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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 décembre 2001

• 0909

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)): Bonjour.

Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une séance d'information sur les enjeux de la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Doha, du 9 au 13 novembre 2001.

• 0910

Nous souhaitons la bienvenue aux témoins. Du Conseil canadien pour la coopération internationale, nous accueillons M. Gerry Barr, président-directeur général; de l'Institut Nord-Sud, nous accueillons Ann Weston qui en est la vice-présidente, et enfin M. Fergus Watt qui est directeur général du Mouvement canadien pour une fédération mondiale.

Nous commencerons par M. Gerry Barr, le président-directeur général du CCCI. Je vous en prie.

M. Gerry Barr (président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci beaucoup, madame Augustine.

Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître ici avant le congé de Noël pour discuter de ce qui s'est passé à Doha. Je pense qu'il est important que les parlementaires entendent divers points de vue sur l'issue de cette conférence. À cet égard, les opinions sont assez divergentes. En fait, il y a très peu de consensus, dans la vaste discussion internationale des approches commerciales, à propos des aspects qui s'améliorent, des aspects qui s'aggravent et des meilleures mesures à prendre. Cela est vrai, bien entendu, tant pour le Nord que pour le Sud, mais aussi au sein des pays et parmi les citoyens. Il est important de garder en tête cette absence de consensus lorsque nous nous débattons avec la façon d'assurer un débat à grande échelle sur le rôle qui convient le mieux au Canada en ce qui concerne ces accords commerciaux internationaux.

Le CCIC fait partie d'un petit nombre d'ONG accréditées qui ont observé les négociations commerciales à la récente rencontre ministérielle à Doha. Dans les dix minutes dont je dispose, je vais tâcher de vous présenter le bilan de cette conférence et de vous indiquer ce que nous considérons comme les questions clés pour l'année à venir et le rôle que pourrait jouer votre comité.

Jeudi, vous avez entendu les représentants du ministère des Affaires étrangères. Je partage certaines de leurs conclusions à propos des aspects positifs de la conférence de Doha, mais je ne suis pas du même avis qu'eux en ce qui concerne plusieurs des principales assertions.

Tout d'abord, on fait fausse route à mon avis en qualifiant la réunion de Doha de cycle pour le développement. Certains gains importants ont été réalisés pour lesquels le Sud et de nombreuses ONG se sont battus. Le principal gain est la déclaration politique sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce, qui réclame une interprétation de ces aspects favorable à la santé publique, en confirmant en particulier des assouplissements pour les pays qui veulent des licences obligatoires pour les médicaments génériques et qui pourraient réaliser des économies grâce à l'importation parallèle de médicaments de marque qui sont moins cher sur les marchés hors frontière.

L'examen des droits antidumping peut aider les petits pays qui se sentent victimes d'un unilatéralisme à outrance et de mesures compensatoires exagérées de la part de pays comme les États-Unis; cependant, je crois que l'on peut dire que l'antidumping est sans doute envisageable mais pas encore pour le monde en développement. L'exemption prévue par l'Accord de Cotonou des tarifs préférentiels de l'Union européenne pour les anciennes colonies est certainement aussi une mesure positive en matière de développement. Par ailleurs, le libellé ferme sur l'élimination progressive des subventions à l'exportation en agriculture est également important pour le monde en développement, même s'il admet des conditions. Le temps étant limité, je n'aborderai pas certaines questions de moindre importance qui pourraient intéresser également les partisans du développement.

Bien entendu, de nombreuses autres préoccupations fondamentales en matière de développement n'ont pas été portées au programme: biodiversité, octroi des brevets, accès aux marchés pour les textiles, mesures spéciales destinées à protéger les petits agriculteurs. En ce qui concerne les médicaments, la plus grave lacune du sommet de Doha c'est que les pays trop pauvres pour pouvoir produire des médicaments génériques ne se sont pas vu accorder de droits d'importation mais se sont vu donner plutôt une année pour étudier la question. Nous considérons que les dirigeants internationaux ont raté l'occasion de favoriser réellement et de façon proactive le développement.

Pour plus de détails sur ce qu'aurait pu être le cycle pour le développement, j'attire votre attention sur un rapport qui fait le résumé d'une table ronde sur les principales questions de développement, dont le CCIC a été l'hôte en compagnie de représentants du gouvernement avant la tenue de la rencontre de Doha, et à laquelle Mac Harb et Svend de ce comité ont assisté. J'ai des exemplaires du rapport ici que je me ferai un plaisir de remettre au greffier.

L'argument principal, c'est que le Sud—avec raison à notre avis—a demandé que d'importants progrès soient réalisés, avant la rencontre de Doha, pour remédier aux injustices et aux déséquilibres évidents qui sont présents dans les accords actuels, y compris des améliorations à l'accès aux marchés. Ils ne voulaient pas avoir à renégocier les promesses d'arrangements préalables par des compromis sur de nouvelles questions dans le cadre d'un nouveau cycle, mais malheureusement c'est exactement les engagements qu'ils ont dû finir par prendre.

• 0915

Avant la rencontre de Doha, le monde en développement s'était opposé avec acharnement à discuter des nouvelles questions, entre autres les questions de Singapour concernant les marchés publics, la facilitation du commerce, les investissements et la politique de concurrence, en soutenant qu'ils n'avaient ni la capacité ni la confiance nécessaires pour débattre des nouvelles questions avec le Nord. Ce souhait aurait dû être respecté et dans une organisation basée sur le consensus, il aurait dû être possible de le respecter.

En fin de compte, l'Inde et une poignée d'autres pays ont réussi à tenir bon. La présidence et implicitement tous les pays qui ont assisté à ce débat ont promis qu'il n'y aura aucune entente en vue de passer automatiquement à de nouvelles négociations après la prochaine rencontre ministérielle, mais il y a bien entendu des pressions qui s'exercent, compte tenu de plusieurs nouveaux groupes d'étude qui imposeront leurs exigences à de petites délégations surmenées. La Chine se rangera peut-être du côté de l'Inde sur ces questions à l'avenir, et cela pourrait faire pencher la balance du pouvoir de négociation de façon importante sur certaines de ces questions.

Donc comment le nouveau cycle et les nouvelles questions ont-ils été lancés? Le processus était-il équitable? La conférence de Doha nous indique-t-elle que des progrès ont été réalisés pour ce qui est d'assurer une participation efficace aux pays pauvres? Jeudi on vous a répondu oui. On vous a dit que le texte rendait clairement compte des questions qui intéressent les pays en développement—et on vous a dit, ce qui est scandaleux, que l'époque des pressions directes et des tractations en coulisse était pratiquement révolue. Eh bien je tiens à vous dire que certains des membres d'ONG qui observent les négociations commerciales et les négociations de l'OMC depuis de longues années ont constaté que la conférence de Doha avait été la pire à cet égard.

[Français]

Comme vous, je me souviens du Sommet des Amériques à Québec où dominait l'exclusion. Quoi de plus éloquent que la clôture, la brutalité et les gaz lacrymogènes? Vous serez surpris d'apprendre que, comparé à l'automne de Doha, le printemps de Québec était la floraison de la démocratie.

À Québec, on comptait quelque 60 000 manifestants; à Doha, il y en avait plus ou moins 60. À Doha, la brutalité était tangible à l'intérieur du périmètre de sécurité. Des délégations commerciales des pays en développement ont fait l'objet de pressions et de cajoleries. Les ministres du commerce ont été séparés de leurs conseillers. Le processus de la fameuse salle verte, dans laquelle se rencontraient un petit nombre de pays pour prendre des décisions au nom des autres États membres qui faisaient l'antichambre, a été modifié.

De l'avis d'un observateur, les jours de la salle verte étaient comptés et commençaient ceux de l'homme vert. Des hommes verts, des amis du président de la réunion à Doha qui s'étaient vus confier la responsabilité de dossiers spéciaux, dirigeaient les pourparlers bilatéraux. Les amis ont recommandé une nouvelle terminologie en vue de s'assurer l'appui des pays développés et l'approbation du monde en développement.

Au fait, le ministre du Commerce international du Canada, Pierre Pettigrew, est devenu l'homme vert pour les nouvelles questions dites «questions de Singapour».

[Traduction]

Nous considérons que l'OMC doit se doter d'un programme important de démocratisation, dont Fergus vous parlera de façon plus détaillée.

Quelle est la prochaine étape? Quel est le rôle que doit jouer le Canada? Il existe certaines questions fondamentales en matière de développement qui n'ont pas été abordées à Doha et que le Canada doit absolument à notre avis appuyer. Je vous encourage à faire en sorte que cela se fasse.

Tout d'abord, le Canada doit jouer un rôle proactif au cours de la prochaine année pour s'assurer que les pays n'ayant pas la capacité de produire des médicaments génériques aient le droit de les importer. C'est un droit humain fondamental—le droit à la santé. Des millions de vies humaines sont en jeu. Il faut absolument se rendre compte que la grande majorité des pays en développement n'ont pas la capacité de produire des médicaments génériques.

Les décisions prises à la conférence de Doha profiteront au Brésil et à l'Inde, mais qu'en est-il des 48 pays moins développés, surtout africains, qui dépendent des importations. On les a abandonnés.

• 0920

Le Canada doit s'exprimer clairement sur cette question et jusqu'à présent le Canada n'a pas été d'un grand soutien bien que M. Pettigrew ait indiqué qu'il comprenait la situation. Si le comité pouvait aider à faire préciser l'intention du Canada concernant l'année d'étude sur la question des importations des médicaments génériques, cela aurait de l'influence.

En ce qui concerne l'agriculture, l'introduction d'un volet développement est une importante proposition des pays du Sud qui légaliserait à nouveau des mécanismes clés de soutien pour les petits agriculteurs—la majorité des citoyens les plus pauvres du monde—qui sont couramment dévastés par les hausses subites des importations résultant de mesures de dumping et de libéralisation. Si cette question n'est pas portée au programme du comité de l'agriculture cette année, les perspectives pour des millions de petits agriculteurs qui font face à de telles pressions demeurent très sombres. Le Canada peut jouer un rôle important à cet égard et il faut l'inviter à le faire.

Il y a trois années de négociations intensives qui se dessinent au cours du prochain cycle. Si les tactiques d'intimidation et les pressions se poursuivent, si on ne favorise pas le processus de démocratisation, les résultats pourraient être assez lamentables d'ici 2005.

Les députés peuvent contribuer à garder la porte ouverte dans un processus qui privilégie le huis-clos. Je crois que le comité doit aussi jouer un rôle dans les consultations ouvertes avec les Canadiens, en raison de l'absence de consensus qui se poursuit à l'échelle nationale à propos de questions clés concernant les services dans les domaines de la santé et de l'environnement du GATT—des préoccupations à propos des règlements intérieurs, de la capacité et des exportations d'eau, des préoccupations à propos des pressions excessives que nous exerçons sur les pays en développement pour qu'ils ouvrent leurs marchés, et l'absence de soutien de notre part pour certaines de leurs principales propositions de développement, telles que celles dont j'ai parlé plus tôt.

À notre table ronde du 16 octobre, celle dont je vous ai parlé plus tôt, j'ai proposé que le Canada envisage une présentation et un débat parlementaire annuels sur le programme et les priorités en matière commerciale, un peu comme le processus budgétaire. J'ai très hâte de connaître votre réaction à cette idée.

Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez consacré.

[Français]

Merci, tout le monde.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie.

Madame Weston, vous avez la parole.

Mme Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud): Je vous remercie, madame Augustine.

Je suis très heureuse de comparaître devant le comité aujourd'hui pour présenter certaines de mes réflexions sur la conférence de Doha.

[Français]

Je vais d'abord faire quelques remarques sur le processus de négociation à Doha. Ensuite, je vais parler des résultats et, finalement, je vais parler de ce qui devrait suivre.

[Traduction]

Tout d'abord, en ce qui concerne le processus, je suis heureuse d'avoir fait partie de la délégation officielle canadienne. En fait, je crois être l'une des rares du milieu du développement à avoir pu participer à cette délégation officielle.

Avec le recul, certains éléments auraient vraiment pu être améliorés. En partie à cause de la précipitation dont on a dû faire preuve—bien des gens ne s'attendaient pas à ce que la conférence de Doha ait lieu et la délégation elle-même n'était pas encore définitive jusqu'à ce que je sois à l'étranger, c'est-à-dire environ deux semaines avant qu'aient lieu les réunions—, il y avait un certain nombre de questions à propos du rôle que joueraient les représentants non officiels dans cette délégation officielle et aussi à propos des ressources officielles qui auraient dû être prévues pour assurer leur participation.

À Doha, on ne m'a pas demandé de participer aux réunions les plus secrètes, si on veut, c'est-à-dire celles où les amis de la présidence, par exemple, ont discuté de certaines questions abordées à Singapour et d'autres questions à huis clos. Mais mon rôle a vraiment consisté à servir d'intermédiaire entre les délégués officiels—les représentants du Canada, et les ONG à l'extérieur.

Le processus a été nettement plus transparent à bien des égards qu'on aurait pu le croire, mais il y a eu aussi un certain nombre d'éléments que l'on aurait pu améliorer. Gerry Barr vient d'en mentionner quelques-uns.

Un grand nombre de délégués de pays en développement ont été très frustrés par les réunions tenues tard le soir, les changements au texte présentés à la dernière minute et qui excluaient un grand nombre de leurs exigences. Le processus dit des amis du président—ce que nous avons fini par appeler le processus des hommes verts—était aussi assez frustrant. Sans aucun doute, la consultation a été beaucoup plus vaste que par le passé, par exemple, durant les séances de la salle verte à Seattle, mais la consultation s'est faite de façon très fragmentée et certainement l'obligation de rendre des comptes était beaucoup moins présente que ne l'aurait permis normalement une réunion plus formelle.

Les gens ont été aussi très préoccupés par les pressions directes qui ont été exercées, les tractations bilatérales particulières concernant des promesses d'aide, des promesses d'accès aux marchés offertes pour persuader les pays de signer la déclaration finale afin d'obtenir le consensus tant vanté, dont on avait besoin pour la poursuite des négociations.

• 0925

Je dois dire à leur honneur que de nombreuses délégations de pays en développement ont assurément fait preuve de connaissances techniques nettement supérieures à celles qu'elles possédaient par le passé, donc jusqu'à un certain point l'aide technique et le renforcement des capacités qui ont été offerts à ces pays ont certainement commencé à donner des résultats. À bien des égards, la présentation des avant-projets était mieux coordonnée que par le passé, mais au bout du compte cette coordination et cette cohérence manifestées par ces pays ont semblé s'effriter devant les pressions énormes exercées par les grands pays.

Enfin, en ce qui concerne le processus, je tiens à ajouter que, même si ce n'est qu'un début, c'est pas mal important que l'Agence canadienne du développement international, l'ACDI, ait pu dépêcher deux délégués et demi à ces réunions à Doha. Il s'agit de deux personnes d'Ottawa—le président de l'Agence et une autre personne qui s'occupe de la politique commerciale—puis il y a eu un représentant de Genève qui a passé la moitié de son temps là-bas grâce au financement de l'ACDI. C'est pourquoi je dis qu'il n'y avait que deux personnes et demie là-bas. Mais il s'agit d'un début très important pour l'ACDI qui lui permettra de jouer un rôle plus important dans la formulation de la politique commerciale du Canada, et nous attendons de voir quels en seront les résultats concrets.

À propos maintenant de ce sur quoi on s'est entendu à Doha, comme Gerry Barr vient de l'indiquer, pour bien des analystes en développement, il n'est pas juste de qualifier cette réunion commerciale de cycle pour le développement. Il ne s'agit pas d'un cycle pour le développement. Les résultats des discussions de Doha n'ont pas favorisé les pays en développement, et il ne fait aucun doute que le programme semble peu susceptible de redresser le déséquilibre résultant du cycle d'Uruguay. En fait, de nombreux aspects du programme semblent ne tenir aucun compte des exigences que les pays en développement ont formulées si clairement dans les jours qui ont précédé la tenue de la conférence, surtout la nécessité de traiter des nombreux problèmes de mise en oeuvre résultant de leurs engagements dans le cadre du cycle d'Uruguay—la nécessité d'évaluer la répercussion de ces engagements sur les économies des pays en développement et sur leur population avant de traiter de nouvelles questions ou de nouveaux domaines, tels que la politique de la concurrence et la facilité du commerce, ou avant même d'aller plus loin sur des questions comme l'investissement et les marchés publics.

Il importe de signaler que le libellé de la déclaration dont on a convenu à Doha comportait de nombreuses ambiguïtés et qu'on se pose de nombreuses questions à propos de la façon dont cette déclaration sera interprétée. Certains, y compris nos propres représentants, ont dit qu'il s'agissait simplement d'un document politique. Ils essayaient peut-être dans un certain sens de réduire l'importance des questions dont on avait convenu à Doha. Donc on se demande s'il s'agit d'un document juridiquement contraignant et quelle valeur il aura lorsque nous instaurerons certains domaines qui ont été débattus à Doha—par exemple, les droits de propriété intellectuelle et les engagements, vagues pour la plupart d'aider davantage à ouvrir les marchés aux importations provenant des pays les moins développés.

Pour ce qui est de l'aspect positif, je conviens avec Gerry Barr que cette conférence comportait certains éléments positifs: la reconnaissance de la marge de manoeuvre concernant la production des médicaments nécessaires pour traiter les pandémies; l'engagement à mettre fin aux subventions à l'agriculture; l'accord en vue de revoir et de resserrer le recours aux droits antidumping: l'engagement à donner suite aux crêtes tarifaires; l'exemption prévue pour l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Antilles et du Pacifique permettant de rendre l'Accord de Cotonou contraignant juridiquement; les groupes d'étude sur le commerce et la dette, le commerce et le transfert technologique: l'engagement à examiner le traitement spécial et différentiel; et enfin, bien entendu, l'engagement à fournir une plus grande aide technique et un plus grand soutien au renforcement des capacités.

En ce qui concerne l'aspect négatif, toutefois, on exerce des pressions pour aborder à toute vapeur des nouvelles questions en plus du programme de négociation déjà très chargé, par exemple en ce qui concerne les négociations sur l'agriculture et sur les services. Par ailleurs, on n'a pas abordé la question des petits pays qui doivent importer des médicaments, on n'a pas donné suite à la question des textiles et des vêtements, à l'accès aux marchés pour les pays les moins développés, ni au volet de développement pour l'agriculture. Ce sont des éléments négatifs dont il faut tenir compte, et ils ne sont pas vraiment suffisamment contrebalancés par les éléments positifs que j'ai mentionnés plus tôt. Ce n'est certainement pas à coup d'argent que l'on réglera ce problème de manière à favoriser ce cycle pour le développement.

• 0930

J'ai été particulièrement consternée de constater que le Canada demeure intransigeant en ce qui concerne l'accès aux marchés des textiles et des vêtements et surtout en ce qui concerne les pays moins développés. Je reviens de Doha après avoir travaillé quelques semaines au Bangladesh, et il ne fait aucun doute qu'au Bangladesh, l'industrie du vêtement, qui emploie un grand nombre de jeunes femmes, est dans une situation désespérée. Des milliers d'usines ont fermé leurs portes et 300 000 jeunes femmes sont maintenant à la rue avec très peu d'autres possibilités d'emploi. Un grand nombre d'entre elles sont obligées soit de retourner dans leur village, soit de rester dans les villes et de se prostituer.

J'ai trouvé très décevant qu'à la conférence de Doha aucun engagement n'a été pris pour poursuivre des initiatives à l'intention des pays moins développés, que ce soit d'accélérer davantage l'élimination des quotas sur les exportations de vêtements, ou ce qui est plus important encore à mon avis, l'élimination des tarifs sur toutes leurs exportations à destination de nos marchés.

Quelle devrait être la prochaine étape? J'estime très important que le comité continue d'inciter le gouvernement canadien à s'assurer que les promesses faites à Doha ne sont pas des promesses en l'air et que nous irons au-delà des engagements monétaires pour discuter de la façon dont nous pouvons faire en sorte que l'Organisation mondiale du commerce appuie réellement le développement. Nous devons nous assurer de reconnaître dans les nouvelles règles qui vont être négociées qu'une démarche uniforme ne convient pas. Les joueurs ne sont pas de force égale et les règles du jeu ne peuvent être les mêmes pour tous.

Je recommanderais au comité de faire des efforts délibérés pour mettre l'accent sur le développement au cours des trois prochaines années, par exemple créer un sous-groupe chargé de s'assurer qu'il s'agit réellement d'un cycle pour le développement, recommander au gouvernement qu'un spécialiste en développement soit nommé au Comité consultatif sur le commerce extérieur qui travaille en collaboration avec M. Pettigrew. M. Pettigrew est dévoué à la cause des pays en développement, mais ce qui n'est peut-être pas vraiment clair, c'est la façon de s'assurer que les règles de l'OMC contribuent effectivement à appuyer le développement plutôt qu'à contrer le développement dans les pays en développement.

Par ailleurs, en ce qui concerne certains des groupes consultatifs spéciaux sur le commerce international, qu'il s'agisse du groupe consultatif sur l'agriculture ou sur une autre question, il conviendrait peut-être de s'assurer que ces comités comptent parmi leurs membres des personnes ayant de fortes compétences en développement de manière à ce que nous ayons des règles et des concessions pour les pays en développement qui tiennent compte de leurs besoins en développement.

J'aimerais terminer en citant l'ambassadeur Erskine Griffith de la Barbade, qui a déclaré ce qui suit à la conférence de Doha:

    [...] la plus grande menace à la survie du système commercial multilatéral ne proviendra pas des manifestations antimondialisation ou du ralentissement économique mondial, mais de l'absence de mesures sérieuses en vue de rectifier les déséquilibres grandissants qui existent au sein du système actuel et leurs effets néfastes sur les pays en développement.

J'espère que vous prendrez au sérieux ces appels en faveur des pays en développement.

J'aimerais faire une dernière observation. Nous devrions vraiment nous tenir au courant de ce qui se passe à Washington D.C. en ce qui concerne les efforts déployés pour obtenir ce qu'on désigne maintenant comme le pouvoir de promotion des échanges commerciaux. Cela équivaut pratiquement à revenir sur certains des engagements et certaines des transactions en coulisse concluent avant et après la conférence de Doha. Cela est particulièrement inquiétant. Il ne fait aucun doute que l'on a reformulé jusqu'à un certain point certaines dispositions spéciales à l'intention des pays des Antilles pour persuader un ou deux membres du congrès des Carolines à appuyer ce pouvoir de promotion du commerce. Il est probable que lorsque le Sénat devra se prononcer sur le pouvoir de promotion du commerce, des pressions seront exercées pour que l'on revienne sur les engagements pris afin d'examiner les règles antidumping également.

Nous devons vraiment nous assurer que l'on concrétise les quelques engagements qui ont été pris avant la conférence de Doha en marge de la conférence de Doha et à la conférence de Doha.

Je tiens à vous remercier à nouveau de m'avoir offert l'occasion de discuter de cette question avec vous ce matin.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie, madame Weston.

Je cède la parole à M. Fergus Watt.

M. Fergus Watt (directeur général, Mouvement canadien pour une fédération mondiale): Je vous remercie, madame la présidente, et j'aimerais moi aussi remercier le comité de cette occasion de réfléchir aux événements de Doha.

Je vais limiter mes observations principalement à ce qu'on appelle les questions de participation du public, ou de la démocratisation de l'OMC, si vous préférez.

Tout d'abord, le fait que l'on continue à réclamer une participation publique aux travaux de l'OMC découle principalement de la structure de l'institution et des relations qu'elle entretient avec d'autres parties du système international de régie du commerce. L'OMC, comme nous le savons tous, est un organisme puissant, et ses règles et ses tribunaux ont un effet exécutoire. Ils sapent le pouvoir des gouvernements nationaux, ils empiètent sur la compétence d'autres organisations et traités internationaux. Bref, ils influent sur le bien-être du public au niveau de toute une gamme d'aspects non commerciaux qui sont maintenant bien connus. Il existe un intérêt public général et cet intérêt public a peu de moyens d'être entendus ou représentés à l'OMC. Que peut-on faire pour remédier à cette situation?

• 0935

Les solutions pratiques à cet état de choses ont mis l'accent, à court terme, sur deux objectifs. L'un consiste à améliorer les privilèges d'accès à la société civile, aux organisations non gouvernementales, à l'OMC, et la deuxième initiative consiste à trouver les moyens de faire participer de façon plus intégrale les parlementaires aux travaux de l'OMC au moyen, par exemple, de la création d'une assemblée parlementaire de l'OMC. C'est une initiative que le comité a appuyée par le passé.

Je vais parler de ces deux initiatives et en premier de la participation des ONG. Si on compare les privilèges d'accès à diverses organisations internationales comme les organismes de l'ONU, l'OMC, la Banque mondiale, etc., on se rend compte que l'OMC est l'une des institutions internationales la moins transparente au monde. Pour les ONG, Doha représente sans doute l'une de leurs expériences les plus démoralisantes pour ce qui est de leur capacité à influer sur les résultats et à façonner les attentes du public face aux négociations.

Après Seattle, l'OMC était déterminée à marginaliser les ONG et elle y a réussi. Effectivement, la plupart des ONG savaient à quoi s'attendre bien avant la réunion ministérielle au Qatar. Par exemple, le symposium parrainé par l'OMC sur le rôle des ONG en juillet avait été boycotté par un grand nombre des organisations non gouvernementales internationales qui participent habituellement à ce genre d'événement.

Le Canada, à son honneur, a tâché d'atténuer les dégâts à cette réunion en particulier en subventionnant la participation des ONG et en encourageant bon nombre d'entre elles d'y assister. J'aimerais revenir sur la politique du Canada et ses perspectives sur certaines de ces questions de participation publique plus tard dans ma conclusion.

Au Qatar, diverses méthodes et stratégies ont été utilisées pour décourager la participation des ONG, tout d'abord par une série bizarre et restrictive de règles d'accréditation selon lesquelles seulement 647 organisations se sont vu autoriser à participer. La moitié d'entre elles étaient des associations de l'industrie. Le Forum des ONG se tenait à un endroit peu pratique, à 10 minutes de marche du lieu de négociation. L'endroit où se déroulaient les réunions, le Qatar, dans une région éloignée du monde, était soumis à des mesures de sécurité très strictes. De plus, l'accès aux négociations proprement dites, aux délégués gouvernementaux et aux documents de la réunion était limité. La conjugaison de tous ces facteurs a limité la capacité des ONG à recueillir de l'information et à influencer les résultats de réunions comme celle-ci. Cela jette vraiment le discrédit sur les gouvernements membres.

Il est probable qu'après Seattle, il y ait eu une certaine volonté de retranchement, mais je crois que nous devons vraiment en finir avec ce genre d'attitude. Il y a encore beaucoup de scepticisme de la part du grand public. Il faut donc discuter de ce scepticisme à propos du travail et de la raison d'être de l'OMC car je crois qu'au fur et à mesure que l'ombre de Seattle s'estompe, le débat gagne en maturité. L'opinion selon laquelle «il faut se débarrasser de l'OMC» n'est plus vraiment répandue. Je crois qu'un plus grand nombre d'ONG sont prêtes à examiner des façons dont les règles commerciales peuvent favoriser le développement et être structurées de façon à ne pas saper la gouvernance et les droits environnementaux et ainsi de suite.

Je crois que si le Canada pouvait encourager la participation des ONG à des organisations comme l'OMC, cela serait dans son intérêt.

Pour ce qui est des initiatives qui permettraient d'élargir la dimension parlementaire dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, cette situation a été un peu plus positive à Doha. Plus de 90 parlementaires d'un peu partout dans le monde—certains d'entre eux sont présents ici dans cette salle—se sont réunis le 11 novembre et ont émis une déclaration réclamant une dimension parlementaire plus forte dans les travaux de l'OMC. La réunion avait été organisée et présidée conjointement par l'Union interparlementaire et le Parlement européen.

• 0940

Le coparrainage de la conférence parlementaire indique qu'il existe toujours deux visions différentes quant à la structure et la mise en oeuvre d'une tribune parlementaire complémentaire à l'OMC. Les membres de l'Union interparlementaire considèrent que leur organisation devrait devenir le dépositaire de la dimension parlementaire de l'OMC, et le directeur général de l'OMC, Mike Moore, privilégie aussi l'option de l'Union interparlementaire. Un autre groupe, qui s'est d'abord réuni à Seattle et qui est maintenant dirigé par le Parlement européen, réclame un groupe permanent de parlementaires plus solide.

De toute manière, selon une résolution adoptée par cet organisme mixte qui s'est réuni à Doha, on a demandé aux gouvernements d'ajouter à la déclaration finale de la conférence ministérielle un libellé voulant que «la transparence de l'OMC soit renforcée par une association plus étroite des parlements aux activités de l'OMC».

Malheureusement, en dépit du soutien des représentants du Canada et de l'Europe, ce texte n'a pas été intégré à la déclaration finale de la conférence. Cependant, ailleurs dans la déclaration, les parlementaires eux-mêmes se sont entendus pour créer un groupe de direction mixte UIP-Parlement européen qui tiendra des réunions additionnelles et élaborera diverses possibilités visant la création d'un volet parlementaire de l'OMC et la présentation de certaines des propositions au Conseil de l'OMC et à une réunion ministérielle future. Ainsi, le débat concernant le rôle des parlementaires dans le cadre de l'OMC a été reporté, mais ce n'est que partie remise.

À Doha, les gouvernements ont jugé qu'un nouveau cycle était absolument nécessaire. Puisqu'on s'est entendu sur cet aspect, l'heure est peut-être plus propice à l'examen par l'OMC de ses insuffisances sur le plan démocratique.

On doit également prêter plus d'attention à toute une gamme de questions dites de cohérence—ayant rapport à la nécessité de tirer au clair les rapports entre l'OMC et d'autres organismes et traités internationaux. Cela est d'autant plus pertinent à la lumière des articles 31 à 33 de la déclaration finale, qui invitent l'OMC à discuter du rapport qui existe entre elle et les accords multilatéraux en matière d'environnement.

Par le passé, le Canada a été plus progressiste concernant bon nombre de ces questions relatives à la participation publique—la question systémique d'ensemble—que la majorité des gouvernements membres de l'OMC. Cependant, le Canada pourrait faire davantage. Le Canada a souvent mis en veilleuse son activisme à cet égard—préférant réserver son action pour l'avenir ou pour des moments où elle se fait à bon compte, et souvent pour consommation intérieure au Canada plutôt que pour améliorer concrètement le fonctionnement de l'organisation. Comme dans tellement de situations, on élabore souvent la politique dans un climat d'improvisation.

Un nouveau cycle permettra aux gouvernements de renouveler et de mettre à jour leurs politiques. Le Canada pourrait inciter l'OMC à appuyer des initiatives d'ouverture. Je ne crois pas que les initiatives en ce sens vont venir des fonctionnaires des ministères du Commerce du Canada ou d'ailleurs. À mon avis, ce sont les parlementaires qui doivent prendre les rênes dans certains de ces dossiers. Je souhaite pour ma part que le comité étudie sérieusement les moyens par lesquels le Canada pourrait exercer un rôle de chef de file dans l'examen de certaines de ces questions importantes concernant la participation publique.

Merci.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, monsieur Watt.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je vous prie de commencer, monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Je m'excuse de ne pas avoir assisté à votre exposé, Gerry. Je ne suis donc pas en mesure de le commenter intelligemment.

Pour ce qui est de l'exposé d'Ann, vous disiez craindre un affaiblissement de l'OMC à cause des discussions concernant les pouvoirs en matière de promotion du commerce qui se déroulent au Congrès des États-Unis. Je pense que nous partageons tous vos inquiétudes.

• 0945

Il y a de bons côtés. Premièrement, nous sommes au courant de certains des compromis. Je ne suis pas certain que, par le passé, nous aurions été au courant de la nature des compromis nécessaires auxquels on en serait arrivé au Congrès des États-Unis. En deuxième lieu, le règlement final de tels compromis s'effectuerait dans certains cas par processus d'appel selon les règles de l'OMC. Voilà l'aspect réconfortant de la situation. Est-ce bien ce que vous constatez? Êtes-vous d'avis également qu'il y a là des aspects positifs?

Mme Ann Weston: Le problème que posent certains des compromis—des ententes conclues à huis clos avant, pendant ou après Doha—c'est que nous n'en connaissons pas les détails dans certains cas. Nous connaissons les détails qui ont été exposés à la Chambre, puisqu'ils ont certainement été rendus publics. Il faut cependant se demander si ces dispositions risquent de miner certaines des ententes conclues à huis clos pour persuader certains pays de cesser de s'opposer à la déclaration de Doha.

Nous nous inquiétons que le libellé relatif aux droits antidumping, déjà passablement ambigu dans la déclaration finale, soit un peu trop lâche. Les États-Unis sont fortement incités à revoir et limiter leur recours aux droits antidumping, mais il se pourrait très bien au cours des prochains jours que l'engagement pose encore plus problème que ce n'était déjà le cas à Doha.

Je ne suis pas convaincu que la transparence soit meilleure et j'estime que les partenaires bilatéraux des États-Unis comme le Canada doivent continuer à exercer des pressions considérables pour assurer le respect des engagements de Doha.

Il est difficile de déterminer à quel point ces engagements sont contraignants sur le plan juridique. Comme je le disais plus tôt, ils sont purement d'ordre politique pour certains. Évidemment il s'agit d'engagements pris par des gens qui exercent une influence considérable sur l'évolution de l'OMC. Il s'agit en effet de ministres du commerce et on peut bien espérer que leurs mandats seront défendus par les négociateurs à Genève.

On doit se demander, en bout de ligne, si même les engagements d'ordre politique ne seront pas dilués par les États-Unis qui risquent d'être tentés de monnayer leur souplesse contre des voix favorables à l'administration de la promotion du commerce.

M. John Duncan: En effet, il s'agit d'une question épineuse.

J'ai lu dans l'un des grands quotidiens canadiens la semaine dernière un article d'un représentant du Département du Commerce des États-Unis qui expliquait essentiellement que les représentants des États-Unis n'étaient pas tributaires d'intérêts particuliers mais visaient plutôt à respecter un mandat légal. Il est donc évident qu'ils sont davantage sensibilisés qu'ils ne l'étaient par le passé à certains reproches que des gens comme moi et d'autres leur ont adressés—en leur disant, par exemple, qu'ils étaient essentiellement les agents d'un groupe d'intérêts particuliers dans le cas du bois d'oeuvre, etc.

Nous n'allons pas échapper à ce genre de manoeuvres politiques à court terme. Nous devons essentiellement nous demander si nous avançons ou si nous reculons. J'ose espérer que nous avançons, et c'est ce que je crois avoir compris de vos propos.

• 0950

Permettez-moi de poser une brève question à Fergus. J'ai assisté, tout comme vous, à la réunion concernant l'assemblée parlementaire. L'un des problèmes évidents a rapport au fait que certains pays membres de l'OMC n'ont pas de parlement. Avez-vous mis au point un modèle qui pourrait apporter une solution à ce problème et permettrait peut-être de faire avancer le dossier de l'assemblée parlementaire?

M. Fergus Watt: Je ne l'ai pas fait moi-même, mais il existe une documentation passablement abondante sur la question. Très récemment, John Bosley, ancien président de la Chambre des communes, a rédigé pour le compte de mon organisation un long article au sujet des possibilités de structuration d'un organisme parlementaire et des réponses possibles à apporter à certaines des questions difficiles en matière de représentation, etc.

L'organisme envisagé serait de nature consultative et non pas législative. Le fait que les parlements ne soient pas tous élus démocratiquement ne pose donc pas problème dans un premier temps. Il se peut que, au fil des années ou des décennies, l'assemblée parlementaire consultative évolue dans le sens du parlement européen, qui joue désormais un rôle clé dans le gouvernement de l'UE. À mesure que survient une telle évolution, il sera peut-être nécessaire d'étudier de plus près les questions de démocratie et de représentation de l'assemblée parlementaire.

Il convient toutefois de souligner que, même si son rôle est consultatif, dans un premier temps, l'assemblée exercerait tout de même une influence considérable. Le fait, par exemple, qu'elle puisse tenir des audiences et favoriser le débat public dans un contexte politique comme celui qui existe à l'heure actuelle, où les questions de mondialisation et de commerce international suscitent tellement d'intérêt parmi le public, aurait un grand retentissement. Il serait intéressant en effet qu'un organisme composé de parlementaires du monde entier adopte une perspective mondiale concernant les activités de l'OMC.

Je crois que la réunion à laquelle nous avons participé à Doha n'a pas été sans problème. On a fini par y adopter une déclaration conjointe, comme vous le savez, mais il reste encore loin de la coupe aux lèvres. Du fait que le texte recommandé de la déclaration ministérielle n'a pas été adopté, les gouvernements n'ont pas véritablement reconnu que le processus était en cours et devait aller de l'avant. Ainsi, des centaines de parlementaires des quatre coins du monde qui souhaitent participer davantage à l'OMC n'ont pas encore véritablement le moyen de le faire.

M. John Duncan: C'est peut-être la députée du Parlement de la Thaïlande qui a le mieux décrit la situation lors de la rencontre. Je crois comprendre d'ailleurs que, au cours de la période de transition, le prochain dirigeant de l'Organisation mondiale du commerce proviendra de la Thaïlande.

M. Fergus Watt: Je le crois bien, en effet.

M. John Duncan: Il y a donc lieu, à mon avis, d'être optimiste pour l'avenir.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci, monsieur Duncan.

[Français]

Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.

Je voudrais, moi aussi, poursuivre sur la question du déficit démocratique. Nous sommes plusieurs à partager l'évaluation que vous faites du processus de négociation à l'OMC. C'est aussi le cas d'ailleurs pour la Zone de libre-échange des Amériques et ce sera le cas pour la négociation avec les quatre pays d'Amérique centrale sur un accord de libre-échange.

• 0955

Je voudrais peut-être que vous soyez plus concret dans les propositions pour régler ce problème de déficit démocratique. Il faudrait associer les parlementaires; je suis tout à fait d'accord avec vous. Par exemple, ici, le Parlement canadien ne vote pas sur les traités internationaux. On n'est pas très exemplaires de ce point de vue. Il y a des assemblées au niveau international qui, elles, sont appelées à ratifier les accords avant que l'exécutif ne les signe. Au Canada, au mieux, on a une loi de mise en oeuvre des accords, mais on ne peut jamais se prononcer sur ces accords.

Alors, comment associer les parlementaires? Comment associer la société civile? Là-dessus, pour vous donner un exemple, j'ai présenté une motion dans le cadre de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques afin qu'il y ait un processus continu pour associer les parlementaires à la société civile. Tout le monde a voté en faveur, y compris le gouvernement, mais ça ne change absolument rien à sa façon de fonctionner parce que pour lui, évidemment, il intègre déjà la société civile et les parlementaires dans le débat public.

Donc, j'aimerais que vous nous fassiez des propositions assez concrètes. Il y a un élément aussi qu'il me semble important de clarifier. M. Duncan y a fait allusion. Beaucoup de pays en voie de développement ne sont pas des pays particulièrement démocratiques, et ils parlent, dans ces forums, contre un certain nombre de propositions, comme les clauses sociales, par exemple, et le gouvernement canadien s'assoit là-dessus pour dire que ce n'est pas lui qui est contre l'introduction de clauses pour défendre les droits des travailleurs ou les droits environnementaux, que ce sont les pays du Sud qui demandent de ne pas intégrer cela.

Alors, je voudrais aussi avoir votre avis sur cet élément-là.

Merci de vos présentations.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): M. Watt.

M. Fergus Watt: Je m'excuse de devoir répondre en anglais.

M. Pierre Paquette: Ça va.

M. Fergus Watt: Le fait d'envisager une assemblée parlementaire parallèle à l'Organisation mondiale du commerce n'est que l'un des moyens concrets de remédier au caractère insuffisamment démocratique du processus. Il est également nécessaire de poursuivre et d'élargir l'examen des questions d'ordre commercial dans les divers parlements.

Une fois créé un organisme parlementaire parallèle à l'OMC, ce dernier constituerait une entité permanente pouvant avoir un rapport très étroit avec l'OMC. L'information circulerait. Les délégations parlementaires feraient rapport auprès de leurs parlements nationaux respectifs. Les délibérations des parlements bénéficieraient d'une sorte d'effet synergétique, notamment pour ce qui est des questions impliquant des initiatives à prendre par l'OMC. Les parlements nationaux et l'entité supranationale se renforceraient réciproquement.

L'assemblée parlementaire aurait comme deuxième avantage celui de fournir une tribune à la société civile. L'assemblée parlementaire ne se réunirait ni pour très longtemps, ni à l'année longue. Les réunions seront brèves, et elles devront s'appuyer sur les compétences particulières que pourra fournir la société civile. Cette dernière, pour sa part, doit bénéficier d'une tribune légitime pour faire valoir ses revendications—autrement qu'en prenant la rue à Québec ou à Gênes. Il y a donc ici convergence d'intérêts, pour ce qui est de faire valoir les revendications populaires.

• 1000

M. Gerry Barr: Je m'excuse de tenter d'intervenir, à tort peut-être. Nous apprenons peut-être des choses ici en matière de gouvernement.

Je tenais tout simplement à dire que, à mon avis, les observations de M. Paquette sont fort justes et cruciales à certains égards. Le processus est en effet d'une importance primordiale. Les questions de gouvernance et de responsabilité qui concernent l'OMC sont de trois ordres. Premièrement, les États nationaux doivent rendre des comptes au sujet du rôle qu'ils jouent dans leurs rapports très étroits avec l'OMC et les autres accords commerciaux multilatéraux.

En deuxième lieu, quelle est la nature du processus décisionnel au sein même de l'OMC? Comment cette organisation fonctionne-t-elle selon la règle du consensus? Peut-on dire qu'elle le fait, ou bien faut-il revoir son mode de régie? Selon de nombreux observateurs, il faut revoir la gestion des rapports entre le secrétariat et les membres. Il s'agit après tout d'une organisation composée d'États membres. Pourtant, bon nombre d'États membres sont marginalisés et ne sont pas écoutés.

En troisième lieu, l'OMC doit s'acquitter de son obligation générale de rendre des comptes à la collectivité internationale.

La question qui nous concerne se joue donc sur ces trois terrains, et j'estime que les parlementaires ont beaucoup à apporter, dans les trois cas. Dans la mesure où les gens prennent la rue et s'inquiètent de ce qui est en train de se passer, et dans la mesure où les représentants de nombreux pays du monde ont l'impression d'être exclus de la prise de décision à l'échelle de la planète, on peut parler de faillite du processus et de non-respect de l'obligation de rendre compte. Les gens ont véritablement l'impression de ne pas être en mesure de faire des choix portant sur des questions précises, que ce soit par le truchement de parlementaires ou par le biais de leurs propres interventions. Les insuffisances sont très considérables dans un cas comme dans l'autre.

On n'a pas l'impression que le processus est bien maîtrisé. Au contraire, on a plutôt l'impression que des accords de première importance sur le plan macroéconomique étayant des conséquences particulières et localisées sont conclus sans que l'obligation de rendre des comptes ne soit respectée et que la population n'ait prise sur le processus, ni directement, ni par le truchement des parlementaires. Ainsi, la question du processus doit-elle être examinée de toute urgence, et je vous incite à oeuvrer en ce sens.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Écoutons Mme Weston.

[Français]

Mme Ann Weston: Je vais répondre aux questions sur la clause sociale parce que je ne pense pas que mes collègues aient fait des commentaires là-dessus.

Je dois dire d'abord que le gouvernement du Canada a essayé à Doha d'introduire un langage plus fort sur les relations entre l'OMC et le BIT, le Bureau international du travail, mais que, finalement, le langage qui est resté dans la déclaration n'est pas aussi fort qu'il l'aurait voulu.

Cependant, je reconnais que notre gouvernement pourrait faire beaucoup plus là-dessus, c'est-à-dire que l'on pourrait donner un exemple en faisant des études ici, au Canada, sur les impacts des règles commerciales, non seulement sur notre économie, mais aussi sur notre société. On pourrait travailler avec le Bureau international du travail à ce niveau-là afin de créer un type de modèle pour savoir comment on pourrait étudier l'impact plutôt social de ces règles de l'OMC sur, par exemple, les conditions de travail, la condition des femmes dans notre société. Alors, je pense qu'on peut toujours faire plus ici, au Canada, même s'il y a des problèmes avec les gouvernements des pays en voie de développement relativement aux liens avec les règles de l'OMC.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, madame Weston.

Nous passons maintenant à M. O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai plusieurs questions à poser.

Tout d'abord, on regrette l'absence du Conseil des Canadiens. Cet organisme a été invité, si j'ai bien compris. J'aimerais en avoir la confirmation. L'invitation a été lancée et l'organisme ne l'a pas acceptée? Est-ce bien cela, madame la présidente?

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): En effet.

• 1005

M. Pat O'Brien: Je trouve cela regrettable. On doit à cette organisation un certain nombre d'exagérations que j'aurais aimé aborder aujourd'hui. Je le ferai peut-être à un autre moment.

Il me semble cependant important de soulever un certain nombre de questions. J'ai pu lire dans le Globe and Mail les déclarations de Maude Barlow au sujet de la rencontre de Doha, et j'ai lu par la suite les propos de M. Dymond, professeur à Carleton, selon lesquels Mme Barlow et moi-même n'avons pas dû assister aux mêmes rencontres ministérielles. Il n'a pas du tout la même perception de ce qui s'est passé. Permettez-moi de le citer:

    Mme Barlow a fait valoir dans ces pages la semaine dernière

—il s'agit du Globe and Mail

    que le fait que la déclaration invite le parties à entreprendre des négociations visant à réduire les obstacles au commerce de biens et de services environnementaux signifie qu'il sera illégal de limiter l'exportation de l'eau en vrac à des fins commerciales.

C'est complètement faux.

Voilà le genre de questions que j'aurais aimé aborder. J'espère avoir l'occasion de le faire. Il est malheureux que le Conseil n'ait pas accepté l'invitation. On tient des propos exagérés au sujet des exportations d'eau en vrac alors qu'il est question de filtres à eau. On tient des propos exagérés au sujet de l'exportation d'énergie éolienne alors qu'il est question d'exportation d'éoliennes, ou encore on exagère en parlant de l'exportation en vrac d'énergie solaire alors qu'il est question de panneaux solaires. Madame la présidente, je vous soumets que les gens du Conseil des Canadiens exagère en vrac et j'ai bien hâte d'avoir l'occasion de leur en parler.

J'aimerais poser des questions à M. Barr et à chacun des témoins. Je vous remercie de vos avis, mais j'ai tout de même certaines questions à poser.

On semble dire, et c'est peut-être surtout le cas de M. Barr, que la rencontre de Doha est loin d'avoir abouti à un programme de développement. Permettez-moi à cet égard de citer le ministre indien du Commerce et des échanges internationaux, M. Murasoli Mara, et de vous demander votre réaction, monsieur Barr. Voici ce qu'il dit:

    La déclaration répond aux besoins essentiels de l'agriculture indienne. À Doha, les ministres se sont engagés à favoriser des négociations, des mesures d'aide au développement, ainsi qu'un accès nettement amélioré aux marchés, une réduction considérable des mesures intérieures de soutien à effet de distorsion du commerce, et à éliminer progressivement les subventions à l'exportation.

Et puis il ajoute:

    On s'est très nettement engagé à revoir les dispositions des divers accords de l'OMC qui accordent un traitement spécial et distinct aux pays en développement, de manière à déterminer comment ces dernières peuvent être renforcées, précisées et rendues plus efficaces et pratiques. Voilà des aspects que nous accueillons favorablement.

En dépit des commentaires de ce genre de la part d'un ministre d'un pays en développement, vous n'avez pas semblé penser que le programme envisagé apportait beaucoup sur le plan du développement. Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet, et il semble bien que le ministre indien ne le soit pas non plus. Avez-vous un commentaire à formuler?

M. Gerry Barr: Les approches à l'égard de l'OMC diffèrent, non seulement au Nord, mais également au Sud. Les différences les plus marquées sont celles qui existent entre des économies comme celles du Brésil, de l'Afrique du Sud et de l'Inde qui, chacune à sa façon, joue un rôle important sur le plan du commerce international, et d'autres qui ont moins d'envergure ou de capacité. Les opinions et les intérêts de ceux qui les représentent seront évidemment différents. Des commentaires comme ceux que vous citez en sont le reflet.

Pour le secteur agricole, la question clé a rapport aux importations subites et aux difficultés qui concernent l'accord sur l'agriculture... On pense par exemple à l'augmentation subite des exportations indiennes au Sri Lanka, qui ont entraîné la marginalisation des producteurs d'oignon et de pommes de terre de ce pays. Ainsi, tout comme les producteurs de maïs du Mexique qui risquent d'être touchés par des augmentations subites d'importations en provenance des États-Unis, les producteurs du Sri Lanka s'inquiètent d'importations en provenance de l'Inde. Voilà le genre de réalité que reflète un tel commentaire, selon moi.

Permettez-moi d'aborder un autre aspect. Vous parliez du fait que le Conseil des Canadiens n'était pas présent et que certains commentaires avaient été formulés au sujet de l'exportation d'eau en vrac et de ses répercussions sur l'accord concernant l'environnement. Or, j'ai constaté dans la transcription de l'exposé fait devant le comité jeudi que les représentants du ministère des Affaires étrangères avaient dit au sujet de la discussion concernant les biens et services visée par l'accord sur les négociations en matière d'environnement que les négociations auraient rapport au commerce de biens et de services respectueux de l'environnement. Je tenais tout simplement à dire qu'il n'existe aucune distinction de cette nature dans le texte. Il y est question de biens et de services, un point c'est tout. Les biens et services pertinents sur le plan de l'environnement...

• 1010

Certains groupes environnementaux présents à Doha, aussi bien que le Conseil des Canadiens, se sont interrogés sur les répercussions des négociations concernant les biens et services sur la réglementation de l'approvisionnement public en eau. Je ne me souviens cependant pas qu'il ait été question d'exportation d'eau en vrac. Je sais cependant qu'il s'agit d'une question qui suscite des inquiétudes considérables et qui a été soulevée par des gens qui ont consacré beaucoup de temps...

M. Pat O'Brien: Merci.

Si j'ai cité le professeur Dymond, de Carleton, c'est pour faire valoir que, selon l'interprétation du texte de Maude Barlow dans le Globe and Mail, il y aurait exportation d'eau en vrac, et il serait illégal de l'interdire. Or, ce dernier a déclaré que cela était tout à fait contraire à la vérité.

Je m'en tiendrai à cela, étant donné que j'ai d'autres questions. Le meilleur moment d'y revenir, me semble-t-il, sera celui que choisiront ces gens pour nous faire la politesse de comparaître.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): J'invoque le Règlement. Je n'allais pas intervenir, mais étant donné que M. O'Brien a laissé entendre deux fois plutôt qu'une que le Conseil des Canadiens faisait preuve d'impolitesse en ne comparaissant pas, je pense qu'il importe de mettre les pendules à l'heure. Ayant vérifié auprès du greffier, je crois savoir que Maude Barlow revient tout juste de Bruxelles et n'a pas été en mesure de comparaître devant le comité. Je suis convaincu qu'elle se fera un plaisir de le faire plus tard.

M. Pat O'Brien: J'espère que cette intervention n'empiète pas sur mon temps, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Non. Poursuivez, je vous en prie.

M. Pat O'Brien: L'observation ne manque pas d'intérêt. Cependant, j'ose espérer que d'autres personnes que Maude Barlow sont en mesure de représenter cette organisation. Voilà où je veux en venir.

J'aimerais signaler que Mme Ann Weston a très bien fait valoir que le ministre Pettigrew souhaite ardemment venir en aide aux pays en développement, tout comme le gouvernement actuel et, me semble- t-il, la population canadienne. Vous avez ensuite parlé d'une certaine ambiguïté de l'accord. Je reconnais en effet qu'il y a une certaine ambiguïté, mais n'en sommes-nous pas justement au début d'un processus assez long qui permettra, espérons-le, de dissiper cette ambiguïté?

Mme Ann Weston: Le caractère ambigu de la déclaration m'a en effet inquiétée, de même que le fait que l'un de nos ministres ait décrit le passage concernant les pays les moins développés comme étant une déclaration politique. Ce qui me dérange, c'est les pays les moins développés sont aujourd'hui en grave difficulté, et une action urgente à leur avantage est nécessaire.

Nous n'avons cessé de nous réunir pour déclarer nos bonnes intentions. Or, le texte de la déclaration à cet égard est alambiqué, flou et sans conviction. Ainsi, je m'inquiète principalement du fait que, à Doha, nous n'ayons pas été même en mesure d'avancer dans ce domaine. L'ambiguïté persiste évidemment dans bon nombre d'autres domaines, mais celui-ci m'inquiétait tout particulièrement.

Pour ce qui est de l'eau, j'aimerais...

M. Pat O'Brien: Je vous remercie. Il me reste deux ou trois questions. Étant donné que la présidente gère le temps très efficacement, je suppose qu'il me reste deux ou trois minutes, et j'aimerais bien aborder quelques autres aspects.

Deux d'entre vous—tout le monde sauf M. Barr, en fin de compte—ont reconnu que le gouvernement avait consenti un effort considérable pour tenter d'assurer la participation des ONG... Personne n'a souligné le fait que le gouvernement fédéral a financé le sommet parallèle à Québec, alors je me permets de le faire, même si deux d'entre vous au moins en ont parlé, me semble-t-il.

Monsieur Watt, vous avez dit ensuite que vous constatez un certain scepticisme de la part du public. Je me demande bien sur quoi vous vous fondez. S'agit-il d'une impression? Disposez-vous de données factuelles que vous pourriez nous communiquer à ce sujet? Le public ne me semble pas sceptique au sujet de la nécessité du commerce international. Je ne vois pas un tel scepticisme chez Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, qui a quantifié le phénomène et déclaré que la libéralisation et la mondialisation du commerce grâce à la réduction des droits tarifaires et l'élimination des droits peuvent faire croître la valeur des économies des pays en voie de développement de 150 milliards de dollars par année. J'aimerais bien avoir vos commentaires à ce sujet. Sur quoi le scepticisme dont vous avez parlé est-il fondé au juste? Avez-vous des données quantitatives à ce sujet?

• 1015

M. Fergus Watt: Tout d'abord, pour ce qui est de Kofi Annan et des attitudes du public dont je parlerai par la suite, personne, à ma connaissance, ne conteste le fait que, si les bonnes conditions sont réunies, la libéralisation du commerce n'a rien d'incompatible avec le développement durable. C'est justement ce que fait valoir Kofi Annan, me semble-t-il. Pour revenir sur ce que Jerry disait notamment, nous cherchons justement à assurer un processus qui garantira les bonnes conditions.

Pour l'heure, nous avons d'une part une organisation mondiale du commerce qui exerce des pouvoirs considérables, dont les tribunaux prennent des décisions exécutoires et, de l'autre, des organismes internationaux dont les décisions et les activités n'ont tout simplement pas la même autorité sur le plan international. Il faut justement que l'ensemble devienne fonctionnel. Pour ce qui est des attitudes du public, je n'ai pas en main des données factuelles—mon métier n'étant pas celui de sondeur—mais elles existent bel et bien.

Lorsque l'on constate que les gens prennent la peine de protester ou de contester pour manifester leurs inquiétudes face aux agissements de notre gouvernement en matière de libéralisation du commerce, lorsque les gouvernements sentent la nécessité de se réunir derrière des portes closes à des endroits comme le Qatar, où les mesures de sécurité sont très...

M. Pat O'Brien: Je m'excuse de vous interrompre, mais je tiens à poser une question de plus. Je suis réticent à agir de la sorte, monsieur Watt, mais vous avez répondu à ma question en disant que vous n'aviez pas de données factuelles. J'ai bien compris que vous n'étiez pas un sondeur. Par conséquent, j'ai une réponse directe. Je vous ai interrompu, étant donné que ma dernière question s'adresse à vous. Elle provient de Mme Carroll, qui a dû nous quitter pour d'autres tâches.

Quel est selon vous le meilleur modèle de participation parlementaire? Je crois que nous sommes tous d'accord, d'un côté de la table comme de l'autre, au sujet de la nécessité d'assurer autant que possible la participation des parlementaires. Lequel est le plus souhaitable, selon vous, parmi les deux modèles concurrents dont nous avons entendu parler aujourd'hui, à savoir la structure de l'UPI, ou l'autre forme de participation, proposée par l'UE?

M. Fergus Watt: Mon organisation et moi-même avons plutôt tendance à favoriser le modèle préconisé par l'UE, à savoir une assemblée parlementaire distincte rattachée à l'Organisation mondiale du commerce. Bon nombre d'organisations internationales sont dotées d'une assemblée parlementaire. Je pense au Commonwealth, à l'OTAN, au Conseil de l'Europe. Une organisation comme l'OMC devrait avoir sa propre assemblée parlementaire.

À mon avis, ceux qui préconisent un volet parlementaire lié à l'UPI cherchent, en réalité, à éviter tout examen parlementaire rigoureux. L'UPI est une association parlementaire d'envergure qui existe depuis longtemps. Elle intègre le volet parlementaire du commerce à l'un de ses comités, ce qui donne lieu à des rapports occasionnels concernant les questions commerciales dans le cadre des activités des comités de l'UPI et, une fois par année, auprès de l'OMC. Voilà qui est nettement insuffisant. L'OMC a beaucoup trop d'importance pour cela.

Il existe plus de deux modèles. Le débat se poursuit, et j'espère que votre comité s'en saisira à l'avenir. J'aimerais clarifier quelque chose: lorsque j'ai dit que je n'étais pas sondeur, j'aurais peut-être dû ajouter que les preuves étaient là. Le grand public continue de s'inquiéter de l'orientation que prend la libéralisation du commerce, et je pense qu'on peut le démontrer. C'est mon opinion là-dessus. J'ai lu les sondages, et j'aurais dû préciser que je ne les avais pas apportés avec moi.

M. Pat O'Brien: Très bien. J'aimerais simplement vous dire que toutes les lectures que j'ai faites en tant que parlementaire semblent indiquer que quelque 70 p. 100 des Canadiens sont favorables au commerce international. Cela dit, des conditions s'imposent: le commerce équitable en est une. Il faut certes admettre que les gens sont sceptiques, mais on aurait tort de donner à croire que d'une certaine manière les Canadiens ne sont pas en faveur du commerce international, car tous les sondages que j'ai lus disent plutôt le contraire.

Je vous remercie, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.

Je donne la parole à M. Robinson, ensuite nous ferons un nouveau tour de table.

M. Svend Robinson: Tout d'abord, je m'excuse de n'avoir pas été en mesure d'être ici plus tôt. C'est que j'étais à l'édifice Pearson et je parlais justement de quelques-unes des questions que vous abordez ce matin. Je regrette sincèrement de n'avoir pu être ici plus tôt. Mais je vais certainement relire votre témoignage avec le plus grand soin.

• 1020

Étant donné que je n'étais pas ici au début, je vais éviter de vous poser des questions sur des choses que vous avez peut-être déjà abordées. Je voudrais simplement faire un commentaire.

M. O'Brien a évoqué le soutien massif au commerce international, mais je pense que nous devrions également situer les choses en contexte. S'il est vrai qu'il y a eu peut-être une croissance de la richesse globale, il n'en demeure pas moins, et je suis sûr que vous l'avez noté, que la distribution de cette nouvelle richesse, notamment avec les pays pauvres, s'est faite d'une manière profondément déséquilibrée. En réalité, le fossé entre les riches et les pauvres s'est accru.

Je me souviens par exemple que lorsque je suis allé au Chiapas, j'ai rencontré des paysans et des paysannes qui ont été expulsés de leurs terres à cause du déferlement des importations bon marché en provenance des États-Unis. De toute évidence, ces gens n'ont pas profité de tous les grands avantages du commerce. Je pense que cela donne à réfléchir. On s'inquiète également de l'incidence du chapitre 11 de l'ALENA. Il y a à peine une semaine, comme vous avez dû le constater, une nouvelle poursuite a été intentée en vertu du chapitre 11 par un fabricant de pesticides américain, en l'occurrence un fabricant de lindane.

Cela suscite de vives inquiétudes. Ce qui inquiète les gens, ce n'est pas tellement l'incidence du commerce, mais plutôt les répercussions des accords commerciaux qui sont censés porter sur le commerce mais qui, en réalité, ont davantage à voir avec le pouvoir des entreprises. Je voulais simplement préciser, pour mémoire, que cela préoccupe vraiment les gens. Connaissant les témoins comparaissant aujourd'hui, je présume qu'ils ont déjà dû aborder quelques-unes de ces inquiétudes.

Je voulais simplement demander à Ann Weston si elle avait quelque chose à ajouter au sujet de l'eau, puisqu'on l'a interrompue tout à l'heure. Peut-être souhaiterait-elle ajouter quelque chose sur les enjeux touchant l'eau.

Mme Ann Weston: J'allais simplement dire que j'ai assisté à une réunion la semaine dernière où Maude Barlow a pris la parole. Je suis sûre que ce sujet reviendra à maintes reprises à l'occasion des nombreuses conférences internationales qui se tiendront dans les 12 ou 24 prochains mois. Je suis certaine que Maude Barlow serait très ravie que le gouvernement du Canada se joigne à elle pour essayer d'exclure l'eau des accords commerciaux internationaux. Je pense que le gouvernement envisage un accord international sur l'eau qui aurait pour effet de protéger l'eau. Je suis sûre que si telle est l'intention du gouvernement actuel, elle se fera un plaisir de collaborer avec lui au cours des 12 ou 24 prochains mois.

Je ne prétends pas parler en son nom, mais je peux vous dire que ce sujet sera abordé à l'occasion de nombreuses rencontres prochaines, et votre comité aura probablement l'occasion d'en discuter longuement avec elle.

M. Svend Robinson: Je conviens tout à fait avec M. O'Brien qu'il faudrait que nous invitions Mme Maude Barlow à comparaître devant notre comité au début de l'année prochaine pour lui donner l'occasion de nous faire part de ses préoccupations.

M. Pat O'Brien: Ce n'est pas ce que j'ai dit, madame la présidente. J'ai dénoncé le fait que ce témoin ne se soit pas présenté aujourd'hui.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): D'accord. Nous n'allons pas en faire un débat.

M. Pat O'Brien: M. Robinson n'a pas interprété fidèlement mes propos.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): La parole est à M. Harvard.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai deux questions à poser. Je vais peut-être les poser toutes les deux, puis laisser les témoins y répondre.

J'ai été un des parlementaires présents à la conférence de Seattle il y a deux ans. S'il est vrai que nous condamnons tous la violence qui a eu lieu à Seattle, il reste que certains d'entre nous pensent que, d'une certaine manière, ce qui s'est passé dans les rues de Seattle, n'a pas été tout à fait inutile, que cela a été une sorte d'avertissement pour l'OMC, qui n'était peut-être pas aussi sensible à certaines de nos inquiétudes ou à un grand nombre de nos préoccupations que nous l'aurions espéré.

J'ai déjà entendu votre témoignage et je vous ai entendu dire publiquement à de nombreuses reprises que vous n'êtes pas satisfaits de la manière dont l'OMC est structurée et de certains de ses comportements. Sur une échelle de 1 à 10, 10 représentant le changement le plus significatif, où situez-vous l'OMC sur cette échelle, depuis Seattle? Voilà pour ce qui est de ma première question.

Ma deuxième question porte sur l'agriculture. Je m'intéresse à l'agriculture depuis de nombreuses années, et nous savons tous que certains agriculteurs canadiens, notamment ceux qui cultivent les céréales et les oléagineux, sont en train de souffrir en grande partie à cause de la faiblesse des prix et dans une moindre mesure, peut-être même dans une grande mesure, à cause des subventions à l'agriculture octroyées par les Américains et les Européens. Dans nos négociations commerciales dans le cadre de l'OMC et dans d'autres forums, nous recherchons une solution quelconque, notamment la réduction tant espérée des subventions. Bien entendu, je ne vous parle même pas du triste état des agriculteurs dans les pays en développement. Ils sont eux aussi en train de souffrir, et je présume, tout compte fait, que leur situation est pire que la nôtre.

• 1025

Dans nos discussions en matière de commerce mondial au sein de l'OMC et dans d'autres forums, quel sorte de compromis notre pays cherche-t-il? Comment pouvons-nous aider nos propres agriculteurs et, ce faisant, fournir une aide quelconque à d'autres agriculteurs, que ce soit au Sri Lanka, en Amérique latine ou ailleurs?

Voilà donc les deux questions auxquelles j'aimerais que les témoins répondent.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Barr, allez-y.

M. Gerry Barr: Merci, monsieur Harvard. Je vais répondre à votre deuxième question d'abord. On peut voir que l'économie agricole mondiale comporte au moins deux volets très distincts. Premièrement, il a le volet exportation agroalimentaire, et l'accord sur l'agriculture porte dans une très large mesure sur les approches en matière d'exportation agroalimentaire et agroindustrielle au chapitre de la production alimentaire mondiale.

Deuxièmement, près des deux tiers des habitants des pays les moins développés du monde dépendent, et j'entends tout un chacun dans ces pays, de la production agricole à petite échelle pour leur subsistance. Ce sont ces agriculteurs et ces producteurs qui sont menacés par les dispositions de l'accord sur l'agriculture. À mon sens, le problème le plus contrariant auquel ils font face est la flambée des importations, problème avec lequel ils sont vraiment incapables de composer.

Cette flambée a d'énormes conséquences sociales pour les stratégies de lutte contre la pauvreté mondiale. Ces gens sont en fait les pauvres de la planète, et tout ce qui peut leur nuire au point de baisser leur niveau de vie a probablement pour effet d'exacerber le problème le plus important, c'est-à-dire que l'OMC est en principe censée promouvoir le développement durable et, ce faisant, hausser le niveau de vie des gens. Or, pour ce segment très important de la population mondiale, ce n'est pas le cas.

À mon avis, à l'OMC, nous devons prendre en considération différents types d'économies et différents volets de l'économie. En effet, il existe des économies nationales dont les besoins sont différents, et cette différence doit être prise en compte dans la négociation d'accords multilatéraux. Cela ne s'est pas encore produit à l'OMC. Plutôt, ce qui arrive, comme Mme Weston l'a indiqué, c'est qu'on opte pour une solution universelle. Cela ne marche pas. Pis encore, cela peut donner lieu à de nombreux dysfonctionnements.

Vous me demandez si l'OMC a changé depuis Seattle, je pense que oui. Malheureusement, je ne pense pas qu'elle ait changé pour le mieux depuis Seattle, elle est tout simplement plus prête qu'avant.

Je pense qu'à Seattle, les pays en développement ont été pris de court par l'approche de l'OMC. Il y a eu une combinaison d'erreurs qui ont fait qu'on a laissé tomber l'ordre du jour, et c'est pourquoi il n'y a pas eu de nouveaux cycles de négociations. En revanche, cette fois-ci, le secrétariat était résolument décidé de ne pas laisser le même fiasco se reproduire. La conférence a été minutieusement gérée et les opinions dissidentes très soigneusement écartées avant l'arrivée à Doha, l'objectif étant, advienne que pourra, le lancement d'un nouveau cycle de négociation.

Je suis désolé de vous informer que c'est effectivement ce qui s'est passé, en tout cas c'est mon avis et celui de bien d'autres.

M. John Harvard: Partagez-vous cet avis, madame Weston?

Mme Ann Weston: Je crois qu'il est très difficile de juger à partir d'une carte de parcours. On est obligé de s'en tenir à un résultat unique, alors qu'en réalité il y a toutes sortes de mesures différentes. J'ajouterai cependant, pour être positive, que nous savons désormais davantage ce que font les différents pays et ce que pensent les différents groupes de pays.

En effet, nous sommes désormais en mesure de constater la grande disparité entre la position d'un pays comme l'Inde sur certaines questions et celle d'un pays comme le Canada ou les États-Unis. Les informations ne manquent pas à cet égard. Quant à savoir si l'accès à cette information nous permet d'influer sur les négociations, je crois que c'est une autre paire de manches. De toute évidence, à bien des égards, les négociations se font toujours en coulisse.

• 1030

Ceci étant dit, je pense que nous nous dirigeons assurément dans la bonne voie pour ce qui est de la transparence du fonctionnement interne de l'OMC. En d'autres mots, nous en savons davantage sur la manière dont les pays en développement sont en mesure de participer, et ceux-ci savent comment fonctionne l'organisation à l'interne. C'est un progrès. Je pense que même en ce qui concerne la transparence externe, il y a des avancés. Toutefois, nous devons faire très attention de ne pas répéter l'expérience de Doha la prochaine fois qu'il y aura une conférence ministérielle, de faire en sorte que ce ne soit pas comme ce qu'on a vu à Doha, c'est-à-dire l'érection de barrières de sécurité et le manque de participation de sorte que le prochain cycle soit davantage transparent et ouvert.

M. John Harvard: Merci.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Paquette, vous avez cinq minutes.

M. Pierre Paquette: Sur la question de l'opinion public, des sondages, je ne sais pas si le comité a les moyens de faire cela, mais ce serait intéressant. J'ai vu récemment des sondages qui ont été faits au Québec sur la question de la mondialisation, et les gens sont majoritairement favorables à l'ouverture des marchés. Par contre, c'est beaucoup moins fort depuis les événements de Québec que ça l'était avant, mais ça demeure quand même une majorité. Mais quand on leur demande spécifiquement s'ils pensent que ce sera bon pour l'emploi, ils répondent non. Quand on leur demande si ce sera bon pour la culture, ils répondent non.

Alors, globalement, j'ai l'impression que les gens sont conscients du fait qu'il y a une tendance lourde qui est incontournable, mais dans le fond, ils sont inquiets quant à la manière dont la mondialisation se fait présentement, et ils voudraient avoir ce que j'appelle une mondialisation à visage humain.

Un autre aspect qui m'a frappé dans le sondage que j'ai vu, c'est que les gens les plus progressistes sont ceux qui sont le plus en faveur de la mondialisation, mais, évidemment, pas telle qu'elle se dessine actuellement. Alors, je trouve que si on avait les moyens de creuser ces éléments-là, on pourrait peut-être passer par-dessus bien des préjugés ou des lieux communs qui circulent actuellement dans tous les milieux.

Je voudrais aborder une question avec vous. Je me demande parfois si l'Organisation mondiale du commerce est la bonne place pour discuter de développement, en particulier celui des pays en voie de développement, parce que le projet même de l'OMC, c'est la libéralisation d'abord du commerce, la protection des investissements. Évidemment, ça ne peut pas être complètement dissocié du développement, mais quand les Accords de Bretton Woods ont eu lieu, il y avait un économiste bien connu à l'époque, M. Keynes, qui lui proposait qu'il y ait un quatrième pilier aux institutions internationales. Il y avait la Banque mondiale, le Fonds monétaire internationale, le GATT, qui est devenu l'OMC, et lui avait proposé une espèce d'institution pour stabiliser les prix des matières premières sur le plan international, et son argument était à l'effet que tant que les termes de l'échange seraient aussi inégaux pour les pays développés, il n'y aurait pas de développement dans les pays du Sud.

Alors, je ne sais pas si, de votre côté, il y a des réflexions qui se font plus largement que simplement dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce sur les manières, au niveau international, d'avoir des institutions et des stratégies pour favoriser le développement des pays du tiers monde.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Bonne question.

[Traduction]

M. Gerry Barr: Merci beaucoup pour cette question.

Je crois que cela préoccupe pratiquement tous ceux qui s'intéressent à l'évolution des accords commerciaux multilatéraux. L'observation la plus importante est probablement que même s'il est vrai que ces accords sont un moteur de croissance, ils ne sont pas forcément un moteur de développement. En effet, le développement a davantage à voir avec les accords sociaux, la reddition de comptes, les accords entre les peuples concernant la distribution de la richesse et ainsi de suite, et d'aucuns vous diront que ces accords commerciaux sont terriblement muets à cet égard. On parvient donc à des accords très importants, des accords qui peuvent avoir des incidences économiques considérables, et certains de ces incidences économiques peuvent avoir des conséquences néfastes pour des groupes et des secteurs de la communauté. En bref, ceux qui sont déjà marginalisés risquent de le devenir davantage.

La question que vous avez soulevée tout à l'heure, monsieur Paquette, qui a trait à la responsabilité sociale des négociations, trouve tout à fait sa pertinence ici. À un certain niveau, d'une certaine manière, je pense que l'essentiel du débat porte là- dessus. Il s'agit de trouver un moyen d'intégrer à des négociations d'accords multilatéraux une certaine mesure de responsabilité sociale, une certaine reddition de comptes par rapport aux conséquences, notamment envers ceux qui ont particulièrement besoin d'aide au développement.

• 1035

Cet objectif est pris en considération dans les accords conclus par les parlementaires et les responsables de la rédaction des accords commerciaux, car voyez-vous, en surface, on parle inévitablement de développement durable, d'un niveau de vie et de choses de la sorte. Mais au fond, on prévoit peu de choses de la sorte, quand on arrive au contenu, on reste muet sur les instruments de la responsabilité. Comment mesurer ces accords par rapport aux critères établis en début de processus? C'est un problème très contrariant, mais c'est un domaine fort important.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie.

La parole est à M. Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

Je vais passer à quelque chose de tout à fait différent.

[Français]

Monsieur Paquette a parlé de [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

Cela dit, ma question s'adresse à M. Barr et à Mme Weston. M. Barr a mentionné l'accès aux médicaments, et madame Weston, vous avez dit que les pays pauvres doivent importer des médicaments, puisque la plupart des pays sous-développés ne peuvent même pas produire des médicaments génériques. Je pense que vous aviez probablement à l'esprit l'importation des médicaments principalement pour lutter contre des pandémies. Si je ne m'abuse, vous deviez probablement penser au sida.

J'aimerais vous nous parliez davantage, si vous le voulez bien, de la question de l'accès aux médicaments. J'aimerais savoir en quoi réside le problème, d'après vous—j'ai ma propre opinion à ce sujet. Le problème tient-il uniquement à la propriété intellectuelle? Est-ce simplement le coût des médicaments brevetés, ou est-ce également le coût élevé des médicaments génériques? Je m'intéresse uniquement au coût des médicaments. Je pense au paludisme, par exemple, qui continue d'être une pandémie en Afrique, pourtant le coût pour traiter cette maladie est extrêmement bas. Or le paludisme est toujours très présent en Afrique. Quel est le problème dans ce cas-là?

Monsieur Barr, vous avez également indiqué que le Canada devrait prendre les devants. Quel rôle envisagez-vous pour le Canada? Que devrait-il faire? Est-ce que vous avez à l'esprit quelques pistes de solution? À quoi pensez-vous exactement quand vous évoquez l'accès aux médicaments?

M. Gerry Barr: Je vais commencer, si vous le permettez.

La question restée en suspens à la suite de la reformulation de la déclaration politique sur les médicaments essentiels et les médicaments pouvant sauver des vies était de savoir si les fabricants de médicaments génériques pouvaient, en vertu des règles de l'OMC, exporter des médicaments génériques vers les pays les moins développés et les pays qui n'ont pas eux-mêmes la capacité d'en fabriquer. La déclaration politique donne aux pays les moins développés les moyens, en tout cas en principe, d'acheter des médicaments brevetés à des prix inférieurs à ceux de leur propre marché, et ainsi, de réaliser des économies. Mais s'agissant des médicaments génériques, qui sont, bien entendu, l'étalon-or pour ce qui est de la valeur des médicaments, ils ne seraient pas en mesure de le faire. Ceci est évidemment important dans la mesure où les pays relativement développés ont la capacité de fabriquer eux-mêmes des médicaments génériques pour répondre à leurs propres besoins.

À notre avis, le prix de vente et les brevets ont beaucoup à voir avec les problèmes de l'approvisionnement en médicaments pour sauver des vies, notamment dans le cas du VIH-sida, mais cela est également vrai pour le paludisme et la tuberculose. Ces maladies sont très répandues dans le tiers monde, mais le tiers monde représente à peine 10 p. 100 du marché pharmaceutique mondial. Autrement dit, les brevets et les mesures de contrôle sont en réalité là pour servir les intérêts des pays développés plutôt que ceux des pays en développement. On peut voit l'ampleur de l'exclusion découlant des prix de vente élevés et des mesures de protection de brevets: les pays en développement comptent les deux tiers de la population mondiale mais n'occupent que 10 p. 100 à peine du marché mondial des produits pharmaceutiques.

• 1040

Mme Ann Weston: Personne ne soutiendrait qu'un bon accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce va régler le problème du VIH-SIDA. Ce que nous demandons en matière de santé afin d'aider les pays en développement à résoudre ce problème du VIH-SIDA, c'est une stratégie internationale cohérente. Autrement dit, le Canada intervient beaucoup par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international. Le Canada fait beaucoup par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale de la santé. Toutefois, dans le cas de l'Organisation mondiale du commerce, nous devons nous assurer que les règles concordent avec nos efforts pour soutenir la lutte des pays contre le VIH-SIDA.

Disposer d'un accord sur les ADPIC qui permette l'homologation obligatoire et l'exportation de médicaments meilleur marché contribuerait à cette lutte contre le VIH-sida. Bien sûr, cela ne suffira pas. Il faut faire beaucoup plus. Mais le fait est que si nous essayons d'aider les pays en développement dans d'autres domaines sans tenter par ailleurs de modifier l'accord sur les ADPIC ni nous assurer d'une interprétation souple, nous ne faisons pas tout ce que nous pouvons faire.

Je pense que c'est une approche générale. L'OMC doit s'occuper de développement dans tout un ensemble de domaines, pas seulement la santé internationale. Mais il y a toutes sortes d'autres moyens que nous devons utiliser pour nous assurer que les règles de l'OMC favorisent le développement plutôt que d'entraver les efforts d'autres organisations internationales. C'est vraiment le problème que nous avons pour l'instant.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Graham, je pense que vous avez l'accord. Pouvez-vous regarder le passage qui porte sur les ADPIC. Parce qu'il me semble que l'objet et la formulation sont confus. Peut-être pourrions-nous tenter d'obtenir des éclaircissements.

M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Madame la présidente, je n'arrive pas à croire que l'objet et la formulation d'un accord commercial puissent être le moindrement confus.

Des voix: Oh, oh.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Eh bien, je l'ai lu à diverses reprises...

M. Bill Graham: Après tout, il doit bien avoir été rédigé par des avocats, non?

J'aimerais poser une question à la suite de l'intervention de M. Barr, car un bon nombre d'entre nous qui étaient à Doha ont été très satisfaits de l'accord sur la santé publique. Si on lit les paragraphes 4 et 5 de l'accord, surtout le paragraphe 5.b qui dispose que «rien dans l'Accord sur les ADPIC n'empêchera les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique», et particulièrement que chaque État membre a le droit d'accorder des licences obligatoires et la liberté d'établir les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées. Est-ce que cela ne permettrait pas aux pays d'avoir accès à des médicaments importés, surtout des médicaments pour le traitement du sida? J'avais supposé au début que cela permettait à ces pays d'importer de tels médicaments de l'Inde et du Brésil en particulier, où on en fabrique à moindre coût. Êtes-vous en train de dire que cet accord ne le permet pas?

M. Gerry Barr: Eh bien, il le permet d'une certaine façon, mais il l'interdit de l'autre. Il ne permet pas l'exportation de médicaments génériques vers des pays qui n'ont pas eux-mêmes la capacité de fabriquer des médicaments génériques. Non, il ne le permet pas.

M. Bill Graham: Il n'y a donc homologation obligatoire que si on a une installation pour en fabriquer dans son propre pays.

M. Gerry Barr: Oui.

M. Bill Graham: C'est très intéressant. Je pense que nous devrions demander un suivi. Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je pense qu'il faudra en effet approfondir la question, parce que si nous pensons qu'ils ont la capacité de faire certaines choses mais qu'ils ne l'ont pas, alors nous devons obtenir des éclaircissements.

Mme Ann Weston: C'est bien clair à l'article 6, en fait, dans cette ébauche de déclaration ou dans la déclaration finale:

    Nous reconnaissons que les États membres de l'OMC qui, dans le secteur pharmaceutique, n'ont pas de capacités de fabrication ou n'ont que des capacités de fabrication insuffisantes, peuvent avoir des difficultés à utiliser efficacement les homologations obligatoires prévues dans l'Accord sur les ADPIC. Nous demandons au Conseil chargé des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et à en faire rapport au Conseil général d'ici la fin de 2002.

Cette question doit donc être encore étudiée et réglée.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.

Maintenant, c'est au tour de... Svend, avez-vous une autre question?

M. Svend Robinson: Non.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je donne la parole à M. Mac Harb.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): J'en profite pour remercier les témoins d'être venus au comité.

J'ai eu le grand plaisir d'assister à un événement parrainé par le Conseil canadien pour la coopération internationale. J'ai été très impressionné par la qualité et le calibre non seulement de ses membres mais aussi de ceux qui ont participé à cette tribune.

• 1045

En outre, à cette réunion, on a traité entre autres choses de l'importance de la participation—c'est-à-dire, que le gouvernement doit collaborer avec le secteur des bénévoles dans les questions liées au commerce. Je suis ravi de voir comparaître au comité des membres du conseil ainsi que du Mouvement canadien pour une fédération mondiale et de l'Institut Nord-Sud, parce que je crois que c'est un des moyens les plus efficaces de transmettre ses vues au gouvernement.

Je sais que M. Fergus Watt était à la réunion de l'OMC. Je ne sais pas si M. Graham a parlé à nos invités de sa motion visant à créer une assemblée parlementaire qui travaillerait de concert avec l'OMC, mais s'il ne l'a pas fait, je suis sûr qu'il mentionnera ses initiatives ainsi que le travail admirable de M. Watt, et de nombreux autres, qui ont tenté d'y parvenir à l'OMC.

Je considère le commerce comme un moyen de maintenir l'équilibre dans le monde. Quand nous parlons de commerce de vrac, nous parlons presque toujours de ressources naturelles. Il est frappant de penser, quand on y regarde d'un peu plus près, qu'il n'y a pas de ressource naturelle qui, si elle venait à épuisement, n'affecterait pas la souveraineté de la nation qui en fait l'exportation.

Si nous partons de cette prémisse, alors tout pays, qu'il soit industrialisé ou en voie de développement, pourrait à tout moment déclarer que l'exportation de ses ressources naturelles va avoir une incidence sur la souveraineté de cette nation. Par conséquent, on ne tarderait pas à voir éclater des crises partout dans le monde. On tarderait à voir les questions de sécurité nationale l'emporter, à voir des guerres se déclarer et le chaos s'installer partout.

Quand nous parlons de l'eau plus particulièrement—et c'est une question à laquelle je réfléchis depuis très longtemps—, je dirais que si un jour nous parvenions à convaincre les gouvernements d'exclure complètement les exportations d'eau en vrac, de les interdire totalement, et que nous avions un accord mondial que tous les États membres signeraient, et qu'il y avait soudainement une sécheresse dans un pays où l'on avait désespérément besoin d'eau, nous verrions ces mêmes gens qui ont réclamé une interdiction des exportations d'eau s'en prendre alors au gouvernement pour ne pas avoir pris des mesures pour exporter de l'eau afin de soutenir ces pays ravagés par la sécheresse.

On est toujours pris entre le marteau et l'enclume. On dira qu'à un moment donné il faudra bien que le bon sens l'emporte, et que pour maintenir cet équilibre dans le monde il faut se donner un système équitable, où l'on puisse dire: «Si cela affecte vraiment votre souveraineté, si vous essayez d'exporter de l'eau et que vous ne voulez pas le faire, alors je vous donne du gaz naturel, ou je vous donne du pétrole, ou je vous donne un autre type de matière brute dont vous avez besoin, et cela affecte ma souveraineté aussi». Quand dirons-nous que cela suffit—trouvons un système qui soit équitable?

J'aimerais savoir si oui ou non vous pensez que quand nous exportons en vrac nous devrions garder présent à l'esprit le fait qu'un jour ou l'autre les États membres de l'OMC réclameront un système où vous ne pourrez pas tout simplement dire que je ne peux pas avoir de votre eau, parce que si vous continuez à me dire cela, je vais à mon tour vous dire que vous ne pourrez pas avoir mon gaz naturel.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Harb, vous êtes en train d'utiliser pour la question tout le temps dont vous disposez.

M. Mac Harb: Non, j'ai simplement une observation à faire.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Ah bon, d'accord. Nous considérerons votre énoncé comme une observation.

M. Mac Harb: Je ne pose pas une question. J'ai fait une observation, afin que nous puissions y réfléchir ensemble...

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): D'accord, réagissons en une phrase à l'observation de M. Harb.

Madame Weston.

Mme Ann Weston: Selon moi, il faut déterminer si l'Organisation mondiale du commerce est la meilleure tribune où débattre des questions portant sur ces ressources essentielles, qui sont d'une importance capitale. Je crois que de nombreuses personnes trouvent qu'inclure l'eau dans les champs de compétences de l'Organisation mondiale du commerce pose problème car les valeurs telles que le droit d'accès à l'eau ne sont vraiment pas le genre de valeurs dont cette organisation fait la promotion. Les objectifs de l'Organisation mondiale du commerce portent sur l'accès aux marchés et la facilitation de la circulation des produits. Il existe toutes sortes d'engagements obligatoires que doivent respecter les États en échange de l'accès aux marchés.

• 1050

À mon avis, l'inclusion de l'eau pose problème car il faut examiner des valeurs plus fondamentales. C'est pourquoi certains avancent qu'il faut traiter ailleurs de la question de l'eau. Ils jugeraient sans doute qu'un organisme relevant des Nations Unies serait beaucoup plus propice à ces discussions. Je crois, cependant, que l'on peut établir une distinction entre l'eau et d'autres types de ressources naturelles, par exemple, le charbon et d'autres ressources utilisées dans la production de toutes sortes de biens.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Graham, votre question.

M. Bill Graham: J'ai une question à poser à chacun des trois témoins. Je tenterai d'être bref dans les trois cas.

Monsieur Barr, vous avez dit que, selon vous, le nouveau cycle de négociation n'est pas véritablement un cycle de développement. Il me semble, si nous suivons le processus à partir du cycle de Tokyo et des accords initiaux du GATT, que les ententes spéciales visant les pays en voie de développement avaient été supprimées, lors de la série de négociations de l'Uruguay, essentiellement parce que tous les économistes les disaient mauvaises pour les pays en voie de développement.

Il me semble que la nouvelle série de négociations a au moins le mérite d'affirmer de nouveau que des pays qui sont parvenus à des stades différents de développement ont, effectivement, besoin d'un traitement différent. C'est pourquoi je considère qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et savoir si vous êtes d'accord avec moi pour dire que le principal problème, du point de vue des pays en voie de développement, c'est que les pays industrialisés ne respectent pas leurs promesses quant à l'accès à leurs marchés.

Lorsque je me rends dans les Caraïbes, les gens là-bas me disent: «Les Américains ont signé l'Initiative concernant le bassin des Caraïbes et ils insistent pour que nous fassions certaines choses, mais ils ne nous donnent pas vraiment accès à leurs marchés», les produits textiles et les produits agricoles étant les deux préoccupations dans le contexte américain.

Il existe des programmes d'aide par le biais desquels nous avons aidé certains pays à mettre sur pied des usines de produits textiles, produits que nous ne laissons pas ces pays exporter chez nous. Je crois donc que le problème, en grande partie, c'est que nous, les pays développés, nous ne tenons pas les promesses que nous avons faites d'ouvrir nos marchés aux pays en voie de développement. J'aimerais savoir ce que vous en dites.

Fergus Watt, vous avez parlé de l'assemblée parlementaire de l'OMC. Vous y étiez. Plusieurs députés y étaient. Je me demandais si vous alliez travailler de nouveau sur la question du modèle? Vous croyez que l'Union interparlementaire, où l'on met l'accent sur d'autres thèmes, ne serait peut-être pas un lieu adéquat. J'aimerais que vous élaboriez un peu.

Est-ce que le Mouvement pour une fédération mondiale, entre autres, défendra le modèle proposé? Vous vous rappelez qu'à Doha, seuls le Canada et l'Union européenne ont défendu cette option à la conférence des ministres. Aucun autre pays ne s'est rangé de leur côté. Comment pouvons-nous inciter les autres pays à soutenir cette idée, afin que nous puissions progresser?

Madame Weston, je vous pose rapidement la question suivante. Si nous voulons un processus plus transparent, est-ce que les ONG vont coopérer? Nous non plus, nous ne voulons pas revivre des événements comme ceux de Gène. Nous voulons tous rendre le processus transparent, mais nous ne voulons pas non plus risquer de revivre les événements de Gène.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Répondez brièvement, s'il vous plaît.

M. Gerry Barr: Je vais répondre à une question, mais je ne sais pas si je peux le faire.

Quand vous demandez s'il y a eu effectivement amélioration du côté développement, je pense que cette nouvelle façon d'aborder la question est beaucoup plus répandue qu'auparavant, ce qui indique peut-être une certaine sensibilité aux grands enjeux.

Pour la plupart des observateurs comme nous, je pense que la préoccupation principale c'est de savoir si des pays comme le Canada, qui pourraient devenir de grands champions pour les intérêts des pays en voie de développement, seraient prêts à faire la transition de l'ajustement à la libéralisation par des arrangements spéciaux et exceptionnels concernant les échéanciers pour la mise en oeuvre ou permettant un certain soutien sectoriel aux groupes qui sont particulièrement défavorisés dans des secteurs donnés en raison de ce que Martin Khor appellerait les méthodes de libéralisation «big bang».

Quant à savoir si ces stratégies tampons constituent la limite des accommodements que le Canada est disposé à accorder aux économies des pays en voie de développement ou si, par contre, il serait possible de reconnaître que ces économies se trouvent à des étapes différentes et ont donc des besoins différents, et s'il serait possible de considérer que le régime de l'OMC faciliterait des arrangements entre différentes sortes d'économies à des étapes différentes avec des besoins différents plutôt que d'essayer de faire en sorte que l'économie mondiale soit irrémédiablement libéralisée—et, d'après moi, sans comptes à rendre—, je pense que c'est cela la question conceptuelle fondamentale. Y a-t-il de la place pour différentes sortes d'économies?

• 1055

Nous estimons qu'il est urgent que le Canada passe à l'étape suivante. Il est passablement bon pour ce qui est de l'aspect tampon, il joue un excellent rôle à ce sujet parmi les pays développés, mais il n'a pas encore procédé à l'étape suivante et il semble beaucoup hésiter à le faire. Les conséquences qui en découlent sont assez graves.

M. Fergus Watt: Merci, Bill. Je ne sais pas si vous étiez là pendant tout mon exposé, je ne cherche pas à esquiver votre question pour vous la reposer, mais j'ai parlé en faveur du maintien du rôle de ce comité quant à la participation parlementaire aux travaux de l'OMC, de poursuivre sur la base des recommandations faites dans le rapport de 1999 avant la réunion de Seattle. Je pense que le comité devrait continuer à s'y intéresser.

En ce qui nous concerne, il va y avoir une réunion en 2002. Il y a un groupe mixte de planification composé de parlementaires européens et de l'UPI qui va de l'avant. Mon organisme et des personnes comme John Bosley ont demandé ce que nous pouvions faire pour appuyer cette initiative et l'une des mesures que nous essayons de faire avancer, c'est des réunions régionales pour les parlementaires en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Jusqu'à maintenant cette question a surtout occupé les pays du Nord, en partie à cause de la participation de ce groupe de militants du Parlement européen. Lorsque l'UPI organise une réunion, cela représente un réseau d'environ 140 parlements. Les États-Unis brillent par leur absence, mais ça c'est une autre histoire.

La vision européenne de ce que cela pourrait constituer reçoit beaucoup moins de publicité dans les pays du Sud et je crois que les parlementaires de ces pays veulent savoir et ont besoin de savoir ce que peut leur apporter une participation parlementaire plus active. Nous avons parlé des problèmes qu'ils peuvent éprouver dans la mise en oeuvre des accords de l'OMC et si une plus grande participation parlementaire pourrait aider à faire avancer davantage les lois et d'autres mesures.

Une idée envisagée par certains d'entre nous, c'est d'avoir de petites réunions en même temps que les réunions régionales, comme l'Union parlementaire africaine, et je participe à des discussions avec le Centre parlementaire des affaires étrangères ici concernant la possibilité d'avoir certaines réunions en parallèle. J'apprécierais le soutien des membres du comité s'ils voulaient faire avancer ce dossier. Le FIPA pourrait peut-être constituer le mécanisme approprié.

Il nous faut élargir davantage la structure de base. John Duncan a déjà parlé de la difficulté des pays dont le parlement national n'est pas entièrement démocratique. La participation de ces parlementaires dans un parlement supranational nous aiderait à donner à ces personnes la possibilité de voir comment on travaille dans le monde démocratique.

Voilà juste quelques idées que nous avons. Oui, je pense que nous allons poursuivre sur notre lancée, comme on dit.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci, monsieur Watt.

Madame Weston.

Mme Ann Weston: En ce qui concerne l'avenir des relations entre les ONG et le fonctionnement de l'OMC, je pense qu'un mécanisme consultatif parlementaire, si en fait on le met en oeuvre, serait une mesure de renforcement de la confiance pour les intervenants qui ne font pas partie du gouvernement. Néanmoins, on pourrait bien sûr étudier d'autres mesures, et j'inviterais le comité à envisager la tenue de discussions ou d'une table ronde pour étudier les relations entre la société civile et l'établissement de politiques commerciales au Canada et à l'OMC en général. Ainsi, le comité pourrait mieux comprendre ce qu'il faut faire pour assurer une implication constructive, par opposition à une implication destructive comme ce que nous avons vu à Seattle ou à Gênes.

Éventuellement, il se pourrait qu'il existe toujours des groupes qui préfèrent la voie de la manifestation. Il serait impossible de ramener ces groupes à la table de négociations pour discuter de ces questions de façon paisible.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.

M. Bill Graham: Eh bien, madame la présidente, j'aimerais soulever le point suivant: le sommet à Québec était peut-être une occasion où beaucoup des ONG ont tenté de vraiment s'impliquer dans le processus. De toute évidence, il y avait certains qui rejetaient toute implication. Certains ont perdu leurs pantalons. Il y en a d'autres qui ne les ont pas perdus, mais ils...

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.

• 1100

Nous parlons aujourd'hui de la transparence et de l'implication de la société civile, etc., et je crois qu'une question se pose pour les témoins. Certains pays en voie de développement voient d'un mauvais oeil une implication des ONG dans les rouages politiques. Ces pays estiment que cette implication entraînerait la divulgation de trop d'informations aux citoyens. Par conséquent, pensez-vous, en tant qu'ONG, que ces pays en voie de développement sont ouverts à cette tendance vers la transparence et l'implication?

Mme Ann Weston: Je veux dire que lors des rencontres à Doha c'était très encourageant de constater que bon nombre de délégations des pays en voie de développement comportaient des représentants de la société civile. Je ne sais pas, cependant, le rôle qu'ont joué ces représentants, ni dans quelle mesure ils ont pu vraiment participer à des discussions. Toutefois, je pense que le fait qu'il y avait plusieurs délégations de ce genre est très bon signe. Par exemple, la délégation du Kenya et celle de l'Ouganda comportaient un représentant de la société civile. Par conséquent, je pense que nous devons revoir l'hypothèse selon laquelle beaucoup de gouvernements des pays en voie de développement n'aiment pas l'implication de la société civile.

M. Gerry Barr: En général, je suis d'accord avec cette affirmation.

Il y a d'autres éléments qui pourraient vous intéresser. Il existe des ONG qui travaillent de façon étroite avec les gouvernements des pays en voie de développement sur les lieux des rencontres de l'OMC, par exemple, Seattle. Cependant, cette coopération n'est pas égale parmi tous les gouvernements des pays en voie de développement. Certains, comme des gouvernements des pays le l'hémisphère Nord, hésitent à faire participer les ONG aux discussions. D'autres sont plus enthousiastes et plus intéressés. Les ONG apportent beaucoup aux équipes de négociation des pays en voie de développement qui manquent souvent de ressources. Il existe des relations continuelles enter les ONG et plusieurs gouvernements des pays en voie de développement. Cette coopération continuera probablement.

Je ne pense pas que cette coopération devienne généralisée, mais c'est une bonne chose. J'aimerais inviter les pays de l'hémisphère Nord à s'y impliquer avec plus de dynamisme. Souvent, les gouvernements des pays développés ne sont pas aussi ouverts à des contributions des ONG que le sont les pays d'hémisphère Sud.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Watt.

M. Fergus Watt: J'aimerais dire très brièvement que ce n'est pas seulement une bonne façon, mais c'est aussi quelque chose d'inévitable, étant donné que les technologies de l'information aident les ONG de toute taille dans l'hémisphère Sud à améliorer leur analyse et à s'impliquer dans les questions importantes.

Il faut aussi contourner un autre problème, c'est-à-dire l'harmonisation des ONG avec les partis politiques, les gouvernements, etc. Ils deviennent, si vous voulez, des ONG captives, même si ce phénomène a tendance à s'estomper. Les ONG sont actuellement plus habiles à écarter ces fausses ONG.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup de vos exposés. Je pense qu'ils ont montré le revers de la médaille.

Merci beaucoup aux membres du comité.

J'aimerais demander au président habituel du comité s'il y a quoi que ce soit que le comité devrait examiner avant que je ne lève la séance.

M. Bill Graham: Non, rien. Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Jean Augustine): La séance est levée.

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