Passer au contenu
;

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 décembre 2001

• 0905

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre, Rosedale, Lib.)): Chers collègues, bonjour. Ce matin nous entendrons des fonctionnaires sur les conséquences de la conférence de Doha au Qatar.

Dites-nous simplement si les États-Unis vont enfin se décider. Sinon, il n'y a plus qu'à rentrer chez nous.

Monsieur Stephenson. Joli bronzage, si vous me le permettez. Je suis sûr que je vous ai vu à la plage de Doha.

M. Don Stephenson (directeur général de la Politique commerciale II, Services, Investissement et Propriété intellectuelle, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Monsieur le président, j'ai pensé qu'il serait utile de vous faire un exposé général sur les résultats de Doha.

Ma collègue, Suzanne Vinet, qui est la négociatrice principale pour les négociations agricoles à l'OMC, pourra vous dire quelques mots sur les négociations agricoles et les résultats. À la conférence de Doha, l'agriculture avait la priorité pour le Canada.

Enfin, je suis entouré de toute une bande, de toute une équipe. En cas de vote, j'ai pensé bon de me faire accompagner par quelques amis. Johanne Forest travaille au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international comme conseillère en politique d'environnement. Tim Miller travaille pour l'Agence canadienne de développement international. Le développement a joué un rôle très important au niveau des résultats de Doha. Darwin Satherstrom travaille au ministère des Finances et est responsable du commerce des marchandises. Cathy Dickson est directrice au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et responsable entre autres choses des questions de propriété intellectuelle. Elle pourra vous entretenir sur les questions relatives à l'ADPIC et la santé.

[Français]

Je vais essayer de travailler surtout dans ma langue maternelle, c'est-à-dire l'anglais. J'ai fait le saut au Commerce international il y a seulement un an, après une carrière en politiques culturelles. Alors, c'est déjà une langue étrangère pour moi. Je serai très heureux de vous répondre dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

Pour l'essentiel, il y a eu trois causes à la bataille d'il y a deux ans à Seattle. La première était le manque d'appui des pays en voie de développement pour un élargissement des négociations ou pour le lancement de nouvelles négociations dans le cadre de l'OMC. Ils n'étaient pas satisfaits des résultats de la dernière série de négociations, celles d'Uruguay, et ils voulaient discuter de questions concernant les accords actuels plutôt que d'en négocier de nouveaux.

La deuxième était qu'il n'y avait pas de consensus au sein des pays industrialisés sur le contenu du programme de négociation. En particulier, un consensus États-Unis-Union européenne n'était pas évident, et c'est là que le consensus entre les pays industrialisés doit commencer parce que sont eux les éléphants, comme ils le disent, en matière de commerce.

La troisième était le manque de leadership américain au niveau du programme. Les États-Unis sont arrivés à Seattle avec un programme plus interne qu'autre chose. Quoi qu'il en soit, ils n'ont pas manifesté le genre de leadership qu'on attend des États-Unis pour faire avancer les travaux de l'OMC.

Je suppose qu'on pourrait dire que les enseignements tirés de Seattle sont, tout d'abord, la nécessité de régler les problèmes des pays en voie de développement. Les pays en voie de développement représentent les trois quarts des membres de l'OMC et c'est une organisation fondée sur le consensus. Si vous n'avez pas le soutien de ces pays, il est impossible d'avancer.

Cette fois-ci, pour Doha, le processus a été conçu de manière à ce que la participation des pays en voie de développement soit assurée. Le processus relatif à la participation des pays en voie de développement était tout à fait inclusif et transparent et les questions soulevées par ces pays figuraient de manière prééminente dans la déclaration préliminaire et ont fait l'objet de débats pendant la conférence. À la fin de la conférence et avant la conférence de Doha, les pays en voie de développement ont félicité les autres membres de l'ouverture et de la transparence du processus.

• 0910

Pour ce qui est du consensus entre les pays industrialisés, ou en fait entre tous les membres, cette fois-ci des discussions au niveau politique avaient eu lieu avant de lancer la réunion ministérielle. C'étaient des mini-réunions ministérielles où la représentation nord-sud et est-ouest avait été soigneusement équilibrée. Elles s'étaient déroulées à Mexico et à Singapour. Cela a donné aux ministres la possibilité de se concentrer sur les questions importantes, les questions problématiques devant être étudiées à Doha.

Enfin, pour ce qui est du leadership américain, je dirais que six mois avant la conférence de Doha, il n'était pas du tout clair que les États-Unis étaient prêts à se lancer dans de nouvelles négociations. Cependant, au cours des six derniers mois ils ont manifesté un engagement extraordinaire. Et à la conférence de Doha je dirais qu'une des caractéristiques frappantes de la réunion a été en fait le leadership américain. Ils ont indiqué dès le début des délibérations qu'ils étaient disposés à faire preuve de souplesse sur certaines questions difficiles, y compris les questions d'antidumping, les ADPIC et la santé, et à adopter la dynamique nécessaire pour que la conférence soit un succès pour tous.

Je suppose qu'il serait juste d'ajouter que l'échec de Seattle et les événements du 11 septembre qui ont eu l'effet que nous savons sur une économie tournant déjà au ralenti ont également joué un rôle important au niveau de la recherche de consensus à Doha.

Pour ce qui est des résultats, le plus important, comme je l'ai dit tout à l'heure... Pour le Canada l'agriculture avait la priorité dans ces négociations. Ce que nous voulions, c'était un fort mandat de réforme du commerce agricole. Nous l'avons obtenu. La déclaration ministérielle prend des engagements dans les trois secteurs clés concernant le commerce agricole: les subventions à l'exportation, l'accès aux marchés et les subventions à la production interne. L'énoncé du mandat et le niveau d'ambition qu'il représente nous satisfont donc pleinement.

J'ajouterais en passant que le ministre, M. Vanclief, qui faisait partie de la délégation canadienne, a fait preuve de beaucoup de leadership dans les discussions agricoles comme membre modéré du groupe Cairns. Sa position était telle qu'il pouvait essayer de concilier les positions extrêmes, et je crois que le Canada a apporté une contribution importante.

Le deuxième résultat d'importance, je dirais, est que les règles sur l'antidumping et les droits compensateurs pour les subventions vont être négociés. C'est un résultat important pour le Canada. C'est aussi un résultat important pour les pays en voie de développement qui le considéraient comme une priorité absolue. Comme vous le savez peut-être—et c'est peut-être lié à d'autres dossiers importants du Canada sur le front du commerce, comme le bois d'oeuvre et d'autres produits de ce genre—, les règles d'antidumping peuvent être subjectives, peuvent être arbitraires. Ces négociations donnent l'espoir que nous serons peut-être en mesure d'avoir des règles plus strictes pour le recours à l'antidumping.

Pour ce qui est des tarifs douaniers non agricoles, les tarifs sur d'autres biens, nous avons également convenu de négocier. C'est une bonne chose car cela réduit les tarifs dans le monde entier sur les exportations de biens canadiens et cela ouvre le marché à nos produits. Nous allons également nous attaquer à des questions difficiles, aux questions qui intéressent tout particulièrement les pays en voie de développement concernant les tarifs douaniers, et par cela je veux dire que nous allons nous attaquer à ce qu'on appelle les crêtes tarifaires et la progressivité tarifaire. Ce sont nos tarifs les plus élevés pour nos secteurs les plus sensibles, comme le textile et l'agriculture. Ce sont des questions d'un intérêt extrême pour les pays en voie de développement car ils ont un avantage compétitif dans ces secteurs et veulent absolument accroître leur accès à nos marchés.

Le domaine suivant d'un intérêt particulier au niveau des résultats de Doha, selon moi, est la percée de l'environnement. La majorité des commentaires à Doha et entourant Doha se concentrent sur ce que nous n'avons pas fait pour l'environnement. Je crois que ces commentaires oublient que l'environnement a fait des progrès à l'OMC. Pour la première fois, il y aura des négociations sur l'environnement à l'OMC. Pour être précis, les ministres ont convenu d'une négociation sur le couplage entre les accords multilatéraux sur l'environnement et les règles de l'OMC.

• 0915

Également, les ministres ont convenu d'une négociation sur les biens et les services respectueux de l'environnement dans le contexte des questions relatives à l'accès aux marchés. Les ministres ont donné pour mandat au comité du commerce et de l'environnement de superviser toutes les négociations tout le long du processus et d'en faire rapport au conseil général et au comité des négociations commerciales.

Le préambule reconnaît l'importance du développement durable et la nécessité de travailler avec d'autres agences environnementales internationales pour poursuivre ce développement durable.

Enfin, il y a un programme de travail renforcé sur les questions difficiles relatives à l'environnement, y compris les règles entourant l'étiquetage.

L'autre question difficile non mentionnée dans le texte de Doha, mais qui inquiète également les groupes de travail, sera l'application du principe de précaution dans les mesures commerciales.

L'autre résultat d'importance que je signalerais n'est pas vraiment lié aux négociations elles-mêmes, mais c'est une question très sensible pour les pays en voie de développement. Il concerne l'accord sur la propriété intellectuelle, sur les ADPIC, l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, et la nécessité de déterminer si cet accord présente ou non des obstacles à l'obtention de médicaments bon marché pour les pays en voie de développement.

Je dirais que tout compte fait, le Canada n'était pas un des gros intervenants sur ce dossier, en tout cas pas sur le plan économique, mais nous avons joué un rôle important au niveau du compromis menant à Doha et utilisé à Doha. Pour une grande partie, le texte adopté dans la déclaration ministérielle sur les ADPIC et la santé avait été proposé par le Canada, mais en fin de compte cela s'est soldé par un compromis entre les États-Unis et le Brésil. Les États-Unis représentaient, en effet, les industries novatrices, les compagnies qui investissent dans la R-D pour fabriquer de nouveaux produits pharmaceutiques. Le Brésil et certains autres représentaient plus un intérêt dans l'industrie de la fabrication de médicaments génériques.

Pour ce qui est des autres résultats, je mentionnerais simplement et rapidement l'accord de négociations sur le fonctionnement du système de règlement des différends. Cela nous permettra d'améliorer l'efficacité du système, et cela nous donnera aussi une tribune pour promouvoir une plus grande transparence extérieure et l'accès du public aux discussions du système de règlement des différends.

Premièrement, il y a l'accord sur les questions d'application. Les questions d'application sont pour l'essentiel une liste de préoccupations des pays en voie de développement à l'égard des accords issus des négociations d'Uruguay. À Doha, nous nous sommes entendus sur la façon de traiter certaines de ces préoccupations.

Le résultat est en trois volets. Premièrement, les pays en voie de développement ont fait certaines concessions, par rapport aux périodes de transition, aux définitions et aux seuils, pour honorer leurs obligations issues des négociations d'Uruguay. Deuxièmement, certaines questions ont été introduites dans les négociations, des questions qui préoccupent les pays en voie de développement. Enfin, les questions non réglées ne figurant dans aucune des deux premières catégories seront soumises aux comités permanents existants de l'OMC qui en feront rapport au conseil général et au comité de négociations commerciales.

Nous nous sommes mis d'accord sur un calendrier pour les négociations du GATS. Cela donnera la dynamique nécessaire aux discussions sur les services. Les ministres ont réaffirmé le droit des membres à réglementer les services dans l'intérêt public. C'est un droit prévu par le GATS, mais les ministres l'ont réaffirmé dans la déclaration à cause des inquiétudes publiques sur la question du droit de réglementer.

Nous avons maintenant un programme de travail focalisé sur ce qu'on qualifie de questions de Singapour. Il s'agit de questions qui ont été soulevées pour la première fois dans la déclaration ministérielle de la réunion de Singapour. Elles concernent les investissements, la concurrence, la facilitation du commerce et la transparence des marchés publics. Nous avons convenu de travailler sur une décision pour la cinquième conférence ministérielle—c'est- à-dire la prochaine conférence ministérielle—dans environ deux ans, de négocier ces questions.

• 0920

Nous avons obtenu la reconnaissance de l'importance de la cohérence entre les agences internationales, et les agences de l'accord de Bretton Woods en particulier, pour travailler sur les dimensions sociales de la mondialisation, y compris les questions de main-d'oeuvre. Le Canada comptait sur une déclaration plus forte que celle qui a été formulée finalement sur l'importance de progresser en termes de questions sur la main-d'oeuvre, mais au moins il y a quelques références à ce sujet. Je ferais remarquer qu'à l'OMC, il y a toujours un accord stipulant la nécessité de travailler avec d'autres agences internationales responsables des questions de main-d'oeuvre, le Bureau international du Travail en particulier, pour faire progresser les normes dans ce secteur.

Nous avons obtenu un programme de travail sur le commerce électronique et un accord sur la poursuite du moratoire sur les droits de douanes sur les transactions commerciales électroniques, et nous avons désormais une série de nouveaux comités, de groupes de travail, sur les questions intéressant particulièrement les pays en voie de développement. Un exemple de telles questions est le commerce et l'endettement, les relations entre le commerce, les finances et l'endettement. Un autre est la relation entre le commerce et les transferts de technologie. Les pays en voie de développement ont exprimé une certaine déception quant au niveau des transferts de technologie vers leurs économies, en particulier en ce qui a trait à ce qui semblait avoir été promis dans les ADPIC, et qui jusqu'à présent ne s'est pas encore concrétisé, en tout cas pas à un niveau qui les satisfasse. Cette question fera donc l'objet d'une étude spéciale.

Il y aura une étude sur les préoccupations spéciales des petites économies qui parfois ressemblent à celles des pays les moins avancés, des pays les plus pauvres mais qui parfois ont également leurs propres dimensions. Et enfin il y a l'accord pour que le comité sur le commerce et le développement ait également la responsabilité horizontale pendant la durée des négociations de superviser toutes les questions qui intéressent les pays en voie de développement et la question même du développement.

Nous avons obtenu la reconnaissance de l'importance de la transparence externe dans la déclaration. J'ai fait remarquer un peu plus tôt que l'OMC avait fait des progrès extraordinaires en termes de transparence interne, la transparence du processus pour les pays en voie de développement, pour les plus petits pays qui sont les moins en mesure d'être représentés efficacement à Genève. Et ce processus, pendant la discussion de Doha, a offert de nombreuses opportunités. En fait, ils ont commencé à se plaindre qu'il y en avait trop pour les pays en voie de développement qu'il fallait consulter sur tous les aspects du programme.

Nous avons donc fait des progrès réels en termes de transparence interne. Quant à la transparence externe, il y a eu quelques progrès. Je signalerais en particulier les négociations agricoles et les négociations sur les services qui ont commencé l'année dernière: les propositions faites par les pays au cours de ces négociations sont maintenant immédiatement accessibles sur l'Internet. Cela n'a pas toujours été le cas et nous pouvons donc parler de véritables progrès.

En revanche, il reste encore des améliorations qui pourraient être apportées, en particulier au niveau du système de règlement des différends. Le Canada croit que si ce système était plus transparent, l'opinion publique exprimerait moins et non pas plus d'inquiétudes à propos de ces questions. Nous allons donc continuer de réclamer des efforts à ce niveau. Et je signalerais que les textes Harbinson, les ébauches de déclarations ministérielles, ne mettaient pas plus de 30 secondes après leur impression à Genève pour être connus de tous. Cela a peut-être fait comprendre au reste des membres que cela ne posait pas vraiment de problème. En fait, cela a fait beaucoup de bien et cela a aussi prouvé qu'il était plus facile d'être pardonné pour avoir rendu des documents publics que d'avoir l'autorisation de rendre des documents publics.

Enfin, monsieur le président, je dirai quelques mots sur les questions principales pour les étapes suivantes du programme de développement de Doha. Tout d'abord, il nous faut respecter un calendrier très ambitieux pour ces négociations. Vous avez peut- être entendu dire ou vous avez peut-être remarqué dans le texte que nous nous sommes engagés sur un calendrier de trois ans pour ces négociations. C'est extraordinairement ambitieux, et nous n'avons pas un instant à perdre si nous voulons, si c'est possible, respecter cet objectif.

Deuxièmement, je dirais qu'il y a un énorme défi de consultation des Canadiens concernant ces négociations. Nous sommes maintenant entrés dans de véritables négociations sur toute une série de questions, et les Canadiens devront être consultés sur le détail des positions du Canada dans chacun de ces domaines de la négociation.

• 0925

Le troisième défi, d'après moi, c'est de remplir les promesses que les pays industrialisés ont faites au monde en voie de développement. Dans la déclaration signée à Doha, nous faisons un nombre énorme de promesses d'assistance technique, de soutien logistique et de règlement des questions préoccupant les pays en voie de développement dans ces négociations. Le degré de respect de ces promesses sera la mesure du succès lors de la prochaine conférence ministérielle dans deux ans. Et il ne faudra pas tarder à coordonner un grand nombre de joueurs pour respecter ces engagements. Je dirais que la participation du président de l'ACDI comme membre de la délégation canadienne a été extrêmement utile à cet égard, et nous comptons travailler très fort avec l'ACDI sur ces questions de développement.

Monsieur le président, si vous me le permettez, je demanderais à Suzanne Vinet de vous dire quelques mots sur les négociations agricoles qui sont d'un intérêt capital pour le Canada, et ensuite nous passerons aux questions et aux réponses.

Le président: Merci, monsieur Stephenson, de ce résumé très utile d'une série de documents relativement compliqués. Je suis sûr qu'il y aura beaucoup de questions.

Madame Vinet, vous avez quelque chose à dire sur l'agriculture?

Mme Suzanne Vinet (négociatrice principale en agriculture, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et au marché, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci, monsieur le président.

Très brièvement, je vais vous dire ce qui a été important dans le succès des discussions sur l'agriculture à Doha. Comme l'a dit Don, nous avions entamé les négociations en 2000, mais à l'époque nous négociions un peu dans le vide et sans date limite, donc on ne pouvait pas se référer à un jalon particulier pour ces travaux. Doha a donc été une étape critique car nous avons maintenant un mandat plus vaste et un contexte précis pour négocier. Grâce à cela, de nombreux pays sont moins réticents à participer aux négociations agricoles, et nous disposons du contexte dont nous avions besoin pour espérer un résultat plus favorable ou plus important dans nos négociations agricoles.

Nous sommes particulièrement heureux de la déclaration sur laquelle se sont entendus les ministres à Doha car elle place très haut la barre des ambitions. Elle trace la voie des négociations, à savoir la voie de la libéralisation des échanges commerciaux et la poursuite du programme de réforme entamé dans le cycle d'Uruguay. C'est important pour nos producteurs pour lesquels les exportations sont essentielles. Cela nous donne l'occasion de compléter le travail que nous avions entamé et de niveler les conditions, de mettre en place un système plus équitable sur le marché mondial des exportations.

Ce qui était aussi essentiel pour nous dans ce texte, c'étaient les délais qu'on y a fixés. Comme l'a dit Don, 2003 sera une date clé pour l'agriculture. En 2003, le président des négociations agricoles devra avoir déposé les modalités. Cela veut dire que nous aurons un cadre pour mener les négociations et qu'en mars 2003, ce cadre incorporera les nouvelles règles ou les modifications aux règles actuelles et les modalités des formules de réduction que nous pourrons utiliser pour déterminer nos engagements.

C'est un tournant très important car nous estimons que, parallèlement à d'autres promesses qui ont été faites aux pays en développement, l'agriculture est au coeur du programme des pays en développement. Nous aurons donc l'occasion de montrer en 2003 le sérieux de notre engagement à réaliser ce programme de développement. Et naturellement, ce sera aussi un signal très important pour nos producteurs et nos exportateurs qui sauront jusqu'où nous pourrons aller en matière de réforme à l'issue de ces négociations.

Il est donc probablement un peu optimiste de penser qu'on pourra respecter le délai de 2005, mais nous allons tout faire pour y parvenir, car plus tôt nous réussirons à éliminer les pratiques d'exportation qui entravent le commerce ou les subventions aux exportations, mieux ce sera.

Nous nous sommes aussi réjouis de ce résultat de la réunion ministérielle à Doha car nous avons non seulement un contexte et des délais, mais aussi la possibilité d'établir des liens avec les autres secteurs pour intensifier notre travail de négociation.

• 0930

Nous nous réjouissons, notamment parce que la position initiale du Canada dans les négociations, qui avait été présentée par les ministres Pettigrew et Vanclief en août 1999, est parfaitement dans la ligne de ce qui a été décidé par les ministres à Doha. Nous constatons donc avec beaucoup de satisfaction que la déclaration couvre beaucoup des éléments sur lesquels nous voulions travailler dans les négociations. Nous sommes extrêmement bien placés à ce stade des négociations pour mettre de l'avant les idées canadiennes et obtenir, nous l'espérons, un résultat satisfaisant pour nos producteurs.

Certains autres éléments externes auront une répercussion importante sur l'évolution des négociations. Il y en a quelques-uns qui viennent en tête de liste, notamment la question de savoir ce que va devenir le farm bill américain. Actuellement, il y en a deux versions, une au niveau de la Chambre des représentants et l'autre au niveau du Sénat, et ce sont des textes très inquiétants car ils prévoient des niveaux incroyablement élevés de soutien aux producteurs américains. Certains aspects des programmes proposés sont aussi très préoccupants car ils constituent à notre avis un recul par rapport à la position vers laquelle les États-Unis semblaient s'orienter il y a quelques années.

Cela dit, il doit encore y avoir la conférence, et l'administration américaine a déjà clairement montré qu'elle n'était pas satisfaite de l'orientation de ces deux versions du farm bill. Nous gardons espoir que l'administration l'emportera et que dans l'ensemble, ces dépenses n'entraîneront pas d'entrave au commerce.

L'autre élément qui aura une influence très importante sur l'issue des négociations, c'est évidemment la politique de la communauté européenne. L'Union européenne entame la deuxième phase de son examen de la politique agricole commune. À partir de 2002, les Européens doivent réviser les réformes qu'ils ont réalisées jusqu'à présent et décider jusqu'où ils veulent pousser ce programme de réforme. Nous en saurons donc un peu plus sur le résultat que nous pourrons attendre de ces négociations.

Quand nous en saurons plus sur le leadership que pourront exercer les États-Unis—par exemple, en fonction du soutien à la politique commerciale et des orientations de l'Union européenne—nous aurons une meilleure idée d'ici quelques mois de l'orientation des négociations.

La Chine va aussi arriver au milieu de décembre—en fait, la semaine prochaine—et sera désormais un intervenant clé dans les négociations. Il est trop tôt encore pour savoir exactement quel sera son rôle, mais je pense qu'on peut s'attendre à ce qu'elle pèse assez lourd.

Je vais m'arrêter là et dire simplement qu'en fin de compte, nous sommes très heureux et nous nous sentons parfaitement à l'aise pour aborder la phase suivante des négociations.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame Vinet.

Au nom des membres du comité, je félicite tous les hauts fonctionnaires qui sont allés négocier pour nous à Doha. Ceux d'entre nous qui étaient là reconnaîtront que ces négociations se déroulaient dans un climat assez complexe et difficile. Je sais que c'était déjà difficile d'organiser ces négociations. Le fait qu'elles aient été un succès témoigne à mon avis des efforts énormes que vous avez tous accomplis pour nous là-bas. Donc, merci beaucoup encore pour tout ce travail. Nous savons que cela n'a pas été facile, car nous étions là pour le constater.

Je vais commencer par M. Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci. Je dois me joindre au président et dire que je suis bien d'accord. Ce n'est pas facile, vous savez.

Le président: Quelquefois, il suffit d'un petit effort.

M. Deepak Obhrai: Je sais, je sais.

Merci beaucoup. J'étais à Doha et vous avez fait un travail superbe. C'est la deuxième conférence ministérielle réussie depuis le Cycle d'Uruguay.

J'ai quelques brèves questions, et je vous demanderais de répondre brièvement. J'aimerais savoir ce qu'il reste encore du Cycle d'Uruguay qui n'a pas été réalisé. Qu'a-t-on fait à Doha? Y a-t-il des éléments de ce cycle d'Uruguay qui n'ont pas été menés à bien, qui vont l'être d'ici à 2005, et est-ce que cela aura des répercussions sur les entretiens de Doha?

• 0935

M. Don Stephenson: Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres idées, mais en ce qui concerne le programme du cycle d'Uruguay, à l'exception des questions de mise en oeuvre évoquées par les pays en développement à propos de ce que l'on appelle le programme de mise en oeuvre ou les questions de mise en oeuvre, je dirais qu'il ne reste pas de questions en suspens.

J'imagine que du côté de l'agriculture, il y aurait évidemment la question d'une véritable réforme. Nous avons soulevé la question de l'agriculture à l'OMC et dans le contexte du cycle d'Uruguay, mais sans obtenir de réforme en profondeur. On pourrait donc dire que c'est une des questions qui n'étaient pas réglées et qui fera manifestement partie de nos objectifs pour le prochain cycle de négociations.

En ce qui concerne les services, il y a encore beaucoup de travail à faire après le Cycle d'Uruguay pour inventer les règles du commerce des services. J'imagine que là aussi, on peut dire que c'est une question en suspens qu'il faudra aborder dans les prochaines négociations du GATS.

Comme je vous le dis, nous n'avons pas progressé autant que nous l'aurions souhaité sur les questions de Singapour—l'investissement, la concurrence, les marchés publics et la facilitation du commerce. Je pense que le Canada savait d'avance, en allant à Doha, qu'on n'irait pas beaucoup plus loin sur ces questions et qu'il n'était pas réaliste de s'attendre à un progrès concret à ce sujet. Néanmoins, cela pourrait aussi être considéré comme un travail non terminé à reprendre dans les négociations futures.

En dehors de cela, je ne vois pas d'autres questions en suspens ou accords non mis en oeuvre dans le contexte du Cycle d'Uruguay.

M. Deepak Obhrai: Donc, le terrain est à peu près complètement dégagé dans ce domaine pour l'avenir.

Pourriez-vous me dire ce qu'on n'a pas obtenu à Doha, alors qu'on aurait souhaité l'avoir?

M. Don Stephenson: Là encore, ce sont les questions de Singapour. Disons qu'en ce qui concerne la facilitation du commerce, les règles de traitement des biens et des services à la frontière pour faciliter l'accès aux marchés... Une fois qu'on a négocié l'accès aux marchés, on n'a pas terminé. Il y a encore l'administration de cet accès. On a besoin de règles sur la concurrence intérieure pour vraiment réussir. Dans ce domaine de la facilitation du commerce et des nouvelles règles de transparence des marchés publics, nous pensions parvenir à une entente à Doha en vue des négociations, mais nous n'avons pas pu. Donc, à cet égard, j'imagine que nous n'avons pas obtenu ce que nous espérions.

Nous étions plus réalistes en ce qui concerne la concurrence et l'investissement, nous n'étions pas convaincus que les membres de l'OMC étaient vraiment prêts à aller de l'avant dans ces négociations, donc ce n'était pas vraiment sur notre liste d'attente et je ne dirais pas que ce sont des choses que nous n'avons pas pu obtenir.

Nous aurions bien aimé avoir une déclaration plus ferme en faveur des questions de main-d'oeuvre. Nous avions aussi essayé de convaincre les autres membres de l'OMC, avant la conférence de Doha, d'inclure une déclaration sur l'importance de la diversité culturelle. Nos efforts aussi bien à Genève qu'ailleurs n'ont pas été fructueux. Nous avons eu beaucoup d'appui passif. Divers pays nous disaient qu'ils n'avaient pas d'objection à ce qu'on inclue une telle déclaration, mais ils n'étaient pas prêts à nous donner leur appui actif, c'est-à-dire à demander eux-mêmes qu'on inclue un tel énoncé dans la déclaration.

Pour des raisons que je pourrais vous expliquer si vous voulez, le ministère du Patrimoine canadien nous a demandé de ne pas aller plus loin sur la question de la diversité culturelle à Doha. Nous avions essayé d'obtenir quelque chose en ce sens avant Doha, donc on pourrait dire que c'est quelque chose que nous n'avons pas obtenu dans la déclaration. En dehors de cela, nous avons eu à peu près tout ce que nous espérions et nous sommes très heureux du résultat.

M. Deepak Obhrai: Pourrais-je avoir encore une question?

Le président: Oui, encore une.

M. Deepak Obhrai: Nous parlons cette fois-ci du cycle du développement, et je vais demander à Tim ici, qui est de l'agence du carnet de chèques—je vois votre nom ici, agence du carnet de chèques.

• 0940

Le renforcement des capacités est devenu une question clé. On parle du renforcement des capacités pour la ZLEA, pour l'OMC, pour la Chine, pour tous les pays les moins développés. Dites-moi, y a-t-il un budget particulier pour cela? Et dans l'affirmative, combien d'argent a-t-on prévu pour tout cet effort de création de capacité auquel nous nous sommes engagés? J'imagine que l'ACDI joue un rôle important à cet égard. Avez-vous un chiffre? Savons-nous dans quel sens s'oriente ce renforcement des capacités? Combien d'argent a-t-on engagé?

M. Tim Miller (chef, Unité du commerce et de la politique économique, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international): Tout d'abord, le thème du renforcement des capacités est effectivement en train d'imprégner toutes les négociations, vous avez raison. Si vous prenez la déclaration de Doha, vous retrouverez à au moins 12 endroits ces engagements du monde développé. Le Canada n'est pas le seul à le demander, tous les pays développés le font; c'est-à-dire, tous les organismes bâilleurs de fonds et toutes les institutions multilatérales.

Il y a de nombreux engagements dans ces autres négociations ainsi que dans le cadre de l'OMC. Nous considérons ce résultat de Doha comme une orientation très utile, car ce sont les représentants des pays en développement qui ont précisé les secteurs dans lesquels ils veulent créer ces capacités; donc, cela nous donne une orientation.

Nous en sommes au premier stade de l'examen des répercussions que cela aura sur la politique d'aide du gouvernement, sur le suivi des engagements commerciaux qui viennent d'être pris à Doha.

Dans le passé, l'ACDI et les autres organismes de développement s'occupaient déjà de ce que l'on pourrait appeler la création de capacité commerciale dans les pays en développement. Pour vous donner un exemple—nous sommes en train de faire le bilan de ce que nous avons fait chez nous—, nous estimons que depuis environ 1992, l'ACDI a déboursé environ 300 millions de dollars pour des projets de création de capacité commerciale dans des pays en développement. Actuellement, nous avons sur notre liste 198 projets sur les trois continents, l'Afrique, les Amériques et l'Asie.

Pour vous donner une petite idée, les fonds consacrés à ces projets passés et présents se répartissent de la manière suivante en pourcentage: environ 42 p. 100 pour l'Asie, 24 p. 100 pour l'Afrique et le Moyen-Orient et environ 21 p. 100 pour l'Amérique latine. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que l'ACDI a déjà beaucoup fait pour créer des capacités au cours de la dernière décennie.

Deux nouveaux engagements ont été inscrits dans la déclaration ministérielle, et nous devons donc continuer de voir comment nous allons y donner suite. Je vous préciserai par exemple que nous avons déjà un projet de l'OMC au Bangladesh, nous participons donc dans une certaine mesure à des projets existants qui peuvent contribuer à la réalisation de ces engagements.

Enfin, j'aimerais parler d'un exercice que nous allons mener au cours des prochains mois. Nous sommes plongés dans notre processus budgétaire. Nous souhaiterions avoir un plus gros budget pour la création de capacité, mais nous n'en sommes pas encore là. Doha ne date que de quelques semaines, et donc nous n'en sommes qu'au tout début.

Il y a un autre élément important sur lequel nous allons travailler, ce que nous appelons la coordination des bâilleurs de fonds. Il s'agit d'essayer de coordonner le travail de création de capacité dans le monde en développement dans le contexte de l'ensemble des pays de l'OCDE. Il y a par exemple le DFID britannique, qui est notre équivalent au Royaume-Uni, et qui est très actif—plus en fait que le Canada—dans ce secteur de la création de capacité. Nous espérons collaborer étroitement avec cet organisme dans le cadre de cet exercice.

Merci.

M. Deepak Obhrai: Monsieur le président, puis-je faire une demande?

Le président: Oui, vous le pouvez.

M. Deepak Obhrai: L'ACDI pourrait-elle nous donner un rapport complet sur ses projets et la répartition de l'argent—vous venez de nous mentionner quelques chiffres—ainsi que sur les orientations futures? Pourrions-nous avoir une idée plus précise de l'orientation de ce travail de renforcement des capacités?

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Déjà vu.

Le président: Ce qu'il veut... Vous nous l'avez dit oralement, mais nous voudrions savoir si vous auriez un document permettant aux membres du comité de savoir que l'on crée des capacités dans tel ou tel pays et que l'on fait telle ou telle chose. Comme il le dit, nous en entendons parler à propos de la ZLEA. Nous voyageons dans divers pays. Il serait intéressant de savoir ce qu'il en est du Zimbabwe, si nous y allons.

• 0945

M. Tim Miller: C'est une demande tout à fait valable. Nous sommes actuellement en train de dresser une liste que nous pourrons tout à fait publier une fois que ce sera fait...

Le président: Merci beaucoup de votre aide.

[Français]

Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): D'abord, merci beaucoup de votre exposé. Je pense que c'est un sujet extrêmement important. On commence simplement à s'emparer des enjeux parce qu'on n'était pas nécessairement convaincus que la rencontre de Doha donnerait les résultats qu'elle a donnés. On est très contents de ces résultats.

Mais j'aurais voulu avoir une évaluation générale de votre part, que vous nous disiez si les événements du 11 septembre ont joué un rôle dans le résultat relativement positif de cette rencontre, en amenant peut-être les pays développés à prendre davantage en considération les préoccupations des pays en développement et si, globalement, selon votre évaluation, ces événements vont faciliter ou augmenter la volonté d'un certain nombre de pays d'accélérer le processus de libéralisation, ou si ce sera le contraire. Entre autres, j'ai entendu un Prix Nobel d'économie—je ne sais pas comment il a eu son prix Nobel, mais enfin—dire que les événements du 11 septembre devraient nous amener, comme pays développé, à refermer davantage nos frontières. Alors, je voudrais avoir une évaluation générale. Après le 11 septembre, est-ce que le processus de libéralisation va s'accélérer ou si, au contraire, on va rencontrer des difficultés liées aux problèmes de sécurité, entre autres?

M. Don Stephenson: D'abord, j'ai entendu beaucoup de commentaires à Doha de la part de pays membres et de ministres de partout dans le monde sur les événements du 11 septembre, et je dois dire, par conséquent, que l'impact du 11 septembre a joué pour beaucoup même dans la décision prise à Doha et dans un signe d'engagement dans le processus de libéralisation du commerce international. Évidemment, l'économie était déjà en décroissance avant le 11. Les événements du 11 ont accéléré ce ralentissement, si je peux m'exprimer ainsi. Alors, je pense que la motivation de l'ensemble des pays membres était de lancer un signal positif quant à l'engagement dans le processus de libéralisation.

Évidemment, au Canada, même si on partage avec les Américains des préoccupations relatives à la sécurité, on est tellement dépendants du commerce international—trois fois plus que le Japon, quatre fois plus que les Américains—, notre accès au marché américain et à tous les marchés du monde est tellement important pour nous qu'on ne peut qu'être d'accord sur ce sentiment-là.

M. Pierre Paquette: Merci. Vous me rassurez, parce que c'est un peu mon évaluation aussi. Mais je sais que dans plusieurs milieux, on en discute actuellement. Donc, c'est rassurant d'entendre ce que vous nous avez dit.

Je n'étais pas à Doha, c'était mon collègue Richard Marceau qui y était, et on diffère d'opinion pour ce qui est de l'analyse de l'attitude des Américains concernant l'agriculture. Moi, j'avais plutôt compris que la réserve que les Européens avaient affichée faisait en sorte qu'ils se gardaient toutes les portes ouvertes, alors que Richard, qui était sur place, considérait que, au contraire, les Européens avaient abdiqué face à leur politique de subventions à l'exportation. Alors, j'aimerais avoir votre évaluation de cela.

Je voudrais aussi savoir si, selon vous, l'approche de libéralisation de l'agriculture pourrait remettre en cause notre système de gestion de l'offre dans un certain nombre de secteurs. On me dit que non, mais en même temps, je trouve cela un peu paradoxal qu'on veuille ouvrir le marché alors qu'on garderait, entre autres sur la question du lait, la possibilité d'interdire, de limiter les importations. Pour ma part, je suis tout à fait d'accord sur le système de gestion de l'offre. Je trouve qu'on est tous gagnants avec cela. Mais je voudrais savoir si, selon vous, on sera en mesure de garder notre système de gestion de l'offre si on libéralise les marchés, s'il n'y a pas une contradiction là.

J'ai aussi une petite question tout à fait précise. Au sujet du sucre raffiné, on est en négociation avec trois pays de l'Amérique centrale. On a déjà signé un accord de libre-échange avec le Costa Rica. On a libéralisé unilatéralement l'accès au marché du sucre raffiné au Canada. On sait que le marché américain est très, très fermé, le marché européen aussi. Est-ce que le Canada a l'intention de pousser pour qu'il y ait une libéralisation aussi dans le domaine du sucre raffiné?

• 0950

Mme Suzanne Vinet: Ce sont trois questions très importantes.

Sur la question du langage qui a été adopté dans le texte, il est important de noter que le texte est conforme à ce qui avait été proposé par le président du comité, M. Harbinson, dès le début du mois d'octobre. Les seuls mots qui ont été ajoutés ont pour but de confirmer que c'est sans préjudice quant aux résultats des négociations.

Les Européens étaient dans une situation particulière et ne voulaient pas que le document de Doha enchâsse un résultat qui stipulait qu'on allait négocier en vue de l'élimination des subventions à l'exportation. C'est ce qu'on appelle le retrait progressif des subventions à l'exportation.

La solution qu'on a trouvée a été de préciser que ce serait au niveau des négociations qu'on verrait à résoudre ce problème et qu'on négocierait dans l'objectif de voir au retrait progressif des subventions à l'exportation. C'est aux négociateurs de négocier dans quel contexte, sur quelle période, à quel moment et selon quelle formule cela doit se faire. Cela donnait aux Européens la possibilité de dire qu'il n'avait pas été négocié qu'on aboutirait à une élimination, mais cela nous donne aussi la chance de dire que nous allons négocier afin que le résultat soit celui-là.

On en est tous sortis gagnants. Dans le fond, personne n'a abdiqué et tous ont eu ce dont ils avaient besoin. C'était important pour nous parce qu'il est clair qu'un de nos objectifs est de négocier l'élimination des subventions à l'exportation.

La déclaration précise clairement que c'est une des options de résultat. C'est à nous de négocier ce résultat. Pour nous, c'était une formule où tout le monde gagnait, parce qu'il est clair que c'est au niveau des négociations qu'on va déterminer les résultats.

M. Pierre Paquette: Cela enclenche un processus.

Mme Suzanne Vinet: C'est cela. Ça va bien de ce côté-là.

Au niveau de la gestion de l'offre, vous avez soulevé plusieurs aspects. En ce qui concerne la position de négociation, on juge que la façon dont nos producteurs s'organisent pour faire la mise en marché des produits agroalimentaires est une décision interne. On est clairs quant à cette position. C'est à nous de décider comment nous nous organisons pour faire la mise en marché de nos produits.

Lorsqu'on s'engage à fonctionner sur le marché de l'exportation, on le fait dans le contexte de règles internationales. On a des obligations internationales et on le fait dans le contexte de ces obligations. Par exemple, dans le cas du panel sur le lait, c'est par rapport, non pas à la mise en marché des produits sur le marché intérieur, mais à la façon dont on fait nos transactions sur le marché de l'exportation.

M. Pierre Paquette: Ce sont les règles actuelles, n'est-ce pas?

Mme Suzanne Vinet: Ce sont les règles actuelles.

M. Pierre Paquette: Mais éventuellement...

Mme Suzanne Vinet: Au niveau de la négociation des nouvelles règles, la position de négociation du Canada au niveau de l'accès au marché, par exemple, a été élaborée après presque trois ans de consultations partout au Canada, dans tous les secteurs, avec tous les représentants du secteur agroalimentaire, qui représentent très bien les intérêts canadiens. Notre secteur agroalimentaire est très dépendant des marchés d'exportation, mais il est clair qu'on a aussi certains points sensibles. L'approche qu'on a mise de l'avant vise à maximiser les possibilités au niveau des marchés, mais tout en respectant le fait qu'on a certains points sensibles. On n'est pas le seul pays dans ce contexte.

Nous sommes persuadés que nous avons une position de négociation crédible parce que nous avons mis de l'avant une approche variée. Nous avons mis de l'avant une proposition de négociation dont le but est d'aller chercher le maximum de possibilités sur les marchés d'exportation et qui a l'appui du secteur agroalimentaire, que ce soit au niveau des gens de la gestion de l'offre ou à celui des exportateurs. Il nous a fallu deux ans pour élaborer la position qu'on a mise de l'avant. Cette position est comprise et appuyée par les producteurs.

Le sucre raffiné fait partie de notre objectif de négociation. Nous essayons d'améliorer les marchés à l'exportation, y compris au niveau du sucre raffiné. L'industrie de la transformation du sucre veut avoir accès au marché américain. On verra comment les Américains négocieront...

• 0955

M. Pierre Paquette: Cela fait partie des préoccupations des négociateurs canadiens.

Mme Suzanne Vinet: C'est certainement le cas au niveau des négociations et des pourparlers.

M. Pierre Paquette: J'aimerais poser une petite question sur les textiles.

Vous savez qu'au Québec, l'industrie du textile et du vêtement est encore présente. Il y a 40 000 emplois juste dans le secteur du vêtement. Encore une fois, je n'étais pas là et je me fie à ce que j'ai lu dans les journaux, mais ce qui avait été convenu à Marrakech ou dans l'entente initiale de l'OMC serait mis davantage en pratique, parce que les pays en développement se plaignaient du fait que les pays développés fermaient partiellement leurs marchés à leurs exportations de textiles et de vêtements. Qu'est-ce qui va être fait? Est-ce que ça risque de menacer une partie de notre industrie ici, au Québec ou au Canada?

M. Don Stephenson: On a exercé beaucoup de pressions sur les pays développés, surtout les États-Unis et le Canada, pour qu'ils ouvrent immédiatement leurs marchés aux textiles. Dans l'entente du Cycle de l'Uruguay, on avait fait des promesses aux pays en voie de développement et à l'industrie canadienne. On avait dit que les quotas seraient disparus au bout de 10 ans, qu'il ne resterait alors que les tarifs et que l'accès au marché canadien ne serait qu'une question de prix.

Comme je le disais, à Doha, il y a eu beaucoup de pressions d'exercées sur le ministre Pettigrew et le ministre Zoellick des États-Unis. Ils ont tenu le coup. Ils ont tenu les promesses qu'ils avaient faites à la fois aux pays en voie de développement et aux Canadiens par rapport aux textiles. L'entente de 1995 dit qu'en l'an 2005, les quotas seront partis. Évidemment, dans la période de transition, on s'est organisés pour enlever les quotas d'une façon qui convienne le plus possible à l'industrie canadienne. Les pays en voie de développement nous accusent parfois d'avoir gardé pour la fin l'abolition des quotas les plus pénibles. On utilise l'expression «back-end loading». Je pense qu'on s'est organisés de la meilleure façon pour l'industrie canadienne. On a tenu cette promesse à Doha et, comme prévu, on va mettre l'entente de 1995 en oeuvre en l'an 2005.

M. Pierre Paquette: En 2005, il restera les tarifs.

Le président: Merci, monsieur Paquette.

Madame Augustine.

[Traduction]

Mme Jean Augustine: Merci beaucoup.

Permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux fonctionnaires et de les féliciter également de leur travail. J'aimerais revenir sur une des questions soulevées par M. Paquette. Je n'ai pas l'intention de poser de questions aux témoins mais je veux simplement les informer du fait qu'il y a un caucus du sucre et que nous nous intéressons énormément à toutes les questions qui touchent cette industrie au Canada. Nous avons fait de notre mieux pour que le ministre comprenne l'importance de cette question et on nous a donné la garantie qu'il partageait notre sentiment.

L'autre question concerne les textiles. Je suis certaine que vous savez que le Pakistan est à la recherche de concessions pour le rôle qu'il joue depuis le 11 septembre et ils font le tour des députés pour nous demander de nous assurer que M. Pettigrew les comprend. J'ai parlé à M. Pettigrew et je sais qu'il a parlé au ministre à Doha de l'évolution de la discussion et je voulais simplement vous en informer.

J'ai participé à un petit déjeuner-rencontre au Cercle des journalistes où le conférencier était africain—j'ai oublié son nom—et il parlait du commerce, des finances, de l'endettement et des petites économies, etc. Il a dit: «Nous n'en sommes pas à une ébauche officielle. On nous a simplement permis d'entrer dans la salle et on nous a pris par les couilles pour que nous donnions notre accord».

Des voix: Jean!

Mme Jean Augustine: Je m'excuse. On ne peut pas dire ça en comité? Effacez, effacez!

Le président: Je pensais que vous étiez la présidente du caucus du sucre mais vous n'hésitez pas à y ajouter avec verve les piments.

Mme Jean Augustine: Non, je...

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Vous avez fait déclencher les cloches.

• 1000

Mme Jean Augustine: Et fait clignoter les lumières rouges?

Une voix: Je ne savais pas que vous étiez comme ça.

Mme Jean Augustine: Non, je ne fais que répéter ce que j'ai entendu.

Il semblerait qu'un certain nombre de pays en voie de développement, pays qui sont la majorité des membres de l'OMC, ont manifesté une certaine hésitation au niveau de leur soutien soit pour une libéralisation accrue du commerce soit pour les biens et les services, etc. Ils réclamaient des études supplémentaires, ou on leur avait promis que des études supplémentaires seraient faites. J'essaie simplement de résumer une partie de la discussion, certains des arguments avancés.

Je voudrais que vous me précisiez quels sont les facteurs qui les ont décidés à finir par donner leur accord à cette déclaration? Quels ont été certains des ingrédients clés ou qu'a-t-on mis sur la table qui leur a permis de dire que cette déclaration satisfaisait certains de leurs besoins?

J'aimerais en profiter pour vous poser mon autre question. Elle concerne les ADPIC et les brevets de médicament. Il me semble que nous avons obtenu certaines petites choses mais c'est assez confus. Je me demandais simplement si vous pourriez m'expliquer exactement ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord. Dans quelles circonstances certains pays peuvent-ils contourner les règles, etc.? J'ai suivi ce dossier avec attention, nous suivons tous ce dossier avec attention. Pourriez-vous nous préciser un peu plus ce qui a été décidé?

Enfin, si quelqu'un peut me répondre, j'essaie d'obtenir des renseignements sur l'accord-cadre sur le traitement différentiel et spécial. De quoi s'agit-il? Pourriez-vous me l'expliquer en langue profane?

M. Don Stephenson: J'appartiens au bureau du commerce, le langage profane m'est donc étranger, mais...

M. Stan Keyes: Vous êtes avocat?

M. Don Stephenson: Non.

Avant que je ne demande à Cathy Dickson de répondre à votre deuxième question, votre question sur les ADPIC, laissez-moi essayer de répondre à la première.

Pour ce qui est des pays africains, permettez-moi de commercer par dire qu'à Doha ils étaient très actifs et extrêmement bien organisés. Ils se réunissaient tous les jours en bloc de pays et agissaient au niveau de l'ordre du jour d'une manière très coordonnée et très efficace. Je dirais qu'en particulier obtenir leur soutien pour la déclaration globale était qualifié de dérogation ACP. C'était une dérogation des membres de l'OMC pour l'accès préférentiel au marché européen qui était en place depuis un certain temps et qui devait être renouvelée. Les pays africains n'ont eu cette assurance qu'à la toute fin de la conférence. En fait, c'est à cinq heures le dernier jour de la conférence que cela a été approuvé, et cela a joué en fait un large rôle au niveau de leur soutien pour le reste du programme.

Je dirais que ce qui les a motivés à accepter, c'est la même chose qui a poussé le Canada à le faire. En fin de compte, les négociations devaient offrir suffisamment pour vous pousser à accepter l'accord. À mon avis, les négociations sur l'agriculture—pour tous les pays, y compris peut-être, et même surtout les pays en voie de développement—étaient extrêmement importantes. Ces derniers sont vraiment en mesure d'exporter des produits agricoles grâce à ces négociations.

Deuxièmement, je pense que l'accord visant à négocier les règles antidumping revêt beaucoup d'importance pour les pays en voie de développement. Des concessions, suffisantes pour donner confiance dans le processus, ont été faites sur la mise en oeuvre. Il est à noter que l'engagement de ne pas négocier immédiatement les questions qui ressortent de Singapour—pour attendre une aide technique plus poussée et un renforcement des capacités—a sans doute joué un rôle. Évidemment, les engagements pris en ce qui concerne le renforcement des capacités avaient un attrait tout particulier pour les pays en voie de développement.

• 1005

Toutefois, dans l'ensemble, je dirais qu'au moins à la dernière séance, en plénière, les pays d'Afrique se sont dits extrêmement satisfaits des résultats et de la façon dont on avait tenu compte de leurs intérêts et du fait qu'on les avait écoutés. Voilà ce qu'a déclaré le groupe africain à la réunion.

En ce qui concerne les ADPIC, je vais céder la parole à Cathy.

Mme Catherine Dickson (directrice, Direction de la politique commerciale sur l'information et la technologie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.

Essentiellement, la déclaration sur les ADPIC et l'accès aux médicaments ou à la santé publique confirme que si vous avez une maladie qui a pris une ampleur dévastatrice telle que le VIH-sida, la malaria, la tuberculose, et d'autres maladies très répandues de ce genre, vous pouvez prendre des mesures spéciales telles qu'émettre un permis obligatoire pour un produit de marque de façon à ce que votre pays y ait accès plus rapidement que ne le permettrait la durée du brevet. Sinon, il vous faudrait attendre.

Cette déclaration revêt une grande importance car bien que ces dispositions figurent déjà dans l'accord sur les ADPIC, ce n'était pas clair et plusieurs litiges étaient survenus, tout particulièrement en Afrique du Sud où il n'était pas clair si le VIH-sida se qualifiait ou non. La déclaration confirme clairement qu'une maladie de ce genre est admissible dans le cadre d'une urgence nationale et que par conséquent il est possible de prendre des mesures sans que le pays membre n'ait à craindre de poursuites dans le cadre de la procédure de règlement des différends. C'était une précision très importante.

En outre, la déclaration confirme que la solution repose sur le maintien de la recherche et du travail de développement parce que nous savons tous qu'il nous faut des médicaments plus appropriés, plus faciles à prendre qui lutteront plus efficacement contre les maladies.

Mme Jean Augustine: Puis-je poser encore une question?

Le président: Oui.

Mme Jean Augustine: Qui décide qu'il s'agit d'une urgence nationale? Où la décision est-elle prise?

Mme Catherine Dickson: Chaque membre de l'Organisation mondiale du commerce peut déclarer l'urgence nationale. Donc si le Canada déclarait, ou si l'Afrique du Sud déclarait... Il ne s'agit pas d'une procédure officielle comme telle, c'est simplement une déclaration. Auparavant, cela prenait beaucoup d'importance, car il y avait toujours cette idée que peut-être la maladie que vous vouliez déclarer ne serait pas jugée suffisamment dévastatrice par les autres pays. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un système d'autodéclaration.

Mme Jean Augustine: Dans la même veine, qu'en est-il de l'accession des pays les moins avancés? Est-ce que plusieurs d'entre eux arrivent à niveau? Pouvez-vous nous donner une idée de la situation?

M. Don Stephenson: J'oublie le nombre exact, mais il y a quelques douzaines...

[Français]

M. Pierre Paquette: Vingt-huit.

[Traduction]

M. Don Stephenson: Il y a 28 pays en ligne—merci beaucoup—pour faire partie de l'OMC. Aux discussions à Doha et ailleurs, il a été convenu de tenter de rationaliser le processus de participation pour les pays les moins avancés. C'est une discussion épineuse parce que d'une part, un des avantages de l'adhésion à l'OMC, c'est d'avoir fait le travail préparatoire pour devenir membre—vous avez donc mis en place un système de régie, apporté des modifications à vos lois intérieures...

Mme Jean Augustine: Le cadre juridique.

M. Don Stephenson: ... donc on ne veut pas trop simplifier la procédure d'accession. On priverait ainsi les gens des avantages de devenir membre. Toutefois, des engagements ont été pris pour tenter d'offrir plus d'appui aux pays les moins avancés et de simplifier la procédure dans toute la mesure du possible.

En ce qui concerne votre troisième question, au sujet du traitement spécial et différencié, un des principes de base lors de la création en 1995 de l'Organisation mondiale du commerce, c'est qu'il y a un seul engagement. Tous s'engagent à respecter exactement les mêmes règles, les mêmes droits et les mêmes obligations. C'est là un principe important. Évidemment, différents pays n'ont pas la même capacité de donner suite à ces obligations, ils ont aussi des besoins différents. Les pays les moins avancés ont les plus grands besoins au niveau de l'infrastructure et de la mise en place d'un système de régie qui leur permette de tirer profit de leur appartenance à l'OMC. Par conséquent, dans le cadre de tout accord, on prévoit le traitement spécial et différencié.

• 1010

Ce genre de traitement peut signifier une période plus longue de transition pour donner suite à vos obligations ou des seuils différents pour...

Mme Jean Augustine: [Note de la rédaction: Inaudible]... bananes.

M. Don Stephenson: C'est plutôt au niveau de règles précises comme jusqu'à quel point vous pouvez subventionner vos exportations, ou un seuil différent est établi pour les pays pauvres par rapport aux pays riches. Voilà le genre de choses.

Le traitement spécial et différencié met en place des règles claires et presque l'équivalent de meilleures pratiques sur la façon de le mettre en oeuvre.

Mme Jean Augustine: Merci.

Le président: J'ai une impression de déjà vu dans toute cette question du traitement spécial et différencié en tout cas c'est ce que je constate depuis que je m'intéresse aux questions commerciales.

Aux termes du GATT original, on a tenu de nombreuses négociations sur le traitement des pays en voie de développement et sur les raisons de leur permettre de faire de nombreuses choses que les autres ne pouvaient pas faire. Lorsqu'on a commencé le cycle d'Uruguay, tous ont dit que cela ne fonctionnait pas et donc qu'on allait éliminer tout cela et traiter chaque pays exactement de la même façon. Maintenant à Doha nous recommençons à dire que nous admettons que certains doivent jouir d'un traitement spécial et différencié.

Avons-nous tout simplement complété le cercle et sommes-nous revenus à notre point de départ d'il y a vingt ans? Est-ce différent ou est-ce simplement le vocabulaire qui a changé? Il me semble à moi qu'il s'agit d'un autre mot pour la même chose, tout comme l'autorisation de la promotion du commerce est l'équivalent d'une procédure accélérée, peu importe le nom qu'on lui donne.

M. Don Stephenson: Et on a toujours le programme de développement élaboré à Doha.

Le président: Oui.

M. Don Stephenson: Je dirais que si vous vous arrêtez à une discussion du traitement spécial et différencié, vous pourriez arriver à cette conclusion. Toutefois, je pense qu'il faut prendre un peu de recul et avoir un aperçu plus général. Regardons le programme de développement de Doha. On voulait que cela ait l'air différent et c'est différent.

Je pense qu'il y a eu une évolution à l'OMC et on ne peut pas faire marche arrière. Les intérêts et les préoccupations des pays en développement sont à l'avant-plan de l'OMC et entrent en ligne de compte de plusieurs façons différentes dans le programme de l'avenir.

Je pense que dans le temps, lorsque les pays membres de la commission quadrilatérale—les États-Unis, la Commission européenne, le Canada et le Japon—pouvaient effectivement déterminer le programme et ensuite tordre des bras à l'arrière-scène pour imposer ce programme aux membres, cette époque est révolue. Dans toutes les discussions à l'OMC, les questions qui touchent les pays en développement sont à l'ordre du jour et doivent faire l'objet de discussions si nous voulons faire des progrès, car il s'agit d'une organisation construite sur le consensus. Il faut que l'on soit d'accord.

Le président: Avez-vous confiance que c'est ce qui se produira? Ce sera très important, je pense, dans notre étude sur le G-8, car on peut supposer que ces questions sont interdépendantes si, par exemple, le G-8 a l'intention de se concentrer sur l'Afrique, celle-ci formant jusqu'à un certain point, le plus grand regroupement de pays en voie de développement, dont certains ont les problèmes les plus graves.

Je vous lance une idée. Pour revenir aux textiles, et M. Paquette a posé une question à ce sujet, je me souviens que l'arrangement multifibres, qui remonte à quelque 25 ans, était censé apaiser les inquiétudes des pays en développement. Nous allions effectivement établir un régime équitable pour les textiles. Cela remonte à 25 ans, et les pays en développement n'ont toujours pas accès aux marchés des textiles, et ce sont ceux dont on a parlé à Doha. De quelles garanties ces pays disposent-ils qu'ils obtiendront quelque chose de cet accord sur les textiles qui soit différent de ce qu'ils ont eu par le passé, soit de belles choses sur papier et aucun véritable accès aux marchés?

Prenons l'exemple des barrières non tarifaires, notamment les mesures antidumping et les droits compensateurs, que les pays en développement... Le Canada a de vives inquiétudes, car les États-Unis sont le principal utilisateur de mesures antidumping. Je sais que nous y avons recours nous aussi. Mais si on considère que cela constitue un instrument de déni d'accès aux marchés, et c'est la réalité, il ressort très clairement de ce que le Sénat a déclaré—pour le bénéfice de M. Zoellick—que peut importe ce que les États-Unis ont pu dire au sujet des négociations, ils n'ont jamais eu l'intention de limiter leur recours aux mesures antidumping. Pourquoi les pays en développement ou le Canada devraient-ils croire alors que c'est ce qui se passera réellement?

• 1015

Lorsque nous avons signé l'ALENA avec les États-Unis il y a dix ans, nous pensions qu'ils réduiraient leur recours aux mesures antidumping, mais il suffit de voir ce qui se passe dans le dossier du bois d'oeuvre résineux pour constater que rien n'a changé.

Je pense que c'est une source de frustration pour les pays en développement, et les gens m'en parlent. Effectivement, nous discutons depuis un certain temps de tout cela, mais la plupart d'entre nous en ont discuté toute leur vie et n'ont pas vu de véritable progrès. Aujourd'hui, nous disons que ce cycle est consacré au développement. Est-ce de simples paroles, ou est-ce que vous voyez, en tant que négociateur commercial, une occasion réelle de faire des pays en développement de véritables partenaires dans cet exercice?

M. Don Stephenson: Ce que je peux vous dire concernant le sérieux avec lequel on s'attaque à toutes ces questions, c'est que depuis Doha, les ministres de la Quadrilatérale, notamment M. Pettigrew, M. Lamy et M. Zoellick, ont déjà parlé de la manière de coordonner leurs efforts pour respecter nos engagements en matière de renforcement des capacités et d'aide technique.

Pour ma part, dans mes discussions avec mes homologues de la Quadrilatérale, j'ai participé hier à une téléconférence visant à mettre en branle le processus de coordination de nos efforts à cet égard. Nous nous réunirons à la fin de la semaine prochaine avec le secrétaire du comité du commerce de l'OCDE, et nous proposerons d'envisager un rôle pour l'OCDE dans la coordination de nos efforts.

Je vous dis tout cela pour vous montrer à quel point les gens semblent prendre très au sérieux ces engagements. Peut-être la raison est-elle qu'à l'occasion de la cinquième conférence ministérielle, nous serons jugés sur le fruit de nos efforts, sur notre capacité de réaliser nos ambitions pour terminer les négociations et étendre celles-ci à d'autres sujets comme l'investissement et la concurrence. Tout semble effectivement indiquer que les gens prennent au sérieux ces questions.

Pour ce qui est des textiles, j'ai indiqué que nous allons respecter notre engagement pris dans le cadre de l'accord sur les textiles et le vêtement. Nos quotas arriveront à échéance en 2005. À cette étape-là, nous nous pencherons sur les tarifs. J'ai observé que dans l'accord de Doha, nous avons convenu de tenir des négociations sur les tarifs, y compris ce que l'on appelle communément «les crêtes tarifaires et la progressivité des droits». Il s'agit particulièrement des textiles et de l'agriculture, deux secteurs où il y a des crêtes tarifaires et une progressivité des droits.

Le président: Quand on parle aux pays en développement, on nous dit que le Canada est un marché, mais que les véritables marchés du textile se trouvent aux États-Unis et en Europe. Encore une fois, ces pays semblent être frustrés par le manque d'accès à ces marchés. Avez-vous l'impression qu'on s'engage sérieusement à ouvrir ces marchés?

Nous aimerions bien ouvrir le marché américain à un plus grand nombre de fabricants de textiles canadiens de Montréal. Je suis sûr que M. Paquette, à qui nous avons parlé lorsque nous avons discuté avec des représentants de notre industrie de l'habillement... Même avec l'ALENA en place, nous trouvons que le marché américain est pratiquement impénétrable, quand les États-Unis décident de le fermer.

M. Don Stephenson: Je me rappelle avoir été menacé dans les négociations sur les magazines à propos des costumes de laine.

Pour ce qui est de l'antidumping, la stratégie commerciale canadienne a toujours été de donner la priorité aux nouveaux règlements à l'OMC où nous avons maintenant 143 partenaires à qui nous pouvons parler de ce qui ne nous plaît pas dans le droit commercial américain. Quand on est seul face aux Américains, peu importe ce que l'on fait, ils sont toujours dix fois plus gros.

C'est la raison pour laquelle nous avons toujours préféré le système commercial multilatéral et l'adoption de nouveaux règlements. Toutefois, ceci est présenté à Washington et on s'est engagé à négocier quelque chose concernant l'antidumping. Je puis vous dire que 143 membres de l'OMC attendent impatiemment ces négociations.

Peut-être que le 144e membre s'y intéresse aussi. Comme l'a dit M. Zoellick une ou deux fois avant Doha, les États-Unis ont remarqué qu'ils ne sont plus ceux qui ont le plus souvent recours à l'antidumping. Tous les pays, même les pays en développement, prennent maintenant des mesures antidumping, dans la majorité des cas avec l'aide d'avocats américains. Ils ont plus de succès que les États-Unis.

• 1020

M. Zoellick a signalé, je crois que c'était à Mexico, qu'ils avaient fait un petit calcul et remarqué que les pays en développement obtenaient une décision favorable pour deux tiers de leurs appels alors que pour les États-Unis, cela n'arrivait que dans la moitié des cas.

Il y a eu aussi quelque chose d'amusant à Singapour lorsque le ministre sud-africain du commerce a indiqué que son pays avait d'excellents résultats avec les mesures antidumping parce qu'ils avaient accès à certains des fonds versés par un programme d'assistance technique américain et avaient appris comment s'y prendre. M. Zoellick a déclaré que le programme serait interrompu mais cela veut dire que les Américains ont maintenant un point de vue un peu plus équilibré de l'antidumping.

Le président: Peut-être ainsi que les avocats de Washington vont aller persuader tous les autres pays d'adopter un amendement Byrd afin qu'ils puissent tirer eux-mêmes un profit de ces appels. On n'en finira jamais car il y aura trop de gens intéressés.

Et la culture? Vous avez dit que cela n'avait pas été négocié. Beaucoup d'entre nous s'intéressent à la diversité culturelle et vous nous avez dit que beaucoup d'autres pays semblent comprendre notre position mais qu'il n'en est jamais question dans les négociations commerciales. C'est évidemment très complexe.

M. Don Stephenson: La stratégie canadienne pour ce qui est de la diversité culturelle consiste à ménager tout d'abord un consensus entre les ministres de la culture sur ce qu'il nous faut protéger et préserver, en tant qu'autorité, afin de prendre des mesures pour soutenir ou protéger notre capacité de préserver notre propre expression culturelle.

Les pourparlers avancent. De plus en plus de pays se joignent au réseau international de la ministre Copps sur la politique culturelle. Avant la conférence de Doha, la France, notre alliée traditionnelle pour ce qui est des questions de diversité culturelle, a déclaré qu'elle était favorable à la mise sur pied d'un nouvel instrument international, d'un traité ou de quelque chose qui permettrait de préserver le droit des pays à faire exactement cela.

Avant Doha, la France n'était pas sûre qu'il était de bonne stratégie de soulever la question de la diversité culturelle à Doha ni pour le moment dans le contexte de l'OMC. Elle croit, comme le Canada, que le processus comporte deux étapes. Tout d'abord, ménager un consensus entre les ministres de la culture, puis un consensus sur le lien à faire avec le commerce.

Cela correspond à peu près à notre position sur l'environnement. Nous négocions des ententes sur l'environnement en dehors de l'OMC puis nous essayons de nous entendre sur la façon d'articuler cela avec les obligations de l'OMC. Je ne pense pas que quiconque dans le secteur culturel souhaite sérieusement que les ministres du commerce international négocient une entente sur la diversité culturelle plus que l'on ne voudrait qu'ils négocient des ententes sur l'environnement.

Voilà donc essentiellement comment le Canada envisage la situation. Je répète que les pourparlers internationaux en matière de culture et de diversité culturelle progressent mais que nous n'avons pas encore commencé à aborder le côté commercial.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Duncan, je vous en prie.

M. John Duncan: Je voulais simplement revenir à ce que vous disiez au sujet des affaires antidumping. L'OMC vient de publier un résumé de toutes les plaintes pour dumping présentées dans le monde au cours des six premiers mois de l'année. Le nombre de ces plaintes a beaucoup augmenté. Entre autres, il a augmenté de près de 50 p. 100 par rapport à l'an dernier. La vaste majorité de ces plaintes, c'est-à-dire environ les deux tiers, provenaient cependant toujours des pays industrialisés.

Je crois qu'il faut prendre les observations de M. Zoellick avec un grain de sel puisque le nombre de plaintes provenant de son pays ont en fait augmenté. Il serait peut-être d'ailleurs bon que le comité examine ces statistiques. Je ne sais pas si c'est vous qui me les avez fournies, si c'est le greffier ou encore mon propre attaché de recherche. Ces statistiques sont donc disponibles.

• 1025

Le président: J'aimerais les voir.

M. Don Stephenson: L'OMC publie un rapport annuel où l'on trouve ces statistiques.

M. John Duncan: On peut le consulter sur le site Web de l'organisation.

M. Don Stephenson: Le rapport de l'OMC indique le nombre d'affaires antidumping et leur provenance et devrait d'ailleurs paraître sous peu. Il contiendra des renseignements qui intéresseront sûrement le comité.

Je crois que M. Zoellick a indiqué que les pays en voie de développement présentaient davantage de plaintes de dumping par habitant que les pays industrialisés. Je pense qu'il voulait plutôt dire qu'en chiffres absolus, les États-Unis étaient encore parmi les pays qui soumettaient le plus de plaintes. D'après le dernier rapport annuel de l'OMC, l'Union européenne avait en fait présenté plus de plaintes que les États-Unis. Ce n'est donc pas le seul pays qui est visé.

Je conviens certainement qu'il faut prendre ce que disent les représentants américains avec un grain de sel. Aux États-Unis, le droit des recours commerciaux est presque vu comme une religion. Nous attendons impatiemment l'issue des négociations à cet égard.

[Français]

Le président: Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette: En ce qui a trait à la question de la culture, j'avais compris que le Canada ne voulait pas que ce soit à l'ordre du jour à Doha. Je sais entre autres qu'on comptait beaucoup sur le Sommet de la Francophonie pour dégager le consensus auquel vous avez fait allusion, mais comme le sommet avait été annulé, cela réduisait nos chances de faire consensus sur la position canadienne, québécoise et française.

Je voudrais revenir sur la question des investissements. Quand M. Pettigrew est venu devant le comité, il nous a dit que le Canada voulait que ce soit identifié comme une matière de négociation, mais qu'il n'était pas très optimiste quant à la possibilité d'obtenir cela. Dans la déclaration finale, on parle d'une intention de négocier, mais cela demeure quand même assez timide. On parle de définir un certain nombre de choses. J'aimerais avoir votre évaluation de cela.

Pour ce qui est du rôle des parlementaires dans les négociations en cours, on sait que les parlementaires se sont souvent plaints de ne pas être associés suffisamment à l'ensemble du processus. Souvent, on est là plus en spectateurs qu'autre chose. Je voudrais savoir si on a abordé ces aspects-là. Il me semble que oui, mais je voudrais que vous nous informiez de la nature exacte du rôle que les parlementaires devraient jouer, non seulement au Canada—on a déjà nos problèmes ici—, mais dans l'ensemble du processus.

M. Don Stephenson: Par rapport aux discussions sur l'investissement, dans les mois précédant la réunion de Doha, les pays qui appuyaient une négociation sur une entente sur l'investissement proposaient des approches aux autres membres, et les approches devenaient de plus en plus timides, comme vous le dites. Au fur et à mesure qu'on avançait dans les discussions, les gens réduisaient leurs ambitions quant aux négociations. On proposait aussi des approches pouvant rendre les pays en voie de développement plus à l'aise devant une négociation, entre autres des approches opt-in ou opt-out. En d'autres termes, on pouvait participer à la négociation, mais décider à la fin de signer l'entente ou non, ou de la signer plus tard.

Évidemment, le Canada n'était pas très à l'aise dans cette discussion. D'abord, on veut une entente ambitieuse, qui énonce des règles intéressantes de protection des investisseurs. Également, pour le Canada tout au moins, c'est la participation des pays en voie de développement qui est importante, et non pas la participation des autres pays membres de l'OCDE, parce que ce n'est pas là que nos investisseurs ont besoin de règles claires et transparentes.

• 1030

Je dirais que le Canada n'est pas mal à l'aise face à la décision de Doha. En d'autres termes, on a encore deux ans pour se mettre à l'aise et pour rendre plus à l'aise les pays en voie de développement quant à la substance d'une entente sur l'investissement. Ce résultat est peut-être meilleur que celui qu'on aurait obtenu si on avait négocié une entente manquant d'ambition à Doha. En fin de compte, c'est peut-être un meilleur résultat pour le Canada.

Par rapport au rôle des parlementaires, votre président a participé, à Doha, à des discussions sur la question et il serait peut-être mieux en mesure que moi de vous répondre. Je dirai seulement que le Canada appuie les parlementaires qui souhaitent jouer un rôle dans les processus et les discussions autour de l'OMC. Il faudrait évidemment faire attention aux sensibilités de tous les pays, mais surtout des pays en voie de développement, parce qu'ils insistent beaucoup sur la nature intergouvernementale de l'OMC et ne voudraient pas que d'autres processus viennent réduire leur autorité et leur pouvoir dans les discussions de l'OMC. C'est votre président qui a participé à ces discussions à Doha.

M. Pierre Paquette: Avant que vous ne répondiez...

Le président: On remercie beaucoup le gouvernement et surtout M. Pettigrew, qui a été le premier ministre à proposer qu'une association de parlementaires soit associée au travail ministériel. C'est le Canada qui a proposé cela, et M. Lamy a ensuite appuyé cette proposition, si j'ai bien compris le processus. Donc, pour le moment, au niveau ministériel, les deux seules voix à appuyer la notion d'une association formelle, sans en préciser exactement la nature, sont le Canada et l'Union européenne. M. Zoellick, si j'ai bien compris, n'avait pas d'instructions et n'était donc pas en mesure de dire s'il était en faveur de cela ou pas, mais ma propre réflexion est qu'il s'agit d'une idée qui a beaucoup d'appuis parmi les pays développés et beaucoup moins d'appuis dans les pays en voie de développement, cela pour des raisons politiques et beaucoup d'autres raisons.

M. Pierre Paquette: J'ai lu qu'en ce qui concerne les services, il fallait que les demandes spécifiques des pays soient déposées au plus tard le 30 juin 2002. Le Canada a déjà fait connaître sa position pour ce qui est de l'Accord général sur le commerce des services. Est-ce que ça veut dire que le Canada devra redéposer ses offres ou entend les compléter?

M. Dan Stephenson: Le Canada a déposé ses positions initiales. C'étaient des propositions très générales du Canada par rapport aux négociations.

D'ici le 30 juin, le Canada fera des demandes très précises à des pays particuliers, surtout dans le cadre de discussions bilatérales, pour obtenir l'accès au marché X ou Y dans le pays A ou B. C'est ce qu'on appelle les requêtes. Après avoir étudié toutes les requêtes faites par tous les pays qui veulent bien lui présenter des demandes, le Canada aura à proposer ses offres dans un an.

Donc, la position canadienne porte sur des questions d'ordre général, comme notre engagement envers les services publics, la santé, l'éducation et la culture. On a déjà indiqué aux autres membres qu'on ne fera pas de requêtes ou d'offres dans ces domaines. On a exprimé des intérêts très généraux par rapport à certains secteurs, entre autres celui des petites et moyennes entreprises. Il faudrait porter une attention particulière aux PME. C'est une proposition qui est assez innovatrice et qui a suscité l'intérêt de beaucoup de pays lors des discussions.

• 1035

M. Pierre Paquette: Donc, on dépose nos requêtes le 30 juin et on dépose nos offres le 31 mars 2003.

M. Don Stephenson: C'est ça.

M. Pierre Paquette: C'est pour harceler M. Pettigrew, pour que je connaisse le calendrier.

[Traduction]

Le président: Monsieur Obhrai, allez-y.

M. Deepak Obhrai: Oui. Il faut maintenant penser à l'avenir. Les négociations dans le cadre du cycle d'Uruguay et du cycle de Doha sont terminées. La transparence est maintenant la question de l'heure.

À mesure que nous nous engageons dans ces négociations qui vont aboutir à la conférence ministérielle de 2003... où aura-t- elle lieu, en passant?

M. Don Stephenson: Le Mexique a proposé d'être l'hôte de la prochaine conférence ministérielle. C'est la seule candidature officielle pour l'instant.

M. Deepak Obhrai: Parlons de la transparence sur laquelle porteront ces négociations. Que compte faire le ministère pour que ces négociations soient aussi transparentes que possible? Quel est votre plan à cet égard? Les Canadiens et les parlementaires ont toujours des préoccupations à exprimer au sujet de la transparence des négociations. Vous le savez et les nombreuses manifestations qui ont eu lieu en témoignent. Que va faire le ministère pour assurer la transparence des négociations? Qu'est-ce qui est prévu?

M. Don Stephenson: Le ministère n'a pas encore soumis des propositions au ministre quant à la forme que pourrait prendre le processus de consultation. Nous le ferons sans doute au cours des premières semaines de janvier.

Je ne peux répondre à la question que de façon générale. Nous savons que les consultations doivent être aussi étendues et complètes que possible. Nous avons affiché sur notre site Web les propositions canadiennes lors des négociations sur l'agriculture et les services, et la transparence a donc été complète au sujet des positions canadiennes dans ces domaines. Nos positions sur les questions qui ont fait l'objet de négociations à Doha figurent aussi sur notre site Web.

Nous mettrons continuellement à jour ces renseignements pour qu'ils reflètent toutes les modifications dans ces positions qui pourraient découler du processus de consultation ou d'autres facteurs. Le ministère ne devra pas être le seul à mener des consultations et à viser l'objectif de la transparence. Je pense notamment que les Canadiens s'attendent à pouvoir discuter de ces questions avec leurs représentants élus.

L'Institut de recherche en politiques publiques a publié une étude intéressante sur la conférence de Seattle, une étude menée par Dennis Stairs et qui portait sur le processus de consultation. L'une des principales conclusions de ce rapport est que les Canadiens veulent participer à deux types de débats. Le premier débat est à l'échelon politique et exige donc qu'ils aient accès aux politiciens et aux parlementaires. Les Canadiens veulent aussi participer au débat de nature plus technique qui fait appel à la participation des fonctionnaires.

Il y a parfois confusion entre ces deux processus. Il n'est évidemment jamais possible qu'ils soient distincts, mais pour que les Canadiens puissent vraiment exprimer leur position sur ces questions, ces deux types de débats doivent se dérouler simultanément. C'est une conclusion intéressante à laquelle souscrit le ministère. Nous devons mener des consultations portant à tout le moins sur les questions de principe ainsi que sur les questions techniques sur lesquelles se fondent nos positions.

Nous devons aussi faire participer les provinces aux consultations. En effet, c'est pour une bonne part aux provinces qu'il appartient de mettre en oeuvre le résultat des négociations internationales, certainement dans les domaines qui relèvent en particulier de ma responsabilité, c'est-à-dire dans le domaine des services, des investissements et des marchés publics. Ces questions relèvent d'autres paliers de gouvernement et notamment des municipalités. Des consultations à ce niveau doivent donc aussi avoir lieu.

Nous devons nous assurer de consulter tant les intervenants directs, qu'il s'agisse de l'industrie, de groupes d'intérêts spéciaux ou d'ONG qui sont particulièrement visés, mais aussi l'ensemble des Canadiens. On pourrait notamment inviter les Canadiens à faire part de leur avis par écrit en faisant publier un avis dans la Gazette du Canada ou les inviter à participer à une série de consultations dans le cadre de laquelle ils pourraient discuter de ces questions avec soit les parlementaires, soit les fonctionnaires. Le processus de consultation peut prendre toutes ces formes, mais il doit, à mon avis, se dérouler à plusieurs niveaux.

• 1040

Nous devons présenter soit en décembre, soit au début janvier, des recommandations au ministre quant au déroulement des consultations. Nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Comme l'a fait remarquer l'un des membres du comité, nous devons présenter nos demandes en ce qui touche les négociations relatives aux services d'ici la fin juin. Il ne faudra donc pas perdre de temps au début de la nouvelle année pour organiser ces consultations.

Je ne voudrais cependant pas vous induire en erreur. Des consultations sont déjà en cours dans le domaine des services et de l'agriculture. En fait elles sont en cours depuis un an. Il ne faudrait pas croire qu'il n'y a pas eu de négociations jusqu'ici. Le défi que nous devons cependant relever au cours de la nouvelle année est de faire en sorte que les négociations soient transparentes.

M. Deepak Obhrai: Je veux poser la même question aux représentants de l'ACDI. Qu'entend faire l'ACDI pour assurer la transparence du processus? Deux ministères sont visés, comme vous le savez. Il y a le ministère du Commerce et l'ACDI.

M. Tim Miller: Vous me parlez de négociations commerciales?

M. Deepak Obhrai: Oui.

M. Tim Miller: Les négociations commerciales relèvent du ministère des Affaires étrangères. L'ACDI ne compte pas de négociateurs commerciaux.

M. Deepak Obhrai: Vous participez maintenant à ces négociations étant donné que la présidente de l'ACDI était présente à Doha.

M. Tim Miller: Vous avez raison. Nous comptons suivre l'exemple du ministère des Affaires étrangères pour ce qui est de la transparence des négociations.

M. Deepak Obhrai: J'ai une dernière question à poser.

Le président: J'aimerais simplement vous rappeler que la sonnerie nous convoquant à un vote retentit maintenant. Il s'agit d'une sonnerie de 30 minutes. Nous devons adopter notre rapport et régler quelques autres questions administratives. Je vous demande donc de terminer et de poser rapidement vos questions à ce groupe de témoins pour que nous puissions passer...

M. Deepak Obhrai: En ce qui touche les différends commerciaux et l'OMC, on peut dire que le mécanisme de règlement des différends commerciaux devient de plus en plus compliqué. Il faut faire appel à d'innombrables avocats et conseillers commerciaux. Le processus est extrêmement coûteux pour tous les pays. Il est question d'accroître les capacités des pays et de favoriser les échanges commerciaux, mais par ailleurs il exige que les intervenants soumettent des piles et des piles de documents. Pourriez-vous nous indiquer s'il y a un mouvement au sein de l'OMC qui viserait à simplifier le mécanisme et à le rendre plus abordable et plus accessible. Si l'on n'y voit pas, toutes les ententes commerciales que nous signerons n'auront aucune valeur.

M. Don Stephenson: Je pense que la réponse à votre question est non, mais je me dois de fournir des explications. Il n'y a pas de consensus ou de mouvement au sein de l'OMC en vue de simplifier le mécanisme de règlement de différends. Certaines améliorations administratives y ont cependant été proposées, mais je ne pense pas que la mise en oeuvre de ces améliorations permettrait de raccourcir ou de simplifier de beaucoup le processus. Nous essayons aussi de faire en sorte que le processus fasse l'objet d'un examen public et qu'il soit possible d'avoir accès aux documents plus rapidement.

L'efficacité du mécanisme de règlement des différends fait l'objet d'un débat intéressant. Ainsi, certains pays ont refusé d'appliquer des décisions rendues ou ont mis tant de temps à le faire que tous les membres de l'OMC ne sont pas convaincus de l'utilité du mécanisme de règlement des différends.

Le fonctionnement actuel du système pose aussi des difficultés dans la mesure où le pays qui a gain de cause lors d'un différend peut prendre contre le pays auquel s'applique cette décision des mesures de représailles ayant un impact économique équivalent au droit d'abord imposé. Il s'agit donc, dans un certain sens, de prendre des mesures qui nous sont défavorables pour user de rétorsion à l'égard de l'autre pays. Il nous faut donc imposer des tarifs sur des marchandises importées au pays, ce qui en augmente le coût pour les consommateurs de notre pays. Il ne s'agit pas d'une solution au problème qui favorise le commerce.

• 1045

On se demande actuellement au sein de l'OMC s'il n'existe pas de solutions de rechange. Certains proposent des mesures qui favorisent le commerce au lieu de sanctions contre les pays qui ne respectent pas leurs engagements. Il est question, en particulier, de prévoir une indemnisation financière ou d'obliger un pays à libéraliser son commerce, c'est-à-dire l'obliger à accroître l'accès aux marchés dans un autre domaine, au lieu d'imposer des tarifs.

Toutes ces questions seront examinées lors des négociations qui porteront sur le système de règlement des différends sur lequel nous nous sommes entendus à Doha.

M. Deepak Obhrai: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Stephenson.

Je vous remercie tous de votre présence. Je suis sûr que nous pourrions vous poser encore beaucoup de questions. J'espère que nous aurons une autre occasion de le faire. Félicitations encore pour le travail que vous accomplissez. Je sais, madame Dickson, que l'accord sur les ADPIC a été controversé. Nous devons dire qu'il s'agit d'un départ.

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, il est bon aussi de voir les gens en personne.

Le président: Je crois, pour ma part, qu'il est très ambitieux de penser pouvoir mener à bien ces négociations d'ici trois ans étant donné, en particulier, les difficultés que soulèvent les dossiers agricoles en ce qui touche l'Europe et les États-Unis.

Je vous remercie de votre présence.

Chers collègues, il nous reste maintenant 22 minutes pour accomplir trois tâches. Les deux premières ne nous prendront qu'une minute chacune et nous pourrons ensuite passer à notre rapport.

Sachant que nous allions tenir cette séance, le Conseil canadien pour la coopération internationale, qui représente les ONG, a demandé à comparaître devant nous mardi prochain pour nous faire part des préoccupations des pays en développement à l'issue des négociations de Doha. Si nous ne pouvons pas entendre ces témoins, le Comité du commerce pourrait peut-être le faire. Étant donné que tout cela est cependant frais dans notre esprit, je me demande si nous n'aimerions pas entendre des représentants des ONG même si nous ne serons pas nombreux à être ici mardi.

Mme Jean Augustine: Je crois que nous devrions entendre les représentants de ce conseil, qui constitue un regroupement.

M. Pierre Paquette: Quel organisme?

Le président: Le CCCI, c'est-à-dire le Conseil canadien pour la coopération internationale.

[Français]

Ce serait pour entendre leurs réflexions sur ce qui s'est passé à Doha, pendant une heure et demie au maximum.

[Traduction]

La séance durera au maximum une heure et demie, mais nous n'avons pas nécessairement à tous être présents. Le quorum pour l'audition des témoins est trois députés. Les témoins devront comprendre qu'il s'agit de la dernière semaine de travaux parlementaires. En fait, ils comparaîtront l'avant-dernier jour avant notre départ. Nous aurons beaucoup d'autres choses à l'esprit, mais nous ferons de notre mieux pour les accommoder.

Vous avez aussi vu la lettre que M. Pettigrew m'a envoyée et vous avez entendu M. Stephenson parler de consultations publiques. Le défi consistera à trouver comment mener ces consultations. Nous avons convenu que le comité principal étudierait les questions liées au G-8 et tiendrait aussi des audiences dans tout le Canada dans le cadre de notre étude des relations canado-américaines. Je recommande donc de confier au Sous-comité du commerce l'étude des questions soulevées par M. Pettigrew dans sa lettre et que ce sous-comité mène aussi les consultations relatives à l'OMC.

[Français]

M. Pierre Paquette: Il n'y a que l'échéance d'avril 2002 qui ne me semble pas réaliste.

Le président: Pardon?

M. Pierre Paquette: M. Pettigrew demande qu'il y ait des recommandations pour avril 2002. Cela ne me semble pas réaliste.

Le président: Exactement.

M. Pierre Paquette: Est-ce qu'on renvoie cela au sous-comité?

Le président: Oui. Évidemment, ce serait tout à fait irréaliste si nous faisions nous-mêmes le travail. Si c'est le sous-comité, c'est quand même possible, n'est-ce pas? En tout cas, vous êtes membre du sous-comité et on vous souhaite bonne chance.

M. Pierre Paquette: Merci.

[Traduction]

Le président: Nous allons confier l'étude de ces questions au sous-comité du commerce.

Parlons maintenant du rapport. Monsieur Obhrai, comme vous êtes toujours ici...

M. Deepak Obhrai: John Duncan vous l'a donné.

Le président: M. Paquette a fait valoir certaines réserves l'autre jour. J'espère que nos attachés de recherche en ont tenu compte. Ils ont fait de leur mieux pour le faire.

M. Duncan a attiré mon attention sur deux des réserves exprimées par M. Paquette. L'une avait trait au paragraphe 17 à la page 8. Il n'avait rien à redire à la dernière phrase, mais il pensait qu'elle devrait figurer ailleurs dans le rapport. Comme il n'a pas pu me dire où, je ne sais pas trop ce qu'il faut en faire.

Pour ce qui est de la page 24, il pense—et j'espère ne pas lui faire dire quoi que ce soit qu'il ne pense pas—qu'il faudrait supprimer la dernière phrase de la recommandation qui est écrite en caractères gras. Il s'agit du paragraphe 43. Il pense que ce paragraphe donne l'impression que nous appuyons la proposition voulant que le G-8 examine cette question étant donné que nous n'avons pas encore entrepris notre étude. Il pense qu'il serait prématuré de prendre position. Il préférerait donc que nous supprimions le paragraphe 43. Pourvu que nous mentionnions que nous allons étudier la question, peu m'importe. Nous supprimerons donc la dernière phrase.

• 1050

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Je le propose.

Le président: Très bien.

M. Pierre Paquette: C'est la dernière phrase.

[Français]

Le président: Oui, la dernière phrase.

M. Pierre Paquette: C'est qu'on avait identifié tout ce paragraphe.

Le président: Non. C'est juste la dernière phrase.

M. Pierre Paquette: Parfait.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, quelqu'un peut-il proposer que le comité adopte le rapport que vous avez devant les yeux?

M. Stan Keyes: L'avant-projet modifié.

Le président: Oui, l'avant-projet modifié. La motion permet qu'on apporte des changements de forme et des corrections typographiques au rapport, que 1 000 exemplaires bilingues soient imprimés et que je dépose le rapport à la Chambre lundi.

Des voix: Adopté.

Le président: Très bien. Reste la question du communiqué. Nous ferons simple parce que les communiqués peuvent coûter beaucoup d'argent. Comme le dépôt du budget est prévu pour lundi, il est possible que notre rapport, malgré son importance, passe inaperçu.

M. Stan Keyes: C'est fort probable.

Le président: C'est possible.

Je vous remercie, chers collègues. La séance est levée.

Haut de la page