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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 mai 2001

• 0907

[Français]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins.

[Traduction]

J'invite les témoins à prendre place à la table. Bienvenue à tous.

Comme vous le savez, nous sommes dans la dernière ligne droite pour ce qui est de l'audition des témoins au sujet du projet de loi C-5 concernant la protection des espèces sauvages en péril ou en voie de disparition, il y a plusieurs façons de le décrire.

Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas entendu les témoins de la semaine dernière, je vous signale que vous pouvez vous procurer les bleus, ils sont imprimés. Je vous invite à prendre connaissance des échanges qui ont lieu les mardi, mercredi et jeudi, en particulier ceux auxquels participaient la Fédération canadienne de l'agriculture, la Canadian Cattlemen's Association, et d'autres groupes, parce qu'ils ont porté sur un certain nombre de questions auxquelles vous souhaiterez peut-être réfléchir lorsque nous procéderons à l'étude du projet article par article.

• 0910

Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir un groupe d'ONG. Ils figurent à notre ordre du jour de la façon suivante: Coalition pour la protection des espèces menacées de la Colombie-Britannique, la David Suzuki Foundation, le Western Canada Wilderness Committee, le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick et le Fonds international pour la protection des animaux.

Je vous souhaite la bienvenue à tous et vous invite à nous présenter un exposé, bref si possible, de façon à ce que nous puissions ensuite avoir un bon échange de questions et de réponses, qui permet habituellement de faire ressortir des éléments qui ne figurent pas dans les documents ainsi que de l'information et des documents qui sont très utiles pour l'étape de l'étude du projet article par article.

Qui veut commencer?

M. Smith du Fonds international pour la protection des animaux. Bienvenue.

M. Richard J. Smith (directeur national, Fonds international pour la protection des animaux): Merci beaucoup.

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.

[Français]

Je vous remercie de me donner l'occasion de parler avec vous aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis le directeur national du Fonds international pour la protection des animaux et je devrais dire dès le départ que le contenu de l'exposé que je vais vous présenter aujourd'hui va sans doute être quelque peu différent de celui que vous a présenté l'autre R.J. Smith, il y a quelques semaines. C'est le sort de tous ceux qui ont des noms communs parce qu'on les confond souvent. Je vais donc préciser que je suis le R.J. Smith qui représente le Fonds international pour la protection des animaux dont les bureaux ne sont pas très loin d'ici, et non pas le Competitive Enterprise Institute de Washington, D.C.

Le Fonds international pour la protection des animaux a été créé à Fredericton il y a un peu plus de 30 ans. Nous avons maintenant des bureaux dans 14 pays qui s'occupent d'initiatives très diverses visant à protéger les animaux sauvages. La protection des animaux en péril dans le monde entier est au coeur de notre action.

Cela fait longtemps que je m'intéresse professionnellement à ces sujets et j'ai rédigé le rapport de situation du COSEPAC en 1996 qui a amené l'inscription sur la liste des espèces en danger des phoques d'eau douce, espèce particulière à la province du Québec. Je suis donc heureux de constater que les résultats obtenus grâce à de nombreuses années d'enquêtes scientifiques effectuées par les membres du COSEPAC vont peut-être se voir attribuer un statut juridique par ce projet de loi.

L'IFAW croit qu'une mesure législative nationale constitue un des éléments d'une stratégie globale visant à protéger et à rétablir les espèces en péril au Canada, stratégie qui prévoit également des occasions d'intendance, une indemnisation des propriétaires fonciers touchés et un esprit de collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

L'IFAW donne son accord de principe au projet de loi C-5 et en appui de nombreux aspects précis. Cependant, l'IFAW s'inquiète du fait que le projet de loi, dans son libellé actuel, sera manifestement incapable de réaliser la promesse qui a été faite d'accorder une protection efficace aux espèces en péril du Canada.

J'aimerais signaler les trois aspects de ce projet qu'il faudrait modifier pour qu'il puisse vraiment protéger les espèces en voie de disparition au Canada.

Pour ce qui est de l'inscription, nous recommandons de choisir la liste actuelle du COSEPAC comme liste des espèces en péril et d'en faire l'annexe un du projet de loi C-5.

Nous recommandons également d'intégrer automatiquement les nouveaux ajouts de la liste du COSEPAC à la loi, lorsqu'elle sera votée. À défaut de procéder de cette façon, le projet de loi C-5 devrait prévoir la reconnaissance juridique automatique de la liste des espèces établie par le COSEPAC, sauf lorsque le gouverneur en conseil en décide autrement dans les 30 jours de la publication de la liste du COSEPAC.

Il est difficile de trop insister sur l'importance des modifications que nous recommandons si l'on veut rendre crédibles les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour protéger ces espèces.

Si l'on n'adopte pas ces modifications, le projet de loi C-5, lorsqu'il sera promulgué, ne sera qu'une coquille vide qui ne s'appliquera à aucune espèce, ni à aucun habitat, et qui ne fournira à la population canadienne aucune certitude pour ce qui est de son application future, quel que puisse être le danger couru—défini de façon objective—par une espèce donnée.

L'IFAW estime également qu'il faut améliorer les dispositions du projet de loi visant à protéger les espèces et leurs habitats essentiels. Nos préoccupations concernant les dispositions du projet de loi relatif à la protection des habitats essentiels et des espèces portent sur deux choses: une conception étriquée du rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine et deuxièmement, la nature discrétionnaire de la protection accordée.

• 0915

Pour remédier à ces lacunes, il faudrait étendre à tout le Canada les interdictions prévues aux articles 32 et 33 du projet de loi C-5, sauf dans les provinces dont les lois accordent des protections équivalentes pour les espèces concernées. En outre, il conviendrait d'élargir la portée des mesures de protection des habitats essentiels pour inclure toutes les espèces en péril qui relèvent de la compétence fédérale, y compris les oiseaux protégés par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, les espèces aquatiques et les espèces vivant sur toutes les terres domaniales, y compris les territoires. La protection de ces habitats essentiels situés dans des secteurs relevant de la compétence élargie du gouvernement fédéral doit être rendue obligatoire par la modification de l'article 58 du projet de loi C-5.

Enfin, l'application des mesures de protection des habitats essentiels prévues par le projet de loi C-5 doit être déclarée obligatoire lorsque le ministre fédéral de l'Environnement estime qu'une province ou un territoire ne protège pas suffisamment l'habitat d'une espèce en voie de disparition.

Enfin, nous estimons que le projet de loi devrait contenir d'autres mesures visant à renforcer l'obligation de rendre compte. L'IFAW recommande que le projet de loi C-5 soit modifié pour y inclure une disposition concernant l'examen par des tiers dans les cas de non-application de la Loi par le gouvernement, en utilisant comme modèle la position négociée en 1999 par une ONG industrielle et environnementaliste.

Je suis convaincu que vous avez déjà entendu d'autres personnes exprimer ces mêmes préoccupations, et je suis sûr qu'elles seront également reprises par certains de mes collègues. Pour mieux souligner les changements qu'il convient d'apporter au projet de loi, j'ai pensé qu'il serait utile d'en faire la démonstration en parlant de certaines espèces en péril

Il est évident que certaines espèces en voie de disparition sont très difficiles à rétablir, et même après des années d'efforts, leur situation n'offre souvent guère d'espoir. La baleine noire de l'Atlantique Nord, par exemple, dont on dit souvent qu'elle est la baleine la plus menacée au monde, est une de ces espèces. Cette baleine n'a pas été chassée depuis les années 30 et pourtant sa population n'a pratiquement pas augmenté. Cela s'explique sans doute en partie, parce que cette baleine fait une migration particulièrement longue. Elle traverse des eaux où les activités de pêche sont intenses le long de la côte Est, elle passe dans des voies de navigation particulièrement achalandées dans les Amériques et, chaque année, des baleines meurent parce qu'elles heurtent des navires ou se prennent dans des engins de pêche. C'est un problème très complexe.

Par contre, il y a des espèces qu'il serait très facile de rétablir. Il y a un exemple dont j'aimerais parler aujourd'hui c'est la physe des fontaines de Banff, un petit animal assez mal connu mais qui, je crois, est très représentatif. Cette espèce a été inscrite sur la liste des espèces en voie de disparition par le COSEPAC en 2000. L'aire de distribution de cette espèce se limite à cinq petites sources thermales situées sur l'une des montagnes du Parc national de Banff et si l'on supprimait les menaces que constitue le fait de lancer des sous dans les chutes d'eau qui alimentent ces bassins et l'écrasement des physes par les humains et les chiens, on assurerait pratiquement l'avenir de l'espèce. Parcs Canada a fait quelques progrès pour ce qui est des mesures de conservation de cette espèce, mais il y a d'autres espèces qui vivent sur les terres domaniales et dont la situation est encore plus préoccupante. Le scinque pentaligne, une espèce menacée qui vit dans le Parc national de la Pointe Pelée, en est un exemple.

La population canadienne s'attend à ce que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de protéger les espèces en péril. D'après des sondages récents, que nous avons fournis au comité, plus de 90 p. 100 des Canadiens appuient une mesure législative qui protégerait les espèces en voie de disparition. Les grandes faiblesses que comporte le projet de loi C-5, tel qu'il est rédigé actuellement, interdisent non seulement au gouvernement fédéral de prétendre que ce projet de loi va fournir un cadre permettant de répondre aux besoins complexes de certaines espèces comme la baleine noire de l'Atlantique Nord mais encore la population canadienne ne sera pas certaine que des espèces dont les besoins dans ce domaine sont d'une simplicité déconcertante, comme la physe des sources de Banff et d'autres, vont bénéficier ne serait-ce que d'un minimum de protection.

Les raisons, toutes simples, sont les suivantes: des espèces dont il est démontré qu'elles sont en voie de disparition, comme cette physe, risquent de ne jamais figurer sur la liste des espèces en péril, parce que la liste actuelle du COSEPAC ne sera jamais reconnue automatiquement sur le plan juridique, si le projet de loi conserve sa formulation actuelle. Et même si la physe des sources de Banff est inscrite sur cette liste aux fins du projet de loi, et même si son aire de distribution se limite au parc national, le caractère discrétionnaire des dispositions du projet de loi en matière de protection des habitats, même dans les domaines relevant exclusivement de la compétence fédérale, veut dire que l'habitat très circonscrit de cette physe, qui représente en superficie, d'après ce qu'on m'a dit, celle d'une pièce à peu près comme celle-ci, risque de ne jamais être préservé.

• 0920

Dans le cas où une espèce vit dans un secteur relevant des provinces ou des territoires, comme la physe d'eau chaude, une autre espèce de la Colombie-Britannique, et où la province ou le territoire n'agit pas suffisamment rapidement pour protéger cette espèce en voie de disparition et son habitat, le projet de loi ne précise pas clairement à quel moment le gouvernement fédéral devrait invoquer les dispositions relatives au filet de sécurité et intervenir.

En conclusion, cela fait près de 100 ans que sir Wilfrid Laurier s'est levé à la Chambre des communes pour appuyer la création de la Commission de la conservation et déclaré que: «Ce n'est qu'au cours des dernières années que [...] les nations de notre continent ont commencé à se rendre compte de tout ce que nous avons perdu de notre richesse naturelle». Je suis convaincu que le comité sait qu'il y a deux semaines, le 3 mai 2001, le COSEPAC a terminé ses dernières délibérations et a porté à 380 le nombre des espèces en péril au Canada. Le projet de loi C-5 pourrait représenter une initiative historique importante et une contribution essentielle pour mettre un terme à ce que sir Wilfrid Laurier appelait la perte de notre richesse naturelle. Mais si l'on veut réussir à régler les insuffisances de ce projet de loi, il faudra lui apporter des changements importants.

En réalité, il faut introduire dans le projet de loi actuel un certain nombre de modifications précises si l'on veut pouvoir garantir à la population canadienne que les espèces en voie de disparition ayant les besoins les plus faciles à combler en matière de rétablissement seront préservées.

J'aimerais vous remercier de votre attention. J'espère vous voir à la réception que nous avons organisée ce soir dans la salle du Commonwealth entre 17 h 30 et 19 h 30. Il y aura six scientifiques qui ont consacré leur vie professionnelle à l'étude et à la protection de diverses espèces en voie de disparition très intéressantes. J'espère que vous pourrez les rencontrer et leur parler de leur expérience dans leurs domaines. Nous avons une surprise pour vous tous, dans le prolongement de l'initiative lancée l'année dernière, qui consistait à attribuer à chaque député la responsabilité de suivre une espèce en voie de disparition. Nous souhaitons donc beaucoup vous avoir tout à l'heure. Ce sera un événement très intéressant. Merci beaucoup encore une fois.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Qui veut prendre la parole maintenant?

Mme Kate Smallwood (coordinatrice de la campagne, Coalition pour la protection des espèces menacées de la Colombie-Britannique): Je vais témoigner maintenant, si cela vous convient, monsieur le président.

Le président: Très bien, allez-y.

Mme Kate Smallwood: Je m'appelle Kate Smallwood. Je représente la Coalition pour la protection des espèces menacées de la Colombie-Britannique. Cette coalition représente plus de 80 groupes religieux, communautaires et environnementaux de la Colombie-Britannique qui s'intéressent à la protection des espèces et des habitats et à la conservation de la diversité biologique en Colombie-Britannique.

Quatre des groupes qui sont ici ce matin sont venus exposer le contexte provincial dans lequel viendra s'insérer le projet de loi C-5, la Loi sur les espèces en péril. Le message pressant qui vous sera répété par les cinq intervenants qui prendront la parole aujourd'hui est qu'une loi sur les espèces en voie de disparition qui ne protège pas les habitats ne protège pas non plus les espèces en voie de disparition. C'est ce que fait le projet de loi C-5 dans sa forme actuelle. Il ne s'attaque pas à la cause essentielle de la disparition et du déclin des espèces au Canada, qui est la perte des habitats.

Notre deuxième message, et je vais particulièrement insister sur celui-ci, est qu'il appartient au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership à l'égard des provinces et des territoires avec ce projet de loi. Ce n'est pas ce qu'il a fait avec la formule actuelle du projet de loi. En particulier, le projet de loi C-5 ne traduit aucune volonté d'agir pour ce qui est du processus d'inscription des espèces. Il prévoit un processus politique et non scientifique, et il n'existe au départ aucune liste qui figure dans la loi. Cette mesure ne protège pas les espèces en voie de disparition et leur habitat, comme il serait possible de le faire dans les domaines de compétence fédérale et elle ne veille pas non plus à ce que les provinces assurent de leur côté la protection des espèces et de leur habitat.

J'ai déjà présenté au comité un mémoire détaillé sur cette question. Il concernait l'ancien projet de loi C-33, mais les sujets de préoccupation évoqués dans ce mémoire valent également pour le projet de loi C-5.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je vais aujourd'hui axer mon exposé sur l'idée que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans ce domaine, et je vais souligner deux aspects de cette idée. Premièrement, il y a la protection des habitats, et le second touche les deux filets de sécurité qui sont prévus dans le projet de loi. Des changements clés sur ces deux points auraient un effet radical sur la protection des espèces et des habitats dans les provinces.

Tout d'abord, pour ce qui est de la protection des espèces en Colombie-Britannique, je peux vous expliquer un peu pourquoi il faut procéder à ces changements. Comme vous le savez, j'en suis sûre, c'est en Colombie-Britannique que l'on retrouve la plus grande biodiversité du Canada, puisqu'on y trouve une faune et une flore plus abondantes que dans n'importe quelle autre province ou territoire. À titre d'exemple, on retrouve en Colombie-Britannique plus de 70 p. 100 de toutes les espèces d'oiseaux et de mammifères que l'on retrouve au Canada, 49 p. 100 des amphibiens, et 41 p. 100 des reptiles terrestres du Canada. Il existe en Colombie-Britannique plus de 3 000 espèces de plantes, ce qui constitue la flore la plus riche au Canada. La protection que ce projet de loi accorde ou n'accorde pas à cette biodiversité revêt une importance capitale pour les habitants de la Colombie-Britannique et aussi, je le pense, pour les Canadiens.

• 0925

Ce remarquable patrimoine naturel de la Colombie-Britannique est en danger. D'après le ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique, plus de 1 000 espèces sont en danger dans notre province. Nous possédons également les deux écosystèmes canadiens les plus menacés, l'écosystème de la purshie tridentée dans la région sud de l'Okanagan et l'écosystème des chênes de Garry dans le sud-est de l'île de Vancouver. Pour prendre une image qui est peut-être plus frappante et qui illustrera l'importance de la biodiversité de la Colombie-Britannique pour le Canada, je dirais qu'un peu moins du tiers de toutes les espèces qui figurent sur la liste du COSEPAC vivent dans notre province.

Que fait donc le gouvernement de la Colombie-Britannique pour protéger cette biodiversité? La réponse est que, malheureusement, nous avons peut-être la biodiversité la plus grande au Canada, mais le gouvernement de la province est celui qui a fait le moins pour la protéger. Il n'existe aucune loi générale protégeant les espèces en voie de disparition dans notre province. Le gouvernement s'en remet à un ensemble disparate et hétérogène d'initiatives législatives et administratives pour protéger les espèces en péril. Comme je vais le montrer maintenant, trois rapports clés du gouvernement ont démontré que ces mesures ne suffisent pas pour protéger la remarquable biodiversité que nous avons dans notre province. Le gouvernement de la Colombie-Britannique reconnaît ainsi lui-même qu'il n'arrive pas à assurer la protection des espèces.

Le premier document qui appuie cette affirmation, et je pourrais en fournir des exemplaires au comité, parce qu'il n'a pas été joint à mon mémoire, ce que je regrette, était une note de service interne du ministère de l'Environnement rédigée en 1997. Cette note de service faisait suite à la très mauvaise note qui avait été attribuée à la province par une évaluation environnementale nationale. La conclusion de cette évaluation était que la Colombie-Britannique manquait à ses responsabilités en matière de protection des espèces. Cette note a été suivie l'année dernière par un rapport sur l'état de l'environnement en Colombie-Britannique pour l'année 2000. Dans la section qui reprenait les points saillants de ce rapport, et dans laquelle on examinait tous les indicateurs environnementaux, les auteurs en arrivaient à la conclusion que la performance la plus mauvaise était dans le domaine de la protection de la diversité naturelle. Le nombre des espèces en péril avait augmenté et les aires de distribution de ces espèces avaient diminué.

Ce rapport soulignait aussi qu'il existait effectivement en Colombie-Britannique des dispositions destinées à protéger les espèces en péril mais que celles-ci n'étaient pas appliquées. On retrouve les mêmes commentaires et, ce point est traité en détail dans le mémoire, dans le rapport annuel de la Forest Practices Board de 1999, dont le président sortant déclarait que les ressources et les valeurs environnementales importantes que représentaient la forêt, la faune, les paysages et les valeurs récréatives n'étaient pas suffisamment protégées en Colombie-Britannique. La raison en était, poursuivait-il, qu'il existait certes des mécanismes mais qu'ils n'étaient pas utilisés.

Nous nous retrouvons donc dans la situation où la province dans laquelle on retrouve la biodiversité la plus grande au Canada est incapable d'en assurer la protection. Si cela n'est pas une bonne raison pour que le comité recommande au gouvernement fédéral de prendre des mesures vigoureuses dans ce domaine et adopte un projet de loi visant à protéger les espèces en voie de disparition, je ne sais pas ce qui pourrait l'être. En particulier, j'espère que vous voyez là un argument déterminant pour justifier l'imposition d'un caractère impératif aux filets de sécurité prévus par le projet de loi.

Que va donc pouvoir faire ce projet de loi sous sa forme actuelle pour protéger les espèces en péril et leurs habitats en Colombie-Britannique? Il est regrettable que la réponse soit, très peu. Pourquoi? Parce que, pour toutes les espèces qui figurent dans cette liste, à l'exception des espèces aquatiques et des oiseaux migrateurs visés par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, les principales interdictions de cette loi s'appliqueront uniquement aux terres domaniales qui représente un pour cent de la superficie de notre province. Par exemple, à moins qu'une marmotte de l'île de Vancouver ne décide de se rendre dans un bureau de poste, sur une base militaire, dans un aéroport, ou dans une réserve indienne pour y construire son nid, ni la marmotte ni son nid ne seront protégés.

Comment pourrait-on donc modifier ce projet de loi pour assurer la protection des espèces en péril et de leurs habitats en Colombie-Britannique? La coalition a toujours adopté comme position, depuis la présentation du premier projet de loi sur les espèces en voie de disparition, que les habitats essentiels doivent obligatoirement être protégés pour toutes les espèces en péril où qu'ils se trouvent au Canada. La raison d'être de cette position est évidente: lorsqu'on protège l'habitat, à savoir la principale cause de la disparition et du déclin des espèces au Canada, on protège nécessairement les espèces en voie de disparition. Si toutefois, le comité n'était pas disposé à accepter ce point de vue, on pourrait tout de même améliorer sensiblement le projet de loi à l'égard de la protection des espèces et de leurs habitats, tant au niveau fédéral que provincial.

• 0930

J'aimerais parler brièvement de deux amendements clés. Le premier consisterait à accorder une protection fédérale complète à toutes les espèces et à toutes les terres domaniales. La raison est évidente: le gouvernement fédéral ne peut s'attendre à ce que les provinces fassent bien leur travail s'il n'est pas lui-même capable de mettre de l'ordre chez lui. Il faudrait pour le faire, apporter deux modifications au projet de loi. Premièrement, pour ce qui est des espèces fédérales, nous aimerions que le projet de loi soit modifié pour viser expressément les espèces transfrontalières, ce qui garantirait que toutes les espèces fédérales, et non pas seulement certaines d'entre elles, sont protégées. Deuxièmement, nous aimerions qu'il soit obligatoire de protéger les habitats essentiels sur toutes les terres, où qu'elles soient situées au Canada, pour les espèces figurant sur la liste fédérale, à savoir, les espèces aquatiques, les oiseaux migrateurs visés par la loi du même nom, et les espèces transfrontalières, et sur toutes les terres domaniales pour toutes les autres espèces figurant sur la liste.

Je ne vois pas comment le gouvernement fédéral peut espérer que les provinces protègent ces espèces s'il ne met pas lui-même de l'ordre chez lui et donne l'exemple.

Le président: Puis-je vous demander de conclure?

Mme Kate Smallwood: Oui.

Le dernier point, monsieur le président, porte sur le caractère obligatoire des filets de sécurité fédéraux.

L'idée d'un filet de sécurité fédéral est bonne. Le projet de loi prévoit deux filets de sécurité qui concernent les interdiction de base et les habitats essentiels. Malheureusement, et cela est notre principale préoccupation, ces deux filets de sécurité sont de nature discrétionnaire et ne prévoient aucun mécanisme susceptible d'inciter les provinces, comme la Colombie-Britannique, à discuter de ces questions.

Nous aimerions que le mécanisme du filet de sécurité prévu par le projet de loi soit modifié de la façon suivante.

Tout d'abord, comme je viens de le dire, nous voulons que ces filets de sécurité soient obligatoires. Cela aura pour effet d'obliger les provinces comme la Colombie-Britannique à emboîter le pas.

Deuxièmement, pour déterminer si une loi provinciale contient une disposition équivalente, le ministre devrait examiner non seulement les interdictions figurant dans la loi, il existe, à l'heure actuelle, des interdictions dans les lois de la Colombie-Britannique, mais également la façon dont cette loi est appliquée concrètement.

Troisièmement, et dernièrement, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, il faudrait renforcer l'obligation de rendre compte. La loi devrait permettre à des groupes, des groupes sans but lucratif et des citoyens, de demander au ministre de se prononcer sur l'efficacité et l'effet des lois provinciales correspondantes.

En conclusion, si l'on procède à ces changements, à savoir mettre de l'ordre au niveau fédéral, les espèces fédérales, les terres domaniales et les améliorations que je viens d'exposer touchant les filets de sécurité, on renforcera sensiblement la protection dont bénéficient, concrètement, les espèces dans les provinces.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Smallwood.

Qui veut être le suivant? Monsieur Coon.

M. David Coon (directeur des politiques, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle David Coon et je suis le directeur des politiques du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick.

Je vous ai apporté aujourd'hui, du Nouveau-Brunswick, quelques avertissements qui pourraient vous être utiles au cours de vos délibérations. Bien sûr, au Nouveau-Brunswick, nous ne disons pas que nous sommes les plus nombreux ou que notre province est la plus grande. Ce sont là des choses que peuvent dire les provinces plus remarquables. Mais au Nouveau-Brunswick, nous disons que nous sommes les plus anciens. Bien sûr, c'est dans cette province que les Européens se sont établis pour la première fois au Canada en 1604. Heureusement, Champlain et Dumont ont traversé la baie de Fundy l'année suivante pour se rendre en Nouvelle-Écosse et s'y établir pour donner l'impression que le Nouveau-Brunswick est une province où l'on n'a fait que passer, ce qui n'est sûrement pas le cas.

Cela fait maintenant plus de 25 ans que le Nouveau-Brunswick a adopté une loi sur les espèces en voie de disparition, et je voudrais vous raconter quelques histoires fondées sur cette expérience qui pourraient, je crois, être utiles pour vos délibérations sur le projet de loi C-5. La première touche le mécanisme d'établissement des listes et le deuxième la protection de l'habitat.

Dans un sens, le projet de loi fédéral reprend pour l'essentiel les principes qui sous-tendent la loi provinciale qui fait appel à un mécanisme d'établissement des listes. Comme le projet de loi le suggère, ici, au Nouveau-Brunswick, les décisions relatives à la protection juridique accordée provincialement à une espèce sont prises par le gouvernement qui s'appuie sur les recommandations présentées par un comité de scientifiques.

• 0935

En 1996, je crois que c'était en fait à la fin des années 80, il y a eu une première tentative visant à modifier la loi et à revoir les espèces dont le nom figurait sur la liste des espèces réglementées, et on a créé un comité composé de scientifiques indépendants et de scientifiques fonctionnaires pour examiner, dans un certain sens, la situation des diverses espèces de la province.

Permettez-moi de vous dire que je me sens un peu gêné de parler... Ces lois sur les espèces en voie de disparition sont un peu bizarres parce qu'elles isolent les espèces de leur contexte, de l'écosystème dont elles font partie, et cela semble parfois un peu étrange d'entendre parler d'une espèce ou d'une autre. On en parle comme s'il s'agissait de produits posés sur les étagères d'un grand magasin et non pas comme des éléments qui font partie intégrante d'un écosystème. Lorsque je parle de ces espèces, je les considère donc dans le contexte de leurs écosystèmes.

Quoi qu'il en soit, à la fin des années 80, le comité a commencé ses travaux et a finalement recommandé que l'on ajoute 51 espèces de plantes à la liste des espèces protégées par la loi. Il n'existait à l'époque qu'une seule espèce végétale protégée, la pédiculaire de Furbish. Sur ces espèces végétales supplémentaires, sept environ ont été incluses par le gouvernement dans la liste des espèces protégées par la loi. Les 44 autres espèces n'ont reçu aucune protection juridique.

Les membres du comité ont été stupéfiés par cette décision et finalement, deux d'entre eux ont démissionné, le conservateur de botanique du Musée du Nouveau-Brunswick, Stephen Clayden, et un scientifique du Service canadien de la faune, Peter Hicklin. Depuis lors, le comité est demeuré inactif.

M. Clayden a fait la déclaration suivante, qui a été citée dans le Telegraph Journal du Nouveau-Brunswick en 1998:

    Ils ont pensé que le souci de protéger un grand nombre d'espèces, en particulier, des espèces botaniques, aurait pour effet de bloquer toutes les initiatives de développement axées sur les ressources dans la province.

J'ai présenté un mémoire aujourd'hui, qui était seulement en anglais, et qui n'a donc pas été distribué, mais j'y ai joint des copies de cet article, à titre d'information.

On nous a fait savoir que l'on avait exercé des pressions très subtiles sur les membres du comité pour qu'ils prennent des décisions qui soient acceptables sur le plan politique pour ce qui est des espèces qu'ils souhaitaient voir protégées par le gouvernement. Il me semble que, si le projet de loi fédéral conserve sa forme actuelle, la même situation va se reproduire. Est-ce qu'on va également exercer des pressions subtiles sur les membres du COSEPAC pour qu'ils préfèrent une espèce plutôt qu'une autre, ou une espèce qui serait acceptable sur le plan politique? Allons-nous voir des membres du COSEPAC démissionner avec fracas parce qu'on a refusé une protection juridique aux espèces qui méritent, d'après eux, d'être protégées.

Nous craignons vraiment que, si l'on conserve ce mécanisme d'établissement d'une liste fondée sur les recommandations du COSEPAC, le processus ne devienne extrêmement politisé et donne lieu à un festival de lobbying, dans lequel on verra les représentants des différents intérêts économiques intervenir dans le débat et essayer d'éviter qu'une espèce donnée soit inscrite sur la liste, dès qu'ils penseront que le fait de protéger cette espèce pourrait menacer leurs intérêts. De la même façon, nous allons voir des organismes de défense de l'environnement, en particulier ceux qui ont les moyens financiers de le faire, essayer de faire accorder une protection juridique à leurs espèces favorites.

Nous pensons que l'on pourrait éviter une telle situation, si l'on réussissait à séparer clairement cette première étape de la seconde, qui est celle du rétablissement. Quelles mesures va-t-on prendre à l'égard d'une espèce qui s'est vu accorder une protection juridique de base et qui est visée par les interdiction que prévoit le projet de loi.

La grande question est de savoir où introduire la souplesse que les gens réclament tant. Il est clair que cette souplesse existe dans le projet de loi à l'étape de l'élaboration d'un programme de rétablissement qui exige la coopération des divers acteurs et des personnes que le ministre estime devoir participer à cette décision; il y a les dispositions relatives à la consultation en matière de programmes de rétablissement, des dispositions prévoyant la collaboration pour l'élaboration des plans d'action développés en fonction des programmes de rétablissement, la consultation qui doit avoir lieu pour l'élaboration des stratégies de consultation, la publication des programmes de rétablissement et la période accordée au public pour présenter ces commentaires; enfin, le pouvoir discrétionnaire du ministre de prendre des règlements pour mettre en oeuvre ces composantes des programmes de rétablissement et des plans d'action.

• 0940

En considérant les choses de cette façon, nous pensons que c'est à l'étape du rétablissement qu'il serait tout à fait légitime de débattre de la nature des mesures à prendre pour protéger efficacement les espèces en question et aider à leur rétablissement mais sans perdre de vue la réalité. Nous avons le sentiment que pour beaucoup de gens, ce projet de loi devrait s'inspirer davantage de la méthode américaine, la loi américaine, qui est très stricte, et selon laquelle, une fois déclenchée l'application de la loi, il est très difficile de modifier les choses et de tenir compte des réalités concrètes.

Nous pensons qu'il faudrait concevoir ces deux étapes, même si elles sont distinctes dans le projet de loi, de cette façon, pour éviter toute politisation du processus en prévoyant l'inscription automatique des espèces figurant sur la liste préparée par le COSEPAC.

Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. Je vais vous présenter une brève recommandation ou un exemple de cette situation et, ensuite, passer à la question de l'habitat, que je vais traiter très brièvement.

Le COSEPAC a récemment inscrit sur sa liste, le saumon de l'intérieur de la baie de Fundy qui est en voie de disparition aujourd'hui. Il se trouve que ces saumons passent l'automne dans mon petit coin de forêt, au sud-ouest du Nouveau-Brunswick, devant Deer Island et l'île de Campobello. Et si vous pensez prendre des vacances cet été, ce sont là des endroits magnifiques à visiter. C'est également un endroit où l'on fait de l'aquaculture intensive. Le gros de l'aquaculture du saumon est situé dans ce secteur.

Environ la moitié des hypothèses que l'on avance pour expliquer la situation du saumon concerne les rapports entre ces populations et l'aquaculture en eau salée. Comme vous pouvez l'imaginer, cette industrie serait très motivée, si le projet de loi n'est pas modifié, à éviter que le saumon de l'intérieur de la baie de Fundy soit protégé par cette loi plutôt qu'à essayer de chercher une solution.

Pour terminer, je vais dire un mot au sujet de la question de l'habitat. Je vais parler uniquement de l'habitat aquatique et marin, qui relève de la compétence fédérale, et de la façon dont ce projet de loi laisse jouer à la Loi sur les pêches un rôle prépondérant.

Je pourrais donner plusieurs exemples de cas où la Loi sur les pêches ne protège pas efficacement l'habitat du poisson qui est exploité commercialement et pour les loisirs. Le meilleur exemple que je puisse vous donner au Nouveau-Brunswick se trouve sur la rivière Petitcodiak dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Nous croyons que dans ce cas... et je n'ai pas le temps de vous décrire la situation de l'alasmidonte naine, ni de vous parler du saumon, de l'éperlan et des autres poissons qui sont ses hôtes, mais elle a disparu de la rivière et a été déclarée éteinte au Canada. Ses hôtes ont été éliminés parce que le ministre des Pêches n'a pas ordonné aux propriétaires d'une jetée d'aménager un passage pour les poissons.

Nous pensons que la Loi sur les espèces en voie de disparition devrait supprimer le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre des Pêches, dans ce cas-ci, à l'égard de la protection de l'habitat, et prévoir l'application des dispositions de la Loi sur les pêches en matière de protection de l'habitat pour qu'une telle situation ne se reproduise pas.

Vous pourrez lire les détails plus tard. Cet exemple est celui de l'alasmidonte naine, un petit mollusque tout à fait remarquable. Sous sa forme actuelle, le projet de loi n'aurait pas empêché la disparition de cette espèce, à cause de la priorité accordée à la Loi sur les pêches, notamment à ses dispositions en matière de protection de l'habitat. Nous soutenons que ce projet de loi doit être modifié de façon à ce qu'il prévoit l'application concrète des dispositions de la Loi sur les pêches concernant l'habitat.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Coon.

Monsieur Foy, bienvenue à Ottawa.

M. Joe Foy (coordonnateur de campagne nationale, Western Canada Wilderness Committee): Merci. C'est un grand honneur pour moi d'être ici.

Je trouve un peu bizarre d'être ici. Il me vient toujours à l'esprit des images des habitats de la forêt, de la forêt ancienne de la Colombie-Britannique où je travaille souvent. Je pense maintenant au Parlement et au siège du gouvernement... Je suis content d'être ici aujourd'hui.

Je représente le Western Canada Wilderness Committee. Nous sommes un organisme environnemental financé par les citoyens issus du milieu et qui s'occupent de la préservation de la nature. Nous avons 27 000 membres au Canada et 30 000 autres donateurs. Le comité a été fondé en 1980.

• 0945

Nous nous occupons principalement des questions reliées aux zones protégées et à la préservation de la nature. Nous avons récemment publié une petite carte au sujet des espèces en voie de disparition pour demander que l'on renforce le projet de loi sur les espèces en voie de disparition, le projet de loi C-5. Nous avons envoyé cette carte à tous nos membres et je dois vous dire que, depuis quelques jours, nos téléphones ne dérougissent pas. Il est très rare que nous prenions une initiative aussi populaire.

Nos membres sont très, très inquiets au sujet des espèces, au sujet de la faune, de la qualité de la vie et de la beauté du Canada.

J'ai lu et entendu la plupart des témoignages qui ont été présentés au comité et j'ai beaucoup réfléchi à ce que l'on pouvait ajouter à cette discussion, mais nous allons essayer de le faire. Nous allons parler d'une ou deux espèces de la Colombie-Britannique et de ce que nous savons à leur sujet, du temps que nous passons dans la forêt, assis sur un arbre abattu ou sur une souche, pour essayer de comprendre ce qui se passe.

Il y a beaucoup d'espèces en péril en Colombie-Britannique. Elles ne sont pas toutes dans le domaine de la forêt, mais celles dont je vais vous parler aujourd'hui appartiennent aux espèces forestières. On vous a déjà dit que la Colombie-Britannique n'avait pas adopté de loi sur les espèces en voie de disparition, mais que nous avions un ensemble disparate de dispositions réglementaires qui touchaient les espèces en danger. Le code des pratiques forestières est un de ces éléments. La stratégie de gestion des espèces réglementées est le principal mécanisme prévu par notre code pour protéger les espèces forestières en péril.

Il faut que je vous dise que le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté comme politique que les mesures prises conformément au code pour protéger les espèces forestières qui sont en péril dans toute la province ne peuvent pas réduire le volume des coupes de plus de un pour cent. Voilà qui est vraiment frustrant. C'est comme si l'on essayait de prendre des mesures pour protéger les espèces forestières en péril, tout en étant emprisonné dans une camisole de force. Et lorsque l'on a un attachement passionné pour la faune, comme c'est le cas de la majorité des habitants de la Colombie-Britannique et du Canada, il est extrêmement frustrant de savoir que l'on ne peut rien faire, que le gouvernement a lié les mains des biologistes avant qu'ils puissent vraiment se mettre au travail.

Notre province compte quelques espèces en péril célèbres comme, le guillemot marbré de l'île de Vancouver, et il y a bien sûr, une des espèces les plus connues en Amérique du Nord, la chouette tachetée. Il se trouve qu'elle vit près de chez moi à New Westminster dans les derniers restes de forêt ancienne, de sorte que je connais bien ce qui arrive à son habitat, puisque j'observe cet oiseau depuis mon enfance. Les efforts déployés par le gouvernement provincial pour protéger cette espèce sont au mieux lamentables et au pire, malhonnêtes. C'est de cela dont je voudrais vous parler aujourd'hui.

J'ai fait un peu de rénovation chez moi et dernièrement, j'ai dû réfléchir beaucoup à la question de la fondation. Lorsqu'une construction ne repose pas sur une bonne fondation, il est difficile de faire du bon travail. Je dois vous demander si le projet de loi C-5 est construit sur une fondation honnête.

Le projet de loi C-5 reflète-t-il la croyance sincère qu'il est mal, moralement mal, de faire disparaître volontairement une espèce? Considère-t-il qu'il est du devoir sacré de notre génération de faire tout en son pouvoir pour contrer la tendance actuelle de la disparition des espèces pour des causes anthropiques? Le projet de loi a-t-il été déposé pour répondre au désir de la majorité écrasante des Canadiens qui font leur travail en espérant que le gouvernement du Canada va faire ce qu'ils veulent qu'il fasse... Ils veulent une mesure législative efficace qui protège les espèces en voie de disparition et leurs habitats, parce qu'ils savent que c'est l'habitat qu'il faut protéger.

• 0950

Le projet de loi a-t-il un fondement malhonnête? Ce projet de loi vise-t-il seulement à calmer les craintes du public canadien, tout en évidant de contrarier l'industrie? Ce projet de loi est-il une opération de relations publiques? Il me semble que, dans un pays qui exporte beaucoup de bois, on pourrait y voir le souci d'empêcher les boycotts et les campagnes internationales en calmant les consommateurs étrangers qui réagissent au fait que le Canada continue à détruire les habitats des espèces en péril.

Je regrette d'avoir à vous dire aujourd'hui que le projet de loi C-5, sous sa forme actuelle, ne fera pas grand-chose pour protéger la chouette tachetée qui vit près de chez moi, parce que ce projet n'impose pas la protection des habitats essentiels, il ne prévoit pas l'établissement d'une liste des espèces en péril sur une base scientifique et a une portée beaucoup trop étroite. En fait, je dirais que si le projet de loi C-5 est adopté sous sa forme actuelle, il va accélérer le déclin de la chouette tachetée, parce qu'il va favoriser l'exploitation de son habitat, les forêts sauvages dont cet animal dépend, en calmant de façon malhonnête les inquiétudes des acheteurs étrangers des produits forestiers canadiens.

À notre avis, le projet de loi C-5 concerne davantage la perception que la réalité de la protection des espèces. Je vous ai dit que c'était pour moi un grand honneur d'être ici et, je trouve triste de dire ce mot, mais il est encore plus triste et plus frustrant de voir évoluer le processus qui entraîne la disparition de ces espèces, comme je l'ai vu près de chez moi.

Je vous ai dit que les biologistes canadiens qui déploient tant d'efforts pour protéger ces espèces, se trouvent dans une camisole de force, leurs mains sont liées. Je vais vous lire un passage d'un plan de conservation de la chouette tachetée: «L'effectif de la chouette tachetée va diminuer à court terme (d'ici 20 à 30 ans)...». La population a 60 p. 100 de chance de se stabiliser ou même de s'accroître. Il est important de savoir que l'équipe de rétablissement de la chouette tachetée, les biologistes qui font ce travail ne sont pas prêts à appuyer un plan de gestion qui n'accorderait pas au moins 70 p. 100 de chance au rétablissement de la population. Le plan de gestion de la chouette tachetée est donc un compromis entre l'économie et la conservation, et pourrait fort bien ne pas sauver cette espèce.

Il est important que vous sachiez que les biologistes qui ont préparé cela ont remis au gouvernement de la Colombie-Britannique un plan qui serait efficace, un plan applicable, et que ce gouvernement a choisi une solution qui ne sera guère efficace—une maigre chance de 60 p. 100 de survie. Ces biologistes, les gens de ma région, veulent que l'on adopte une mesure législative protégeant les espèces en voie de disparition, qui donne aux scientifiques, et non aux politiques, le dernier mot lorsqu'il s'agit de décider d'ajouter une espèce à la liste, de rendre obligatoire la protection de leur habitat et de donner aux citoyens le droit de défendre la faune devant les tribunaux.

Nous comptons sur vous pour élargir la portée du projet de loi C-5 et d'en faire une loi pancanadienne efficace pour les espèces en péril. Et pendant que tout ceci est en cours, nous comptons sur vous pour mettre en place une protection provisoire des habitats essentiels car nous risquons autrement de perdre des espèces si nous n'agissons pas suffisamment rapidement. Si vous ne pouvez recommander que l'on renforce le projet de loi C-5 pour qu'il ait l'effet souhaité par tous les Canadiens, alors vous pouvez vous en débarrasser, parce que sous sa forme actuelle, ce projet serait pire que de n'avoir aucune loi dans ce domaine.

Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole ici aujourd'hui.

Le président: Merci, M. Foy.

Nous allons maintenant entendre le distingué ancien député de Skeena. M. Fulton, nous sommes très heureux de vous revoir.

M. Jim Fulton (directeur exécutif, David Suzuki Foundation): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici.

Pour poursuivre dans le sens de l'intervention de M. Foy, si vous avez pris le temps de lire les instructions au Cabinet concernant la rédaction du projet de loi C-33 et la nouvelle présentation du projet de loi C-5, vous aurez probablement constaté que ce sont les éminents conseillers juridiques du Parlement qui ont rédigé ce projet de loi avec comme directive de préparer un projet impossible à appliquer.

Je n'ai jamais vu un projet de loi aussi impossible à appliquer. Ce projet de loi pourrait fort bien amener trois ministres fédéraux différents à participer à une décision, et donc à consulter ensuite leurs homologues provinciaux et territoriaux, ce qui entraînerait la participation de 36 ministres provinciaux et territoriaux. Il y aurait donc trois ministres fédéraux et 36 ministres provinciaux et territoriaux, plus le Cabinet fédéral au complet, ce qui veut dire qu'il pourrait y avoir près de 60 personnes qui participeraient, au niveau ministériel, à la prise d'une décision concernant la protection d'un habitat.

• 0955

Il faudrait croire que le Bureau du premier ministre ou le Cabinet a vendu son âme au diable lorsqu'il a préparé ce projet de loi mais, il est évident, qu'il a été décidé que l'on ne ferait rien pour protéger les espèces en voie de disparition. Ce projet de loi est impossible à appliquer. Je ne pense pas non plus qu'il soit possible de le modifier.

C'est pourquoi, la David Suzuki Foundation estime que votre comité devrait rejeter les 142 articles de ce projet. Nous pensons que votre comité devrait en fait exercer le genre de pouvoir qu'il devrait posséder, comme c'est le cas dans le système américain et dans d'autres parties du monde, où les comités peuvent demander à la population de leur donner un mandat. Vous devriez utiliser le pouvoir que le Parlement attribue en fait aux comités comme le vôtre, pour aller parler aux Canadiens et les consulter pour qu'ils vous confient un mandat sur cette question.

Plus de 90 p. 100 des Canadiens veulent une loi qui protège vraiment les espèces en voie de disparition. Ils veulent que ces espèces fassent l'objet d'une protection efficace. Ce n'est pas le cas ici. Je suis d'accord avec M. Foy lorsqu'il dit que, si ce projet de loi est adopté pratiquement tel quel, il va en fait accélérer la disparition d'un plus grand nombre d'espèces que si nous ne l'avions pas adopté. Il faut que les Canadiens sachent cela.

En fait, ce projet de loi n'est même pas conforme au critère fondamental de l'alinéa 8k) de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Il suffit également d'examiner la fameuse étude de Paul Martin réalisée sur le sujet en 1992, pour constater que ce projet ne répond même pas aux critères de base du ministre des Finances. Je crois qu'il faudrait s'en faire un allié au Cabinet, parce qu'il n'a pas parlé encore à ce sujet.

Dans son budget de 2000, le gouvernement du Canada consacre moins d'un dollar par Canadien et par année, sur trois ans, à la stratégie nationale. Monsieur le président, un dollar n'est pas un engagement sérieux lorsqu'il s'agit de trouver des solutions pour rétablir les habitats.

À l'échelle nationale, nous ne consacrons pratiquement aucun fonds à la taxonomie et à la systématique. La moitié des insectes de la collection nationale n'ont pas encore été identifiés. Au Canada, on consacre très peu d'efforts pour mieux connaître les cycles de la vie des 70 000 espèces connues, et encore moins au recensement des milliers d'espèces, sous-espèces et populations inconnues et encore innommées.

Notre inventaire des espèces est très incomplet, il représente peut-être moins de 15 p. 100 de toutes les espèces. Notre connaissance des liens d'interdépendance qui existent entre les espèces est pratiquement nulle. Nous connaissons en détail le cycle de vie de moins de 0,1 p. 100 de toutes les espèces.

Le programme de recherche sur la voûte de verdure du Western Canada Wilderness Committee, à Carmanah, est le premier à avoir été réalisé dans une forêt pluviale tempérée. M. Neville Winchester a découvert des dizaines (et peut-être même des centaines) de nouvelles espèces.

Depuis que le Canada s'est engagé à se doter d'une loi sur les espèces en voie de disparition, en 1992, 149 espèces ont été ajoutées à la liste du COSEPAC. Au début du mois, le Service canadien de la faune a publié son rapport annuel sur les espèces sauvages pour l'an 2000. L'organisme fédéral a conclu que la survie de seulement 65 p. 100 des espèces d'animaux sauvages canadiennes peut être qualifiée d'assurée.

Edward O. Wilson, de l'université Harvard, est un éminent scientifique dans le domaine de la biodiversité qui est rattaché à la Fondation David Suzuki. Il y a près de dix ans, il a estimé que le nombre total des espèces vivantes oscillait entre 10 et 100 millions. À ce sujet, il a toujours insisté sur l'importance de l'abondance relative des espèces. Le terme que M. Wilson utilise pour en parler est celui d'«équitabilité».

Selon lui, les espèces rares sont appauvries sur le plan génétique. Si je devais vous dire une seule chose, aujourd'hui, je vous demanderais de réfléchir à ceci: les espèces rares sont appauvries sur le plan génétique. Il ne faut pas attendre qu'une espèce devienne rare pour faire quelque chose.

La vie sur la terre ne se résume pas qu'à des espèces et à des gènes; les rôles et les rapports sont tout aussi importants. Nous, en tant qu'espèce, sommes profondément imbriqués dans ce réseau de rôles et de rapports, sauf que, à l'image d'un cancer vicieux, nous ne faisons que déchirer et couper ces liens.

Le projet de loi C-5 ne traduit pas une compréhension de ces notions élémentaires. Loin de traduire une vision écosystémique, il reflète plutôt une mentalité de directeur de zoo. On peut sauver un reste d'espèces si cela ne coûte pas trop cher. Or, les survivants d'une espèce, retirés de leur habitat, ne sont que des objets bons pour le musée. Un organisme sans son habitat n'est pas entier. Un chimpanzé dans un zoo n'est plus un chimpanzé.

Lorsque David Suzuki a traversé le Canada pour parler de ce sujet l'année dernière, il a attiré des foules partout où il allait. Des milliers de gens ont continué à écrire à la fondation sur cette question. Je dois dire que presque toutes ces personnes ont été étonnées par les hésitations du Parlement. Ceux qui voient dans la perte d'une forme de vie le résultat de l'activité humaine et le prix du progrès se trompent.

Les politiciens qui refusent d'agir et de donner suite aux preuves scientifiques montrant que la diversité de la vie nous garantit de l'air, de l'eau, des sols et de l'énergie propres trahissent la confiance des Canadiens et des générations futures.

• 1000

Je vous invite à ouvrir le dictionnaire Petit Robert à la lettre H et d'adopter au moins la première définition d'«habitat» qu'on y trouve: «milieu géographique propre à la vie d'une espèce animale ou végétale». Même la définition du dictionnaire est supérieure à celle que l'on retrouve dans le projet de loi.

Je vous invite également à prendre note de la définition de «espèces en voie de disparition» que donne le Canadian Oxford Dictionary: «espèce en voie de disparition, en particulier lorsqu'un gouvernement l'a officiellement désignée à ce titre». Je pense que cela dit tout. Si vous utilisez ce projet de loi pour désigner une espèce, elle va disparaître. Voilà ce que vaut ce projet de loi. C'est une loi de cimetière. Ce projet de loi prévoit des mécanismes si lents, si tortueux, si ineptes, qu'il ne peut avoir que des répercussions catastrophiques.

Que devriez-vous donc faire, d'après nous? Nous recommandons au Comité permanent de l'environnement et du développement durable d'aller consulter le public, d'écouter les Canadiens, de parler des ours blancs, qui ont perdu près de 20 p. 100 de leur poids en huit ans. Demandez-vous comment cela se fait et où cela nous mène? Et les lis, les macareux, les caribous des bois, les papillons monarques et la grande salamandre? Et n'oubliez pas d'écouter les enfants, ils savent vraiment de quoi il s'agit.

Ce projet de loi devrait montrer la voie en prescrivant l'établissement d'un inventaire de l'état de santé des espèces dans les écorégions marines et terrestres du Canada. Il faudrait que cet inventaire comporte une vérification experte du mouvement des espèces exotiques et envahissantes et de la pollution. Compte tenu du réchauffement accéléré de la planète et de la pollution, les décideurs ont absolument besoin d'un tel inventaire pour élaborer des politiques intelligentes et éclairées touchant les industries primaires comme l'exploitation forestière, la pêche et l'agriculture et la santé des personnes, la qualité de l'eau et une foule d'activités. Au Canada, 20 p. 100 des plantes sont allogènes et pourtant nous continuons d'importer des espèces étrangères, comme le saumon de l'Atlantique que nous envoyons dans le Pacifique, sans penser aux conséquences écologiques.

Le pouvoir de faire l'inventaire, la vérification et le rapport devrait être confié à un organisme indépendant comme le Bureau du vérificateur général. Et vous, monsieur le président, savez encore mieux que les autres l'ampleur des répercussions que peut avoir le fait de confier certaines petites choses au Bureau du vérificateur général. De concert avec le COSEPAC, cet organisme devrait produire une analyse indépendante de la situation des espèces et publier des recommandations pour la protection, la conservation et le rétablissement des écosystèmes. Cet organisme scientifique indépendant devrait être constitué par le Parlement et recevoir un mandat non renouvelable de sept ans; le Parlement, indépendamment du ministre des Finances, devrait fournir le budget annuel de cet organisme et des programmes de rétablissement. L'organisme consulterait le public et les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux appropriés, ainsi que les Premières nations. Il faudrait veiller à reconnaître et à respecter les droits constitutionnels des Premières nations de pêcher, de chasser, de piéger et d'exercer leurs activités traditionnelles.

Le projet de loi C-5 doit clairement attribuer le pouvoir d'interdire la destruction des habitats essentiels des espèces menacées ou en voie de disparition sur des terres ou des plans d'eau situés au Canada et, surtout, de conserver des populations viables de toutes les espèces naturelles. Cette compétence est conférée par la Constitution canadienne dans le domaine du droit pénal; or, il faut doter le projet de loi C-5 d'un mécanisme permettant à l'organisme scientifique d'utiliser cette compétence, avec l'appui du comité parlementaire, et non pas par l'intermédiaire d'un vague groupe de ministres, qui n'ont jamais manifesté le moindre intérêt pour la question. Le Comité permanent a le devoir de représenter le 80 p. 100 des Canadiens qui souhaitent disposer d'outils efficaces pour conserver la vie et pas seulement d'une loi de façade.

Depuis des décennies, la nature canadienne souffre de la veulerie et du manque d'intérêt des ministres de l'Environnement, des Pêches, de l'Énergie, des Parcs et du Patrimoine qui se sont succédé. Le public est en droit de s'attendre à avoir l'oreille et l'appui du comité pour soutenir la science, pour favoriser la protection et le rétablissement des espèces, pour présenter les choses telles qu'elles sont, à propos des inventaires, des vérifications, des plans opportuns d'élimination des espèces étrangères, de la protection des espèces saines et du rétablissement des espèces menacées et en voie de disparition.

Il importe d'avoir un Parlement qui s'occupe de ses affaires. Les médecins ne viennent pas consulter le ministre de la Santé pour dresser un plan de rétablissement d'un patient. Dans le cas d'un patient atteint d'un cancer du poumon dû au tabagisme, le médecin ne va pas demander à l'industrie du tabac de lui proposer une solution. Si les compagnies forestières détruisent l'habitat du caribou des bois dans une province ou un territoire, et que le gouvernement compétent ne protège pas véritablement, par une loi, cet habitat, le Parlement a le devoir d'intervenir.

• 1005

Le projet de loi C-5 est un ramassis de retards programmés, de courts-circuits, de transferts de responsabilité, de tromperies, de données scientifiques bidons, de fausses solutions et de pleurnichements. Tel qu'il est libellé, il faudrait s'en débarrasser et recommencer à zéro. Il est une pâle limitation des lois américaines et mexicaines et montre que le gouvernement du Canada est un hypocrite international, puisqu'il a signé la Convention sur la diversité biologique mais refuse d'agir sur son propre territoire.

Nous exhortons le comité à préparer un projet de loi qui soit en mesure de protéger toutes les formes de vie au Canada, cela est votre devoir.

En résumé, pour prospérer et survivre, les formes de vie marines et terrestres du Canada ont besoin d'écosystèmes fonctionnels. En bout de ligne, l'homme fait partie du réseau des êtres vivants et a besoin d'eux pour jouir des éléments essentiels que sont l'air et l'eau, les sols et les aliments, de même que l'énergie solaire, une énergie propre.

La protection intéressée de la biodiversité doit être à la base de tout projet de loi. Il est tout à fait illogique de diviser les écosystèmes en se guidant sur des frontières politiques ou historiques parfaitement arbitraires. Le gouvernement fédéral a le devoir vital et la responsabilité biologique de produire une loi générale qui respecte les écosystèmes naturels du Canada dans son ensemble.

En ne faisant porter la loi et d'éventuels règlements que sur les terres domaniales (qui représentent un pour cent des terres, en Colombie-Britannique et cinq pour cent des terres au sud du 60e parallèle), on confie plus de 95 p. 100 des écosystèmes à un ensemble de lois disparate qui n'ont pas encore brillé par leur efficacité. Au nord du 60e parallèle, les changements climatiques causent déjà des bouleversements et les gouvernements intéressés ont besoin de l'appui ferme d'une loi fédérale.

Le Parlement doit s'attaquer à la protection et au rétablissement des formes de vie dans le même esprit qu'il l'a fait pour la révision du Code criminel, qui s'applique également à toutes les provinces et tous les territoires mais qui est mis en pratique par ces différents gouvernements, de manière coopérative. Je crois savoir que M. Gibson a comparu la semaine dernière et a signalé au comité qu'il existait une compétence législative, une compétence constitutionnelle que le comité pouvait exercer.

Les oiseaux, les insectes, les mammifères et les poissons, et même les plantes franchissent les limites provinciales, territoriales et nationales. Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable doit rejeter la totalité des 142 articles du projet de loi C-5 et doit s'adresser aux Canadiens afin qu'ils le chargent d'élaborer un code de protection, de conservation et de rétablissement des formes de vie au Canada.

Ce code devrait procéder en vertu de la compétence constitutionnelle du Canada en matière de droit pénal et devrait être appliqué par une instance scientifique indépendante. Un COSEPAC élargi devrait, pour sa part, agir par l'intermédiaire du vérificateur général du Canada et relever directement du Parlement. Cet organisme devra dresser un inventaire permanent des formes de vie et évaluer l'état de chaque écosystème. Sa mission doit être de maintenir toutes les populations naturelles à des niveaux viables.

Il est carrément irresponsable d'élaborer une loi qui intervient seulement auprès des espèces qui sont menacées, en voie de disparition, disparues du pays ou disparues. La prévention donnerait de meilleurs résultats et moins coûteux.

En conclusion, le comité doit demander aux Canadiens le pouvoir d'être seul habilité à autoriser des plans d'action pour des inventaires, des vérifications et des plans de conservation. Le budget de l'organisme scientifique indépendant devrait être établi chaque année par le Parlement et ne devrait pas être soumis aux caprices du ministre des Finances.

Les comités parlementaires doivent demander des pouvoirs à la population, et nous vous exhortons, avec l'appui de 94 p. 100 des Canadiens, de rédiger de votre côté un projet de loi qui assurera une véritable protection des formes de vie au Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, M. Fulton, de nous avoir exposé des commentaires modérés et offert d'excellents conseils.

Nous allons maintenant passer à une ronde de question, et peut-être en aurons nous deux. Vous avez cinq minutes chacun, et nous allons commencer par M. Mills, M. Lanctôt, Mme Kraft Sloan, Mme Carroll, Mme Redman, et ensuite, Mme Scherrer et M. Savoy.

M. Mills, vous avez la parole.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.

Je veux remercier les invités d'être venus témoigner ici.

J'aimerais explorer plusieurs questions avec vous, celle de l'indemnisation, celle de l'inscription sur la liste et celle des filets de sécurité. Permettez-moi de commencer par la question de l'indemnisation, une question qui est très importante, en tout cas d'où je viens et d'après les Canadiens à qui j'ai parlé.

Vous avez davantage parlé du bâton que de la carotte. Nous voulons tous un projet de loi qui soit efficace, nous voulons qu'il sauve vraiment les espèces en voie de disparition. J'ai appris dans l'environnement qu'il faut toujours faire des compromis. On ne peut pas pencher complètement d'un côté ou pencher complètement de l'autre; quelque part entre les deux, il y a des mesures environnementales qui vont donner de bons résultats. Je crois que vous avez formulé des commentaires qui penchent d'un côté et cela veut dire que le projet de loi ne sera pas applicable.

• 1010

J'aimerais vous préparer à ma première question. Il y a une espèce en voie de disparition au Canada, c'est l'agriculteur, l'éleveur et la personne qui travaille pour faire vivre sa famille. On vient leur dire qu'ils doivent désormais renoncer à utiliser 20 p. 100, ou un autre chiffre, des terres qu'ils utilisent pour faire vivre leur famille. C'est peut-être la seule façon de subvenir aux besoins de leur famille; cela pourrait vouloir dire qu'ils ne pourront plus continuer à exercer leurs activités. Que faisons-nous dans ce genre de situation pour ce qui est de l'indemnisation? Comment vous y prendriez vous? Il y a cette espèce en voie de disparition et cette famille.

M. Richard Smith: Dans le genre de situation que vous venez de décrire, notre organisme serait tout à fait favorable à un régime d'indemnisation équitable qui permettrait à cette famille, à cette personne, de ne pas être pénalisée injustement pour la seule raison qu'il existe une espèce en voie de disparition sur sa propriété.

Je crois que les discussions qui portent sur le sujet de l'indemnisation ont été fructueuses. C'est une question complexe. Nous sommes en faveur de l'idée de mettre sur pied un régime d'indemnisation équitable. Évidemment, il y aura toujours des gens qui voudront profiter d'un tel régime, s'il n'est pas bien conçu. Et c'est sans doute un aspect dont il faudra tenir compte. Au début de mes commentaires, j'ai mentionné que nous sommes profondément convaincus que cette mesure législative ne constituait qu'un élément d'un cadre qui permettra d'assurer la protection des espèces en voie de disparition, et l'indemnisation fait également partie de ce cadre.

Mme Kate Smallwood: Monsieur Mills, je pourrais peut-être répondre à ce sujet.

Tout d'abord, pour renforcer ce que Rick vient de dire, les groupes de conservation sont très favorables à ce que les propriétaires soient indemnisés. Nous sommes également tout aussi convaincus qu'il faut que le droit canadien de l'environnement prévoit, pour la première fois, que le non-respect d'un règlement environnemental entraîne automatiquement une indemnisation. De sorte que oui, nous croyons qu'un propriétaire ne devrait pas assumer le coût de la protection d'une espèce en voie de disparition. C'est un avantage qui profite à tous les Canadiens. Cependant, nous sommes également convaincus qu'il faut faire un précédent avec ce projet de loi et que l'inobservation d'un règlement environnemental entraîne automatiquement une indemnisation.

Où doit-on tracer la limite? Cela est effectivement difficile. Nous pourrions alors dire excusez-moi, il s'agit en fait d'une chose aussi fondamentale que le zonage. Nous aimerions vous dire, qu'effectivement, nous sommes convaincus que les coûts entraînés par les mesures de protection des espèces en voie de disparition devraient être assumés par tous les Canadiens et non pas par les seuls propriétaires. Comment y parvenir? Ne pensez-vous pas qu'il serait bon que ce projet de loi garantisse le droit absolu de recevoir une indemnisation.

M. Bob Mills: Ce serait une mesure de dernier recours parce que la plupart des propriétaires dont je parle souhaitent préserver leur terre et ils sont capables de conserver les espèces au moins aussi bien que le législateur, en particulier s'il les obligeait à le faire sans indemnisation.

Permettez-moi de passer à la question de l'inscription sur la liste. Je pensais, lorsque j'ai commencé à étudier cette question, que ce serait les scientifiques et les données de la science qui détermineraient les espèces qui figureraient sur cette liste. Ma formation en biologie me dit que l'on devrait suivre les pratiques scientifiques et cela devrait se faire de cette façon. Il faudrait peut-être moins faire confiance aux politiques et éviter qu'ils participent à ce genre de décision. J'ai commencé à m'apercevoir qu'il y avait également beaucoup de politique dans la science.

M. Fulton, vous m'avez convaincu davantage du fait qu'il y avait là de la politique. J'aimerais bien savoir combien d'argent M. Suzuki touche pour faire ce qu'il fait, mais je sais que de voyager au Canada coûte très cher. Et il a besoin d'une cause pour lever des fonds et cela veut dire qu'il doit faire de la politique au sein de votre groupe.

Je ne sais pas très bien si je fais autant confiance aux scientifiques. Il faut peut-être introduire un peut de politique, parce qu'au moins, on peut renvoyer les politiciens mais on ne peut pas renvoyer M. Suzuki.

Après avoir écouté beaucoup de groupes d'intérêt, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'était pas mauvais d'avoir des politiciens pour prendre en compte les effets socio-économiques, tous ces autres facteurs, parce qu'au moins, eux doivent rendre des comptes. Les groupes ne sont pas toujours obligés de le faire et il y a des scientifiques qui s'intéressent davantage à faire financer leur projet qu'à s'occuper vraiment de la cause dont ils parlent. J'aimerais que vous me répondiez à ce sujet.

• 1015

Le président: Une brève réponse.

M. Jim Fulton: C'est une question très importante et c'est pourquoi nous avons proposé que les scientifiques qui vont faire partie de cet organisme indépendant soient nommés pour un mandat de sept ans non renouvelable parce que cela évite d'avoir des personnes qui cherchent à se faire un nid dans cet organisme, qui pensent qu'elles vont pouvoir conserver dans leur poste si elles prennent des décisions qui plaisent à un certain organisme.

Nous pensons donc que les scientifiques ont leur place dans ce domaine. Ils devraient travailler sous l'égide du Bureau du vérificateur général pour qu'ils ne fassent pas partie du Parlement mais qu'ils en relèvent. Nous estimons que les décisions définitives à prendre sur l'inscription sur la liste et les programmes de rétablissement, et le reste, devraient être prises par votre comité, parce que, avec ce projet de loi, s'il n'y a que trois ministres fédéraux qui prennent ces décisions, cela ne concerne qu'un seul parti et nous trouvons cela inquiétant.

Ce qui serait bon pour le Canada, pour les espèces en voie de disparition, c'est d'avoir un organisme scientifique distinct, qui s'occuperait d'effectuer des inventaires, des vérifications, de mettre au point des plans de rétablissement, qui relèverait du Parlement et qui en recevrait des fonds; mais il serait bon que ce comité utilise le pouvoir et l'autorité que possèdent le Sénat américain et la Chambre des représentants de ce pays, où les comités ont en fait le pouvoir...

M. Bob Mills: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

M. Jim Fulton: ...et c'est eux qui prennent les décisions importantes. Cela me paraît un aspect essentiel.

Les voyages qu'a faits M. Suzuki l'année dernière étaient financés par la fondation. Nous n'avons jamais demandé aux gouvernements de nous fournir de l'argent et nous n'aurions pas accepté d'en recevoir d'eux. Ce sont les gens qui assistent à ces événements qui ont payé cinq dollars et ce sont eux qui ont payé les frais de déplacement et tout le travail connexe. Les Canadiens sont venus en foule de tous les côtés, de toutes les provinces et de tous les territoires. Les Canadiens s'intéressent beaucoup à ces questions.

Vous n'êtes peut-être pas en faveur de certaines choses que dit ou fait M. Suzuki. Il est néanmoins très respecté comme scientifique et comme Canadien, et il pense que ce projet de loi ne vaut même pas le papier sur lequel il est imprimé, qu'il devrait prévoir des mécanismes d'application efficaces et que votre comité, un comité qui regroupe tous les partis et qui représente les points de vue de tous les Canadiens, devrait avoir le dernier mot dans ce domaine.

Le président: Merci, monsieur Mills.

N'oubliez pas que nous avons un système parlementaire et non pas un système présidentiel, ce qui est très différent.

[Français]

Monsieur Lanctôt, cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.

Je suis un peu étonné qu'en tant qu'experts ou représentants d'organismes aussi importants, vous demandiez qu'il y ait une gestion fédérale des habitats, ce qui, selon moi, est incontestablement de compétence provinciale, entre autres pour ce qui est du Québec. Vous demandez qu'il y ait une gestion et aussi un filet de sécurité. Ce sont deux choses auxquelles je pense, qui empiéteraient sur les compétences du Québec. Selon moi, les autres représentants de juridictions provinciales devraient être étonnés.

Vous pouvez être en désaccord et les lois provinciales manquent peut-être de mordant, mais vous ne pouvez pas demander que le fédéral fasse la gestion, adopte une loi ou supervise des lois provinciales. Vous devriez probablement faire ce que vous faites ici, en comité parlementaire, dans les provinces afin qu'elles améliorent la gestion des habitats, au lieu de demander cela à un niveau de gouvernement qui n'a rien à voir avec cela.

Vous voulez qu'il y ait un filet de sécurité. Vous perdez votre temps à mettre l'accent sur un problème de juridiction. Les deux deux niveaux de gouvernement vont essayer de tirer la couverture chacun de leur côté alors qu'il ne devrait pas en être ainsi. Vous demandez qu'il y ait une gestion de l'habitat. Cette demande est logique, car cette gestion doit être faite. On doit protéger les espèces animales et végétales, mais pourquoi perdre du temps et de l'énergie alors qu'on pourrait demander que cette protection soit faite en même temps? Il faut qu'il y ait une collaboration entre les provinces et le fédéral. On est dans un système de compétences partagées en environnement, mais il y a des choses qui sont déjà claires et établies. En tant qu'experts, vous proposez des choses qui vont multiplier les problèmes ou les conflits. Cela m'étonne.

• 1020

En tant que député, j'aurais aimé entendre dire que les deux niveaux de gouvernement doivent collaborer en vue de protéger les espèces animales et végétales et pour qu'il y ait une meilleure gestion des habitats. Il faut donc qu'il y ait une bonne discussion, et non pas mettre une telle disposition dans un projet de loi comme C-5.

Je suis d'accord avec M. Fulton. Ce n'est pas acceptable du tout. Oui, il faut protéger les espèces animales et végétales. Je suis d'accord et le Québec est d'accord, mais il y a des façons de faire cette chose.

Après avoir fait ces commentaires, je vais vous poser la question suivante. Le fédéral parle du double filet de protection des deux paliers de gouvernement qui agissent dans le même champ de compétence. Qu'est-ce que vous en pensez? Selon le Bloc québécois, cela diminue l'imputabilité des deux ordres de gouvernements et cela complique sérieusement l'attribution de la responsabilité. À qui la responsabilité appartiendra-t-elle s'il y a, encore une fois, un tel chevauchement de juridictions, qui, selon moi, ne devrait même pas exister? Qu'est-ce que vous en pensez?

Le président: Merci, monsieur Lanctôt.

[Traduction]

Qui veut répondre à la question de M. Lanctôt?

Monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: Merci, monsieur le président, et j'apprécie la question.

J'inviterais le député à commencer par regarder le taux de disparition qui sévit actuellement sur notre planète. Ce taux est 10 000 fois plus rapide qu'il ne l'a jamais été dans le passé, et je parle de millions d'années. Aujourd'hui, ce taux de disparition des espèces reflète ce qui se passe à l'échelle de la planète. En Colombie-Britannique, il y a maintenant plus de 1 000 espèces en péril. Le COSEPAC a sur sa liste 380 espèces.

Le Canada a signé en 1992, la Convention sur la biodiversité, qui a été reconnue par tous les pays comme étant la direction dans laquelle nous devons nous engager et nous devons commencer à nous intéresser aux aspects nationaux et internationaux de cette question. Il y a de nombreuses espèces qui sont migratoires, il y a de nombreuses espèces exotiques et étrangères qui commencent à se déplacer et c'est là quelque chose à laquelle les nations devraient s'intéresser.

Je suis très sensible à la question du partage des compétences pour ce qui est du Québec et des provinces, mais il s'agit là manifestement d'une situation où les plantes et les animaux ne respectent pas les frontières internationales, ni les frontières nationales. Ce qui arrive à un écosystème du Québec vient peut-être du fait qu'il y a une usine en Ohio ou en Ontario qui utilise le charbon et cela touche les forêts du Québec, cela touche les oiseaux chanteurs et cela touche les micro-organismes.

Les chefs de compétence constitutionnelle attribués au Canada indiquent, de façon très claire, que c'est un domaine où le gouvernement fédéral possède des compétences. Il faut un filet de sécurité, parce qu'il n'existe pas d'ensemble de mesures permettent de protéger les espèces en voie de disparition au niveau provincial ou territorial.

Il est donc absolument nécessaire, et c'est ce que les Canadiens ont toujours répété, qu'ils vivent au Québec, dans les provinces ou au nord du 60e parallèle, selon des pourcentages de plus de 80 p. 100, qu'il faut que le gouvernement fédéral prenne des mesures, qu'il fasse preuve de leadership tant à l'intérieur de nos frontières nationales et de nos frontières continentales, qu'à l'échelle internationale.

Si l'on tenait des audiences dans les différentes régions du Québec et que l'on interrogeait les députés, si ce comité se rendait au Québec, je pense que plus de 80 p. 100 des Québécois diraient que oui, il faut que le gouvernement fédéral prenne des initiatives dans ce domaine. Je crois que c'est très différent des autres batailles constitutionnelles.

Le président: Brièvement, M. Foy.

M. Joe Foy: Comme je le dis dans mon exposé, il est triste de voir disparaître, dans les forêts qui m'entourent où je vis, des espèces comme la chouette tachetée. Il n'y aura plus de chouette tachetée. Et cela ne touche pas uniquement la chouette dans ma région; si nous n'avons plus de chouette, nous n'aurons plus l'écosystème de la forêt ancienne et toute une série d'espèces, même des espèces que nous ne connaissons pas encore, les insectes dans la voûte des arbres. Ils sont en train de disparaître eux aussi.

Je n'aime pas beaucoup voir le gouvernement fédéral du Canada s'adresser aux marchés internationaux et aux consommateurs qui peuvent acheter le bois canadien alors que je sais très bien que le bois est marqué par le sang des chouettes, par celui des ours grizzlis et d'autres animaux, parce que nous n'avons pas de loi protégeant les espèces en voie de disparition. Si le gouvernement fédéral prend l'argent que je lui donne pour vendre l'habitat des espèces en voie de disparition, j'aimerais qu'il me le dise.

• 1025

Ils sont moralement obligés de dire aux consommateurs qu'ils garantissent que ces activités ne nuisent pas à l'environnement où ils vivent, ni à l'environnement de la planète, parce que toutes les nations et tous les gouvernements qui portent atteinte à la biodiversité naturelle de cette planète touchent tous les citoyens de la terre. De sorte que, lorsque notre gouvernement fédéral prétend qu'il est conforme à l'environnement d'acheter du bois canadien, il doit, d'après moi, faire tout ce qu'il faut pour veiller à ce qu'il affirme soit vrai. S'il le faisait, je serais le premier à l'aider à vendre ce bois. Mais il ne l'a pas fait.

[Français]

Le président: Merci, Monsieur Lanctôt.

[Traduction]

Madame Kraft Sloan, à vous.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup.

M. Foy, transmettez mes amitiés à Adrianne. Je suis sûre que c'est un grand jour pour elle. Nous avons tous hâte d'avoir les résultats de l'élection qui se tient aujourd'hui en Colombie-Britannique, et de savoir comment cela se passe.

Je suis membre de ce comité pour la troisième fois, et c'est la troisième fois que j'examine ce projet de loi; si les témoins s'expriment chacun à leur manière, le message est pour l'essentiel identique, en tout cas celui qu'a transmis la majorité des témoins qui ont comparu devant le comité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce projet de loi est aussi mal rédigé et pourquoi nous en sommes arrivés où nous sommes; sachant qu'il existe un appui aussi fort et aussi vaste pour une bonne loi qui protégerait les espèces en voie de disparition et qui s'appuierait sur la biologie.

Nous n'avons pas le même régime politique que celui des États-Unis, il y a beaucoup de gens qui parlent de réforme parlementaire, mais ce qu'ils oublient, c'est que les députés peuvent très bien voter selon leur conscience, quel que soit le côté de la table où ils siègent. Les témoignages que nous avons entendus disent tous qu'il faut modifier le projet de loi, et qu'il existe de vastes domaines sur lesquels la plupart des témoins s'entendent. C'est pourquoi je trouve très frustrant d'avoir à examiner ce projet de loi et, en tant que quelqu'un qui a vu adopter la LCPE, sachant ce qui peut se produire au moment des modifications.

J'aimerais poser une question au sujet de l'indemnisation. Ce point soulève beaucoup d'interrogations, dont l'une touche les répercussions sur les autres projets de loi, les nouveaux projets de loi. Et il y a de plus en plus de groupes qui m'envoient des lettres à mon bureau et qui demandent une indemnité, comme par exemple, les associations de motoneigistes; elles veulent être indemnisées en cas de fermeture d'une piste. Il est effectivement très important de comprendre les effets que peuvent avoir les mesures de protection des animaux sur les propriétaires mais nous devons penser à ce que fait ce projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement.

Ma question est la suivante: si vous étiez un propriétaire, quel est le genre de dispositions que vous aimeriez voir dans ce projet de loi qui vous aiderait à protéger les espèces en voie de disparition et qui vous ferait sentir que le mécanisme utilisé est équitable?

Mme Kate Smallwood: Le premier commentaire que j'aimerais faire, Mme Kraft Sloan, est que, si l'on accorde un droit automatique à une indemnisation, pour tout ce qui découle des règlements d'application du projet de loi, il n'y aura pas que les associations de motoneigistes, mais vous recevrez toute une série de demandes. Le précédent que créerait l'attribution d'un droit d'indemnisation automatique dans ce projet de loi aurait un effet désastreux sur le droit environnemental au Canada.

Rick a fait remarquer tout à l'heure que l'on pouvait indemniser les gens de diverses façons, et qu'il n'est pas obligatoire que cela soit inscrit dans le projet de loi. Quant à ce qu'on peut faire pour aider et encourager les propriétaires, comme M. Mills l'a déclaré, la plupart des propriétaires—et nous l'avons vu en Colombie-Britannique, à plusieurs reprises—sont tout à fait disposés à prendre ce genre de mesures volontairement. On peut donc envisager d'avoir recours à des incitatifs financiers, et on pourrait également veiller à ce que le fonds national de protection des habitats soit correctement financé, car nous pensons que les subventions sont encore insuffisantes. Il faut également informer les propriétaires, en particulier les éleveurs, du fait que ces fonds existent et qu'ils peuvent également bénéficier d'un soutien. Mais je ne pense pas que la solution consiste à prévoir un mécanisme d'indemnisation dans le projet de loi C-5.

Mme Karen Kraft Sloan: Y a-t-il d'autres dispositions de nature non financière que vous aimeriez voir dans ce projet de loi pour les propriétaires?

• 1030

M. David Coon: Il y a deux choses. Tout d'abord, il faut se demander si l'on a réussi à mettre sur pied un plan de rétablissement raisonnable. Nous parlons des extrêmes en ce moment. Nous parlons de l'inscription, et nous parlons d'indemnisation, mais c'est le rétablissement qui est l'élément essentiel—le plan de rétablissement est-il raisonnable ou non? S'il est raisonnable et efficace, le genre de situation dont vous parlez ne se produira pas souvent. Il n'y a pas que les propriétaires, il faut également penser à l'environnement marin.

Il y a un exemple qui me vient à l'esprit, celui des marsouins et des pêcheurs à l'araignée, des pêcheurs côtiers qui exploitent le poisson de fond. Une solution «mur à mur» ne peut que causer des difficultés. Dans le Maine, les pêcheurs côtiers ont dû arrêter de pêcher le poisson de fond à cause de l'effet qu'avaient les filets à maille sur les marsouins, à cause de leur loi. Au Canada, nous avons adopté une attitude plus raisonnable. Nous avons protégé les marsouins en plaçant des appareils sur les filets et en évitant de les utiliser à l'époque de l'année où les marsouins se trouvent dans le secteur. Les pêcheurs côtiers peuvent continuer à pêcher le poisson de fond, s'il y en a, avec des engins fixes.

Il faut, d'après moi, déterminer si le programme de rétablissement a été conçu pour atteindre intelligemment l'objectif recherché et s'il est bien adapté à la situation, de façon à éviter le plus possible qu'il y ait des demandes d'indemnisation, que ce soit de la part d'un propriétaire ou d'un pêcheur côtier.

Mme Karen Kraft Sloan: Oui. Merci.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Vous vouliez faire une brève intervention, M. Fulton?

M. Jim Fulton: Je voulais simplement ajouter, et je crois que M. Mills y avait probablement lui aussi pensé, qu'il y a un certain nombre d'activités qui se développent très rapidement dans toute l'Amérique du Nord. Par exemple, l'observation des oiseaux est l'activité de loisir qui se développe le plus rapidement en Amérique du Nord. Il faut que la solution retenue tienne compte de la plupart des choses dont a parlé David. Lorsqu'il y a des espèces rares ou en voie de disparition qui passent à certaines époques à Pointe Pelée, le public et la direction des parcs collaborent. Les Canadiens sont tout à fait disposés à prendre une décision à ce sujet—94 p. 100 des Canadiens veulent que l'on trouve des solutions concrètes. Nous devons leur donner la possibilité d'adopter une mesure législative qui s'attaque à ce problème.

Je crois que l'indemnisation devrait être le moindre de vos soucis pour ce qui est de ce projet de loi. Attachez-vous plutôt à veiller à ce que les avertissements lancés par le COSEPAC et la communauté scientifique se traduisent par des solutions. Il faudra peut-être indemniser certaines familles par la suite. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'aucune famille ne devrait subir un préjudice parce qu'on a désigné une espèce en péril qui vit sur une ferme dans le sud de l'Alberta. Nous pensons toutefois qu'avec un projet de loi bien rédigé, un tel cas serait très rare. En fait, le projet de loi devrait lui-même déboucher sur une solution avant d'en arriver à l'indemnisation.

Le président: M. Foy et M. Smith, très brièvement, s'il vous plaît.

M. Joe Foy: J'ai un bref commentaire qui sera peut-être utile. Les sondages indiquent que la chose dont les habitants de la Colombie-Britannique sont le plus fiers est la qualité de la vie. Lorsqu'on leur demande ce que représente pour eux la qualité de la vie, ils répondent que c'est l'environnement naturel.

Sur le plan personnel, je tiens à mentionner que ma famille vit en Colombie-Britannique depuis près de cinq générations. Les premières générations pouvaient ramasser des palourdes et se faire une bonne chaudrée sur la plage voisine, à Crescent Beach. Eh bien, la pollution a mis un terme à cela. Est-ce que ma famille devrait obtenir une indemnisation?

La qualité de la vie est en danger dans ma région. Avant, je pouvais aller souvent pêcher le saumon, mais avec la surpêche et l'exploitation intensive de la forêt, je n'aurai guère l'occasion d'amener mon plus jeune fils qui a cinq ans, pêcher le saumon, à cause de la dégradation de l'environnement. Est-ce que ma famille devrait être indemnisée?

Avant, on brûlait nos ordures dans un gros baril d'acier. Nous n'avons plus le droit de le faire. Ma famille est d'accord, mais elle ne reçoit aucune indemnité.

Le président: M. Smith, rapidement s'il vous plaît.

M. Richard Smith: Je veux parler du niveau de soutien sans précédent de la population canadienne en faveur d'une action quelconque. Je présume qu'une bonne partie des 94 p. 100 de Canadiens qui veulent une solide législation pour la protection des espèces en voie de disparition sont des propriétaires fonciers. Je tiens à attirer l'attention de votre comité sur le fait que 66 p. 100 de ces 94 p. 100 de répondants sont fermement convaincus de la nécessité d'une protection nationale.

• 1035

Les Canadiens sont disposés à faire des compromis importants. Nous leur avons demandé ceci: si vous aviez le choix entre la protection des espèces en voie de disparition et la réduction des activités de certaines industries, que choisiriez-vous? La réponse a été très claire: une grande majorité préférerait la protection des espèces en voie de disparition. Il est également très clair que ce souhait fait partie d'un renouveau de l'intérêt pour l'environnement en général. Par exemple, le niveau de sensibilisation à la tragédie de Walkerton à l'échelle du pays est assez impressionnant.

Pour terminer, j'ai cité le premier ministre Laurier parce qu'il a vécu à une époque de l'histoire très intéressante pour ce qui est des efforts de la conservation au Canada. Le gouvernement Laurier au Canada et le gouvernement Roosevelt aux États-Unis sont intervenus à une période très critique pour la conservation en Amérique du Nord, ce qui a véritablement élargi les horizons quant à ce qu'il est possible de faire pour la protection de la faune.

Je sais que vous examinez ce projet de loi pour une troisième fois, et je sais que plusieurs membres de votre comité sont peut-être un peu fatigués de ce débat, mais de toute évidence, ce n'est pas le cas du public canadien. Je prie donc votre comité d'examiner ce qu'il est réellement possible de faire avec ce projet de loi.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Merci, madame Kraft Sloan.

Madame Carroll, je vous en prie.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je reprendrai là où vous avez laissé, je crois. Je demanderai également à M. Foy et à M. Fulton de commenter. En conséquence, accordez-moi une minute pour que je puisse sortir toutes mes notes.

M. Foy nous a dit que faute de pouvoir modifier le projet de loi, il faudrait le rejeter. M. Fulton nous a dit que nous devrions rejeter les 142 articles du projet de loi, parce que les Canadiens souhaitent une protection réelle pour les espèces menacées et que 94 p. 100 des Canadiens veulent savoir que le projet de loi ira dans ce sens.

Messieurs, bienvenus à Ottawa. Selon moi, si nous rejetons ce projet de loi, le suivant—s'il y en a un—pourrait être encore plus faible. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une option pour les personnes présentes autour de cette table et je vous demande de continuer de travailler avec nous.

Vous avez dit plus tôt que les Britanno-Colombiens sont les plus fiers de leur qualité de vie. Je vous demanderai ce qu'ils sont prêts à payer pour cela. Vous êtes tous venus nous dire que 94 p. 100 des Canadiens appuient ce projet de loi, selon le sondage Pollara. J'ai lu les résultats moi aussi, mais j'ai l'impression que les personnes qui ont préparé ce projet de loi se sont basées sur ce qu'il devrait être et sur ce qu'il ne devrait pas être et qu'elles sont fermement convaincues que les Canadiens ne sont pas tout à fait disposés à payer un prix très élevé. Il est très facile de répondre à un sondage et de dire—en craquant pour les petits animaux en peluche tout doux et tout mignons qui ont été distribués l'été dernier à Winnipeg—que oui, nous voulons protéger nos espèces en voie de disparition et oui, nous voulons toutes ces choses. Êtes-vous tout à fait disposé à abandonner les plaisirs immédiats de votre style de vie? Êtes-vous disposé à renoncer aux VLT? Je me demande dans quelle mesure on a vérifié tout cela.

Je veux qu'on me dise qu'ils sont prêts à faire ces sacrifices parce que j'ai besoin de ce genre d'arguments pour faire mon travail, c'est-à-dire—et j'en reviens à ma déclaration d'ouverture—pour modifier ce projet de loi, parce que c'est ce que nous avons à faire.

Avant de vous demander de prendre la parole et parce que ce que vous avez à dire est très important, je dirais qu'il vous faut mettre un peu d'eau dans votre vin. Je crois que vous devez nous faire part des modifications non négociables qui, selon vous, sont les plus importantes à incorporer à ce projet de loi afin qu'il puisse être adopté.

Je vous demanderais de tenir compte des remarques de M. Stewart Elgie, du Sierra Legal Defence Fund, lors de son témoignage devant notre comité. Je vous demande de me dire ce que vous pensez qu'il faut de plus. Êtes-vous capable de vous en contenter? C'est mon point de départ pour les modifications que je proposerai à ce projet de loi.

J'ai dit ce que j'avais à dire et je serai très heureuse d'entendre votre point de vue.

Merci, monsieur le président.

M. Jim Fulton: J'ai fait partie de ce comité pendant 15 ans et je ne crois pas qu'il doive continuer de travailler avec un projet de loi aussi mauvais. C'est le pire document que j'aie vu. Il n'y a rien à faire avec ce document.

• 1040

La première fois où le public chercherait à s'en servir en cas de situation grave mettant en cause des espèces en voie de disparition, il perdrait toute patience face aux députés qui auraient adopté un document aussi tordu. Selon moi et selon la Fondation David Suzuki, le Canada s'en tirerait mieux sans ce projet de loi. Cessez de participer aux travaux du comité ou votez contre ce projet de loi, mais faites quelque chose, même si vous n'avez pas le goût de vous battre pour quelque chose dont veulent les Canadiens.

Les Canadiens ont exprimé clairement leur point de vue sur cette question, et à plusieurs reprises. En 1992, le Canada a pris des engagements qui, à mon avis, étaient sincères vis-à-vis le monde. Il a été le premier pays industrialisé à ratifier la Convention des Nations Unies sur la biodiversité (voir l'alinéa 8k)).

Nous avons siégé en comité pendant neuf ans et nous ne sommes pas parvenus à respecter nos obligations internationales. Le Canada a menti au monde quant à ce qu'il allait faire. Tout ce que nous sommes parvenus à produire est le rapport minuscule et fade du Service canadien de la faune, rapport qui mentionne que seulement deux espèces sur trois au Canada sont en sécurité dans leur propre habitat. La situation est très grave et le Parlement devrait réagir. Les Canadiens veulent que votre comité se penche très sérieusement sur la question et propose des solutions, de même qu'un projet de loi compréhensif.

Il suffit de regarder à la partie centrale de votre projet de loi—différents ministres doivent mener des consultations puis ils doivent en référer à leurs homologues provinciaux et territoriaux, puis revenir devant le Cabinet et peut-être, à ce moment, le Cabinet fera-t-il quelque chose. Soudainement, comme je l'ai dit, il pourrait y avoir jusqu'à 16 ministres à intervenir avant que l'on prenne une décision. Cela est ridicule.

Ce projet de loi est voué à l'échec—il ne protège pas les espèces menacées et n'aide pas les Canadiens. Des directives impossibles ont été données aux avocats pour la rédaction de ce projet de loi et je crois qu'il s'agit d'une abomination. Vous devriez travailler très fort avec vos propres électeurs et au sein de votre propre caucus et au sein du Parlement afin de produire un outil dont les Canadiens seraient fiers de dire qu'il est aussi bon que celui des États-Unis et du Mexique.

Ce projet de loi est mauvais, impossible, incroyablement mal rédigé et je ne crois pas que sa portée soit suffisante pour que vous puissiez en faire un document utile, malgré les modifications. Selon moi, votre comité serait honoré et je crois même que les médias vous appuieraient entièrement si vous l'abandonniez. Dennis rédigerait des articles jour après jour racontant combien les membres de votre comité sont intelligents et combien ce Parlement est intelligent. Les Canadiens se rangeraient fièrement derrière vous. Il est temps de se battre.

Mme Aileen Carroll: Monsieur Fulton, vous avez parlé de la possibilité que nous avons ou non de corriger le projet de loi. Ma seconde question s'adresse à vous et aussi à M. Foy. Croyez-vous que les Canadiens, contrairement à la façon dont M. Cheney s'est servi des Américains, sont vraiment déterminés à faire des changements, à confirmer dans les sondages d'opinion qu'ils sont capables ou qu'ils ont la conviction de vivre avec les conséquences d'une partie de la loi—vous ne parlez pas à quelqu'un qui l'a rédigée. Vous parlez à quelqu'un qui veut la corriger. Je voudrais que vous me disiez que ces données statistiques sont tout à fait réelles et que les personnes comprennent bien les conséquences lorsqu'elles répondent oui, oui, oui, à chacune des questions que vous leur posez. Répondez-moi.

M. Jim Fulton: Oui. Permettez-moi de vous donner un exemple, puis passez ensuite la parole à M. Foy.

Prenons la province de l'Alberta. Lorsque les Albertains ont eu le choix de recourir à l'énergie éolienne, une énergie propre, ils ont eu une surprise en voyant la facture d'énergie et en constatant qu'ils devaient payer plus cher pour chaque kilowatt-heure, en sachant que cette énergie verte et propre leur était livrée à la maison, que ce soit à Calgary ou à Edmonton. Néanmoins, ils ont acheté toute cette énergie, en un instant, dès qu'elle est devenue disponible.

Les Canadiens le feront aussi. Je crois qu'il est embarrassant pour le moment que moins d'un dollar par Canadien par année soit consacré à cette fin. C'est honteux.

Le président: Soyez très bref, monsieur Foy, s'il vous plaît.

M. Joe Foy: Oui, je serai très bref.

Comme je l'ai dit, j'estime que si ce projet de loi ne peut être grandement amélioré, il devrait être rejeté. Je le dis parce que je crois que les Canadiens méritent mieux que cela. Si vous leur donnez un véritable outil, si vous les alertez au fait que ce document est complètement inutile et que vous avez besoin qu'ils se manifestent, ils se manifesteront.

J'ai été témoin d'événements très malheureux dans ma province—plus de 900 personnes ont été arrêtées à Clayoquot Sound. Ces personnes croyaient à la nécessité d'une loi de protection et même si elles n'avaient pas grand-chose à offrir, elles ont tout donné pour protéger ce qui se trouvait là. J'ai vu des gens faire des choses extraordinaires.

Selon moi, la plupart des personnes présentes dans cette salle ont voyagé à l'étranger. Ma femme vient des Philippines et je me suis rendu récemment dans ce pays. Je puis vous dire que ce qui nous entoure constitue véritablement la richesse des Canadiens. Quand vous sortez de chez vous, vous voyez ce qui vous donne toute cette richesse. J'estime que les Canadiens seraient prêts à faire plus que ce que vous croyez qu'ils sont capables de faire.

• 1045

Dans ma province de résidence, nous avons fait un grand pas en avant en matière de conservation de notre environnement grâce à des campagnes de marketing réussies—nous avons dit au monde entier ce qui se passe quand vous achetez des produits reliés à la coupe à blanc dans la province de Colombie-Britannique. Cela nous a beaucoup aidés à progresser en matière de conservation des forêts anciennes pour le bénéfice de tous les Canadiens.

Si votre projet de loi ne peut assurer une protection obligatoire de l'habitat à l'échelle du pays, vous devriez le dire aux Canadiens. Si ce projet de loi n'est pas efficace, il ne permettra pas de protéger ce que les Canadiens souhaitent protéger et, pire encore, il pourrait inciter un seul Canadien clé à rester bien confortablement chez lui en pensant que les choses vont bien, que tout baigne dans l'huile, qu'il y a une loi de protection des espèces en voie de disparition et qu'il n'est pas nécessaire de lever le petit doigt, de sortir et de lutter pour protéger ce qui est menacé. Je vous l'affirme, la situation se détériore.

Le président: Merci, monsieur Foy.

Mme Redman suivie de madame Carroll et de M. Savoy.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai trois ou quatre questions à poser. La première s'adresse à M. Smith.

Il me semble que vous appuyez l'établissement d'une liste en vertu de la loi, mais surtout d'une liste des espèces existantes. La liste du COSEPAC serait adoptée puis on devrait rendre compte des motifs pour lesquels une espèce ne figure pas sur la liste. Je me demande si vous pourriez réitérer les raisons qui vous poussent à appuyer cette approche, compte tenu que le projet de loi précise que la liste du COSEPAC, de même que la liste adoptée par le gouverneur en conseil, constitue un registre public.

M. Richard Smith: C'est la différence entre notre premier et notre second choix.

Notre premier choix serait l'adoption d'une liste automatique du COSEPAC qui deviendrait la liste légale, comme on a fait en Nouvelle-Écosse. Je suis convaincu que le gouvernement fédéral doit à tout le moins faire ce que fait la province de la Nouvelle-Écosse s'il souhaite faire preuve d'un leadership national.

Notre second choix serait cette liste des espèces existantes où la liste du COSEPAC représente la liste légale et est automatiquement incorporée à l'annexe de la loi, à moins que le gouverneur en conseil ne prenne une décision publique de propos délibérés.

La différence entre cela et le contenu du projet de loi est que le projet de loi fonctionne de manière inverse. À moins que le gouverneur en conseil n'intervienne, rien n'est inscrit sur la liste. Même si vous êtes capable de compter physiquement avec la pointe de votre crayon dans un petit étang situé au milieu d'un parc national de l'Alberta, par exemple, la physe des fontaines de Banff—qui est, on ne peut plus objectivement, menacée—rien ne garantit en vertu de la formulation actuelle du projet de loi que cette espèce soit jamais inscrite sur la liste.

Mme Karen Redman: Est-ce que l'établissement d'une liste des espèces existantes vous satisferait, compte tenu qu'à tout le moins le gouvernement devrait rendre compte des raisons pour lesquelles certaines espèces ne figurent pas sur la liste?

M. Richard Smith: Nous serions plus à l'aise si cela était clairement énoncé, si la décision du gouverneur en conseil devait être justifiée clairement et publiquement.

Notre mémoire fait état d'autres aspects de nos recommandations en vue du COSEPAC. Selon moi, la formulation du projet de loi devrait être améliorée pour faire en sorte que les scientifiques les plus éminents fassent partie de ce conseil et qu'il y ait un mélange approprié de scientifiques du gouvernement et de l'extérieur. Nous avons soumis une variété de recommandations afin d'améliorer les travaux du COSEPAC.

Mme Karen Redman: Merci.

Monsieur Coon, vous avez dit que le COSEPAC ferait l'objet d'un lobbying intense sur les conséquences juridiques qui sont rattachées aux recommandations concernant l'évaluation des espèces et pourtant, vous réclamez l'établissement d'une liste automatique. Selon vous, comment le COSEPAC serait-il à l'abri de ce type de lobbying, compte tenu des ramifications possibles...

M. David Coon: Bien sûr, il ne serait pas à l'abri de telles démarches, mais il serait moins vulnérable aux pressions que ne le seraient nos représentants politiques, nos politiciens élus, parce que les politiciens sont élus pour faire face à ce genre de choses.

Si la liste était établie automatiquement, la décision reviendrait essentiellement au COSEPAC. En conséquence, tout effort de lobbying viserait le COSEPAC. Les efforts de lobbying de la part des politiciens, des ministres du Cabinet et des députés viseraient un organisme bien différent.

Mme Karen Redman: Ne serait-il pas plus transparent que les politiciens fassent l'objet du lobbying plutôt que les scientifiques?

• 1050

M. David Coon: Pas du tout, non. Je ne crois pas que cela soit très transparent.

Si nous pouvons faire en sorte de nous concentrer sur les remèdes à apporter au problème, les efforts de lobbying se porteront sur cet aspect et non ailleurs. S'il est manifeste que la discussion se déroule à ce niveau, c'est-à-dire ce qu'il faut faire au sujet du problème, il est sûr que le lobbying portera sur cet aspect du problème. Le processus sera transparent, il y aura consultation et coopération et il y aura analyse de rentabilité. Bref, tout ce qui est prévu dans le projet de loi pourra se matérialiser.

Il faut chercher à éliminer les pressions qui s'exerceront sur le processus primaire. J'imagine mal que l'on puisse se concentrer à ce point sur le COSEPAC. Je ne vois tout simplement pas comment cela pourrait se produire.

Mme Karen Redman: J'ai aussi une question pour M. Foy.

De toute évidence, il y a des espèces en péril partout au Canada et, dans une large mesure, il en est ainsi parce que les grands éleveurs, les pêcheurs, les agriculteurs et même les membres de l'industrie forestière adoptent une approche prudente. Ils protègent les espèces en péril et prennent soin de leurs habitats. S'il n'y avait pas ces efforts volontaires actuellement, certaines espèces n'existeraient même pas, même plus, bien qu'elles soient actuellement en péril.

Plusieurs spécialistes de la gestion des forêts sont venus nous parler avec autant de passion que vous au sujet de la protection de la faune et aussi de la bonne gestion des forêts. Pourtant, vous semblez dire qu'il vaudrait mieux ne pas avoir ce projet de loi, qui est pourtant fondé sur des mesures de coopération volontaire de la part des intéressés sur le terrain de même que sur le leadership des provinces et des territoires.

Selon nous, il importe que le fédéral assure un leadership mais il faut aussi donner à chacun un rôle approprié à jouer. Selon moi, vous semblez réfuter tout cela et vous semblez également créer une opposition entre les intervenants et nous.

Permettez-moi de revenir à l'une des observations de M. Mills. Si vous adoptez une position extrême, vous perdez une partie de l'équilibre qui incite les personnes à s'asseoir à une même table et à collaborer. Je le répète, j'estime que c'est là un des points forts de ce projet de loi, parce que nous demandons aux gens de collaborer à l'établissement de mesures d'appui comme le filet de sécurité, l'indemnisation, de même que les amendes et les poursuites et l'emprisonnement pour toute personne qui, délibérément, détruit une espèce en péril.

M. Joe Foy: Je comprends ce que vous dites et je crois bien qu'il en est de même pour des personnes que je connais et qui font partie de groupes de conversation... S'il n'y avait qu'un beigne sur la table, je ne suis pas celui qui l'aurait. S'il n'y avait qu'un siège vacant dans l'autobus, ce n'est pas moi qui l'occuperait.

J'ai fait partie de la cinquième génération à vivre dans mon coin de pays et il me semble très clair que nous avons déjà beaucoup perdu et que nous continuerons de perdre beaucoup si nous n'intervenons pas vigoureusement. J'aimerais qu'il en soit autrement.

Vous savez, j'ai passé toute ma vie en bordure du fleuve Fraser. Un des problèmes ou une des difficultés que nous éprouvons—et je crois que le Dr Suzuki est le premier à l'avoir bien formulé—est le mal que nous avons à bien saisir les changements qui surviennent dans le milieu où nous vivons et l'obligation de constamment parler à nos aînés, aux générations qui sont venues avant nous afin de bien comprendre ce qui se passe véritablement.

Peut-être ai-je été suffisamment chanceux pour vivre dans un cadre qui n'est pas très différent de ce qu'il était à l'époque où les Premières nations s'en occupaient, lorsque l'épuisement des ressources n'était pas aussi prononcé qu'aujourd'hui—situation qui n'existe que depuis quelques générations. Je trouve cela bien difficile.

Tout le monde, y compris les gens de l'industrie forestière et de toutes les industries sont comme moi. Nous voulons nous entendre. À la lumière de ce que nous faisons actuellement, et sans l'établissement de limites, je peux vous assurer que la chouette tachetée disparaîtra. Elle disparaîtra. Après que la chouette tachetée aura disparu, ce sera au tour de la grande salamandre. Elle disparaîtra elle aussi.

• 1055

Quand nous allons en vacances dans le nord de la Californie, nous pouvons voir des gravures de grizzlis. Toutes les personnes que nous voyons là, sont très gentilles, raisonnables et amicales. Vous savez quoi? C'est tout ce qui restera dans le sud de la Colombie-Britannique, des gravures de grizzlis. Nous nous entendons tous bien et nous serons très amis, mais les choses continueront de se détériorer à moins d'établir des limites.

Ce qui m'attriste est que la vaste majorité des gens souhaitent l'établissement de limites, parce que personne ne proteste lorsqu'il y a une législation bien conçue qui fixe des limites. Les gens se plaignent lorsque les législateurs les abandonnent au bout d'un chemin d'exploitation sans leur donner les outils pour s'entendre en toute civilité.

Mme Karen Redman: Si vous me permettez de faire une observation, j'estime que ce projet de loi n'est pas fondé sur le fait que nous nous entendions tous, mais sur le fait qu'il y ait une valeur commune à protéger des espèces en péril dans leur habitat. Il faut reconnaître qu'il y a plusieurs personnes ayant le même intérêt. Si nous proposons des solutions qui conviennent à tous, nous aurons atteint un objectif souhaitable, et nous pourrons réaliser ce que nous voulons réaliser.

Le président: Merci, madame Redman.

[Français]

Madame Scherrer, s'il vous plaît.

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis une nouvelle parlementaire. J'ai été récemment élue et j'ai été particulièrement touchée de la confiance et de la reconnaissance que vous exprimez aujourd'hui aux ministres, en disant qu'il y avait des caprices et de la discrétion et que nous devrions peut-être nous prévaloir d'un certain pouvoir. Les ministres et tous ceux qui ont été là ont fait partie de comités. Je pense qu'ils représentent également des comtés où, comme moi et tous les autres députés, ils entendent probablement tous les jours des représentations pour faire valoir ce projet de loi.

Je voudrais revenir sur un point qui a été soulevé au tout début par M. Lanctôt. Il s'agit des différentes juridictions. Le Canada est ainsi fait qu'il y a 10 provinces et des territoires. Dans chacune des provinces, des lois ont été adoptées. J'ai entendu, tant en comité que dans mon bureau, des gens vanter les mérites de la législation provinciale et de ses effets positifs. Je pense que cette loi-là se voulait, non pas un ramassis, mais le cumul de tous les éléments positifs qu'on trouve dans chacune des juridictions, sans ingérence dans les compétences provinciales.

Mme Smallwood demande comment on peut s'attendre à ce que les provinces réussissent dans l'application de leurs lois alors que le fédéral n'est pas un leader. J'aimerais qu'elle m'explique clairement ce qu'elle veut dire. Je pense qu'au contraire, beaucoup de juridictions provinciales fonctionnent très bien et ont des éléments positifs.

Souhaitez-vous vraiment qu'on oublie tout ce qui se fait au niveau provincial, qu'on ne tienne pas compte des juridictions qui ont été mises en place et des lois qui fonctionnent actuellement et qu'on ne fasse qu'une loi fédérale qui va finalement mettre de côté tout ce qui se fait au niveau provincial? Je trouve que c'est une grande allégation. Vous commencez en disant: «Comment voulez-vous que ça fonctionne au niveau fédéral, alors que ça ne fonctionne pas au niveau provincial?» J'ai l'impression qu'il y a de bonnes choses qui se font au niveau provincial. Dans mon esprit, cette loi a été faite pour pallier les choses qui manquaient dans chacune des provinces.

Dans un premier temps, j'aimerais savoir pourquoi vous avez des problèmes face à cela.

[Traduction]

Mme Kate Smallwood: J'ai deux réponses à vous donner. La première se rapporte à la juridiction fédérale, aux espèces réglementées par le fédéral et à la raison pour laquelle les groupes qui travaillent à ce projet à l'échelle du Canada estiment que le gouvernement fédéral ne s'est pas acquitté entièrement de ses compétences dans ce domaine. Actuellement, le projet de loi vise uniquement les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Le gouvernement fédéral a sans aucun doute une juridiction constitutionnelle sur les espèces qui traversent les frontières.

Les membres de votre comité ont reçu un mémoire de deux des experts constitutionnels de premier plan du Canada, M. Gérard LaForest et M. Dale Gibson. Ils affirment sans équivoque que le gouvernement fédéral a le pouvoir de réglementer les espèces qui franchissent les frontières et leur habitat de même que l'habitat des oiseaux migrateurs. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne fait rien en ce sens. Voilà donc un premier domaine de compétence où le gouvernement fédéral n'exerce pas ses pleins pouvoirs.

• 1100

La seconde concerne les terres fédérales. En vertu de ce projet de loi, la seule obligation en matière de protection de l'habitat vise la «résidence» d'une espèce, c'est-à-dire le terrier ou le nid. Il n'y a pas d'autre mesure de protection obligatoire d'un habitat menacé sur des terres fédérales, et cela est manifestement reconnu comme étant le second domaine de compétence.

M. Lanctôt et vous-même avez exprimé des réserves au sujet d'une intrusion dans un domaine de compétence provinciale; je crois comprendre qu'il s'agit du filet de sécurité. Nous ne voulons d'intrusion, mais plutôt l'établissement d'un niveau compatible de protection à l'échelle du Canada. Je serais ravi que le gouvernement de la Colombie-Britannique se présente devant votre comité et dise avec fierté qu'il fait déjà l'équivalent de ce que votre initiative vise, c'est-à-dire la protection des espèces et des habitats, et qu'il ajoute qu'il a déjà fait mieux. Le message que nous vous avons livré tous les trois aujourd'hui concernant la Colombie-Britannique et le message de M. Coon pour ce qui est du Nouveau-Brunswick est le suivant: les provinces n'en sont pas encore là.

Nous parlons ici d'un niveau d'équivalence. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une responsabilité internationale. Le Canada a été parmi les premiers à signer la Convention sur la biodiversité. En tant que Canadiens, nous devrions en être fiers, mais les propos de M. Fulton, qui selon moi sont amusants mais très précis, décrivent le Canada comme un retardataire au plan environnemental. Nous avons ici affaire à un pinocchio international parce que nous ne sommes pas capables de protéger notre biodiversité.

Loin de moi l'idée d'une intrusion dans un domaine de compétence provinciale. J'aimerais qu'il y ait des incitatifs pour que les provinces relèvent leur niveau de protection et même l'excèdent. Ainsi, nous aurions un niveau de base pour la protection des espèces et des habitats partout au Canada.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Je voudrais poursuivre dans cette veine. Est-ce que vous reconnaissez ce qui se fait actuellement? Je ne parle pas que du Québec. Je parle du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique qui, par le biais d'autres groupes, sont venus nous dire que des choses extraordinaires se passaient chez eux. Souhaitez-vous que ce projet de loi reconnaisse ce qui se fait actuellement dans chacune des provinces et comble uniquement les failles qui ne sont pas couvertes par les provinces actuellement?

[Traduction]

Mme Kate Smallwood: Dans mon témoignage, j'ai fait référence aux rapports sur l'environnement produits par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Ils examinent une série d'indicateurs en partant de l'eau... et ils examinent certains des autres éléments: les poissons, la faune, les essences forestières, l'utilisation de l'eau, l'eau souterraine, l'eau de service, le gaz à effet de serre, la qualité de l'air et les ordures ménagères.

La conclusion qui a été présentée à tous les Britanno-Colombiens—et je puis citer—est que la protection de la diversité naturelle représente notre «résultat le plus décevant». Nous avons examiné tous ces indicateurs et notre rendement le plus faible a été au chapitre de la protection de la diversité naturelle. Un pourcentage important des espèces végétales et animales sont présentement menacées ou en voie de disparition ou candidates à ces titres, et la variété des espèces fauniques a diminué. Les éléments clés des lois adoptées pour protéger la diversité naturelle n'ont pas été entièrement mis en oeuvre.

Je ne sais que faire d'autre pour vous prouver que mon gouvernement provincial ne réussit pas à protéger la biodiversité. J'aimerais que la province d'où je viens fasse le travail de manière appropriée. Le message que j'apporte à votre comité est que la province qui possède la plus grande biodiversité au Canada ne fait pas ce qu'elle est censée faire. Si vous limitez la portée de ce projet de loi aux seules terres fédérales, qui ne représentent que un pour cent du territoire de la Colombie-Britannique, vous ne protégez pas la biodiversité. Selon moi, la façon de procéder dans les deux secteurs que je viens de vous mentionner est de faire un bon travail dans le domaine de compétence fédérale et d'offrir suffisamment d'incitatifs, grâce au mécanisme de filet de sécurité, pour que la Colombie-Britannique fasse sa part.

[Français]

Le président: Merci, madame Scherrer.

[Traduction]

Monsieur Savoy.

M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Mesdames et messieurs, merci d'être venus ici aujourd'hui.

Monsieur Coon, je suis intéressé par votre approche à la législation, et à vos solutions qui s'appliquent à des sites particuliers. À titre d'ingénieur, j'aimerais bien envisager des solutions spécifiques. Si on les incorpore au projet de loi, comment proposez-vous—et quiconque peut jeter un peu de lumière sur la situation—que nous allions de l'avant? Comment pouvez-vous incorporer une solution spécifique à une législation?

M. David Coon: Il me semble que le projet de loi comporte déjà la souplesse nécessaire à cette fin, dans la conception des stratégies de rétablissement et des plans d'action.

• 1105

La catastrophe des pêches sur la côte Est nous a appris que la centralisation et un style de gestion universelle ne sont pas efficaces en matière d'écosystèmes. Il faut être en mesure d'adapter des plans de redressement et d'action, peut-être pas en fonction d'un site, mais à tout le moins en fonction d'une situation régionale.

J'en reviens à l'exemple du marsouin commun, dans un contexte où il n'y a aucune protection légale au Canada. La Grand Manan Fishermen's Association et l'Union des pêcheurs des Maritimes, Section locale 9, du côté de la Nouvelle-Écosse, a pris les mesures nécessaires, estimons-nous, pour protéger le marsouin commun de manière bien supérieure à ce qui s'est produit aux États-Unis, où, essentiellement, on a interdit cette activité et éliminé cette pêche pour les pêcheurs côtiers...

M. Andy Savoy: Ainsi, vous êtes confiant que ce projet de loi nous permettra d'envisager des solutions particulières à un site.

M. David Coon: Je ne parlerais pas de site particulier...

M. Andy Savoy: Ou à des situations particulières.

M. David Coon: ...mais j'y vois suffisamment de souplesse pour que cela se produise. Vous pourriez assurément envisager une modification qui rendrait cela plus explicite, afin que les gens soient conscients de la possibilité d'avoir des plans d'action adaptés à la région.

M. Andy Savoy: Merci.

Allez-y, monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: Je veux faire une petite observation supplémentaire, monsieur le président. Je laisserai au greffier un document préparé récemment par la fondation et qui traite d'une nouvelle façon d'envisager une des plus grosses industries au Canada, c'est-à-dire l'industrie forestière. Ce type de processus pourrait s'appliquer à la réécriture de votre projet de loi, parce qu'il est fondé sur ce que vous laissez et non sur ce que vous prenez. Je le laisse en guise d'exemple au cas où vous souhaiteriez reformuler certaines parties de la loi, si c'est là votre choix. Ce document fait aussi écho au point de vue exprimé par M. Mills, selon lequel il faut adopter une approche complètement différente de la façon dont fonctionne l'industrie pétrolière, l'industrie agricole ou l'industrie forestière. Il s'agit davantage de travailler avec ce que l'on laisse qu'avec ce que l'on prend. Je vous laisse ce document, qui est facile et rapide à lire.

M. Andy Savoy: Je vous remercie beaucoup.

Ma seconde question s'adresse à M. Fulton et à M. Foy et elle concerne la législation américaine. Je vois que vous êtes des opposants à la législation américaine. Comment la modifieriez-vous si vous en aviez la possibilité? Quelles sont vos impressions en matière d'indemnisation? Bien entendu, la législation américaine n'aborde pas la question de l'indemnisation. Elle traite exclusivement de mesures punitives.

M. Jim Fulton: La ESA pose problème, selon moi. Ce n'est pas la législation idéale, mais elle est assurément plus mordante que ce dont nous parlons ici aujourd'hui.

En ce qui a trait à l'indemnisation, j'estime que le projet de loi pourrait être un peu plus axé sur les solutions, c'est-à-dire la façon dont vous procédez à l'évaluation des caractéristiques essentielles de l'habitat pour le maintien d'une population naturelle et durable. Je crois que cela pourrait être formulé de manière intelligente selon un échéancier beaucoup plus serré. Les échéances que vous proposez sont plutôt aberrantes parce que, dans certains cas, il faut qu'une situation d'urgence dure des années et des années et encore des années avant que l'on puisse y appliquer une solution pratique.

Nous devrions préciser très clairement, au moins dans le préambule de la loi, que tous les utilisateurs de ressource au Canada doivent commencer à réfléchir à ce qu'ils laissent sur place, à dresser un inventaire approprié et à faire des vérifications. Par exemple, comment est-il possible que dans la capitale nationale seulement la moitié des insectes de notre collection d'insectes nationale soient désignés? Est-ce là ce que nous pouvons faire de mieux? Nous devons nous demander si nos efforts sont suffisants en matière de répertoire, de vérification et de rétablissement. N'attendons pas que se produisent les événements que nous prédit M. E.O. Wilson. N'attendons pas d'en être rendus de nous occuper d'espèces en voie de disparition, menacées et disparues. À ce stade, la question fondamentale qui se posera sera de savoir si l'investissement le plus utile que nous puissions faire est de protéger les organismes tout juste avant qu'ils ne disparaissent, comme disent les scientifiques.

M. Andy Savoy: Ai-je le temps de poser une autre question, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Andy Savoy: La question s'adresse à quiconque veut bien y répondre. En tant que politiciens, nous devons nous attarder aux répercussions socio-économiques de nos décisions. On a exprimé des réserves concernant l'établissement de la liste, c'est-à-dire une liste scientifique par rapport à une liste politique. S'il s'agissait d'une liste dressée par des scientifiques, comment tiendriez-vous compte des facteurs socio-économiques? De toute évidence, il faut en tenir compte. On ne saurait les ignorer. Existe-t-il des solutions à cet égard?

Mme Kate Smallwood: La position constante de la collectivité environnementale est qu'il faut établir une distinction entre la décision de protéger les espèces et la façon de les protéger. L'établissement d'une liste est un prérequis à la protection en vertu du projet de loi, de sorte que nous ne voulons pas politiser cet aspect avec des facteurs socio-économiques.

• 1110

Le moment opportun survient quand toutes les parties intéressées se retrouvent à une même table et, comme l'ont dit David et Rick, lorsque vous examinez la façon de protéger les espèces: l'étape du redressement. Nous ne vous disons pas d'ignorer les répercussions socio-économiques. Dans notre monde d'aujourd'hui, cet aspect fait partie de toute décision politique. Nous affirmons que le moment crucial survient quand vous décidez de la façon de protéger les espèces dans leur habitat. Cela survient au moment du rétablissement et non au moment de l'établissement d'une liste.

M. Richard Smith: J'enchaînerai en vous rappelant ce que M. Mills a posé comme question au tout début. Bien entendu, il y a des désaccords au sujet du COSEPAC concernant le statut des espèces, mais la raison pour laquelle on préfère ce processus quand vient le temps de prendre des décisions sur l'établissement d'une liste est qu'il s'agit d'un processus méthodique, faisant l'objet d'un examen par des pairs et fondé sur des critères objectifs. Soit il y a 350 baleines noires dans l'Atlantique Nord, soit il n'y en a aucune. On peut être en désaccord sur le nombre, mais en bout de ligne, le critère utilisé pour l'évaluation de l'espèce est simple, clair et objectif.

Tout le processus doit être fondé sur l'établissement d'une liste scientifique. Je vous dirai bien franchement qu'il nous est impossible d'appuyer un texte de loi qui ne comporte pas cet élément, un texte qu'il serait impossible à justifier face au public canadien.

M. Andy Savoy: Mais il y aurait une diversité de mécanismes de renouvellement qui feraient l'objet de négociations. Vous dites que toutes les espèces devraient être inscrites sur une liste en fonction de données scientifiques, ce qui me convient, mais en fonction de facteurs socio-économiques et du niveau de la menace. Cela étant posé, pourriez-vous envisager une variété de solutions? Est-ce là ce que vous cherchez à nous dire?

M. Richard Smith: C'est exact. Je crois qu'il est utile de le percevoir comme un processus à deux volets. Il faut discuter franchement des compromis possibles entre ce qui est nécessaire pour la survie des espèces et les considérations économiques. Cela doit se faire avec différents intervenants à une même table. Le seul moment convenable pour ce genre de discussion se situe à l'étape du rétablissement dans le processus de protection des espèces et non au moment de l'établissement de la liste des espèces.

M. Andy Savoy: Mais cela va tout à fait à l'encontre de la législation américaine. Aux États-Unis, il y a des cas, par exemple dans une revue des producteurs de bovin—j'oublie le nom—où l'on trouve une publicité pour la vente de 320 00 acres de terre comprenant telle superficie d'arbustaie et de prairie et offrant la garantie qu'il n'y a pas d'espèces en voie de disparition. Vous savez pourquoi je vous dis cela? C'est parce que les espèces ont disparu. Je ne veux pas porter la responsabilité d'adopter une loi qui mène à cette situation. Je suis d'accord avec l'analyse de la situation. Je me préoccupe grandement de l'approche américaine. Vous avez cité l'approche américaine, monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: Pour mémoire, je disais simplement que le contenu de la loi américaine et de la loi mexicaine est beaucoup plus coercitif. Le processus est plus clair. Le public au Mexique et le public aux États-Unis savent qu'il existe une loi applicable et qui a du mordant. Le projet de loi à l'étude n'a rien de cela. Il s'agit d'une législation dysfonctionnelle.

Toute personne au Canada qui disposerait d'un document ayant fait l'objet d'un examen par des pairs et ayant ou non été soumis au COSEPAC et qui chercherait à se servir de la loi pour élaborer un programme de rétablissement ou pour toute autre chose, ne parviendrait à rien. Elle aurait à consulter trois ministres fédéraux différents. Ensuite, il y aurait le processus de consultation interjuridictionnelle. Cela fait partie du projet de loi afin de freiner les ardeurs d'un groupe, de l'empêcher d'arriver à des résultats, peu importe qu'il soit bien intentionné, bien organisé, bien reconnu et fonctionnel.

Du point de vue du public, ce projet de loi est un piège et le public n'apprécie guère. Je recommande fortement à votre comité de se débarrasser du projet de loi et d'en appeler au public.

Je suis bien conscient, comme l'a souligné votre président, qu'il ne s'agit pas d'un organisme du Congrès comme c'est le cas aux États-Unis ni même d'un comité de la Bundestag, mais il est temps de procéder à une certaine réforme parlementaire. Dans le cas de votre comité, plus que dans le cas d'autres comités, et pour les questions d'environnement et de durabilité, je crois que vous auriez un accueil très favorable de la part du public. Le public vous remercierait si vous alliez de l'avant pour dire que le COSEPAC devrait relever du Bureau du vérificateur général, qui aurait des pouvoirs de vérification, et si le Parlement adoptait des budgets à cette fin et si, dans le cadre de chaque Parlement, le comité adopterait des plans de redressement et ainsi de suite. C'est ce que le public veut que le Parlement fasse en son nom. J'en suis fermement convaincu.

Le président: Nous passons maintenant à monsieur Foy qui veut faire une brève intervention, puis nous reviendrons pour un rapide deuxième tour de table.

M. Joe Foy: En ce qui concerne l'exploitant de ranch qui veut vendre sa propriété et qui affirme qu'elle ne contient aucune espèce en voie de disparition, j'ai mentionné dans mon exposé les fondements de cette législation et je me suis demandé si nous croyons véritablement qu'il est moralement mauvais de participer à cette orgie de disparition des espèces. Je suis convaincu que les Canadiens le croient.

• 1115

Il y a en Colombie-Britannique un endroit qui s'appelle la vallée Elaho, où se trouve une forêt ancienne de même qu'une compagnie qui construit des routes qui pénètrent l'habitat du grizzli. Il n'est pas juste de s'en prendre aux représentants de cette compagnie qui disent tout faire dans les limites de la loi. Ce n'est pas juste non plus à l'endroit des personnes qui cherchent désespérément à maintenir le grizzli. Il serait infiniment plus juste et plus moral d'avoir une loi qui précise que l'on ne fait pas ce genre de choses pour nuire à cette population de grizzlis. Le petit segment de la société qui souhaite se comporter de manière antisociale et immorale se trouve donc hors la loi. Il devient bien visible.

Peut-être que votre projet de loi n'est pas parvenu à les arrêter, mais vous avez quand même réduit leur nombre. Les Canadiens peuvent les voir et peuvent contribuer à l'amélioration de la situation, à limiter les actions de ces personnes. À l'heure actuelle, nous perdons des habitats partout. Les personnes qui contribuent à cette perte d'habitat sont des membres estimés de notre société qui détruisent bien plus d'habitats par leurs décisions que ne le fait l'exploitant agricole. Comment parviendrons-nous à contenir ces actions sans législation?

Nous pensons que le problème est beaucoup moindre parce qu'il n'y a pas d'exemple à mettre de l'avant. De fait, notre problème est bien plus grave parce qu'il est caché. C'est le risque que comporte une législation faible.

Le président: Merci, monsieur Savoy.

J'aurais deux ou trois questions à poser à la fin du deuxième tour de table.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Merci, monsieur le président.

Un des problèmes que pose l'absence de modalités d'indemnisation dans le projet de loi est que vous dites au propriétaire foncier, faites-nous confiance, le gouvernement dit, faites-nous confiance. Selon moi, il y a un grave problème.

Monsieur Foy, vous apportez beaucoup d'éléments négatifs. Vous avez une vue très pessimiste de l'existence et je vous inviterais à venir dans mon comté où il y a une multitude de programmes bénévoles, comme Ducks Unlimited, toutes sortes d'activités positives où les propriétaires fonciers coopèrent et travaillent dur à préserver l'environnement et à protéger les espèces en voie de disparition.

Je suis fier de vous dire que pas plus tard qu'hier soir, le conseil municipal a décidé de commencer à utiliser de l'énergie éolienne pour alimenter la ville. Cela est très positif. Peut-être que je m'attarde uniquement aux choses positives, je ne sais pas. Peut-être ne vous intéressez-vous qu'aux aspects négatifs. Il y a de très bons exemples de bonne intendance de l'environnement. Donnons le crédit à toutes ces personnes. Arrêtons de dire que tout est mauvais et que toutes leurs activités sont destructrices, parce que ce n'est pas le cas.

De même, je crois que vous devez donner une réponse à la question de Mme Carroll au sujet des sondages. Est-ce que les gens sont vraiment sérieux et disent qu'ils sont prêts à aller vivre dans une caverne, comme cas extrême de toute cette affaire? Sont-ils prêts à abandonner? Attardons-nous à cette question du sondage, pas aujourd'hui, mais réfléchissons-y et écoutons la question qui a été posée.

Nous parlons de filets de sécurité, de l'aliénation possible des provinces, du gouvernement fédéral et des territoires et ainsi de suite. Nous parlons rarement des conflits qui pourraient surgir entre les Premières nations et le gouvernement à cause de la législation. C'est là que se trouve le problème et je vous en ferai une représentation graphique.

Supposons un agriculteur ou un exploitant agricole qui soit assujetti à ce texte de loi sur les espèces en voie de disparition. Et supposons maintenant qu'une Première nation décide, à cause de la loi traditionnelle et des droits issus de traités, qu'elle n'a pas à protéger cette espèce. Le conflit qui surgit est grave et il aura des répercussions graves. Comment y faisons-nous face?

M. Joe Foy: J'aimerais revenir à certaines de vos observations précédentes.

Je regrette de vous avoir donné une mauvaise impression. Je suis une personne très optimiste, et je le suis parce que je crois que le Canada est le meilleur endroit au monde où vivre et, particulièrement dans mon coin du Canada, si vous me le permettez.

M. Bob Mills: Vous avez là de bons arguments.

• 1120

M. Joe Foy: Je crois aussi que notre avenir est extraordinaire parce que nous avons un bon niveau de vie, un très fort niveau d'éducation et que nous comprenons bien pourquoi notre pays est l'une des meilleurs endroits où vivre au monde.

En conséquence, nous devons nous demander pourquoi notre pays est le meilleur. Selon moi, c'est parce que chaque Canadien s'assure de transmettre, jusqu'à un certain point, ce bagage à ses enfants.

Que sommes-nous prêts à accepter? Je ne suis pas prêt à vivre avec des ruisseaux pollués. Je ne suis pas prêt à vivre dans l'obligation de ressortir les vieux albums de famille pour expliquer à mes enfants ce que c'était que de pêcher le saumon. Je ne suis pas prêt à raconter à mes petits-enfants ce que c'était que d'avoir les cheveux qui vous dressent sur la tête à la vue d'une empreinte de grizzlis sur le sable. Je ne suis pas prêt à faire cela et je n'ai pas à le faire, et je n'ai pas à vivre dans une caverne pour le faire. Je suis instruit et j'ai passé toute ma vie dans ce pays, et je sais que je n'ai pas à vivre dans une caverne pour avoir tout cela. Je rejette cette idée, et je suis convaincu que vous la rejetez également.

Dans le cas des Premières nations, il faut aller de l'avant, dans un esprit de respect mutuel. Qu'il s'agisse des Premières nations ou des provinces, je crois que le Canada doit faire l'une des deux choses suivantes: soit il dit à ses citoyens et au monde entier qu'il continue à signer les traités de protection de l'environnement global parce que, en tant que gouvernement fédéral, il a la capacité de donner suite à ses promesses, soit il dit au monde entier qu'il ne peut s'acquitter de ses responsabilités.

Mme Kate Smallwood: La demande a été formulée plus tôt par Mme Carroll et aussi par vous-même, monsieur Mills: Quels seraient les coûts. On me dit que 94 p. 100 des Canadiens veulent une législation convaincante sur la protection des espèces en voie de disparition, mais quand vient le temps de payer, où en sont-ils?

Rick, je crois que vous avez d'autres chiffres à ce sujet.

Les résultats d'un sondage mené le 26 janvier de cette année, sont une indication, comme nous l'avons dit, que les Canadiens sont vraiment à l'écoute. La question est si importante pour eux qu'ils sont prêts à payer de leur poche.

Pour ce qui est des terres privées, on a demandé aux résidents ruraux quelle portion de leurs terres ils seraient disposés à laisser à l'état naturel si cela était nécessaire pour soutenir la faune menacée de disparition. Le tiers des répondants ont dit qu'ils seraient disposés à y consacrer toute la superficie nécessaire, ce qui est incroyable. Parmi ceux qui ont avancé un pourcentage, 67 p. 100 ont dit qu'ils seraient disposés à laisser 35 p. 100 de leur terre à l'état naturel.

Pour ce qui est des répercussions sur l'économie, voilà une question qui fait l'objet de sondages constants en Colombie britannique, et je serais heureux de vous envoyer les derniers résultats. On a demandé aux Canadiens de se prononcer sur les limites qu'impose cette loi aux industries forestières et minières, parce que cela pourrait affecter l'économie. On a demandé aux répondants de dire dans quelle mesure ils appuyaient une Loi de la protection des espèces en voie de disparition, même si cette loi limitait les activités forestières et minières.

Quelque 86 p. 100 des répondants se disent très favorables à la possibilité qu'une loi ait des répercussions sur le secteur des ressources. Chose intéressante, il n'y avait pas d'écart significatif dans le soutien entre les régions ni entre les résidents ruraux et urbains. Les sondages menés en Colombie-Britannique au cours des dix dernières années—et je ne puis me prononcer sur les sondages menés au cours de la même période ailleurs au Canada—indiquent de manière constante que les Britanno-Colombiens apprécient le milieu naturel. S'il y a un coût à payer pour protéger l'environnement naturel, ils sont disposés à le payer. J'espère que cela répond à votre question.

Le président: Je vous rappelle que la semaine dernière, lorsque le président de la International Woodworkers of America a témoigné devant notre comité, il nous a livré un message très différent concernant le projet de loi que ce comité devrait adopter. Je doute fort que les résultats du sondage que vous avez mentionné auraient été les mêmes si on s'était adressé aux membres de l'IWA. Nous avons donc là deux sons de cloche différents.

Madame Kraft Sloan, je vous prie.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Sans doute, vos remarques suscitaient-elles la controverse, monsieur Foy, parce qu'elles comportent bien des éléments.

• 1125

Je ne crois pas que l'on puisse ignorer le sort des espèces en voie de disparition au Canada, et pourtant c'est ce qui se produit. En ce qui me concerne, le projet de loi s'écarte de la réalité d'une manière incroyable et il faudra beaucoup de travail et beaucoup de modifications pour le rendre à peine acceptable.

La chose qui me trouble le plus depuis le début est le renvoi constant à la Endangered Species Act des États-Unis. Il y a toute une mythologie qui entoure cette loi. Nous avons entendu, surtout la dernière fois, quatre témoins nous dire comment des collectivités ont été fermées en raison de cette loi, qui met un terme à des projets et ainsi de suite.

Dans les faits, il est plus probable qu'un chantier soit interrompu aux États-Unis à cause de l'écrasement d'un avion qu'à cause de l'application de la Endangered Species Act. Ainsi, si vous voulez vous arrêter à la réalité, je crois qu'il faut bien comprendre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas.

Un autre mythe qui se perpétue est la notion de «pas vu, pas pris, pas coupable». J'ai demandé à presque tous les témoins qui ont comparu devant notre comité de me fournir des documents, plus particulièrement à votre homonyme, M. Smith, des États-Unis, qui soutient que ce syndrome est omniprésent aux États-Unis. Pourtant, je n'ai toujours reçu aucun document qui ait fait l'objet d'un examen par des pairs et qui puisse le justifier.

Je me demande si vous pouvez nous fournir des renseignements sur cette attitude de pas vu, pas pris, pas coupable, parce que je soutiens que les dispositions du projet de loi à l'étude sont fondées également sur ce même syndrome.

Mme Kate Smallwood: Je me ferai un plaisir de répondre à votre question.

Cela fait l'objet d'une discussion constante non seulement de la part de la collectivité des exploitants agricoles, mais plus particulièrement de certains secteurs de l'industrie forestière. Je tiens à préciser que les gens de l'industrie forestière ne sont pas tous des vilains. Il y a une volonté de progresser par l'entremise de l'Association canadienne des pâtes et papier, par exemple. Nous leur avons posé la même question, nous leur avons demandé de nous fournir des documents à l'appui de cette position. Tout ce que j'ai pu trouver, et croyez-moi j'ai fait des recherches approfondies sur la question, indique tout le contraire.

Selon un rapport du General Accounting Office du Congrès des États-Unis sur une expérience menée sur une période de cinq ans en vertu de la Endangered Species Act des États-Unis, quelque 99.9 p. 100 des propositions présentées en vertu de la loi sont acceptées. Est-ce que cela freine le développement? Non.

Je suis sûre que vous avez entendu dans le cadre du témoignage de représentants de l'IWA que cela aura un effet désastreux sur les collectivités. Je le répète, fournissez-nous les données de la recherche économique pour le justifier. Un rapport de consensus de M. Tom Powers, et signé par 66 économistes de la région nord-ouest du Pacifique affirme le contraire.

De même, M. Alan Durning, dans son ouvrage intitulé Green-Collar Jobs, affirmait que, sur la base de recherches approfondies, le déclin de l'industrie de sciage dans le Pacific Northwest n'avait pas grand-chose à voir avec la réglementation sur l'environnement. Il s'agit d'un changement qui s'est produit dans le secteur des ressources dans l'Ouest sur un certain nombre d'années et qui commence à toucher la Colombie-Britannique.

C'est pourquoi je peux vous dire qu'à la lumière de la recherche que nous avons effectuée, nous avons constaté tout le contraire de cette attitude de pas vu, pas pris, pas coupable—et que cela ne nuit pas au développement. J'ai posé la question suivante: «J'aimerais répondre à vos travaux de recherche. Où sont-ils?» Depuis que j'ai commencé à travailler sur ce dossier, en 1996, je n'ai rien vu dans les travaux de recherche ayant fait l'objet d'un examen par des pairs qui justifie cette position.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Nous espérons accueillir sous peu un témoin d'outre-frontière ayant l'expérience de cette législation.

Madame Kraft Sloan, avez-vous une autre question?

Mme Karen Kraft Sloan: Je ne voudrais pas laisser l'impression que je suis trop frustrée, monsieur le président.

Le président: Bien.

J'ai trois questions pratiques à vous soumettre. Vous devez garder à l'esprit que notre comité est chargé d'étudier un projet de loi qui correspond probablement à un compromis entre plusieurs intérêts conflictuels. Ces intérêts représentent une diversité de secteurs—commercial, industriel, scientifique, environnemental, de même que les citoyens en général.

Dans sa sagesse, le gouvernement cherche à adopter une loi qui tienne compte de la non-convergence de ces intérêts afin qu'ils convergent, à un moment donné, dans un futur plutôt rapproché.

• 1130

Peu importe qu'il s'agisse d'une approche souhaitable ou d'une approche sage. Le gouvernement a décidé d'accommoder ces divers courants d'intérêt, et notre comité sera en mesure de fonctionner dans les limites de ce projet de loi, comme vous le savez, M. Fulton, selon les règles de la Chambre. Ce qui peut être fait dans les limites ainsi posées, nous le découvrirons lors de l'étude article par article.

Cela étant dit, vous devriez savoir que suite aux divers témoignages livrés à notre comité la semaine dernière, il y a eu une longue discussion sur la protection obligatoire des habitats et sur le fait que dans quatre provinces, il y a un secteur agricole important et une législation visant la protection obligatoire des habitants. Quand nous avons demandé à ces témoins si cela avait entraîné des difficultés pour les éleveurs ou les agriculteurs, ils n'ont pu répondre, parce qu'ils n'étaient pas au courant de l'existence de lois de ce type dans les quatre provinces, c'est-à-dire au Manitoba, en Ontario, en Alberta et au Québec.

La question à laquelle il serait utile d'avoir une réponse aujourd'hui est la suivante: la protection automatique et obligatoire de l'habitat au moment de l'établissement d'une liste n'est pas faisable parce qu'il faut trop de temps pour déterminer ce qu'est l'habitat essentiel d'une espèce. Pourriez-vous commenter cette observation particulière?

M. Jim Fulton: Je crois, monsieur le président, qu'il y a d'autres personnes autour de cette table qui en savent bien davantage que moi. Il me semble que lorsque le COSEPAC et d'autres organismes auront fait leur examen de certaines espèces, il ne restera que 1 000 sujets qui sont déjà rares en Colombie-Britannique, qui auront disparu, qui sont menacées, et ainsi de suite. Cette évolution à rebours du nombre d'organismes est un phénomène réel, mais on devait établir le processus dont j'ai parlé plus tôt, qui me paraît être une meilleure façon de répertorier les espèces, et c'est ce que le Canada s'est engagé à faire en 1992... Le Service canadien de la faune vient tout juste de produire une première liste, et pourtant, dans certains cas, les responsables ont été en mesure d'examiner à peine deux pour cent des organismes vivant au Canada.

Il ne semble pas que nous ayons une très bonne idée de ce qui existe, mais il me semble que si nous simplifions la procédure d'établissement d'une liste et de la fonction de vérification, il devrait y avoir, au moment de l'établissement de la liste obligatoire suffisamment de renseignements disponibles sur les exigences minimums de l'habitat pour les organismes restants.

Selon moi, ce serait une grave erreur que d'adopter une législation qui ne prévoit pas des mesures de protection obligatoire de l'habitat au moment de l'établissement d'une liste. Selon moi, il faut s'attarder davantage aux choses à faire avant l'établissement de la liste. De fait, comme je l'ai dit plus tôt, et c'est une opinion bien ancrée chez David Suzuki, le Parlement, les provinces et les territoires ne se sont pas attardés suffisamment à ce problème, c'est-à-dire à la façon d'éviter d'en arriver à la disparition d'une espèce et d'éviter une évolution aussi rapide pour une espèce en péril.

C'est à ce chapitre qu'il faut réfléchir davantage à ce qu'il faudra faire. Tout passe par l'établissement d'un bon répertoire et l'acquisition de connaissances solides sur les espèces connues. Cette approche permettra de faire tout ce que M. Milk et d'autres estiment être une partie de la solution, c'est-à-dire informer le public qu'une espèce en particulier peut être en péril et qu'elle est exposée à telle ou telle menace. À ce moment, le public aura un rôle plus grand et plus pertinent à jouer.

• 1135

Comme Joe et d'autres intervenants l'ont fait remarquer, le public doit savoir qu'à un moment donné il y a des limites. Autrement, il y aura des campagnes de commercialisation, il y aura des réactions plus violentes de la part du public au fur et à mesure que les Canadiens prendront connaissance du taux d'extinction et de disparition des espèces au Canada. Depuis la signature, le COSEPAC a ajouté 149 espèces à sa liste. Nous avons été le premier pays industrialisé—vous étiez là, monsieur le président—à signer et à ratifier la Convention sur la biodiversité. Et où en sommes-nous aujourd'hui?

Le président: Nous l'avons signée, mais nous ne l'avons pas ratifiée.

M. Jim Fulton: Oui, nous l'avons ratifiée par après.

Le président: Ce que vous venez de dire est très utile. On pourrait rajouter ceci à la question de M. Fulton: Plusieurs témoins nous ont dit la semaine dernière que la protection obligatoire de l'habitat entraîne des difficultés économiques considérables pour ceux et celles qui vivent sur le pays et c'est la raison pour laquelle il devrait y avoir des indemnisations. Pourriez-vous nous dire si les provinces qui ont les dispositions de protection obligatoire de l'habitat prévoient une indemnisation et si nous devrions supposer que la protection automatique obligatoire de l'habitat entraîne des restrictions importantes pour ce qui est de l'utilisation des ressources du pays?

M. Jim Fulton: Je n'ai pas la réponse et que je crois que vous devrez vous tourner du côté de vos excellents recherchistes pour la trouver.

M. David Coon: Puis-je dire quelque chose au sujet de cet habitat essentiel, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. David Coon: Je crois qu'il est important de prendre note officiellement que l'habitat essentiel de plusieurs espèces évolue au fil des saisons et change aux diverses étapes de la vie des espèces. Dans plusieurs cas, il s'agit d'une situation complexe. Par exemple, ce qui est considéré comme un habitat essentiel à l'automne ne sera pas aussi essentiel en été. Il est important d'en tenir compte dans notre réflexion. Le fait est que nous savons fort peu de choses sur ce qui constitue l'habitat essentiel selon les saisons ou pendant la vie de très nombreuses espèces. Dans le cas de nos pêches, et des poissons qui ont fait l'objet d'une pêche commerciale depuis très longtemps, nous ne savons pas, dans la plupart des cas, ce que sont leurs habitats essentiels, où ils se trouvent selon les saisons ou durant leur vie. En tant que biologiste, j'ai eu un choc lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la crise des pêches en découvrant qu'il n'y avait aucune information, dans plusieurs cas.

Ainsi, le problème est différent et remet en question les ressources que nous consacrons à notre recherche d'intérêt public par l'entremise des gouvernements, afin d'y répondre. Je ne crois pas que les ressources soient suffisantes.

M. Richard Smith: Votre objection me paraît bien fondée. On semble s'imaginer que la protection de l'habitat essentiel ne peut se faire en érigeant une clôture autour d'une région afin d'empêcher quiconque d'y pénétrer alors que dans certains cas, par exemple dans les cas de la baleine noire de la baie de Fundy, les mesures peuvent être saisonnières, par exemple la fermeture de certains secteurs ou le détournement de la navigation. Dans le cas de ces magnifiques petits lézards, les scinques, qui vivent en Ontario et qui ont fait l'objet d'un braconnage intense pour le commerce des animaux de compagnie exotiques, même dans le Parc national Pointe Pelée, la protection de l'habitat essentiel peut consister à interdire la récolte de ces animaux pendant la saison d'accouplement.

On présente souvent la protection de l'habitat essentiel comme une question où tout est noir et blanc. Bien franchement, vous avouerez qu'il n'y a aucun fondement biologique à cela.

Le président: Merci.

Oui, monsieur Foy.

M. Joe Foy: Permettez-moi de commenter brièvement une situation que j'ai observée. L'idée qu'il est moralement et autrement mauvais de pousser les espèces à l'extinction est profondément ancrée dans l'esprit des Canadiens. Il suffit de prendre connaissance des archives d'annonces et d'articles de l'industrie forestière, des informations de l'industrie de la pêche, des affirmations de l'industrie de l'élevage, des affirmations d'individus. On m'a élevé à croire, à l'époque où les terres étaient abondantes et où il n'y avait pas beaucoup de développement industriel, que tout ce que nous prenions était remplacé. Que ce soit en matière de pêche, de foresterie, de mines ou d'élevage, l'homme prenait, mais les choses étaient remplacées. Bien entendu, toutes ces belles choses demeureraient à jamais.

• 1140

Vous pouvez retourner des décennies en arrière et entendre ce que l'on me disait à moi et à tous les autres Canadiens. Je suis un peu agacé aujourd'hui de constater que le pays n'est pas aussi grand, qu'il y a autant de routes, que les machines soient si grosses. Aujourd'hui, on nous dit: un instant, si vous ne voulez pas la destruction de ces choses, vous devez nous payer. Il y a eu promesse et on nous a promis, il y a très longtemps, que l'on rétablissait les choses.

Je ne voudrais pas oublier cette promesse parce qu'elle vient de chacun de nous et qu'en bout de ligne, nous devons nous interroger en tant qu'individus et chefs de compagnies ou propriétaires d'exploitations d'élevage: sommes-nous disposés à assassiner des espèces en faisant disparaître leur habitat?

Mme Kate Smallwood: Monsieur le président, vous avez mis l'accent sur la question de la protection obligatoire de l'habitat au stade de l'établissement de la liste et j'aimerais commenter brièvement. Du point de vue de la coalition, il s'agit d'une toute première option. C'est bien ce que nous aimerions voir. Toutefois, les dispositions actuelles du projet de loi prévoient un mécanisme à deux volets. Il y a la protection de l'habitat des espèces sur les terres fédérales et, le reste est facultatif. Rien d'autre ne peut être fait concernant la protection de l'habitat avant le stade du rétablissement.

Il n'est pas obligatoire d'identifier l'habitat avant le stade du rétablissement, une chose que nous aimerions voir. Il n'y a pas de période prescrite pour des plans d'action, qui font partie du processus de rétablissement, une autre chose que nous aimerions voir. Une fois que l'habitat a été identifié, il n'est pas obligatoire de le protéger. Nous aimerions que ces trois changements soient apportés dans le cadre du processus de rétablissement.

Comme l'ont souligné des groupes comme le Groupe de travail sur les espèces en péril, qui comprend des représentants de l'industrie, à l'heure actuelle nous traitons de la protection de l'habitat sur des terres fédérales et rien n'est fait avant qu'il ne s'écoule un an, deux ans et même trois ans. Pire encore, cela n'est même pas assuré au stade du rétablissement.

Si votre comité décide de retenir l'approche à deux volets pour la protection de l'habitat, nous vous demandons de prévoir une forme de protection intérimaire de l'habitat, comme l'a fait le groupe de travail, parce que, autrement, vous n'aborderez pas le problème de la protection des espèces et le délai de deux ou trois ans que cela pourrait entraîner compromet sérieusement l'habitat des espèces.

Le président: Oui. Merci. L'approche intérimaire en intéresse plusieurs parmi nous et nous aimerions certes recevoir des conseils à ce sujet.

L'autre argument qui nous a été fourni la semaine dernière par des témoins est que la gérance volontaire suffirait et qu'il n'est pas nécessaire de légiférer en la matière. Quelle est votre réponse à cet argument?

Mme Kate Smallwood: On a fait un sondage sur les facteurs jugés importants pour motiver les organisations canadiennes à prendre des mesures pour régler des questions environnementales. Ce sondage a été réalisé par KPMG, en 1994, auprès d'institutions financières et des secteurs manufacturiers, des ressources naturelles, du commerce de détail et des services. Les résultats indiquent que le facteur de motivation principal pour que les gens prennent des mesures est la conformité à la réglementation—92 p. 100 dans l'ensemble. Pour ce qui est des programmes gouvernementaux volontaires, l'approche «Faites-nous confiance, nous nous en occupons» n'a été retenue que par 16 p. 100 des répondants.

Ce que nous cherchons tous à dire est qu'une fois que le règlement et la loi seront en place, il y aura des limites. Les gens sauront ce que l'on attend d'eux, quand et comment ils doivent agir. Quand ces éléments seront en place, on respectera les questions environnementales.

Assurément, nous estimons que si tout est laissé à la bonne volonté des intervenants, il est possible que l'on puisse protéger l'habitat, mais pas au niveau requis. Comme Joe l'a dit, une fois que les limites sont fixées, il devient beaucoup plus facile de les faire respecter.

Le président: Je vous remercie de rafraîchir notre mémoire collective au sujet de cette étude. Nous nous en sommes servis lors de l'examen du projet de loi C-32.

Mme Karen Kraft Sloan: Avec beaucoup de brio, dois-je ajouter.

• 1145

Le président: M. Savoy, vous avez le dernier mot.

M. Andy Savoy: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le sondage dont vous venez de parler est intéressant. Si on avait demandé aux répondants si leur entreprise est favorable à la bonne intendance de l'environnement, quels auraient été les résultats, selon vous?

Mme Kate Smallwood: Si vous demandiez à n'importe quelle compagnie du Canada, aujourd'hui même, si elle est favorable à la bonne intendance de l'environnement, la réponse serait oui.

M. Andy Savoy: Et si vous demandiez aux citoyens s'ils sont favorables à une législation environnementale pour la protection des espèces en péril, ils répondraient oui également.

Mme Kate Smallwood: Exact. Tous sont favorables à la bonne intendance de l'environnement et à toute mesure qui incitera à agir en ce sens.

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Savoy, le sondage montre ce qui inciterait les gens à agir. Pour 99 p. 100 des répondants, il faut qu'il y ait une loi ou un règlement. C'est l'incitatif principal pour que ces secteurs agissent.

M. Andy Savoy: Je comprends très bien cela. Mais si vous aviez posé une question plus générale, par exemple votre compagnie est-elle favorable à la bonne intendance de l'environnement, on aurait répondu oui.

Pour en revenir aux résultats de 94 p. 100 de votre sondage initial, c'est comme si vous demandiez à un citoyen s'il est favorable à une loi de protection des espèces en péril; il répondra oui. Mais si vous lui demandez s'il est prêt à soutenir les espèces en péril à ce prix, la réponse pourrait être différente. Je veux simplement vous faire remarquer que les sondages peuvent avoir des résultats divers selon les questions qui sont posées.

Mme Kate Smallwood: Les résultats peuvent certes varier. Je crois que votre comité trouverait utile d'obtenir les résultats de sondages récents menés en Colombie-Britannique et qui se sont intéressés à plusieurs des questions économiques plus lourdes auxquelles vous faites référence.

Quand il est question de chiffres, et quand il est question des répercussions pour un secteur de ressources de la Colombie-Britannique, comme l'industrie du sciage, si on pose la question: seriez-vous disposé à réduire cette industrie, la réponse est oui. Ainsi, au cours des 10 dernières années, les sondages menés en Colombie-Britannique montrent que si vous posez les questions qui vont au-delà de la question primaire «Êtes-vous favorable», les gens le sont, même s'il y a des coûts économiques.

M. Andy Savoy: Pour en revenir au débat sur la législation actuelle, et si l'on fait exception de M. Foy et de M. Fulton, les trois autres groupes—en commençant avec M. Smith, puis M. Coon et Mme Smallwood—seraient-ils favorables à l'approche selon laquelle soit nous éliminons le projet de loi, soit nous le modifions?

M. Richard Smith: J'ai parlé aujourd'hui de questions de première nécessité, en autant que je sache. Je serais ravi que l'on apporte les modifications nécessaires au projet de loi afin que l'on puisse dire, lors de la proclamation de la loi par le Parlement, qu'elle permettra de corriger la situation et de dire que vous avez raison.

Pour tout dire, compte tenu de la combinaison d'une liste discrétionnaire, de la protection discrétionnaire de l'habitat, de définitions imprécises et de la formulation floue du projet de loi, par exemple «doit», remplacé par «peut», je ne vois pas comment le Parlement et le gouvernement du Canada pourront adopter une loi semblable et affirmer qu'elle permettra de protéger les espèces en voie de disparition pendant des années. Les quelques petits éléments que nous avons présentés aujourd'hui témoignent véritablement d'une position de base pour nous. Nous serions dans l'impossibilité d'appuyer le projet de loi si cet élément ne s'y trouvait pas.

M. Andy Savoy: Monsieur Coon.

M. David Coon: Modifiez-le.

M. Andy Savoy: Ou éliminez-le.

M. David Coon: Non, nous disons de le modifier et vous avez la capacité de faire les recommandations nécessaires à cette fin. Il suffit de le changer. C'est très simple.

Nous avons besoin de cette loi au Nouveau-Brunswick parce qu'elle donne une orientation à la législation provinciale. Pour que la législation du Nouveau-Brunswick soit plus efficace pour la protection de l'habitat, et elle prévoit déjà des dispositions à cette fin, il faut que le projet de loi que vous étudiez définisse ce qu'est l'habitat.

Je vous dis donc de le modifier, cela est nécessaire. Faites votre travail.

M. Andy Savoy: D'accord.

Madame Smallwood.

Mme Kate Smallwood: Je trouve remarquable qu'aucune organisation environnementale canadienne n'appuie ce projet de loi dans sa forme actuelle. Le mouvement est très diversifié et il reflète la biodiversité naturelle du Canada. Par conséquent, il nous est impossible de vous apporter un message plus clair de la part de nos membres: ce projet de loi ne devrait pas exister dans sa forme courante. Comme l'ont dit David et Rick, modifiez-le, améliorez-le. Nous avons l'occasion sans précédent de nous rendre à Rio +10 l'an prochain et d'annoncer que nous avons un outil dont nous sommes fiers.

Comme Rick l'a souligné, en ce qui a trait aux secteurs de base dont nous avons parlé, qu'il a abordés et que j'ai abordés dans mon mémoire, et les questions de première importance que nous avons abordées aujourd'hui concernant la liste de protection de l'habitat et le niveau de discrétion, je souhaite qu'il y ait une plus grande responsabilisation publique et je veux m'assurer que les provinces aient suffisamment d'incitatifs pour bien faire leur travail.

En bout de ligne, nous aimerions pouvoir dire en même temps que le gouvernement libéral lors de la proclamation de la loi, «Vous avez fait un travail fantastique et nous en sommes fiers». Nous vous disons aujourd'hui que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne permettrait pas cela.

Vous avez l'occasion d'agir. L'héritage est là. Profitez de l'occasion.

M. Andy Savoy: Notre défi est de parvenir à rallier les deux partis sur la pelouse. Comprenez-vous cela?

• 1150

Mme Kate Smallwood: Ainsi que vous l'a dit M. Mills, et comme l'a dit M. Forseth, et comme l'affirment les autres participants autour de la table, l'appui général à ce projet de loi est plurisectoriel. Ce n'est pas une question propre au gouvernement libéral ni au Parti de l'Alliance, ni au Bloc...

M. Andy Savoy: Pas question.

Mme Kate Smallwood: Je n'ai pas rencontré M. Herron, mais j'ai lu ses commentaires concernant le comité.

L'occasion est donc belle pour tous les partis de produire un projet de loi dont tous les Canadiens pourraient être fiers. Nous voulons être présents avec vous lorsque vous ferez la proclamation d'un projet de loi dont nous serons fiers.

M. Andy Savoy: D'accord.

Le président: Monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: J'aimerais faire une brève remarque sur la question de l'intendance, particulièrement en ce qui a trait aux règles du jeu équitables du point de vue de plusieurs groupes d'intérêt et entreprises.

Le document que je laisserai au greffier à l'intention des membres de votre comité est un bon exemple. Une entente vient tout juste d'être négociée en Colombie-Britannique et les principes de gestion des écosystèmes qu'elle prévoit s'appliqueront à 70 p. 100 de la rive nord de l'île de Vancouver. Le problème relié à ce type de progrès est que si toutes les compagnies n'y participent pas et que les règles du jeu ne sont pas équitables, il devient très difficile pour Interfor et West Fraser et Western Forest Products d'adopter les règles du jeu, surtout si les camionneurs indépendants ne sont pas partie prenante ou si l'une des autres compagnies refuse de participer. C'est pourquoi le processus législatif...

Cette entente a été élaborée de manière volontaire avec les compagnies forestières, les syndicats, les collectivités, les Premières nations et elle donne des résultats. Nous savons aussi que le mécanisme législatif qui vise les espèce en voie de disparition, ce dont vous parlez ici aujourd'hui, est bien meilleur pour toutes les parties en cause. L'intendance telle que la pratiquent les groupes d'intérêt comme Ducks Unlimited, des coalitions de compagnie et ainsi de suite, est une chose merveilleuse, mais vous ne pourrez faire en sorte que tous agissent dans la bonne direction aussi rapidement, selon des règles du jeu équitables, comme l'a souligné Kate, à la lumière des résultats du sondage, à moins de disposer d'un cadre réglementaire.

C'est la raison pour laquelle nous avons un Parlement. Il est là pour faire un travail afin que tous sachent qu'il y a des limites. Pour y parvenir, il a fallu qu'environ 20 organisations environnementales de la Colombie-Britannique consacrent dix années d'efforts parce que le gouvernement ne voulait pas le faire. Les compagnies forestières ont participé de bon gré et ont adopté le projet de bon gré parce qu'il est meilleur que le cadre législatif.

M. Andy Savoy: Merci.

Le président: Madame Kraft Sloan, vous avez le dernier mot.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

En ce qui a trait à ces sondages, permettez-moi d'abord de préciser qu'ils font une distinction très nette entre les divers éléments de la loi et qu'ils demandent aux répondants s'ils appuient différentes choses—par exemple, une liste scientifique, la protection obligatoire de l'habitat, etc. Il ne s'agit pas d'éléments flous. Le sondage est très clair sur ces questions.

J'aimerais aussi vous demander qui est le public? Si vous recevez un coup de téléphone le soir et que vous êtes par exemple un PDG, dites-vous «Désolé, mais je fais partie du public, donc je me dissocie du sondage»? Il y a des propriétaires de commerce, grands et petits, il y a des travailleurs, des membres de syndicat, grands et petits, il y a des propriétaires fonciers privés et, comme on l'a déjà souligné, il n'existe pas tellement de différence entre les Canadiens vivant en milieu rural et urbain. Je crois qu'il est très important de s'en souvenir.

Une bonne partie du débat porte sur ce que les Canadiens veulent faire, mais il faut aussi parler de ce que les Canadiens font en réalité. Il faut s'attarder à l'étude de KPMG—elle a été préparée par KPMG, une organisation commerciale de très bonne réputation—qui s'est intéressée au nombre de compagnies qui disposaient de plans de gestion de l'environnement. Les chiffres variaient de zéro à cinq ou sept pour cent, secteur par secteur. Dans certains secteurs, c'était un gros zéro et dans certains autres, il y avait jusqu'à cinq pour cent des entreprises qui disposaient de plans de gestion environnementaux rudimentaires.

Quand une compagnie dit «Oui, je crois que cela est valable et nous aimerions nous occuper d'intendance en matière d'environnement», et que vous regardez ce qui se fait en réalité, vous constatez qu'il ne se passe rien. Comme l'a dit Monte Hummel, il nous faut un bâton souple. C'est le rôle du gouvernement de réglementer et d'adopter des lois qui donnent des résultats.

Le président: Merci.

Mme Smallwood, MM. Fulton, Foy, Coon et Smith, je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.

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