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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 15 mars 2000

• 1609

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bonjour. Je tiens d'abord à m'excuser auprès de nos témoins. Nous avons eu une curieuse semaine, comme vous l'avez peut-être compris, ce qui a bouleversé notre programme. Nous avons des votes imprévus à toutes sortes de moments.

• 1610

Nous allons profiter de votre présence. Je voudrais souhaiter la bienvenue à Judith Maxwell et à Sharon Stroick, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. Peut-être devrais-je, pour commencer—et je tiens également à souhaiter la bienvenue à Grant—vous donner un petit aperçu du contexte.

Notre comité a publié, en décembre, un rapport qui visait à formuler des recommandations en vue du budget. Certaines de ces recommandations ont été suivies en ce qui concerne le revenu, mais ce qui n'a pas été réglé, c'est ce que nous allons faire pour aider les familles canadiennes dans le contexte communautaire, surtout dans le domaine des services communautaires, afin d'alléger leurs difficultés, quelle que soit leur situation.

Le sous-comité a donc examiné deux questions différentes. C'est en fonction de ce qui était contenu dans le budget et de ce qui y manquait. L'une de ces questions est la création d'un milieu de travail tourné vers la famille, surtout dans le contexte du gouvernement fédéral, étant donné que cette promesse figurait dans le discours du Trône. Votre organisme a certainement fait oeuvre de pionnier en discutant de l'équilibre entre les obligations professionnelles et familiales, dans le cadre des six études comparatives entre autres. Votre présence ici aujourd'hui va donc nous permettre de couvrir plusieurs sujets, dont cette promesse qui a été faite dans le discours du Trône, mais qui n'a pas encore été concrétisée. Le comité a également l'intention de poursuivre ses travaux sur les mesures à prendre, en dehors de la question du revenu, pour venir en aide aux familles, surtout celles qui ont de jeunes enfants d'âge préscolaire, au niveau communautaire, et sur les moyens de consolider les services communautaires de façon intégrée et globale.

Au départ, nous espérions vous inviter à venir avant le budget pour que vous nous fournissiez des arguments pour le critiquer, mais maintenant que c'est chose faite, nous pouvons procéder à l'envers. Comme tous ceux qui ont reçu leurs notes s'en rendent compte, le document intitulé «Agencement optimal de politiques axées sur les enfants» a été publié juste avant le budget, mais ce n'est sans doute pas par hasard. Je crois que c'était peut-être pour exercer une dernière pression.

Je tiens donc à vous accueillir très chaleureusement parmi nous. Ce n'est pas la quantité, mais la qualité qui compte. D'autres viendront peut-être se joindre à nous, selon ce qu'ils penseront du discours de M. Dion, mais je ne vais pas me lancer sur ce sujet. Peut-être pourriez-vous nous donner toutes les deux un aperçu général de votre propre travail et aussi des répercussions budgétaires que vous envisagez, étant donné que votre document, Pulling Together, a été publié avant le budget.

Bienvenue.

Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de nous inviter à parler au comité des travaux que nous faisons au sujet des enfants canadiens.

Pour lancer la conversation, si je peux m'exprimer ainsi, je vous parlerai de l'interdépendance entre les familles et la société en essayant d'illustrer le fait que la société dans son ensemble et la politique publique en particulier n'assument pas leur part de responsabilité en aidant les parents à apporter le maximum à leurs enfants.

Pour être brève, j'aborderai quatre questions: pourquoi la société devrait-elle soutenir les familles et les enfants? Pourquoi devrions-nous nous intéresser à tous les enfants? Que font les autres pays sur ce plan, surtout en ce qui concerne le travail et la famille? Et quatrièmement, comment les politiques canadiennes se comparent-elles aux normes établies dans ces autres pays?

Nous avons distribué aux membres du comité un exemplaire du communiqué concernant le volume que nous avons publié juste avant Noël, «Agencement optimal de politiques axées sur les enfants», par Sharon Stroick, qui m'accompagne aujourd'hui, et Jane Jenson. On y trouvera une liste de toutes les études publiées l'année dernière, ou plutôt au fil de l'évolution de notre programme sur cet agencement optimal.

• 1615

Abordons d'abord la première question: pourquoi la société devrait-elle soutenir les familles et les enfants? Je sais que bien des gens se disent: est-ce que ce ne sont pas les parents qui en sont responsables? Il est bien certain que les parents ont pour rôle premier de s'occuper des enfants jour après jour et année après année, mais nous avons toujours investi dans les écoles publiques parce que nous pensions que la société pouvait ainsi aider les familles. Il me semble que nous devons maintenant parler des aspects de la petite enfance dans lesquels nous pourrions maintenant investir.

Les besoins des familles ont grandement changé dans les 20 à 30 dernières années. Environ 70 p. 100 des femmes qui ont de jeunes enfants travaillent à temps plein, et la plupart le font à l'extérieur du foyer. Deuxièmement, les familles sont moins nombreuses et la famille élargie se rétrécit également, si bien qu'il n'y a personne à la maison pour prendre soin des enfants, préparer les repas et faire toutes ces choses si importantes pour assurer la santé et le bien-être de la famille. Troisièmement, la structure familiale est beaucoup plus instable, et il en est de même pour les ententes concernant le travail. Cette double instabilité peut provoquer d'abruptes ruptures dans la vie familiale, et il peut être très difficile pour les familles de s'y adapter.

Si je parle de cette évolution, c'est qu'elle peut vraiment expliquer pourquoi les familles ne sont plus des entités autosuffisantes et autonomes comme elles ont pu l'être autrefois, quand les gens vivaient dans de petites collectivités ou à la ferme. On constate maintenant une profonde interdépendance entre les parents, d'une part, et leurs employeurs, les institutions publiques, les gouvernements et les communautés, d'autre part.

En outre, nous disposons de beaucoup de nouvelles recherches, de toute une nouvelle base de savoir récemment acquise qui nous montre que nous ne pouvons pas attendre que les enfants soient d'âge scolaire pour commencer à veiller à ce qu'on réponde à leurs besoins en matière de développement. Il existe des données sur le développement du cerveau et sur l'efficacité de diverses interventions, et nous pouvons maintenant prendre connaissance d'un grand nombre d'expériences communautaires pour nous en inspirer. Je pense à des expériences comme 1, 2, 3 GO!, à Montréal, Success by Six, Partir d'un bon pas pour un avenir meilleur, le Programme d'action communautaire pour enfants, de nombreux programmes provinciaux et de nouveaux programmes récemment lancés par DRHC.

C'est donc là la première question à se poser.

[Français]

La deuxième question concerne le fait que nos travaux mettent l'accent sur tous les jeunes enfants. Nous avons adopté cette approche parce que, bien que certains groupes précis d'enfants nécessitent plus d'attention que d'autres, toutes les familles ont des besoins que l'on peut combler à l'aide de politiques appropriées. Il ne s'agit pas uniquement de politiques gouvernementales, mais aussi de politiques appliquées par les employeurs et les instances communautaires.

Nos travaux et d'autres recherches telles que l'étude longitudinale nationale indiquent que le développement harmonieux de l'enfant nécessite trois conditions favorables: un revenu suffisant, un encadrement parental efficace et des milieux communautaires réceptifs. Enfin, l'élaboration de politiques met en cause un autre niveau d'interdépendance. Les familles doivent donc pouvoir compter sur un ensemble de mesures de soutien appartenant à ces trois catégories: revenu, encadrement parental et voisinage.

[Traduction]

Au Canada, toutefois, si l'on voit l'orientation qu'a prise la politique publique depuis quelque temps, on constate qu'au lieu de tenir compte des besoins de tous les enfants, les politiques sont maintenant de plus en plus étroitement ciblées. Ce ciblage se fait en partie en fonction du revenu, mais nous disposons maintenant de données provenant de l'étude longitudinale nationale qui a été effectuée et qui montre qu'environ 70 p. 100 des enfants canadiens qui ont des problèmes fonctionnels ou de comportement ne sont pas des enfants pauvres. Si nous procédons à un ciblage par revenu, nous allons donc laisser tomber beaucoup d'enfants qui ont effectivement besoin d'aide.

L'autre type de ciblage se fait par catégories. Par exemple, nous concevons des programmes sur l'autisme, mais si nous ne nous concentrons que sur l'autisme nous laisserons de côté beaucoup d'autres troubles qui posent de très grandes difficultés tant aux enfants qu'aux parents. Ou encore si nous nous concentrons sur les familles qui bénéficient de l'assistance sociale pour leur accorder certaines mesures d'attention, d'autres familles qui ont elles aussi de grands besoins seront mises de côté.

• 1620

Nous devons nous assurer que dans l'ensemble des programmes que nous offrons nous tenons compte des besoins de tous les enfants et reconnaissons l'interdépendance qui existe entre le revenu, la condition parentale et les services de soutien communautaire.

La troisième question est celle-ci: que pouvons-nous apprendre des autres pays concernant cette interdépendance? Plusieurs pays d'Europe, chacun à sa façon, ont conçu un rôle très actif pour l'État. Peu importe qu'on ait été motivé par la non-discrimination entre les sexes, par des principes sociodémocrates ou par des principes plus traditionnels ou conservateurs, il en résulte une diversité de politiques axées sur l'enfant qui visent à soutenir le revenu, l'éducation de la petite enfance, etc.

Ainsi, dans la plupart des pays européens, entre 70 et 100 p. 100 des enfants de trois à six ans ont accès à une garderie publique, que la mère travaille ou non. En revanche, au Canada, ce taux n'est que d'environ 40 p. 100. Ces pays européens mettent l'accent sur le revenu, et, ce faisant, réussissent beaucoup mieux que les programmes canadiens à réduire la pauvreté chez les enfants. Cela dit, il est important de préciser que dans le contexte européen les employeurs sont des partenaires à part entière dans toutes les politiques axées sur l'enfant. Leur contribution se fait en nature et au niveau organisationnel, mais elle est surtout financière.

À l'opposé des pays européens, on retrouve les États-Unis, qui manifestement ne souscrivent pas à une orientation générale. En effet, les États-Unis sont, comme vous le savez, le pays du monde industrialisé où la distribution du revenu et l'accès aux débouchés économiques sont les plus inégaux. C'est simple, les familles américaines doivent régler leurs propres problèmes. En fait, le programme social le plus important aux États-Unis consiste à accorder aux travailleurs à faible revenu un crédit d'impôt sur le revenu gagné. C'est pourquoi ils n'ont pas de programmes qui reconnaissent la nécessité d'avoir des services, notamment communautaires, comme ceux dont j'ai parlé plus tôt.

Je vais passer maintenant à ma quatrième question: où se situe le Canada? Le Canada se classe très bien en matière de soins de santé et d'éducation. L'accès à ces services est universel, et leur qualité est raisonnable. Mais, dans l'ensemble, le Canada n'a pas su adapter ses politiques ni ses structures de programmes aux nouvelles situations familiales dont j'ai parlé au début de ma déclaration.

Dans le cadre de l'un de nos projets, nous avons passé en revue les programmes de six provinces et du gouvernement fédéral, soit un éventail de programmes. Les provinces semblent avoir de la difficulté à concilier le revenu et les services. Pour le moment, personne ne semble satisfait du résultat, et on continue à faire de nombreux essais.

Évidemment, le Québec s'est détaché du peloton lorsqu'il a adopté, en 1997, une stratégie sociale visant les familles et les enfants, dont la mise en oeuvre continue graduellement. Au Québec, on a choisi de combiner le soutien du revenu et les services, en tablant sur un réseau de garderies favorisant le développement de l'enfant à un prix raisonnable.

La difficulté de renouveler les politiques canadiennes tient en partie à l'existence des différents champs de compétence qui ont contribué à la fragmentation des politiques et ont érigé certains obstacles à l'élaboration de politiques. Le gouvernement fédéral contrôle les leviers fiscaux, tandis que les provinces offrent les services et le soutien. Cela crée un troisième niveau d'interdépendance entre les gouvernements, qui doivent travailler de concert pour élaborer des programmes et des politiques qui tiennent compte des besoins des familles.

Le principal progrès réalisé au cours des dernières années a été la prestation nationale pour enfants. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on continue à travailler à réaliser les objectifs du Plan d'action national pour les enfants. De plus, on augmente très graduellement les prestations fiscales pour enfants, qui devront atteindre le niveau de soutien considéré par la plupart des analystes comme le minimum, soit environ 2 500 $ par année et par enfant. Soit dit en passant, le budget fédéral de cette année prévoyait un autre versement. Les programmes mis sur pied par les provinces dans le cadre de la prestation nationale pour enfants semblent prometteurs, mais ils n'en sont qu'à une étape très expérimentale, n'assurant pas la même couverture, ni le même niveau ou type de service. Le prolongement du congé parental à une année est certainement un pas dans la bonne direction, mais il ne constitue néanmoins qu'à peu près la moitié de ce dont on a besoin en matière de couverture et de remplacement des salaires.

• 1625

Dans l'ensemble, on peut donc dire que 30 ans après que la femme a pu intégrer le marché du travail et gagner un salaire, il n'existe toujours pas de cadre établi de programmes visant à aider les parents à concilier le travail et les responsabilités familiales pendant que leurs enfants sont en bas âge.

[Français]

Nos recherches indiquent que l'objectif du Canada devrait être de se doter d'un cadre de programmes établis pour la petite enfance. Ce cadre comprendrait un ensemble de mesures d'aide aux parents, y compris des services de garde et des programmes axés sur le développement harmonieux de l'enfant, qui seraient disponibles dans toutes les communautés au Canada. Tous les partenaires naturels des familles, c'est-à-dire les employeurs, les intervenants communautaires et les pouvoirs publics, devraient participer à la mise en oeuvre de cet ensemble de mesures.

[Traduction]

Le récent débat sur la politique budgétaire montre que les gouvernements se soucient des réductions d'impôt et des soins de santé. Le dossier des enfants est beaucoup moins présent à leur esprit qu'il ne l'était il y a à peine six mois, et tout porte à croire que le dialogue fédéral-provincial sur les enfants s'est enlisé. Pourtant, les parents sont aux prises aujourd'hui avec des problèmes qui sont tout à fait différents de ceux des parents d'il y a une vingtaine ou une trentaine d'années.

Nous savons que la grande majorité déploient des efforts héroïques pour élever leurs enfants et les aimer, mais sont incapables d'assurer la meilleure vie possible pour leurs enfants s'ils essaient de fonctionner de façon indépendante, ni ne peuvent faire la grève pour obtenir un meilleur appui parental et communautaire. Ils sont enfermés dans une situation d'interdépendance avec des partenaires qui, à l'heure actuelle, s'assument par la pleine part de leur responsabilité. Pourtant, nous prétendons tous vouloir investir dans les enfants.

Ce sont mes remarques préliminaires, monsieur le président. Je me ferait un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: L'un des avantages d'avoir un petit groupe de témoins, c'est que nous pouvons avoir une vraie conversation.

Grant, je sais que vous avez été parachuté ici un peu à la dernière minute, mais allez-y.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): J'aimerais vous poser quelques questions. Je dois aller à une autre réunion. Je suis désolé de ne pas pouvoir rester plus longtemps.

C'est un domaine qui m'intéresse énormément aussi, en tant que parent de quatre jeunes enfants. Mes enfants ont neuf ans, sept ans, cinq ans et trois ans. J'ai travaillé aussi comme enseignant avant de me lancer dans cette carrière-ci, et ma femme a été superviseure au niveau préscolaire; donc ce sont toutes des questions que nous connaissons bien au sein de notre propre famille.

J'aimerais vous poser des questions à propos de certaines des hypothèses qui sous-tendent vos propositions. J'ai d'abord l'impression que pour vous et votre groupe la solution résiderait dans l'établissement de programmes. Est-ce que je vous ai bien compris?

Mme Judith Maxwell: Nous soutenons qu'il nous faut des politiques et des programmes généralisés et accessibles à tous pour favoriser un revenu suffisant, appuyer l'éducation efficace des enfants et consolider le soutien communautaire. Nous ne prétendons pas que tout cela doit être fait par les gouvernements, loin de là. Mais les gouvernements peuvent jouer un rôle très utile pour ce qui est de mobiliser la société afin qu'elle réponde aux besoins des familles.

M. Grant McNally: Très bien. Je n'ai aucune objection à cela. Il existe différents moyens pour régler ces problèmes, et, comme vous l'avez indiqué, des politiques et des programmes gouvernementaux représentent un moyen de le faire.

Vous avez mentionné à la fin de votre déclaration votre préoccupation concernant les soins de santé et les réductions d'impôt dans le budget actuel. Je ferais valoir que la notion de réduction d'impôt n'est pas une notion mutuellement exclusive, que ce pourrait être un moyen de répondre aussi à ces besoins. Et bien entendu il ne faut pas oublier que nos dollars d'impôt sont recueillis par les gouvernements fédéral et provinciaux, puis redistribués à d'autres par l'intermédiaire des programmes sociaux.

• 1630

Si je me suis lancé en politique, c'est entre autres parce que j'ai constaté que mon impôt ne cessait d'augmenter et que j'avais l'impression, en tant que particulier, d'avoir de moins en moins de choix personnels quant à la façon d'utiliser ces dollars disponibles pour ma famille. Je constate qu'il existe un vaste réseau de gens dans ma collectivité qui envisagent cela comme solution possible, bien des gens qui à mon avis bénéficieraient des solutions dont vous parlez. Ils représenteraient peut-être 30 p. 100 des gens. Vous avez parlé de l'équation 70-30—70 p. 100 des familles biparentales dont les deux parents travaillent.

Que feriez-vous dans le cas des 30 p. 100 qui ont fait le choix—comme les 70 p. 100; les choix, c'est formidable—que l'un des parents reste à la maison, ou qu'une autre personne reste à la maison pour s'occuper des enfants alors qu'une autre personne va gagner un revenu suffisant, comme vous le dites? Je suppose que ma question est la suivante: comment pourrait-on établir, comme vous l'avez dit dans vos commentaires, des programmes qui répondraient aux besoins de tous les enfants si cette catégorie de 30 p. 100 de gens qui font maintenant partie de la minorité chez les personnes qui travaillent dans notre société... Comment pourriez-vous répondre aux besoins de ces gens s'il ne s'agit pas de deux parents qui travaillent, de telle sorte qu'ils ne pourraient pas profiter des services de garderie offerts sur les lieux de travail, et ce genre de choses? Comment envisagez-vous une politique... Je suppose qu'une initiative de politique plutôt qu'un programme proprement dit permettrait de répondre aux besoins des personnes dans cette catégorie.

Mme Judith Maxwell: Il importe que la société reconnaisse le rôle que tous les parents jouent, quel que soit le choix qu'ils font, soit travailler à l'extérieur ou rester à la maison, et c'est pourquoi nous avons recommandé, entre autres mesures, un crédit d'impôt universel pour toutes les familles avec enfants.

M. Grant McNally: Très bien.

Mme Judith Maxwell: En d'autres termes, il s'agit d'une reconnaissance claire, symbolique—à certains égards—mais néanmoins tangible de l'importance que notre société accorde aux efforts faits par les parents et à l'apport qu'eux et leurs enfants feront à l'ensemble de la société.

Cela mis à part, il y a beaucoup d'autres éléments, sur le plan des programmes et des mesures d'aide, qui sont tout aussi importants pour les familles dont l'un des conjoints travaille et l'autre reste au foyer. Par exemple—et c'est très fréquent dans les pays d'Europe, même dans des pays comme l'Allemagne qui ont une position tout à fait différente quant à savoir si les femmes devraient ou non travailler et qui, en réalité, les encouragent à être des mères au foyer—on continue de penser que les services de garderie peuvent contribuer au bien-être de ces enfants. C'est un choix des parents, mais souvent ils souhaitent faire en sorte que leurs enfants aient la possibilité de s'épanouir dans le cadre d'une bonne garderie, même si l'un des parents reste à la maison pour s'occuper d'eux le reste du temps lorsque les enfants ne sont pas dans un service de garde préscolaire, ou quelle que soit la façon dont on les appelle.

M. Grant McNally: Puis-je vous interrompre un instant? Voulez-vous dire que les personnes qui tombent dans cette catégorie, à savoir les couples où l'un des parents reste à la maison et l'autre travaille à l'extérieur, devraient également pouvoir profiter de...

Mme Judith Maxwell: Des services de garde.

M. Grant McNally: ...des services de garde d'enfants? Vous pensez donc à l'éducation préscolaire.

Mme Judith Maxwell: Oui. Et nous faisons nettement la distinction entre ce que nous appelons le gardiennage des enfants et des services de garde axés sur le développement ou l'éducation.

M. Grant McNally: Absolument.

Mme Judith Maxwell: Tout comme vous souhaitez trouver la meilleure école possible pour vos enfants lorsqu'ils ont atteint l'âge de la scolarité, notre société va devoir évoluer de façon à ce qu'on se dise un jour qu'il faut trouver la meilleure école pour nos enfants dès l'âge de trois ans, à peu près.

Parmi les autres mesures susceptibles d'être très utiles pour tous les parents, quel que soit le choix qu'ils font, il y a les centres de ressources pour parents, qui sont là pour aider les parents d'enfants qui traversent une période un peu difficile à trouver toutes sortes de documents utiles, à consulter des conseillers, ou rencontrer d'autres parents avec qui partager leurs expériences, etc. S'il existait ce genre d'organisme communautaire... Comme nous le savons par expérience, la plupart de ces organismes sont gérés le plus souvent comme des coopératives, sans but lucratif.

• 1635

M. Grant McNally: Il s'agit donc d'officialiser les réseaux qui sont créés de façon officieuse dans de nombreuses collectivités et qui offrent ce genre d'appui parental.

Mme Judith Maxwell: Oui. On pourrait parler de «normaliser» les réseaux, en fait, car, maintenant que les familles se déplacent plus souvent qu'auparavant, la notion de famille élargie n'a plus le même sens qu'avant. Il n'existe plus de relations sociales toutes faites, à long terme, qui sont vraiment importantes pour les premières années d'éducation des enfants. Par conséquent, la collectivité peut s'organiser pour mettre ce genre de ressources à la disposition des parents.

Les familles peuvent également se trouver dans d'autres situations. Par exemple, il peut arriver qu'il y ait au sein d'une famille une personne âgée qui tombe malade, et d'un seul coup on est confronté à un programme de garde d'enfants même si on ne travaille pas à l'extérieur. Il peut arriver que l'un des enfants connaisse de graves difficultés, et la collectivité doit alors venir en aide aux familles qui ne peuvent pas résoudre elles-mêmes ces problèmes.

À mon avis, donc, l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale représente une question extrêmement importante pour bon nombre de Canadiens, mais les programmes et les mesures d'aide communautaire dont nous parlons ici ne devraient pas, selon moi, être exclusivement réservés aux familles monoparentales ou à celles dont les deux parents travaillent.

M. Grant McNally: Je vous remercie.

Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de prendre part au débat.

Le président: Je suis heureux de vous voir.

M. Grant McNally: Je regrette de ne pas pouvoir rester plus longtemps.

Le président: Revenez souvent.

M. Grant McNally: Je n'y manquerai pas. Merci de votre invitation.

Le président: Libby.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci.

Je remercie les deux témoins de leur présence. Vous savez sans doute que notre petit sous-comité a dû faire des pieds et des mains pour rester en place et étudier, grâce aux divers moyens à notre disposition, cette question d'une meilleure politique nationale concernant les enfants canadiens, une politique qui soit plus universelle.

J'ai deux questions à vous poser. La première concerne le budget. Celui-ci constitue un jalon. En fin de compte, il s'agit de savoir d'où viendra l'argent. Le budget est un jalon pour bon nombre des questions dont nous discutons.

En ce qui a trait au budget, je pense que l'on avait créé d'énormes attentes autour du fait que ce serait un budget pour les enfants et que nous allions au moins commencer à entrevoir les grandes lignes d'une politique future. Pour ma part, j'ai été extrêmement déçue, car le budget ne prévoit rien en ce qui a trait à la garde des enfants. On ne prévoit rien non plus pour un programme de logement. L'indexation de la prestation fiscale pour enfants et l'indexation en général sont une excellente initiative, à mon avis, mais même pour la prestation fiscale pour enfants, l'augmentation du montant de base, qui représente, sauf erreur, une cinquantaine de dollars, est d'environ un dollar par semaine. C'est vraiment minime.

Bien entendu, ce que je désapprouve le plus dans ce budget, c'est la disposition de récupération visant les familles ou les enfants qui vivent de l'aide sociale. En réalité, nous n'avons pas beaucoup progressé à l'égard du prétendu plan d'action pour les enfants.

J'aimerais savoir ce que vous pensez du budget et ce que le gouvernement aurait pu faire, selon vous, pour faire progresser ce dossier.

Mme Judith Maxwell: Je pense pouvoir dire sans exagérer que nous avons également été déçus, étant donné que, à la lecture du discours du Trône, on nous avait poussés à croire que le gouvernement comptait prendre des mesures beaucoup plus globales que ce que ne prévoit le budget.

Ce qui nous a déçus également, c'est que, vu de l'extérieur, le gouvernement semble s'essouffler depuis le coup d'envoi donné en 1998 avec la mise en place de la prestation nationale pour enfants grâce aux efforts conjoints du gouvernement fédéral et des provinces pour mettre cette disposition en vigueur et amorcer le Plan d'action national pour les enfants. Cela est assez inquiétant, car, en fait, l'interdépendance entre le fédéral et les provinces est un facteur extrêmement important si l'on veut que notre pays progresse dans ces domaines.

• 1640

Quant au budget proprement dit, il m'est difficile de faire tout un tintouin à ce sujet, car il prévoit certains progrès importants. Le fait que le congé parental ait été prolongé est à mon avis une mesure extrêmement utile, tant parce que cela fait comprendre aux parents que c'est une bonne chose que l'un d'entre eux reste à la maison pendant toute l'année que par l'aide financière même modeste qu'elle fournit aux familles désireuses de se prévaloir de ce congé. Les compromis ne sont plus tout à fait les mêmes, et cette mesure crée d'une certaine façon une enveloppe que nous pourrons essayer d'étoffer au fil des ans.

Quant aux modifications proposées au crédit d'impôt pour enfants, des fonds vont être injectés. On se concentre apparemment sur les familles à revenu modeste plutôt que sur celles à faible revenu. C'est un choix politique. Cela prouve également que les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas encore mis la touche finale aux initiatives qui visent à réduire le nombre d'enfants assistés sociaux et à favoriser l'intégrité des familles tributaires de l'aide sociale, si je puis dire, par rapport à la situation au cours des premières années de mise en vigueur du programme.

Il ne faudrait pas non plus oublier que les réductions d'impôt profitent aux familles, qui voient leur revenu disponible global augmenter. La difficulté avec le régime fiscal, c'est que c'est un outil d'intervention peu précis. Il n'en demeure pas moins qu'il est bon que le revenu disponible des familles augmente. Un revenu adéquat est d'importance capitale. Bon nombre des dépenses que les familles qui comptent des enfants doivent assumer sont cependant non répétitives, comme celles des frais de garde. Dans certaines province, une garderie agréée peut coûter entre 800 et 900 $ par mois. Il s'agit vraiment d'une somme très importante pour une famille qui compte de jeunes enfants.

La question se pose de savoir si nous allons mettre sur pied un système de garderies commercial, qui ne suffit pas à répondre à la demande, ou si nous allons opter pour un système comportant diverses formes de subventions.

Le Québec a opté pour un modèle particulier. À mon avis, il existe d'autres façons de financer les services de garde afin de les rendre largement accessibles aux familles. La déduction pour frais de garde d'enfants constitue une bonne mesure, mais il s'agit d'une mesure d'aide après coup. Les familles doivent être en mesure de payer entre 800 et 900 $ en frais de garde mensuels pour ensuite pouvoir réclamer cette déduction au mois d'avril suivant. Comme vous le savez, le remboursement ne représente qu'une partie des frais de garde engagés.

Les familles se trouvent donc mieux loties après le budget qu'avant celui-ci, mais nous ne sommes pas encore allés jusqu'à reconnaître que, comme il existe des programmes établis dans le domaine de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale, il faudra qu'il existe aussi des programmes étendus de soutien aux familles.

Mme Libby Davies: J'aimerais poursuivre dans la même veine. Je crois qu'il s'agit de trouver le bon équilibre. Comme vous le faites remarquer, personne ne s'oppose aux réduction d'impôt, mais il s'agit de savoir ce que cet argent permet vraiment d'acheter comme services.

Vous faites bien de souligner ce que coûtent les services de garde. Une famille a peut-être obtenu une réduction d'impôt de 100 $ ou 200 $... vous savez, ces 54 milliards de dollars. Ces réductions d'impôt profitent évidemment davantage aux familles aisées. Les familles à faible revenu n'ont cependant pas nécessairement les moyens d'acheter des services de garde commerciaux.

• 1645

Un élément a cependant changé. Je me souviens de l'époque où tout le débat tournait autour de la question de savoir si les mères devaient travailler ou rester au foyer. Les mentalités ont changé à ce sujet, mais cela ne se reflète pas dans le programme. Les mentalités ont tellement changé qu'on s'entend maintenant pour dire que l'intervention éducative auprès de la petite enfance et les services de garde ont un effet bénéfique sur les enfants, que leurs parents appartiennent à la population active rémunérée ou non rémunérée. Je pense que c'est une bonne chose. Malheureusement, on n'en a pas tenu compte dans l'élaboration des programmes.

Je trouve intéressantes les recherches que votre organisation a menées dans les centres de ressources pour les familles, car je répète qu'il n'existe pas qu'un seul modèle. Nous devons miser sur la souplesse. Je trouve excellente l'idée de créer un centre de ressources pour les familles offrant des services de garde agréés et d'autres programmes d'aide aux familles. Si je ne m'abuse, il existe 13 centres de ce genre au Nouveau-Brunswick—c'est cette province qui en compte le plus—et leur financement est assuré par le gouvernement fédéral.

Je me demande quel est le rapport entre ces centres et l'union sociale, puisqu'il s'agit clairement d'une responsabilité provinciale. Je me demande si vous pouvez nous donner plus de renseignements au sujet de ces centres de ressources et si vous pouvez nous dire s'ils vous semblent un bon modèle qui pourrait être appliqué dans l'ensemble du pays.

Le PACE est un tout petit programme qui est cependant très utile. Je me souviens que c'était M. Pettigrew qui était le ministre à l'époque, et il a dit au comité que si l'on tenait compte des fonds investis dans le domaine de l'éducation publique... Je m'excuse, il s'agissait de Santé Canada. Les sommes investies dans des programmes comme le PACE sont dérisoires. Pensez-vous que ces centres de ressources pourraient être inclus dans un système universel?

Mme Judith Maxwell: Nous sommes certainement favorables à l'idée de centres de ressources communautaires. Ces centres pourraient offrir toute une gamme de services, notamment des services professionnels et des groupes de soutien. Ils pourraient aussi servir de centres d'aiguillage et de renseignement sur diverses questions. On peut se reporter à différents types de modèles.

Les centres de ressources du Nouveau-Brunswick auxquels vous avez fait allusion ne s'adressent qu'aux familles à faible revenu. Nous préférerions que leur clientèle soit plus diversifiée et ne se sente pas stigmatisée. Ils ne devraient pas être associés aux familles d'une certaine catégorie de revenu. Il faut évidemment accroître le nombre de ces centres pour pouvoir élargir les services qu'ils offrent. Je crois que le Nouveau-Brunswick a dû faire un choix.

J'ignore quel type d'entente de financement ont conclue le gouvernement fédéral et le Nouveau-Brunswick. Le savez-vous, Sharon?

Mme Sharon Stroick (gestionnaire, Réseau de la famille, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Je ne peux pas m'en souvenir à brûle-pourpoint. Ce renseignement figure dans la partie consacrée aux cas provinciaux.

Mme Judith Maxwell: En effet. Nous retrouverons ce renseignement pour vous dans nos études.

J'ai déjà travaillé avec des gens qui exploitent un centre de ressources pour parents à Ottawa. Il s'agit d'un centre d'échange de jouets et de livres. On peut y emprunter des livres, et les enfants peuvent...

Mme Libby Davies: Ce centre offre-t-il des services de garde agréés?

Mme Judith Maxwell: Il offre des services de garde, un service d'évaluation et une halte-garderie ainsi que des services à plus long terme. La directrice administrative du centre m'a dit que sa clientèle comptait des gens qui ne fréquentaient pas le centre très régulièrement, mais qui aimaient l'idée de pouvoir compter sur ses services lorsqu'ils en avaient besoin. D'autres membres de la collectivité fréquentent régulièrement le centre.

• 1650

J'ai parlé plus tôt de dépenses non répétitives. La petite enfance ne dure pas très longtemps, mais les familles pauvres ou à faible revenu peuvent à peine se permettre d'acheter tout l'équipement nécessaire ainsi que les services de garde voulus jusqu'à ce que l'enfant atteigne cinq ans et fréquente l'école à temps plein. Tout cela est très coûteux, même pour des gens de la classe moyenne. Ces centres permettent de partager les ressources, et les parents peuvent faire appel à leurs services au besoin. Ils peuvent avoir recours à la halte-garderie lorsque la personne qui s'occupe normalement des enfants est malade. Le fait de pouvoir compter sur ce genre d'aide rassure beaucoup les parents.

Comme vous l'avez fait remarquer, l'investissement requis est très modeste par rapport à ce que coûtent d'autres genres de programmes.

Le président: Je souhaite la bienvenue à M. Ovid Jackson, qui revient de la Chambre, où il a appuyé avec compétence le ministre. En sa qualité d'ancien maire d'Owen Sound, Ovid compte une grande expérience sur le terrain et a mis en oeuvre des initiatives intéressantes dans sa collectivité.

Ovid.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et m'excuser auprès d'elles du fait que nous soyons si peu nombreux aujourd'hui. J'ai l'impression que je devrais toujours être au lit, mais je me suis fait un devoir d'être présent.

Mme Judith Maxwell: Nous comprenons tout à fait. Votre endurance nous épate.

M. Ovid Jackson: Je me souviens, Judy, de la première fois que je vous ai entendue prononcer un discours. Depuis lors, j'aime toujours vous écouter.

Le Canada n'est pas un pays unitaire. Il se compose de provinces. Je suppose que la force réside dans la diversité, mais je crois qu'on peut dire que dans le pays il y a des partis politiques et des tendances politiques. Chaque fois que le gouvernement fédéral essaie de mettre en oeuvre un programme dans le domaine de l'éducation ou des soins de santé, la question de la compétence provinciale se pose. À titre d'exemple, le gouvernement fédéral se met parfois à dos les provinces parce qu'il veut faire respecter les cinq principes de base de la Loi canadienne sur la santé. C'est vrai qu'il existe un déficit, et, lorsqu'on investit de l'argent, on veut savoir à quoi il sert. Voilà le coeur du problème.

Voici les questions que j'aimerais vous poser aujourd'hui: atteignons-nous les objectifs que nous nous sommes donnés pour ce qui est des investissements consentis dans le domaine qui vous intéresse? Quels sont les résultats obtenus grâce aux centres qui offrent des services occasionnels? Il y a des modèles qui fonctionnent. Le gouvernement fédéral devrait-il investir davantage dans les services de garde? S'il le fait, comment comptabilisera-t-on ces fonds? Dans quelle mesure atteignons-nous nos objectifs? Avez-vous établi une liste des mesures qui ont été prises? Vous vous êtes prononcés en faveur de certaines initiatives qui ont été menées à bien, comme l'année des femmes et le congé parental.

Voilà mes questions.

Mme Judith Maxwell: Malheureusement, nous n'avons pas pu établir quel serait l'investissement total nécessaire pour mettre en oeuvre l'ensemble de mesures que nous recommandons. Avant même le dépôt du budget, j'ai fait remarquer qu'il s'agissait d'un ensemble d'objectifs à long terme qui devront être échelonnés sur plusieurs budgets. Toute l'infrastructure nécessaire devra être mise en place progressivement dans de nombreux budgets, tant fédéraux que provinciaux.

L'adoption de la prestation nationale pour enfants représente une nouvelle ère dans les relations fédérales-provinciales. Les deux paliers de gouvernement sont parvenus à une entente dans le cadre de laquelle le gouvernement fédéral intervient par l'intermédiaire du régime fiscal, et les provinces interviennent par l'intermédiaire des services d'aide et de soutien qu'elles dispensent pour appuyer les familles. Je pense que c'est le modèle de l'avenir.

• 1655

Il n'est pas aussi facile d'appliquer ce modèle au financement des services de garde, étant donné que le gouvernement fédéral dispose de moyens d'intervention indirects dans ce domaine qui relève clairement de la compétence des provinces, et on peut toujours citer la Constitution.

À mon avis, nous devons viser à mettre en oeuvre un ensemble de programmes qui constitueraient l'infrastructure essentielle pour répondre aux besoins de la petite enfance. Les services de garde figurent sur cette liste, mais ce n'est pas le seul élément qui y figure.

Parlons maintenant un peu du rôle des provinces. La situation diffère d'une province à l'autre. Les provinces n'ont pas toutes la même conception du rôle de l'État et du rôle de la société et des familles. Même si nous tenons compte de la diversité de conception dans ce domaine, diversité que nous voyons habituellement comme une bonne chose...

Le président: Quelles sont nos options?

Mme Judith Maxwell: ...nous le respectons totalement; disons plutôt les choses ainsi... et compte tenu du fait que le gouvernement fédéral a la responsabilité résiduelle de veiller à ce que les Canadiens aient accès à des programmes à peu près semblables pour des coûts à peu près semblables dans l'ensemble du pays, de façon que les enfants nés en Nouvelle-Écosse aient des possibilités d'épanouissement et de développement comparables à celles des enfants nés en Saskatchewan, en Alberta et ailleurs, dans ce contexte, je pense qu'il est possible de créer ce que j'appellerais le «menu», les éléments de l'infrastructure que nous voulons tous créer d'ici cinq ou dix ans. Il faut bien des règles applicables à la contribution financière que le gouvernement fédéral est prêt à faire, en contrepartie d'une certaine visibilité. Les provinces ont une certaine liberté quant aux pièces du menu qu'elles veulent déplacer en priorité, et il faut leur laisser une certaine souplesse pour qu'elles puissent choisir entre des mécanismes axés davantage sur le marché et une intervention plus étatique.

En fait, une grande partie de cette infrastructure est axée sur la communauté et peut se réaliser par la coopération et l'intervention des organismes de base. La véritable question, c'est de savoir s'il faut prendre du recul et laisser les gens se débrouiller, sachant que dans de nombreuses communautés les ressources sont limitées, sinon presque inexistantes, ou bien si les autorités fédérales et provinciales peuvent favoriser un lancement plus rapide de ces initiatives communautaires.

Il faudrait une bonne dose de volonté politique pour conclure une entente de ce genre, mais en ce qui concerne l'enfance et la famille, même si l'on observe des points de vue différents dans l'ensemble du pays quant au rôle de la famille, je pense aussi que ce thème peut servir de cri de ralliement. Comme je l'ai dit dans ma déclaration introductive, nous nous disons tous prêts à investir dans nos enfants. C'est une priorité absolue pour l'ensemble de la population et c'est un sujet de préoccupation durable dans le débat public.

• 1700

M. Ovid Jackson: Est-on ici en présence d'un dilemme? Vous dites essentiellement que lorsqu'un jeune couple a des enfants, à moins qu'il n'obtienne l'appui d'un groupe de professionnels... Comme vous le dites, ce sont des situations que nous connaissons bien. On a des enfants, on les confie à une gardienne, et Dieu sait ce qu'il advient ensuite. J'ai eu de la chance avec mes propres enfants, et leur gardienne ne les a pas maltraités, ne leur a pas frappé la tête, ni rien de ce genre. Ensuite, une fois franchie cette étape, il faut passer à autre chose.

Que faisons-nous en matière d'éducation? Dans une certaine mesure, je crois que chaque génération a besoin d'éducation, et il en va de même de toutes les communautés. Les gens disent que les Libéraux font du «génie social», comme ils disent. Pour moi, c'est un sujet dont j'ai véritablement honte, car nous savons que lorsque les enfants sont bien traités par leur mère, lorsque celle-ci obtient de l'aide pendant les cinq premières années, on a moins besoin d'investir par la suite dans la lutte contre la criminalité, les soins de santé, l'éducation, etc.

Les gens parlent d'éducation, d'études universitaires ou collégiales pour leurs enfants, etc. Pendant toute ma carrière—évidemment, je suis professeur—j'ai eu l'occasion de rencontrer des enfants, dont certains avaient fait l'École Montessori, et je sais qu'ils sont tous différents. Il faut un endroit où l'enfant puisse jouer, rencontrer d'autres enfants, trouver différents éléments qui lui permettront de surmonter les difficultés. Les parents savent bien que lorsqu'ils les interrogent sur leurs premières expériences en calcul, les enfants mentionnent qu'ils se souviennent d'avoir joué avec telle ou telle chose et qu'ils ont trouvé comment faire des multiplications. Mais les enfants n'ont pas suffisamment accès à ce genre de choses. Comment utiliser les données et l'information disponibles pour faire en sorte que tous les enfants puissent en profiter? Les enfants sont tous différents, Dieu merci, car c'est ce qui fait la grandeur de notre pays. Chacun apporte ses propres atouts.

Mais je suis toujours navré de constater un tel gâchis. On peut bien en parler. Nous connaissons bien le problème. Peut-être faut-il solliciter votre aide pour bien diffuser l'information de façon à rappeler constamment aux parents et aux grands-parents que si leur expérience n'a pas été parfaite, il ne faut pas que les enfants repassent par les mêmes problèmes.

Mme Judith Maxwell: Ce qui me frappe beaucoup—et j'en ai fait l'expérience dans ma propre vie familiale—c'est le sentiment d'impuissance des parents. C'est ce qui est apparu dans un sondage du Globe and Mail lorsque ce journal a amorcé sa série sur les questions familiales. C'est l'un des messages les plus significatifs: les parents n'ont pas le sentiment de faire ce qu'il faut pour leurs enfants.

N'oublions pas qu'autrefois, à une époque dont bien des gens ont la nostalgie, les enfants grandissaient dans des familles étendues, où de nombreux groupes d'âge étaient représentés et où ils fréquentaient des tantes, des grands-mères, etc.; dans un tel milieu, les rapports parentaux étaient différents. Les enfants avaient sous les yeux plusieurs modèles dont ils pouvaient eux-mêmes s'inspirer lorsqu'ils devenaient parents.

Je crois aussi qu'à cette époque on ne se demandait pas si on était un bon parent ou non. Les gens n'avaient pas toute cette information qui nous dit maintenant que si on ne fait pas ce qu'il faut, on risque de compromettre l'avenir des enfants. Ces nouvelles connaissances suscitent bien des culpabilités, mais par ailleurs il est frappant de voir comment une présentation très simple de l'information, ou la possibilité d'interagir avec d'autres parents expérimentés et d'établir des réseaux informels d'information, est extrêmement importante et précieuse; elle peut même donner aux parents une énergie, des perspectives et une confiance renouvelées.

L'isolement, le fractionnement et l'absence de contact chez les parents donnent une triste indication de la façon dont notre société a évolué. Il se peut aussi que les parents craignent parfois de poser les bonnes questions. C'est pourquoi les histoires que l'on découvre dans les centres de ressources pour les familles ou pour les parents sont si intéressantes: il arrive qu'une conversation provoque un déclic, apaise les esprits et suffise à convaincre un parent qu'il est capable de faire face à toutes les situations concernant son enfant.

• 1705

Ces rapports qualitatifs et concrets semblent bien éloignés de l'action des autorités fédérales, et il n'est pas question ici de demander au gouvernement fédéral de gérer des centres de ressources pour parents dans chaque localité du pays. En revanche, s'il y a là un besoin criant de la part des parents et de l'ensemble des citoyens, et dans la mesure où l'on commence à remarquer dans tout le pays des expériences qui nous indiquent comment procéder, il faut alors se demander comment on peut faciliter les choses et favoriser ce genre d'éclosion. Peut-être y a-t-il encore des lacunes dans nos connaissances. Peut-être y a-t-il des difficultés financières. Peut-être est-ce tout simplement un problème de mobilisation. Mais voilà le genre de choses que le leadership peut proposer, sans pour autant dilapider les fonds publics.

Je ne veux pas dire que ma proposition réponde entièrement à la question. Pour obtenir les services de garderie nécessaires partout où les besoins existent et pour que tous les parents y aient accès, il faudrait faire des investissements massifs. Cela n'est pas douteux.

Le président: Avant que Libby ne s'en aille, je voudrais dire que nous avons ici un comité assez exceptionnel. De façon générale, je crois qu'il fonctionne sur la base d'une conspiration axée sur un objectif commun, et ce qui motive la plupart des membres du groupe, y compris quelques collègues absents, c'est un véritable intérêt et un ensemble de valeurs partagées par la quasi-totalité d'entre nous, pour ainsi dire.

J'en parlais avec Libby l'autre jour dans l'avion qui nous menait à Vancouver, où je devais rencontrer des spécialistes du développement de la petite enfance, et j'ai dit à la fin de la réunion qu'il fallait faire appel à Libby, car je ne pouvais être présent en permanence. Et c'est dans cet esprit que nous vous avons invitées. On voit bien que c'est là un sujet merveilleusement riche du point de vue de la cohésion sociale, et je sais que vous avez fait un travail critique remarquable sur ce thème.

Je crois également que vous avez mis l'accent sur quelque chose qui deviendra certainement un outil essentiel de marketing social: on a sans doute la nostalgie de certaines formes de structures familiales qui ont disparu—et je pense ici à la famille stable, étendue, regroupant plusieurs générations, qui devient de plus en plus rare ces jours-ci—mais je crois qu'on a aussi la nostalgie du sentiment communautaire, qui se manifeste dans la façon dont les gens se renseignent sur le voisinage lorsqu'ils achètent une maison ou un appartement. Ils recherchent certains indices, appliquent certains critères, comme la présence de tricycles ou de paniers de basket-ball, ou autres choses. Même si l'on peut se servir d'outils nouveaux pour reconstruire d'anciennes institutions comme la communauté, je crois que tout cela peut nous être très utile.

Par ailleurs, je m'interroge sur le rôle que peut jouer votre organisme au sein de cette conspiration, car, évidemment, nous voulons vous y impliquer. On a parlé des différences entre programme et politique. Il faut toujours être prêt à saisir une occasion, même lorsqu'on a un plan quinquennal. L'occasion à saisir pourrait se présenter avec le budget. Si on l'examine en y recherchant les points correspondant aux meilleures politiques, on va pouvoir attribuer des notes au gouvernement et voir s'il progresse sur certains terrains, comme les congés parentaux, etc.

La plus belle occasion qui s'offre à tous les conjurés de cette conspiration, quel que soit leur parti, c'est l'engagement réitéré du gouvernement fédéral de mettre en place un «plan d'action national» d'ici à la fin de l'année dans le contexte d'une structure d'union sociale qui devrait comporter le Plan d'action national pour les enfants et mettre l'accent sur le développement de la petite enfance au niveau communautaire.

Je me pose donc une question concernant l'orientation future de vos travaux et le rôle que vous pouvez jouer dans l'élaboration des politiques. Compte tenu des délais et de cette possibilité réelle d'en venir à une entente, comment pensez-vous... Nous voulons non seulement obtenir une entente, mais nous voulons aussi qu'elle soit bonne, qu'elle comporte davantage de structures qu'une simple stratégie de réinvestissement de l'argent consacré au Plan d'action national pour les enfants, qui, comme vous le savez, donne des résultats variables; sous réserve des mesures concernant les sans-abri, il faut que l'enfance constitue le premier élément de l'accord sur l'union sociale. Que pensez-vous faire dans ce dossier?

• 1710

Que pensez-vous du programme et du caractère sordide de... Vous nous avez apporté des éléments merveilleux qui ont contribué à votre produit final, notamment avec les possibilités au niveau provincial, mais que pensez-vous en faire au cours des neuf prochains mois?

Mme Judith Maxwell: Je suis comme tout le monde. Nous sommes en période de remise en question, compte tenu de ce qui figure et ne figure pas dans le budget fédéral et de ce dont on parle ou ne parle pas actuellement dans le dialogue fédéral-provincial.

Notre stratégie de recherche a consisté tout d'abord à étudier les politiques en place dans six provinces, et nous sommes en train de terminer cette étude dans les quatre provinces restantes, ce qui va nous permettre de composer des tableaux couvrant l'ensemble des 10 provinces. En un sens, ces travaux seront utiles si les discussions se poursuivent, car on y trouve une description de la situation actuelle, avec des données très récentes présentées province par province.

L'étape suivante de notre plan stratégique était alors de passer au groupe d'âge suivant, les enfants âgés de six à quinze ans, et de procéder à une analyse de toute la gamme des politiques et des programmes offerts à ce groupe, dans les secteurs de la santé, de l'éducation, des services sociaux, des loisirs, et de la culture, et, encore une fois, puisque nous sommes une fédération, nous essayons d'établir quel devrait être le point de départ, quels sont les endroits où on a fait le plus de progrès dans ce dossier, et les leçons que nous pouvons tirer des régions qui offrent, par exemple, un meilleur ensemble de programmes et de services.

Si nous obtenons suffisamment de ressources financières pour faire ce travail, nous aimerions également procéder à des études de cas dans certaines collectivités pour que nous puissions passer à une étude verticale plus détaillée. Nous avons à peine entamé la première étape de ce programme, mais nous comprenons déjà l'importance de la communauté pour les jeunes de six à quinze 15 ans, l'importance d'un programme complet. Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire pour obtenir plus de détails afin de continuer à appuyer la discussion publique sur ces questions, également en ce qui a trait à la petite enfance.

Une chose qui pourrait alimenter le débat de façon positive—et vous en avez fait mention au début de la réunion—ce serait d'identifier certains des types de ressources communautaires qui existent déjà au Canada, et en connaître plus long sur ce qu'on y offre, comment ces systèmes fonctionnent, pourquoi on les a mis sur pied, et quels sont leurs principaux avantages, défis et obstacles, etc. Je ne sais pas si, à titre de comité, vous pensez que vous pourriez inviter des représentants de ces centres de ressources à venir vous parler de leurs travaux et de leurs activités. Je crois que cela permettrait d'enrichir de façon marquée les discussions, ce qui nous permettrait d'avoir une bien meilleure idée de ce qui se passe dans ces centres de ressources.

Nous avons appris certaines choses, mais je ne crois pas que nous soyons vraiment en mesure, à court terme, de... Certaines évaluations ont été faites, et nous avons essayé de les étudier, mais pour ce qui est de comprendre ce qui existe, je crois que le comité serait mieux en mesure de se procurer ces détails.

Le président: Il existe un certain nombre d'exemples assez révélateurs. Il y a un projet de démonstration et cinq projets pilotes, comme l'initiative Comprendre la petite enfance, de la Division de la recherche appliquée de DRHC, et le projet de profil des collectivités, qui sont très utiles. Il y a également cinq projets pilotes en Ontario—y compris dans la région d'Ottawa-Carleton—en plus des projets effectués dans le cadre du PACE, de petits projets qui sont cependant très intéressants.

• 1715

Dois-je conclure d'après ce que vous dites que dans une certaine mesure, si l'on compare ce que vous faites à ce que d'autres font, vous vous êtes penchés principalement sur le groupe de zéro à six ans, et que vous pensez vous inspirer de cette base plutôt que... Je suppose que les autres groupes essaient de comprendre quel genre de système permettrait de faire ce qui est nécessaire. Est-ce ce dont se chargent les autres?

Mme Judith Maxwell: Je crois que nous pourrions faciliter ces travaux, mais je ne pense pas que nous pourrions nous charger de cette étude, si je peux m'exprimer ainsi.

Si nous avons un échéancier de neuf mois, il faudra être très pragmatique à l'égard de la collecte de renseignements et de séances de remue-méninges pour concevoir ce qui—moi j'appelle ça un menu—décrirait l'infrastructure nécessaire à long terme. Je crois que certains des travaux plus détaillés que nous avons faits par le passé représentent un fondement dont on peut se servir, mais nous ne voudrions pas nous servir de nos ressources pour assurer l'élaboration d'une politique éventuelle.

Le président: Très bien.

Mme Judith Maxwell: Nous pourrions assurer une table de concertation où ce genre de conversation ou de discussion pourrait se dérouler.

Le président: Je crois que c'est probablement ce qui devra se produire. Ce qui est frappant, c'est que—si je peux faire une comparaison, et également une observation politique—il est clair que toute demande d'aide financière s'accompagnera toujours de l'apparition du spectre du secteur de la santé, parce qu'une province peut toujours dire: avant que vous ne fassiez cela vous devez... Et tout argument bien fondé sur la santé de la population et la réduction de la demande et tout ce genre de choses se trouve toujours écarté par des épidémies de grippe ou par des crises dans les salles d'urgence.

Ainsi notre défi est donc de faire quelque chose qui porte sur la question, c'est-à-dire qu'il faut procéder d'une façon qui vous permette de jouer un rôle positif, de tenir compte de la situation, mais vous devez également établir des paramètres qui vous permettront de vous occuper également d'autres choses.

Il faut pratiquement s'imaginer ce que sera le document qui sera signé par le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux. Quel serait ce document? Dans quelle mesure serait-il compatible avec ce qui a été énoncé dans le Plan d'action national pour les enfants? On retrouve au moins cinq des six grands points, à l'exception peut-être des adolescents, qui sont abordés ailleurs. Comment cela cadrerait-il dans l'entente-cadre sur l'union sociale, en insistant sur des choses comme les résultats et la responsabilisation, qui semblent être des choses positives, et une façon très utile d'aider à définir le menu, en s'assurant que ce dernier soit vraiment transparent, de sorte que les gens ne puissent pas faire des suppositions ou se servir d'anecdotes sans être tenus de prouver ce qu'ils disent? Est-ce que cela serait semblable à la Loi sur la santé? Je ne sais pas si vous avez vu le document préparé par Ken Battle, mais il y avait trois options qui présentaient ce que pourrait être le programme sur le développement de la petite enfance, et une de ces options était un fonds qui croîtrait progressivement, dont on pourrait se servir pour les programmes touchant la petite enfance.

Il y a d'autres questions, comme est-ce que les collectivités... Ce programme sera universel, mais devrait-il à ses premiers jalons être offert de façon volontaire par les intéressés? Ainsi, une communauté doit définir ce dont il s'agit. Elle doit s'organiser suffisamment pour présenter une demande d'accès à des ressources provenant d'un fonds qui est alimenté par les deux paliers de gouvernement et qui est administré dans le cadre d'une entente quelconque. Est-ce là la façon dont il faudrait constituer progressivement ce cadre national? Si vous n'offrez pas à une communauté le choix d'y participer, vous ne pouvez certainement pas l'imposer.

• 1720

Il s'agit là de certaines des questions pratiques qui sont soulevées par cet échéancier. Je ne sais pas si vous vous êtes penchés sur certaines de ces choses ou si dans vos travaux vous suggérez certaines façons de composer avec ces problèmes.

Mme Judith Maxwell: Je ne crois pas m'être suffisamment penchée sur la question pour vous offrir officiellement de propositions aujourd'hui, mais il s'agit certainement là d'un secteur dont j'aimerais discuter.

Je crois qu'une des choses que j'aimerais aborder, et c'est quelque chose qui m'inquiète de plus en plus depuis quelques années, c'est ce qui se produit dans le coeur des grandes villes au Canada. Nous savons que c'est là que les quartiers sont les plus faibles et que c'est là également que les revenus sont les plus faibles. Il me semble que, compte tenu du fait que dans certains de ces centres-villes il y a beaucoup de pathologies sociales comme la toxicomanie et l'alcoolisme, ainsi que la violence, on peut supposer qu'il y a également certaines faiblesses au niveau des soins prodigués par les parents.

Nous pourrions nous pencher sur certaines des pires situations qui existent dans les villes qui sont prêtes à ajouter leurs ressources à celles des provinces, et de cette façon nous pourrions lancer des projets pilotes de taille—si je peux m'exprimer ainsi—où tous les mécanismes dont disposent le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les organisations communautaires pourraient être mobilisés et adaptés à des circonstances particulières.

À cet égard, il existe une dimension géographique qui implique que la notion de normes nationales, ou une notion comme celle que nous avons utilisée par le passé, devient un problème en raison de la nature même des circonstances, qui pourraient exiger un programme adapté; ainsi les choses sont différentes à Edmonton, où il y a une importante communauté autochtone par rapport à Toronto, où la situation est bien différente, où l'histoire, la culture, les sources potentielles de revenu, etc., sont bien différentes.

Le président: Il faut toujours chercher à équilibrer le particulier et l'universel. Êtes-vous partisane de ce qu'on appelait l'indice de la capacité d'apprentissage, l'habilité à apprendre chose qui s'appellera probablement la semaine prochaine l'indice de développement des jeunes enfants—cette chose qu'élaborent DRHC, Dan Offord et d'autres intervenants? Êtes-vous partisane de ce système? Croyez-vous qu'il peut faciliter l'établissement du profil des collectivités, l'identification des domaines, et l'identification de stratégies pour régler les problèmes identifiés? Cet indice est-il suffisamment universel pour tenir compte des facteurs universels de développement humain et suffisamment souple pour tenir compte des conditions locales? Avez-vous une opinion sur la question?

Mme Judith Maxwell: Cela fait un certain temps que je l'ai vu, et je ne sais pas comment il a évolué et quelle sorte de facteurs sont aujourd'hui inclus. Mais je crois qu'il a toujours été conçu pour inclure un certain nombre de données fondamentales qui, si je peux le dire ainsi, regroupées donnaient un indice. Je ne pense pas en savoir assez pour faire un commentaire éclairé.

En établissant le profil des écoles du conseil scolaire de North York, nous avons compris qu'en réalité il ne s'agissait pas de mesurer la performance des écoles les unes par rapport aux autres, mais de mesurer l'évolution de la performance de chaque école deux ans plus tard pour pouvoir évaluer les progrès réalisés et les besoins des enfants concernés.

Il était intéressant de constater au sein de ce conseil scolaire les différences énormes d'une école à l'autre. Je pense donc que ces indices, quels que soient leur conception et leur contenu, doivent être utilisés de manière très nuancée; autrement vous ne faites que stigmatiser ces écoles. S'ils sont utilisés de manière constructive pour mesurer les progrès, les progrès des enfants d'une année sur l'autre, les causes de satisfaction et les progrès deviennent plus évidents. Cela vous permet également de ne pas vous écarter du but principal de l'exercice, à savoir la satisfaction des besoins des enfants ou des citoyens qui sont ciblés par ces programmes.

• 1725

Le président: Le comble de l'ironie, c'est que ce n'est jamais la performance des écoles qui est mesurée, mais toujours les milieux sociaux qui alimentent les écoles, car cet indice est mesuré quelques mois après l'arrivée des enfants dans les écoles. Une des raisons pour lesquelles les enseignants aiment tellement cet indice, c'est qu'il ne mesure pas leur performance, mais la performance du matériau brut qui leur est livré. Lorsqu'en troisième année, comme cela se fait en Ontario, l'indice d'apprentissage de la lecture et les mathématiques est mesuré, vous avez le moyen de déterminer, sachant à quel niveau étaient les enfants lorsqu'ils sont arrivés en maternelle, si vous êtes vraiment parvenu à les aider.

Mme Judith Maxwell: Je crois qu'il est très facile de mesurer la performance de l'école en examinant la progression de l'indice pour un groupe spécifique d'enfants. Mais bien entendu les enseignants vous diront toujours qu'ils ne sont pas responsables de ce progrès, mais que ce sont les enfants.

Le président: Oui.

Mme Judith Maxwell: Néanmoins, je pense...

M. Ovid Jackson: Ils ont eu de la chance, mais ce sont eux qui se sont fabriqué leur propre chance.

Mme Judith Maxwell: Mais je crois que l'on constate également—et je sais que vous ne l'ignorez pas—que les écoles les plus performantes sont celles qui cultivent les liens les plus étroits avec les parents...

Le président: Et la collectivité.

Mme Judith Maxwell: ...et la collectivité, surtout dans certains de ces milieux sociaux qui nous causent le plus d'inquiétude quant aux conditions de vie des enfants.

Le président: Si je lis entre les lignes, je crois comprendre que M. Jackson...

M. Ovid Jackson: Le caucus national se réunit à l7 h 30.

Le président: Je croyais en fait qu'il allait y avoir un vote.

M. Ovid Jackson: Non, le cocus national commence à 17 h 30.

Le président: Je m'y perds. Je n'étais pas au courant.

M. Ovid Jackson: C'est pourtant la vérité.

Le président: Je serai le dernier à la contester.

Remercions la providence de nous avoir procuré une oasis de calme et de raison dans un monde de folie et de fureur. Je tiens à vous remercier d'être venues nous voir et à vous dire que, quelle que soit la casquette, je suis certain que formellement ou informellement nous resterons en contact sur cette question. Votre témoignage a été très utile, et j'espère que le compte rendu sera fort utile pour guider le travail futur de notre comité. Nous resterons en contact avec vous au fur et à mesure que nous avancerons dans nos travaux. Encore une fois, nous vous remercions d'être venues et de ne pas nous en vouloir d'avoir pris du retard.

Mme Judith Maxwell: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.