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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 mai 2001

• 1103

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous et à toutes ce matin.

Comme nous le savons tous, nous recevons ce matin le ministre des Finances pour nous présenter sa mise à jour économique.

Monsieur le ministre, bienvenue. Vous avez la parole.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avant de commencer, je tiens simplement à prévenir les membres des partis de l'opposition que je dispose aujourd'hui de l'arme absolue. Ainsi dans l'éventualité où vous me poseriez des questions qui me mettent mal à l'aise, je vous refilais mes microbes.

Des voix: Oh, oh.

M. Paul Martin: Vous êtes prévenus.

Une voix: À condition que l'économie n'attrape pas votre rhume aussi.

M. Paul Martin: Oui, c'est vrai; il ne faudrait pas que l'économie l'attrape.

[Français]

Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, permettez-moi de remercier le comité de m'avoir invité à lui adresser la parole.

Dans les mois précédant la Mise à jour d'aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de discuter en détail de l'économie mondiale avec les ministres des Finances du G-7 et du G-20, le Fonds monétaire et la Banque mondiale; de l'économie nord-américaine avec des gens d'affaires des deux côtés de la frontière; et de notre propre économie avec un groupe important d'économistes canadiens.

Qui plus est, depuis janvier, j'ai parcouru toutes les régions du pays afin de rencontrer les Canadiens et les Canadiennes en participant à des consultations informelles de même qu'à des assemblées publiques et à des tables rondes locales. Partout, les participants ont bien voulu nous faire part de leurs idées, de leurs vues, de leurs espoirs et de leurs préoccupations. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui se sont donné cette peine.

• 1105

[Traduction]

Monsieur le président, parfois, lorsqu'on analyse des données, on se laisse facilement emporter par le vocabulaire des économistes et des statisticiens. Or, il ne faut jamais oublier que, même si l'activité économique s'exprime par des chiffres, ce sont les familles canadiennes qui en font l'expérience. Après tout, «l'économie» n'est pas une quelconque notion abstraite se situant «quelque part», «là-bas», «hors du temps». Elle est la toile de fond de notre vie de tous les jours. Elle se répercute sur les projets que nous faisons, sur la confiance que nous avons et sur les activités que nous aimons.

Il va donc de soi que, lorsque les Canadiens parlent de l'économie, ils n'emploient pas le langage des taux et des ratios. Ils parlent plutôt de leur capacité d'acheter une maison, de faire leur marché ou de planifier les études de leurs enfants. Ils parlent d'une retraite sûre et espèrent que le régime des soins de santé sera là lorsqu'ils en auront besoin. Ils parlent aussi de la nécessité d'utiliser la prospérité économique de notre pays pour améliorer la vie de nos citoyens. Ils nous disent que la croissance économique doit viser un but élevé. C'est pourquoi une approche équilibrée importe tout autant qu'un budget équilibré.

La plupart des Canadiens que j'ai rencontrés ont exprimé leur confiance dans les grandes orientations de notre économie, mais ils s'inquiètent tout naturellement des répercussions que le ralentissement en cours au États-Unis aura sur eux et sur leurs familles. J'aimerais aborder ces préoccupations aujourd'hui. Plus précisément, je veux faire le point avec les Canadiens et les Canadiennes sur l'effet que les changements observés à l'échelle mondiale depuis l'Énoncé d'octobre dernier ont eu sur la situation financière du pays et sur nos perspectives économiques, et je veux décrire les mesures que nous prenons pour appuyer la croissance.

[Français]

Monsieur le président, commençons par une vue plus générale de l'économie internationale. Pour une économie ouverte comme celle du Canada, où les exportations représentent plus de 40 p. 100 du PIB, ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières a un effet direct sur ce qui se passe à l'intérieur.

À l'occasion de sa réunion du mois dernier, le Fonds monétaire international a déclaré que les perspectives à court terme de croissance mondiale avaient faibli. Ainsi, le taux de croissance prévu a été ramené de 4,2 p. 100 à 3,2 p. 100 pour cette année. En Europe, l'activité économique s'est ralentie et est inférieure à son potentiel. Au Japon, la deuxième puissance économique mondiale, la faible confiance des consommateurs ainsi que des problèmes fondamentaux du système financier continuent de faire obstacle à une reprise soutenue.

[Traduction]

Aux États-Unis, pays dont la situation économique nous touche de très près, le ralentissement a été plus marqué que prévu. Au début de l'an dernier, l'économie américaine affichait une croissance annuelle de 100 p. 100, mais ce taux n'était plus que de 1 p. 100 au dernier trimestre. Même si les estimations préliminaires du premier trimestre de cette année témoignent d'une certaine amélioration, les perspectives à court terme restent imprécises. En effet, les plus récentes statistiques sur le marché du travail, qui font état d'une baisse de l'emploi aux États-Unis, illustrent cette incertitude.

Les économistes du secteur privé s'attendent maintenant à ce que l'économie américaine progresse de 2 p. 100 en moyenne en 2001. Cela reflète l'opinion générale selon laquelle des taux d'intérêt nettement plus bas favoriseront une reprise de la croissance cette année. Nous espérons qu'il en sera ainsi. Mais nous restons prudents et nous ne tenons rien pour acquis.

De toute évidence, l'économie canadienne ressent bel et bien les effets de la baisse de régime aux États-Unis. Ici, la croissance au dernier trimestre de 2000 a été beaucoup plus faible qu'au trimestre précédent, en raison surtout du net ralentissement dans l'industrie automobile et dans le secteur de la technologie de l'information et des communications. Ces deux industries, qui dépendent beaucoup des exportations, sont victimes d'une baisse de la demande aux États-Unis. En réaction, les entreprises de ces secteurs ont été contraintes de réduire leur production pour écouler des stocks excédentaires. Ces décisions ont eu à leur tour des effets sur l'économie canadienne sous la forme d'un report des investissements et d'une baisse de la croissance à court terme.

Or, au même moment, certains développements ont aidé à atténuer le ralentissement. Premièrement, d'autres industries exportatrices canadiennes, comme celles de l'aérospatiale et de l'énergie, ont continué de profiter d'une croissance vigoureuse. La performance des secteurs des services et de la construction—notamment au chapitre du logement qui ciblent le marché intérieur, est demeurée solide. Ce dynamisme des secteurs des services, de l'aérospatiale, de l'énergie et de la construction est important parce que, ensemble, ces industries comptent plus de 75 p. 100 de la production totale de l'économie canadienne.

• 1110

Deuxièmement, le solde du compte courant du Canada s'est nettement amélioré, passant d'un déficit de 28 milliards de dollars en 1993 à un excédent de 19 milliards de dollars en 2000. Cela se traduit par une forte baisse de notre dette extérieure, qui est passée de 44 p. 100 du PIB en 1993 à 23 p. 100 l'an dernier, son plus bas niveau depuis le début des années 50. Cette chute de notre dette extérieure est significative. En réduisant les sommes que nous versons à nos créanciers étrangers, nous augmentons d'autant la marge de manoeuvre à notre disposition pour gérer nos propres affaires et maintenir des taux d'intérêt faibles. Compte tenu de l'incertitude qui caractérise la situation internationale, nous avons toutes les raisons de nous en réjouir.

Troisièmement, et c'est l'élément le plus important, l'emploi continue à croître, et les Canadiens constatent que leur revenu disponible a recommencé à augmenter. Cette situation, de même que les importantes réductions d'impôt et des taux d'intérêt plus bas, relance nettement les dépenses de consommation cette année.

Vu les signaux mitigés concernant la santé de l'économie, il ne faut pas s'étonner des divergences sur sa situation actuelle. Il faut remettre ces opinions divergentes dans leur contexte. Bref, tous les faits et les chiffres à notre disposition montrent que la plus longue période d'expansion économique canadienne depuis les années 60, qui couvre maintenant près de 22 trimestres d'une croissance soutenue, se poursuit, bien que ce soit plus lentement que l'an dernier.

[Français]

Monsieur le président, depuis notre arrivée au pouvoir en 1993, toutes nos décisions budgétaires ont été prises en fonction d'un horizon mobile de deux ans. Vu l'incertitude inhérente des projections à long terme, cette approche nous a bien servis et continuera de le faire. Selon cette démarche, le ministère des Finances consulte quelque 19 prévisionnistes du secteur privé sur leurs meilleurs estimations des perspectives économiques. Sur la base de ces données, nous rencontrons ensuite les économistes en chef des grandes banques à charte canadiennes et quatre principaux cabinets de prévisionnistes afin de nous assurer que la moyenne des prévisions du secteur privé constitue une base solide pour notre planification. De cette façon, nous sommes certains que les hypothèses que nous utilisons sont réalistes et crédibles. C'est encore ainsi que nous avons procédé pour élaborer la présente Mise à jour.

[Traduction]

En ce qui touche les deux prochaines années, les économistes prévoient que, même si le ralentissement de la croissance est plus marqué que prévu, l'économie poursuivra son expansion. Les avis quant à l'ampleur de cette expansion sont toutefois plus partagés. En effet, les prévisions pour 2001 se situent à l'intérieur d'une fourchette comprise entre 1,6 et 2,8 p. 100, et à 2,4 p. 100 en moyenne. Pour l'an prochain, en 2002, les économistes anticipent une reprise de la croissance de l'ordre de 2,5 à 4 p. 100, et de 3,4 p. 100 en moyenne.

Or, que signifient ces prévisions pour les finances du pays? Plus précisément, que signifient-elles pour les budgets équilibrés que nous projetons, pour les réductions d'impôt promises dans le budget de 2000 et dans l'Énoncé d'octobre, et pour l'accord sur la santé conclu avec les provinces et les territoires l'an dernier?

J'aimerais d'abord revenir sur la situation qui prévalait à l'époque de l'Énoncé d'octobre et sur ce que nous prévoyions alors pour les deux prochaines années.

En octobre, compte tenu du financement des réductions d'impôt et des dépenses, comme celles consacrées à l'accord sur la santé, nous anticipions un excédent total de 8,3 milliards de dollars pour 2001-2002. Cela comprenait un excédent non alloué de 4,3 milliards de dollars—pour les priorités comme celles du Livre rouge—la réserve pour éventualités de 3 milliards et une marge de prudence économique de 1 milliard.

• 1115

Puisque la moyenne révisée des prévisions du secteur privé annonce une croissance de 2,4 p. 100 en 2001, compensée par des intérêts plus faibles et l'effet continu de recettes plus élevées que prévu l'an dernier, le solde budgétaire diminuera de 1,1 milliard de dollars. Cela laisse, pour l'exercice en cours, un excédent de 7,2 milliards de dollars pour la marge de prudence, la réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars et les mesures stratégiques. Ce montant, une tranche de 600 millions a déjà été engagée.

Pour 2002-2003, nous prévoyions un excédent total de 7,6 milliards de dollars, soit un excédent non alloué de 2,6 milliards, la réserve pour éventualités de 3 milliards et une marge de prudence de 2 milliards. Si l'on s'appuie sur la moyenne révisée des prévisions du secteur privé annonçant une croissance 3,4 p. 100 pour 2002, et compte tenu encore de compensations similaires, le solde budgétaire diminuera de 300 millions de dollars. Cela laisse un excédent de 7,3 milliards pour 2002-2003 pour la marge de prudence, la réserve pour éventualités et les mesures stratégiques. De cette somme, 400 millions de dollars ont été engagés.

Permettez-moi maintenant de pousser plus loin. Les chiffres précédents proviennent de la moyenne de la fourchette totale des prévisions du secteur privé. Permettez-moi d'utiliser la moyenne des perspectives les plus pessimistes du secteur privé. Même là, avec un taux de croissance de 1,8 p. 100 pour 2001 et de 2,9 p. 100 pour 2002, l'impact net se traduirait par un excédent budgétaire corrigé de 6,2 milliards de dollars cette année et de 5,1 milliards l'an prochain. En d'autres termes, monsieur le président, malgré le ralentissement économique, et même si l'on s'appuie sur la moyenne la plus pessimiste des prévisions du secteur privé, l'accord sur la santé et les réductions d'impôt de 100 milliards de dollars sont protégés. Qui plus est, nous ne connaîtrons pas de retour aux déficits.

Ce sont là les fruits de l'approche prudente que nous avons adoptée dès le départ. Dans le passé, certains nous ont déjà reproché d'être trop prudents. Toutefois, nous n'avons jamais présumé que le cycle économique avait été aboli. Nous avons toujours cru qu'il valait mieux se prémunir contre l'élan d'un lendemain difficile même si les prévisions étaient au beau fixe. Maintenant que les nuages se forment à l'horizon, le Canada n'est pas pris de court.

[Français]

En d'autres mots, monsieur le président, malgré le ralentissement économique et même si l'on s'appuie sur la moyenne la plus pessimiste des prévisions du secteur privé, l'accord sur les soins de santé et les réductions d'impôt de 100 milliards de dollars sont protégés. Qui plus est, nous ne connaîtrons pas de retour au déficit.

[Traduction]

Cela dit, même si notre situation budgétaire nous permet de composer avec ce ralentissement économique, nous comprenons que beaucoup de Canadiens et de Canadiennes en ressentent les effets. Il ne sert à rien de leur dire que le gouvernement se porte bien. Ils ont besoin de savoir que nous avons agi dans leur intérêt et que nous continuons de le faire.

[Français]

Dans le budget de février 2000 et l'Énoncé économique d'octobre, nous avons souligné des mesures qui font partie de notre stratégie pour protéger les Canadiens et les Canadiennes, une stratégie qui consiste à investir dans le tissu social de notre pays, à réduire les impôts et à rembourser la dette. Non seulement les mesures de ce genre vont-elles contribuer à la vigueur à long terme de notre économie, mais elles sont également un stimulant à court terme, quand nous en avons besoin, c'est-à-dire maintenant. Elles mettent plus d'argent entre les mains des Canadiens et des Canadiens. Elles stimulent l'entreprise. Elles favorisent l'investissement et la création d'emplois.

En tout premier lieu, il y a les réductions d'impôt les plus importantes jamais accordées au Canada.

• 1120

En octobre dernier, nous avons réduit l'impôt sur les gains en capital et relevé le montant d'investissement transférable libre d'impôt. En janvier, nous avons fait un deuxième pas pour doter le Canada d'un nouvel avantage en matière d'investissement et de création d'emplois. Nous avons réduit les taux de l'impôt des sociétés d'un point de pourcentage. D'autres déductions de deux points, au cours de chacune des trois prochaines années, feront en sorte que les taux de l'impôt des sociétés seront plus bas au Canada qu'aux États-Unis. Puisque ces baisses de l'impôt des sociétés seront entièrement inscrites dans la loi, les entreprises peuvent, et devraient, en tenir compte dès maintenant dans leurs plans d'investissement.

[Traduction]

Au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, nos mesures ont été encore plus énergiques. En janvier de cette année, nous avons réduit les impôts à tous les niveaux de revenu—de 21 p. 100 en moyenne—mettant ainsi plus d'argent entre les mains des Canadiens, et plus particulièrement les familles à revenu modeste avec enfants. En outre, le rétablissement antérieur de l'indexation a haussé les crédits d'impôt personnel et les tranches d'imposition, de sorte que les contribuables sont à jamais protégés contre l'inflation. Finalement, en juillet, la bonification de la Prestation fiscale canadienne pour enfants ajoutera 900 millions de dollars, ce qui représente une aide appréciable pour les familles avec enfants.

Que signifient toutes ces mesures fiscales pour les Canadiens et les Canadiennes? Une famille type de quatre personnes à deux revenus totalisant 60 000 $ verra son fardeau fiscal fédéral diminuer de 1 000 $ cette année, ce qui représente une économie d'impôt de 18 p. 100. Un chef de famille monoparentale avec un enfant et un revenu de 25 000 $ recevra une somme additionnelle nette de 800 $ cette année, de sorte que ses prestations totaliseront 2 500 $.

Cette année seulement, ces mesures fiscales procureront un stimulant supplémentaire à l'économie canadienne totalisant 17 milliards de dollars. En outre, en plus des réductions d'impôt, qui visent surtout les personnes à revenu faible ou moyen, nous effectuons certains investissements stratégiques dans des domaines qui importent beaucoup aux yeux des Canadiens, comme les soins de santé, l'éducation et l'innovation.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, en septembre dernier, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont signé un accord sur la santé échelonné sur cinq ans, pour lequel le gouvernement a versé 21,1 milliards de dollars. Cela comprend 2,2 milliards pour le développement de la petite enfance, afin que nos enfants prennent le meilleur départ possible dans la vie et entrent à l'école prêts à apprendre et outillés pour réussir.

Cette année, grâce à l'accord sur la santé, le gouvernement canadien versera 2,8 milliards de dollars de plus aux provinces et aux territoires pour la santé, l'éducation et les enfants. En outre, les provinces et les territoires viennent tout juste de recevoir 1 milliard de dollars pour l'achat d'appareils médicaux, somme à laquelle s'ajoutent 500 millions pour des investissements dans la technologie de l'information sur la santé et 200 millions de chacune des quatre prochaines années pour le Fonds pour l'adaptation des services de santé, qui appuient l'innovation dans la réforme des soins de santé de première ligne.

[Français]

De plus, monsieur le président, le plafond de péréquation pour 1999-2000 ayant été relevé, les paiements de péréquation augmenteront de 800 millions de dollars cette année. Ceci s'ajoute à la hausse de 1 milliard de dollars des paiements de péréquation pour 2000-2001 annoncée récemment.

Dans le budget 2000, nous avons dévoilé un programme sur cinq ans prévoyant 2 milliards de dollars pour l'infrastructure, notamment dans le domaine de l'environnement, et 600 millions de dollars pour le réseau routier. Puisque cette aide sera fournie à frais partagés, elle fera en sorte que plus de 6 milliards de dollars seront consacrés à l'infrastructure et 1,2 milliard de dollars, au réseau routier. Les collectivités de partout au Canada profiteront de ces investissements. Des ententes concernant l'infrastructure ont maintenant été conclues avec toutes les provinces et deux des trois territoires. Rien que cette année, donc, nous prévoyons de nouvelles immobilisations de plus de 1 milliard de dollars.

[Traduction]

S'il est un facteur que nos politiques des dernières années ont en commun, c'est la reconnaissance du fait que le dynamisme de notre économie et notre qualité de vie dépendent tous deux de l'innovation. Le budget de 2000 et l'Énoncé d'octobre ont fait fond sur cet impératif par des investissements importants et à long terme dans l'infrastructure du savoir de notre pays, c'est-à-dire nos universités et nos instituts de recherche. Donc, rien que cette année, 500 millions de dollars seront injectés dans l'économie par l'intermédiaire de la Fondation canadienne pour l'innovation, de Génome Canada et du Partenariat pour l'investissement au Canada atlantique.

• 1125

Prises ensemble, les dépenses annoncées dans le budget de 2000 et dans l'Énoncé économique d'octobre représentent un coup de pouce de près de 7 milliards de dollars pour l'économie canadienne au cours du présent exercice. Si l'on ajoute à cela les mesures fiscales de 17 milliards de dollars, l'impact total sur l'économie cette année sera de près de 24 milliards de dollars. Il s'agit de l'un des ensembles, sinon de l'ensemble de mesures les plus stimulantes mises en oeuvre cette année par un gouvernement dans le monde industrialisé.

[Français]

Monsieur le président, prises ensemble, les dépenses annoncées dans le budget de 2000 et dans l'Énoncé économique d'octobre représentent un coup de pouce de près de 7 milliards de dollars au cours du présent exercice. Si l'on ajoute à cela les mesures fiscales de 17 milliards de dollars, l'impact total sur l'économie cette année sera de près de 24 milliards de dollars. Il s'agit de l'un des ensembles, sinon de l'ensemble de mesures les plus stimulantes mises en oeuvre cette année par un gouvernement dans le monde industrialisé.

[Traduction]

Enfin, et ce n'est pas peu dire, ces mesures budgétaires ont été renforcées par les dispositions prises par la Banque du Canada pour abaisser les taux d'intérêt. Le taux d'escompte a reculé d'un point entier de pourcentage au cours des quatre derniers mois, ce qui représente un soulagement réel pour les familles canadiennes. Ainsi, les taux hypothécaires à un an ont diminué de façon significative depuis décembre dernier. Il est donc plus facile pour les jeunes couples d'acheter une première maison et, pour les familles, d'en acquérir une plus grande. Cela signifie également que les automobiles et les autres articles à prix élevé coûtent moins cher à financer, et cela représente des coûts d'emprunt moins élevés pour qui veut se lancer en affaires ou développer son entreprise.

[Français]

Monsieur le président, j'ai parlé jusqu'ici de l'état de l'économie, de l'effet du ralentissement actuel sur notre situation financière et des mesures que nous avons prises pour stimuler la croissance. Permettez-moi maintenant d'aborder deux autres questions touchant les perspectives à plus long terme et les données fondamentales de notre économie.

Premièrement, une politique de taux d'intérêt faibles doit reposer sur un régime de faible inflation. À ce chapitre, les efforts de la Banque du Canada et du gouvernement canadien ont été couronnés de succès grâce à des ententes de trois ans sur des cibles d'inflation. Cela étant dit, l'entente en vigueur aujourd'hui prend fin cette année. Je suis heureux d'annoncer aujourd'hui que, dans le but de maintenir une faible inflation, des taux d'intérêt bas et une croissance durable, nous avons convenu avec la Banque du Canada, non seulement de maintenir l'entente en vigueur, mais aussi de le faire pour une période de cinq ans. Cela signifie que notre fourchette cible d'inflation sera maintenue entre 1 et 3 p. 100, ce qui permettra aux marchés et aux investisseurs de planifier leurs activités avec confiance, sachant que l'inflation demeurera faible au Canada.

[Traduction]

Les efforts de la Banque du Canada et du gouvernement canadien ont été couronnés de succès grâce à des ententes de trois ans sur des cibles d'inflation. L'entente en vigueur aujourd'hui prend fin cette année. Dans le but de maintenir une faible inflation, des taux d'intérêt bas et une croissance durable, je suis heureux d'annoncer aujourd'hui que nous avons convenu, avec la Banque du Canada, non seulement de proroger l'entente en vigueur, mais aussi de le faire pour cinq ans. Cela signifie que notre fourchette cible d'inflation sera maintenue entre 1 et 3 p. 100.

Deuxièmement, en ce qui a trait à la dette nationale, le ratio de la dette fédérale au PIB du Canada est passé d'un sommet de 71 p. 100 en 1995-1996 à moins de 53 p. 100 à la fin de l'an dernier. Au cours des récentes années, aucun pays n'a autant réduit ce ratio que le Canada.

• 1130

En outre, en termes absolus, nous avons remboursé la dette fédérale à un rythme inégalé. En période de ralentissement économique, le rythme de remboursement de la dette diminue évidemment lui aussi, mais en période de prospérité, comme ce fut le cas l'an dernier, nous devrions en tirer avantage afin de réduire le fardeau qu'auront à supporter les générations futures. Dans l'Énoncé économique d'octobre, le gouvernement s'était engagé à rembourser une tranche d'au moins 10 milliards de dollars de sa dette.

Monsieur le président, le moment est venu de faire l'annonce que vous attendez avec la plus grande impatience depuis ce matin. Puisque nos revenus ont été plus élevés que prévu l'an dernier, j'ai le plaisir d'annoncer que nous prévoyons maintenant de rembourser une tranche d'au moins 15 milliards de dollars de notre dette en 2000-2001. Cela signifie que nous aurons remboursé une tranche supérieure à 33 milliards de dollars de notre dette au cours des quatre dernières années, dont 27 milliards uniquement au cours des deux dernières. Ceci représente pour les Canadiens une économie d'intérêts de près de 2 milliards de dollars par année, somme qui peut servir à d'autres priorités, comme les soins de santé et l'éducation, année après année.

[Français]

Monsieur le président, dans l'Énoncé économique d'octobre, le gouvernement s'était engagé à rembourser une tranche d'au moins 10 milliards de dollars de sa dette en 2000-2001. Puisque nos revenus ont été plus élevés que prévu l'an dernier, j'ai le plaisir de confirmer que nous prévoyons maintenant rembourser une tranche d'au moins 15 milliards de dollars de notre dette. Cela signifie que nous aurons remboursé une tranche supérieure à 33 milliards de dollars de notre dette au cours des quatre dernières années, dont 27 milliards de dollars uniquement au cours des deux dernières années. Ceci représente pour les Canadiennes et les Canadiens une économie d'intérêt de 2 milliards de dollars par année, somme qui peut servir à d'autres priorités, comme les soins de santé et l'éducation, année après année.

[Traduction]

Monsieur le président, en terminant, j'aimerais ajouter que le ralentissement de l'économie mondiale ne fait aucun doute. Notre tâche consiste à permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de composer avec les ralentissements et de profiter des reprises. Nous continuerons par conséquent de faire rapport aux Canadiens sur les tendances que nous observons. Et soyez assurés que nous resterons vigilants.

Certains soutiennent toutefois que pour contrer le ralentissement maintenant, nous devrions réduire davantage les impôts ou accroître nos dépenses. En d'autres termes, que nous devrions courir le risque de revenir à l'ère des déficits. Eh bien, nous ne ferons pas cela. Nous ne ferons pas courir de risque aux Canadiens qui ont tant travaillé ces dernières années. Nous maintiendrons plutôt l'approche qui nous a permis de traverser la crise du peso de 1994 et la crise asiatique de 1997, et qui nous permettra de surmonter le ralentissement actuel.

Pour ce qui est de l'avenir, notre plan à long terme signifie que nous continuerons de réduire les impôts, que nous continuerons de réduire la dette et que nous continuerons de contrôler les dépenses. Par ailleurs, il signifie que nous n'oublierons jamais que, dans l'économie du savoir, le véritable moteur de croissance est l'esprit humain et que la façon dont nous nous préparons aujourd'hui à apprendre, à inventer à créer déterminera la capacité de notre nation de créer des emplois, de susciter la croissance, de relever les niveaux de vie et d'offrir de nouvelles possibilités dans l'avenir.

C'est pour cette raison que nous devons continuer d'investir dans l'éducation et l'innovation. Nous devons combler la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée dans l'ensemble de l'économie et nous devons venir en aide à ceux pour qui la transition pose problème, sans jamais oublier que la société que nous bâtissons importe tout autant que l'économie que nous créons.

C'est pourquoi, monsieur le président, lorsque nous avons des défis à relever, nous devons garder les yeux fixés sur nos objectifs et nous rappeler non seulement ce que nous avons déjà fait, mais surtout ce que nous pouvons faire ensemble.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant ouvrir la période des questions. Notre premier intervenant sera le représentant de l'Alliance canadienne, pour 10 minutes. Monsieur Day, vous avez la parole.

• 1135

[Français]

M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, AC): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre des Finances, il y a deux ou trois ans, vous et moi, nous étions ministres des Finances ensemble. Nous avons travaillé ensemble autour des tables des ministres des Finances de notre pays. Il est vrai que nous n'étions pas toujours d'accord, mais je crois qu'il est important pour vous d'être clair et transparent. C'est avec cette conviction en tête, c'est-à-dire qu'il est important pour vous d'être clair et transparent, que je vais poser mes questions.

[Traduction]

Nous voudrons évidemment prendre le temps d'examiner tous les détails que vous nous avez fournis ce matin. Votre exposé, d'ailleurs, prouve que les questions que je souhaite vous poser sont encore plus pertinentes aujourd'hui qu'elles ne l'ont été ces derniers jours.

Il y a quelques mois—c'est-à-dire dès les mois d'octobre et de novembre derniers—l'Alliance canadienne après avoir élaboré des projections et les avoir comparées aux vôtres, a déterminé qu'il est fort possible, d'ici trois ans, que nous soyons forcés d'admettre qu'un déficit est imminent et de piocher dans notre réserve pour éventualités.

Bien sûr, à l'époque, nos préoccupations n'ont pas été prises très au sérieux. Or, ces préoccupations sont revenues sur le tapis, non pas à notre instigation, mais à la suite de plusieurs rapports sur la question. Je suis d'accord pour reconnaître que les avis des économistes sont partagés, mais lorsque votre ancien sous-ministre adjoint, qui connaît très bien la structure et les rouages de votre ministère, est l'un de ceux qui déclare, d'après l'un des gros titres que nous avons vus la semaine dernière, «Un déficit nous attend dans trois ans»... C'est pour cela que nous trouvons préoccupant, monsieur le ministre, que vous vous éloigniez de votre pratique tout à fait appropriée qui consistait à prévoir des projections sur cinq ans. Nous constatons aujourd'hui que vous optez maintenant pour des projections sur deux ans, si bien qu'il est difficile de déterminer si un économiste, parmi d'autres, à qui l'on attribue la déclaration que voici: «Le gouvernement n'a jamais additionné les chiffres—vous serez en position déficitaire d'ici 2004»... Il nous est donc difficile de savoir ce qu'il faut en penser, étant donné que votre mise à jour économique ne présente pas de projections, même sur trois ans. Nous trouvons cela préoccupant.

Vous parlez aussi de l'excédent de 15 milliards de dollars. Permettez-moi de dire, tout d'abord, que chaque fois qu'un gouvernement consacre même un dollar à la réduction de la dette, je suis d'avis qu'il faut l'en féliciter. Je ne cherche donc pas à sous-estimer l'importance de ce qui a été fait. Par contre, nous sommes préoccupés par la situation, non seulement en ce qui concerne la méthode précise de présentation des chiffres, si l'on se place du point de vue des économistes, ou même si l'on se place du point de vue du public, étant donné que les augmentations de dépenses massives qu'annoncent les gouvernements à mesure qu'approche la fin de l'exercice, sont tout à fait légendaires.

Vous pouvez bien parler de l'excédent de 15 milliards de dollars aujourd'hui, mais rappelons-nous qu'il y a quelques mois seulement, cet excédent était de 20 milliards de dollars. Aujourd'hui, vous nous annoncez un excédent de 15 milliards de dollars. Il convient de noter que la moitié de cette somme de 15 milliards est le résultat de trop-payés de cotisations d'assurance-emploi de l'ordre de 7,7 milliards de dollars. Je vous remercie de vous être montrés sensibles à la situation des Canadiens qui travaillent si fort. Mais c'est sur le dos de ces travailleurs et des exploitants de petites entreprises que vous empochez ces trop-payés de cotisations d'assurance-emploi.

Donc, j'aimerais que vous répondiez aux questions précises que voici: Pourquoi avez-vous décidé d'éliminer une année critique, soit 2004, de vos projections sur cinq ans, surtout qu'il s'agit d'une dérogation au précédent que vous-même avez établi, à juste titre, qui voulait qu'on établisse des projections sur cinq ans? Et qu'est-il arrivé au cours des deux derniers mois pour causer cette chute de l'excédent, qui passe de 20 milliards de dollars à 15 milliards? Quelle proportion de ces 5 milliards représentait des promesses électorales, par exemple? Puisque ce serait inouï—du moins dans les démocraties occidentales—de laisser la population et l'opposition sans budget intégral et final pendant deux ans, comptez-vous revenir sur votre décision et nous présenter un budget intégral, plutôt que d'attendre deux ans, comme vous l'avez indiqué jusqu'à présent?

Je vous saurais donc gré de bien vouloir répondre à ces quelques questions.

Le président: Monsieur le ministre.

M. Paul Martin: Merci beaucoup, monsieur Day.

• 1140

En fait, je pense que vous avez raison de dire que même si nous nous sommes retrouvés autour d'une table comme celle-ci à de maintes reprises par le passé, et bien sûr, nous nous sommes souvent vus à la Chambre des communes, cette réunion marque la première fois depuis un moment que nous nous retrouvons autour d'une table comme celle-ci. Je suis très heureux de vous voir et de pouvoir vous souhaiter la bienvenue au comité.

Permettez-moi donc de traiter dans l'ordre chacun de vos points, tels que je les ai inscrits.

Monsieur Day, vous vous trompez. Nous sommes tout à fait conséquents, en ce qui concerne l'approche que nous avons adoptée dès le départ. L'une des choses qui nous semblaient tout à fait évidentes, quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1993-1994, c'était que l'habitude qu'avaient les gouvernements de présenter et de miser sur des prévisions économiques quadriennales était inappropriée pour deux raisons fondamentales. D'abord, il est impossible d'établir des projections quinquennales qui soient les moindrement sûres. Nous en avons la preuve actuellement. Les économistes ont déjà du mal à établir des prévisions plus ou moins sûres sur cinq mois.

Ce qui arrive lorsque les gouvernements font cela—et c'est justement le problème auquel s'est heurté le gouvernement précédent, problème qui l'a d'ailleurs empêché d'éponger le déficit—c'est que quand vous vous appuyez sur des projections quinquennales... D'ailleurs, on peut calculer avec plus de précision la durée des arrêts de jeu d'un match de hockey. Quand quelque chose se produit, un gouvernement a normalement à se dire qu'il peut attendre plus tard pour s'attaquer au problème, étant convaincu que l'économie reprendra dès la troisième, la quatrième ou la cinquième année. Par conséquent, aucune mesure corrective n'est prise. Évidemment, dans la cinquième année, on s'aperçoit que les chiffres sont catastrophiques, et c'est justement ce genre de situation que nous vivons au Canada depuis de nombreuses années.

Donc, nous avons toujours cru, et nous continuons à croire, que la seule façon de forcer la main à un gouvernement est de l'obliger à atteindre une série successive d'objectifs à court terme—des objectifs annuels et biennaux—parce qu'à ce moment-là, il n'a plus d'excuse. Si vous n'atteignez pas vos objectifs, vous ne pouvez plus prétendre que tout rentrera dans l'ordre dans trois ou quatre ans. Il n'y a pas de porte de sortie.

Donc, en perdant cette discipline, nous perdrions, à mon avis, l'une des grandes innovations qui a permis à ce pays d'opérer l'un de redressements financiers les plus remarquables jamais vu au Canada.

D'ailleurs, lorsque nous avons rencontré les économistes il y a environ deux ans, la très grande majorité d'entre eux nous ont assurés que telle est l'approche qu'ils recommandent. Mais ils nous ont également dit qu'ils préfèrent qu'on évite de prendre des décisions budgétaires ou de faire des projections de plus de deux ans, mais qu'à la place, ils aimeraient qu'on leur fournisse une série de chiffres théoriques sur une plus longue période—en l'occurrence, cinq ans—puisque ceci aiderait à orienter le débat public au Canada dans le contexte notamment des consultations prébudgétaires. Voilà donc ce qu'ils nous ont demandé. À notre plus récente rencontre avec les économistes, la très grande majorité d'entre eux étaient d'accord pour conserver cette méthode.

Par conséquent, nous allons fournir des prévisions quinquennales à l'automne, monsieur Day, comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Ces prévisions quinquennales serviront surtout à orienter les discussions prébudgétaires. Nous allons donc continuer à préparer notre budget en fonction de prévisions établies sur deux ans.

Dans certains secteurs, cependant, nous pourrons fournir des estimations relatives aux dépenses prévues sur cinq ans. Quand vous signez un accord quinquennal sur la santé avec les provinces, vous devriez justement faire cela. Il s'agit, autrement dit, d'incorporer ces dépenses pour pouvoir mieux planifier. Quand vous établissez un plan fiscal quinquennal, vous devez forcément le faire, puisque cela permet de réduire les recettes sur cette même période.

Donc, je tiens à préciser, monsieur Day, que votre question revient à me demander si nous allons abandonner une pratique qui force le gouvernement à tenir le cap et à s'assurer d'atteindre ses objectifs. Ma réponse à votre question est que nous ne l'abandonnerons pas. Par contre, pour faciliter la planification—et pour les fins du débat—nous fournirons à l'automne les prévisions quinquennales que vous cherchez.

Pour répondre à votre question concernant un budget intégral, je ne sais pas trop comment vous qualifieriez la mise à jour d'octobre, monsieur Day. Pour nous, il ne s'agissait pas d'un budget. Beaucoup de gens l'ont qualifiée de mini-budget. Pour nous, c'était une mise à jour économique. En réalité, on peut l'appeler comme on veut. Le fait est que cette mise à jour économique annonçait les plus importantes réductions d'impôt jamais vues dans toute l'histoire du Canada, le plus important investissement dans le système de soins de santé jamais vu dans toute l'histoire du Canada, et la plus importante réduction de la dette nationale jamais réalisée en une année fiscale dans toute l'histoire du Canada.

• 1145

Monsieur Day, peu de budgets déposés au Canada ont été aussi significatifs que celui-là, que vous le qualifiez de budget ou que vous le désigniez par un autre terme. Donc, je ne pense pas que ce soit vrai de prétendre qu'il y ait eu un aussi long délai entre les budgets, et je vous garantis que nous déposerons un budget quand la situation le justifiera. C'est pour cela que je vous dis que nous continuerons d'être très vigilants et de suivre de très près les tendances.

Excusez-moi, m'avez posé des questions concernant la troisième et la quatrième années?

M. Stockwell Day: Oui, car aussi récemment que l'automne dernier, telle était votre pratique.

M. Paul Martin: J'ai quelques petites mises au point à faire en réponse à cela.

D'abord, les engagements que nous avons pris par le biais du Livre rouge, qui portent sur l'ensemble de la période de notre mandat, totalisent quelque 5,9 milliards de dollars. En l'an 2004-2005, si l'on se fonde sur les projections de l'année dernière, pour cette seule année, l'excédent non affecté, la réserve pour éventualités et la marge de prudence représenteront en tout la somme de 6,8 milliards de dollars. Donc, si vous examinez le montant prévu année par année, vous verrez que les crédits disponibles sont suffisants pour couvrir toutes les dépenses prévues.

Personne ne dit que nous accepterons de courir le risque de nous trouver en situation déficitaire. Vous avez dit que nous serions obligés de puiser dans notre réserve pour éventualités, et les économistes pour leur part disent qu'il est possible que nous ayons à recourir aux fonds prévus à titre de marge de prudence. Je sais que je fais une réponse un peu longue, mais il me semble bien important d'éclaircir ce point, si vous n'y voyez pas d'inconvénients—merci, monsieur le président. Il est important de comprendre que nous avons recours à ces fonds-là chaque année, car la marge de prudence baisse chaque année si nous n'en avons pas besoin. Elle augmente d'un milliard de dollars chaque année, comme vous le confirmeront les projections, si vous les examinez.

Mais en ce qui concerne le point le plus important, monsieur Day—et je vais terminer là-dessus—je voudrais citer un extrait du livre rouge. Après avoir donné les grandes lignes du concept de dépense théorique, on dit ceci:

    Tous les engagements que suppose la présente plate-forme seront financés conformément à notre promesse de bonne gestion financière et de budgets équilibrés.

Qu'est-ce que cela veut dire? Il y aura trois budgets d'ici là, et cela signifie donc que nous ne ferons rien qui puisse mettre en péril la situation financière du pays. Nous prendrons nos décisions chaque année—voilà justement l'avantage d'une série successive d'objectifs biennaux—en vue de concrétiser nos projections.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Day.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

Quand on nous annonce qu'on a un surplus de 19 milliards de dollars cette année, c'est une bonne, une excellente nouvelle. Le seul problème, monsieur le ministre, c'est que ce n'est pas une nouvelle en ce sens que l'année dernière, en février, lorsque vous aviez présenté votre budget principal, on aurait pu prévoir très facilement que le surplus dépasserait les 20 milliards de dollars. Nous l'avons fait. Nous avons révisé nos prévisions de février 2000 en fonction des baisses d'impôt et des nouveaux programmes, des nouvelles dépenses que vous aviez annoncées en octobre dernier dans le cadre de votre mini-budget. Avec cela, nous arrivions à des hypothèses réalistes quant aux recettes, aux dépenses et au taux de croissance, et à 18,2 milliards de dollars de surplus pour cette année. Vous arrivez à un petit peu plus de 19 milliards de dollars. Donc, ce n'est pas une nouvelle.

D'ailleurs, j'ai fait un petit exercice. Depuis 1996 jusqu'à aujourd'hui—il faudrait peut-être ajouter quelques colonnes à ce document—vous avez commis des erreurs de prévision de l'ordre de 45 milliards de dollars contre 4 milliards de dollars dans notre cas. Là, il faudrait ajouter un autre 15 milliards de dollars d'écart, justement à l'environnement, dans le diagramme en bâtons, par rapport à ce que vous aviez prévu comme surplus pour cette année.

• 1150

Plus tôt, vous aviez raison de dire qu'on pourrait appeler cet exercice-là, non pas une mise à jour économique ou un énoncé budgétaire... En effet, ça pourrait être des pommes ou des oranges. C'est n'importe quoi. Cet exercice est devenu non crédible. Savez-vous pourquoi, monsieur le ministre? Parce que votre stratégie, depuis que vous êtes ministre, est justement de masquer la vérité. La seule stratégie que vous avez eue sur le plan financier a été de sous-estimer les surplus, parce que tout ce qui n'est pas prévu va automatiquement à la dette. On n'a rien contre le remboursement d'une partie de la dette, mais tout ce que vous faites manque de transparence et d'honnêteté. Vous le faites exprès à tous les ans. Si on est capables, avec une calculatrice et des hypothèses réalistes, de tomber pile, à 5 ou 6 p. 100 près, vous êtes aussi capable de le faire avec votre panoplie de fonctionnaires et vos équipements sophistiqués.

Comment se fait-il que vous ayez maintenant la complicité de certains économiste? Auparavant, John McCallum, dont on sait qu'il est devenu député libéral, justifiait et appuyait vos positions tout à fait irréalistes sur les surplus. Maintenant, c'est Drummond, votre ancien sous-ministre adjoint, qui vient créer une espèce de psychose en disant qu'au cours des prochaines années, les choses risquent d'aller un peu moins bien, ce qui vous amène à nous présenter des prévisions encore irréalistes pour les deux prochaines années, des prévisions d'un peu plus de 7 milliards de dollars de surplus par année, alors que la réalité, même avec des hypothèses conservatrices au niveau de la croissance des recettes et de la croissance économique, nous amène à environ 18 milliards de dollars de surplus pour cette année et 20 milliards de dollars pour l'année prochaine.

Monsieur le ministre, pourquoi jouer à ce jeu? Pourquoi masquer la vérité? Et pourquoi extirper des milliards du débat public, alors que la population a des besoins en matière de santé et d'éducation qui pourraient être comblés?

Je vous rappellerai que les transferts fédéraux en matière d'éducation postsecondaire n'ont jamais été aussi faibles au cours des 30 dernières années qu'ils le sont à l'heure actuelle, et que les dépenses en santé n'ont pas atteint le niveau de 1993 alors que les besoins augmentent de 5 p. 100 par année.

Pourquoi ce jeu mesquin, monsieur le ministre, et pourquoi prendre les gens pour ce qu'ils ne sont pas?

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, ce ne sont pas des jeux mesquins. Si vous regardez les prévisions du Congressional Budget Office des États-Unis, si vous regardez celles du trésorier aux États-Unis, vous verrez que, pour la même période, ils ont exactement les mêmes différences entre les résultats et leurs prévisions. Au Royaume-Uni, c'est la même chose. De plus, la grande majorité des provinces canadiennes ont des surplus beaucoup plus importants que ceux auxquels elles s'attendaient. Je ne peux pas l'affirmer, mais je pense que cela a été le cas en Alberta. Je sais que c'est le cas au Québec, et je ne pense pas que M. Landry jouait à des jeux mesquins. M. Landry annonçait des surplus supérieurs à ses prévisions. Vous allez voir la même chose en Ontario et dans les provinces Atlantiques.

Ce qui arrive est très clair: l'économie a été beaucoup plus forte que ce à quoi on s'attendait, et personne ne voulait parier que cette force économique allait durer ad vitam aeternam. Alors, les gens voulaient être assez prudents. C'est la première chose. Le Canada est exactement dans la même situation que les États-Unis, le Royaume-Uni, la grande majorité des économies de l'Europe et la grande majorité des provinces.

Deuxièmement, oui, je suis prudent. Monsieur Loubier, je suis plus prudent que vous quand vous faites vos prévisions et je suis plus prudent que la majorité des économistes. Pourquoi? Parce que si vous, vous faites une erreur, tout ce que vous avez besoin de dire, c'est que vous allez refaire vos calculs. Mais si moi, je fais une erreur, ce sont les Canadiens et les Canadiennes qui en souffriront parce qu'on sera obligés de faire des coupures et qu'on ne sera pas capables de faire face à nos obligations.

Monsieur Loubier, je n'ai pas le droit d'être aussi laxiste devant la possibilité d'une erreur. Ça va arriver un jour, et c'est ça, le problème.

M. Yvan Loubier: Ce n'est pas une question de laxisme, monsieur le ministre, c'est une question de réalisme. Lorsqu'on ne veut pas qu'il y ait de débat public sur l'allocation des surplus, on fait exactement ce que vous faites depuis quatre ans. On prépare le terrain avec des gars comme Drummond, un ancien homme de main du ministre des Finances, avec des hypothèses vraiment pessimistes: il faut faire attention, il faut être extrêmement prudent. On va chercher des économistes qu'on choisit, des grandes banques la plupart du temps, qui sont obsédés par la dette, uniquement par la dette. Ils ne se préoccupent aucunement de l'éducation et de la santé, eux. Vous préparez le terrain et vous n'avez pas une approche équilibrée, parce que vous consacrez plus de 75 p. 100 du surplus à la dette. L'année passée, même, vous avez consacré 84 p. 100 du surplus à la dette. C'est ça qu'on fait.

• 1155

Si vous voulez parler de M. Landry, on peut en parler. Il a fait une erreur de prévision de 1 p. 100 par rapport aux recettes gouvernementales du gouvernement du Québec. Vous avez fait des erreurs neuf fois plus élevées que celle-là.

En passant, j'aimerais vous dire que depuis qu'on fait cet exercice au Bloc, depuis 1996, on a utilisé vos hypothèses de croissance. Chaque année, on a regardé ce qui entre en termes de recettes, parce qu'entre la croissance de l'économie et la croissance des recettes fiscales, il y a une marge. Parfois, les recettes fiscales entrent à un rythme deux fois supérieur à celui de la croissance économique. En analysant les finances publiques depuis sept ans—ça fait sept ans et demi que je suis porte-parole—on est arrivés à établir des prévisions qui sont à plus ou moins 4 ou 5 p. 100 de la réalité. En octobre, monsieur le ministre, je vous ai invité à débattre durant la campagne électorale. Vous avez refusé tout débat. Même avec vos nouvelles prévisions de 12 milliards de dollars de surplus, j'étais persuadé que vous sous-estimiez le surplus, même avec vos baisses d'impôt et vos nouvelles dépenses.

Maintenant, on arrive à la fin de l'exercice et, comme à tous les ans—vous faites le même jeu à tous les ans—miraculeusement, les surplus sont presque le double de ce qu'on avait prévu. Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles, monsieur le ministre. Il y a d'autres priorités dans les provinces.

Je vous rappellerai que vos surplus, vous ne les accumulez pas avec votre bonne gestion. Vous les puisez à même la caisse d'assurance-emploi en particulier et vous les puisez aussi dans les coffres des provinces, pour lesquelles vous n'avez pas rétabli totalement les paiements de transfert pour financer la santé, l'éducation et la sécurité du revenu au niveau de 1993. Vous n'avez pas tout à fait le gros du mérite de la saine gestion des finances publiques.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous admettiez aujourd'hui que vous avez largement sous-estimé vos surplus prévus pour l'année prochaine et l'année suivante, comme vous nous avez habitués à le faire au cours des quatre dernières années. Ce faisant, vous êtes seul maître à bord. Vous décidez vous-même, seul, avec la complicité de quelques économistes de grandes branques canadiennes, comment vous allez allouer les surplus dits imprévus, mais que vous avez délibérément sous-estimés. Je vous pose la question. Est-ce que vous ne pourriez pas, cette année, faire une petite différence par rapport aux années passées? Il me semble que, comme on dit en anglais, the game is over.

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, si vous êtes le seul à avoir eu raison au cours des cinq dernières années, vous devriez peut-être donner vos conseils au gouvernement des États-Unis, au gouvernement d'Angleterre, aux gouvernements de l'Europe. Monsieur Loubier...

M. Yvan Loubier: Vous choisissez vos économistes, monsieur le ministre. Vous choisissez vos amis.

M. Paul Martin: Laissez-moi vous expliquer comment ça fonctionne.

M. Yvan Loubier: Vous choisissez vos amis, et ils vont vous...

M. Paul Martin: Vous parlez et ensuite vous laissez parler l'autre personne.

[Traduction]

Le président: Monsieur le ministre.

[Français]

M. Paul Martin: Si cela vous intéresse, je vais parler à mon homologue, M. O'Neill, et lui dire qu'on a chez nous un génie qui n'a jamais eu tort et qu'il devrait peut-être aller le voir. Ensuite je vais parler à Gordon Brown, à Laurent Fabius et à mes homologues de tous les autres pays qui sont exactement dans la même situation que le Canada. Ça, c'est la première chose.

Deuxièmement, vous dites que les économistes des grandes banques nous donnent des prévisions trop pessimistes. Comparez ces prévisions à celles de Desjardins ou de n'importe quelle autre institution et vous allez voir que les prévisions de tous les économistes du Canada... Ce n'est pas simplement avec les grandes banques, mais avec 19 prévisionnistes du Canada qu'on fait cela. D'ailleurs, il est très clair que les prévisions des économistes, au mois d'octobre, ont été trop optimistes. C'est pour ça qu'elles sont maintenant à la baisse.

M. Yvan Loubier: Qu'est-ce que vous allez faire, monsieur le ministre?

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Loubier, je dois maintenant donner la parole à d'autres intervenants.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup.

J'ai trouvé votre exposé tout à fait fascinant, et je vous félicite de vous être engagé à réduire notre dette.

Les économistes font des prédictions et étudient les règlements salariaux depuis six mois. Ma question concerne l'inflation. Si je ne m'abuse, le règlement salarial moyen depuis six mois se situe autour de 3,6 p. 100. Dans vos statistiques sur la croissance, vous parlez d'une moyenne de 2,5 p. 100. Autrement dit, les règlements salariaux sont supérieurs au taux de croissance économique.

• 1200

Je constate également que vous avez fait mention à plusieurs reprises de la nécessité d'augmenter le revenu disponible des Canadiens et du fait que ce serait un stimulant pour l'économie. Donc, dans le contexte de ces divers stimulants, des réductions d'impôt et de la demande des consommateurs, j'aimerais savoir comment le taux d'inflation est susceptible d'évoluer au cours des mois qui viennent, à votre avis.

M. Paul Martin: Eh bien, c'est la Banque du Canada qui, plus que n'importe quelle autre institution à Ottawa, suit de très près le dossier de l'inflation, et la Banque est justement convaincue qu'il sera possible de maîtriser les pressions inflationnistes. D'ailleurs, la plupart des prévisionnistes du secteur privé ne semblent pas trop s'inquiéter d'éventuelles pressions inflationnistes. En fait, les gens semblent plutôt être d'avis que les plus récents règlements salariaux vont augmenter le revenu disponible des Canadiens, et par conséquent, ils ne semblent pas y voir une source potentielle de pressions. Par contre, certains s'inquiètent de la montée des prix du pétrole et de ses éventuels effets, mais même là, les discussions que j'ai eues avec les prévisionnistes indiquent qu'à leur avis, le taux d'inflation se situe encore dans des limites acceptables, et d'après les projections, cela continuera d'être le cas.

M. Alex Shepherd: Merci, monsieur le ministre.

Le président: Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci.

Monsieur le ministre, je pense que les Canadiens seront très heureux de voir que nous remboursons la dette, et il va sans dire qu'ils sont certainement très contents des réductions d'impôt déjà annoncées. Dans ma propre circonscription électorale, mes électeurs féliciteront certainement le gouvernement pour son engagement vis-à-vis de la recherche, et la réaction sera sans doute la même dans tout le Canada.

Même si je comprends très bien que vous ayez besoin de vous fixer, sur une période de deux ans, une série d'objectifs relatifs au remboursement de la dette, il y a, me semble-t-il, des situations qui peuvent présenter un problème particulier pour tous les gouvernements, puisque ces derniers doivent avoir une vision à plus long terme, et forcer de constater que des changements importants s'opèrent non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Par exemple, nous concluons de plus en plus de traités internes qui influent sur les provinces et le gouvernement fédéral, et qui touchent les peuples autochtones et leurs rapports avec le fédéral, sans parler des traités internationaux que nous avons signés et des engagements que nous avons pris sur ce plan en tant que nation. Ce n'est pas le genre de choses qu'on peut prévoir dans un budget quand on établit des projections sur un an ou deux ans seulement. Donc, pour respecter vos obligations vis-à-vis des administrations municipales, provinciales, de même que sur les plans national et international, comment faites-vous pour être préparés à respecter les engagements que vous devrez éventuellement prendre? Et cette structure changeante représente-t-elle un défi pour votre processus de planification budgétaire?

M. Paul Martin: Votre question est fort pertinente, parce que les événements de ce genre sont de deux types. D'abord, il y a les événements inévitables, c'est-à-dire qu'on sait qu'ils vont se produire mais on ne sait pas quand, et d'autre part, il y a les événements tout à fait imprévus. De façon générale—et je reviens encore une fois à la marge de prudence—pour faire face aux imprévus, nous établissons justement une réserve, de sorte que si quelque chose se produit, nous sommes protégés. Lorsqu'il s'agit de coûts inévitables, le gouvernement établit forcément une provision pour être en mesure de faire les versements qui s'imposent. Si vous savez que vous aurez à rembourser telle dette à un moment donné, vous essaierez de mettre de côté de l'argent en espérant avoir bien calculé ce qu'il vous faut. C'est la seule méthode possible.

Mme Sue Barnes: Dans le même ordre d'idées, nous savons, grâce aux données démographiques—et le nouveau recensement nous fournira de nouvelles données à ce sujet, évidemment—que l'un des défis que nous aurons à relever au cours des prochaines décennies sera le fait qu'une bonne partie de la population, soit presque 30 p. 100, sera âgée de plus 65 ans. À l'autre extrême, il y a les Autochtones: là nous assistons à une véritable flambée du côté de la population de jeunes. L'une des questions qui se posent par rapport à l'aide qu'il faudra assurer à une population vieillissante, concerne les services sociaux et de santé qu'elle requerra. Par contre, en ce qui concerne cette explosion de la population de jeunes qu'on observe actuellement, je crains vraiment la possibilité d'un écart important de revenus entre différents segments de la population canadienne, et surtout d'un manque de formation ou d'instruction, par rapport aux besoins, besoins que le gouvernement fédéral ne satisfait peut-être pas tout à fait en ce moment.

M. Paul Martin: Vous m'avez posé deux questions. Par rapport à votre deuxième question, quand on sait qu'il existe une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Canada, alors que les taux de chômage chez les jeunes sont élevés, on doit en conclure, comme vous l'avez dit vous-même, que d'autres mesures s'imposent dans ce domaine.

• 1205

La ministre Stewart a d'ailleurs décrit notre dilemme en termes très éloquents. Je suis parfaitement d'accord avec vous, et avec elle à cet égard. Il faut que ce soit une priorité pour le gouvernement, et voilà justement pourquoi j'en ai fait mention vers la fin de mon allocution.

Dans les mois qui viennent, le gouvernement devra s'acquitter de responsabilités très importantes. On peut toujours y parvenir en créant des programmes spécifiques, mais il faut surtout s'assurer que des gouvernements successifs auront toute la marge de manoeuvre requise. Nous ne pouvons savoir à quelles difficultés nous serons confrontés dans 10 ou 15 ans. À mon avis, des gouvernements précédents ont justement commis l'erreur de se préoccuper presque exclusivement de leur propre génération, plutôt que des générations à suivre. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est si primordial d'accélérer le remboursement de la dette.

Peut-être pourrais-je vous expliquer un peu mieux ce concept. Nous avons accumulé une dette faramineuse au Canada, surtout à cause des versements d'intérêt que nous devions faire sur notre dette antérieure, et tout cela, parce que les gouvernements au pouvoir à l'époque ne se sont pas attaqués aux problèmes fondamentaux. Donc, quand je vous dis que nous avons consacré 33 milliards de dollars au remboursement de la dette, cela veut dire que nous avons désormais à notre disposition 2 milliards de dollars de plus chaque année, crédits qui peuvent servir à autre chose. Voilà donc 2 milliards de dollars par année qui ne seraient pas normalement disponibles pour financer d'autres initiatives.

Donc, quand vous parlez des Canadiens autochtones, qui représentent le segment de notre population qui prend actuellement le plus d'expansion, et quand vous parlez de la population vieillissante—et c'est essentiellement à partir de l'an 2011 que nous allons ressentir les effets du vieillissement des baby-boomers—eh bien, il est clair que nous avons la responsabilité fondamentale, étant donné que des gouvernements futurs se verront aux prises avec certaines difficultés à cause de cela, de nous assurer que le bilan est aussi positif que possible. Sinon, ces derniers devront peut-être recommencer à faire des emprunts. Et s'ils se voient dans l'obligation de le faire, il serait préférable qu'ils le fassent en fonction de besoins d'emprunt bien inférieurs à ceux que nous avons actuellement.

Donc, votre argument, et je l'accepte, c'est que nous devons mettre sur pied des programmes qui répondent à des besoins précis, mais en même temps nous avons l'obligation fondamentale de gouverner le pays, pas seulement pour la présente génération, mais pour les deuxième, troisième, quatrième, et cinquième générations à venir.

Mme Sue Barnes: Je voulais surtout insister sur les écarts potentiels de moyens financiers entre différents segments de la population canadienne, écarts que personne à mon avis ne trouverait acceptables.

M. Paul Martin: C'est vrai. Il ne fait aucun doute que lorsque les gouvernements commencent à serrer la ceinture, ce ne sont pas les riches qui en pâtissent, mais les pauvres.

Mme Sue Barnes: Merci.

C'est tout pour moi, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Barnes.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Martin, je suis très heureuse de vous entendre annoncer officiellement que 15 milliards de dollars ont été consacrés au remboursement de la dette. C'est formidable. Maintenant les Canadiens pourront économiser près de 2 milliards de dollars par année. C'est certainement une bonne nouvelle pour nous tous, et pour la province de la Colombie-Britannique.

Vous avez également parlé de la nécessité de maintenir de faibles taux d'inflation et taux d'intérêt, et qu'en collaboration avec la Banque du Canada, vous vous êtes fixé comme objectif quinquennal de maintenir le taux d'inflation entre 1 p. 100 et 3 p. 100. Cependant, je crois savoir que dernièrement, soit au 1er avril, le taux d'inflation a atteint 3,6 p. 100. Pourriez-vous donc m'expliquer comment vous comptez maintenir le taux d'inflation entre 1 p. 100 et 3 p. 100. Quel plan avez-vous mis en place pour atteindre cet objectif?

M. Paul Martin: L'atteinte de cet objectif dépend à la fois de la politique budgétaire et de la politique monétaire. Pour ce qui est de notre politique budgétaire, il s'agit, pour les gouvernements, de ne pas évincer le secteur privé. Il s'agit aussi d'éviter sans doute de trop stimuler l'économie, si la demande est très forte, ou de la stimuler lorsque la demande n'est pas forte. Donc, à bien des égards, le gouvernement doit adopter, dans la mesure du possible, des mesures anticycliques.

Deuxièmement, en ce qui concerne le rôle de la Banque du Canada, je sais que si je me prononce là-dessus je risque de m'attirer de gros ennuis; donc, j'aime autant vous laisser interroger M. Dodge à ce sujet lorsque vous recevrez les responsables de la Banque du Canada.

Mais il ne fait aucun doute que la politique budgétaire et la politique monétaire y sont toutes les deux pour quelque chose. Ce qui s'est produit—et c'est pour ça que les objectifs que vous avez mentionnés sont si importants—c'est que nous avons conclu une entente qui amène ces deux institutions à collaborer pour maintenir l'inflation dans cette fourchette-là. Cette entente reconnaît ainsi la responsabilité des deux institutions à cet égard.

• 1210

Mme Sophia Leung: Si je comprends bien, l'augmentation du taux d'inflation tient aussi à l'augmentation du coût du pétrole et de l'énergie, par exemple. Ça, c'est quelque chose qui échappe au contrôle du gouvernement. Donc, comment pourra-t-on vraiment maintenir un faible taux d'inflation?

M. Paul Martin: Encore, face à une poussée inflationniste, un gouvernement doit surtout éviter d'intensifier cette poussée. Il faut aussi reconnaître qu'à un certain moment, ce qu'on observe, c'est tout à fait l'inverse d'une poussée inflationniste, et c'est alors qu'un gouvernement doit s'assurer de stimuler la demande.

Quant à la raison d'être de notre partenariat, le fait est que dans la plupart des pays, c'est la banque centrale qui a la responsabilité principale de la stabilité des prix. Au Canada, nous avons bien travaillé ces dernières années pour maintenir cette stabilité. Évidemment, la banque centrale y arrive par divers moyens qui touchent les taux d'intérêt, la liquidité de la masse monétaire, et le volume de la masse monétaire. Si le volume de la masse monétaire est important, il va nécessairement y avoir de l'inflation. Si ce volume est plus faible, il y aura moins d'inflation, parce que la demande sera plus faible.

Je suis très réticent, cependant, à vous dire quel moyen la Banque du Canada devrait prendre pour atteindre cet objectif, de peur de recevoir un de ces jours un appel du gouverneur de la Banque.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Leung.

La parole est à M. Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, votre marge de prudence ne me préoccupe pas du tout. Je pense que nous, les Canadiens, avons été bien servis par cette marge, et je vous encourage donc à poursuivre cette ligne de conduite. Par contre, il y a un autre élément dont vous n'avez peut-être pas parlé qui me semble préoccupant.

Nous constatons dans votre rapport que les investissements des entreprises sont à la baisse. En même temps, le taux d'inflation atteint 3 p. 100. Les entreprises ont des stocks excédentaires et la confiance du consommateur est plus faible. Je me demande donc pourquoi vous avez décidé de consacrer tout l'argent au remboursement de la dette.

Je sais que c'est moi qui insiste depuis des années pour qu'on le fasse, mais au risque de me faire taxer d'incohérence, je voulais tout de même vous dire qu'étant donné le ralentissement de l'économie américaine et les mesures fiscales annoncées par le président Bush, je me pose tout de même des questions sur les raisons pour lesquelles vous n'avez pas décidé d'accélérer les réductions d'impôt pour stimuler la demande et peut-être ainsi freiner un peu le ralentissement de l'économie que nous observons à l'heure actuelle.

J'ai une autre préoccupation dont j'aimerais vous faire part, et là je me place surtout du point de vue du parlementaire. Nous gouvernons une compagnie—pardon, pays qui a un budget de 130 milliards de dollars...

Des voix: Oh, oh.

M. Nick Discepola: ...et il semblerait maintenant que nous devrons peut-être attendre deux ans pour avoir un budget. Même le président de Nortel fait le point chaque trimestre, sinon chaque mois. On sait ce qu'il fait—il cherche un emploi—donc, après tout, ce n'est peut-être pas la meilleure méthode.

Quoi qu'il en soit, quelles assurances pouvez-vous donner aux Canadiens que les grandes décisions ne sont pas toujours prises au Conseil des ministres, et que nous avons quand même notre mot à dire, même s'il y a un long délai entre les budgets.

M. Paul Martin: Je crois que vous êtes un peu trop pessimiste concernant l'économie. De toute évidence, vous avez des connaissances assez poussées dans plusieurs domaines, mais à mon avis, les indicateurs actuels relatifs à la confiance des consommateurs et à la correction des stocks devraient donner lieu à un peu plus d'optimisme.

Mais là où vous avez tout à fait raison, c'est concernant les investissements. Ce qui arrive—et la situation est pire aux États-Unis qu'ici—c'est que les consommateurs font leur part. Le vrai problème, c'est que les investissements des entreprises ont beaucoup baissé. En fait, les responsables de la Federal Reserve Bank aux États-Unis ont dit qu'ils ont justement baissé autant les taux d'intérêt pour stimuler les décisions d'investissement.

C'est un élément très important, et il est tout aussi important que ces investissements demeurent élevés au Canada, car c'est ça qui permet d'améliorer la productivité. Donc, sur ce plan-là, votre analyse me semble très bonne.

• 1215

Vous m'avez demandé pour quelle raison nous avons décidé de rembourser la dette plutôt que d'accélérer les réductions d'impôt. Il y a en fait deux réponses à cette question. D'abord, les réductions d'impôt ont un effet à long terme qui se fait ressentir année après année. Donc quand vous décidez de réduire les impôts, ce qui a nécessairement pour effet de réduire les recettes gouvernementales, vous devez vous assurer année après année pour l'avenir prévisible, vous pouvez vous permettre ce manque à gagner, alors que quand vous remboursez la dette, en réalité, vous augmentez les recettes gouvernementales. Voilà donc la différence fondamentale entre ces deux mesures. À la fin de l'exercice, quand vous devez faire un choix, si vous devez choisir entre des réductions d'impôt ou le remboursement de la dette, et si, à partir du montant de cet excédent supplémentaire pour un an—et personne n'est convaincu que l'année prochaine, il sera aussi important que cette année, étant donné que l'économie n'est pas très forte—vous faisiez des projections quinquennales, vous constateriez qu'à la fin de cette période, vous auriez un important déficit. C'est pour cela qu'il faut plutôt consacrer cet argent au remboursement de la dette. Quand vous réduisez la dette et que vous faites vos projections quinquennales, vous constatez que la situation financière du gouvernement s'en trouve nettement améliorée, parce que le gouvernement a beaucoup plus d'argent à sa disposition.

Pour ce qui est de votre dernière question, nous déposerons un budget lorsque les circonstances... Nous ne sommes pas motivés par des principes idéologiques, vous savez. Nous suivons de très près la situation. Le Canada s'en sort assez bien dans le contexte actuel. Il ne fait aucun doute que nous assistons à un ralentissement de l'activité économique. Il est certain que cela touche les Canadiens, mais comme je vous l'ai déjà dit, en ce moment, le gouvernement canadien et les administrations provinciales apportent à l'économie des stimulants économiques massifs. À mon avis, aucune autre mesure ne s'impose. À propos, lorsque nous avons rencontré les économistes, ils nous ont tous dit qu'aucune autre mesure ne s'impose. Ils nous ont dit de ne pas déposer de budget pour l'instant.

M. Nick Discepola: Donc, à votre avis, il s'agit simplement de tenir le cap.

M. Paul Martin: Oui, c'est ça; il faut tenir le cap.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Madame McDonough.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je voudrais m'attaquer immédiatement à la question de votre utilisation de ce qu'on appelle l'excédent supplémentaire. Je ne veux pas lancer tout un débat concernant l'analyse qui a été faite et les hypothèses qui sous-tendaient la pratique ou les prévisions antérieures, mais je trouve très inquiétant que vous parliez autant d'incertitude et de signes contradictoires en décrivant l'état actuel de l'économie. Vous nous avez expliqué les conséquences des diverses prévisions pour la santé financière du Canada, mais on dirait que vous avez des oeillères quand il s'agit de vous attaquer aux problèmes très graves—qui deviennent une crise, en réalité—liés à la santé environnementale du Canada et à l'état de santé de nos citoyens.

Vous n'êtes certainement pas sans savoir, et je sais que par le passé—je tiens à être juste à votre égard—vous avez souvent exprimé vos préoccupations concernant nos priorités environnementales, la progression de la pauvreté et l'écart grandissant entre les riches et les pauvres au Canada. Mais en même temps, vous essayez de nous convaincre que vous faites preuve de la plus grande prudence en optant de consacrer presque la totalité de ce qu'on appelle l'excédent supplémentaire au remboursement accéléré de la dette.

Je vous invite à réfléchir quelques secondes à l'analogie que voici. Je fais partie d'une famille qui est logée dans une maison dont le toit fuit et où il y a infiltration des eaux d'égout dans le sous-sol. J'ai du mal à bien nourrir mes enfants ou à aider mes parents vieillissants à payer leurs médicaments sur ordonnance. Quelle que soit la source du supplément de revenu dont je vais bénéficier cette année, dois-je me servir de cet argent pour doubler mes versements hypothécaires? Parce que c'est essentiellement ça que vous avez décidé de faire. Vous avez décidé de consacrer deux fois plus au remboursement de la dette, plutôt que de payer un plombier pour corriger votre problème d'infiltration des eaux d'égout—de faire réparer le toit qui fuit ou de vous assurer que vos enfants puissent prendre ce que vous appelez, dans un autre contexte, un bon départ dans la vie.

Pourquoi avez-vous pris la décision de fermer les yeux sur la crise écologique grandissante et l'écart grandissant entre les riches et les pauvres, étant donné que ces deux problèmes bénéficieraient certainement d'une intervention fédérale?

• 1220

M. Paul Martin: Je pense que nous devrions commencer par examiner les faits.

D'abord, les conventions comptables de l'État prévoient qu'à la fin de l'année financière, tout excédent est automatiquement consacré au remboursement de la dette, un point c'est tout. Nous ne pouvons décider de consacrer ces crédits à autre chose. L'excédent restant est consacré au remboursement de la dette. Telle n'est pas une décision du gouvernement. Si vous ne voulez pas que ces crédits servent à rembourser la dette, vous devez déterminer à l'avance à combien se montera votre excédent pour pouvoir utiliser les crédits disponibles selon vos grandes priorités.

En fait, c'est ce que nous avons fait. Si vous examinez le budget de 2000—la mise à jour économique d'octobre—par exemple, vous verrez que nous avons annoncé un important engagement à long terme dans le domaine de l'infrastructure environnementale, puisque nous reconnaissons l'ampleur des problèmes auxquels les municipalités se trouvent actuellement confrontées—c'est-à-dire, les problèmes de qualité de l'eau qui sont si évidents dans bon nombre de collectivités canadiennes. C'est pour cela que nous avons pris cet engagement-là. Nous n'avons pas fait cela à la fin de l'année financière. Au contraire, nous avons décidé dès le départ que ce problème constituait une priorité et que c'est dans ce domaine-là que nous devions prendre certaines mesures. Nous avons besoin de ce programme d'infrastructure et nous avons donc décidé d'en créer un dans ce domaine-là.

Lorsque nous avons conclu l'accord sur la santé, qui fait également intervenir toute la question des technologies de l'information, nous étions tout à fait conscients du fait que la santé ne concerne pas uniquement les hôpitaux et les médecins; elle est aussi directement liée à la qualité de l'air et à la qualité de l'eau que nous buvons. Quand nous avons décidé, à la fin de l'année financière, de verser certaines sommes à la Fondation canadienne pour l'innovation, eh bien, c'est parce qu'un élément crucial du mandat de cette fondation concerne justement toute la question de la recherche environnementale, qui est très importante. Nous avons donc augmenté les crédits prévus pour les inspections environnementales.

Donc, la réponse à votre question est oui: nous avons accéléré le remboursement de la dette, mais à long terme, nous avons fait un investissement très considérable—et nous continuerons à le faire—dans l'environnement, pour les raisons mêmes que vous avez évoquées. Évidemment, si quelqu'un peut nous garantir que nous enregistrerons des excédents massifs à la fin de chaque année financière, nous devrons dans ce contexte envisager toute une série de mesures, dont le remboursement de la dette. Mais examinons la situation depuis quatre ans: dans la première année, la somme consacrée au remboursement de la dette était légèrement supérieure à la réserve pour éventualités; dans la deuxième année, elle était inférieure à la réserve pour éventualités; ensuite, nous avons eu deux années de grande prospérité.

Mais si vous examinez les projections actuelles, vous verrez que personne ne s'attend à des résultats aussi favorables cette année que l'année dernière. Si nous suivions vos conseils, nous déciderions de l'utilisation des crédits de cette année en fonction de la prospérité que nous avons connue l'année dernière, si bien que l'année prochaine, nous aurions un déficit. Et madame McDonough, je dois insister sur le fait que ce n'est pas du tout ce que souhaitent les Canadiens. Les Canadiens ne veulent plus nous voir hypothéquer notre avenir.

Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci, madame McDonough.

Mme Alexa McDonough: Permettez-moi de poser une très brève question complémentaire.

Personne ne prétend que nous devrions nous permettre un déficit, mais d'un autre côté, affirmer que le programme d'infrastructure constitue une mesure sérieuse pour s'attaquer à un problème de cette ampleur... Selon les estimations du gouvernement lui-même, nous devrons dépenser 4 milliards de dollars chaque année au cours des 15 prochaines années simplement pour entretenir nos réseaux d'aqueduc et systèmes de traitement des eaux usées, et pour corriger le problème de la contamination de l'eau et de la détérioration de nos systèmes de traitement. Or, l'engagement du gouvernement fédéral dans ce secteur précis correspond à seulement 10 p. 100 des sommes réservées pour le programme d'infrastructure qui fait maintenant l'objet d'un accord signé, et ce, sur cinq ans.

Mais à mon avis, les mesures que vous annoncez sont nettement insuffisantes, étant donné l'urgence de ces priorités. Ce n'est pas quelque chose qui vient de se produire. Nous savons depuis un moment que nous faisons face à une crise grandissante dans ce domaine, et je proteste donc contre le fait que le gouvernement ne considère pas cette dernière comme une priorité.

M. Paul Martin: Madame McDonough, il ne fait aucun doute que les besoins sont considérables. Il est également incontestable que les administrations, à tous les paliers, se sont réunies pour discuter de ce problème. Il n'y a pas de doute à cet égard. Si les gouvernements avaient le moindre doute concernant l'opportunité d'une intervention, les événements de cette dernière année ont prouvé le bien-fondé de cette intervention.

Le président: Merci, madame McDonough. Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, en 1990, vous avez dit—et je cite—que si vous aviez l'occasion de le faire, vous «géreriez la baisse de la valeur du dollar canadien pour que ce dernier finisse par se stabiliser autour de sa stabiliser autour de sa véritable valeur, soit entre 78 et 81 cents US». Je dois dire à cet égard, vous avez dépassé les attentes, parce que la valeur du dollar canadien, grâce à votre bonne gestion n'est plus que de 63 cents environ. Et ce, en dépit du maintien par la Banque du Canada de ce qu'on pourrait appeler une politique consistant à favoriser une valeur élevée pour le dollar canadien, puisqu'elle a fixé des objectifs en matière d'inflation inférieurs à ceux de la Federal Reserve Bank aux États-Unis.

• 1225

D'abord, êtes-vous toujours convaincu que la véritable valeur du dollar se situe entre 78 et 80 cents US? Mais avant que vous ne répondiez à cette question-là, je voudrais vous poser d'autres questions concernant le dollar.

Il y a une forte corrélation entre le dollar et la productivité. Nous savons également qu'il y a une forte corrélation entre la productivité et l'investissement, et bien entendu, une forte corrélation entre l'investissement et la politique fiscale.

La réforme fiscale peut être un véhicule pour favoriser la croissance économique, des investissements plus importants, et en fin de compte une meilleure productivité, et on peut même espérer qu'elle renforce la valeur du dollar. Le Comité des finances—c'est-à-dire votre comité—a analysé la question de la productivité dans un rapport déposé en 1999. Le comité a déterminé que la productivité était une priorité.

Il a récemment été annoncé que le ministre de l'Industrie compte déposer un Livre blanc sur la productivité à l'automne. Il paraît que ce Livre blanc présentera un plan directeur pour les politiques gouvernementales en matière de réforme fiscale. Je trouve étrange que ce soit le ministère de l'Industrie, plutôt que le ministre des Finances qui élabore un Livre blanc sur la réforme fiscale. Serait-ce parce que le ministre de l'Industrie n'est peut-être pas tout à fait convaincu de l'efficacité de vos politiques fiscales? Et comment cela se fait-il que vous permettiez au ministre de l'Industrie de s'approprier le rôle de direction du ministre des Finances en ce qui concerne l'élaboration de la politique fiscale?

M. Paul Martin: En ce qui concerne votre question sur la valeur du dollar, monsieur Brison, vous savez bien que je ne peux pas me prononcer là-dessus.

M. Scott Brison: À votre place, je ne le ferais pas non plus.

M. Paul Martin: Non. Je ne vais pas vous demander, dans ce cas, pourquoi vous m'avez posé la question.

Ce que je tiens à préciser, cependant, c'est que notre politique ne consiste pas à maintenir la faible valeur du dollar. Il ne fait aucun doute qu'il existe un lien entre la valeur de la monnaie d'un pays et son bien-être global; c'est pour cela qu'il est si important de se rendre compte qu'au cours des deux dernières années, et même depuis le début de la présente année, la valeur du dollar canadien a augmenté par rapport à presque toutes les autres devises fortes, à l'exception du dollar américain. Mais par rapport au yen, à l'euro, à la livre, et évidemment plusieurs autres devises, telles que le dollar australien, notre devise a pris de la valeur.

Toutefois, la valeur d'une devise est déterminée par un certain nombre d'éléments, dont le plus important est les facteurs économiques fondamentaux—c'est-à-dire, l'ampleur de sa dette, qui est encore trop importante mais qui diminue, son régime fiscal, et sa productivité. Et le fait est que le Canada opère des améliorations considérables dans tous ces domaines. À mon avis, ces améliorations se répercuteront en définitive sur la valeur de notre devise.

Nous sommes témoins de ce qui est essentiellement un grand paradoxe. Lorsque la crise asiatique s'est déclarée, l'économie américaine était considérée comme le dernier refuge. À l'heure actuelle, le grand problème international est le ralentissement de l'économie américaine; or, le dollar américain est toujours considéré comme le dernier refuge. Telle du moins est la conviction des marchés financiers internationaux. Je suis d'avis, malgré tout, que les données fondamentales de l'économie canadienne finiront par se répercuter sur la valeur du dollar.

Maintenant, pour ce qui est du document sur l'innovation, ce dernier ne traitera pas de politique fiscale. Il examinera une série de questions qui sont essentiellement de la responsabilité de Mme Stewart et de M. Tobin. Cependant, il y a une multitude d'autres ministères fédéraux qui vont également participer à l'élaboration de ce document, et qui en seront touchés aussi, étant donné que ce projet dépasse de loin le champ d'action de ces deux ministères.

Il ne fait aucun doute que le ministère des Finances participera aux travaux de ce comité et y jouera un rôle très important. Finalement, il lest clair que la politique fiscale et l'innovation vont de pair. C'est pour cela que nous avons réduit l'impôt sur les gains en capital. C'est pour cela que nous avons inclus la disposition de report dans le dernier budget.

• 1230

M. Scott Brison: Nous sommes d'accord pour dire que la réforme fiscale est un élément très important de tout projet visant à accroître la productivité à long terme. Puisque tel est le cas, pourquoi ne prenez-vous pas un rôle de chef de file pour instituer un programme de réforme fiscal d'envergure, en vue de faire monter les niveaux de productivité? M. Tobin dit qu'un élément important de ce Livre blanc sera la réforme fiscale. Or, c'est vous qui devriez diriger les efforts dans ce domaine.

M. Paul Martin: L'innovation est influencée par une vaste gamme de facteurs qui font que notre économie est novatrice ou non. Il ne fait aucun doute que le régime fiscal joue un rôle important. Mais notre travail à ce chapitre a déjà commencé. C'est justement pour cette raison-là que nous avons réduit l'impôt sur les gains en capital, annoncé la disposition de report, et réduit l'impôt des sociétés. Nous allons donc poursuivre nos efforts dans ce domaine.

Nous travaillons de très près avec M. Tobin pour coordonner ses activités et le projet de réforme fiscale, étant donné que les deux éléments sont si étroitement liés. Prenons l'exemple de la question des crédits d'impôt au titre de la recherche et du développement: comment peut-on encourager la recherche et le développement? Eh bien, l'un des outils à notre disposition est le crédit d'impôt au titre de la recherche et du développement, qui est évidemment une mesure fiscale. Il va donc de soi que le train de mesures que nous élaborons comprendra une multitude de mesures fiscales.

M. Scott Brison: À votre avis, y a-t-il un lien entre le coup du ministre de l'Industrie qui, de l'avis de certains, vous a coupé l'herbe sous les pieds pour ce qui est de la réforme fiscale, et la décision du premier ministre d'en faire autant plus tôt cette semaine en annonçant les mesures qui seraient prises en matière de remboursement de la dette?

M. Paul Martin: Je dois vous dire que je regarde la période des questions, et que je l'ai regardée cette journée-là.

M. Scott Brison: Vous auriez dû être là en personne.

M. Paul Martin: Écoutez, je vous assure que vous n'auriez pas aimé me voir ce jour-là. Je suis resté au lit pour essayer de soigner ma grippe. À ce moment-là, n'importe qui aurait pu proposer de prononcer ce discours à ma place. Ça ne m'aurait aucunement dérangé.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Quand les nouvelles sont bonnes, il est parfois difficile de les garder secrètes.

Merci, monsieur le ministre, pour une autre mise à jour économique qui ne manquera pas de relever la confiance qu'ont les consommateurs dans notre économie. Je suis convaincue que le résultat sera de très longues files d'attente à tous les restaurants ce week-end.

Les Canadiens estiment certainement qu'ils ont beaucoup de chance d'avoir un ministre des Finances qui a pu réduire les impôts juste au bon moment pour stimuler l'économie et, nous l'espérons, atténuer l'impact du ralentissement de l'économie américaine.

Ce qui est moins heureux, cependant, c'est que juste au moment où les gens découvraient, en examinant leurs talons de chèques, que le fisc leur avait fait un petit cadeau, ils ont su, en examinant les rapports d'investissement que la valeur de leurs actions dans Nortel avait chuté, comme le disait Nick tout à l'heure. Dans quelle mesure, l'impact des annonces faites par Nortel a-t-il atténué les incidences très positives de vos réductions d'impôt?

M. Paul Martin: Il y a quelque temps, j'ai prononcé un discours devant une association de conseillers et de planificateurs financiers. Je leur ai demandé dans quelle mesure cela avait influé sur la fortune des Canadiens. J'ai trouvé leurs réponses assez surprenantes. Ces gens-là conseillent une vaste gamme de clients dans tout le Canada. Ils m'ont dit que l'impact n'avait pas été très important, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord ils m'ont dit que les fonds mutuels canadiens étaient quelque peu plus conservateurs que les fonds mutuels américains, et qu'ils investissaient moins dans le secteur de la haute technologie que leurs homologues américains. Ils m'ont aussi dit que leurs clients individuels qui faisaient des investissements directs étaient dans la même situation et n'étaient donc pas sujets aux mêmes risques que des investisseurs américains.

Il est certain que compte tenu du poids de Nortel par rapport à l'ensemble des actions cotées à la Bourse de Toronto, il y a certainement un effet, mais j'ai tout de même posé cette question à des gens dans toutes les régions du pays, et aux États-Unis également, et la réponse qu'on m'a faite le plus souvent c'est que l'atténuation de l'effet de la fortune a eu des conséquences, certes, mais beaucoup moins lourdes ici qu'aux États-Unis et bien moindres que ce que l'on pourrait croire à prime abord.

Mme Albina Guarnieri: Encore une fois, je suis sûre que certains Canadiens auraient voulu que vous consacriez votre temps libre à être PDG de Nortel.

Une voix: Le poste est vacant.

M. Paul Martin: En effet.

Une voix: Et le salaire est beaucoup plus élevé.

M. Paul Martin: Oui.

• 1235

Mme Albina Guarnieri: Monsieur le ministre, je suis sûre que vous êtes au courant du résultat du sondage Ipsos-Reid publié en avril, qui indiquait un degré de confiance dans l'économie très élevé dans tout le Canada, malgré le fait que les médias faisaient état d'un ralentissement de l'économie américaine et de pertes d'emploi de plus en plus importantes. Plus de 80 p. 100 des répondants étaient d'avis que l'économie continuera à progresser, et un nombre important d'entre eux s'attendaient même à ce qu'il n'y ait aucun ralentissement de l'activité économique. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, il y a une province en particulier qui compte la moitié moins d'optimisme que les autres régions, c'est-à-dire la moitié moins de répondants qui sont convaincus que l'économie continuera de progresser au même rythme. À votre avis, comment cela se fait-il que les habitants du Québec, par exemple, semblent avoir moins confiance en l'avenir? Selon vous, dans quelle mesure ce manque de confiance peut-on l'attribuer au manque d'orientation économique de la part du gouvernement de Landry ces derniers temps? Pendant combien de temps encore pourra-t-on soutenir la confiance des consommateurs en l'absence d'une reprise très manifeste au sud de la frontière?

M. Paul Martin: Je vous ai déjà dit tout à l'heure qu'à mon avis, les gouvernements du monde entier—c'est-à-dire les gouvernements nationaux et infranationaux—mettent vraiment l'accent sur l'économie. Lorsque la plus importante économie mondiale—c'est-à-dire, les États-Unis, à 25 p. 100 du PIB—et la deuxième plus importante économie, commencent à avoir des problèmes en même temps, il est évident que cela ne peut qu'avoir un effet considérable sur les pays individuels. Aucun pays ne sera à l'abri de ce phénomène.

Je trouve intéressant de constater, par exemple, qu'il y a six mois, les Européens étaient convaincus qu'ils ne subiraient pas les contrecoups du ralentissement de l'activité économique aux États-Unis. Ils ont compris depuis que c'est faux. Leurs économies sont justement touchées par ce phénomène.

Donc, à l'heure actuelle, les gouvernements du monde entier mettent vraiment l'accent sur l'économie, ce qui tend à rassurer leurs populations lorsqu'elles constatent que les priorités de leurs gouvernements sont les bonnes.

Par contre, je suis convaincu, personnellement, que le PQ a un tout autre programme. D'ailleurs, ce n'est un secret pour personne. Or, les priorités des Québécois sont toutes autres. Les Québécois voudraient justement qu'on mette l'accent sur l'économie. La société québécoise est très dynamique et prise beaucoup l'esprit d'entreprise; ainsi les Québécois souhaitent que leurs dirigeants politiques partagent leurs aspirations—et c'est justement de cette manière qu'on renforce son économie, comme le fait tout le monde. Donc, cela a certainement un effet.

En ce qui concerne l'économie canadienne, le ralentissement que nous avons observé touche surtout quelques secteurs. Comme je le disais tout à l'heure, les effets de ce ralentissement se font surtout sentir dans l'industrie automobile, qui commence maintenant à reprendre un peu du poil de la bête, et dans les entreprises de technologie de pointe qui desservent surtout les compagnies de téléphone américaines—et c'est justement cela qui est arrivé dans le cas de Nortel et, aux États-Unis, Cisco, JDS Uniphase et d'autres.

Comme c'est dans ces secteurs-là que l'économie était en pleine expansion, on ne peut pas sous-estimer l'impact de cette baisse d'activité, mais c'est surtout dans ces secteurs-là que nous avons observé un ralentissement. Si vous examinez l'ensemble des secteurs économiques, et ce dans toutes les régions du pays, c'est-à-dire l'énergie, les petites et moyennes entreprises, etc., —d'ailleurs, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a publié il y a environ un mois les résultats d'un sondage qui indiquaient que le niveau de confiance de ses membres était très élevé. Il faisait également état du désir des entreprises de faire du recrutement. Donc, ce que nous observons dans toutes les régions du pays à l'heure actuelle, c'est un degré élevé de confiance de la part non seulement des entreprises mais des consommateurs, confiance qui me semble tout à fait justifiée.

Il est évident que la durée du ralentissement de l'économie américaine influera certainement sur ce phénomène. Mais comme je l'ai déjà dit, nous avons fait preuve de prudence, et nous faisons encore preuve de prudence en ce qui concerne cette perception de l'économie. Nous continuerons donc de suivre de très près la situation. Dans ce domaine, il est difficile d'établir le bon équilibre.

Mme Albina Guarnieri: Merci, monsieur le ministre, je sais que les Canadiens apprécient votre bon travail.

Le président: Merci, madame Guarnieri.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur le ministre. Je suis sûr que les Canadiens seront contents d'apprendre que, grâce à la marge de prudence que vous avez incorporée dans votre processus de budgétisation et de planification, les réductions d'impôt d'une valeur de 100 milliards de dollars sont protégées, de même que les importants investissements dans les soins de santé et les programmes pour enfants, et même dans le pire des cas, nous aurons un coussin de sécurité important pour nous permettre de faire face à tout éventuel choc économique.

J'allais dire que si M. Kenney et M. Day veulent des projections pour dans trois ou quatre ans, ils voudront peut-être emprunter l'ordinateur portatif de M. Loubier, car on dirait que c'est un ordinateur de cinquième génération qui fonctionne un peu comme une boule de cristal, sauf quand il s'agit de calculer, à la Chambre des communes, les économies d'impôt dont bénéficieront les Canadiens individuels. Je dois dire que sur ce plan-là, son système présente encore certaines failles.

• 1240

Monsieur le ministre, vous avez beaucoup parlé des progrès qu'il faut accomplir et de la nécessité, pour le Canada, d'être novateur et de faire en sorte que les Canadiens aient les compétences requises. Michael Porter a récemment publié une rétrospective du rapport qu'il a rédigé il y a une dizaine d'années, intitulé, Le Canada à la croisée des chemins, dans lequel il présentait une analyse des mesures que le Canada pourrait ou devrait prendre pour rehausser sa compétitivité. Eh bien, il vient de publier une mise à jour où il affirme essentiellement que sur le plan macroéconomique, qui semble correspondre à votre principale responsabilité, nous avons réalisé d'énormes progrès. Je tiens donc à vous en féliciter. Vous serez le premier à reconnaître qu'il y a encore du travail à faire, et je suis convaincu que vous poursuivrez vos efforts pour que les résultats soient encore plus positifs.

Il a également dit qu'au niveau microéconomique, un certain travail s'impose au niveau des administrations provinciales et locales, et sur le plan des stratégies d'entreprise. En ce qui concerne les provinces, il pourrait s'agir d'éliminer les obstacles interprovinciaux au commerce ou le fardeau de la réglementation aux niveaux provincial ou local ou encore de renforcer le soutien accordé à ce qu'on appelle des grappes, et ce genre de choses.

Sans vouloir lancer un débat philosophique, au Canada, nous avons incorporé dans nos budgets de nombreuses mesures visant à favoriser un marché financier dynamique: la prise de risques, l'innovation, l'entrepreneuriat et les investissements dans la recherche et le développement. À l'avenir, que pouvons-nous faire pour encourager tous les Canadiens, à tous les paliers de gouvernement, et dans le secteur privé, à être plus dynamiques et novateurs, et à adopter davantage des principes d'entreprise, pour que nous profitions de tout ce que peut offrir la nouvelle économie?

M. Paul Martin: Il y a deux réponses à cette question, monsieur Cullen. D'abord, nous sommes actuellement confrontés à un certain nombre de problèmes. Les obstacles au commerce interprovincial qui existent à l'heure actuelle sont ridicules et doivent disparaître. Mais il faut surtout que les provinces elles-mêmes se rendent compte du degré de balkanisation du marché canadien. Nous ne sommes que 30 millions au Canada.

Il y a une chose en particulier que j'observe chaque fois que je quitte le Canada. Je sais que Pierre Pettigrew vous dirait la même chose, et je sais aussi que vous tous avez dû vous en rendre compte à l'occasion de voyages à l'étranger. Notre marché est tout simplement trop petit. Voilà pourquoi nous devons pouvoir accéder à des marchés plus importants. Alors, balkaniser davantage ce marché n'a aucun sens. Vous avez tout à fait raison: les provinces devraient participer aux discussions sur cette question précise.

En ce qui concerne les grappes, encore une fois, il ne fait aucun doute que dans l'édification d'une économie moderne, la capacité de profiter au maximum de nos instituts de recherche, de nos universités, et de l'esprit novateur de nos plus grands entrepreneurs, revêt une importance critique.

Sue Barnes est ici. C'est justement le genre de choses qui est très courant à London. Albina en a parlé un peu par rapport à Toronto. En fait, chaque député pourrait trouver des exemples de ce genre d'activité.

À mon avis, nous devons aussi faire en sorte que ces grappes—et je ne parle pas uniquement de celles qui se trouvent dans les grandes universités. Il faut reconnaître l'apport important que peuvent faire les plus petites universités et les collèges communautaires. Nous devons reconnaître qu'il existe au Canada une puissante dynamique qui peut donner des résultats extraordinaires. Voilà la base d'une politique industrielle moderne. Voilà ce à quoi tend le Partenariat pour l'investissement au Canada atlantique. Le principe de base de ce partenariat, c'est que le Canada atlantique pourrait prospérer et être même un chef de file dans la nouvelle économie s'il avait la capacité requise.

Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, si nous avons réussi à éponger le déficit, c'est parce que nous avons tenu de grandes consultations pour connaître le point de vue des Canadiens. Non seulement ils avaient l'impression d'apporter une contribution dans ce domaine, mais ils ont joué un rôle très important dans ce processus. Voilà ce qui me semble essentiel par rapport à ce que vous avez mentionné—c'est-à-dire, comment on peut créer une économie novatrice, et comment encourager les gens à abandonner les vieilles méthodes conventionnelles. C'est essentiellement ça qu'il faut faire. Il faut que nous acceptions la notion selon laquelle l'ancienne façon de faire les choses ne marche plus. Le fait est que l'économie du savoir repose sur une série très différente de structures économiques et sociales par rapport à l'ancienne économie, et c'est à nous de mettre en place toutes ces structures.

Pour cela nous devons surtout abandonner les vieux combats. Il faut aussi qu'on puisse anticiper les changements et les secteurs où ils sont susceptibles de s'opérer. Mais cela est possible uniquement si vous faites participer les Canadiens de toutes les régions du pays à ce genre de discussion. Je sais que c'est justement ce que fait le Comité des finances, et ce genre de discussion est tout à fait essentiel.

Je sais que vous avez tous fait cela, et qu'il nous incombe à nous tous de le faire. Telle est la responsabilité de tous et chacun.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

J'ai plusieurs questions à poser. La première concerne toute la question de l'intégration nord-américaine et son incidence sur la productivité. La productivité au Canada est importante lorsqu'on a un concurrent comme les États-Unis, par exemple. Je sais que le gouvernement a pris certaines mesures en vue de créer le genre de climat qui favorise la productivité, mais quelles autres mesures s'imposent encore?

• 1245

L'une des recommandations du comité portait sur l'Examen des programmes, et je voudrais savoir si, à votre avis, ce programme devrait être perpétuellement reconduit—autrement dit, l'Examen des programmes se ferait chaque année.

M. Paul Martin: Je ne sais pas si l'Examen des programmes que nous avons institué en 1995 devrait continuer dans sa forme actuelle, mais je suis certainement en faveur d'une évaluation automatique et permanente, passant par le Conseil du Trésor, de l'ensemble des programmes exécutés par les ministères fédéraux. À mon avis, la présidente du Conseil du Trésor est également convaincue de l'utilité de ce genre de démarche, et elle a déjà mis en branle tout ce processus.

Il est essentiel que le gouvernement puisse mesurer les résultats de ses programmes. Il faut qu'on puisse déterminer si les programmes atteignent ou non les objectifs fixés. Nous avons besoin de meilleures évaluations et de meilleurs objectifs, et nous devons surtout obliger les responsables à rendre compte de leurs activités. En réalité, la clé de tout ce processus est la responsabilisation.

J'ai longuement discuté de cette question avec Mme Robillard. C'est elle qui en est saisie, et je suis convaincu qu'il faut agir dans ce sens.

Le président: Et sur la question de la productivité...

M. Paul Martin: Il existe deux types de productivité. Il y a la productivité cyclique qui se manifeste lors des périodes de croissance, croissance qui alimente la productivité et qui revêt donc une grande importance si l'on veut favoriser une croissance soutenue. L'autre type de productivité est évidemment la productivité structurelle, qui découle surtout des investissements.

Il y a deux types d'investissements. D'abord, les investissements dans les bâtiments et les équipements, et c'est pour cela qu'un ralentissement au niveau des investissements de capitaux est assez inquiétant. La forte hausse de la productivité et l'amélioration—moins grandes qu'aux États-Unis, mais meilleures que dans la plupart des pays—observées à cet égard au Canada au cours des deux ou trois dernières années résultent certainement des investissements très considérables dans les bâtiments et les équipements.

Le deuxième type d'investissements—et cela nous ramène à la question que nous devrons vraiment approfondir—est l'investissement dans les ressources humaines. On peut investir à tour de bras dans les machines et le matériel, mais si vous n'avez pas la main-d'oeuvre la plus qualifiée, la plus instruite et la plus ouverte, vous ne serez jamais aussi productifs que d'autres. Cela nous ramène à un constat fondamental: il faut investir dans des programmes de formation professionnelle qui permettront aux Canadiens de rivaliser avec les travailleurs de n'importe quel pays du monde. Quand ces deux éléments seront réunis, nous serons aussi productifs que n'importe lequel de nos concurrents.

Le président: Merci.

Monsieur Kenney, vous avez cinq minutes, et ce sera ensuite le tour de M. Loubier, encore une fois pour cinq minutes.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, AC): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, comment se fait-il que vous regardiez la période des questions quand vous êtes malade? C'est un peu pervers, vous savez.

M. Paul Martin: Et des fois, ça peut vous rendre encore plus malade.

M. Jason Kenney: Je suis convaincu que je trouverais d'autres émissions plus intéressantes à regarder.

Je voudrais revenir sur la question du déficit potentiel, qui se concrétiserait au cours des dernières années de votre plan budgétaire et que vous ne nous révélez pas tout à fait aujourd'hui. En réponse à une question du chef de mon parti, vous avez tout de même admis qu'il est concevable qu'on ait à recourir aux crédits de notre marge de prudence. Pour moi, c'est comme si vous admettiez que cela va certainement se produire au cours des dernières années de votre plan budgétaire.

Je tiens à préciser, cependant, que ce ne sont pas uniquement les membres cyniques de l'opposition qui font cette affirmation-là. Dieu nous en garde. Beaucoup d'économistes très crédibles ont fait la même constatation. Il y en a un que vous connaissez peut-être, un certain John McCallum, qui a dit ceci: «La proposition libérale suppose l'utilisation d'une partie des crédits de la réserve de prudence...».

Robert Fairholm chez Standard & Poor's a dit ceci: «J'étais assez surpris en voyant les chiffres. Quand on fait les calculs pour chaque année du plan, on constate que leurs chiffres ne font pas le compte.»

Don Drummond, votre ancien sous-ministre adjoint, qui travaille maintenant pour Toronto Dominion, a dit ceci: «Le gouvernement, de toute évidence, n'a jamais totalisé tous ces chiffres; ainsi en l'an 2004-2005, il aura un déficit de 1,5 milliard de dollars.»

Et Dale Orr, chez WEFA, a déclaré que: «La situation se corse pas mal dès 2003-2004 et 2004-2005, et c'est pour ça qu'il est si important de bien limiter les dépenses.»

Je suis sûr que vous comprendrez donc notre scepticisme et notre inquiétude, surtout quand nous constatons que les dépenses augmentent exagérément, ce qui force le gouvernement à recourir à sa réserve pour éventualités.

N'est-il pas vrai que ces réserves sont établies pour permettre au gouvernement de faire face à un ralentissement imprévu de l'économie, et n'êtes-vous pas en train de compromettre la marge de prudence en indiquant que vous êtes disposés à y avoir recours au cours des années suivantes?

Deuxièmement, même si vous avez vraiment essayé, pendant les premières années que vous étiez ministre des Finances, à freiner les tendances de certains ministres à beaucoup dépenser, n'est-il pas vrai que vous avez perdu cette bataille? Les dépenses de programmes augmentent, non pas de 2 ou 3 p. 100, mais de 5 ou 6 p. 100.

Par exemple, si vous limitiez les dépenses de programmes au cours des quatre prochaines années au taux de l'IPC plus le taux de croissance de la population, c'est-à-dire environ 3 p. 100, par opposition aux 5 p. 100 correspondant au PIB nominal, car c'est ça que vous comptez faire... À propos, cette prévision de croissance de 5 p. 100 correspond exactement à la ligne de conduite suivie par l'un des ministres des Finances les plus irresponsables que nous ayons jamais connus dans toute l'histoire moderne du Canada, soit M. Chrétien, et ce vers la fin des années 70. Donc, si vous revenez aux niveaux de dépenses du style de Chrétien, au lieu de maintenir l'approche prudente qui correspondait au style de Martin, vous allez claquer environ 60 milliards de dollars qu'on aurait pu utiliser pour réduire encore les impôts et rembourser la dette.

• 1250

D'abord, n'est-il pas vrai que la réserve doit servir en cas d'urgence et qu'on n'est pas censé utiliser ces crédits autrement? Deuxièmement, comment se fait-il que les ministres qui sont portés à beaucoup dépenser aient remporté la bataille, bataille qui représente cette année la somme de 5 milliards de dollars qui, autrement, aurait fait partie de l'excédent et permis de réduire encore la dette?

Quant à ma troisième et dernière question, vous parlez beaucoup de vos réductions d'impôt, annoncées avec tant d'insistance, mais hier nous avons vu les résultats d'un sondage scientifique mené par Pollara auprès de 1 200 Canadiens; on leur a demandé s'ils avaient remarqué une réduction du montant défalqué de leur salaire pour les impôts fédéraux. Dans tous les groupes de revenu, cohortes et régions du pays, les répondants, c'est-à-dire 75 p. 100 des répondants ont dit non, qu'ils n'avaient remarqué aucune réduction du montant défalqué pour les impôts fédéraux. Alors, cet allégement fiscal, où est-il, étant donné que les Canadiens n'ont pas remarqué de différence?

M. Paul Martin: Monsieur Kenney, en posant vos questions, vous avez fait plusieurs affirmations que je ne peux vraiment pas passer sous silence.

D'abord, je tiens à préciser que le Livre rouge indique—et tel a toujours été notre principe de base—qu'au moment approprié, nous prendrons les décisions qui s'imposent en fonction de la situation économique, et que nous n'avons aucunement l'intention de compromettre notre profil d'évolution financière. Voilà ce qu'indique le Livre rouge, et je vous le confirme aujourd'hui même; donc, toutes les projections touchant les troisième, quatrième et cinquième années du plan sont nécessairement assujetties à ce principe de base.

Deuxièmement, en ce qui concerne la marge de prudence, nous y avons toujours eu recours. Cette marge peut être de 1 milliard, de 2 milliard, de 3 milliards, de 3,5 milliards, ou de 4 milliards. Si elle augmente ainsi, c'est parce qu'il est très difficile de faire des projections exactes pour les dernières années du plan. Mais au début de chaque année, cette marge baisse essentiellement, et depuis que nous sommes au pouvoir, nous y avons toujours eu recours pour engager certaines dépenses, réduire la dette, réduire les impôts, etc., et il en sera de même à l'avenir. Donc, là, il n'y a rien de nouveau.

Troisièmement, l'excédent prévu pour la quatrième année compte près de 7 milliards de dollars au titre de la marge et de la réserve pour éventualités, somme amplement suffisante pour parer à toute éventuelle dépense imprévue. Donc, il est tout simplement faux de prétendre que l'équilibre budgétaire est menacé dès la quatrième année.

Quant aux dépenses, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, les dépenses de programmes au Canada, sans compter les intérêts, se chiffraient à environ 120 milliards de dollars par année. Aujourd'hui, sept ou huit ans plus tard, elle se monte à 120 milliards de dollars par année. On parle d'un taux d'accroissement correspondant au taux d'inflation plus le taux d'accroissement de la population. Mais depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons augmenté les dépenses moins que nous l'aurions fait si nous avions appliqué la formule du taux d'inflation plus le taux d'accroissement de la population. Par conséquent, nous nous en sommes mieux tirés que ne l'aurait fait l'Alliance, ou l'ancien Parti réformiste, et nous nous en sommes mieux tirés aussi par rapport à ce qu'ils auraient fait sur le plan du remboursement de la dette.

Vous dites aussi que les dépenses augmentent de 5 p. 100. Je ne sais pas d'où vous tirez ce chiffre-là. Personne ne projette un accroissement des dépenses de 5 p. 100 par année. En fait, le taux d'accroissement des dépenses est considérablement plus faible.

Comme je vous l'ai déjà dit, les dépenses ont effectivement augmenté au mois de janvier de cette année, mais il faut voir à quoi ces crédits ont servi. Il s'agissait essentiellement de dépenses ponctuelles, à savoir l'augmentation de la péréquation, l'augmentation du remboursement pour le chauffage domiciliaire, et les quelques milliards de dollars prévus pour l'acquisition d'équipements médicaux. Mais si vous enlevez tout cela, vous verrez que nos dépenses augmentent en réalité d'environ 3,8 p. 100.

Donc, si vous voulez faire de telles projections—si vous dites que les dépenses vont augmenter de 5, 6 ou 7 p. 100, à ce moment-là, tous les scénarios sont possibles. Mais je vous assure, monsieur Kenney, que ce n'est pas du tout ce qui va se produire.

Maintenant c'est à moi de vous poser une question—je suis sûr qu'on vous donnera l'occasion de répondre. Si les troisième et quatrième années du plan vous inquiètent tellement, pourquoi avez-vous projeté des dépenses additionnelles de 25 milliards de dollars, sous forme de mesure fiscale, au cours de cette quatrième année? Si nos 2 ou 3 milliards de dollars de dépenses ponctuelles vous inquiètent, à votre avis, quel aurait été l'impact de vos 25 milliards de dollars de dépenses additionnelles au cours des troisième et quatrième années?

• 1255

Le président: Je ne crois pas qu'il ait pu répondre à la question la dernière fois qu'on la lui a posée, mais allez-y, monsieur Kenney.

M. Paul Martin: Je m'intéresse surtout aux alliancistes qui prônent les impôts et les dépenses élevés.

M. Jason Kenney: Monsieur le ministre, ce que nous avons proposé, ce n'est pas évidemment une augmentation nette des dépenses, mais d'une redistribution, compte tenu du taux d'inflation et du taux d'accroissement de la population. Vous allez bien au-delà de cette formule dans votre plan, et ça représente une somme importante. Chaque fois que vous dépensez 1 $ de plus, cela veut dire que ce dollar n'est pas disponible pour réduire les impôts ou rembourser la dette. Et quand vous parlez de votre plan de réduction de la dette, eh bien, je regarde ce qui est prévu au cours des cinq prochaines années, et le coût des intérêts sur la dette, soit plus de 40 milliards de dollars, est constant sur toute la période. Cela ne représente donc pas une économie importante pour les contribuables. Même 15 milliards de dollars, par rapport à une dette globale de 550 milliards de dollars, ne correspondent pas à un versement important.

Donc, je n'accepte pas votre évaluation de notre plan. Ce que je constate, par contre, c'est que votre gouvernement a décidé de dépenser davantage, plutôt que d'opter, au profit de tous les contribuables, pour les dégrèvements fiscaux et une réduction de la dette qui permettraient de garantir notre avenir économique à long terme. Vous n'avez pas du tout parlé aujourd'hui du vieillissement de la population, de la crise démographique à laquelle nous serons confrontés dans 20 ans, et ce que nous allons faire pour régler ces problèmes-là.

Encore une fois, votre plan de réduction de la dette repose uniquement sur les crédits qui pourraient rester à la fin de l'année financière, si jamais vos amies Mme Copps et M. Tobin n'arrivent pas à mettre la main dessus.

Le président: Merci, monsieur Kenney.

M. Paul Martin: Si vous examinez les secteurs où il y a augmentation, monsieur le président, vous verrez que l'augmentation des dépenses concerne surtout les soins de santé. Il y a aussi une augmentation en raison de l'accroissement du montant prévu pour la pension de la vieillesse. Il y a une autre augmentation pour les versements faits aux agriculteurs. Donc, la question qu'il faut poser à M. Kenney ou aux représentants de l'Alliance canadienne, est celle de savoir laquelle de ces dépenses ils seraient prêts à éliminer, car c'est là qu'il y a eu augmentation des dépenses.

Le président: Merci.

Monsieur Loubier, qui sera notre dernier intervenant.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, à la fin de notre entretien de tout à l'heure, vous m'avez traité de génie.

[Note de la rédaction: Inaudible]

...vient de perdre son monopole à cet égard.

M. Paul Martin: On peut être sarcastique.

M. Yvan Loubier: Quelquefois, lorsque vous me traitez comme ça, j'ai envie de vous enfermer dans une bouteille, mais c'est un autre débat.

Monsieur le ministre, je vais revenir à mes écarts d'estimation. Avec votre erreur d'estimation de cette année, on est maintenant rendu à 60 milliards de dollars d'erreurs d'estimation de votre part quant aux surplus et aux déficits en six ans, comparativement à environ 5 milliards de dollars pour le Bloc. Ça ne tient pas du génie, ça, monsieur le ministre. Ça tient de la compétence, de l'expérience et du réalisme. Et, surtout, on ne s'est jamais cachés depuis 1996. À tous les ans, on a rendu nos estimations publiques. Vous nous avez même félicités, à un moment donné, pour notre excellent travail.

On se base exactement sur les mêmes chiffres de croissance du PIB que vous, qui viennent de la Banque Royale, de la Banque de Montréal, de la Banque Scotia, de la Banque Toronto-Dominion, de la Banque Nationale et du Mouvement Desjardins, mais nous, on ne s'arrête pas là. On regarde la différence entre la croissance du PIB, telle que présentée par les prévisionnistes, et la croissance des recettes fiscales. Avec l'expérience, on a acquis une certaine expertise, année après année, quant aux ajustements à faire.

Comment se fait-il qu'on arrive à des résultats qui sont tout près de la cible, alors que vous, vous arriviez à des erreurs d'estimation variant entre 130 p. 100 et 400 p. 100, tout dépendant des années?

Je vous pose une question, monsieur le ministre. Vous êtes démocrate, vous êtes transparent et vous avez le souci de la vérité. Je vous fais deux demandes et je vous demande de répondre à ces demandes. Par souci de transparence, d'honnêteté et de participation au débat démocratique, serait-il possible que dorénavant, on mette en place un processus formel pour soumettre vos estimations de recettes, de dépenses, de surplus et de croissance de ces trois choses à un comité indépendant du ministère des Finances et indépendant des quelques petits amis que vous avez, dont Don Drummond et, auparavant, McCallum?

Deuxièmement, serait-il possible, après cet examen public des estimations, lorsqu'on arrivera à une estimation réaliste, qui va se rapprocher un peu plus de la réalité, qu'on ait un véritable processus qui permette aux parlementaires de débattre de l'utilisation des surplus à venir et de l'adoption, après ce débat, d'une approche équilibrée? Il ne faut pas que tout aille à la dette. Il faut rembourser une partie de la dette, mais aussi tenir compte des besoins en matière de santé et d'éducation et des besoins des chômeurs, à qui vous enlevez 6 ou 7 milliards de dollars par année en puissant dans la caisse d'assurance-emploi, à même les contributions des employeurs et des employés.

Seriez-vous d'accord pour répondre à ces deux demandes-là: processus public indépendant de votre ministère et de vos petits amis économistes, qui mettent en place une espèce de psychose d'extrême prudence pour l'avenir, et un véritable débat parlementaire sur l'utilisation des surplus pour éviter qu'à l'avenir, vous soyez le seul, avec quelques amis économistes des grandes banques, à décider de l'utilisation des surplus?

• 1300

M. Paul Martin: Tout d'abord, monsieur Loubier, j'ai dit plus tôt et je répète que ça ne donne pas grand-chose de parler de nos amis des banques. Il y a 19 prévisionnistes au Canada, et Desjardins fait partie de ces prévisionnistes.

M. Yvan Loubier: Oui.

M. Paul Martin: Si vous voulez mettre Desjardins à l'écart...

M. Yvan Loubier: Non, non. Je les utilise. J'utilise les mêmes prévisions de croissance que vous...

M. Paul Martin: Alors, la première chose...

M. Yvan Loubier: ...mais moi, je ne surestime pas les dépenses et je ne sous-estime pas les recettes comme vous.

M. Paul Martin: Voulez-vous que je réponde?

[Traduction]

Le président: Il faut tout de même permettre au ministre de répondre à la question.

[Français]

M. Paul Martin: Je vais vous dire d'abord que ce ne sont pas simplement des économistes des grandes banques. Il y a 19 prévisionnistes au pays.

Deuxièmement, lorsqu'on soumet nos chiffres sur les surplus, on les fait examiner par ces tierces parties, c'est-à-dire les économistes des grandes banques, pour avoir un jugement à part, indépendant du gouvernement.

Troisièmement, et c'est très important, on est exactement dans la même position que la majorité des autres pays. Quand ça va bien, il y a une sous-estimation des surplus et, quand ça va mal, malheureusement, dans la majorité des pays—pas au Canada, et je suis content de le dire—il y a un écart entre les recettes et les dépenses.

Je suis certainement prêt, monsieur le président, à venir devant ce comité, parce que c'est le Comité des finances. Si ce comité veut nous questionner sur les prévisions, il a certainement le droit de le faire. Vous avez donc en grande partie la possibilité de faire exactement ce que vous voulez faire avec les prévisions. Tout est là et vous pouvez faire le débat.

Le débat sur la question des choix du gouvernement est la raison pour laquelle je suis ici et la raison pour laquelle vous faites la consultation au niveau national. Monsieur le président, comme je viens de le dire, il est nécessaire de dépenser en santé, en éducation, en innovation et en environnement. Ce sont des priorités. Je suis tout à fait prêt à revenir témoigner devant le comité n'importe quand et à avoir la discussion que M. Loubier veut avoir.

M. Yvan Loubier: Sur quelle base...

[Traduction]

Le président: Merci, votre temps est écoulé, monsieur Loubier. Je donne la parole à M. Nystrom.

Cette formule des cinq minutes marche très bien ici. Nous assurons une répartition égale, selon le nombre de sièges, bien entendu.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je voudrais poser une question que d'autres voudront peut-être vous poser aujourd'hui.

À mon avis, vos deux plus grands échecs à titre de ministre des Finances ont été, d'une part, dans le domaine de l'environnement, étant donné que de nombreuses études indiquent que nous avons l'un des pires bilans de tous les pays membres de l'OCDE, et d'autre part, selon Statistique Canada, le fait que l'écart de revenu entre les Canadiens s'est creusé au cours des dernières années—les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent.

Mais dans votre allocution ce matin, vous n'avez pas parlé une seule fois d'«égalité»; vous n'avez pas non plus mentionné le mot «pauvreté», et le mot «eau» ne figure pas une seule fois dans votre texte. Vous avez utilisé deux fois le mot «environnement»—une fois, par rapport à l'inflation, et la deuxième fois, en parlant du vrai environnement.

Alors, la question que je veux vous poser est celle-ci: Pourquoi n'avez-vous pas utilisé une plus grosse part des 15 milliards de dollars pour régler des problèmes environnementaux et pour réduire l'écart de revenu entre les Canadiens? L'un des moyens possibles d'y arriver est de créer ce qu'on appelle un fonds de stabilisation des recettes, qui existe dans certaines provinces. À ce moment-là, les crédits restants ne sont pas automatiquement consacrés au remboursement de la dette nationale; ça vous donne un certain nombre de choix et une marge de manoeuvre à la fin de l'année financière pour ce qui est de déterminer comment répartir ces crédits entre vos différentes priorités—une partie pour la dette, une partie pour des réductions d'impôt, et une partie pour les programmes sociaux.

Donc, nous constatons deux grands échecs: l'un, dans le domaine de l'environnement, et l'autre, en ce qui concerne l'écart qui s'est creusé entre les riches et les pauvres. Je suis sûr que ces deux questions suscitent certaines préoccupations chez vous. Pourquoi ne les considérez-vous pas comme une priorité?

M. Paul Martin: Monsieur Nystrom, je suis d'accord avec vous pour dire que ce sont deux grandes priorités; donc, il n'y a pas de divergence d'opinions entre nous sur ce plan-là.

Le problème, c'est que les fonds de stabilisation des recettes ne marchent pas. Par exemple, dans les provinces où il existe un tel fonds, les vérificateurs généraux n'en tiennent absolument pas compte au moment de vérifier les livres. Je peux vous assurer que j'ai déjà essayé cette méthode. Disons que je comprends qu'on puisse trouver cela intéressant comme concept, mais le fait est que selon les pratiques comptables classiques, à la fin de l'année financière, si vous avez un excédent, il doit absolument servir à rembourser la dette, voilà tout.

Les provinces ont beau créer ces fonds de stabilisation des recettes, comme vous venez de l'indiquer, mais si vous regardez leurs comptes vérifiés—et il est essentiel que nos comptes soient vérifiés selon des méthodes acceptables pour ne pas nuire à nos taux d'intérêt et à la crédibilité financière du Canada—vous verrez qu'elles n'en tiennent pas compte. C'est vrai. Écoutez, j'ai essayé; vous pouvez même examiner les critiques formulées par le vérificateur général à mon égard par le passé. C'est une question de principe comptable acceptable.

• 1305

Le président: Nous permettrons une dernière question. Monsieur Epp n'a pas encore posé une question, alors la sienne sera la dernière.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Merci infiniment, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour votre présence aujourd'hui.

Monsieur le ministre, vous parlez beaucoup de la réduction de la dette. Je tiens, d'ailleurs, à vous féliciter d'avoir consacré 15 milliards de dollars au remboursement de la dette. Au moins vous prenez une décision sensée, au lieu de tout dépenser. Mais ma question concerne les taux d'intérêt. Les taux d'intérêt sont restés assez constants. Notre dette auprès des banques américaines a baissé, si je ne m'abuse. Donc, la plus faible valeur de notre dollar ne devrait pas avoir d'effets sur ce plan-là. Par contre, les versements d'intérêt et les charges relatives à la dette publique sont à la hausse. Pour moi, il s'agit d'une anomalie. Pourriez-vous m'expliquer ce phénomène?

M. Paul Martin: Oui. Deux facteurs expliquent ce phénomène, monsieur Epp. D'abord, le gouvernement prolonge la période de sa dette pour des raisons de sécurité. Nous avions beaucoup trop de dettes à court terme, par rapport à des dettes à moyenne et à long termes. Cela représentait un risque pour le pays. Par conséquent, le gouvernement prolonge la période, et en prolongeant la période, il y a forcément une augmentation du taux d'intérêt. Voilà donc pour le premier facteur.

Le deuxième facteur—et encore une fois, il ne s'agit pas d'une anomalie—c'est que nous remboursons une bonne partie de notre dette, si bien que cette portion-là ne sera pas reconduite. Mais une partie de la dette que nous remboursons correspond à d'anciennes dettes, car ce sont celles-là qui arrivent à échéance, et le fait est que le taux d'intérêt qui s'appliquait était assez faible. Donc, malheureusement, ce qui arrive, c'est que nous remboursons cette dette-là—c'est-à-dire celle pour laquelle le taux d'intérêt est faible—ce qui fait automatiquement augmenter le taux d'intérêt moyen pour la dette restante.

Vous avez posé une bonne question, et voilà donc les deux facteurs qui expliquent ce phénomène.

M. Ken Epp: Merci.

Le président: Monsieur le ministre, merci infiniment pour cette mise à jour économique. Vous nous avez fourni ainsi qu'à tous les Canadiens des informations très précieuses, et nous vous en sommes très reconnaissants.

M. Paul Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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