Publications de la Chambre
Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
36e Législature, 2ième Session
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 8
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 octobre 1999
AFFAIRES COURANTES |
LE BILAN DU GOUVERNEMENT |
L'hon. Lucienne Robillard |
LE CODE CRIMINEL |
Projet de loi C-259. Présentation et première lecture |
Mme Alexa McDonough |
PÉTITIONS |
Le Sénat |
M. Nelson Riis |
QUESTIONS AU FEUILLETON |
M. Derek Lee |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LES VOIES ET MOYENS |
La Loi sur l'accord définitif nisga'a |
Motion d'adoption |
L'hon. Robert D. Nault |
Adoption de la motion |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
La motion no 1 des voies et moyens |
M. Randy White |
L'hon. Don Boudria |
M. Peter MacKay |
M. Bill Blaikie |
M. Mike Scott |
Le vice-président |
LES VOIES ET MOYENS |
La Loi sur l'Accord définitif nisga'a |
Projet de loi C-9. Première lecture |
L'hon. Robert D. Nault |
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS |
Projet de loi C-3 Deuxième lecture |
L'hon. Don Boudria |
M. John Maloney |
M. Jay Hill |
M. Michel Bellehumeur |
Amendement |
M. Peter Mancini |
M. Jack Ramsay |
M. Peter MacKay |
M. Peter MacKay |
M. Michel Bellehumeur |
M. Jack Ramsay |
M. Lynn Myers |
M. Peter MacKay |
M. Michel Bellehumeur |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
LA JOURNÉE DES NATIONS UNIES |
M. Lynn Myers |
LA NOURRITURE |
M. Ken Epp |
LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE |
M. Brent St. Denis |
L'ÉCONOMIE CANADIENNE |
M. Guy St-Julien |
LE MOIS DE SENSIBILISATION AU LUPUS |
M. Bernard Patry |
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
M. Gurmant Grewal |
LA RÉSIDENCE COPERNICUS |
Mme Sarmite Bulte |
LA SEMAINE DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES DU QUÉBEC |
Mme Maud Debien |
LES COOPÉRATIVES |
Mme Susan Whelan |
L'AGRICULTURE |
M. Derrek Konrad |
LA RESPONSABILITÉ CRIMINELLE |
Mme Bev Desjarlais |
LA GAIRDNER FOUNDATION |
M. Bill Graham |
BRUNY SURIN |
M. Pierre de Savoye |
LE PROJET COMMÉMORATIF JULIUS K. NYERERE |
Mme Jean Augustine |
L'ÉQUITÉ SALARIALE |
Mme Angela Vautour |
LE ROYAL 22E RÉGIMENT |
M. René Laurin |
LES JEUX DE LA FRANCOPHONIE CANADIENNE |
M. Rick Limoges |
QUESTIONS ORALES |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Mike Scott |
L'hon. Herb Gray |
M. Mike Scott |
L'hon. Robert D. Nault |
M. Mike Scott |
L'hon. Robert D. Nault |
LES PÊCHES |
M. John Cummins |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
M. John Cummins |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LES PRODUCTIONS AUDIOVISUELLES |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Sheila Copps |
M. Gilles Duceppe |
L'hon. Sheila Copps |
M. Stéphane Bergeron |
L'hon. Sheila Copps |
M. Stéphane Bergeron |
L'hon. Sheila Copps |
LES AGRICULTEURS CANADIENS |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Lyle Vanclief |
Mme Alexa McDonough |
L'hon. Lyle Vanclief |
L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN |
M. Bill Casey |
L'hon. David M. Collenette |
M. Bill Casey |
L'hon. David M. Collenette |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Derrek Konrad |
L'hon. Robert D. Nault |
M. Derrek Konrad |
L'hon. Robert D. Nault |
LE TRANSPORT AÉRIEN |
L'hon. David M. Collenette |
L'hon. David M. Collenette |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Jim Gouk |
L'hon. Herb Gray |
M. Jim Gouk |
L'hon. Herb Gray |
L'ASSURANCE-EMPLOI |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Jane Stewart |
Mme Christiane Gagnon |
L'hon. Jane Stewart |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Myron Thompson |
L'hon. Robert D. Nault |
M. Myron Thompson |
L'hon. Robert D. Nault |
L'ÉQUITÉ SALARIALE |
Mme Caroline St-Hilaire |
L'hon. Lucienne Robillard |
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
Mme Karen Redman |
L'hon. Lloyd Axworthy |
LES AFFAIRES AUTOCHTONES |
M. Chuck Strahl |
L'hon. Herb Gray |
M. Chuck Strahl |
L'hon. Robert D. Nault |
L'ENVIRONNEMENT |
M. Peter Mancini |
L'hon. Ralph E. Goodale |
M. Peter Mancini |
L'hon. Ralph E. Goodale |
LE TRANSPORT AÉRIEN |
M. André Bachand |
L'hon. David M. Collenette |
M. André Bachand |
L'hon. David M. Collenette |
LES CÉRÉALES |
M. John Harvard |
L'hon. Ralph E. Goodale |
LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA MARINE MARCHANDE |
M. Peter Goldring |
L'hon. George S. Baker |
LE PROJET DE LOI C-6 |
M. Pierre Brien |
L'hon. Martin Cauchon |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. Gordon Earle |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
LES PÊCHES |
M. Mark Muise |
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal |
LA DÉFENSE NATIONALE |
M. Mac Harb |
L'hon. Arthur C. Eggleton |
LES PÊCHES |
M. Mike Scott |
L'hon. Herb Gray |
L'IMPORTATION DE PLUTONIUM |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
L'hon. Ralph E. Goodale |
LES TAUX D'INTÉRÊT |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Jim Peterson |
LES PÊCHES |
M. Gerald Keddy |
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE |
M. Randy White |
L'hon. Don Boudria |
RECOURS AU RÈGLEMENT |
Certains propos tenus au cours de la période |
L'hon. Herb Gray |
QUESTION DE PRIVILÈGE |
Le Service canadien du renseignement de sécurité |
Le Président |
L'hon. Don Boudria |
M. Randy White |
M. Chuck Strahl |
Le Président |
Mme Diane Ablonczy |
Le Président |
La Défense nationale |
M. Jim Hart |
L'hon. Don Boudria |
M. Randy White |
M. Derek Lee |
LE DÉCÈS DE L'HONORABLE ALAN MACNAUGHTON |
L'hon. Herb Gray |
M. John Reynolds |
Mme Maud Debien |
L'hon. Lorne Nystrom |
M. Peter MacKay |
Le Président |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS |
Projet de loi C-3. Deuxième lecture |
M. Randy White |
M. Michel Bellehumeur |
M. Gurmant Grewal |
M. Stéphan Tremblay |
M. Jacques Saada |
M. Mac Harb |
M. John Duncan |
M. Michel Bellehumeur |
M. Pierre de Savoye |
M. Jim Gouk |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Nelson Riis |
M. René Canuel |
M. Derek Lee |
M. Jim Gouk |
M. Scott Brison |
M. Stéphan Tremblay |
M. Scott Brison |
Mme Jocelyne Girard-Bujold |
M. Grant McNally |
MOTION D'AJOURNEMENT |
Le projet de loi C-6 |
M. Pierre Brien |
M. Jacques Saada |
(Version officielle)
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 8
CHAMBRE DES COMMUNES
Le jeudi 21 octobre 1999
La séance est ouverte à 10 heures.
Prière
AFFAIRES COURANTES
[Français]
LE BILAN DU GOUVERNEMENT
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, pour informer les parlementaires, les Canadiens et les Canadiennes sur le bilan du gouvernement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport intitulé, «Une gestion axée sur les résultats, 1999» de même que des rapports sur le rendement de 82 ministères et organismes.
* * *
[Traduction]
LE CODE CRIMINEL
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) demande à présenter le projet de loi C-259, Loi modifiant le Code criminel (responsabilité criminelle des sociétés, administrateurs et dirigeants).
—Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de réintroduire un projet de loi qui établit la responsabilité criminelle des sociétés, de leurs administrateurs et de leurs dirigeants à l'égard d'actes criminels ou d'omissions qu'ils savaient constituer un risque pour la santé et la sécurité de leurs employés.
Ce projet de loi découle d'une recommandation de l'enquête publique sur la tragédie de Westray survenue en Nouvelle-Écosse et qui a tué 26 mineurs. Il établira une fois pour toutes la responsabilité publique en vue de protéger les employés de notre pays contre de telles catastrophes.
Ce projet de loi, qui fait suite à une recommandation de l'enquête sur la mine Westray, a déjà suffisamment traîné en longueur, et le moment est venu de faire profiter les Canadiens de ce genre de protection dans les années à venir.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
PÉTITIONS
LE SÉNAT
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le Président, j'ai encore l'honneur de présenter, conformément à l'article 36 du Règlement, un pétition signée par un certain nombre de mes électeurs.
Les pétitionnaires sont préoccupés par l'existence d'un Sénat dans notre pays. Ils considèrent que c'est une institution non démocratique composés de membres qui n'ont pas de comptes à rendre à la population canadienne. Ils soulignent qu'il coûte quelque 50 millions de dollars par an aux contribuables. Ils sont d'avis que c'est une institution démodée qui n'a plus sa place à l'aube du XXIe siècle.
Les pétitionnaires estiment qu'il faut moderniser nos institutions parlementaires, monsieur le Président, et je sais que vous avez des opinions bien arrêtées sur le sujet. Ils demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour abolir le Sénat du Canada.
* * *
[Français]
QUESTIONS AU FEUILLETON
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.
Le vice-président: Est-on d'accord?
Des voix: D'accord.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LES VOIES ET MOYENS
LA LOI SUR L'ACCORD DÉFINITIF NISGA'A
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose: Qu'une motion des voies et moyens visant à mettre en oeuvre certaines dispositions de l'entente finale avec les Nisga'a ainsi que l'accord fiscal conclu avec la nation Nisga'a, qui a été déposée le mardi 19 octobre, soit adoptée.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le vice-président: Convoquez les députés.
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
Vote no 44
POUR
Députés
Adams | Alcock | Anderson | Assad |
Assadourian | Asselin | Augustine | Axworthy (Winnipeg South Centre) |
Bachand (Richmond – Arthabaska) | Bachand (Saint - Jean) | Baker | Bakopanos |
Barnes | Beaumier | Bélair | Bélanger |
Bellemare | Bennett | Bergeron | Bernier (Bonaventure – Gaspé – Îles - de - la - Madeleine – Pabok) |
Bernier (Tobique – Mactaquac) | Bertrand | Bevilacqua | Blaikie |
Blondin - Andrew | Bonin | Bonwick | Borotsik |
Boudria | Bradshaw | Brison | Brown |
Bryden | Bulte | Byrne | Caccia |
Calder | Cannis | Canuel | Caplan |
Cardin | Carroll | Casey | Catterall |
Cauchon | Chamberlain | Chan | Charbonneau |
Clouthier | Coderre | Collenette | Comuzzi |
Copps | Crête | Cullen | Davies |
de Savoye | Debien | Desjarlais | Desrochers |
DeVillers | Dhaliwal | Dion | Doyle |
Dromisky | Duceppe | Duhamel | Dumas |
Earle | Easter | Eggleton | Finlay |
Folco | Fontana | Gagliano | Gagnon |
Gallaway | Gauthier | Girard - Bujold | Godfrey |
Godin (Acadie – Bathurst) | Godin (Châteauguay) | Goodale | Graham |
Gray (Windsor West) | Grose | Guarnieri | Guay |
Guimond | Harb | Harvard | Harvey |
Herron | Hubbard | Iftody | Jackson |
Jennings | Jones | Jordan | Karetak - Lindell |
Keddy (South Shore) | Keyes | Kilger (Stormont – Dundas – Charlottenburgh) | Kilgour (Edmonton Southeast) |
Knutson | Kraft Sloan | Lalonde | Lastewka |
Laurin | Lavigne | Lebel | Lee |
Leung | Lill | Limoges (Windsor – St. Clair) | Lincoln |
Longfield | MacAulay | MacKay (Pictou – Antigonish – Guysborough) | Mahoney |
Malhi | Maloney | Mancini | Manley |
Marceau | Marleau | Martin (LaSalle – Émard) | Matthews |
McCormick | McDonough | McGuire | McKay (Scarborough East) |
McLellan (Edmonton West) | McTeague | McWhinney | Mercier |
Mifflin | Mills (Broadview – Greenwood) | Mitchell | Muise |
Murray | Myers | Nault | Nystrom |
O'Brien (London – Fanshawe) | O'Reilly | Pagtakhan | Paradis |
Patry | Peric | Perron | Peterson |
Pettigrew | Phinney | Picard (Drummond) | Pillitteri |
Plamondon | Pratt | Price | Proctor |
Proud | Provenzano | Redman | Reed |
Richardson | Riis | Robillard | Saada |
Scott (Fredericton) | Sekora | Shepherd | Solomon |
Speller | St. Denis | St - Hilaire | St - Jacques |
St - Julien | Steckle | Stewart (Brant) | Stewart (Northumberland) |
Stoffer | Szabo | Telegdi | Thibeault |
Torsney | Tremblay (Rimouski – Mitis) | Turp | Ur |
Valeri | Vanclief | Vautour | Volpe |
Wappel | Wayne | Whelan | Wilfert – 196 |
CONTRE
Députés
Ablonczy | Anders | Bailey | Benoit |
Breitkreuz (Yellowhead) | Breitkreuz (Yorkton – Melville) | Cadman | Casson |
Duncan | Elley | Epp | Forseth |
Goldring | Gouk | Grewal | Grey (Edmonton North) |
Harris | Hart | Hill (Macleod) | Hill (Prince George – Peace River) |
Hilstrom | Jaffer | Johnston | Kenney (Calgary Southeast) |
Kerpan | Konrad | Lowther | Lunn |
Mark | Mayfield | McNally | Meredith |
Mills (Red Deer) | Morrison | Penson | Ramsay |
Reynolds | Ritz | Schmidt | Scott (Skeena) |
Solberg | Stinson | Strahl | Thompson (Wild Rose) |
Vellacott | White (Langley – Abbotsford) | White (North Vancouver) – 47 |
«PAIRÉS»
Députés
Alarie | Bellehumeur | Brien | Chrétien (Frontenac – Mégantic) |
Dalphond - Guiral | Discepola | Drouin | Dubé (Lévis - et - Chutes - de - la - Chaudière) |
Fournier | Fry | Ianno | Loubier |
Minna | Normand | O'Brien (Labrador) | Pickard (Chatham – Kent Essex) |
Rock | Sauvageau | Serré | Tremblay (Lac - Saint - Jean) |
Venne | Wood |
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.
* * *
RECOURS AU RÈGLEMENT
LA MOTION NO 1 DES VOIES ET MOYENS
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. L'adoption de cette motion des voies et moyens, qui est la première étape dans l'application de la loi de mise en oeuvre de l'accord conclu avec les Nisga'a, est contraire au Règlement.
Non seulement cette question est très controversée et établira un précédent pour tout le pays mais la Chambre devrait savoir que les tribunaux sont saisis de cet accord. Le commentaire 505 de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne dit ceci:
Les députés s'entendent pour ne pas évoquer les affaires dont un tribunal ou une cour d'archives sont saisis. Cette convention a pour but de protéger les parties, tant avant que pendant le procès, et les personnes qui pourraient être touchées par les résultats d'une enquête judiciaire.
Le gouvernement ne devrait pas pouvoir aller de l'avant avec sa loi touchant les Nisga'as étant donné qu'elle touche l'un de nos droits les plus fondamentaux, la libre expression.
L'ouvrage de Beauchesne parle également de respecter la convention relative aux affaires en instance devant les tribunaux dans l'intérêt de la justice et de l'équité. Malgré le fait que la loi de mise en oeuvre de l'accord conclu avec les Nisga'a a été adoptée par le gouvernement le plus impopulaire dans l'histoire de la Colombie-Britannique, puisqu'il ne pouvait compter sur l'appui que de 35 p. 100 de l'électorat, nous, à la Chambre, devons respecter les objections et les objectifs des 62 autres pour 100 des habitants de la Colombie-Britannique et de nombreux autres Canadiens, y compris les parties à plusieurs litiges sur la question, notamment les libéraux de la Colombie-Britannique.
Lorsque vous étudierez ce rappel au Règlement, monsieur le Président, vous devrez comprendre que nous allons défendre les droits à l'égalité de tous les Canadiens, y compris les Nisga'a. Nous ferons de notre mieux pour convaincre le gouvernement libéral de revenir sur sa position et pour informer les Canadiens des très graves erreurs qui sont commises.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, à propos de ce rappel au Règlement, le député a, bien entendu, le droit d'avoir une opinion bien arrêtée sur n'importe quelle question, tout comme j'ai le droit de ne pas être d'accord avec lui ou avec n'importe quel député qui partage son point de vue. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Il importe plutôt de savoir si la motion des voies et moyens qui vient d'être adoptée est recevable ou non.
Pour commencer, l'intervention que nous venons d'entendre conteste une décision de la Chambre, et c'est contraire au Règlement, du moins à mon avis. Le Règlement dit que l'adoption d'une motion des voies et moyens telle que celle adoptée à l'instant est un ordre de la Chambre exigeant la présentation d'un projet de loi fondée sur celle-ci. Le ministre a le droit, et d'aucuns diraient même l'obligation, de faire adopter le projet de loi en première lecture.
Dans ses observations, le député a fait allusion à des questions en instance devant les tribunaux, disant que nous devons nous abstenir de prendre parti dans nos débats lorsque des causes au pénal ou au civil en sont rendues à l'étape du procès. Il faut faire en sorte que les propos des députés ne présument pas de l'issue du procès, mais cela n'a rien à voir avec l'adoption d'une motion des voies et moyens. Je suis persuadé que tous les députés le savent. Les points qui ont été soulevés ne tiennent donc pas. La motion est bel et bien recevable et la Chambre l'a adoptée. Je crois qu'il est temps de présenter le projet de loi exigé par la motion que la Chambre vient d'adopter démocratiquement.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, en vérifiant quelques commentaires de Beauchesne, on constate aussitôt que les règles relatives aux affaires en instance portent expressément sur le débat. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Rien n'empêche la Chambre d'étudier des mesures législatives.
Monsieur le Président, comme vous le savez forcément, s'il en allait autrement, le Parlement serait réduit à l'impuissance la plus totale et ne pourrait pas étudier des projets de loi, chaque fois que les tribunaux sont saisis d'une affaire.
Selon moi, le rappel au Règlement du député réformiste est sans fondement aucun.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, je me rallie aux opinions exprimées par le leader du gouvernement et le leader du Parti conservateur à la Chambre. Je trouve très étrange qu'un parti qui répète sans cesse que le Parlement perd de ses pouvoirs au profit des tribunaux soutienne aujourd'hui que le Parlement ne peut examiner une question aussi importante que le traité des Nisga'a.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, depuis que j'ai été élu ici, en 1993, j'ai vu le gouvernement refuser systématiquement de répondre ici à des questions concernant des affaires en instance devant les tribunaux.
Je vous le demande, monsieur le Président, comment pouvons-nous débattre convenablement de cette question fondamentalement importante pour tous les Canadiens et les Nisga'a pendant que le tribunal est saisi de l'affaire? Cela bat en brèche ce que j'ai cru être les conventions depuis que je suis arrivé ici, en 1993.
Le vice-président: La présidence tient à remercier tous les députés qui ont participé au débat d'avoir aidé à la résolution du recours au Règlement soulevé par le député de Langley—Abbotsford.
Au début de ses observations, le député a cité le commentaire 505 de la 6e édition de Beauchesne. J'attire son attention et celle de tous les députés sur la citation 506, que voici:
Le respect de la convention relative aux affaires en instance devant les tribunaux est absolu dans le cas de poursuites criminelles.
Je saute au commentaire 507, qui se lit comme suit:
En ce qui concerne les affaires civiles, il n'existe encore aucun usage établi; retenue dans certains cas, la convention ne l'a pas été dans d'autres.
Le respect de la convention, en matière civile, ne s'impose qu'au stade de l'instruction.
Le député de Langley—Abbotsford n'a saisi la Chambre d'aucune information voulant qu'il y ait des poursuites criminelles dans cette affaire, et il est difficile d'imaginer comment il pourrait en être autrement à ce moment-ci. En conséquence, compte tenu de la pratique passée de la Chambre et du fait que la Chambre est maîtresse de sa propre procédure, j'estime que la Chambre n'est pas liée par des poursuites judiciaires tant que le tribunal n'a pas rendu un jugement qui soit exécutoire pour la Chambre. Tant que le tribunal n'aura pas rendu un jugement qui soit exécutoire pour la Chambre conformément à la Constitution du Canada, j'estime que, jusqu'à maintenant, les délibérations sont aujourd'hui parfaitement conformes au Règlement. Conformément au paragraphe 83(4) du Règlement, j'ai l'intention d'aller de l'avant avec le projet de loi.
* * *
LES VOIES ET MOYENS
LA LOI SUR L'ACCORD DÉFINITIF NISGA'A
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose: Que le projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a, soit lu pour la première fois et imprimé.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
* * *
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
L'hon. Don Boudria (au nom de la ministre de la Justice) propose: Que le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. John Maloney (secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je me félicite de prendre la parole aujourd'hui à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
[Français]
Dans le discours du Trône, le gouvernement a indiqué son intention de travailler avec les Canadiens pour assurer la sécurité de nos communautés. Le gouvernement entend adopter une approche équilibrée, axée à la fois sur la prévention et le rôle des collectivités, et sur une réponse appropriée aux crimes plus sérieux. Cette approche équilibrée est clairement reflétée dans le projet de loi C-3 que nous débattons aujourd'hui.
[Traduction]
Le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques a longuement étudié le système de justice pour les adolescents et consulté les Canadiens dans toutes les régions du pays. Ses membres ont visité plus de 23 sites offrant différentes installations et programmes. Le Comité a aussi organisé un certain nombre de tables rondes auxquelles ont pris part de nombreux intervenants à l'intérieur et à l'extérieur du système de justice pour les adolescents. Il a publié un excellent rapport intitulé «Le renouvellement du système de justice pour les jeunes» et le gouvernement y a donné suite en proposant un excellent texte de loi.
Lors de la dernière session parlementaire, le ministre de la Justice a présenté une première version de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, le projet de loi C-68. Il a entendu les différents avis exprimés à la Chambre et ailleurs sur les questions complexes concernant la justice pour les jeunes.
Les avis sont bien entendu variés, mais il demeure que, pour certains, le projet de loi est trop sévère, alors que pour d'autres, il ne l'est pas assez. Le gouvernement et beaucoup d'autres continuent de croire que le projet de loi offre aux jeunes une système de justice pénale qui est à la fois souple, équilibré et bien intégré.
Ayant présenté le projet de loi pour la seconde fois, la ministre de la Justice est impatiente d'entendre le point de vue des Canadiens dans le cadre de la procédure parlementaire. Nous sommes persuadés qu'avec cette disposition nous mettrons en place pour les adolescents un système de justice pénale qui sera équilibré et qui nous assurera d'appliquer les mesures justes et équitables que les Canadiens souhaitent et méritent.
Les Canadiens estiment que le système actuel de justice pénale, pour les adolescents ne fonctionne pas aussi bien que souhaité dans de nombreux secteurs importants et qu'il doit être remanié. Nous savons que cette tâche exigera un effort soutenu, mettant à contribution tous les paliers de gouvernement et de nombreux autres partenaires en vue de s'attaquer au problème complexe de la criminalité chez les adolescents et d'instaurer à leur intention un système équitable et efficace de justice pénale. Nous nous réjouissons à la perspective de leur participation constructive à cette initiative axée sur les enfants en crise. Ce processus est en cours.
En 1998, le ministre de la Justice et le solliciteur général ont lancé le programme national de prévention du crime. Depuis cette époque, plusieurs millions de dollars ont été consacrés partout au pays à des programmes communautaires de prévention de la criminalité portant principalement sur les causes fondamentales du problème et mettant l'accent spécialement sur les enfants et les adolescents à risque.
Depuis son lancement, la stratégie nationale a soutenu plus de 600 projets de prévention du crime et de sécurité communautaire partout au Canada. Ces projets sont le fruit de l'initiative des collectivités et des Canadiens. Le gouvernement du Canada est fier d'accorder son appui à ces initiatives de la base visant à faire de notre pays un endroit plus sûr pour tous les citoyens. Ce sont là des investissements en faveur de nos collectivités et de nos adolescents.
L'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants et son remplacement par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents constituent la prochaine étape d'un processus visant à mener la lutte contre la délinquance juvénile. La nouvelle mesure législative indique aux Canadiens qu'un nouveau régime de justice pénale pour les adolescents a été mis en place. Les Canadiens trouveront dans le préambule de l'énoncé des principes de la nouvelle mesure législative le message qu'ils désirent obtenir de leur système de justice pénale pour les adolescents: un système qui vise d'abord et avant tout à protéger la société; qui favorise des valeurs comme le respect d'autrui et des biens d'autrui; qui insiste sur la reddition de comptes; qui prévoit que les jeunes délinquants violents et non violents feront l'objet d'un traitement équitable et proportionnel à la gravité de l'infraction commise; qui est inclusif et qui engage la participation des Canadiens dans la lutte contre la délinquance juvénile; et qui répond mieux qu'auparavant aux besoins des victimes.
Cela étant dit, on tiendra toujours compte des besoins des adolescents. Le nouveau régime leur offrira de l'espoir et donnera à ceux qui ont des démêlés avec la justice l'occasion de se reprendre pour leur plus grand bien ainsi que pour celui de leur famille et de leur collectivité.
Comme l'a expliqué à maintes reprises la ministre de la Justice en cette enceinte, les députés de ce côté-ci de la Chambre ne sont pas prêts à criminaliser les enfants de 10 et l1 ans. Ce n'est pas ainsi qu'on répondra aux besoins des enfants qui ont un comportement inacceptable. Nous croyons que, dans ces cas où une approche officielle s'impose, il est préférable de passer par les réseaux de santé mentale et d'aide à l'enfance. Ceux-ci ont accès à un plus grand éventail de services mieux adaptés aux enfants de cet âge, plus orientés vers la famille et plus thérapeutiques que ceux auxquels a recours le système de justice pénale.
Nous sommes déterminés à travailler avec nos partenaires provinciaux et territoriaux à l'élaboration d'une stratégie d'ensemble permettant de s'occuper efficacement des enfants de moins de 12 ans, et plus particulièrement du petit nombre d'entre eux qui commettent des infractions graves.
J'ai assisté à la conférence parrainée par la ministre de la Justice, qui s'est déroulée du 27 au 29 septembre de cette année. Cette conférence, qui avait pour thème «Travaillant ensemble pour nos enfants: protection et prévention», a marqué une étape importante dans l'élaboration d'une approche coopérative visant à régler les problèmes de comportement chez les enfants. Les participants de tout le pays ont échangé information et idées sur les meilleures moyens de régler les questions corrélées que sont la victimisation des enfants et des actes criminels commis par des enfants. Encore une fois, la prévention reste l'objectif suprême.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents comporte des dispositions prévoyant que les cas les plus graves de jeunes contrevenants violents fassent l'objet de mesures plus appropriées au crime commis. Elle allonge la liste des infractions et abaisse l'âge auquel un jeune peut être condamné à une peine applicable aux adultes. En vertu de cette loi, les jeunes de 14 ans et plus qui sont reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle grave seront condamnés à une peine applicable aux adultes à moins que le juge ne puisse être persuadé du contraire.
En outre, il est créé une cinquième catégorie d'infractions désignées. Les jeunes récidivistes violents de 14 ans et plus qui manifestent une tendance évidente à la violence seront ainsi condamnés à une peine applicable aux adultes à moins que le juge ne puisse être persuadé du contraire.
Le projet de loi C-3 prévoit un changement important à ce qui pourrait bien constituer l'aspect peut-être le plus controversé de la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, c'est-à-dire la publication des noms. Le débat sur cette question fait essentiellement s'affronter deux valeurs légitimes et opposées, soit la volonté d'encourager la réhabilitation des jeunes en évitant les répercussions négatives que peut entraîner la publicité et la nécessité de rendre le système de justice plus ouvert et plus transparent.
La loi proposée et présentement à l'étude établit un juste milieu entre ces valeurs opposées. Elle permet la publication des noms des jeunes reconnus coupables et passibles d'une peine pour adultes. La publication des noms des jeunes de 14 à 17 ans condamnés à une peine spécifique pour une infraction désignée pourrait aussi être autorisée. Toutefois, la loi proposée laisse à la Couronne la possibilité de donner avis avant le début d'un procès qu'elle ne requerra pas une peine pour adultes. Dans ce cas, l'adolescent en question se verra, à la discrétion de la couronne provinciale ou territoriale, condamné à une peine spécifique et son nom ne sera pas publié.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents modifierait aussi la procédure actuelle de transfert devant les tribunaux pour adultes en donnant à tous les tribunaux de première instance le pouvoir d'imposer des peines pour adultes. Les jeunes pourraient donc continuer de jouir de la protection qui convient à leur âge, et la justice pourrait être rendue plus rapidement et de façon moins pénible pour les victimes et leurs familles. Cette mesure permettrait également de voir à ce que le contrevenant, la victime ou la famille de la victime ainsi que la communauté comprennent bien le lien clair et opportun qui existe entre le délit et ses conséquences.
Le projet C-3 apporte d'autres réformes importantes au système de justice pénale pour adolescents. Pour tenir compte des préoccupations exprimées par les autorités chargées d'appliquer la loi, les juges auraient le pouvoir discrétionnaire d'autoriser que les déclarations faites volontairement par les jeunes à la police soient admises à titre de preuves au cours de leur procès. J'ai parlé à plusieurs procureurs de la Couronne à ce sujet. Cette disposition était la seule de l'ancienne loi sur les jeunes contrevenants qu'ils désiraient voir modifier. Nous l'avons donc fait.
Afin de répondre aux attentes des victimes, les déclarations de victime seraient autorisées au tribunal pour jeunes et l'accès des victimes à l'information relative aux audiences de la cour serait facilité.
Le projet de loi prévoit une peine plus sévère pour les adultes qui violent sciemment l'engagement pris envers la cour de respecter les conditions de libération conditionnelle comportant une obligation de surveillance d'un jeune qui, autrement, resterait en détention.
Le projet de loi autorise les provinces à recouvrer le montant des honoraires d'un avocat nommé par la cour auprès des parents et des jeunes qui ont les moyens de payer. En outre, le système d'archivage des casiers judiciaires pour les jeunes sera simplifié et le personnel autorisé y aura plus facilement accès dans l'intérêt de l'administration de la justice et à des fins de recherche.
Il est important de noter que la majorité des jeunes qui ont des démêlés judiciaires sont non violents et ne commettent qu'une infraction. Le système de justice pour les jeunes compte malheureusement de trop nombreux cas d'incarcérations pour des infractions mineures.
Au Canada, les jeunes sont incarcérés quatre fois plus souvent que les adultes. C'est là une statistique difficile à croire, mais c'est vrai. Nous les envoyons en prison tout en sachant qu'ils courent le risque d'en sortir en criminels endurcis et bien qu'il existe des solutions plus efficaces que la détention pour apprendre aux jeunes à tirer les leçons de leurs erreurs.
Le projet de loi C-3 fixe des critères de recours à la détention, de manière à en assurer un usage éclairé. Il contient également des dispositions relatives au traitement des infractions moins graves à l'extérieur du processus judiciaire officiel. Avant de porter des accusations, les services de police devraient examiner toutes les solutions possibles, y compris des mesures officieuses. Les services de police, partenaires clés de cette stratégie, auront un pouvoir accru de servir des mises en garde ou des avertissements verbaux dans le but de confier les jeunes à leurs programmes de déjudiciarisation officieux, comme des conférences en famille, ou à des programmes plus officiels exigeant l'intervention des services communautaires ou obligeant les jeunes à réparer les torts causés à leurs victimes.
Même si tous les efforts seront faits pour éviter de trop avoir recours à l'incarcération, s'il le faut, certains jeunes seront tout de même incarcérés. Le projet de loi C-3 contient des dispositions qui imposent l'obligation de s'assurer que tous les jeunes, et en particulier ceux qui commettent des infractions plus graves, bénéficient d'un traitement et de mesures de réadaptation efficaces.
Cela me rappelle la visite que le Comité permanent de la justice a rendue à l'Institut Pinel. Les membres du comité ont discuté avec de jeunes contrevenants qui avaient commis des infractions très graves, dont un jeune homme qui avait tenté de tuer sa mère et son père. L'établissement avait travaillé très fort avec le garçon, qui, au moment où nous l'avons rencontré, avait été libéré et vivait de nouveau à la maison, avec sa mère et son père. Les programmes de réadaptation fonctionnent. Il faut donner aux jeunes l'occasion d'y participer.
De plus, selon la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, dans presque tous les cas, les jeunes doivent purger leur peine dans un établissement pour adolescents. Des réadaptations réussies signifient moins de victimes, des familles rebâties, des écoles plus sûres et des communautés plus fortes. Le projet de loi C-3 prévoit, à cette fin, une garde intensive pour les jeunes récidivistes qui présentent les risques les plus élevés ou qui ont commis un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle grave.
Ces peines visent les délinquants souffrant d'une maladie ou de graves troubles d'ordre mental, psychologique ou émotionnel. La peine sera assortie d'un plan de traitement intensif et de surveillance des jeunes contrevenants; toutes les décisions relatives à leur libération dans le cadre d'un programme de réintégration surveillée seront prises par les tribunaux.
Le projet de loi réforme en profondeur le système de détermination des peines applicables aux jeunes afin de promouvoir une réintégration sure et efficace de ces derniers dans la société. Aux termes de la nouvelle loi, les juges devront imposer une période de surveillance communautaire après emprisonnement. Cela permettra aux autorités de surveiller les jeunes contrevenants et de les suivre de près, ainsi que de s'assurer qu'ils reçoivent les traitements nécessaires et participent aux programmes qui leur permettront une réinsertion sociale réussie. La période de surveillance, qui sera sous contrôle provincial, sera assortie de conditions obligatoires ou optionnelles adaptées à chaque personne.
Le projet de loi C-3 propose un cadre législatif d'ensemble, à la fois équilibré et souple, pour le système de justice applicable aux jeunes. Il est le fruit de consultations exhaustives auprès, entre autres, des provinces, de la police, du Barreau, des employés du système de justice pour les adolescents, des jeunes eux-mêmes et des victimes.
La prochaine étape importante du remaniement du système de justice pénale pour les adolescents sera la mise en oeuvre de la nouvelle loi. Il va falloir présenter le nouveau système aux professionnels du système, aux membres de la collectivité et à d'autres et parfois les former.
Nous savons tous que la meilleure façon de s'attaquer au problème complexe de la criminalité chez les jeunes est d'adopter une approche intégrée. Un système efficace de justice pénale pour les adolescents exige la participation des éducateurs, du régime de protection de l'enfance, du système de santé mentale, d'organismes bénévoles, des victimes, des familles, des employeurs et de groupes communautaires. En fait, quiconque oeuvre en faveur des enfants, des adolescents, des collectivités et de notre pays et qui a leur sort à coeur.
Des ressources supplémentaires ont déjà été débloquées par le fédéral pour financer le remaniement du système de justice pénale pour les adolescents, défi d'envergure s'il en est. La Stratégie du gouvernement relative à la justice pour les jeunes ouvre la porte à une plus grande participation du public et des professionnels dans le cadre de la lutte contre la criminalité juvénile.
La ministre invite les suggestions de tous les Canadiens qui s'intéressent à la justice pour les jeunes. Pour ma part, j'exhorte les députés à renvoyer le projet de loi C-3 au comité chargé de l'étudier, afin que les Canadiens puissent y exprimer leur opinion.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Monsieur le Président, avant de passer à mon intervention proprement dite, puisque les interventions des trois premiers participants au débat de ce matin ne sont pas suivies d'une période réservée aux questions et observations, je voudrais revenir brièvement sur certains des propos tenus par le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice, le député d'Erie—Lincoln.
Je ferai d'abord remarquer que l'intervention du député est à peu près identique à celle que la ministre a faite elle-même quand elle a lancé le débat sur le projet de loi le 22 mars. Un des collègues du député en face vient d'interjeter «Pourquoi pas?» J'essaie de faire remarquer à quiconque se donne la peine d'examiner la situation qu'il y a une position libérale toute faite à ce sujet. Le secrétaire parlementaire et député d'Erie—Lincoln s'est tout simplement contenté de lire ce que la ministre avait dit. On lui a probablement envoyé le discours, il y a apporté quelques modifications, puis il a pris la parole en présentant son intervention comme sa propre position.
Le député a dit que le projet de loi visait d'abord et avant tout à protéger la société. Il a ensuite parlé de conséquences dont il est très peu fait mention dans le projet de loi. Il a parlé d'un nouveau régime, alors qu'on n'a qu'à étudier le projet de loi et à le comparer à la Loi sur les jeunes contrevenants pour se rendre compte qu'il se résume aux mêmes foutaises présentées sous un nouvel emballage. Il n'y a rien de changé. Il a dit que le gouvernement n'était pas prêt à criminaliser les enfants de 10 et 11 ans. Il a dit aussi que la ministre avait écouté et consulté les Canadiens d'un océan à l'autre et écouté ce qu'ont dit les membres du comité permanent, un comité dominé par les libéraux, je ferai remarquer.
Nous constatons cependant que le gouvernement n'a pas écouté du tout. Oui, il a consulté et a fait semblant d'écouter, mais quand nous examinons les dispositions du projet de loi C-3, nous y trouvons les mêmes vieilles affaires. Je le dis dès le départ, il n'y a pas grand-chose qui a changé.
J'ai l'honneur d'intervenir aujourd'hui au nom de l'opposition officielle pour parler de cette question importante de la justice pour les jeunes. La réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants était une des pierres angulaires du mouvement réformiste. C'était un enjeu qui tenait à coeur à des milliers de Canadiens inquiets, dont beaucoup étaient des victimes ou des membres de la famille des victimes, ce qui en fait évidemment aussi des victimes.
Le rôle d'un gouvernement responsable est d'écouter ses citoyens et de réagir promptement à leurs préoccupations par des lois justes, efficaces et conçues dans leur meilleur intérêt. Le rôle d'une opposition responsable est d'analyser les gestes du gouvernement, d'offrir un appui dans les domaines où il y a entente, de critiquer les points avec lesquels elle n'est pas d'accord et de faire des propositions constructives pour résoudre les désaccords.
Je veux aborder la situation de la criminalité juvénile au Canada, nommer les domaines où des changements s'imposent selon les Canadiens, féliciter la ministre pour les points traités dans ce projet de loi, porter à son attention les dispositions du projet de loi qui ne sont pas conformes aux attentes des Canadiens et énumérer les changements au projet de loi souhaités par le Parti réformiste, qui seront présentés sous forme d'amendements au comité.
Parlons d'abord de l'état de la criminalité juvénile au Canada. J'ai souvent parlé à la Chambre de la communication que j'entretiens avec mes électeurs par le truchement d'une colonne dans un hebdomadaire. J'ai commencé à écrire cette chronique bien avant de devenir député. J'ai bien des fois abordé la question de la criminalité juvénile; j'ai écrit à ce sujet environ dix fois au cours des sept dernières années. La réaction à ces articles a été majoritairement favorable aux changements que le Parti réformiste propose depuis plus de dix ans.
Dans ma chronique du 10 février 1993, soit huit mois environ avant que je sois élu député pour la première fois, j'ai écrit:
Ce qui m'irrite au plus haut point, ce n'est pas seulement l'augmentation du nombre de crimes commis par des adolescents, mais le fait qu'ils semblent avoir un mépris total pour l'autorité. Presque tous les jours, nous pouvons trouver des cas de crimes très odieux commis par ces jeunes, qui ne montrent aucun signe de remords. Bien au contraire. Comme ils savent que la peine qui leur sera infligée sera très minime, sinon nulle, ils se vantent de leurs crimes et du fait qu'ils sont au-dessus de la loi.
À mon avis, cette attitude a été créée par la société. Les lois présument que les criminels ne sont pas vraiment de «mauvais» éléments, mais tout simplement les produits de «mauvaises» conditions sociales. Comment se fait-il que la plupart d'entre nous estiment que nous vivons dans le meilleur pays au monde et que, pourtant, nous persistons à chouchouter les criminels sous prétexte qu'ils ne sont pas vraiment à blâmer pour leurs actes?
Selon le Parti réformiste, notre système de justice doit placer le châtiment du crime et la protection des honnêtes citoyens et de leurs biens au-dessus de tous les autres objectifs. Cela ne veut pas dire pour autant que d'autres objectifs comme la protection des droits des accusés ou la réinsertion sociale des criminels sont négligeables. Cela veut tout simplement dire que la protection de la société est le premier motif qui justifie l'adoption d'un système de justice pénale.
Il est étonnant que ces mots aient été écrits il y a près de sept ans et que rien de vraiment concret n'ait été fait pour corriger le problème. Les Canadiens en ont assez d'adolescents qui n'ont aucun respect pour l'autorité, la collectivité ou la loi. Il faut apprendre à ces jeunes qu'ils doivent payer pour leurs actes. À mon avis, la Loi sur les jeunes contrevenants a créé plus de criminels qu'elle n'en a jamais réchappés.
Soyons honnêtes. La plupart d'entre nous n'étions pas des anges lorsque nous étions adolescents. Il faut parfois laisser les enfants vivre leurs propres expériences. Dans environ une semaine, ce sera l'Halloween, une tradition au cours de laquelle les jeunes aiment jouer des tours. C'est exactement ce que disent les enfants lorsqu'ils frappent à nos portes: friandises ou bêtises! Si on ne leur donne pas de friandises, on risque de se faire jouer un tour.
Je me rappelle mon adolescence dans une région rurale, dans le nord de la Colombie-Britannique. Mes amis et moi aimions jouer des tours, renverser quelque toilette extérieure, couvrir de savon le pare-brise d'une auto et des trucs de ce genre. Il se trouve que les choses ont beaucoup évolué depuis 30 ou 40 ans. Nous sommes aujourd'hui témoins de véritables actes de vandalisme, en raison d'une diminution graduelle des conséquences qu'ont les activités criminelles.
Ce ne sont pas les mauvais tours qui constituent le problème. Ce sont les crimes qui affaiblissent des collectivités, qui endommagent des biens et qui détruisent des familles. Ce sont les actes de violence qui sèment la peur dans le coeur des personnes âgées et des enfants qui sont victimes d'actes de harcèlement et de brutalité de la part d'une génération qui n'est pas tenue responsable de ses actes. Ce sont les familles qui chérissent la mémoire d'êtres aimés et qui portent les cicatrices d'un système de justice plus que tendre avec les jeunes contrevenants qui brutalisent, violent et tuent.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, Reena Virk, Dawn Shaw et Trygve Magnusson ne sont que quelques noms de personnes mortes aux mains de jeunes criminels violents. Ces morts inutiles sont de forts arguments en faveur de l'adoption de lois qui punissent et dissuadent les auteurs d'actes de violence et imposent des programmes de réinsertion sociale pendant les périodes de détention.
Ces cas me rappellent un phénomène qui semble nouveau dans notre société. Différents journaux ont parlé du phénomène des attaques en bande où des jeunes, apparemment sans raison et de façon tout à fait absurde, se mettent ensemble et battent à mort ou poignardent une malheureuse personne. Il faut sérieusement réagir à cela. Nous ne pouvons pas permettre que des jeunes commettent de tels actes de violence aveugle et s'en tirent avec une simple réprimande. Il est inacceptable que des jeunes puissent commettre de tels crimes et s'en tirer sans conséquences autres que quelques mois d'incarcération ou moins.
Les jeunes pensent tout naturellement qu'ils sont invulnérables. Certains diront que c'est attribuable au manque d'expérience ou à l'incapacité de comprendre les conséquences de leurs actes. C'est peut-être vrai pour certains, mais beaucoup de jeunes contrevenants sont tout à fait conscients des limites de la loi et estiment qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent jusqu'à l'âge de 18 ans. Des policiers me racontent que des jeunes de 14 ans leur disent qu'ils ne peuvent pas les toucher parce qu'ils sont mineurs.
Cette attitude est le résultat direct de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cette mesure législative, qui devait donner aux jeunes en difficulté une deuxième possibilité de réussir dans la vie, les pousse plutôt à adopter un comportement criminel. Je pense que la Loi sur les jeunes contrevenants ne détourne pas ces derniers du crime, elle les y incite. Les tragédies survenues à Taber, en Alberta, à l'école secondaire Columbine, au Colorado et ailleurs illustrent de façon horrible à quel point la situation peut dérailler parfois et à quel point nous sommes vulnérables à des actes de violence insensés, qu'ils soient le fait de jeunes ou d'adultes.
Les jeux vidéos, Internet ainsi que les sujets mis en valeur à la télévision, au cinéma et dans la musique obligent les parents, la société et les gouvernements à se concerter et à fixer des paramètres pour nos enfants. En tant que parents, nous devons absolument sélectionner ce que nos enfants voient et font pour pouvoir intervenir avant que la situation nous dépasse complètement.
Le rôle de la société consiste à établir des normes par consensus et à garantir que ces normes soient prises en compte dans les mesures législatives adoptées par nos gouvernements. À cet égard, le rôle d'un gouvernement est double. Premièrement, il doit voir à ce qu'un système de justice protège la société, condamne réellement le crime et réadapte les criminels. Deuxièmement, il doit repérer et corriger les faiblesses de la société en appliquant des programmes efficaces pour aider les familles dysfonctionnelles, alléger les difficultés financières et corriger les défauts du système d'éducation.
Il importe de souligner qu'il ne revient pas au système de justice de corriger les faiblesses de la société. C'est l'erreur la plus grave que l'on ait commise avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Cette loi avait pour objet de dissuader les gens d'enfreindre la loi et de punir et réadapter ceux qui le font.
Je voudrais maintenant traiter des changements qu'attendent les Canadiens. Il est intéressant de constater que le ministre a décidé d'ajouter l'expression «système de justice» dans le titre de la loi, car c'est précisément ce que veulent les Canadiens. Ils veulent qu'on impose des peines justes, qu'on trouve un équilibre entre le besoin de protéger la société, en condamnant le crime et en le punissant, et celui de réadapter les contrevenants et de les remettre sur la bonne voie. Il n'existe aucun raccourci pour atteindre cet objectif.
Rien ne dissuade mieux que la crainte des conséquences. Les jeunes contrevenants se moquent de l'autorité, parce qu'il n'y a rien qui exerce un effet de dissuasion. Cela doit changer.
Les Canadiens attendent depuis longtemps que le gouvernement actuel remplisse sa promesse de faire de la justice pour les jeunes une priorité, de mettre sur pied un système de justice pénale pour les jeunes qui fonctionne vraiment. Les Canadiens veulent: premièrement, que les peines soient proportionnelles aux crimes commis; deuxièmement, que les criminels violents soient écartés de la société; troisièmement, qu'on mette en place des programmes de prévention du crime qui soient efficaces; quatrièmement, que les écoles soient des endroits sûrs; cinquièmement, que l'âge auquel les enfants peuvent entrer dans le système de justice pénale soit abaissé; sixièmement, que les adolescents plus âgés et les criminels violents soient traduits devant les tribunaux pour adultes; septièmement, que le nom des agresseurs sexuels violents soit publié. Enfin, huitièment, que les droits des victimes passent avant ceux des criminels, quel que soit leur âge.
C'est ce que les Canadiens veulent. C'est ce que nous entendons chaque jour lorsque nous les consultons. C'est ce que le gouvernement entend aussi, mais il refuse d'écouter et de répondre de façon adéquate en présentant une mesure législative efficace.
Je vais parler brièvement de ce que nous appuyons dans le projet de loi C-3. Ce ne sera pas bien long.
Bien que la majeure partie de ce projet de loi soit une refonte de la LJC, et j'ai déjà dit quelques mots à ce sujet, on remarque quelques changements, qui ont été décrits par le député de Surrey-Nord lorsqu'il a parlé de ce projet de loi la dernière fois qu'il a été présenté. Quiconque est intéressé à prendre connaissance d'une analyse en profondeur de la question de la justice pour les jeunes et de ce projet de loi devrait lire le discours du député dans le hansard du 22 mars 1999. Le député est ici aujourd'hui. Je recommande fortement aux gens de lire ce discours.
Je dois dire que je suis déçu que le projet de loi ait été présenté de nouveau sous la même forme que la dernière fois, à part quelques changements mineurs. Le seul fait que le projet de loi ait traîné au Feuilleton pendant des mois témoigne du niveau de priorité que le gouvernement lui accorde.
Lorsque ce projet de loi est mort au Feuilleton au moment de la prorogation, j'ai été assez bête pour penser que le gouvernement avait enfin vu clair et qu'il présenterait une nouvelle version de cette mesure législative qui répondrait mieux aux préoccupations des Canadiens, préoccupations que je viens d'énumérer.
Cela étant dit, il y a quand même des petites victoires pour les Canadiens dans ce projet de loi. Parce qu'on met davantage l'accent sur le pouvoir discrétionnaire des policiers, ces derniers pourront servir des mises en garde au lieu de déposer des accusations dans les cas d'écarts de conduite mineurs commis par des jeunes. C'est le député de Crowfoot qui a proposé cette mesure dans son rapport minoritaire.
La ministre insiste beaucoup sur le fait de traiter différemment les contrevenants non violents de ceux qui le sont. Je pense aussi que c'est une excellente idée, mais le Parti réformiste avait également abordé la question dans son rapport minoritaire.
Les jeunes qui commettent des crimes non violents sont plus susceptibles de réussir dans le cadre de programmes de déjudiciarisation, de justice réparatrice et de service communautaire. Il n'est pas nécessaire de retirer ces jeunes de la société; il faut simplement leur montrer que leur conduite est inacceptable et faire en sorte qu'ils acquièrent un respect salutaire à l'égard de l'autorité et de la loi.
En mars 1995, en réponse aux premières modifications que l'actuel ministre de la Santé prétendait apporter dans le projet de loi C-37, à la Loi sur les jeunes contrevenants, voici ce que j'ai écrit dans ma chronique de journal:
Notre système de justice doit établir une distinction entre les jeunes qui commettent une première infraction mineure et ceux qui récidivent ou qui adoptent un comportement criminel violent et qui ne montrent aucun respect pour la propriété ou même la vie. Malgré ce que certains voudraient nous faire croire, les jeunes contrevenants qui commettent des crimes non violents contre la propriété ne sont pas tous inoffensifs. Bon nombre sont déjà des criminels invétérés dépourvus de tout sens moral et au système de valeurs corrompu. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient respecter la vie et la propriété des autres Canadiens.
Il faut que ces jeunes sachent que la peine à laquelle ils s'exposent pour leur crime ne se limitera pas à une tape sur le poignet ni à l'obligation de râteler des feuilles au parc local, le week-end venu. Ces jeunes doivent avoir une raison d'y réfléchir à deux fois avant de voler une autre voiture. Il faut arriver à un équilibre entre les mesures dissuasives et l'obligation de rendre compte, entre les peines et la réadaptation.
La plupart des contrevenants non violents sont d'excellents candidats pour des solutions de rechange comme les condamnations avec sursis, étant donné qu'ils posent peu, voire pas de risque pour la société et qu'il suffit de les obliger à dédommager leur victime.
Je voudrais féliciter la ministre d'avoir tenu compte dans le projet de loi d'un troisième aspect, celui qui consiste à tenir les parents et les tuteurs légaux responsables du non-respect, par un contrevenant dont ils ont la responsabilité, des conditions imposées par le tribunal. Le député de Surrey-Nord a proposé des dispositions à ce sujet dans le projet de loi d'initiative parlementaire C-210 qu'il a présenté pendant la première session de l'actuelle législature. Le député ne cherche pas notre reconnaissance pour avoir fait cela, mais il la mérite certainement.
Je félicite la ministre d'avoir pris les premières dispositions en vue de faire publier les noms des jeunes contrevenants qui commettent des crimes graves, même si je ne suis pas persuadé qu'elle va y parvenir. Dans le discours sur le projet de loi C-68, le prédécesseur du projet de loi C-3, qu'elle a prononcé le 22 mars 1999, voici ce que la ministre a dit au sujet de la publication des noms.
Les noms des jeunes de 14 à 17 ans qui sont des récidivistes violents ou qui ont été reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle grave pourraient également être publiés dans certains cas.
Qu'est-ce à dire? L'utilisation des mots «pourraient» et «dans certains cas» ne donne pas l'impression que la ministre accorde de l'importance à cette question. La ministre a encore une fois abdiqué sa responsabilité au profit des avocats et des tribunaux. Ces échappatoires conviennent peut-être fort bien à la ministre parce que, ayant une formation en droit, elle voudrait qu'elles soient dans la loi, mais je puis lui dire que ces termes sont les derniers que les victimes de crimes et leurs familles voudraient voir dans la loi.
Me reportant aux propos que la ministre a tenus à la Chambre ce jour-là et que l'on trouve dans le hansard, je voudrais également attirer votre attention sur une autre observation qu'elle a faite au sujet de la publication des noms. Elle a dit:
Le débat sur cette question fait essentiellement s'affronter deux valeurs légitimes et opposées...
Le secrétaire parlementaire a dit la même chose il y a quelques minutes.
«ce sont, d'une part, la volonté d'encourager la réhabilitation des jeunes en évitant les répercussions négatives que peut entraîner la publicité et, d'autre part, l'obligation de rendre le système de justice le plus ouvert et le plus transparent possible.
Regardons cela de plus près. Elle parle de la nécessité d'encourager la réhabilitation tout en évitant les effets néfastes de la publication sur les jeunes. À l'instar, sans doute, de la plupart des Canadiens, je pense que la seule façon de réhabiliter ces jeunes est de faire en sorte que le nom de ceux qui commettent ce genre de crime soit publié afin que les autres jeunes et la collectivité tout entière sachent ce qu'ils ont fait. Si leur nom se retrouve ainsi à la une des journaux, ils seront tenus responsables par la collectivité, les autres jeunes, leurs parents et leur famille. Ce serait à tout le moins quelque peu gênant. Je pense qu'on a tort d'affirmer de telles choses.
Les jeunes sont les premiers à réclamer les changements qui s'imposent en matière d'ordonnance de non-publication. La nécessité de protéger la majorité contre la minorité est déjà une raison suffisante pour que les jeunes puissent connaître l'identité de leurs pairs qui sont violents.
Passons maintenant à ce que recommande le Parti réformiste. Je tiens d'abord à féliciter deux de mes collègues pour le travail et le temps considérables qu'ils ont consacrés à ce dossier. Je veux parler du député de Crowfoot qui, hier, a représenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur la question, et du député de Surrey-Nord que les expériences tragiques de la vie et la nécessité de changer de carrière ont poussé à se faire élire au Parlement.
Je voudrais faire une pause et signaler que j'ai le bonheur d'avoir un fils de 16 ans. C'est l'âge qu'avait Jesse Cadman quand un jeune délinquant l'a brutalement privé de la vie. Comme parent de deux autres enfants, une fille de 20 ans et une autre de 18 ans, j'imagine facilement l'horreur qu'on peut ressentir en trouvant un de ses enfants assassiné. C'est une pensée qui me tracasse tous les soirs. Je prie Dieu que mes enfants soient sains et saufs. Je n'arrive pas à comprendre qu'un gouvernement puisse faire fi de tant de morts gratuites et ne pas songer à présenter une loi qui fasse la différence.
En sa qualité de membre du comité de la justice, le député de Crowfoot a sillonné le pays et a entendu plein de gens exprimer leur frustration à l'égard du système. Je trouve curieux que les députés libéraux entendent le même discours, mais que seuls les réformistes formulent des recommandations qui reflètent les préoccupations des Canadiens. Quant aux recommandations des députés du Parti libéral, elles reflètent les préoccupations et les intérêts de la ministre de la Justice et de ses bureaucrates.
Voici quelques-unes des recommandations que le Parti réformiste a présentées dans son rapport minoritaire: premièrement, faire de la protection de la société le principe premier et fondamental de la justice pour les jeunes; deuxièmement, permettre aux policiers d'user de discrétion dans le règlement des incidents mineurs plutôt que de déposer des plaintes; troisièmement, faire passer de 17 à l5 l'âge maximum d'assujettissement à la loi sur la justice pour les jeunes; quatrièmement, faire passer de 12 à 10 ans l'âge minimum d'assujettissement à la loi sur la justice pour les jeunes;
Je voudrais souligner la recommandation demandant de ramener l'âge minimum à 10 ans et la recommandation se rapportant aux autres mesures, parce qu'elles revêtent à mes yeux une importance particulière.
La ministre et les députés d'en face ont peint les députés réformistes comme des gens mauvais et méchants parce qu'ils veulent abaisser l'âge minimum à 10 ans. J'ai une chose à apprendre à la ministre. En dépit de ses accusations, les réformistes ne laisseraient jamais pourrir des jeunes de 10 ans derrière les barreaux en leur donnant pour toute nourriture du pain sec et de l'eau. Rien n'est plus faux.
Cependant, en incluant les jeunes de 10 ans dans ce projet de loi, le gouvernement les protégerait contre les personnes qui se servent d'eux pour commettre des crimes. Beaucoup de trafiquants de drogue font appel à des jeunes de 10 et 11 ans pour vendre de la drogue et ce, pour deux raisons: la première est qu'ils ont accès à d'autres enfants, la deuxième est qu'ils ne sont pas assujettis à la loi. Ces enfants sont des cibles, et leur participation risque de mener à une crise, surtout en Colombie-Britannique.
La ministre refuse de reconnaître que les provinces et la police souhaitaient ces changements particuliers et que même le comité permanent, pourtant constitué en majorité de libéraux, était en faveur. Lui-même a fait cette recommandation.
Assujettir les jeunes de 10 ans à la loi est un début qui permettra de les remettre très tôt sur la bonne voie. Trop d'enfants sont malheureusement déjà des criminels expérimentés à l'âge de 12 ans, et il est déjà presque trop tard pour les remettre sur la bonne voie.
Une autre recommandation porte sur les solutions de rechange. Au nombre des solutions de rechange figurent la déjudiciarisation, la justice réparatrice et le service communautaire. Je suis particulièrement intéressé par le principe des condamnations avec sursis car il donne lieu à une responsabilité cruciale, à mon sens.
Les condamnations avec sursis sont à l'origine d'histoires d'horreur entendues dans les tribunaux pour adultes. Je tiens à souligner que les individus reconnus coupables de crime avec violence, qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants, ne doivent pas bénéficier de condamnations avec sursis. Il est extrêmement important que les délinquants violents soient écartés de la société, pour protéger la population, et que des peines soient appliquées, assorties d'un programme de réadaptation dont l'effet est dissuasif.
Qu'est-ce que la condamnation avec sursis? Il s'agit d'une modification apportée au Code criminel, qui accorde au juge le pouvoir d'imposer une peine devant être purgée dans la communauté. Cela évite au contrevenant d'aller en prison, lui permet de rester parmi les siens et de conserver son travail ou poursuivre sa scolarité, à certaines conditions. C'est ce qui est prévu.
Dans quel cas s'applique-t-elle? Elle s'applique dans les cas où le contrevenant aurait été normalement condamné à moins de deux ans de détention. Cette modification était le fruit d'une tentative de la part des libéraux d'alléger le fardeau des prisons surpeuplées du Canada.
Le législateur n'a jamais eu l'intention de recourir aux condamnations avec sursis dans les cas de crime avec violence. Les lignes directrices pour la détermination de la peine restent toutefois imprécises et ont été interprétées de façon à pouvoir inclure tous les crimes. Dans un arrêt rendu en août 1997, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré que si le Parlement avait eu l'intention de soustraire certaines infractions à l'application de l'article 742.1, il l'aurait dit expressément.
Beaucoup de juges ont interprété l'application de cette loi qui permet aux auteurs de crimes violents de purger leur peine dans la communauté. Ils ont prononcé des condamnations avec sursis dans des cas d'agression sexuelle, de conduite en état d'ébriété, de viol et même de meurtre.
Nos communautés sont en danger. Je vais vous citer quelques exemples. À Montréal, trois hommes ont été condamnés à 18 mois avec sursis pour avoir violé une jeune femme de 16 ans qui était enceinte et l'avoir suspendue à l'envers d'un balcon. Le juge croyait que c'était là une de leurs traditions culturelles.
À Winnipeg, un jeune qui avait déjà été reconnu coupable de vol simple et de sept vols à main armée et qui avait obtenu une permission de sortir d'un centre de détention pour jeunes du Manitoba s'est vu infliger une condamnation avec sursis ainsi qu'une période de probation de trois ans à la suite de la fusillade d'un jeune de treize ans au volant d'une voiture. C'était terrible.
À Edmonton, un homme de 57 ans ayant attaqué un jeune homme de vingt et un ans à la machette, lacérant son visage et découpant le tiers de son oreille, s'est vu infliger une peine de 240 heures de travaux communautaires ainsi qu'une heure de rentrée.
À Orléans, ici tout près, Paul Gervais a reconnu avoir agressé sexuellement neuf garçons. Il a été condamné à un emprisonnement de deux ans avec sursis et soumis à une heure de rentrée. Il purge sa sentence à la maison.
À Ottawa, ici même dans la Capitale nationale, Robert Turcotte a étranglé sa mère. Il a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 100 heures de travaux communautaires et soumis à une heure de rentrée fixée à minuit.
La loi du gouvernement fédéral sur les sentences conditionnelles permet à certains criminels violents de purger leur sentence dans la communauté plutôt qu'en prison. Quel est le message derrière tout cela? Cela nous démontre que notre système de justice prévoit des conséquences mineures pour des crimes importants et très graves. Selon un sondage effectué récemment à l'échelle nationale, 84 p.100 des Canadiens croient que les gens reconnus coupables d'une infraction avec violence ne devraient pas avoir droit à une sentence conditionnelle.
On pourrait facilement améliorer cette mesure législative tout simplement en changeant un article. Si la ministre de la Justice voulait vraiment changer la loi, elle pourrait le faire en un seul jour avec la collaboration de la Chambre. Plutôt que de répondre à la volonté claire des Canadiens, elle préfère laisser les tribunaux se prononcer sur ces questions.
Je suis sur le point de présenter à nouveau mon projet de loi énumérant toutes les infractions à l'égard desquelles, s'il est adopté, toute possibilité d'octroyer un sursis sera exclue.
Comme la grande majorité des Canadiens, nous sommes en faveur de la modification du Code criminel de façon à ce que les auteurs de crimes graves ne puissent bénéficier d'un sursis. Quiconque est reconnu coupable d'une infraction aussi grave qu'un meurtre, un homicide involontaire, un vol à main armée, un enlèvement, un acte d'agression sexuelle, des voies de fait, un acte de violence conjugale ou le trafic de drogues ne devrait être admissible à l'octroi d'un sursis.
Selon une enquête récente auprès de 450 juges canadiens, 80 p. 100 d'entre eux hésitent à imposer une peine avec sursis à cause du manque de surveillance. Cela revient à une petite tape sur la main. Si on ne peut pas surveiller les criminels, on ne peut pas protéger la société contre leurs activités.
Si un enfant commet un crime de violence et inflige des douleurs et des préjudices à autrui, est-ce qu'il apprendra quelque chose s'il est seulement privé de sorties? On ne parle pas de cas mineurs de vol à l'étalage ou de vandalisme impliquant un enfant traversant une mauvaise passe. On parle de crimes graves. Être condamné avec sursis revient effectivement à être privé de sortie puisqu'on est limité dans sa liberté. C'est tout. Comment les personnes qui ont été blessées par un jeune, condamné avec sursis, pourraient-elles estimer que justice a été faite si on laisse ce dernier rentrer chez lui jouer au Nintendo ou regarder la télévision?
Et que pensent les jeunes qui voient que leur copain est condamné à une peine si peu sévère? Qu'est-ce que ça leur apprend? Est-ce qu'ils penseront aux conséquences avant de commettre un crime? La réponse est non, parce que c'est exactement l'effet qu'a la LJC et qu'aura le projet de loi C-3. Il ne changera rien à cet égard.
La ministre doit tirer la leçon des erreurs commises en matière de condamnation avec sursis chez les adultes et veiller à ce que ces erreurs ne se répètent pas avec nos jeunes par le biais de cette mesure législative.
J'aimerais parler des mesures que la ministre a prises. Comme je viens de le mentionner, ce projet de loi contient trois initiatives qui répondent aux préoccupations des Canadiens. Je me demande qu'est-ce qui a pu prendre autant de temps alors qu'il n'y a que trois initiatives.
Lorsque la ministre de la Justice a été nommée, il y a 864 jours, elle a déclaré que sa priorité absolue était la refonte de la Loi sur les jeunes contrevenants et que des modifications seraient apportées de façon opportune. Le projet de loi aura bientôt 1 000 jours. Encore heureux qu'il s'agisse d'une priorité absolue.
Ce chiffre de 864 jours est assez vague et ne semble pas vouloir dire grand-chose. Ce n'est qu'un chiffre. Qu'en est-il au juste? Pendant ces 864 jours que les Canadiens ont passés à attendre une nouvelle mesure législative portant sur la criminalité chez les jeunes qui, l'espéraient-ils, comprendrait des mesures de dissuasion, plus de 30 000 crimes avec violence ont fait plus de 30 000 victimes. Cela représente environ 34 crimes avec violence par jour, et il est regrettable que le projet de loi C-3, dont le gouvernement est si fier, passe à côté de la question et n'apporte pas de solutions réelles, comme la plupart des initiatives gouvernementales en matière de justice. La réussite du projet de loi C-3 se mesure en fonction d'un seul et unique critère. Répond-il aux préoccupations des Canadiens?
Je vais les passer en revue de nouveau. Les peines correspondent-elles à la gravité des crimes? Non. Les criminels violents sont-ils retirés de la société? Sûrement pas. Existe-t-il des programmes efficaces de prévention du crime? Quelques-uns. Nos écoles seront-elles plus sûres? Non. Le système s'appliquera-t-il à de plus jeunes enfants? Non. Est-il possible de traduire les adolescents les plus âgés et les criminels violents devant le tribunal pour adultes? Oui, au gré des tribunaux. Les noms des auteurs de crimes avec violence et d'agressions sexuelles seront-ils publiés? Peut-être. Les droits des victimes l'emportent-ils sur ceux des criminels? Non, pas du tout.
En conclusion, j'informe la Chambre que l'opposition officielle est incapable, à regret, puisque nous avons attendu ce projet de loi comme les autres Canadiens, d'appuyer le projet de loi sans de sérieux amendements. Nos députés qui font partie du comité de la justice proposeront des amendements qui seront le plus susceptibles d'assurer la sécurité publique, la dissuasion et la réinsertion sociale.
Je crois déjà entendre ce que répondra la ministre quand on lui demandera, lors des périodes de questions à venir, pourquoi des jeunes criminels violents ont encore été pris à récidiver alors qu'ils se trouvaient en liberté en raison de la clémence des peines qui leur avaient été imposées. Elle dira probablement que le gouvernement a apporté des modifications importantes au système de justice pour les jeunes, mais que le Parti réformiste a voté contre.
Je vais mettre les choses au clair dès le départ. Le projet de loi C-3 laisse sérieusement à désirer. Il n'est pas satisfaisant pour les Canadiens qui ont attendu si longtemps. Le projet de loi ne va pas assez loin pour protéger la société. Il ne prévoit aucune mesure pour obliger les jeunes criminels à participer à de véritables programmes de réinsertion.
La ministre a proposé encore une fois un projet de loi qui est rempli d'échappatoires et qui permet aux avocats et aux juges de maintenir le statu quo en matière de justice pour les jeunes. Le statu quo, ce n'est pas ce que les Canadiens espéraient ou souhaitaient à cet égard.
En résumé, le projet de loi C-3 est inacceptable. Il est inacceptable pour le Parti réformiste du Canada. Il est inacceptable pour les Canadiens et, plus important, il est inacceptable pour les jeunes qui réclamaient un changement avec le plus d'insistance. Le projet de loi C-3 est tout simplement inacceptable.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, toute la question des jeunes contrevenants est un dossier extrêmement important, parce que tout le monde sait que ces jeunes vont faire partie de la société dans les années qui vont suivre. C'est pourquoi le Bloc québécois a porté une attention extrêmement particulière à tout ce qui entoure les débats relativement à la Loi sur les jeunes contrevenants. On a exigé à maintes reprises que la ministre ne touche pas à cette loi qui donne de bons résultats au Québec. Je vais expliquer cela de façon très détaillée dans le temps qui m'est alloué.
Je vais tenter de faire la preuve que c'est une bonne loi, qu'on ne doit pas y toucher et qu'on doit tout simplement l'appliquer comme le Québec le fait depuis qu'elle a été adoptée. Au Québec, on a de très bons résultats. Je crois que tout le monde s'entend là-dessus dans cette Chambre. Même l'ex-ministre de la Justice l'a reconnu lors d'une conférence des premiers ministres. Il avait même fait le souhait que toutes les provinces appliquent cette loi comme le fait le Québec. Malheureusement, on a un projet de loi devant nous qui modifie certaines choses. J'y reviendrai d'ailleurs tantôt.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours du secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice—je trouve étrange que ce ne soit pas la ministre elle-même qui vienne défendre son projet de loi à la Chambre en deuxième lecture, mais son secrétaire parlementaire—et je pense qu'il n'a pas compris la problématique.
Le gouvernement ne semble avoir rien compris à l'approche québécoise. Pire encore, il cite des gens, dont des représentants de l'Institut Pinel, qui ont dit à maintes reprises qu'ils ne veulent pas du projet de loi C-3, ou du projet de loi C-68 comme on l'appelait lors de la précédente session. Le secrétaire parlementaire cite les représentants de l'Institut Pinel. Il faut être mal pris pour citer des gens qui combattent ce projet de loi pour pouvoir le vendre à la Chambre.
De l'autre côté, j'ai écouté avec attention les députés du Parti réformiste. Fidèles à leur vision de la justice, fidèles à tout ce qu'ils ont fait depuis 1993, malheureusement, ils déforment la situation. Le député réformiste invoquait Dieu et des prières. Il ne voulait pas que ses enfants se fassent attaquer par des jeunes, et caetera. C'est un discours très négatif, démagogique, qui ne devrait être tenu à la Chambre lorsqu'il est question d'un projet de loi aussi important que la Loi sur les jeunes contrevenants.
C'est de désinformer la population que de dire de telles choses. C'est de ne pas avoir devant les yeux les statistiques—et ce ne sont pas des statistiques du Bloc québécois ou du gouvernement du Québec—ce sont les statistiques du gouvernement fédéral qui démontrent que le crime est en baisse chez les jeunes à l'heure actuelle. Même au niveau des crimes les plus violents, il est en baisse, pas de beaucoup, mais continuellement en baisse depuis les dernières années, toujours aux alentours de 1 p. 100 à 2 p. 100 par année. Il n'y a qu'au Québec qu'on applique intégralement ce projet de loi. Le Québec contribue pour beaucoup dans cette baisse, parce qu'il a des résultats extrêmement probants.
Si on va de l'est à l'ouest du Canada anglais, plus on va dans l'ouest, plus le taux de récidives et de jeunes délinquants augmente. Si on regarde au niveau de l'application de la loi actuelle, la loi qui est en vigueur actuellement sur les jeunes contrevenants, on s'aperçoit qu'on applique moins la Loi sur les jeunes contrevenants de l'est à l'ouest du Canada anglais, et plus particulièrement à l'ouest.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, à l'heure actuelle, avec le système des libéraux, moins on applique la Loi sur les jeunes contrevenants, plus on a d'argent. J'y reviendrai plus tard. Il y a une facture qui traîne depuis des années que le gouvernement d'en face ne rembourse pas au gouvernement du Québec.
Le gouvernement du Québec a décidé d'investir sur la personne, d'investir sur le jeune, afin que celui-ci devienne un citoyen anonyme le plus rapidement possible lorsqu'il sort de la maison où il était, pour qu'il devienne un citoyen à part entière, alors que dans l'Ouest canadien, on investit dans le béton. Le programme est fait de telle sorte que ceux qui investissent dans le béton et dans les prisons, ceux qui investissent pour mettre ces jeunes contrevenants en-dedans le plus longtemps possible ont de l'argent du gouvernement fédéral, alors que ceux qui appliquent la loi qui a été adoptée par le gouvernement fédéral, faite par le gouvernement d'en face, sont pénalisés.
Je comprends pourquoi l'ancien ministre de la Justice n'est pas resté à son poste longtemps: il avait donné raison au gouvernement du Québec au sujet de la facture qu'il réclamait. J'y reviendrai un peu plus tard.
Pour en finir avec l'intervenant qui m'a précédé, j'aimerais qu'il regarde un peu plus les statistiques. J'aimerais qu'il regarde un peu plus ce qui se passe dans son environnement immédiat et qu'il essaie de dépersonnaliser le débat, qu'il regarde les données qui sont objectives.
Qu'il vienne donc au Québec voir ce qui se passe. Qu'il consulte des gens comme ceux de l'Institut Pinel. Qu'il regarde les écrits d'éminents criminologues et de professeurs d'universités. Qu'il regarde l'approche des procureurs de la Couronne dans les dossiers. Qu'il regarde les résultats du Québec. Je suis persuadé qu'il va comprendre que l'approche qu'il préconise n'est pas la bonne.
Cela étant dit, je vais aller plus à fond sur ce sujet. Je vais commencer par une citation extrêmement importante, pour dire qu'au Québec ce n'est pas seulement récemment qu'on s'occupe de la question des jeunes contrevenants et qu'on s'intéresse à ce sujet.
Après plusieurs années de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, un juge a été mandaté par le gouvernement du Québec pour faire enquête et vérifier comment on appliquait la Loi sur les jeunes contrevenants, pour voir s'il y avait des choses à améliorer dans son application quotidienne, voir si le gouvernement pourrait appuyer et seconder davantage les organismes juridiques qui appliquent quotidiennement cette loi et voir si on pouvait l'améliorer et aider ces organismes.
Je fais référence au rapport du juge Jasmin qui a étudié la question des jeunes contrevenants. Son rapport a été rendu public en 1995. Ce débat dure depuis quelque temps. On discute aujourd'hui du projet de loi C-3 mais, lors de la session précédente, ce projet de loi portait le numéro C-68. Durant l'été, il ne s'est rien fait. Je reviendrai sur cela. J'ai beaucoup de choses à dire et je pense que je n'aurai pas assez de 40 minutes. Je vais essayer d'en donner les grandes lignes.
L'extrait que je vais lire du rapport du juge Jasmin a très bien sa place dans le débat d'aujourd'hui. Il dit:
Il est souvent plus facile de modifier une loi que de changer les pratiques d'intervention. Il est peut-être tentant de se laisser aller à croire qu'en durcissant la loi on apportera une solution aux problèmes que pose la délinquance. Les réponses simples sont un leurre puisqu'elles s'adressent à des problèmes complexes. Elles en occultent l'ampleur en créant la fausse impression que l'on fait le nécessaire pour les régler. Substituer la répression aux approches éducatives relève de ces réponses simples. C'est cependant oublier que les adolescents sont en processus d'éducation et c'est leur faire porter seuls la responsabilité de la délinquance, comme si la société et le milieu dans lequel ils vivent n'y étaient pour rien.
Ce n'est pas une mince conclusion que le juge Jasmin a tirée de ses consultations. Je souscris à ces conclusions à 150 p. 100. Si un jeune de 14 ou 15 ans commet un crime violent, s'il tue une personne—à 14 ou 15 ans, il est à l'aube de sa vie—je pense que la société a été fautive dans son approche. Je pense que la société, quelque part, est responsable de cela.
Je ne dis pas que la société doit prendre tout le blâme. Lorsqu'on examine un peu le cas, qu'on voit un jeune de 14 ou 15 ans qui commet un tel crime, qui est répugnant, j'en conviens, qu'on regarde sa situation familiale, qu'on examine tout son processus d'éducation et dans quel milieu il vivait, qu'on examine un peu qui il fréquentait, on se rend compte bien souvent que les parents sont complètement absents. On se rend compte que le jeune a commis un crime extrêmement grave mais qu'il n'est pas le seul responsable.
Est-ce que cela va régler la question que de le «mettre en-dedans», comme on dit souvent dans le jargon? Est-ce que cela règle le problème? Dans l'immédiat, peut-être.
Un jeune de 14 ans qui entre en prison va en ressortir un jour, mais le problème ne sera pas réglé lorsqu'il en sortira.
Pourtant, c'est malheureusement l'approche préconisée par les réformistes à la Chambre et, de façon très décevante, sans doute pour gagner quelques votes aux prochaines élections en Alberta, représentée par la ministre de la Justice, la ministre s'est pliée à des revendications très à droite du Parti réformiste.
Dans le domaine de la justice, et particulièrement dans le domaine des jeunes contrevenants, réformistes et libéraux, c'est bonnet blanc, blanc bonnet; c'est la même chose. Cela n'a pas de bon sens.
Plus tôt, je disais que ce n'était pas la première fois que l'on discutait de ce projet de loi, puisqu'il a été déposé en première lecture par la ministre de la Justice, le 11 mars 1999, sous le numéro C-68. Immédiatement après le dépôt, à la simple lecture du préambule et des premiers articles de la loi, j'avais jugé qu'il y avait une modification extrêmement importante à y apporter et que l'on mettait la hache dans des pans de mur, de grands pans de mur, de la Loi sur les jeunes contrevenants, alors qu'elle fonctionne bien.
Petit à petit, les appuis ont grandi et petit à petit, au Québec, il y a eu une levée de boucliers assez importante à l'époque—on se réfère aux mois de mars, avril et mai 1999. Le gouvernement du Québec a fait valoir ses points de vue et, par la suite, a fait pression régulièrement sur le ministère de la Justice pour lui indiquer la voie appropriée à suivre. Il a ressorti les citations de l'ancien ministre de la Justice du même gouvernement libéral pour lui indiquer qu'il y avait une divergence dans l'approche et que ce qu'un ministre disait était contredit de façon claire par son successeur.
J'aurais pensé que la ministre de la Justice, au cours de l'été, aurait réfléchi à cette question, parce que c'est sans doute l'un des projets de loi les plus importants qu'elle aura présenté au cours de la présente législature. Ce que l'on adopte aujourd'hui va marquer les générations futures. On ne modifiera pas la Loi sur les jeunes contrevenants tous les six mois, ou chaque fois que le portefeuille de la Justice sera accordé à un autre ministre. Ce projet de loi sera sans doute le plus important qu'elle aura présenté à titre de ministre de la Justice.
J'ai cru, à tort, que l'été, que les vacances estivales auraient porté fruits. J'ai cru, à tort, que l'été aurait un peu ventilé l'esprit de la ministre et qu'elle aurait compris le bon sens. Mais non, elle revient aujourd'hui avec l'ancien projet de loi C-68 qui, par un tour de passe-passe administratif de la Chambre, se retrouve sous le numéro C-3. Il n'y a rien de changé à l'égard de ce projet de loi, alors que plusieurs personnes, je crois, ont fait la démonstration très claire qu'il devait être modifié ou même retiré afin que l'on poursuive l'application de l'actuelle loi sur les jeunes contrevenants.
Je disais que dès les mois mars, avril et mai 1999, il y a eu une levée de boucliers au Québec. Ce ne sont pas des paroles en l'air, je mets le gouvernement d'en face au défi de me citer ou de me mentionner un seul organisme québécois, qui applique de façon quotidienne la Loi sur les jeunes contrevenants, qui appuie la ministre dans les modifications qu'elle propose. Aussi bien les criminologues, les intervenants sociaux, les corps policiers et les juristes de tous les côtés, disent que la ministre fait fausse route.
L'opposition au Québec est grande. Chez le gouvernement du Québec, elle est très grande, et je pense qu'elle grandira d'ici quelques jours. Il faut peut-être envoyer un message encore plus clair. Les députés libéraux n'ont peut-être pas suffisamment compris.
On m'a dit que si l'opposition que fait le Québec et le message de la coalition contre la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants n'a pas porté fruit auprès du ministre de la Justice et du caucus libéral québécois, elle a porté fruit chez certains groupes à l'extérieur du Québec.
De plus en plus, il y a des gens qui commencent à s'opposer à ce projet de loi, non pas pour les raisons invoquées par les réformistes, mais à cause des raisons avancées par la coalition québécoise qui est contre les modifications que la ministre entend faire dans cet important dossier.
Lorsqu'un ministre décide d'intervenir dans un dossier, c'est sans doute parce qu'il se sent justifié de le faire. Tantôt, je disais que le taux de criminalité avait chuté. Si on regarde depuis 1991, le taux de criminalité juvénile a chuté de 23 p. 100. Au Québec, les résultats sont encore plus probants parce qu'on applique la Loi sur le jeunes contrevenants.
Le projet de loi que nous avons devant nous n'est pas un projet qui modifie la Loi sur les jeunes contrevenants. Parce que j'entends encore cela de la part de certains députés du parti gouvernemental. Ils disent: «Le projet de loi que vous avez devant vous, gens de l'opposition, c'est un projet de loi qui modifie la Loi sur les jeunes contrevenants».
Ce n'est pas vrai. Le projet de loi C-3 abroge l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. On repart à neuf sur de nouvelles bases, de nouvelles bases complètes. Et cela, il faudrait peut-être que le gouvernement le reconnaisse. Pour ce qui est de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants que l'on applique aujourd'hui—et je ne peux pas entrer en détail dans chacun des articles parce que c'est une loi extrêmement complexe—, je pense qu'au niveau des grands principes et des grandes orientations on comprendra très bien notre opposition au projet de loi.
À l'heure actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants qu'on applique aujourd'hui—tous les juges, incluant ceux de la Cour suprême le disent—, c'est à son article 3 que l'on voit la véritable orientation politique que le législateur a voulu donner à cette loi et ce qu'il entend faire avec les jeunes qui ont des problèmes avec la justice.
L'article 3 est très long et je ne le lirai pas en entier mais je vais lire certains principes qui doivent guider le juge lorsqu'il rend une décision concernant un jeune.
Dans cet article, on dit:
La prévention du crime est essentielle pour protéger la société à long terme, exige que l'on s'attaque aux causes sous-jacentes de la criminalité des adolescents.
Par la suite on dit:
a) Les adolescents ne sauraient dans tous les cas être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité aux conséquences de leurs actes. Toutefois, les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leur délit.
b) La société, bien qu'elle doive prendre des mesures raisonnables qui s'imposent pour prévenir la conduite criminelle chez les adolescents, doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite.
C'est faux quand on dit que l'actuelle loi ne protège pas ou n'a pas un objectif de protection de la société. Dans les trois premiers alinéas de l'article 3, elle prévoit justement la protection de la société.
Cet article dit aussi:
c) La situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement. Toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur crée des besoins spéciaux.
L'expression «besoins spéciaux» est un élément extrêmement important de l'alinéa 3c) sur lequel de nombreux juges, incluant ceux de la Cour suprême, se sont prononcés pour dire qu'au Québec, on faisait les choses différemment, parce qu'on prenait en considération les «besoins spéciaux» de la situation sur laquelle on se penche.
On dit également, et je cite:
La protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servi par la réinsertion sociale du jeune contrevenant.
J'espère que les députés d'en face, dont le secrétaire parlementaire qui m'écoute religieusement, ont compris que l'actuelle loi adoptée par ce gouvernement dit que «la réinsertion sociale du jeune contrevenant est préférable à toute autre mesure». C'est dans la loi actuelle. Dans certains cas, dans le traitement des jeunes contrevenants, il y a lieu d'envisager, s'il est décidé d'agir, la substitution de mesures de rechange aux procédures judiciaires prévues par la présente loi.
On dit en outre que même si la Loi sur les jeunes contrevenants prévoit l'emprisonnement, prévoit certaines choses, si on pense que le cas exige des mesures de rechange, on peut les substituer à d'autres mesures.
On dit également: «Les adolescents jouissent, à titre propre, de droits et libertés, au nombre desquels figurent ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés ou dans la Déclaration canadienne des droits.» Et ça se poursuit. C'est un article extrêmement important.
Est-ce qu'on retrouve, dans le projet de loi C-3, quelque chose de semblable? Je ne pense pas avoir besoin de faire la démonstration que dans un projet de loi, il y a un titre, des articles, des sections et des chapitres. Ce qui est dans la loi est plus important que les notes explicatives, par exemple, ou le préambule.
La Cour suprême du Canada s'est déjà prononcée sur cela pour dire que le préambule donne des directives, mais qu'il faut vraiment aller voir ce qui est édicté dans la loi.
De tout ce que j'ai lu, la grande déclaration de principes qu'on retrouve à l'article 3 de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, il n'existe rien de pendant dans le projet de loi C-3 à l'étude ce matin.
Pour calmer les esprits de façon très réfléchie, on a mis ces principes vaguement, sans insistance, dans le préambule de la loi. C'est comme si on disait: «Hé, le Bloc québécois, les principes sont là dans le préambule.» Mais c'est un leurre, cela ne veut rien dire. Des jugements l'ont signifié. Lorsqu'on lit la loi au complet, on se rend compte que le préambule n'est pas reflété dans l'application de la loi. Les juges devront l'interpréter, c'est sûr, mais ils vont le faire en fonction de ce qui est indiqué dans la loi.
Donc, on voit vraiment qu'il existe une différence importante entre ces deux textes, le texte de la Loi sur les jeunes contrevenants tel qu'il est actuellement et le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui.
Un autre argument qui est souvent invoqué par les gens d'en face, c'est la flexibilité. Plusieurs députés libéraux du Québec se sont faits endormir par la ministre de la Justice ou son ministère, ou peut-être même par le premier ministre, parce qu'il doit avoir un mot à dire là-dedans. Ils m'ont dit, parce qu'il y en a plus d'un: «Pourquoi te plains-tu? Le Québec va pouvoir faire ce qu'il veut. Il y a de la flexibilité dans cela. Il y a un «opting out».»
À l'examen, on voit qu'il n'existe pas de flexibilité. Ce que la ministre de la Justice entend par flexibilité, à l'effet qu'on va pouvoir faire ce qu'on veut au Québec, ou la flexibilité que la ministre dit être contenue dans le projet de loi et qui ferait en sorte qu'on pourrait continuer à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants, n'existe nulle part.
Qu'on m'indique l'article où cela est indiqué. J'ai lu le projet de loi plus d'une fois. Je ne pourrais pas dire combien de juristes se sont penchés sur ce projet de loi, au Québec, et combien d'institutions l'ont étudié, et personne, qu'il soit criminologue ou avocat, personne n'a trouvé un article qui donnait cette flexibilité au Québec.
Cependant, on y lit que dans certaines circonstances, on pourra faire du cas par cas. Ça, ce n'est pas drôle. La ministre peut bien faire ce qu'elle veut avec le projet de loi, soit dit en passant, car elle le présente, mais elle n'a pas à l'appliquer. Ce sont les provinces qui l'appliquent.
Elle met une pression indue sur les procureurs de la Couronne qui vont évaluer cas par cas si, dans tel dossier, ils doivent traiter le jeune comme un adulte, et si, dans tel autre dossier, ils doivent le traiter en vertu du fait qu'un jeune n'est pas nécessairement responsable, à 100 p. 100, de ses gestes et qu'il mérite une attention particulière. Ce n'est pas la ministre de la Justice qui aura cette pression sur les épaules. Ce n'est pas la ministre de la Justice du «beau grand plus beau pays du monde» qu'est le Canada qui aura cette pression, ce sont les Québécois, pour ce qui est du Québec, qui devront appliquer cette loi.
Avec des discours démagogiques comme ceux que j'entends aujourd'hui, c'est facile de faire lever une foule et de faire des pressions épouvantables sur le procureur de la Couronne qui aura tel ou tel dossier, qui devra tirer des conclusions, qui devra faire des recommandations. Je pense que c'est un peu un manque de courage de la part de la ministre. Si elle veut agir de la sorte, qu'elle prenne tout le fardeau et exige que les jeunes, dans telle ou telle situation, soient traités comme des adultes. Qu'elle ne laisse pas cela sur les épaules d'une ou plusieurs personnes. Qu'elle le dise clairement, ce qu'elle ne fait pas dans son projet de loi.
Il y a également tout le principe voulant qu'on ne vit pas en vase clos au Québec. Même si on voulait, comme je le souhaite de tout coeur, qu'un jour, au Québec, on puisse faire ce qu'on veut dans tous les domaines, incluant la justice, parce qu'on sera souverains chez nous, pour l'instant, nous devons vivre avec les outils qu'on nous donne. Au Québec, on doit vivre avec les lois que le Parlement canadien adopte.
On ne pourra pas fermer complètement tous les volets et dire: «J'ignore ce qui se passe dans le Canada anglais dans l'application de la nouvelle loi.» Soit dit en passant, le titre de la loi est assez évocateur: «Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.»
On parle de «justice pénale». On est loin du principe directeur de la Loi sur les jeunes contrevenants. On ne pourra pas se taire. On ne pourra pas dire qu'on ignore complètement ce qui se passe. Les tribunaux de cours inférieures et supérieures des autres provinces vont interpréter cette loi. Et un jour, cela va influencer ce qui se passe au Québec. On fera des comparaisons et on aura de la difficulté à conjuguer le cas par cas, à conjuguer la flexibilité et l'harmonisation des sentences.
Cela aussi, c'est un principe qui existe maintenant dans la nouvelle loi, l'harmonisation des sentences. Qu'est-ce que cela veut dire, l'harmonisation des sentences? Faudra-t-il qu'on donne une peine d'emprisonnement à un jeune, parce que l'Ontario le fait? Dans les faits, que veut dire l'harmonisation des sentences?
Sincèrement, c'est un projet de loi inutile et extrêmement dangereux. À la lecture de ce projet de loi, on voit qu'il y a des peines plus répressives. On voit dans ce projet de loi que le gouvernement a décidé de serrer la vis de façon claire aux jeunes contrevenants, mais que cela ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui.
Parlons d'un autre élément complètement aberrant, soit celui de la publication des noms. En quoi le fait de publier les noms des jeunes contrevenants dans les journaux aidera-t-il les victimes de ces jeunes contrevenants? En quoi le fait de marquer à vie ces jeunes au fer rouge aidera-t-il le système de justice?
Il n'y a aucune étude qui démontre qu'on peut penser à avoir des résultats en indiquant les noms de ces jeunes. Aucun expert n'est d'avis qu'en publiant les noms, cela va avoir un effet sur une baisse quelconque de la criminalité. Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire: «Il me semble que les victimes se sentiraient mieux de voir le nom de leur agresseur, de leur violeur ou du tueur de 14 ans d'un enfant en grosses lettres dans un journal. Il me semble que ce serait bon pour moi. Il me semble que je passerais mieux à travers cette épreuve».
Ce sont ceux qui prônent le sensationnalisme avec la justice et qui veulent gagner des votes facilement sur le dos des personnes qui sont aux prises avec ces situations, qui défendent ces idées-là. Ce que je ne comprends pas, c'est que le gouvernement soi-disant libéral d'en face ait décidé de leur donner raison et de permettre la publication des noms de personnes qui commettent certains crimes précis. Cela n'est aucunement nécessaire.
Abordons le coût d'un changement radical de l'approche par rapport aux jeunes contrevenants. Même la ministre reconnaît que la réforme qu'elle entend apporter avec le projet de loi C-3 va amener des coûts supplémentaires. Même le ministère de la Justice est prêt à payer, compte tenu qu'on serre la vis et que ça paraît bien. La perception du public est tellement importante au détriment de leurs vrais intérêts. C'est tellement facile de faire de la politique dans un dossier semblable.
Je ne souscris pas à cette facilité. Je pense qu'on sait faire les choses et qu'on est capables de faire autrement.
Avant d'introduire un nouveau système, avant de commencer à avoir de nouveaux principes, de rechercher de nouvelles interprétations, de tenter de mettre les jeunes en-dedans, de publier les noms, de tenter de régler le problème en se cachant les yeux et en mettant des jeunes derrière des portes closes d'une prison—qui est l'université du crime, tout le monde en convient—, au lieu de penser à ça et de dire: «On va dégager 343 millions de dollars de plus sur trois ans pour la prévention du crime et l'application de la loi»—je vois le secrétaire parlementaire faire signe que oui, ce sont les chiffres de son ministère—, avant que le gouvernement ne pense à mettre de l'argent nouveau dans ça, il faudrait peut-être qu'il pense à payer ses factures.
C'est une rondelette somme de 87 millions de dollars environ que le gouvernement fédéral doit au gouvernement du Québec parce qu'on y applique la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'on ne fait pas bâtir des prisons comme dans l'Ouest canadien.
L'ex-ministre de la Justice avait reconnu, lors d'une conférence provinciale-fédérale des ministres de la Justice, que le gouvernement fédéral devait de l'argent au Québec. Il faudrait bien penser à nous payer. Qu'il pense donc à faire un chèque avant de commencer à investir de nouveaux fonds dans une loi dont personne ne veut au Québec.
De plus en plus, on commence à voir dans l'Ouest canadien les effets néfastes de ce projet de loi et de comprendre l'approche qui n'est pas répressive existant au Québec. C'est une approche de réinsertion sociale et de réintégration. On pense qu'en investissant auprès du jeune, lorsqu'il est aux prises avec un problème de justice, on l'aide. Lorsqu'on l'aide, lorsqu'il sort de l'institution où il était détenu, il devient je crois, dans une proportion de 90 ou 95 p. 100, un citoyen anonyme.
Les cas de récidive sont très bas, lorsque le jeune a bien suivi le cheminement qu'on lui imposait, lorsqu'il a bien été suivi par les spécialistes.
Étant donné qu'il me reste peu de temps, j'interpelle particulièrement tous les députés québécois du gouvernement d'en face. Où est le député de Beauce, celui de Laval-Ouest, celui de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, celui de Verdun—Saint-Henri, celui d'Outremont, l'ex-bâtonnier, le député de Brome—Missisquoi, où est-il? Pourquoi ne s'opposent-ils pas?
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Je me dois de rappeler à l'honorable député qu'on ne peut pas parler de l'absence ou de la présence des députés à la Chambre.
M. Michel Bellehumeur: Madame la Présidente, je crois que vous n'avez pas compris cette subtilité de la langue française. Cela veut dire: où sont-ils par rapport à cette loi, pas à la Chambre. Je le sais, vous n'avez pas besoin de me le rappeler, mais j'espère que vous allez me redonner les quelques instants que vous m'avez pris.
Où sont ces députés? Pourquoi ne se lèvent-ils pas en cette Chambre pour dénoncer ce projet de loi? Le député de Brome—Missisquoi, député du Québec et ancien bâtonnier du Québec qui est censé représenter adéquatement ses membres, où est-il? «Élisez-moi, je vais aller vous défendre, vous, le monde juridique, à Ottawa», je l'ai entendu tenir ces propos lors d'une tribune. Il faudrait peut-être le lui rappeler.
Je vais terminer en énumérant les personnes ou groupes qui se sont prononcés, au Québec, contre ce projet de loi: la Commission des services juridiques, le Conseil permanent de la jeunesse, l'École de criminologie de l'Université de Montréal, représentée par Jean Trépanier, l'Aide communautaire juridique de Montréal, la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants. L'Institut Pinel, que le secrétaire parlementaire citait pour appuyer son projet de loi, s'est prononcé fortement contre.
L'Association des chefs de police, les Conférences des Régies régionales de la santé, l'Association des centres jeunesse du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Bureau des substituts du procureur général du Québec, l'Association des CLSC et CHLSD du Québec, l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec, la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, l'Association canadienne de la justice, l'Association des avocats de la défense du Québec, la Société de criminologie du Québec, sans compter le gouvernement du Québec et tous les juges qui, par les messages qu'ils envoient, mentionnent le bien-fondé de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants.
Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais que l'ordre soit révoqué, le projet de loi retiré et l'objet renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.»
Il faut que le gouvernement d'en face retourne à sa table à dessin. Il faut que le gouvernement d'en face refasse ses devoirs et qu'il consulte, entre autres, le gouvernement du Québec qui réclame une rencontre avec le ministère de la Justice depuis des semaines. Il faut que la ministre de la Justice s'assoie et voie qu'au Québec, on fait les choses autrement, et qu'elle entende raison.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): À mon avis, l'amendement est recevable. Le débat portera maintenant sur l'amendement proposé.
[Traduction]
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Madame la Présidente, après les observations passionnées de mon collègue bloquiste qui a déclaré que le Parti réformiste faisait de la démagogie, je crains que mes commentaires salés de la côte est ne soient pas aussi spectaculaires.
Je pense qu'il est important de réfléchir à la nature de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et aux raisons de sa présentation.
Notre collègue a déclaré que l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants convenait parfaitement. Elle donnait de bons résultats au Québec. Je partage le point de vue du député et je pense qu'il a raison. Je pense que le Québec a appliqué comme il se doit la Loi sur les jeunes contrevenants, consacré les ressources aux domaines où cela s'imposait et montré comment cette loi peut fonctionner.
Malheureusement, d'autres provinces n'avaient pas les mêmes ressources ou ont choisi de ne pas mettre en oeuvre la Loi sur les jeunes contrevenants de la même façon. Je le dis par expérience.
J'ai commencé ma carrière d'avocat au moment même où la Loi sur les jeunes contrevenants est entrée en vigueur. Je dois dire sans équivoque que dans la province où je pratiquais, il était tout à fait exaspérant de comparaître jour après jour devant les tribunaux avec des jeunes accusés au titre de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'était exaspérant pour les juges qui n'avaient pas accès aux types de programmes dont la Loi sur les jeunes contrevenants parlait. C'était également exaspérant pour les procureurs de la Couronne. Il en allait de même pour les avocats de la défense, sans parler des familles des jeunes délinquants et des victimes du crime.
Alors que nous nous penchons sur une nouvelle mesure législative, il est important de voir si oui ou non cette loi peut corriger certains des problèmes qui ont surgi au cours des dernières années.
Je remarque qu'il s'agit maintenant du projet de loi C-3. Il était désigné C-68 au cours de la dernière législature. Je pense que le gouvernement a peut-être changé la numérotation car il semble toujours avoir des problèmes avec des projets de loi portant le numéro C-68.
Le symbole de la justice, c'est la balance de la justice. C'est un symbole important pour un certain nombre de raisons. Il reflète la nécessité d'un équilibre. Il démontre la nécessité de concilier les droits de l'accusé et ceux de la société. Il reflète la nécessité de concilier ce qui se passe dans la salle d'audience et ce qui est peut-être exigé par la société.
La justice n'est pas simple. C'est une affaire complexe. La justice et la criminalité touchent à toutes les collectivités et à tous leurs membres. Les enfants constituent une responsabilité. Il revient à toute la société d'éduquer nos jeunes et de s'en occuper. Lorsqu'un projet de loi touche à la justice, à la criminalité et aux enfants, il exige l'examen approfondi des représentants de tous les Canadiens.
Je veux parler ici de certaines dispositions de ce projet de loi. Je dois dire que c'est aujourd'hui la troisième fois que je parle de façon plutôt détaillée de ce projet de loi.
La loi continuera de s'appliquer aux jeunes contrevenants de 12 à 18 ans. Certains ont demandé qu'il s'applique aux enfants de 10 et 11 ans. Je dirai catégoriquement que ce n'est pas là la position du Nouveau Parti démocratique. Nous croyons que, dans le cas des enfants de 10 et 11 ans qui ne suivent pas les règles de la société et qui semblent faire fausse route, il vaux mieux que les services sociaux s'en occupent et que leur famille reçoive l'aide de la collectivité. Je me réjouis de voir que la ministre de la Justice a écouté les nombreux groupes qui ont demandé, devant le comité de la justice, dont je fais partie, que la loi ne s'applique pas aux enfants de 10 et 11 ans.
Il serait intéressant de comparer cela aux mesures centrées sur les enfants que contenait le discours du Trône que nous avons entendu il y a deux semaines.
Il y a une marge entre la capacité de distinguer le bien et le mal des personnes accusées de délits criminels et celle des enfants de 10 et 11 ans. La ministre de la Justice a écouté ces groupes et je puis dire que nous l'approuvons.
On met l'accent sur la prévention et sur des solutions de rechange à l'incarcération des délinquants non violents. De telles solutions de rechange figurent aux articles 4 et 5 du projet de loi. La ministre fait bien de présenter ces deux articles-là.
Nous savons, et là encore, je peux produire mes propres preuves, que ce qui s'est produit, dans bien des cas, avec l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, c'est qu'elle ne prévoyait l'exercice d'aucun pouvoir discrétionnaire. Des agents de police, des enseignants et des personnes qui se trouvaient souvent en contact avec des jeunes finissaient par renvoyer les cas devant les tribunaux, même si ces cas étaient très simples ou si une mise en garde ou l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire aurait très bien pu les régler.
J'ai vu dans les tribunaux des adolescents accusés de dommages à des biens parce qu'ils s'étaient disputés avec un camarade de classe pour un casier. Ou encore, des adolescents se sont retrouvés devant les tribunaux après avoir été accusés de violation du droit de propriété parce qu'ils avaient traversé la pelouse du voisin. Il est inutile d'encombrer les tribunaux avec des infractions de la sorte lorsqu'ils ont des causes sérieuses à examiner.
Nous nous réjouissons des articles du projet de loi qui prévoient une mise en garde par la police et l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par des personnes en position d'autorité. Ainsi, on insiste davantage sur des peines purgées dans la collectivité, ce que nous approuvons.
D'autres aspects sont peut-être plus litigieux et nécessitent un débat et un examen plus approfondis. Dans ce projet de loi, il y a inversion du fardeau de la preuve dans le cas d'adolescents de 14 à 17 ans qui sont accusés d'infractions graves avec violence.
Ce que j'entends par là, c'est que, dans le cas de certaines infractions prescrites, ces adolescents seront traduits devant un tribunal pour adultes, à moins qu'ils puissent prouver au tribunal qu'ils ne devraient pas l'être. Il s'agit là d'une modification fondamentale par rapport à l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, dans laquelle il revenait à l'État de prouver qu'un adolescent devait subir un procès devant un tribunal pour adultes. Il reviendrait maintenant au jeune de prouver que ce ne devrait pas être le cas. Ce fardeau de la preuve est lourd et coûteux.
Quand on parle des ressources versées aux provinces, il faudra notamment tenir compte du fait que ce projet de loi accorde aussi au jeune le droit de recourir à un avocat. C'est très bien. S'il est très difficile pour un adulte profane d'assumer le fardeau de la preuve sans l'aide d'un avocat, ce l'est encore plus pour un jeune de 15 ans.
Si l'on décide qu'un jeune a le droit d'être représenté par un avocat, il faudra ensuite déterminer qui va payer pour ses services. D'où viendra cet avocat? Une disposition du projet de loi prescrit que, si les parents en ont les moyens, ils acquitteront les honoraires de l'avocat. Or, les statistiques montrent que les jeunes qui comparaissent devant les tribunaux viennent souvent de familles qui ne sont pas en mesure d'acquitter les honoraires d'un avocat, peu importe si, moralement, on se demande si une personne qui n'est pas accusée devrait payer ces honoraires.
On commence à voir les répercussions que pourraient avoir ce projet de loi et à constater que le gouvernement voudrait refiler ces coûts aux provinces. Même si le gouvernement fédéral contribue aux programmes d'aide juridique qui existent d'un bout à l'autre du pays, on peut voir que le rôle des avocats de l'aide juridique augmentera radicalement par suite d'une telle mesure, qui inverse le fardeau de la preuve, et qu'il en coûtera davantage aux provinces. Nous devons examiner soigneusement cette question.
De plus, une disposition prescrit l'imposition de peines spéciales pour les jeunes qui souffrent de graves troubles psychologiques. On peut se demander d'abord s'il convient de faire comparaître devant un tribunal quelqu'un qui souffre d'un grave dérèglement d'ordre psychologique.
Au Canada, et dans le Code criminel pour les adultes, il est prévu qu'une personne peut être déclarée criminellement non responsable pour cause de troubles psychologiques, de sorte que cette question sera soigneusement étudiée par le Comité de la justice.
Nous ne sommes pas opposés à la publication des noms des jeunes contrevenants trouvés coupables d'infractions graves, à moins qu'un juge n'en décide autrement. La population a souhaité et demandé que les noms des jeunes contrevenants soient publiés dans certains cas afin que la collectivité et les autres jeunes sachent qu'il se trouve, parmi eux, un adolescent ayant commis une infraction grave. Mon parti et moi-même sommes d'accord avec cela.
Les députés du Parti réformistes s'opposent aux propos de la ministre, qui a précisé que la mesure s'appliquerait «dans certaines circonstances». Le projet de loi accorde une certaine discrétion à cet égard. Je reviens sur ce point car on a dit que cette discrétion était mal venue et qu'elle créait des échappatoires; je crois que c'est le mot qui a été employé.
En réalité, nous devons accorder une certaine discrétion aux tribunaux. On ne peut prévoir les détails de tous les cas dont seront saisis les tribunaux. Voilà pourquoi il y a des juges. S'il était facile de déterminer que tel crime entraîne automatiquement telle peine, la magistrature serait inutile. Il suffirait de nommer un commis qui cocherait la case appropriée sur une feuille en déclarant «vous êtes accusé et déclaré coupable d'infraction en vertu de telle disposition du code criminel, et la peine absolue rattachée à cette infraction est la suivante» sans tenir compte d'aucun autre élément.
Cependant, le processus de détermination de la peine est beaucoup plus complexe que cela, parce qu'il n'y a pas deux contrevenants semblables, ni deux victimes semblables, et parce que l'impact d'un crime n'est jamais le même d'une personne à l'autre. Le tribunal doit donc avoir une marge de manoeuvre, à l'intérieur de certaines balises, pour traiter les contrevenants et surtout les adolescents.
Quant à la publication des noms, chaque cas devra être étudié individuellement, et la personne la mieux placée pour le faire est sans doute le juge chargé de la cause. Voilà pourquoi il existe une certaine latitude qu'il est important, à notre avis, de respecter.
J'ai certaines réserves en ce qui concerne les dispositions du projet de loi qui modifient les règles s'appliquant aux aveux des jeunes contrevenants et à l'admissibilité de ces aveux en preuve contre l'accusé. Cela m'inquiète, parce que les jeunes ne sont pas aussi au fait de leurs droits que peuvent l'être les adultes. Il faut donc faire preuve de prudence quand vient le temps de déterminer l'admissibilité des aveux faits à une personne en position d'autorité. Aux termes de l'ancienne loi, toute déclaration faite à une personne en position d'autorité, soit un agent de police soit un autre intervenant, devait être examinée avec soin par le tribunal. Nous étudierons cette question très attentivement.
Au début de mon intervention, j'ai parlé du droit aux services d'un avocat et des coûts imposés aux provinces. Je crains fort que les provinces n'aient pas les moyens de mettre en application bon nombre des aspects positifs, et il y en a certains, que renferme la mesure législative. Nous risquons de commettre ici la même erreur que nous avons commise lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants est entrée en vigueur. Le gouvernement fédéral parlait de grands principes, des nouvelles façons de traiter les jeunes contrevenants, mais les provinces n'avaient pas les ressources nécessaires.
Le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit encore d'autres méthodes pour traiter avec les jeunes. J'ai déjà mentionné le pouvoir discrétionnaire de la police et les travaux communautaires, tous de bonnes idées qui, toutefois, entraînent des dépenses. Reconnaissons-le. Les peines spéciales pour les jeunes souffrant de troubles psychologiques coûteront cher.
Bien des gens, malheureusement, ne savent pas que les frais associés à l'administration de la justice sont assumés par les provinces. Il n'est pas sûr qu'une province comme la Nouvelle-Écosse, qui est aux prises avec un énorme déficit et qui a dû annuler des programmes de soutien aux oeuvres de bienfaisance, ait les ressources financières nécessaires pour se préparer à l'application des aspects positifs du projet de loi.
La ministre de la Justice et le gouvernement rappelleront qu'ils se sont engagés à verser 206 millions de dollars pour venir en aide aux provinces. Ce qu'ils omettent de dire, c'est que cette somme sera répartie sur un certain nombre d'années. Ils ne verseront pas 206 millions de dollars en un an.
La façon dont les fonds seront répartis à l'échelle du pays n'est pas expliquée clairement. Je l'ai déjà mentionné auparavant. La dernière fois que j'ai parlé du projet de loi, j'ai expliqué ma crainte que les 206 millions de dollars engagés par le gouvernement ne suffisent pas, notamment s'ils sont répartis en fonction du nombre d'habitants.
Si l'on distribue les fonds aux provinces en fonction du nombre d'habitants, les provinces moins peuplées recevront des sommes dérisoires, et le financement accordé ne nous permettra pas d'atteindre les objectifs de la loi. Pour la Nouvelle-Écosse, les fonds pourraient s'élever à deux millions de dollars. Avec pareil financement, cette province lourdement endettée ne pourrait s'acquitter des tâches administratives que le gouvernement fédéral veut lui confier. Les victimes, le pouvoir judiciaire, les familles et les avocats seront déçus de la loi.
Mon parti et moi-même avons des inquiétudes au sujet d'autres aspects du projet de loi. Je vais expliquer à la Chambre certaines statistiques. Actuellement, les provinces paient jusqu'à 70 p. 100 des coûts liés à l'administration du système de justice pour les adolescents. Si nous mettons en oeuvre un système plus complexe dont les paramètres sont plus vastes, ces coûts grimperont en flèche et les provinces d'un océan à l'autre auront beaucoup de mal à s'acquitter des responsabilités que la loi leur confère.
Il y a aussi d'autres aspects qui nous préoccupent. Je m'inquiète des peines d'emprisonnement à perpétuité infligées à des jeunes par des tribunaux pour adultes. Je sais que je ne suis pas du même avis que mes collègues du Parti réformiste sur cette question, mais il y a lieu de se demander si le fait de condamner un jeune à l'emprisonnement à perpétuité contribuera à sa réadaptation. Mon collègue, le député du Bloc québécois, a dit que les établissements carcéraux sont des écoles de perfectionnement en matière de crime. Nous savons que c'est vrai.
Nous appuyons des mesures visant à mettre davantage l'accent sur les adolescents dans les programmes de déjudiciarisation et autres programmes communautaires, ainsi que la priorité accrue accordée à la réadaptation. La loi ne contient pas autant de précisions que nous l'aurions souhaité et je suis préoccupé par les coûts.
Quelqu'un a dit que le système de justice n'a pas à tenir compte des problèmes sociaux. Lorsqu'il est question des adolescents en particulier, ces deux aspects ne peuvent être dissociés. Le hasard n'a rien à voir dans le fait qu'un très grand nombre d'adolescents qui se retrouvent devant les tribunaux viennent de familles pauvres. Lorsque nous nous arrêtons à la situation dans les prisons, particulièrement celle de nos voisins du Sud, il n'y a rien de fortuit dans le fait qu'elles sont remplies de gens venant des secteurs pauvres des États-Unis et particulièrement de groupes minoritaires. Ce n'est pas par hasard que nos populations carcérales comprennent un nombre proportionnellement plus élevé d'autochtones venant de réserves pauvres que de gens venant d'autres milieux.
Nous ne pouvons régler les problèmes liés à la criminalité si nous ne nous attaquons pas également aux causes de celle-ci. La prévention de la criminalité devrait être notre objectif final. De toute évidence, lorsqu'une personne enfreint la loi et commet un crime haineux, il y a lieu de voir à ce que son cas soit traité rapidement et de façon positive, comme le précise la loi, et aussi à l'occasion de façon sévère. Toutefois, on ne peut dire qu'il n'y a pas de place pour les questions d'ordre social dans les questions d'ordre judiciaire. Les deux sont si inextricablement liées qu'il est presque impossible de parler des unes sans aborder les autres.
Nous devons tenir compte des groupes comme le Conseil des églises pour la justice et l'Association des chefs de police du Canada qui ont comparu devant le comité de la justice. Ils ont été mentionnés dans le contexte du Québec par mon collègue du Bloc. Tous ont fait des recommandations. Moi-même et, à mon avis, les membres du comité de la justice, leur avions donné notre parole que nous tiendrions compte de leurs préoccupations au moment de l'examen du projet de loi.
Je souligne également que les provinces vont faire part à la ministre de la Justice de préoccupations qui n'ont pas été abordées. Nous pourrons maintenant voir quelle sera la réaction du nouveau gouvernement du Manitoba qui a exprimé de l'inquiétude concernant des bandes de jeunes ainsi, des jeunes de 10 et 11 ans contraints de s'adonner à la criminalité, et la façon dont il conviendrait le mieux de nous y prendre pour nous attaquer à ce problème. Étant donné que mon temps de parole achève, je souligne que je n'ai évoqué qu'une partie de nos préoccupations.
Je précise à ce stade-ci que, compte tenu des coûts liés au programme et de l'impossibilité de le mettre en oeuvre en raison du financement, nous nous demandons sérieusement si nous allons appuyer cette mesure législative.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté l'intervention de mon collègue néo-démocrate sur le projet de loi. Je suis toujours heureux d'entendre ce qu'il a à dire. J'ai fait partie du Comité de la justice avec lui pendant une courte période et j'ai toujours été impressionné par la clarté de ses pensées, même si nous divergeons parfois d'opinion sur le plan politique.
Il a dit que nous ne pouvions pas établir un cloisonnement entre le rôle du système de justice, les familles dysfonctionnelles et les problèmes sociaux qui conduisent les jeunes au crime. Je voudrais lui poser une question. Si la pauvreté contribue à la criminalité chez les jeunes, attendu que les statistiques font état d'une augmentation radicale du nombre de jeunes vivant dans la pauvreté depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, en 1993, le député irait-il jusqu'à dire que les politiques du gouvernement ont contribué à l'augmentation ou à la stabilisation de la criminalité chez les jeunes depuis 1993? Le député pourrait-il nous faire part de ses vues sur la question?
M. Peter Mancini: Madame la Présidente, je serai heureux de répondre à cette question. Comme le député de Crowfoot l'a dit, nous avons tous deux fait partie du Comité de la justice. En fait, je me souviens que nous avons eu un débat, à l'Université d'Ottawa, je crois, justement sur ce projet de loi. À mon avis, il est toujours utile d'entendre les deux points de vue sur une question. J'ai parlé d'approche équilibrée et j'aime croire que nous réussissons parfois à trouver un équilibre.
Le député soulève une importante question. Nous savons que les politiques économiques mises de l'avant par le gouvernement font qu'il y a davantage d'enfants et de familles canadiens qui vivent dans la pauvreté qu'avant son arrivée au pouvoir. Nous savons que, en dépit d'une déclaration sur l'élimination de la pauvreté infantile avant l'an 2000, le fossé entre les riches et les pauvres s'est élargi. Quand je parle de la pauvreté et de la société, je ne parle pas seulement du fait que tous les enfants doivent avoir un même accès aux biens matériels.
Je voudrais vous faire part de ce qui se passe dans ma région du pays, et je pense que cette dernière n'est pas différente des autres régions.
En ce qui concerne les enfants, ceux qui risquent de devenir des criminels notamment, nous devons surtout leur inculquer des valeurs communautaires, un sentiment d'appartenance à la collectivité. S'ils ont l'impression de faire partie de la collectivité, ils la respecteront. Les enfants doivent avoir le sentiment de faire partie de la collectivité et connaître leur histoire. Nous le savons dans les Maritimes et je pense que les autres régions le savent aussi.
Les enfants de mon coin de pays savent qui sont leurs grands-pères et leurs arrière-grands-pères, et ils ont une famille élargie. S'ils n'ont pas tous les biens matériels qui sont nécessaires, ils ont au moins ce sentiment d'appartenance.
Les politiques économiques ont fait du Canada un pays de travailleurs migrateurs où les uns partent de l'est pour aller vers l'ouest, et les autres, du nord pour aller vers le sud, laissant derrière eux leurs valeurs, leurs collectivités, leur sentiment d'appartenance, ce qui a des conséquences néfastes sur les enfants.
Il y a deux genres de pauvreté. Il y a la pauvreté que connaissent les enfants qui sont déracinés et que l'on prive de leurs valeurs communautaires. Quand on dit aux habitants des régions se trouvant loin du centre qu'ils doivent partir, et tant pis pour leurs problèmes économiques, on fait quelque chose aux enfants.
Puis il y a les biens matériels. Il y a des enfants qui ne vivent pas dans un logement convenable. En outre, nous savons qu'il y a de plus en plus de sans-abri au Canada. Il y a des enfants qui souffrent de la malnutrition. Je félicite mon collègue, le député de Crowfoot, qui présenté une motion sur le programme Bon départ, qui vise à garantir que les enfants aient de quoi manger avant d'aller à l'école.
Nous savons que sans tout cela, les enfants n'ont aucune raison de respecter leur collectivité. Pourquoi respecteraient-ils les lois et les valeurs de leur collectivité si celle-ci ne respecte pas leurs besoins et leurs exigences?
Il y a un lien entre les deux et je remercie le député de sa question.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suis le prochain orateur et je vais donc poser une brève question. Je vais l'adresser à mon collègue et concitoyen de la Nouvelle-Écosse. J'ai écouté très attentivement ses observations. L'intervention de mon collègue de Crowfoot était également tout à fait opportune.
Je souscris à la majeure partie de ce que le député a déclaré lorsqu'il a parlé des enfants privés d'un sentiment d'appartenance, surtout dans les endroits qu'il connaît bien, dans les Maritimes, où il y a une transition dans le mode de vie qui conduit souvent les familles à aller s'établir ailleurs et à laisser leurs collectivités, peut-être dans l'espoir de revenir un jour. Ainsi, souvent, les enfants ne savent plus trop à quoi s'attacher.
Nous savons également que le débat au sujet des répercussions économiques sur ceux qui se livrent à des activités criminelles est tout à fait fondé.
Peu importe la portée d'une loi, en l'absence du financement voulu, elle ne pourra obtenir les résultats souhaités. Tout au cours du débat sur le projet de loi à la Chambre et plus tard au comité, je pense que nous constaterons que l'idéologie qui sous-tend cette mesure est peut-être bonne, qu'il s'agit de s'attaquer aux causes profondes et d'essayer d'intervenir rapidement au lieu d'attendre qu'un crime ait été commis. Sans les ressources nécessaires, cela va être pratiquement impossible.
Mon collègue a parlé en détail de cela dans son discours. Pourrait-il nous préciser où ces ressources devraient être affectées plus particulièrement, ainsi que les programmes qui sont envisagés par le projet de loi. Il est notamment question de faire participer les enfants à des programmes sportifs, de relever les problèmes au niveau de l'éducation, de peut-être diagnostiquer des maladies psychologiques, voire de retirer un enfant d'une maison, comme les services d'aide à l'enfance en ont le pouvoir, ce qui est une mesure radicale.
Il me semble que ce projet de loi, malgré ses bonnes intentions, va simplement faire assumer encore davantage de responsabilités aux organismes existants. Il va exercer des pressions supplémentaires sur ces organismes qui sont à l'heure actuelle sous-financés. Nous savons, et le député en a parlé, que le projet de loi ne prévoit pas des ressources financières suffisantes pour réaliser tous ces merveilleux objectifs et mettre en oeuvre tous ces beaux principes.
Mon collègue pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?
M. Peter Mancini: Madame la Présidente, je serai aussi bref dans ma réponse que mon collègue l'a été dans sa question parce que je sais qu'il sera le prochain orateur et que j'ai toujours hâte d'entendre ce qu'il a à dire.
Je vais donner un exemple pour montrer comment les fonds peuvent être utilisés. De nombreux groupes communautaires sont venus me voir à mon bureau pour me présenter des idées sur la façon de traiter le problème de la criminalité chez les jeunes. Il s'agit de membres de la collectivité qui ont décidé d'unir leurs efforts parce qu'ils savent qu'il y a un problème et veulent faire quelque chose à ce sujet. Ils ont proposé toutes sortes de projets concernant les centres pour les jeunes, projets dont j'ai transmis certains à la ministre de la Justice.
Un des meilleurs exemples de programme qui aurait grandement besoin de financement dans ma collectivité concerne la présence d'un policier à l'école secondaire de premier cycle. Ce genre de service communautaire permet aux jeunes d'avoir comme modèle un policier qui peut les aider à régler leurs problèmes et qui est en contact avec eux de façon quotidienne.
Ce programme existe dans une école secondaire de premier cycle de ma circonscription, la Sherwood Park Junior High School. C'est un excellent programme. Malheureusement, les fonds s'épuisent, et on se demande vraiment si le programme pourra continuer.
C'est là le genre de programme qui, à mon avis, aiderait à lutter contre la criminalité au niveau communautaire.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-3. Je me réjouis également du fait que la reprise parlementaire et le retour des députés dans cette enceinte va permettre la poursuite du débat sur la loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents ou projet de loi C-3, autrefois projet de loi C-68, dernier exemple en date d'une mesure législative mal ficelée.
Le remplacement de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants a suscité beaucoup d'attention, à juste titre d'ailleurs, mais également beaucoup de consternation dans tout le pays. C'est une mesure législative entièrement nouvelle qui vise exclusivement les jeunes.
La justice pour les jeunes est à coup sûr un motif de préoccupation pour tous les Canadiens, pour notre parti, le Parti progressiste conservateur, pour le gouvernement et pour tous les partis d'opposition. J'entends régulièrement des gens de la circonscription de Pictou—Antigonish—Guysborough que je représente, se dire inquiets de la tangente que prend actuellement la justice pénale quand elle s'adresse aux jeunes.
De plus, je trouve que la préoccupation que le gouvernement exprime sans cesse a retardé considérablement l'introduction de cette mesure législative. Les documents qui ont circulé tout au long des nombreuses campagnes électorales que nous avons connues faisaient état de cette priorité. Or, le gouvernement a mis 18 mois à préparer la première version de ce texte législatif, à savoir le projet de loi C-68. C'est avec beaucoup d'effets de manches qu'en mars 1999 la ministre de la Justice s'est enfin décidé à déposer le projet de loi. Je rappelle également que, comme à l'accoutumée, il fait l'objet de biens des ballons d'essai et de fuites dans les médias avant d'être présenté à la Chambre via, je dirais, la tribune de la presse.
Ensuite, la veille de la rentrée parlementaire cet automne, il y a eu prorogation. Cela a retardé la reprise des travaux de la Chambre de trois semaines alors que le pays était aux prises avec d'énormes problèmes: l'offre publique d'achat sauvage, la pêche sur la côte est—une situation qui risque d'exploser, et la crise des réfugiés. Ajoutons à cela les problèmes qui existent au sein de notre système de justice. Il est absolument honteux que le gouvernement ait encore une fois décidé de retarder les choses et d'attendre pour s'attaquer aux problèmes que j'ai mentionnés et pour mettre en place une mesure législative dont on a grand besoin.
On aurait pensé que la ministre aurait profité des mois de réflexion que lui a laissé l'été pour renforcer ou peut-être revoir une partie de la loi. Mais non. La mesure législative présentement à l'étude ne comporte aucun changement fondamental. Le projet de loi C-3 est la réplique exacte du projet de loi C-68, à ceci près que le ministère de la Justice a, il faut le reconnaître, revu l'orthographe, corrigé certains termes et vérifié que le français correspondait bien à l'anglais.
Cela fait une éternité que nous attendons le projet de loi C-6, mais ce projet de loi—le Parti conservateur s'en rend rapidement compte—n'est qu'une tentative en vue de remplacer une mesure législative très inefficace et, à de nombreux égards, très dangereuse. Je veux parler de l'ancienne loi sur les jeunes contrevenants. Personnellement, je n'ai pas l'impression que ce projet de loi sera à la hauteur de ce qu'on a laissé entendre aux Canadiens. En réponse aux pressions exercées sur lui par le public afin qu'il renforce la loi, le gouvernement libéral a fait semblant de faire quelque chose.
En fait, il n'a rien fait. Cela ne veut pas dire que le simple fait de rendre la loi plus sévère règlera les problèmes de criminalité chez les jeunes dans ce pays. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien de bon dans le projet de loi. En toute justice, les députés de l'opposition qui ont pris la parole avant mois ont signalé que le projet de loi C-3 contient en effet des éléments très positifs.
Il ne s'agit pas de nouvelles nuances. Il ne s'agit pas de changements qui n'ont pas été envisagés par le passé. En fait, je trouve presque ironique qu'une grande partie de ce dont nous débattons maintenant constitue en réalité un retour aux théories et méthodes de l'ancien système de justice pénale, utilisées dans le passé dans des lois comme celle portant sur les jeunes contrevenants, qui vient boucler la boucle en ce qui concerne la façon de traiter les jeunes gens qui se livrent à des activités criminelles.
Il y a certes, dans le projet de loi, un élément très positif que je reconnais volontiers; il s'agit de la notion de responsabilité parentale. On cherche à faire une plus grande place aux adultes, particulièrement aux parents, dans le processus. Force est d'admettre que cela s'impose. Il est nécessaire d'adopter une approche plus globale, qui englobe la famille, face aux problèmes qui amènent souvent une jeune personne à contrevenir à la loi et qui persistent ensuite.
Ce degré de responsabilité, non seulement du jeune, mais également du parent, est d'une importance capitale pour venir à bout de la criminalité chez les jeunes. Il est juste, selon moi, qu'un juge demande ouvertement à un parent: «Où vous trouviez-vous lorsque votre adolescent de 14 ans est entré par effraction dans la maison de votre voisin? Pourquoi votre enfant a-t-il été retrouvé, un soir d'école, en train de commettre un acte criminel alors qu'il était sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue? Pourquoi votre enfant agit-il d'une façon aussi violente?» Ce sont des questions très pertinentes auxquelles un parent devrait, selon moi, être tenu de répondre.
Toute la question de l'âge de la responsabilité a été esquivée dans le projet de loi. Je fais tout de suite remarquer que c'est une idée qui a certes été réitérée par les députés d'opposition, mais elle émanait d'un rapport que le gouvernement avait lui-même commandé. C'est une idée qui n'a pas été lancée simplement par les députés d'opposition, et on ne l'évoque pas simplement pour tâcher de trouver à redire au projet de loi. Elle vient d'une recommandation qu'avait formulée un spécialiste rémunéré par le gouvernement.
Les députés ministériels se hérissent rien qu'à entendre cette idée; ils font remarquer que nous avons déjà de nombreux organismes en place pour s'occuper des jeunes de moins de 12 ans, auxquels ne s'appliquent ni l'ancienne loi ni la nouvelle loi, et que ces organismes sont ceux qui sont le mieux en mesure de s'occuper des jeunes qui enfreignent la loi. Cependant, je rappellerai tout de suite au gouvernement et à la Chambre que le projet de loi n'offre pas le soutien qui est nécessaire dans des domaines comme l'aide sociale à l'enfance et l'intervention précoce.
Un nombre croissant de jeunes de moins de 12 ans ne sont absolument pas touchés par notre système de justice pénale. C'est l'intervention rapide qui importe le plus pour nous attaquer à la criminalité à un jeune âge et pour permettre à notre système de justice pénale de réagir. Cela ne constitue pas un obstacle au placement d'enfants dans ces organismes. Nous savons déjà que notre système de justice travaille vraiment de pair avec ces services sociaux, avec ces organismes. Je ne veux absolument pas dire que le système de justice pénale sera seul responsable des jeunes de moins de 12 ans qui ont des démêlés avec la justice, mais simplement que nous avons un mécanisme qui les fera entrer dans le système réellement et rapidement.
Les agents de police sont souvent confrontés à des situations extrêmement pénibles, impliquant des enfants âgés de onze ans, parfois dix ans, qui—la chose semble inconcevable, mais cela se produit parfois—ont commis une très grave infraction avec usage d'arme ou se sont rendus coupables de menaces ou d'un acte de violence. Avec le système actuel et celui qui entrera en vigueur à l'adoption de la nouvelle loi, les agents de police n'ont à toutes fins pratiques aucun pouvoir. Ils peuvent faire appel à différents organismes, mais ils ne disposent pas des instruments normalement prévus dans le droit pénal.
Pour cette raison, parmi tant d'autres, j'ai présenté un projet de loi d'initiative privée, afin de corriger cette lacune. Je sais que certains députés ont des réserves à ce sujet, mais mon intention n'est pas d'accabler le jeune de moins de douze ans; je cherche plutôt à élargir le filet, à élargir le champ d'application de la loi.
Si le texte à l'étude recèle des éléments positifs, et c'est assurément le cas, pourquoi ne donnerions-nous pas notre aval pour que ces interventions précoces, qui nous permettraient de corriger les problèmes dès leur apparition, soient effectuées dans le cas de jeunes Canadiens entrant dans une catégorie d'âge élargie?
Il est d'autres dispositions dans la loi, dont je voudrais également parler. Le projet de loi C-3 ne traite pas de l'aspect financier de l'administration du droit pénal au Canada; cela vaut aussi pour l'ancienne loi. La situation se dégrade depuis 1984. Les choses vont de mal en pis, notamment en ce qui concerne l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des provinces et de l'administration du droit pénal au Canada. Je n'ai pas l'intention de pousser plus loin et de discuter du droit pénal en général, mais en ce qui a trait à l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants, le gouvernement fédéral a complètement abandonné ses responsabilités en retenant sa participation financière. C'est le cas au Québec, en Nouvelle-Écosse et partout ailleurs au pays.
Je sais que c'est là une chose sur laquelle la province de Québec s'est penchée dans plusieurs cas. En fait, elle a entrepris plus de programmes et accordé davantage de fonds, peut-être même au détriment d'autres programmes, parce qu'elle en reconnaît l'importance. La province de Québec est peut-être à l'avant-plan dans bon nombre des secteurs de la programmation que le gouvernement prévoit par suite des changements qui seront apportés à la loi.
[Français]
Le projet de loi C-3 donne plus de responsabilités aux provinces; elles seront forcées d'offrir plus de programmes et devront s'impliquer davantage dans l'administration de cette législation.
Pour l'instant, il n'y a pas de nouveaux engagements financiers venant du gouvernement fédéral. Plusieurs experts, incluant ceux du gouvernement, s'entendent pour dire que l'âge de l'imputabilité devrait passer de 12 à 10 ans. Cette mesure ne vise pas à sanctionner les jeunes mais bien à les responsabiliser face au système judiciaire.
[Traduction]
Intervenir le plus tôt possible est la façon la plus efficace de remettre les jeunes sur le droit chemin avant qu'il ne soit trop tard. Le gouvernement dit que c'est ce qu'il va faire grâce à ce nouveau projet de loi et, dans une certaine mesure, il est vrai qu'il cible plus particulièrement ce secteur du droit. L'article 34, par exemple, porte sur les rapports médicaux et psychologiques permettant de déterminer si un jeune souffre d'une maladie ou de troubles pour lesquels il doit être traité et pas nécessairement puni.
Ce n'est pas nouveau. C'est un concept que le Parti conservateur ainsi que beaucoup de députés à la Chambre et d'intervenants du système de justice pénale reconnaissent d'emblée, mais nous savons que les programmes provinciaux de réadaptation et les soins de santé mentale souffrent du manque d'engagement du fédéral à leur égard. C'est pourtant ça qu'il faut. C'est là qu'il faut mettre l'accent.
En termes simples, ce projet de loi établit le problème comme étant une priorité, le refile aux provinces et s'en lave les mains. Cela n'est pas suffisant.
Le nombre d'adolescentes qui ont des démêlés avec la justice est en augmentation au Canada. Un grave incident est survenu en Colombie-Britannique, concernant une jeune fille du nom de Reena Virk. C'est une tendance que l'on retrouve à l'échelle du pays. Les jeunes filles ont de plus en plus souvent maille à partir avec la justice pénale du fait des nombreux autres problèmes sociaux qui existent.
C'est pourquoi je reviens sur les commentaires faits plus tôt selon lesquels le gouvernement, au moyen de ce projet de loi et de cette initiative, veut s'attaquer au problème qui est à l'origine des difficultés de ces jeunes et apporter des modifications qui les aideront à éviter d'avoir des démêlés avec la justice. En agissant ainsi sur le côté préventif et réparateur de la justice, au bout du compte, on met davantage l'accent sur l'interaction personnelle avec les victimes et ceux qui peuvent vraiment aider à déceler, voire peut-être à corriger les problèmes qui sont à l'origine des difficultés et c'est bien. Du point de vue philosophique, tous les députés conviendront que c'est l'approche à adopter.
Toutefois, le gouvernement ne fournit pas les ressources nécessaires. Il a décrit ce qu'il entendait faire. Il a fait beaucoup de bruit et il a attiré beaucoup d'attention sur cette nouvelle initiative importante, mais il n'est pas prêt à fournir l'argent pour mettre en place les programmes qu'il faut pour passer aux actes. Il a alourdi les responsabilités et le fardeau des provinces, des organismes, de la police et du système pénal à l'égard des programmes qui ont justement pour objet de s'attaquer au problème, mais il recule parce qu'il ne veut pas mettre un dollar de plus dans les mesures qu'exigent ce projet de loi.
En soi, la difficulté est très complexe. Parfois, à la Chambre, on simplifie à l'extrême simplement pour dire aux Canadiens ce qu'ils veulent entendre. Le problème n'est pas près de disparaître. Je suppose que, comme dans le cas des autres lois touchant la justice pénale, il y aura un retard d'application, c'est-à-dire qu'il faudra plusieurs années peut-être avant de constater les effets véritables de ce projet de loi.
En outre, vu la complexité et la diversité du pays, l'effet ne sera peut-être pas le même dans toutes les provinces. Je pense plus précisément à la capacité des provinces elles-mêmes d'administrer cette mesure législative, car nous savons qu'il existe des différences énormes entre les capacités financières des provinces et, partant, entre leurs capacités respectives d'offrir des services à leurs citoyens.
Il est donc raisonnable de penser qu'en augmentant la responsabilité des provinces sans augmenter proportionnellement leurs ressources, on ne réussira qu'à exacerber ces différences. Les différences actuelles ont pour effet que les provinces moins nanties auront un fardeau accru et s'en trouveront d'autant plus pauvres. C'est vraiment un problème d'une très grande portée.
À la Chambre, le point de mire est le plus souvent la différence entre le Québec et les provinces anglophones. Je viens d'une région de l'Atlantique, et je vous soumets que cette mesure législative, comme toutes les autres, fera ressortir à quel point les provinces atlantiques sont biens moins capables que le reste du pays d'assurer à leurs gens des services sociaux, du travail et des services de justice pénale.
Les Canadiens s'attendaient à plus et on leur avait laissé croire que ce projet de loi leur apporterait bien davantage; ils ont cru que les sanctions seraient beaucoup plus rigoureuses dans certains cas où des adolescents participent à des actes violents, à des infractions à main armée ou à des infractions sexuelles. Ce n'est pas le cas.
Les dispositions visant à déférer les jeunes aux tribunaux pour adultes, dont plusieurs députés ont déjà parlé, constituent une ruse en quelque sorte. Ils donnent l'impression que nous traduisons un adolescent devant le système judiciaire applicable aux adultes. Cela peut amener de nombreuses personnes à avoir des frissons et à se dire: «Mon Dieu, nous envoyons des adolescents de 14 et 15 ans devant un tribunal pour adultes où ils feront l'objet d'un traitement beaucoup plus sévère.»
En réalité, dans bien des cas, la personne reçoit en bout de piste une peine qui est moins longue que celle qu'elle aurait eu à purger si elle avait été incarcérée comme jeune contrevenant. Il en est ainsi parce que, et je n'aime pas utiliser l'expression qui va suivre parce qu'elle est quelque peu inappropriée, la vérité dans la détermination de la peine existait en vertu de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants. En résumé, un adolescent qui recevait une peine de 18 mois devait purger chacune des journées prévues. Il demeurait dans un établissement pour jeunes contrevenants pendant toute la durée de la peine. Nous savons que la situation n'est pas la même dans le système applicable aux adultes.
Je ne veux pas laisser entendre par là que l'incarcération constitue toujours la solution. Nous savons que souvent les programmes offerts ne suffisent pas. Nous savons que retirer simplement une personne de la société ne va pas corriger les problèmes. C'est souvent la mesure de dernier ressort adoptée lorsqu'il y a lieu de protéger la société contre le danger que représente une personne ayant manifesté un comportement violent et antisocial.
L'idée d'amener simplement une personne devant un tribunal pour adultes et de dire que cette mesure réglera le problème parce qu'elle y fera l'objet d'un traitement plus sévère ne correspond pas nécessairement à la vérité des événements. À mon avis, il incombe au gouvernement de dire très ouvertement à quoi correspondra le changement apporté au système.
Le programme offert dans un établissement pour adolescents est souvent le plus pertinent. Souvent, le fait de traduire des adolescents devant un tribunal pour adultes expose ces derniers à l'atmosphère dont il a été question, c'est-à-dire qu'ils apprendront des façons plus raffinées de commettre des crimes. Il se peut aussi qu'ils soient de nouveau victimisés dans un établissement pour adultes. Le genre de solution miracle proposé comprend un élément très dangereux.
Il a été mentionné à de nombreuses reprises que cette mesure législative comprend des éléments qui vont dans la bonne direction. Comme tous les membres du comité de la justice et les députés de la Chambre, j'ai hâte de participer aux travaux au niveau du comité et aux changements susceptibles d'être apportés à ce niveau de participation.
Je félicite les participants qui ont pris part au débat ainsi que ceux qui ont témoigné devant le comité. Je suis enchanté à la perspective d'assurer le suivi de la mesure législative au fil des différentes étapes en cet endroit.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté très attentivement le discours de mon collègue, et ce que je note, c'est qu'il reconnaît au moins qu'au Québec, on fait les choses différemment et même, que c'est un modèle qu'on devrait suivre et que le Québec est un chef de file dans le domaine.
Est-ce que le député sait qu'au Québec, personne ne veut de modifications telles que celles proposées par la ministre? Est-ce qu'il sait que le Bureau des substituts du procureur de la Couronne, ceux qui poursuivent en vertu de la loi, ne veulent pas du projet de loi de la ministre?
Les avocats de la défense du Québec, ceux qui défendent les jeunes, n'en veulent pas non plus. Il y a des commentaires de juges à la retraite qui signalent que cette loi sera néfaste aux seize années d'investissement au Québec, à une façon de faire, à un modèle bien québécois, si on applique la loi adoptée dans ce Parlement.
J'ai fait une énumération plus tôt de tous ceux qui s'y opposent, et je crois que tous ceux qui appliquent, de près ou de loin, la Loi sur les jeunes contrevenants, vont venir le répéter au comité parlementaire. Aucun organisme aucun avocat, aucune personne qui travaille quotidiennement avec la Loi sur les jeunes contrevenants aujourd'hui, au Québec, ne veut du projet de loi de la ministre, ne veut de cette modification. Est-ce que le député est au courant de cela?
Advenant le cas où le gouvernement ne bouge pas, ne fait rien, le Bloc québécois va tenter de présenter un amendement pour exempter le Québec de l'application du projet de loi C-3, afin que le Québec puisse continuer à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants telle quelle.
Est-ce que je peux compter sur l'appui du Parti conservateur, compte tenu qu'il reconnaît qu'au Québec, on applique la loi, qu'on est un modèle et un chef de file dans le domaine? Est-ce que je peux compter sur l'appui du Parti conservateur dans l'ultime tentative d'exempter le Québec de cette loi qui va être néfaste pour tous les jeunes contrevenants et pour la société en général?
[Traduction]
M. Peter MacKay: Madame la Présidente, je remercie le député, qui est également membre du Comité de la justice et un excellent participant à ce dernier.
Pour donner une réponse simple, non. Pour ma part, et je sais que les députés du Parti progressiste conservateur en feraient autant, je ne préconiserais certes pas un système de justice différent dans une province par rapport aux autres provinces du Canada.
J'admets d'emblée que le Québec a fait figure de chef de file dans l'administration de la justice et dans l'application de bon nombre de ces programmes novateurs, des programmes de justice réparatrice qui servent de modèles et qui sont des plus efficaces dans le cas des jeunes. Pourquoi nous et le reste du Canada ne devrions-nous pas nous en réjouir et faire nôtres quelques-unes de ces initiatives qu'a prises le Québec? Le Québec nous apporte beaucoup dans toutes sortes de domaines, tout comme le reste du Canada lui apporte beaucoup. Cela fait partie du grand partenariat que nous avons établi.
Je ne vois absolument pas pourquoi le Québec voudrait se désengager de ce projet de loi. Je reconnais qu'il comporte de nombreux éléments qui ressemblent au système de justice du Québec.
J'ai siégé au comité, qui a entendu un grand nombre de témoins. Je sais que des groupes qui font partie du système de justice ne veulent pas que toutes les modifications proposées dans ce projet de loi soient mises en oeuvre. Mais il renferme des éléments très positifs et très pratiques qui sont nécessaires et cela, même le député l'avouerait. Il s'agit de modifications dans l'admissibilité de déclarations, de modifications concernant la participation des parents dans le processus, de modifications qui, dans certains cas, nécessiteront une plus grande attention et une nouvelle façon de faire les choses.
Le Québec est une province qui s'adapte très facilement. Je suis sûr que le Québec verra que le projet de loi renferme des éléments positifs qu'il pourra appliquer. Je suis sûr que tous les députés de la Chambre ont hâte de proposer au comité certaines autres modifications que nous trouverions souhaitables. J'ai l'entière assurance que mon érudit collègue en fera autant.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, je remercie le député de nous faire part de ses sentiments et de son opinion à propos de ce projet de loi. Il fait partie du Comité permanent de la justice et j'ai toujours accueilli ses interventions avec beaucoup d'intérêt et de respect.
La Loi sur les jeunes contrevenants a suscité au fil des années des réactions très fortes de la part des Canadiens. Ceux-ci ont signalé les modifications qu'ils souhaitaient ardemment au gouvernement et au comité de la justice dont je faisais partie lorsque nous avons tenu des audiences dans tout le Canada. Toutefois, ce projet de loi prévoit presque exclusivement ce que les tribunaux pourront et ne pourront pas faire. Il ne confère pas aux tribunaux le pouvoir de renvoyer aux tribunaux pour adultes les adolescents de 16 et 17 ans qui commettent des délits graves. Il prévoit que le procès se déroulera dans leur cas devant la cour pour les jeunes délinquants et que le procureur de la Couronne aura l'occasion de soutenir qu'une peine pour adultes devrait être imposée.
Les tribunaux canadiens sont à l'heure actuelle la cible de certains cercles, y compris des députés, parce qu'ils sont militants. Même la question de savoir s'il faut publier le nom des personnes qui sont reconnues coupables de crimes avec violence n'est pas abordée par le projet de loi ni par les représentants élus de notre pays. On laisse les tribunaux en décider selon la situation, que les gens veuillent ou non que le nom de ces personnes soit publié.
Je me demande si le député, en tant qu'ancien procureur de la Couronne—et un bon, à ce qu'il paraît—, voudrait commenter cet aspect du projet de loi. Ne va-t-on pas crier encore plus, à tort ou à raison, au militantisme judiciaire si les tribunaux doivent prendre une décision que le législateur, dans ce cas-ci le gouvernement libéral, a refusé de prendre dans le cadre du projet de loi?
Au lieu de dire aux tribunaux de faire ce que les Canadiens veulent, le législateur laisse à nouveau aux juges du Canada le soin de prendre la décision. Mon collègue serait-il disposé à commenter cet aspect du projet de loi compte tenu du fait que des tribunaux sont taxés de militantisme judiciaire? Ce n'est que parce que la loi qui est adoptée par le gouvernement est tellement vague que les juges peuvent agir de différentes manières. Dans ce cas-ci, cela va à l'encontre de ce que les Canadiens ont dit souhaiter que nous fassions à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants.
M. Peter MacKay: Madame la Présidente, je vais essayer de répondre aux points soulevés par mon collègue de Crowfoot, qui était un membre précieux du Comité de la justice. Il a à son actif une riche expérience pratique, puisqu'il a été agent de police pendant de longues années. Je vais m'abstenir de commenter mes propres compétences comme procureur du ministère public.
Prenons la question des transferts. Je me suis personnellement occupé d'un certain nombre de transferts des tribunaux pour jeunes aux tribunaux pour adultes dans l'ancien système. La procédure était extrêmement lourde. Peut-être plus lourde même que le procès lui-même. Au bout du compte, on en était réduit à se demander s'il fallait faire appel aux victimes, qui étaient forcées de témoigner deux, trois ou quatre fois à cause de ces anciennes dispositions. Je me félicite de cette modification qui nous permettra d'avoir un seul procès.
Cependant, comme le député l'a observé, je ne suis pas d'accord pour que la décision soit prise à la toute fin du procès au tribunal pour adolescents, où s'appliquent souvent des règles d'admissibilité différentes, et je me demande si cette façon de faire est la bonne.
La question qui m'est posée vise plus expressément l'activisme judiciaire, ce qui pourrait peut-être faire l'objet de tout un débat. Nous ne pouvons en discuter rapidement dans ce contexte-ci. Je conviens qu'il faut donner des pouvoirs aux juges, mais, dans une loi comme celle-ci, il faut en encadrer l'exercice. Selon moi, le moyen de le faire, dans certains cas, est de définir certains crimes qui entraînent l'imposition de peines minimums obligatoires.
La plupart des juges se comportent de façon responsable. Il y a malheureusement des exceptions. Nous devrions peut-être envisager certains moyens à l'égard de ces juges.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-3, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. D'entrée de jeu, je tiens à dire que c'est un projet de loi très important. Il montre bien la détermination du gouvernement du Canada à s'occuper de la question très complexe que constitue la justice pour les adolescents.
À titre d'ex-président de la Waterloo Regional Police, j'ai fait partie du conseil de cet organisme pendant 10 ans. Je puis personnellement dire à la Chambre que les hauts gradés et tous les membres de ce corps de police ont travaillé d'arrache-pied pour que nous ayons un système de justice excellent, notamment pour les jeunes. Avec nos 700 policiers et employés civils, nous avons reconnu l'importance de cette question et le fait qu'elle nécessitait l'attention que le gouvernement du Canada est maintenant prêt à lui accorder. De ce point de vue, je suis très heureux que ce projet de loi ait été déposé.
En guise de brève récapitulation, je tiens rappeler à tous les députés que le gouvernement a lancé, le 12 mai 1998, une stratégie visant le renouvellement du système de justice applicable aux jeunes. Cette stratégie est en place depuis un certain temps. Par la suite, le gouvernement a déposé la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Dans le budget fédéral, le gouvernement a ensuite annoncé l'octroi de 206 millions de dollars sur trois ans, somme destinée à la mise en place de programmes devant faciliter l'atteinte des objectifs du projet de loi. Si je mentionne tout cela, c'est pour montrer que le moment est maintenant venu d'aller de l'avant, de renvoyer le projet de loi au comité et de laisser les Canadiens s'exprimer sur cette question. Je me réjouis que nous adoptions cette orientation aussi rapidement.
La stratégie gouvernementale visant le renouvellement du système de justice applicable aux jeunes a reconnu que l'objectif primordial est la protection du public. Elle établit une distinction entre, d'une part, les mesures législatives et les programmes qui sont indiqués pour le petit groupe de jeunes contrevenants violents et, d'autre part, ceux qui conviennent pour le groupe nettement majoritaire des jeunes contrevenants non violents. Il faut adopter une stratégie plus globale et plus unifiée, qui met l'accent sur la prévention et la réadaptation. C'est crucial à l'ensemble du débat.
Ceux d'entre nous qui s'intéressent au système de justice pénale pour les adolescents savent que la question n'est pas de savoir si le système est dur ou clément, mais bien s'il parvient à appliquer la justice de façon sensée. Les mesures proposées ici laissent clairement entendre que les jeunes qui commettent des crimes doivent en assumer les conséquences, et les conséquences sont fonction, en grande partie, de la gravité de l'infraction.
Par exemple, la plupart d'entre nous croient que les jeunes qui commettent des vols mineurs ou se trouvent en possession de biens volés doivent être tenus responsables de leurs actes, et ce, à juste titre. Toutefois, l'an dernier, nous avons imposé des peines carcérales à 4 355 jeunes dont l'infraction la plus grave avait été de commettre ce genre de crime contre les biens. De plus, 4 332 jeunes ont été incarcérés pour ne pas avoir respecté certaines conditions, généralement leur ordonnance de probation. Ce sont là les deux genres d'infractions dont je voulais parler. Les personnes reconnues coupables de ces infractions devraient être tenues responsables de leurs actes et nous en convenons. Ces deux groupes d'infractions correspondaient au tiers des peines carcérales imposées aux jeunes contrevenants l'an dernier. Honnêtement, je trouve cela inadmissible. Nous sommes le pays occidental qui emprisonne le plus grand nombre de jeunes contrevenants, mais ce n'est sûrement pas la meilleure solution à la criminalité chez les jeunes.
Chez les jeunes, la peine carcérale est d'une durée moyenne de 45 jours. Cela peut coûter jusqu'à 9 000 $ aux contribuables. Personne ne prétend que ces jeunes ne doivent pas être tenus responsables de leurs actes. Au contraire. Les infractions qu'ils commettent doivent appeler des peines significatives. Il faut toutefois nous demander si nous pouvons atteindre cet objectif en traînant les jeunes contrevenants devant les tribunaux et en les envoyant en prison. Nous devons nous demander s'il convient de dépenser 9 000 $ en emprisonnant un petit voleur ou un jeune ayant violé un couvre-feu.
Le choix n'est pas entre ne rien faire et emprisonner un jeune. Il existe des programmes dans toutes les régions du pays, la mienne y comprise, servant à demander des comptes aux jeunes pour ce qu'ils ont fait. Ces programmes ne font pas appel aux tribunaux ni aux prisons. Ils font appel aux victimes. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents reconnaît que des mesures extrajudiciaires constituent souvent le meilleur moyen de traiter les crimes juvéniles moins graves.
La loi prévoit donc le recours à semblables mesures toutes les fois qu'il est possible de demander des comptes aux jeunes contrevenants. La loi prévoit clairement que ces mesures favoriseront la réparation du dommage causé aux victimes et à la société. Il convient aussi de promouvoir la participation des familles, des victimes et de la collectivité à l'établissement d'une sanction significative et adéquate pour l'adolescent.
Afin de favoriser le recours à des sanctions créatives et efficaces, la loi autorise les policiers et les autorités judiciaires à exercer leur pouvoir discrétionnaire. La loi prévoit également toute une série d'approches comme les avertissements policiers, les mises en garde officielles de la police, le recours à des programmes communautaires, les mises en garde des autorités judiciaires et des sanctions extrajudiciaires comme les excuses faites aux victimes, la restitution et les services communautaires.
Quand un recours aux tribunaux est nécessaire, nombre de peines, autres que la détention, peuvent constituer des sanctions significatives pour les jeunes récidivistes. Des peines communautaires, par exemple, sont souvent plus efficaces que la détention et elles sont même favorisées par la nouvelle loi, notamment, en ce qui concerne les contrevenants non violents à faible risque; il s'agit de peines où les jeunes contrevenants doivent compenser leurs victimes pour le mal qu'ils leur ont causé, où l'on inculque aux jeunes le sens des responsabilités et le respect d'autrui et où l'on renforce les valeurs de la société, les valeurs canadiennes. Lorsque ces mesures initiales et ces peines en milieu ouvert sont utilisées efficacement, les provinces peuvent réinvestir l'argent économisé dans des programmes de prévention de la criminalité répondant aux préoccupations légitimes des Canadiens face au crime.
Dans le cadre de sa stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes, le gouvernement fédéral s'est engagé en faveur d'un large éventail de programmes de prévention. Dans un tel contexte, il n'est pas étonnant d'apprendre que les sondages d'opinion montrent que plus de 85 p. 100 des Ontariens préféreraient que l'argent soit investi dans la prévention du crime plutôt que dans la construction de nouveaux établissements de détention pour les jeunes. Un pourcentage semblable, soit 79 p. 100, préférerait que nous investissions dans des mesures de remplacement de l'incarcération des jeunes plutôt que dans la construction de nouveaux établissements de détention.
Comme corollaire, on constate évidemment que, en adoptant une attitude raisonnable devant la criminalité chez les mineurs, nous pouvons recentrer le système sur les crimes graves qui préoccupent avec raison les Canadiens. Les principes de la nouvelle loi qui s'appliquent à la détermination de la peine établissent clairement que les peines imposées aux jeunes doivent refléter la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité du jeune. La garde sera imposée aux jeunes qui commettent des crimes violents ou qui récidivent.
La nouvelle loi obligera les juges à imposer des périodes de surveillance dans la collectivité égales à la moitié de la durée de la période de garde. Cela permettra aux autorités de surveiller étroitement le jeune contrevenant et de s'assurer qu'il reçoit les traitements ou les programmes nécessaires pour réintégrer la société.
La période de surveillance administrée par les provinces sera assortie de conditions obligatoires et optionnelles rigides adaptées à chaque individu. Par exemple, lorsqu'une peine pour jeune ne sera pas jugée suffisante pour tenir un jeune contrevenant responsable de ses actes, un tribunal pourrait lui imposer une peine d'adulte. La nouvelle mesure législative fait en sorte qu'il sera plus facile d'imposer des peines applicables aux adultes aux jeunes reconnus coupables des crimes violents les plus graves. Nous rallongeons la liste des infractions et abaissons l'âge auquel un jeune peut être condamné à une peine applicable aux adultes.
Quand le projet de loi sera adopté, les jeunes de 14 ans et plus reconnus coupables de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable ou d'agression sexuelle grave seront condamnés à une peine applicable aux adultes à moins que le juge ne puisse être persuadé du contraire.
Nous créons aussi une cinquième catégorie d'infractions désignées pour les jeunes récidivistes violents. Cela montre bien que le gouvernement du Canada est déterminé à agir dans ce sens et à le faire d'une manière qui correspond aux valeurs canadiennes.
En ce qui concerne la détermination de la peine, le projet de loi prévoit une nouvelle option pour les jeunes contrevenants les plus violents et les plus à risque. L'ordonnance de placement sous garde intensive assure une surveillance plus étroite et garantit que le jeune contrevenant recevra le traitement approprié selon les causes de son comportement violent. C'est un genre de traitement individualisé et de surveillance intensive qui doit être approuvé par le tribunal et qui nous aidera à lutter contre la criminalité chez les jeunes.
Je dirai en terminant qu'une loi ne suffira pas à elle seule à enrayer la criminalité chez les jeunes. Je crois que c'est quelque chose que nous savons et que nous comprenons tous. Nous pouvons toutefois traiter ce problème de façon plus efficace que nous ne le faisons actuellement. Nous pouvons mettre en place une série de programmes en dehors du système de justice pour les jeunes ainsi que des programmes de réinsertion sociale en milieu carcéral et en milieu ouvert à l'intérieur du système de justice afin de réduire la criminalité.
Dans ce sens, je crois que les Canadiens pensent que nous sommes sur la bonne voie. Nous avons mis sur pied un bon système de justice pour les jeunes. C'est une question complexe, mais je crois que nous la traitons de façon très efficace.
Je terminerai en disant que les habitants de ma circonscription, Waterloo—Wellington, comme tous les Canadiens je crois, appuient l'approche équilibrée que nous avons adoptée pour traiter cette question très complexe.
C'est maintenant qu'il faut agir. Renvoyons ce projet de loi au comité. Donnons aux Canadiens la chance d'exprimer leur point de vue sur cette question. Faisons-le sans plus tarder. Nous avons fait preuve d'une grande prévoyance en présentant une mesure législative qui servira les intérêts de tous les Canadiens.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite le député de Waterloo—Wellington pour ses observations et sa contribution au débat. Je sais qu'en tant qu'ancien policier, il parle d'un point de vue très pratique, ce qui me semble extrêmement important quand il s'agit de questions se rapportant à la justice pénale. Il apporte un ton neutre au débat, ce dont je le félicite encore une fois. Nous avons bien besoin de cela quand il s'agit de questions relatives à la justice pénale.
La question que je lui pose se rapporte aux éléments du projet de loi qui donneront à la police un plus grand pouvoir discrétionnaire, celui de décider si une affaire devrait ou non passer par le système de justice pénale. Nous savons que la police se trouve dans la position souvent peu enviable de prendre cette décision, de décider si elle va procéder à une inculpation, faire une dénonciation ou peut-être s'en remettre à l'avis d'un ministère public.
Le député convient-il que des pouvoirs discrétionnaires supplémentaires supposent du temps et des ressources supplémentaires et oblige la police à passer plus de temps à faire une chose qui n'a jamais fait partie de son mandat? Ne croit-il pas par conséquent que l'Association canadienne des policiers, une grande partie des intervenants et un grand nombre de provinces ont en fait raison de réclamer des ressources supplémentaires dans le cadre de ce projet de loi et que le gouvernement va être obligé de débourser plus d'argent?
M. Lynn Myers: Madame la Présidente, je remercie le député de sa très bonne question.
Ceux d'entre nous qui ont déjà travaillé ou qui travaillent encore dans le domaine de la police communautaire sont très conscients de l'importance de s'intégrer à la collectivité, particulièrement en ce qui concerne les jeunes, afin de pouvoir se comporter avec eux d'une façon utile et efficace. C'est ce que nous avons fait par le passé, et nous continuerons de le faire. Cette attitude montre bien l'engagement non seulement de la police, mais de la communauté tout entière, à faire ce qu'il convient à l'égard des jeunes aux quatre coins du pays.
En ce qui concerne les ressources et le genre d'engagement qu'il faut pour s'occuper des jeunes, le député a tout à fait raison de réclamer que les forces de police locale soient dotés des ressources dont elles ont besoin pour remplir efficacement leur rôle.
Pour ce qui est de la discrétion que l'on propose, certes cela nécessitera encore un peu plus de travail, mais je tiens à rappeler au député que les policiers sont des gens très professionnels. Ils accomplissent leur devoir avec la plus grande loyauté et un dévouement de tous les instants, conscients qu'ils sont qu'il faut faire ce qu'il convient de faire, surtout en ce qui concerne les jeunes. Le genre de programmes de formation mis en place est la preuve de leur volonté de travailler avec dévouement et professionnalisme.
Je suis convaincu que, moyennant les ressources convenables et nécessaires, les policiers agiront comme il se doit. Ce sont nos héros méconnus. Tous les jours ils risquent leur vie pour notre bien. Nous devons les féliciter sans cesse pour l'excellent travail qu'ils font, surtout dans le secteur de la jeunesse, qui est si important.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté le discours du député du parti gouvernemental et on s'entend sur un point: qu'on soit libéral, conservateur ou réformiste, c'est du pareil au même en ce qui touche la Loi sur les jeunes contrevenants: on voit des bibites où il n'en existe pas.
Tout ce que le député a dit pour vanter son projet de loi, lorsqu'il faisait des citations et qu'il donnait des statistiques, c'est que les contribuables de l'Ontario voulaient le réinvestissement, la réhabilitation et la réinsertion des jeunes contrevenants. Mais à l'heure actuelle, et j'ignore si le député le sait, avec la Loi actuelle sur les jeunes contrevenants, on peut le faire.
Tout ce qu'il a cité pour vanter le projet de loi C-3, on peut le faire intégralement avec la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est pour cela que la coalition québécoise s'oppose unanimement au projet de loi de la ministre de la Justice.
Le problème avec la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas sa rédaction, c'est son application. En Ontario, comme dans les provinces de l'Ouest, on ne l'applique pas. Mais lorsqu'on applique le projet de Loi sur les jeunes contrevenants, on a un taux de récidive à l'égard des crimes graves, des meurtres, des vols à main armée, de moins de 5 p. 100—je crois que c'est 2 p. 100—mais je ne veux pas induire la Chambre en erreur.
Ce sont là les statistiques lorsqu'on applique adéquatement la Loi sur les jeunes contrevenants. Et ce ne sont pas des modifications fondamentales qu'on y apporte: on prend le positif de la loi actuelle et on y ajoute des choses aberrantes, comme par exemple, la publication du nom des jeunes criminels dans les journaux.
À quoi cela servira-t-il? À les marquer au fer rouge pour le reste de leur vie? Un jour ou l'autre, le jeune de 14 ans qui entre en prison ou qui entre dans le système que l'on veut établir de façon très répressive en sortira. Quand? À 24 ou 25 ans? Peu importe, il finira par en sortir, et qu'est-ce qu'il va faire une fois qu'il aura été identifié comme un criminel pour le reste de sa vie?
Cela n'aide pas la société pour laquelle on dit qu'on veut se battre et pour laquelle on dit rechercher une loi pour la protéger. À l'heure actuelle, la loi le fait. Ce que je demande au député, c'est s'il a au moins pris la peine de lire l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, et s'il a constaté les modifications importantes que la ministre veut y apporter?
Également, sait-il que la seule province où tout le monde s'entend pour dire que la loi est appliquée comme il se doit—et je parle du Québec—a un taux de réussite important? Pourquoi la changer, alors que c'est l'Ouest qui doit changer?
[Traduction]
M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. J'ai pris connaissance de la loi en vigueur et je connais également fort bien les dispositions du texte à l'étude.
Lorsque le gouvernement a entrepris la refonte du système de justice pour les jeunes et a abouti au texte que nous avons sous les yeux, il s'est inspiré du modèle québecois qui a certainement beaucoup à offrir au Canada et à sa population.
Le gouvernement a donc intégré ces aspects à la nouvelle loi, en reconnaissance des nombreux éléments que nous avons en commun et de ceux que nous pouvons partager avec les autres. Nous sommes animés d'un esprit de coopération, sachant que nous pouvons offrir aux jeunes Canadiens ce qui se fait de mieux en la matière, notamment au Québec, et nous agissons avec beaucoup d'optimisme.
C'est précisément ce que nous avons fait. Nous avons fait le nécessaire pour nos jeunes et nous avons veillé à mettre en place des programmes destinés à les aider et à aider la société dans son ensemble.
Le Président: Il nous reste quelques minutes, mais nous reviendrons à cette intervention, pour d'éventuelles questions et observations, après la période des questions. Je voudrais à présent que nous passions aux déclarations de députés, car il est presque 14 heures.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Traduction]
LA JOURNÉE DES NATIONS UNIES
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le Président, le 23 octobre, soit la veille de la Journée des Nations Unies, les citoyens du monde entier organisent une vigile. Leur objectif est d'exercer des pressions sur leurs gouvernements respectifs pour qu'ils offrent le financement voulu aux Nations Unies.
De nombreux gouvernements nationaux ne paient pas leurs cotisations aux Nations Unies, ce qui affaiblit sérieusement un grand nombre des organisations membres. Ainsi, les États-Unis à eux seuls doivent plus d'un milliard de dollars aux Nations Unies. Le Canada fait partie de la minorité, puisqu'il ne leur doit rien.
Cette vigile est organisée depuis trois ans. En 1998, elle s'est tenue dans 42 villes du monde entier. Cette année, cet événement est appelé la «mobilisation pour le millénaire», afin de souligner l'entrée des Nations Unies dans le XXIe siècle. Il s'agit d'une organisation qui fait beaucoup pour favoriser nos relations intergouvernementales, pour aider à remettre en état des pays déchirés par la guerre et pour lutter contre la pauvreté et la famine.
Les Nations Unies ont besoin non seulement de l'appui moral des pays membres, mais également de leur appui financier pour poursuivre leurs projets et leurs programmes. J'exhorte donc tous les membres de cette organisation mondiale à apporter la contribution voulue.
* * *
LA NOURRITURE
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais donner au gouvernement libéral une leçon sur la valeur du travail. On dit qu'on peut vivre une minute sans air, une journée ou deux sans eau et une semaine ou deux sans nourriture. Certains d'entre nous peuvent même résister plus longtemps que cela.
La nourriture est l'élément essentiel à la vie. On peut se passer des services d'un médecin pendant des années si on ne tombe pas malade. On peut se priver des services d'un avocat pendant des années. On peut s'en sortir sans les politiciens pendant un siècle, voire un millénaire, mais on ne peut pas se passer des agriculteurs.
Le travail des agriculteurs a une énorme valeur, car sans eux, c'est la famine. Comment expliquer alors que des gens qui apportent une telle contribution n'aient même pas droit à l'équité salariale? Pourquoi le gouvernement fait-il fi de la situation critique des agriculteurs dont notre survie même dépend?
L'histoire montre clairement qu'une nation peut perdre sa souveraineté si elle n'a plus accès à un approvisionnement alimentaire sûr et indépendant.
Il est question d'alimentation, d'agriculteurs. Il faut rémunérer les agriculteurs en fonction de l'immense valeur de leur travail. Il est temps de reconnaître leur contribution à sa juste valeur.
* * *
LES SCIENCES ET LA TECHNOLOGIE
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Monsieur le Président, le Canada célèbre du 15 au 24 octobre la Semaine nationale des sciences et de la technologie.
Le Canada s'est engagé à devenir le meilleur défenseur, promoteur, utilisateur et exportateur de ressources naturelles au pays, en plus d'être le plus branché, le plus écologique, le plus socialement responsable, le plus concurrentiel et le plus productif.
Au cours de la Semaine nationale des sciences et de la technologie, Ressources naturelles Canada ouvre ses portes pour sensibiliser la population à l'importance du développement durable de notre énergie, de nos forêts et de nos ressources naturelles. Dans le cadre de ses journées portes ouvertes et des sessions d'information à l'intention des étudiants, le personnel du ministère offre des renseignements détaillés sur toutes sortes de choses, des pierres aux minéraux et de la cartographie aux forêts et aux animaux qui les habitent, des métaux et des ressources énergétiques au système mondial de localisation.
De plus en plus de Canadiens se tournent vers les sciences et la technologie pour se faciliter la vie et étudier des questions aussi importantes que les changements climatiques.
J'aimerais que tous les députés se joignent à moi pour saluer tous les hommes et les femmes qui contribuent à faire du Canada un chef de file dans le domaine des sciences et de la technologie.
* * *
[Français]
L'ÉCONOMIE CANADIENNE
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Monsieur le Président, Statistique Canada rapportait hier que la balance commerciale du Canada poursuit sa lancée. EIle s'établissait à 22,1 milliards de dollars en janvier et avait déjà dépassé la balance commerciale totale de 1998, qui s'élevait alors à 18,9 milliards de dollars.
De tels résultats signifient que les choix économiques de notre gouvernement sont les bons. Ils signifient que le climat encourage les agents économiques des principaux secteurs d'activité à investir chez nous.
De telles nouvelles ne plaisent certainement pas aux partis d'opposition, mais ils devront s'y faire. Les décideurs économiques estiment que les conditions sont réunies pour assurer une croissance économique soutenue et durable au Canada.
* * *
LE MOIS DE SENSIBILISATION AU LUPUS
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de rappeler à la Chambre et à tous les Canadiens et Canadiennes que le mois d'octobre est le Mois de sensibilisation au lupus.
Le lupus est une maladie auto-immune chronique dont souffrent quelque 50 000 Canadiens et Canadiennes. Cette maladie, qui se caractérise par une défaillance du système immunitaire, touche diverses parties du corps et elle entraîne une inflammation des tissus des parties touchées.
Le lupus frappe surtout les femmes de 15 de 45 ans, et dans ce groupe d'âge, les femmes sont huit fois plus exposées à cette maladie que les hommes.
On ignore toujours ce qui cause le lupus et comment le traiter, mais la recherche poursuit activement ses efforts.
Lupus Canada se donne pour mission d'aider les personnes touchées, leurs familles et ceux et celles qui leur dispensent des soins en leur proposant des renseignements d'actualité, un soutien et une éducation, quels que soient leur revenu, leur culture et leur région.
Je vous invite donc à vous joindre à moi pour féliciter Lupus Canada et pour lui souhaiter une campagne de sensibilisation fructueuse.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères n'a pas raison de demander l'expulsion du Pakistan du Commonwealth à la suite de la prise de contrôle du pays par les forces militaires.
Les sanctions exercées l'an dernier n'ont pas été efficaces. Les Pakistanais savaient que le gouvernement était corrompu. Personne n'est prêt à appuyer un coup militaire. Toutefois, depuis que les militaires ont pris le contrôle de la situation, le calme et la paix sont revenus au pays. Le Parlement n'a pas été dissous, le président est toujours en poste, les droits fondamentaux sont respectés, il n'y a pas eu d'effusion de sang ni de loi martiale et la politique de restriction en matière nucléaire et de missiles se poursuit. Les militaires ont promis de rétablir la démocratie civile aussitôt que possible.
Le ministre des Affaires étrangères ne pratique pas ce qu'il prêche. Il ne fait rien pour faire disparaître la corruption dans son propre ministère, dans les ambassades et dans les bureaux de passeports. Il a tout fait pour venir en aide à Suharto. Il a poursuivi l'aide étrangère à l'Algérie après l'ingérence des militaires dans le processus électoral démocratique. Il a condamné les États-Unis pour avoir mis Cuba à l'écart. Ses politiques sont incohérentes et hypocrites. Il prône la puissance souple mais se montre rigide. Le ministre des Affaires étrangères...
Le Président: La députée de Parkdale—High Park a la parole.
* * *
LA RÉSIDENCE COPERNICUS
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Monsieur le Président, le 14 mars 1979, la résidence Copernicus ouvrait ses portes au coeur même de la communauté polonaise de ma circonscription. C'était un nouveau complexe de 100 appartements pour retraités entièrement autonomes. Quatre ans plus tard, la phase deux était construite.
Aujourd'hui, au bout de 20 ans, la résidence Copernicus est beaucoup plus qu'une résidence pour retraités, c'est un véritable foyer pour les résidents et leurs familles, qui y trouvent confort, amitié et bonhomie.
À la résidence Copernicus, on attache la plus grande importance à la confiance et à l'estime de soi ainsi qu'au respect de la dignité, et on fait de la satisfaction des besoins physiques, sociaux, médicaux et spirituels des résidents la principale priorité.
Le dimanche 24 octobre, les résidents, leurs familles, les employés, les bénévoles et les membres du conseil d'administration de la résidence Copernicus célébreront les 20 années de soins et de services dispensés à notre collectivité.
Je rends hommage à tous les intervenants de la résidence Copernicus pour les soins exemplaires qui y sont fournis et je souhaite que ce succès se poursuive avec la nouvelle phase.
* * *
[Français]
LA SEMAINE DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES DU QUÉBEC
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, je veux souligner qu'en ce moment se déroule la Semaine des bibliothèques publiques du Québec dont le but est de faire découvrir aux Québécois et aux Québécoises les multiples ressources qu'offrent ces établissements.
La bibliothèque publique n'est plus cet espace austère et rigide que certains d'entre nous avons connu. Dans les 974 bibliothèques du Québec se côtoient aujourd'hui livres, disques, vidéos, cédéroms et Internet. Conviviales et accessibles, elles témoignent de la modernité et sont les gardiennes de notre culture.
De plus, comme l'a rapporté une étude de Statistique Canada, il existe un lien entre la lecture que l'on fait aux tout-petits et la réussite scolaire. À Laval, par exemple, les bibliothèques organisent L'Heure du conte pour les bambins, des dictées publiques dont la fameuse Dictée du Nord et des séances de lecture avec des auteurs réputés.
J'aimerais profiter de cette Semaine des bibliothèques publiques pour remercier tous ceux et celles qui concourent au Québec à maintenir vivants et dynamiques ces lieux d'apprentissage, de découvertes et de rêves.
* * *
[Traduction]
LES COOPÉRATIVES
Mme Susan Whelan (Essex, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui la Journée internationale de la coopération d'épargne et de crédit et, pour les Canadiens, c'est la Semaine nationale de la coopération. Le thème de la semaine fait valoir que la coopération aide à tracer l'avenir et met l'accent sur le modèle coopératif comme moteur puissant de l'économie canadienne et comme source d'emplois, de revenus et de stabilité pour les communautés de nombreuses régions canadiennes.
À mesure que l'économie se mondialise et que les efforts de rationalisation se traduisent par une baisse des emplois, les coopératives apportent un certain équilibre dans la satisfaction des besoins sociaux et économiques des Canadiens. Les coopératives visent à bâtir un Canada solide et à offrir un autre modèle d'entreprise.
J'invite donc les députés à se joindre à moi pour féliciter le secteur coopératif et l'inviter à maintenir son importante contribution au Canada. À l'heure actuelle, les coopératives, y compris les caisses populaires et les coopératives de crédit, comptent 15 millions de membres et leur actif totalise plus de 167 milliards de dollars. Les coopératives emploient plus de 150 000 Canadiens et donnent du travail à plus de 70 000 bénévoles.
Pour les coopératives, répondre aux besoins de leurs membres a toujours la préséance sur le résultat net. C'est ce qui explique leur expansion.
* * *
L'AGRICULTURE
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, dans l'édition d'aujourd'hui du Western Producer, on trouve les données sur les versements du programme ACRA réalisés jusqu'à maintenant. En Alberta, 88 p. 100 des versements ont été faits. En Colombie-Britannique, c'est 98 p. 100. Personne ne se surprendra d'apprendre que ces deux provinces gèrent leurs propres programmes. Au Manitoba et en Saskatchewan, où c'est le gouvernement libéral qui le fait, seulement 44 et 43 p. 100, respectivement, ont été réalisés.
Le secteur agricole de la Saskatchewan, qui est le plus durement touché au Canada, ressent douloureusement les effets de nombreuses années de prix déprimés, de coûts élevés des intrants, d'impôts élevés et d'interventions timides auprès de l'Organisation mondiale du commerce; bref, il n'a pas d'amis au sein du gouvernement libéral. Les événements attestent que le gouvernement n'a que faire de ce qui peut arriver à l'Ouest. Le ministre de l'Agriculture a promis une aide financière pour les récoltes. Cette promesse ne tient plus, et 57 p. 100 des agriculteurs de la Saskatchewan n'ont toujours rien reçu.
Les électeurs de la Saskatchewan feront connaître leur insatisfaction à l'arrogant gouvernement libéral à l'occasion de l'élection partielle dans la circonscription de Saskatoon—Rosetown—Biggar. Nous attendons ce moment avec impatience.
* * *
LA RESPONSABILITÉ CRIMINELLE
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, le chef du Nouveau Parti démocratique a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire traitant de la responsabilité criminelle des sociétés. Je suis fière d'appuyer ce projet de loi.
Tous les ans, des centaines de Canadiens sont tués et plus d'un million se blessent au travail. En moyenne, deux Canadiens meurent d'un accident de travail tous les jours. Ce sont donc deux familles par jour qui perdent une mère, un père, un conjoint ou un enfant.
Nombre de ces décès et de ces blessures auraient pu être évités, mais ne l'ont pas été à cause de la négligence des gestionnaires des sociétés qui s'intéressent plus aux bénéfices qu'aux vies humaines. Les gestionnaires des sociétés qui, en toute connaissance de cause ou par pure négligence, laissent les employés travailler dans des conditions dangereuses sont des criminels et devraient être envoyés en prison. Le Nouveau Parti démocratique veillera à ce qu'ils soient mis en accusation.
Le gouvernement libéral n'a toujours tiré aucun enseignement de la tragédie de la mine Westray. La négligence des gestionnaires de l'entreprise a entraîné la mort de 26 mineurs à Westray, mais aucune accusation n'a été portée.
La sécurité, et non le profit, doit avoir préséance sur les lieux de travail. La possibilité réelle de faire l'objet d'accusations criminelles pourrait enfin forcer les dirigeants des sociétés à faire de la sécurité leur priorité absolue.
J'exhorte le gouvernement libéral et tous ses députés à faire de la sécurité des travailleurs canadiens leur grande priorité.
* * *
LA GAIRDNER FOUNDATION
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais demander à la Chambre de se joindre à moi pour féliciter la Gairdner Foundation de Toronto, qui célèbre un anniversaire important.
Depuis 40 ans, la fondation rend hommage aux membres du corps médical qui, avec dévotion et désintéressement et à force de temps et d'efforts, ont beaucoup apporté à la recherche en vue de vaincre les maladies et de soulager la douleur. Le prix international Gairdner a été décerné à 249 personnes, dont 51 ont ensuite reçu le prix Nobel.
Au nom de la Chambre, je félicite les fondateurs et les administrateurs de la Gairdner Foundation pour ces réalisations remarquables.
Le rassemblement, cette semaine, de plus d'une cinquantaine de récipiendaires du prix Gairdner, à Toronto et dans 13 autres grandes villes canadiennes, dans le cadre du symposium «Minds That Matter» marquant l'occasion, témoigne du succès de cette importante institution.
[Français]
Nous saluons leur passé et nous leur souhaitons un bel avenir.
* * *
BRUNY SURIN
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui que le sprinter québécois Bruny Surin recevra le prix Maurice-Richard.
Créé en 1979, ce prix d'excellence, offert par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, est remis à un athlète qui fait honneur à la fois à son sport et au Québec.
Honoré pour son intégrité, sa détermination, son courage et sa persévérance, Bruny Surin est considéré comme l'un des grands porte-étendards du sport au Québec. Ce détenteur du deuxième chrono le plus rapide de tous les temps au 100 mètres est un véritable exemple et un modèle pour tous les jeunes.
Le Bloc québécois félicite ce grand athlète, non seulement pour ses magnifiques performances, mais aussi pour sa persévérance à pratiquer le sport qu'il aime, parfois contre vents et marées, dans les bonnes années comme dans certaines plus difficiles.
Bruny, nos coeurs battront à vos côtés lorsque nous vous regarderons courir aux Jeux olympiques de Sydney. Félicitations et bonne chance dans la poursuite de votre brillante carrière.
* * *
[Traduction]
LE PROJET COMMÉMORATIF JULIUS K. NYERERE
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, le monde pleure aujourd'hui M. Julius Nyerere, ancien président de la Tanzanie, décédé la semaine dernière.
M. Nyerere a été président de la Tanzanie pendant 24 ans. Il était un homme très respecté pour son honnêteté, son engagement envers le développement communautaire et son rôle en tant qu'éminent homme d'État africain.
Partout dans son pays, on l'appelait simplement et affectueusement «Mwalimu», ce qui signifie professeur. Aujourd'hui, la ministre de la Coopération internationale assiste aux funérailles de M. Nyerere en Tanzanie, à titre de représentante du Canada.
J'aimerais dire aux Canadiens que l'ACDI va célébrer la mémoire de M. Nyerere en choisissant chaque année, en Tanzanie, un projet communautaire important qui sera désigné «Projet commémoratif Julius K. Nyerere».
* * *
L'ÉQUITÉ SALARIALE
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, PC): Monsieur le Président, pendant que la présidente du Conseil du Trésor examine la décision de la Cour suprême sur l'équité salariale, je vais lui soumette d'autres questions à prendre en compte à cet égard au cours de sa réflexion.
Premièrement, il s'agit ici de la quatrième décision qui soit rendue en faveur de 200 000 employés de la fonction publique fédérale, principalement des femmes.
Deuxièmement, les contribuables canadiens payent chaque semaine des millions de dollars d'intérêt parce que le gouvernement refuse de respecter la décision de la cour.
Troisièmement, il est temps, à l'aube du nouveau millénaire, que son gouvernement assure l'égalité à tous les Canadiens.
Quatrièmement, la présidente du Conseil du Trésor a une obligation à l'égard des millions de Canadiennes qui attendent impatiemment sa décision.
Des femmes qui font partie du caucus même de la ministre ont déclaré publiquement qu'il était temps de reconnaître et de respecter enfin la décision de la cour et de payer. Comme on peut le lire dans la décision du tribunal, n'oublions pas que justice différée est justice refusée.
* * *
[Français]
LE ROYAL 22E RÉGIMENT
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, le 21 octobre marque la fondation du Royal 22e Régiment. Cela fait 85 ans aujourd'hui que cette unité militaire, composée principalement de Québécois, existe et nous fait honneur.
À la suite des deux guerres mondiales et de la guerre de Corée, ce régiment a reçu plus de 550 décorations et insignes soulignant sa bravoure et son héroïsme. De plus, plusieurs membres du Royal 22e se sont joints aux troupes de maintien de la paix de l'ONU et ont reçu le prix Nobel de la paix en 1988.
Leur fidélité ne s'est non plus jamais démentie. À preuve, plus de 250 soldats du Royal 22e ont quitté Québec vendredi dernier pour joindre la mission internationale dépêchée au Timor oriental, réitérant ainsi leur tradition d'engagement.
Au nom de mes collègues du Bloc québécois, je tiens à rendre hommage au Royal 22e Régiment, à ces femmes et à ces hommes enrôlés au service de la paix et de leurs semblables.
* * *
LES JEUX DE LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Monsieur le Président, les premiers Jeux de la Francophonie canadienne se sont déroulés du 19 au 22 août dernier à Memramcook au Nouveau-Brunswick.
En effet, 13 délégations composées de jeunes francophones et francophiles âgés entre 15 et 18 ans sont venus fêter leur appartenance à la culture canadienne-française. Ils étaient près de 1 000 jeunes participants venus de toutes les provinces et territoires.
En cette Année de la Francophonie canadienne, les Jeux ont été une belle occasion de mettre en lumière la vitalité de nos jeunes francophones et de contribuer à enraciner dans leur coeur la langue et la culture françaises.
Le gouvernement canadien, et plus particulièrement le ministère du Patrimoine canadien, est fier d'avoir appuyé la première édition des Jeux de la Francophonie canadienne et félicite la Fédération de la jeunesse canadienne-française, maître d'oeuvre de cette grande célébration qui réunit les jeunes francophones...
Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député, mais nous devons maintenant passer à la période de questions orales.
QUESTIONS ORALES
[Traduction]
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui un jour sombre pour les droits individuels des autochtones au Canada. L'accord avec les Nisga'as ne donne pas à cette nation le droit privé de propriété, il ne donne pas aux femmes nisga'as les droits et la protection dont jouissent les autres femmes canadiennes et il met en péril les droits garantis par la Charte pour chaque membre de la nation nisga'a.
Comment le gouvernement et le ministre peuvent-ils faire fi des droits fondamentaux des autochtones du Canada?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député a tort. Nous respectons les droits des autochtones et de tous les Canadiens pour qu'ils puissent vivre ensemble dans la paix et l'harmonie en Colombie-Britannique et partout dans notre pays. C'est le Parti réformiste qui trouble la tranquillité des Canadiens par sa façon d'aborder cette question fondamentale.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, la position des députés réformistes est fondamentalement différente de celle du gouvernement. Nous avons une vision positive pour l'avenir des autochtones dans notre pays. Nous voulons leur donner un nouveau départ. Nous voulons que les femmes autochtones soient des partenaires à part entière, tant dans les réserves qu'en dehors des réserves. Nous voulons que les autochtones aient les mêmes droits et la même protection que les autres Canadiens.
Comment le gouvernement peut-il continuer de faire fi des droits fondamentaux que réclament les autochtones de ce pays?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je dirai au député d'en face que la première chose à faire pour lui serait de lire l'accord. Nous lui avons envoyé une copie de l'accord il y a quelques mois expressément pour qu'il ait la chance de le lire. Il est précisé dans cet accord que la nation nisga'a et son territoire, la vallée de la Nass, sont assujettis à la Constitution et à la Charte. Le député remarquera dans l'accord que les femmes autochtones relèvent de la loi provinciale et que cela restera ainsi.
Je veux soulever un autre point. Le député a dit aux médias il n'y a pas longtemps...
Le Président: Le député de Skeena a la parole.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, le ministre sait que le droit privé de propriété n'est pas prévu dans cet accord. Il sait que, sans ce droit, les femmes autochtones ne peuvent pas espérer jouir des mêmes droits et de la même protection que les autres Canadiennes en cas de rupture du mariage.
Pourquoi le ministre a-t-il accepté de signer ce traité qui ne donne pas aux Nisga'as le droit privé de propriété? Pourquoi a-t-il fait cela?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, avant de parler du droit de propriété, permettez-moi de lire ce que le député a dit il n'y a pas longtemps. Le samedi 11 septembre, M. Scott a dit que les négociations fructueuses qui ont mené à la signature récente de traités en Colombie-Britannique montrent que le système fonctionne bien.
J'ajouterai que, aux termes de cet accord, les terres sont détenues en fief simple, ce qui veut dire que les gens peuvent aller enregistrer leurs terres au bureau provincial d'enregistrement foncier. Il ne s'agit donc pas de terres communales. Le député devrait lire l'accord.
Le Président: Je rappelle aux députés de ne pas désigner leurs collègues par leur nom dans leurs questions ou leurs réponses.
* * *
LES PÊCHES
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, le traité avec les Nisga'a attribue à ces derniers 25 p. 100 du saumon de la rivière Nass.
Comme il y a quatre autres bandes qui ont des revendications sur la pêche au saumon, tout le saumon de la rivière Nass ou presque finira par être accordé aux autochtones en vertu de traités.
Si le gouvernement actuel, le NPD et les conservateurs sont prêts à attribuer presque tout le poisson de la rivière Nass aux autochtones, pourquoi les pêcheurs de homard non autochtones de la côte est devraient-ils faire confiance au gouvernement pour leur conserver une place dans ce secteur de pêche?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, tout comme les réformistes représentent une opinion minoritaire à la Chambre au sujet du traité avec les Nisga'a, ils représentent aussi une opinion minoritaire à ce sujet d'un bout à l'autre du pays.
Les réformistes se sont prononcés contre toutes les initiatives présentées à la Chambre concernant les autochtones. Les Canadiens connaissent exactement la position du Parti réformiste. Voilà pourquoi sa cote de popularité est en train de tomber sous la barre des 10 p. 100.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Monsieur le Président, cela ne sera pas d'un grand réconfort pour les pêcheurs de homard de la Nouvelle-Écosse.
L'incertitude suscitée directement par le traité avec les Nisga'a nuit à l'économie du nord-ouest de la Colombie- Britannique. On n'a pas tenu compte des inquiétudes des bûcherons et des pêcheurs. Nous voyons maintenant que le traitement des problèmes auxquels donnent lieu les traités crée aussi un manque de confiance chez les investisseurs sur la côte est, où un important acheteur de homard établi à Yarmouth est incapable d'obtenir des fonds d'exploitation pour cette année à cause de l'incertitude suscitée par le jugement Marshall.
Pourquoi le gouvernement poursuit-il une politique qui détruit la confiance des investisseurs et tue des emplois dans le secteur de la pêche sur les deux côtes?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, nous avons un représentant fédéral qui s'efforce de créer un climat de certitude. Si le député veut vraiment de la certitude, il devrait approuver l'entente avec les Nisga'a, car elle en créera. Tout le monde saura quelles sont les règles.
* * *
[Français]
LES PRODUCTIONS AUDIOVISUELLES
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, mardi dernier, la ministre du Patrimoine canadien informait la Chambre qu'il y aurait aujourd'hui une rencontre entre les policiers de la CUM, les fonctionnaires du ministère du Revenu et du ministère du Patrimoine canadien, ainsi que la GRC. Elle a aussi affirmé que c'est à la suite des interventions du Bloc québécois à la Chambre qu'elle a demandé une enquête à la GRC.
Doit-on comprendre que si elle a demandé à la GRC de refaire une enquête, c'est qu'elle a décidé que cette enquête devait se faire à l'échelle du Canada?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas demandé à la GRC de refaire une enquête, je lui ai demandé de faire une enquête.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il y a eu une enquête en 1995 et en 1997. Il y a également eu une enquête faite par la police de la CUM.
Je me demande si, justement, elle n'aurait pas dû, entre 1995 et 1997, consulter et étudier cette enquête, et avoir le coeur de prendre les mesures pour que de telles pratiques ne se répètent plus. Elle n'a rien fait.
Peut-elle nous expliquer pourquoi elle n'a rien fait à la suite des allégations sérieuses contenues dans l'enquête de 1995 à 1997, et qu'aujourd'hui elle demande qu'on fasse le même travail alors que la CUM l'a fait également?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, hier, lundi et la semaine dernière, il y a eu de graves allégations faites par le Bloc québécois. Je trouvais que c'était ma responsabilité de répondre à ces allégations. La meilleure façon de découvrir la vérité sur ces allégations, c'est par la GRC.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, depuis le début de cette affaire, la ministre du Patrimoine canadien nous accuse d'inventer des problèmes et de lancer des rumeurs, appuyée en cela par M. Macerola, de Téléfilm Canada, qui qualifiait, un peu vite d'ailleurs, toute cette affaire de légende urbaine.
Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien. La ministre n'admettra-t-elle pas que depuis vendredi dernier, au moment où elle disait ne rien savoir de cette affaire, grâce au Bloc québécois, elle sait maintenant qu'il y a au moins quatre cas de prête-noms, que d'autres producteurs pourraient être impliqués, et que tout cela ne couvre pour le moment que le volet montréalais de Téléfilm?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, vendredi dernier, j'ai reçu les allégations de la part du député qui vient de prendre la parole. Il nous présente encore d'autres allégations. Je l'invite encore à communiquer avec la GRC pour lui faire part de ses allégations.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, comment la ministre pouvait-elle nous dire qu'elle a tout appris vendredi dernier, alors qu'une enquête a eu lieu à ce sujet en 1997, que des déclarations chocs ont été faites au début de l'automne par certaines personnalités du milieu, que la ministre de la Culture du Québec avait jugé bon de décréter une enquête à la SODEC afin de faire toute la lumière dans cette affaire, que son sous-ministre était au courant depuis deux ou trois jours?
Est-elle tenue dans l'ignorance par ses fonctionnaires ou refuse-t-elle tout simplement d'assumer ses responsabilités?
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, la personne qui fait des allégations, c'est le député. Vendredi dernier, le député a fait des allégations. À la suite des allégations qu'il a faites vendredi, il a fait d'autres allégations lundi, et encore mardi.
Je l'ai invité à soumettre ses allégations à la GRC, et je l'y invite aujourd'hui encore. S'il a des allégations, qu'il les transmette directement à la GRC, qui est là pour faire enquête.
* * *
[Traduction]
LES AGRICULTEURS CANADIENS
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
Les agriculteurs et leurs familles traversent la pire crise depuis la dépression des années 30 et le gouvernement ne bouge toujours pas. Il n'y a pas que les agriculteurs qui sont touchés. Il y a les fournisseurs. Il y a les fabricants et les vendeurs de matériel agricole, qui sont obligés de licencier des employés. Tout le monde retient son souffle dans l'attente d'une réaction du ministre.
Quand le ministre va-t-il arrêter de temporiser? Quand va-t-il mettre fin à cette angoisse et présenter un programme d'aide à l'agriculture digne de ce nom?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement est passé à l'action il y a presqu'un an quand nous avons débloqué 900 millions de dollars avant de déposer le budget de l'an dernier. Cette somme est à la disposition des agriculteurs. Elle est entièrement pour eux. À cela s'ajoute la part des provinces, qui s'élève à 600 millions de dollars. Nous avons apporté des modifications au compte de stabilisation du revenu net afin de débloquer 121 millions de dollars de plus. Il reste encore dans ce compte des sommes à la disposition des agriculteurs. Je suis encouragé par le fait qu'ils y ont maintenant recours.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, nous réclamons une intervention à la mesure de la crise, une intervention digne de ce nom. Personne n'achète la salade du ministre. Personne ne pense que l'intervention du gouvernement est suffisante.
Combien d'exploitations vont devoir disparaître? Combien de petites entreprises vont devoir fermer leurs portes? Combien de familles vont être contraintes à abandonner leur ferme avant que le gouvernement abandonne son arrogance et présente un programme d'aide à l'agriculture qui permettra de sauver les exploitations familiales?
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, un peu plus de 1,5 milliard de dollars, ce n'est pas rien. Malheureusement, nos ressources ne sont pas illimitées. Nous cherchons par tous les moyens à aider les agriculteurs.
Nous avons apporté des modifications à l'ACRA. Nous y avons fait des ajouts. Nous continuons à faire tout ce que nous pouvons dans les limites des ressources dont nous disposons.
* * *
L'INDUSTRIE DU TRANSPORT AÉRIEN
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.
De toute évidence, il y a lutte de pouvoir entre le ministre de l'Industrie et le ministre des Transports. Le ministre des Transports se propose de présenter une mesure législative qui lui permettra d'avoir le dernier mot dans tous les rapports du Bureau de la concurrence.
Au nom des consommateurs, je voudrais que le ministre de l'Industrie assure à la Chambre qu'aucun pouvoir ne sera transféré au ministre des Transports en ce qui concerne la fusion de compagnies aériennes.
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le député devrait lire la Loi sur les transports nationaux, car il verra que l'article 47 n'est invoqué qu'avec l'autorisation non seulement du ministre des Transports, mais également du ministre de l'Industrie.
Mon collègue, le ministre de l'Industrie, et moi travaillons ensemble à ce dossier depuis le début. Nous continuons de le faire. La démarche prévue aux termes de l'article 47 que nous avons amorcée le 13 août fonctionne, car le secteur privé nous fait maintenant des propositions qui permettront de restructurer l'industrie du transport aérien.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, le ministre n'a qu'une réponse à toutes les questions et c'est la mauvaise.
Je voudrais lire à la Chambre un rapport du tribunal qui remonte à 1993. Si le ministre a le dernier mot dans des rapports à venir, nous n'entendrons jamais des paroles comme celles-ci. Selon le rapport du tribunal, si les Lignes aériennes Canadien International sont obligées de fusionner avec Air Canada, la concurrence entre les lignes aériennes des marchés intérieurs sera probablement réduite considérablement. On ajoute que les affréteurs ne peuvent pas compenser le retrait de Canadien International.
Il est tout à fait inacceptable que le ministre des Transports puisse maintenant tripatouiller des rapports du Bureau de la concurrence.
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il est vraiment très étrange que le député cite des passages d'anciens rapports du Bureau de la concurrence. Ces rapports reflétaient certainement avec exactitude la situation qui existait à l'époque.
Cependant, le bureau travaille actuellement à un nouveau rapport, qui sera mis à ma disposition sous peu, et qui sera rendu public. Il nous sera utile pour la restructuration. Le bureau y présente des conseils et des lignes directrices, conformément à l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, les résidants n'appartenant pas à la nation nisga'a qui vivent en territoire nisga'a n'auront pas le droit de voter pour le gouvernement, mais ils seront assujettis aux lois et aux mesures fiscales des Nisga'as. Pourquoi le gouvernement libéral approuve-t-il une mesure de taxation sans représentation?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il ne s'agit pas des Nisga'as qui quittent le Canada, mais bien de ceux qui entrent au Canada.
L'un des aspects les plus importants de ce traité, c'est que tous ces gens seront des citoyens canadiens et que ceux qui n'appartiennent pas à la nation nisga'a pourront tout de même voter pour leur député aux paliers provincial et fédéral. Ils pourront siéger à tous les conseils, y compris le conseil scolaire et le conseil des services de santé des Nisga'as. Ils auront certainement une meilleure représentation que celle qu'ils obtiennent grâce au Parti réformiste.
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Monsieur le Président, même s'ils n'ont pas le droit de vote, ceux qui n'appartiennent pas à la nation nisga'a devront bientôt faire parvenir leur contribution fiscale au gouvernement local. Je sais que le gouvernement ne se préoccupe pas beaucoup des contribuables, mais je n'aurais jamais cru qu'il irait aussi loin que de leur refuser le droit de vote.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il à ceux qui n'appartiennent à la nation nisga'a le droit de voter pour le gouvernement qui perçoit leurs impôts?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais encourager les députés du Parti réformiste. Alors que nous amorçons le débat, il importe qu'ils lisent le traité. Ils devraient aussi nous demander une séance d'information; elle leur serait d'une grande utilité.
Alors que nous parlons de représentation, permettez-moi de donner aux réformistes un exemple de ce que la représentation signifie pour les Nisga'as. La circonscription du député représentant la nation nisga'a et les habitants de la vallée de la Nass compte 25 premières nations. Or, 17 de ces 25 premières nations n'ont pas rencontré leur député fédéral depuis six ans.
* * *
[Français]
LE TRANSPORT AÉRIEN
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, pour ce qui est de l'avenir du transport aérien au Canada, il y a deux offres sur la table: l'une légale, celle d'Air Canada, et l'autre illégale, celle d'Onex, qui demande une modification à la loi actuelle pour être recevable.
Ma question s'adresse au ministre des Transports. Doit-on comprendre de la déclaration du premier ministre, lundi, à savoir qu'il appartenait aux actionnaires d'Air Canada de décider que son gouvernement est prêt à changer la loi si les actionnaires d'Air Canada choisissaient l'offre d'Onex?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il est évident que nous avons deux offres. C'est aux actionnaires d'Air Canada de choisir celle qui est la meilleure pour eux. Après, lorsque le gouvernement aura reçu une entente conditionnelle, nous verrons à déterminer si les principes du gouvernement sont considérés par l'offre. À notre avis le processus fonctionne, et fonctionne bien.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, d'un côté, le ministre des Transports affirme vouloir déposer un projet de loi modifiant le cadre législatif, tandis que le premier ministre affirme qu'il ne doit pas y avoir de changement parce que cela relève uniquement des actionnaires d'Air Canada. N'y a-t-il pas là une contradiction?
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, nous avons des étapes à suivre. Il y a un processus avec les actionnaires d'Air Canada, qui sera suivi par un processus avec le gouvernement et les députés de cette Chambre. Il est évident que le premier ministre et moi sommes complètement d'accord avec ce processus. Comme je l'ai dit, le processus est bon pour la population canadienne parce qu'il y aura une restructuration de cette industrie.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement de la Colombie-Britannique a interrompu le débat sur le traité conclu avec les Nisga'a avant même qu'on ait pu discuter d'un grand nombre de dispositions.
Aujourd'hui, le ministre fédéral a déclaré qu'il entend lui aussi interrompre le débat s'il n'aime pas l'allure qu'il prend. Voilà la démocratie à son meilleur!
Le gouvernement du Canada va-t-il s'engager à respecter un processus plus démocratique et va-t-il donner à la Chambre et aux Britanno-Colombiens que la question préoccupe l'assurance qu'il permettra la tenue d'un débat en bonne et due forme et qu'il ne recourra pas à l'attribution de temps ni à la clôture pour interrompre les délibérations sur cette question très importante?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce projet de loi sera bientôt étudié à l'étape de la deuxième lecture. Il sera ensuite examiné par un comité. Il devra ensuite franchir l'étape du rapport, puis celle de la troisième lecture. Le débat se déroulera conformément au Règlement. Évidemment, le Règlement prévoit qu'il faut conclure une étape du débat avant de passer à la suivante.
Ensemble, tous les députés décideront si l'étude à chacune de ces étapes est nécessaire. Cela dépendra beaucoup de la façon dont le débat se déroulera. Participons tous sérieusement au débat et espérons que nous prendrons rapidement des décisions dans l'intérêt des Nisga'a, de la population de la Colombie-Britannique et de l'ensemble des Canadiens.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Monsieur le Président, autrement dit, le gouvernement entend couper court à un débat légitime et refuser à la population le droit de se renseigner sur la teneur du traité.
Les libéraux dépensent une fortune en fonds publics pour des sondages dont ils ne tiennent ensuite aucun compte. De vastes sondages menés en Colombie-Britannique révèlent que, dans sa forme actuelle, le traité conclu avec les Nisga'a suscite beaucoup d'inquiétude.
Le gouvernement s'engagera-t-il à tenir des audiences en Colombie-Britannique, dans le cadre du processus qu'il prétend être démocratique, afin de permettre à tous les Britanno-Columbiens d'exprimer leurs préoccupations? Le Parti libéral de la Colombie-Britannique a demandé qu'on respecte ce droit, mais le gouvernement néo-démocrate lui a opposé son refus.
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je crois savoir qu'il y a eu des audiences de comité en Colombie-Britannique. Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité permanent, c'est à celui-ci qu'il appartiendra de décider de l'opportunité de se déplacer.
Je tiens à dire que s'il y a attribution de temps, ce sera à la suite d'un vote à la Chambre où la majorité se sera prononcée en faveur de pareille attribution, et en conformité du Règlement.
* * *
[Français]
L'ASSURANCE-EMPLOI
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, la réforme de l'assurance-emploi portant sur les congés parentaux, annoncée dans le discours du Trône, ne permettra pas à tous les parents d'en profiter, loin de là. L'accès aux prestations pour les femmes est très difficile à cause du nombre d'heures de travail exigé.
Ma question s'adresse à la ministre du Développement des ressources humaines. La ministre admettra-t-elle qu'il faut d'abord régler le problème de l'admissibilité pour permettre aux parents d'avoir accès aux prestations et, à cette fin, acceptera-t-elle de ramener de 700 à 300 heures le seuil nécessaire pour avoir accès au congé parental?
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, les Québécois sont très heureux de notre annonce faite la semaine dernière. La présidente de la Fédération des femmes du Québec nous a dit, et je cite: «C'est sûr que quand l'annonce a été faite, je me suis dit que c'est quand même un pas dans la bonne direction.»
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est un pas dans la bonne direction, mais qui n'atteindra pas la bonne cible.
La ministre va-t-elle enfin admettre que le projet de congé parental qu'elle propose comporte plusieurs problèmes qui doivent être réglés, dont celui du seuil d'admissibilité des femmes qui doit être ramené à 300 heures plutôt qu'être à 700, et le niveau des prestations à 55 p. 100 des salaires, qui n'est pas assez élevé pour répondre au besoin des familles.
Je lui demande bien sincèrement, va-t-elle régler ces deux problèmes?
[Traduction]
L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, les mesures que le gouvernement compte prendre dans ce dossier sont indiscutablement très importantes. À notre avis, toute la société canadienne s'en trouvera transformée. Le gouvernement a à coeur le bien-être des familles et il le prouve.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Affaires indiennes a déclaré publiquement que le principe de responsabilité est au premier rang des priorités de son ministère.
Je me suis rendu dans des centaines de réserves un peu partout au Canada. Je sais comment les autochtones de la base définissent cette notion de responsabilité. Quelle est la définition du ministre? Vous-là, vous ne savez même pas ce que cela veut dire.
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, le principe de responsabilité exige que le chef et le conseil de chaque réserve soient dûment élus par leurs administrés.
Une voix: Dans combien de réserves êtes-vous allé, Bob?
L'hon. Robert D. Nault: Monsieur le Président, j'ai 51 premières nations dans ma circonscription et je leur ai rendu visite à toutes, contrairement à ce qu'ont fait certains des types d'en face.
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, une réponse comme celle-là n'en dit pas long aux autochtones de la base.
Chose certaine, nous pourrions compter sur les doigts de la main les occurrences du mot «responsabilité» dans l'accord conclu avec les Nisga'as, si tant est qu'il s'y trouve. L'argent ne sera pas remis à tous les Nisga'as, mais à une poignée d'entre eux, qui n'en partageront pas forcément les bénéfices également entre tous.
Le ministre voudrait-il nous expliquer comment, si ces terres et cet argent sont remis à quelques personnes, l'ensemble de la population en profitera?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est pourquoi les membres de l'alternative désunie d'en face ne décolle pas.
Permettez-moi de répondre à la question. Le fait demeure que la supposition...
Des voix: Oh, oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Nous avons entendu la question, et nous voudrions maintenant écouter la réponse. Le ministre des Affaires indiennes a la parole.
L'hon. Robert D. Nault: Monsieur le Président, il n'est pas digne de la Chambre qu'on tente de répondre à une question qui laisse entendre que les dirigeants autochtones ne sont pas responsables, même s'ils ont été élus par les leurs. C'est la chose la plus dégoûtante que j'aie entendue de la bouche de ce député en près d'une semaine.
* * *
[Français]
L'ÉQUITÉ SALARIALE
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, depuis l'annonce de la décision de la Cour fédérale sur l'équité salariale, les voix se font entendre de partout pour que le gouvernement applique sans délai le jugement. Même des membres du caucus libéral commencent à avoir honte de l'attitude de la ministre dans ce dossier.
Il me semble que le message est clair. Quand la ministre entend-elle agir?
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Ce sera dans quelques jours, monsieur le Président.
* * *
[Traduction]
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.
Depuis la fin du conflit en Serbie, nous avons vu de nombreux Serbes tenter de bâtir une société démocratique. Nous avons été témoins d'une manifestation pour la démocratie, de la naissance d'un mouvement d'opposition et de plusieurs tentatives pour faire respecter la liberté de la presse.
Que fait le Canada pour encourager l'établissement de la démocratie en Serbie?
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, nous avons annoncé que nous allions rouvrir notre ambassade à Belgrade, y envoyer un chargé d'affaires et consacrer les ressources nécessaires du Fonds canadien pour, en particulier, promouvoir la démocratie et la réforme et créer des liens avec le mouvement pour la démocratie en Serbie. Cela nous donnera aussi la possibilité de maintenir des contacts efficaces avec les Canadiens qui se trouvent au Kosovo dans le cadre de missions de maintien de la paix ou de missions humanitaires.
Voilà en quoi consiste notre engagement à promouvoir la réforme démocratique dans ce pays.
* * *
LES AFFAIRES AUTOCHTONES
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, comme s'il ne suffisait pas que l'accord avec les Nisga'as sanctionne l'imposition sans représentation, cet accord donne aux femmes autochtones moins de droits qu'aux femmes non autochtones. Il est difficile à imaginer qu'il y ait encore 50 ententes connexes à négocier. Il est honteux que d'autres revendications territoriales recoupent les terres visées par l'accord avec les Nisga'as. Il est déplorable que la Colombie-Britannique n'ait jamais pu faire sanctionner cet accord dans le cadre d'un référendum. Cependant, il est incompréhensible que le ministre se présente à une conférence de presse et déclare qu'il attend avec impatience de limiter le débat à la Chambre.
Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé que la démocratie devait aussi être victime de l'accord avec les Nisga'as?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce qui se passera à la Chambre des communes témoignera du respect de la démocratie. Nous aurons un débat sur le projet de loi en deuxième lecture, un comité tiendra des audiences et il y aura un débat à l'étape du rapport et en troisième lecture. C'est cela la démocratie.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, nous verrons aussi la clôture et l'attribution de temps, j'en suis sûr. Après deux semaines de travail, le ministre a une fiche impressionnante. Il décide que le Parlement ne sera pas autorisé à débattre pleinement l'accord avec les Nisga'as. Il accuse la population de la Colombie-Britannique de ne pas comprendre l'accord. Il refuse d'accepter des amendements qui protégeraient les femmes autochtones. Il dresse un groupe de Canadiens contre un autre groupe. Il s'immisce dans un domaine de compétence provinciale et cède des droits sur les ressources minières et forestières. Il détruit les perspectives économiques sur les deux côtes.
Ce n'est pas si mal après deux semaines de travail. Diviser est maintenant son mot d'ordre. Que compte accomplir le ministre au cours de ses deuxième et troisième semaines à son poste?
L'hon. Robert D. Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais bien réussir à garder le Parti réformiste vivant, mais il ne m'aide pas beaucoup.
Je voudrais rétablir un fait. Nous sommes allés jusqu'à tenir des séances d'information pour tous les grands médias afin que les réformistes ne nous fassent pas encore leur petit spectacle à la Chambre.
Les droits des femmes autochtones sont très bien protégés par les lois provinciales. Le député devrait se lever et présenter des excuses pour avoir fait des déclarations contenant des erreurs de faits.
* * *
L'ENVIRONNEMENT
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, voici une description exacte de la situation. Des résidents et des administrations locales de tout l'Ontario, y compris des villes de Thunder Bay, Sault Ste. Marie et Nepean, se sont tous opposés à juste titre au projet du gouvernement fédéral de faire transiter par leur collectivité du carburant MOX contenant du plutonium militaire. Il est inacceptable qu'un projet présentant un aussi grand risque soit entrepris sans l'appui du public ou du Parlement.
Pourquoi le gouvernement ne tient-il pas compte des préoccupations légitimes des Canadiens en matière de sécurité et d'environnement et ne met-il pas un terme au projet?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, nous avons tenu et nous tenons compte de ces préoccupations. Nous avons mené des consultations publiques avec tous les représentants locaux. Nous avons organisé des journées d'accueil publiques visant à fournir des renseignements complets. Nous avons prévu un délai pour permettre au public de présenter des observations au ministère des Transports, délai qui a pris fin il y a environ une semaine.
Le ministère des Transports tiendra maintenant compte de toute l'information recueillie avant de déterminer si toutes les lois sont bien respectées afin de veiller à ce que l'intérêt du public soit protégé intégralement.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, le ministre voudra sans doute tenir une discussion publique avec la compagnie Ontario Power car il semble aujourd'hui que cette compagnie et la province de l'Ontario s'opposent au projet du gouvernement fédéral visant à faire brûler du carburant MOX dans les réacteurs nucléaires de l'Ontario.
En réalité, Ontario Power n'envisage même pas cette possibilité. Étant donné que le gouvernement fédéral importait principalement ce produit en vue de l'utiliser en Ontario, ce que ne souhaite même pas la province, pourquoi le gouvernement envisage-t-il toujours l'adoption de cette mesure?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, le député oublie qu'il s'agit là d'une initiative en matière de politique étrangère qui vise à promouvoir la paix mondiale et à réduire la menace que font peser les armes nucléaires.
Nous avons dit que nous sommes disposés à envisager le principe et à mener des essais. C'est là notre seul engagement. Le déroulement des essais tombe sous le coup des mesures réglementaires en vigueur. S'il devait y avoir d'autres activités commerciales, elles feraient l'objet d'un examen intégral en matière d'hygiène et de respect de l'environnement. Les promoteurs devraient négocier un contrat d'ordre commercial avec la compagnie d'électricité canadienne disposée à entreprendre cette activité. La décision devrait être prise par la compagnie d'électricité.
* * *
[Français]
LE TRANSPORT AÉRIEN
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, dans le dossier du transport aérien, est-il vrai que le ministre des Transports veut s'accaparer plus de pouvoir par rapport au Bureau de la concurrence, afin de s'assurer que ce soit lui, et lui seul, qui va décider d'accepter ou de rejeter une ou des propositions?
[Traduction]
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, nous avons l'article 47 de la Loi canadienne sur les transports à notre disposition. Cette disposition prévoit un processus particulier qui autorise le Bureau de la concurrence à donner son avis. Cet avis sera déposé très prochainement et il nous sera très utile dans l'effort de restructuration de l'industrie du transport aérien.
[Français]
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, je pense que le ministre va attendre à mardi prochain, probablement, avec parade et fanfare, pour annoncer des choses extraordinaires.
Mais, en attendant, dans le respect du Parlement, est-ce que le ministre peut assurer tous les parlementaires ici que son ministère et son gouvernement n'iront pas à l'encontre d'une décision du Bureau canadien de la concurrence dans le dossier du transport aérien, oui ou non?
[Traduction]
L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit auparavant, l'avis du Bureau sera très utile dans le règlement de cet épineux dossier.
Pour ce qui est du respect dû au Parlement, peut-il y avoir meilleure preuve de respect que de renvoyer le tout à un comité qui pourra consacrer des heures et des heures d'étude et de débat à la question, au lieu d'aller à toute vapeur à la Chambre de communes?
* * *
LES CÉRÉALES
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de la Commission du blé.
Au-delà de 70 p. 100 des céréales produites dans l'Ouest canadien sont exportées. Voilà pourquoi la prochaine série de négociations de l'OMC qui débutera à Seattle le mois prochain soulève plusieurs questions sensibles, depuis l'existence des subventions à l'exportation qui sont fort préjudiciables jusqu'à l'appui dont jouit la Commission canadienne du blé.
Que fait le ministre pour s'assurer que les agriculteurs tireront les plus de dividendes possibles sur le marché mondial?
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, le commerce des céréales entre le Canada et les États-Unis est entravé par beaucoup trop de mythes et de débats stériles concernant les stratégies commerciales.
J'ai rencontré des représentants de l'organisation américaine des associés du blé et de 13 États américains producteurs de blé. Cette semaine, ce sera au tour des grandes meuneries américaines.
Le message est toujours le même. Nous sommes les meilleurs clients qui soient l'un pour l'autre. Nous avons beaucoup de points communs. Ne nous battons pas l'un contre l'autre. Luttons ensemble contre les subventions, les pratiques de distorsion et les règles déloyales d'accès au marché que nous vaut l'Union européenne qui est la source la plus pernicieuse de dommages pour les agriculteurs canadiens et américains et pour le commerce mondial des céréales.
* * *
LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA MARINE MARCHANDE
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Après que les anciens combattants de la marine marchande se soient vu refuser la parité des avantages pendant 54 ans, tout ce qu'a à proposer un comité libéral, c'est une poignée de mains vide et la promesse que les élèves des collèges étudieront la question des anciens combattants.
Qui oserait dire que c'est équitable? Le ministre doit faire plus pour régler ce problème. Nous ne pouvons pas laisser nos anciens combattants emporter dans leur tombe un sentiment d'amertume.
Le ministre peut-il nous dire s'il va voir à ce que ces anciens combattants aient droit au respect qui leur est dû et à une juste indemnisation?
L'hon. George S. Baker (ministre des Anciens combattants et secrétaire d'État (Agence de promotion économique du Canada atlantique), Lib.): Monsieur le Président, j'ai rencontré les représentants de quatre organisations relativement à cette question concernant la marine marchande.
[Français]
J'ai consulté quatre groupes à ce sujet et ils appuient les actions de ce gouvernement libéral.
* * *
LE PROJET DE LOI C-6
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, hier, deux ministres du gouvernement du Québec ont écrit au ministre de l'Industrie pour lui demander une rencontre relativement au dédoublement législatif que le ministre s'apprête à faire avec l'adoption de son projet de loi C-6 sur la protection des renseignements personnels.
Est-ce que le ministre a l'intention d'accepter cette rencontre avec les ministres québécois et, en conséquence, d'ici à ce que cette rencontre ait lieu, de suspendre l'étude de ce projet de loi à la Chambre?
L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Monsieur le Président, je pense que le projet de loi qui a été mis de l'avant par mon collègue de l'Industrie est un projet de loi qui s'impose, particulièrement dans une ère où on parle de commerce électronique et d'Internet.
J'aimerais préciser que mon collègue a déjà répondu à de nombreuses demandes de la part du gouvernement du Québec pour faire en sorte justement qu'on puisse éviter toute forme de dédoublement et faire en sorte également que le projet de loi, lorsqu'il sera adopté, respecte celui du gouvernement du Québec.
Je pense que les deux gouvernements peuvent travailler ensemble et bien servir les intérêts de l'ensemble de la population et protéger la vie privée.
* * *
[Traduction]
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement est peut-être partie à un complot visant à dissimuler l'emploi d'uranium appauvri toxique et mortel au Kosovo.
Selon le président du groupe de travail des Nations Unies pour l'environnement dans les Balkans, l'OTAN refuse de coopérer à leur enquête sur l'utilisation d'uranium appauvri qui a été associée à des morts à la naissance, à des enfants nés avec des malformations, à la leucémie infantile ainsi qu'à d'autres cancers et au syndrome de la guerre du Golfe.
Le ministre est-il au courant de ce complot de l'OTAN et va-t-il promettre aux Canadiens de faire tout son possible pour voir à ce que l'OTAN coopère pleinement à l'enquête sur l'utilisation d'uranium appauvri au Kosovo?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens n'ont pas utilisé d'uranium appauvri. Nos CF-18 n'ont pas utilisé d'uranium appauvri durant leur intervention au Kosovo.
Nous avons pris des mesures pour assurer la sécurité de nos troupes dans cette région. Des dosimètres personnels leur ont été distribués et d'autres mesures sont prises pour veiller à leur santé et à leur sécurité.
Par ailleurs, jusqu'ici, les études scientifiques ne font état d'aucun lien entre l'uranium appauvri et certaines maladies, dont le cancer.
* * *
LES PÊCHES
M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, le ministre des Pêches et des Océans affirme être sensible aux intérêts de ceux qui sont tributaires de la pêche pour leur survie et déclare être habilité à réglementer le secteur.
Combien de temps compte-t-il attendre avant de mettre en oeuvre la réglementation qui permettra aux pêcheurs, autochtones et autres, de poursuivre leur activité en concomitance?
L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, nous réglementons déjà le secteur des pêches. Grâce à la stratégie des pêches autochtones, les autochtones peuvent pêcher pour leur propre consommation aux époques de l'année où la pêche commerciale est interdite. Ces calendriers sont précis et le secteur est donc réglementé.
Il est une chose que je tiens à préciser au sujet des droits conférés par traité, et c'est que la solution à long terme retenue ne sera pas appliquée au détriment des pêcheurs commerciaux traditionnels ou de leurs familles respectives. Je tiens à ce qu'on le sache. Cette solution est pour le long terme et nous devrons nous y adapter.
* * *
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, récemment, un rapport en provenance des États-Unis laissait entendre qu'un antidote administré aux soldats canadiens lors de la guerre du Golfe serait en fait à l'origine de leurs problèmes de santé.
Le ministre de la Défense nationale a-t-il lu ce rapport et, le cas échéant, quelle suite lui réservent ses collaborateurs?
L'hon. Arthur C. Eggleton (York-Centre, Lib.): Monsieur le Président, nous l'avons effectivement lu. Nous avons entrepris de l'étudier et, bien que le rapport de la RAND Corporation ne soit pas concluant, il soulève néanmoins des questions très importantes au sujet des problèmes de santé liés à la guerre du Golfe.
Nous avons demandé à notre expert-conseil, M. Gus Gilroy, de se pencher sur la question et de nous faire un point. Mais le plus important est de nous occuper de la santé et du bien-être de nos soldats. Nous avons mis en place des centres d'évaluation médicale postdéploiment, des cliniques pour combattants de la guerre du Golfe, un service d'appel avec le numéro 800 et un centre d'accueil pour les blessés et les malades. Ce sont là des éléments importants pour le bien-être de nos troupes.
* * *
LES PÊCHES
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, plus tôt au cours de la période des questions, le ministre des Pêches et des Océans s'est plaint de ce que le Parti réformiste n'appuie pas sa politique sur les autochtones.
Le gouvernement fédéral met sur pied des politiques sur les autochtones depuis 132 ans et ce n'est qu'une longue série d'échecs. Qui a dirigé le gouvernement pendant la majeure partie de ces 132 années? Le Parti libéral du Canada. Pourquoi devrions-nous croire que les libéraux sauraient bien gouverner maintenant alors qu'ils ont si mal gouverné par le passé?
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les libéraux sont fiers de ce qu'ils ont accompli pour bâtir le Canada au cours des 132 dernières années. Si le Parti réformiste continue d'agir comme il le fait, il contribuera certainement à nous garder au pouvoir pendant les 132 prochaines années.
* * *
[Français]
L'IMPORTATION DE PLUTONIUM
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, Transports Canada procède actuellement à l'examen des plans de transport soumis par Énergie atomique Canada afin d'importer du plutonium provenant d'armes nucléaires américaines et russes.
Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. Comment le gouvernement peut-il en être déjà rendu à décider du moyen de transporter du plutonium, alors qu'aucun débat public n'a eu lieu sur le principe même de cette importation?
[Traduction]
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, Lib.): Monsieur le Président, aucune décision n'a encore été prise. On commence à peine à revoir les plans en matière de transport et il est bien sûr qu'aucune décision ne peut être prise avant que Transports Canada ne se prononce dans cette affaire.
Nous avons fait part de notre accord de principe sous réserve de l'approbation technique du ministère des Transports. Les procédures d'essai devant être effectuées au laboratoire d'EACL à Chalk River sont couvertes par le permis actuel que la Commission de contrôle de l'énergie atomique a délivré sous réserve d'audiences publiques.
* * *
LES TAUX D'INTÉRÊT
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre suppléant des Finances. La dette des ménages canadiens a atteint le niveau record de 101 p. 100 du revenu après impôt. Les taux d'intérêt hypothécaires sont plus élevés aujourd'hui qu'ils ne l'ont été durant les quelque 42 mois derniers mois.
Je me demande si le ministre va prendre son courage à deux mains et demander à la Banque du Canada de maintenir les taux d'intérêt au pays?
L'hon. Jim Peterson (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, les taux d'intérêt canadiens étaient de 250 points supérieurs aux taux américains. Aujourd'hui, ils sont à parité avec les taux américains, voire inférieurs, et ceci grâce à la solide politique fiscale que nous avons menée et qui a permis d'assainir notre économie, ainsi qu'à une politique monétaire qui a empêché l'inflation de grimper. Nous allons continuer d'appliquer ces politiques.
* * *
LES PÊCHES
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et Océans.
Les contradictions et l'absence de leadership sont des constantes chez le gouvernement. Celles-ci ont poussé des manifestants non violents à signer un message en bonne et due forme, adressé au ministre. Ce message porte plus de 700 signatures, et il n'y a pas de contradiction là-dedans.
Qu'est-ce que le ministre va faire pour protéger les pêcheurs? Voilà la teneur du message.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Ceci met fin à la période des questions pour aujourd'hui.
* * *
LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, le leader du gouvernement à la Chambre aurait-il l'obligeance de nous informer des travaux du reste de la semaine et de la semaine prochaine également? Je voudrais savoir si le programme permet d'avoir un temps suffisant pour le débat sur l'accord des Nisga'as. Sera-t-il nécessaire d'imposer une attribution de temps ou aurons-nous tout le temps voulu pour ce débat?
[Français]
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, cet après-midi, nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-3 concernant la justice pénale pour les adolescents, que nos collègues de l'opposition réclament à cor et à cri depuis quelques jours. On verra justement s'ils voudront le laisser procéder au comité parlementaire.
Demain, nous entreprendrons le débat de troisième lecture sur le projet de loi C-6, concernant le commerce électronique.
Lundi, le 25 octobre, et jeudi, le 28 octobre, seront des jours désignés consacrés à l'opposition.
En ce qui a trait à mardi, nous allons commencer le débat de deuxième lecture du projet de loi C-9, portant sur les Nisga'as, déposé aujourd'hui.
Mercredi, selon les discussions qui auront lieu entre les partis, nous entreprendrons probablement l'étude du projet de loi C-8 relatif aux aires marines.
* * *
[Traduction]
RECOURS AU RÈGLEMENT
CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais préciser une chose que j'ai dite pendant la période des questions. J'ai parlé d'audiences en Colombie-Britannique. J'ai mal compris des renseignements qui m'ont été remis. Il s'agit d'audiences d'un comité de l'assemblée législative provinciale.
De plus, quand on m'a demandé si le comité de la Chambre se rendrait en Colombie-Britannique, j'ai répondu que la décision revenait au comité. J'aurais dû ajouter que, pour qu'elle puisse s'appliquer, cette décision devrait faire l'objet de consultations entre les leaders du gouvernement et être approuvée par la Chambre.
* * *
QUESTION DE PRIVILÈGE
LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ
Le Président: Je vais m'arrêter sur la question de privilège soulevée par la députée de South Surrey—White Rock—Langley. Elle a soulevé la question de privilège l'autre jour et j'ai déclaré que je ne rendrais pas de décision avant de voir s'il y avait une réponse de la part de n'importe quel autre député relativement à cette question de privilège.
J'ai également dit à l'époque que je ne m'en tiendrais pas simplement à la question de privilège, mais j'entendrais ses instances quant à la possibilité d'un outrage au Parlement. J'examine cette intervention de la part d'une députée à deux égards.
Si les députés veulent contribuer au débat sur cette question de privilège, je leur donnerai la parole. J'ai remarqué que le leader du gouvernement à la Chambre des communes avait quelque chose à ajouter au sujet des détails.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui en réponse à la question de privilège soulevée par la députée de South Surrey—White Rock—Langley. Dans sa déclaration, elle a affirmé que le SCRS avait fait preuve d'inconduite et avait abusé de son autorité extraordinaire.
Elle a ajouté que, selon elle, le SCRS avait délibérément induit la Cour fédérale en erreur pour l'empêcher de se défendre contre les poursuites en question. Elle prétend que cela a été fait pour l'intimider en tant que députée et qu'il s'agit, selon elle, d'une violation de privilège, d'un outrage au Parlement.
Il est connu que cette poursuite privée découle des actions d'une députée à l'extérieur de la Chambre des communes. Dans sa déclaration, la députée en question a fait trois allégations très larges. Elle affirme, premièrement, que le SCRS a, de façon régulière, réuni des renseignements et les a ensuite communiqués à une tierce partie; deuxièmement, que le SCRS a joué un rôle actif dans la préparation de poursuites contre une députée; et troisièmement, que le SCRS a abusé de l'autorité extraordinaire qui lui a été accordée pour protéger la sécurité nationale et qu'il a délibérément induit la cour en erreur.
En ce qui concerne la collecte et la divulgation de renseignements par le SCRS, le document 17 des documents fournis par la députée montre, au point Q.36, que le SCRS recueillait des renseignements publics pour être au courant des événements actuels et des questions d'intérêt public pouvant affecter les responsabilités qui lui sont confiées en matière d'enquête. Il a ensuite divulgué des renseignements publics, je le souligne, au plaignant qui, comme on le précise au point Q.10, était un ancien employé du SCRS.
À mon sens, aucun des documents ne fournissait, à première vue, une preuve que la conduite du SCRS dans cette affaire était contraire à la loi ni qu'elle était motivée par quelque désir que ce soit d'influencer, et encore moins d'intimider, la députée dans ses fonctions de députée.
Pour ce qui est du désir que la députée a exprimé d'être entendue par un comité de la Chambre, je crois que l'information fournie par la députée ne constitue pas, à première vue, un outrage à la Chambre ni une atteinte au privilège. Je prétends que toute mesure que le SCRS a prise au cours de ce procès privé n'avait absolument rien à voir avec la capacité de la députée de remplir ses fonctions au Parlement.
La députée peut se plaindre du SCRS et nous pourrons juger, avec le temps, si sa plainte est valable ou pas. Cependant, à la lumière de la preuve soumise, je soutiens qu'une telle plainte n'a rien à voir avec le privilège parlementaire ni l'outrage au Parlement.
Le véhicule qui convient le mieux à l'examen de cette affaire est le mécanisme de recours qu'a établi le Parlement pour tous les Canadiens qui désapprouvent la conduite du SCRS, y compris la façon dont il recueille et divulgue des renseignements. Nous estimons qu'il vaudrait beaucoup mieux que le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, ou CSARS, examine cette affaire. Ce comité a été chargé par le Parlement d'examiner toutes les plaintes qui sont portées contre le SCRS, y compris par des députés. Il se compose d'un certain nombre d'éminents Canadiens, dont d'anciens députés et même l'ancien leader parlementaire de l'opposition.
En conclusion, j'estime que la députée n'a pas soumis de preuves suffisantes pour justifier qu'il y a, à première vue, un outrage à la Chambre ou une atteinte au privilège, mais que si elle a par ailleurs une plainte sérieuse contre le SCRS, il convient qu'elle la soumette au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Nous croyons que ce recours est prévu par la loi pour protéger les droits de tous les Canadiens, y compris les parlementaires, et qu'il est tout indiqué en l'espèce.
Le Président: Je le répète, je tiens à entendre moi-même les instances concernant cette question de privilège. Je ne veux pas débattre de ce qui a été dit ou de la façon dont cela a été interprété. Je vais l'interpréter moi-même. Le leader parlementaire de l'opposition a la parole pour présenter une observation.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, j'ai besoin que la présidence éclaire ma lanterne. A-t-on informé la députée de Surrey—White Rock—Langley que cette question serait soulevée? Elle n'est pas présente pour entendre ce que les députés ont à dire à cet égard. A-t-elle été informée?
Le Président: Pour répondre directement à votre question, non. La députée de South Surrey—White Rock—Langley n'a pas été informée. Si la question a été posée, c'est ma position et non celle du député, de sorte que je ne prendrai pas de décision pour l'instant. Je n'ai pas l'intention de prendre de décision pour le moment. J'examinerai tout ce qui a été dit en cette matière afin de déterminer s'il s'agit d'outrage au Parlement ou d'une question de privilège.
M. Randy White: Monsieur le Président, ce que je veux dire, c'est que si la Chambre était un tribunal, la personne en cause serait, avec raison, convoquée ou avisée de la nécessité de sa présence. Le leader du gouvernement à la Chambre a tenu des propos qui pourraient ne pas être exacts, selon la personne en cause. Je pense qu'elle a le droit de les entendre.
Le Président: Je fais la contre-proposition suivante. Ces propos tenus à la Chambre pourraient être communiqués à la députée qui a soulevé la question de privilège ou d'outrage au Parlement. Elle aurait ainsi le temps de les étudier. C'est le mieux que je puisse faire. Si elle a des choses à ajouter, sans pour autant amorcer un débat en tant que tel, et des informations à me donner pour m'aider à prendre ma décision, j'attendrai qu'elle le fasse.
Je suis responsable du fait qu'elle n'a pas été informée. Ce fut une erreur de ma part, mais je n'ai obtenu l'information qu'aujourd'hui et j'ai cru qu'il valait mieux que nous ayons une réponse. Je ne savais pas que la députée ne serait pas présente, mais c'est ma responsabilité et j'en assume tout le blâme.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Monsieur le Président, je laisserai à la députée de South Surrey—White Rock—Langley le soin de passer le hansard en revue. Je pense qu'on s'est bien mal occupé de toute cette affaire. Qu'il suffise de dire que les points que le leader parlementaire a soulevés étaient couverts dans la documentation dont la députée avait fourni la majeure partie au Président il y a déjà un certain temps.
La députée ne proteste pas contre le fait qu'un particulier ait intenté des poursuites contre elle. Elle n'a jamais prétendu que ce n'était pas acceptable, et personne ne devrait le prétendre. Elle n'a jamais affirmé que le SCRS a recueilli des renseignements confidentiels ou secrets. Ce qu'elle dit, c'est que, après avoir regroupé l'information, le SCRS l'a communiquée au plaignant dans des poursuites privées. Le SCRS a donné l'information à une personne qui intentait des poursuites à titre de simple citoyen. En d'autres mots, le SCRS a aidé une autre personne. Il a regroupé des articles de journaux et des extraits de bulletins de nouvelles, puis, sans que cela lui soit demandé, les a transmis à un plaignant qui intentait des poursuites à titre personnel.
De plus, un avocat du SCRS a communiqué avec l'avocat du plaignant pour l'aider.
Monsieur le Président, j'ignore à quoi veut en venir le leader parlementaire, mais ce qu'il affirme ne correspond pas du tout aux faits que la députée de South Surrey—White Rock—Langley a présentés la semaine dernière.
Le Président: C'est là toute la question, chers collègues. Je tiens à revoir moi-même ce que la députée qui a soulevé la question de privilège ou d'outrage au Parlement a déclaré. J'examinerai aussi toutes les autres interventions dans cette affaire.
Si le député de Calgary—Nose Hill a quelque chose à dire qui se rapporte directement à l'affaire qui nous occupe, je l'écouterai.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Monsieur le Président, je serai brève. Le leader du gouvernement à la Chambre ne cesse de prétendre qu'il n'existe aucune preuve, absolument aucune preuve.
À l'instar de tous les députés, j'en suis convaincue, et de vous-même, monsieur le Président, j'ai énormément de respect pour le leader du gouvernement à la Chambre. Toutefois, en tant que députée, je soutiens qu'il ne revient pas au leader du gouvernement de déterminer s'il existe ou non des preuves, mais bien à un comité de la Chambre.
Le Président: Je le répète, j'examinerai tous les arguments qui auront été avancés et je rendrai ma décision en temps et lieu.
J'ai reçu un avis d'un autre député qui veut soulever la question de privilège. Puis, nous passerons aux hommages.
LA DÉFENSE NATIONALE
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Monsieur le Président, au nom des habitants d'Okanagan—Coquihalla, je soulève la question de privilège, parce que le travail des députés aurait été entravé par Aldège Bellefeuille, qui, selon des notes du ministère de la Défense nationale, fut l'adjoint spécial au ministre de la Défense nationale et au sous-ministre adjoint aux finances et aux services du Ministère ainsi qu'à M. David Robinson, ex-adjoint spécial du ministre de la Défense nationale.
Le rôle de M. Bellefeuille au ministère de la Défense nationale consistait à retarder la diffusion des réponses aux demandes de renseignements faites par les députés aux termes de la Loi sur l'accès à l'information afin de donner au ministre le temps de se préparer en vue de la période des questions. M. Bellefeuille retardait délibérément la divulgation de ces renseignements pour la seule raison que ces renseignements allaient être utilisés à la Chambre par des députés de l'opposition.
M. Robinson a, lui aussi, entravé la diffusion des réponses à des demandes de renseignements en sommant les hauts fonctionnaires du ministère de la Défense nationale de ne pas diffuser les réponses aux demandes de renseignements faites aux termes de la Loi sur l'accès à l'information avant que les besoins en matière de communication du ministre aient été satisfaits.
Dans le Privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot donne, à la page 82, une définition des délibérations du Parlement, et je cite:
Étant donné que deux des éléments constitutifs du Parlement, à savoir la Chambre des communes et le Sénat, ont été établis pour procéder à l'adoption des lois, les événements qui accompagnent nécessairement cette adoption font partie des «délibérations du Parlement».
Par ailleurs, le Parlement a toujours reçu des pétitions, et le fait que la Couronne accepte d'entendre les doléances des parlementaires avant d'accorder des subsides a finalement amené les membres du Parlement à formuler des demandes expresses d'information. Par conséquent, les événements qui entourent nécessairement les pétitions, les questions et les avis de motion au Parlement font tous partie, depuis le XVIIe siècle, des «délibérations du Parlement».
Puisque M. Bellefeuille et M. Robinson ont retardé intentionnellement la communication d'information en sachant très bien que cette information allait servir à la préparation de questions pour la période de questions, ils ont commis un outrage au Parlement.
Le 5 février, j'ai écrit au commissaire à l'information une lettre dans laquelle j'affirmais que le poste de M. Bellefeuille constituait un empiétement injustifié sur les droits des Canadiens d'obtenir rapidement de l'information, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. J'ai fait trois allégations précises: que la fonction de M. Bellefeuille a causé un retard pour obtenir des documents, qu'il s'agissait d'une ingérence politique, et qu'il en était résulté une communication insatisfaisante de l'information requise au nom du demandeur.
Le 30 septembre, j'ai reçu les résultats de l'enquête du commissaire à l'information. Son enquête a pris plus de six mois parce que mes allégations avaient contribué, et je cite le rapport du commissaire à l'information, «à faire apporter des améliorations à la politique et au processus de réponse aux demandes d'accès à l'information à la Défense nationale».
À propos du retard, le commissaire à l'information a conclu que M. Bellefeuille avait causé un étranglement dans le processus d'accès à l'information car il examinait 95 p. 100 de toutes les demandes d'accès à l'information de la part du public canadien. Ce processus a causé des retards de plusieurs mois pour la communication de documents qui, sinon, auraient été prêts à communiquer.
Des retards additionnels se produisaient à la division des affaires publiques de la Défense nationale lorsque M. Bellefeuille considérait qu'il fallait établir une position à l'intention des médias.
On a constaté que des retards de plusieurs mois survenaient dans le cas des demandes d'accès à l'information adressées au cabinet du ministre parce qu'il fallait informer ce dernier à propos de la communication prochaine d'information et à propos de la position à adopter à cet égard pour que le ministre se prépare à répondre aux questions des médias et des députés d'opposition à la Chambre des communes.
En ce qui a trait à l'ingérence politique, outre l'ingérence causée par les retards imposés par M. Bellefeuille, le commissaire à l'information a également conclu que l'ancien chef de cabinet, David Robinson, avait donné pour instructions aux fonctionnaires du ministère de «ne pas répondre aux demandes d'accès à l'information, aussi en retard soient-elles, tant qu'on n'aurait pas répondu aux besoins du ministre en matière de communication».
Le commissaire à l'information poursuit en ces termes: «Cette directive a constitué à mon avis une ingérence inacceptable dans le traitement prévu par la loi des demandes d'accès à l'information à la Défense nationale.»
En ce qui concerne la communication de l'identité de demandeurs de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le commissaire à l'information a confirmé que M. Bellefeuille avait fréquemment informé le ministre de la Défense nationale du nom de demandeurs qui étaient des députés. Le ministre s'est servi de ces renseignements pour se préparer à répondre aux questions. Le commissaire à l'information a conclu qu'il ne s'agissait pas «d'une utilisation conforme de ces renseignements tel que le définit l'alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels».
La Loi sur la protection des renseignements personnels interdit aux ministères d'utiliser ou de communiquer des renseignements personnels, sauf aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis. Le commissaire à l'information a déclaré que le ministre ne devrait pas obtenir le nom d'un demandeur de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, afin d'éviter l'apparence d'une influence politique ou d'un parti pris contre le demandeur.
Le commissaire à l'information a dit que seul le Bureau d'accès à l'information du ministère de la Défense nationale a besoin de connaître l'identité du demandeur. Le cabinet du ministre ne devrait en être informé qu'en cas d'extrême nécessité, pour traiter la demande, et surtout pas pour se préparer pour la période de questions.
Depuis que j'ai reçu cette réponse du commissaire à l'information, il semble que le ministre ait remplacé Aldège Bellefeuille par une autre personne qui exercera des fonctions analogues à celles de M. Bellefeuille.
En conclusion, ma question de privilège porte sur les retards délibérés dans la communication de renseignements nécessaires aux travaux du Parlement, notamment sur l'examen rigoureux de la conduite d'un ministre de la Chambre des communes.
Je rappelle à la Chambre que, comme le dit Erksin May, tout acte ou toute omission qui entrave une Chambre ou l'un de ses membres ou de ses fonctionnaires dans l'exercice de ses fonctions, ou qui tend à produire un tel résultat, peut être considéré comme un outrage, même s'il n'existe aucun précédent à l'infraction.
Je soutiens que retarder délibérément la communication de renseignements à un député constitue une entrave au député et à la Chambre, de la même manière que l'omission de renseignements ou la communication de renseignements trompeurs. L'intention est de faire entrave à des députés.
Monsieur le Président, si vous constatez qu'il y a outrage au Parlement à première vue, je présenterai également une motion appropriée pour qu'on puisse examiner la question.
L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais absolument pas si l'accusation que le député porte à l'égard d'un fonctionnaire qui a déjà été à l'emploi du gouvernement, mais qui ne l'est plus est fondée. Cela, en soi, ne signifie pas qu'il y a atteinte au privilège. Le fait que le commissaire à la protection de la vie privée ou le commissaire à l'accès à l'information ou les deux se soient prononcés dans cette affaire ne signifie pas qu'il y a eu atteinte au privilège.
Je signale au Président le commentaire 31 de l'ouvrage de Beauchesne, qui dit en partie ceci: «Les tribunaux, et non le président, déterminent si le gouvernement contrevient à la loi», pour peu que le gouvernement contrevienne à la loi, ce que je ne suis pas prêt à reconnaître.
Si le député fait une allégation selon laquelle quelqu'un ne s'est pas conformé à la Loi sur l'accès à l'information ou à une autre loi, cela ne signifie pas qu'il y a atteinte au privilège. Il faut présenter des arguments démontrant l'atteinte au privilège et non pas le non-respect d'une loi par quelqu'un.
Enfin, le commentaire 27 précise qu'une question de privilège «ne devrait intervenir qu'exceptionnellement au Parlement» et qu'elle «devrait être soulevée par une motion». Le commentaire 28 prévoit quant à lui ceci: «il est nettement établi que bon nombre d'actes qui pourraient constituer une infraction aux lois ou au sens moral de la collectivité» ne portent pas nécessairement atteinte au privilège de la Chambre.
C'est donc vraiment tiré par les cheveux. On exagère vraiment si l'on commence à dire qu'il y a atteinte au privilège chaque fois que quelqu'un pense, à tort ou à raison, qu'un acte du Parlement constitue une atteinte au privilège, et dans le cas présent, il s'agit d'une allégation au sujet de laquelle un officier de la Chambre s'est déjà prononcé, de sorte qu'il y a eu mesure corrective.
Le Président: Je prierais les députés de s'en tenir à la question de privilège. Je les invite à ne pas s'éloigner trop du sujet. Je ne veux pas que nous entamions un débat.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, je n'entends pas donner raison au leader à la Chambre ou au député. Permettez-moi simplement de mettre ce qui a été dit en perspective.
Le gouvernement peut réellement soutenir que le ministre a réglé la question et qu'il n'y a donc plus de problème. Par ailleurs, les députés peuvent interroger le ministre au cours de la période des questions. Ou encore, on pourrait dire que le fonctionnaire n'occupe plus le poste en question, de sorte qu'il n'y a plus de problème.
Sur la question de la responsabilité ministérielle, j'attire l'attention des députés sur la décision rendue par la présidence le 9 novembre 1978, à la page 966 du hansard. Le président de l'époque a déclaré ce qui suit:
...je ne pense pas que le principe de la responsabilité ministérielle ait quelque importance du point de vue de la procédure, il me semble que nous nous orientons sur une voie différente en examinant directement la conduite d'un fonctionnaire, sans passer par le ministre.
Le Président a ajouté: «Ces deux choses [...] ne posent probablement pas de problèmes de procédure.»
La présidence a décidé de ne pas tenir compte de la responsabilité ministérielle pour juger qu'il y avait matière à question de privilège dans ce cas. Ce n'est pas important du point de vue de la procédure dans ce cas-ci non plus. Le point principal de la question de privilège d'aujourd'hui est que quelqu'un a délibérément empêché un député de s'acquitter de ses fonctions. Voilà ce dont il est question.
L'ancien fonctionnaire a commis un acte qui, à première vue, constitue une question de privilège et la Chambre doit se pencher sur cet acte. La Chambre doit décider si une mesure doit être prise pour se protéger désormais contre ce genre d'activité. Il ne faudrait pas laisser croire que le fait de nuire à des députés de l'opposition est un moyen de faire avancer sa carrière.
La semaine dernière, une député est intervenue pour demander la protection de la Chambre contre les activités du SCRS. Si les députés sont surveillés, intimidés ou gênés dans leur travail et si on les prive délibérément de renseignements, qu'arrive-t-il ensuite, monsieur le Président? C'est pourquoi nous faisons appel à vous. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je vais humblement essayer de cerner toute cette affaire dont la Chambre est saisie concernant la question de privilège.
Le député sait, comme tous ses collègues, que pouvons demander des documents à la Chambre en respectant les procédures établies à cet effet. Dans le cas qui nous occupe, il semble que le député n'a pas fait cette demande. Il a choisi de se fier aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Il s'agit d'une loi, d'une procédure mise en place par le Parlement pour tous les Canadiens.
En choisissant cette avenue, le député, ou tout autre député procédant ainsi, a recours à ses propres moyens de citoyen ordinaire pour présenter au gouvernement une demande d'accès à de l'information. Il fait une simple demande en sa qualité de citoyen et non à titre de député.
Il a donc pu se produire une anomalie dans le fonctionnement du système; on me dit que de telles choses se produisent à l'occasion et ce fut peut-être le cas en l'occurrence. Si le système d'accès à l'information connaît des ratés, un retard ou quoi que ce soit, je ne crois pas qu'un député puisse affirmer qu'il y a là matière à question de privilège, tout simplement parce qu'il est député. En ce cas, les procédures en vigueur à la Chambre s'appliqueraient à la grandeur du pays. Chaque fois qu'une ligne téléphonique de Bell Canada ferait défaut et que le problème toucherait un député, cela constituerait matière à question de privilège.
Je ne veux pas discuter de ce qui s'est produit dans ce cas ou dans tout autre cas de demande d'accès. Il s'agit peut-être d'un véritable problème et le commissaire voudra peut-être en aviser le Parlement. La Chambre pourrait être saisie de la question, mais, à mon avis, pour que le cas donne lieu à une question de privilège, il faudrait que le fonctionnement du Parlement ait été directement entravé par le problème que le député porte à l'attention de la Chambre.
Le Président: Je remercie les députés de leurs interventions. Je vais examiner ce qui a été dit et je présenterai ma décision à la Chambre ultérieurement.
Nous allons maintenant rendre hommage à M. Alan Macnaughton, qui a été président de la Chambre de 1963 à 1965.
* * *
LE DÉCÈS DE L'HONORABLE ALAN MACNAUGHTON
L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour rendre hommage à un ancien président de la Chambre, feu Alan Macnaughton.
Alan Macnaughton est né à Napanee, Ontario, en 1903. Il obtient son diplôme de droit à l'université McGill et, après des études supérieures à l'École d'économie de Londres, il commence à pratiquer le droit à Montréal. Il sera procureur de la Couronne durant de nombreuses années. Mais plus important pour nous, en 1949, il remporte la première de ses six élections consécutives comme député libéral. Lors de la victoire écrasante de Diefenbaker en 1958, il est tellement estimé de ses électeurs qu'il est le seul libéral anglophone à remporter un siège au Québec.
Après 1958, M. Diefenbaker décide d'adopter la pratique britannique qui veut que la présidence du comité des comptes publics soit confiée à un membre de l'opposition. C'est ainsi qu'Alan Macnaughton devient le premier député à présider ce comité à titre de membre de l'opposition, tâche dont il s'acquitte de façon remarquable.
Quand les libéraux remportent l'élection générale de 1963, il n'est pas étonnant qu'il soit nommé président de la Chambre des communes. Il occupe ce poste durant le mandat du gouvernement libéral minoritaire, soit de 1963 à 1965, une période très agitée de l'histoire de la Chambre. Ce mandat est marqué par des débats fort acrimonieux, comme le fameux débat sur le drapeau. Mais le Président Macnaughton préside ces débats houleux avec beaucoup de talent et de tact, réussissant à maintenir la stabilité qui sied à la Chambre.
L'une des grandes choses qu'il a accomplies en tant que président a été d'entamer un vaste processus de réforme parlementaire. Nombre de choses que nous tenons pour acquises dans nos procédures, dans notre système de comités, par exemple, ont été élaborées et proposées alors qu'il était Président. Plusieurs de ces réformes sont entrées en vigueur après son départ, mais c'est lui qui en a été le précurseur, l'instigateur.
En 1965, Alan Macnaughton ne s'est pas représenté au Parlement. Son successeur n'était autre que Pierre Elliott Trudeau. Alan Macnaughton a continué à servir, encore une fois avec grande distinction, au Sénat du Canada jusqu'en 1978. Après son départ du Sénat, il a travaillé dans le monde des affaires mais, ce qui est le plus important, en 1967, il a créé la section canadienne du Fonds mondial pour la nature.
Pour terminer, je dirai qu'Alan Macnaughton était un homme très chaleureux et charmant. Il était particulièrement obligeant envers les nouveaux députés de la Chambre des communes, dont j'ai été il fut un temps. J'ai eu l'honneur de servir à la Chambre avec lui. En tant que député, en tant que premier président de l'opposition du Comité des comptes publics et surtout en tant que Président, il traitait tout le monde avec beaucoup de tact et de courtoisie. Cependant, en dessous de tout cela se dissimulaient une fermeté essentielle et une foi profonde dans l'importance de la place centrale de nos institutions parlementaires. Il a laissé une empreinte impressionnante en ce qui a trait à la réforme de la Chambre des communes.
Au nom du gouvernement et de tous les députés du côté de la partie gouvernementale, j'adresse mes sincères condoléances à sa famille et à ses nombreux amis.
[Français]
Je désire exprimer mes plus sincères condoléances à la famille de feu M. Alan Macnaughton.
[Traduction]
Alan Macnaughton était un grand Montréalais, un grand Québécois, un grand député de la Chambre, un grand président et un grand Canadien. Son oeuvre continuera de se refléter dans le bon fonctionnement de la Chambre grâce aux réformes qu'il a entreprises et au travail qu'il a accompli durant ses années à la présidence.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole au nom de l'opposition officielle de Sa Majesté afin de rendre hommage à Alan A. Macnaughton, qui a occupé la présidence de la Chambre de 1963 à 1966.
M. Macnaughton était un homme et un orateur qui manifestait de l'équité dans le cadre des délibérations et de ses décisions, ainsi qu'un amour profond de la démocratie. Il accordait aussi un soin attentif à son travail. M. Macnaughton a présidé aux destinées de la Chambre pendant une période où les débats étaient très turbulents et acrimonieux. Plus d'une fois, ce personnage tranquille mais à la forte poigne a permis d'éviter que les travaux échappent à la catastrophe.
J'avais quelques pages de notes au sujet de ses antécédents, mais le vice-premier ministre a déjà abordé ce volet que je ne reprendrai pas car, en qualité d'orateur, il ne voudrait pas que je parle plus longtemps que prévu, même si c'est pour lui rendre hommage.
M. Macnaughton était un grand Canadien, et la portée et l'étendue de ses activités professionnelles étaient impressionnantes. Il a été président de l'Association parlementaire Canada-États-Unis et de l'Association parlementaire Canada-France, et il a exercé pendant plus de 30 ans les fonctions d'administrateur-conseil auprès des banques européennes et américaines. Il a occupé la présidence du Fonds mondial pour la nature et de la Commission du parc international Roosevelt de Campobello, ainsi que la vice-présidence de l'historique Conférence des Nations Unies sur l'environnement de 1973.
M. Macnaughton a aussi occupé des postes au sein de nombreux conseils d'administration après son départ d'Ottawa. Alan Macnaughton était un gentilhomme talentueux. Son attitude modeste et distinguée était respectée de tous ceux qui le connaissaient. En qualité d'avocat, d'homme politique, d'orateur, d'homme d'affaires et de philanthrope, M. Macnaughton a fait preuve de dignité et de compétence dans tout ce qu'il a entrepris.
En 1995, son apport à la Chambre et au pays a été reconnu lorsqu'il s'est vu décerner l'Ordre du Canada. Il n'y avait rien de médiocre chez cet homme. Les qualificatifs brillante, raffinée, digne et parfaite resteront accolés à sa prestation. Il nous manquera beaucoup, mais nous nous souviendrons de sa grande contribution au Canada.
Nous offrons tous nos sympathies à sa famille, ainsi qu'à ses amis, qui étaient fort nombreux.
[Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, nous apprenions, vendredi dernier, le décès de M. Alan A. Macnaughton, à la veille de son 96e anniversaire de naissance.
La longévité de M. Macnaughton est remarquable. Tant au point de vue professionnel que politique, il a eu une carrière bien remplie.
Tout d'abord, il compléta ses études en droit à l'Université McGill en 1926 et poursuivit ses études de deuxième cycle à la London School of Economics.
M. Macnaughton pratiquera par la suite le droit à Montréal avant d'être élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1949, sous la bannière libérale de Louis Saint-Laurent, dans le comté montréalais de Mont-Royal. En 1958, il deviendra le premier député de l'opposition à occuper le poste de président du Comité des comptes publics.
En 1963, il devient Président de la Chambre des communes et, en 1966, il est nommé au Sénat où il siégera jusqu'au milieu des années 1970.
M. Macnaughton laisse le souvenir d'un homme de grand talent qui vouait, dit-on, beaucoup de respect à la démocratie et à ses institutions. Il laissera également sa marque comme juriste québécois et canadien et homme d'affaires averti. Il a d'ailleurs travaillé à ses bureaux montréalais jusqu'à tout récemment.
Au nom de tous mes collègues du Bloc québécois, j'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter à ses parents et amis nos sincères condoléances.
[Traduction]
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'interviens au nom de notre parti pour rendre hommage à Alan Macnaughton, qui a été le Président de la Chambre de 1963 à 1965. Il a été élu pour la première fois en 1949 et il a été réélu à la Chambre à plusieurs reprises jusqu'en 1965.
Même si je ne l'ai pas connu personnellement, parce que je suis venu ici en 1968—le député de Windsor-Ouest étant là à l'époque—j'ai entendu parler de la réputation de M. Macnaughton, qui était excellente. Il a eu une grande influence sur des députés des deux côtés de la Chambre des communes.
Il s'est retiré en 1965 pour céder la place à un homme dont certains ont peut-être entendu parler à titre de député de la circonscription de Mont-Royal, un certain Pierre Elliott Trudeau, qui est devenu représentant de cette circonscription à ce moment-là.
Lorsque M. Macnaughton était Président de la Chambre, et je pense que nous devons nous rappeler que cela n'a été que pendant deux ans, c'était durant une période extrêmement difficile pour la présidence, monsieur le Président. C'était l'autre époque de notre histoire où il y avait cinq partis politiques à la Chambre des communes, situation à laquelle vous devez faire face, monsieur le Président, à l'heure actuelle. Cela rend la tâche du Président en tant qu'arbitre quelque peu plus difficile.
C'était l'époque des fameux débats Diefenbaker-Pearson qui sont devenus plutôt acrimonieux parfois et, si je ne m'abuse, le débat a été quelque fois très animé. M. Pearson venait juste de battre M. Diefenbaker aux élections en 1963 et M. Macnaughton, qui était respecté par les députés des deux côtés de la Chambre, a été nommé Président de la Chambre des communes par le premier ministre de l'époque, Lester Pearson.
C'est également l'époque où la Chambre a tenu un débat qui l'a beaucoup divisée sur le drapeau. Je crois savoir que le débat s'est prolongé pendant des semaines, car il n'y avait alors ni attribution de temps ni clôture. M. Macnaughton a rendu une décision très controversée mais sage, à l'époque, lorsqu'il a jugé bon de scinder en deux la résolution. Il a fait sa marque en tant que Président après seulement deux ans au fauteuil.
C'était un avocat et un chef d'entreprise qui réussissait fort bien. C'était une personne extrêmement cultivée, un très bon universitaire et un gentilhomme.
Au nom de notre parti, je veux exprimer nos condoléances à sa famille et à ses nombreux amis. C'était un grand Montréalais, un grand Canadien, un grand Québécois qui a été un remarquable député à la Chambre des communes pendant 16 ans.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de joindre ma voix à celle de mes collègues pour rendre hommage au regretté Alan Macnaughton.
Pour ceux d'entre nous qui sont ici aujourd'hui, Alan Macnaughton a assumé les fonctions de Président de la Chambre durant des périodes très difficiles, comme l'ont mentionné les orateurs précédents. Il y eu le débat sur le drapeau, une version allongée d'un débat semblable à celui que le Président a dirigé, et les pressions qui pesaient sur le Président Macnaughton à ce moment-là, en 1964, étaient énormes.
Durant tous ces mois de débat passionné au Parlement, le travail du Président a certainement dû être extrêmement difficile, et le fait que les historiens aient porté un jugement si favorable à l'endroit d'Alan Macnaughton témoigne de sa compétence. Durant une période aussi difficile de notre histoire, il a beaucoup apporté à la Chambre et s'est conduit avec classe et dignité en tant que député et en tant que Président. En fait, il a beaucoup apporté au pays tout entier.
Après une brillante carrière en droit, il a entrepris sa carrière de parlementaire avec la même ardeur et avec autant de classe et de décorum.
Le Canada est chanceux d'avoir des gens du calibre d'Alan Macnaughton au Parlement. Dans un discours prononcé en 1965 lors d'un dîner tenu au Guild Hall, à Londres, à l'occasion du 700e anniversaire du parlement de Simon de Montfort, le Président Macnaughton a parlé de l'esprit démocratique, qui pour lui représentait l'égalité, de la fraternité des hommes et de sa définition de la personne civilisée.
Pour lui, une personne civilisée était, et je cite, «quelqu'un qui comprend les valeurs humaines, qui apprécie l'importance de la haute qualité et qui connaît la nécessité de faire des sacrifices et de servir son pays».
Les annales de la Chambre et du Sénat de même que les registres des collectivités qui ont bénéficié de son travail charitable témoignent tous du fait que M. Macnaughton était un homme civilisé selon sa propre définition. Cet homme a donné au monde beaucoup plus que ce qu'il a pris, ce qui correspond à la définition du vrai aristocrate selon le gouverneur général Tweedsmuir.
Nous sommes ravis que M. Macnaughton ait eu une longue vie. Nous sommes reconnaissants qu'il ait choisi de se consacrer aux affaires publiques. Au nom du très honorable Joe Clark et du Parti progressiste conservateur, nous exprimons notre reconnaissance et offrons nos condoléances à la famille d'Alan Macnaughton.
Le Président: Je me permets de dire quelques mots à l'occasion du décès d'un collègue qui a effectivement déjà assuré la présidence. Je voudrais parler du côté humain d'Alan Mcnaughton, car je suis persuadé que cela vous plaira à vous, parlementaires, et à tous les Canadiens qui nous regardent aujourd'hui.
Il y a un an et demi, nous étions huit présidents vivants à avoir présidé les débats de la Chambre des communes, mais deux sont décédés l'un après l'autre depuis. En juillet 1998, le président Lamoureux est décédé subitement.
Je rêvais depuis quelque temps de convier un soir à dîner tous les présidents encore vivants, où qu'ils habitent au Canada. C'est là qu'entre en jeu le côté humain de M. Mcnaughton. Sur les sept qui étaient encore en vie, un seul n'a pas pu venir, à savoir le président Lambert, d'Edmonton. Nous étions donc six à dîner.
Parmi les anciens présidents, un ne pouvait pas venir en octobre et un autre ne pouvait pas venir en novembre. J'avais entendu parler de M. Mcnaughton, mais je ne l'avais jamais vu de près et je ne savais pas quel âge il avait. J'ai appelé M. Mcnaughton et je lui ai parlé en ces termes: «Président Mcnaughton, j'invite les anciens présidents à dîner. Voudriez-vous être des nôtres?» Ce à quoi il a répondu: «Oh, oui, cela me plairait.» Lorsque je lui ai demandé s'il préférait que le dîner ait lieu le 30 septembre ou le 5 décembre, il m'a répondu ceci: «À mon âge, il vaut mieux que ce soit plus tôt que tard.»
Comme je n'avais pas compris ce qu'il voulait dire au juste, j'ai consulté le guide parlementaire et j'ai vu que M. le Président Mcnaughton allait avoir 96 ans en juillet de cette année. Il a donc vécu très longtemps, tout le présent siècle ou presque.
Je suis allé à une partie de hockey avec lui à Montréal. Lorsque j'étais jeune, je disais que le Rocket Richard était mon héros. J'ai demandé à M. Mcnaughton s'il se souvenait du Rocket Richard. Il m'a répondu: «Maurice Richard? Je me souviens de Howie Morenz.» Cela nous ramène au début du siècle
Tout cela pour vous dire qu'aucun d'entre nous, à l'exception peut-être du vice-premier ministre, n'a eu l'honneur de siéger en même temps que lui. Je ne suis pas sûr que cela ait été donné au premier ministre. Je suis très fier de dire que je suis l'un des grands admirateurs du Président Alan Macnaughton.
Comme le député de Regina—Qu'Appelle l'a dit, dans une période agitée, il a su rester calme et il a aidé la Chambre et le pays à passer au travers du déchirant débat sur le drapeau que nous avons connu. Il a bien servi la Chambre, il a servi les députés en donnant le meilleur de lui-même.
Je ne peux que répéter ce qu'ont dit tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui pour rappeler la mémoire de M. Macnaughton. À mon avis, il a été l'un de nos Présidents les plus grands. Il a été un excellent député, un député profondément humain.
En votre nom et en mon nom propre, je présente nos plus sincères condoléances aux membres de sa famille en cette période de deuil. N'oublions pas qu'ils ont profité de sa présence, tout comme nous, pendant près d'un siècle.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le Président, avec le consentement de la Chambre, je voudrais partager mon temps de parole avec le député de Surrey-Centre.
En parlant de ce projet de loi, j'aborderai un certain nombre de questions. Je me demande toujours comment un jeune peut devenir un contrevenant. On doit se demander si c'est à cause des parents, de problèmes familiaux ou du système d'éducation qui ne détecte pas les cas problèmes. Est-ce à cause de la drogue, ce fléau dans notre société d'aujourd'hui qui pousse de plus en plus de jeunes au crime pour satisfaire leur toxicomanie? Est-ce parce que les modèles sont différents aujourd'hui? Est-ce à cause de tout ce que l'on voit à la télévision, de tout ce que les jeunes voient et de tout ce qui les influence? Ou est-ce à cause des lois qui encouragent plus ou moins certains comportements?
Je dirais que c'est un peu tout cela. Ayant déjà travaillé auprès de jeunes contrevenants, je pense que tous les éléments, mis ensemble, sont à l'origine du problème dans notre société. La Chambre a pour fonction d'essayer de régler toutes ces questions et d'élaborer une loi sur les jeunes contrevenants qui veuille dire quelque chose et tente de modifier le plus tôt possible les comportements des jeunes contrevenants avant qu'ils ne deviennent irrécupérables et que nous ne devions les incarcérer.
Je me viderai le coeur pour commencer. Je me souviens qu'en 1991 nous avons proposé des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous en avons même fait l'enjeu des élections en 1992.
Quand le nouveau gouvernement libéral a accédé au pouvoir en 1993, je ne pense pas qu'il se rendait vraiment compte du niveau d'insatisfaction des Canadiens relativement à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il nous a fallu un certain temps pour le lui expliquer. Le Parti réformiste n'était pas le seul à vouloir que la loi soit modifiée; d'autres le voulaient aussi, comme les jeunes contrevenants, les groupes de défense des droits des victimes, etc. Il nous en a fallu du temps pour expliquer cela au gouvernement libéral.
Je suis particulièrement exaspéré de constater que, dès que le gouvernement s'est aperçu du problème, il s'est lancé dans l'auto-promotion et les campagnes de relations publiques et de publicité dans les médias pour indiquer son intention d'agir. Nous débattons de la question depuis 1993, alors que nous sommes déjà en 1999, à la veille du nouveau millénaire. Je suis stupéfait de voir que les Canadiens n'aient rien à redire contre cette façon d'agir du gouvernement. Je suis très déçu.
Mais ce n'est pas tout. Selon un député libéral, la Loi sur les jeunes contrevenants punirait effectivement les crimes violents, mais traiterait avec indulgence les infractions moins graves.
L'ennui est que le gouvernement ne comprend pas que ce ne serait pas si mal s'il ne s'agissait que d'un cas d'introduction avec effraction. Nous pourrions alors prévenir le contrevenant de ne pas récidiver au risque d'encourir une peine plus lourde, de faire en quelque sorte l'objet de mesures disciplinaires progressives.
Le casier judiciaire de certains individus, des jeunes contrevenants, s'alourdit de 10, 20, 30 et parfois 40 inculpations, mais ces jeunes n'encourent que très peu de mesures disciplinaires progressives. C'est grave. Ils ne peuvent pas se rendre compte de la gravité de compter dans son casier judiciaire cinq ou six condamnations pour effraction, trois ou quatre condamnations pour possession d'arme, et une ou deux condamnations pour voies de fait.
Dans les salles d'audience, aujourd'hui, les avocats prétendent que leurs jeunes clients ne comprennent pas. Ils disent qu'il s'agit d'un cas de possession simple, d'introduction par effraction ou encore d'un vol sans gravité, et les juges répondent: «Oui, je sais. Pauvre gamin». Et cela ne va pas plus loin. Ils ne tiennent généralement pas compte de l'effet cumulatif de cette attitude qui consiste à ne pas faire une montagne. C'est un défaut que nous observons dans le système de justice tout entier, mais en particulier en ce qui concerne les jeunes contrevenants. La mesure à l'étude ne règle rien. L'accumulation de petites infractions prouve l'existence d'un problème qui est plus grave qu'une simple infraction mineure.
En une année, on a recensé au Canada 14 035 cas d'introduction par effraction, 2 077 cas de possession d'arme et 2 338 vols impliquant des jeunes contrevenants, et la liste est longue. Il y a également eu 30 meurtres. N'oublions pas que ces meurtriers avaient probablement derrière eux de nombreuses inculpations pour introduction par effraction, pour possession et usage de drogue et ainsi de suite. Nous n'avons pas su nous attaquer au problème à ce niveau, et c'est ce qui cloche dans la philosophie des jeunes contrevenants.
J'aimerais parler brièvement de certains des problèmes que nous vivons dans mon coin de la Colombie-Britannique et dont il n'est pas question dans le projet de loi. Joey Thompson du Province de Vancouver a écrit:
Au cours de procès dans la salle d'audience temporaire, au premier étage, on a entendu par hasard de grands professionnels de la question suggérer à des jeunes contrevenants qui attendaient, à l'extérieur, que leur cause soit appelée des trucs pour amadouer le juge.
Un petit futé est finalement arrivé devant le juge et il forçait les effets en expliquant combien il regrettait ses crimes. Le juge s'est tourné vers l'assistance et a prononcé un discours émouvant sur la sincérité du pauvre gamin. Puis il lui a servi une petite semonce et l'a renvoyé.
Quelques minutes plus tard, on voyait le jeune homme courir dans le stationnement en criant à ses amis «ça marche».
C'est ce que je veux dire par l'effet cumulatif. Un article paru dans l'Abbotsford News de ma région et intitulé «Cri de ralliement des jeunes criminels: À 18 ans, je me range», cite la police et j'en donne un extrait:
La récidive chez les jeunes reconnus coupables de vols par effraction représente une tendance alarmante. [...] «Ce sont généralement les mêmes jeunes, ce qui tend à prouver que les punitions infligées par les tribunaux n'ont aucune force de dissuasion.» [...] «La majorité du temps, nous avons affaire aux mêmes jeunes. Ils sont libérés sous condition, et même si les juges ont de bonnes intentions, les jeunes ne respectent pas les conditions imposées.»
«Il n'est pas inhabituel d'entendre un jeune dire: «Quand je vais avoir 18 ans, je vais me ranger».
Voici ce que dit un autre article intitulé: «Une jeune fille de 14 ans est accusée de trafic de cocaïne:
Une jeune fille de 14 ans d'Abbotsford devra revenir devant la cour provinciale d'Abbotsford le 12 mars après avoir été arrêtée cette semaine pour avoir vendu de la cocaïne à Clearbrook.
L'article poursuit:
Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, le nom de la jeune fille ne peut être divulgué.
Un autre article dit ceci:
Fort de l'appui du Parlement, Mike Harris a demandé hier que le premier ministre se montre plus dur envers les jeunes contrevenants.
Et ça continue. Voici un extrait d'un autre article intitulé «Le jeune garçon était trop ivre pour être reconnu coupable de meurtre, dit son avocat»:
Wetaskiwin, Alberta: Un jeune garçon de 13 ans originaire de Hobbema, qui a battu un chauffeur de taxi à mort avec un bâton de baseball était, selon son avocat, trop jeune et trop ivre pour être reconnu coupable de meurtre.
Récemment, un adolescent de ma région a braqué un pistolet sur un agent de police. Il s'agissait en réalité d'une arme à air comprimé, mais ce jeune aurait très facilement pu être atteint par la police. Il a eu de la chance. Des accusations ont été portées contre lui, mais son nom ne peut être publié en raison des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il a été appréhendé deux fois en mai pour avoir menacé de faire sauter deux écoles de l'est d'Abbotsford. Et je pourrais continuer. Bon nombre des parents préoccupés par cette situation se sont heurtés plusieurs fois à un mur lorsqu'ils ont cherché à faire en sorte que leur école soit protégée contre cet adolescent.
Les parents de ce jeune étaient de bons parents, mais il existe des problèmes. De nos jours, la société ne s'occupe pas d'un jeune comme celui-là. Des gens de partout veulent des renseignements sur ce cas, et ils sont coincés à cause des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants qui concernent la protection de la vie privée.
Le gouvernement doit faire face à la réalité en ce qui concerne les jeunes contrevenants. Il doit y faire face cette fois. Nous avons une foule de suggestions et il ne les écoute pas. Nous devrions autoriser les agents de police à exercer un pouvoir discrétionnaire pour régler des incidents mineurs sans porter d'accusations. Nous devrions réduire de 17 à 15 ans l'âge maximal des jeunes contrevenants. Nous devrions réduire de 12 à 10 ans l'âge minimal. Et je pourrais continuer.
Où étaient les ministériels? Avant les prochaines élections, ou peut-être en l'an 2000, nous serons encore en train de parler de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il faut que le gouvernement prenne des mesures plus efficaces que celles qu'il a prises par le passé, et qui se résument à rien.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, après la nomenclature du Allo Police de l'Ouest, j'ai quelques petits commentaires à faire.
J'aimerais que le député réentende le discours qu'il a fait. Il critique beaucoup de cas qui surviennent dans sa propre circonscription ou dans des circonscriptions de l'Ouest canadien.
Tout ce qu'il a dit montre qu'il y a effectivement un problème. Je suis d'accord avec lui, il y a des problèmes dans l'Ouest canadien parce qu'on n'applique pas correctement la Loi sur les jeunes contrevenants.
C'est tellement vrai que même en Ontario—il parlait de Mike Harris—un projet-pilote vient d'être établi. On a des chiffres montrant qu'on a durci la répression. On a établi des camps destinés aux jeunes avec une répression abusive. Quels sont les résultats? Trente pour cent de ces jeunes, lorsqu'ils ressortent, récidivent.
Qu'on regarde ce qui se fait au Québec. On travaille sur la réhabilitation, la réinsertion, et il n'y a presque pas de cas de récidive. C'est le contraire. Les jeunes, après avoir été dûment suivis en vertu de la loi, en vertu des pouvoirs qui nous sont donnés par la Loi sur les jeunes contrevenants, réintègrent la société. Ils deviennent des citoyens anonymes.
Au Québec, on ne voit pas l'horreur que le député vient de raconter et qui se passe dans l'Ouest canadien. Il faudrait peut-être que le député sorte de sa province et qu'il voie ce qui se passe ailleurs.
J'espère que le Parti réformiste ne prendra jamais le pouvoir, parce que les politiques à l'égard de la justice seraient épouvantables. Le Parti réformiste est dans l'erreur, et ce que je trouve déplorable, c'est qu'à force de crier au loup, il fait peur au gouvernement qui se plie aux politiques du Parti réformiste.
[Traduction]
M. Randy White: Monsieur le Président, c'est un député qui veut se séparer du Canada qui dit cela à la Chambre des communes. Comme c'est intéressant. Je trouve ironique que le député dise que la Loi sur les jeunes contrevenants fait très bien l'affaire au Québec. Je peux cependant lui garantir que ce n'est pas ce que les gens pensent dans ma région. La différence, c'est que la population de ma région veut que je vienne ici et change cette loi, pas que je vienne ici pour faire la séparation.
Nous avons demandé que certaines choses figurent dans le projet de loi. Nous avons demandé que les établissements pour jeunes contrevenants aient des programmes obligatoires de réinsertion sociale. N'est-ce pas une demande raisonnable? Que dit le gouvernement? Le gouvernement dit que nous ne pouvons pas rendre la participation à de tels programmes obligatoire en raison de l'existence de la Charte des droits et libertés. En fait, beaucoup de jeunes contrevenants disent que s'ils avaient un peu plus de discipline, si on leur avait enseigné la différence entre le bien et le mal, ils auraient appris un peu mieux et se seraient changés eux-mêmes. Mais le gouvernement refuse d'imposer ces programmes.
Nous avons demandé d'associer une charte des droits des victimes à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous ne l'avons pas obtenu. Nous avons demandé qu'un individu qui commet deux infractions avec violence ou plus soit désigné délinquant dangereux. Cette proposition a été rejetée du revers de la main. Nous avons demandé d'établir des normes fédérales bien définies applicables aux mesures de remplacement. Cela n'a pas été envisagé. Nous avons demandé que le casier judiciaire des jeunes contrevenants soit traité comme celui des adultes. Cela n'a pas été envisagé. Nous avons demandé que les noms des jeunes délinquants violents soient divulgués. Le gouvernement a laissé cela à la discrétion des tribunaux, en d'autres mots, il maintient le statu quo.
Le gouvernement croit-il que c'est une bonne idée de laisser les juges prendre les décisions? Je ne peux pas le croire.
Si nous voulons une bonne loi, si nous voulons un système cohérent, nous devons avoir le courage de nos convictions et l'affirmer à la Chambre des communes. Nous ne devrions pas dire, comme dans le cas de la pornographie enfantine, que nous formulerons les lois en termes généraux et laisserons les tribunaux déterminer si oui ou non, la possession de ce type de pornographie est légale. C'est le genre de dérobade qui fait beaucoup de tort au Canada. C'est une attitude néfaste dans le cas de la criminalité juvénile.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Monsieur le Président, voilà plus de dix ans que les députés réformistes réclament des réformes au système de justice pénale pour les jeunes. Il a fallu au moins quatre ans, plus probablement six ans, pour que les libéraux en arrivent au point où nous en sommes aujourd'hui.
Pour ce qui est de changer notre système de justice pénale pour les adolescents, 864 jours ont passé depuis que la ministre actuelle de la Justice a été nommée à son poste au Cabinet. Elle n'a cessé de répéter depuis sa nomination qu'elle proposerait rapidement des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne vois pas ce qu'un délai de 864 jours peut avoir de rapide. Nous savons qu'il se commet 35 crimes de violence par jour au Canada, et 864 jours constituent un long délai pour mes électeurs et les Canadiens en général.
Combien de crimes de violence commis par des jeunes auraient pu être évités depuis trois ans si le gouvernement nous avait présenté plus tôt un projet de loi concernant la criminalité juvénile au lieu de le faire si tard? Les libéraux ont dépensé des millions de dollars, ils ont tenu des audiences durant des mois et ont promis durant plusieurs années que le projet de loi serait bientôt présenté.
Le comité a consacré de longues audiences au projet de loi le printemps dernier, mais le gouvernement a laissé les changements proposés à notre système de justice pénale pour les jeunes mourir au Feuilleton avant la troisième lecture au cours de la dernière session parlementaire. Voilà qui montre à quel point le projet de loi est peu important pour les libéraux.
Nous voici maintenant saisis du projet de loi C-3, qui renferme les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants et qui créera un nouveau système de justice pénale pour adolescents. Nous revoilà en train de débattre de cette mesure à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture. Le projet de loi porte un nouveau numéro, mais c'est la même vieille loi.
Les parents et les familles des victimes de crimes commis par des jeunes deviennent des victimes eux aussi. J'ai deux jeunes fils, monsieur le Président. Vous avez rencontré mon fils cadet quand il était ici. Quand je me mets à la place du député de Surrey-Nord, dont la famille a vécu une tragédie, et quand je me mets à la place des parents et des familles des victimes, j'ai envie de retourner chez moi tous les week-ends. Je suis inquiet parce que le gouvernement n'en fait pas assez. J'ai du mal à imaginer ce que cela doit être quand un jeune est victime d'un crime de violence.
Les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants que le public et le Parti réformiste ont réclamées sont nombreuses, mais les plus importantes peuvent être groupées sous huit catégories dont je parlerai. Ce sont la clarification des objectifs de la loi, une plus grande responsabilisation parentale, la reconnaissance des droits des victimes et la prestation de services de soutien pour les victimes, la différenciation plus précise entre délinquants récidivistes ayant commis des crimes avec violence et délinquants ayant commis une infraction sans violence, le renforcement des dispositions sur la détermination de la peine, la publication des noms des jeunes contrevenants, la modification de l'âge d'assujettissement à la Loi sur les jeunes contrevenants, et enfin, des dispositions pour la réadaptation et la prévention.
En toute justice, il faut dire que le projet de loi dont nous sommes saisis comporte des changements positifs; cependant, il y a des domaines où nous estimons que les mesures proposées par le gouvernement sont insuffisantes ou malencontreuses. Nous devons continuer de préconiser des solutions de rechange et des amendements constructifs au projet de loi.
La première catégorie concerne la clarification des objectifs de la loi. L'objet premier de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était clairement le bien-être de la société, tandis que la Loi sur les jeunes contrevenants, déposée par le gouvernement Trudeau, visait davantage le bien-être des jeunes contrevenants.
L'article 3.1 est l'une des dispositions louables du projet de loi. Il explique que le système de justice pénale pour adolescents a pour but premier de protéger le public, protection qui est assurée par la prévention de la criminalité chez les jeunes, l'imposition de peines aux contrevenants condamnés et la prise de mesures de réadaptation. C'est là un progrès.
L'opposition officielle a éclairé les libéraux et les a guidés pour qu'ils adoptent cette ligne de conduite. Je me réjouis qu'ils aient au moins compris cela. Le projet de loi ne va toutefois pas aussi loin que les réformistes le souhaiteraient. Les libéraux n'ont pas encore pleinement vu la lumière.
En ce qui concerne la réforme de la responsabilité parentale, le projet de loi renferme au moins deux mesures qui vont dans le bon sens. D'abord, il exige obligatoirement la présence d'un parent devant le tribunal si le juge estime sa présence nécessaire dans l'intérêt de l'adolescent. Ensuite, il augmente la peine pour tout parent qui signe un engagement promettant de surveiller un adolescent remis en liberté et qui manque volontairement à cet engagement.
La troisième catégorie porte sur la reconnaissance des droits des victimes. Les victimes de la criminalité des adolescents sont excédées par le manque d'intérêt du gouvernement à leur égard. Le projet de loi dont nous sommes saisis renferme plusieurs dispositions qui constituent un pas dans la bonne direction. Par exemple, l'article 52 permet au tribunal d'imposer une suramende compensatoire en plus de toute amende imposée à un adolescent. Je suppose que la somme en question doit servir à fournir de l'aide aux victimes des infractions.
L'article 113 permet aux tribunaux pour adolescents, commissions d'examen ou tout autre tribunal de tenir un dossier de toute affaire portée devant eux concernant des adolescents.
L'article 118 permet aux victimes d'avoir accès aux dossiers tenus en application de l'article 113.
L'article 39 stipule que le rapport prédécisionnel doit renfermer le résultat d'une entrevue avec la victime.
Ces mesures ne satisfont pas aux demandes de l'opposition officielle, appuyées par cette Chambre, quant à la déclaration des droits des victimes. Mon collègue, le député de Langley—Abbotsford a déjà parlé de cela. Je le félicite de défendre avec tant d'ardeur l'adoption de la déclaration des droits des victimes. Pour leur part, cette ministre et son gouvernement continuent d'accorder peu d'importance aux droits des victimes par rapport à celle qu'ils accordent aux droits des personnes accusées ou déclarées coupables de crimes.
Les quatrième, cinquième et sixième points qui inquiètent la population concernent des dispositions du projet de loi que nous jugeons inappropriées et ont trait aux différences entre les contrevenants violents et non violents, à la détermination des peines pour les jeunes contrevenants et à la publication ou à l'interdiction de publication des noms des jeunes contrevenants.
Selon l'opposition officielle, un nombre disproportionné de contrevenants non violents sont détenus, ce qui réduit l'espace et les ressources nécessaires pour les contrevenants violents et augmente, au lieu de diminuer, la probabilité que ces jeunes s'engagent dans une vie criminelle au lieu d'être protégés contre des influences criminelles et d'y être soustraits.
Nous préconisons donc des différences plus nettes, tant dans la loi que dans le traitement, entre les jeunes contrevenants violents et ceux qui ne sont pas violents et entre les jeunes qui en sont à une première infraction et les récidivistes. Ces différences devraient être plus marquées qu'elles ne le sont dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Des peines plus rigoureuses devraient être imposées—je suppose et je crois fermement que le châtiment imposé à nos criminels correspond à une tape sur le poignet. Un châtiment approprié fait naître la crainte et la crainte a un effet dissuasif à l'égard de tout crime violent. Par contre, l'absence de crainte, l'absence de châtiment est pour un jeune une motivation à commettre un crime.
En guise de conclusion, je dirai que ce projet de loi permettrait de faire quelques pas dans la bonne direction, mais que nous aurions voulu y voir beaucoup plus. Nous demandons une charte des droits de la victime. Les libéraux y sont opposés. En ce qui concerne les différences entre les contrevenants violents et non violents, la détermination des peines pour les jeunes contrevenants et la publication des noms des jeunes contrevenants, nous considérons qu'il y a de grandes faiblesses dans ce projet de loi. Pour ce qui est de changer l'âge auquel s'applique la Loi sur les jeunes contrevenants, nous désapprouvons l'approche du gouvernement.
Enfin, le gouvernement n'est pas allé assez loin en prenant des mesures visant le traitement des jeunes contrevenants, en particulier en ce qui concerne l'importance de prévenir le crime chez les jeunes et le rôle crucial de la famille à cet égard.
[Français]
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, nous tenons, aujourd'hui, un débat assez incroyable.
Albert Jacquard disait: «S'il y a une prison dans une ville, c'est que quelque chose ne va pas bien dans cette ville». À écouter les discours de nos collègues d'en face, mais surtout ceux d'à côté, j'ai l'impression que les prisons sont la solution à la délinquance juvénile.
Tout à l'heure, j'ai été un peu vexé, parce que mon collègue bloquiste, qui est séparatiste et qui a cité certaines statistiques crédibles, s'est fait dire que ses termes n'étaient absolument pas cohérents, parce qu'il est séparatiste. Si j'étais un Australien, je serais quand même intéressé à intervenir dans ce débat, parce que je pense que la délinquance doit être traitée de la même façon partout au monde. Nous avons tous un même but, celui de faire en sorte que la délinquance se règle de la meilleure façon possible.
Les statistiques prouvent, et je pense qu'on a de bons résultats, que la prévention est nettement supérieure à l'emprisonnement ou à des sanctions plus sévères. J'ai l'impression que si on les emprisonne, qu'on leur dit qu'ils ne sont pas bons ou qu'on les punit toujours plus sévèrement ne fait qu'empirer leur sort et les résultats ainsi obtenus sont encore plus décevants.
Pourquoi met-on les délinquants en prison? C'est parce qu'ils ont des problèmes à vivre en société. On les envoie dans un endroit où la majorité des gens qui sont là ont des problèmes à vivre en société. J'en viens souvent à la conclusion que nos prisons sont parfois une école de délinquance.
Donc, plutôt que de les punir encore davantage, allons dans le sens inverse de ce projet de loi, tentons de leur faire comprendre et de les réhabiliter, pour qu'ensuite, une fois leur peine complétée, ils puissent réintégrer la société. Tel est le but d'une prison et d'un système d'incarcération.
Je suis vraiment déçu aujourd'hui. Un jeune qui commet un crime est probablement issu d'un milieu difficile, d'un milieu pauvre ou d'une famille brisée. Croit-on vraiment qu'avant d'aller commettre un crime, il va se dire: «Oui, c'est vrai, le projet de loi C-3 fait en sorte que je vais rester encore plus longtemps en prison». Crois-t-on que cela va l'empêcher de commettre un crime? Voyons donc, soyons réalistes. Cela ne réglera pas la criminalité.
Je pose cette question à mon collègue réformiste. Croit-il vraiment qu'un jeune y pense vraiment avant de commettre un crime? Quand c'est un jeune de 14 ans qui, bien souvent, n'écoute même pas les nouvelles, n'est absolument pas au courant des règles et n'a même pas le droit de voter, le député croit-il que ce jeune va se mettre à penser à ce qui va lui arriver?
[Traduction]
M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, ou bien le député séparatiste ne comprend pas comme il faut ou bien il n'a pas écouté mes propos. Nous, les députés de ce côté-ci de la Chambre, faisons la distinction entre les délinquants violents et les délinquants non violents. De plus, nous insistons sur l'importance de la prévention et de la réhabilitation.
Le problème, c'est qu'on ne peut pas parler de punition appropriée quand tout ce que fait le tribunal c'est de taper sur les doigts. Le message que ça envoie à nos jeunes, c'est qu'il n'existe pas de moyen de dissuasion contre le crime. Les jeunes ne comprennent pas l'importance qu'il y a à ne pas commettre un crime. En fait, l'absence de punition les pousse au crime.
Si quiconque commet un crime recevait une punition sévère, appropriée, raisonnable—peu importe le terme—, cela ferait réfléchir les criminels en puissance. Il y aura là un effet de dissuasion. Le député devrait comprendre cela.
[Français]
M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je n'avais pas particulièrement l'intention d'intervenir dans ce débat à l'heure actuelle. Toutefois, je trouve absolument incroyable qu'à la fin du XXe siècle, presqu'au début du XXIe siècle, on nous sorte encore du côté réformiste des théories de justice qui sont d'un temps révolu depuis longtemps.
Je n'en reviens pas qu'on en vienne encore à me dire: «Pour régler le problème de la criminalité, ce qu'il faut, c'est de mettre les gens en prison parce qu'ils vont avoir peur.»
Cela dépasse l'entendement. C'est à croire que ces gens n'ont jamais entendu parler de justice réparatrice, n'ont jamais entendu parler de présomption d'innocence, et n'ont jamais entendu parler de ce qui fait le fondement même d'une justice moderne.
Je suis vraiment singulièrement déçu.
[Traduction]
M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, le député devrait savoir qu'à l'aube du nouveau millénaire nous devons construire un pont solide entre ce millénaire et le prochain afin que nous puissions tous nous acheminer vers la sécurité, la liberté d'expression, et créer ainsi une société où nous pourrons tous vivre en paix. Pour ce faire, le gouvernement doit prendre les dispositions nécessaires. Le gouvernement doit mettre en place diverses mesures. Quand quelqu'un commet un crime, il doit purger sa sentence. Si quelqu'un commet un crime mais ne purge pas sa sentence, où est la justice?
Le député ministériel devrait demander à la ministre de la Justice d'apporter rapidement les modifications qui s'imposent, et ce projet de loi ne devrait être adopté qu'une fois qu'il aurait subi les changements que souhaitent les Canadiens.
Le vice-président: Il est de mon devoir, conformément à l'article 38 du Règlement, d'informe la Chambre que les questions qui seront soulevées ce soir au moment de l'ajournement seront les suivantes: le député de Témiscamingue concernant le projet de loi C-6.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi que le gouvernement propose sur la justice pénale pour les adolescents.
Ce projet de loi est une solution équilibrée. À écouter mes collègues des deux camps opposés parler de cette question de justice pénale pour les adolescents, je ne peux pas m'empêcher de remercier le ciel d'être libéral et de faire partie d'un gouvernement qui sait faire la juste part des besoins de la société et de ceux de l'individu, des besoins des jeunes et de la nécessité de garantir la sécurité. C'est justement ce que fait ce projet de loi.
Je suis très heureux de l'approche retenue par la ministre, notamment en ce qui concerne la réadaptation. C'est le moyen le plus efficace de s'attaquer au problème de la criminalité dans notre société. Cela n'a aucun sens d'enfermer dans une cellule pendant 15 ou 20 ans tous les jeunes qui commettent des crimes ou des infractions. Si on ne leur donne aucune aide entre temps, quand ils recouvrent la liberté, ils récidivent. Cela ne fait aucun doute pour moi.
Le gouvernement s'est dit qu'il y avait un prix à payer. Ceux qui commettent des infractions doivent payer, mais, pendant ce temps, nous avons une série d'exigences fixées par la loi à leur égard. S'ils s'y conforment et se comportent bien, ce sera pour le mieux aussi bien pour eux que pour la société.
Je suis heureux de l'exemple qu'a donné une policière de ma circonscription, Ottawa-Centre. Debra-Dynes a été une initiative incroyable qui a remporté un éclatant succès. Les forces policières ont constitué une équipe en collaboration avec la collectivité, le secteur privé et les adolescents. Elles ont abordé toute cette question dans la perspective d'un effort commun. Les résultats ont été exceptionnels.
Il n'y a pas que de mauvaises nouvelles dans notre société. Il s'y passe aussi beaucoup de bonnes choses. J'espère que mes collègues du Parti réformiste en prennent note. Par exemple, de 1991 à 1997, la criminalité chez les jeunes a chuté d'environ 25 p. 100 au sein de notre société. J'en tire une conclusion: les mesures que le gouvernement a adoptées pendant cette période étaient bonnes. Toutes les interventions en matière de prévention ont bien servi nos jeunes, notre société, ainsi que la justice.
Cela étant dit, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. Le taux de chômage demeure très élevé chez les jeunes. Près de 15 p. 100 des jeunes demeurent incapables de trouver un emploi. Plus de 25 p. 100 des jeunes ne terminent toujours pas leurs études secondaires. Ce taux d'abandon est tragique. Ce n'est pas une responsabilité relevant uniquement du gouvernement fédéral. Nous faisons notre juste part. Nous devons en faire plus et nous nous appliquons à le faire. Mais c'est aussi une responsabilité du gouvernement provincial, de l'administration municipale, des conseils scolaires, des parents et de toute la société.
Lorsqu'on s'arrête aux statistiques et en particulier à celles qui concernent les jeunes de 16 à 18 ans, on constate qu'environ 24 p. 100 de tous les crimes commis par des adolescents le sont par des jeunes de 17 ans. De plus, 22 p. 100 de tous les crimes commis par des jeunes sont attribuables à des adolescents de 16 ans et 30 p. 100 à des jeunes qui ont 14 et 15 ans.
Je cite ces statistiques parce que je relève une énorme faille dans notre système, soit dans la définition de ce qu'est un enfant. Dans notre société ce terme signifie qu'un enfant qui atteint l'âge de 16 ans peut partir de chez ses parents et se débrouiller seul. Personne n'exerce de responsabilité à son égard. Il se débrouille seul. Par conséquent, s'il vient d'une famille dissociée ou s'il a été victime de mauvais traitements au foyer, le soutien qu'on lui offre entre les âges de 16 et 18 ans est minime.
Le soutien offert aux jeunes, de 16 à 18 ans notamment, est insuffisant. Ces jeunes sont laissés pour compte. Il en découle que, dans la société canadienne, à l'âge de 16 ans, un jeune cesse d'être un enfant pour devenir un adulte, sans pour autant pouvoir voter, toucher de l'assurance-chômage, ou boire légalement de l'alcool.
La notion d'enfant varie d'un texte de loi à l'autre. Certaines lois disposent que toute personne âgée de moins de 14 ans est considéré comme un enfant. D'autres reconnaissent la qualité d'enfant à toute personne âgée de moins de 16 ans. D'autres encore le reconnaissent pour les personnes âgées de moins de 18 ans. La législation canadienne, tant fédérale que provinciale, n'est pas concordante là-dessus. Nous devrions tous nous entendre pour reconnaître à toute personne âgée de moins de 18 ans le statut d'enfant.
Pareille décision rappellerait aux familles et à la société en général leurs responsabilités et leurs devoirs à l'égard des enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de la majorité. Il incomberait ainsi à la société de subvenir aux besoins d'un enfant issu d'une famille disloquée ou d'un milieu violent, jusqu'à ce que cet enfant atteigne l'âge de 18 ans. Nous nous assurerions ainsi que chaque enfant irait à l'école, qu'il recevrait une formation technique ou professionnelle jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge légal de la majorité.
Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. Dès l'âge de 16 ans, le jeune acquiert un statut d'adulte, mais passe entre les mailles du filet. Il en découle l'obligation pour nous d'observer la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui reconnaît sans équivoque la qualité d'enfant à toute personne de moins de 18 ans, et c'est tout, car c'est bien connu que les enfants ont besoin du soutien de leur famille, de la collectivité et de l'ensemble de la société jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge adulte. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous pouvons traiter les enfants comme des adultes et que nous pouvons les laisser se débrouiller seuls.
Il n'est pas juste que, en tant que société, nous décidions de réprimer sévèrement les adolescents de 16 à 18 qui glissent entre les mailles du système, comme le proposent certains députés d'autres partis. Nous ne saurions agir ainsi. Nous devons assumer nos responsabilités et rendre des comptes à la population et aux jeunes. Nous devons nous doter d'un système qui nous permettra de prendre toutes les mesures importantes qui s'imposent pour assurer l'équité et la justice dans notre société et pour veiller à ce que nos jeunes reçoivent le soutien dont ils ont besoin.
Ainsi, nous n'aurions pas un taux de décrochage scolaire de 25 p. 100 chez les jeunes de 16 à 18 ans. Nous n'aurions pas un taux de criminalité élevé chez les jeunes de 16 à 18 ans. Nous n'aurions pas un taux élevé de chômage chez les jeunes de 16 à 24 ans. Parce que ces jeunes ne vont plus à l'école et ne reçoivent pas le soutien nécessaire des différents paliers du gouvernement, ils passent entre les mailles du système.
Nous devons féliciter le gouvernement et le ministre de leurs initiatives de tenter de présenter une approche qui tient compte de la nécessité d'une réinsertion sociale et de l'importance de la prévention. Il vaut mille fois mieux prévenir que guérir.
La situation n'est pas facile. Elle est extrêmement complexe, mais nous devons réunir nos efforts. Nous ne pouvons pas frapper un adolescent sur la tête avec une planche de bois et lui dire qu'il doit obéir à la loi. Nous devons avoir une approche cohérente et holistique. Nous devons mettre les besoins de l'enfant en parallèle avec ceux de la société. Nous devons tenter de satisfaire les besoins de l'enfant. Nous devons offrir aux enfants l'aide dont ils ont besoin grâce au système d'éducation, à la famille et à la société en général.
Je suis très heureux de constater qu'on demande à la famille de s'impliquer lorsqu'un enfant a des problèmes avec la justice. Je suis heureux que cette loi nous permette de dire aux enfants que nous voulons qu'ils aillent à l'école dans le cadre de leur réadaptation. Nous voulons nous assurer qu'il ne se tiennent pas avec des bandes de jeunes. Nous voulons nous assurer qu'ils rentrent à la maison tous les soirs à 20 heures, 21 heures, ou à l'heure fixée par le tribunal.
Ce faisant, nous touchons la racine du problème. Dans un sens, c'est là l'essentiel de la réadaptation. Nous devons dire aux enfants, particulièrement à ceux qui sont à risque, qu'ils doivent retourner dans le système d'éducation, dans un environnement qui peut leur donner l'appui dont ils ont besoin pour se construire une vie meilleure.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé plus de 32 projets de loi d'initiative parlementaire demandant au gouvernement de modifier toutes les mesures législatives au niveau fédéral pour que nous puissions accorder nos lois et modifier la définition d'un enfant pour qu'elle vise tous les jeunes de moins de 18 ans. Nous soulignerons ainsi que les enfants ont besoin de l'appui de leur famille et de la société jusqu'à l'âge de 18 ans. C'est alors seulement que nous pourrons dire que nous avons fait ce que nous voulions faire, à savoir continuer à édifier une société meilleure.
Nous avons une des sociétés les plus belles au monde, mais elle pourrait être et elle sera effectivement un jour meilleure. Il n'est pas juste que notre société perde chaque année pour plus de 10 milliards de dollars de productivité à cause de l'analphabétisme. Il n'est pas juste que plus du quart des Canadiens aient encore du mal à lire ou à écrire et à remplir une demande d'emploi. Il n'est pas juste que nous affichions encore le plus haut taux de chômage chez les jeunes. Il n'est pas juste que nous soyons au premier rang pour le nombre des délits commis par des jeunes de 16 à 18 ans qui ne reçoivent pas de toute la collectivité le soutien dont ils ont besoin.
C'est pourquoi je tiens, enfin, à remercier la ministre de la Justice de nous avoir saisi de ce projet de loi et d'avoir proposé encore une fois quelque chose de plutôt équilibré. La perfection n'est pas de ce monde, et ce projet de loi sera soumis à l'examen d'un comité. Il reviendra ici pour l'étape du rapport. Comme tout projet de loi, il fera l'objet de consultations. Si quelqu'un quelque part a à présenter une proposition, une suggestion ou un amendement qui satisfait aux objectifs du projet de loi, je suis absolument sûr que la ministre sera disposée à l'écouter. Si l'amendement en question est conforme aux objectifs, nous verrons alors.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous venons d'entendre un excellent discours en faveur du projet de loi d'initiative parlementaire.
Nous devons reconnaître la différence entre châtiment et réhabilitation. Quand on parle de la réhabilitation, qui constitue la partie la plus importante du projet relatif aux jeunes, il importe de veiller à ce que les gens aient la possibilité d'être bien conseillés au bon endroit et à ce qu'il y ait suffisamment de ressources à cet égard.
Des membres de ma famille s'occupent de la réhabilitation des contrevenants dans le système correctionnel et je suis certainement d'avis que le système actuel n'est pas adéquat. Les tribunaux ou les autres institutions ayant affaire à ces jeunes n'ont pas l'option de les envoyer en réhabilitation parce qu'ils ne font pas partie du groupe d'âge auquel s'applique la Loi sur les jeunes contrevenants.
Je voudrais que le député nous livre ses pensées là-dessus ainsi que sur le fait que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse à la Chambre, il y a un évident manque de ressources dès que l'on commence à discuter de remédier à ce qui ne va plus. Ce que nous devons vraiment faire, c'est intervenir bien avant dans la vie d'un grand nombre de nos enfants. Si le député qui vient de parler voulait bien intervenir là-dessus, je lui en saurais gré.
M. Mac Harb: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question tout à fait sensée. En fait, c'est ce sur quoi porte le projet de loi. Le projet de loi vise à faciliter la réadaptation et le choix des moyens les mieux adaptés à la situation.
Il permettra de travailler en partenariat avec tous les intervenants, qu'il s'agisse du gouvernement provincial, le cas échéant, du système de justice tel que nous le connaissons, des tribunaux ou des collectivités, lorsqu'il y a des initiatives communautaires.
J'ai donné parlé du projet Debra-Dynes à titre d'exemple. Il s'agit d'une initiative extrêmement réussie lancée par la Commission des services policiers d'Ottawa-Carleton. C'est une grande réussite. Les jeunes qui sont, en toute franchise, à risque élevé peuvent compter sur des exercices, des équipes de toutes sortes et plein de projets communautaires.
En un sens on réussit à créer une diversion. On occupe les jeunes. Lorsqu'ils sont occupés à des activités athlétiques et participent à des projets communautaires ou d'autres projets de ce genre, ils ne pensent plus alors à prendre des drogues ou à se livrer à des activités illégales à nouveau.
C'est le type d'initiatives que nous devons prendre en tant que société. Nous ne devons pas toujours compter sur le gouvernement pour des solutions. En tant que collectivité et société, il nous incombe de mettre de l'avant des mesures qui peuvent aider et améliorer la qualité de vie de nos jeunes et qui peuvent nous garantir une société plus sûre et meilleure.
À cet égard, je tiens à dire à mon collègue que sa question vise juste et qu'on y répond justement dans ce projet de loi lorsqu'on parle de l'importance des partenariats avec les divers ordres de gouvernement et lorsqu'il est question de réadaptation pour répondre aux besoins particuliers de l'enfant.
Je le remercie de sa question et je suis très heureux de ce que le gouvernement propose sur le plan de la réadaptation.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je veux souligner deux choses. La première, c'est qu'il est faux de prétendre que le projet de loi C-3 est un équilibre entre ce que veut le Parti réformiste et ce que veut le Bloc québécois. Ce n'est pas vrai. Le gouvernement libéral a tout donné dans ce projet de loi pour atteindre les objectifs du Parti réformiste. C'est bien différent.
Deuxièmement, le député a parlé de responsabilité. En cela, il me rejoint. Il faut être irresponsable lorsque l'on modifie une loi qui fonctionne. La responsabilité d'un ministre avec une loi qui fonctionne, c'est de tenter de l'améliorer. On ne dit pas qu'il ne faut pas toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants parce que c'est la meilleure loi qui existe au monde. Il y a des choses à modifier et à simplifier. Il y a des doubles procès qui se font relativement aux jeunes présentement, il y a des présomptions d'innocence avec lesquelles on joue. Il y a des choses à spécifier et à améliorer. Il ne faut toutefois pas jeter toute la loi pour des modifications qui pourraient être techniques.
J'aimerais que le député me dise quelle est la justification du ministre pour abroger une loi qui fonctionne, lorsqu'on regarde les statistiques et qu'on s'aperçoit qu'il y a une baisse de la criminalité chez les jeunes de l'ordre de 23 p. 100. Depuis 1995, les crimes violents ont diminué de 3,2 p. 100 et les agressions sexuelles de 1 p. 100. Cinquante-trois pour cent des jeunes accusés le sont en vertu d'infractions sur des biens. Ce ne sont pas des crimes violents sur la personne. Je crois que l'on mélange tout. Ce n'est pas un système parfait. On peut l'améliorer mais, de grâce, ne faisons pas l'erreur de jeter 16 années d'application durant lesquelles les juges ont établi une jurisprudence et une interprétation que l'on connaît bien au Québec, que l'on applique et qui donne des résultats.
De grâce, les députés du Québec de l'autre côté de la Chambre, réveillez-vous. Dites-le au ministre de la Justice que cela n'a pas de bon sens. Il ne faut pas jeter 16 années d'expérience pour l'amour de quelques votes que l'on va ramasser dans l'Ouest canadien. Réveillez-vous les députés du Québec. Levez-vous et contestez cette loi. On ne peux pas l'adopter car cela va à l'encontre de tout ce qui se fait au Québec. Il existe un consensus.
Qui représentent-ils, les députés libéraux du caucus du Québec? L'Ouest canadien ou les Québécois? L'Association des chefs de police, l'Association des policiers, le Barreau du Québec, 18 organismes ont formé une coalition; ils sont contre le projet de loi. Où sont-ils aujourd'hui les députés libéraux du Québec pour dire à la ministre: «Non, madame la ministre, on ne veut pas de ce projet de loi»?
Je sais le député brillant, je sais qu'il est raisonnable, qu'il s'informe avant de parler, j'aimerais qu'il me dise s'il est d'accord avec moi: au Québec, la Loi sur les jeunes contrevenants, on l'applique, et cela donne de très bons résultats. Je suis sûr que dans son for intérieur, il ne veut pas céder à l'Ouest canadien toute l'expérience que le Québec a acquise avec cette loi.
M. Mac Harb: Monsieur le Président, mon collègue a posé une question qui porte plus ou moins sur les juridictions. Qu'arrive-t-il dans une situation où, dans la province de Québec, il y a déjà des lois qui se rapportent aux jeunes, en regard de ce projet de loi?
Je ne suis pas un expert constitutionnel, mais je pense que lorsqu'on commencera à faire les consultations, il sera intéressant d'avoir une consultation avec toutes les provinces pour savoir comment on peut appliquer ce projet de loi, surtout que ce projet de loi sera étudié en comité. Le meilleur moment pour avoir un débat sur ces points sera probablement lors de l'étude en comité.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, j'écoute le débat depuis la fin de la période des questions orales. On a dit des choses, on a prétendu des choses, et je n'en reviens tout simplement pas. Par exemple, plus tôt, un député du Parti réformiste disait: «Le projet de loi libéral ne va pas assez loin.»
Eh bien, non, le projet de loi libéral va dans la mauvaise direction. C'est déjà bien assez et bien trop. Mais les réformistes, non satisfaits qu'il aille dans la mauvaise direction, voudraient qu'il aille plus loin dans la mauvaise direction. Expliquons-nous.
L'objectif de cette loi est d'assurer la sécurité générale du public, bien sûr, mais surtout, d'abord et avant tout, le mieux-être de ces jeunes qui ont commis un délit, un crime. Bien sûr, notre objectif n'est pas de féliciter ces jeunes pour le mauvais geste qu'ils ont posé. Notre objectif, cependant, n'est pas d'en faire des criminels à vie. Après tout, ce sont nos enfants, ce ne sont pas des êtres externes qui viennent d'une lointaine planète. Ils ont été élevés par leurs parents, ici, sur nos terres. Ils ont été élevés par une collectivité qui leur a donné, ou qui ne leur a pas donné, un certain nombre de ressources, de sujets d'intérêt, de matières à se valoriser. Ces jeunes enfants ont été formés dans nos écoles et ont reçu ou n'ont pas reçu la formation, l'encadrement, les valeurs qui auraient dû leur être transmises. Ces jeunes gens sont nos enfants.
Lorsqu'ils sont venus au monde, ils avaient les mêmes possibilités que tous les enfants. La plupart s'en tirent bien, et s'en tirent même très bien, mais une minorité rencontre un certain nombre de difficultés. Ce n'est pas nécessairement et ce n'est pas bien souvent de leur faute. La société, la collectivité, la parenté y sont fort souvent pour quelque chose. Dieu merci, dans ces situations, il est permis de trouver des solutions.
La loi actuelle sur les jeunes contrevenants permet justement de mettre en oeuvre un certain nombre de solutions qui se sont avérées bénéfiques. Comme mon collègue de Berthier—Montcalm le mentionnait tout à l'heure, depuis la mise en oeuvre de la loi actuelle, le taux de criminalité juvénile a chuté de 23 p. 100. C'est remarquable. Le taux de récidive a également chuté.
Parce que nous avons des législations additionnelles par lesquelles nous sommes en mesure d'intervenir pour prendre en charge un jeune qui est en difficulté et l'aider dans son effort de réhabilitation, c'est au Québec que le taux de criminalité juvénile est le plus bas et que le taux de réhabilitation est le meilleur.
On est devant une situation qui est quand même remarquable et ironique. Avec la législation actuellement en vigueur, nous disposons de tous les éléments pour bien intervenir auprès des jeunes et les aider à réintégrer notre société d'une façon valorisante et responsable. La législation actuelle fonctionne. Or, le gouvernement libéral présente maintenant une nouvelle législation qui va dans la direction opposée aux mécanismes de la législation présente, qui fonctionne et qui livre des résultats.
C'est de la «réingénierie» à l'envers. On fait le contraire de ce qui nous permet d'atteindre les objectifs que nous recherchons. La sécurité du public et surtout, et bien davantage, la réhabilitation de nos jeunes devraient être l'objet premier du projet de loi qui est devant nous. Or, toutes les études et les faits le démontrent: cette législation va nous faire régresser. Elle ne permettra pas de continuer à réduire le taux de criminalité juvénile, ni ne favorisera la réinsertion sociale, ni n'assurera le taux de réhabilitation heureux que nous connaissons présentement. Cette législation va nous ramener en arrière.
Plus tôt, un membre du Parti réformiste, en réponse à une question de mon collègue de Berthier—Montcalm, ridiculisait ses propos en disant qu'il venait d'un souverainiste. Je vais vous dire quelque chose. Au Québec, notre situation fonctionne bien, au Québec, nous avons les meilleurs résultats en matière de criminalité juvénile, c'est-à-dire les taux les plus bas. Nous avons le meilleur taux de réhabilitation.
Le gouvernement fédéral canadien d'en face est en train de vouloir mettre en place une législation qui va faire reculer l'ensemble de cette cause d'un océan à l'autre. Si jamais cette loi entre en vigueur, elle constituera une raison de plus de vouloir devenir souverains et de vouloir se séparer d'un pays qui veut maltraiter ses enfants.
Le Québec a agi d'une façon fort différente depuis une vingtaine d'années et, depuis la mise en vigueur de cette Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle est présentement, nos résultats sont les meilleurs. Mais non, le gouvernement fédéral ne s'inspirera pas de la loi québécoise et de la situation québécoise. Il ne prendra pas avis sur ce que les spécialistes disent d'un océan à l'autre.
Par pur calcul politique, pour aller chercher des votes dans l'ouest réformiste, il va plutôt sacrifier—et le mot est juste—nos jeunes à une loi inique et punitive, qui ne réhabilite pas et qui garantit aux jeunes de ne pas pouvoir sortir du sentier du crime.
Il faut convenir avec moi que nous sommes dans une situation absolument inacceptable. J'ai du mal à comprendre comment le gouvernement libéral, qui généralement sur ces questions a une meilleure vision des enjeux, ne réalise pas que la loi qu'il nous présente nous mène tout droit vers la catastrophe.
Est-ce qu'on veut créer ici, au Québec et au Canada, un état d'insécurité dans nos rues comme celui que l'on connaît aux États-Unis? Si c'est cela qu'on veut, le gouvernement libéral propose le bon projet de loi. Et si on veut faire pire, on n'a qu'à suivre la formule des réformistes.
Mais si on veut avoir une société sécuritaire avec des jeunes qui ont la possibilité, lorsqu'ils commettent un faux-pas, de pouvoir se réhabiliter, de devenir des citoyens à part entière, de pouvoir réintégrer la société et d'apporter une contribution positive à notre façon d'être et de vivre, à ce moment-là ne changeons pas la loi actuelle. Appliquons-la avec toutes les mesures qui permettent une bonne et saine réhabilitation.
Le Québec est un exemple à suivre en la matière, et personne ne l'a jamais contesté. Ce que je dis actuellement, personne ne l'a jamais contesté. En fait, les témoins qui ont comparu devant le comité lors de la dernière session ont abondamment expliqué ce que je viens de dire dans les quelques minutes qui ont précédé.
J'aimerais présenter certaines citations parce que je pense que c'est important pour toute cette Chambre de comprendre que le projet de loi qui est devant nous va dans la mauvaise direction. Je vais citer un criminologue de l'Université de Montréal, M. André Normandeau. Ce que je vais citer apparaissait dans le journal Le Soleil de Québec, le 13 mars dernier.
Voici ce que disait M. Normandeau: «Les habitants de l'Ouest—et on parle de la Colombie-Britannique et de l'Alberta—réagissent toujours comme il y a 20 ans, alors que la criminalité croissait d'année en année. Ils ont conservé une pensée plus punitive. Changer la loi, c'est une solution trop facile, mais surtout sans effet. La criminalité d'agression, qui représente 10 p. 100 du total, ne réagit aucunement face aux mesures coercitives».
C'est un criminologue qui dit cela. Ce qu'il dit, c'est que la loi, telle qu'elle est présentement, a fonctionné. Si le gouvernement la change dans le sens où il veut la changer, il va dans la mauvaise direction.
Non seulement cela n'aura pas d'effets, mais il obtiendra l'effet contraire. M. Normandeau ajoute de plus: «Le comportement des procureurs des autres provinces, tout comme celui des policiers, va avoir une influence sur ce qui se passe au Québec. Le policier du Québec, par exemple, apprendra vite les façons de faire de son collègue de Saskatoon et va les appliquer. Il lui faudra avoir la même complicité des procureurs de la couronne et, automatiquement, le cercle vicieux va s'enclencher».
J'aimerais aussi parler d'une autre criminologue, Mme Cécile Toutant, membre du sous-comité sur les jeunes contrevenants au Barreau du Québec. Le Barreau du Québec, c'est l'ensemble des avocats du Québec. Elle est donc une personne compétente qui sait de première source ce qui se passe vraiment sur le terrain.
Mme Toutant disait dans une entrevue à l'émission J. E.—une émission de télévision bien connue au Québec, mais probablement inconnue dans le reste du Canada; c'est une des caractéristiques de nos deux cultures et de nos deux pays qui se côtoient et, un jour ou l'autre, on réalisera politiquement ce que de toute façon l'on constate dans les faits—, être inquiète de la réforme parce qu'elle va permettre d'appliquer des automatismes, c'est-à-dire qu'elle va appliquer des renvois automatiques devant les tribunaux pour adultes.
Cette criminologue maintient que malgré la présumée flexibilité du régime, comme le prétende les libéraux, les mesures que l'on réprouve vont être appliquées. Et elle conclut en disant: «Pourquoi permettre ce qui est injustifié. Pourquoi permettre ce qui est inapproprié? En fait, pourquoi avoir cette loi?»
Me Jean Trépanier, un autre criminologue, membre du sous-comité sur les jeunes contrevenants du Barreau du Québec, lui aussi, le 19 mars dernier, lors d'une conférence de presse du regroupement des organismes qui s'intéressent à la situation des jeunes contrevenants, dénonçait cette fausse flexibilité du projet de loi C-3.
En fait, selon lui, cette prétendue flexibilité dont il a été question avant le dépôt du projet de loi est en réalité un leurre politique. Les juges du Québec, malheureusement, devront appliquer la loi avec toute sa rigueur, compte tenu qu'ils ne pourront pas faire abstraction des peines qui seront imposées dans d'autres provinces.
Bref, à cause de votre loi, mesdames et messieurs du gouvernement libéral, les jeunes du Québec ne seront pas traités équitablement, n'auront plus la possibilité d'être réhabilités, et la sécurité de l'ensemble de la société sera diminuée. Parce que voyez-vous, les jeunes contrevenants qui ne sont pas réhabilités deviennent des adultes criminels. Et ça, il ne faut pas l'oublier. Ils ne disparaissent pas, parce qu'on les met en prison; ils vont ressortir un jour ou l'autre avec la vengeance au coeur.
La prévention, évidemment, est bonne, mais lorsqu'un jeune a commis une offense, la réhabilitation devient indispensable pour assurer la sécurité à long terme de l'ensemble de la population et s'assurer qu'on a un citoyen qui collabore aux objectifs sociaux plutôt que d'avoir quelqu'un qui va être un abonné à vie de nos prisons.
J'aimerais aussi vous parler d'un porte-parole de l'Association des centres jeunesse du Québec, M. André Payette, qui disait, dans une phrase très courte mais qui veut tout dire, et je le cite: «Ce sera un vrai bordel si le projet de loi est adopté.»
Est-ce que cela peut être plus clair? Ce projet de loi va dans le sens contraire de ce qu'il faut faire. Je rappelle que mon collègue du Parti réformiste disait plus tôt: «Le projet de loi ne va pas assez loin.» La loi va dans la mauvaise direction, et c'est déjà trop loin.
Laissez-moi également vous citer une cour que tout le monde connaît bien ici, notre suprême cour du Canada. Dans une récente décision, la Cour a conclu unanimement que «le Canada incarcère trop de contrevenants», entre autres, particulièrement chez les autochtones, et ce n'est pas au Québec, c'est dans les provinces du centre et de l'ouest. La Cour suprême disait que les juges devraient participer davantage à la réduction du taux d'incarcération, parce que celui-ci, au Canada, est l'un des plus élevés en Occident.
On n'a pas besoin d'être forts en arithmétique. On veut diminuer la limite d'âge à 14 ans. Vous avez déjà eu 14 ans, madame la Présidente, pensez-y un instant; se retrouver derrière des barreaux, ça ne fait pas un peu débile pour le système? On est des législateurs, on devrait avoir le gros bon sens de comprendre qu'à 14 ans, il y a d'autres choses à faire avec un enfant pour l'éduquer que de le mettre derrière des barreaux. On n'est plus au Moyen Âge. Que les députés du Parti réformiste tiennent ce discours, ça ne surprend pas. Ils ont ce genre de mentalité un peu rétrograde, vous me permettrez de le dire.
Mais que les députés du Parti libéral tiennent ce discours, je m'excuse, je ne comprends pas. Il y a quelqu'un quelque part qui est endormi. Ils devraient être en mesure de se lever et de dire: «Non, un instant, c'est vrai, on va dans la mauvaise direction, toutes les statistiques l'indiquent.»
Effectivement, la Cour suprême dit qu'il y a trop de monde déjà dans les prisons. En voulant enfermer ceux qui ont 14 ans, je pense qu'on va avoir encore plus de monde dans les prisons et on va avoir plus de monde pour longtemps. Parce que lorsque le jeune va en sortir à 16 ou 17 ans, il aura été à l'université du crime plutôt que d'avoir été au cégep. Le cégep a peut-être ses défauts, mais je dois vous dire franchement, choisir entre l'université du crime et le cégep, je choisis le cégep n'importe quand.
S'il faut choisir entre aider un jeune à retrouver le droit chemin et s'assurer qu'il aura tous les enseignements nécessaires pour rester dans le mauvais chemin, il me semble que le gros bon sens dit: «Investissons dans la réhabilitation».
Ce jeune qui s'en va en prison à 14 ans et qui en sortira à 17, y retournera à 18 et éventuellement, il se retrouvera au pénitencier. Et le pénitencier, cela nous coûte 100 000 $ par année. Une travailleuse sociale qui va s'occuper d'un jeune pendant deux ou trois ans, tout en s'occupant aussi d'autres jeunes, ou un travailleur social qui va s'occuper d'adolescents pendant une certaine période de temps, vont nous coûter bien moins cher, avec leurs salaires complets. Ils vont épargner de l'argent pour la société. Le gros bon sens, c'est simple: investissons dans la réhabilitation. Pour chaque dollar qu'on va investir dans la réhabilitation, c'est probablement 10 $ qu'on va sauver dans nos prisons.
C'est votre argent, c'est le mien et c'est surtout nos jeunes. Servons-nous de notre jugement. Ce qui se passe actuellement avec ce projet de loi est à l'envers du gros bon sens. C'est à l'envers même de la décence humaine. C'est à l'envers de l'histoire de l'humanité qui voit, en principe, à améliorer la manière dont on se traite entre humains. La meilleure façon de commencer à se traiter entre humains, c'est d'abord de respecter nos enfants.
Si le Canada et le Parlement canadien ne sont pas capables de respecter nos enfants, cela me donnera une raison de plus pour me presser à séparer mon Québec d'un pays qui n'a pas de respect pour ses enfants.
[Traduction]
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec grand intérêt les propos du député de Portneuf. C'est un bloquiste que je respecte énormément malgré sa tendance séparatiste. Il a déjà visité ma circonscription. Je l'avais invité, disant, en blaguant à peine, qu'il devait voir la meilleure partie du pays avant d'y renoncer.
Il existe pour les jeunes dans ma circonscription un programme de déjudiciarisation qui a donné d'excellents résultats. La dernière fois que j'ai parlé aux responsables, j'ai appris que plus de 100 jeunes avaient été réorientés grâce à ce programme et qu'un seul cas de récidive avait été relevé.
Il semble régner beaucoup de confusion autour de ce que le Parti réformiste souhaite pour les jeunes contrevenants. Toute notre approche se fonde sur trois volets. Le premier est l'intervention précoce. Je crois que c'est le genre de mesure que le député approuve. L'intervention précoce agit très tôt et prévient peut-être la criminalité en empêchant un jeune de se tourner directement vers le crime ou vers un comportement antisocial le menant au crime. Cette démarche aide les jeunes et veille à ce qu'ils reçoivent le genre d'aide et d'encadrement approprié.
Le deuxième volet est le programme de déjudiciarisation dont j'ai parlé plus tôt, et que les députés appuient aussi j'en suis convaincu.
Il y a enfin le troisième volet auquel on associe souvent le Parti réformiste. Il s'agit d'un contrôle plus sévère. Nous croyons que des mesures plus rigoureuses conviennent à certains jeunes contrevenants, ceux qu'on ne peut atteindre par l'intervention précoce, la déjudiciarisation ou tout autre moyen, ceux qui commettent à répétition des infractions violentes ou antisociales. Pour protéger la société et les autres jeunes, victimes privilégiées des jeunes contrevenants, nous préconisons des mesures plus sévères à l'encontre de ceux qui commettent des voies de fait, des viols, des effractions et qui s'attaquent aux personnes âgées.
Le député serait-il prêt à appuyer une telle approche en trois volets, soit l'intervention précoce, la déjudiciarisation, qui évite le tribunal et accorde une deuxième chance, et les mesures plus sévères pour ceux qui ne peuvent profiter des deux premiers volets et qui continuent d'enfreindre les règles de la société? N'est-il pas d'avis qu'il faut des mesures plus sévères pour la pire des canailles?
[Français]
M. Pierre de Savoye: Madame la Présidente, je suis heureux de la question de mon collègue.
Effectivement, j'ai eu l'occasion de visiter son comté, je crois que c'était en 1994. Réciproquement, il est venu visiter le mien. Cela a été un échange très profitable et j'ai beaucoup de respect et d'estime pour ce député du Parti réformiste qui, comme plusieurs autres de ses collègues, fait preuve de davantage d'ouverture d'esprit.
Cependant, sur la question particulière qu'il me pose, je lui ferai remarquer que si son argumentation semble cohérente, en réalité, le projet de loi va en détruire les fondements mêmes. D'abord, le projet de loi met de l'emphase justement sur cette troisième mesure qui sert à réprouver les cas difficiles. Forcément, il met moins d'emphase sur les première et deuxième mesures.
Or, si on met moins d'emphase sur les première et deuxième mesures, c'est-à-dire sur la prise en charge de jeunes qui ont commis de petits délits, si on met moins d'efforts là-dessus, ces jeunes vont continuer à s'enfoncer, parce qu'on ne les aide pas suffisamment. Ils se retrouveront dans la troisième mesure, c'est-à-dire qu'ils deviendront des cas difficiles. Le projet de loi va simplement faire en sorte qu'on aura davantage de cas difficiles.
Donc, si on suit ce raisonnement, il faudrait conserver la loi actuelle pour que toute l'emphase soit mise sur les deux premières mesures, afin qu'on ait un minimum d'individus qui se rendent à la troisième mesure.
Et que faire maintenant pour ceux-ci? La dernière chose qu'on veut faire—et je suis certain que mon collègue de Kootenay—Boundary—Okanagan est d'accord avec ceci—c'est de faire en sorte que ces cas difficiles ne soient pas réhabilités. Parce que s'ils ne sont pas réhabilités, ils vont revenir dans la rue et la pseudosécurité qu'on aura gagnée pendant les deux, trois ou quatre années où ils auront été incarcérés, elle nous explosera au nez lorsqu'ils ressortiront un bon matin, pas réhabilités mais vraiment endurcis.
Par conséquent, plus les cas sont difficiles, plus on se doit d'investir pour les réhabiliter. C'est la seule façon, non seulement de sauver la sécurité de notre milieu, non seulement de sauver de l'argent, mais de sauver le jeune lui-même.
L'argumentation de mon collègue de Kootenay—Boundary—Okanagan est exactement à l'inverse des objectifs louables qu'il veut poursuivre. C'est ce qu'il doit réaliser. On a, au Québec, fait la démonstration de la bonne façon d'appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants, telle qu'elle existe présentement.
Je l'invite à revenir dans mon comté, et je pourrai lui montrer de visu comment cela fonctionne bien. Peut-être qu'ensuite, il pourra rappeler aux gens de chez lui que si on veut que les deux premières mesures fonctionnent bien, il faut investir davantage, de façon à ce que la troisième mesure ne devienne qu'un cas d'exception et, à ce moment-là, s'assurer que pour ces cas d'exception, on a vraiment des résultats probants, de manière à ce que la sécurité du public soit assurée et à ce que ces jeunes deviennent des citoyens à part entière.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame la Présidente, aujourd'hui, j'ai entendu toutes sortes de choses à la Chambre.
J'ai entendu des gens dire qu'il fallait presque tuer quelqu'un pour pouvoir mieux le réhabiliter. J'ai entendu des gens dire: «Il faut que ces jeunes soient emprisonnés si on veut qu'ils reviennent dans la société, mais on n'est pas assurés qu'ils seront réhabilités s'ils vont en prison.»
J'ai aussi entendu des gens comme le député de Berthier—Montcalm, le député de Portneuf qui nous ont bien démontré ce qu'il faut faire pour nos jeunes, pour les jeunes contrevenants, les jeunes de la société. Il faut mettre de l'emphase sur la réhabilitation si on veut leur permettre d'avoir une vie meilleure. Nous sommes des législateurs et nous voulons—je pense que c'est ce que tout le monde veut ici à la Chambre—améliorer la société. Je ne pense pas qu'avec un projet de loi de cette nature, on va améliorer notre société.
J'ai assisté à l'ouverture des tribunaux dans ma région et j'ai parlé à la juge en chef du Québec. Elle m'a dit: «Il va falloir que les autres partis de la Chambre s'aperçoivent, étudient, regardent la loi du Québec. Qu'ils s'assoient avec nous pour la regarder et, s'il le faut, l'améliorer.» Mais je pense qu'on a un dialogue de sourds.
J'espère que les députés réformistes vont s'asseoir et demander au député de Berthier—Montcalm de leur expliquer la Loi du Québec sur les jeunes contrevenants.
Puisque la ministre de la Justice est une femme, que les femmes voient parfois les choses différemment d'un homme et que ce sont elles qui portent les enfants, il est important de leur donner le maximum dans la vie, le maximum pour une vie meilleure. Je ne pense pas qu'un tel projet de loi va les aider. Je demande à tous les parlementaires ici présents de bien réfléchir à ce qui passe relativement à ce projet de loi et d'être conscients qu'on prépare un projet de loi pour l'avenir. Ce sont les jeunes d'aujourd'hui qui seront nos citoyens de demain et on ne peut pas hypothéquer leur avenir.
M. Pierre de Savoye: Madame la Présidente, ma collègue a très bien parlé. C'est difficile d'ajouter à ses propos. On me permettra quand même de dire tout simplement que ce projet de loi est bien différent d'un grand nombre de projets de lois que l'on traite dans cette Chambre.
Lorsqu'on parle d'un traité avec les autochtones, c'est important. Lorsqu'on traite de questions juridiques, c'est important. Lorsqu'on parle de traités internationaux, c'est important. Mais aujourd'hui, ce dont on traite, c'est ce qu'il y a de plus important, soit nos enfants. J'en appelle au bon jugement de tous les députés de cette Chambre, surtout ceux du parti gouvernemental et davantage ceux du Québec, pour ramener à la raison le gouvernement libéral et faire en sorte qu'il abandonne ce projet de loi qui va à l'encontre même des intérêts de nos enfants.
[Traduction]
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Madame la Présidente, cette journée passée à écouter les différents points de vue sur ce projet de loi a été très intéressante. Je ne pense pas me tromper en disant que nous sommes tous très heureux d'avoir enfin devant nous cette mesure législative. On avait en général au Canada le sentiment que la Loi sur les jeunes contrevenants laissait à désirer. Je pense que tous les députés ou presque à la Chambre des communes attendaient ce débat depuis longtemps. J'espère que nous pourrons aujourd'hui faire avancer les choses rapidement et renvoyer ce projet de loi à un comité où nous pourrons examiner certains problèmes soulevés aujourd'hui par plusieurs députés.
En résumé, mon parti estime que ce projet de loi est un grand pas en avant, et j'expliquerai pourquoi je dis cela dans un instant. Cependant, nous avons aussi certaines préoccupations. Je pense que ces préoccupations sont tout à fait légitimes et je vais les exposer très clairement parce que je crains que le public ne pense à tort que l'opposition s'oppose aux mesures prises par le gouvernement rien que pour le plaisir de s'y opposer et qu'elle est contre tout ce que fait le gouvernement.
Or, j'accorde à mes amis libéraux à la Chambre qu'il arrive en de rares occasions qu'ils proposent de bonnes choses, ainsi la mesure législative que nous examinons aujourd'hui.
Le projet de loi C-3 s'intitule Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents . Nous commençons à partir d'une approche entièrement nouvelle, la justice pour les adolescents. Je veux prendre quelques instants au début de mon intervention pour lire le préambule du projet de loi lui-même, car il me semble résumer ce que nous tâchons de faire aujourd'hui. Le titre du projet de loi C-3 dit qu'il s'agit d'une «Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence».
Voici ce que dit le préambule:
Attendu que: la société doit se protéger contre la délinquance juvénile par un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, favorise la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale, limite la prise des mesures les plus sévères aux crimes les plus graves et diminue le recours à l'incarcération des adolescents non violents;
que la meilleure façon d'atteindre ces objectifs est de substituer à la Loi sur les jeunes contrevenants un nouveau cadre juridique pour le système de justice pénale pour les adolescents;
que la société se doit de répondre aux besoins des adolescents, de les aider dans leur développement et de leur offrir soutien et conseil jusqu'à l'âge adulte;
qu'il convient que les collectivités, les familles, les parents et les autres personnes qui s'intéressent au développement des adolescents s'efforcent, par la prise de mesures multidisciplinaires, de prévenir la délinquance juvénile en s'attaquant à ses causes, de répondre à leurs besoins et d'offrir soutien et conseil à ceux d'entre eux qui risquent de commettre des actes délictueux;
que le Canada est partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et que les adolescents ont des droits et libertés, en particulier ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits, et qu'ils bénéficient en conséquence de mesures spéciales de protection à cet égard,
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte:
Voilà de quoi retourne tout le projet de loi.
En prévision de ce débat et du travail qui nous attend au cours des prochaines semaines, j'ai consulté un groupe de résidents de ma circonscription. Je me suis rendu dans les prisons et j'ai parlé avec les jeunes gens qui ont été incarcérés. Ça a été une expérience intéressante parce que je n'ai pas passé beaucoup de temps dans ces établissements. Je me suis entretenu avec des jeunes en maison de transition et, de façon générale, aux jeunes qui sont détenus d'une manière ou d'une autre. J'ai rencontré des jeunes placés dans divers centres de traitement pour toxicomanes, etc.
J'ai parlé à des jeunes contrevenants actifs, dans les rues de Kamloops. J'ai rencontré des agents de police, des représentants de la commission des libérations conditionnelles, des agents de probation, des juges, des avocats, des avocats du système de justice pénale, des préposés au service correctionnel et d'autres personnes qui ont côtoyé des jeunes contrevenants. Je leur ai demandé à tous pour quelle raison, selon eux, certains jeunes gens deviennent des jeunes contrevenants, car c'est l'exception. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que, si nous parlions aux jeunes partout au pays, nous constaterions que la plupart d'entre eux ne sont pas des jeunes contrevenants. Ils sont, au contraire, des jeunes gens travailleurs, honnêtes, créatifs, dynamiques, enthousiastes et optimistes, doués en sciences, en arts, en sport, etc. C'est vraiment extraordinaire. Toutefois, il y a quelques jeunes gens qui ont des démêlés avec la loi.
J'ai demandé à tous ces gens s'il y avait des constantes, des raisons pour lesquelles ces jeunes s'attirent des problèmes. Presque tous ont plus ou moins dit deux choses. D'abord, ils ont fait remarquer que ces jeunes avaient été pris. Beaucoup de jeunes font des choses inhabituelles qui frôlent l'illégalité, mais ne se font pas prendre. Si cela se produit, ils s'en sortent pour une raison ou une autre. Ils sont pris mais ne sont pas déclarés coupables. Ceux qui sont en prison ont été pris. Ce point n'est pas très important.
Deuxièmement, presque tout le monde a convenu qu'une des causes fondamentales de la présence de jeunes contrevenants dans notre société est la pauvreté. À un moment donné dans leur vie, leurs parents, leurs tuteurs ou eux-mêmes ont vécu une forme de grande pauvreté. Ils n'ont pas eu ce que la plupart des autres jeunes demandaient et obtenaient. Ils n'ont pas reçu de leurs parents le soutien, l'exemple, l'encouragement ou les conseils. Privés de tout cela, ils ont dû se débrouiller tout seuls.
Ceux d'entre nous qui avons élevé des enfants ou qui connaissons bien les enfants savons à quel point il est difficile de grandir. Les enfants subissent beaucoup de pression, notamment de la part de leurs camarades. S'ils n'ont personne pour les guider, pour prendre soin d'eux, pour les nourrir ou les prendre par la main, il ne faut pas s'étonner qu'ils tournent mal. Qu'on me comprenne bien, je ne dis pas qu'un enfant pauvre tourne mal. De toute évidence, il n'y a aucune corrélation là. La corrélation, c'est que, quand on examine le passé des jeunes contrevenants, on se rend compte que la famille a souffert de pauvreté à un moment donné. C'est un facteur crucial.
Bon nombre d'entre nous étions à la Chambre en novembre 1989, quand Ed Broadbent a proposé une motion, que j'ai appuyée, selon laquelle nous allions faire le nécessaire pour éliminer la pauvreté au Canada dans les dix années suivantes. C'était un objectif très louable. De nombreux députés d'en face étaient à la Chambre et s'en souviennent. D'abord, nous avons établi l'objectif qui consistait à éliminer la pauvreté chez les enfants au Canada dans un délai de dix ans. Nous n'avons pas si bien réussi. En tant que pays, s'il y a un objectif que nous devons avoir honte de ne pas avoir atteint, c'est bien celui-là. En fait, les statisticiens nous ont dit que, depuis 10 ans, le nombre d'enfants pauvres a augmenté de 50 p. 100. La situation s'est détériorée pour bien des jeunes.
Il faut bien comprendre que s'il y a des jeunes qui sont pauvres, c'est parce que leurs parents vivent dans la pauvreté. Il n'y a pas d'enfants pauvres qui vivent dans des foyers bien nantis. Du fait de cette pauvreté, les enfants sont souvent mal logés et mal soutenus. Alors que nous étudions cette nouvelle version de la Loi sur les jeunes contrevenants et que nous sommes déterminés à aider les jeunes, particulièrement ceux qui sont à risque, force est de reconnaître notre impuissance à le faire uniquement avec ce projet de loi. Nous devrons adopter d'autres mesures à cette fin, par exemple réduire la pauvreté dans notre pays, notamment celle qui frappe les enfants.
Certains Canadiens pensent que la pauvreté chez les enfants est une réalité inéluctable, qu'il y aura toujours 5 p. 100 de pauvre, que le monde est ainsi fait. Ce n'est pourtant pas là une vérité universelle. Il existe des pays où il n'y a pas d'enfants pauvres. Il n'y a pas d'enfants pauvres, parce qu'il n'y a pas de parents qui vivent dans la pauvreté. Ce genre de pays existe. Il est possible d'enrayer la pauvreté, et ce serait un objectif très louable à atteindre pour le prochain millénaire. Nous devrions éliminer la pauvreté dans notre pays.
À cause de toutes sortes de statistiques et d'images douteuses, beaucoup de gens ne se sentent plus en sécurité dans la société d'aujourd'hui, particulièrement les personnes âgées qui regardent les nouvelles à la télévision. Tous les jeunes qui ont mal tourné font la une, ce qui nous donne l'impression que nous vivons parmi des milliers de tueurs et de violeurs. En fait, c'est tout le contraire. En général, les crimes avec violence sont à la baisse dans notre pays. Cependant, à cause de la communication instantanée et du fait que les gens qui regardent la télévision ne sont pas certains si les jeunes qu'ils voient viennent du Canada, des États-Unis ou d'ailleurs, nous avons l'impression de vivre dans une société de plus en plus violente. Les gens ne se sentent pas en sécurité chez eux. Bien sûr, il y a des cas où ces craintes peuvent être justifiées et des crimes horribles ont été commis à certains endroits, mais nous ne devons pas oublier que ce sont des incidents isolés.
J'ai écouté attentivement les propos de mon collègue qui représente une circonscription non loin de la mienne. Il a parlé des programmes d'intervention qui ont connu du succès dans sa circonscription. Je pourrais nommer des programmes qui ont été très efficaces dans la région de Kamloops pour ce qui est d'éloigner les jeunes de la criminalité grâce à toutes sortes de pratiques en matière de libération conditionnelle qui font que les gens ne récidivent pas.
Mon ami a parlé de son expérience à Trail et à Castlegar, en Colombie-Britannique, où les programmes d'intervention ont connu beaucoup de succès. Je suis heureux d'entendre cela.
Nous devons donner l'impression que nous parlons d'un très petit nombre de jeunes qui commettent des infractions. La plupart d'entre eux, s'ils sont traités de façon adéquate dans le système de justice, ne récidivent pas. Ils apprennent leur leçon et ne se livrent plus à ce genre d'activité, que ce soit voler une voiture ou s'introduire par effraction dans une maison pour voler une magnétoscope ou quoi que ce soit d'autre.
Nous sommes tous d'avis qu'il y a des jeunes, très peu il faut le dire, qu'il convient d'isoler afin de protéger la société contre leurs agissements. Parmi ces jeunes il y en a qui sont impliqués dans des affaires de meurtre, d'homicide involontaire, de viol, de pillage, etc. Force nous est d'admettre qu'il a des esprits vraiment troublés et qu'il faut protéger la société contre eux. Ce sont ces gens-là que nous voulons voir en prison.
Il y a dans nos prisons bien des gens contre lesquels nous n'avons pas à nous protéger. Si quelqu'un émet un chèque sans provision à de nonbreuses reprises, devons-nous vraiment l'enfermer dans une cage? Je ne le crois pas.
Nos collègues québécois ont signalé le succès qu'ils ont obtenu dans le dossier des jeunes délinquants de leur province. Comparé aux autres provinces et territoires, le Québec a probablement le plus faible taux de récidive chez les jeunes et il faut le reconnaître.
Le Québec a réalisé des avancées considérables en matière de justice pour les autochtones, notamment les jeunes.
Je me suis rendu il y a quelque temps à la réserve Navajo, aux États-Unis. Il y a là un système de justice pénale pour les adolescents depuis quelque temps déjà et je voulais voir pourquoi il était si efficace. J'ai passé quatre ou cinq jours dans la réserve Navajo en compagnie de plusieurs avocats et juges et j'ai assisté à un certain nombre d'audiences.
Laissez-moi vous expliquer le fonctionnement de ce système. C'était une petite merveille. Un jour, le petit Johnny subtilise le magnétoscope d'un voisin sur la réserve navaho. Il en est accusé et le jour de son instruction judiciaire est fixé. Comme je ne suis pas juriste, je ne connais pas la terminologie appropriée, mais le jour de l'audience, le petit Johnny est venu accompagné de toute sa parenté, oncles, tantes, grands-parents, frères et soeurs. Ils remplissaient le tribunal. La famille était au grand complet.
Ces gens n'étaient pas de joyeux lurons, loin de là; ils avaient tous des obligations professionnelles ou autres, mais ils avaient tous pris la peine de se libérer pour assister au procès du petit Johnny qui avait volé le magnétoscope du voisin.
Le vieux juge se lève et lui pose la question suivante: «Johnny, comment plaides-tu?» Le gamin marmonne quelque chose d'inaudible. Le juge l'enjoint de parler plus fort pour que la cour puisse l'entendre. «Non coupable, monsieur le juge.» «D'accord», fait le juge.
Il fallait le voir pour le croire, madame la Présidente. Vous auriez dû voir cela. Le magistrat demande ensuite au gamin de lui dire qui est la vieille dame assise à ses côtés. Après avoir encore une fois marmonné, l'enfant répond qu'il s'agit de sa grand-mère.
Le juge lui demande alors s'il sait ce que pense sa grand-mère de son méfait. Le gamin répond du bout des lèvres. «Plus fort», dit le juge. Johnny: «Elle n'est sans doute pas très fière de moi.» Le juge: «Mais encore?» Johnny: «Elle a sans doute honte de moi.» Etc., etc.
Le juge s'est ensuite adressé à la mère, au père, aux cousins et aux frères et soeurs. Tous avaient honte des activités du jeune. Ils désapprouvaient ses gestes et ils étaient désolés et gênés de ce que leur fils, cousin ou frère ait agi de cette manière.
Une fois que le juge eut fait le tour de la famille élargie, le jeune n'en menait pas large. Il était complètement démoli, avait l'impression d'être un parfait idiot et se demandait pourquoi il avait fait ce qu'il avait fait. Il a évidemment été reconnu coupable.
Quelle a été sa peine? Du travail communautaire. Pendant six mois, chaque jour après l'école, il a dû prendre un sac de plastique et ramasser tous les papiers qui traînaient dans la réserve jusqu'à en remplir le sac, puis aller porter le sac à la porte du juge avant de rentrer chez lui.
Au centre de la réserve Navaho, il y a une place où les gens du pueblo se tiennent. Tous les samedis, le garçon devait rester assis à l'écart, sur une chaise, du lever au coucher du soleil. Personne ne pouvait lui parler. Tout le monde allait ainsi savoir que le petit Johnny était à surveiller parce qu'il volait ses voisins et ses amis. Tout le monde a compris qui il était. Il a dû faire cela pendant un certain temps.
Une voix: Que serait-il arrivé s'il avait volé deux magnétoscopes?
M. Nelson Riis: Mon collègue demande ce qu'il serait arrivé s'il avait volé deux magnétoscopes. Je n'en ai pas la moindre idée, mais il reste que la peine était intéressante. Il s'y ajoutait deux ou trois autres choses que j'ai oubliées.
Le fin mot de l'histoire, c'est que le juge a dit que le petit Johnny ne reviendrait jamais dans son tribunal. Pourquoi? Parce qu'il s'est rendu compte de l'incidence de son mauvais comportement sur sa famille, sa collectivité et ses amis et aussi que ce n'est pas la façon de se conduire dans une société convenable.
Je pense qu'il ne réfléchissait pas au moment où il a posé son geste. Il ne faut pas se le cacher, nous sommes tous passés par là. Dans notre vie, nous avons tous posé des gestes qui nous ont conduits à nous sentir un peu ridicules parce que nous n'avons pas réfléchi avant d'agir. Lorsque vous y pensez d'avance, vous ne le faites pas. Le juge a dit qu'il avait la certitude que le jeune Johnny ne reviendrait jamais devant le tribunal parce qu'il avait appris une leçon.
On ne peut agir de la sorte avec tout le monde. Toutefois, lorsqu'il est question de jeunes contrevenants dans le cadre du système de justice autochtone, c'est là le genre de peine et de démarche à adopter. Le système a d'ailleurs fait la preuve qu'il peut être très efficace dans certaines circonstances.
Je constate à la lecture de la mesure législative que c'est là le genre de projet de loi dont il est question. Il aborde les divers types de peines. Au lieu de se contenter de prévoir une peine d'emprisonnement de 40 jours ou de 40 ans ou de quelque durée que ce soit pour le coupable, il accorde un pouvoir discrétionnaire aux juges. Il ne faut pas se le cacher. Chaque cas est différent. Chaque adolescent qui commet un crime, qui se fait prendre et qui se retrouve devant le tribunal est différent. Chaque personne victimisée est différente. Les circonstances sont différentes.
C'est pourquoi je m'oppose fermement aux propos de mes collègues du Parti réformiste qui laissent entendre que nous ne devrions pas accorder ce genre de pouvoir discrétionnaire aux juges. Pourtant, c'est là la raison pour laquelle nous avons des juges. Ils sont, faut-il l'espérer, très intelligents, ils connaissent le droit, ils comprennent le système juridique et la société et ils sont en mesure de recourir à une forme de justice appropriée dans leur jugement. C'est la raison pour laquelle ils sont là. C'est pourquoi nous les désignons. Sinon, il ne serait pas nécessaire d'avoir des juges s'il n'y avait que des lois d'application stricte.
Mes collègues du Nouveau Parti démocratique et moi sommes préoccupés par une chose. Si nous sommes pour nous donner tous ces systèmes créatifs visant à réadapter des adolescents qui ont erré ou pour chercher à ce que des gens soient réinsérés dans la société, du moins ceux qui peuvent l'être selon le juge, il nous faut les ressources financières nécessaires. Il nous faut avoir les fonds voulus pour le système de libération conditionnelle, les groupes d'action communautaires et les organismes communautaires pour que ces adolescents puissent être réadaptés par l'application des peines imposées par les juges.
Il y a une faiblesse majeure dans ce projet de loi. Je me trompe peut-être, mais, à ma connaissance, il n'y aura que 260 millions de dollars sur trois ans. C'est une goutte d'eau dans l'océan. Cela ne réglera pas le problème. On peut y aller des plus beaux discours, des meilleures idées et des plans les plus astucieux dans ce projet de loi, mais à moins que l'on accorde suffisamment de ressources financières pour soutenir le système, tout cela ne servira à rien. C'est pourquoi, à mon corps défendant, je dois dire que nous nous opposons à ce projet de loi dans son libellé actuel.
Nous sommes d'accord sur la théorie. Nous sommes d'accord sur l'objet du projet de loi. C'est un important pas en avant, mais nous ne pouvons pas menotter les juges, nos commissions des libérations conditionnelles et les groupes communautaires qui veulent aider les jeunes. Devront-ils dire qu'ils s'excusent, mais qu'il n'y a pas d'argent pour eux?
C'est comme ce que nous avons entendu l'autre jour au sujet de la GRC en Colombie-Britannique. Le porte-parole de la GRC a dit: «Je sais que ces gens-là ont enfreint la loi et qu'ils ont commis de la fraude, mais nous n'avons pas d'argent pour enquêter là-dessus.» Autrement dit, nous ne pouvons pas faire respecter nos lois.
De toute évidence, il y a un certain nombre d'autres points que nous voudrions souligner à titre de problèmes. Mon collègue, qui a parlé plus tôt, l'a certainement fait avec éloquence.
C'est à regret que nous nous opposons à ce projet de loi, et nous espérons qu'au cours de l'étude en comité, nous parviendrons à le modifier et, plus particulièrement, à obtenir que la ministre de la Justice s'engage à financer suffisamment le système.
[Français]
M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement mon collègue, et il m'a sensibilisé quand il a dit: «Il faut parler de pauvreté.»
J'ai personnellement connu beaucoup de délinquants et de délinquantes, et je me suis posé la question: «Comment se fait-il qu'un jeune de 12, 13 ou 14 ans devienne un délinquant? Il ne naît pas délinquant.»
J'ai une réponse, et je voudrais que tout le monde l'écoute. Bien sûr, si on devient délinquant, c'est qu'il y a un ou plusieurs problèmes. Le grand problème, c'est qu'on a été mal aimé ou pas aimé du tout. Cela ne dépend pas du jeune; cela dépend si son entourage lui a donné l'essentiel, qui est l'amour.
Quand on vit dans la haine et dans la violence, à ce moment-là, il n'y a pas tellement de questions à se poser: on va devenir délinquant. Mais va-t-on régler le problème par une loi? Pas du tout.
Il faut prendre ce jeune et lui présenter quelqu'un qui va l'aimer. Ce sera peut-être un travailleur de rue, un travailleur social ou un ami. Quand je dis un ami, ce n'est pas forcément un autre jeune, il peut s'agir d'un professeur ami qui le prend en charge.
Je vais vous donner un exemple. En France, un dénommé Guy Gilbert prend certains délinquants et les amène sur une ferme. Dans cette ferme, il y a beaucoup d'animaux: des chevreuils, des vaches, des cochons, des poules et ainsi de suite. Le délinquant choisit un animal, et cet animal est à lui. Ce jeune, qui a parfois la rage au coeur, va peut-être tenter de maltraiter l'animal, mais on lui dit: «Écoute, ça ne se fait pas».
On va prendre des moyens assez sérieux pour lui faire comprendre qu'on ne fait pas cela à un animal.
S'il comprend cela, comment pourra-t-il plus tard faire cela à une vieille personne pour une somme de cinquante dollars? Il comprendra. Et très peu de personnes reviennent ou retournent en prison, parce qu'ils comprennent que s'ils ne maltraitent pas un animal, il ne peuvent certainement pas maltraiter une personne.
Il faudrait aller dans le sens de la prévention. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait mettre de l'argent, particulièrement dans les écoles primaires. Même au primaire, chez des enfants de six, sept ou huit ans, on en voit qui sont durs pour les autres, très durs, presque brutaux.
J'espère que mon collègue va me répondre dans la perspective de mettre l'accent sur la prévention et non sur une loi qui sera plus draconienne.
[Traduction]
M. Nelson Riis: Madame la Présidente, je ne sais pas si je peux ajouter grand-chose à ce que mon collègue vient de dire. Il a relevé ce qu'il considère être une cause fondamentale de la mauvaise conduite. Je dois être d'accord avec lui là-dessus.
Je pourrais peut-être ajouter un autre point. Je crois que c'est ce que le député nous demandait de faire, réfléchir à cela. Je suis un parent. Je vais simplement prétendre que mon collègue de Regina—Lumsden—Lake Centre est mon enfant.
M. John Solomon: Il devra utiliser beaucoup d'imagination.
M. Nelson Riis: C'est tout un saut. Lorsque leur enfant se comporte mal, beaucoup de parents le frappent ainsi. Pensons-y un peu.
Cet enfant m'admire en tant que parent et régulièrement, je frappe cet enfant sur la tête ou lui donne des claques, ce que les parents font généralement pour punir leurs enfants. Si l'enfant croit que je l'aime et que je le frappe, lui donne une fessée ou lui donne un petit coup de pied au derrière, quel symbole cela représente-t-il pour ce jeune enfant? La personne qui l'aime le frappe. Je prétends que c'est la façon dont la violence commence bien souvent.
La réalité, c'est que si les enfants voient les gens qui sont censés les aimer les frapper sans cesse jour après jour, mois après mois, année après année, et leur dire ensuite qu'ils ne devraient pas frapper d'autres enfants, ce sont là des paroles plutôt creuses et hypocrites. Plutôt que de frapper les gens, il faut les réconforter.
Madame la Présidente, je pense que j'ai présenté mon point de vue et je voudrais remercier mon collègue de son intervention.
M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je dois rappeler au député qu'il existe, à la Chambre, une règle interdisant le recours aux accessoires.
Je crois que le débat avance bien. Le député a fait ressortir divers points sous-jacents à ce projet de loi, mais je crois personnellement que la partie importante de cette mesure législative est l'accès amélioré à ce que j'appellerais les mesures destinées aux adultes.
Comme l'ont fait d'autres députés avant lui, le député a parlé de la nécessité d'intervenir, du programme de déjudiciarisation, de mesures de substitution et de sanctions pour les jeunes contrevenants. L'expérience des 15 dernières années dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants nous a montré que, dans bon nombre de provinces, mais pas toutes, les Canadiens ont demandé un accès accru à de nouveaux outils et à des mesures plus strictes conçues pour les adultes dans certains cas. Ce projet de loi représente un réajustement important par rapport à l'état actuel des choses. Il donne accès à ces mesures même si, dans certaines provinces et pas seulement au Québec, la loi actuelle a donné de bons résultats.
Le député est-il d'accord avec ce principe? Il se pourrait que, faute de temps, il ne puisse pas répondre, mais je vais laisser la question sur la table. Le député a-t-il décidé de ne pas être d'accord, en théorie ou autrement, avec l'orientation du projet de loi qui donne, aux tribunaux qui en avaient besoin ou aux juges qui disaient en avoir besoin, accès à des mesures destinées aux adultes, potentiellement plus rigoureuses et plus strictes?
M. Nelson Riis: Madame la Présidente, j'apprécie l'intervention de mon collègue, une intervention bien réfléchie comme d'habitude. Je dois admettre que je n'ai pas écouté sa question. Je suis sûr que c'était une bonne question, mais je crains que ma réponse ne semble un peu stupide. Je dirai que oui est probablement la réponse adéquate, connaissant le genre de questions qu'il pose habituellement.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais faire une remarque et poser une question au député de Kamloops. J'espère que cette fois-ci, il écoute.
Il a donné un exemple et la démonstration très explicite de ce nous ressentons tous de temps à autre à l'égard de ses collègues, sauf que lui a eu la chance de l'exprimer. Sa démonstration est très bonne. Si vous frappez un enfant continuellement jour après jour, vous pouvez créer chez lui une tendance à la violence. J'espère que les députés à la Chambre ne confondent pas le fait de maltraiter un enfant et celui de lui donner une tape le moment voulu lorsque les autres mesures se sont avérées inefficaces ou qu'un parent estime que c'est la solution efficace. Dans ce dernier cas, il ne s'agit pas de frapper continuellement un enfant chaque fois qu'il dit quelque chose de travers, qu'il regarde de travers ou qu'il fait quoi que ce soit. Il y a un temps et un lieu pour tout. Nous ne devrions pas ôter toute autorité aux parents, surtout quand nous leur disons que nous voulons commencer à les tenir responsables des actions de leurs enfants.
M. Nelson Riis: Madame la Présidente, c'est une question sérieuse qui mérite plus d'attention que nous n'allons lui en accorder aujourd'hui.
Il pourrait se trouver quelqu'un pour dire qu'on ne dispose pas de preuves suffisantes pour soutenir que la violence, sous quelque forme que ce soit, se justifie. Je sais que mon collègue et d'autres parmi nous peuvent le penser, mais il faut voir les choses en face. Qu'est-ce qui prouve que frapper une jeune personne, en particulier un enfant, change véritablement son comportement?
Voici un exemple. Je dresse des chevaux dans mes loisirs. Il y a deux manières de dresser un cheval. Il y a la manière forte, ou violente, qu'on appelle le dressage. On «brise» le cheval. Son moral «brisé», il se résigne à faire ce que l'on demande de lui. L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux, ce personnage que les films nous ont fait connaître, faisait faire ce qu'il voulait aux chevaux par la douceur. Rien ne prouve que le dressage violent d'un cheval soit plus efficace que le dressage en douceur, mais nous pourrons poursuivre cette discussion une autre fois.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Madame la Présidente, il n'y aura aucune violence au caucus progressiste-conservateur. Aujourd'hui, à la Chambre des communes, le Nouveau Parti démocratique a pris ses distances des anciennes politiques sur le pacifisme, ce qui a surpris et scandalisé tous les députés. C'est une triste journée pour la démocratie au Canada.
Je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-3, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, une mesure très importante que les Canadiens attendent depuis longtemps. Dans ma circonscription, des électeurs me disent régulièrement être touchés par la loi actuelle, ou l'ancienne loi, et ils s'inquiètent.
Il est important pour nous d'élaborer une politique officielle qui mise sur des faits, et pas seulement sur des perceptions. On dit parfois que ce qu'on perçoit est la réalité, mais la réalité est ce qui est. Beaucoup trop souvent, à la Chambre et dans la vie politique, on centre la politique officielle sur ce qu'on perçoit d'une situation, et non sur ce qu'elle est réellement.
Les gouvernements et les partis politiques tendent de plus en plus à centrer l'action, la politique officielle et les mesures législatives sur ce que disent les sondages. Bien sûr, les sondages sont complètement fondés sur la perception de la population, et non sur la réalité. Je crains qu'en agissant ainsi on oublie parfois les causes plus importantes qui sont à l'origine de certains problèmes qu'on tente de régler au moyen de solutions simplistes.
H.L. Mencken, humoriste américain, a déjà dit que pour chaque problème complexe, il y avait une réponse simple, claire et précise, qui ne convenait pas. Je pense qu'à la Chambre, il nous arrive de trouver des solutions qui ne s'attaquent pas aux causes premières des problèmes que nous tentons de régler.
J'ai été ravi d'entendre le député de Kamloops parler de certaines causes qui sont à l'origine de la criminalité chez les jeunes et faire le lien entre la question des jeunes contrevenants et la pauvreté. Le crime est très souvent lié aux possibilités qui sont offertes ou au manque de possibilité, et le manque de possibilité est très étroitement lié à la pauvreté.
Si nous voulons régler le problème de la criminalité chez les jeunes de façon sensible et pour longtemps, il nous faut nous attaquer aux grandes questions d'ordre économique. Il faut savoir que le Canada a connu une baisse de 8 p. 100 du revenu personnel disponible depuis 1990. Pendant ce temps, aux États-Unis, le revenu personnel disponible a augmenté de 10 p. 100.
Les pressions qui s'exercent sur les foyers canadiens, les pressions qui s'exercent sur les deux parents—dans les foyers où il y a deux parents—sont énormes. Mais les pressions se font sentir encore davantage chez les chefs de familles monoparentales, car l'unique parent doit à la fois travailler pour gagner de quoi nourrir son petit monde et tâcher d'être un parent efficace en consacrant l'effort quantitatif et qualitatif nécessaire à l'éducation des enfants.
Le problème avec les mesures qui tiennent du rafistolage que prend le gouvernement, c'est que trop souvent on passe à côté des solutions réelles déjà en place. Il y a tant au Canada qu'aux États-Unis des programmes Bon départ qui ont donné de très bons résultats.
Selon les études Fraser Mustard, chaque dollar investi dans un enfant à risque élevé avant l'âge de trois ans rapporte à la société des dividendes de l'ordre de sept dollars quand cette personne a atteint 30 ans. Ces dividendes prennent la forme des économies que la société réalise de la sorte dans divers domaines: la police; le judiciaire quand ce n'est pas la détention; les dépenses liés au bien-être social.
Les trois premières années de l'enfant sont les plus importantes du point de vue du développement cognitif. Environ 90 p. 100 des habilités cognitives d'adaptation sont fixées après l'âge de trois ans. Encore une fois, en ce qui concerne les perceptions et la réalité, il est ironique de constater que ceux qui mettent au point les politiques publiques en matière d'éducation, particulièrement au niveau provincial, ont tendance à insister sur l'éducation supérieure et sur l'enseignement primaire et secondaire et à ignorer un secteur des plus importants, soit celui de l'enseignement préprimaire.
L'annonce de l'augmentation des prestations d'assurance-emploi pour les nouveaux parents faite par le gouvernement dans le discours du Trône est probablement un pas dans la bonne direction. Il s'agit là d'un pas dans la bonne direction, mais qui ne règle qu'une partie du problème.
Certains types d'activités peuvent permettre aux jeunes d'occuper leurs loisirs de façon valable. Des activités récréatives comme le hockey, le softball, les 4-H ou les scouts par exemple, sont toutes des activités fantastiques qui entraînent des frais. Tous les parents qui ont des enfants et qui les ont équipés pour le hockey récemment pourront certainement en témoigner. Tous les Canadiens qui veulent acheter l'équipement sportif dont leur enfant a besoin savent bien que cela coûte cher. Que l'on pense à l'inscription même dans la ligue ou à l'achat de l'équipement, il y a toujours des barrières. Dans bon nombre de cas, les parents n'ont pas les revenus et les moyens nécessaires; leurs enfants n'ont donc pas la possibilité de s'adonner à certaines activités d'auto-réalisation et autres activités importantes qui pourraient les empêcher de sombrer dans le crime.
La circonscription que je représente est en grande partie rurale. Bon nombre des études menées sur les interventions précoces et les programmes «Bon départ» visent plutôt les centres urbains. Toutefois, les données démographiques relatives à la pauvreté dans les villes et les campagnes sont assez semblables. Dans bien de cas, la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues, la violence conjugale ou la violence envers les enfants sont tous des problème liés de près à la pauvreté. Je ne prétends pas que c'est toujours le cas. Toutefois, vivre dans un foyer ne comptant pas sur un niveau de revenu suffisant accroît certes la pression qui s'exerce sur les parents et rend les choses très difficiles.
Si le gouvernement voulait faire un pas dans la bonne direction, il porterait l'exemption personnelle de base à au moins 10 000 $. Dans l'idéal, cette exemption d'impôt devrait être encore plus élevée. Toutefois, il est ridicule de constater que nous imposons des familles ou des particuliers qui gagnent 7 500 $ par année, mesure qui rend la situation encore plus difficile.
Ma collègue, la députée de Shefford, a coprésidé le groupe de travail sur la pauvreté du Parti conservateur et s'est déplacée partout dans le pays. J'ai effectué certains déplacements en sa compagnie afin de dialoguer avec les personnes les plus directement touchées par la pauvreté et d'en apprendre davantage à leur sujet. La croissance et l'étendue de la pauvreté au Canada n'ont jamais été plus grandes.
Le député de Kamloops a rappelé à juste titre la motion de 1989 visant à éliminer la pauvreté infantile d'ici l'an 2000. Les piètres résultats du Parlement dans l'application de cette motion montrent que l'on a mis l'accent sur la perception et non sur la réalité.
Nous devrions livrer la marchandise en ce qui concerne certains de ces points. La meilleure solution consiste franchement à créer plus d'avenues de développement économique offrant aux Canadiens des occasions de réussir et de prospérer et, par conséquent, donnant aux enfants canadiens la possibilité de briser effectivement le cycle de la pauvreté.
Le cycle de la pauvreté est important. Il existe une fine distinction entre des programmes qui favorisent les familles et les enfants et des programmes qui créent un cycle de dépendance. Il est important que nous arrivions à faire preuve d'un meilleur sens de l'innovation dans les genres de politiques sociales que nous cherchons à adopter pour éviter le cycle de dépendance qui peut devenir si envahissant et nuisible à long terme.
Certains des volets de la mesure législative qui, à mon avis sont très positifs concernent l'obligation de rendre des comptes des parents. L'idée de forcer des parents à aller expliquer très directement au tribunal où ils se trouvaient à un moment donné ou pourquoi ils n'ont pas exercé un plus grand niveau de responsabilité à l'égard des gestes de leur enfant est très importante. Il faut qu'il y ait responsabilité de la part des parents dans le contexte de ce problème, ce qui a cruellement fait défaut dans le passé. Il peut être fort utile que les parents et les membres de la famille jouent un rôle au sein d'un cadre judiciaire à cet égard. Le projet de loi aborde dans une certaine mesure cet aspect et je crois que c'est très positif.
Je m'inquiète cependant du coût de mise en oeuvre du projet de loi. Il sera en grande partie absorbé par les provinces. Il y a eu une réduction des engagements du gouvernement fédéral pour aider les provinces à s'acquitter du fardeau accru que représente le système judiciaire et cela me préoccupe. De façon typique, depuis les élections de 1993, on a accru le fardeau des provinces en réduisant par exemple le TCSPS, et les provinces ont pelleté leurs factures aux municipalités. Finalement, il n'y a qu'un contribuable. En bout de ligne, les provinces où la croissance économique est actuellement moins forte auront énormément de difficulté à payer les coûts qu'occasionnera la mise en application de certaines dispositions du projet de loi.
Il est important que les parents rendent davantage de comptes. Nous ne prétendons pas qu'on améliorerait la situation en incarcérant les parents, mais il faut reconnaître l'importance du rôle parental, non seulement dans la salle du tribunal, mais de façon permanente.
J'ai apprécié les observations du député de Kamloop. Comme il l'a expliqué, en étudiant la question dans sa circonscription, il s'est fait dire par des individus qui étaient incarcérés ou par des jeunes qui étaient à diverses étapes de leur réadaptation que la seule chose qui les différenciait des autres ou de leurs pairs, c'est qu'ils s'étaient fait prendre. Je pense qu'il y a là un fond de vérité.
À mon avis, il y a bien des jeunes qui contreviennent aux lois sans avoir pour autant un penchant criminel. Comme bien des jeunes, ils commettent parfois des méfaits pour le simple plaisir de la chose. Il est très important que nous repérions ces jeunes-là et que nous les traitions différemment de ceux qui présentent des troubles sociopathiques de la personnalité et qui sont capables de commettre des crimes beaucoup plus graves.
Quelqu'un qui a commis exceptionnellement un méfait ou une infraction aura beaucoup plus de chance de réadaptation que celui qui présente un profil psychologique de criminel.
Il est aussi important de faire avec les parents un travail davantage préventif et global. Nous devons repérer les parents qui ont besoin de soutien et les aider à acquérir le genre de compétences parentales nécessaires.
À mon avis, les provinces font souvent un meilleur travail de prévention que le gouvernement fédéral. Cela s'explique, entre autres, par les limites en matière constitutionnelle ou sur le plan des compétences, mais les provinces sont aussi beaucoup plus près de la situation que le gouvernement fédéral pourrait l'être, notamment en ce qui concerne l'investissement social stratégique.
Il est un programme que je voudrais citer en exemple car il est fort prometteur, à mon sens. Il s'agit du programme sur lequel planche en ce moment le gouvernement de l'Ontario. M. Fraser Mustard a coprésidé une étude sur les programmes d'intervention auprès des jeunes enfants, lesquels programmes ont pour objectif de leur assurer un bon départ dans la vie. Ce programme doit démarrer bientôt. J'espère qu'il nous aidera à déterminer des points communs chez ceux qui s'attirent les foudres de la loi. Je crois bien les recoupements seront nombreux.
Les questions d'argent et de possibilités d'avenir y sont pour beaucoup. Il est déjà assez difficile pour des parents relativement aisés d'élever des enfants. Nous vivons dans un monde de plus en plus complexe et particulièrement difficile. C'est encore plus difficile pour les parents dont les revenus et les perspectives financières sont limités.
Nous devons sérieusement nous attacher à établir une politique socio-économique équilibrée. Bien que nous soyons probablement tous d'accord sur la finalité de l'initiative, il est vrai que certains pensent qu'on devrait procéder autrement. Nous avons recours au système juridique pour nous occuper des jeunes qui s'écartent du droit chemin, mais ne conviendrait-il pas en fin de compte que le gouvernement du Canada et toutes les administrations provinciales fassent en sorte que les jeunes soient de moins en moins nombreux à sombrer dans la délinquance? Nous ne nous en porterions que mieux. En fait, cela nous amènerait à régler des situations concrètes et à plonger dans le coeur du problème.
Un des meilleurs programmes qui soient au Canada en matière de bon départ pour les jeunes est en oeuvre à Moncton, au Nouveau-Brunswick. La ministre du Travail y a consacré une bonne partie de sa vie, et nous lui sommes des plus reconnaissants pour ce qu'elle a accompli pour Moncton et pour le Canada. Je suis persuadé que ce programme a transformé la vie des enfants qui en ont bénéficié. Dieu seul sait combien de vies d'adolescents ont été transformées pour le mieux après qu'ils aient pris part à ce programme. Combien de parents sont maintenant fiers de leurs enfants et des jeunes qu'ils ont élevés en partie grâce à l'aide de ce programme?
Il est très important que nous examinions non seulement des exemples au Canada des programmes «bon départ» et d'une intervention précoce, mais également que nous nous penchions sur des exemples qui existent dans le monde entier, surtout dans des quartiers déshérités aux États-Unis qui ont mis en oeuvre certaines de ces initiatives.
Il est important également de créer une culture de responsabilité dans nos systèmes d'éducation au Canada. Il est vrai que le système de justice est en général fédéral et que la justice pénale pour les adolescents relève du gouvernement fédéral. Cependant, il est question d'un problème qui découle dans une certaine mesure de l'éducation et qui pourrait peut-être être amélioré en mettant davantage l'accent sur l'éducation. Une meilleure coopération fédérale-provinciale est nécessaire dans certains de ces domaines pour veiller à ce que dans tout le pays, les provinces enseignent un peu les responsabilités dans le cadre de leurs systèmes d'éducation.
Qu'en est-il de la citoyenneté? Des gens me disent continuellement qu'on enseigne très peu de nos jours aux jeunes ce qu'est la citoyenneté et l'importance d'assumer ses responsabilités non seulement à l'égard de sa famille et de ses amis, mais également à l'égard de son pays, qu'on fait très peu pour utiliser une partie de l'immense énergie de nos jeunes pour essayer de bâtir une meilleure collectivité ou un meilleur pays.
Ce sont des choses que nous pouvons réaliser grâce à un effort coopératif pour s'attaquer aux réalités et aux causes fondamentales, au lieu de simplement avoir recours à la répression en fin de compte.
Nous nous réjouissons de voir que le gouvernement a réussi à améliorer le système de justice pénale pour les adolescents grâce à cette mesure législative, mais nous ne sommes pas persuadés qu'il est allé suffisamment loin dans certains domaines. Nous ne croyons pas que le gouvernement s'est vraiment attaqué comme il se doit aux causes fondamentales du problème. Certains de nos vis-à-vis nous signalent des programmes précis destinés à aider les enfants. Cependant, les Canadiens ont besoin de programmes offrant des débouchés profitant à toutes les familles canadiennes, y compris les enfants.
[Français]
M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, mon collègue du Parti conservateur a parlé de causes profondes. Je pense que c'est un des éléments de base dont il faut parler aujourd'hui, puisqu'on parle de la criminalité des jeunes. Quelle en est la cause profonde?
Il y a eu des discours intéressants lorsqu'on a associé l'accroissement de la criminalité à l'accroissement de la pauvreté. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui a quelque chose de malheureux, parce que plutôt que de chercher les causes de la criminalité, on tente de mettre un diachylon sur une plaie; mais cela ne guérit pas la plaie.
Lorsqu'un enfant grandit dans une famille à faible revenu, peut-être une famille monoparentale, bref, s'il vit dans des conditions difficiles, cela peut faire en sorte qu'à un moment donné, il soit porté à commettre des actes criminels. Ensuite, étant donné qu'il devient un problème pour la société, si on lui dit: «Maintenant, on va te traiter comme un criminel adulte», cela me dérange.
Le problème, c'est que ce jeune, plutôt que de suivre une réhabilitation, plutôt que d'être sur les bancs d'école, plutôt que d'en faire un vrai citoyen, on va l'envoyer à l'école du crime, dans les prisons, là où il côtoiera de vrais criminels. Mon inquiétude, c'est que lorsqu'il en sortira, il sera encore plus frustré contre la société.
Comment veut-on qu'un jeune respecte la société quand il croit que cette société ne le respecte pas? En prison, à l'école, je crois, des criminels,—je veux peser mes mots quand même—il deviendra davantage frustré envers la société et apprendra encore davantage ce qu'est la criminalité. Lorsqu'il sortira du milieu carcéral, je pense qu'il fera fort probablement un meilleur criminel. Il aura peut-être une soif de vengeance et on n'aura pas réglé le problème, d'autant plus que lorsque c'est un jeune criminel, la société l'aura comme fardeau encore pendant plusieurs années.
Je pense que le débat d'aujourd'hui est très important. Dire qu'il faut punir davantage nos jeunes m'inquiète beaucoup. Je comprends par contre l'idée de base, l'idéologie qui vient des réformistes. Je sais que plusieurs collègues du Parti réformiste sont en contact avec des délinquants ou ont eux-mêmes été victimes d'actes criminels commis par de jeunes délinquants. Je comprends la frustration que cela peut engendrer.
Parfois, cette frustration amène une soif de vengeance. On a tendance à dire: «On va resserrer les normes légales pour les jeunes délinquants.» Je comprends. Ce phénomène est humain. Cependant, je m'interroge sur les conséquences que cela engendrera sur nos sociétés et sur nos jeunes.
Puisque nos systèmes carcéraux sont là, je l'espère, pour le bon fonctionnement de notre société, ce n'est pas en ayant une attitude plus répressive qu'on arrivera à régler le problème, loin de là.
Tout à l'heure, un député a parlé de la forme des systèmes carcéraux des communautés autochtones. J'en ai entendu parler d'un, entres autres. Dans le cas d'un jeune délinquant, plutôt que de le mettre dans une prison avec d'autres délinquants, il fallait le retirer de la communauté pour un certain temps, l'envoyer en forêt—ce qui est je pense à la base de la culture autochtone—et, ce faisant, lui demander d'aller réfléchir à ses actes.
Il y a des moyens alternatifs qui existent actuellement mais qu'on n'étudie pas suffisamment. Ces moyens pourraient avoir de bien meilleurs résultats que les propositions du Parti réformiste, qui sont malheureusement reprises par le gouvernement.
J'ignore si la majorité du caucus libéral croit à cette façon d'agir. J'espère que ce n'est pas l'approche équilibrée du gouvernement, d'être un petit peu à gauche sur des mesures, un petit peu à droite sur d'autres, tout cela à des fins électoralistes.
J'espère que les députés libéraux ont vraiment la profonde conviction que ce projet de loi améliorera la société en mettant davantage nos jeunes en prison, en les traitant comme des criminels adultes, alors qu'ils ne sont pas toujours pleinement conscients de leurs actes. Je pense que ce n'est pas de cette façon qu'ils le seront davantage.
[Traduction]
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. Il a été très éloquent et convaincant en parlant avec fougue à la Chambre des jeunes qui vivent dans la pauvreté au Canada et du fait que nous ne traitons pas habituellement ici des questions profondes liées à cette réalité, mais plutôt de la perception des choses.
En toute justice pour le gouvernement, je dois dire que ce projet de loi porte sur la justice. Il a donc une portée très limitée sur ces questions profondes. Nous devons consacrer plus de temps à certaines politiques sociales et économiques qui aideront à réduire la pauvreté et la dépendance qui peuvent mener aux comportements dont il est question.
Il est intéressant de voir que le député a parlé des autochtones et du système pénal au Canada. La même situation existe aux États-Unis où l'on trouve un pourcentage disproportionné de minorités visibles dans les institutions du système pénal. Cette situation, dans les deux pays, est due en partie au racisme systémique qui réduit les possibilités des minorités. Viennent ensuite les lois archaïques sur les stupéfiants, qui créent des échappatoires permettant aux gens de s'enrichir.
Dans toute l'histoire du crime organisé, et à l'époque de la prohibition, ceux qui ont participé aux activités criminelles appartenaient à des groupes ethniques qui n'avaient pas accès aux débouchés traditionnels. Alors, ils cherchaient leur fortune où ils le pouvaient. Dans certains cas, les possibilités leur ont été offertes par les lois insensées du gouvernement, comme les lois sur la prohibition ou sur les drogues.
Bien des gens croient que nos lois actuelles sur les drogues à usage récréatif sont particulièrement rigoureuses, mais qu'elles ne parviennent pas pourtant à faire baisser l'usage de drogues chez nos jeunes. Au contraire, elles augmentent le nombre de jeunes qui se trouvent éventuellement en conflit avec la loi. Un jeune tout à fait respectable peut se faire arrêter pour un crime qui est bien davantage un méfait qu'un geste de misanthropie. Au bout du compte, il sera pénalisé comme un criminel endurci.
Il y a de nombreux points à discuter et je suis bien heureux de la question du député.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame la Présidence, j'ai une courte question à poser à mon collègue, le député du Parti conservateur, et également à tous les collèges députés du Parti libéral.
Le projet de loi C-3 contient des mesures très dangereuses. J'aimerais que mon collègue, le député conservateur, me donne son opinion sur deux mesures: celle qui va permettre d'abaisser l'âge limite des jeunes contrevenants pouvant être soumis à des peines pour adultes, ainsi que celle permettant la publication des noms des jeunes contrevenants.
[Traduction]
M. Scott Brison: Madame la Présidente, je sais gré au député pour ses questions. Le reproche que je fais à ce projet de loi est que c'est une mesure de justice qui doit s'attaquer au problème. S'il va trop loin, les mesures préventives ne servent à rien.
Pour ce qui est d'abaisser l'âge à laquelle un enfant est responsable de ses actes, cela peut être positif pour plusieurs raisons. L'idée n'est pas de punir ou d'incarcérer des enfants de 10 ans. Le fait est que dans beaucoup de milieux urbains, le crime organisé se sert des jeunes—certains des enfants de 10 ans—pour s'adonner à leurs activités criminelles car il se rend compte qu'il échappe à la loi en utilisant des enfants.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de représenter les habitants de Dewdney—Alouette en intervenant dans le débat sur le projet de loi C-3, Loi sur le système de justice pénale pour les jeunes.
Pour commencer, j'aimerais parler de la philosophie à la base de cette mesure législative et de nombreuses, sinon toutes, mesures législatives présentées à la Chambre par le gouvernement. L'opposition officielle a une philosophie différente, c'est pourquoi nous opposons à une grande partie des mesures proposées dans cette mesure législative, pas à toutes cependant. Certaines mesures sont un pas dans la bonne direction.
Certaines mesures proposées par le gouvernement fédéral sont positives. Elles sont un pas en avant. En revanche, de nombreuses autres ne permettent pas de rendre son équilibre au système de la justice pour les jeunes.
Nous avons attendu longtemps cette mesure législative. Mes collègues ont parlé toute la journée de la durée de cette attente, laquelle correspond aux 864 jours qui se sont écoulés depuis que la ministre de la Justice actuelle occupe son poste et parle de présenter une mesure législative en temps opportun. Si c'est là sa conception de «en temps opportun», je n'aimerais pas voir le temps qu'il lui faudrait si elle prenait son temps pour faire quelque chose. Il est assez stupéfiant de voir combien de temps il a fallu attendre pour en arriver à ce stade-ci.
J'aimerais revenir sur la perspective philosophique sous-jacente, qui semble être très présente dans la discussion d'aujourd'hui. Le gouvernement parle beaucoup des contrevenants, de leurs antécédents et de ce qui peut leur être arrivé et qui peut les avoir poussés à commettre des infractions. C'est un facteur dont il faut tenir compte. Il compte assurément parmi ceux dont nous tiendrions compte.
La balance semble toutefois pencher un peu trop dans cette direction. Le gouvernement actuel s'occupe de cela au lieu de s'occuper de rétablir l'équilibre dans le système de justice—ce que nous attendons de lui—en présentant des solutions constructives et proactives, qui manquent dans cette mesure législative. J'aborderai certains de ces points un peu plus tard.
Apparemment, il est devenu important pour le gouvernement libéral de faire passer son message, de faire savoir ce qu'il fait. Il se peut qu'il fasse passer le message qu'il fait quelque chose dans le dossier de la justice pour les jeunes et qu'il s'emploie à rendre la loi plus ferme et les rues plus sûres. Il semble cependant se préoccuper plus du message qu'il souhaite faire passer que de sa mesure législative, dont on pourra constater, dans le grand public, l'incidence qu'elle aura sur les grandes préoccupations de bon nombre de Canadiens dans ce domaine et dans bien d'autres.
Le gouvernement libéral semble préoccupé avant tout par le message qu'il veut transmettre. S'il donne la bonne image, s'il envoie le bon message à un nombre suffisant de Canadiens, il obtiendra des appuis en disant qu'il s'est occupé de la justice pour les jeunes, par exemple. J'invite les Canadiens à examiner attentivement non seulement ce projet de loi, mais toutes les mesures législatives dont la Chambre est saisie, pour bien en connaître les effets directs sur les Canadiens et sur le système.
Ce projet de loi ne permettra pas d'atteindre le but visé à bien des égards. C'est regrettable. Le Parti réformiste continuera de faire valoir des solutions proactives dont pourra s'inspirer le gouvernement. Mais si cela ne réussit pas, nous allons déployer tous les efforts possibles pour former un gouvernement afin d'appliquer ces solutions.
Les questions touchant la responsabilité personnelle, l'obligation de rendre compte et les conséquences devraient être le fondement de ce projet de loi. Quand on participe à une action, on devrait en être tenu responsable. Le gouvernement libéral semble trop pressé d'excuser les gens sous prétexte de leur âge, de leurs antécédents, d'une expérience ou d'un incident qu'ils auraient vécu.
Ce que mon parti préconise, c'est la notion de responsabilité personnelle. Les jeunes devraient être tenus responsables de leurs actions. Je pense que certains députés ont mal interprété notre position aujourd'hui. Nous ne prônons pas le dur traitement des jeunes. Nous disons que traiter durement les jeunes, c'est les ignorer, ne pas les aider dans leur tendre enfance, ne pas les inclure dans un système de justice qui les aide à obtenir de l'aide et à avoir accès à divers processus de réadaptation dès le jeune âge.
Mon collègue de Kings—Hants a mentionné tout à l'heure que, si nous intervenons trop tard, des jeunes risquent de se faire exploiter par des plus vieux qui les feront participer à des activités illégales sans craindre ni les représailles ni d'être tenus responsables de ces activités. C'est mal, et il faut y voir, mais rien n'est fait à cet égard dans ce projet de loi.
On a mentionné à la Chambre aujourd'hui qu'il est question d'un petit nombre de jeunes qui choisissent de participer à des activités illégales. Il est vrai qu'il s'agit d'un petit nombre de jeunes, mais ils causent beaucoup de torts et nuisent à la sécurité publique. Malgré leur petit nombre, ils sont responsables d'un grand nombre d'infractions, et il faut prendre des mesures, mais le gouvernement libéral n'a pas réussi à s'attaquer clairement à cette question dans cette mesure législative. C'est une honte. Nous allons continuer de lui transmettre des suggestions et des solutions.
Je vais continuer de parler de certaines des choses qui se produisent dans ma collectivité de Dewdney—Alouette. Dans la ville de Maple Ridge, il y a une personne qui se préoccupe beaucoup du système de justice pour les adolescents. Elle s'en inquiète tant que, il y a de nombreuses années, elle a pris le temps de se rendre au tribunal local pour suivre certaines des affaires impliquant des jeunes.
Mon collègue, le ministre responsable du sport amateur, s'intéresse beaucoup à ce débat et j'apprécie son attention. J'espère qu'il prend des notes. Je serai disposé à lui remettre une copie de mon discours tout de suite après mon intervention. Je sais qu'il est prêt à l'examiner.
La personne de ma circonscription dont je parle est Lola Chapman. Elle a consacré beaucoup de son temps à mettre sur pied un programme de déjudiciarisation très innovateur. C'est une grande réussite. Il est basé sur la notion voulant qu'on donne une chance aux jeunes qui en sont à leur première infraction. Plutôt que de passer par le système régulier des tribunaux, ils peuvent profiter de ce programme.
Je sais qu'il est question de déjudiciarisation dans le projet de loi, ce qui est une bonne chose. C'est un outil qu'on peut utiliser pour s'attaquer à certains graves problèmes que posent les jeunes. Le programme de déjudiciarisation mis sur pied par Mme Chapman est devenu très efficace.
Lorsqu'un particulier est dirigé vers le programme, il s'écoule peu de temps entre le moment où il a commis l'infraction et celui où il comparaît devant le comité de justice pour la jeunesse. Il faut parfois sept jours ou moins. La période la plus longue peut être de deux ou trois mois. Au lieu de comporter un délai d'attente d'un an ou d'un an et demi avant l'obtention d'une date de comparution devant le tribunal, le système fonctionne avec rapidité et efficacité. Il s'est attiré beaucoup d'éloges dans ma propre région et il pourrait certainement être utilisé comme modèle partout au pays.
C'est un bon programme parce qu'il aborde la question de la responsabilité personnelle. Des représentants clés de la collectivité siègent au sein du groupe. On y trouve le maire d'une des villes, l'inspecteur de la GRC, un avocat venant de la collectivité, un directeur d'école et un membre du ministère. Il s'agit d'une bonne représentation de personnes qui exercent de l'influence au sein de la collectivité. Les adolescents doivent se présenter devant le groupe et parler de ce qu'ils ont fait. Il faut ensuite que des suggestions soient faites.
Je sais que le temps qui m'est alloué tire à sa fin et j'aurai l'occasion de prendre de nouveau la parole. Je demande le consentement unanime pour déposer cette solution positive et proactive qui explique le programme de déjudiciarisation au sein de ma propre circonscription de Dewdney—Alouette, afin que tous puissent voir l'excellent travail qui est accompli.
La présidente suppléante (Mme Thibeault): Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
MOTION D'AJOURNEMENT
[Français]
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.
LE PROJET DE LOI C-6
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, aujourd'hui, lors de la période des questions orales, j'ai interpellé le ministre de l'Industrie, mais c'est le ministre du Revenu national, qui est aussi responsable de l'Agence du développement économique du Canada, qui a répondu à ma question.
Elle concernait la demande faite par deux ministres du gouvernement du Québec de rencontrer le ministre de l'Industrie pour discuter du projet de loi C-6, qui va venir se superposer à ce qui existe déjà au Québec au niveau de la protection des renseignements personnels.
Il existe une loi au Québec qui protège les renseignements personnels, et le gouvernement du Québec veut se faire entendre dans ce dossier auprès du gouvernement fédéral pour faire valoir toutes ses craintes et ses objections par rapport à ce projet de loi.
Soit dit en passant, ce n'est pas quelque chose qui est sans appuis. Plusieurs témoins ont comparu, lors des audiences du comité, pour faire valoir cette position. La Commission d'accès à l'information du Québec, le Barreau du Québec, la CSN, la Chambre des notaires et le Conseil du patronat, tous sont venus dire la même chose, soit qu'ils avaient énormément peur de l'impact de cette double réglementation, des problèmes que cela va créer, alors que les gens au Québec sont probablement les consommateurs les mieux protégés. Après l'adoption de cette loi, ils vont se retrouver dans une situation tout à fait floue.
Il y a des vérités qu'il faut rappeler à cette Chambre, et on ne peut pas induire la Chambre en erreur. Le ministre a fait référence au fait qu'il y avait eu des discussions entre les gouvernements, et que le gouvernement fédéral avait répondu aux craintes et préoccupations du gouvernement du Québec.
J'ai ici avec moi les échanges de correspondance entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Dans un premier temps, le 11 novembre 1998, le ministre fut interpellé une première fois, où on lui expliquait techniquement en quoi il y avait des différences et des problèmes d'application.
Il y a eu une réponse du ministre. Le gouvernement du Québec est revenu à la charge le 25 janvier, encore une fois. À ce moment-là, deux ministres du gouvernement du Québec avaient signé cette lettre. Je n'ai pas le temps d'aller en détail dans le contenu de la lettre, mais entre autres, je vais vous en citer au moins un passage:
Au chapitre de la clarté et de l'équité, tel que nous vous en faisions part dans notre lettre précédente, en raison des dédoublements de normes et de procédures auxquels son adoption donnerait lieu au Québec, le projet de loi C-54 constitue un recul. Il complique la vie des judiciables, introduit de l'incertitude quant aux règles applicables, et de ce fait, pénalise autant les entreprises que les consommateurs québécois.
Donc, on ne peut pas venir dire ici, à la Chambre, qu'il y a eu des échanges à la satisfaction du gouvernement du Québec, que tout va bien, qu'on se parle et qu'on s'harmonise. Il n'y a aucune volonté d'harmoniser du côté du gouvernement fédéral.
D'ailleurs, le Barreau du Québec avait dit, dans son mémoire au gouvernement fédéral, la chose suivante—et c'était en appui à la recommandation de la Commission d'accès à l'information—ce qui suit:
Pour éviter toute confusion et s'assurer que les Québécois puissent continuer à bénéficier d'un régime complet en matière de protection des renseignements personnels, nous soumettons que le projet de loi C-54 devrait être amendé afin de prévoir explicitement que la loi fédérale ne s'appliquera pas aux entreprises assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
C'est la loi québécoise. Le Barreau allait même plus loin. Il ajoute, et je cite:
Nous allons plus loin. Le projet de loi devrait, selon nous, incorporer par référence la loi québécoise même dans des champs de compétence fédérale, afin d'éviter la confusion, les chevauchements et dédoublements de législations au Québec.
On préconisait l'approche inverse: que la loi québécoise ait une portée pour s'appliquer à l'ensemble des entreprises de juridiction fédérale.
Pourquoi le gouvernement va-t-il faire adopter à toute vapeur ce projet de loi cette semaine? Il y a des objections très grandes au Québec, il y en a aussi en Ontario. Je sais que le ministère de la Santé de l'Ontario a des problèmes. Pourquoi refuser cette rencontre et ne pas attendre avant d'adopter le projet de loi?
M. Jacques Saada (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, le projet de loi C-6 comportera des exemptions pour les activités du secteur privé régies par les provinces, si l'une d'entre elles a déjà adopté une loi essentiellement similaire à la loi fédérale en vue de protéger les renseignements personnels.
La province de Québec a déjà adopté une loi en vue de protéger les renseignements personnels, une loi qui est essentiellement similaire à celle proposée par le gouvernement fédéral. Dès lors, les organisations visées par la loi québécoise seront exemptées de l'application du projet de loi C-6 en ce qui a trait aux transactions qui ont entièrement lieu sur le territoire de la province.
Le projet de loi fédéral viendra compléter la protection donnée par la loi québécoise aux consommateurs de cette province. Ces lois s'appliquent à des activités différentes, et la loi fédérale comble les lacunes qui subsistent dans la couverture de la loi québécoise.
Le projet de loi C-6 résout des problèmes et des situations qui ne peuvent tout simplement pas être traités par des lois provinciales, même si ces dernières sont établies avec la plus grande rigueur.
Un exemple serait celui d'une entreprise dont le siège social est en Alberta et qui recueille de l'information sur des consommateurs du Québec. Aucune des deux provinces n'étant soumise à l'autre, il est nécessaire d'avoir un régime fédéral.
Une fois le projet de loi C-6 adopté, les Québécois seront les personnes dont la vie privée sera la mieux protégée au Canada, puisqu'ils vivent dans la seule province ayant promulgué une loi en vue de protéger les renseignements personnels dans le secteur privé.
En ce qui concerne la sécurité nationale, je répète ce qui a déjà été dit, à savoir que la police et les autorités gouvernementales ne pourront faire ni plus ni moins que ce qu'elles font actuellement.
Je crois que le projet de loi C-6 est une bonne loi pour le Québec, et une bonne loi pour le Canada.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Thibeault): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 37.)