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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 mai 2001

• 0901

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour tout le monde. Veuillez vous asseoir.

Comme vous le savez, nous poursuivons nos audiences au sujet du projet de loi C-5. Nous avons de nombreux témoins à entendre ce matin. Les membres du comité vous souhaitent la bienvenue. Je crois savoir que M. Orchel veut commencer, avec un film, je crois?

M. Jack Orchel (coordonnateur, Projet sur le pygargue à tête blanche, Hawk and Owl Trust (Royaume-Uni)): Monsieur le président, je vais passer le film pendant que je vais faire mon exposé.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à commenter le projet de loi que se propose d'adopter le Canada afin de protéger les espèces en péril. Je représente le Hawk and Owl Trust, un organisme de charité britannique qui se consacre à la conservation des oiseaux de proie et de leurs habitats.

Au cours des 20 dernières années, le Royaume-Uni a constaté une augmentation remarquable du nombre de balbuzards, de vautours et de faucons pèlerins qui réussissent à se reproduire. En Écosse, le pygargue à queue blanche, qui est disparu en 1916, a recommencé à se reproduire avec succès grâce à un ambitieux projet de réintroduction. Après une absence de plusieurs décennies, des milans royaux nichent dans les lointaines banlieues de Londres. Il ne faut pas non plus oublier les faucons émerillons qui occupent de nouveaux sites de nidification en bordure des plantations forestières situées en zones sèches.

Ces augmentations des populations de rapaces sont survenues dans des milieux grandement altérés par l'homme. Elles sont attribuables à une solide protection légale visant à susciter des changements favorables à l'habitat ainsi qu'à des programmes de conservation mis en place par le gouvernement, des propriétaires fonciers et des organisations non gouvernementales.

Nous espérons que la Loi sur les espèces en péril proposée pour le Canada harmonisera les mesures de protection des espèces rares et vulnérables de votre pays, notamment les faucons, les pygargues, les autres rapaces diurnes et les hiboux. Bon nombre de ces oiseaux entreprennent de longues migrations et vont passer l'hiver loin de leurs aires de reproduction au Canada.

Le Hawk and Owl Trust est conscient que ce projet de loi est présenté au moment où le Canada prend des mesures décisives afin de corriger les injustices historiques qu'ont subies les Premières nations. Nous reconnaissons également que le gouvernement du Canada cherche à faire participer réellement les peuples autochtones à l'élaboration de plans d'action pour protéger les espèces rares et menacées.

Ainsi, au cours du mois dernier, un nouveau genre de protocole d'entente général sur l'aménagement du territoire et des mesures provisoires a été signé par six des Premières nations vivant sur la côte de la Colombie-Britannique. Cette entente, qui a été signée par le gouvernement de la Colombie-Britannique et du Canada, préconisera l'adoption d'une stratégie écosystémique en vue de l'aménagement du territoire dans certaines des zones géographiques les plus diversifiées et les plus riches sur le plan faunique au Canada.

• 0905

Toutefois, nous savons tous que la possibilité de conclure des ententes sur l'aménagement du territoire peut nuire à la faune. Par conséquent, une loi solide est nécessaire pour assurer la survie et la répartition des espèces qui sont particulièrement sensibles à la modification de leurs habitats.

C'est dans ce contexte que j'aimerais soulever une question sur laquelle devrait selon nous se pencher le présent comité. Je veux parler de la protection des oiseaux de proie migrateurs. Il est un peu normal que cette requête provienne de Britanniques puisque notre pays a collaboré étroitement avec les États-Unis pour rédiger la première Convention concernant les oiseaux migrateurs du Canada en 1916—c'est d'ailleurs sur cette première entente qu'est toujours fondée la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs du Canada. Dans l'entente originale, la Grande- Bretagne et les États-Unis cherchaient à protéger les oiseaux transfrontaliers qu'ils jugeaient utiles ou inoffensifs pour l'homme.

En cette lointaine époque, les oiseaux de proie étaient jugés nocifs. Ils étaient persécutés partout en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, et ils ont donc été exclus des espèces protégées énumérées à l'article 1 de la loi de 1916.

Nous vivons heureusement à une époque plus éclairée. Au cours des 40 dernières années, nous avons appris que les oiseaux de proie jouaient un rôle très utile comme indicateur de la santé de l'environnement et des problèmes environnementaux grâce entre autres à des études nord-américaines sur des rapaces ornithophages comme le faucon pèlerin et des recherches sur le balbuzard et le pygargue à tête blanche, des piscivores, dont les populations ont décliné de manière alarmante dans les années 60 et 70, mais qui sont maintenant en voie de récupération.

Ce rôle de sentinelles biologiques que sont appelés à jouer les rapaces n'est nulle part plus évident que dans la vallée de la rivière Nass, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Nous sommes là en territoire nisga'a et c'est à cet endroit que nous avons récemment collaboré à plusieurs études sur le pygargue à tête blanche. La vallée de la Nass se trouve dans le corridor migratoire du Pacifique, près de la frontière du Canada et du sud-est de l'Alaska.

Chaque printemps, plus d'un millier de pygargues à tête blanche se rassemblent sur les berges du cours inférieur de la rivière Nass afin de se régaler des eulakanes qui viennent y frayer. Après leur repas quotidien, les oiseaux se retirent dans leurs dortoirs situés tout près, dans de vieilles forêts. On peut voir certaines de ces aires de repos dans les documents de référence qui vous ont été distribués.

Un rapport préparé en 1997 par LGL Limited, pour le ministère des Transports et la Voirie de la Colombie-Britannique, confirme qu'un grand nombre de jeunes pygargues se rassemblent dans la basse Nass. Cela donne à penser, si l'on en croit ce rapport:

    [...] que la basse Nass présente un habitat critique pour eux au printemps [...] Il est plausible que les pygargues qui fréquentent la Nass au printemps proviennent de centaines de kilomètres à la ronde, comme en témoignent d'autres études. Par conséquent, la Nass offre un habitat important à des pygargues venus de loin en Colombie-Britannique et en Alaska.

Je tiens à préciser que, malheureusement, ce fait important n'a pas été pris en compte dans les dispositions spéciales du chapitre sur les espèces sauvages de l'important Traité nisga'a. Durant les années qu'ont duré les négociations, ni la Colombie- Britannique ni le Canada ne semblent avoir encouragé le peuple nisga'a à désigner une zone protégée pour les rapaces migrateurs ou tout autre oiseau migrateur qui visite la rivière Nass.

Par défaut, certaines des aires de repos les plus importantes habituellement fréquentées par de grandes volées de pygargues migrateurs au printemps ont été incluses dans la possibilité annuelle de coupe de la province. Selon nous, cette situation doit être réexaminée.

Le principe de précaution devrait être appliqué par le Canada, par la Colombie-Britannique et par la nation nisga'a afin de garantir une protection convenable de l'habitat et au besoin des mesures de compensation appropriées pour sauvegarder les zones les plus importantes pour les oiseaux migrateurs dans la vallée de la Nass.

À la lumière de ces circonstances exceptionnelles et en raison des nombreuses revendications territoriales qui sont toujours négociées avec la Colombie-Britannique, nous considérons que la Loi sur les espèces en péril devrait protéger de manière plus explicite les rapaces migrateurs. Comme il convient d'adopter une approche de précaution, nous demandons au comité d'envisager de renforcer la Loi sur les espèces en péril en modifiant l'article 1 de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs de manière à ajouter officiellement les hiboux, les pygargues, les faucons et les autres rapaces diurnes à la liste des espèces migratoires protégées par le gouvernement fédéral.

• 0910

À notre avis, cette modification serait conforme aux objectifs fondamentaux de la Convention concernant les oiseaux migrateurs de 1916, c'est-à-dire de protéger les oiseaux migrateurs utiles. Elle serait aussi conforme aux visées de la loi de 1994 ainsi qu'à l'opinion des spécialistes du Canada et des États-Unis.

Il faut mentionner ici que les oiseaux de proie ont été ajoutés au traité sur les oiseaux migrateurs et les petits mammifères conclu par les États-Unis et le Mexique dès 1972. Il est donc certain que le Canada pourrait régler rapidement cette question au début du XXIe siècle.

Afin de montrer l'importance de protéger l'habitat des rapaces migrateurs, j'aimerais présenter au comité un court film qui a été tourné dans la vallée de la Nass en mars 1999. Ce film vous donnera une idée de la pêche à l'eulakane qui est pratiquée par les Nisga'a de même que des nombreux pygargues et autres oiseaux qui se rassemblent près de la baie Fishery au printemps. D'autres rassemblements de pygargues similaires ont lieu le long de la côte canadienne du Pacifique.

J'aimerais souligner aux membres du comité que l'habitat intertidal où fraie l'eulakane, qui attire autant de pygargues, est automatiquement protégé par les lois fédérales sur les pêches tandis que l'habitat forestier crucial dont les pygargues migrateurs ont également besoin pour leur survie ne bénéficie apparemment pas de la même protection.

[Note de la rédaction—Présentation audiovisuelle]

• 0915

M. Jack Orchel: La deuxième question qui nous inquiète concerne les dispositions de la loi visant à protéger les habitats de reproduction cruciaux, qui pourraient bien ne pas être suffisamment exhaustives pour empêcher la dégradation de l'habitat des rapaces rares qui se reproduisent en forêt. Des oiseaux comme l'autour des palombes et la chouette tachetée ne doivent absolument pas être dérangés durant la période de reproduction. Pour ce faire, on peut établir des zones tampons autour des sites de nidification habituels et prévoir des zones réservées pour la nidification des rapaces lors de la préparation des plans d'aménagement des forêts.

La loi permettra-t-elle de s'assurer que les exploitants forestiers respecteront toutes les exigences de ces espèces en matière de reproduction? La question touche également le pygargue à tête blanche qui niche lui aussi en forêt.

Personne ne sera surpris d'apprendre que nous sommes plutôt inquiets de constater que le pygargue à tête blanche ne figure pas dans la liste des espèces préoccupantes établie par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. Il existe de bonnes raisons écologiques de chercher à inclure cet oiseau à l'annexe 2 de la loi. Il est tout d'abord exposé de plus en plus à la présence de l'homme dans bon nombre de ses aires de reproduction et d'hivernage. Contrairement au balbuzard, il est très sensible à tout dérangement durant la période de reproduction.

La Colombie-Britannique, qui demeure le bastion fort du pygargue à tête blanche au Canada, n'est pas sans problème à cet égard. Dans un rapport commandé en 1994 par le ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de cette province, cette menace d'empiétement sur son territoire était définie de la manière suivante:

    En Colombie-Britannique comme ailleurs, le pygargue à tête blanche a besoin, pour nicher, de grands arbres où il pourra aménager son nid, ainsi que d'un milieu aquatique proche pour se nourrir. Cet habitat se retrouve dans des zones de basses altitudes, tout au long de la côte, ainsi qu'en bordure de grandes rivières et autour de lacs ou zones humides à l'intérieur [...] Ces basses terres productives forment précisément la zone où se concentrent la majeure partie des habitants de la province, de même que bon nombre des activités forestières et des zones défrichées à des fins agricoles ou autres.

• 0920

Le rapport de 1997 de la firme LGL Limited, que je mentionnais tantôt, avance le même argument concernant les pygargues de la vallée de la Nass qui nichent et se rassemblent près de la zone visée par un projet de la nation nisga'a de prolonger une route sur une distance de 27 kilomètres. Ce rapport précisait à ce sujet qu'après l'ours grizzly, c'est sur le pygargue à tête blanche que l'impact direct, indirect et cumulatif de la route sera le plus substantiel. Parmi les impacts directs, notons l'enlèvement de grands arbres qui servent ou pourraient servir pour nicher, se percher et dormir. L'exploitation forestière antérieure et le nettoyage de l'emprise d'une ligne de transport d'énergie ont entraîné l'élimination d'un grand nombre d'arbres qui auraient sans doute très bien convenu aux pygargues à tête blanche. Les autres arbres abattus auront un effet direct cumulatif sur le pygargue, qui sera de réduire la valeur du territoire pour les nids et les perchoirs.

Selon nous, le pygargue à tête blanche devrait être inscrit sur cette annexe pour trois autres raisons légitimes. Premièrement, les études toxicologiques à long terme menées dans les régions urbanisées de la Colombie-Britannique et de l'Ontario par des chercheurs du Service canadien de la faune démontrent que cet oiseau est sensible aux contaminants environnementaux qu'on trouve dans les secteurs industriels et agricoles. À titre de prédateur de niveau trophique supérieur se nourrissant de poissons, d'oiseaux piscivores et de gibier à plumes, il joue un rôle très utile pour nous puisqu'il agit comme indicateur environnemental, et nous devrions certainement le récompenser en lui offrant une protection suffisante.

De plus, cet oiseau est un excellent indicateur de l'abondance des stocks de poissons. Cela est particulièrement évident dans la basse vallée de la Nass, où quelque 20 couples nichent le long des rives de la rivière. Le Canada se doit de conserver ces populations denses au niveau local à titre de points de repère permettant d'établir des comparaisons avec des zones poissonneuses moins productives.

Une autre considération également importante est que le pygargue à tête blanche revêt une grande importance culturelle pour les Premières nations du littoral canadien du Pacifique. Les légendes autochtones racontent comment le pygargue annonce l'arrivée des bancs de saumons essentiels à la survie. Cette espèce occupe également une place proéminente dans de nombreuses autres histoires traditionnelles et est utilisée comme emblème sur des insignes, masques et mâts totémiques servant lors des diverses cérémonies.

Lorsque j'ai demandé à Norman Tait, le maître sculpteur renommé du clan de l'Aigle de la nation nisga'a, pourquoi les pygargues étaient si importants pour lui, il a exprimé ses sentiments dans les mots qui suivent:

    Ce sont mes ancêtres. Ils représentent mes ancêtres. Je les identifie à mes ancêtres [...] Mes ancêtres se paraient de leurs plumes et de représentations d'eux afin de se distinguer des clans du Loup, de l'Épaulard et du Corbeau. Ce sont vraiment mes ancêtres [...] Je ne m'incline pas devant eux. Je les aime. Ils sont ma force [...]

Enfin, nous désirons préciser que nous sommes d'accord avec l'objectif du législateur de préconiser l'adoption de programmes d'intendance pour les espèces rares et menacées. Il est vital que des mesures appropriées soient conçues afin de permettre aux jeunes hommes et femmes des collectivités autochtones de redécouvrir leurs terres ancestrales et d'acquérir les talents voulus pour les gérer comme il se doit à long terme. Cet aspect est particulièrement important pour les milieux aux prises avec un chômage endémique. Les jeunes tireront satisfaction de pouvoir déterminer les habitats à conserver pour les oiseaux migrateurs, les mammifères rares, les poissons en période de frai, les oiseaux de proie et les communautés végétales sensibles, et de voir ensuite leurs conclusions être incluses dans les mesures de protection provisoires prévues par les traités et dans les projets mis en oeuvre après la conclusion de ces traités. Ces programmes les inciteront également à s'intéresser de manière permanente à l'exploitation durable des ressources se trouvant sur leurs territoires. Mais le maintien de la diversité culturelle du Canada—l'une de ses grandes forces—constitue peut-être la retombée la plus importante de la mise en oeuvre de programmes d'intendance conçus de manière précise pour les terres des Premières nations.

Je voudrais conclure ma présentation par la lecture d'une brève déclaration qui m'a été transmise par Guujaaw, le président du conseil de la nation haida. Par ses mots, il parvient en effet à montrer les liens qui existent entre la conservation des espèces et la culture autochtone d'une manière plus saisissante que je ne pourrai jamais le faire:

    La culture haida est constituée des relations que nos gens entretiennent avec l'ensemble des terres qui nous entourent. Nous sommes des clans du Corbeau ou de l'Aigle, et comme nos frères et soeurs ailés, nous dépendons pour notre survie du bien-être des terres qui nous entourent. Tous les jours, nous côtoyons les corbeaux, les aigles, les myes, les arbres, les poissons, les baleines et les ours. Modifier ces terres qui nous entourent en les détruisant nous viderait de toute substance, un peu comme ces projets de relocalisation d'il y a un siècle [...] Nous souhaitons préserver nos terres non pas tant pour les touristes que pour notre culture, pour le prochain millénaire. Et ces terres forment un tout indissociable. Ainsi, un pygargue ne survivra pas uniquement parce qu'il dispose d'un arbre pour nicher, pas plus que le faucon ne se contentera de son aire. Ils ont tous les deux besoins de se nourrir. Les faucons ont besoin de guillemots qui nichent dans les vieilles forêts. Notre objectif premier est de préserver de grandes bandes de terre pour tout ce que j'ai mentionné.

• 0925

Monsieur le président, j'aimerais dire une dernière chose. Il est évident que c'est vers ses Premières nations que le Canada doit se tourner pour administrer à long terme des programmes efficaces de conservation des oiseaux migrateurs et des espèces en péril. Je recommande par conséquent que la Loi sur les espèces en péril soit modifiée pour autoriser la création d'un comité consultatif indépendant des Premières nations. Ce comité sera chargé de mettre en oeuvre en commun les méthodes scientifiques de conservation les plus modernes ainsi que les meilleures connaissances traditionnelles parmi les Premières nations. Il recommandera par ailleurs au COSEPAC, aux provinces et au gouvernement du Canada les solutions pratiques devant permettre de protéger les espèces en péril. Ce n'est que par ce moyen que les Premières nations pourront faire en sorte d'être en mesure d'honorer les engagements déjà pris par le Canada dans le cadre des conventions internationales afin de promouvoir la biodiversité et la conservation des espèces transfrontalières.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Orchel, tout d'abord d'avoir fait un si long voyage pour venir nous présenter votre exposé puisque vous venez de Londres, je crois. Je vous félicite d'avoir su présenter toutes ces questions de manière si intéressante. Merci aussi d'avoir choisi la musique de fond qui accompagnait votre film—je crois que c'était Turandot de Puccini—et d'avoir fait toutes ces observations intéressantes. Je suis sûr que l'on va vous poser des questions.

Nous allons maintenant passer à M. Turner. Monsieur Turner, rappelez-vous, est un ancien membre éminent de notre Parlement. Il était député d'Ottawa-Ouest, je crois. Vous avez la parole.

M. Barry Turner (directeur, Affaires gouvernementales, Canards Illimités Canada): Merci, monsieur le président. Votre générosité n'a d'égal que le dévouement dont vous avez fait preuve pendant des années pour notre environnement. Je vous remercie de m'accueillir à nouveau sur la colline du Parlement. C'est pour moi un plaisir d'être ici.

Je suis le directeur des affaires gouvernementales de Canards Illimités Canada à Ottawa. C'est un poste nouveau pour moi et c'est un poste qui a été créé en décembre 1999 par Canards Illimités.

Je suis aussi président de l'Association canadienne des ex-parlementaires et je vous signale que vous pourrez tous prétendre un jour entrer dans l'association que je préside.

Monsieur le président, Canards Illimités Canada souhaite féliciter votre comité pour son dévouement et l'indépendance dont il a su faire preuve. Nous considérons que c'est un bon signe pour la santé de notre procédure législative et parlementaire.

Nous vous avons fait parvenir il y a deux semaines nos observations écrites au sujet du projet de loi C-5 et nous pensons que vous avez eu la possibilité de les examiner.

Comme la plupart d'entre vous le savent, Canards Illimités Canada est une organisation nationale de conservation, sans but lucratif. Notre mission consiste à conserver les terres humides et les habitats connexes au profit de la sauvagine de l'Amérique du Nord ce qui, à son tour, crée des environnements sains pour la faune et pour les êtres humains. Comme nous aimons à le dire chez Canards Illimités, nous ne nous limitons pas aux canards.

Notre organisation, qui exerce ses activités depuis 1938, a conservé près de quatre millions d'acres d'habitat canadien. Nous avons lancé des partenariats avec 19 000 propriétaires au pays, qu'il s'agisse de particuliers, d'entreprises ou de gouvernements. Nous avons 150 000 souscripteurs et 7 000 bénévoles dévoués, et nous organisons plus de 800 manifestations de souscription de fonds par an qui alimentent notre budget annuel de près de 80 millions de dollars.

Des études de marché effectuées par Angus Reid en 1995 et 1998 ont révélé que Canards Illimités est «l'entreprise de conservation la plus fiable et la plus respectée au pays».

• 0930

Monsieur le président, je vais maintenant demander à mon collègue, M. Brian Gray, de vous parler du projet de loi C-5.

Je vous remercie.

M. Brian T. Gray (directeur, Programmes de conservation, Canards Illimités Canada): Merci.

Nous considérons que la conservation de la faune, qu'elle vise les espèces en péril ou non, exige de vastes programmes de conservation des habitats se fondant sur le paysage. Nos activités permanentes démontrent clairement que nous prêchons par l'exemple.

Comme la plupart des Canadiens, Canards Illimités Canada s'inquiète de voir la liste des espèces sauvages en péril continuer de s'allonger dans notre pays. Nous avons donc appuyé la nécessité d'une législation fédérale sur la protection des espèces en péril. Nous convenons que les efforts visant à protéger la faune du Canada doivent surtout porter sur la conservation et le rétablissement des habitats dont dépend la faune. Les efforts permanents du Canada en vue de protéger les espèces figurant sur la liste des espèces en péril devraient s'accompagner d'activités de conservation de l'habitat qui empêchent de nouvelles espèces de s'ajouter sur cette liste.

En outre, nous croyons que l'avenir de la conservation, y compris les espèces en péril, dans le sud du Canada se jouera sur les terres privées. Par conséquent, il faut des mesures fédérales comme des encouragements fiscaux importants favorisant les dons de fonds de terres écosensibles, des programmes d'intendance des propriétaires fonciers ainsi qu'un programme de mise en réserve d'aires de conservation dans les zones agricoles fortement modifiées, sur le modèle du Conservation Reserve Program, aux États-Unis, qui remporte un grand succès, pour protéger les espèces en péril et empêcher les espèces communes de devenir en péril.

En outre, d'après notre expérience de 63 ans avec les propriétaires privés, nous croyons que ces derniers joueront très volontiers un grand rôle dans la conservation de toute la faune, y compris les espèces en péril, si on leur fournit une assistance technique et si la société partage les coûts économiques.

Comme tous les projets de loi, le projet de loi C-5 n'est pas parfait. Nous sommes heureux de constater que ce nouveau projet de loi insiste sur l'habitat et l'intendance. Nous savons également que certaines organisations environnementales s'inquiètent du nombre de décisions discrétionnaires qui seront prises au niveau du ministre ou du Cabinet. Même si nous ne sommes pas tout à fait à l'aise avec certaines décisions discrétionnaires, tout compte fait, nous reconnaissons que les décisions finales devraient être prises par nos représentants élus. Puisque les décisions ministérielles et les décisions du Cabinet sont publiques, nous espérons que la population tiendra les représentants élus responsables de leurs décisions, dans l'esprit de la loi et en tenant compte des autres besoins de la société.

J'aimerais faire quelques commentaires au sujet du projet de loi, notamment en ce qui concerne les dispositions s'appliquant au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, dont le sigle est COSEPAC, ainsi qu'en ce qui a trait aux articles traitant de la «révision» et des «rapports» et de «la liste des espèces en péril».

En faisant nos observations par écrit, nous avons indiqué que nous n'étions pas tout à fait à l'aise, je l'ai dit tout à l'heure, avec la procédure discrétionnaire permettant à nos responsables élus d'établir la liste des espèces. Nous voulons aujourd'hui que l'on prenne acte du fait que nous recommandons que l'établissement de la liste soit effectué en fonction des connaissances scientifiques. Plus précisément, il faut que la liste décidée par le COSEPAC soit incorporée à la loi.

Nous proposons cependant que cette liste puisse faire l'objet pendant un certain temps d'un véto motivé par le Cabinet. Cela reviendrait à prendre temporairement, en attendant une confirmation, les décisions visant à déclasser une espèce plutôt que de le faire, comme c'est le cas actuellement, pour les décisions consistant à classer une espèce.

Une procédure du même genre est prévue en fait au paragraphe 130(3), à la page 63 du projet de loi, pour ce qui est de la classification des espèces répertoriées à l'annexe 1. Pour résumer, nous considérons que cette procédure continuerait à confier la décision définitive à nos responsables élus tout en protégeant les espèces en péril contre une trop grande intervention du gouvernement.

J'aimerais faire une observation précise concernant les «mesures de protection des espèces sauvages inscrites». Sous cet intitulé, le projet de loi interdit de manière générale l'endommagement ou la destruction des lieux de résidence mais ne traite pas précisément des «habitats essentiels», tels qu'ils sont définis à la page 4 des définitions.

À la page 2 du préambule, le projet de loi dispose:

    l'habitat des espèces en péril est important pour leur conservation,

Il semble donc que pour les espèces sauvages les sources d'alimentation, l'eau et le couvert des espèces ne soient pas protégés par les dispositions énonçant une interdiction générale.

• 0935

On pourrait remédier à ce défaut en modifiant ainsi la formulation de l'article 57:

    Le ministre compétent doit,

—plutôt que peut—

    élaborer des codes de pratique et des normes ou directives nationales en matière de protection de l'habitat essentiel.

Cette révision continue à laisser au gouvernement une grande marge de manoeuvre. Sans cette révision, les habitats essentiels ne sont pas vraiment protégés par le projet de loi et ce dernier, en soi, ne protège pas réellement les espèces en péril.

En ce qui concerne les programmes de rétablissement correspondant aux articles intitulés «Recovery of Endangered, Threatened and Extirpated Species», nous encourageons fortement, dans la mesure du possible, les programmes qui traitent de plusieurs espèces simultanément ou d'un écosystème. Les programmes fondés sur le paysage profiteront à de nombreuses espèces en gardant les systèmes écologiques intacts et fonctionnels.

Enfin, j'aurais une observation précise à faire au sujet de l'article traitant de «La protection de l'habitat essentiel». En plus de ce que j'ai dit précédemment au sujet de l'élaboration obligatoire de codes de pratique, de normes ou de directives nationales en matière de protection de l'habitat essentiel, nous aimerions aborder la question de l'indemnisation. Nous considérons qu'elle devrait s'inspirer de l'équité. L'engagement du Canada en faveur de la protection des habitats correspond à un idéal de notre société que partagent tous les Canadiens.

Le coût de la mise en oeuvre de cet idéal devrait être assumé en commun par tous les Canadiens et non pas seulement par les propriétaires éventuellement touchés. Il ne faut pas non plus, toutefois, que ce soit un pactole. Nous considérons que la plupart des Canadiens ne s'attendent pas à ce que l'indemnisation soit la panacée lorsqu'on veut protéger l'environnement. Ce ne sont que les dommages et les pertes financières correspondantes qui doivent être indemnisés.

Il convient d'indemniser le propriétaire ou l'exploitant des terres qui subit un préjudice extraordinaire du fait de l'application de ce projet de loi; sinon, le gouvernement risque de décourager la conservation des espèces en péril.

Si nos observations et nos révisions sont intégrées au projet de loi, nous pensons qu'il sera efficace tant que l'industrie, les organisations vouées à la conservation, les propriétaires privés et les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral collaboreront pour protéger les espèces en péril et pour que les espèces communes le restent.

Nous croyons que la contribution la plus importante que peut apporter le gouvernement fédéral aux espèces en péril consiste à coordonner, financer et élaborer des programmes visant à conserver les paysages et les écosystèmes, en particulier dans les régions où il y a des blocs importants de terres privées. La création récente du fonds fédéral d'intendance constitue une étape positive, même si ce n'est qu'un début.

Les habitats de nombreuses espèces en péril se trouvent sur des terres privées et ces terres constituent un élément essentiel de la conservation de la biodiversité. Nous exhortons le gouvernement du Canada à accorder une plus grande priorité à la mise en place d'encouragements importants afin que les propriétaires fonciers, particulièrement les producteurs agricoles, deviennent des intendants de la faune.

Nous avons fait figurer en annexe de ce mémoire un document d'orientation. La semaine dernière, en compagnie de M. Turner, j'ai témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Nous avons axé tout notre témoignage sur ce document, qui a été très bien accueilli.

Pour conclure, nous croyons que des programmes proactifs et clairvoyants du gouvernement fédéral permettront non seulement d'économiser des deniers publics dès maintenant mais aussi de réduire grandement le nombre de mesures coûteuses de rétablissement à l'avenir.

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Gray et monsieur Turner, merci.

La parole est maintenant au Cochrane Ecological Institute.

Mme Clio Smeeton (présidente, Cochrane Ecological Institute): Merci de m'avoir invitée. C'est la première fois que je viens à Ottawa.

Le Cochrane Ecological Institute a été créé en Alberta en 1971 dans le but bien précis de rétablir l'écosystème en élevant des espèces en voie de disparition pour les réintroduire et les relâcher sur le territoire qu'elles ont toujours occupé en Amérique du Nord, parce que la préservation de l'habitat, sans la présence des espèces vivant dans leur milieu naturel qui assure la viabilité de l'ensemble de l'entreprise, n'est qu'un exercice stérile.

En 1972, le CEI a fondé au Canada la première colonie d'élevage en captivité du renard véloce jusqu'alors disparu de notre pays, ce qui était une première pour le Canada. Le programme de réintroduction du renard véloce canadien, qui a permis à cet animal de se rétablir, a fait qu'il a été rayé de la liste des espèces disparues au Canada pour entrer en 1978 dans la liste des espèces en péril.

Ce programme de réintroduction a été mentionné dans les instances internationales par les ministres du gouvernement libéral Sergio Marchi et Sheila Copps.

• 0940

À l'heure actuelle, le CEI s'est engagé dans un partenariat sur cinq ans avec la nation Pieds Noirs du Montana. Nous allons entreprendre de réintroduire pour la première fois cette espèce disparue aux États-Unis. Après 30 ans d'expérience, notre centre jouit désormais d'une réputation internationale pour ce qui est de la réintroduction de la faune.

Je vais faire quelques observations générales au sujet du projet de loi.

Une fois que le projet de loi sera adopté, le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril se composera de ministres fédéraux et provinciaux, un peu comme le CCME. Nous craignons qu'une organisation d'un niveau aussi élevé serait lente à réagir face aux nombreuses dispositions de la loi exigeant son approbation. Cet aspect est encore plus préoccupant à la lumière des échéances imposées par la loi relativement à certaines décisions du conseil ou du ministre.

Le terme de «consultation» est largement employé et se retrouve dans plus de 26 paragraphes et articles de la loi. En somme, la mise en oeuvre de ce projet de loi dépend de la consultation, mais l'on n'a pas défini ce mot dans la loi. Nous espérons, par conséquent, que le mécanisme de consultation sera précisément arrêté dans la réglementation.

L'article 13 traite du financement, mais on ne mentionne nulle part la source de ce financement dans le projet de loi ou dans la documentation qui l'accompagne. On fait état d'un financement volontaire, mais il ne s'agit pas là d'une source de financement garanti, alors que tout projet à long terme doit avoir un financement garanti. Nous en avons fait de près l'expérience. En raison du désengagement progressif du gouvernement, qui fait qu'il se décharge de plus en plus de ses responsabilités sur les paliers inférieurs de gouvernement ainsi que sur les ONG, cette absence de crédits bien définis et spécialement affectés à ce programme nous laisse mal augurer de la possibilité pour le Canada de protéger suffisamment et à long terme les espèces en péril.

Quatrièmement, il faudrait que la loi précise expressément qui est habilité à présenter la candidature des membres du COSEPAC dont la nomination doit être entérinée par le ministre. On pourrait le faire dans le cadre d'une véritable cogestion: ainsi, six candidats des Premières nations, six des milieux universitaires, six des ONG, six de l'industrie et six du gouvernement. Cette façon de procéder serait plus acceptable aux yeux de l'ensemble de la population et l'on éviterait le risque de clientélisme.

Il faudrait que l'article 18 précise mieux la composition des sous-comités s'appliquant à chaque espèce et indique qui va défrayer le travail des sous-comités.

Les articles 32 et 33 n'ont qu'un intérêt limité, sauf dans le Nord. De plus, l'article 33 n'offre aucune protection de l'habitat, mais ne protège que le lieu de résidence effectif des espèces.

Les décrets prévus à l'article 34 seront rares et prendront du temps, et ils ne conféreront aucune protection aux espèces en péril dans les provinces.

Selon les articles 37 à 43, le ministre doit élaborer des programmes de rétablissement en collaboration avec les autres ministres et groupes compétents, et l'on suggère une structure de comité. C'est de loin une meilleure approche que l'ancien système des RESCAPÉS, car certaines équipes de rétablissement sont devenues inefficaces parce qu'elles sont dominées par un petit nombre de personnes qui n'apportent aucune expertise relativement aux espèces visées. De plus, les groupes les plus importants pour la mise en oeuvre de tout plan d'action, nommément les propriétaires terriens, les Premières nations et les spécialistes des espèces visées, sont quasi absents de beaucoup des actuelles équipes de rétablissement.

L'inconvénient de cette façon de procéder, c'est que la responsabilité de tous les programmes de rétablissement incombe aux ministres fédéraux. On va ainsi leur imposer une lourde charge. Là encore, le projet de loi ne traite pas du financement de ces travaux, qui seront probablement onéreux.

Le fait que l'on fixe des délais pour agir est une mesure très positive. Il ne sera peut-être pas possible d'appliquer cette approche agressive avec le petit nombre de fonctionnaires fédéraux actuellement affectés au dossier des espèces menacées. La loi s'accompagne-t-elle de garanties d'augmentations importantes des effectifs de l'administration fédérale chargés de l'application de la loi?

Le fait de séparer le plan d'action du programme de rétablissement est très positif. L'absence d'échéancier s'appliquant au plan d'action est un élément négatif du projet de loi. Il y a aussi l'inconvénient de l'absence d'un engagement financier en faveur du plan d'action. Si nous en croyons notre expérience, lorsque le gouvernement n'affecte pas précisément des fonds devant permettre d'atteindre un objectif bien défini, les fonctionnaires n'ont pas le mandat, et il n'est pas dans leurs attributions, d'aller chercher des crédits ailleurs. Le gouvernement ne paie que le travail qu'il veut voir réaliser.

• 0945

L'exigence légiférée de faire un suivi de la mise en oeuvre des plans d'action est un élément essentiel au succès de la loi. Cette exigence impose toutefois au gouvernement des contraintes accrues en termes de ressources financières et de personnel. Faut-il en conclure que l'adoption de cette loi s'accompagnera d'un budget accru pour sa mise en oeuvre et pour le suivi?

Les dispositions s'appliquant à la protection de l'habitat dans ce projet de loi dépendent entièrement des consultations menées avec les ministres provinciaux au sujet des espèces. Cette façon de procéder n'a pas donné de bons résultats par le passé et elle contribue largement à affaiblir le projet de loi. On pourrait remédier à cette faiblesse marquée en donnant une définition précise dans le projet de loi en termes de consultation et en établissant un mécanisme de consultation précis dans la réglementation.

Dans la suite de ce document, que vous avez certainement devant vous, vous trouverez un long tableau faisant en gros l'historique de la situation au renard véloce et faisant état des modifications susceptibles d'être apportées par le projet de loi. Je le sauterai, toutefois, parce que vous avez toujours la possibilité de le lire de votre côté et de me poser éventuellement des questions. Vous m'excuserez, mais il y en a des pages et des pages.

Quoi qu'il en soit, nous avons des propositions à faire pour renforcer ce projet de loi.

Pour ce qui est de la structure du COSEPAC, dans ce projet de loi, le COSEPAC ne sera pas un organisme consultatif scientifique indépendant. Selon la façon dont le COSEPAC est structuré par le projet de loi actuel, il y a des risques d'abus sous la forme de clientélisme ou de nominations politiques. On ne dit pas que ça va se produire effectivement, mais c'est un risque. Ce risque pourrait être évité si la structure du COSEPAC faisait véritablement appel à la cogestion et s'il y avait en son sein une représentation à part égale des gouvernements—territorial, provincial et fédéral—des milieux universitaires, des ONG, de l'industrie et des Premières nations.

Cette forme de cogestion a été retenue avec un grand succès dans le cadre des nouveaux accords de règlement des revendications territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest. Toutes les parties prenantes prennent part également aux décisions. Cette façon de faire pourra par ailleurs être mieux acceptée par l'ensemble de la population canadienne parce qu'elle réduit, comme je l'ai indiqué précédemment, les possibilités de clientélisme, tous les secteurs participants désignant leurs propres candidats que nomme le ministre.

On pourrait faire dans ce cas précis la proposition suivante: six représentants du gouvernement—un des territoires, un de la Colombie-Britannique, un des Prairies, un de l'Ontario et du Québec, un des Maritimes et un du gouvernement fédéral; six universitaires dont la candidature est présentée par la représentation régionale de l'AUCC; six représentants des ONG dont les candidatures sont présentées au ministre par les différentes ONG; six candidats de l'industrie représentant chacun des grands secteurs suivants—pétrole et gaz, agriculture, industrie minière, exploitation forestière, y compris les pâtes et papiers, fabrication et pêche; enfin, six candidats des Premières nations nommés en qualité de représentants régionaux par l'Assemblée des premières nations. On pourrait ainsi tenir compte de la diversité des différents secteurs et des régions géographiques au sein d'un groupe équilibré et actif. On disposerait par ailleurs d'un nombre suffisant de membres pour présider les différents comités chargés des études précises.

Nous voulons aussi faire une recommandation touchant les activités de financement prévues par la LEP. Afin d'inciter les groupes d'intérêt divers qui exercent des activités et qui influent sur l'habitat et la faune à collaborer utilement, nous jugeons indispensable que l'on prévoit une somme d'argent, d'un montant suffisant, spécialement affectée au rétablissement de l'écosystème—des crédits qui soient spécialement affectés à cette opération et qui ne soient pas prélevés sur le budget général. En l'absence de crédits spécialement affectés à cette opération, la consultation et les négociations avec les provinces, telles qu'elles sont prévues par la LEP, ont peu de chance de donner des résultats. Il est évident qu'elles n'ont pas donné de résultat par le passé.

Il est par ailleurs indispensable que les provinces comme le gouvernement fédéral cotisent à la caisse de rétablissement de l'écosystème. Il faut que ce soit les parties prenantes. La cotisation provinciale pourrait être calculée au prorata du PNB de chaque province. De plus, les organisations commerciales ou agricoles exploitant des terres publiques ou ayant des répercussions significatives et décelables sur l'environnement, devraient par ailleurs payer un certain montant à la caisse spécialement affectée au rétablissement de l'écosystème.

• 0950

La notion de rétablissement de l'écosystème devrait être très générale et englober l'habitat, les espèces, les biomes, le biote, la législation sur l'eau et sur l'air, la recherche sur le terrain et l'enseignement. Toutes les parties prenantes devraient oeuvrer en faveur du rétablissement de l'écosystème. Les universitaires et les consultants du gouvernement fédéral, des provinces et des ONG pourraient prétendre à bénéficier de crédits.

Le financement de ces projets ne serait pas limité dans le temps mais devrait être affecté pendant la durée prévue de réalisation de chaque projet. Les décisions de financement seraient prises par le COSEPAC, mais les crédits seraient administrés uniquement par le gouvernement fédéral, à l'exclusion de toute autre organisation ou ONG. Il est impossible, à notre avis, que la LEP offre la protection nécessaire et permette la conservation des espèces en voie de disparition au Canada ainsi que de leur habitat si l'on n'affecte pas précisément des crédits à cette opération.

Nous recommandons que l'on définisse le terme de consultation. La consultation est la clé du succès de ce projet de loi. Il faut donc qu'elle soit définie et qu'un mécanisme soit prévu en conséquence dans la réglementation. Cette définition devrait comporter quatre éléments.

Tout d'abord, il faut que les parties consultées ou qui prennent part au mécanisme de consultation soient dûment informées. C'est par expérience que nous insistons sur ce point. L'équipe chargée du rétablissement du renard véloce a tenu ses audiences à huis clos entre 1991 et 1994, ce qui est bien étrange. Pendant tout ce temps, il n'a pas informé tous les membres de ses intentions. Cela vous montre à quel point ces dispositions n'opèrent que si elles figurent expressément dans le projet de loi.

En second lieu, il convient d'accorder lors des consultations suffisamment de temps aux parties pour revoir et commenter l'information fournie.

Troisièmement, il est nécessaire de prévoir une tribune permettant de discuter de façon impartiale des réponses fournies.

Quatrièmement, enfin, il convient de prendre en compte dans les décisions les commentaires qui ont été reçus. On a déjà défini la notion de consultation dans d'autres textes de loi. Ce genre de dispositions figure déjà dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, par exemple.

Pour que ce mécanisme opère comme il se doit, il faut que la procédure envisagée dans la loi soit précisée dans les règlements. Ces précisions doivent porter entre autres sur la teneur et sur la forme de l'information fournie; sur la nature et la structure des réunions; sur un mécanisme de résolution des conflits; enfin, sur la consignation des données dans le registre. Une fois que cette procédure aura été définie et mise en place, nous considérons que la population canadienne fera plus largement confiance aux décisions qui seront prises.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, madame Smeeton.

Nous aurions pu vous suivre bien plus facilement si nous avions eu un exemplaire de votre texte, mais peut-être...

Mme Clio Smeeton: Vous devriez l'avoir.

Le président: ...pourriez-vous le remettre au greffier pour qu'il le fasse reproduire.

Mme Clio Smeeton: Il y a des lunes que je vous l'ai fait parvenir et il devrait déjà être traduit et distribué.

Le président: Il a dû y avoir une erreur...

Mme Clio Smeeton: Quelle histoire!

Le président: ...de procédure. Je vous prie de nous en excuser.

Nous allons maintenant entendre Sabine Dietz, de la Fédération des naturalistes du Nouveau-Brunswick.

Vous voulez commencer?

Mme Sabine Dietz (membre, Fédération des naturalistes du Nouveau-Brunswick): Oui.

Merci de m'avoir invitée à témoigner devant le comité permanent.

Je m'appelle Sabine Dietz. Je suis codirectrice du projet sur le pluvier siffleur, un programme spécial de la Fédération des naturalistes du Nouveau-Brunswick. Nous opérons depuis 13 ans dans la péninsule de l'Acadie—une région très francophone du Nouveau-Brunswick—où nous exerçons des activités de conservation et de protection sur le terrain des espèces menacées et des écosystèmes côtiers. Notre projet est géré exclusivement par l'ONG mais il a de nombreux partenaires aux niveaux fédéral, provincial et non gouvernemental.

Je diviserai mon exposé en deux parties. Tout d'abord, je vais vous donner un aperçu de ce que nous faisons sur le terrain. Ensuite, je ferai la critique du projet de loi C-5 en vous faisant part de nos recommandations.

Je vous ai remis un mémoire. Il est disponible uniquement en anglais. J'imagine qu'il sera traduit et que vous en aurez aussi la version française.

Nous avons fait porter avant tout notre action ces 13 dernières années sur le pluvier siffleur, une espèce menacée qui figure sur la liste du COSEPAC depuis 1985. C'est un tout petit oiseau qui vit et qui niche sur les berges des provinces des Maritimes, ainsi que dans les Prairies.

• 0955

En 13 ans, nous avons mené de nombreuses activités de sensibilisation sur le terrain. Je vais faire circuler ces photographies pour que vous puissiez les examiner. Nous n'avons pas de diapositives ni d'autre documentation.

Cet oiseau est surtout menacé parce qu'il est dérangé par les activités humaines lorsqu'il niche et lorsque les jeunes sont sortis du nid, une fois éclos. Nous nous chargeons essentiellement d'avertir les gens de la présence de cet oiseau, de parler aux propriétaires des rives et de mettre en place des centres d'information chargés d'avertir les gens pour qu'ils ne s'approchent pas trop des nichées. Chaque année, nous embauchons une vingtaine de jeunes et de chômeurs qui se chargent de nous aider, ce qui fait boule-de-neige au sein des collectivités. Finalement, l'information se répand et la population est au courant de la présence de l'oiseau.

Nous intervenons beaucoup dans les écoles. Nous y organisons de nombreuses séances de sensibilisation. Nous faisons descendre dans la rue, loin de son habitat, notre mascotte, le pluvier siffleur. Vous la verrez sur les photographies que je vais vous faire passer.

Le président: Madame Dietz, je regrette d'avoir à vous interrompre, mais vous venez de l'unique province canadienne qui est officiellement bilingue.

Mme Sabine Dietz: C'est exact.

Le président: Si vous nous aviez remis un document rédigé dans les deux langues officielles, ça nous aurait été très utile.

Mme Sabine Dietz: Vous avez tout à fait raison.

Le président: Nous ne pouvons pas distribuer votre texte parce qu'il n'est pas dans les deux langues officielles; par conséquent, les membres francophones...

Mme Sabine Dietz: Oui, mais il vous faut aussi bien comprendre que nous sommes un groupe à but non lucratif. Nous ne disposons pas automatiquement des crédits suffisants pour que tout soit bilingue, parce qu'il faut du temps et beaucoup d'argent pour traduire les textes.

Le président: Si nous avions reçu ce document à l'avance, nous aurions pu le traduire étant donné qu'il est assez court.

Mme Sabine Dietz: J'en suis bien consciente et je vous prie de m'en excuser.

Ce que nous faisons sur le terrain au Nouveau-Brunswick complète le travail et le mandat de l'équipe chargée du rétablissement. Cette équipe existe depuis les 12 ou 13 dernières années.

Je passe maintenant à nos observations et à nos critiques de la loi. Tout d'abord, la présence d'une espèce en péril devrait déclencher l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Une simple modification du projet de loi C-5 permettrait d'y parvenir. À l'heure actuelle, la présence d'une espèce menacée, d'une espèce en péril figurant sur la liste du COSEPAC, ne déclenche pas l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Je dois dire aussi que le Nouveau-Brunswick a une loi sur les espèces menacées et que le pluvier siffleur figure sur la liste visée par cette loi. Notre loi provinciale sur les espèces menacées protège l'habitat, elle est donc plus stricte que le projet de loi C-5 et nous estimons en conséquence que le gouvernement fédéral néglige en fait de s'acquitter de ses responsabilités en matière de protection des espèces menacées. Notre loi est plus rigoureuse. Il reste encore à savoir si elle est bien appliquée mais, sur le papier, elle est plus stricte.

Nous signalons ensuite que le pluvier siffleur est un oiseau migrateur. Il est protégé par la Loi sur la Convention des oiseaux migrateurs. Toutefois, il ressort clairement des dispositions du projet de loi C-5 que l'habitat de cet oiseau n'est pas protégé. Les pluviers siffleurs relèvent de la compétence fédérale, comme l'indique la Loi sur la Convention des oiseaux migrateurs, et son habitat doit être lui aussi obligatoirement protégé par le projet de loi C-5 comme il l'est par la Loi sur la Convention des oiseaux migrateurs.

Pour l'essentiel, les travaux qui ont été menés au Nouveau- Brunswick au sujet des espèces menacées, des espèces en péril, l'ont été par des organisations non gouvernementales. Sur le terrain, elles protègent l'habitat, elles sensibilisent les gens à la protection et font toutes les démarches nécessaires au rétablissement des espèces menacées. Les organisations non gouvernementales jouent un rôle absolument fondamental pour le rétablissement de toutes les espèces menacées au Canada—et là encore, je me réfère plus particulièrement à l'expérience du Nouveau-Brunswick. Sans le travail accompli par les organisations non gouvernementales, aucune mesure de rétablissement n'aurait encore été prise.

Là encore, si je m'en tiens plus précisément au Nouveau-Brunswick et à notre expérience, les gouvernements ne sont pas disposés à oeuvrer dans le même cadre que les organisations non gouvernementales. Il faut beaucoup de temps, du dévouement, de la volonté politique, qu'ils n'ont tout simplement pas. Déjà, à la suite du projet de loi qui est proposé, des protocoles, des lignes directrices et des politiques sont élaborés par le gouvernement fédéral indépendamment des personnes qui sont déjà sur le terrain depuis 13 ou 14 ans parfois. Ce sont elles qui ont l'expérience. Elles devraient être les premières à participer à l'élaboration de ces lignes directrices et de ces protocoles.

• 1000

Nulle part on ne reconnaît l'importance des organisations non gouvernementales dans le projet de loi C-5. On les considère comme un outil et non pas comme un principal intervenant. Nous considérons que le gouvernement fédéral a de toute évidence des difficultés à traiter avec les organisations non gouvernementales. De leur côté, je le répète, les organisations non gouvernementales jouent un rôle majeur dans la mise en oeuvre des programmes de rétablissement correspondant à chaque espèce. Ce rôle important des organisations non gouvernementales doit être clairement établi et entériné par la loi. Il faut que les organisations non gouvernementales jouent un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre des mesures de rétablissement, dans l'élaboration des politiques et dans la planification du programme de rétablissement des espèces en péril.

Je vais vous donner des exemples bien précis. Il convient de disposer au paragraphe 7(1) que les ONG doivent être représentées au sein du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril—les organisations nationales, par exemple.

Au paragraphe 16(1), il faut absolument que le COSEPAC englobe des représentants de la collectivité des ONG. Là encore, ce sont elles qui font le travail. Elles doivent pouvoir intervenir dès le départ en tant que principales parties prenantes.

Le paragraphe 39(1), qui traite de la mise en oeuvre du programme de rétablissement, dresse la liste de toutes sortes d'organisations devant être consultées—les gouvernements provinciaux, etc. Au dernier alinéa de ce paragraphe, l'alinéa 39(1)e), on indique que le ministre peut inviter d'autres groupes et organisations censés être habilités à prendre part au programme. Ce n'est pas acceptable. Il convient d'indiquer expressément dans la loi que les ONG doivent participer dès le départ à la mise en oeuvre des programmes de rétablissement. C'est tout à fait fondamental.

Il en va de même à l'alinéa 48(1)e), où l'on élabore le programme d'intervention. Il n'est prévu de ne consulter nos organisations ou nos groupes que si le ministre le juge bon. Là encore, il faut que les ONG soient mentionnées. Il convient d'indiquer expressément qu'elles doivent être consultées, notamment les groupes et les organisations ayant joué un rôle en vue du rétablissement d'unes espèce.

Ce sont là les quelques observations que je voulais faire. Il y en a un certain nombre d'autres dans le mémoire que nous allons vous faire parvenir. Merci de nous avoir donné la possibilité d'intervenir.

Le président: Merci, madame Dietz, de nous avoir fait part de votre expérience.

Monsieur Bradstreet, je crois savoir que vous avez déposé un document dans les deux langues officielles.

M. Michael Bradstreet (directeur exécutif, Études d'oiseaux Canada): En effet.

Le président: Pourriez-vous nous le distribuer pour que les députés puissent suivre votre exposé?

M. Michael Bradstreet: C'est comme vous voulez.

Le président: Très bien. Est-ce que le texte est disponible?

M. Michael Bradstreet: Oui. Je l'ai remis au greffier.

Excusez-moi, je pensais que je vous laisserais le texte et que vous n'en auriez pas besoin pour suivre mon exposé. Toutefois, si c'est ainsi que vous avez choisi de procéder, il va falloir me suivre, parce que je vais sauter des bouts.

Le président: Ne vous inquiétez pas. Allez-y.

M. Michael Bradstreet: Merci de m'offrir cette occasion de présenter devant le comité permanent le point de vue de mon organisation sur le projet de loi C-5, connu aussi par son sigle LEP.

Études d'oiseaux Canada est un organisme scientifique indépendant qui a été fondé en 1960. Notre mission est de favoriser une meilleure compréhension, appréciation et conservation des oiseaux et de leurs habitats grâce à des projets qui font appel aux connaissances, à l'enthousiasme et au support de ses membres, de ses volontaires, de ses employés et du public en général.

À l'heure actuelle, 10 000 citoyens-chercheurs participent de façon bénévole aux programmes de recherche et de conservation d'oiseaux menés par EOC. Nous avons de petits effectifs professionnels et un petit budget. Un conseil d'administration et un conseil national, composés d'éminents ornithologues et de spécialistes en conservation agissant à titre bénévole, gèrent nos affaires. Des membres du Service canadien de la faune siègent autant au conseil national qu'au conseil d'administration d'EOC.

Nous considérons que la conservation des oiseaux dépend du public dans son ensemble, et particulièrement des propriétaires fonciers et des gestionnaires de ressource, ayant à coeur la conservation. Le rôle de notre organisation est de promouvoir la connaissance du public à l'aide de données, d'analyses et d'interprétations fiables de sorte que les gens puissent exercer une gestion responsable de la faune.

• 1005

Nous produisons un certain nombre de brochures d'information à l'intention des propriétaires et nous les leur distribuons là où l'on relève plus particulièrement la présence d'espèces menacées. Vous en trouverez des copies au fond de la salle.

Nous prenons une part active dans la conservation et la réhabilitation d'espèces d'oiseaux en voie de disparition. Je siège personnellement au conseil mondial de l'organisme BirdLife International, qui représente une alliance d'organismes nationaux de conservation provenant de plus de 100 pays à travers le monde. BirdLife est reconnu par l'Union mondiale pour la conservation en tant que leader mondial pour la conservation des oiseaux. BirdLife a tout juste publié le livre Threatened birds of the world, que vous voyez ici. C'est maintenant la source officielle pour les oiseaux apparaissant sur la liste rouge de l'Union mondiale pour la nature.

Cent trois espèces d'oiseaux ont disparu depuis 1800, soit un rythme qui représente plus de 50 fois le rythme à long terme. Présentement, 182 autres espèces sont sur le point de s'éteindre, avec une chance de survie ne dépassant pas 50 p. 100 au cours des 10 prochaines années. Cette liste inclut le Courlis esquimau, une espèce qui vit au Canada et pour laquelle il n'y a pas eu d'observation probante depuis 1985.

En tout, c'est 1 186 espèces d'oiseaux, soit un terrifiant 12 p. 100 de la biodiversité avienne du monde (une espèce sur huit), qui présente un risque réel d'extinction au cours des 100 années à venir. La perte et la dégradation des habitats sont les principales menaces qui pèsent sur les oiseaux, affectant un total de 1 008 espèces.

Au Canada, je participe au COSEPAC en tant que l'un des trois experts non gouvernementaux. En outre, le directeur des programmes d'EOC est le codirecteur du groupe de spécialistes sur les oiseaux. Parmi les 26 espèces d'oiseaux identifiées comme en danger de disparition ou menacées sous l'annexe 1 de la LEP, EOC participe activement à la conservation de 16 d'entre elles.

Qu'il s'agisse de financer des programmes divers, de préparer des rapports sur le statut d'espèces menacées, de participer aux travaux ou de prendre en charge des équipes de rétablissement, de réaliser des activités de conservation sur le terrain ou de diffuser des renseignements sur les besoins des espèces menacées auprès des propriétaires fonciers et des gestionnaires des ressources, nos employés et nos bénévoles travaillent sans relâche afin de préserver les oiseaux menacés ou en danger de disparition au Canada.

En utilisant des critères globaux, ainsi que des seuils de population établis par BirdLife International, nous avons pu identifier 600 sites canadiens qui sont critiques pour la conservation des oiseaux du Canada: 136 de ces sites ont été identifiés à cause de leur importance pour les espèces menacées ou en danger de disparition.

Peut-être bien plus importants que notre travail sur les oiseaux en voie de disparition sont les efforts menés par le personnel et les volontaires d'EOC afin de suivre les changements des populations de toutes les espèces d'oiseaux au pays. Comme nous l'avons tous constaté, conserver une espèce qui est au seuil de l'extinction est une entreprise coûteuse. Tout comme en médecine, il est plus facile de prévenir que de guérir. Plutôt que d'attendre pour sauver les derniers individus de l'extinction, il est beaucoup plus efficace et rentable de commencer par identifier les déclins majeurs de population chez les espèces communes, puis de tenter de renverser ces tendances, lorsque ces déclins sont causés par les humains.

On trouve un exemple du dynamisme D'EOC dans le fait qu'il coordonne un réseau de 15 stations de suivi des migrations réparties à travers le sud du Canada, allant de la baie de Fundy jusqu'à l'extrémité sud de l'île de Vancouver. Ce réseau permet de suivre les changements de population chez plus de 100 espèces d'oiseaux jugées prioritaires. Ces espèces sont celles qui, à l'échelle globale, nichent principalement dans le nord du Canada, dans des régions où il serait difficile et coûteux de tenter de les inventorier par d'autres moyens. Notre réseau permet de suivre les déplacements des oiseaux sur toute l'étendue du pays lorsque ceux- ci traversent une ligne imaginaire formée par la chaîne des stations.

Avec l'aide de citoyens-chercheurs bénévoles, qui comptent, capturent et baguent les oiseaux, et avec l'aide de méthodes statistiques sophistiquées, EOC est en mesure de générer des indices annuels de la taille des populations à chaque station, de même que d'évaluer les tendances à long terme pour pouvoir fournir ces données aux organismes responsables ainsi qu'au grand public. C'est, à notre avis, une bonne façon de prendre des mesures en faveur de la conservation.

Étant donné l'engagement d'EOC à identifier et à rétablir les espèces en danger, étant donné notre emphase supplémentaire sur l'utilisation d'une approche préventive, et étant donné notre armée de volontaires, voici les quelques commentaires que nous pouvons faire au sujet de la LEP.

• 1010

En fait, je préfère ne pas lire intégralement mon mémoire pour avoir plus de temps à consacrer aux questions et je pense que certains des arguments que je vous ai présentés aujourd'hui l'ont déjà été auparavant, non seulement au cours de cette séance mais probablement à maintes reprises lors des séances précédentes, de sorte que je vais m'en tenir à deux des principaux points soulevés dans mon mémoire.

Le premier consiste à faciliter la participation des chercheurs au sein de la population. La loi dispose qu'aucune personne ne pourra tuer, blesser, harceler, capturer, prendre ou posséder un individu d'une espèce figurant sur la liste. Étant donné ces restrictions sévères, de même que les sanctions potentiellement graves imposées aux contrevenants, il semblerait raisonnable de définir dans le cadre de la loi des termes tels que «blesser, harceler, prendre» et «posséder».

Est-ce qu'un bénévole d'EOC qui vérifie le contenu d'un nichoir installé pour accroître la population d'une espèce en péril pourrait être considéré comme harcelant ou blessant une espèce inscrite? Est-ce qu'un employé d'EOC qui capture un individu d'une espèce inscrite durant les activités habituelles de suivi des migrations pourrait être considéré comme prenant ou possédant une espèce inscrite?

Nous ne connaissons pas l'étendue de l'interdiction et il serait utile, pour les citoyens-chercheurs du pays, qu'elle soit mieux définie.

Les articles 74-78 de la loi sont consacrés aux accords et aux permis autorisant les activités et sont, à nos yeux, essentiels au rétablissement d'espèces en péril. Il est inquiétant de voir qu'un ministre compétent peut seulement conclure un accord avec une personne, et non pas avec une organisation, ou lui émettre un permis.

Est-ce qu'au sein d'une organisation qui s'appuie sur le support de citoyens-chercheurs bénévoles qui s'impliquent activement dans la préservation des espèces en péril, chaque volontaire qui participe aux activités du réseau des stations de migration, ce qui représente probablement plus de 300 personnes différentes tous les ans, devra recevoir un permis dans l'éventualité où il ou elle pourrait capturer et baguer une espèce inscrite? Est-ce que chaque volontaire d'EOC qui contrôle les nichoirs, érige un enclos autour d'un nid pour réduire la prédation ou encore gère un habitat essentiel, toutes ces activités étant nécessaires à un plan et à des actions de rétablissement, aura besoin d'un tel permis? Combien de temps sera nécessaire pour traiter les demandes de permis? Pourquoi ne retrouve-t-on qu'au paragraphe 74(9) que les organisations, telles que reconnues par une autre loi du Parlement, peuvent effectuer des activités touchant les espèces inscrites? Ne serait-il pas plus efficace de permettre, en vertu de la LEP, que des accords soient conclus entre le ministre compétent et des organisations ou que des permis soient émis à ces dernières?

Je vais maintenant évoquer la définition du terme de résidence, dont vous avez certainement entendu parler. Pourquoi la loi propose-t-elle de protéger les résidences de certains types de faune et non de tous les types? Quelle est la résidence d'un poisson? Quelle est la résidence d'un papillon? La prise de nids ou des oeufs de tous les oiseaux migrateurs est déjà proscrite en vertu de l'article 5 du protocole modifiant la convention de 1916. Quelle protection supplémentaire la LEP assure-t-elle? Mon interprétation est que la protection de la résidence de quelques espèces n'est dans la LEP qu'une étape mineure vers la protection des habitats essentiels.

Le but de la LEP est de protéger, conserver et rétablir les espèces inscrites. À mon avis, ceci requiert la protection de leur habitat essentiel. La protection d'un nid d'oiseau est une approche tout à fait inadéquate pour protéger les espèces inscrites de même que leur habitat essentiel.

Voici un exemple concret qui montre qu'il ne suffit pas de protéger une résidence pour protéger une espèce. J'habite dans le sud de l'Ontario, dans une région où l'on retrouve le pygargue à tête blanche, une espèce identifiée comme étant menacée dans la Loi sur les espèces menacées de l'Ontario. Un nid actif de pygargue se trouvait à moins d'un mille de ma maison ce printemps dernier. Peu de temps après l'éclosion des jeunes, le propriétaire foncier a abattu tous les arbres de la rangée où se trouvait le nid, à l'exception de l'arbre contenant le nid lui-même et un autre arbre adjacent. Les adultes ont par la suite abandonné le nid, et un jeune a été trouvé mort dans le nid quelques jours plus tard.

Est-ce que le propriétaire foncier aurait été coupable d'une infraction si le pygargue à tête blanche avait été inscrit à la LEP? Aucune résidence n'a été détruite. Aucun adulte pygargue à tête blanche n'a été tué ou blessé et la LEP ne contient aucune définition quant à ce que signifie le «harcèlement». Il n'y a aucune preuve certaine que la perturbation provoquée par le propriétaire foncier a eu comme conséquence la mort du jeune pygargue, bien que ce soit ce que le bon sens suggère.

• 1015

Si une paruline à capuchon menacée niche dans un arbuste dans un boisé du sud de l'Ontario et que les arbres soient coupés sans discernement, la tentative de nidification est vouée à l'échec, même si l'arbuste a été épargné. Si une chevêche des terriers menacée niche dans un pâturage du sud de la Saskatchewan et que le pâturage est labouré, la tentative de reproduction est vouée à l'échec, peu importe si une zone tampon minimale a été conservée autour de la résidence de l'oiseau. Si un couple de Râle élégant niche dans un marais du sud du Québec, et que le marais est asséché, la tentative de nidification est vouée à l'échec, mais là encore aucun dommage n'a été fait à la résidence de l'oiseau. Protéger uniquement la résidence d'une espèce inscrite sans protéger également l'habitat essentiel de cette espèce ne donne en fait que très peu d'outils pour protéger la faune en péril.

La LEP n'est pas une loi qui vise à modifier la Constitution canadienne mais plutôt une loi qui demande à chacun de travailler ensemble vers des buts communs. L'article 53 dispose que pour une espèce protégée par la Loi sur la Convention des oiseaux migrateurs, le ministre compétent peut adopter la réglementation qu'il juge adaptée à la mise en oeuvre des plans d'action. Néanmoins, je suis d'avis que de protéger l'habitat essentiel des espèces en voie de disparition et menacées devrait être au minimum une obligation du gouvernement fédéral dans les domaines qui relèvent de sa compétence, à la seule condition que les propriétaires privés soient dûment indemnisés lorsque des espèces sont inscrites sur la liste fédérale.

Sur les terres fédérales, la protection de l'habitat essentiel des espèces inscrites devrait être obligatoire. Les articles 57-64 répertorient 11 cas dans lesquels un ministre ou le gouverneur en conseil peut protéger l'habitat sur les terres fédérales. J'invite le comité, lorsqu'il passera à l'étude article par article du projet de loi, d'envisager au moins de renforcer certaines de ces dispositions afin de montrer que le gouvernement fédéral fait preuve d'initiative en matière de protection de l'habitat des espèces menacées. S'il ne le fait pas, on ne peut pas s'attendre à ce que d'autres intervenants—les provinces, les territoires, les communautés autochtones, les entreprises ou les propriétaires privés—le fassent.

En résumé, EOC félicite le gouvernement fédéral de la mise en place de cette législation. Il y a longtemps qu'on l'attendait. Aucune loi n'est parfaite et chacune peut être améliorée. Il y a beaucoup d'aspects que nous appuyons dans cette loi, mais ce n'était pas mon objectif en apparaissant devant vous aujourd'hui. J'espère plutôt avoir attiré votre attention sur quelques points qui méritent votre attention afin d'améliorer la loi. Ne vous méprenez pas, il est de loin préférable d'avoir cette loi que de ne pas avoir de loi du tout. Certaines modifications en feraient une bien meilleure loi.

Nos membres, plus de 10 000 bénévoles, notre personnel et le conseil d'administration souhaitent continuer à travailler en collaboration avec vous afin de conserver la biodiversité propre au Canada. Nous avons pris cet engagement. Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de m'adresser à vous.

Le président: Merci, monsieur Bradstreet, et je vous remercie notamment d'avoir illustré votre propos devant notre comité par de nombreux exemples pratiques.

Afin que vous puissiez entrer chez vous en étant rassuré sur un point précis, je vais demander à Mme Douglas de vous répondre et d'apaiser vos inquiétudes sur la question de l'accord passé par le ministre avec une personne ou une organisation afin que vous compreniez bien le sens du mot «personne».

Mme Kristen Douglas (attachée de recherche du comité): Ce n'est pas parce que l'article 74 se réfère à un accord passé avec une personne que ses dispositions se limitent à un accord passé avec un simple particulier. En droit, le terme «personne» englobe toutes les organisations considérées comme des personnes morales, qu'il s'agisse des entreprises ou des sociétés, dans la mesure où elles sont reconnaissables en droit.

M. Michael Bradstreet: Il n'en est pas moins curieux de voir que dans le reste de la loi on mentionne les organisations. L'absence de ce terme dans cet article précis nous laisse craindre que c'est à dessein que l'on a omis les «organisations» plutôt que pour une question de définition. Voilà tout simplement la raison. Mais s'il en est ainsi, c'est très bien.

Le président: Nous avons pris bonne note de votre observation, monsieur Bradstreet.

Nous avons largement le temps de poser nos questions en accordant cinq minutes à chaque intervenant. Nous allons commencer aujourd'hui par M. Bailey. Vous avez la parole.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, chers collègues et chers invités. C'est ma quatrième séance de comité cette semaine. Je dois reconnaître qu'elle a été très intéressante.

• 1020

Monsieur le président, je vais résumer rapidement ce que je pense de chacune des interventions. Je poserai ensuite une question à laquelle vous ne serez pas obligés de répondre tout de suite. Vous pourrez peut-être le faire plus tard au cours de cette séance, ou immédiatement après.

Mes brefs commentaires suivront l'ordre de vos interventions.

Jack, j'ai particulièrement apprécié votre exposé. Je connais bien la vallée de la Nass car j'y ai exercé mes fonctions. Pendant que vous parliez, j'avais même l'impression de pouvoir sentir les eulakanes. Oui, je garde de cette époque des souvenirs merveilleux. J'y suis retourné des années plus tard, dans le village où j'ai exercé mes fonctions et où j'ai enseigné. New Aiyansh est désormais du côté sud. Ça devrait vous donner une idée de mon âge.

Vous avez mentionné un point essentiel. Je ne siège pas au sein de ce comité. Je remplace l'un de ses membres éminents. Vous nous avez dit que la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et les Nisga'a travaillaient de concert. Je peux vous garantir que c'est là une affirmation essentielle. Non seulement sur les terres qui sont déjà autochtones, mais aussi pour le développement à l'avenir du territoire qui le sera aussi, il faut que ce soit un élément clé. S'il n'en est pas ainsi, cette loi n'aura aucun succès. Il faut que ce soit garanti dans la loi. Je considère qu'il faut faire appel à la collaboration.

Monsieur Turner, je suis originaire de la Saskatchewan et je sais que Canards Illimités fait partie intégrante de cette province. L'autre groupe, c'est bien entendu la Fédération de la faune de la Saskatchewan. Il suffit que l'on comptabilise les membres de ces deux organisations pour être sûr, comme je le suis, qu'il y a au sein de la population de la Saskatchewan un plus grand pourcentage que dans toute autre province de personnes appartenant à une organisation de conservation ou de protection de la nature. Votre organisation joue un rôle clé et tout à fait positif.

Je sais que vous rencontrez à l'occasion des difficultés en raison de la présence de terres agricoles à proximité, par exemple. Je vous recommande de vous présenter plus d'une fois par an devant notre comité. Le problème est fondamental et il le restera au moment de la rédaction de ce projet de loi. J'ai apprécié votre intervention.

Monsieur Gray, vous avez fait état des amendements et de la formule d'indemnisation. Je voudrais insister sur l'indemnisation. À moins qu'une formule équitable d'indemnisation ne soit clairement établie dans le projet de loi lui-même, je ne pense pas que l'on pourra compter sur la collaboration de la population.

Prenez le cas de la chevêche des terriers. Les agriculteurs vont lui réserver de larges espaces. Ils le feront volontairement. Les agriculteurs et les éleveurs ont un trop grand souci de la conservation pour que ça ne se fasse pas. Ils connaissent la situation. Ce territoire va être permanent et agrandi et, par conséquent, on ne pourra pas se passer d'indemnisation. J'ai particulièrement apprécié que vous évoquiez la question de l'indemnisation.

Clio, j'ai bien apprécié votre exposé. Je m'intéresse personnellement à l'histoire du renard véloce. Lorsqu'on remonte à l'histoire de la colonisation de l'ouest du Canada, je crois que le renard vélos s'appelait aussi renard nain. Je n'en suis pas sûr. Je me souviens que jadis, lorsque les colons arrivaient dans les Prairies et laissaient pendant la nuit les harnais à la portée du renard, ils s'apercevaient le matin venu qu'ils avaient été rongés. Le renard était friand du sel, surtout du sel provenant de la sueur des chevaux dans les harnais.

J'ai suivi votre projet avec un grand intérêt. Je vous le dis à vous et à tous mes collègues. J'espère que les ONG, lorsque ce projet de loi aura été adopté, ne deviendront pas une espèce en voie de disparition. Pour que cette loi donne des résultats, il faut que l'on puisse compter sur la collaboration soutenue des ONG. Cette loi est positive, mais il ne faut pas que ça mette fin au travail des ONG.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais vous laissez très peu de temps pour les réponses.

M. Roy Bailey: Les intervenants n'ont pas besoin de me répondre maintenant.

Le président: Je comprends.

M. Roy Bailey: Bon, je vais terminer maintenant. Je pense que j'avais indiqué clairement mon intention, monsieur le président.

Au Nouveau-Brunswick, vous avez fait une chose qui m'a vraiment plu. Vous avez fait intervenir les jeunes. J'espère que toutes les autres ONG prendront le temps de le faire. Je sais que l'on a envisagé dans la Loi sur les espèces menacées de faire participer les jeunes. J'ai apprécié vos propos à ce sujet.

• 1025

Enfin, pour ce qui est du comptage des oiseaux, je pense que votre contribution la plus précieuse tient non seulement au comptage, mais aussi aux raisons de ce comptage.

Mes cinq minutes sont pratiquement écoulées. Ce sont là des observations d'ordre général, mais vous n'avez pas à y répondre dès maintenant. J'espère obtenir une réponse de chacun d'entre vous, éventuellement lorsque chacun interviendra à tour de rôle.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Bailey. C'est très aimable de votre part.

Monsieur Dubé, suivi de Mme Carroll, puis de Mme Redman et de Mme Scherrer.

[Français]

Je vous demanderais, s'il vous plaît, de ne pas excéder cinq minutes.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Mes questions vont un peu dans le sens de celles de M. Bailey. Je remplace le député du Bloc québécois qui est un membre permanent du comité. Je vais faire de mon mieux, mais je ne suis pas un expert dans ce domaine.

J'aimerais poser ma première question à M. Bradstreet. Vous faites partie du conseil d'administration de BirdLife International. Je voudrais savoir si, à votre connaissance, il y a plusieurs pays qui ont des législations dans ce domaine et dont on aurait avantage à s'inspirer.

[Traduction]

M. Michael Bradstreet: Non. Je pense que la Constitution canadienne est unique au monde en ce sens que la conservation de l'habitat relève d'une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et de très forts gouvernements régionaux, en l'occurrence nos provinces et nos territoires. Il ne semble pas que ce soit le modèle suivi par d'autres pays ayant des lois sur les espèces menacées. Il est donc facile de nous demander de suivre le modèle des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, mais ces pays ont en fait une constitution très différente de la nôtre pour ce qui est de l'aménagement du territoire, ce qui facilite l'intervention de leur gouvernement national pour ce qui est de la conservation des espèces menacées ou en voie de disparition.

Je considère qu'étant donné la Constitution de notre pays, nous sommes obligés de collaborer et de ne pas empiéter sur les compétences des autres intervenants.

[Français]

M. Antoine Dubé: Considérez-vous cela comme un avantage? Si la collaboration fonctionne, cela peut être très positif. Il y a au moins deux gouvernements qui sont intéressés par le sujet. Est-ce un avantage ou carrément un désavantage?

[Traduction]

M. Michael Bradstreet: C'est parfois un travail très fastidieux, mais je considère que notre modèle permet parfois d'obtenir des réussites. Si tout le monde «était logé à la même enseigne» en matière de protection des espèces menacées, nous n'aurions pas la possibilité d'apprendre que le Nouveau-Brunswick ou que l'Alberta font mieux ou moins bien telle ou telle chose. Je pense que notre modèle permet effectivement à nos provinces de faire preuve d'originalité et d'améliorer leurs lois et leurs programmes en tirant les enseignements de ce que font les autres et de ce que fait le gouvernement fédéral.

[Français]

M. Antoine Dubé: Parlons maintenant des provinces. Vous avez mentionné que le Nouveau-Brunswick et l'Alberta avaient de bonnes législations. Le Québec a également une législation. Les provinces ont-elles toutes une législation ou certaines provinces n'en ont-elles pas?

[Traduction]

M. Michael Bradstreet: Je ne pense pas que toutes les provinces aient déjà une loi, et même pour celles qui l'ont, les résultats ne sont souvent pas significatifs. Je vous signale que la loi du Québec n'a permis de relancer pratiquement aucune espèce. Il y a donc un cadre de protection des espèces menacées, mais il n'est pas mis en oeuvre très efficacement. Je considère que la LEP a justement incité toutes les provinces à revoir leurs lois et à les améliorer.

• 1030

[Français]

M. Antoine Dubé: N'importe qui peut répondre à ma prochaine question. Selon vous, même si on intervenait maintenant, il est plus que probable que 50 p. 100 des espèces menacées disparaîtraient, de toute façon, d'ici 100 ans. Cela veut dire qu'il est important de bien choisir ce que l'on va faire et d'y allouer les fonds nécessaires. Ce que je retiens de tous vos commentaires, à tous et chacun, c'est qu'il y a justement un manque de fonds.

Les 90 millions de dollars qui seraient investis par le gouvernement fédéral vous semblent-ils un montant suffisant de sa part? Si ce n'est pas suffisant, combien faudrait-il?

[Traduction]

Mme Clio Smeeton: Lorsqu'on agit en faveur de la protection des espèces, même si elles ont disparu du Canada, comme dans le cas du renard véloce, on peut réussir à obtenir un rétablissement. Nous l'avons fait. Nous avons démontré qu'il était possible d'élever un animal disparu du Canada, de le réintroduire et d'obtenir son rétablissement. Si nous agissons dès maintenant, il est possible que les animaux, les oiseaux, la faune, les plantes, etc., puissent être sauvés, du moins une bonne partie.

Toutefois, vous avez bien raison, les crédits sont insuffisants. Ce projet de loi ne traite pas de la question des crédits. Je suis convaincue que si l'on exigeait un financement au prorata de la part de toutes les parties prenantes, en l'occurrence, le gouvernement fédéral, les provinces et tous les secteurs—les mines, la pêche, l'agriculture—qui ont une grande influence sur l'environnement, de même que les municipalités, qui sont concernées elles aussi, nous pourrions constituer une caisse qui permettrait de subventionner tous les projets. C'est le COSEPAC qui se chargera d'évaluer chaque projet pour lequel une demande de fonds aura été présentée. Les projets jugés utiles par le COSEPAC bénéficieront de crédits d'un montant significatif qui permettront de faire le travail nécessaire.

Le président: Merci, madame Smeeton.

Madame Redman, vous pourriez envisager d'inclure dans votre intervention un bref exposé s'appliquant à l'indemnisation pour répondre à la question posée par M. Dubé.

Monsieur Dubé, vous vous êtes interrogé au sujet de la législation des autres provinces et M. Bradstreet s'est efforcé de vous répondre. Le Québec a bien entendu une loi. Cette loi a permis de faire figurer sur la liste du COSEPAC, soit la liste des espèces menacées et en voie de disparition, quelque 26 espèces. La province a décidé de n'en faire figurer que trois sur la liste. Autrement dit, 12 p. 100 seulement des espèces figurant sur la liste scientifique ont reçu l'aval des pouvoirs publics du Québec. C'est le pourcentage le plus faible à l'échelle du Canada, si l'on excepte la Colombie-Britannique. Pour vous donner un élément de comparaison, l'Ontario, la province voisine, a une liste scientifique répertoriant 74 espèces, dont 17 ont été entérinés par les pouvoirs publics, soit un pourcentage qui est plus du double de celui du Québec.

La parole est maintenant à Mme Carroll, qui sera suivie de Mme Redman.

[Français]

M. Antoine Dubé: Monsieur le président...

Le président: Non. Au deuxième tour.

Madame Carroll.

[Traduction]

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le président, ma question s'adresse à Canards Illimités. Si vous le voulez bien, j'aimerais que vous nous donniez une réponse, afin qu'elle soit consignée dans notre procès-verbal, au sujet du mécanisme extrajudiciaire de règlement des conflits qui, comme vous le savez, ne figure pas dans le projet de loi. Nous sommes un certain nombre à nous en être inquiétés. Nous n'avons pas entendu ce qu'avait à dire l'Association du Barreau canadien, qui a proposé un mécanisme extrajudiciaire de résolution des conflits. Elle en a discuté avec un certain nombre de parties prenantes. En fait, la solution qu'elle préconise bénéficie de l'appui des secteurs des mines et de l'exploitation forestière ainsi que d'autres industries. J'aimerais savoir si vous êtes prêts ou non à appuyer ce genre de choses.

• 1035

M. Brian Gray: Oui, en principe nous sommes favorables à un mécanisme extrajudiciaire de résolution des conflits, à un processus d'arbitrage, si vous voulez, entre les écologistes, les industriels et les gouvernements. Nous ne sommes pas favorables, vous le savez car nous en avons témoigné devant vous il y a plusieurs années, au principe des poursuites civiles.

Mme Aileen Carroll: Vous établissez une distinction entre un mécanisme extrajudiciaire de résolution des conflits proposé éventuellement par le Barreau et les poursuites intentées par les citoyens.

M. Brian Gray: Il faut qu'il y ait un mécanisme protégeant les industries, les propriétaires et les exploitants de terres contre de folles poursuites intentées par des personnes bien intentionnées qui connaissent mal les mécanismes de l'écologie.

Mme Aileen Carroll: Toutefois, si nous protégeons les groupes que vous venez de mentionner, comment allons-nous veiller à faire appliquer la loi? Je pense que vous vous dégonflez, pour parler comme dans mon enfance...

M. Brian Gray: Qu'entendez-vous par là?

Mme Aileen Carroll: Je pense que vous choisissez la solution de la facilité. Ne vous sentez pas personnellement visé ici.

M. Brian Gray: Non.

Selon la formulation actuelle du projet de loi, il y a un mécanisme qui permet à un citoyen qui constate une défaillance de présenter son dossier au gouvernement. C'est ainsi que j'interprète le projet de loi tel qu'il est formulé actuellement, et cela nous convient parfaitement.

Mme Aileen Carroll: Seriez-vous cependant disposé à adopter de mécanisme extrajudiciaire de résolution des conflits que propose le Barreau? Pour que vous n'ayez pas à regretter un engagement que vous prendriez dès aujourd'hui, puis-je vous demander d'examiner la proposition qui a été présentée? Vous pouvez la consulter dans ce que nous appelons les bleus. Vous pourriez peut-être ensuite nous en reparler.

M. Brian Gray: Ce serait raisonnable.

Mme Aileen Carroll: Très bien. Je serais très heureuse, par conséquent, que votre réponse soit consignée plus tard dans notre procès-verbal.

M. Brian Gray: Très bien.

Mme Aileen Carroll: Je vous remercie.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

La parole est à Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai en fait trois questions à poser et j'espère que vous serez aussi généreux avec mon temps que vous l'avez été avec les témoins aujourd'hui. Soyez tous les bienvenus.

En ce qui a trait, rapidement, à la question de l'indemnisation, que le président m'a demandé d'aborder, ce projet de loi part du principe que si nous avons des espèces en péril sur l'ensemble de notre territoire, c'est dû en grande partie aux ONG, aux éleveurs, aux pêcheurs, aux Canadiens qui vivent à la campagne et aux Autochtones qui, au moment où nous nous parlons, veillent à la bonne intendance des espèces menacées et de leur habitat, sinon nous n'aurions pas cette liste, qui regroupe malheureusement quelque 380 espèces en péril. Il fait appel à la collaboration avec tous ces groupes en tenant compte des difficultés liées aux compétences territoriales et autres qui se posent avec ces provinces et ces territoires. Il fait appel par ailleurs aux connaissances autochtones, de manière très respectueuse, je crois. D'ailleurs, des témoins de la communauté autochtone sont venus nous dire qu'à certains égards ce texte de loi a instauré une consultation plus large, en ce qui les concerne, tout en intégrant et en respectant ce qu'ils étaient en mesure d'apporter à la table des négociations.

Dans le cadre de cette collaboration, nous favorisons une bonne intendance. Le gouvernement a affecté 85 millions de dollars de crédits à l'intendance. Il y a une possibilité de substitution, qui sert de filet de sécurité. Si une province n'agit pas d'une manière jugée appropriée, le ministre peut se substituer à elle en lui disant qu'elle ne protège pas les espèces et son habitat comme il se doit.

Deux autres mécanismes sont prévus en sus de cette collaboration. Il y a la question de l'indemnisation, qui a fait l'objet de l'étude de M. Pearse et que la plupart d'entre vous ont vu, j'imagine. Le ministre a toujours soutenu que c'était un bon point de départ pour la discussion des modes d'indemnisation, qui constitue en quelque sorte un précédent, sans toutefois trop faire pencher la balance en décourageant toutes les activités bénévoles qui ont cours actuellement selon tous les témoignages et dont nous avons des preuves édifiantes.

• 1040

Il y a aussi les poursuites en justice et les amendes infligées aux personnes qui détruisent délibérément des espèces menacées ainsi que leur habitat.

On s'est donc efforcé d'adopter une démarche globale et équilibrée pour formuler un texte de loi susceptible de donner des résultats dans la pratique.

Je ne sais pas si cela correspond à ce que vous me demandiez, monsieur le président, mais ce sera ma réponse à la question précédente.

J'ai en fait trois questions à poser, si j'en ai encore le temps. J'aimerais commencer par M. Turner. Pour commencer, soyez le bienvenu à cette table. C'est un plaisir de vous revoir.

Canards Illimités a une immense expérience lorsqu'il s'agit de passer des accords avec les propriétaires des terres. Combien de temps faut-il, selon vous, pour passer un accord de conservation avec un propriétaire dont les terres sont jugées essentielles pour la survie d'une espèce en péril ou pour le rétablissement d'une espèce menacée ou en danger qui figure sur la liste?

M. Barry Turner: Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à cette question, monsieur le président. M. Gray se charge depuis des années, au sein de Canards Illimités, de passer des accords d'utilisation des terres. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, madame Redman, je vais lui demander de vous répondre.

M. Brian Gray: C'est une bonne question à la lumière de la discussion qui a lieu au sujet de l'indemnisation.

Comme l'a indiqué Barry, nous nous sommes associés dans le cadre de plus de 19 000 partenariats, principalement avec des propriétaires privés, dont la plupart étaient des producteurs. Nous avons constaté généralement que la volonté de coopération... tout est question de finances, finalement. La conjoncture économique est difficile pour tout le monde, et chacun a bien du mal à sortir de l'argent de sa poche, quelle que soit sa bonne volonté. Par conséquent, le montant de notre participation au sein du partenariat, la quantité d'argent que nous mettons sur la table à la disposition du propriétaire, est directement lié à l'importance de notre mission et au manque à gagner, si vous voulez, que ce propriétaire va encourir sur sa propriété.

Dans les pâturages des Prairies, par exemple, nous avons mis de côté des parcelles ou mis au point des modes de pâturage retardé et nous indemnisons dans ce cadre le propriétaire qui doit retarder le pâturage jusqu'à une certaine date. Nous avons des programmes de fenaison dans le cadre desquels nous demandons aux intéressés de ne pas faner avant le 15 juillet. Nous les indemnisons. Nous calculons la perte financière et nous versons une indemnisation. Nous avons obtenu beaucoup de succès dans le cadre des relations ainsi établies.

Notre organisation s'efforce de mettre au point des modes de pâturage qui en fait profitent autant à nous qu'aux propriétaires afin que nous n'ayons pas à recourir à ce genre de procédé. Nous avons largement réussi.

Je tiens à signaler que dans les Prairies, plus particulièrement—nous avons une grande expérience de la question, plus que toute autre institution, y compris le gouvernement—les producteurs souhaitent faire le nécessaire, mais qu'un producteur de céréales ou d'oléagineux ne peut pas se permettre ces temps-ci de sortir de l'argent de sa poche.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

S'il me reste encore un peu de temps, j'aimerais poser rapidement deux questions.

Monsieur Bradstreet, comment faites-vous pour instaurer dans votre domaine des partenariats avec les propriétaires pour des espèces comme la pie-grièche migratrice, qui ont besoin de prairies pâturées, un habitat traditionnel? Comment vous assurez-vous de la collaboration des éleveurs?

M. Michael Bradstreet: Disons que ces oiseaux aiment surtout les terres agricoles pauvres. Que faire, par conséquent, pour aider des gens en proie à de graves difficultés économiques lorsqu'on n'a pas d'argent? Nous n'avons pas d'argent pour indemniser les propriétaires qui protègent l'habitat de la pie-grièche migratrice. Généralement, la meilleure solution est premièrement de demander humblement des conseils au propriétaire, deuxièmement, de reconnaître sa contribution et, troisièmement, de lui donner de l'information qui l'aidera à mieux comprendre les besoins de l'espèce afin qu'ils soient intégrés dans son plan de travail plutôt que de chercher à le commander ou à le contrôler.

• 1045

On voit bien avec la pie-grièche migratrice que certains groupements d'agriculteurs considèrent la protection de cet oiseau comme une activité qui vient largement empiéter sur leurs activités. Il ne s'agit pas, toutefois, de l'exploitation agricole, mais de l'aménagement des terres et de la construction des maisons. La Loi de l'Ontario limite ces activités.

Par conséquent, dès que l'on fait intervenir la justice, il y aura des conflits d'intérêts opposés qui seront difficiles à régler, comme nous avons pu le voir avec la pie-grièche migratrice. Il y a des agriculteurs qui sont très fiers de leur action de protection des pies-grièches migratrices. Il y en a d'autres qui sont furieux de ne pas pouvoir subdiviser leur propriété et de ne pas pouvoir toucher, en raison de la présence de cet oiseau, 35 000 $ de frais de lotissement qui les aideraient financièrement.

Mme Karen Redman: Ai-je le temps de poser une dernière question, ou préférez-vous que j'attende?

Le président: Éventuellement, lors du deuxième tour.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Madame Scherrer, je vous cède la parole.

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Ma question s'adresse à chacun d'entre vous parce que que vous avez tous, à tour de rôle, abordé le sujet, mais d'une façon différente. Elle s'adresse malgré tout plus à M. Gray. Je me pose toujours les mêmes questions lorsqu'on parle de l'identification de la liste et qu'il est question du caractère scientifique par opposition au caractère politique, du caractère discrétionnaire par opposition au caractère obligatoire des démarches que le gouvernement va devoir entreprendre. Je m'explique.

Une espèce en péril est une espèce dont la survie est menacée pour des raisons scientifiques. Il n'y a pas une espèce qui est en péril pour des raisons politiques, et tout le monde s'accorde à dire qu'une liste doit être dressée selon des critères très spécifiques.

Vous avez dit, monsieur Gray, à un moment donné, qu'on pourrait effectivement prendre en considération certains critères sociaux, économiques, géographiques, ou même le fait que certaines espèces, de par leur nature, de par leurs gènes, vont s'éteindre de toute façon. L'étape suivante, qui consisterait à mettre en place des mesures de préservation et de conservation ou de protection des habitats, pourrait comporter des éléments discrétionnaires. On, c'est-à-dire le ministre, pourrait alors faire le choix de décider si oui on non une espèce est identifiée comme étant une espèce en péril, et si on y investit temps et énergie pour assurer sa survie.

Comment expliquez-vous le fait que vous souhaitiez que dans le libellé de la loi, par la suite, le mot «peut» soit changé par le mot «doit»,

[Traduction]

«may» doit être remplacé par «must»

[Français]

tout le temps, alors que pourrait apparaître un élément discrétionnaire au niveau du choix des mesures de restauration? Le fait que le gouvernement «doive», en tout temps, ne rend-il pas ce volet trop rigide, si cette liste ne tient compte que de critères scientifiques?

[Traduction]

M. Brian Gray: Je vous remercie. Je voulais plus précisément remplacer «peut» par «doit» au sujet de l'article 57, pour qu'au minimum le gouvernement soit dans l'obligation d'élaborer des codes de pratique, des normes ou des directives en matière de protection de l'habitat essentiel. À notre avis, le gouvernement conserve ici une marge de manoeuvre qui lui permet de décider s'il va oui ou non prendre des mesures concernant certaines espèces figurant sur la liste.

Nous proposons par ailleurs que la liste soit établie selon des critères scientifiques et que le Cabinet ait ensuite la possibilité, en tenant compte des réalités socioéconomiques, de tous les facteurs qu'il convient de pondérer et de prendre en compte—la santé, d'autres questions très importantes pour la population canadienne, l'enseignement—de prendre une décision. Si vous me permettez de faire une analogie, je prendrai l'exemple des grains de sable—c'est ainsi que je peux voir la décision que doivent prendre nos responsables élus, et non pas les scientifiques, en la matière; les scientifiques ont tendance à ne considérer que les grains de sable. Toutefois, si vous prenez un sablier et si vous assimilez les espèces en péril aux grains de sable qui passent par l'étranglement du sablier, on se rend compte que les scientifiques vont s'intéresser aux individus appartenant aux différentes espèces—les grains de sable—mais nous avons besoin que quelqu'un empêche la formation de ce resserrement du sablier.

• 1050

Nous privilégions la conservation des paysages. Nous avons donc peur que si l'on s'intéresse trop, comme vous l'indiquez, aux individus des différentes espèces qui risquent de toute façon de disparaître, d'autres espèces, de plus en plus nombreuses, vont se retrouver en péril.

Notre organisation estime qu'il appartient au gouvernement de pondérer tous ces renseignements et de prendre des décisions. Le risque, sinon, c'est que les scientifiques se concentrent sur les cas individuels et que nous perdions davantage d'espèces. La liste doit donc être établie selon des critères scientifiques, mais la décision d'inclure ou d'exclure telle ou telle espèce doit incomber à nos responsables élus.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Je veux être certaine d'avoir bien compris. Vous êtes en faveur, par exemple, que des critères politiques jouent au moment de la composition de la liste, que ces choix se fassent au moment où on identifie les espèces en péril et où on les ajoute à la liste.

[Traduction]

M. Brian Gray: Dès que le COSEPAC inscrit une espèce sur la liste, il en fait une espèce officiellement classée. Nous proposons, et je pense que d'autres aussi l'ont fait, une espèce de véto limité dans le temps. Je ne sais pas quel est le délai qui serait raisonnable, mais à notre avis il faudrait que le Canada puisse dire à un moment donné: «Nous ne pouvons pas continuer à protéger ces espèces pour telle ou telle raison». Les responsables élus seraient obligés de prendre une décision. Tant qu'ils seraient d'accord, l'espèce continuerait à être protégée parce qu'elle figurerait toujours sur la liste.

Selon la proposition actuelle, il ne pourrait en être ainsi. Les responsables élus pourraient être d'accord et une espèce classée sur la liste par les scientifiques ne le serait pas officiellement par le Cabinet. Nous voulons donc éviter que les espèces fassent l'objet d'un accord tacite de la part des fonctionnaires du gouvernement.

Le président: Merci, madame Scherrer.

Monsieur Orchel, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Jack Orchel: Si l'on en croit l'expérience de la Colombie-Britannique, les mentalités ont bien progressé en ce qui concerne la gestion des bassins hydrographiques, de l'ensemble de l'écosystème. Les principaux intervenants en la matière sont les sociétés d'exploitation forestière. La gestion des forêts en Colombie-Britannique est régie par le Code d'exploitation forestière. Il est possible d'interpréter diversement la possibilité d'appliquer les dispositions du Code d'exploitation forestière au profit des espèces menacées.

Il s'agit en fait d'exercer des pressions en toute connaissance de cause, en collaboration avec les personnes qui travaillent dans les différents bassins hydrographiques, pour savoir quelles sont les mesures que l'on peut prendre au bénéfice de tout un ensemble d'espèces. Il est très difficile cependant, de s'assurer que l'on a pris les mesures qui s'imposent en matière de gestion des terrains. C'est pourquoi j'ai bien précisé dans mon mémoire qu'il fallait que l'on rencontre les Premières nations pour connaître leurs points de vue et bénéficier de leur expérience plutôt que de s'en tenir uniquement à des organismes externes. Les Premières nations ont une relation différente avec la nature et des préoccupations qui s'appuient sur une information qui n'est peut-être pas la même que celle que peut recueillir un organisme scientifique.

J'en ai fait directement l'expérience. Une région qu'en tant que personne venue de l'extérieur, je jugeais importante pour la conservation des oiseaux migrateurs—en l'occurrence, des oiseaux de proie migrateurs—n'a pas été jugée importante lors de l'élaboration du traité. Je considère donc qu'il faut que les Premières nations fassent entendre leur voix. Il faut pour cela qu'il y ait un mécanisme afin que les Premières nations puissent se faire entendre non seulement du gouvernement central et des provinces, mais aussi qu'elles puissent se parler entre elles.

Le président: Merci, madame Scherrer.

Il nous reste peu de temps avant de quitter cette salle et je demanderais donc aux députés de limiter leurs questions. Il y a M. Laliberte suivi du président, puis nous pourrons organiser un deuxième tour. Je réserverai ma question pour la fin du deuxième tour.

Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Je pense que l'on a beaucoup privilégié l'intérêt de l'habitat, surtout lorsqu'il est essentiel et surtout en ce qui concerne les propriétaires.

Chez moi, en Saskatchewan, nous avons une association qui se charge d'évaluer les propriétés. Il y a toute une institution, surtout dans les villes et les régions rurales du sud. Toutefois, dans la partie nord de la province, ce sont des terres publiques qui sont administrées par le gouvernement provincial dans le cadre de la gestion de l'environnement et des ressources.

• 1055

Pour ce qui est de l'intervention des collectivités, dans le sud, la compétence appartient aux municipalités rurales, en plus des propriétaires individuels, mais c'est davantage une compétence collective. Dans le Nord, nous avons le régime des blocs de conservation de la fourrure. En 1945, la province a dit aux trappeurs, aux chasseurs et aux pêcheurs du Nord: «Organisez-vous selon vos propres modalités à l'intérieur de ces limites. Nous protégerons vos territoires à fourrure, qui correspondent à vos lignes de trappage.» Tout le Nord est recouvert par ces territoires à fourrure.

Est-ce que nous devrions, comme l'a indiqué l'intervenant, gérer les bassins hydrographiques? Je considère qu'il est passionnant d'essayer de tirer parti de toutes les connaissances qui existent au niveau communautaire, mais il faut aussi se doter d'un réseau national. Devrait-on essayer de constituer un réseau national de conseils de gestion des ressources ou de gestion de la faune?

Je sais que les conseils de gestion ont une grande importance dans les territoires, mais peut-être faudrait-il les faire fusionner avec la moitié nord de nos provinces, où il n'existe pas de comté ou de municipalité rurale. Nous disposerions donc d'un réseau allant d'une frontière et d'une mer à l'autre à l'intérieur duquel tout pourrait communiquer. De cette manière, la coordination entre les provinces et le gouvernement fédéral deviendrait une réalité.

Les instances politiques au niveau des collectivités locales pourraient ainsi faire entendre leurs voix sur ces questions complexes d'espèces et d'habitat essentiel. Tout le monde serait partie prenante. On n'aurait peut-être plus ce genre de situation qui fait qu'une espèce est menacée dans telle région, tous les crédits affluant alors en un même point et tout le monde cherchant à évaluer les répercussions financières, économiques ou sociales de la chose. Nous pourrions ainsi créer une zone à l'échelle du Canada et constituer un réseau de conseils de gestion des bassins hydrographiques, des ressources ou de la conservation qui soit véritablement canadien.

Il est possible que je résonne de manière trop globale et que je m'écarte du cadre de la loi. La population et les gouvernements canadiens devraient peut-être chercher à mettre en place un système qui fonctionne.

Le président: Malheureusement, monsieur Laliberte, nous devons nous en tenir dans nos analyses au cadre de la loi.

Y a-t-il un commentaire ou une réponse rapide?

M. Jack Orchel: Je pense que la difficulté vient du fait que si l'on s'en tient à une espèce précise, on perd de vue l'ensemble du problème. De toute évidence, si l'on envisage une politique à long terme, il faut que ce soit sur une bien plus grande échelle.

En Europe, nous avons une législation qui oblige chacun des membres de la communauté européenne à désigner les espèces jugées dignes d'attention du point de vue de la conservation. Elles sont classées par catégorie: rouge, bleue, etc.

Il y a une deuxième directive concernant les habitats, qui engagent tous les pays européens. Autrement dit, on examine le territoire afin de s'assurer que l'on a répertorié les principaux habitats. On choisit alors de protéger particulièrement les plus importants d'entre eux, mais il faut faire évidemment un certain choix qui ne porte éventuellement que sur 10 ou 15 p. 100 du territoire. Le reste de la superficie reste bien entendu important pour la protection des espèces rares, et c'est là qu'interviennent toutes les dispositions que vous envisagez dans votre loi—les partenariats avec les propriétaires terriens, les Premières nations, etc.

Je pense qu'il nous faut d'abord nous pencher sur les grands territoires parce qu'en examinant les espèces individuelles on n'a qu'un point de vue parcellaire. À certains égards, considérée d'un point de vue autochtone, cette loi est en fait un raccommodage selon la conception occidentale.

Tout ce qui ne va pas dans notre conception de la nature, le fait que nous ayons des espèces en péril, est le résultat de toutes sortes d'activités humaines qui ne respectent pas la nature. Il faudrait peut-être adopter une autre démarche. C'est pourquoi je dis que le rôle des Premières nations au Canada est véritablement de la première importance. Elles nous donnent un point de vue tout à fait différent et font preuve d'un attachement pour la nature qui remonte à de nombreux siècles, alors que l'industrie ne réagit éventuellement que depuis très peu de temps. Nous avons des objectifs et un calendrier différents alors que les gens qui cherchent à préserver leur culture ont quelque chose d'autre à apporter au débat.

Je ne voudrais pas trop m'étendre sur ce sujet parce que je ne suis en fait qu'un observateur de l'extérieur.

• 1100

Le président: Je vous remercie. C'était très utile.

Nous allons passer un deuxième tour de questions d'une minute chacune en commençant par M. Bailey.

M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président.

Je pense que c'est notre amie du Nouveau-Brunswick qui a mentionné que le nombre d'espèces en péril figurant sur la liste provinciale est plus grand que ce que l'on trouve dans ce projet de loi. C'est bien ça?

Mme Sabine Dietz: Non, ce n'est pas ça. J'ai indiqué que sur papier, la Loi provinciale sur les espèces menacées était plus stricte que la loi fédérale.

M. Roy Bailey: Je vous remercie.

C'est à partir de là que je voulais poser ma question, et j'aimerais que chacun d'entre vous me réponde. Comme vient de le déclarer madame, l'adoption du projet de loi C-5 ne modifiera pas nécessairement en soi la loi provinciale. Est-ce que l'adoption du projet de loi C-5 va remettre en cause certaines dispositions des lois provinciales déjà en vigueur?

Mme Sabine Dietz: Non, ça ne changera rien à la loi en soi. Ça ne changement rien à la formulation mais ça ne manquera pas de changer la façon dont les espèces vont se rétablir dans la province. La loi elle-même ne va pas changer, c'est la relation entre les gouvernements et les ONG qui se chargent des activités de rétablissement qui va fondamentalement changer.

M. Roy Bailey: Quelle va être la différence pour les ONG?

Mme Sabine Dietz: Les ONG devront bien davantage s'en tenir à la réglementation et aux politiques qui sont élaborées actuellement. La mise en place de directives s'appliquant à l'habitat essentiel est en cours, notamment pour le pluvier siffleur. Les provinces qui n'ont pas encore défini l'habitat essentiel se sentent obligées de suivre le courant et cette pression se transmet ensuite aux ONG qui travaillent sur le terrain.

M. Roy Bailey: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

[Français]

Monsieur Dubé, je vous cède la parole.

M. Antoine Dubé: Plusieurs ONG sont impliqués dans ce domaine. Je me répète, je n'ai pas tout lu étant donné que je remplace quelqu'un. Êtes-vous satisfaits du mécanisme qui va permettre de déterminer les représentants des ONG à ce conseil?

Mme Sabine Dietz: Non.

M. Antoine Dubé: Pourquoi?

Mme Sabine Dietz: Parce que je pense que la loi ne prévoit pas assez de représentants des ONG au Canada. Je dis bien, pas assez.

[Traduction]

Le président: Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Je tiens simplement à signaler que trois ONG sont représentées au sein du COSEPAC, mais ce qui vous inquiète c'est qu'il n'y ait pas un caractère obligatoire. C'est bien ça?

Mme Sabine Dietz: C'est aussi lors des interventions postérieures, comme je l'ai indiqué dans mon exposé. C'est quand on en arrive aux programmes de rétablissement et à la mise en place des plans d'action. C'est à ce moment-là que la représentation est déficiente. Elle n'a pas ici un caractère obligatoire.

Mme Karen Redman: Ma question s'adresse à Mme Smeeton. Je vous félicite, vous et votre groupe, pour votre initiative en faveur du renard véloce, mais je vous signale qu'aux termes du projet de loi C-5, il incombe aux ministres de décider de mettre ou non en oeuvre une stratégie de rétablissement s'appliquant à une espèce disparue. Il peut y avoir des cas où il ne reste plus d'habitat et où l'habitat ne peut pas être rétabli. Il peut d'ailleurs y avoir aussi des cas où l'on ne peut pas se procurer des spécimens susceptibles d'être réintroduits. C'est l'une des raisons pour lesquelles on dispose de cette marge de manoeuvre dans le projet de loi.

Mme Clio Smeeton: Quelle est votre question?

Mme Karen Redman: Êtes-vous consciente du fait que c'est en partie ce qui motive ce projet de loi?

Mme Clio Smeeton: Ça tombe sous le sens. Bien évidemment, il faut pouvoir disposer d'une marge de manoeuvre. Je n'y vois aucun inconvénient. Je considère simplement que l'on devrait disposer d'une meilleure participation au sein du COSEPAC. Je pense que ce que j'ai proposé va dans le même sens que ce que dit tout le monde ici, soit qu'il devrait y avoir une représentation à part égale des ONG, des Premières nations, de l'industrie, de l'agriculture et des gouvernements. Étant donné qu'à l'heure actuelle, ces différents secteurs ne sont pas représentés, les représentants des gouvernements connaissent très mal les espèces sur lesquelles travaillent les équipes de rétablissement dont ils font partie. Je ne vois aucune objection à ce que l'on dispose d'une marge de manoeuvre à condition que la décision s'appuie sur de bonnes études scientifiques.

• 1105

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Laliberte, une seule question, s'il vous plaît.

M. Rick Laliberte: Je vais revenir simplement à ma première déclaration et m'efforcer d'éclairer la définition des conseils de gestion de la faune. La plupart d'entre eux se trouvent sur les terres administrées par les gouvernements territoriaux. C'est ce que je m'efforce de faire comprendre. Il faudrait peut-être que ces conseils de gestion de la faune fassent aussi leur apparition dans les provinces, parce qu'il n'y a rien qui existe dans celles-ci. Les provinces sont davantage organisées en fonction des municipalités agricoles du sud et l'on oublie totalement le Nord. Ce sont des terres qui n'appartiennent à personne. C'est un territoire essentiel dont la superficie est énorme. C'est toute la forêt boréale, la mousse et le stockage du carbone.

Il me semble que Canards Illimités a évoqué le protocole de Kyoto et la séquestration du carbone. On pourrait le faire figurer dans la définition de l'habitat lorsqu'on traite des terres agricoles faiblement productrices. On pourrait peut-être les transformer en prairies sauvages. Par la même occasion, on pourrait ainsi stocker le carbone pour l'avenir. On instaure alors un dialogue nouveau. On accorde une certaine valeur à l'habitat et, à terme, on instaure aussi ce dialogue au sujet du protocole de Kyoto et du stockage du carbone. Il y a donc là quelque chose qui pourrait nous permettre à l'avenir d'accorder une valeur à l'habitat naturel. À qui le confier, cependant? Va-t-on le remettre à un gestionnaire prenant la forêt en location et se chargeant de replanter une seule essence d'arbres, ou va-t-on le confier à un conseil de gestion de la faune qui tiendra compte de toute la biodiversité?

On nous dit que les Autochtones étaient des trappeurs. Non, nous avons été trappeurs pour enrichir la Compagnie de la Baie d'Hudson. Nous étions des utilisateurs traditionnels des terres, qui posaient des pièges pour que quelqu'un en Grande-Bretagne puisse porter un chapeau en fourrure. Voilà pourquoi nous sommes devenus des trappeurs. Traditionnellement, nous étions des utilisateurs de la nature. Nous prenions soin des bleuets, des souris, des écureuils et des araignées. Il s'agissait d'un tout indissociable.

Lorsqu'il n'y a pas des Autochtones pour passer des accords de règlement des revendications territoriales, les conseils de gestion de la faune n'existent pas. La situation est donc étrange. Nous devons passer un accord de règlement des revendications territoriales pour qu'un conseil de gestion de la faune puisse intervenir. Vous pourriez peut-être m'aider à trouver les moyens d'étendre la compétence des conseils de gestion de la faune pour administrer une région de notre pays dont l'importance est fondamentale.

Mme Clio Smeeton: Vous avez raison. Il y a un précédent. Le règlement territorial de la vallée du Mackenzie a fait appel à des consultations avec tous les gens concernés, et c'est ce que nous recommandons. Il faudrait que ça s'applique dans le sud comme dans le nord.

M. Rick Laliberte: Je vous remercie.

Le président: Je vais poser une dernière question, parce qu'il y a un autre comité qui va s'installer. Il s'agit des projets d'intendance. On peut espérer que nombre d'organisations, de sociétés et de citoyens conscients vont s'impliquer dans ces projets d'intendance. Toutefois, il y en aura aussi quelques- uns—très peu, il faut l'espérer—qui ne voudront pas s'impliquer et refuseront de coopérer. À votre avis, est-ce que les dispositions de cette loi sont suffisantes pour lutter contre ces mauvais éléments de notre société?

M. Michael Bradstreet: Oui.

M. Brian Gray: Oui.

M. Jack Orchel: Ça me paraît suffisant.

Le président: Bien.

Mme Sabine Dietz: Je n'en suis pas si sûre.

Le président: Très bien.

Je vous remercie. Cette séance a été très profitable. Je remercie mes collègues de leurs questions et chacun d'entre vous des réponses que vous avez apportées. Je vous souhaite bonne chance pour l'avenir.

La séance est levée jusqu'à mardi.

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