débrouiller tous les jours chez eux.
Ce que nous vous demandons, c'est d'inclure ces familles et leurs enfants dans votre programme. Je serai heureuse de répondre à vos questions si vous avez besoin de détails.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons continuer notre tour de table. D'après l'ordre établi par Jack, nous entendrons maintenant Laurel Rothman et Martha Friendly. Je ne sais pas exactement comment vous allez procéder, allez-vous...?
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Ken souhaitait conclure.
Le président: Pardonnez-moi.
M. Ken Battle: Puis-je avoir un instant, monsieur le président? Il y a aussi la question des transferts fiscaux. Je ne veux pas entrer dans les détails. Je vous dirai brièvement ce qu'il en est car je souhaite laisser davantage de temps à mes collègues. Je répondrai ensuite à vos questions.
• 1130
Il y a deux choses dans ce domaine. Premièrement, voici ce
qu'il ne faut pas faire: il faut éviter de remettre en place un
crédit fiscal remboursable qui avantagera les familles à revenu
élevé qui ont des enfants avant d'avoir fini de mettre en place la
prestation nationale pour enfants, d'accord? Il y a un ordre de
priorités dans les dépenses et il n'est pas possible de tout faire
en même temps.
Si nous avions tout l'argent nécessaire, j'aurais probablement conçu un régime qui puisse plaire à tout le monde. Les groupes sociaux ou les groupes qui défendent les droits des assistés sociaux auraient été satisfaits. Tout le monde aurait été content. En fait, j'ai effectivement conçu un tel régime, mais nous n'avions pas tout l'argent nécessaire. Nous avons donc dû mettre sur pied un régime qui correspond au fonctionnement des politiques canadiennes, c'est-à-dire par étape.
Ce que nous proposons, pour la prestation fiscale pour enfants du Canada et la prestation nationale pour enfants, c'est tout d'abord de terminer les travaux entamés. Il faut aussi porter la prestation fiscale maximale pour enfants à 2 500 $ par enfant. Une fois cela fait—et il faudra à cette fin une troisième tranche d'environ 1,5 milliard de dollars—on pourrait étendre la prestation fiscale pour enfants de deux façons: par un élargissement à la base afin d'offrir des augmentations réelles aux familles vivant de l'aide sociale qui n'ont pas d'augmentation de ce genre à l'heure actuelle—et nous pourrons expliquer pourquoi plus tard—et augmenter ensuite le nombre des bénéficiaires en élargissant graduellement l'échelle des revenus afin d'améliorer la situation des familles à revenu modeste et moyen qui ont subi des pertes importantes au cours des dix dernières années au titre des prestations pour enfants. Il s'agit d'un allégement fiscal que nous proposons pour la classe moyenne dans nos propositions. On y utilise la prestation fiscale pour enfants du Canada pour améliorer le revenu net de la majorité des familles canadiennes.
Quant à la prestation fiscale pour enfants du Canada, le crédit remboursable au titre de la TPS et le régime d'impôt sur le revenu des particuliers lui-même, il est absolument essentiel de rétablir l'indexation. Sans indexation, les réductions d'impôt consenties aux Canadiens et les améliorations à la prestation fiscale pour enfants sont constamment érodées. Pour être franc, c'est une vaste blague.
Ce ne sont pas seulement les groupes sociaux qui appuient la réindexation du régime fiscal; les experts de la politique fiscale sont également d'accord avec une telle mesure. Nous estimons que c'est absolument essentiel, mais c'est aussi le moyen le plus facile pour le gouvernement de faire la sourde oreille.
Enfin, dans nos propositions fiscales, compte tenu de ce que le régime fiscal s'applique de plus en plus aux personnes à faible revenu, nous proposons de rétablir la deuxième et la troisième fourchettes d'imposition et la première aussi, en fait, afin d'éviter que de plus en plus de gens se retrouvent dans des fourchettes élevées. Je pourrais vous décrire des propositions plus détaillées, mais voilà ce qu'il en est de ces propositions.
Je vais me limiter à cela, merci.
Le président: Merci.
Dans notre second groupe de témoins, je ne sais pas si Laurel et Martha parleront ensemble ou séparément. Nous mettrons l'accent sur le Québec à la fin des exposés, ce qui signifie que Laurel prendra la parole.
Mme Laurel Rothman (coordonnatrice nationale, Campagne 2000): Bonjour. Je suis certaine que vous connaissez Campagne 2000 pour la plupart. Il s'agit d'une vaste coalition, et nous avons produit un certain nombre de recommandations qui portent peut-être de façon plus générale sur le plan d'action national pour les enfants.
J'insiste toujours sur un principe que nous considérons comme essentiel lorsque nous publions notre rapport annuel sur la pauvreté chez les enfants et lorsque nous élaborons des propositions de politiques. Nous avons toujours dit que la meilleure façon d'améliorer la condition des enfants pauvres et de leurs familles, est d'améliorer les conditions de tous les enfants. Dans cette optique générale des enfants et de la politique familiale, nous reconnaissons toutefois qu'il faut répondre à des besoins très particuliers. Si j'insiste sur cela, c'est que je connais certains journalistes qui mettent actuellement l'accent sur ce principe. L'un des prochains grands défis consistera probablement à voir comment on peut inscrire ces besoins particuliers dans une approche générale.
Mon collègue Marvyn Novick vous prie de l'excuser. Il espérait pouvoir vous rencontrer, mais il avait plusieurs autres engagements qu'il ne pouvait pas tous respecter.
En vue du budget, nous avons résumé un certain nombre de nos enjeux dans ce document d'étude que certains d'entre vous ont reçu, et dont je vais vous donner les faits saillants. Nous l'avons intitulé «L'essentiel pour commencer: Une chance égale pour chaque enfant dès la naissance». Nous avons élaboré un certain nombre de propositions visant des investissements sociaux dans une approche axée sur les cycles de vie afin de lutter contre la pauvreté chez les enfants et d'améliorer les chances de vie de tous les enfants.
J'ai deux remarques à faire sur la façon dont nous avons produit certaines de nos recommandations. Vous connaissez à peu près tout cela, mais il est peut-être important de le répéter brièvement.
• 1135
Il est clair que l'économie se redresse, mais de nombreux
enfants et familles n'en tirent pas encore profit. Ce qui nous a
surpris, lorsque nous avons étudié les statistiques, c'est qu'il y
a toujours un enfant sur cinq qui vit dans la pauvreté et qu'un
enfant sur quatre de moins de 6 ans vit dans la pauvreté. Cela veut
donc dire qu'un enfant sur quatre naît pauvre. Sans certains des
appuis communautaires appropriés, il est fort peu probable que ces
familles puissent sortir de la pauvreté à moins que nous fassions
quelque chose d'essentiel et de radical, et que nous posions les
assises voulues à court terme.
Nous craignons également que la capacité du marché du travail à appuyer les soutiens de famille diminue. Le changement qui s'est produit au sein de la structure de l'emploi au cours des 20 dernières années a eu un impact marqué sur les salaires.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Il y a eu augmentation du taux de pauvreté chez les couples à revenu unique, un groupe dont on ne parle pas toujours. Nous savons pertinemment, c'est le cas pour plusieurs d'entre vous, que la proportion de familles monoparentales dont le soutien est une femme qui vit dans la pauvreté demeure élevée. Il y a eu une baisse depuis les années 80, mais le chiffre se situe autour de 43 p. 100 du total. Le nombre de couples à revenu unique vivant dans la pauvreté a augmenté, passant de 19,5 p. 100 en 1989 à 25,6 p. 100. C'est là un autre signe que le marché du travail ne pourra, à lui seul, régler le problème de la pauvreté chez les familles et chez les enfants.
De plus, les revenus marchands des familles à revenu moyen, des familles à revenu modeste et des familles pauvres diminuent toujours. Nous avons divisé l'économie en quintiles et avons étudié le nombre de semaines de travail des familles et leur revenu; c'est ce qu'entend par revenu marchand, soit le revenu après impôt. Les familles à revenu moyen travaillent 5 p. 100 de plus mais gagnent 3 p. 100 de moins. Les familles à revenu modeste travaillent à peu près le même nombre d'heures mais ont un revenu de 13 p. 100 inférieur à celui qu'elles avaient auparavant. Quant aux familles pauvres, elles travaillent 37 p. 100 de moins pour recevoir 48 p. 100 de moins en revenu. Il existe donc des problèmes structurels graves.
J'aimerais passer maintenant à nos recommandations quant au prochain budget. C'est peut-être en raison des choses qui ont déjà été annoncées, mais nous croyons que le nouveau millénaire est un point tournant pour notre pays; nous voulons que le gouvernement s'engage à investir dans les enfants et dans les familles: cela doit être le point saillant du prochain budget.
J'aimerais également revenir à ce qu'a dit Ken tout à l'heure. Notre premier objectif est que le budget fédéral prévoie un plan quinquennal d'investissement social pour les enfants du Canada, plan assorti d'objectifs et de cibles clairs. Si nous étudions ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années—et je ne vous donnerai pas de trop amples détails—nous avons traversé une récession très pénible, et les familles vulnérables ont dû supporter une bonne partie du fardeau nécessaire pour éliminer le déficit. Il est important de conserver les fondements qui existent, et de les renforcer, sinon nous nous trouverons dans une position beaucoup plus précaire plus tard.
Il importe également de signaler que nombre d'intervenants appuient notre première recommandation, soit qu'il faut un plan d'investissement social pluriannuel assorti de cibles et d'objectifs nationaux clairs. Nous ne sommes peut-être pas tous d'accord sur les détails, qu'il s'agisse de Caledon, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques—et je suis convaincue que vous avez lu leurs documents—de la National Children's Alliance, de notre groupe, et de bien d'autres. Cependant à l'échelle nationale, il existe un net consensus.
Le deuxième élément que nous voudrions retrouver dans le budget est l'engagement d'investir au moins 1,5 p. 100 de l'excédent fédéral prévu en l'an 2005 sous forme d'investissements fédéraux dans les enfants et dans les familles pour atteindre les objectifs de base. Cela veut donc dire qu'il devra y avoir une augmentation d'au moins 16 milliards de dollars si on le compare au niveau actuel des dépenses, ou en moyenne, 3 milliards de dollars de nouveaux investissements par année au cours des cinq prochaines années.
Évidemment, nous sommes tous conscients de ce qui a été perdu en raison de la diminution des transferts vers les provinces et de la création du transfert en matière de santé et de programmes sociaux. Il y a eu un réinvestissement dans le secteur de la santé, mais il n'y a pas eu de réinvestissement important dans le secteur de la sécurité sociale.
• 1140
Cela veut donc dire que nous jugeons que 50 p. 100 de
l'excédent net pourrait être utilisé pour les investissements
sociaux pour les enfants et les familles et l'autre 50 p. 100
pourrait être utilisé pour d'autres priorités nationales. Nous
reconnaissons donc... Le 50 p. 100 réservé aux investissements
sociaux viserait à la fois les mesures de revenu et les services
sociaux.
Nous avons également une proposition à formuler à l'égard de la prestation fiscale pour enfants. Nous recommandons de bonifier les prestations pour toutes les familles à faible revenu de façon de moitié le niveau de pauvreté chez les enfants d'ici 2005. Nous jugeons que pour atteindre cet objectif, la prestation fiscale pour enfants devrait s'élever à environ 4 000 $ par année.
J'aimerais faire quelques autres commentaires; on pourra discuter des détails tout à l'heure. Les pays européens qui ont investi davantage au fil des ans dans le domaine de la sécurité sociale et des services de garderie, et on en parlera peut-être tout à l'heure, ont des niveaux beaucoup plus faibles de pauvreté chez les enfants et les familles. Ces objectifs, dont j'ai fait état, sont donc fort réalisables.
Nous voulons également que l'on adopte le principe de l'équité entre les générations. Les revenus sociaux pour les familles qui ont des enfants ne devraient pas être inférieurs aux revenus sociaux des personnes âgées.
J'aimerais faire quelques autres commentaires. Vous pourrez me dire, monsieur le président, quand il ne me restera plus de temps.
En 1996, au Canada, une mère de famille monoparentale avec un seul enfant recevait en moyenne en aide sociale 12 300 $. On ne le dit pas très souvent. Il m'a fallu étudier les statistiques. En 1998, un couple de personnes âgées disposait d'un revenu de base minimum de 18 300 $.
Bref, nous proposons d'établir un revenu minimum pour les femmes chefs de famille monoparentale qui ont peu de chance de retourner sur le marché du travail. De plus, une fois que les mères chefs de famille monoparentale prestataires de l'aide sociale se dénichent un emploi, il faudrait qu'elles puissent disposer de services de garderie de qualité pour justifier cette participation au marché du travail. Cette garantie n'existe pas suffisamment ou même de façon adéquate au Canada... Le montant réinvesti à la suite du versement de la prestation fiscale pour enfants n'est pas très élevé.
Je vais poursuivre. Nos quatre objectifs sont d'obtenir du gouvernement fédéral qu'il s'engage à des investissements nationaux pour établir les fondements des services de développement de la petite enfance, un peu comme l'a proposé le groupe Caledon. Je vous ferai grâce des détails. Nous disons simplement qu'il doit y avoir un cadre général, assorti de principes qui permettront au gouvernement fédéral de négocier des ententes bilatérales avec les provinces et les territoires.
Comme nous l'avons dit lors de nos réunions avec nombre de vos collègues, il faut débloquer des montants importants de sorte que pendant cette année de négociations sur la création d'un plan pour le développement des jeunes enfants, les provinces puissent elles aussi s'engager à investir dans le secteur.
Nous sommes également d'avis qu'il doit y avoir un investissement national dans le domaine du logement à prix abordable. Nous appuyons en fait la proposition formulée par la Fédération canadienne des municipalités qui suggère qu'il faut 20 000 unités par année, ce qui représente un investissement d'environ 2 milliards de dollars.
J'ai mentionné nos propositions à l'égard de la prestation fiscale pour enfants. J'aimerais également signaler que nos propositions visent à assurer un soutien aux familles à revenu modeste et moyen.
Pour ce qui est de l'éducation postsecondaire, nous recommandons des investissements par l'entremise des provinces afin de geler et de réduire les frais de scolarité au niveau postsecondaire.
Nous recommandons également que le gouvernement fédéral en collaboration avec les provinces mette sur pied une commission chargée d'élaborer des stratégies visant à améliorer l'offre de bons emplois au Canada. Il faut étudier de très près le marché du travail et ce qu'il peut offrir.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Martha Friendly.
Mme Martha Friendly: Merci de m'avoir encore une fois invitée à m'adresser à votre groupe. J'ai déjà comparu devant votre comité, et je me retrouve une fois de plus dans les tranchées. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais faire trois commentaires sur le plan d'action national pour les enfants, ou la politique de la famille. J'ai été très heureuse d'entendre Caledon parler de politique familiale, et non pas simplement d'un plan d'action national pour les enfants, qui est en fait un nom commercial pour ce qui se produit. Mes commentaires portent sur la formulation d'une politique sur la famille, ce qui n'existe pas au Canada, sauf au Québec, comme Jocelyne vous l'expliquera.
• 1145
J'aimerais évoquer trois points. Je m'affairais à éliminer de
ma liste les éléments qui ont déjà été abordés par les témoins,
parce qu'il y a beaucoup de redites. J'aimerais tout d'abord vous
entretenir de ce que nous avons appris l'année dernière, des thèmes
qui sont ressortis de toutes nos consultations et discussions sur
un plan d'action national pour les enfants, particulièrement au
cours des 12 ou 24 derniers mois, mais en fait au cours des 20
dernières années. Je crois que certaines des choses que nous avons
apprises, certains des consensus auxquels nous en sommes venus,
sont fondés sur des preuves et des faits, et nous pourrons en
reparler pendant la période de questions.
Encore une fois, j'aimerais rappeler qu'une politique sur la famille doit viser toutes les familles, et pas seulement certaines d'entre elles. On oublie souvent deux thèmes importants dans nos discussions, soit la cohésion sociale et la solidarité sociale. Je crois que c'est là une des choses qui revêt une importance primordiale dans la vision de notre nation. Je crois que de nombreuses idées qui faisaient partie de la scène canadienne quand j'ai immigré dans ce pays ont disparu depuis.
Encore une fois, à mon avis, tout plan d'action national pour les enfants doit inclure un mélange d'éléments, et je crois que Ken a très bien décrit la situation. Je crois qu'il y a plusieurs façons d'envisager la question. Nous l'avons étudiée sous l'angle d'un mélange de services et de revenus; je vais vous entretenir du volet services. J'ai participé la semaine dernière à une réunion avec Jane Jensen, et elle a fait ressortir un aspect de ce mélange auquel je n'avais pas pensé. Elle a parlé de mélange de programmes universels et de programmes ciblés.
Mon document a-t-il été distribué?
Le président: Je vais m'en assurer dès maintenant.
[Français]
Je sais qu'il y a eu une conversation informelle avec Mme Gagnon au sujet du fait qu'un des documents n'a été présenté qu'en anglais. Nous ne voulons pas le distribuer sans l'autorisation de Mme Gagnon. La décision vous appartient, madame Gagnon.
[Traduction]
Mme Martha Friendly: Je dois m'excuser de ne pas avoir fourni une traduction de ce document, mais je n'ai pas vraiment eu le temps. Dans la mesure du possible, j'essaie de faire traduire mes documents, mais si vous ne...
[Français]
Le président: Ça va?
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Eh bien, disons que pour ce matin je vais l'accepter, étant donné que ce n'est pas un document très long et qu'il prend la forme d'une liste de points. Il n'y a pas de problème, on peut le distribuer.
Le président: Merci. Nous le ferons traduire par la suite à l'intention de tous.
Mme Christiane Gagnon: Oui.
Le président: Merci bien.
[Traduction]
Nous avons donc la permission de Mme Gagnon, qui autorise une exception à la règle et qui nous permet de distribuer ce document, pourvu qu'on le fasse traduire et qu'il soit distribué à tous.
Mme Martha Friendly: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Chers collègues, on vous distribuera un document de deux pages.
Mme Martha Friendly: Ce que je voulais indiquer—et le document qui vous a été distribué l'illustre—est que dans ce diagramme, vous voyez qu'il nous faut avoir plus de services communautaires essentiels pour tous les citoyens, mais qu'il nous faut quand même des services qui ciblent des groupes particuliers. Je crois que c'est un aspect qu'on oublie souvent. Malheureusement, nous n'avons pas de services communautaires essentiels. C'est justement ce dont je vous parlerai, et ce dont Sherri a parlé tout à l'heure.
Le troisième point commun qui ressort de toutes les discussions est qu'il nous faut répéter que les programmes destinés aux enfants sont des programmes publics. C'est pourquoi ils doivent être mis sur pied par l'entremise de politiques publiques. Les communautés et d'autres groupes peuvent participer à la prestation de ces programmes, mais si on dépend du marché, ces programmes ne seront jamais mis sur pied. Les faits le prouvent.
J'aimerais dire quelques mots sur l'expression qui est très populaire de nos jours, soit l'accroissement de la capacité communautaire. Je ne m'oppose absolument pas à ce que les communautés puissent accroître leur capacité. Certains de ceux qui sont autour de la table l'ont fait à plusieurs reprises; à titre de membres de la communauté, nous avons de notre propre chef élaboré des programmes, comme parents. Mais ce n'est pas la façon d'obtenir les changements structuraux fondamentaux nécessaires si nous voulons avoir un système général de services de développement de la petite enfance. On ne pourra y parvenir que par l'entremise de politiques publiques.
Les deux autres facteurs dont je voulais parler touchent les services de développement de la petite enfance. Tout d'abord, j'aimerais vous dire comment nous percevons ces services, quelle en est notre vision. Je crois que ma vision est parfaitement compatible avec celle des autres témoins. Puis, la troisième chose dont j'aimerais vous entretenir est la façon d'assurer ces services, le processus à suivre pour offrir ces services.
• 1150
Ma vision ressemble beaucoup à ce que Sherri Torjman a décrit,
et je crois qu'elle ressemblera également à ce que décrira Jocelyne
au sujet du Québec. Je dois signaler que ce qu'il nous faut d'abord
et avant tout, c'est un système de prestation des services
cohérent, global et accessible—je suis parfaitement d'accord avec
ces principes—dans chaque communauté du Canada, de sorte que tout
n'est pas éparpillé un peu partout. Les familles de chaque
communauté doivent pouvoir avoir accès aux services dont elles ont
besoin. Je crois que c'est absolument essentiel. Des choix doivent
être offerts, et ces services seront à fort coefficient de main-
d'oeuvre.
Si l'on étudie ce que font les autres pays, nous constatons qu'il est fort possible et en fait souhaitable d'inclure dans le même programme l'éducation de la petite enfance, les services de garde ainsi qu'un soutien pour les parents, comme le font les pays européens. En fait, c'est monnaie courante dans nombre de pays européens, donc on ne demande rien de tout particulièrement nouveau. Nombre de pays le font déjà, le Québec aussi.
Je crois qu'il faut cesser d'avoir des services éparpillés un peu partout. S'il y a un conseil que nous vous donnerions tous, c'est de cesser de financer un petit programme ici puis un petit programme là. Il faut avoir un système cohérent.
J'aimerais maintenant vous dire quelques mots sur la façon dont tout cela pourrait être fait au niveau des politiques. Si vous étudiez mon document, en fait c'est une version abrégée de ce que nous employons tous depuis des années pour désigner un programme national pour les enfants. Le vocabulaire est utilisé maintenant par tous les intervenants, comme c'est le cas lorsqu'on utilise l'expression «services de développement de la petite enfance»; je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'expliquer ce qu'on entend par là. Pour avoir ce genre de stratégie, il faut cependant que tous les paliers de gouvernement et les représentants des communautés jouent le rôle qui leur convient.
Il est évident qu'il y a un rôle pour le gouvernement fédéral, et je crois que l'entente cadre sur l'union sociale, dont je parlerai dans quelques instants, réitère que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Un de ces rôles est celui du financement. À mon avis, il existe un autre rôle puisqu'il doit y avoir au niveau national un cadre politique général de principes nationaux. Le type de principes que Sherri Torjman a décrits sont les principes que je proposerais, et que j'ai déjà proposés par le passé.
Cela relève clairement de la compétence provinciale. Les provinces et les territoires ont certainement un rôle à jouer au niveau de la conception, de l'élaboration et de la prestation des programmes, et ils ont également un rôle à jouer au niveau du financement. Je reconnais qu'il y a toutes sortes de détails touchant le financement—à savoir s'il s'agit d'un financement de contrepartie, d'une entente de partage des coûts ou d'autres choses du genre—et ce sont des choses que nous n'avons pas encore étudiées.
Il est évident qu'un rôle doit être joué par les intervenants à l'échelle locale. Je dis à l'échelle locale parce qu'il ne s'agit pas simplement des gouvernements locaux ou des groupes communautaires. Il est évident que la prestation des services doit se faire au niveau local, et qu'il existe toute une variété de représentants des secteurs communautaires et publics qui doivent intervenir. À mon avis, une bonne partie de l'élaboration des services et de leur priorisation devrait également se faire au niveau local.
Je crois que cette structure ressemble dans une large mesure à ce qui existe déjà au niveau des soins de santé. Ce n'est pas si différent. Je veux simplement encore une fois rappeler que personne n'a jamais dit que ce qu'on a toujours appelé un programme national de garderies devrait être offert à partir d'Ottawa, ou même qu'il devrait être offert, au niveau des services, par les provinces. Le système de prestation doit faire appel à tous les intervenants.
J'aimerais parler de la façon d'obtenir ce système. J'aimerais vous dire quelques mots sur la marche à suivre. J'aimerais aborder quatre éléments. Tout d'abord, tout système devrait être compatible avec l'entente cadre sur l'union sociale. C'est clair. Cette entente cadre, signée par le gouvernement fédéral et neuf provinces, est le cadre dans lequel est présenté le plan d'action national pour les enfants. Ce plan d'action national sera en fait le premier test qui permettra de déterminer si cette entente est dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Un des principaux rôles identifiés pour le gouvernement fédéral dans cette entente touche les dépenses. Chaque année, le budget fédéral communique le plan de dépenses du gouvernement du Canada pour l'année; le budget de l'an 2000 démontrera que le gouvernement veut passer des paroles aux actes en ce qui a trait au plan d'action national pour les enfants. Évidemment, c'est pourquoi je recommanderai que le gouvernement fédéral débloque des fonds, mais je n'en suis pas encore rendu là.
• 1155
Les principes de l'entente cadre sont également importants
pour ce processus. Certains des principes pertinents sont
mentionnés dans ce document. Certains d'entre eux sont importants,
mais à mon avis l'élément le plus important est le dernier qui
figure sur ma liste soit:
-
Assurer l'accès à tous les Canadiens, peu importe où ils vivent et
déménagent au Canada, à des services et des programmes sociaux de
base, d'une qualité comparable.
Le système de garderies du Québec change clairement la dynamique du système de garderies pour le reste du Canada. La meilleure façon d'expliquer cela est de citer un article d'André Picard publié dans le Globe and Mail dans la série «Family Matters» sur la politique du Québec en matière familiale. La dernière phrase cite un des parents interviewés pour l'article disant: «Si les gens des autres régions du Canada comprenaient vraiment ce que nous avons au Québec, ils réclameraient à grands cris la même chose».
Ce qui commence en fait à se produire au Canada, c'est que les groupes de défense de la petite enfance reprennent l'idée à leur compte. Les responsables des services de garderie en Colombie- Britannique demandent pour cette province un système semblable à celui qui existe au Québec. Le groupe du Manitoba m'a dit qu'il allait faire la même chose en janvier. Je crois que cela fera boule de neige. Et cela est donc très important en ce qui a trait à l'entente cadre.
L'autre chose qui m'inquiète tout particulièrement en ce qui a trait à l'entente cadre, c'est qu'on parle beaucoup de responsabilisation. La façon dont le système a été conçu, à moins qu'on ne respecte en fait les engagements pris—les engagements au chapitre de la responsabilisation et de la transparence, l'inclusion des groupes comme le nôtre, en fait, dans les discussions—en fait je crois que cela représentera un empiétement très clair sur le processus démocratique du Canada. Nous pouvons en parler plus tard, mais à mon avis rien n'indique que l'on respecte dans l'entente cadre les engagements en matière de responsabilisation.
À mon avis, il existe des façons de s'assurer que ce fonds ou cette stratégie pour les services de développement de la petite enfance soit mis sur la table. J'en parle dans mon document. Je ne vous donne pas de plus amples détails, car je crois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Nous pourrons en parler plus tard. Plusieurs choses doivent être faites si nous voulons que ce soit possible, mais à mon avis nous n'avons même pas posé les premiers jalons.
J'aimerais faire un dernier commentaire sur l'entente cadre; j'aimerais signaler que j'ai témoigné devant le Comité des finances dans le cadre de ses consultations prébudgétaires. Cela n'a évidemment pas été très utile, parce que le comité semble recommander encore plus de réductions d'impôt. Tout au moins on nous a entendus. Il y a en fait eu ce jour-là une bonne discussion.
De toute façon, j'ai recommandé à ce comité que puisque dans le discours du Trône le gouvernement s'était engagé à conclure une entente, d'ici un an, sur le développement de la petite enfance, il était parfaitement possible que le gouvernement fédéral débloque des fonds à cette fin. J'ai proposé deux façons de procéder pour lesquelles il semblait exister des précédents.
Tout d'abord, quoique je ne sache pas si nous avons parlé en détail de la question, lorsque le gouvernement négociait en ce qui a trait à la prestation pour enfants, on avait réservé dans le budget fédéral des ressources financières pour ce programme, alors même que les négociations se déroulaient toujours. En fait, c'est ce qui a rendu les négociations possibles. Cela a encouragé les provinces à participer pleinement à ces négociations. J'aimerais savoir pourquoi cela ne serait pas possible dans le cas qui nous occupe.
Pour ce qui est de la deuxième façon que j'ai proposée, je me suis toujours intéressée à l'historique des services de garderie et j'ai pensé à tous les échecs qu'on avait connus en ce qui a trait au programme national de garderies. J'aimerais rappeler que lorsque le gouvernement libéral a mis sur pied un groupe de travail sur la question au début des années 80, le groupe de travail qu'on appelle toujours le groupe de travail Katie Cooke, on avait présenté un très bon rapport. Vous pouvez le trouver sur les tables des livres soldés de pratiquement toutes les librairies. J'en ai personnellement cinq exemplaires, que je prête à mes étudiants régulièrement. On recommandait dans ce rapport, afin de lancer les négociations fédérales-provinciales, l'octroi de ce qu'on appelait des subventions de bonne foi, de la part du gouvernement fédéral.
Une formule était proposée en vertu de laquelle le gouvernement fédéral donnerait de l'argent aux provinces pour leur permettre de renforcer leur programme actuel de garderies—et on employait le terme garderie à l'époque, mais cela représente la même chose que nous faisons aujourd'hui—pour lancer les programmes. Ça démontrerait que le gouvernement fédéral était vraiment sérieux, de bonne foi.
Je propose donc ces deux façons de procéder et je réitère qu'il faut absolument que le gouvernement fédéral joue ce rôle et débloque des fonds.
• 1200
Encore une fois, vous pouvez étudier le document que j'ai fait
distribuer. J'ai préparé un petit graphique illustrant les dépenses
prévues dans les budgets provinciaux pour les services de garderie
réglementés pendant les années 90. J'ai obtenu ces renseignements
des provinces. Il est intéressant de noter—et en fait j'ai été
surprise—que, comme vous pouvez le voir, après 1995, les provinces
ont commencé à dépenser de l'argent pour les services de garderie
réglementé. Dans neuf des douze provinces et territoires, les
dépenses ont augmenté après 1995. Cela a coïncidé avec le moment où
on a fait disparaître le RAPC, où on a opté pour le Transfert en
matière de santé et de programmes sociaux, etc. Je crois que c'est
assez intéressant.
Cela n'est pas pris en compte par la stratégie de réinvestissement de la prestation nationale pour enfants. Ça s'est produit plus tard, et en fait ce réinvestissement est de beaucoup inférieur à certaines de ces augmentations. C'est plutôt intéressant.
Je suppose qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Je vais mettre fin à mon exposé. Ne riez pas.
Avant de terminer, je dois dire que nous tous, tous ceux qui oeuvrent dans le secteur de la petite enfance, avons présenté beaucoup de faits et de preuves expliquant pourquoi nous devrions agir de cette façon. Les preuves économiques qui indiquent pourquoi nous devrions investir dans le développement de la petite enfance, des études en matière de santé pour les parents et les enfants, l'emploi pour les mères, l'éducation—mais le gouvernement semble faire la sourde oreille. On ne semble pas entendre les arguments que l'on présente sur la validité de cet investissement.
Ce qui m'intéresse tout particulièrement, et je crois malheureusement qu'on n'en parle pas suffisamment au Canada, c'est le volet des droits de la personne. C'est une discussion courante dans les pays européens. Certaines de ces discussions ont été motivées par la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, convention dans laquelle le Canada a joué un rôle public important. Nous ne parlons pas de ces programmes dans une optique des droits de la personne et des droits des enfants au Canada.
Il est intéressant de noter que les services de développement de la petite enfance ont des éléments de droits de la personne pour les enfants, et certainement pour les femmes, conformément aux Conventions des droits des femmes des Nations Unies, et en fait figurent dans des documents comme l'Entente de Salamanque sur l'éducation. Je crois que vous pourrez constater que ces programmes sont justifiés à plusieurs égards dans une optique des droits de la personne.
Cette année le Canada doit présenter un rapport aux Nations Unies sur les progrès qu'il a effectués en ce qui a trait à la Convention relative aux droits de l'enfant. Je crois que le Canada a échoué à cet égard. Les services de garderie et l'éducation pour la petite enfance sont mentionnés clairement dans plusieurs articles de cette convention.
Je m'attaquerai personnellement à ce problème, parce que si nous signons des conventions internationales, je crois qu'il faudrait faire des efforts pour en respecter les dispositions, ou simplement ne pas les signer. Après tout, c'est une autre façon de voir le problème. Peut-être ne devrions-nous pas signer ces conventions si nous n'entendons pas en respecter les dispositions.
Je crois que c'est une question de volonté politique. Il me semble qu'avec le Plan d'action national pour les enfants, il y aura un budget pour les enfants en l'an 2000. Je suppose que le message que j'aimerais communiquer aux décisionnaires provinciaux et fédéraux est qu'en fait un plan d'action national pour les enfants et un budget fédéral de l'an 2000 pour les enfants n'auront aucune crédibilité auprès des groupes de politique sociale, et de la population, s'il n'y a pas un engagement sérieux à l'égard des services de développement de la petite enfance et des services de garderie.
Voici ce qu'à mon avis nous ne devrions pas faire: je ne crois pas que nous devrions avoir des services éparpillés. Je crois que nous avons eu suffisamment de services éparpillés qui ne semblent pas vraiment être utiles. Je crois que nous n'en avons pas pour notre argent et que les choses s'amélioreraient si nous avions une meilleure politique publique. Il faut apporter des changements fondamentaux à la structure de ces programmes.
Il ne faut pas partir de l'idée que l'argent équivaut nécessairement à des services. Cela n'est absolument pas prouvé, en tout cas certainement pas dans le domaine des services de développement de la petite enfance.
Je pense aussi qu'il ne faut pas suivre de stratégies qui ne nous permettent pas d'avoir une vision nationale du problème. Nous ne voulons plus de stratégies qui permettent—et je m'excuse auprès de mes collègues du Québec... Je veux dire, nous pourrions discuter des différences, mais certains d'entre nous dans le reste du pays font malheureusement face à des gouvernements sordides qui ne seront absolument pas prêts à apporter quelque chose de sérieux à leurs citoyens.
Je crois que la situation est vraiment triste, particulièrement en Ontario. Dans la plupart des autres parties du Canada, je pense que nous avons besoin de mesures de contrôle rigoureuses pour obliger les deux paliers de gouvernement à s'occuper de leurs citoyens. Je suis profondément convaincue que ce qu'il nous faut, c'est une démarche nationale, et une démarche québécoise, en matière de services de développement de la petite enfance.
• 1205
J'aimerais conclure en vous parlant d'une conversation que
j'ai eue l'autre jour avec l'une de mes amies. Nous avons nos
enfants dans une garderie coopérative, et nous sommes donc de très
bonnes amies, bien qu'elle s'occupe actuellement de questions
d'environnement en tant que réalisatrices pour la chaîne anglaise
de Radio-Canada. Nous parlions de la situation au Canada, et je lui
racontais comme d'habitude que toutes nos revendications tombaient
dans l'oreille de sourds. Elle m'a répondu: Tu sais, c'est curieux;
si nous sommes un pays aussi remarquable, comme se fait-il que nous
n'ayons pas de services de développement de la petite enfance?
Pourquoi?
Je voudrais donc vous poser cette question aujourd'hui. C'est vous qui élaborez les politiques et vous nous prêtez une oreille favorable. Pourquoi n'avons-nous pas cela? Pour quelle raison?
Je ne sais pas quoi répondre aux autres personnes actuellement. Nous n'avons plus l'épée de Damoclès du déficit que nous avions auparavant. Nous avons de l'argent. Allons-nous un jour avoir ces services? Si nous ne les avons pas maintenant, quand les aurons-nous?
J'espère que je n'ai pas abusé de votre temps. Probablement que si. J'en suis désolée.
Le président: En tout cas, ce sont d'excellentes questions.
[Français]
Bienvenue, madame Tougas.
Mme Jocelyne Tougas (consultante en services de garde pour le Québec; témoigne à titre personnel): Bonjour. Ma collègue Mme Friendly me dit toujours que mes interventions sont souvent d'ordre philosophique. Ce sera probablement encore le cas aujourd'hui, mais je vous fais confiance. Vos questions me ramèneront sans doute sur terre.
D'abord, je voudrais vous remercier de m'avoir invitée à venir réfléchir avec vous sur le sort de nos enfants. Au cas où les membres du sous-comité n'auraient pas pris connaissance du dépliant sur le Plan d'action national pour les enfants, je signalerai que c'est l'invitation qui y est lancée à l'adresse de l'ensemble de la population. Ce dépliant est intéressant en ce qu'il rappelle les valeurs communes que le Canada dit être les siennes à l'égard de ses enfants et les objectifs qu'il souhaite réaliser au cours des prochaines années. Il énonce de grands principes et annonce de grandes solutions.
Je ne veux pas donner l'impression de ne pas apprécier la démarche démocratique préconisée dans le dépliant, mais il me semble que le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires disposent déjà d'un ensemble de solutions viables et éprouvées pour améliorer le sort de nos enfants et pour faire en sorte qu'ils aient tous et toutes une chance égale dans la vie.
La question qui s'impose à l'esprit est donc, comme Mme Friendly l'a dit: pourquoi nos gouvernements sont-ils si lents à agir ou, pire encore, pourquoi certains d'entre eux n'agissent-ils pas du tout? Des mauvaises langues et des esprits mal tournés diraient qu'au fond, dans une société capitaliste, les pouvoirs veulent maintenir le fossé entre pauvres et riches, entre faibles et fortunés, entre dépourvus et nantis; que c'est une manière de motiver ceux et celles qui sont au bas de l'échelle à travailler d'arrache-pied pour se mériter une meilleure place au soleil et, par le fait même, de faire fonctionner l'économie. Serait-ce là la philosophie qui prédomine au Canada?
Ce n'est pas de ce propos qu'on m'a demandé de vous entretenir ce matin. En fait, si j'ai bien compris, les membres du sous-comité voudraient que je parle de ce qui se fait au Québec actuellement pour nos enfants et de la façon dont les stratégies québécoises pourraient servir d'inspiration à un plan d'action national pour les enfants, plan que semble vouloir mettre de l'avant le gouvernement fédéral, du moins en apparence.
Comme au Canada et ailleurs dans le monde, au Québec, nous avons des défis majeurs à relever en ce qui a trait à nos enfants. Il ne faut pas être extrêmement perspicace pour reconnaître que les enfants ont de meilleures chances de se développer sainement, d'apprendre, de s'épanouir et d'être heureux s'ils connaissent un bon départ dans la vie, si, durant leur petite enfance et au cours de leur croissance, ils sont aimés, stimulés et bien entourés. On n'a qu'à regarder dans son propre entourage, et si ça ne suffit pas, on peut toujours consulter les multiples recherches qui ont été faites à ce sujet.
Au Québec, donc, on croit depuis longtemps et on clame haut et fort que le réseau des services de garde réglementés sert à faire vivre des expériences enrichissantes aux jeunes enfants, que les services de garde de bonne qualité viennent compléter l'éducation parentale et, dans certains cas, la parfaire et la bonifier, qu'à travers le jeu et l'apprentissage de la vie au quotidien, les services de garde permettent aux enfants de se découvrir et de découvrir les autres et les préparent pas à pas à franchir la porte de l'école et celle du monde.
• 1210
Donc, fort de cette conviction et stimulé dans ce
sens par la volonté populaire, le gouvernement du
Québec, au cours des 20 dernières années, a élaboré et
mis en oeuvre des politiques et programmes en matière
de services de garde qui font l'envie de tous
au Canada.
En 1997, le Québec a fait un pas important de plus. Il a adopté une politique familiale qui intègre à la fois les services éducatifs et de garde pour l'enfant et les diverses prestations pour enfants et qui, si seulement les deux paliers de gouvernement arrivaient à s'entendre, intégrerait aussi un programme de congé de maternité et de congé parental bonifié.
Mais qu'est-ce qui fait que la politique québécoise en matière de services de garde peut servir de modèle et même de phare, dirais-je, pour les provinces canadiennes? Voici en vrac, et je pourrai les développer davantage dans mes réponses à vos questions, quelques-uns des facteurs dont il me semble particulièrement important de vous entretenir.
D'abord, le Québec a procédé à l'expansion massive de son réseau de services de garde. Il a fait en sorte que les services de garde régis deviennent graduellement accessibles à toutes les familles pour la modique somme de 5 $ par jour.
En l'an 2000, les enfants de tous les groupes d'âge, c'est-à-dire les poupons jusqu'aux enfants âgés de 12 ans, bénéficieront d'une place à 5 $, quel que soit le statut d'emploi des parents. C'est dire qu'il ne s'agit pas strictement d'une mesure d'employabilité et qu'elle ne vise pas exclusivement les familles pauvres et les enfants à risque. Elle s'applique à toutes les familles et reconnaît par le fait même l'apport inestimable des services de garde de bonne qualité pour le développement de tous les jeunes enfants.
À présent, au Québec, les parents ont les moyens de se payer des services de garde régis. Ils frappent à une porte, le Centre de la petite enfance, pour obtenir une gamme diversifiée de services de garde et éventuellement de services à la famille.
Un deuxième aspect important de la politique québécoise est le mode de financement du réseau des services de garde. Environ 80 p. 100 du budget d'exploitation des services de garde est pris en charge par le gouvernement, tandis que les tarifs payés par les parents comblent la différence. C'est le contraire de ce qui se passait auparavant et de ce qui se passe ailleurs au Canada.
Cette manière de financer réduit de façon importante la précarité financière des services de garde régis. Leur survie et leur développement ne dépendent plus exclusivement des lois du marché, mais reposent beaucoup plus sur les besoins de garde de la population et sur le droit de toutes les familles québécoises à des services de garde de bonne qualité.
Troisièmement, il faut également souligner qu'au Québec, on a finalement commencé à reconnaître le rôle fondamental des personnes qui oeuvrent dans le secteur des services de garde. Le gouvernement a compris que, pour assurer la mise en oeuvre et le succès de sa stratégie en matière de services de garde, il fallait d'abord et avant tout qu'il s'appuie sur les éducatrices en services de garde. Il faut convenir que les travailleuses syndiquées l'ont ramené à l'ordre par divers moyens de pression, dont la grève. Toujours est-il que leur mobilisation et la solidarité de l'ensemble du réseau—celles des parents, des conseils d'administration et du personnel de direction—ont permis d'adopter une échelle salariale bonifiée, soit des augmentations de salaire de 40 p. 100 dans le secteur.
Le quatrième facteur que j'aimerais souligner est l'implantation de la maternelle publique à temps plein pour les enfants de cinq ans. Première conséquence évidente, cela a permis de libérer des places dans les services de garde. Deuxième conséquence non négligeable, cela a jeté un pont entre le système d'éducation et les services de garde de la petite enfance. On reconnaît que la garde d'enfants ne doit pas se limiter à du gardiennage en attendant que les parents rentrent du travail. Au contraire, tout comme à la maternelle, on doit profiter de cette période pour favoriser le plein épanouissement des enfants dans toutes les dimensions de leur personnalité.
Je vous ai donc parlé de trois grands principes: qualité, accessibilité et abordabilité. Ce sont les trois grands principes qui, à mon sens, doivent présider à l'établissement de tout bon programme social.
• 1215
Je vous ai également parlé d'une politique intégrée.
Si le gouvernement fédéral veut dépasser le stade des
bonnes intentions et s'il souhaite, avec le Plan d'action
national pour les enfants, vraiment rentabiliser ses
investissements sociaux, il devra nécessairement
adopter une approche globale, à l'instar de ce qui s'est
fait au Québec.
Des sommes importantes ont été investies partout au Canada au cours des années pour toutes sortes de programmes destinés aux enfants et aux familles. De toute évidence, le retour sur l'investissement n'est pas très satisfaisant.
En fin de compte, le message à retenir des initiatives québécoises en est un, certes, de valeurs partagées et de volonté politique de faire une différence, mais également d'une vision d'ensemble et de mesures fiscales concrètes, substantielles et bien ciblées.
Merci.
Le président: Merci de cette intervention très cohérente et très intéressante.
[Traduction]
Vous voulez commencer, Maurice?
M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Merci.
Je vais poser ma première question à Sherri et à Ken. J'ai l'impression en partie, même si vous ne l'avez peut-être pas laissé entendre vous aussi, qu'il y a une espèce d'opposition aux réductions d'impôt. Voici ma question. Si l'on accordait des allégements fiscaux aux personnes qui s'occupent d'enfants à la maison, si l'on prévoyait une exemption suffisamment élevée, une exemption personnelle, ou une exemption de conjoint, de sorte que beaucoup de gens ne seraient plus imposables, est-ce que cela vous semblerait acceptable?
M. Ken Battle: Nous serions certainement d'accord pour qu'il y ait moins de gens sur les rôles d'imposition. Nous l'avons déjà dit dans le passé parce que la désindexation du régime fiscal a au contraire contribué à augmenter considérablement le nombre de contribuables; on a ajouté environ 1,4 million de Canadiens sur les rôles d'imposition. Avec les deux derniers budgets, on en a retiré environ 600 000, ce qui en laisse tout de même 800 000, et ce nombre commence de nouveau à augmenter parce que la réindexation pointe le bout de son nez.
La question est de savoir comment procéder. Est-ce que l'on augmenterait par exemple le crédit pour conjoint ou l'équivalent du montant pour conjoint? Nous avons...
M. Maurice Vellacott: Et l'exemption personnelle?
M. Ken Battle: Oui, et l'exemption personnelle... Encore une fois, sans vouloir parler de libéralisme à ce sujet, je pense qu'il faut avoir une attitude équilibrée. Nous avons recommandé un mélange de crédits d'impôt pour enfants et de réindexation et d'amélioration des autres crédits. Je pense qu'il faut les deux à la fois.
Si nous insistons tellement sur la prestation fiscale canadienne pour enfants, qui est à notre avis un mécanisme d'allégement fiscal pour les familles qui ne sont pas pauvres... Je veux dire, peu importe que vous obteniez cet argent sous forme de réduction d'impôt à la fin de l'année ou de réduction mensuelle des taxes que vous payez de facto chaque mois, c'est la même chose pour les familles. La prestation fiscale canadienne pour enfants est en fait une créature à la fois des dépenses et de la fiscalité. Vous savez que dans la comptabilité, on la considère comme une perte de revenu fiscal et non comme un article de dépense.
Si nous insistons à ce point sur la prestation fiscale canadienne pour enfants, c'est parce qu'elle est essentielle pour la réforme structurelle des prestations pour enfants et, en fait, de tout le régime de bien-être dont j'ai parlé. Par ailleurs, elle n'entraîne pas de réduction d'impôt sur le revenu provincial. Évidemment, si vous estimez que ce qui compte avant tout, c'est de réduire les impôts, vous n'allez pas aimer cela, car en augmentant la prestation fiscale canadienne pour enfants, on n'entraîne pas de réduction des impôts provinciaux comme ce serait le cas si l'on relevait les tranches d'imposition ou les crédits, le montant personnel ou autre chose.
Si nous affirmons qu'il faut s'appuyer essentiellement sur cette prestation fiscale pour enfants, c'est parce que nous n'avons pas envie qu'on laisse les provinces, surtout les plus insensibles, réduire encore les impôts. Nous utilisons ce terme d'insensible. Je ne vous dirai pas quelles sont les provinces insensibles. Simplement, nous n'avons pas envie que les provinces aient d'autres raisons de réduire les services de soins aux enfants que nous revendiquons... Excusez-moi, je m'étends beaucoup là-dessus, mais c'est très important.
M. Maurice Vellacott: Je voudrais continuer avec...
M. Ken Battle: Nous pensons qu'il faut avoir à la fois la prestation fiscale canadienne pour enfants et les crédits d'impôt.
M. Maurice Vellacott: Je vais revenir à cette question des provinces insensibles, car plusieurs personnes ont fait ce genre de commentaires.
Je crois que quand on parle de ce genre de chose, ce qui est le plus important, pour moi en tout cas, c'est de savoir si l'on laisse le choix aux parents. Quelquefois, j'entends des gens me dire qu'il faut renforcer l'intervention du gouvernement. On pense que c'est le gouvernement qui est le mieux placé. J'aimerais bien laisser le choix aux parents. Est-ce que vous êtes contre cela?
M. Ken Battle: Non, pas du tout. Je voudrais simplement...
M. Maurice Vellacott: J'aimerais maintenant poser la question à Sherri.
Mme Sherri Torjman: Vous vouliez simplement faire un commentaire, Ken?
M. Ken Battle: Oui. La politique de sécurité du revenu, les réductions d'impôt laissent beaucoup de choix aux gens.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
M. Ken Battle: Vous pouvez utiliser cet argent pour votre famille comme bon vous semble.
En deuxième lieu, la démarche que nous proposons en matière de régime d'éducation pour la petite enfance constitue un choix. Actuellement, les gens n'ont pas le choix. Nous essayons au contraire d'élargir le choix.
Mme Sherri Torjman: Exactement. Pour avoir le choix, il faut aussi avoir une offre. Il faut pouvoir disposer de services de qualité. Actuellement, les familles n'ont pas vraiment le choix. On leur impose certaines choses. Les gens engagent leur voisine, par exemple, ou...
M. Maurice Vellacott: Ce n'est pas bien?
Mme Sherri Torjman: C'est une question de qualité.
M. Maurice Vellacott: Si je veux faire appel à une tante, à un oncle, à quelqu'un de responsable et de compétent en qui j'ai confiance... j'imagine que c'est mon choix.
Mme Sherri Torjman: Tout à fait. C'est vous qui déterminez la qualité du service en l'occurrence et si vous estimez que vous avez un service de qualité, c'est très bien.
M. Maurice Vellacott: Parfait.
Mme Sherri Torjman: Beaucoup de personnes n'ont pas cette possibilité, et c'est ce que nous essayons de leur fournir: nous voudrions qu'il y ait toute une gamme, tout un choix de services de qualité élevée.
M. Maurice Vellacott: Mais alors, vous risquez de pénaliser les gens dans le code fiscal en disant que s'ils ne placent pas leurs enfants dans une garderie où on leur donnera un reçu... Si j'ai une tante ou un oncle compétent et attentionné ou même si mon épouse, en l'occurrence, choisit de s'occuper des enfants et que je ne peux pas... Je trouve que c'est discriminatoire. Cela ne laisse pas vraiment le choix. Puisqu'on utilise sans arrêt ce terme à la mode de «choix», en faisant cela, on laisse le choix à certains bureaucrates ou à certaines élites, au lieu de le laisser aux citoyens.
Je voudrais passer à la question suivante...
Le président: En fait, je pense qu'il y a déjà quelques personnes qui veulent dire quelque chose à ce sujet.
Martha et Jocelyne.
Mme Martha Friendly: Pour que ce soit bien clair, je pense qu'au Canada par le passé il y a eu une sorte de dichotomie—ce qui est d'ailleurs très bien documenté—entre la garde des enfants et l'éducation préscolaire. Je ne voudrais pas dire que les parents ne jouent pas un rôle éducatif auprès de leurs enfants. Les parents sont les personnes les plus importantes dans la vie de leurs enfants. Cependant, ce que nous avons appris au fil des ans... Certains pays l'ont appris dans les années 1800, mais nous avons certainement appris au cours du XXe siècle que les enfants apprennent—je ne parle pas ici d'un apprentissage didactique—dans le type d'environnement social que l'on retrouve dans les garderies éducatives, les maternelles, en plus d'apprendre avec leurs parents.
Je pense que ce que vous dites, c'est qu'il y a des gens qui veulent que l'on prenne soin de leur enfant, alors pourquoi est-ce que leur tante ou leur grand-mère ne pourrait pas le faire? C'est très bien. Nous ne voulons pas limiter le choix des gens ou obliger une mère à rester à la maison, mais en réalité, si les programmes d'éducation de la petite enfance sont offerts dans le reste du Canada, au Québec, en Belgique, en Italie, les parents y envoient leurs enfants parce qu'ils estiment que c'est une bonne chose pour eux.
Les enfants apprennent dans un milieu social avec d'autres enfants—j'ai fait des études en psychologie—ce n'est pas que le milieu remplace le parent. C'est quelque chose de tout à fait différent qui vient s'ajouter à ce que les parents font.
M. Maurice Vellacott: Si vous me permettez d'intervenir, Martha, je pense que nous le saurions vraiment si les parents voulaient cela—il est évident qu'ils le veulent—et dans quelle mesure ils le veulent. Je pense qu'on le saurait si les gens avaient le choix. À l'heure actuelle, on punit les gens, si vous voulez, lorsqu'ils font un choix dans une autre direction.
Mme Martha Friendly: Non.
M. Maurice Vellacott: Savez-vous ce que je veux dire?
Mme Martha Friendly: Je pense que vous avez mal compris ce que je disais.
M. Maurice Vellacott: Non. Je suis un parent. J'ai deux enfants qui sont au collège et deux plus jeunes. Je parle constamment à mes électeurs, et on ne leur donne pas la possibilité, comme vous dites, de faire ce choix. Ils peuvent le faire, mais ils sont alors pénalisés sur le plan financier.
[Français]
Mme Jocelyne Tougas: Ce qui se passe actuellement au Québec est intéressant parce que justement les parents ont maintenant le choix.
Selon une étude récente du gouvernement portant sur l'utilisation du système de garde implanté, 50 p. 100 des parents qui utilisaient auparavant une forme de garde informelle, soit la grand-mère, la voisine ou la tante, l'ont abandonnée au profit des services de garde régis. Ils ont quitté la grand-mère pour les services de garde régis, parce qu'à 5 $, ils pouvaient se les permettre. L'autre 50 p. 100 de ces parents ne se servent pas actuellement des services de garde.
• 1225
On peut présumer
que des mères qui restent à la maison ou des
gens qui ne sont pas sur le marché du travail
ont décidé qu'ils
voulaient envoyer leur enfant dans des services de
garde pour stimuler leur développement, non
pas pour les remplacer en tant que parents, car ce
sont des parents qui sont à la maison, mais pour
ajouter au développement de leur enfant. Donc, quand
les parents ont le choix, que cela ne crée pas de problème
financier et qu'ils peuvent accéder à un service de bonne
qualité pour pas cher, les parents choisissent d'y
placer leurs enfants.
[Traduction]
Le président: C'est la dernière question.
M. Maurice Vellacott: Très bien, il y a une autre question que j'aimerais aborder.
Je ne comprends toujours pas—il nous faudra peut-être avoir un entretien privé à ce sujet. Je pense qu'il y a un incitatif—vous dites que c'est un choix. Il me vient à l'esprit cependant que les autres parents n'obtiennent pas la même aide financière, le même crédit ou autre s'ils font appel à une tante ou à une grand-mère pour s'occuper de leurs enfants, de sorte que je ne dirais pas qu'il s'agit là d'un choix.
J'aimerais aborder la question des gouvernements «insensibles». Par contraste avec son nom de famille, Martha, d'une façon très très inamicale, a dit que la plupart des provinces—et elle ne les a pas nommées—ne vont pas offrir à leurs citoyens ce qui est bon pour eux. Je trouve cette déclaration plutôt sévère. J'ai l'impression que vous l'avez dit de cette façon intentionnellement.
Je trouve plutôt troublant le fait qu'il n'y ait pas eu de débat au Parlement, aucun débat entourant ce document des Nations Unies que nous avons signé, ou dont nous étions supposément signataires. Il y a eu certains groupes qui se sont rencontrés à l'occasion—une demi-douzaine de groupes dispersés un peu partout au pays. Il n'y a cependant pas eu de débat complet et ouvert, et c'est le problème en ce qui concerne des conventions des Nations Unies dont nous sommes signataires. C'est le gouvernement qui signe et des groupes d'intérêts spéciaux vont représenter la position du Canada alors qu'en fait cela n'a jamais été approuvé ici. Je serais peut-être d'accord, Martha, si cela avait été approuvé ici, mais nous n'avons jamais eu de débat à ce sujet.
Mme Martha Friendly: Je suis heureuse que vous ayez soulevé la question, car en fait il y a eu de nombreuses émissions de télévision intéressantes à l'occasion du dixième anniversaire de la Convention des droits de l'enfant, c'est-à-dire il y a quelques semaines. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que bon nombre de pays dans le monde ayant signé la Convention ont eu exactement ce genre de débat démocratique et ont incorporé la Convention dans leurs programmes législatifs. Je pense que c'est une façon très intéressante...
M. Maurice Vellacott: Je dis qu'il devrait y avoir un débat avant, non pas après.
Mme Martha Friendly: Il n'y en a cependant pas eu du tout, de sorte que ni vous ni moi ne sommes satisfaits. Vous n'êtes pas content qu'ils y aient apposé leur nom parce que vous n'avez pas participé à un débat démocratique. Je ne suis pas contente que notre nom apparaisse sur cette convention alors qu'on ne le fait pas et qu'il n'y a pas eu de débat démocratique. Je pense que vous soulevez un point très intéressant... Il y a un processus démocratique. Je suis en fait d'accord avec vous, je pense qu'il devrait y en avoir un.
À mon avis, ce genre de chose devrait faire l'objet d'un débat public. Je pense que ce serait un défi intéressant pour le gouvernement du Canada de songer à faire comme d'autres pays, notamment Belize, par exemple, qui a incorporé des éléments de la Convention dans sa législation. C'est très commun en Europe; on a beaucoup écrit à ce sujet. Je pense que ce serait une bonne chose d'avoir un débat public pour déterminer si les enfants ont faim au Canada, car il y a un article qui dit que les parents devraient recevoir les ressources nécessaires pour nourrir et loger leurs enfants, et que les gouvernements devraient les aider. Ce serait un bon débat public à avoir.
M. Maurice Vellacott: Oui, ce sont des valeurs sacro-saintes, incontestables.
Mme Martha Friendly: Eh bien, cela ne devrait pas l'être.
M. Maurice Vellacott: Je dirais que nous sommes d'accord sur la question de la signature. On ferait sans doute quelque chose si en fait le débat avait eu lieu au départ. C'est ce que je suggère, plutôt qu'après le fait, plutôt que d'avoir une signature qui ne veut rien dire. S'il y avait eu un débat et que tout le monde était d'accord au pays, on veillerait à en assurer la mise en oeuvre.
Mme Martha Friendly: Eh bien, vous êtes député, je ne le suis pas. Ce serait une excellente question à soulever devant le Parlement.
M. Maurice Vellacott: Absolument.
Mme Martha Friendly: Faites-le.
M. Maurice Vellacott: Nous avons tenté de le faire.
Le président: Je voudrais tout simplement demander—peut-être que nos attachés de recherche connaissent la réponse—s'il y a eu un débat au Parlement avant que nous ne signions cette convention?
Mme Sandra Harder (attachée de recherche du comité): Il y a eu un débat, il y a certainement eu un débat. C'est dans le hansard. Je l'ai lu dans le cadre de divers projets qu'on m'a demandé de faire.
Le président: Pourriez-vous peut-être ressusciter cette information?
M. Maurice Vellacott: Au comité?
Mme Sandra Harder: Pas nécessairement au comité.
Le président: Mais à la Chambre?
Mme Sandra Harder: À la Chambre, oui, il en a été question.
M. Maurice Vellacott: Mais il n'y a pas eu de débat, de vote?
Le président: Pourquoi ne pas vérifier et faire circuler l'information?
M. Maurice Vellacott: Cela serait intéressant.
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: J'ai trouvé très intéressants les différents points de vue qui ont été abordés ce matin. Cela fera certainement partie de notre réflexion quant à l'aide qu'on devrait apporter aux enfants et quant à la pauvreté.
Vous savez que j'ai fait imprimer un document qui s'intitule Regards sur la pauvreté. Dans le domaine social, on a vécu environ six années de déficit budgétaire attribuables aux libéraux et quatre autres attribuables aux conservateurs. C'est pourquoi la situation s'est vraiment détériorée depuis 1989. On avait promis de faire diminuer la pauvreté, mais elle a augmenté.
Si on n'a pas une stratégie ciblée, une stratégie qui porte sur cinq et peut-être même dix ans, et dont les objectifs soient revus annuellement, je pense que nous allons passer à côté. Dans dix ans, je ne serai peut-être plus députée à la Chambre des communes et je ne pourrai peut-être pas redemander, comme on l'a fait le 24 novembre, si le gouvernement s'oriente dans la bonne direction et s'il va s'engager à appuyer les provinces. Je pense que c'est important de le faire.
Je pense qu'on s'entend sur le fond de la question, sur plusieurs de ses aspects. On peut même le retrouver dans mon document. Mais je me dis que si on ne vise pas une cible précise, si on ne se donne pas des objectifs précis, si on ne s'oblige pas aussi à une réévaluation annuelle, on va passer à côté de ce qu'on voudrait accomplir ici ce matin.
Je n'en prendrai pour exemple que la Prestation nationale pour enfants. À mon avis, c'est une bonne chose qu'on accorde un supplément aux familles et qu'on les aide à prendre soin de leurs enfants et à bien les accompagner. Mais actuellement, dans le cas de la Prestation nationale pour enfants, à mon avis, le fédéral joue avec les provinces à un jeu qui ressemble à celui du chat et de la souris. On sait en effet que les provinces signent des accords avec le fédéral. Vous le savez tous. En même temps, le Québec a investi une partie de cet argent dans les services de garde pour mieux accompagner les parents.
Or, nous savons, et Mme Tougas l'a redit tout à l'heure, que cela permet à beaucoup de parents de familles monoparentales qui sont dans une situation d'extrême pauvreté de sortir de la maison, soit pour aller travailler, soit pour bénéficier d'un répit à moindre coût. Si on ne règle pas la question du soutien aux provinces pour leur permettre d'offrir ces services...
La Prestation nationale pour enfants, c'est selon les besoins des familles. Je ne sais pas ce qu'il en est dans chaque province; je ne sais pas, par exemple, si le besoin est calculé de la même façon pour une famille avec un enfant ou quelle part de l'argent provient du fédéral ou du provincial. Le Québec a réduit son apport et a laissé la place au fédéral, dont le chèque est un peu plus élevé.
Je dis que cette façon de faire est en quelque sorte pernicieuse, parce que la perception de la population, du moins au Québec, est que le gouvernement du Québec a été mesquin, n'a pas été généreux, alors que le fédéral est plus généreux. Mais pendant ce temps, il y a toute une politique familiale qui s'instaure. Comment les autres provinces pourront-elles être intéressées à s'engager dans un processus de garde ou d'aide à la famille au moyen de programmes intégrés? Je me dis que cela pose un problème.
On sait bien que la Prestation nationale pour enfants accorde plus d'argent. C'est très bien quand on pense à l'investissement financier consenti. Mais sur le plan pratico-pratique, si les provinces investissent dans un système comme celui du Québec, elles procéderont probablement de la même façon. Elles prendront une partie de l'argent et diminueront leur part du chèque de prestation pour enfants. D'ailleurs, certaines provinces en donnent, mais d'autres n'en donnent pas. On ne connaît pas vraiment bien ce que fait chacune des provinces.
Je me demande comment on devrait gérer les suppléments qu'on veut consentir. Vous avez parlé d'un fonds qui pourrait être envoyé aux provinces et qu'elles pourraient gérer. Il faudrait aussi que ce soit facile à gérer. Il ne faut pas que cela devienne des doubles programmes offerts à la fois par le fédéral et le provincial. Il faut voir comment tout cela s'ajuste, parce qu'on perd du monde là-dedans.
J'aimerais avoir votre opinion sur cette réflexion que j'ai faite par rapport à la Prestation nationale pour enfants. Je ne critique pas le fait qu'on donne un supplément de revenu aux familles, mais je m'interroge sur la façon dont les provinces vont pouvoir gérer cela. Est-ce que le Québec va encore diminuer son chèque pour mettre plus d'argent dans sa politique familiale et qu'il n'y aura plus qu'un chèque du fédéral à l'avenir?
[Traduction]
Le président: Avant de répondre, je pense que je vois Ken qui se prépare au combat, mais j'allais proposer aux gens d'aller de façon informelle se servir à manger, sans nécessairement y aller tous en même temps et sans faire trop de bruit.
Sur ce, Ken...
M. Ken Battle: J'aimerais tout simplement répondre, car vous avez soulevé un point extrêmement important. Votre question va au coeur du problème ici, et pour être très honnête avec vous, c'est une question avec laquelle nous nous débattons.
• 1235
Il y a plusieurs choses. Comme vous l'avez dit, il y a la
prestation nationale pour enfants, qui est en réalité tout
simplement une solution temporaire. Ce que je veux dire, c'est que
lorsqu'on en arrivera au point où l'augmentation de la prestation
fédérale fiscale pour enfants aura complètement déplacé le montant
des dépenses d'aide sociale provinciales pour les enfants—seuil
magique de 2 500 $—dont nous ne sommes pas très loin à l'heure
actuelle—il n'y aura plus d'aide sociale qui pourra être déplacée
par le fédéral, que les provinces pourront ensuite utiliser pour
toutes sortes de programmes et services aux familles à faible
revenu avec enfants.
Et vous avez raison, avec la prestation nationale pour enfants, les provinces avaient carte blanche pour ce qui est de la façon dont elles voulaient dépenser cet argent qui était libéré par l'augmentation de la prestation fédérale, la seule condition étant que cet argent devait aller aux familles à faible revenu ayant des enfants. Comme vous le savez j'en suis certain, les provinces ont fait toutes sortes de choses. Certaines d'entre elles ont fait une ou deux choses, d'autres en ont fait davantage. Environ la moitié ont pris des mesures ayant trait au revenu, et la plupart ont utilisé cet argent pour des services. C'est très varié, et certaines personnes ont critiqué ce que certaines provinces ont fait par rapport à d'autres.
On peut ne pas être d'accord avec cela, mais l'une des raisons à notre avis pour que soit établi un fonds national pour le développement des enfants serait de maintenir une présence fédérale dans la politique familiale si elle est exécutée par les provinces et les communautés, car dans le système actuel, lorsque nous atteindrons le seuil de 2 500 $—si nous réussissons à l'atteindre, et je pense que nous devrions pouvoir le faire—les provinces ne pourront plus recevoir d'argent du fédéral pour les services, même si ce montant n'était pas très élevé dans le cadre de la prestation nationale pour enfants.
Donc, la principale raison pour laquelle nous proposons tous ensemble l'établissement d'un tel fonds, serait d'avoir une présence financière permanente par rapport aux services dans le cadre de la politique familiale, en reconnaissant pleinement que les provinces sont responsables de la conception et de l'exécution de ces services. Je pense que nous nous débattons tous avec cette question; c'est le cas pour Sherri et moi-même, et j'ai parlé à Martha, Laurel et tout le monde. Il s'agit de déterminer comment, avec une entente cadre sur l'union sociale, on peut y arriver tout en s'assurant que les fonds fédéraux soient utilisés pour créer le genre de système que nous devrions avoir à notre avis. Et ce système doit permettre une grande diversité, car les infrastructures existantes varient énormément, et franchement il existe différentes approches philosophiques face à la prestation pour enfants. Il s'agit d'une réalité politique que nous devons reconnaître. Nous ne tentons pas d'obliger les familles à accepter une sorte de vision de l'État pour la garde des enfants ou autre chose du genre.
Il s'agit donc de voir comment nous pouvons nous assurer que l'argent de ce fonds est bien dépensé tout en reconnaissant la souveraineté des provinces, si on veut utiliser cette expression, en matière de services sociaux. Je pense que c'est ce que nous tentons de faire. Nous ne pouvons le faire comme nous le faisions dans les années 60 et 70, avec le Régime d'assistance publique du Canada, grâce à une formule de partage des coûts très formaliste. Cette époque est révolue. Ça n'a pas fonctionné, et cela a été particulièrement mauvais pour l'évolution des services. Cela a nui au développement, au genre de développement des jeunes enfants dont nous parlons.
Est-il donc possible de le faire sans que ce soit tout simplement un autre TCSPS? Comme Sherri l'a dit, c'est une mauvaise deuxième option. Le TCSPS est tout simplement de l'argent qui va Dieu sait où—et nous ne savons littéralement pas où va cet argent, comme le vérificateur général l'a dit.
Quoi qu'il en soit, cela suffit. Je donne la parole à quelqu'un d'autre.
Mme Laurel Rothman: J'ajouterais que les organisations civiques sont un élément très important de tout cela, qu'il s'agisse des municipalités ou des conseils scolaires, car il y a au pays des régions où l'écart philosophique est tellement large que nous devrons trouver de nombreux moyens d'aider les communautés à offrir des services.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Pour ce qui est de l'union sociale, vous savez que le Québec ne l'a pas signée. Je ne vous apprends rien ce matin. Je comprends pourquoi le Québec ne l'a pas signée. Je pense que le Québec fait ses devoirs en termes d'accompagnement, en ce qui concerne les diverses politiques sociales et qu'il essaie d'en faire le plus possible. Ne vous en faites pas; je crois que la population est derrière son gouvernement. Quand il a été critiqué, comme dans le cas des services de garde et des éducatrices, on a vu comment il a bonifié leur travail et leur rémunération de façon assez substantielle. Je trouve cela justifié parce que l'accompagnement des enfants est une grande responsabilité. Ce sont les éducatrices qui donnent aux enfants leur première éducation quand ils sont hors de la maison.
• 1240
Par ailleurs, si le gouvernement fédéral n'accorde pas
de compensation... Les programmes existent.
Je peux comprendre
le point de vue des autres provinces du Canada qui
voudraient que le fédéral soit le leader. Nous, du
Québec, avons l'impression que c'est le Québec qui doit
être le leader dans ce domaine. Or, on demande au fédéral
d'être le leader des politiques intégrées et de la
politique familiale.
C'est toute une question de politique et de
souveraineté. Nous avons toujours l'impression de
naviguer en avant du bateau et de devoir
finir par nous y raccrocher.
Je me dis que si le gouvernement fédéral ne donne pas la pleine compensation dans le cas des programmes qui existent, alors que les provinces font leur effort et que l'argent est vraiment affecté au bon poste, ce sera très difficile. Cela porte sur le point de vue qui accroche le plus, sur l'union sociale, parce qu'on sait très bien ce qu'on veut faire au moyen de l'union sociale.
Il ne faut pas diminuer la responsabilité des provinces. Il ne faut pas les infantiliser. Au contraire, il faut les accompagner. Je pense que le retrait du Transfert social canadien aux provinces a fait énormément de tort, parce que ce sont elles qui rendent service à la population et qui ont les ministères responsables des services à rendre à la population, entre autres celui de l'Éducation, de même que tous les autres ministères qui ont pour mandat l'application des programmes sociaux.
[Traduction]
Mme Sherri Torjman: À notre avis, le Québec devrait recevoir une part de l'argent. Cela ne fait aucun doute.
Le président: Doivent-ils signer quoi que ce soit pour l'obtenir? En d'autres termes, le défi découle du fait que le Québec tout d'abord n'est pas signataire du Plan d'action national pour les enfants, ni de l'entente cadre sur l'union sociale. Est-ce que cela ne constitue pas à votre avis un obstacle, d'après la façon dont vous comprenez le document de l'entente cadre sur l'union sociale?
Mme Martha Friendly: En fait, je n'aime pas toute cette façon de faire des affaires avec l'entente cadre sur l'union sociale, mais elle est là. Le fait que le Québec ne l'ait pas signée montre que cela pourrait être réellement une victoire étant donné la façon dont cela est structuré.
Avec son programme de développement des jeunes enfants, le Québec est vraiment le leader dans ce domaine. Le Québec a surpassé tout ce qui s'est fait dans le domaine, et devrait être compensé sans être signataire—c'est clair dans l'entente. D'une façon, cela pourrait être comme si le Québec avait signé. S'il y avait un service différent pour lequel le Québec n'avait pas fait preuve d'un tel leadership au cours des dernières années, cela ne fonctionnerait pas aussi bien. C'est pourquoi ça me laisse aussi perplexe. Ce qui me fait penser à l'entente sur l'union sociale c'est que—et je pense que cela est vrai—le gouvernement fédéral et les autres provinces ne sont pas tellement intéressés à faire en sorte que cela fonctionne. C'est un domaine où il est tellement évident que cela puisse fonctionner, pour toutes ces raisons techniques.
Supposons tout simplement que le gouvernement fédéral et les autres provinces ont décidé ensemble d'établir un Programme de services pour les jeunes enfants. S'ils pouvaient s'entendre sur certains principes, que dirait alors le gouvernement du Québec? Il protesterait sans doute en disant que c'est un domaine qui relève de la compétence provinciale et que le gouvernement fédéral ne devrait pas s'en mêler. Je parie cependant qu'il ne protesterait pas autant qu'il le pourrait, car il a vraiment besoin de l'argent, et devrait avoir l'argent pour son programme.
D'une façon, cela semble être fait sur mesure. Le fait est que les gens du gouvernement fédéral ne s'y intéressent pas beaucoup. Lorsque j'en ai parlé à d'autres personnes au sein du gouvernement fédéral, c'est comme s'il ne l'avait pas signée. Je ne comprends pas à quoi sert le plan de mise en oeuvre car il ne semble pas y avoir de plan de mise en oeuvre afin de s'assurer de la façon dont cela est fait. Donc, comment est-ce que cela peut devenir un document évolutif? Comment allons-nous montrer que cela a fonctionné dans trois ans?
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que cela va au coeur, mais je pense que ce serait une sorte de façon de s'en sortir, et que le Québec pourrait obtenir en partie ce qu'il veut. Le problème est cependant de l'autre côté. Le problème c'est que ni le gouvernement fédéral ni la plupart des autres provinces ne sont intéressés. Voilà vraiment en quoi consiste le problème. Le Québec n'est pas le problème dans ce cas-ci. En ce qui concerne le Québec, cela pourrait fonctionner, mais ce sont les autres.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je voudrais seulement ajouter que ce n'est pas politique.
Le président: D'accord. Allez-y.
Mme Christiane Gagnon: Par exemple, quand une province crée un service de garde à 5 $, les familles ne réclament plus le maximum de déductions pour le service de garde, qui coûtait auparavant de 20 $ à 25 $ par jour.
• 1245
Il y a donc des millions de
dollars que le gouvernement fédéral va garder dans ses
coffres parce que la population ne les réclamera plus. On
devrait commencer à penser à ce qu'on va faire de cet
argent et ne pas faire comme pour la caisse de
l'assurance-emploi, soit
le garder dans ses coffres pour se donner une marge de
manoeuvre. On devrait évaluer les sommes
d'argent épargnées par de telles politiques
mises en oeuvre par les provinces.
Seulement au Québec, on a évalué à 70 millions de dollars par année les sommes que le gouvernement fédéral a gardées dans ses coffres depuis l'instauration des garderies à 5 $. Il faudrait peut-être y voir du côté du gouvernement fédéral. Je me dis que tant qu'on n'encouragera pas les provinces, elles ne seront pas intéressées, surtout celles qui n'ont pas de réseaux d'établis.
Cette idée des garderies n'est pas d'abord venue du gouvernement. Bien sûr, elle a été mise en oeuvre par un gouvernement qui a adopté une loi, mais elle est d'abord venue de la population et des réseaux. Ce sont des services qui ont été mis sur pied parce que le besoin avait été constaté. C'est une réflexion de la population que le gouvernement a mise en oeuvre parce qu'il s'est senti appuyé par la population dès le départ.
[Traduction]
Mme Sherri Torjman: S'il y avait un fonds, si le gouvernement fédéral offrait de l'argent, je pense que toutes les provinces seraient autour de la table. Nous ne pensons pas qu'il y ait quoi que ce soit dans l'entente cadre sur l'union sociale qui empêcherait une entente avec le Québec et une indemnisation pour le Québec relativement à ces services. On respecte déjà les principes en question. Comme vous l'avez dit, le Québec est le leader dans le domaine. Nous ne voyons donc aucun conflit.
[Français]
Le président: Madame Tougas.
Mme Jocelyne Tougas: Quand je travaillais ici à Ottawa, à l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, j'entendais les propos de fonctionnaires et de membres du gouvernement des autres provinces concernant l'investissement du fédéral dans divers programmes. La grande réticence que j'entendais exprimer à l'époque—et il serait peut-être intéressant d'en discuter—était que le fédéral investissait dans des programmes dont il s'était lui-même retiré cinq ou six ans auparavant. On estimait que les coûts du nouveau programme mis en place par le fédéral devaient être assumés par les provinces.
Tout en étant très sympathique à la cause des provinces en ce qui concerne les services de garde et tous les services à la famille, je me demande de quelle façon les provinces pourraient se prémunir contre la tendance du fédéral à mettre en oeuvre des idées géniales quelque temps avant les élections pour se faire élire et de se retirer de ces programmes quelques années plus tard.
Je pense, et mon opinion vaut celle d'un autre, que c'est une des raisons pour lesquelles beaucoup de gouvernement provinciaux ne veulent pas investir dans des programmes dont ils prévoient l'expansion. C'est ce que j'ai entendu dire à plusieurs reprises. Au Québec, lorsqu'on a développé le réseau des services de garde, à la grande surprise apparente du gouvernement, les parents se sont jetés sur ces services de garde. Il y a eu une augmentation effarante du nombre de parents voulant utiliser les services de garde. Cette augmentation a été plus forte que celle que le gouvernement avait prévue, à un point tel qu'il a dû investir plus que prévu.
Je pense que cela fait peur aux gouvernements des autres provinces. Cela devrait entrer dans la donne.
Mme Christiane Gagnon: Il en a été de même dans le cas de l'assurance-médicaments, qui coûte actuellement 210 millions de dollars. On est en quelque sorte victime du succès. Cela apporte certainement de l'aide à plusieurs personnes, mais il y a quand même des ratés. Il y a des gens qui sont oubliés dans tout cela. Mais je me dis que s'il n'y a pas de financement stable, si le financement ne vient pas, peu importe les gouvernements qui se succéderont...
C'est pourquoi je demandais un plan d'investissement portant sur plusieurs années, qui ait des objectifs précis et qui soit réévalué. Autrement, nous allons passer à côté, non seulement d'un programme électoral, mais aussi de la vie des gens.
• 1250
Il s'agit du propre d'une société moderne. On parlait
tout à l'heure d'une politique de la famille.
C'est souhaitable en soi. Il faut permettre aux
jeunes de rêver, d'entrevoir la possibilité d'avoir des enfants
et de recevoir un soutien.
[Traduction]
Le président: Nous avons eu une conversation extrêmement importante, mais elle s'est un peu prolongée. Permettez-moi de mettre l'accent sur trois choses que Mme Gagnon a dites, et sur lesquelles, je pense, on s'entend.
Tout d'abord, il y a l'importance considérable d'avoir un cadre de travail de cinq ans, ce qui a été repris également dans le discours du premier ministre et dans le discours du Trône. Il parle de deux à cinq ans dans un paragraphe, et d'une entente de financement échelonnée sur cinq ans dans un autre paragraphe, ce qui n'est donc pas tellement différent de ce que nous disons.
Deuxièmement, il y a l'importance considérable de l'évaluation et de l'obligation de rendre compte, que ce soit pour la pauvreté chez les enfants, chez les adultes ou sur d'autres questions. On s'entend tous sur cette question.
La troisième possibilité intéressante sur laquelle je crois nous devons faire des recherches, est tout simplement la question des impôts au Québec. Le fait est qu'avec les garderies à 5 $ par jour, les parents ne peuvent demander de déduction pour frais de garde d'enfant. De toute évidence, le montant que le Québec ne peut garder dans ses coffres va continuer d'augmenter et je ne sais pas si quelqu'un a fait une étude à ce sujet, peut-être que nous devrions essayer d'en faire une, ou si vous pouvez déterminer quelles seront les pertes prévues au Québec à cet égard. Cela pourrait constituer la première partie de l'indemnisation, au-delà de toute contestation.
Avez-vous des chiffres, Ken?
M. Ken Battle: Puis-je reprendre cette question, monsieur le président? Je pense que cela est crucial mais je dois être prudent ici, ne connaissant pas tous les détails.
Dans notre proposition, nous parlons de frais en fonction du revenu des parents, ce qui est à mon avis très important comme mesure graduelle. Je ne sais pas, mais je suppose qu'il y a une certaine progressivité pour atteindre ces frais de 5 $ par jour au Québec—et vous pouvez peut-être répondre à cette question, Jocelyne. Si les frais de 5 $ par jour sont un tarif fixe, il s'agit d'une taxe extrêmement régressive. C'est une façon très régressive de financer les garderies.
Maintenant, le gouvernement du Québec dépense trois fois plus par enfant, et dans la mesure où ce gouvernement obtient ses fonds des recettes générales, c'est blablabla... L'un des problèmes que présente un tarif fixe de 5 $ par jour—et je comprends son attrait du point de vue politique, lorsqu'il s'agit de vendre le programme—, c'est que cette pratique est une façon très injuste de structurer la partie du financement qu'assument les parents.
J'en parle, monsieur le président, parce que je crois que cela devient un problème crucial lorsqu'on parle du financement du genre de système que nous étudions. De façon réaliste, je ne vois pas comment les choses pourraient se faire par les recettes générales. Les parents devront payer des frais. Voilà pour cet aspect.
Pour ce qui est de la déduction pour frais de garde d'enfants et de ce que nous ferions, franchement je la verrais diminuer progressivement, dans la mesure où nous mettons davantage de fonds publics dans le genre de système de garde d'enfants dont nous parlons. On pourrait quand même conserver la possibilité de choisir, cependant. Dans la mesure où les gens choisissent de ne pas utiliser certains éléments du système que nous voyons, éléments qui ne sont pas tous fournis par l'État parce que beaucoup d'entre eux le seraient par les communautés, on pourrait peut-être élargir l'exonération fiscale afin qu'elle soit moins restrictive. On en revient ainsi à ce que vous disiez, à savoir qu'il faut maintenant des services de garde d'enfants assortis de reçus. On pourrait peut-être élargir cela pour qu'il y ait encore une forme d'aide fiscale, peut-être plus généreuse pour les familles qui choisissent de ne pas utiliser certains éléments du système, pour une raison quelconque.
Une dernière chose au sujet de votre commentaire à propos du choix. Quand nous parlons d'utiliser le système, je pense que nous le voyons tous de façon très générale. J'imagine par exemple un père ou une mère qui reste à la maison et qui voudrait des services qui lui permettraient de souffler un peu. Ceux d'entre vous qui ont des enfants savent de quoi je parle. Ou alors je pense à des parents qui voudraient aller à la prématernelle avec leurs enfants pour que ceux-ci puissent bénéficier d'un peu de stimulation. Tous ces parents pourraient utiliser certains éléments du système sans avoir à l'utiliser dans son ensemble. On parle ici d'un éventail de choix.
Martha a utilisé le terme «Guide alimentaire canadien», parce qu'il y a différents éléments. Il serait bon de songer à des changements correspondants du côté de l'aide fiscale, lorsqu'on va développer ce genre de système, à la fois du point de vue du financement et de celui de l'équité.
Cela dit, je n'ai pas étudié la question en profondeur. Je me suis penché là-dessus, mais nous devrons regarder ces questions d'un peu plus près.
[Français]
Le président: Je vais demander tout de suite à Jocelyne Tougas de nous expliquer plus exactement ce qui se passe, surtout dans le cas des familles pauvres. Je me rappelle votre dernière intervention se rapportant à l'époque où vous étiez là.
Mme Jocelyne Tougas: Les frais de garde pour toutes les familles sont de 5 $. Cependant, les familles défavorisées paient un maximum de 1 $ ou 2 $ par jour, je crois. Donc, on a établi une deuxième classe pour les gens qui n'ont pas de moyens. Effectivement, c'est une façon de financer un réseau qui peut paraître étonnante.
Toutefois, cela découle aussi du fait que c'était extrêmement coûteux par le passé. Le mode de financement était extrêmement compliqué. C'était calculé selon l'échelle salariale des parents. La façon dont on évaluait les frais de garde en fonction du revenu familial, qui pouvait changer tous les trois ou six mois, était compliquée. C'est dans cet esprit que la nouvelle façon de procéder a été conçue. Maintenant, on réalise peut-être des économies d'échelle à cet égard.
[Traduction]
Le président: Martha, vous pouvez y aller d'un commentaire très bref, puis nous passerons à Peter, qui écoute attentivement depuis un bon moment.
Mme Martha Friendly: L'un des problèmes, c'est que cette politique dont nous discutons est très compliquée. Toutes sortes de choses peuvent intervenir. Ken a mentionné le fait que nous avons toujours supposé que l'exemption pour frais de garde d'enfants diminuerait, mais resterait. Si l'on se tourne du côté de la France, qui possède un système d'éducation de la petite enfance qui est très bien développé et que presque tout le monde utilise, on voit que ce pays offre également une mesure pour les parents qui n'utilisent pas exactement ce que Ken a décrit: le système de garde d'enfants ordinaire. Ces parents font venir quelqu'un chez eux ou adoptent d'autres solutions.
Il y a bien des façons dont nous pourrions résoudre tous ces problèmes. L'ennui, c'est que nous n'avons pas encore vraiment commencé à mettre au point une politique. Nous n'avons même pas tenu une bonne discussion à ce sujet.
Christiane, vous avez dit que dans 10 ans, vous pourriez ne plus être ici, et que vous ne seriez plus en mesure de poser les bonnes questions. Participant à des discussions semblables depuis 25 ans, je suis toujours étonnée qu'il n'existe aucune mémoire institutionnelle. Chaque fois qu'on lance un de ces exercices et qu'on parle de ces programmes, on dirait qu'il faut réinventer la roue. Ensuite, les gens avec qui on a discuté la dernière fois ne sont plus là.
L'ennui, c'est qu'on ne peut même pas entamer de discussion, parce qu'il y a le déficit, puis les barrières fédérales- provinciales, puis encore autre chose. Si nous pouvions tout simplement lancer la discussion, s'il y avait une volonté politique et que quelqu'un était prêt à faire un pas en avant et à demander comment nous pouvons établir un système juste pour tout le monde, pour les parents qui demeurent à la maison, pour les gens qui veulent que ce soit la grand-mère qui prenne soin des enfants, on pourrait y arriver. Bien des gens dans bien des pays l'ont fait. Le problème, c'est de faire le premier pas. Et c'est ce que j'aimerais bien voir arriver.
On ne peut lancer le processus. Vous en êtes incapables. Vous essayez de le faire, mais il y a toujours un obstacle qui s'élève. Il semble bien que, malgré tout ce qu'on connaît à propos de ce problème, les décideurs ne veulent pas faire quoi que ce soit. J'ignore comment contourner un tel obstacle, mais c'est vraiment le noeud du problème.
Le président: Très bien. Ce pauvre Peter Stoffer écoute en silence depuis un bon moment.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Moi, je pourrais donner la solution. Cela s'appelle une élection, mais je ne le ferai pas.
Des voix: Oh, oh!
Mme Laurel Rothman: Nous avons essayé ça quelquefois.
M. Peter Stoffer: Également, à propos de votre commentaire sur les provinces insensibles, je peux vous dire desquelles il s'agit: il s'agit de l'Alberta et de l'Ontario. Je sais que vous ne pouvez pas les nommer, mais moi, je le peux.
Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas encore utilisé le mot «investissement».
Mme Laurel Rothman: Oh oui, j'ai parlé d'investissements sociaux de cinq ans. C'était peut-être avant que vous arriviez.
M. Peter Stoffer: Très bien, parce que c'est d'une importance cruciale.
Je ne veux pas critiquer votre exposé, mais vous avez utilisé des termes comme—et je n'ai jamais entendu celui-là auparavant—«didactiquement»...
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Stoffer: ... et «quintile», de même que «entre génération». Mais nous parlons d'êtres humains, dont beaucoup sont pauvres, dont beaucoup sont peu instruits, dont beaucoup sont illettrés. Si on leur présente un exposé semblable, on va les perdre instantanément. Je comprends l'exposé, mais je pense que ce qui doit arriver, c'est que...
La raison pour laquelle il n'y a ni débat ni communication, c'est que nous considérons tous la question sous différents angles. Vous-mêmes, vous avez entendu les désaccords qui existent dans vos rangs, il y a des désaccords entre les provinces. Nous tentons d'élaborer un programme national, mais il n'est pas étonnant que le gouvernement fédéral—qu'il s'agisse des conservateurs ou des libéraux—et les provinces aient tant de difficulté à s'entendre. Les groupes eux-mêmes parlent de façon différente, au lieu d'en venir au fait tout simple que nous devons protéger nos enfants et que nous devons aider nos familles.
• 1300
À ce sujet, je n'ai pas encore entendu parler des soins aux
personnes âgées. Pourtant, les familles subissent des pressions qui
ne viennent pas seulement du côté des enfants. Maintenant, elles
ont ce fardeau additionnel, et je n'utiliserai pas ce terme, parce
que j'aimerais bien prendre soin de mes parents si j'en avais la
possibilité. Quoi qu'il en soit, bien des gens, pour des raisons
économiques ou autres, doivent prendre soin de leurs parents. Je
pense ici à des gens qui ont de 25 à 50 ans, et qui doivent non
seulement s'occuper de leurs enfants, mais aussi de leurs parents
âgés. Il est donc important que les soins aux personnes âgées
fassent partie des programmes que vous associez aux familles.
En dernier lieu, j'aimerais rappeler que les enfants de nos écoles ont tenu une élection conçue par l'UNICEF et Élections Canada. Il s'agissait d'un événement mondial. Quand on leur a demandé ce qui leur tenait à coeur avant tout, 24,3 p. 100 du vote, la majorité au pays, chez ces enfants de 6 à 16 ans, est allé à la famille. La question qui leur tient à coeur avant tout, c'est la famille.
Cela me fait un peu peur, car que nous disent vraiment les enfants? Les familles sont-elles assez stables? Je connais la diversité des familles de nos jours, mais sont-elles stables? Est- ce un avertissement pour les élus et les groupes sociaux comme le vôtre que la structure de la famille n'est pas aussi saine et stable qu'on le croirait?
Ne vous inquiétez pas, madame Rothman, vous aurez tout le temps voulu pour le réitérer, mais ce que je crains c'est que ces enfants de 6 à 16 ans sont en train de nous dire que leur priorité numéro un est la famille et cela m'inquiète un peu de voir qu'il y a peut-être quelque chose qui ne va pas au sein de la famille. Parce que nous sommes des parlementaires et que nous nous prononçons à un certain niveau, nous avons tendance à ne pas descendre de notre piédestal pour nous mettre à genou pour vraiment écouter les enfants à ce sujet. Je sais que vous le faites parce que vous êtes sur la ligne de front.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. J'aimerais également vous saluer de la part de Libby Davies qui ne pouvait être présente aujourd'hui ainsi que de Wendy Lill, notre porte- parole sur les personnes ayant des incapacités, qui devait s'absenter également, et que je remplace.
Monsieur le président, je crois que je vais assister à d'autres comités comme celui-ci, parce que je trouve cela merveilleux. Je passe mon temps à siéger en comité et c'est la première fois qu'on m'offre un déjeuner. C'est incroyable.
Le président suppléant (M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.)): Martha veut vous répondre.
M. Peter Stoffer: Oui, allez-y.
Mme Martha Friendly: J'ai un bref commentaire à propos de la Convention. Pour ce qui est de cette question de l'élection, je dirai que d'abord si on regarde ça de près, il n'y a eu aucune sensibilisation des enfants à propos des droits des enfants, mais on leur a dit de choisir leur droit préféré.
Le Canada a signé toute la Convention, et j'étais très inquiète et perplexe de voir qu'on disait aux enfants quel est votre droit préféré? Beaucoup d'enfants diront simplement qu'ils aimeraient plus d'argent de poche, ou quelque chose de ce genre.
Je regrette, mais j'étais très inquiète de la façon dont la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant a été présentée aux élèves dans nos écoles. Si j'avais été la mère d'un enfant à l'école, je me serais vraiment élevée contre la façon dont cela a été présenté. Alors je voulais dire ça d'abord. Il est évident que les enfants choisiront leur famille.
M. Peter Stoffer: Martha, si je peux vous interrompre, je me suis rendu dans 11 écoles de ma circonscription bien avant que le vote n'ait lieu et ce qui s'est produit c'est qu'il y a eu énormément de consultations au sein de la classe concernant les droits des enfants. On ne disait pas tout simplement «allez les enfants, choisissez votre bonbon préféré».
Martha, je sais qu'il y a beaucoup de parents qui n'étaient pas d'accord, parce qu'ils ont dit que c'étaient eux qui décidaient ce qui était dans l'intérêt de leur enfant, et non pas l'enfant qui, en collaboration, décidait de ce qui était dans l'intérêt de tous.
Dans chaque école que j'ai visitée, on a discuté longuement de ce qu'étaient ces droits et de ce qu'ils signifiaient. Les enfants sont rentrés chez eux et en ont discuté avec leurs parents, ils en ont discuté avec d'autres groupes sociaux dont ils font partie, des groupes d'église, de scouts, etc. Il y a eu énormément de consultations avant le vote.
Mme Martha Friendly: D'accord. Deuxièmement, je pense que nous avons un très grand terrain d'entente. Vous avez dit que nous semblons être en désaccord. En fait, il y a tous ces détails auxquels je n'ai pas songé ou d'autres personnes ont dit des choses auxquelles je n'avais pas pensé. Non seulement nous sommes d'accord, mais je dirais que presque tous les groupes sociaux partout au pays mettraient en oeuvre les mêmes mesures de façon très semblable.
Je comparais souvent devant des comités et on entend ce genre de critique contre les ONG. Eh bien, si seulement vous pouviez vous entendre... En fait, je n'ai jamais connu d'époque où les groupes sociaux s'entendaient si bien. Ne diriez-vous pas tous que c'est vrai?
J'ai participé à beaucoup de consultations. J'ai participé aux audiences du gouvernement fédéral sur le plan d'action national pour les enfants. J'ai participé au processus de consultation de Campagne 2000. J'ai participé au processus de consultation des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. Les mêmes principes que Sherri a mentionnés ressortent toujours. La consultation est donc faite. Nous sommes tous d'accord. Ce n'est pas ça le problème.
• 1305
En fait, les partis politiques n'ont pas tous établi leur
politique. Je connais la position du Bloc, mais je ne connais pas
celle des néo-démocrates, des conservateurs, ou des libéraux. Les
partis sont donc moins actifs que nous dans ce processus.
Et pour ce qui est du plan d'action national pour les enfants, nous sommes d'accord avec les points de vue qui viennent d'être exprimés. Il est vrai que les gens d'autres horizons pourraient avoir une autre perspective, mais en fait presque tous les groupes sont assez d'accord là-dessus, même s'il y a quelques petites différences entre eux.
Mme Sherri Torjman: Dans notre travail, nous avons essayé d'écouter les enfants et d'écouter les gens.
Nous travaillons sur une série qui s'appelle Community Stories. Ce sont des histoires écrites par ceux qui travaillent au sein des collectivités avec les enfants ou les aînés, les services de relève ou le développement économique des collectivités. Ces gens-là écrivent leur propre histoire, ensuite nous les publions et nous les diffusons. Comme ce sont des histoires vraies, nous leur donnons beaucoup d'importance dans notre travail d'élaboration de politiques. Nous écoutons les gens et essayons d'élaborer des politiques qui reflètent les questions qui les préoccupent.
Cette semaine nous avons commencé à publier une nouvelle série de rapports. Je peux vous en envoyer des exemplaires si vous voulez. Elle s'appelle Personal Stories. Nous demandons aux Canadiens, aux familles et aux enfants—d'ailleurs, nous avons fait beaucoup d'histoires sur les enfants et leurs accomplissements—de nous raconter leur propre histoire, de nous expliquer les questions qui les préoccupent et de nous décrire les problèmes qu'ils ont eus avec le système fédéral ou le système provincial. Nous leur donnons une tribune nationale, et nous leur demandons d'écrire leur histoire parce que cela nous aide à améliorer nos politiques.
La première histoire dans la série s'appelle Tax Breaks, or Broken by Taxes? L'auteur vient de la Colombie-Britannique et c'est la mère d'un enfant avec des incapacités multiples. Nous essayons d'utiliser son histoire pour illustrer les types de questions sur lesquelles nous devons nous pencher.
Je comprends donc très bien ce que vous voulez dire. Nous essayons de nous ouvrir et d'écouter les gens, d'écouter les Canadiens.
Le président: Un dernier commentaire de Laurel, et ensuite c'est Ovid qui aura la parole.
Mme Laurel Rothman: Il est vrai que beaucoup de groupes sont d'accord. J'aimerais ajouter encore une chose: nous nous concentrons tous sur les revenus et les services, et nous avons tous beaucoup parlé des services de la petite enfance, parce que c'est là qu'il y a les plus grandes lacunes au Canada.
Au printemps, nous avons tenu des audiences dans six villes du Canada. La plupart ont des services de loisirs, des écoles ou des établissements postsecondaires. Les compressions budgétaires les ont peut-être frappés très fort, mais ils existent encore. La plupart des collectivités du Canada n'ont pas de services pour la petite enfance. Il n'y a pas assez de services, et souvent il est difficile d'avoir accès à ceux qu'il y a.
Le président: Un très bref commentaire de Peter.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Tougas. Au Québec, vous concentrez-vous beaucoup sur les réserves autochtones? Vous n'avez pas mentionné les enfants autochtones, qui sont les plus pauvres de tous. Dans votre travail d'élaboration de politiques, pensez-vous aussi à aider les enfants autochtones?
[Français]
Mme Jocelyne Tougas: Au Québec? Dans les réserves qui ont des centres de la petite enfance ou des garderies qui ont leur permis du Québec, les services de garde sont financés au même titre que les autres services de garde. Ils font partie du réseau.
Maintenant, le fédéral verse aussi de l'argent pour les services de garde des réserves situées au Québec. Il y a par exemple les fonds pour l'intervention précoce. Il y a donc deux sources de financement, mais leurs services de garde font partie du réseau.
[Traduction]
Mme Martha Friendly: En fait, c'est dans les collectivités autochtones que le gouvernement fédéral a affecté des fonds pour mettre en place des services de garde réglementés. C'était un élément de l'engagement du livre rouge qui a été mis en oeuvre. Dans certaines provinces, les services de garde sur les réserves, gérés par les collectivités autochtones, ont augmenté de façon substantielle. Je peux vous donner ces informations si vous voulez.
Le président: Ovid.
M. Ovid Jackson: Merci beaucoup, monsieur le président.
De nos jours, il y a tant d'informations—de bonnes informations—qui circulent et tant de groupes qui se réunissent qu'on avance seulement si on fait passer son message.
Je participe à beaucoup de réunions de comité, et j'apprends beaucoup de choses intéressantes. Cela me fait penser à un incident raconté par Gilbert Ryle dans son livre The Concept of Mind. Lui et quelques autres ont visité une faculté de droit, une faculté d'éducation et autre chose, puis quelqu'un a demandé: «Mais où est l'université?»
• 1310
Quand on parle de politiques concernant les enfants, on se
heurte à certaines choses. Premièrement, les députés sont élus pour
quatre ans. Et comme vous le savez très bien, il faut plus de temps
que ça pour qu'un enfant atteigne l'âge adulte. Mais une chose est
certaine. Il y a un certain consensus pour ce qui est des moyens
d'aider nos enfants. Là, il n'y a pas de problèmes. Même les
«mauvais gouvernements» savent qu'il y a des politiques qu'il faut
mettre en oeuvre pour avoir une société saine.
Je suis absolument convaincu que dans toutes les parties du monde—dans n'importe quel pays avec des gens de n'importe quelle race—vous verrez qu'une collectivité saine, où il y a peu de criminalité, qui vit de façon harmonieuse et qui a des enfants qui réussissent, dispose de toutes sortes d'appuis pour les enfants, y compris les familles élargies, les grands-parents aimants, et tout cela.
Il ne faut pas nous laisser dérouter. Vous verrez qu'aujourd'hui nos collectivités font déjà un très bon travail. Il y a beaucoup d'endroits bien sûr où les parents ont des difficultés et les grands-parents les aident pour s'assurer que les enfants n'aillent bien. D'ailleurs, certains enfants réussissent très bien, même s'ils viennent de familles extrêmement pauvres. Parfois on voit des différences énormes au sein d'une seule famille: par exemple, neuf enfants finissent en prison et ont des problèmes de drogue, mais un des enfants devient médecin. Comment est-ce que cela se produit?
Évidemment, s'ils ont plus d'avantages au début... Mais nous n'avons pas besoin d'en parler. Le problème c'est que ces avantages doivent être maintenus. Là aussi, nous sommes d'accord. Comment pourrons-nous intégrer cette notion dans le programme? Elle doit faire partie de la vision globale. Il faut donc réaffecter des fonds, ce qui veut dire qu'on les prend ailleurs. Il faut beaucoup d'argent pour faire tout cela.
Il y a autre chose. Ken pourra peut-être commenter ceci: Il y a eu une certaine dislocation, certains problèmes, une érosion de la classe moyenne ces dernières années. C'est comme si on assistait à une course et que tout le monde finissait à un niveau différent. Mais si on revient à l'indexation—n'oublions pas que l'indexation est inflationniste—qu'est-ce qui arrive? Ceux qui font déjà beaucoup d'argent en feront beaucoup plus, mais ceux qui n'en ont pas auront encore moins. Il faudra donc étudier la question pour voir comment on pourrait indexer sans causer de problèmes.
C'est tout, monsieur le président.
M. Ken Battle: Des questions difficiles... Je commencerai par votre dernière question sur l'indexation.
Nous avons fait une étude, il y a environ un an et demi, intitulée «Aucune imposition sans indexation». On a voulu faire un examen détaillé des conséquences du manque de pleine indexation à tous les niveaux de revenu, pour les familles avec enfants, pour les personnes vivant seules, etc.
Comme la désindexation touche non seulement la structure du système d'impôt sur le revenu, mais aussi le crédit pour la TPS, la prestation nationale pour enfants et, en passant, les crédits remboursables créés par plusieurs provinces—le Manitoba, l'Ontario et d'autres—et comme toutes les provinces sauf le Québec calculent leur taux d'imposition provincial à partir du taux fédéral, il y a des conséquences pour le régime provincial d'imposition. Nous sommes venus à la conclusion générale que ce sont les gens à faible revenu qui sont le plus touchés par les augmentations de taxe, qui sont le résultat de la désindexation.
Du point de vue de la simple équité, ceux qui bénéficieraient le plus si on rétablissait l'indexation, seraient les Canadiens à faible et à moyen revenu avec famille, même si les gens à tous les paliers d'imposition en profiteraient.
La stratification de la société revêt une importance cruciale. D'autres l'ont déjà mentionné, et il y a beaucoup de recherches qui ont été faites à cet égard.
Quelque chose qu'on constate année après année lorsque Statistique Canada émet son rapport sur la répartition des revenus après impôt... Depuis que j'ai commencé à travailler dans ce domaine, une chose qui m'a toujours frappé—et nous l'avons quantifié—c'est que l'écart des revenus, qui s'est aggravé au cours des années 90, s'accentue pendant les périodes de récession et ne se rétablit pas à son niveau préalable. L'écart augmente, et on atteint un nouveau palier.
• 1315
Il est frappant de voir jusqu'à quel point le système d'impôt
sur le revenu et les prestations de sécurité du revenu ont joué un
rôle efficace pour réduire l'écart de revenu entre les riches et
les pauvres et pour empêcher que cet écart s'aggrave. Cela peut
sembler illogique, parce que tout le monde dit que l'écart va en
augmentant. Cet écart croissant constitue un énorme problème,
puisqu'il prouve que les forces du marché créent de grandes
inégalités. Il en résulte des pressions énormes pour que le
gouvernement compense cette disparité croissante.
Il reste, cependant, que les gouvernements fédéral et provinciaux ont trouvé des moyens pour contrebalancer ces inégalités croissantes. Cela ne signifie pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes—on a quand même 6 millions ou quelque chose comme cela de gens à faible revenu. Mais nous pouvons constater que les instruments de sécurité du revenu et d'imposition, tout comme les services sociaux, sont puissants. Ils sont efficaces.
Une des choses que le Canada fait bien... On parle de nos échecs. Ce qu'on fait le moins bien, c'est l'éducation des jeunes enfants. J'ai participé à une réunion en Allemagne, où j'ai parlé à des collègues. Ils tenaient pour acquis que le Canada, dont le système de soins de santé est tellement reconnu... Lorsque je leur ai dit ce qu'on fait dans le domaine des interventions auprès de la petite enfance, les Hollandais et les Allemands m'ont regardé comme si j'étais fou. En effet, ils n'arrivaient même pas à comprendre lorsque j'essayais de leur expliquer ce que nous faisons ici. Ce n'était pas qu'ils ne comprenaient pas l'anglais. C'était juste qu'ils s'étonnaient que nous n'ayons pas ce genre de système en place. Sur le plan de la sécurité du revenu à la retraite, par contre, nous avons fait beaucoup de progrès.
Tout cela pour dire qu'il ne faut pas, à mon avis, être défaitiste. Le gouvernement possède des leviers de politique très puissants. Des programmes de sécurité du revenu, par exemple. Et le régime fiscal. Les services sociaux aussi, ainsi que la réglementation des conditions de travail. Il existe toute une gamme de mécanismes qui ont un véritable impact. Ils sont efficaces. Ce n'est pas que rien ne fonctionne. Ces mesures produisent des effets. C'est plutôt qu'il faut investir davantage dans les parties du système qui sont tellement sous-développées. C'est là le but de notre intervention aujourd'hui.
Enfin, je travaille dans ce domaine depuis 25 ans et je n'ai jamais vu de consensus comme celui qui existe actuellement concernant l'éducation des petits enfants. Même en ce qui concerne la prestation pour enfants, il y a eu des différences d'opinions concernant la mise en oeuvre de la vision sous-tendant cette prestation, et nous sommes tous d'accord sur nos priorités en ce qui concerne la sécurité du revenu et les services. Il s'agit d'un consensus remarquable.
À la question de savoir si ce consensus est partagé par les Canadiens—et voilà qu'on revient à votre point concernant la difficulté de faire comprendre ces questions aux gens ordinaires—c'est un problème réel dans le domaine de la politique sociale. Je suis d'accord avec vous: il est très difficile de parler de ces choses, de tenir ce genre de débat en utilisant un langage qui amènera les gens à se sentir concernés, même s'ils n'ont pas d'enfants.
Le président: Je n'aime pas vous interrompre, mais Mme Tougas doit partir à l'aéroport, et je sais que Mme Rothman doit partir dans 10 minutes.
M. Ken Battle: Excusez-moi.
Le président: Non, vous n'avez pas à vous excuser. Je ne vous ai pas bien indiqué les contraintes de temps.
Madame Tougas, je regrette que nous n'ayons pas eu assez de temps pour vous demander de faire un dernier commentaire.
Je sais aussi que Laurel... Nous devons, nous aussi, nous rendre bientôt à la Chambre des communes pour la période des questions, etc.
J'ai Mme Vautour qui voudrait intervenir et qui attend très patiemment. Aimeriez-vous prendre la parole maintenant?
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Merci.
Je voudrais d'abord m'excuser d'avoir été en retard pour des raisons techniques: j'attendais qu'un document soit signé pour que je puisse assister à la réunion. Je remplace Diane St-Jacques.
J'ai manqué quelques exposés. Comme on a déjà posé plusieurs questions, je vais surtout me limiter à faire des commentaires.
J'ai déjà été chef de famille monoparentale. J'ai déjà été une personne à faible revenu, avant de devenir députée. Je sais comment c'est difficile. Depuis mon élection, je suis peut-être arrivée à une conclusion. On parle beaucoup des programmes de garde d'enfants et de l'aide aux familles, mais je suis en train d'apprendre qu'il s'agit surtout de belles paroles et non de gestes concrets.
Une fois qu'on est élu et qu'on voit comment même ce Parlement est structuré... Je constate que la plupart des députés—au moins cela semble être le cas—n'ont pas vraiment de valeurs familiales. Il faudrait peut-être que les parlementaires soient obligés d'avoir une famille d'abord... J'ai un enfant de 4 ans et un autre de 13 ans, et c'est très difficile par moment. Il faut parfois mettre de côté la carrière pour donner la priorité à la famille.
• 1320
Si le système actuel où nous, les parlementaires, prenons les
décisions et établissons les politiques, nous oblige
automatiquement à subordonner les intérêts de la famille à ceux de
notre travail, comment pouvons-nous influer véritablement sur les
politiques qui visent à aider les familles?
Ce ne sont pas seulement les politiciens qui oublient parfois l'importance des valeurs familiales. Dans la société en général, au Canada, on n'accorde pas toujours la priorité aux enfants. À moins de changer cela, et dans toutes les politiques... Si vous examinez n'importe quelle politique mise en oeuvre par un gouvernement, il faudrait s'assurer qu'on ne nuit pas aux enfants, que la politique les favorise, parce que si c'est bon pour les enfants, ce sera bon pour les adultes à l'avenir, puisque les enfants seront les décideurs au Canada un jour.
Vous n'avez pas à me convaincre. Je sais ce dont on a besoin. J'ai déjà été mère chef de famille pendant sept ans, et la garde d'enfants a été absolument... Pour commencer, même si on avait les moyens, où pouvait-on trouver une garderie qui avait de l'espace? Il faut avoir le choix. On devrait aussi avoir le choix de rester à la maison avec ses enfants. On ne devrait pas être pénalisé pour cela. Il devrait y avoir un système en place. Il n'y a aucune raison pour laquelle on ne peut pas avoir les deux possibilités.
Mais nous n'allons pas pouvoir le faire si on ne se décide pas. En ce moment, on a seulement de belles paroles. Il y a beaucoup de gens qui en parlent. On pourra publier tous les rapports qu'on veut, mais si le gouvernement au pouvoir ne veut pas mettre cela en oeuvre... Et je crois qu'il faut s'attaquer au problème en commençant par la base. On peut très bien se doter de normes nationales, mais... Je vis dans une communauté rurale, et il est beaucoup plus facile de mettre sur pied un programme de garde d'enfants dans un milieu urbain où les gens peuvent s'y rendre à pied ou en autobus. Dans une région rurale, si on voulait créer des espaces pour 25 enfants, il faudrait d'abord construire quelque chose, parce que rien n'existe, et ensuite il faudrait essayer de faire en sorte que les parents puissent y emmener leurs enfants.
Je comprends pourquoi vous avez tant de mal à concevoir comment nous allons pouvoir pondre quelque chose. Il va falloir rassembler tout le monde et ensuite dire comment nous allons pouvoir le faire. Nous devons rassembler les gens, les parents de nos collectivités locales de même que les politiciens, les groupes, tels que le vôtre, qui comprennent ce qui se passe. Tant qu'on ne fera pas cela, il n'y aura pas de solution.
Le président: Je me rends compte que nous perdons des gens, nos invités ainsi que nos membres, alors j'ai une proposition à vous faire, une proposition qui vous permettra de nous aider dans notre travail. Le défi auquel le sous-comité doit faire face, c'est vraiment de préparer une gamme de points d'information, qui seront soumis au comité principal pour que ce dernier puisse avoir un document officiel lui permettant d'influer sur le budget avant le congé de Noël—l'échéancier est donc très serré.
Voici ce que j'aimerais faire. Je m'excuse d'avoir à vous parler du côté mécanique, mais je sais que nous avons tout un défi à relever. Nous ne disposerons sans doute que d'une seule réunion pour faire quelque chose, pour apporter des changements, et pour nous assurer que le document est traduit avant de le soumettre au comité principal. À ceux qui sont toujours ici, permettez-moi de vous proposer quelque chose. Le fait qu'il y ait moins de personnes va, bien entendu, me faciliter la tâche, mais j'essaie de réunir les points de vue exprimés par les diverses personnes. Notre tâche, c'est de préparer quelque chose qui est assez concret aux fins du budget, mais pas tellement détaillé au point de risquer de provoquer des conflits ou de s'embourber dans les petites questions.
En tant que comité, je vous propose de réfléchir premièrement à la chose suivante: notre tâche, c'est de proposer les points saillants de ce qu'on pourrait appeler un budget axé sur les besoins des enfants et de la famille, parce que, ce faisant, certains de nos collègues pourraient s'y rallier. Si on met les enfants en premier, tout en comprenant que les enfants font partie d'une famille, cela serait le premier... c'est comme cela qu'on pourrait l'appeler, le budget axé sur les besoins des enfants et de la famille. Je vais tâcher de rédiger ce texte pour rendre la vie plus facile à nos collègues.
Deuxièmement, et cette observation s'applique également aux collègues qui ont dû s'absenter, nous adopterions une approche équilibrée de 50-50, c'est-à-dire, en tenant compte des impôts et des dépenses. C'est comme cela qu'on pourrait l'encadrer.
• 1325
Voyons s'il y en a qui s'opposent à cette façon de faire les
choses. Je reviens à ce que Mme Gagnon a dit. J'en tiens compte. Je
reviens à ce que le premier ministre a dit, lorsqu'il parle d'un
cadre de deux à cinq ans. Nous devons d'abord préciser que nous ne
sommes pas à la recherche d'une solution rapide, d'une solution
ponctuelle, où on passe à autre chose; il nous faut—et je peux
quasiment le citer textuellement—le premier point de repère de
financement de Campagne 2000, qui est une stratégie cadre
quinquennale qui comprend plusieurs volets, y compris les marchés
du travail, l'itinérance et le développement de la petite enfance.
En procédant ainsi, nous n'aurons pas l'impression qu'il faut
régler tous les détails d'ici la semaine prochaine. Nous
comprendrions tous qu'il s'agit d'un engagement quinquennal, tout
comme le budget des soins de santé auquel nous avons affecté
11,5 milliards sur cinq ans, tout comme notre stratégie pour
l'accès à l'éducation postsecondaire.
Alors, ça c'est la première chose à faire—établir un cadre tenant compte de tous les éléments mais pas nécessairement tous les détails.
Deuxièmement, il faut se pencher sur la question des revenus, parce que les familles ont besoin d'argent, surtout celles qui se trouvent à la partie inférieure de l'échelle socio-économique. Il va falloir faire très attention à cela. Nous allons pouvoir rassembler des engagements déjà pris—le congé parental, la réduction d'impôt pour les familles ainsi que l'extension du Programme de prestation fiscale pour enfants. On pourrait envisager d'autres possibilités, mais nous avons déjà parlé de ces choses-là, et elles constituent, en quelque sorte, un fait accompli.
Le troisième volet porterait sur la prestation des services de développement de la petite enfance. Je crois que tout le monde sera d'accord pour dire qu'il nous faut de l'argent, sur la table, en février si on veut avoir un budget pour les enfants et accroître la possibilité que les provinces approuvent un plan d'action national au mois de décembre. Comme preuve de notre bonne volonté, nous devons proposer un programme pluriannuel. Vous avez proposé 500 millions de dollars chaque année au cours d'une période de quatre ans ou de cinq ans comme point de départ, n'est-ce pas?
Mme Laurel Rothman: Je dirais qu'il faut prévoir un minimum de 1 milliard de dollars, à la lumière de ce qui s'est passé dans le cas du livre rouge, qui n'a jamais porté fruit. Il fallait le dire, c'était plus fort que moi.
Le président: Mais on part du principe qu'il faut prévoir entre 500 millions de dollars et 1 milliard de dollars la première année pour lancer le débat.
Quatrièmement—et je ne veux pas vous suggérer quoi dire—mais cela est très utile, et je fais allusion à l'observation de Peter, de prévoir une sorte de programme de sensibilisation ou de participation du grand public pour qu'on puisse, par la suite, décrire le programme en se servant des mots qui conviennent à tout le monde. Il y a déjà un certain consensus parmi ceux qui se penchent sur la question, mais il faut transmettre cette information en guise de préparation pour tout plan d'action national.
Certains témoins ont dit qu'il serait utile—parfois comme troisième option—de se servir des projets pilotes existants au cours des neuf prochains mois à titre d'exemple. De tels exemples pourraient s'avérer utiles dans le cas où les gens se demandent ce qu'est ce soi-disant plan national pour enfants.
Enfin, et il faut faire très attention, il faut comprendre ce qu'on entend par une entente cadre sur l'union sociale de façon générale, comment une telle entente va fonctionner et, plus précisément, comment on peut, pour citer Mme Gagnon, accompagner la province la plus éclairée du pays pour trouver un mécanisme de compensation à partir de ce fonds—de 500 millions de dollars à 1 milliard de dollars, peu importe le chiffre—par l'entremise des impôts, en payant au gouvernement du Québec le montant qui normalement aurait été destiné aux familles ayant une plus grande déduction pour services de garde, ou par l'entremise de n'importe quel autre mécanisme. Le fait que le Québec n'ait pas signé ces deux ententes ne devrait pas nous empêcher d'agir, nous voulons nous assurer que le Québec reçoive cet argent puisqu'il fait ce qu'il y a à faire.
Il me semble qu'en réunissant ces éléments-là, nous pourrions rédiger un document contenant des points d'information. Mais je veux d'abord vérifier auprès de mes collègues, pendant qu'ils mettent leurs manteaux.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je voudrais juste ajouter un élément à votre réflexion. Vous dites qu'il faut de la souplesse. Tout à l'heure, vous avez soulevé la question des sans-abri.
• 1330
À mon avis, il faut voir le logement social à travers
le prisme des mal logés.
Au Québec, les sans-abri
ne constituent pas à eux seuls une problématique
majeure. On sait, par contre, que dans d'autres
provinces du Canada, c'est catastrophique. À Montréal,
à cause des centres d'hébergement, la problématique
n'est pas la même.
Quand Mme Bradshaw va annoncer que des millions de dollars vont être consacrés aux sans-abri, les groupes communautaires au Québec seront déçus parce qu'il faut aussi accorder un appui aux parents, aux familles monoparentales qui dépensent pour se loger tout en étant souvent mal logés. Leur logement est inadéquat et, comme il est mal isolé, ils paient trop cher pour l'électricité.
Donc, c'est bien d'aider les sans-abri car c'est un très grand problème au Canada, mais il faut savoir à quelles provinces il faut donner cet argent. Dans l'hypothèse où on accorderait une forme d'aide financière aux provinces, si le Québec en avait moins besoin pour ses sans-abri, il pourrait recevoir moins ou il pourrait utiliser cet argent ailleurs. C'est ce que j'appelle avoir de la flexibilité.
Vous avez aussi abordé les congés parentaux dans un de vos points portant sur le revenu. Si, comme dans les programmes annoncés par la ministre, ce congé dure de six mois à un an, je m'interroge. Qui va pouvoir se payer un congé parental d'un an en recevant seulement 55 p. 100 de son salaire, qui est souvent minimal et souvent sous le seuil de la pauvreté?
De plus, si on ne revoit pas à la baisse le nombre d'heures de travail nécessaire pour que les femmes soient admissibles à l'assurance-emploi, qui va pouvoir se payer un séjour bien tranquille d'une année à la maison? C'est possible quand il y a un conjoint qui travaille, quand il y a un autre revenu. Tout à l'heure, on a fait le constat que bien souvent, quand il n'y a qu'un salaire, il y a augmentation de la pauvreté parce que, justement, on ne gagne pas assez pour subvenir à ses besoins.
J'ai écrit tout cela dans mon rapport. Si on ne voit pas l'ensemble de la situation sur un plan horizontal, on ne pourra pas élaborer une stratégie pensée, une stratégie qui vienne vraiment en aide aux familles.
Le président: Puis-je ajouter à la liste deux éléments nouveaux? D'abord, vous dites que tous les ministères du gouvernement doivent être engagés dans l'ensemble du processus dans le cas de la politique des sans-abri, par exemple. Vous dites qu'il faut voir cela sur un plan horizontal; en anglais, on dit the whole of government. Je crois qu'il est très important qu'il y ait cohérence dans l'ensemble de tous les ministères fédéraux. C'est là le premier élément.
Pour ce qui est du deuxième élément, je crois que c'est quelque chose que vous aviez déjà mentionné. C'est l'importance de mesurer honnêtement, au cours des années, les progrès accomplis dans l'élimination de la pauvreté, dans l'aide au développement des enfants, etc. Cet élément est essentiel pour que tout cela ne soit pas qu'anecdotique. Je crois que cela est très important.
J'ajouterai un troisième élément par rapport au revenu et surtout au congé parental. Sans trop entrer dans les détails, il faut peut-être introduire toute cette idée de flexibilité et se dire que si on ne fait que prolonger le système existant, ce ne sera pas suffisant. Il faut penser, par exemple, aux travailleurs indépendants, etc. Il faut qu'il y ait de la souplesse qui permette d'accommoder les familles vivant dans des conditions diverses.
[Traduction]
J'essaie de bâtir notre petite liste, en rassemblant tous ces points. Dans un certain contexte, la souplesse constitue une bonne chose, la souplesse nous permet de reconnaître les différentes circonstances de chaque collectivité mais, en même temps, nous permet de savoir si nous avons réglé les questions des services de garde, des soins de santé, etc.
J'espère que je ne vous ai pas trop embrouillés.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je veux juste ajouter qu'il existe déjà des créneaux où on pourrait rectifier le tir. Pensons au Transfert social canadien. Avant de réinventer la roue, il faut se dire qu'il existe déjà des mécanismes de bonification pour appuyer l'action des provinces. Si on ne rétablit pas le Transfert social canadien, comment voulez-vous que les provinces accordent un meilleur service aux citoyens? Si les enfants ont besoin d'accompagnement parce qu'ils sont en mauvaise santé et que notre système de santé est en train de péricliter faute d'argent...
• 1335
Il y a la réforme, mais on sait qu'en Ontario,
ce n'est pas plus beau qu'au
Québec. C'est ce que je lisais en fin de semaine.
Mais il y a aussi un
sous-équipement et un manque de financement
flagrants. C'est la même chose dans le secteur
de l'éducation.
Tout cela dépend du Transfert social canadien. Ce sont
les domaines du revenu familial, de l'éducation et de la santé.
C'est l'aide financière qui permet aux provinces de
donner un meilleur soutien aux parents.
Les programmes que la sous-ministre est venue nous présenter sont tous des programmes de soutien direct à la population. Or, ce sont les provinces qui prodiguent ces services.
Je me demande si le fédéral veut créer ce genre de programmes pour suppléer à ce que certaines provinces ne font pas ou bien parce que certaines provinces le font. Je me dis qu'il ne faut pas jouer au chat et à la souris. Après cela, on pourra voir si les gouvernements des provinces font bien leur travail. Qu'il y ait un alignement, je veux bien, mais par ailleurs, si on n'appuie pas les provinces, elles ne pourront pas donner.
L'assurance-emploi comporte aussi un autre irritant qui n'aide pas les familles. Quand on perd son emploi, on se retrouve à l'aide sociale. Or, on a coupé le Transfert social canadien, ce qui ne permet pas de bonifier le revenu familial minimum.
Donc, tout cela serait à revoir: la fiscalité, l'indexation des tables d'impôt et la TPS. J'avais même pensé, pour ma part, à un congé de taxes pendant x années sur tous les achats de vêtements pour enfants, si on veut aider la famille. Au lieu de programmes administrés par des fonctionnaires et comportant des frais de gestion, il y a peut-être de meilleures façons d'aider directement la famille pour que vivre lui coûte moins cher.
[Traduction]
Le président: Voulez-vous faire une dernière observation, Martha?
Je sais que nous faisons face à tout un défi, puisque nous allons peut-être vous convoquer dans une semaine, mais si on arrive à obtenir tous ces éléments, comme points d'information, ou bien une liste de suggestions—un ordre du jour, si vous voulez, je crois qu'on pourrait faire du très bon travail.
Merci beaucoup de nous avoir aidés.
Mme Sherri Torjman: Merci de nous avoir écoutés. Nous avons été heureux de comparaître.
Le président: Très bien.
Tout le monde part. La séance est levée.