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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ SUR LES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DES RESOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 mars 2000

• 1615

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Paul, nous vous attendions avec impatience. Nous pouvons maintenant commencer la réunion.

J'aimerais officiellement souhaiter la bienvenue à Frances Woolley. Nous allons maintenant discuter en bonne et due forme de ce dont nous parlions entre nous. Vous allez nous exposer votre point de vue sur la question, pour les fins du compte rendu.

Mme Frances Woolley (professeur agrégé, Département d'économie, Université Carleton): D'accord.

La question fondamentale que doit se poser le comité est la suivante: comment partager les coûts associés aux soins des enfants entre les membres de la société? L'aide aux familles ayant des enfants varie beaucoup, allant d'extrêmement généreuse à minime. La famille à revenu unique qui gagne 70 000 $, bien qu'elle ne soit vraiment pas à plaindre, peut fort bien ne recevoir aucune compensation pour ses responsabilités parentales.

Le comité doit s'attaquer à cette question d'équilibre, et voir s'il est possible de mettre sur pied un programme mieux structuré pour venir en aide aux familles ayant des enfants.

Merci.

Le président: Il s'agit là d'une des déclarations les plus brèves à être consignée au compte rendu. On dirait presque un haïku.

[Français]

Madame Gagnon, voulez-vous poser les mêmes questions qu'avant votre départ?

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Oui. Vous avez parlé de l'équilibre qui devait exister au niveau de l'aide aux familles. Selon moi, cet équilibre est plus ou moins présent. C'est une bonne chose qu'on ait augmenté la prestation fiscale pour enfants, bien qu'on n'ait pas tenu compte de toutes les autres formes d'aide qu'il faudrait apporter à la famille. Je pense entre autres aux services de garde. Comme je l'ai mentionné, le Québec a déjà mis sur pied son propre système de garderies à 5 $ par jour, mais il ne retire aucun appui de la part du gouvernement fédéral pour ce programme qui lui coûte énormément cher. Le fédéral n'investit pas un sou dans les services de garde. Pour financer une partie des services de garde, on va puiser dans la prestation fiscale pour enfants, qui est un équilibre entre le fédéral et le provincial, et on répond à des besoins essentiels qui sont définis par les provinces. Au Québec, ceux qui s'attendent à recevoir un bon montant à titre de prestation fiscale pour enfants ont l'impression qu'on enlève de l'argent dans les poches des familles, qu'on réduit les allocations familiales afin de pouvoir investir dans les services de garde. Le gouvernement fédéral devrait créer un fonds à l'intention des provinces qui mettent sur pied des services de garde et laisser aux familles les prestations fiscales pour enfants auxquelles elles ont droit.

Ceci m'amène à vous parler d'une autre politique, celle qui vise les congés parentaux. Vous sembliez être en faveur de cette politique et du fait qu'on a doublé la durée du congé parental. Je ferai toutefois une critique à l'égard de cette politique: on n'a pas fait preuve de vision et d'ouverture quant aux critères d'admissibilité à l'assurance-emploi. On exige un nombre d'heures de travail excessif, soit 700 heures de travail pour les femmes qui travaillent à temps partiel. Très peu de femmes peuvent se prévaloir des prestations d'assurance-emploi et celles qui en reçoivent ne touchent que 55 p. 100 de leur salaire. De plus, on ne tient pas compte des travailleuses autonomes. On sait que les jeunes représentent 15 p. 100 de la main-d'oeuvre au Québec. Je ne sais pas si la proportion est la même au Canada. Cette politique ne semble pas adaptée à la réalité du marché. Encore là, avant d'annoncer qu'on portait la durée du congé parental de six mois à un an, on aurait dû prévoir d'autres mesures qui auraient tenu compte de toutes ces facettes liées à l'adaptation au nouveau marché du travail.

Les impôts sont une autre facette qui touche le budget des familles. Dès qu'on gagne 14 000 $ et quelques grenailles, on paie de l'impôt au fédéral, tandis qu'au Québec, ce seuil est établi à 32 000 $. Si on veut aider les familles, il faut trouver un équilibre entre plusieurs mesures pour faire en sorte qu'un jeune couple ou un chef de famille monoparentale puisse bénéficier des services de garde, recevoir une meilleure allocation pour enfants et bénéficier d'un seuil d'imposition un peu plus élevé afin qu'il lui reste un peu plus d'argent dans ses poches. Bien que le gouvernement ait fait certains efforts dans son budget afin de baisser les impôts, les salariés qui ont de modestes revenus entre 13 000 $ et 20 000 $ ne constatent qu'une faible différence: quelque 2 $ par mois au cours de la prochaine année et, si je me souviens bien, une quarantaine de dollars d'ici trois ans.

• 1620

Si on avait vraiment reconnu que la situation est urgente, on aurait tout de suite agi dans ces quatre domaines. Est-ce que vous êtes d'accord? Je suis certaine que vous êtes d'accord avec moi.

[Traduction]

Le président: C'était votre question?

Mme Christiane Gagnon: Il y a trop de micros ici qui sont allumés.

Mme Frances Woolley: Vous avez abordé beaucoup de sujets. Je ne sais pas si vous le savez, mais la Colombie-Britannique vient d'annoncer qu'elle offrira elle aussi, tout comme le Québec, des services de garde à 5 $ par jour.

Le président: En commençant par les enfants plus âgés.

Mme Frances Woolley: C'est ce qu'a fait le Québec.

Le président: Il est question ici d'enfants âgés de sept et huit ans qui auront accès à un service de garde parascolaire.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Au Québec, on a commencé par les enfants de cinq ans à trois ans.

[Traduction]

Mme Frances Woolley: Le système de garderie à 5 $ par jour est une question fort complexe. Il a ceci d'avantageux qu'il permet aux parents de retourner sur le marché du travail s'ils le désirent. Il est beaucoup plus facile pour eux de choisir entre prendre un emploi ou rester au foyer. Le système coûte également très cher. Pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'un bon placement, cela dépend de certains facteurs.

D'abord, il y a les avantages que présentent les soins à domicile par rapport aux soins donnés par d'autres. Si vous dites que les soins à domicile donnent droit à toutes sortes d'avantages, vous n'appuierez pas le système. Si vous dites que les enfants sont bien soignés dans les garderies, vous y serez beaucoup plus favorable.

Cela dépend également de la façon dont vous percevez la participation des femmes à la population active—dans quelle mesure il est important d'encourager cette forme de participation. Encore une fois, les gens ne s'entendent pas là-dessus.

Ce débat est absolument fascinant, car il sera intéressant de voir comment évoluera à long terme la rémunération des femmes. Il est difficile pour moi de prendre position d'une façon ou d'une autre, en raison des enjeux en cause.

Le président: Est-ce...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Recommanderiez-vous au gouvernement fédéral d'aider davantage les provinces ou les familles? La prestation nationale pour enfants va directement dans les poches des familles. Une province met sur pied un service de garde et vient puiser une partie de l'allocation qui a été donnée par le fédéral et prévue dans les deux derniers budgets pour couvrir une partie des frais. Je ne sais pas si l'on devrait privilégier les services de garde à l'extérieur ou à la maison. Je crois que ce choix dépend des situations particulières et du contexte du marché du travail des femmes.

Comment pourrait-on sensibiliser le gouvernement fédéral aux dépenses que doivent faire les provinces, en l'occurrence le Québec et la Colombie-Britannique, puisque vous me dites qu'elle mettra sur pied un système semblable, et à l'importance de la prestation fiscale pour enfants pour les familles? Les familles qui peuvent bénéficier d'un service de garde à 5 $ par jour se retrouvent avec moins d'argent dans leurs poches lorsque les provinces doivent aller puiser dans la prestation fiscale pour enfants. Par contre, lorsque les provinces n'adoptent pas une telle politique, bien que les familles aient plus d'argent dans leurs poches, elles doivent payer davantage pour obtenir des services de garde. Elles doivent débourser environ 20 $ par jour pour les services d'une gardienne à la maison ou à l'extérieur.

Le gouvernement fédéral signe des ententes avec les provinces et leur confie l'administration de la prestation fiscale pour enfants. Les provinces peuvent investir ces sommes comme elles l'entendent en autant que ces sommes soient investies au bénéfice des enfants. Mais, dans la réalité, la perception est tout autre.

La Fédération des femmes du Québec réclame qu'on laisse les prestations fiscales pour enfants dans les poches des familles et qu'on ne leur enlève pas la bonification qu'a consentie le fédéral cette année. Cependant, afin d'offrir des services de garde aux familles, le Québec a besoin de certains fonds, tout comme ce sera le cas de la Colombie-Britannique, qui fera face aux mêmes problèmes de perception de sa population, qui croira qu'on enlève dans les poches des familles les sommes supplémentaires que le fédéral aura données.

Cette perception est extrêmement frustrante puisque le Québec fait de grands efforts pour mettre sur pied un service de garde, tandis que sur le plan politique, ce n'est pas une initiative rentable. Cette année, on veut offrir le service de garde à 5 $ à tous les enfants âgés de zéro à cinq ans et l'offrir de façon beaucoup plus large.

• 1625

Les familles ne semblent pas être conscientes qu'elles bénéficient d'un service de plus lorsqu'elles reçoivent un peu moins d'argent directement. Si ce service de garde ne leur était pas offert, il leur en coûterait plus cher pour obtenir des services de garde. Nous devrons commencer à songer sérieusement à cela si nous voulons vraiment nous doter d'une politique de la famille.

[Traduction]

Le président: Fin de la petite intervention.

Mme Frances Woolley: Une étude fort intéressante, et je peux donner la référence à votre attaché de recherche, a été réalisée par Baril et... Quoiqu'il en soit, c'est une étude de l'IRPP qui porte sur les services de garde offerts au Québec. On a examiné entre autres la question de savoir s'il était préférable de verser l'argent directement aux familles ou de fournir des services.

D'après l'étude, les familles au Québec ont accès à toute une gamme de services de garde, et il serait plus logique de verser l'argent directement à celles-ci. Il en coûterait plus cher de donner aux familles 25 $ par jour et de les laisser utiliser cet argent comme elles l'entendent, que de fournir des places en garderie, du fait que celles-ci sont limitées.

La question centrale qu'il faut se poser est la suivante: devrait-on verser l'argent aux familles ou aux provinces? Dans une certaine mesure, il s'agit d'une question essentiellement politique plutôt qu'économique. En ce qui me concerne, j'ai été étonnée de voir qu'on n'a pas investi davantage dans la prestation nationale pour enfants dans le budget. Je pensais qu'on allait y consacrer plus de fonds puisque, comme vous le savez, elle sert à financer divers programmes provinciaux. Je pensais qu'on allait la bonifier, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit essentiellement d'une question politique qui demande un effort de coordination, ainsi de suite.

Vous avez également parlé de congé parental et des impôts. Puis-je prendre le temps de répondre à ces questions?

En ce qui a trait au congé parental et aux critères d'admissibilité, vous avez tout à fait raison. Il ne fait aucun doute que l'adoption du système fondé sur le nombre d'heures a contribué à réduire le nombre de personnes admissibles au congé de maternité. On a réduit, dans le budget, le nombre d'heures de travail exigées, de sorte qu'il semble y avoir une amélioration de ce côté-là. Nous avons que seulement 48 p. 100 des travailleuses réclament des prestations de maternité. Ce que nous ne savons pas, par contre, c'est combien de femmes travaillent à leur compte ou accomplissent moins d'heures que le nombre d'heures exigées. Nous ne savons pas pourquoi certaines personnes ne sont pas admissibles au programme.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: On peut expliquer cela par le fait que des prestations équivalant à 55 p. 100 du salaire sont insuffisantes et qu'une femme peut juger qu'elle ne peut vivre convenablement pendant son congé parental en ne recevant que cette somme pendant six mois. Qui a les moyens de se payer un tel congé parental?

De plus, il y a un problème au niveau de l'admissibilité. On a diminué le nombre d'heures de travail exigé, le faisant passer de 700 à 600. Nous recommandions qu'on n'exige que 300 heures de travail. Le Québec a soumis une politique de la famille où l'on propose que le délai de carence de deux semaines soit annulé dans le cas des congés parentaux. Les parents ne seraient plus soumis à une période d'attente et auraient droit à un chèque d'assurance-emploi sans délai. Nous avons aussi recommandé que les prestations soient équivalentes à 70 p. 100 du salaire et que l'accessibilité soit élargie afin que toute personne ayant gagné 2 000 $ et travaillé pendant pendant 300 heures y soit admissible.

Nous sommes encore loin de ces mesures que le Québec a recommandées. Il avait proposé que le congé parental soit prolongé de trois ou quatre semaines, et non jusqu'à un an. Les femmes préféreraient peut-être qu'on leur accorde un congé parental de sept mois pendant lequel elles toucheraient 70 p. 100 de leur salaire, plutôt qu'un congé d'un an pendant lequel elles n'en toucheraient que 55 p. 100. Il est question de déterminer si on peut se permettre de rester à la maison en ne recevant que 55 p. 100 de son salaire.

• 1630

[Traduction]

Le président: Nous allons répondre à cette dernière question, et ensuite passer à Paul Forseth.

Paul, votre groupe est en train de partir, mais cela ne vous empêchera pas de poser des questions. Ils ne travaillent pas pour moi. Il s'agit du Forum pour jeunes Canadiens. Ce n'est pas grave.

Au revoir. Merci à tous d'être venus.

Nous allons maintenant revenir à Paul Forseth. Bienvenue, et merci de nous avoir permis de tenir la réunion.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je devais malheureusement assister à une autre réunion.

Madame Woolley, merci d'être venue. Votre analyse des mesures que propose le budget fédéral en faveur des enfants repose sur une approche plus réfléchie, détachée.

En ce qui me concerne, j'estime que le dernier budget fédéral est un échec total, si l'on tient compte des mesures qu'il propose pour venir en aide aux familles, surtout quand on le compare à l'alternative que nous proposons et que nous appelons la solution 17.

Je me demande si vous avez examiné certaines des mesures que nous avons proposées. Mentionnons, entre autres, le rétablissement de la déduction forfaitaire de 3 000 $ pour les enfants; le relèvement à 10 000 $ de l'exemption de base et de l'équivalent de l'exemption de marié; et l'imposition d'un taux unique de 17 p. 100, ce qui élimine la disparité entre les familles à revenu unique et à deux revenus. Nous proposons aussi le maintien du programme de la prestation fiscale pour enfants, de la déduction pour frais de garde d'enfants, ainsi de suite.

Compte tenu des mesures que nous proposons, et nous arriverions quand même à équilibrer le budget, à accroître les dépenses du gouvernement, ainsi de suite, il y a lieu de se demander ce que fait le gouvernement avec notre argent, notamment pour venir en aide aux familles, pour répondre à leurs besoins? Nous avons examiné toutes les mesures législatives afin de déterminer si elles tiennent compte des besoins des familles. C'est l'approche que nous avons utilisée.

D'abord, avez-vous cherché à savoir si les mesures que nous proposons sont possibles et réalisables? Elles le sont, car tous les chiffres ont été calculés par ordinateur. De plus, que pensez- vous de l'idée de revenir à la déduction forfaitaire de 3 000 $ par enfant? Chaque parent y aurait droit. J'aimerais d'abord avoir votre opinion là-dessus.

Mme Frances Woolley: Malheureusement, je n'ai abordé que très brièvement le modèle proposé par l'Alberta. En fait, pour répondre à votre question, je n'ai pas comparé le budget fédéral à l'alternative 17. Il faudrait que j'examine les chiffres de près pour voir s'il est possible de majorer les exemptions, de réduire les taux, sans que cela ne se répercute sur le revenu. Il doit manifestement y avoir quelque chose de plus derrière tout cela. Je ne le sais pas.

• 1635

Pour ce qui est de la déduction de 3 000 $ par enfant, elle serait beaucoup moins avantageuse pour les familles à faible revenu que la prestation fiscale pour enfants. En vertu de votre programme, une famille qui gagne 20 000 $...

M. Paul Forseth: Mais elle s'ajouterait à ce montant.

Mme Frances Woolley: Elle s'ajouterait à la prestation fiscale pour enfants?

M. Paul Forseth: Oui.

Mme Frances Woolley: D'accord. Je ne vois vraiment pas comment vous arriveriez à le faire, parce que l'Institut C.D. Howe a proposé une déduction de 2 000 $...

M. Paul Forseth: Je vais vous fournir une copie du document, parce qu'il...

Comme vous le savez, une fois que vous commencez à verser de l'impôt, vous êtes imposé au taux de 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100. Eh bien, nous éliminons les trois taux et le remplaçons par un taux unique de 17 p. 100.

Mme Frances Woolley: Oui, de sorte que votre revenu diminue.

M. Paul Forseth: Non, il ne diminue pas. Ce que je dis, c'est que les modèles informatiques, les experts qui effectuent les calculs pour le ministre des Finances ont également effectué les nôtres, de sorte qu'ils sont valides. Je vous invite à examiner ce document.

Mme Frances Woolley: D'accord.

M. Paul Forseth: Je voudrais revenir à la question plus vaste de...

Le président: Paul, puis-je faire une suggestion qui, je pense, serait utile au comité? D'abord, ces propositions doivent être prises au sérieux. Or, il est difficile de le faire quand vous n'avez pas le document sous les yeux. J'aimerais savoir si nous pouvons demander une telle chose à notre invitée, vu qu'il n'y a pas de coûts, et tout en sachant qu'elle est fort occupée.

Serait-il possible, quand Paul va vous envoyer—qu'est-ce que c'était?—l'alternative 17...

M. Paul Forseth: Nous l'appelons la solution 17.

Le président: La solution 17. Est-ce que ce serait trop vous demander, quand vous aurez eu l'occasion d'examiner le document, d'y réfléchir, peut-être d'en discuter avec M. Forseth, au cas où il y aurait des ambiguïtés dans le texte, de nous fournir une réponse brève et concise, que nous pourrions distribuer aux autres membres du comité? Êtes-vous d'accord avec cette idée? Cela nous serait peut-être utile dans notre étude.

M. Paul Forseth: Mais je voulais revenir à la question plus vaste de la déduction forfaitaire, soit l'ancienne formule que divers gouvernements ont abandonnée. Est-ce que cela a eu des conséquences néfastes? Que pensez-vous de l'idée de revenir à cette formule?

Mme Frances Woolley: Je suis en faveur du principe de l'universalité. En ce qui concerne les prestations fiscales pour enfants, au cours des années 80 et 90, le nombre de familles vivant dans la pauvreté a augmenté de façon radicale, tandis que nous étions soumis à une politique financière rigoureuse. Nous avons pris des mesures fort raisonnables compte tenu des circonstances. Nous avons dit, «D'accord, nous avons toutes ces familles avec des enfants. Elles traversent une période très difficile. Nous ne pouvons pas aller puiser de l'argent dans d'autres programmes. Prenons l'argent des familles à revenu moyen et élevé qui ont des enfants, et versons-le aux familles à revenu faible.» Voilà ce qu'on a fait des prestations fiscales pour enfants au cours des 10 ou 15 dernières années.

Le problème, c'est que cette formule exclut la famille qui gagne, disons, 70 000 $—ce qui constitue un revenu confortable, n'est-ce pas? C'est un revenu intéressant. Toutefois, il y a beaucoup de familles qui se situent plus ou moins au même niveau de revenu. La famille biparentale moyenne touche en fait un revenu qui se rapproche de ce montant. Il y a donc beaucoup de familles—ce n'est pas la majorité—qui sont assujetties au même taux d'imposition que les personnes se trouvant dans la même situation, mais qui n'ont pas d'enfants. S'ils vivent à Vancouver ou dans une autre ville où les revenus sont élevés, ils ont de la difficulté à assurer l'entretien de leur voiture, à acheter une maison. C'est un problème.

Or, la déduction permet de régler ce problème. Ce n'est toutefois pas la meilleure solution, parce que... l'argent n'est pas nécessairement versé à la personne qui s'occupe de l'enfant. Si vous avez une famille traditionnelle où un des conjoints reste au foyer pour s'occuper de l'enfant, vous allez vouloir verser l'argent directement à cette personne. Donc, je préférerais qu'on universalise le régime actuel plutôt que de verser une déduction.

• 1640

Le président: Au principal fournisseur de soins?

Mme Frances Woolley: Oui.

M. Paul Forseth: Il s'agit essentiellement de l'ancienne formule d'allocation familiale.

Mme Frances Woolley: Oui, et c'est la formule qui a été adoptée dans la majorité des pays. C'est la formule la plus courante à l'échelle internationale.

M. Paul Forseth: Quelles sont certaines des autres questions que vous avez examinées—faire en sorte qu'il n'y ait pas de taxe sur la nourriture et les vêtements pour enfants, les exemptions au titre de la TPS et autres types d'avantages? Quelles sont, d'après vous, les autres mesures que le gouvernement fédéral devrait envisager?

Mme Frances Woolley: Quelles sont les autres mesures que le gouvernement fédéral devrait envisager? Le gouvernement fédéral est en train de procéder à un examen de la prestation nationale pour enfants. Il s'agit là d'un exercice très important qu'il effectue en collaboration avec les provinces.

Comme je l'ai dit au début, le problème avec le système actuel, c'est qu'il prévoit un ensemble de mesures disparates. Il est très généreux à certains égards, et peu généreux à d'autres. La déduction pour frais de garde d'enfants est fort généreuse, et ce qu'on reproche surtout au régime fiscal, notamment dans l'Ouest, comme me l'a laissé entendre un Albertain, ce sont les déductions qu'il accorde.

M. Paul Forseth: Eh bien, d'après ce que je crois comprendre, la plupart des familles ne réclament pas la déduction pour frais de garde d'enfants et le taux de participation dans ce programme est plutôt faible. Bon nombre de personnes choisissent de ne pas la réclamer.

Mme Frances Woolley: C'est vrai. Si on jette un coup d'oeil sur les résultats de l'enquête sur les dépenses des familles, le montant que celles-ci consacrent aux frais de garde d'enfants, l'impôt qu'elles paient et les frais de garde qu'elles réclament, on constate qu'environ 30 p. 100 des dépenses que les gens consacrent aux frais de garde d'enfants sont réclamées à des fins fiscales. Donc, il semble que certaines personnes dépensent plus que le montant maximal alloué, mais je pense que, dans la grande majorité des cas, les fournisseurs de soins sont payés comptant, en cachette.

Le président: C'est ce qu'on appelle l'économie souterraine.

Mme Frances Woolley: Oui.

Le président: Par conséquent, ils ne peuvent émettre de reçus.

[Français]

Madame St-Jacques, c'est à vous. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): J'aimerais tout d'abord....

[Traduction]

Parlez-vous français? Pas du tout?

[Français]

Mme Frances Woolley: Un petit peu.

Mme Diane St-Jacques: J'aimerais m'excuser d'être en retard. J'ai dû faire un aller-retour dans ma circonscription. Il faut mettre trois heures pour y aller et trois heures pour en revenir. Je croyais être ici à l'heure, mais que voulez-vous... Je vous remercie de votre présence ici.

J'aimerais, avant de commencer, savoir s'il sera possible d'obtenir vos notes. Je ne sais pas si vous avez soumis un mémoire ou tout autre document qu'on pourrait se procurer, mais j'aimerais être mise au courant du contenu de votre présentation.

Mon adjointe m'a dit que plusieurs des questions que je voulais poser l'ont été par mes collègues. Il y aurait quand même deux points dont j'aimerais discuter avec vous.

J'ai été désignée pour faire partie d'un groupe de travail sur la pauvreté. Nous avons fait le tour du Canada et rencontré des organismes et aussi des gens vivant dans la pauvreté. Nous avons ensuite rédigé un rapport qui contenait un grand nombre de recommandations, dont plusieurs concernant la prestation nationale pour enfants. L'une d'entre elles suggérait que le gouvernement examine la possibilité de garantir un revenu minimum à chaque famille.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette recommandation. Je pense qu'il faut examiner si elle est bonne ou non. Après l'avoir examinée, il sera possible d'en juger. Mais si vous aviez une idée... Ce serait quelque chose qui pourrait améliorer la qualité de vie de la famille et des enfants par le fait même.

Peut-être devrais-je vous poser ma deuxième question tout de suite. Elle porte sur le clawback dans les provinces. On sait que la prestation nationale pour enfants est retirée aux parents qui vivent de l'aide sociale par les provinces, sauf au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve, je crois. On se sert de ce surplus financier pour offrir d'autres services pendant que les plus pauvres des plus pauvres n'ont rien de plus puisque qu'on leur enlève ce surplus. Ce qui leur est donné d'un côté leur est enlevé de l'autre.

• 1645

Nous recommandions aussi de négocier une entente avec les provinces afin que les prochains investissements faits dans la prestation nationale pour enfants ne fassent pas l'objet d'une ponction chez les gens qui vivent de l'aide sociale.

[Traduction]

Mme Frances Woolley: Si on garantissait un revenu minimum à chaque famille, combien faudrait-il verser, par année, à un parent seul qui a un enfant ou à une famille de quatre?

Mme Diane St-Jacques: Nous n'avons pas examiné la question. Nous avons tout simplement dit qu'il faut se pencher là-dessus, car nous en avons beaucoup entendu parler. Ce n'est pas la première fois qu'on fait cette suggestion. Nous en avons beaucoup entendu parler, mais nous devons l'examiner. Nous devons d'abord voir si c'est une bonne chose, ce que cette mesure va coûter, nous assurer qu'elle n'incitera pas les gens à rester à la maison. Toutes ces questions devront être prises en considération. Vous êtes vous penchée là-dessus? Vous êtes-vous demandée s'il y a des mesures qui seraient efficaces, si cette solution pourrait être appliquée?

Mme Frances Woolley: Cette solution ne date pas d'hier. Le problème avec ces propositions, c'est qu'elles exigent au moins deux choses. D'abord, un revenu minimum adéquat qui permet à une personne qui n'a pas d'autres sources de revenu de subvenir à ses besoins. Ensuite, un taux de récupération fiscale raisonnable pour éviter que la personne qui retourne sur le marché du travail perde ce revenu.

Les programmes traditionnels d'aide sociale permettent de régler le premier problème, mais pas le second. Il faut donc prévoir un revenu raisonnable...eh bien...

Mme Diane St-Jacques: Cela dépend, oui.

Mme Frances Woolley: Il faut prévoir un revenu minimum qui, espérons-le, permettra aux gens qui n'ont pas d'autres sources de revenu de subvenir à leurs besoins. Mais les taux de récupération fiscale sont très élevés; ils varient entre 80 et 100 p. 100.

Dans le cas de la prestation fiscale pour enfants, les taux de récupération ont été réduits. Au lieu d'enlever un dollar de prestation pour chaque dollar gagné, on a réduit les taux. Toutefois, ces taux augmentent en fonction de l'échelle de salaire.

Dans les années 80, dès que vous retourniez sur le marché du travail, pour chaque dollar gagné, vous perdiez presque un dollar en aide sociale. Il était donc inutile de prendre un emploi si votre revenu était de 16 000 $ ou de 20 000 $. Toutefois, dès que vous touchiez un revenu supérieur à 20 000 $, le problème disparaissait. Vous pouviez conserver le revenu gagné.

Maintenant, la prestation fiscale pour enfants est conçue de manière à vous encourager à délaisser l'aide sociale. Toutefois, si vous gagnez jusqu'à 20 000 $—et maintenant, avec le nouveau budget, jusqu'à 32 000 $—votre taux de récupération, si vous tenez compte de l'impôt sur le revenu, de l'assurance-emploi, des cotisations au Régime de pensions du Canada et de la perte de la prestation nationale pour enfants, est de 60 ou 70 p. 100.

Mme Diane St-Jacques: Oui, mais on retirait l'argent à ceux qui vivaient de l'aide sociale.

Mme Frances Woolley: Oui.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Le gouvernement provincial va chercher l'argent chez les gens qui vivent de l'aide sociale. Il a le droit d'enlever à ceux qui reçoivent la prestation nationale le montant supplémentaire qui leur est alloué pour le transférer dans d'autres services. Cependant, ces gens-là ne reçoivent jamais davantage. Ou bien j'ai mal compris votre réponse, ou bien j'ai mal exprimé mon point de vue, car je ne crois pas que les gens qui vivent de l'aide sociale gagnent 30 000 $.

• 1650

Mme Frances Woolley: Non, non.

[Traduction]

Encore une fois, il s'agit d'une question essentiellement politique et non économique. Les provinces auraient pu choisir de ne pas reprendre cet argent, et elles ne l'ont pas fait.

Mme Diane St-Jacques: Parce qu'elles avaient le droit de le faire. Mais si on essayait non pas de négocier, mais de conclure des ententes qui leur interdisaient de reprendre cet argent? Elles ont le droit de le faire.

Mme Frances Woolley: J'ai parlé à certaines personnes qui ont pris part aux négociations préliminaires sur la prestation fiscale pour enfants, et elles ont dit que les provinces avaient déclaré dès le début qu'elles tenaient à récupérer cet argent.

Mme Diane St-Jacques: Elles l'ont dit dès le début, mais ne pouvons-nous pas, grâce à ce nouvel investissement, conclure une entente avec les provinces et dire, «Cessez de reprendre cet argent?» Au Québec, ils donnent aux garderies...

Il serait préférable que vous mettiez vos écouteurs, parce que mon anglais est plutôt mauvais.

[Français]

Au Québec, on prend l'argent pour octroyer des services de garde, mais les personnes qui vivent d'aide sociale souvent n'ont pas besoin de garderies ou, si elles en ont besoin, ce n'est pas aux heures où les garderies sont accessibles. Ces personnes travaillent souvent le soir ou la nuit. Je ne veux pas critiquer le réseau de garderies du Québec; je pense qu'il est bon, même s'il peut encore être amélioré. C'est que je ne vois pas comment les assistés sociaux peuvent bénéficier des autres services.

Au cours des consultations qu'on a faites, on a constaté que les assistés sociaux à qui on retirait cet argent ne profitaient pas nécessairement de services supplémentaires qui auraient pu les aider à s'en sortir.

Donc, je reviens à ma question: devrait-on essayer de conclure une entente sur les investissements à venir, de négocier avec les provinces pour que cela cesse? On ne peut pas retourner en arrière, car ce qui est fait est fait, mais y a-t-il possibilité de faire quelque chose concernant les nouveaux investissements?

[Traduction]

Mme Frances Woolley: Oui, il serait préférable de négocier. Le problème, c'est que si la prestation fiscale pour enfants n'est pas récupérée, alors le niveau de revenu auquel il est préférable...

La prestation fiscale pour enfants, quand elle a été mise sur pied, devait servir à établir une distinction entre le soutien accordé aux enfants et l'aide sociale. On y avait droit, peu importe qu'on soit sur le marché du travail ou qu'on vive de l'aide sociale.

Mme Diane St-Jacques: C'est exact.

Mme Frances Woolley: Dans un sens, l'idée de dissocier le soutien accordé aux enfants et de rendre la prestation transférable signifie que vous voulez la récupérer.

Je ne sais pas quelle est la meilleure... Les déductions sont nombreuses. On peut effectuer des déductions au titre des régimes d'assurance-médicaments, des services de garde. Il y a tellement de mesures qu'on peut prendre pour venir en aide aux familles à risque. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution.

• 1655

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Je ne connais pas vraiment la réponse à celle-ci.

Vous avez dit que les personnes qui vivent de l'aide sociale n'ont pas nécessairement besoin des services de garde à 5 $ par jour. Or, justement, il est important d'avoir accès à des services de garde. DRHC a lancé un projet d'autonomie au Nouveau-Brunswick qui consistait à offrir des subventions salariales très généreuses aux travailleurs. En fait, leur revenu se trouvait à être doublé. Très peu de personnes en ont profité, parce que les services de garde étaient inexistants. Il est vrai que les travailleurs non qualifiés occupent surtout des emplois à temps partiel, travaillent le soir, par poste...

Mme Diane St-Jacques: De nuit.

Mme Frances Woolley: Oui. Il est vraiment utile d'avoir accès à une garderie.

Mme Diane St-Jacques: Il faut donc être plus souple pour s'adapter aux besoins des parents, parce que...

Mme Frances Woolley: Oui.

Le président: Paul aimerait intervenir et peut-être pourrais- je dire quelque chose en passant. Ce qui me frappe en premier lieu, c'est que, comme vous le dites, le sujet est fascinant. Le défi consiste à comprendre les avantages économiques de ce que l'on fait par rapport aux avantages sociaux et à faire des compromis, si nécessaire, en matière de priorités, afin de décider ce dont il s'agit essentiellement. L'accent est-il mis sur l'enfant et non sur les parents? À certains égards, les enfants se retrouvent pris en otages à cause de bien des choses que l'on fait. On dit que ce qui importe véritablement, c'est que ces parents puissent retourner travailler et que, pour ce faire, on va les soudoyer, les récompenser, les menacer, etc. On va leur faciliter les choses en améliorant essentiellement la situation de leurs enfants.

Dans le budget de l'an passé, il était dit, chose intéressante, que la situation de l'enfant de quelqu'un qui travaille devrait toujours être meilleure que celle de l'enfant de quelqu'un qui ne travaille pas, comme si en quelque sorte, c'était la faute de l'enfant si ses parents ne travaillaient pas. Lorsqu'on s'y arrête un peu, c'est vraiment pervers; cela ne respecte pas beaucoup l'enfant en tant qu'être humain.

Il faut ensuite parler des compromis—ce dont je crois nous débattons ici—entre le revenu et les services, parce que revenu et services sont interchangeables à de nombreux égards. En d'autres termes, si le service n'est pas offert et que vous en avez besoin, vous allez devoir le payer. Pour certains services sociaux—comme les soins de santé, l'éducation publique, les parcs—on a décidé qu'il était beaucoup efficace d'en faire des services publics et de les mettre à la disposition des gens, plutôt que d'augmenter le revenu personnel et de dire aux gens de s'occuper eux-mêmes de l'éducation, des soins de santé et des parcs.

C'est le défi qui se présente et j'aimerais d'ailleurs recevoir un exemplaire de ce que j'appelle la proposition 17; je sais qu'elle ne porte pas ce nom, mais vous voyez ce que je veux dire. Toute solution qui, en quelque sorte, ne prend pas en compte ce qui en fait se produit dans les collectivités et les quartiers où les gens fréquentent les patinoires et les centres de loisirs, ont accès aux soins de santé, aux écoles, aux parcs, aux garderies, aux haltes-garderies, aux centres d'éducation familiale, etc.—ou devraient y avoir accès—donne une image de la société qui se réduit à deux unités, à toutes fins pratiques: la famille et le gouvernement.

Je vais m'en prendre à Paul, car j'ai été étonné par la réaction de son chef au discours du Trône, dans laquelle on retrouve un passage très fascinant sur la famille. C'était très personnel; il a parlé de sa propre famille, mais le chaînon manquant, c'était ce que j'appellerais la création de capacités communautaires ou la cohésion sociale. On ne peut en effet pas dire que le fait d'avoir des installations de loisirs et d'autres installations sociales de quartier qui permettent aux gens appartenant à tous les groupes de revenu de se rencontrer soit un concept étranger à la tradition canadienne.

Par conséquent, le fait de trop mettre l'accent sur les questions de revenu à l'exclusion des questions des services a tout d'abord un effet sur le revenu, car cela signifie qu'il faut suppléer aux services lorsqu'ils ne sont pas prévus. Pour ce faire, il faut disposer d'un revenu plus important.

Deuxièmement, cela ne tient aucun compte de la magie de la collectivité et du quartier qui, d'après n'importe quelle théorie du développement social—lorsque les collectivités sont particulièrement unies—peut se révéler, dans l'ensemble comme dans le particulier, être un facteur déterminant beaucoup plus fort que le revenu en ce qui concerne les résultats positifs pour les enfants et les familles. Le revenu disponible n'est pas une fin en soi. Ce qui compte également, c'est tout ce que l'on fait au plan des services sociaux communautaires.

• 1700

La tâche qui nous revient et qui va véritablement être celle du comité consiste à arriver à un bon équilibre et à le définir. Quelles sont les valeurs sur lesquelles s'appuyer? Le régime fiscal renforce tout simplement un ensemble de croyances et de valeurs—tout d'abord, les valeurs à propos de ce qui doit être et qui doit, en quelque sorte, sous-tendre la façon dont on pense que les choses devraient fonctionner, la façon dont on envisage la création ou l'amélioration de la productivité ou la façon dont on pense motiver les gens à retourner sur le marché du travail ou encore, la façon dont on obtient un meilleur rendement scolaire des enfants. Ce n'est qu'après avoir mis de l'ordre dans les valeurs que l'on peut s'attaquer à la question du régime fiscal par rapport aux services, et à tout le reste.

Ce que je comprends de votre déclaration—et je crois que nous en convenons tous—c'est que la somme de toutes les mesures prises par le fédéral et les provinces ne représente pas une stratégie cohérente, une stratégie familiale intégrée. Ce n'est pas cohérent, c'est improductif. Lorsque le Québec a une stratégie de garde d'enfants à 5 $ par jour, ce qui veut dire que les parents pourraient, s'ils choisissaient une garderie d'enfants plus coûteuse, récupérer un crédit d'impôt pour la garde d'enfants, c'est ridicule, car cela pénalise le Québec qui met sur pied une infrastructure qui, probablement, est un moyen plus efficace d'arriver à cette fin. Je sympathise donc un peu avec Mme Gagnon à ce sujet.

Il s'agit d'avoir une bonne échelle de valeurs dès le début afin de savoir pourquoi il faut se préoccuper des enfants; qu'est- ce que le fait de donner la priorité aux enfants signifie réellement du point de vue des services et du revenu? Comment le développement de l'enfant se produit-il de la meilleure façon? Quels sont les divers moyens d'y parvenir et quels sont ceux qui conviennent? Par exemple, vous avez dit qu'il était généreux d'affecter beaucoup d'argent à la première année de la vie. On pourrait dire que, d'après les plus récentes théories du développement cérébral, c'est exactement le moment où l'on s'attache au maximum à l'intervenant primaire, qui, de préférence, devrait être le parent. Il faut vraiment le souligner, mais comme on le sait d'après la théorie actuelle du développement, lorsque l'enfant commence à s'intéresser à l'extérieur, à socialiser et à avoir besoin de la présence d'autres enfants, ce qui était souhaitable au cours de la première année de vie—soit la formation de liens et de contacts affectifs forts et des chaînes sensorielles, comme le dirait Fraser Mustard—devient moins important par rapport aux besoins qu'ont les enfants et les parents de se retrouver à l'intérieur de groupes, que ce soit des groupes d'enfants ou des groupes de parents. Cela suggère qu'un autre ensemble d'incitatifs et d'institutions doive être prévu au moment où l'enfant atteint l'âge de deux, trois, quatre, cinq et six ans.

On essaie d'équilibrer tout un ensemble de valeurs sociales relatives à l'importance générale des familles et des enfants compte tenu des récentes découvertes en matière de chaînes de développement, tout en respectant—dans notre société libre et démocratique—la décision que des hommes et des femmes, en tant qu'adultes, prennent de travailler ou non à l'extérieur de la maison, de travailler à temps partiel, tout en s'assurant qu'indépendamment de l'option choisie, les enfants n'en souffrent pas. On est arrivé, en quelque sorte, à un système qui donne l'avantage maximum aux membres les plus vulnérables de notre société.

Votre exposé a provoqué toutes ces pensées en moi, mais je ne sais pas si l'on peut isoler un élément parmi toutes ces informations. Je tenais à dire ce que j'avais sur le coeur.

Mme Frances Woolley: Voudriez-vous que je ne parle plus du régime fiscal et que je m'attache à la question de la cohésion sociale?

Le président: Oui.

Mme Frances Woolley: J'ai en fait participé à une étude que Lars Osberg, à l'Université Dalhousie...

Le président: Dans une autre vie, j'ai fréquenté Dalhousie, soit dit en passant.

Mme Frances Woolley: Cela ne m'étonne pas.

Patrimoine canadien parraine ce chercheur pour qu'il puisse réaliser plusieurs études sur la cohésion sociale; le tout doit être publié par l'University of Toronto Press. C'est fascinant, et je peux aider votre personnel de recherche à obtenir ces documents.

Il ne fait aucun doute que la collectivité joue un rôle important. Il est également très difficile de savoir comment bâtir une collectivité. On peut s'inspirer de la perspective de l'OCDE qui consiste à supprimer la part du gouvernement. En pareil cas, on suscite le volontariat et les gens créent alors un climat de confiance. La confiance sera instaurée de même que la réciprocité et on trouvera des solutions communautaires pour toute une gamme de problèmes sociaux, n'est-ce pas? C'est dans ce sens que peut conduire une telle logique.

• 1705

Le président: Qui n'est en fait qu'une interprétation déformée de Robert Putnam.

Mme Frances Woolley: Une autre façon d'aborder la question consisterait à examiner certains des travaux effectués par Shelley Phipps, qui est également à Dalhousie avec Lars Osberg. Elle a examiné les effets des déménagements sur les enfants et en a conclu que le déménagement est l'une des expériences les plus traumatisantes pour les enfants. Cela met véritablement en question certains types de politiques économiques que nous poursuivons et qui encouragent... Il se crée alors une véritable tension entre la mobilité de la population active et la recherche de bons résultats pour les enfants.

Paul Bernard, qui, je crois, est à l'Université de Montréal, ainsi que Jane Jensen, ont fait des travaux pour les RCRPP qui sont plus critiques à propos du concept de cohésion sociale. On retrouvait auparavant beaucoup de cohésion dans certains quartiers. C'était les quartiers où tout le monde regardait par la fenêtre pour voir qui avait fait sa lessive et il était en quelque sorte déshonorant pour une femme de ne pas encore avoir étendu son linge à 10 ou 11 heures...

Le président: Celle que tout le monde montrait du doigt.

Mme Frances Woolley: Exactement. Vous savez, il est bon parfois de ne pas se retrouver dans des sociétés où la cohésion est aussi importante. La cohésion est aussi une notion très protestante. On mesure la cohésion sociale en fonction de la confiance. Il suffit d'examiner les chiffres du Québec pour s'apercevoir que toutes ces mesures de cohésion sont bien plus basses au Québec, car le volontariat et la confiance à l'égard des étrangers tendent à être des valeurs protestantes. On ne les retrouve pas autant dans les pays catholiques. On ne les retrouve pas autant en Espagne, en Italie, en France, alors qu'on les retrouve beaucoup plus dans les pays scandinaves.

Je n'irais pas jusqu'à dire que la société québécoise manque de cohésion.

Le président: C'est pourtant le cas.

Des voix: Oh, oh!

Mme Frances Woolley: Peut-être que oui, je ne sais pas. À certains égards, il semble y avoir cohésion.

Je pense tout haut, en quelque sorte. Vous avez commencé... Le Canada montre au reste du monde comment utiliser la politique relative aux enfants comme politique de marché du travail.

Le président: Je n'aime pas trop cela.

M. Paul Forseth: Puis-je vous poser une question? Sur la scène internationale, y a-t-il des pays qui s'en sortent bien ou qui s'en sortent presque bien, que nous pourrions considérer comme des exemples? Pouvez-vous citer des études sur la cohésion sociale, sur l'adaptation psychologique, sur les taux de réussite scolaire ou sur tout autre genre de mesures inférentielles? Sur le papier, ils semblent en faire beaucoup plus pour la famille en matière d'appuis. Quels en sont les résultats sociaux? Pouvons-nous prendre un pays et nous comparer à lui, lorsque d'après certaines études, ce pays réalise certains gains sociaux? Peut-être pourriez-vous aborder cette question.

Mme Frances Woolley: Prenez l'exemple de la Norvège; c'est ce que je propose. Shelley Phipps a fait une vaste étude pour les RCRPP sur toute une série de pays, même s'ils ne sont pas nombreux.

Le président: Six pays.

Mme Frances Woolley: Effectivement, six pays. Elle a en fait examiné les résultats relatifs au bien-être des enfants. Les enfants sont-ils heureux? Tombent-ils malades? Elle a ensuite tenté d'établir un lien entre ces résultats et les mesures de politique sociale. Une de ses conclusions, c'est que le Canada dépense moins pour les enfants. Si vous examinez les impôts payés par les gens qui ont des enfants, par opposition aux impôts payés par les gens qui n'en ont pas, si vous mettez de côté tous les programmes et n'examinez que le résultat final, vous vous apercevrez que le Canada affecte moins de ressources aux familles avec enfants que les autres pays qui ont fait l'objet de cette étude.

• 1710

Elle a aussi découvert que les enfants norvégiens s'en sortaient le mieux. Par contre, cela peut s'expliquer par toutes sortes de réalités démographiques, comme la religion ou la nature de la société norvégienne, que l'on ne pourrait reproduire. Elle en a conclu que les pays dotés de programmes universels ont de meilleurs résultats. Cela cadrerait avec la solution des 17 p. 100, dans la mesure où si l'on transformait cette déduction en régime universel, on aurait de bons résultats.

M. Paul Forseth: Qu'en est-il d'autres études, juste en général, qui permettraient de savoir pourquoi il faudrait procéder de la sorte, qui permettraient de poser la grande question, à savoir pourquoi le gouvernement devrait-il vraiment se préoccuper d'une politique de la famille?

Le président: Eh bien, il y a l'étude ontarienne que Mike Harris a confiée à Fraser Mustard et Margaret McCain sur les premières années de la vie et la façon de mettre un terme à l'exode des cerveaux. Il y a toutes sortes d'arguments qui vont des droits fondamentaux de la personne permettant à tout un chacun d'atteindre son plein potentiel jusqu'aux arguments relatifs à l'efficience économique selon lesquels mieux les enfants sont préparés pour l'école, mieux ils réussiront leurs études, mieux ils feront preuve de souplesse une fois dans la population active et moins ils pèseront sur les grands systèmes sociaux.

Dans cette recherche, un lieu direct est établi avec les résultats au plan du développement. Les enfants qui à l'âge de six ans savent se débrouiller, connaissent de meilleurs résultats à l'âge adulte en matière de santé. Ils courent moins le risque de décrocher de l'école secondaire, de se retrouver au chômage, de verser dans la criminalité, etc.

En d'autres termes, ces investissements vous sont rendus en double, d'après, ce qui à mon avis, représente une recherche assez solide. Cela signifie non seulement que le système social est moins mis à contribution au bout du compte, y compris le système de soins de santé ou le système juridique, mais qu'en fait, on obtient ce double effet, car ces gens-là ont des actifs et peuvent ainsi contribuer au régime fiscal, et à tout le reste.

Ce qui est intéressant, c'est que grâce à des instruments comme l'étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, on commence à avoir un portrait de la société que l'on peut comparer à des données internationales, comme celles de la Norvège, etc., sur la façon dont nos enfants s'en sortent en règle générale. Un des éléments qui ressort de ces données, c'est que peut-être on fait erreur lorsque l'on met exagérément l'accent sur les populations à risque, les enfants que l'on dit vivre dans la pauvreté, etc.

Au Canada, la situation est telle qu'alors que les enfants qui se trouvent dans les catégories socio-économiques inférieures courent le plus de risque—c'est-à-dire que ceux qui font partie des 40 p. 100 de familles dont le revenu est le plus bas sur une échelle de cinq risquent d'avoir des problèmes de comportement ou des problèmes cognitifs au moment où ils arrivent à l'école—on a un taux de variation. Même dans le cas des 20 p. 100 de familles en haut de l'échelle, 20 p. 100 des enfants ont des problèmes. Entre les deux, le taux de variation est parfait. Étant donné que relativement plus de gens au Canada appartiennent à la classe moyenne, il y a en fait plus d'enfants de classe moyenne au Canada qui connaissent des problèmes à l'école, au niveau du comportement ou au niveau cognitif. Cela laisse entendre que si l'on continue à cibler, comme on l'a fait dans le cadre du PACE, la prestation nationale pour enfants, et tout le reste, on fait fausse route.

• 1715

Le problème n'est pas simplement, par définition, un problème de revenu; c'est un problème plus profond. À l'aide de mesures, comme la mesure de la capacité d'apprentissage, on évalue ce que font les divers quartiers pour préparer les enfants à l'école. Les enfants sont évalués au moment où ils entrent à l'école pour savoir s'ils sont prêts pour l'école. Ce n'est pas une mesure de l'école, car ils viennent juste d'y arriver. C'est une mesure...

M. Paul Forseth: J'aimerais intervenir. J'imagine que pas mal d'études se font au sujet des divers programmes «Bon départ» aux États-Unis. Un membre de notre caucus, Keith Martin, fait la promotion de son programme «Bon départ», mais prend bien soin de faire la distinction et de préciser ceux qui donnent de bons résultats. Autant que je sache, il y a des études où des milliards sont gaspillés pour des programmes soi-disant «Bon départ», alors que des études préalables ont montré qu'ils ne sont absolument d'aucune utilité et qu'ils pourraient même être nuisibles. C'est un débat; ce n'est pas une position officielle de notre parti.

Le président: C'est un bon débat, mais le vrai défi, qui nous ramène à l'argument en faveur de l'universalité et de la flexibilité, c'est que dans le contexte d'une comparaison avec d'autres pays, tous nos enfants et toutes nos familles ont besoin d'aide, indépendamment des choix qu'ils font. Il ne faudrait pas imaginer que certains d'entre nous ne sont pas touchés par ce problème.

Par exemple, d'après certaines données de préparation que j'ai pu examiner pour les écoles de Toronto, où en fait tous les enfants entrant au jardin d'enfants ont été évalués, les familles qui vivent dans des quartiers très affluents ont de pires résultats que celles qui vivent, non pas dans des quartiers pauvres, mais plus dans des quartiers de revenu moyen... Cela peut s'expliquer par le fait que ces familles qui travaillent fort, ces familles à double revenu, confient leurs enfants à des bonnes d'enfants. La vie que mènent ces enfants est relativement isolée et, à cause de ce système, ils ne peuvent pas socialiser, aller dans des centres préscolaires, etc.

Il ne s'agit donc pas d'une question de revenu disponible, mais plutôt d'une question de choix, qui ne devrait certainement pas... Ce que je veux dire, c'est que l'on ne peut pas dire aux gens de ne pas travailler.

En résumé, lorsque l'on en vient à la question de l'imposition, il faut avoir une assez bonne idée de la théorie du développement, de la théorie et des valeurs sociales auxquelles nous tenons, avant de pouvoir dire que l'on veut que le régime fiscal permette d'arriver à ces résultats.

Je crois bien que c'est la cloche qui nous appelle à la prière. En fait non; c'est le vote. Ce n'est pas l'angélus.

Nous vous remercions beaucoup pour cette séance assez inhabituelle. Elle a débuté comme une session d'information à l'intention du Forum pour jeunes Canadiens que, je crois, Mme Gagnon et moi-même avons assez bien improvisée en attendant l'arrivée des autres. On a continué sur cette lancée, mais je crois malgré tout que des remarques très utiles ont été faites.

Je vous remercie d'avoir participé à cette séance. Nous allons de toute évidence nous rencontrer plus souvent et nous attendons avec impatience les résultats de votre analyse. En fait, il serait bon que les recommandations de Mme St-Jacques soient aussi... Il faudra les examiner pour avoir un suivi de son travail également. Sur ce point, je vous remercie.

La séance est levée.