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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 16 mai 2001

• 1532

[Traduction]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour.

[Français]

Bon après-midi. Nous avons le quorum nécessaire pour commencer notre travail sur le projet de loi C-5.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue aux témoins d'aujourd'hui. J'aimerais les avertir que nous risquons d'être interrompus à cause de votes inattendus. Nous espérons que cela ne se produira pas, mais c'est dans le domaine du possible. Par conséquent, il est souhaitable que nous tirions le meilleur parti possible du temps dont nous disposons et que nous commencions sans délai pour que vous puissiez nous exposer vos vues.

Nous recevons M. Wallace et M. Bennett—dont la barbe modifie l'apparence—et enfin, M. Chase.

M. Bennett est le porte-parole du CTC, j'imagine, comme d'habitude.

M. David Bennett (directeur national, Service de la santé, de la sécurité et de l'environnement, Congrès du travail du Canada): Pas tout à fait. Le porte-parole est le vice-président du Congrès du travail du Canada.

Le président: D'accord, le vice-président du Congrès du travail du Canada, M. Yussuff, qui n'est pas nouveau ici. Nous l'avons déjà reçu par le passé.

Bienvenue, monsieur Yussuff, monsieur Bennett, monsieur Wallace et monsieur Chase. S'il vous est possible de comprimer vos exposés, nous aurons plus de temps pour les questions. Qui souhaite commencer?

Le greffier du comité: Monsieur Chase a un avion à prendre.

Le président: M. Chase voudrait commencer.

Allez-y.

M. Stephen A. Chase (vice-président, Affaires intergouvernementales, Fédération du saumon atlantique): Merci, monsieur le président de me donner la possibilité de témoigner devant le comité afin de présenter les vues de la Fédération du saumon atlantique au sujet du projet de loi C-5.

• 1535

Pour commencer, j'aimerais dire au comité que la Fédération du saumon atlantique est essentiellement en faveur du projet de loi C-5, mais nous avons également l'intention de présenter quelques améliorations qui, à notre avis, rendraient la loi plus efficace.

Le saumon sauvage atlantique—salmo salar—est depuis longtemps reconnu comme l'un des poissons les plus majestueux. Il est originaire de l'Amérique du Nord et de l'Europe et son territoire s'étend jusqu'au Connecticut et en Espagne. Traditionnellement, le saumon atlantique est apprécié pour sa valeur commerciale, alimentaire, sociale et il est utilisé à des fins rituelles par les Autochtones; il présente de grands atouts récréatifs.

Toutefois, le déclin des populations de saumon sauvage ces dernières années s'est soldé par la fermeture de la pêche commerciale en Amérique du Nord et dans une bonne partie de l'Europe, la pêche récréative et autochtone restant les principales récoltes de cette espèce.

J'aimerais vous parler un peu plus de la Fédération du saumon atlantique. Il s'agit d'une organisation internationale sans but lucratif qui encourage la conservation et la saine gestion du saumon atlantique et de son environnement. La FSA a un réseau de sept conseils régionaux au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve, au Labrador, au Québec, dans le Maine et en Nouvelle-Angleterre, regroupant plus de 150 associations de rivière et 40 000 bénévoles. Les conseils régionaux s'étendent sur l'ensemble du territoire en eau douce du saumon atlantique au Canada et aux États-Unis.

Dans l'optique de sa mission et de ses buts, la FSA fera valoir auprès du gouvernement, de l'industrie et du public toutes les mesures nécessaires pour atteindre ses objectifs de conservation. Cela m'amène à l'objet de notre mémoire.

Nous voulons présenter au comité permanent notre position au sujet du projet de loi C-5, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril, ainsi que les questions et solutions que la FSA proposerait au sujet du projet de loi C-5 afin de promouvoir la conservation et la protection du saumon atlantique dans les endroits où les populations sont gravement menacées ou sont en voie de disparition.

Les populations nord-américaines du saumon atlantique déclinent depuis plus de 20 ans. Même si quelques-unes des causes du déclin restent incertaines, les barrages, la destruction de l'habitat, les prédateurs, la pollution, le réchauffement de la planète et d'autres facteurs que nous ne connaissons pas y ont probablement contribué.

Le président: Pas la surpêche? Avez-vous parlé de surpêche?

M. Stephen Chase: La surpêche commerciale, mais la pêche commerciale est maintenant fermée depuis près de 10 ans.

Le président: Avez-vous cependant fait mention de la surpêche?

M. Stephen Chase: Oui.

Le président: Vraiment?

M. Stephen Chase: Oui.

La fermeture de la pêche commerciale au saumon au Canada, ainsi que la fermeture et les réductions de prises dans le secteur récréatif n'ont pas permis jusqu'à présent de renverser la tendance.

Aujourd'hui, dans le Maine et dans la région adjacente de la baie de Fundy au Canada, les populations de saumon atlantique courent le risque imminent de disparition biologique. Dans la plupart des rivières de l'État du Maine et dans les 33 rivières de l'intérieur de la baie de Fundy, les populations de saumon de l'Atlantique font partie de la liste des espèces menacées d'extinction. Dans le Maine, depuis novembre 2000, le saumon sauvage atlantique est inscrit sur la liste des espèces protégées en vertu de la Endangered Species Act américaine, ce qui a déclenché l'élaboration d'un grand plan de conservation et de rétablissement financé par Washington.

Il y a à peine deux semaines, le COSEPAC a placé le saumon de l'intérieur de la baie de Fundy sur la liste des espèces menacées d'extinction. Le saumon autochtone et sauvage dans certaines rivières de cette région est déjà disparu. Le temps joue contre nous et il en reste très peu pour amener ces populations sur la voie du rétablissement.

Par conséquent, la Fédération du saumon atlantique est en faveur de l'adoption d'une législation canadienne permettant une protection plus efficace des espèces en voie de disparition et de leur habitat ainsi que le regroupement des ressources et la préparation de plans aboutissant à des mesures concertées et concrètes visant à régler le problème dans les rivières et le milieu marin.

Selon nous, les espèces en voie de disparition et leur habitat ont besoin d'une meilleure protection au Canada. La prévention de la disparition des stocks de saumon sauvage atlantique dans la majorité des rivières qui se déversent dans la baie de Fundy est une priorité absolue sur le plan biologique.

Malheureusement, les raisons biologiques du déclin des stocks de saumon sauvage atlantique dans la baie de Fundy ne sont pas toutes connues et par conséquent, il importe d'instaurer de toute urgence des mesures immédiates, bien financées et concertées pour protéger et rétablir les populations de saumon atlantique en voie de disparition dans cette région.

Les efforts déployés pour soutenir le rétablissement des populations de saumon sauvage n'ont pas eu tout l'effet escompté en l'absence d'une loi fédérale visant particulièrement à protéger les espèces en voie de disparition et les habitats essentiels. Par conséquent, la FSA est d'avis que le projet de loi C-5 est un bon point de départ pour répondre à la nécessité d'une loi sur les espèces en voie de disparition au palier fédéral; il est important que la Loi sur les espèces en péril soit promulguée au cours de la présente session du Parlement.

• 1540

La Loi sur les pêches établit la conservation comme une priorité prédominante du ministre des Pêches et Océans. Les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches permettent au ministre de prendre des mesures de gestion et de protection en vue de prévenir l'accroissement des risques pour les stocks de poisson et pour l'habitat des poissons. Il est toutefois regrettable que seules des mesures limitées ont été prises pour l'instant par Pêches et Océans.

La Fédération du saumon atlantique croit que l'adoption d'une législation sur les espèces en voie de disparition et sur la protection de leur habitat au moyen de la Loi sur les espèces en péril donnera au ministre les outils et l'incitation dont il a besoin en favorisant l'adoption de mesures immédiates, planifiées et concertées pour chercher les causes du déclin et faciliter la mise en place d'un rétablissement global pour les 33 rivières de l'intérieur de la baie de Fundy. Il serait en fait judicieux que la nouvelle loi annule et remplace la Loi sur les pêches à cet égard.

Selon nous, certains points du projet de loi pourraient être améliorés. La Loi sur les espèces en péril peut permettre d'ouvrir de nouvelles avenues pour concentrer les efforts de conservation, de gestion et de protection des populations de saumon et des autres espèces de la baie de Fundy en voie de disparition. Le Canada doit se doter de procédures crédibles et transparentes pour évaluer l'état des espèces menacées ou en voie de disparition, faire preuve de détermination et obtenir le financement nécessaire pour garantir la protection et l'action corrective. Idéalement, cette législation doit faciliter la tâche des intervenants de l'extérieur du gouvernement qui pourraient également contribuer au processus en mettant en place des ressources financières et matérielles dans l'optique du rétablissement des stocks.

La Fédération du saumon atlantique a passé en revue le projet de loi C-5 et a noté certains aspects qui pourraient être améliorés ou consolidés avant son adoption. Il y a entre autres la question du financement suffisant. Pour concrétiser de façon vraiment efficace les intentions énoncées, la Loi sur les espèces en péril doit s'appuyer sur des sources sûres de financement qui permettront de mettre en oeuvre ses dispositions et de garantir la protection des espèces et la mise en place de mesures correctives. Le projet de loi C-5 ne donne aucune assurance à ce sujet et, faute de financement suffisant, la loi peut s'avérer inutile et forcer le Canada à établir des priorités et à choisir entre les espèces qu'il peut se permettre de protéger. Sans un financement suffisant, la loi sera inefficace sauf pour les espèces menacées et en voie de disparition sélectionnées.

Lorsqu'il est déterminé dans la loi qu'il faut protéger une espèce, il est implicite qu'il importe également de faire en sorte que les fonds nécessaires soient disponibles pour mettre en oeuvre le plan de rétablissement. Des sources de financement adéquates sont également nécessaires pour encourager les communautés, les propriétaires fonciers et les gestionnaires des terres à participer aux plans de conservation qui touchent les habitats essentiels situés sur leurs terres et dans les cours d'eau adjacents.

Cet aspect essentiel de la loi est étroitement lié à l'engagement à l'égard de l'intendance, c'est-à-dire la création d'un programme suffisamment subventionné pour encourager les particuliers et les sociétés dont les intérêts de propriété sont touchés par la loi à conserver les espèces et leurs habitats.

Les mesures de conservation qui limitent les utilisations du sol et des cours d'eau adjacents ou qui exigent des interventions de surveillance pour éviter que les habitats ne soient endommagés peuvent coûter cher aux propriétaires. Par conséquent, nous recommandons que la loi prévoie une compensation équitable pour les propriétaires fonciers qui mettent en place des mesures de protection ou de rétablissement.

Il faut favoriser l'intendance. La loi doit avoir parmi ses principaux objectifs d'inculquer aux Canadiens un sens d'intendance à l'égard des ressources naturelles. C'est particulièrement vrai dans le cas de la flore et de la faune menacées ou en voie de disparition, même si ce n'est pas limité à cela. Il ne faudrait pas négliger les aspects relatifs à l'éducation publique et les avantages qui peuvent en résulter. Par conséquent, la FSA recommande que la loi prévoie une vaste campagne d'éducation publique pour inculquer un sens commun d'intendance à l'égard des espèces sauvages et de leur habitat au public, aux propriétaires fonciers et au gouvernement.

Il faut une liste fondée sur la science. La FSA est en faveur d'une liste des espèces en voie de disparition fondée sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles. La FSA croit que le COSEPAC est un organisme scientifique compétent et qu'il donnera des conseils objectifs fondés sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles. Dans le projet de loi C-5, le Cabinet jouit d'un pouvoir discrétionnaire lorsqu'il décide d'inscrire ou de supprimer une espèce dans la liste des espèces menacées ou en voie de disparition. De même, le Cabinet décide à sa discrétion d'empêcher la destruction de l'habitat essentiel sur le territoire domanial, soit dans la zone économique exclusive du Canada soit dans le plateau continental, ou de mettre en place la protection voulue.

• 1545

La FSA est donc d'avis que la décision d'inscrire une espèce dans la liste des espèces menacées ou en voie de disparition doit être fondée sur les conseils scientifiques disponibles, et cet avis doit avoir plus d'importance que tout autre facteur dans la prise d'une décision relativement à l'inscription d'une espèce. Cela signifie qu'en l'absence de motifs impérieux à l'effet contraire, lorsque le COSEPAC recommande d'inscrire une espèce, ce conseil doit être suivi.

Au sujet des plans de rétablissement, le projet de loi C-5 prévoit l'élaboration de plans de rétablissement globaux pour les espèces dont l'inscription dans la liste est approuvée, mais aucun échéancier de mise en oeuvre d'un plan d'action n'est imposé. La FSA croit qu'il faudrait préciser un délai dans lequel un plan de rétablissement doit être préparé et mis en oeuvre.

Pour ce qui est de la liste du COSEPAC, il est précisé à l'article 130 du projet de loi que le COSEPAC doit réévaluer la situation de chacune des 380 espèces—d'après le dernier décompte, je pense—disparues, disparues du pays, en voie de disparition ou menacées. Le COSEPAC doit donc entreprendre sans liste une tâche considérable de longue haleine qui consiste à réévaluer 380 dossiers existants, ce qui l'empêchera de passer en revue et d'examiner les nouvelles demandes d'inscription.

Si la liste actuelle des espèces menacées ou en voie de disparition est valable, le gouvernement a l'option de lui conférer à titre de droit acquis un statut de liste légal. Autrement, le COSEPAC doit disposer de suffisamment de ressources pour examiner la liste existante sans empêcher l'examen adéquat et prompt de toute nouvelle demande.

Le COSEPAC a en fait recommandé que l'on confère à la liste actuelle un statut légal dans la loi, à l'instar de la plupart des autres témoins, y compris les industries de l'exploitation forestière et des mines. En fait, le projet de loi fédéral C-65 de 1996 a conféré le statut légal immédiat à la liste du COSEPAC. Par conséquent, la FSA croit que le projet de loi C-5 devrait faire la même chose.

Au sujet de la composition du COSEPAC, pour effectuer l'évaluation et rendre des décisions fondées sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, il est souhaitable que les membres du COSEPAC soient des spécialistes indépendants, non gouvernementaux, qui ont la capacité d'effectuer une évaluation compétente des demandes d'inscription. En outre, des organismes scientifiques d'experts doivent vérifier la compétence de toutes les personnes désignées pour devenir membres du COSEPAC.

La FSA est aussi en faveur de l'adoption d'une méthode scientifique générale et transparente pour inscrire les espèces fauniques en vertu de la loi, notamment un processus selon lequel les recommandations sont faites aux ministres, et un processus décisionnel employé par le gouvernement en conseil pour l'inscription. En outre, il serait souhaitable de mettre en place un processus qui permettrait aux citoyens d'intervenir pour influencer les inscriptions et s'assurer que la loi est appliquée.

La Endangered Species Act des États-Unis permet à des particuliers d'intenter des poursuites en justice pour obliger l'administration fédérale à s'acquitter de sa responsabilité en vertu de la loi. Cette disposition est souhaitable pour assurer l'application des mesures nécessaires et la responsabilisation à l'égard des obligations établies par la loi. La FSA croit donc que cette disposition doit être incluse dans le projet de loi C-5 pour permettre aux particuliers d'obliger le gouvernement à s'acquitter de ses responsabilités en vertu de la loi et pour faire en sorte que la loi est appliquée. Un libellé semblable à celui des dispositions adoptées aux États-Unis doit permettre d'atteindre cet objectif. Je fais remarquer qu'une disposition à cet effet a été incluse dans le projet de loi C-65 de 1996. Nous croyons qu'elle doit être rétablie.

Je vais maintenant parler de l'habitat essentiel. La protection de l'habitat par l'administration fédérale n'inclut pas l'habitat riverain ou en milieu sec pour le poisson, sauf sur le territoire domanial. La Loi sur les pêches inclut tous les habitats en milieu sec. Cette omission doit être corrigée dans le projet de loi C-5. La protection de l'habitat est la clé de la survie des espèces, surtout une espèce comme le saumon de l'Atlantique. Le projet de loi doit en faire une obligation; or, le projet de loi C-5 fait de la protection de l'habitat une question discrétionnaire, même dans des secteurs de compétence fédérale. La plupart des lois provinciales sur les espèces en voie de disparition, y compris celle du Nouveau-Brunswick, font de la protection de l'habitat une obligation. La protection obligatoire de l'habitat essentiel était incluse dans le projet de loi C-65 et devrait l'être dans le projet de loi C-5.

La FSA croit qu'il est important d'adopter des mesures de protection supplémentaires dans le projet de loi C-5 pour assurer la protection de la conservation des espèces de poissons anadromes comme le saumon sauvage atlantique et de son habitat. Cela appuierait les dispositions de la Loi sur les pêches.

• 1550

Dans le cas des espèces de poissons anadromes—c'est-à-dire des espèces qui vivent à la fois dans des milieux d'eau douce et d'eau salée, comme le saumon de l'Atlantique—la protection des espèces et de leur habitat doit être assurée et les menaces examinées, autant dans les milieux en eau vive qu'océaniques. Dans les deux cas, l'administration fédérale devra peut-être dresser des plans d'action faisant intervenir des provinces et des gouvernements étrangers. Compte tenu de la responsabilité fédérale première relativement à cette espèce de poissons anadromes, la possibilité d'empiétement sur une autorité provinciale est considérée comme faible. C'est pourquoi nous recommandons d'assurer la protection des espèces en milieu océanique et en eau vive.

Enfin, monsieur le président, la FSA croit que certaines définitions du projet de loi C-5 pourraient être améliorées et consolidées. La définition d'habitat devrait être modifiée ou précisée pour assurer la protection de l'habitat aquatique occupé auparavant par l'espèce en voie de disparition ou menacée. Ce serait justifié lorsqu'il existe un habitat viable d'où une espèce a été enlevée ou exclue artificiellement et où elle pourrait être rétablie.

Tous les habitats qui se situent dans le secteur géographique d'une espèce aquatique menacée ou en voie de disparition distincte sont réputés être des habitats aux fins de la loi.

De même, la définition des espèces sauvages devrait être modifiée. Les diverses espèces aquatiques sauvages se distinguent des autres par leur comportement et leur apparence selon le lieu de résidence géographique. Ce peut être attribuable aux caractéristiques particulières de l'environnement qui comportent des différences relatives notamment aux modèles migratoires et à la qualité de l'eau, à sa couleur, à sa composition chimique et à sa température.

Il existe des différences biologiques, documentées scientifiquement, entre le saumon de l'intérieur de la baie de Fundy et d'autres populations de saumon sauvage qui peuplent les rivières de l'Amérique du Nord. Il existe également des différences prouvées scientifiquement entre le saumon sauvage atlantique des diverses rivières d'une région géographique, par exemple l'intérieur de la baie de Fundy.

Par conséquent, la FSA propose que la définition des espèces sauvages soit modifiée pour que soient reconnues les distinctions géographiques des populations en plus des distinctions biologiques.

La liste complète des recommandations figure dans le mémoire que nous avons distribué plus tôt.

Je tiens à témoigner ma reconnaissance au comité pour m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Chase.

Permettez-moi simplement de m'assurer que je vous comprends bien. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez omis la surpêche par inadvertance, n'est-ce pas?

M. Stephen Chase: Je ne comprends pas, monsieur le président.

Le président: Dans votre premier paragraphe, vous avez donné comme causes de la diminution des stocks la construction de barrages, la pollution, la prédation et la destruction de l'habitat, mais non pas la surpêche. S'agit-il d'une omission non délibérée de votre part?

M. Stephen Chase: J'ai énuméré les causes sur lesquelles on se penche actuellement. La surpêche était un problème, mais au début des années 90, le gouvernement fédéral a acheté les pêches commerciales responsables de la surpêche en Amérique du Nord.

Il est vrai qu'il y a...

Le président: Oui ou non. Dites-moi seulement si vous avez omis de citer cette cause par inadvertance ou non. Vous m'avez donné une réponse plus tôt, mais je vous ai interrompu, et j'en suis désolé, mais ce n'est pas clair à mon esprit. Pensez-vous que la surpêche constitue une partie du problème?

M. Stephen Chase: La surpêche constituait une partie du problème, c'est vrai.

Le président: Très bien. C'est tout. Merci beaucoup.

Le prochain témoin est monsieur Yussuff.

M. Hassan Yussuff (vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada): Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître.

Tout d'abord, nous espérons que c'est la dernière fois que nous comparaîtrons à propos de cette mesure législative. Nous avons comparu beaucoup trop de fois devant le comité à propos du même projet de loi pour finalement nous rendre compte qu'il n'avait pas été adopté à la Chambre ni au Sénat. J'espère donc que le comité est conscient du fait que nous débattons de la question depuis un certain temps.

• 1555

Le Congrès du travail du Canada, comme vous le savez, représente 2,3 millions de membres des secteurs public et privé à l'échelle du Canada. En tant que citoyennes et citoyens, tous nos membres s'intéressent à la protection des espèces en péril ou menacées. Un grand nombre d'entre eux, à titre d'agents de parc, de garde-chasse, de travailleurs dans les secteurs agricole et forestier, de fonctionnaires et autres, sont en contact avec les espèces en péril ou menacées.

Ce contact de travailleurs avec des espèces est l'objet principal de ce mémoire. De nombreux travailleurs seront vraisemblablement directement touchés de façon importante par les stratégies visant le rétablissement des espèces et par les plans d'action.

Le Congrès du travail du Canada accueille favorablement le projet de loi C-5. Cette loi sauvera environ 40 p. 100 des espèces en péril du Canada—celles qui se trouvent sur les terres et les eaux appartenant au gouvernement fédéral et les oiseaux migrateurs—et protégera leurs nids et leurs tanières, mais pas leurs habitats. Toutefois, cette mesure positive comporte de nombreuses lacunes. Nous espérons que le comité jugera bon de les corriger.

Le Comité de l'environnement du Congrès du travail du Canada, au sein duquel tous les groupes de travailleuses et de travailleurs qui viennent d'être mentionnés sont représentés, a travaillé étroitement avec la Campagne pour les espèces en péril au cours des cinq dernières années. Le CTC appuie les préoccupations et les aspirations de la Campagne en ce qui a trait à l'avenir et à l'amélioration du projet de loi C-5.

Ce qui nous préoccupe en premier lieu, c'est que la protection de l'habitat est purement discrétionnaire, même sur les terres fédérales et dans les secteurs qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Le projet de loi n'exige pas la protection de l'habitat des espèces en péril; il stipule simplement que le Cabinet peut le protéger.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral abandonne volontairement des secteurs importants qui relèvent de sa compétence. Selon le projet de loi C-5, le gouvernement fédéral n'est pas responsable de la protection de l'habitat des poissons et des oiseaux migrateurs à l'extérieur des terres et des eaux fédérales.

Troisièmement, le projet de loi C-5 établit le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC, mais c'est le Cabinet et non pas le COSEPAC qui décidera quelles espèces seront inscrites sur la liste des espèces en péril ou menacées. Cette approche, dans les cinq ou six provinces qui possèdent des lois sur les espèces en péril, a fait en sorte que seulement 30 p. 100 des espèces inscrites actuellement par le COSEPAC sont protégées, et seulement sur papier.

La détermination des espèces en péril ou menacées est une question scientifique et non pas politique. Le projet de loi ne prévoit même pas l'utilisation comme liste de départ de la liste du COSEPAC qui existe actuellement, comme c'était le cas dans le projet de loi C-65. On commence plutôt avec une liste vierge. C'est illogique et inacceptable.

Quatrièmement, en ce qui concerne la protection intérimaire de l'habitat, le projet de loi C-5 ne prévoit pas la protection de l'habitat entre le moment où l'on inscrit l'espèce sur la liste et l'achèvement du plan d'action, ce qui peut prendre plusieurs années. Contrairement au projet de loi C-65, le C-5 ne protège pas les espèces transfrontières.

Notre dernière préoccupation concerne le filet de sécurité. Lorsqu'une province ou un territoire ne veille pas à protéger les espèces en péril, le Cabinet peut faire inclure celles-ci dans la loi fédérale. Ce pouvoir discrétionnaire est une grande déception.

Nous aimerions signaler au comité que le CTC, dans son mémoire sur le projet de loi C-65, avait vivement recommandé que le gouvernement fédéral utilise son pouvoir constitutionnel afin d'établir une norme nationale en matière de protection des espèces en péril, conformément aux dispositions de l'Accord national pour la protection des espèces en péril.

En plus de ces préoccupations, le CTC aimerait faire valoir deux points concernant les intérêts des travailleurs et des collectivités, qui ne sont pas traités dans le projet de loi C-5. Le premier est la situation des travailleurs et des collectivités en ce qui a trait aux stratégies de rétablissement et aux plans d'action.

Le projet de loi exige que le gouvernement collabore avec toute autre personne ou organisation que le ministre compétent estime compétente. Selon nous, cette disposition devrait être modifiée afin que les alinéas 39(1)e) et 48(1)e) se lisent comme suit:

    les travailleurs, les collectivités et leurs organisations pertinentes ou toute autre personne ou organisation qu'il estime compétente.

De plus, une consultation avec les travailleurs et les collectivités devrait être obligatoire. Par conséquent, les paragraphes 39(3) et 48(3) devraient être modifiés pour qu'ils se lisent comme suit:

    [...] en consultation avec les travailleurs, les collectivités, les propriétaires fonciers et les autres personnes que le ministre compétent croit directement touchés [...]

En outre, lorsqu'une approche fondée sur les écosystèmes est adoptée dans le cadre du rétablissement des espèces, les répercussions indirectes pour les parties concernées doivent être prises en considération. Ainsi, nous proposons l'ajout des paragraphes 39(4) et 48(4) suivants:

    (4) Lorsqu'une approche fondée sur les écosystèmes est adoptée dans le cadre du rétablissement des espèces, la stratégie en matière de rétablissement et le plan d'action doivent être préparés en consultation avec les travailleurs, les collectivités, les propriétaires fonciers et toute autre personne qui est indirectement touchée par la stratégie, y compris les gouvernements de tout autre pays où l'on trouve les espèces en question.

• 1600

Afin de faire en sorte que ces droits et responsabilités soient respectés, il est essentiel qu'un organe de révision indépendant soit établi en vertu du projet de loi C-5 en vue de veiller au respect du droit des parties touchées à faire appel advenant le cas où on ne tiendrait pas compte de leurs rôles et de leurs responsabilités dans le cadre de l'élaboration des stratégies et des plans d'action relatifs au rétablissement des espèces. La création d'un tel organe était aussi prévue dans le projet de loi C-65, et il s'agit d'une recommandation principale formulée par la Campagne pour les espèces en péril et bien d'autres entités.

Le deuxième point a trait au financement du programme d'intendance. La Campagne a souligné que le niveau de financement est beaucoup trop bas, à savoir qu'un maximum de 50 millions de dollars par année sont alloués aux activités de rétablissement. Bien qu'on ait confirmé l'appui aux collectivités touchées ainsi qu'aux propriétaires fonciers, il n'est pas clair que les travailleurs et les collectivités ont droit au financement. La seule solution est de donner un fondement législatif au financement par l'entremise du projet de loi C-33.

C'est pourquoi nous proposons la nouvelle clause suivante, l'article 142:

    Article 142. Là où un financement est disponible pour appuyer les activités de rétablissement, les fonds seront partagés équitablement entre les travailleurs, les collectivités et les propriétaires fonciers proportionnellement à la mesure dans laquelle ils sont touchés directement ou indirectement par les mesures de rétablissement.

Le sujet de l'appui des travailleurs et des communautés est traité dans la politique du CTC sur la transition équitable pour les travailleurs et les travailleuses dans le cadre des changements environnementaux, dont nous vous remettons une copie. Nous voulons surtout attirer l'attention du comité sur le chapitre 5, sur les collectivités durables, qui établit une relation entre la protection de l'environnement et l'établissement humain et leur place dans le monde naturel.

Tout ceci vous est respectueusement soumis par le Congrès du travail du Canada. Nous remercions le comité encore une fois pour ses travaux relativement à ce projet de loi, et nous espérons que cette démarche aboutira à l'adoption par la Chambre des communes de mesures législatives exhaustives.

Le président: Je vous remercie, monsieur Yussuff, pour votre exposé concis et très instructif, et aussi pour la nuance humaniste.

Le témoin suivant est M. Wallace. Je vous remercie d'avoir fait cette analyse exhaustive du projet de loi, qui est aussi extrêmement utile—particulièrement les tableaux à la page 4, et les études de cas. Pour nous, au comité, c'est tout nouveau dans un mémoire, et par conséquent très utile.

M. Scott Wallace (Boston University School for Field Studies): Merci, monsieur le président et messieurs et mesdames du comité permanent, de me donner cette occasion de m'adresser à vous. Je vais commencer sans tarder; j'ai aussi un diaporama à vous présenter.

Mon exposé porte sur le potentiel du projet C-5 de régler les problèmes de la mer. J'y exposerai les faits saillants d'un mémoire que j'ai préparé avec David Boyd, associé de recherche principal de la chaire d'écorecherche en droit et politique de l'environnement à la faculté de droit de l'Université de Victoria.

Mes propres recherches sont axées sur l'incidence des pêches sur les écosystèmes marins. Je suis chercheur à la School for Field Studies de Banfield, en Colombie-Britannique. Généralement, pour mon travail, je porte plutôt des bottes de caoutchouc qu'une cravate, comme aujourd'hui.

J'ai travaillé avec de nombreuses espèces, donc le marsouin des ports, la baleine à bec commune, la loutre marine et l'ormeau nordique. Ces espèces figurent toutes sur la liste du COSEPAC.

Les vastes zones maritimes et terrestres du Canada couvrent une superficie combinée de 15,3 millions de kilomètres carrés. Le gouvernement fédéral exerce des pouvoirs exclusifs sur les zones maritimes, mais sur seulement 4 p. 100 de la superficie terrestre du Canada—les 96 p. 100 restants relevant de la compétence des gouvernements provinciaux et territoriaux. Autrement dit, la plus grande superficie régie par la loi proposée sur la protection des espèces en péril se trouve en zone maritime et non terrestre. De fait, les zones maritimes fédérales représentent 13 fois les zones terrestres fédérales.

Nous présentons 18 recommandations, que vous pourrez trouver dans la première partie de notre mémoire. Certaines portent sur des préoccupations d'ordre général et d'autres sont plus spécifiques. Dans notre présentation cet après-midi, je parlerai de la plupart de ces préoccupations, en donnant des exemples au besoin. Si on peut voir les diapositives...

Combien d'entre vous aimez les fruits de mer? Plusieurs. Tout d'abord, ce sont là des oeufs d'oursin de mer. Ici, c'est la récolte des oursins. La plupart des fruits de mer viennent de sources sauvages, ou d'écosystèmes quasi-gérés; la matière animale qui se retrouve dans une assiette est donc le résultat direct d'une biodiversité marine fonctionnelle. Tout ce que nous pouvons faire pour assurer l'intendance de nos ressources marines protège, en bout de ligne, les industries maritimes et le bien-être de tous les Canadiens.

• 1605

Bien que le préambule du projet de loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada affirme l'engagement du Canada à protéger la diversité biologique, le projet de loi néglige les autres aspects fondamentaux de la biodiversité: la génétique, les espèces et la diversité de l'écosystème.

Nous recommandons que la loi porte le titre de Loi sur la biodiversité en péril afin de refléter la vision contemporaine scientifique et politique de la biodiversité. Nous nous préoccupons aussi de la terminologie se rapportant aux populations biologiquement distinctes et à la définition «d'espèce sauvage» à l'article 2.

Avec la base de données biologiques abstraites de l'an 2000, j'ai effectué une recherche sur les expressions clé «population génétiquement distincte», «population géographiquement distincte» et «population biologiquement distincte». J'ai trouvé 40 occurrences de la première, 32 de la deuxième, mais aucune pour «population biologiquement distincte». Par conséquent, comme son sens n'est pas clair, que ce soit du point de vue juridique ou scientifique, nous recommandons que l'expression soit clarifiée, ou qu'elle soit remplacée par «population génétiquement ou géographiquement distincte».

Il n'y a pas de définition d'un écosystème dans le projet de loi, et pourtant celui-ci recommande une approche écosystémique. Nous recommandons d'utiliser la même définition qui se trouve dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous voudrions aussi demander aux ministres pertinents, lorsqu'ils prennent des décisions en vertu du projet de loi C-5, de recourir à l'approche écosystémique aussi souvent que possible.

La diapositive suivante: la loutre. Je m'inquiète de la manière dont les espèces sont inscrites sur la liste. Je vais lire une citation d'un député de ma circonscription. Je ne donnerai aucun nom:

    La liste légale des espèces en péril doit être fondée sur la science et non sur la politique. La liste légale ne doit pas relever du pouvoir discrétionnaire du Cabinet.

Je suis parfaitement d'accord avec cela. Si l'espèce en péril est la loutre, elle pourrait avoir une espèce d'influence politique.

La diapositive suivante représente un panope du Pacifique. C'est l'espèce de la côte Ouest qui vit le plus longtemps, avec une longévité de 167 ans. Je ne pense pas qu'un politicien voudrait l'inscrire sur la liste. C'est pourquoi nous devrions modifier l'article 27 pour que ce soit à la recommandation du COSEPAC et non pas du Cabinet.

Nous sommes inquiets du fait qu'une fois une espèce inscrite sur la liste, aucun délai n'est fixé pour la mise en oeuvre d'un plan action. Il est très possible que ce soit un oubli lors de la rédaction du projet de loi, puisqu'il semble y avoir des délais très clairs en ce qui a trait aux stratégies de recouvrement et aux plans de gestion.

On remarque un manque flagrant de connaissances sur les milieux marins—même sur les espèces qui sont directement utilisées par les humains. Imaginez alors ce qui en est des milliers d'autres sur lesquelles il n'existe pas d'information.

Cette diapositive représente un sébaste aux yeux jaunes. On a constaté qu'il peut vivre 127 ans, et il a été largement exploité pendant une bonne partie du XXe siècle.

La diapositive suivante a une légende: «450 livres de morue, deux cannes à pêche, deux heures». Ces bêtes âgées de 120 ans ont été attrapées dans le détroit de Georgia, dans les années 50. Ce genre de surexploitation a fait que le sébaste à yeux jaunes a disparu d'une bonne partie de son parcours naturel, en raison du manque généralisé de connaissance sur les écosystèmes marins. Par conséquent, nous recommandons que toutes les décisions prises en vertu de la loi soient fondées sur le principe de prudence, comme pour la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Ceci est une photo d'un animal rare que la plupart d'entre nous n'ont pas eu la chance d'apercevoir: c'est la baleine à bec commune. Le COSEPAC l'a inscrite sur sa liste d'espèces préoccupantes. Selon le principe de prudence, nous estimons que les espèces dites «préoccupantes»—et non pas que les espèces disparues, en voie de disparition ou menacées—devraient aussi être protégées par la loi, si l'on veut vraiment empêcher que ces animaux aboutissent dans ces catégories.

La diapositive suivante représente un rorqual à bosse. Il y avait une population résidante de rorquals à bosse dans le détroit de Georgia au début des années 1900, mais elle a disparu à cause de la surexploitation. Dans la définition terrestre de l'habitat, le territoire déjà habité d'une espèce disparue est englobé, tandis que la définition aquatique de l'habitat n'englobe pas le territoire déjà habité par une espèce. Nous recommandons l'uniformisation de la définition entre les deux types d'habitat.

• 1610

Nous nous soucions aussi de l'utilisation du terme «résidence» dans le projet de loi. Tout d'abord, ce terme ne tient pas compte du principal problème, qui est l'habitat essentiel. Mais ensuite, ce terme n'a aucun sens du point de vue de la plupart des espèces marines. On pourrait peut-être, par exemple, dire que la résidence de la petite gonnelle que l'on voit sur cette diapositive est une éponge, pendant la brève période où elle y garde ses oeufs. C'est cependant absolument une exception dans les milieux marins.

Nous recommandons que toutes les références à la «résidence», dans le projet de loi C-5, soient remplacées par l'expression «habitat essentiel». Cela permettra en outre de simplifier les articles qui s'y rapportent, qui créent un processus complexe qui peut ou non aboutir à la protection de l'habitat essentiel.

Même si le comité décide de ne pas remplacer le terme «résidence», nous avons remarqué un autre point faible du projet de loi. L'article 33 dit qu'il «est interdit d'endommager ou de détruire la résidence». Mais le paragraphe 58(1) dit qu'il «est interdit de détruire un élément de l'habitat essentiel». On pourrait en déduire qu'on peut endommager l'habitat essentiel, mais pas le détruire. Nous pensons qu'il faudrait corriger cela.

Cette photo-ci n'est pas très bonne, mais elle montre une salmoniculture. Notre recommandation suivante se rapporte à l'acquisition des terres. Nous avons trouvé qu'il n'était pas clair que les droits sur les terres, comme les concessions publiques réservées à des utilisations comme l'aquaculture ou les terrains forestiers, étaient ou non inclus. Ce devrait être explicite à l'article 62.

Dans notre mémoire, nous avons fait une étude intégrale sur les épaulards, mais pour l'instant je dirai seulement que les épaulards, à l'instar de nombreux autres mammifères marins qui figurent sur la liste du COSEPAC, sont menacés par l'accumulation de substances toxiques et de polluants. C'est la menace la plus directe qui pèse sur les espèces marines inscrits sur la liste actuelle.

Tel que le projet de loi est maintenant, très peu de choses peuvent être faites pour aider les espèces qui souffrent de hauts niveaux de pollution. Nous pensons que la formulation du paragraphe 32(1) devrait être modifiée et dire: «Il est interdit de tuer un individu d'une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition, menacée ou préoccupante, de lui nuire, de le harceler, de le capturer, de l'empoisonner ou de le prendre». Nous pensons qu'il serait pertinent d'inclure dans cet article la définition que donne le dictionnaire du terme «empoisonner».

On peut aussi démontrer, avec l'exemple de l'épaulard, les préoccupations relativement aux accords internationaux de protection. La population résidente du sud de la Colombie-Britannique se retrouve souvent dans Puget Sound, dans l'État de Washington, où les règlements visant les activités comme l'observation des baleines sont vraiment différents.

Bien entendu, de nombreuses autres espèces marines sont très mobiles et traversent les frontières internationales. Nous recommandons que l'article 11 prévoie la conclusion d'accords entre le gouvernement et d'autres États.

Ceci est une photo d'un ormeau nordique, qui figure sur la liste du COSEPAC des espèces menacées. Cette espèce souffre de l'activité de braconnage intense. Pour que le projet de loi soit efficace, nous recommandons que des fonds suffisants soient prévus pour la pleine mise en oeuvre et l'application de la loi.

Il devrait aussi y avoir un mécanisme pour doter les citoyens préoccupés par le sujet de la capacité d'appliquer la loi dans des situations où le gouvernement ne le fait pas. C'est aussi une recommandation qui a été faite à la suite de l'évaluation mondiale de la biodiversité effectuée par les Nations Unies.

Cette diapositive représente la vache de mer de Steller, une espèce maintenant disparue, qui existait auparavant sur la côte ouest de l'Amérique du Nord. C'est pour nous rappeler qu'il nous faut protéger la biodiversité marine. Il faut apporter d'importantes modifications à ce texte si nous voulons que la loi puisse réellement protéger la biodiversité marine.

Cependant, le projet de loi renferme d'excellentes dispositions qui devraient être reconnues. Par exemple, nous pensons que la menace que pose la pêche excessive d'une espèce marine est bien circonscrite. Malheureusement, je n'ai pas le temps de parler de toutes les recommandations que nous avons faites dans notre mémoire, mais j'encourage le comité à le lire et à réfléchir à nos recommandations qui visent à renforcer le projet de loi C-5.

Pour terminer, cette dernière diapositive représente des timbres canadiens sur lesquels sont illustrées des espèces marines.

Au nom de tous les Canadiens qui apprécient réellement la biodiversité marine, je vous remercie d'avoir écouté cet exposé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wallace.

Réalisez-vous que si ce comité devait répondre à votre suggestion de remplacer «résidence» par «habitat», il serait responsable d'énormes crises d'apoplexie au ministère de l'Industrie et des Ressources naturelles, et peut-être même de la chute du gouvernement?

M. Scott Wallace: Voulez-vous que je réponde à cela?

Des voix: Oh, oh!

• 1615

M. Scott Wallace: Eh bien, pour répondre d'un point de vue écologique, sans cela, on pourrait être responsables de la chute de tous les écosystèmes biogéoclimatiques distincts du Canada. Si vous ne protégez pas l'habitat essentiel, vous ne protégez pas les espèces.

Le président: Je plaisantais.

[Français]

Monsieur Roy, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Jean-Yves Roy (Matapédia—Matane, BQ): Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins d'avoir fait leur présentation.

Je siège au Comité des pêches et des océans et j'ai entendu M. Chase, entre autres, dire ici que le projet de loi qui est devant nous devrait primer sur la Loi sur les pêches.

Ma question concerne particulièrement l'aquaculture. On sait qu'on a de gros problèmes à l'heure actuelle avec l'aquaculture et la mariculture, particulièrement. Je reviendrai peut-être à la mariculture afin de poser ma question.

J'entendais le Dr Wallace nous faire sa présentation et je constatais qu'il était de la région de Victoria, en Colombie-Britannique. Vous savez qu'en Colombie-Britannique, à l'heure actuelle, une bonne question qui se pose au sujet du saumon rouge dans la rivière Thompson et dans la rivière Fraser et ses affluents, entre autres, rejoint les problèmes que nous avons.

Nous avons justement posé une question à un scientifique de Pêches et Océans et il a été, malheureusement, incapable d'y répondre. Je vais vous la poser.

Dans certains cas, l'interdiction de la pêche peut engendrer la surpopulation dans les frayères et faire en sorte qu'il y ait un taux de mortalité très élevé. Pensez-vous qu'une surpopulation de saumons dans la Fraser ou la Thompson, par exemple, peut engendrer une surpopulation dans les frayères de manière à ce qu'il y ait un taux de mortalité très élevé? C'est une perte pour l'économie de cette région. Si ces saumons avaient été pêchés, évidemment, la perte aurait été moins grande au niveau des frayères. Êtes-vous capable de répondre à cette question?

C'est ma première question, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Wallace, dans votre réponse, peut-être pourriez-vous essayer de vous en tenir au contexte du projet de loi que nous examinons?

M. Scott Wallace: D'accord. La question, c'est si la surpopulation du saumon peut mener à la chute de la population, ce qui nuirait à l'économie. C'est ce que j'en ai compris.

Tout d'abord, je ne suis pas d'accord. En Colombie-Britannique, on approvisionne de nombreux cours d'eau en nutriments, parce que ces saumons ne font pas que mourir, ils apportent des nutriments tout au long du cours d'eau. Par conséquent, pour toutes les espèces de cet écosystème qui profitent de la surpopulation du saumon, vous avez raison que pour cette frayère seulement, il ne peut avoir que des effets minimes sur la population. Mais le cycle de vie est si complexe que je ne pense pas que les scientifiques en sachent assez pour dire si la surpopulation entraîne ou non la mort de toute la frayère. De fait, il semble que depuis qu'on fertilise les rivières, qu'on essaie de rétablir les cours d'eau, ce petit supplément de nutriments est plutôt bénéfique aux cours d'eau.

Je ne suis pas très sûr d'où cela pourrait aller dans le projet de loi. J'aurais besoin d'une question plus précise pour pouvoir y répondre.

• 1620

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Je vais vous donner le lien avec le projet de loi. M. Chase, entre autres, a affirmé que la surpêche était une des causes de la disparition du saumon de l'Atlantique dans la baie de Fundy, et vous l'avez affirmé vous-même. Vous avez affirmé qu'il n'appartient pas aux politiciens de décider quelles sont les espèces qui devraient être inscrites, mais d'un autre côté, depuis que vous êtes assis ici, ça fait trois fois que j'entends dire, autant de votre part que de la part d'autres témoins, qu'on n'a pas suffisamment de connaissances scientifiques, à l'heure actuelle, pour juger une situation semblable. Et c'est exact. J'ai posé la même question au Comité des pêches et des océans et je dois vous dire que depuis 1995, des scientifiques étudient le problème. Ils sont incapables aujourd'hui, six ans plus tard, de nous répondre. Quel est le véritable problème? Ils étudient encore 23 ou 24 hypothèses et ils sont incapables de nous répondre. La situation a le temps de devenir très dramatique et tragique avant que les scientifiques puissent nous répondre.

À un moment donné, ça demande une réaction. C'est dans ce sens-là que va ma question. Vous dites qu'on devrait confier uniquement aux scientifiques le soin d'inscrire sur les listes les espèces en voie de disparition. C'est là-dessus que je ne suis pas d'accord avec vous. C'est ça, le sens de ma question. Je vais aller plus loin et dire que cela n'appartient pas uniquement aux scientifiques, parce que si on se fie uniquement aux scientifiques, dans le cas des pêches, on aura un sérieux problème. C'est ce que je veux vous dire.

[Traduction]

M. Scott Wallace: L'espèce que vous avez choisie, le saumon, a l'un des passés les plus complexes que nous gérions et étudiions suffisamment en ce moment. Il y a de nombreuses autres espèces qui sont moins complexes, dont la population est connue et qui présentent moins d'incertitudes, d'une perspective scientifique, pour que l'on puisse faire de vigoureuses recommandations.

Mais je dois convenir avec vous que pour certaines espèces sur lesquelles on manque largement de connaissances précises, les scientifiques ne peuvent fournir une réponse idéale. C'est pourquoi le principe de prudence qui, d'une certaine façon, transparaît dans la loi, l'emporte sur tout le projet de loi, et qu'il devrait être mis en oeuvre espèce par espèce, frayère par frayère.

Le président: Monsieur Chase, voulez-vous donner une brève réponse?

M. Stephen Chase: Je vous remercie, monsieur le président.

J'allais seulement ajouter, en ce qui concerne le principe de prudence, que le Canada est signataire d'un certain nombre de traités, y compris celui de l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord—qu'on appelle aussi le traité OCSAN, qui a défini la démarche prudente, c'est-à-dire qu'en l'absence de données scientifiques pertinentes, nous devrions faire preuve de prudence et favoriser la préservation.

Je reviens à la question qui a été posée sur la surpêche. Il est vrai qu'il y a quelques années, la surpêche posait un problème pour le saumon de l'Atlantique. Les pêches ont cessé, comme je l'ai dit plus tôt. Mais tout au long du texte, nous nous sommes appuyés sur les sciences pour fournir des conseils qui guideraient les mesures de gestion, et l'application du principe de prudence en a été un élément important. Alors pour revenir au contexte de cette loi, nous pensons que l'avis scientifique a eu une importance déterminante dans l'orientation de la gestion des pêches, et par conséquent devrait être un élément intégral et primordial de la nouvelle loi.

Le président: Merci, monsieur Roy.

Madame Kraft Sloan, puis madame Scherrer.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Au début de la page 11 de votre mémoire, monsieur Ouellette, il y a un paragraphe où on lit:

    Il serait ironique que la loi prévoyant protéger la biodiversité en péril offre moins de protection à l'habitat des espèces aquatiques en voie de disparition que ce que la Loi sur les pêches prévoit pour les espèces aquatiques qui ne sont pas en péril.

J'ai entendu la même chose d'autres scientifiques aussi, et je me demande si vous pouvez extrapoler un peu sur cela aux fins du compte rendu.

M. Scott Wallace: La Loi sur les pêches, au paragraphe 35(1), est très explicite:

    35.(1) Il est interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson.

C'est une clause non discrétionnaire, et voilà vraiment la clé. C'est l'une des formulations les plus rigoureuses de la Loi sur l'environnement au Canada, cette simple ligne.

• 1625

Mme Karen Kraft Sloan: Alors vous dites au comité qu'il y a des espèces aquatiques qui ne sont pas en danger qui seront plus protégées que les espèces en danger, ce qui est vraiment déplorable.

M. Scott Wallace: C'est bien cela.

Mme Karen Kraft Sloan: L'autre chose qui m'intéressait vraiment, dans votre mémoire, est toute cette idée de diversité écosystémique. J'ai bien entendu, pas directement, mais par personne interposée, d'un autre scientifique, que le titre de la loi ne devrait peut-être pas parler des espèces en péril mais de l'habitat en péril, parce qu'il nous a très clairement été démontré qu'on ne peut protéger les espèces sans protéger leur habitat. D'un point de vue biologique, ça n'a aucun sens.

Je me demande si vous pouvez expliquer, encore pour le compte rendu, ce concept dont vous avez parlé, de diversité écosystémique. Il y a une clause dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement—je me rappelle du processus d'amendement, et nous étions assez contents d'en avoir fini. Il était important de bien comprendre la démarche écosystémique. Il ne s'agit donc pas seulement des éléments, mais de leurs liens entre eux aussi.

Alors si vous, ou l'un des autres témoins, voulez ajouter des commentaires sur l'importance non seulement de protéger l'habitat, mais aussi d'une approche écosystémique...

M. Scott Wallace: Il y a un précédent, à ce sujet, venant d'autres juridictions. Les lois semblables des États-Unis et de l'Australie, sur les espèces en péril, prévoient la protection des écosystèmes qui sont en danger, surtout parce qu'ils ont reconnu la valeur des données scientifiques actuelles et s'efforcent de le refléter dans leurs lois, en reconnaissant que les espèces n'ont pas d'interaction d'elles-mêmes. La seule façon de vraiment protéger les espèces et de protéger leur habitat. Les termes «habitat» «écosystème» ne devraient pas être utilisés de façon interchangeable, mais l'écosystème est la région où se trouve l'habitat. Nous ne pouvons pas protéger l'un sans l'autre.

Il y a des lois, comme le Code d'exploitation forestière en Colombie-Britannique, qui montrent qu'on peut protéger, disons, une résidence, qui pourrait être un seul arbre au milieu d'une coupe à blanc, parce qu'il s'y trouve un nid d'oiseau, même s'il est évident que ce n'est pas l'habitat nécessaire à la préservation de toute l'espèce.

Est-ce quelqu'un d'autre veut faire des commentaires là-dessus?

M. David Bennett: J'aimerais seulement faire deux observations. Nous pensons, comme à peu près tout le monde, que l'habitat est essentiel. C'est indispensable. Mais il y a aussi d'autres sources de menace des espèces vivantes, et la pollution en est une. À moins qu'on s'en préoccupe autant que de l'habitat, le projet de loi restera incomplet. Je vous donne comme exemple concret les effets des pesticides sur des espèces particulières, comme la chouette des terriers.

L'autre aspect, je pense, est le suivant. Vous pouvez dire, assez justement, que si on protège les espèces, il faut protéger les écosystèmes. Mais l'une des plaintes que suscite la loi sur les espèces en péril est qu'elle sert de moyen de protéger les écosystèmes en se fondant sur des espèces particulières. Selon nous, ce n'est pas un sujet de plainte mais un élément parfaitement légitime de l'équation. Ce que nous disons, c'est qu'en protégeant les espèces, on protège aussi l'écosystème; protégez les écosystèmes, et vous protégerez aussi les espèces en péril.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur Chase, aviez-vous des commentaires?

M. Stephen Chase: Seulement que la protection de l'habitat d'une espèce marine ou anadrome, comme le saumon—et M. Wallace a très bien expliqué son point de vue—est une tâche extraordinairement difficile. Les poissons qui passent de l'océan aux rivières... l'habitat est vaste. Il est assez difficile de définir la résidence de certaines espèces.

C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus. Il faut que ce soit une approche systémique assez globale, et je pense que les autres témoins en ont parlé.

Mme Karen Kraft Sloan: Je crois que c'est une perspective qu'il serait très important d'ajouter à nos délibérations sur le projet de loi. Je vous remercie.

Le président: Au deuxième tour peut-être.

Mme Scherrer, puis Mme Redman et le président, puis nous ferons un deuxième tour.

• 1630

[Français]

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, monsieur le président.

Docteur Wallace, si j'ai bien compris votre présentation, vous souhaitez que la liste qui a été élaborée par le COSEPAC soit une liste scientifique uniquement et qu'elle ne prenne pas en considération des éléments politiques.

Je regarde, par exemple, certaines des espèces qui sont énumérées, comme le béluga. Je dois vous dire que nous avons reçu plusieurs représentants des premières nations qui sont d'abord venus nous dire qu'il fallait prendre en considération les méthodes traditionnelles avant de lister une espèce en péril, dont le béluga. Je voudrais savoir comment vous réagissez quand les premières nations viennent nous dire que le béluga, selon leur évaluation, n'est pas une espèce en péril et qu'on doit prendre en considération les éléments socioéconomiques qui, par exemple, deviennent pour eux tragiques lorsqu'on met sur la liste une espèce comme le béluga et d'autres espèces, probablement, pour les résidents de la région de la baie d'Ungava, par exemple, ou d'ailleurs. J'aimerais avoir votre réaction là-dessus.

[Traduction]

M. Scott Wallace: Vous devez tout de même vous fier aux données scientifiques. Dans n'importe quel groupe, il y aura des gens qui, pour soutenir leurs propres intérêts, diront que les espèces ne sont pas en péril; je vous donne l'exemple du béluga.

Cependant, il faut tout de même une espèce d'autorité finale. Je pense que l'autorité devrait être fondée sur la science. Ce ne sera pas une décision exclusivement scientifique. Des facteurs socio-économiques devront évidemment entrer en ligne de compte. Cependant, l'autorité finale devrait appartenir à un organe scientifique composé de représentants de plusieurs domaines et non pas uniquement du secteur politique.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Est-ce que vous reconnaissez les méthodes traditionnelles des premières nations comme des éléments scientifiques?

[Traduction]

M. Scott Wallace: Absolument.

Mme Hélène Scherrer: Vous n'êtes pas d'accord au sujet du béluga, alors.

M. Scott Wallace: Il faudrait que je voie les meilleures données qui existent pour pouvoir en décider. J'appuie certainement les connaissances traditionnelles, qu'elles soient des Premières nations ou d'autres.

Mme Hélène Scherrer: Selon leur savoir traditionnel, le béluga n'est pas en danger. Et pourtant, il figure sur la liste.

Le président: Il l'est, dans certaines régions.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Selon cette liste qu'on nous soumet, cette espèce est dans le Saint-Laurent et elle est également dans la baie d'Ungava.

Je ne veux pas m'arrêter sur cette espèce-là en particulier, mais sur le fait que si on décide qu'il y a une liste scientifique basée sur des éléments scientifiques uniquement, je trouve un peu maladroite la comparaison en vertu de laquelle une petite bibite qui était cute, à ce moment-là, ne va pas être mise sur la liste alors que l'autre, qui est un petit peu moins drôle, ne sera pas protégée. Je ne pense pas que ce soient des éléments qui entrent en ligne de compte au niveau politique, du tout. On a un exemple ici, ne serait-ce que celui du béluga, d'une espèce qui, d'après des éléments très scientifiques, à cause de sa population, est normalement en péril, alors que les premières nations viennent nous dire que cette espèce n'est pas en péril, parce qu'on fait entrer en ligne de compte des éléments autres que des éléments purement scientifiques.

[Traduction]

M. Scott Wallace: C'est une excellente question. Je ne peux que répéter qu'il faut une espèce d'organe qui prenne la décision finale d'après les meilleures données qui soient disponibles.

M. David Bennett: N'est-il pas vrai que les connaissances des Autochtones sont elles-mêmes une forme de savoir scientifique? S'il y a désaccord sur une espèce qui est ou non en danger, c'est un désaccord légitime entre scientifiques. Il peut être résolu soit par des méthodes scientifiques normales, soit par un débat menant à une conclusion.

D'après nous, les décisions sur la détermination des espèces en péril ne devraient pas être fondées sur des intérêts économiques, et cela comprend les intérêts économiques des travailleurs et des communautés. Cependant nous insistons, et nous l'avons souligné dans le mémoire, qu'il y a des moyens de faire participer les travailleurs et les communautés à la prise de décisions, par exemple, sur les plans de rétablissement, et il y a aussi une espèce de recours en l'absence de cette participation des travailleurs et des communautés. Il devrait y avoir un recours, un mécanisme d'appel. De plus, le financement devrait être disponible pour les travailleurs et les communautés s'ils sont réellement touchés, directement ou indirectement, par les décisions relatives aux espèces en péril, et particulièrement les décisions sur les plans de rétablissement.

• 1635

Je pense que votre question est excellente, mais je crois aussi qu'il existe de bonnes réponses.

Le président: Pour être juste avec les Inuits, vous vous rappellerez peut-être qu'ils ont insisté pour qu'un nouveau recensement soit fait parce que les chiffre actuels dataient de 1993. Vous en souvenez-vous? Eux-mêmes voulaient voir des données plus à jour sur des espèces particulières.

Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai remarqué que M. Yussuff avait quelque chose à dire.

Le président: Je m'excuse, monsieur Yussuff.

M. Hassan Yussuff: Je pense que la question d'Hélène était pertinente, dans le contexte de la difficulté que nous avons actuellement à définir notre relation avec le peuple autochtone. Je ne pense pas qu'il faille négliger cela. C'est vraiment un enjeu important.

Au sujet de la façon dont le projet de loi traite des réponses que les scientifiques peuvent offrir sur les espèces devant figurer sur la liste, il est essentiel que nous ajoutions la connaissance traditionnelle qu'a le peuple autochtone du pays, qui est un excellent point de référence.

Si nous ne le reconnaissons pas, nous continuons de reproduire les défis systémiques que notre société n'a pas su relever. Je pense qu'il pourrait en être question comme d'un moyen de composer avec ces deux réalités différentes, de reconnaître que leurs intérêts et les nôtres sont les mêmes. Il faut le reconnaître si l'on veut vraiment déterminer ce qui est bon pour notre société. Ils ont tout autant que nous le droit de présenter des arguments fondés sur leur savoir traditionnel.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Chase, soyez bref.

M. Stephen Chase: Très brièvement, notre organisation demande que les données scientifiques soient un facteur déterminant de la décision visant les espèces à risque. Cela n'empêche pas de tenir compte d'autres formes de savoir ou d'information, mais l'expertise scientifique, la quantification des problèmes, etc., sont des éléments primordiaux.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser ma première question à monsieur Bennett.

Votre organisation a proposé qu'il y ait des mesures intérimaires pour protéger les espèces entre le moment de leur inscription sur la liste et celui de la mise en oeuvre du plan de rétablissement. À mon avis, le projet de loi C-5 renferme déjà ces mesures, sous la forme d'intendance et d'incitatifs, d'interdictions visant à protéger une espèce dans sa résidence, en plus du recours aux mesures d'urgence, au besoin.

Ne pensez-vous pas que nous pourrions donner le dos à la critique en court-circuitant le processus normal de planification du rétablissement? Il prévoit la participation des intervenants, et en fait l'assure, mais nous pourrions adopter des mesures provisoires qui ne le garantiraient pas.

M. David Bennett: D'après la description que vous avez faite, il semble que si de telles mesures provisoires sont déjà prévues dans le projet de loi, comme vous l'avez dit, ces mesures devraient aussi prévoir la participation des travailleurs et des communautés.

Notre plainte, au sujet du projet de loi, c'est que le rôle des travailleurs et des communautés n'est pas assez explicite; soit qu'il n'y est pas prévu, soit qu'il n'est pas explicite. S'il y figurait, ce serait la réponse à votre critique. De mémoire, je ne suis pas sûr que ces mesures provisoires s'y trouvent, comme vous le dites. Si elles y sont, la solution est certainement de rendre explicite la participation des travailleurs et des communautés en tant que parties touchées, de leur accorder le droit de pleine participation qui leur revient, et les mesures correctrices qui s'imposent si aucune solution n'est apportée à leurs préoccupations conformément à la loi.

Mme Karen Redman: Pouvez-vous expliquer plus longuement les mesures correctrices? Que voulez-vous dire par là?

M. David Bennett: L'idée du projet de loi, c'est que pour chaque problème, il devrait y avoir un plan et une stratégie de rétablissement. Nous pensons que c'est tout à fait juste. Cependant, nous pensons que le projet de loi ne dit pas explicitement que les parties touchées sont les travailleurs et les communautés. Tout ce que nous avons jusqu'ici, c'est une décision possible par le ministre visant la participation des personnes qu'il considère pertinentes. Et ça, ce n'est pas assez explicite.

• 1640

J'aimerais préciser que lorsque les discussions ont eu lieu entre le mouvement écologique et le milieu des affaires au sujet de ce projet de loi, les communautés ont spécifiquement été désignées, avec les propriétaires fonciers et les parties touchées, lesquels devraient participer et ceux auxquels des mesures correctrices... c'est-à-dire que si quelque chose va de travers, ces gens-là devraient avoir accès à un processus d'appel. Ils devraient aussi être du nombre de ceux qui ont accès au financement prévu pour les plans de rétablissement.

Cependant, la notion de participation de la communauté est absente du projet de loi. Et la question des travailleurs touchés—et il y a potentiellement beaucoup de travailleurs qui pourraient être touchés—a été complètement exclue du projet de loi. C'est pourquoi nous disons que les travailleurs et les communautés devraient figurer dans le projet de loi à tous les endroits pertinents.

Mme Karen Redman: Est-ce que je peux demander des précisons? Lorsque vous parlez de financement, parlez-vous du genre de financement qui va dans les programmes d'intendance, ou est-ce qu'il s'agit des indemnités?

M. David Bennett: Le terme «indemnité» et le concept d'indemnisation n'a rien à voir dans le projet de loi, tel que nous le comprenons. Il en a été question dans les discussions qui ont eu lieu, et à notre avis, ces discussions ne menaient à rien. Mais, oui, le soutien des programmes d'intendance—qui devraient englober les activités découlant des plans de rétablissement.

La question du financement ne figure absolument pas dans le projet de loi. C'est laissé de côté, comme une question d'ordre administratif. Nous comprenons qu'une somme spécifique avait été proposée pour l'ancien projet de loi C-35, et les chiffres qu'il y a dans notre mémoire sont fondés sur cela. Mais bien entendu, ça pourrait changer et être pire ou mieux.

Ce que nous demandons au comité, c'est qu'il y ait une référence explicite au financement dans le projet de loi. Il ne s'agit pas d'énoncer une exigence ou de demander un niveau particulier de financement, mais de dire que lorsqu'il est question de financement des programmes d'intendance, les travailleurs et les communautés devraient en avoir une part équitable, selon la mesure dans laquelle ils sont touchés par les plans de rétablissement et selon la mesure dans laquelle ils participent aux programmes d'intendance.

Mme Karen Redman: Là encore, c'est strictement dans le cadre de l'intendance, n'est-ce pas?

M. David Bennett: Si l'intendance englobe les plans de rétablissement, oui.

Mme Karen Redman: D'accord.

S'il me reste du temps, j'aimerais poser une question à M. Chase.

À ce que j'ai compris lorsque votre organisation a fait une présentation sur le projet de loi C-33, vous avez soutenu que dans la loi, le processus d'établissement de la liste faciliterait pour les intervenants hors gouvernement la tâche de rassembler les ressources additionnelles qui contribueraient au rétablissement. Pourriez-vous expliquer comment, selon vous, la Loi sur les espèces en péril pourrait avoir cette utilité?

M. Stephen Chase: Nous pensons qu'il est important que le gouvernement fasse preuve de leadership dans certains domaines.

Comme je l'ai dit, heureusement ou malheureusement, nous sommes devenus habitués, ces dernières années, à ce que le gouvernement n'ait pas assez de ressources pour faire tout ce qu'il faut faire. Alors notre organisation s'est habituée, depuis quelques années, à verser au ministère des Pêches et Océans une contribution financière pour l'aider à faire le genre de travail qui incombe normalement au gouvernement.

Je pense que nous avons contribué et—et tout à fait bénévolement—recueilli des fonds, d'un montant de l'ordre de 1 million de dollar pour des projets conjoints avec le MPO dans la Baie de Fundy; il y a aussi eu quelque chose comme 30 000 $ par année qui ont été investis dans des projets à Terre-Neuve. Je ne dis cela que pour illustrer que nous ne voyons pas cela nécessairement comme quelque chose de mauvais—l'appui au gouvernement—mais parfois, il serait souhaitable que d'autres se joignent à un plan d'action pour essayer de remédier au problème. Ça ne me pose aucun problème.

• 1645

Alors ce que je dis, c'est que malheureusement et heureusement, c'est la situation où nous sommes, et le gouvernement devrait être au moins ouvert à l'idée d'un partenariat avec les particuliers et les sociétés intéressés.

Le président: Je vous remercie, madame Redman.

Monsieur Wallace, votre déclaration, à la page 29 de votre rapport exhaustif est un peu troublante, parce que vous concluez en résumé que la loi n'atteindra pas son objectif de protection de la biodiversité marine au Canada, et vous donnez huit raisons précises. Pourriez-vous expliquer un peu ces raisons, ou au moins quelques-unes d'entre elles?

M. Scott Wallace: Il y en a beaucoup dont nous avons déjà parlé, non seulement moi, mais en fait tous les témoins d'aujourd'hui.

Le président: En l'absence de principe de prudence, diriez-vous que c'est un élément important?

M. Scott Wallace: D'inclure le principe de prudence?

Le président: Oui.

M. Scott Wallace: Absolument, en raison de toutes les lacunes dans les connaissances, particulièrement au sujet des écosystèmes marins, il faut quelque chose pour orienter le projet de loi en l'absence de certitude.

Le président: Au sujet des lacunes du processus d'inscription, pouvez-vous nous donner des précisions?

M. Scott Wallace: Pourriez-vous répéter votre question s'il vous plaît?

Le président: Le deuxième énoncé, les lacunes du processus d'inscription. Que voulez-vous dire par là?

M. Scott Wallace: C'est la manière dont la liste du COSEPAC est intégrée à la loi.

Le président: Qu'est-ce qui arrive? Quelle est la lacune?

M. Scott Wallace: Eh bien, c'est que la décision est prise par un organe politique, et non pas scientifique.

Le président: Oh, la discrétion politique.

M. Scott Wallace: Oui.

Le président: Très bien, nous avons compris.

La protection des espèces préoccupantes inférieure aux normes—qu'est-ce que cela veut dire?

M. Scott Wallace: En gros, tel que le projet de loi est maintenant, il n'offre pas de protection juridique aux espèces vraiment préoccupantes. Bien qu'il prévoie la formulation d'un plan de gestion, les principaux articles du projet de loi qui protègent l'habitat ou la résidence n'englobent pas les espèces préoccupantes.

Avec le principe de prudence, je dirais que la raison pour laquelle une espèce est inscrite sur la liste des espèces préoccupantes est d'empêcher qu'elle se rende jusqu'à la liste des espèces en péril ou en voie de disparition. C'est comme cela que c'est décrit dans la section des définitions. Alors il me semble, selon le principe de précaution, que s'il est compris qu'une espèce suscite une préoccupation particulière, pourquoi permettre que du mal lui soit fait?

Le président: Alors vous dites que l'inclusion du principe de prudence éliminerait certaines autres préoccupations que vous avez en rapport à la protection de la biodiversité marine?

M. Scott Wallace: Les deux principaux éléments sont les espèces préoccupantes et le manque de connaissance.

Le président: Le manque de connaissance...

Pour revenir à ce que vous disiez plus tôt, au sujet du remplacement du terme résidence par habitat, qui est une suggestion très intéressante, j'en suis sûr, la première réaction est peut-être que cela posera des problèmes du côté des éleveurs de bétail et des agriculteurs. Ils vont vraiment faire une crise rien qu'à cette idée.

Il pourrait y avoir dans la loi une motion pour parler d'habitat marin plutôt que de résidence. Mais j'ai entendu M. Chase il y a quelques minutes qui disait que l'habitat peut être si vaste, si ample, que cela pourrait poser des difficultés. Alors comment résoudriez-vous ce problème d'habitat marin pour remplacer la résidence, en dépit du fait que cela suspendrait l'activité humaine dans des régions maritimes très vastes?

• 1650

M. Scott Wallace: Pour l'instant, je ne pense pas qu'il devrait y avoir une distinction entre les régions terrestres et maritimes en ce qui concerne ce concept de résidence, parce que j'ai lu certains des témoignages terrestres aussi, et ces gens-là, les biologistes terrestres, conviennent aussi que ça ne fonctionne pas.

Si l'habitat critique est l'élément fondamental, ce serait suffisant pour les espèces marines, donc il y a cette disposition relative à l'habitat critique, mais la résidence n'existe tout simplement pas. Je ne sais pas vraiment comment formuler cela sans poser de problème à personne. Au bout du compte, une loi comme celle-ci s'efforce de limiter les périls. Ceux-ci sont d'origine humaine, c'est donc que la réduction des causes de péril devra entraîner un changement, soit dans les pratiques terrestres, soit dans notre interaction avec l'environnement. Je ne vois pas comment nous pouvons tout avoir. En même temps, c'est là qu'entre en jeu l'indemnité. Il faudra bien changer quelque chose.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Chase, vous voulez commenter cela, mais peut-être voudrez-vous ajouter à votre commentaire une réponse à la question qui suit.

On voit, sur la liste du COSEPAC de mai 2001, le saumon de l'Atlantique de l'intérieur de la baie de Fundy. Pourriez-vous nous dire pourquoi, et ce qu'on fait actuellement pour prendre des mesures correctrices en l'absence d'une loi spécifique?

M. Stephen Chase: Je ferai de mon mieux, monsieur le président.

En ce qui concerne la première question, l'habitat ou la résidence est extrêmement difficile à définir pour les espèces marines. Cependant, je ne pense pas que cela doive nécessairement mener à la suspension de toute activité humaine. Au lieu de cela, je pense que si les activités humaines qui ont lieu dans certains milieux marins et en eaux vives se font de façon à préserver un environnement durable, elles peuvent coexister.

Je pense que c'est la solution que nous proposons, d'essayer d'établir une relation professionnelle avec l'industrie aquacole de notre côté. Nous aimerions que ces activités se déroulent de manière soucieuse de l'environnement. Il y a des limites à la technologie, mais des travaux sont en cours pour y parvenir.

Alors je ne pense pas nécessairement que cela mènera à la suspension de toute activité dans les vastes régions de l'environnement marin, comme vous l'avez dit.

Au sujet de la liste récente du COSEPAC, et du saumon de l'Atlantique qui se trouve dans les 33 rivières de l'intérieur de la baie de Fundy, les raisons sont nombreuses. Il y a tout eu, de la pollution aux barrages et autres obstacles, en passant par des années de surpêche qui ont réduit les populations, la perte de l'habitat en eaux vives et d'autres facteurs comme la prédation du milieu marin par les phoques, les cormorans, etc. Cette liste devrait vraiment être utile pour rétablir ces populations.

Il y a d'ailleurs, depuis deux ou trois ans, une initiative conjointe de la Fédération du saumon atlantique avec le ministère des Pêches et Océans et d'autres intéressés, comme les universités, les Premières nations et les gouvernements provinciaux de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, qui vise l'élaboration d'un plan d'action. Nous ne pouvions pas attendre l'adoption d'une loi sur les espèces en péril. Nous avons reconnu qu'il fallait un plan d'action, et en fait, un processus très bien conçu est en place que pourraient remarquablement appuyer un éventuel financement et un plan d'action que pourrait prévoir une loi sur les espèces en péril.

Mais nous sommes déjà prêts à nous lancer, et d'ailleurs nous l'avons déjà fait en prévision de la loi. J'espère que cela répond à votre question.

• 1655

Le président: Merci, monsieur Chase.

Nous entamons maintenant un deuxième tour.

Monsieur Roy, puis madame Kraft Sloan.

M. Stephen Chase: Je dois m'en aller maintenant.

Le président: Vous devez partir pour l'aéroport. Je vous remercie d'être venu, et aussi pour votre exposé.

Monsieur Roy.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Merci, monsieur le président.

Ma question va dans le sens de celle que vous avez posée au niveau de la dimension des habitats, et elle va aussi dans le sens de l'intervention du Congrès du travail du Canada. Dans le projet de loi, il semble qu'il n'y ait pas de mesures véritables de protection pour les communautés locales et l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui pourraient être touchés.

La définition de l'habitat est très importante en ce sens que quand vous parlez du milieu marin, vous parlez de surfaces immenses. Je reviens souvent à l'exemple de Pêches et Océans. Quand il est question d'interdire la pêche d'une espèce, on a de sérieux problèmes, parce que quand on interdit la pêche d'une espèce comme la morue ou qu'on accorde des permis uniquement aux pêcheurs de crabe ou aux pêcheurs de crevette, les pêcheurs de crevette se retrouvent avec des tonnes de crabe qu'ils sont obligés de rejeter à la mer, ou inversement.

En milieu marin, comment pouvez-vous définir un habitat pour protéger une espèce sans empêcher toute intervention de la part des êtres humains? Au fond, à partir du moment où vous voulez protéger une espèce en milieu marin, vous interdisez presque toute activité humaine. Ma question va dans ce sens-là. Comment voulez-vous définir un habitat dans le milieu marin qui, comme vous l'avez dit, est immense, parce qu'il n'y a pas de lieu de résidence mais une migration constante, etc., sans empêcher les gens, particulièrement ceux des populations côtières, de vivre?

[Traduction]

Le président: Monsieur Yussuff, vous avez la parole.

M. Hassan Yussuff: Il se pourrait que dans le contexte de la protection de l'habitat, il faille limiter la population humaine dans une région géographique spécifique si nous voulons vraiment la protéger. L'interaction des gens avec l'environnement a ses conséquences; s'il y a des travaux, ils ont des répercussions. Je pense que dans ce contexte, il faut reconnaître que les travailleurs qui doivent composer avec ces conséquences découlant de modifications à l'environnement doivent se faire offrir des solutions, dans la communauté comme telle. Nous l'avons reconnu il y a longtemps, en tant que mouvement, et nous avons remis un document pour dire qu'avec la modification de l'environnement, on ne peut tout simplement pas négliger ce fait.

Pourquoi les localités et les citoyens accepteraient-ils cet argument des politiciens ou de quiconque s'ils ne vont pas être pris en compte? Je crois que dans ce contexte, il faut reconnaître que nous avons un problème à régler. Le fonds d'intendance en fait mention, mais rien n'est clair à ce sujet. Il faut, me semble-t-il, repenser l'importance de cette question, car nous voulons que les citoyens acceptent la loi et se rendent compte qu'il y a des conséquences. Lorsqu'elles se manifestent, il faut que le gouvernement travaille avec les localités, les travailleurs et les organisations pour s'assurer de les minimiser, tout en reconnaissant que cela entraînera le déplacement de certaines personnes.

Le président: Cela englobe-t-il l'International Woodworkers of America?

M. Hassan Yussuff: Cela engloberait tous les travailleurs, y compris l'International Woodworkers of America.

Le président: Avez-vous une copie de son mémoire?

M. Hassan Yussuff: Je n'ai pas vu son mémoire. Je suis sûr qu'il est sans doute quelque peu contradictoire au nôtre, mais il représente, je crois, la position que nous avons adoptée au CTC. Ne rien faire n'est pas la solution.

Le président: Monsieur Roy.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Je voudrais revenir sur ce sujet-là. On a vu ce qui s'est passé au niveau des pêches. Ce sont des populations entières, particulièrement à Terre-Neuve, qui se sont retrouvées en difficulté. Vous dites que dans le projet de loi, on ne prévoit pas suffisamment la protection des communautés. Ce que je vais répondre à cela, c'est que si vous étendez les habitats de façon illimitée, vous allez vous retrouver avec des communautés qui vont vivre de la sécurité du revenu, tout simplement, parce qu'il n'y a pas de possibilité de remplacement, à l'heure actuelle, dans ces lieux-là.

Je suis d'accord sur la protection des espèces. Je suis d'accord pour qu'on essaie, dans la mesure du possible, de protéger notre environnement, mais vous affirmez qu'il faut compenser ces communautés. Avez-vous une idée de l'ampleur de ce que ça suppose quand vous parlez du milieu marin? C'est l'ensemble des côtes du Canada qui sont touchées, à l'heure actuelle.

• 1700

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: Dans le contexte des espèces, on ne retrouve pas de populations humaines le long des côtes de toutes les régions géographiques de notre pays. Il y en a dans certaines régions, pas dans d'autres. Dans ce contexte toutefois, si l'on s'engage à protéger l'habitat et à faire en sorte que les espèces ne deviennent pas de simples statistiques, il va falloir faire face à ces conséquences en tant que communauté et reconnaître que cette loi est mise de l'avant en raison de la tempête de protestations des Canadiens qui assistent à la disparition d'espèces chaque jour et qui déclarent qu'il faut faire quelque chose.

En partie, à mon avis—mon ami est parti plus tôt, et je voulais faire des observations au sujet de ces propos—si une espèce figure déjà sur la liste, c'est déjà trop grave. Nous nous devons d'agir. Les mesures mises en oeuvre pour assurer la durabilité ne vont rien changer. Il faut donc reconnaître que la stratégie relative aux mesures mises en oeuvre par le gouvernement pour assurer la durabilité n'a pas porté fruit.

Si j'ai bien compris, mon collègue indique aussi qu'il faut songer à adopter des méthodes de lutte contre la pollution pour éviter tout cela, car c'est surtout à cause de la pollution que des espèces en péril apparaissent sur la liste. C'est un véritable défi, mais si l'on veut effectivement protéger les espèces en péril, il fa falloir rallier la population canadienne à notre cause. Je crois que M. Caccia a indiqué qu'il ne faut pas s'attendre à une tempête de protestations à la Chambre, mais je suis sûr qu'il y en aura une indépendamment des espèces que nous protégeons, si l'intérêt de quiconque est menacé. La question qui se pose est la suivante: En tant que société, jusqu'à quel point voulons-nous continuer à détruire l'écosystème naturel de la planète et sommes-nous satisfaits de la situation actuelle? Nous ferions mieux sinon de trouver un autre endroit où vivre et de fixer un échéancier à cet égard.

Le président: Si vous permettez, j'aimerais ajouter quelques mots aux propos de M. Yussuff, car nous pensons la même...

Monsieur Roy, compte tenu de votre expérience dans le domaine des pêches, je suis sûr que vous vous souvenez de l'abondante pêche à la morue de l'Atlantique Nord. D'après les statistiques, on a pêché quelque 650 000 tonnes de morue dans les années 70, puis, de 200 000 ou 250 000 tonnes dans les années 80, jusqu'à 1988 environ, lorsque soudain, on a pêché de 40 000 à 50 000 tonnes de morue par année, en 1988, 1989 et 1990, jusqu'à ce que le moratoire soit invoqué.

À ce moment là, bien sûr, la pêche a été interrompue et les conséquences économiques sur la population de Terre-Neuve se sont révélées désastreuses, tant et si bien que le gouvernement du Canada a dû instaurer la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, programme de 1,9 milliard de dollars. Il s'agissait d'un programme de soutien permettant de ne pas déplacer la population par suite de considérations économiques, mais qui n'a pas vraiment été positif.

Aujourd'hui, la morue est inscrite sur la liste des espèces préoccupantes et ce, depuis presque 10 ans. C'est le cas type qui nous force à reconnaître qu'il arrive un moment où l'exploitation d'une espèce entraîne des considérations environnementales et économiques qui finalement se confondent. Elles convergent très rapidement, très fortement et nous forcent à prendre des mesures de prévention. La question est de savoir si cette mesure législative peut le permettre.

[Français]

M. Jean-Yves Roy: Je suis d'accord avec vous. Je ne veux pas entreprendre une discussion avec le président du comité là-dessus. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la protection des espèces, mais ma question n'est pas là. Je ne suis pas défavorable à cela, pas du tout, loin de là. Ma question est la suivante. Est-ce que le gouvernement canadien est prêt aujourd'hui à assumer les conséquences de la protection de toutes les espèces? Je parle au niveau des communautés. Je ne parle pas au niveau scientifique ou de la protection des espèces, parce que le projet de loi, dans la mesure du possible, va tenter... Je parle de l'après, de la conséquence sur les humains. Est-ce que le gouvernement canadien est prêt, par exemple, à investir autant qu'il a investi dans le programme qui a été lancé pour les pêcheurs de poisson de fond? Est-ce que le gouvernement canadien est prêt à y mettre les sous pour les communautés, entre autres? Est-il prêt à y mettre les sous actuellement? Je n'en suis pas certain. C'est là le sens de ma question par rapport au projet de loi. Qu'en serait-il si le projet de loi était mis en pratique?

• 1705

Le président: La réponse est probablement oui, puisqu'il y a un projet de loi qui essaie de faire ça. Il y a aussi un programme de compensation de l'ordre de 90 millions de dollars sur trois années qui a été annoncé par le ministre. On va voir si le montant de 90 millions de dollars est suffisant pour la compensation, mais il y a une volonté politique: la réponse est oui. On espère que ce sera efficace, plus ou moins.

[Traduction]

Madame Kraft Sloan, excusez-moi de vous avoir coupé la parole.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

J'aimerais savoir précisément si ce projet de loi va efficacement permettre de protéger les espèces en péril? Je dois vous dire que bien des choses nous portent malheureusement à croire que ce projet de loi ne pourra pas atteindre ce but en raison de ses si nombreuses imperfections.

Certains de ceux qui viennent ici et qui sont des détracteurs d'une bonne législation efficace sur les espèces en voie de disparition nous parlent du syndrome du silence, une fois les espèces tuées et enterrées. Je n'en suis pas vraiment sûre, mais dans le contexte des milieux marins, on pourrait peut-être parler du syndrome du silence une fois les espèces noyées.

Je me demande si nos témoins ont déjà entendu parlé de ce syndrome.

Il découle de ce qui s'est passé au sujet de la loi américaine sur les espèces en voie de disparition. Pour éviter des poursuites en vertu de la loi, on tue et on enterre les espèces en voie de disparition et on n'en parle plus. Des témoins nous ont dit que seuls des éléments discrétionnaires peuvent être prévus dans ce projet de loi, à cause de la crainte d'un tel syndrome et que tout ce qui vise à renforcer cette mesure législative particulière n'aboutira qu'au déclin des espèces en péril au Canada à cause de ce même syndrome.

Je prends plaisir à demander à tous nos témoins de nous fournir des preuves documentées; pour l'instant je n'ai pas vu de documents écrits qui aient été examinés par les pairs ou qui peuvent être justifiés. Je me demande donc si vous connaissez ce syndrome et si vous en avez des preuves.

M. Scott Wallace: Je sais que dans le milieu marin, ils ont deux espèces de la côte Ouest, la loutre de mer et l'oreille de mer, qui sont inscrites sur la liste. À l'heure actuelle, l'oreille de mer est braconnée; il y a beaucoup de braconnage. Les loutres de mer sont chassées par les pêcheurs de coquillages, silencieusement.

Il va falloir prévoir un financement adéquat pour assurer l'exécution de cette loi. La crainte de commettre ces genres de crimes doit bel et bien exister. À l'heure actuelle, les tribunaux ne considèrent pas les crimes contre la faune en tant que tels; c'est un peu le risque du métier dans le cas des braconniers.

Mme Karen Kraft Sloan: C'est du braconnage; le braconnier ne tue pas l'espèce pour la supprimer de manière à ne pas avoir à s'inquiéter de la valeur de la terre ou de quelque chose du genre. Le braconnier tue l'espèce dans son propre intérêt, et non par inadvertance en veillant à ce que personne ne s'en aperçoive. Est-ce bien cela?

M. Scott Wallace: J'imagine, dans un milieu marin, étant donné que ce n'est pas une terre privée...

Mme Karen Kraft Sloan: Justement.

M. Scott Wallace: ... le problème n'est pas le même.

Mme Karen Kraft Sloan: Dave et monsieur Yussuff, avez-vous par hasard...

M. Hassan Yussuff: Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner, mais je fais partie de ceux qui font confiance aux citoyens. S'ils savent qu'il y a une espèce en voie de disparition proche de leur lieu de résidence, ils vont prendre les mesures qui s'imposent. La majorité d'entre eux vont le faire. Cela ne veut toutefois pas dire que d'autres ne vont pas violer ce principe.

• 1710

Dans le contexte d'une loi sur les espèces en voie de disparition, je crois que le gouvernement doit travailler avec les organismes communautaires ainsi qu'avec tous ceux qui tiennent à protéger le patrimoine naturel de notre pays. Cela exigera beaucoup d'éducation, car beaucoup trop souvent, dans le cas des espèces qui sont en voie de disparition—la communauté ne le sait pas—les habitues peuvent changer ou non. Vous seriez surprise de voir ce que les gens sont prêts à faire s'ils savent... ils vont rétablir le stock de cette espèce particulière, ils vont faire quelque chose.

À mon avis, ce qu'a dit M. Roy au sujet de l'industrie de la pêche est typique. Si les pêcheurs avaient su depuis longtemps que c'était un problème difficile, ils auraient pris des mesures, y compris les syndicats, et auraient travaillé avec les scientifiques et le gouvernement pour trouver des solutions. Un beau matin toutefois ils se sont réveillés et 20 000 travailleurs se sont retrouvés sans emploi; il est normal qu'ils n'acceptent pas bien le processus à l'origine d'une situation pareille.

Je pense que lorsqu'on voit des signes avant-coureurs, on doit faire ce qui s'impose, et cela veut dire faire participer les citoyens à l'élaboration de stratégies, car les gens supportent mal de perdre leur emploi et leur gagne-pain au sein même de leur collectivité, lorsque d'après eux, le gouvernement ne réagit pas. À mon avis, les signes avant-coureurs sont évidents dans beaucoup de régions en ce qui a trait aux espèces en voie de disparition. Notre communauté aimerait savoir si elle peut changer les choses. Je crois que notre approche doit être différente, car j'ai l'impression que les citoyens et les travailleurs vont réagir. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de réaffirmer ce que certains de mes collègues ont déjà dit devant ce comité.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Monsieur Wallace, vous avez fait mention du problème du braconnage et de l'infraction de la loi. Notre comité a fait une étude sur la mise en application de la législation environnementale et les conclusions auxquelles il est arrivé sont très préoccupantes. À ce moment-là, un seul agent était chargé d'appliquer la loi dans les Maritimes, alors que cinq agents distribuaient des contraventions dans les terrains de stationnement de la Colline parlementaire. Je sais bien que le ministère essaie de redresser la situation, mais il reste que la mise en application de la loi pose toujours un énorme problème.

Une des grandes conclusions de l'écosommet de l'année dernière, c'est que nous avons une bonne législation environnementale et que nous devons la mettre à exécution.

À la page 15, vous parlez de l'importance des poursuites civiles. Les poursuites civiles sont prévues dans la LCPE, dans le projet de loi C-65. Je me demande si vous voulez ajouter quelque chose au sujet de ces poursuites et de leur importance. Bien sûr, monsieur Bennett et monsieur Yussuff, je serais heureuse d'entendre ce que vous en pensez également, si vous désirez intervenir à ce sujet.

M. Scott Wallace: J'aimerais dire que c'est en fait une exclusivité éditoriale de mon collègue, David Boyd, qui est avocat, et je suis juste... eh bien, pas seulement juste, je suis écologiste. Selon lui, c'est quelque chose de fondamental, d'extrêmement important et je suis sûr qu'il sera prêt à vous à vous en parler si vous lui posez la question. Cela vaut pour quiconque au sein de ce comité souhaitant parler à David directement au sujet des aspects juridiques de toute cette question.

M. David Bennett: J'aimerais faire une observation rapide. Bien sûr, les poursuites civiles sont prévues dans la LCPE, mais d'après ce que ce comité a entendu, le recours à ces dispositions est en fait extrêmement limité.

Dans le cas du projet de loi C-65, nous avions adopté la position suivante: si les droits des citoyens au sujet des plans de rétablissement n'étaient pas pris en compte, nous défendions alors le droit de poursuite. Il s'agissait en fait d'un droit fort limité. Il ne s'agissait pas d'intenter des poursuites en cas de non-financement; tout ce que nous avons dit, c'est que les citoyens devaient avoir le droit de poursuivre si les exigences officielles du projet de loi n'étaient pas respectées dans le domaine des plans de rétablissement.

Maintenant, dans le projet de loi C-5, comme vous pouvez le constater, notre approche est un peu différente parce que nous sommes d'avis que, si les droits garantis dans le projet de loi, et révisés par votre comité, ne sont pas respectés, il devrait y avoir une procédure d'appel pour reconnaître ces droits et, si nécessaire, il faudrait reprendre tout le processus, au sujet de la participation des travailleurs et des collectivités, parce que, d'après notre expérience d'autres mesures législatives, c'est une solution beaucoup plus efficace et beaucoup moins légaliste que des poursuites en justice, étant donné que les tribunaux administratifs agissent habituellement de façon beaucoup plus efficace, plus rapide et à moindre coût.

• 1715

Si vous voulez, c'est un droit substitut de poursuivre que nous proposons. Le principe est toujours le même, mais son application est quelque peu différente de celle que nous avions préconisée dans le cas du projet de loi C-65. Nous aimerions que le comité se demande si le recours aux tribunaux est le meilleur moyen de régler des différends au sujet des espèces en voie de disparition. Nous aimerions qu'il se demande s'il n'existe pas des moyens plus efficaces de tenir compte des préoccupations de toutes les parties, y compris les travailleurs et les collectivités, qui ne soient pas aussi coûteux, longs et exigeants. Il faut aussi penser que le système judiciaire est essentiellement accusatoire. Si le projet de loi fonctionne bien, nous n'aimerions pas que les choses se passent ainsi.

Nous demandons au comité d'examiner les moyens que nous proposons dans notre mémoire.

Le président: Dernière question, je vous prie.

Mme Karen Kraft Sloan: Vous parlez de cas où les programmes de rétablissement ne suivent pas le processus établi dans la loi et où les citoyens et les collectivités estiment que leurs droits n'ont pas été respectés. Mais que se passe-t-il quand un citoyen estime que le gouvernement n'applique pas la loi correctement?

M. David Bennett: Ce serait en partie réglé par ce que beaucoup de gens ont dit... c'est-à-dire si la liste des espèces est établie dans les règles, le processus assurera l'application de la loi. S'il est décidé que la liste des espèces sera fondée sur des connaissances scientifiques, toute une série de mesures vont s'ensuivre. Si ce n'est pas le cas, je pense, et c'est mon humble avis, une révision judiciaire pourrait avoir lieu, mais des dispositions visant à protéger l'application de la loi ne seraient pas nécessaires.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. C'est intéressant d'entendre différents points de vue. Nous avons accueilli beaucoup de témoins et, comme vous le savez tous, on discute de façon constructive de ce projet de loi depuis environ sept ans. En fait, hier, des témoins nous ont encouragés à renoncer au projet de loi. Or, aujourd'hui, ce n'est pas ce qu'on nous dit.

Le projet de loi repose sur le fait qu'il y a des espèces en péril au moment où nous nous parlons. Les éleveurs, les pêcheurs, les producteurs agricoles et les Canadiens de toutes les régions du pays apprécient les espèces et leur habitat et assurent en fait l'intendance bénévolement. Je vous ai entendu parler de l'esprit d'initiative que doit manifester le gouvernement. Le gouvernement est prêt à prendre l'initiative, tout en reconnaissant que les gouvernements des provinces et des territoires ont un rôle à jouer, ainsi que les chefs autochtones. Je pense que c'est prévu.

Un témoin autochtone nous a même dit que, d'une certaine façon, cela avait favorisé le savoir traditionnel autochtone. Je sais que vous êtes tous favorables à cela.

Le projet de loi prévoit aussi des recours, des filets de sécurité, qui permettent au gouvernement fédéral d'intervenir s'il estime que les gouvernements des provinces et des territoires ne font pas leur part. Il permet aussi d'imposer des amendes et des peines d'emprisonnement en cas de destruction intentionnelle.

Monsieur Wallace, je suis d'accord avec vous; votre exemple de braconnage ressemble probablement à certains incidents survenus aux États-Unis. Le projet de loi essaie de faire participer les—et je déteste ce mot—«intervenants», parce que je pense que nous sommes dans une très large mesure tous des intervenants là-dedans. Il s'intéresse aux programmes de rétablissement et à la participation de la population touchée.

Je suis un peux curieuse et je reviens à ce que M. Bennett, je pense, a demandé, à savoir qu'on parle précisément de la participation des collectivités... et comment vous estimez qu'elle n'est pas prise en considération avec l'ampleur des consultations prévues dans le projet de loi.

• 1720

M. David Bennett: Je pense que vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a un semblant de filet de sécurité prévu dans le projet de loi. Des mesures du même genre existent dans d'autres lois fédérales en matière d'environnement. Mais ces mesures sont très timides dans le projet de loi à l'étude.

Nous aimerions aussi faire remarquer que l'expérience du gouvernement fédéral à ce sujet est en fait assez limitée. Quand on examine les lois fédérales dont l'application est déléguée aux provinces et la façon dont le gouvernement fédéral s'assure que les provinces s'acquittent de leurs obligations à ce sujet, on se rend compte que les résultats sont en fait lamentables. Nous ne sommes donc pas du tout convaincus que le filet de sécurité qui est prévu dans le projet de loi sera efficace.

Déjà, dans le cas du projet de loi C-65, nous avions fortement recommandé que le gouvernement fédéral adopte une loi sur les espèces en voie de disparition, ou une loi sur les espèces en péril, qui s'appliquerait dans l'ensemble du pays de façon très vigoureuse, y compris dans le cas de la protection des habitats, et qui exigerait que les provinces la respectent. Si les provinces ne le faisaient pas, le gouvernement fédéral interviendrait et veillerait à ce que la loi soit appliquée dans toutes les régions du pays et dans tous les milieux.

Comme nous sommes au Canada, on peut comprendre que toutes les parties soient très hésitantes à prendre une mesure de ce genre mais, forts de notre expérience d'un siècle et demi de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de son successeur, la Loi constitutionnelle, nous nous sommes sûrement rendu compte que le contexte constitutionnel que le Canada s'est donné pour protéger l'environnement ne convient absolument pas. Un gouvernement qui tient sincèrement à protéger l'environnement national doit prendre une décision ferme et courageuse, affirmer ses pouvoirs sur l'environnement canadien et prévoir un mécanisme qui lui permet d'intervenir quand les provinces, les territoires ou toute autre partie ne protègent pas l'environnement de la façon voulue.

C'est peut-être trop demandé, mais toute évaluation réaliste des mesures de protection de l'environnement au Canada doit reconnaître que la situation que nous connaissons est ridicule. C'est la raison pour laquelle le filet de sécurité prévu dans le projet de loi est si timide. Pour un pays qui tient vraiment à protéger les espèces en voie de disparition, ces mesures sont assez déplorables.

Mme Karen Redman: N'êtes-vous pas rassuré de savoir que le ministre doit convoquer une table ronde, qu'un examen quinquennal est prévu et que tout doit figurer dans le registre public? Cela ne vous permet-il pas de croire que les Canadiens vont tenir tous les gouvernements aux fourneaux?

M. David Bennett: Je vais devoir demander au président la permission de parler d'autres secteurs de la protection de l'environnement et des consultations engagées avec les provinces même avant le projet de loi C-65 pour pouvoir donner une idée de l'avenir de la table ronde.

Tout le processus d'harmonisation et la façon dont le gouvernement fédéral perçoit son rôle au sein du Conseil canadien des ministres de l'environnement ont donné, bien franchement, des résultats tout à fait désastreux. En effet, le gouvernement fédéral a renoncé à son rôle de protecteur de l'environnement canadien, le considérant comme secondaire par rapport à ses autres fonctions au sein du Conseil canadien.

Et même si on se dit que l'objectif du CCME, pour le meilleur ou pour le pire, est l'harmonisation, il y a des gouvernements participants qui ne veulent absolument pas harmoniser leurs politiques environnementales avec celles de leurs homologues.

Donc, d'une façon ou de l'autre, l'espoir semble mince. Aucune partie ne s'intéresse sérieusement à l'harmonisation des normes à l'échelle du pays, et il existe certes aucun intérêt envers l'exercice par le gouvernement fédéral de son autorité sur l'environnement canadien.

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En ce qui concerne les mécanismes de consultation, personne ne les condamnera, car les consultations deviendront probablement des discussions sur les activités de chaque partie. Il faut tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que ces mécanismes atteignent leur but. Pour cela, il faut de la volonté politique, et le gouvernement ne semble pas avoir celle qui lui est nécessaire pour confronter n'importe quelle partie, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un gouvernement ou d'une collectivité, et exercer son autorité sur l'environnement canadien. Il y a donc lieu d'être sceptique et pessimiste à propos de l'efficacité des mécanismes de consultation qui ont été établis.

M. Hassan Yussuff: Je ne veux pas ajouter grand-chose à ce que mon collègue vient de dire, sauf qu'il faut reconnaître que nous parlons des trésors nationaux de notre pays. Le gouvernement fédéral, dans le cadre de l'élaboration d'un projet de loi visant à régler un problème de grande envergure, doit se rendre compte qu'il n'aura jamais la collaboration des provinces, car des intérêts politiques et économiques peuvent les en empêcher.

Le patrimoine national du point de vue des espèces appartient à tous les Canadiens, et non pas seulement aux Canadiens qui ont la chance d'habiter dans une province dont le ministre de l'Environnement connaît bien les défis à relever et possède la volonté politique de veiller à ce que les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes liés à des espèces ou à des habitats en particulier soient prises.

Étant donné le type de fédération dans lequel nous vivons, je n'entretiens pas beaucoup d'espoir à l'égard de ce que les provinces pourraient ou ne pourraient pas faire.

Le président: Pour terminer, supposons un instant qu'il sera très difficile de mettre au point une loi qui atteindra les objectifs visés de la façon dont un grand nombre d'entre nous dans cette salle le voudraient. Supposons aussi un instant qu'une population bien informée puisse contribuer à combler toute lacune du projet de loi. Autrement dit, un programme d'information publique pourrait contribuer grandement à rendre les citoyens conscients de la nécessité de protéger les espèces sauvages et à faire naître en eux le désir de les protéger.

Étant donné ces deux suppositions et le rôle important que le Congrès du travail du Canada joue par l'entremise notamment de ses membres associés, décelez-vous un rôle que le CTC serait disposé à jouer activement dans le cadre d'une table ronde que le ministre doit organiser en vertu de l'article 127?

M. Hassan Yussuff: Tout à fait dans le cas d'une table ronde sur une campagne d'information à laquelle le gouvernement affecterait des ressources. Je le répète, lors de chacune des nombreuses fois où le projet de loi a été étudié par le comité, nous sommes venus témoigner notre appui à cette mesure législative. Et nous sommes ici encore aujourd'hui pour exprimer à nouveau notre soutien.

Nous considérons que nous avons un très grand rôle à jouer, qui consiste notamment à régler certains des problèmes qui existent au sein de nos propres membres et de notre direction. Vous devez comprendre que nous sommes un grand organisme et que, comme au sein du caucus et du gouvernement, il existe de nombreuses opinions différentes. Nous pouvons tenir compte de chacune, mais je crois que l'information peut contribuer grandement à amener les gens à changer leurs habitudes et leur façon de penser et à relever les défis auxquels nous sommes tous confrontés en tant que Canadiens.

Nous ne sommes pas ici simplement en tant qu'organisme représentant des travailleurs. Nous le sommes également en tant que Canadiens. Nous croyons que la situation que vivent le Canada et d'autres pays dans le monde comporte des enjeux fondamentaux. Nous sommes tout à fait d'accord pour que l'on demande au mouvement syndical de contribuer de façon importante à un programme d'information publique. Car il n'y a pas seulement nos membres, mais aussi leur famille.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Nous vous remercions beaucoup, monsieur Yussuff, monsieur Bennett et monsieur Wallace, de nous avoir fait profiter de vos connaissances. Nous nous réjouissons à l'idée de discuter avec vous de nouveau.

La séance est levée.

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