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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 16 mai 2001

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous ici cet après-midi.

La question à l'ordre du jour est l'examen du projet de loi C-16, Loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance et les renseignements de sécurité et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

Nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Lawrence MacAulay, solliciteur général du Canada; et le ministre du Revenu national et secrétaire d'État, Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, l'honorable Martin Cauchon. Bien entendu, vous nous présenterez aussi vos collaborateurs.

Monsieur MacAulay, je vous souhaite la bienvenue. Je crois que vous en êtes à votre première comparution devant le Comité des finances.

L'honorable Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada): Vous avez raison, monsieur le président.

Le président: Nous serons heureux d'entendre vos observations de même que celles du ministre Cauchon. Commençons avec le solliciteur général.

M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup, monsieur le président.

Premièrement, permettez-moi de vous présenter mes collègues: M. Paul Kennedy, sous-solliciteur général adjoint principal, et M. Ward Elcock, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité.

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi C-16, une loi concernant l'enregistrement des organismes de bienfaisance. Ce projet de loi est une mesure importante prise par le Canada pour combattre les activités de soutien au terrorisme, tout en préservant l'intégrité du régime d'enregistrement des organismes de bienfaisance du Canada.

Il ne fait aucun doute qu'il y a des activités de financement du terrorisme au Canada. Chacun de nous a été sollicité pour appuyer financièrement une cause valable. La triste vérité est que dans tous les cas cet argent ne va pas uniquement à des oeuvres de bienfaisance, bien qu'une bonne partie des fonds versés aux organismes au Canada sont utilisés comme le souhaite le donateur. Il existe quelques groupes de bienfaisance qui accordent un soutien à des organisations terroristes. Ce sont ces quelques groupes qui sont visés par ce projet de loi. Nous voulons nous assurer que les dons aux organismes de bienfaisance du Canada sont utilisés à des fins appropriées afin que les Canadiens continuent d'avoir confiance en leur système d'enregistrement des organismes de bienfaisance. Les Canadiens ont toujours fait preuve de générosité et de compassion. Ce projet de loi fera en sorte que leur générosité puisse se maintenir.

Certains estiment que le processus proposé dans le projet de loi n'est pas transparent. On lui a même reproché d'être relié à un processus d'inquisition. Cela n'est absolument pas le cas. Ce projet de loi contient des mesures d'équilibre importantes pour assurer l'équité et la transparence dans le processus de prise de décisions.

Si l'examen d'un dossier donne au SCRS ou à la GRC des renseignements solides et crédibles à l'effet que les activités d'un organisme contribuent à appuyer le terrorisme, ces renseignements seraient fournis au ministre du Revenu national et à moi-même pour étude. Si tous deux en venons à la conclusion, indépendamment, qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une organisation a fourni, fournit ou fournira des ressources au terrorisme, nous signerions un certificat à cet effet. Si tous deux signons le certificat, je remettrais, en tant que solliciteur général, copie du certificat au demandeur. Par la suite, la question serait référée à la Cour fédérale pour examen judiciaire, au plus tôt sept jours après la signification.

Le processus comporte un délai pour le dépôt du certificat, une disposition qui tient compte directement des réserves exprimées lors de consultations avec les parties intéressées. Cette disposition permet au demandeur de demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant la publication ou la diffusion de l'identité de l'organisme ou que les documents déposés soient considérés comme confidentiels jusqu'à ce que le tribunal ait pu déterminer si un certificat est raisonnable ou si les documents déposés auprès du tribunal devraient être considérés comme confidentiel.

Par la suite, le juge devrait déterminer si le certificat est raisonnable ou s'il devrait être annulé. Avant d'en arriver à une telle décision, le juge examinerait d'abord tous les renseignements soumis par mon collègue—le ministre du Revenu national—et moi-même sans que le demandeur ou l'avocat du demandeur soit présent. Après cet examen, le juge fournirait suffisamment d'informations au demandeur sous forme sommaire afin que l'organisme soit raisonnablement informé des circonstances entraînant l'émission du certificat.

• 1535

La Cour fédérale veillerait au respect de la procédure établie et à l'équité en s'assurant que le demandeur ou l'organisme de bienfaisance enregistré obtienne une occasion raisonnable d'être entendu dans le cadre d'un forum public et qu'il ait le droit à une représentation par un avocat et la possibilité de soumettre une preuve et d'appeler des témoins.

Une fois la validité du certificat confirmée par la Cour fédérale, l'Agence des douanes et du revenu du Canada prendrait alors les mesures voulues pour refuser ou révoquer le statut d'organisme de bienfaisance.

Certains critiques estiment que le projet de loi ne va pas assez loin, qu'il ne mettra pas un terme aux campagnes de financement à des fins terroristes et qu'il ne criminalisera pas les campagnes de financement. Je tiens à préciser que ce projet de loi est un élément très important d'une approche intégrée pour combattre le terrorisme tant ici qu'à l'étranger. Cette législation appuie l'objectif fondamental de dissuader les organisations ayant des liens avec le terrorisme de demander un enregistrement et constitue un avertissement aux organismes qui sont déjà enregistrés de modifier leurs activités.

Les mesures pour contrer le terrorisme doivent être prises à divers niveaux, qui vont d'une coopération et d'une collaboration plus grandes à des programmes conjoints et à des initiatives législatives.

Ce projet de loi est un outil clé pour mettre un terme à un moyen de financement. On ne devrait pas critiquer ce qui n'est pas conçu pour faire. Il ne faudrait pas se servir du fait que le Canada n'a pas encore commencé à appliquer la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme pour critiquer le projet de loi à l'étude aujourd'hui.

En 1995, le Canada a été l'hôte d'une réunion ministérielle du G-8 qui a débouché sur l'élaboration d'un plan d'action en dix points. Le message clé de ce plan invite les pays participants à mettre en application des moyens appropriés pour aider à priver les groupes terroristes d'un accès à du financement. La réunion ministérielle de suivi du G-8 tenue en 1996 a permis de formuler 25 recommandations en vue de mesures particulières. Par la suite, toutes ces recommandations ont été endossées par l'Assemblée générale des Nations Unies. Deux de ces recommandations visent spécifiquement à empêcher les campagnes de financement des activités terroristes par l'entremise d'organismes de bienfaisance. Notre gouvernement maintient son engagement de s'acquitter de ses obligations internationales.

Les campagnes de financement à des fins terroristes représentent une activité complexe. Ce fait a été souligné dans le rapport du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement approuvé en 1999. Le comité a noté que le problème du financement par des groupes ayant des affiliations terroristes présente un problème au plan de la politique publique, auquel le comité n'avait pas de solution nouvelle à proposer. Toutefois, le rapport recommandait au gouvernement d'aborder le problème des organismes ayant des affiliations terroristes et qui obtiennent le statut d'organisme de bienfaisance.

Le projet de loi ne vise aucunement à porter ombrage au système de bienfaisance et, selon moi, ce n'est pas le cas. Il ne gêne aucunement le travail légitime, nécessaire et apprécié de plusieurs organismes de bienfaisance au Canada. Il vise plutôt à empêcher quelques organismes qui ne respectent pas l'esprit des initiatives de bienfaisance d'émettre des reçus pour des dons de charité afin qu'aucun appui ne soit fourni à quelque organisation terroriste que ce soit.

Le projet de loi ne définit pas le terrorisme. Les tribunaux canadiens perçoivent le terrorisme comme une notion bien comprise et inutile à définir. Ainsi, il incombe à tous les organismes de bienfaisance de savoir à quelles fins sont employés les fonds provenant de dons ou d'autres sources. Il incombe aussi à tout organisme de bienfaisance de s'assurer de ne pas soutenir d'organisation terroriste. Cela n'a pas changé.

Certains estiment que ce projet de loi servira à des fins politiques ou religieuses et que divers groupes ethniques seront ciblés en raison du recours à l'établissement de profils criminels. On a même laissé entendre que cette législation pourrait donner lieu à un accroissement du stéréotype racial. Je puis vous assurer que cette législation sera appliquée à tous les organismes qui appuient le terrorisme. Le projet de loi vise le terrorisme et rien d'autre. Grâce à ce projet de loi, le gouvernement du Canada protège les intérêts de tous les Canadiens et il a pris une mesure importante visant à éliminer le financement d'activités terroristes. Notre régime d'organisme de bienfaisance est un outil dont nous devons être fiers. Ce projet de loi maintiendra cet état de chose.

• 1540

Le projet de loi a été référé à votre comité avant sa présentation en deuxième lecture précisément parce que nous voulons engager, avec les Canadiens intéressés, un débat sur le contenu du projet de loi et sur le processus qu'il propose. Je compte bien recevoir le rapport de votre comité sur le projet de loi C-16.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre.

[Français]

L'honorable Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je salue mes collègues, tant du parti gouvernemental que de l'opposition. Je salue tout à fait particulièrement la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Mme Sophia Leung, qui est parmi nous aujourd'hui.

J'aimerais d'abord vous présenter mes collaborateurs immédiats: M. Bill McCloskey, sous-commissaire à l'Agence des douanes et du revenu du Canada; Mme Maureen Kidd, directrice générale de la Division des organismes de bienfaisance; et Mme Donna Walsh, directrice intérimaire de la Division des initiatives spéciales en matière d'observation.

[Traduction]

Monsieur le président, je vous remercie de cette excellente opportunité qui m'est offerte de vous parler du projet de loi C-16. J'aimerais aujourd'hui vous entretenir de la nécessité du projet de loi C-16 et aborder certaines préoccupations qui ont été soulevées à ce sujet.

[Français]

Le terrorisme est un problème mondial et complexe. Le projet de loi C-16 est un élément de la solution. En rendant plus difficile la tâche des groupes terroristes qui souhaitent utiliser des dons de charité pour financer leurs activités, on aidera à désactiver ce genre d'activités avant d'avoir à composer avec leurs conséquences.

De récents reportages dans les médias sur les procès d'individus soupçonnés de terrorisme à l'échelle internationale révèlent que le Canada, à l'instar de tout autre pays au monde, peut être le théâtre d'activités de soutien au terrorisme.

[Traduction]

Nous sommes une société humanitaire et parmi les nombreuses valeurs qui définissent notre pays et qui nous permettent de nous gouverner, l'entraide et le partage d'une responsabilité envers les personnes les moins favorisées de la société et du monde font partie des éléments les plus essentiels. Ce qui donne aux organismes de bienfaisance du Canada toute leur force et c'est ce que les organisations terroristes cherchent à exploiter.

Le Canada compte actuellement plus de 80 000 organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'apport de ces organismes de bienfaisance enregistrés à la société canadienne est incalculable. En conséquence, nous voulons nous assurer que la confiance du public envers les organismes de bienfaisance canadiens ne soit pas amoindrie à cause des actions d'une petite minorité d'organisations. En créant ce régime distinct afin de protéger le cadre législatif qui existe déjà pour les organismes de charité enregistrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, nous disons clairement que le projet de loi C-16 constitue un ensemble de mesures extraordinaires et particulières qui ne s'appliquent absolument pas à la grande majorité des organismes de bienfaisance canadiens.

[Français]

Partout dans le monde, le financement d'actes terroristes est reconnu comme un problème complexe. Une seule stratégie ou une seule mesure ne peut en venir à bout. Toutefois, grâce à des efforts coordonnés et à des partenariats tant à l'échelle nationale qu'internationale, nous pouvons mettre en oeuvre un large éventail de mesures pratiques et intégrées mais surtout efficaces pour faire face à ce problème.

[Traduction]

C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, monsieur le président. Ce projet de loi est un nouvel outil important dans notre lutte contre le terrorisme et met en place un processus équitable et ouvert pour empêcher des groupes ayant des affiliations terroristes d'obtenir ou de conserver un statut d'organisme de bienfaisance pour soutenir leurs activités. Il ne faudrait pas ignorer la valeur de cet outil comme moyen de dissuader ceux et celles qui chercheront à abuser des organismes de bienfaisance dans notre système d'enregistrement.

[Français]

Monsieur le président, il faut agir maintenant. Le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité a fait savoir au gouvernement que, depuis des années, un petit nombre de groupes terroristes internationaux se serviraient de quelques organisations canadiennes qui ont le statut d'organismes de bienfaisance enregistrés, ou qui ont présenté une demande en ce sens, pour financer leurs activités. C'est l'exploitation de ce système que le projet de loi C-16 vise à éliminer.

• 1545

Il est temps, monsieur le président, d'envoyer un message clair à ces organisations et à d'autres groupes en adoptant des mesures qui donneront au gouvernement un moyen efficace pour retirer aux organisations terroristes leur statut d'organisme de bienfaisance enregistré et pour prévenir leur enregistrement en premier lieu.

[Traduction]

Certains se sont demandés si cette législation était nécessaire. Ces personnes ont soutenu qu'il existe déjà un mécanisme d'examen des demandes d'enregistrement et de révocation du statut d'organisme de bienfaisance des organisations qui ne satisfont pas aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu.

En vertu du processus actuel d'enregistrement administré par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, monsieur le président, les renseignements qui sont classifiés pour des raisons de sécurité nationale ne servent pas à refuser ou à révoquer un statut d'organisme de bienfaisance.

[Français]

Essentiellement, cela signifie que dans certains cas, des renseignements très importants, mais aussi de nature très délicate, qui pourraient prouver des liens entre un organisme de bienfaisance et des activités terroristes ne peuvent tout simplement pas être utilisés.

En l'absence d'un cadre législatif spécial visant à protéger les renseignements de cette nature pendant le processus d'examen judiciaire, cette information pourrait être divulguée si la décision de refuser ou de révoquer le statut d'organisme de bienfaisance enregistré était portée en appel. Le fait de ne pas pouvoir utiliser ces renseignements clairement nuit à l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance.

[Traduction]

C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un mécanisme spécifiquement conçu pour que le gouvernement puisse utiliser et protéger les renseignements classifiés pertinents lorsqu'il décide de refuser ou de révoquer le statut d'organisme de bienfaisance. Ces mesures sont nécessaires même si des changements sont apportés au Code criminel pour interdire les campagnes de financement et toute autre forme de soutien des activités terroristes au Canada.

L'approche et la vision qui sous-tendent le projet de loi C-16 reflètent les dispositions de la Loi sur l'immigration, un modèle qui a fait ses preuves et qui est respecté par les tribunaux. Monsieur le président, il importe de savoir que la Cour fédérale a déterminé que le processus prévu dans la Loi sur l'immigration respecte les principes de justice fondamentale et se conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.

[Français]

Monsieur le président, contrairement à ce que pensent certains opposants à ce projet, il ne s'agit pas d'un processus secret. Le degré de transparence traduit notre engagement à l'égard du maintien d'un système ouvert et équitable. Nous ne prendrons ces mesures que dans le but d'utiliser et de protéger les renseignements classifiés pertinents qui sont nécessaires pour garantir la sécurité du public et la sécurité nationale.

[Traduction]

Monsieur le président, certains vous diront aussi que le projet de loi est injuste parce qu'il ne définit pas le terrorisme. Comme mon collègue, le ministre MacAulay, vient de le dire, les tribunaux ont constamment déterminé que le terrorisme est une notion qui est bien comprise et qu'il n'est pas nécessaire de la définir. Les tribunaux ont maintenu que malgré que le mot «terrorisme» ne soit pas défini en vertu des lois canadiennes, il ne s'agit pas d'un mot qui puisse être considéré comme n'ayant pas de certitude suffisante quant à son sens.

On a soutenu aussi que ce projet de loi prive les organismes de l'équité de la procédure, que les organismes de bienfaisance n'ont aucune chance de connaître la nature de la preuve accumulée contre eux et qu'ils n'auront pas la possibilité de se défendre contre ces allégations injustes. De fait, monsieur le président, ce projet de loi assure les organismes de charité qu'ils pourront bénéficier de l'équité de la procédure et d'une procédure de recours appropriée dans notre système judiciaire pour les aider en cas d'examen judiciaire automatique et indépendant. Ce mécanisme judiciaire comprend à la fois l'obligation de la part de la Cour fédérale de remettre à l'organisme un résumé des renseignements mis à la disposition du juge afin que l'organisme soit raisonnablement informé du dossier qui le concerne et ait la possibilité de contester en audience publique.

L'organisme a aussi droit de recourir à un avocat, de déposer des preuves, d'appeler des témoins et de contre-interroger.

• 1550

[Français]

Selon ce projet de loi, l'Agence des douanes et du revenu du Canada ne peut refuser ou révoquer le statut d'organisme de bienfaisance qu'une fois l'attestation confirmée par un juge de la Cour fédérale. Même à cela, les effets de l'attestation ne durent que trois ans. Cette attestation peut être révisée si l'organisation présente au ministre de nouveaux renseignements qui permettent de conclure que la situation de l'organisation a évolué d'une manière importante.

[Traduction]

Monsieur le président, j'estime qu'il s'agit là d'un processus équilibré et équitable. De plus, comme par le passé, l'ADRMC maintiendra sa pratique administrative courante de relever les éléments qui pourraient entraîner le rejet d'une demande de statut d'organisme de bienfaisance ou la révocation d'un enregistrement afin de respecter le besoin d'ouverture et d'équité à l'endroit de ces organismes.

Cette approche continuera de sous-tendre les efforts du gouvernement fédéral dans les cas où les renseignements de cette nature pourraient être divulgués sans risque pour la sécurité nationale du Canada ou la sécurité de personnes et lorsque les circonstances permettent de croire qu'un organisme pourra aborder et corriger les problèmes identifiés.

[Français]

Le Canada n'est pas à l'abri de la menace terroriste. Les activités de soutien au terrorisme, y compris le financement, conduisent directement à la perpétration d'actes terroristes mortels. Ce problème préoccupe tous les Canadiens. Il est donc tout à fait normal que la population canadienne souhaite que le gouvernement agisse pour le régler.

[Traduction]

Monsieur le président, les Canadiens veulent et méritent un régime d'organisme de bienfaisance qui donne des résultats et qui exclut les abus. Nous avons l'occasion de leur démontrer que non seulement le gouvernement prend des mesures à cette fin, mais que ce projet de loi améliorera la sécurité publique des Canadiens et de la collectivité mondiale.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à l'ensemble de mes collègues.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous amorçons maintenant la période de questions et réponses. Nous commencerons avec M. Epp et la période sera d'une durée de cinq minutes. Je vous prie de poser des questions brèves et de fournir des réponses brèves.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): D'accord, voici ma première question brève. À l'heure actuelle, quelle raison fournit-on à un organisme de bienfaisance qui perd son accréditation et rend-on ces motifs publics?

M. Martin Cauchon: Lorsque nous décidons de ne pas donner suite à une demande d'enregistrement d'un organisme de bienfaisance, nous fournissons les raisons à l'organisme...

M. Ken Epp: Mais vous ne les rendez pas publiques?

M. Martin Cauchon: Elles sont fournies directement à l'organisme, mais elles ne sont pas rendues publiques.

Le problème qui se pose à nous pour le moment est l'existence d'un processus d'appel dans le cadre législatif de sorte qu'un organisme a tendance à s'en prévaloir. Le problème pour le gouvernement est que si vous obtenez des renseignements par l'entremise d'un organisme de renseignements, par exemple, vous ne pouvez les utiliser parce qu'il s'agit d'une question de sécurité nationale. La difficulté lorsque nous devons nous présenter devant un tribunal est que les deux parties doivent rendre publique l'information qu'elles désirent utiliser.

M. Ken Epp: D'accord. Je pense plutôt à un organisme qui n'est en rien lié au terrorisme. Supposons que l'ADRC lui retire son statut d'organisme de bienfaisance enregistré, de sorte qu'il ne peut plus émettre de reçus pour fins d'impôt. L'organisme peut continuer de recueillir des fonds mais ne peut plus émettre de reçus à des fins d'impôt. Peut-il rendre publiques les raisons qui lui ont été fournies par le ministère? Ou cela est-il interdit?

M. Martin Cauchon: Voici ce qui se passe normalement. Il faut bien comprendre que tout cela est assujetti à la Loi de l'impôt sur le revenu. La loi précise que l'information doit demeurer confidentielle au sein de l'organisme. Par conséquent, si nous décidons de ne pas donner suite à une demande d'enregistrement, nous fournissons à l'organisme les renseignements essentiels qui nous ont menés à prendre cette décision. Si l'organisme décide de s'adresser aux tribunaux, il peut le faire de telle sorte que les documents ou les renseignements seront rendus publics une fois que les tribunaux seront saisis de l'affaire, parce qu'il s'agit d'un forum public.

M. Ken Epp: Mais vous avez dit qu'il était impossible de contester. Une fois la décision rendue, c'est terminé.

M. Martin Cauchon: Le problème qui se pose est très simple. Dans un cas type, notre décision serait fondée sur certains éléments relativement bien connus du public. Si l'organisme décide de s'adresser au tribunal, il pourra présenter son cas. Par la suite, le ministère devra répondre à l'organisme. Il s'agit d'un processus normal, le même processus que tous doivent suivre une fois que l'affaire est devant les tribunaux.

• 1555

Notre problème, en tant que ministère, survient lorsque nous décidons de rendre une décision basée sur des renseignements obtenus du SCRS. Nous savons que si ces renseignements sont rendus publics ils pourraient nuire à certaines personnes parce qu'il s'agit de sécurité nationale. Si l'organisme décide de s'adresser à un tribunal pour contester notre décision, il est évident que nous ne pourrons utiliser les renseignements afin de protéger nos sources mais aussi pour protéger la société canadienne et les personnes.

Nous devons donc être très attentifs. Comme l'a dit mon collègue Lawrence MacAulay, la plupart des organismes de bienfaisance se servent de leur statut à des fins légitimes. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'un très petit nombre d'organismes, du moins à la lumière de ce que nous savons, se servent de leur statut particulier pour des activités illégales. Il faut bien comprendre qu'il n'y a que quelques organismes qui sont visés.

Le projet de loi vise, d'abord et avant tout, à faire en sorte que nous protégeons l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance. Si nous avons des motifs raisonnables de croire qu'un organisme de bienfaisance au Canada sert à financer des groupes terroristes ailleurs dans le monde, nous pourrons nous servir de ces renseignements afin de lui retirer son statut ou pour rejeter une demande d'inscription tout en protégeant les renseignements obtenus et en préservant leur caractère confidentiel, ce qui est capital dans notre société.

M. Ken Epp: Comment vous proposez-vous de persuader un juge que le certificat de désenregistrement est valide si vous n'êtes pas pour faire la preuve de sa légitimité? Direz-vous tout simplement au juge «Faites-nous confiance»?

M. Lawrence MacAulay: C'est ce que nous ferons. Le fait est que la question sera soumise au juge. Tous les renseignements obtenus seront fournis au juge, mais certains de ces renseignements ne pourront être rendus publics, pour des raisons de sécurité ou parce que cela pourrait nuire à des personnes à l'étranger. Ce projet de loi est important parce qu'il nous permettra d'obtenir des renseignements du SCRS ou de la GRC nous indiquant que tel groupe parraine une organisation terroriste. Ces renseignements seraient mis à la disposition du juge mais ne seraient pas rendus publics dans un tribunal parce que, le cas échéant, les personnes qui nous auraient fourni ces renseignements pourraient être en danger. D'une certaine manière, cette situation pourrait entraîner un problème de sécurité. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de cette législation spéciale.

M. Ken Epp: D'accord. Vous nous dites donc que la décision sera prise par les deux ministres. Du moins c'est ce que précise le projet de loi, selon moi. Ensuite, ils fourniront ces renseignements à un juge qui travaille à huis clos, quelque part. Celui-ci examinera ce que vous lui aurez fourni puis il rédigera un certificat qui, sept jours plus tard, devra être remis à l'organisme. Cela est sans appel. Le dossier est clos. C'est ce que vous nous dites.

M. Lawrence MacAulay: Je demanderai à mon sous-ministre adjoint de vous expliquer le processus, afin que tout soit clair.

Le président: Monsieur Kennedy.

M. Paul E. Kennedy (sous-solliciteur général adjoint principal, Secteur de la police et sécurité, ministère du Solliciteur général du Canada): Pour vous aider, disons qu'il y avait un processus en place. Nous l'avons adapté et modelé sur un processus actuellement prévu en vertu de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration. Cette disposition existe depuis 1989 environ et elle a été légèrement modifiée au début des années 90. Ce processus concerne un réfugié qui arrive au pays, que cette personne soit ou non-membre d'une organisation terroriste ou d'une organisation de crime organisé. Le juge ou l'administrateur peut entendre les mêmes propos, c'est-à-dire des preuves crédibles, et ainsi de suite.

Nous avons mis ce mécanisme en place parce que nous avons le même problème. Nous devons trouver une solution qui établisse un équilibre entre la nécessité de protéger la sécurité nationale ou l'information policière, qui dans ce cas particulier peut se rapporter à des sources humaines, à une enquête en cours et à des rapports confidentiels avec d'autres pays. Les tribunaux ont reconnu que ces sources méritaient d'être protégées. Par contre, notre pays a une forte tradition de processus équitable, où la personne peut être mise au courant des accusations qui sont portées contre elle et peut contester ces accusations.

Nous avons tenté d'élaborer un système qui respecte ces deux textes de loi où les ministres obtiennent toutes les preuves requises. Toutes ces preuves sont ensuite remises au juge qui les examine et qui détermine s'il y a lieu de divulguer des renseignements qui pourraient nuire à la sécurité nationale. Le juge doit trouver un équilibre entre deux intérêts concurrents et il a le pouvoir de rédiger un résumé puis de remettre ce résumé de preuve à l'autre partie afin qu'elle soit au courant de la situation. Ainsi, la partie en cause obtiendra un résumé de la preuve.

• 1600

Si le juge estime qu'une partie de la preuve est pertinente et qu'elle doit être divulguée en entier devant un tribunal, l'État doit prendre une décision—«Faut-il aller de l'avant avec cet élément de preuve ou faut-il le retirer pour ensuite affirmer qu'il est impossible de l'utiliser?»—et le juge fait abstraction de cet élément, et le processus suit son cours. Dans certains cas, l'État devra consciencieusement affaiblir sa preuve en retirant des éléments.

Le modèle existe actuellement dans la législation canadienne et il est utilisé depuis plus d'une décennie. D'ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme en a parlé favorablement et a recommandé à d'autres secteurs de compétence d'examiner le modèle canadien.

De plus, le Congrès des États-Unis examine actuellement un projet de loi modelé sur le régime que nous avons élaboré. Nous avons tenté de concevoir un système qui permette au juge de tout savoir au sujet du dossier et de préparer, en tant qu'intervenant indépendant, un résumé de la preuve. Dans plusieurs cas, une partie des éléments de preuve peuvent être divulgués en totalité parce que cela ne pose pas problème, mais il doit y avoir des garanties pour certains éléments qui posent problème.

Le président: Merci, monsieur Kennedy et monsieur Epp.

M. Ken Epp: Veuillez porter mon nom sur la liste pour la prochaine ronde de questions, s'il vous plaît.

Le président: Madame Pierrette Venne.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Bonjour, messieurs.

Le projet de loi C-16 a pour objet d'empêcher qu'une organisation se livrant à des actes de terrorisme puisse bénéficier du statut d'organisme de bienfaisance. Bien que la lutte au terrorisme soit à l'origine du projet de loi, on n'y retrouve aucune définition, comme le mentionnait d'ailleurs le ministre.

L'absence de définitions soulève tout de même des inquiétudes, monsieur le ministre, car la procédure pouvant mener au refus ou au retrait du statut d'organisme de bienfaisance est initiée sur la foi des renseignements qui vous sont transmis par le SCRS. Étant donné que le SCRS semble avoir de sérieuses difficultés à faire une distinction entre les activités de contestation légitimes et celles qui peuvent constituer une véritable menace à la sécurité nationale, ces inquiétudes sont hautement justifiées.

Tout d'abord, qu'est-ce qui constitue, selon vous, monsieur le ministre, un acte terroriste? En plus, que comptez-vous faire pour que ce terme soit interprété dans son sens le plus strict et qu'il ne puisse pas faire l'objet d'une interprétation large et libérale, autant de votre part que de celle du SCRS? C'est ma première question.

[Traduction]

Le président: Qui veut répondre à cette question?

M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup.

Premièrement, les tribunaux ont indiqué qu'il n'est pas nécessaire de définir la notion de terrorisme. Ils examinent au cas par cas les preuves que le ministre du Revenu national et moi-même lui présentons ou lui fournissons.

Si une personne cherche à faire tomber un gouvernement ou à atteindre ses buts par la violence contre des personnes ou des biens, cela pourrait être considéré comme un exemple de terrorisme. Mais tout cela est de portée très générale. Je crois comprendre que même les Nations Unies n'ont pas indiqué officiellement ce qu'est le terrorisme. Si vous le faites, c'est une notion très large, comme l'ont indiqué les tribunaux.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Ne croyez-vous pas que notre rôle de législateur consiste à légiférer et donc à définir?

• 1605

[Traduction]

M. Lawrence MacAulay: Si vous regardez un peu partout dans le monde afin de trouver une définition exacte du terrorisme, vous n'en trouverez pas. Si nous devions donner une définition claire, nous amoindririons le projet de loi.

Il est impossible de tracer une voie directe pour ce projet de loi. Il faut évaluer la situation à la lumière des renseignements que le ministre du Revenu et moi-même obtenons et si le but poursuivi est d'atteindre des objectifs par la violence contre des personnes ou des biens ou par tout autre moyen, il faut alors décider si nous avons le sentiment que ce groupe appuie une activité terroriste ou non.

[Français]

M. Martin Cauchon: C'est ce qui est reconnu par l'ensemble de la jurisprudence. On sait qu'il n'existe pas de définition du mot «terrorisme», même au niveau du Code criminel.

La jurisprudence a eu à se pencher là-dessus à de nombreuses reprises. Comme l'a dit mon collègue, le fait de créer une définition ou de définir des paramètres aurait essentiellement pour effet, en bout de ligne, de nous enlever des outils ou des possibilités qu'on veut se donner à l'intérieur de ce projet de loi. Étant donné ce que vient de dire mon collègue, on est capables de déterminer si un acte constitue du terrorisme ou non en regard des faits et des documents qui sont portés devant nous. Il n'y a pas une seule forme de terrorisme. Il n'y a pas, non plus, de critères qui peuvent être fixés. Il n'y a pas une cause qui peut devenir le précédent. C'est un ensemble de facteurs qu'on est appelés à examiner et à analyser. Si on regarde la littérature et la jurisprudence dans ce domaine-là, on constate que c'est ce que la jurisprudence semble dire.

Monsieur le président, à la suite de la question pertinente de notre collègue, il est intéressant de soulever le fait que nous serons appelés à décider en nous basant sur la preuve qui nous sera soumise, mais qu'un processus est prévu pour la suite des choses. L'organisme ira devant la Cour fédérale, et un juge de la Cour fédérale sera, lui aussi, appelé à se pencher sur le cas à la lumière de ses connaissances, de son jugement et de son expérience passée.

En conclusion, monsieur le président, je pense qu'il y a une espèce d'unanimité là-dessus: définir le terme «terrorisme» semble impossible à la lumière des précédents et des différentes causes de jurisprudence.

[Traduction]

M. Lawrence MacAulay: Si vous le souhaitez, le sous- ministre adjoint peut vous donner une opinion plus juridique. Est- ce satisfaisant?

[Français]

Mme Pierrette Venne: J'aimerais bien l'entendre. S'il peut réussir à me convaincre...

[Traduction]

M. Lawrence MacAulay: J'espère que vous avez été convaincu.

M. Paul Kennedy: J'espère être ici pour vous informer et non pour vous convaincre. Je suis ici pour aider les députés à s'acquitter de leurs responsabilités.

Comme les ministres l'ont dit de façon plutôt candide, il n'existe pas de définition internationale de la notion de terrorisme. Il y a des centaines de définitions dans une grande diversité de lois.

Je crois que cette notion vient de la révolution française, un régime de terreur. Je crois que tous acceptent le fait qu'essentiellement il s'agit du recours à la violence ou à la menace de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif.

Nous avons pu apprendre avec le temps que l'objectif change et que la nature de la menace évolue. Nous sommes passés d'un cadre simple où il y avait des assassinats, à un cadre en évolution qui englobe aujourd'hui le crime cybernétique. Il est donc très difficile d'élaborer une définition qui comprendrait toutes les situations, parce que le monde change, parce que les causes évoluent et que les moyens diffèrent. Comme l'ont indiqué les deux ministres, les tribunaux n'ont eu aucune difficulté à reconnaître un incident terroriste lorsque la situation se présentait.

L'autre défi qui se pose fréquemment est de savoir si une expression est vague ou trop large dans sa définition ou sa terminologie. Les tribunaux ont été très sensibles à cela. Ils craignent que les actions de l'État pour formuler une politique, ce qui est manifestement ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, à l'appui d'un objectif social valide—et j'estime que la répression du financement du terrorisme est un objectif social valide—n'aboutissent pas si la question ne s'y prête pas. C'est le cas qui nous intéresse présentement. Vous avez une notion que les gens reconnaissent, mais qui est également une notion en évolution.

• 1610

Comme je l'ai dit, si je vous avais parlé de crime cybernétique ou de cyberterrorisme il y a cinq ans, vous auriez compris aussi clairement que vous le faite aujourd'hui.

Le président: Merci, madame Venne.

Nous passons maintenant à madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le ministre MacAulay et le ministre Cauchon de leurs exposés.

Quand on parle d'organismes de bienfaisance, on parle de plusieurs personnes et de personnes qui, peut-être, pénètrent une organisation afin de se servir des moyens dont elle dispose à leurs propres fins. Comment donc peut-on établir une différence entre ces organismes et punir un organisme qui comprend quelques personnes qui privilégient leurs propres objectifs? Cela pourrait être dangereux et mettre en péril nos valeurs démocratiques.

M. Lawrence MacAulay: Sophia, vous parlez ici de quelques personnes se livrent à des activités à l'appui du terrorisme au sein d'une grande organisation. Est-ce que l'organisation elle-même en souffre?

Mme Sophia Leung: Oui.

M. Lawrence MacAulay: Dans un premier temps, nous informerions l'organisme de l'existence de ces activités.

Nous indiquerions que les activités ont cours et, de ce fait, nous donnerions à l'organisme la possibilité de prendre des mesures correctrices. Le cas échéant, nous pourrions nous attendre que le ministre du Revenu et moi-même n'émettions pas de certificat après avoir évalué de nouveau la situation.

Le but est de viser les organismes qui appuient le terrorisme ou qui en financent les activités. Il peut y avoir des cas où le groupe a besoin de l'occasion, peut-être à la suite d'une erreur ou d'une chose semblable, pour prendre des mesures correctives. Si tel est le cas, nous ne signons pas de certificat.

Mme Sophia Leung: Si l'organisme persiste...

M. Martin Cauchon: Nous n'établissons pas de différence. Si, en vertu du projet de loi C-16, un organisme semble avoir des liens avec des groupes terroristes du monde, même si ce ne sont que quelques personnes au sein de l'organisme, nous appliquerons la loi.

En bout de ligne, si le juge en vient à la conclusion que le certificat est fondé sur des motifs raisonnables, l'organisme perdra son statut ou ne pourra obtenir le statut d'organisme de bienfaisance. Par la suite, l'organisme pourra se servir des mécanismes prévus dans la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est-à- dire transférer ses actifs à un autre organisme au cours de l'année qui suit.

Mme Sophia Leung: De sorte que le certificat ne viendra pas à échéance. Il demeurera valide.

Le président: Monsieur Kennedy, voulez-vous donner des précisions?

M. Paul Kennedy: Je crois que nous avons affaire à deux questions ici.

Dans un premier cas, nous avons un organisme de bonne foi qui compte, à son insu, quelques personnes qui réacheminent des fonds de manière inappropriée. Le ministre du Revenu dispose d'un processus administratif qui favoriserait l'établissement d'un dialogue. En l'occurrence, nous informons la personne, dans la mesure du possible, qu'il y a des irrégularités. Cette mesure permet aux organismes qui font l'objet d'abus d'intervenir. C'est ce que nous essayerions de faire.

Dans l'autre cas, si aucune mesure n'était prise de la part d'un organisme, nous émettrions le certificat.

L'autre aspect est de savoir ce qui se produit dans le cas d'un organisme visé par l'émission d'un certificat, et je pense que le ministre Cauchon a abordé cette question.

M. Lawrence MacAulay: Mais elle s'intéresse à la première question.

M. Paul Kennedy: Oui, il traitait...

M. Lawrence MacAulay: Et la première est de savoir s'ils ont la possibilité de le faire.

M. Paul Kennedy: Dans le second cas, si nous émettons un certificat, l'organisme a la possibilité de corriger la situation, de se reconstituer et de communiquer avec les ministres et de leur indiquer qu'il y a eu des changements importants.

Cela permet aux ministres de reconsidérer la décision de révoquer le certificat. Il y a donc une possibilité d'apporter des correctifs. Si on choisit de ne pas retenir la voie des correctifs, il y a d'autres façons qui s'offrent de transférer des actifs de bienfaisance à un autre organisme afin de protéger les activités en cours.

Il y a donc trois éléments qui entrent en jeu.

Mme Sophia Leung: Merci.

Le président: Merci, madame Leung.

Nous passons maintenant à madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président et messieurs les ministres.

• 1615

Le projet de loi nous a été soumis pour étude avant la deuxième lecture. Cela me semble très important, parce qu'il est raisonnable d'avoir un certain nombre de questions à poser.

J'estime que l'engagement du Canada dans le cadre de la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme est un objectif fort louable avec lequel toutes les personnes ici présentes et tous les partis politiques peuvent être d'accord. Par contre, si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, je ne crois pas qu'il permette d'atteindre cet objectif. De fait, j'estime qu'il faudrait, de toute évidence, prévoir des sanctions criminelles et modifier notre Code criminel afin de nous acquitter de nos obligations. J'aimerais que vous me confirmiez que vous ne croyez pas que ce projet de loi permette au pays de s'acquitter de ses obligations internationales.

M. Lawrence MacAulay: Vous avez tout à fait raison. Ce document constitue un élément, mais un élément de taille. En 1996, 25 recommandations ont été faites dans le cadre de la conférence du G-8 qui a eu lieu ici. Deux recommandations très importantes concernaient le statut d'organisme de bienfaisance servant à financer le terrorisme, et c'est exactement ce dont il est question ici.

Comme vous le savez, Sue, nous avons indiqué à quelques reprises qu'il y a davantage à faire. Mais cela constitue une première étape, une très importante première étape dans le processus légal. C'est la mesure que les pays du G-8 veulent que nous prenions.

Mme Sue Barnes: De fait, le projet de loi se contente de rejeter le droit à la déduction fiscale des cotisations servant à des fins injustes. C'est tout ce qu'il fait et il pourrait même pénaliser un organisme de bienfaisance pour l'ensemble de ses activités et il place la barre très haute concernant les connaissances que nous pouvons avoir au sujet de l'utilisation des fonds de tous les organismes de bienfaisance. En d'autres mots, l'adoption de ce projet de loi relèverait la barre à un très haut niveau pour chacun des organismes de bienfaisance.

M. Lawrence MacAulay: Il incombe aux organismes de bienfaisance de savoir comment leurs fonds sont utilisés, et si ces fonds ne sont pas bien utilisés, c'est à eux d'y voir.

M. Martin Cauchon: Si vous me le permettez, le projet de loi ne nous permet pas de nous acquitter de nos obligations internationales. Il représente un élément de ce que nous devons faire en tant que gouvernement. Comme Lawrence vient de le mentionner, l'organisme a le devoir, vis-à-vis Revenu Canada, de savoir comment ses fonds sont utilisés.

Pour en revenir à la question de Mme Sophia Leung en ce qui a trait à un petit nombre de personnes visées au sein d'une organisation, M. Kennedy a donné une réponse plutôt appropriée. Je dois cependant préciser que nous avons affaire à des organismes non spécialisés et qu'ils doivent exercer une bonne gestion et faire preuve de diligence raisonnable. Si la direction de l'organisme n'est pas au courant des activités de certaines personnes en son sein, et que nous savons qu'il s'agit d'un bon organisme, bien géré et qui fait preuve de diligence raisonnable, comme l'a dit M. Kennedy, nous l'informerons. Mais si, en bout de ligne, nous constatons qu'il s'agit d'un organisme négligeant qui manque grossièrement de sérieux, en l'occurrence nous pourrions émettre le certificat.

Mme Sue Barnes: Une de mes questions est de savoir pourquoi l'ADRC n'a pas demandé que l'on modifie la Loi de l'impôt sur le revenu afin de rendre confidentiels les renseignements qu'elle ne peut utiliser—parce qu'ils seraient rendus publics—au lieu de suivre tout le processus dont nous parlons.

M. Martin Cauchon: La réponse est assez simple. L'information que nous recevons de l'organisme de renseignements ne peut être utilisée devant un tribunal pour le moment, parce que si vous allez devant un tribunal, les renseignements que vous utilisez contre une autre partie doivent être rendus publics afin que les témoins puissent être contre-interrogés.

En conséquence, nous avons décidé de présenter le projet de loi parce que si nous voulons utiliser l'information, nous devons établir un système qui offre un bon équilibre entre le système des organismes de bienfaisance tel que nous le connaissons et la notion de protection de la société et de la possibilité qui s'offre à nous d'utiliser tous les renseignements auxquels nous pouvons avoir accès. C'est la notion d'équilibre dont il a été question au début de l'exposé de M. Kennedy.

C'est justement ce que nous cherchons à faire grâce à ce projet de loi. Comme il était impossible d'utiliser ces renseignements de manière sûre, et afin de protéger l'information, nous avons décidé de mettre en place un nouveau processus judiciaire.

Mme Sue Barnes: Le certificat pourrait demeurer valide pendant trois ans et il existe un mécanisme en vertu duquel l'organisme de charité pourrait demander une ordonnance de non-publication au tribunal. Je me demande quels seront les résultats dans la pratique. À la base, vous portez une accusation contre un organisme de bienfaisance enregistré qui mène des activités dans ce pays. L'organisme doit mener ses activités et il n'a pas à souffrir du processus. Cette période de trois ans me paraît assez longue et, dans la pratique, croyez-vous que l'organisme visé soit, en bout de ligne, bien protégé?

• 1620

M. Martin Cauchon: L'article 13 du projet de loi C-16 précise que le certificat est valide pendant trois ans.

Bien sûr, vous faites référence à la protection de l'identité de l'organisme jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue. Vous soulevez-là un élément important. Comme vous le savez, avant de soumettre le projet de loi, nous avons mené des consultations auprès des parties intéressées. Quelques mois avant de prendre la décision de soumettre le projet de loi, certains groupes nous ont fait part de leurs réserves importantes concernant cette question de confidentialité. Si par exemple, en bout de ligne, un juge décide que le certificat n'est pas valide, l'organisme aura subi des préjudices et des dommages.

C'est pourquoi le paragraphe 5(3) du projet de loi C-16 offre aux organismes la possibilité de demander au juge de protéger leur identité jusqu'à la fin du processus judiciaire. Cette disposition est très facile à utiliser et je suis presque sûr que tous les organismes s'en prévaudront.

Mme Sue Barnes: Monsieur Kennedy, selon le critère civil de la prépondérance des preuves ou selon le critère pénal de la preuve hors de tout doute raisonnable?

M. Paul Kennedy: Nous traitons ici d'une question civile et il s'agit de déterminer s'il y a ou non des motifs raisonnables de croire qu'il y a un problème. Il ne s'agit pas d'un critère pénal, qui exige que la preuve soit hors de tout doute raisonnable. Il s'agit d'un processus d'audience administrative et en ce qui a trait à la demande de non-publication dont nous venons de parler, il existe en vertu des règles de la Cour fédérale. Cette possibilité existe. Nous l'avons incluse dans le projet de loi par souci de clarté. Bien sûr, la décision revient au juge. Quiconque publierait des renseignements malgré l'ordonnance du tribunal s'exposerait aux mesures prévues en cas d'outrage au tribunal. C'est ainsi que les choses sont.

Dans le cas qui nous intéresse, la charge de présentation existe. Il doit y avoir des preuves crédibles et des motifs raisonnables.

Mme Sue Barnes: C'est à cela que je veux en venir. Si ces dispositions étaient incorporées au Code criminel et si nous abordions le problème de cette manière, la preuve devrait être hors de tout doute raisonnable, ce qui rendrait l'accumulation de preuves beaucoup plus difficile et les répercussions seraient beaucoup moins néfastes pour les organismes.

M. Paul Kennedy: Pendant huit ans, je me suis occupé de poursuites au criminel. En cour criminelle les règles de preuve sont différentes. Dans un tribunal administratif, il est possible d'éviter les témoignages de vive voix et ainsi de suite. Bien sûr, si vous choisissez de procéder au criminel, il faudrait trouver une façon de régler le problème dans le cadre d'un procès criminel, qui pourrait fort bien ressembler au processus actuel. Je ne voudrais pas présumer de cela, mais la dynamique serait la même. Comment puis-je divulguer un élément de preuve sans faire état d'une source humaine qui pourrait alors se trouver dans une situation difficile, d'une enquête en cours, d'une relation de confidentialité ou de quelque chose qui pourrait nuire aux affaires internationales du Canada?

Le problème est que nous disposons de preuves qui ne permettent pas d'agir. De toute évidence, il y a un intérêt moindre en jeu parce qu'il faut déterminer les droits associés au privilège d'avoir le statut d'organisme de bienfaisance par opposition au stigma qui résulte d'une procédure criminelle, l'incarcération étant une des conséquences.

Si vous optez pour la procédure au criminel, nous serons fixés, et votre comité—ou le comité de la justice—, saura qu'il y a une dynamique en ce sens. Comment nous en acquitterons-nous et quels types de mécanismes devrons-nous trouver?

Mme Sue Barnes: Je cherche à me placer dans la peau du juge qui doit préparer un résumé à remettre à l'autre partie. Existe-t- il des précédents dans nos lois? C'est ce type d'expérience dont j'aimerais entendre parler, parce que la tâche du juge serait incroyablement difficile et que tout repose sur la possibilité de ne pouvoir exercer le droit de contre-interroger des parties qui s'en prennent à vous.

M. Paul Kennedy: Cela existe, je pourrais, avec l'indulgence du ministre, en parler parce que j'ai fait partie du processus législatif du côté du service de l'immigration. Notre tout premier cas a été rejeté. La Couronne a donc enregistré un échec en ce qui a trait au certificat.

Au cours des 12 dernières années, il y a eu une vingtaine de cas où le processus relatif au certificat a été utilisé en vertu de la Loi sur l'immigration. Au moins deux de ces cas ont été rejetés par le tribunal.

Je sais que dans certains cas récents il y a eu 50 jours d'audience, c'est-à-dire témoignages, interrogatoires et contre- interrogatoires de la part des deux parties. Il s'agit donc d'une contestation assez vigoureuse des faits reprochés, de telle sorte qu'il ne s'agit pas d'un cas manifeste où l'autre partie n'était pas préparée. De toute évidence, la partie était préparée et pouvait obtenir des preuves. Il y a une différence par rapport au fait que je puisse vous donner les grandes lignes d'une allégation sans vous dire de quelle personne je tiens les faits. Vous connaissez le dossier auquel vous êtes confronté, de sorte que les juges sont parvenus à leurs fins. Les tribunaux ont examiné le processus et l'ont jugé acceptable.

• 1625

Il y a d'autres cas où le Comité de surveillance des activités du renseignement sécuritaire utilise d'autres modèles pour certaines audiences. En l'occurrence, l'affaire s'est rendue jusqu'en Cour suprême du Canada qui a déterminé que l'équilibre était respecté. En conséquence, le processus a été mis à l'essai et il a donné des résultats. Dans certains cas, l'État n'a pas eu gain de cause. Comme preuve d'efficacité, il ne se fait guère mieux.

M. Martin Cauchon: Nous avons vraiment cherché à atteindre cet équilibre et à établir un niveau d'équité pour les organismes. Prenons la question de la preuve. Le tribunal compte habituellement des règles assez précises concernant l'utilisation de la preuve, c'est-à-dire les renseignements. L'article 7 du projet de loi C-16 précise, en ce qui a trait à l'équité, que nous faisons tout ce qu'il est possible de faire pour que le juge puisse utiliser des éléments de preuve qui, normalement, ne sont pas recevables devant un tribunal. Les règles de procédure concernant la preuve sont donc très souples afin que l'organisme puisse se présenter devant le tribunal et qu'il ait la possibilité de s'exprimer, de se défendre et d'expliquer sa situation en se servant de tous les éléments disponibles.

Le président: Merci, madame Barnes.

Ce sera M. Gallaway, puis MM. Pillitteri, Cullen et Nystrom.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Messieurs les ministres, ma première question est la suivante: qui est juge aux fins de la loi?

M. Lawrence MacAulay: Un juge de la Cour fédérale.

M. Martin Cauchon: Un juge de la Cour fédérale.

M. Roger Gallaway: En conséquence, j'attire votre attention sur l'article 20 et je vous pose à nouveau la même question.

L'article 20 révoque la définition de juge si le projet de loi C-11 est adopté, de sorte qu'il s'agit d'une éventualité.

M. Lawrence MacAulay: Si les tribunaux en décident ainsi, par conséquent, nous devons...

M. Roger Gallaway: Non, je me demande quel tribunal jugera?

M. Paul Kennedy: La Cour fédérale. Il s'agit d'un juge de la Cour fédérale.

Apparemment, cela reprend une modification accessoire à la Loi sur la Cour fédérale où l'on a modifié la définition de juge. Cela a été fait pour s'assurer que le système donne des résultats. La question est référée à un juge de la Cour fédérale.

M. Roger Gallaway: En conséquence, malgré le fait que l'article 20 révoquerait l'article 3, qui définit un juge, c'est la même définition qui demeure. Est-ce cela que vous nous dites?

M. Paul Kennedy: Il faudrait que je vérifie, mais je vous dis simplement que la Cour fédérale a changé. À un certain moment, il y avait la Section de première instance et la Division d'appel. Par la suite, on a apporté des changements à la formulation.

Je vous dis donc que le juge qui entendra cette cause est un juge de la Cour fédérale.

Nous jetterons un coup d'oeil à la législation et nous pourrons vous fournir une analyse plus approfondie, si vous le souhaitez, et nous nous assurerons de bien maîtriser les détails.

M. Roger Gallaway: Pourrez-vous nous fournir une réponse à ce moment-là?

M. Paul Kennedy: Assurément.

M. Roger Gallaway: Deuxièmement, j'ai entendu votre argument concernant votre réticence à parler de terrorisme ou à le définir. On nous dit que cette notion est bien définie judiciairement. Je me demande si vous pourriez—je ne vous demande pas une réponse aujourd'hui même—envisager de fournir à notre comité des notes d'information sur les paramètres qui pourraient caractériser le terrorisme aux fins de la présente législation.

M. Lawrence MacAulay: J'imagine que nous pourrions déposer certains paramètres, mais je n'estime pas être en mesure de vous définir ce qu'est le terrorisme de manière explicite.

M. Roger Gallaway: Non, je comprends cela, monsieur le ministre, mais on nous demande également d'accepter le fait que les tribunaux pourront le faire. J'imagine fort bien que les membres de notre comité aimeraient savoir ce que les paramètres pourraient être.

M. Lawrence MacAulay: Vous cherchez à avoir une idée générale, comme des préjudices à l'égard d'êtres humains...

M. Roger Gallaway: Non, je vous demande plus que cela. Je vous demande...

M. Lawrence MacAulay: Oui, mais je ne suis pas...

M. Roger Gallaway: L'un de vous a fait référence à l'existence d'une jurisprudence. Peut-être pourriez-vous nous fournir un résumé de cette jurisprudence.

M. Lawrence MacAulay: Nous le ferons.

M. Roger Gallaway: Merci.

Maintenant, j'aimerais savoir qui...

Le président: C'est une minute de moins pour vous.

M. Paul Kennedy: Pour bien clarifier les choses, je veux être en mesure de comprendre ce que l'on nous demande de faire. Nous essayerons de relever des cas examinés par les tribunaux canadiens où le mot «terrorisme» a été utilisé et les faits qui entourent ces cas. Peut-être a-t-on dit «C'est du terrorisme». Nous vous fournirons également des renseignements obtenus par les Nations Unies, parce que là aussi cette notion a été abordée, bien qu'elle n'ait pas été définie. Il y a aussi d'autres secteurs de compétence qui ont fourni des définitions. Dans certains cas, chaque loi pourrait fournir des renseignements légèrement différents, mais au moins nous vous donnerons un aperçu de ce que nous trouverons.

• 1630

M. Roger Gallaway: D'accord.

Le président: Monsieur Gallaway, vous pouvez poser une autre question.

M. Roger Gallaway: Voilà qui est intéressant. J'ai quelques questions de plus à poser, monsieur le président.

Qui donc déterminera quand les dispositions de ce projet de loi seront invoquées? Est-ce que ce sera le Service de M. Elcock? Est-ce que cela se fera conformément au Code criminel du Canada? Est-ce que nous fournirons des renseignements externes? Par exemple, M. Gerry Adams, d'Irlande du Nord, était, à un moment donné, un terroriste en ce qui a trait à son entrée au Canada, mais maintenant il ne l'est plus. L'Irlande du Nord compte des dispositions d'urgence en vertu desquelles il est possible de détenir des gens pendant 60 jours sans que des accusations soient portées contre elles. Selon le droit anglais, ce sont des terroristes, du moins plusieurs d'entre eux sont présumés être des terroristes. En conséquence, si, par exemple, la Catholic Women's League locale de la paroisse St. Patrick envoie de l'argent à un orphelinat d'Irlande du Nord et que cet orphelinat compte dans ses rangs une personne présumée terroriste, c'est une question de droit anglais et non de droit canadien.

Y aura-t-il une norme en vertu de laquelle cette allégation devrait être une infraction pénale au Canada? Ou bien accepterons- nous le fait qu'en vertu du droit britannique, des personnes d'Irlande du Nord puissent être des membres présumés de l'IRA sans qu'il y ait de preuve? Est-ce que cela vous suffira?

M. Lawrence MacAulay: Roger, cela n'aurait pas à être une infraction criminelle, vous pouvez en être sûr.

M. Roger Gallaway: Pardon?

M. Lawrence MacAulay: Il ne serait pas nécessaire qu'il s'agisse d'une infraction pénale. En l'occurrence, je devrai évaluer les renseignements qui me sont fournis et me persuader qu'il y a là un acte de terrorisme, par exemple. Il est très difficile d'expliquer et de définir précisément ce qu'est le terrorisme, parce que c'est un peu comme le cyberterrorisme actuel. Comme le dit Paul, il y a dix ans, vous n'auriez même pas pu en parler. Il s'agit d'une notion en évolution. Chose certaine, nous devons évaluer la preuve qui est présentée et déterminer s'il s'agit ou non d'un acte de terrorisme. Ensuite, la question et soumise à un juge fédéral. S'il n'est pas d'accord avec nous, le certificat n'est pas émis.

M. Roger Gallaway: Vous me dites donc qu'une présomption d'appartenance à l'IRA, qui ne constitue pas un acte criminel au Canada, pourrait suffire à l'application des dispositions de ce projet de loi. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Lawrence MacAulay: Premièrement, il n'y a pas de liste d'organisations terroristes au Canada.

M. Roger Gallaway: Je suis sûr que M. Elcock en a une.

M. Lawrence MacAulay: S'il en a une, il n'en a pas parlé au reste de votre comité.

Des voix: Oh, oh!

M. Lawrence MacAulay: Il n'y a pas de liste publique d'organisations terroristes au pays.

M. Paul Kennedy: Pour vous aider, je dirais qu'il est parfois difficile de savoir si un acte en est un de terroriste ou non et si l'acte est criminalisé. La plupart des juridictions n'ont pas de législation portant sur le terrorisme. Ainsi, le Canada n'a pas d'infraction de terrorisme. Si vous tuez quelqu'un, il s'agit d'un meurtre. L'examen des faits pourra jeter un peu de lumière sur la nature de l'action.

Nous nous intéressons ici aux activités. Nous vous avons donné une définition générale, mais non législative de ce qui constituerait une forme de terrorisme, ce qui comporterait le recours à la violence ou la menace de violence, des actes de violence graves contre les biens d'une personne. C'est un bon point de départ. Ensuite, il faut savoir ce que nous voulons faire.

M. Roger Gallaway: D'accord.

J'ai deux autres questions pour vous. Si vous obtenez des renseignements des forces de sécurité indienne à l'effet que certaines personnes se livrent à des activités terroristes, renseignement que vous obtenez de toute bonne foi, seriez-vous alors en mesure d'appliquer la loi? Je veux savoir si vous tiendriez compte de la source, de la véracité de l'information et du régime politique du pays qui vous fournit l'information?

M. Lawrence MacAulay: Ce sont des agents du renseignement de sécurité ou de la GRC qui me fourniraient l'information. Ils peuvent recevoir ces renseignements de différents pays, comme vous l'avez précisé. La source serait ensuite évaluée. Le SCRS aurait des façons de m'informer, de me préciser si ce groupe ou cette personne sont crédibles ou non.

• 1635

J'évaluerais l'information et le ministre du Revenu national l'évaluerait également puis, si nous sommes d'accord, nous signons le certificat et le tout est transmis au juge fédéral.

C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est si important, parce que le SCRS pourrait nous dire que s'il divulgue la source de l'information, la vie d'une personne pourrait être en danger ou la sécurité ou même le renseignement de sécurité dans un autre pays pourrait être en danger. C'est la raison pour laquelle cette législation est si importante.

M. Roger Gallaway: Monsieur le ministre, le Canada a appliqué des sanctions commerciales à l'endroit de l'Inde, et il le fait depuis un certain temps. Pourquoi voudrions-nous accepter des renseignements provenant d'un pays que nous ne jugeons pas suffisamment fiable pour établir des liens de libre-échange. Pourquoi voudrions-nous échanger librement des renseignements avec ce pays?

M. Lawrence MacAulay: Je laisserai le directeur du SCRS répondre.

M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Monsieur le président, ce n'est un secret pour personne que les renseignements que nous recevons proviennent souvent de sources étrangères. Par contre, nous devons, dans tous les cas, déterminer s'il s'agit de renseignements précis. Il n'est pas question d'accepter les renseignements tels quels. Nous avons nos propres méthodes, tant au Canada qu'à l'étranger, de confirmer si les renseignements sont exacts ou non. De plus, nous avons des liens de longue date avec plusieurs organismes du monde entier, ce qui nous permet d'évaluer si les renseignements qui nous ont été fournis par le passé étaient exacts ou non. Il ne s'agit pas simplement d'accepter des renseignements non évalués et de les transmettre afin que le gouvernement intervienne.

Dans plusieurs cas, nous devons prendre des décisions sur les renseignements reçus. Nous devons utiliser nos propres sources afin de déterminer si les renseignements sont exacts ou non et, en bout de ligne, s'ils suffisent à monter un dossier. Je serais porté à croire, à la lumière de dossiers qui ont été ouverts en vertu de la Loi sur l'immigration, qu'un élément d'information provenant d'un service ne suffirait pas à aller plus loin.

Le président: Merci.

Je dois donner la parole à M. Nystrom.

Je viens d'apprendre que les ministres vont devoir nous quitter dans une dizaine de minutes; je vous demanderais donc de poser des questions brèves.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je vais être très bref.

Comment le SCRS peut-il obtenir des renseignements à l'étranger, puisque sa mission consiste principalement à exercer ses activités au Canada? Est-ce que ces renseignements proviendraient d'autres agences de renseignement?

M. Ward Elcock: Monsieur le président, notre mission ne se limite pas aux frontières du Canada.

M. Lorne Nystrom: Très bien.

J'aimerais demander au ministre si un ancien député qui a été régulièrement élu serait un criminel, un terroriste ou exonéré, Louis Riel?

M. Lawrence MacAulay: Lorne, je ne dispose pas de tous les éléments au sujet de cette affaire.

Des voix: Oh, oh!

M. Lorne Nystrom: Le ministre pense-t-il qu'il est équitable que ce soit lui qui soit l'arbitre final et qu'il n'y ait pas de mécanisme d'appel devant les tribunaux?

M. Lawrence MacAulay: Je crois que vous avez tout à fait raison, ce ne serait pas équitable, mais ce n'est pas le cas. C'est le juge de la Cour fédérale qui est l'arbitre suprême.

M. Lorne Nystrom: J'aimerais poser quelques questions au ministre au sujet de certaines situations hypothétiques.

Il y a eu les manifestations pendant le sommet sur la ZLEA à Québec il n'y a pas très longtemps et il y avait différents groupes qui protestaient à l'extérieur de la clôture. Il y a des gens qui ont reçu des balles en caoutchouc, d'autres ont été gazés, d'autres ont été arrosés par un camion lance-eau, d'autres ont été épargnés. Où tracez-vous la limite dans ce genre de situation, pour ce qui est de ce projet de loi? Sont-ils, ou je devrais peut-être dire sommes-nous, parce que j'étais là aussi, sommes-nous tous des terroristes parce que nous étions là? M. Epp, en tant qu'arbitre suprême, dirait oui.

M. Lawrence MacAulay: Je ne pense pas qu'il serait très sage de ma part de répondre à une question hypothétique alors que je n'ai pas devant moi l'information au sujet de ce qui s'est véritablement passé. Je crois que la situation à laquelle vous faites allusion s'est déjà produite un certain nombre de fois dans d'autres pays et je ne crois pas qu'on ait jamais porté de telles accusations.

M. Lorne Nystrom: Y a-t-il quelqu'un qui veuille ajouter quelque chose? C'était une situation où il y avait différents groupes qui exerçaient plusieurs types d'activités. En l'absence d'une définition claire de ce qu'est le terrorisme, où doit-on tracer la limite?

M. Lawrence MacAulay: Je pense que personne ne souhaite que ce terme vise les personnes qui expriment leur opinion.

M. Lorne Nystrom: Je suis d'accord avec vous.

Je vais donc poser une question philosophique à mon collègue philosophe. Pourriez-vous préciser davantage ce qu'est, d'après vous, le terrorisme? Y a-t-il terrorisme uniquement lorsqu'il s'accompagne d'actes de violence? Peut-on parler de terrorisme intellectuel? Peut-on parler de terrorisme économique? Peut-on parler de terrorisme biologique non violent? Pourriez-vous nous entretenir quelques instants avec votre éloquence habituelle de vos réflexions philosophiques sur le terrorisme?

M. Lawrence MacAulay: Comme je l'ai mentionné, je ne suis pas en mesure, et d'ailleurs je ne crois pas que personne le soit, de définir exactement ce qu'est le terrorisme.

• 1640

M. Lorne Nystrom: C'est pourquoi j'ai parlé de réfléchir à voix haute pour nous donner une idée de votre position de base.

M. Lawrence MacAulay: Eh bien, je crois que vous avez mentionné un certain nombre de situations où l'on pourrait parler de terrorisme. C'est comme...le sous-ministre adjoint a parlé de cyberterrorisme. Ce n'est pas un sujet dont nous aurions parlé il y a dix ans; aujourd'hui, nous pouvons en débattre. C'est un monde en évolution constante et c'est un aspect de la réalité.

M. Lorne Nystrom: Je me demande si l'autre ministre pourrait ajouter

[Français]

quelque chose sur cette question de la définition du terrorisme.

M. Martin Cauchon: J'ai dit au début de la présentation qu'il n'existait pas, au Canada, de définition du terrorisme. Des jugements qui ont été rendus—j'en ai certains devant moi—passent en revue un certain nombre d'éléments qui démontrent que, dans telles ou telles circonstances, certains actes peuvent être du terrorisme. Dans d'autres pays, il existe certaines définitions qui sont larges et vagues. Comme l'a mentionné mon collègue Lawrence MacAulay, la notion de terrorisme est une notion pour laquelle on ne peut pas vraiment définir de paramètres. C'est également une notion qui évolue constamment et qui est appelée à changer très, très rapidement. Je pense que c'est une question de jugement qui devrait être posée à différents niveaux: au niveau du SCRS, au niveau des gens de la GRC et au niveau des deux ministres que nous sommes.

Il y a deux ministres qui vont signer le fameux certificat. Il y a mon collègue le solliciteur général qui, lui, a à l'esprit la protection de la société et la protection de nos lois. Pour ma part, à titre de ministre du Revenu, j'ai à l'esprit la question de la protection de l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance. Donc, on va se pencher là-dessus avec deux visions tout à fait différentes.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que la question de juger s'il s'agit d'un acte de terrorisme va se poser à différentes étapes. Lors de l'émission du fameux certificat, ils iront également devant les tribunaux et auront la possibilité de se faire entendre, de faire valoir les différents points de vue et de convaincre. Si le certificat est jugé satisfaisant, il n'y aura pas enregistrement ou il y aura refus d'enregistrement.

Ce qui est important, c'est qu'encore une fois, nous voulions, dans la loi, leur donner toutes les possibilités et respecter les règles d'équité et les règles de due process. Une fois que le certificat est jugé acceptable et conforme, même si on n'enregistre pas l'organisme ou qu'on le désenregistre, par la suite, nonobstant le fait que le certificat n'est pas expiré, parce qu'on sait que ça peut durer trois ans, ces organismes auront la possibilité de revenir s'il y a un changement important dans leur situation.

Donc, la volonté du gouvernement est d'être ouvert et respectueux des aspirations de l'ensemble des organismes, mais également de protéger nos sociétés ainsi que la crédibilité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance. N'oublions pas que bien des dollars sont donnés chaque année à l'ensemble de ces organismes, et on veut s'assurer, comme gouvernement, que ces dollars donnés par l'ensemble de la population soient utilisés à bon escient.

L'équilibre auquel faisait allusion M. Kennedy tout à l'heure, je crois que nous avons réussi à l'obtenir à l'intérieur du projet de loi C-16.

[Traduction]

M. Lorne Nystrom: Je voulais poser aux ministres une dernière question.

Si j'ai bien compris, avec ce projet de loi, un juge peut admettre tout renseignement pertinent, même si ce renseignement n'aurait pas été déclaré admissible dans une instance judiciaire. Je voulais vous décrire une situation hypothétique dans laquelle le juge fonderait sa décision sur une preuve non admissible.

M. Paul Kennedy: Je pense qu'il ne s'agit pas ici de preuve non admissible. Il s'agit ici d'une formulation juridique particulière qui permet d'établir une distinction avec les instances pénales, dans lesquelles il faut apporter la meilleure preuve possible; il faut pouvoir dire j'étais là, j'ai vu ce qui s'est passé, ce n'est pas du ouï-dire.

Dans les instances administratives, la Loi sur l'immigration et ce genre de lois, les règles de preuve sont différentes et il est possible de présenter des preuves qui constituent du ouï-dire. Dans ce genre d'affaires, on pourrait présenter des preuves de ce genre, sans nécessairement faire comparaître l'auteur de ces déclarations, qui réside peut-être à l'étranger. Ce genre de preuve est donc admissible. En droit administratif, les critères d'admissibilité applicables sont plus larges que ceux que l'on utilise pour une instance strictement pénale, mais il y a toujours la question de la force probante, et c'est de cette façon que les arbitres prennent ce genre de décisions. Manifestement, si quelqu'un a assisté à un événement, s'il a vu quelque chose et a été contre-interrogé à ce sujet, et que la personne paraît crédible, il est évident que son témoignage a une grande force probante. Si tous ces éléments ne sont pas réunis, et que les preuves ne sont pas corroborées par d'autres sources, le juge devra apprécier la force probante des preuves apportées. Cela est assez courant. C'est comme cela que fonctionne le droit canadien.

• 1645

Le président: Merci, monsieur Kennedy. Merci, monsieur Nystrom.

Allez-y. Vous voulez faire un dernier commentaire?

M. Martin Cauchon: Par exemple, lorsque l'on va devant un tribunal judiciaire, comme la Cour fédérale, on ne peut pas utiliser la preuve par ouï-dire, on ne peut pas utiliser des copies de documents, sauf entente entre les parties. Cela vous indique que nous avons voulu introduire une certaine souplesse, pour que les gens aient la possibilité de faire connaître leur point de vue. Ils pourront présenter des preuves par ouï-dire, ils pourront présenter des copies de documents, et ainsi de suite. Nous voulons que cette procédure soit aussi souple que possible, pour respecter la notion de régularité procédurale et établir un équilibre entre la protection de notre société, la protection des mécanismes prévus par les traités et la protection de ces organisations.

Le président: Messieurs les ministres, je vous remercie. Je regrette que vous deviez nous quitter mais je tiens à vous dire que cette discussion a suscité beaucoup d'intérêt. Il y a trois députés qui voulaient vous poser des questions mais ils ne pourront malheureusement pas le faire. Je crois toutefois comprendre que vos collaborateurs vont se charger de répondre aux questions. Encore une fois, je vous remercie au nom du comité.

M. Martin Cauchon: Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous les membres du comité.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Peschisolido.

M. Joe Peschisolido (Richmond, AC): Merci, monsieur le président.

J'allais féliciter le ministre Cauchon pour l'excellent travail qu'il a accompli en présentant ce projet de loi, mais puisqu'il nous quitte, je ne pourrai pas le faire.

Le président: Je crois que vous l'avez déjà fait.

M. Joe Peschisolido: J'ai examiné le projet de loi C-16 et j'adresserai mes questions aux représentants des ministères. C'est un projet de loi très bien construit. Vous avez réussi à concilier l'aspect sécurité et la justice administrative.

L'aspect qui me préoccupe, et c'est pourquoi je ne suis pas favorable à ce projet de loi, tout comme l'Alliance canadienne, c'est que l'objectif recherché n'est pas compatible avec le mécanisme utilisé. L'objectif de ce projet de loi, et Mme Barnes en a parlé, est de supprimer ou du moins de réduire la levée de fonds destinés à financer des activités terroristes. Nous devrions nous attacher à trouver une solution qui touche l'aspect pénal de ces activités et non pas son aspect administratif.

Il y a une question que j'aimerais poser à M. Kennedy. Le ministre, M. MacAulay, a mentionné qu'on allait prendre d'autres mesures pour lutter contre les personnes qui lèvent des fonds destinés au terrorisme, quelles sont ces mesures? Envisage-t-on de préparer d'autres projets de loi en ce moment?

M. Paul Kennedy: Je ne voudrais pas commettre un outrage au Parlement pour ce qui est des projets de loi et des mesures de ce genre, mais le ministre a mentionné certaines choses à d'autres occasions. En février, le Canada a signé la convention des Nations Unies sur la répression du financement du terrorisme. Il est assez clair, si vous avez eu la possibilité de lire la convention, et je sais que certains membres du comité l'ont déjà fait, que cette convention est axée sur la répression. Cette mesure faisait suite à une démarche qui a commencé en 1995. Le Canada a été un des pays qui ont mis de l'avant la question du financement du terrorisme et il y a bien sûr une recommandation du G-8 faite en 1996, qui est à la base de la convention des Nations Unies.

Nous nous intéressions donc à cette question mais les membres des Nations Unies n'ont accepté d'examiner cette convention qu'en février de cette année. Si nous voulons ratifier cette convention, il faudra passer à l'étape suivante, c'est-à-dire adopter une loi interne qui donne effet à ce projet de loi. Ce document est axé sur la répression, il favorise l'entraide juridique, et il traite d'un éventail de sujets assez large. Sans présumer des mesures que pourrait prendre le gouvernement dans ce domaine, cette convention n'a en effet été signée qu'en février 2001, il paraît clair que nous devrions la ratifier et passer à l'étape suivante.

Je comprends que vous pensez que cette mesure est peut-être insuffisante. Je pourrais toutefois peut-être replacer cette mesure dans le contexte du travail que nous avons effectué pour lutter contre le crime organisé. Pour ce qui est du crime organisé, nous avons toujours dit qu'il ne suffisait pas d'adopter une autre loi fédérale. Ce problème n'est pas seulement un problème fédéral. Par exemple, les clubs de motards peuvent être fermés en utilisant les règlements municipaux. Les règlements municipaux permettent de prendre des mesures que l'on ne peut prendre à l'échelon fédéral.

• 1650

L'Ontario a adopté une loi sur les recours civils qui lui permettra de saisir les produits d'activités criminelles, en exerçant son pouvoir en matière civile, reconnu par la Constitution. Nous pouvons faire certaines choses au niveau fédéral.

Je vous ai mentionné cela pour vous montrer que la solution ne consiste pas toujours à recourir automatiquement au Code criminel. Il est possible que nous adoptions des mesures législatives plus tard, si le gouvernement au pouvoir et le Parlement décident d'en adopter et de criminaliser les activités de financement. Il y aurait peut-être également d'autres choses qu'il conviendrait d'examiner, comme le recrutement, parce que le financement n'est qu'un aspect du problème. On recrute également des gens pour qu'ils combattent à l'étranger.

Si nous procédions de cette façon, cela ne réglerait pas nécessairement le problème des organismes de bienfaisance qui utilisent des fonds exonérés d'impôt, et qui se présentent comme étant reconnus par le gouvernement fédéral, et qui utilisent cette qualité pour obtenir des fonds. Il faut utiliser divers moyens. Il est évident que c'est là une mesure mais je peux vous dire, très franchement, qu'il faudra faire bien davantage, ce qui ne veut pas dire que les autres moyens ne soulèveront pas de difficulté. La pénalisation ne débouche pas toujours sur des poursuites et celles- ci n'entraînent pas toujours des condamnations, parce qu'il est très difficile de satisfaire au critère pénal de la preuve hors de tout doute raisonnable.

M. Joe Peschisolido: Monsieur Kennedy, je suis très heureux d'apprendre, en l'absence du ministre MacAulay, et je ne vais pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire, que le gouvernement ne semble pas vouloir se servir de ce projet de loi pour justifier ensuite son inaction, et qu'il va effectivement envisager le problème sous son angle pénal. Je pense que la plupart des membres du comité souhaitent également que l'on voie là une question pénale.

Les commentaires qu'a faits M. Elcock au sujet des difficultés relatives aux instances pénales m'ont intrigué. J'espère que le but ultime est d'en arriver à un plan pour traiter le volet pénal de cette question. J'aimerais donc lui demander de préciser la nature des mécanismes pénaux que l'on pourrait utiliser. Lorsque le solliciteur général actuel ou le suivant présentera un projet de loi, quelle forme aura-t-il?

M. Ward Elcock: Monsieur le président, le terrorisme est une question fort complexe. Comme Paul l'a dit, il n'y a pas de solution unique qui permette de régler le problème du terrorisme, comme il n'y a pas de solution unique permettant de régler le problème du crime organisé. Il est clair qu'au Canada, il n'y a qu'un très petit nombre de personnes et de groupes qui exercent des activités terroristes, et je l'ai déjà dit, et ce n'est pas un secret, certains d'entre eux cherchent à obtenir des fonds par l'intermédiaire d'organismes de bienfaisance pour exercer leurs activités à l'étranger.

Comme Paul l'a dit, il faut régler les problèmes que l'on peut régler. Tout cela est fort complexe, et je suis sûr que les députés vont être amenés à se poser eux-mêmes ces questions si le gouvernement présente un autre projet de loi, nous devrons déterminer s'il y a d'autres méthodes, comme la pénalisation, qui sont efficaces, si elles ont été efficaces dans les pays où elles ont été utilisées, notamment aux États-Unis. Ce sont des questions très difficiles. Je ne suis pas sûr qu'on puisse leur apporter des réponses parfaites. Mais c'est un domaine où il est possible de faire quelque chose, d'apporter une certaine solution à ce problème.

M. Joe Peschisolido: Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse également à M. Elcock. Je partage les préoccupations de M. Gallaway, notamment, qui découlent du fait qu'il y a des agents étrangers, des agents de sécurité qui exercent des activités illégales chez eux ou à l'étranger. Nous avons entendu dire que le gouvernement de l'Inde faisait ce genre de chose. Ce n'est pas très joli là-bas. Là encore, je ne veux pas vous mettre dans l'embarras mais j'aimerais avoir une idée des critères ou des facteurs que vous ou vos organismes utilisez pour essayer d'équilibrer et d'apprécier les renseignements que vous transmet un gouvernement étranger et qui concerne des citoyens canadiens qui sont considérés comme des ennemis par ce pays étranger.

• 1655

M. Ward Elcock: Monsieur le président, il faut je crois savoir que dans une agence de renseignement, on ne croit jamais une affirmation tant que sa véracité n'a pas été démontrée ou corroborée par d'autres éléments. Comme je l'ai dit, et je crois qu'il y a un malentendu sur ce point, nos enquêtes ne sont pas limitées à un territoire donné, le Canada, par exemple. Nous effectuons des enquêtes sur les aspects qui constituent des menaces pour la sécurité du Canada, aussi bien au Canada qu'à l'étranger.

C'est donc bien souvent, nos propres enquêtes qui permettent de corroborer les éléments dont nous disposons. Nous recevons également souvent, des renseignements en provenance d'autres parties du monde, d'autres services étrangers, et parfois de services qui exercent leurs activités dans d'autres régions du monde et qui nous fournissent des renseignements supplémentaires.

Nous disposons d'un large éventail d'outils, et là encore, je ne vais pas vous les décrire en détail, parce que cela compliquerait notre travail si je le faisais, qui nous permettent d'évaluer les renseignements que nous obtenons en vue d'en déterminer l'exactitude.

Nous avons une grande expérience, et je crois que cela transparaît des examens auxquels procède le CSARS, pour ce qui est d'examiner le genre d'information que nous transmettons à d'autres organisations, ou que d'autres organisations nous transmettent et l'usage que nous en faisons, sans parler des mécanismes judiciaires prévus par cette loi ou par la Loi sur l'immigration.

Il y a donc au moins deux niveaux d'examen, les tribunaux et le processus habituel du CSARS, qui nous permettent de déterminer si nous faisons un bon usage de l'information obtenue. Je pense que ces deux mécanismes vont conserver leur efficacité.

Nous avons effectivement constaté, au cours de l'application de la Loi sur l'immigration, qui fait appel à un mécanisme très semblable à celui-ci... En fait, la Loi sur l'immigration traite de l'incarcération et éventuellement de l'expulsion du Canada d'une personne, et non pas du simple privilège d'utiliser les déductions fiscales pour obtenir des fonds auprès des Canadiens. Il est évident que cette question a une importance encore plus grande lorsqu'il s'agit de la Loi sur l'immigration, parce que cela peut déboucher sur l'incarcération de la personne concernée.

Nous avons effectivement constaté que nous fournissons beaucoup de renseignements. Ces renseignements sont contenus dans des milliers de documents. Ils ne se fondent pas sur une évaluation unique effectuée par un organisme étranger qui nous a envoyé un document anonyme. Ces renseignements sont fondés sur nos activités de renseignement, sur l'information obtenue d'autres sources, y compris de nos propres sources, et ensuite nous les évaluons avant de les transmettre à un ministre pour qu'il prenne une décision.

M. Joe Peschisolido: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Peschisolido.

Nous allons maintenant entendre M. Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Messieurs, merci. J'ai un certain nombre de questions à poser et je vais donc commencer immédiatement parce que je sais que le président n'hésitera pas à me couper la parole.

Je vais faire quelques brefs commentaires.

Monsieur Peschisolido, si le gouvernement a demandé au comité d'examiner ce projet de loi, c'est sans doute parce qu'il recherchait des commentaires constructifs. Au lieu de dire que vous ne pouvez appuyer ce projet de loi, il serait conforme au processus de signaler éventuellement les idées constructives que vous pourriez avoir à ce sujet.

J'aimerais revenir sur cette notion de terrorisme. Les ministres nous ont dit qu'ils préféraient que le mot «terrorisme» ne soit pas défini le projet de loi. Il est évident qu'ils ne voudraient pas que nous élaborions une définition limitative, autrement dit, d'après laquelle le terme comprendrait uniquement les choses mentionnées dans la définition. J'ai hâte de prendre connaissance de la jurisprudence, parce que c'est une question que le comité va sans doute être amené à examiner de près. En fait, où commence le terrorisme et où finit-il?

Monsieur Kennedy, vous avez parlé de violence. Est-ce que cela commence là? Par exemple, si je me trouve en Somalie et qu'un chef de guerre menace de tuer ma famille et de violer ma femme, je vais essayer de l'en empêcher. Je vais peut-être avoir besoin d'aide pour y parvenir. Personne n'accepte la violence. Mais lorsque l'on se trouve dans une guerre civile, par exemple...vous avez parlé d'insurrection. Il y a des régimes qui sont vraiment oppressifs. Où doit-on fixer la limite?

• 1700

Je ne vais pas vous demander de commenter cela ici parce que les ministres ont été très clairs à ce sujet mais si le comité pouvait isoler quelques paramètres suffisamment larges au sujet de ce qu'englobe le terrorisme... Que pensez-vous de harcèlement constant? Est-ce que cela suffirait? Si je lutte contre un génocide, etc... C'est une tâche difficile. Je voulais simplement que cela soit consigné au procès-verbal.

Le projet de loi vise principalement les organisations, est-ce bien cela? L'organisation qui appuierait des activités de terrorisme perdrait son statut d'organisation de bienfaisance. Il pourrait arriver que certains membres du conseil d'administration ou de l'organisation appuient des activités terroristes dans un pays donné mais disons que les éléments n'indiquent pas que c'est l'organisation elle-même qui appuie ces activités, quelle que soit la façon dont on les définit? Bien évidemment, cela ternirait l'image de cette organisation et il serait sans doute utile de le lui signaler. Mais ai-je bien compris que la question est de savoir si les fonds de cet organisme sont utilisés pour financer des activités terroristes? Il ne s'agit pas de savoir si une ou deux personnes qui font partie de son conseil d'administration ou d'une... Est-ce bien cela?

M. Paul Kennedy: Oui, c'est exactement ce que dit la loi, parce que nous examinons l'organisation et la question de savoir si ses biens, qui ont été accumulés parce qu'à titre d'organisme de bienfaisance elle est exonérée d'impôt, sont utilisés, directement ou indirectement, pour appuyer ce genre de cause. Vous avez donc parfaitement raison.

M. Roy Cullen: Monsieur Kennedy, vous avez cité le cas où l'on pourrait démontrer qu'un ou deux administrateurs de l'organisation ont détourné des fonds, sans que les autres membres le sachent, pour les utiliser à des fins de terrorisme et que cela serait manifestement visé par le projet de loi. Mais s'il y a un ou deux mauvais éléments qui font partie du conseil d'administration qui appuient personnellement des activités terroristes, cela ne modifiera pas le statut d'organisme de bienfaisance. Est-ce bien exact?

M. Bill McCloskey (sous-commissaire, Direction générale de la politique et de la législation, Agence des douanes et du revenu du Canada): Pourvu qu'ils n'utilisent pas les fonds de l'organisation.

M. Roy Cullen: Très bien. En fait... Personnellement, et je crois que c'est le cas de la plupart des Canadiens, je suis en faveur de l'objectif recherché ici. Il est vrai que les gens peuvent faire preuve de beaucoup d'imagination.

Par exemple, dans le cas d'une organisation de ce genre au Canada, qui a le statut d'organisme de bienfaisance, celle-ci peut appuyer des actions humanitaires, des services de santé ou de sécurité dans un pays où il y a une guerre civile. Mais nous savons...si ce sont bien là les paramètres, il y a parfois des dynamiques très intéressantes qui peuvent se...soudainement, cette organisation s'occupe uniquement de questions humanitaires et de santé, etc.

Quelle que soit notre décision, nous savons ce qu'il faut faire. Il pourrait également arriver, je crois, que des organisations voient leur statut révoqué et qu'elles se renouvellent, en choisissant un nouveau conseil d'administration, mais en conservant l'intention initiale.

Je me demande si vous pourriez faire quelques commentaires sur le genre de...j'en ai cité un ou deux. Je crois que les gens ont beaucoup d'imagination. Comment pensez-vous pouvoir tenir compte de tout cela dans votre raisonnement? Cela fait-il seulement partie des difficultés que soulève l'application d'une telle loi?

M. Paul Kennedy: Je crois que l'on peut dire que nous savons que ce problème n'est pas statique. Nous savons que les gens ont de l'imagination. Et puisque nous nous attaquons à une organisation, vous avez tout à fait raison, celle-ci...

Nous nous intéressons au fait que cette organisation a le statut d'organisme de bienfaisance. Lorsque ce statut a été révoqué, le projet de loi cesse de s'appliquer et l'organisation peut continuer à lever des fonds. La seule chose que nous souhaitons empêcher est que le gouvernement soit complice de ses activités en lui accordant un régime fiscal favorable. Donc, premièrement, cette activité peut se poursuivre.

L'organisation pourrait très bien se reconstituer le lendemain en une nouvelle société. Lorsqu'elle présente une demande, nous allons examiner si ce sont les mêmes personnes qui composaient l'autre organisation. Le projet de loi nous donne le pouvoir de refuser une demande et de révoquer le statut déjà accordé. Si les faits et les éléments de preuve sont semblables, cela vous permettra de dire: «Nous savons que vous allez sans doute vouloir recommencer.» C'est une question de preuve.

Vous avez mentionné des distinctions tout à fait exactes. Il pourrait y avoir une personne très dangereuse qui travaillerait pour une organisation qui fait d'excellentes choses, et dans cet aspect de la vie de cette personne, elle n'utiliserait pas les fonds de l'organisme pour des fins illégales. Cela ne constitue pas un problème. Par contre, si elle le faisait, l'organisation serait visée par la loi parce qu'on utiliserait alors ses biens.

Manifestement, c'est quelque chose qui change constamment.

On nous a également parlé du cas où un organisme financerait un autre organisme qui exerce des activités très diverses. On a posé la question suivante: Est-il possible qu'un terroriste exerce ses activités humanitaires? Il est clair que cela est possible. Cette question a été soulevée dans un autre contexte. La réponse à cette question est que lorsque l'on donne un dollar à une organisation, il y a l'idée que l'argent est un bien fongible, qu'il n'a pas de caractère. Lorsque l'on appuie une activité en la finançant, cela permet à l'organisme d'utiliser son budget de la façon qu'il le souhaite. Il se pourrait fort bien qu'en répondant à des besoins primaires comme les aliments ou les vêtements, on lui permette d'utiliser d'autres fonds pour acheter des armes et des choses de ce genre.

• 1705

Il y a également des organisations qui, dans le cadre de leurs activités, s'occupent des veuves et des enfants des personnes tuées au cours d'actions terroristes. Il est difficile de séparer ces aspects. D'après certains, dans le cas d'une organisation de ce genre, dont une partie des activités sont reliées au terrorisme et une autre partie est reliée à des aspects humanitaires, il faut se dire que toutes ces activités sont de ce fait viciées. Autrement, il n'est pas possible de savoir avec certitude que les fonds versés vont être utilisés pour acheter des médicaments ou des livres et non pas des munitions.

M. Roy Cullen: Puis-je poser une brève question?

Le président: Vous pouvez poser une dernière question.

M. Roy Cullen: Je m'adresse à M. McCloskey, pour obtenir une précision, je crois que je connais la réponse mais je ne veux pas m'en aller d'ici sans en être sûr.

Prenons le cas d'un organisme de bienfaisance qui se trouve au Canada et qui appuie, de façon tout à fait légitime, la construction d'hôpitaux au Punjab ou ailleurs; on sait qu'il n'y a pas de guerre dans la région et que ces fonds sont accordés dans un but humanitaire; selon le droit fiscal canadien, il n'est pas obligatoire que ces fonds soient dépensés au Canada. Cet organisme peut quand même obtenir un numéro, s'il n'y a pas fraude, et les dons seraient déductibles.

M. Bill McCloskey: C'est exact. Il faut que les décisions soient prises au Canada. L'utilisation des fonds doit être décidée au Canada. L'organisation ne peut pas donner d'argent à un hôpital sans savoir comment l'argent va être utilisé. Les projets doivent avoir été approuvés par le conseil d'administration au Canada ainsi que la façon dont les fonds seront utilisés. Oui, il est possible d'accorder des fonds pour ce genre d'utilisation.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.

Nous allons maintenant entendre Mme Guarnieri, Mme Barnes et ensuite M. Epp.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci beaucoup.

J'aimerais vous remercier d'avoir donné votre temps pour nous parler d'une noble entreprise. En fait, je crois que vous faites des heures supplémentaires en ce moment.

Je suis convaincue, comme l'a déclaré M. Cullen, et je crois que plusieurs collègues l'ont également répété ce soir, que tous mes collègues s'entendent pour dire que le gouvernement ne devrait pas financer le terrorisme en accordant des déductions fiscales aux personnes qui versent de l'argent à de tels organismes de bienfaisance. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Je remarque toutefois que le projet qui nous est soumis prévoit un critère d'application qui est assez strict. Je vous demande de me corriger si je me trompe. D'après ce que j'ai compris de ce projet de loi, une organisation n'est visée par le projet de loi que dans le cas où elle a fourni des fonds à quelqu'un qui se livre actuellement à des actes de terrorisme. Il semble qu'un organisme de bienfaisance qui a déjà appuyé un groupe de terroristes et a commis des actes de terrorisme, quelle que soit la définition utilisée, pourrait tout de même être enregistré si l'on estime que ce groupe terroriste ne se livre pas à l'heure actuelle à des actes de terrorisme.

Ma question est très simple. Pourquoi le contribuable canadien devrait-il subventionner une organisation qui a déjà appuyé financièrement des terroristes? Mettons de côté les cas des veuves, des enfants et des hôpitaux, parce que je pense qu'ils ne seraient pas visés par la définition du terrorisme, parce qu'ils fournissent des soins aux malades et aux démunis.

M. Paul Kennedy: C'est une excellente remarque et vous avez tout à fait raison. Selon le libellé de l'article 4, c'est effectivement le cas. Nous avons des raisons de croire que cela continuera à être le cas.

Vous allez, je crois, constater qu'il s'agit là d'une question de fait qu'il faudra régler, à savoir la période écoulée depuis l'arrêt des activités de terrorisme, et si l'événement peut justifier une décision de notre part ou du ministre, qui serait acceptée par la cour, et lorsqu'il y a une raison de croire que ces personnes vont continuer à exercer ce genre d'activités. Si l'on choisit une période trop longue, il peut arriver que les membres de l'organisation aient changé.

N'oublions pas que cet administrateur était peut-être un agent double. Ce sont là des questions qu'il faut trancher en fonction des faits. Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, nous sommes devant vous, après la première lecture et non pas la seconde, pour obtenir des commentaires. C'est peut-être un aspect que vous souhaiterez revoir.

Mme Albina Guarnieri: Merci de votre franchise.

Ma deuxième question porte sur le mécanisme judiciaire prévu par le projet de loi pour révoquer l'enregistrement des organismes de bienfaisance, dont il existe des milliers au Canada.

• 1710

Cela donne l'impression que ces organismes ont le droit de faire subventionner leurs donateurs par les contribuables, quel que soit le genre d'activités qu'ils exercent. Que pensez-vous de l'idée de reclasser tous ces groupes en fonction de critères qui répondent non seulement à nos préoccupations en matière de terrorisme mais qui placeraient des balises sur le genre d'activités susceptibles d'être subventionnées par les contribuables? Est-ce là une possibilité? Qu'est-ce qui s'opposerait à ce que l'on adopte ce genre d'approche?

M. Bill McCloskey: Je crois que je ne comprends pas très bien la question, lorsque vous parlez de reclasser ces organismes.

Mme Albina Guarnieri: Le statut d'organisme de bienfaisance est certainement accordé en fonction d'un certain nombre de critères et au lieu de laisser ces milliers d'organisations encombrer les tribunaux, imaginez le cauchemar que cela serait, pourquoi ne pas revoir le système et procéder à un examen spécial des organisations qui ont le privilège à l'heure actuelle d'émettre des reçus d'impôts?

M. Paul Kennedy: Je pourrais peut-être dire quelques mots à ce sujet et je crois que le directeur du service aimerait également intervenir.

Pour revenir à ce que vous disiez, nous avons mentionné qu'à l'heure actuelle il y avait environ 75 000 à 80 000 organismes de bienfaisance, et parmi tous ces organismes, il en existe un très petit nombre qui posent certains problèmes. Nous espérons également que ce projet de loi aura un effet prophylactique, pour que les personnes qui profitent actuellement du système vont quitter ces organismes, de façon à poursuivre ailleurs leurs activités. Cela me paraît être une réponse mesurée. Il arrive qu'une loi qui cherche à remédier à un problème social ait pour effet de supprimer le problème lui-même. Il y a des gens qui vont réagir à l'adoption de ce projet, qui vont examiner comment ils exercent leurs activités, et, comme le ministre l'a déclaré, qui vont remettre les choses en ordre.

Avec les autres, nous entamerons un dialogue et nous leur expliquerons la nature de leur problème. Ce n'est qu'avec les organismes les plus récalcitrants qu'il faudra émettre un certificat et saisir les tribunaux. Cela me paraît la façon la plus efficace de procéder, pour ce qui est de la quantité de travail envisagée, et nous ne parlons pas de milliers d'affaires.

Je ne sais pas si le directeur veut prendre la parole, ainsi que mon collègue peut-être.

M. Ward Elcock: Dans la même veine, monsieur le président, j'aimerais parler en tant qu'avocat et dire que le projet de loi n'affirme aucunement que le statut d'organisme de bienfaisance est un droit et que ces organismes ont le droit de fournir des fonds à des organisations terroristes. Ce projet de loi tient compte du fait qu'il y a des organisations qui ont obtenu le statut d'organismes de bienfaisance et qui ont le droit d'être entendues avant qu'on supprime ce privilège.

Mme Albina Guarnieri: Excusez-moi, je voudrais une précision, ne s'agit-il pas d'organisations qui exercent des activités terroristes? Ne devrait-on pas leur imposer le fardeau de présenter une nouvelle demande et de justifier leur droit à avoir accès à l'argent des contribuables?

M. Ward Elcock: Monsieur le président, il serait extrêmement difficile de procéder de cette façon, aussi bien pour les organismes de bienfaisance que pour le ministère.

Pour vous donner un exemple, la Loi sur l'immigration qu'a mentionnée M. Kennedy tout à l'heure, il n'y a eu, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, que 21 cas où le gouvernement a jugé bon de préparer, par l'intermédiaire du ministre, un certificat visant un individu, pour qu'il soit expulsé en raison d'activités criminelles ou terroristes. Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de cas où nous allons transmettre des renseignements pouvant justifier la révocation du statut d'organisme de bienfaisance à ces organismes. Cela dit, s'il n'y avait qu'un seul organisme de bienfaisance au Canada qui versait des fonds à des organismes terroristes à l'étranger, ce serait encore trop pour les Canadiens.

Mme Albina Guarnieri: Excusez-moi, je ne comprends pas très bien. Vous avez mentionné qu'il serait difficile de procéder comme je le proposais mais de combien d'organisations terroristes parlons-nous? S'il s'agit de 20 ou 21, comme vous l'avez mentionné, serait-il vraiment difficile pour ces organismes de présenter une nouvelle demande et de justifier leur statut?

• 1715

M. Ward Elcock: Monsieur le président, je pensais que la députée proposait que l'ACTR obligerait tous les organismes de bienfaisance à démontrer qu'ils n'accordent pas d'appui financier au terrorisme à l'étranger, pour pouvoir conserver leur statut. Je ne suis pas convaincu qu'une telle méthode serait faisable. Ce serait très lourd, étant donné qu'il y a près de 80 000 organismes de bienfaisance au Canada. Cela prendrait une éternité.

M. Bill McCloskey: Ce serait extrêmement lourd, si je peux ajouter quelque chose. Il faut savoir que la plupart de ces organismes ne comprennent qu'une ou deux personnes qui offrent des services dans la collectivité et il est difficile de demander à ces personnes de remplir des papiers et de présenter des demandes.

Il n'est pas facile de définir ce qu'est un organisme de bienfaisance. En fait la Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas cette expression. Aucun pays de common law, que ce soit la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou les États- Unis, n'a réussi à définir ce qu'était un organisme de bienfaisance. Tout cela est fondé sur la common law et sur la jurisprudence qui s'est élaborée pendant plus de quatre siècles. C'est une tâche très complexe que de penser à classer ce genre d'organisme. Les professeurs d'université et les bénévoles sont très partagés sur l'idée même d'essayer de le faire.

Je devrais peut-être signaler que le gouvernement, comme vous le savez probablement, est en train de consulter le secteur du bénévolat à l'heure actuelle pour essayer de préciser la façon dont seront traités les organismes de bienfaisance, sans toutefois aller jusqu'à tenter de définir cette notion. Il y a beaucoup de choses qui se font en ce moment avec le secteur des organismes de bienfaisance et l'on essaie de revoir complètement le cadre réglementaire applicable à ce domaine.

Mme Albina Guarnieri: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à Mme Barnes et ensuite, à M. Epp.

Mme Sue Barnes: Merci.

Monsieur Kennedy, le paragraphe 6(2) du projet énonce que la décision du juge au sujet du caractère raisonnable du certificat «n'est susceptible ni d'appel ni de révision judiciaire». Je comprends ce que cela veut dire mais j'aimerais que vous me disiez s'il existe des articles semblables dans d'autres lois.

M. Paul Kennedy: La Loi de l'immigration contient une disposition identique, celle de l'article 40.1 qui traite des certificats. Selon cette disposition, la décision du juge de la Cour fédérale est définitive, et il n'y a pas d'appel.

Habituellement, les appels portent sur des questions de droit, et non sur des questions de fait. Il s'agit ici de décisions prises par deux ministres, de façon indépendante, à partir des faits et le juge examine ensuite ces faits, il entend de nouveaux éléments de preuve et confirme ensuite, le cas échéant, que la décision des ministres était raisonnable et fondée.

La Loi sur l'immigration est donc un exemple, mais il y en a d'autres en droit canadien, même si je ne peux pas m'en souvenir maintenant.

Mme Sue Barnes: Laissons de côté les autres, parce que la Loi sur l'immigration touche la liberté des personnes, et je vais vous donner l'occasion de faire mentionner au procès-verbal la question du contrôle judiciaire des décisions, parce que personne ne l'a encore abordée.

M. Paul Kennedy: Si je peux ajouter quelque chose, je dirais que cette disposition ne veut pas nécessairement dire qu'il n'y aura jamais d'appel sur des questions de droit. Il y a déjà eu, même avec la Loi sur l'immigration, des affaires qui ont été soumises à la Cour suprême du Canada et qui traitaient de divers aspects de ces dispositions, mais dans lesquelles on soulevait la constitutionnalité de la disposition, et d'autres choses du même genre. Mais pour l'essentiel, le juge examine ici les faits sur lesquels est basée la décision. Ces faits justifient-ils la décision prise par les deux ministres? Cette décision était-elle raisonnable?

Mme Sue Barnes: Monsieur Elcock, la Loi sur le SCRS ne définit-elle pas le terrorisme?

M. Ward Elcock: Non, monsieur le président.

Mme Sue Barnes: Très bien.

Monsieur McCloskey, nous sommes en train d'essayer de définir des limites et je vais prendre une tangente maintenant. Les organismes de bienfaisance ne doivent pas exercer d'activités politiques. Je crois qu'il y a beaucoup de ces organismes au Canada qui n'ont pas respecté cette règle et nous n'avons pas réussi à bien définir ces limites. Il s'agit ici d'un cas beaucoup plus grave puisque nous essayons de définir ce qu'est le terrorisme. Je crois que mon collègue, M. Cullen, a montré que l'on pouvait utiliser des fonds d'une certaine façon et, à l'insu de l'organisme qui les a versés, c.-à-d. l'organisme de bienfaisance, qu'il était possible qu'ils soient utilisés pour d'autres activités. C'est là que réside le danger. Si j'ai bien lu cette loi, elle n'exige pas que l'organisme ait déjà exercé les activités interdites; il suffirait que l'on croie qu'il risque de le faire à l'avenir. Est-ce que quelqu'un pourrait me répondre là-dessus?

M. Paul Kennedy: Je pourrais peut-être demander à mon collègue, M. McCloskey, mais je peux préciser une chose. Sans parler de terrorisme ou de quoi que ce soit d'autre, les organismes de bienfaisance sont tenus de savoir où vont les fonds qu'ils distribuent. En fait, si les fonds sont utilisés pour une fin qui ne correspond pas aux objectifs déclarés de l'organisme, celui-ci commet un excès de pouvoir et pourrait perdre son statut d'organisme enregistré.

• 1720

Je ne sais pas si cela est exact, monsieur McCloskey.

M. Bill McCloskey: Pour l'essentiel, cela est exact.

Vous avez parlé d'activités politiques. Les organismes de bienfaisance peuvent dépenser jusqu'à 10 p. 100 de leurs ressources pour des activités politiques avec un petit «p», autrement dit, pour faire du lobbying auprès des députés pour modifier les lois. Ces organismes ne peuvent exercer des activités politiques partisanes.

Mme Sue Barnes: Ils n'ont pas le droit de faire cela à temps plein en utilisant 100 p. 100 de leurs...

M. Bill McCloskey: Non, absolument pas. En fait, ils risquent de perdre leur statut s'ils dépensent plus de 10 p. 100 de leurs ressources à des activités politiques.

Mme Sue Barnes: Très bien.

J'aimerais que vous nous donniez quelques chiffres pour mieux situer la question. Je sais qu'il existe des milliers d'organismes de bienfaisance. Quel est le nombre des organismes qui perdent leur statut chaque année en moyenne?

M. Bill McCloskey: Entre 12 et 25 organismes, selon l'année considérée. C'est parfois parce qu'ils dépensent plus de 10 p. 100 de leurs ressources à des activités politiques mais ce n'est pas habituellement la raison. Il est plus fréquent que la raison en soit qu'ils n'ont pas tenu les livres de comptabilité ni fourni les documents exigés.

Mme Sue Barnes: En fait, c'est un de mes sujets préférés. Il faut que j'en parle.

M. Bill McCloskey: C'est parfois parce que ces organismes n'ont pas la comptabilité et les documents exigés. Ils peuvent perdre leur statut pour toutes sortes de raisons.

Il y a, chaque année, un certain nombre de révocations d'un autre type, mais c'est habituellement parce que ces organismes n'ont pas déposé les documents requis, ce sont des organismes inactifs et qui ont parfois disparu. Il y en a plusieurs centaines.

Mme Sue Barnes: Très bien.

Quel est le délai entre le début et la fin dans le système actuel?

M. Bill McCloskey: Lorsque vous dites «le délai»...

Mme Sue Barnes: Je veux dire à partir du début, lorsque vous envoyez à un organisme un avis l'informant que l'Agence canadienne des douanes et du revenu va lui supprimer son statut.

M. Bill McCloskey: Ils ont 30 jours, après la réception de ce que nous appelons une lettre d'équité administrative, pour nous répondre et nous convaincre qu'ils ne devraient pas perdre leur statut. Si nous pensons que les raisons fournies sont insuffisantes, alors nous commençons le processus de révocation.

Je ne sais pas s'il y a des délais pour le faire. Je ne le pense pas.

La loi prévoit un certain délai, je crois que c'est un délai de 30 jours, au cours duquel ils peuvent interjeter appel pour essayer de nous empêcher de révoquer leur statut.

Mme Sue Barnes: Je me demandais si vous aviez prévu que ce processus serait plus rapide ou plus lent?

M. Paul Kennedy: Bien évidemment, ce genre de dossier devra être préparé très soigneusement avant de pouvoir être présenté aux ministres. Mais une fois que le ministre l'aura examiné...à ce moment-là, l'organisme de bienfaisance ne sait rien mais il est évident que si nous nous posons des questions, cet organisme aura sept jours après avoir reçu un avis. Le dossier est donc transmis directement aux tribunaux.

L'affaire va être transmise à un juge. Dans les sept jours, le juge aura le dossier et ce sera à lui de suivre la procédure prévue. Bien évidemment, cela donne à l'organisme l'occasion de retenir les services d'un avocat mais le processus sera assez rapide. Après cela, c'est comme pour n'importe quelle autre instance judiciaire.

La première étape consistera donc à rassembler suffisamment de preuves pour amener deux ministres à reconnaître, indépendamment l'un de l'autre, que le dossier est solide. Une fois cette décision prise, l'affaire est soumise aux tribunaux, dans les sept jours qui suivent.

Les gens disent qu'il n'y a pas d'appel. Je dirais qu'en fait il y a un appel. Normalement, lorsqu'une décision administrative est prise, il faut faire quelque chose pour interjeter appel de cette décision devant un juge de la Cour fédérale. Nous avons prévu que les décisions prises par ces deux ministres feront automatiquement l'objet d'un appel devant la Cour fédérale, et qu'un examen indépendant sera déclenché immédiatement.

Mme Sue Barnes: Monsieur Elcock, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Ward Elcock: Non, j'allais simplement dire que, si l'on examine la Loi sur l'immigration, et là encore, je reconnais que la Cour doit se prononcer sur l'expulsion du Canada d'une personne, ces affaires ne sont pas entendues rapidement, quels que puissent être les autres aspects de ces affaires.

Le président: Merci, madame Barnes. Je comprends cela.

Mme Sue Barnes: Merci.

Le président: M. Epp va poser la dernière question.

M. Ken Epp: J'ai quelques questions très brèves qui appellent des réponses d'un mot. Elles s'adressent pour la plupart à M. McCloskey.

Tout d'abord, une liste de 2 000 pages, qui en contient 40 par page, cela fait beaucoup d'organismes de bienfaisance. Est-ce que je peux avoir accès à cette liste par Internet?

M. Bill McCloskey: Oui, cela est possible. Vous la trouverez sur le site Web de l'ACDR.

M. Ken Epp: Très bien.

Deuxièmement, dans quelle mesure examinez-vous les rapports de vérification? Je crois que tous les organismes de bienfaisance doivent faire vérifier tous les ans leur comptabilité par un comptable ou un vérificateur agréés. Dans quelle mesure votre personnel peut-il véritablement examiner 80 000 rapports de vérification par an?

• 1725

M. Bill McCloskey: Ces organismes ne sont pas tenus d'effectuer une vérification annuelle. Tous les organismes de bienfaisance sont tenus de produire un rapport annuel, de faire une déclaration annuelle. Ces rapports annuels sont examinés pour vérifier s'ils sont complets.

Nous avons cependant des vérificateurs qui vérifient la comptabilité des organismes de bienfaisance. Il ne se fait qu'environ 600 vérifications par an. Bien entendu, tous ces rapports de vérification sont révisés.

M. Ken Epp: Dans le cas d'un organisme de bienfaisance canadien qui envoie des fonds à l'étranger, disons pour construire des hôpitaux ou des choses du genre, avez-vous un mécanisme qui vous permette de vérifier si les fonds apparemment envoyés pour construire des hôpitaux au Rwanda, se rendent en fait au Rwanda pour construire des hôpitaux ou s'ils sont utilisés pour financer l'armée qui se trouve dans ce pays?

M. Bill McCloskey: Oui. L'organisme est tenu d'avoir des livres de comptabilité pour que nos vérificateurs puissent retracer l'utilisation des fonds, faire une vérification légale en un sens, et s'assurent que ces fonds ont été utilisés dans le but pour lequel ils ont été envoyés dans ce pays.

M. Ken Epp: Très bien.

J'aurais une autre question, est-ce que votre site Web décrit les conditions à remplir pour obtenir le statut d'organisme de bienfaisance enregistré ou est-il possible de se procurer ces renseignements autrement?

M. Bill McCloskey: Il est possible de se les procurer autrement. Nous avons plusieurs brochures qui parlent des conditions à remplir par les organismes de bienfaisance qui souhaitent être enregistrés. Nous les remettons à tous les organismes qui demandent le statut d'organismes de bienfaisance.

Ces renseignements se trouvent également sur le site Web. Toutes nos publications sont accessibles sur notre site Web.

M. Ken Epp: Est-ce que c'est www.ccra.ca?

M. Bill McCloskey: C'est www.ccra-adrc.gc.ca.

M. Ken Epp: Très bien.

J'ai une dernière question que je tiens à faire consigner au compte rendu. Je suis très préoccupé par l'absence de définition, par le fait que, selon l'humeur du ministre du jour, ou des gens qui se trouvent dans la haute direction du ministère, nous puissions dire automatiquement eh bien cela est une activité terroriste et cela n'en est pas. Il me semble qu'il n'est pas impossible de rédiger une définition; si vous voulez, elle pourrait même figurer dans le règlement de façon à ce qu'elle puisse être modifiée selon les besoins. Je ne suis pas du tout convaincu par l'argument qui consiste à dire que les choses évoluent et qu'il est par conséquent impossible d'élaborer une définition. Je crois que le moment est peut-être venu de passer à une définition, qu'elle soit limitative ou non.

La raison pour laquelle cela me préoccupe est qu'en fait j'ai des membres de ma famille qui sont morts parce que, selon la définition du régime où ils vivaient, et parce qu'ils n'étaient pas favorables à la dernière révolution, ils ont été considérés comme des ennemis de la révolution et ils sont morts. Je crois que c'est le genre de principe que nous ne voulons pas voir adopter au Canada. La situation qui nous intéresse ici est beaucoup moins grave, par comparaison; nous n'allons pas exécuter ces gens. Mais nous allons révoquer leur statut d'organisme de bienfaisance et je crois qu'il devrait y avoir une définition très précise de ce qui constitue du terrorisme.

Je voulais que cela figure au compte rendu, monsieur le président. Je ne sais pas si les témoins veulent répondre à cela. Ils en ont en fait déjà parlé et ils soutiennent que cela n'est pas possible. Je dis que je pense que cela devrait être possible.

Le président: Vous voulez peut-être préciser cet aspect.

M. Bill McCloskey: Je suis désolé, je vous ai peut-être mal compris. Parliez-vous d'organisme de bienfaisance ou de terrorisme?

M. Ken Epp: De terrorisme. Excusez-moi, est-ce que j'ai parlé d'«organisme de bienfaisance»? Toutes mes excuses.

M. Paul Kennedy: Nous avons écouté vos commentaires. Nous allons essayer de vous fournir d'autres documents qui répondront à votre préoccupation.

Il ne faudrait pas toutefois oublier une chose, c'est qu'au Canada, nous avons une Charte des droits et des libertés. Cette charte fixe des balises qui répondent sans doute à la plupart des difficultés que vos ancêtres ont connues en termes de liberté d'association, de liberté de parole, de liberté de réunion et de liberté à l'égard des fouilles et des perquisitions.

Nous ne parlons pas ici de dissidence, de manifestation ou de défense d'intérêt, lorsque cela respecte la loi. C'est là l'essence même de la démocratie. J'ai essayé de regrouper les causes par thème, et peut-être que les causes que nous allons vous communiquer vous montreront que nous examinons tout cela à partir de grandes catégories, l'utilisation de la violence contre les personnes ou les biens pour atteindre des objectifs qui peuvent être politiques, religieux, raciaux, ou autres, mais nous espérons que cela va déboucher sur un jugement qui ne semblera pas être arbitraire, et de toute façon, cette décision sera soumise aux tribunaux.

• 1730

C'est l'autre aspect, quelle que soit la décision des ministres, il faut que deux ministres arrivent à la même conclusion de façon indépendante, et il y a aussi une juridiction qui va examiner le dossier. Si quelqu'un agit de façon trop désinvolte dans ce genre de cas, il y aura certainement des conséquences parce que cette personne sera obligée de rendre compte publiquement de ses actes. Le juge va examiner la décision et déterminer si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon judicieuse.

Nous sommes toutefois sensibles à vos préoccupations. Si nous pouvons obtenir d'autres renseignements susceptibles de faciliter vos délibérations, nous le ferons.

M. Ken Epp: Très bien. J'en ai encore une et ce sera la dernière.

Le président: Allez-y.

M. Ken Epp: La question de l'appel me préoccupe également. Nous avons une hiérarchie judiciaire dans ce pays, tant sur le plan civil que pénal, de sorte que, si une juridiction d'un certain niveau prononce un jugement, celui-ci peut faire l'objet d'un appel. Le fait qu'il n'y ait aucun recours dans ce cas-ci me préoccupe beaucoup, en particulier...pensons à un organisme de bienfaisance qu'on accuserait à tort d'entretenir des rapports avec le terrorisme et dont on révoquerait le statut.

Si, en fait les membres de cet organisme étaient innocents, nous devrions avoir un mécanisme au Canada permettant de reconnaître leur innocence et de les libérer. Cela m'inquiète beaucoup. En ce moment, si je comprends bien ce projet de loi, ce mécanisme débouche sur une décision définitive.

Je crois que si l'on veut protéger les organismes de bienfaisance qui méritent ce titre contre de fausses accusations, nous devrions avoir un mécanisme d'appel. Si j'étais membre d'un tel organisme et que vous m'accusiez d'avoir des liens avec le terrorisme, je n'aurais aucune hésitation à porter la chose devant les tribunaux, que cela soit public ou non. Je voudrais que le projet prévoie l'obligation d'établir qu'il existe bien un rapport avec le terrorisme. Je ne peux imaginer, si je suis innocent, comment il pourrait y avoir un danger pour la sécurité ou une menace pour la sécurité du Canada.

M. Bill McCloskey: Je pourrais peut-être signaler que le certificat n'est valide que trois ans, en fait, et que le gouvernement doit alors recommencer la procédure...eh bien, l'organisme devrait présenter une nouvelle demande. Mais pendant cette période de trois ans, l'organisme pourrait toujours s'adresser aux ministres pour dire que les circonstances ont changé et qu'il y a lieu de réviser le certificat. Le projet de loi fixe des délais dans lesquels les ministres doivent répondre à une telle demande. Il y a donc dans un sens un appel après la délivrance d'un certificat.

M. Paul Kennedy: Si vous me permettez également...[Note de la rédaction: Inaudible]...nous avons pris une autre mesure pour essayer d'être équitable, dans le cas où un certificat est délivré, et, comme l'a dit M. McCloskey, l'enregistrement est révoqué; si l'organisme en cause s'adresse aux ministres, ces derniers ont 120 jours pour rendre une décision sur la question de savoir s'il est survenu un changement important et si ce changement indique que l'organisme ne fournit plus, directement ou indirectement, un appui financier à des activités terroristes. Si les ministres ne s'entendent pas sur la décision à prendre ou s'ils ne prononcent pas leur décision dans les 120 jours, l'organisme de bienfaisance est automatiquement enregistré et obtient gain de cause.

Nous essayons d'élaborer des mécanismes qui...il peut arriver que vous pensiez que nous avons été un peu durs dans une affaire donnée mais que dans d'autres, nous avons été durs envers nous- mêmes pour prendre une décision rapidement en vue de régler la question et par défaut, le bénéfice du doute profite à l'organisme en cause.

M. Ward Elcock: Monsieur le président, je vais revenir à ce qu'a dit Paul, et il serait bon, je crois, de le mentionner à nouveau ici. Dans ce cas, le ministre a délivré un certificat. Ce certificat est soumis au juge et le juge se prononce en fonction des faits de l'affaire. De sorte que tous les organismes de bienfaisance qui seraient accusés d'avoir appuyé financièrement une organisation terroriste auront l'occasion d'être entendus par une juridiction.

Comme M. Kennedy l'a dit tout à l'heure, dans le cas de la Loi sur l'immigration, il y a eu toute une série d'appels interjetés par des personnes que l'on tentait d'expulser du Canada conformément aux dispositions de cette loi. Ils n'ont pas interjeté appel sur les faits, ce qu'ils auraient beaucoup de mal à faire, parce que les juridictions supérieures hésitent beaucoup à infirmer une décision à cause des faits; elles ne le font pratiquement jamais; elles annulent une décision lorsque celle-ci est contraire au droit. Avec la Loi sur l'immigration, et je crois qu'il en ira de même dans ce cas-ci, il y aura toute une série d'appels sur des questions juridiques, par exemple, le respect de la charte, la conformité de la décision avec les libertés et les droits fondamentaux. Il y a des appels et ce seront des appels sur des questions de droit et non pas sur des questions de fait, qu'il serait de toute façon très difficile à obtenir.

M. Ken Epp: Malheureusement, au Canada, nous avons officiellement condamné à l'emprisonnement à vie un certain nombre de personnes, en nous fondant sur les faits, et ces personnes ont par la suite été innocentées. J'en resterai là.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.

Monsieur Kennedy.

M. Paul Kennedy: Puis-je apporter une correction pour le compte rendu. Un de mes collègues m'a passé une note. Je ne voudrais pas vous laisser sur une fausse impression. Lorsque j'ai indiqué que nous avions 120 jours pour répondre, le défaut de répondre avant l'expiration de cette période veut dire que le certificat est révoqué. Il faut alors demander un nouveau certificat. Je tenais simplement à apporter cette correction pour le compte rendu.

• 1735

Merci.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Comme vous l'avez sans doute remarqué, cette question soulève beaucoup d'intérêt. Tout le monde voulait poser une question. Vous pouvez donc vous attendre à revenir devant le comité pour préciser certaines questions qui ont été soulevées.

Je tiens cependant à vous remercier au nom du comité. Je crois que vous avez tenté d'éclaircir certaines choses mais il reste un bon nombre de questions sans réponse et j'attends avec beaucoup d'intérêt les documents que vous nous avez promis. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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