HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 mars 2001
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)): Bonjour, tout le monde.
Nous allons commencer nos audiences sur le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche).
Je voudrais tout d'abord m'excuser du délai auprès des témoins. On va s'assurer que ça n'arrivera plus. Malheureusement, ce matin, il y a eu des contretemps.
Nous recevons sept groupes de témoins ce matin. On va procéder de la façon suivante: pour la première heure, on va recevoir un premier groupe de quatre et après cela, à 12 h 30, on va recevoir un groupe de trois.
Il y aura également un lunch qui sera servi étant donné qu'on devrait être ici un peu plus tard et se rapprocher de la période de questions. Donc, tout le monde pourra manger.
Parmi les groupes que nous recevons aujourd'hui, il y a: M. Alain Jalbert de la Coalition chômage, section Manicouagan; MM. Valois Pelletier et Michel Bérubé du Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi (Baie-Comeau, Rivière-St-François); MM. Yves St-Pierre et Luc Bourassa du Mouvement Action-chômage de Trois-Rivières, ainsi que M. Rick Clarke de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. Soyez les bienvenus.
Les témoins feront une présentation d'environ cinq minutes et par la suite, tous les députés, de chaque côté de la table, poseront des questions à tour de rôle. On a environ cinq minutes pour poser la question et y répondre.
Je serai peut-être appelée à vous interrompre à un certain moment donné, car on va tenter de respecter le temps le plus possible afin de donner à tout le monde la chance de poser des questions. Je m'en excuse au départ.
Il y aura un premier tour de questions. Certains députés auront peut-être des questions au deuxième tour ou lorsqu'on recevra le deuxième groupe, à moins que certains députés ne veuillent partager la période de questions.
Nous commençons par M. Alain Jalbert de la Coalition chômage, section Manicouagan.
M. Michel Bérubé (porte-parole, Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi (Baie-Comeau, Rivière-St-François)): Madame la présidente, étant donné que la situation sur la Côte-Nord est similaire, on va déposer un mémoire aux noms de M. Pelletier et de M. Jalbert. C'est moi qui en ferai la lecture, mais les questions pourront être posées aux trois personnes.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): C'est parfait. Merci, monsieur Bérubé.
M. Michel Bérubé: Merci, madame la présidente.
Le Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi est composé de syndicats, de membres de MRC, de groupes populaires, de communautés autochtones, d'employeurs et de travailleurs. Il s'est formé pour s'opposer aux dernières modifications des régions économiques de l'assurance-emploi.
Le gouvernement a déposé le projet de loi C-2 pour réduire l'impact des mesures apportées en 1997. Ce demi-aveu nous semble insuffisant et, dans notre exposé, nous essaierons de vous démontrer la nécessité de réformer en profondeur la Loi sur l'assurance-emploi.
L'accessibilité du régime: les dernières modifications à la Loi sur l'assurance-emploi ont eu des impacts majeurs sur les prestataires de ce programme. De plus, les objectifs n'ont pas été atteints, à l'exception d'un. Le gouvernement voulait économiser sur le dos du chômeur. Maintenant que cela a été réalisé au-delà des surplus nécessaires pour les besoins d'une récession, il est plus que temps d'adapter le régime aux réalités du marché du travail.
Un problème inadapté aux nouvelles réalités: un des objectifs de la réforme de l'assurance-emploi de 1997 était d'adapter le régime aux nouvelles réalités du marché du travail. Cette citation de M. Pierre Pettigrew en fait d'ailleurs état:
-
Les objectifs de la réforme de
l'assurance-emploi étaient de réduire les coûts et de
moderniser le régime pour mieux tenir compte des
réalités sociales et économiques avec lesquelles
doivent composer tous les Canadiens.
L'effet contraire a été observé et cela était prévisible.
L'oubli des travailleurs indépendants: selon les données de Statistique Canada, la proportion des travailleurs indépendants par rapport à l'emploi total était de 12 p. 100 en 1976. Dans le rapport de la Commission de l'assurance-emploi, il est dit que de 1995-1996 à 1998-1999, la proportion des travailleurs indépendants est passée de 16 à 18 p. 100. C'est une couche de la société qui n'a pas été touchée. Un des éléments importants, par exemple, c'est qu'un pêcheur propriétaire a droit à l'assurance-chômage, ce qui n'est pas le cas d'un travailleur indépendant dans d'autres secteurs.
L'assurance-emploi, une injustice faite aux étudiants: la Loi sur l'assurance-emploi n'encourage pas du tout les étudiants, au contraire. Comme on le sait, de plus en plus d'étudiants travaillent à temps partiel et à temps plein, l'été, pour financer leurs études. Ils paient des cotisations sans toutefois pouvoir bénéficier du régime.
Vous comprendrez que je ne lirai pas le texte intégralement. C'est une question de temps.
Les travailleurs précaires: les travailleurs précaires sont actuellement pénalisés par plusieurs règles de l'assurance-emploi. Alors que ces travailleurs sont déjà dans une situation précaire, le régime actuel vient les pénaliser par la règle d'intensité. On comprend que le projet de loi veut augmenter la règle d'intensité à 55 p. 100, mais on trouve cela insuffisant et on dit que cela devrait revenir à 60 p. 100, comme c'était le cas dans l'ancien système.
Les jeunes aussi se trouvent pénalisés par des règles d'admissibilité de plus en plus discriminatoires car on a changé le système de semaines assurables en système d'heures assurables. Malgré ce que les gens du gouvernement disent, le système d'heures est pénalisant. Par exemple, un étudiant qui travaillerait 17 heures par semaine pendant 52 semaines n'aurait même pas droit à l'assurance-chômage, pas plus qu'une autre personne. Même s'il travaillait 17 heures par semaine, il n'aurait pas suffisamment d'heures pour être admissible à l'assurance-chômage.
On parle du retour au travail des mères. Effectivement, il y a un changement dans le projet de loi, mais cela ne tient pas compte d'une mère qui voudrait retourner au travail à temps partiel. Elle n'aurait pas le même accès, même après deux ou six ans, si elle devait débuter à temps partiel. Par exemple, c'est le cas pour des régions comme la Côte-Nord où dans trois ans, il faudra 525 heures de travail.
Un régime déconnecté des réalités sociales des travailleurs: le nombre de prestataires d'assurance-emploi a été réduit de façon radicale. Entre 1996 et 1999, le nombre de chômeurs diminuait de 17,2 p. 100, alors que le nombre de prestataires ordinaires chutait de 27,7 p. 100. Entre 1993 et 1999, le nombre de chômeurs diminuait de 28 p. 100, alors que les prestations ordinaires s'effondrait à 52,4 p. 100.
Les prestations spéciales: les articles de la Loi sur l'assurance-emploi concernant la maternité sont discriminatoires. Pour avoir droit aux prestations de maternité ou aux prestations parentales, il fallait précédemment 700 heures. Depuis le 31 décembre, il faut 600 heures, sauf que pour un chômeur régulier, il faut seulement 420 heures. On trouve cela encore discriminatoire pour les femmes qui sont en congé de maternité.
La non-indexation: quand on est passé de l'assurance-chômage à l'assurance-emploi, les prestations maximales ont été gelées. Chaque année, les prestations maximales n'ont pas, par conséquent, été indexées. On remarque d'ailleurs que la moyenne des prestations hebdomadaires a augmenté à un rythme inférieur au taux d'inflation. C'est donc dire que ceux qui recevaient le maximum de prestations n'ont pu augmenter leurs prestations pour compenser l'inflation. Cela nous fait dire que le véritable objectif de la réforme était de faire des économies.
• 1135
Des changements insuffisants dans le projet de loi
C-2: que reste-t-il de la réforme de 1997? Il en reste
tous les éléments discriminatoires et injustes comme
ceux-ci.
Le régime fondé sur des heures: d'abord, les statistiques démontrent que le nombre de prestataires admissibles a diminué depuis 1997. Aujourd'hui, comme je le disais tout à l'heure, un nouvel arrivant pourrait travailler jusqu'à 17 heures par semaine sans jamais être admissible à l'assurance-emploi. Le comité suggère de revenir à l'ancien système ou de diminuer le nombre d'heures d'admissibilité pour tous les prestataires, soit de revenir à une espèce de régime universel.
La règle du dénominateur: les paiements d'assurance-emploi sont fondés sur le revenu gagné pendant six mois. Ce système avantage encore le gouvernement, car selon cette règle, les prestataires sont qualifiés sur les 52 dernières semaines, mais leurs prestations sont calculées sur les 26 dernières semaines.
Voici le cas d'un prestataire qui aurait travaillé 380 heures pendant la première partie de l'année et 40 heures durant la deuxième partie de l'année, soit les 26 semaines restantes. Il recevrait 15,71 $ dollars par semaine en vertu de ce régime, car on calculerait ses prestations d'assurance-emploi sur 40 heures.
Le comité suggère qu'on revienne à l'ancien régime et qu'on calcule les prestations sur les 52 dernières semaines, ce qui serait plus juste pour le prestataire.
Le redécoupage des régions économiques de l'assurance-emploi a été, dans notre région, dramatique. En vertu du règlement, les limites des régions économiques de l'assurance-emploi devraient être révisées au moins à tous les cinq ans. Le dernier examen date de 2000.
Selon le gouvernement fédéral, cette révision est requise pour que les régions économiques de l'assurance-emploi reflètent la situation du marché du travail, autrement dit pour que les gens qui vivent dans les régions à taux de chômage élevé obtiennent du régime l'aide dont ils ont besoin. Ce règlement s'applique très mal dans les régions éloignées, comme dans les comtés de Charlevoix et de Manicouagan.
Nous retrouvons des taux de chômage plus bas dans les principales villes, mais dans la majorité des petits villages, le taux de chômage est extrêmement élevé, et dans les communautés autochtones, on parle de 50 p. 100. Ces dernières ne font même pas partie des statistiques pour calculer le taux de chômage, ce qui a pour effet de désavantager ces individus en les qualifiant dans un échantillon qui ne reflète en rien la situation du marché du travail.
Un autre exemple incohérent de ce règlement: un travailleur saisonnier dans le domaine touristique demeurant et travaillant à Baie-Comeau serait défavorisé comparativement à un travailleur saisonnier qui travaillerait à Baie-Comeau mais demeurerait à Blanc-Sablon, parce qu'il ne fait pas partie de la même région économique.
Le comité suggère l'abolition des régions économiques et la mise en place d'un système basé sur l'individu et non sur des éléments aléatoires, comme un territoire de Statistique Canada.
Des principes de regroupement inutiles: des facteurs sont utilisés pour déterminer les régions économiques, tel que l'homogénéité du marché du travail, les régions qui doivent être limitrophes—sauf dans le cas des îles—les indicateurs comme les heures travaillées, les semaines payables.
Le passé démontre que ces principes sont très aléatoires et ne tiennent pas compte des caractéristiques de chaque secteur d'emploi et des différences importantes qui caractérisent les régions comme la Côte-Nord et le Charlevoix traditionnel.
Après une rencontre tenue à Baie-Comeau avec l'actuaire en chef, M. Michel Bédard, nous lui avons fait la démonstration que la nouvelle région économique Bas-Saint-Laurent—Côte-Nord ne respectait en aucun point les facteurs établis par son ministère. La réponse de M. Bédard fut stupéfiante: il nous a dit que ces facteurs ne sont que des guides et qu'ils ne sont pas tenus de les suivre.
Dans ce contexte, il nous apparaît évident que cette façon de faire n'a qu'un objectif, celui de diminuer les prestations versées et ainsi remplir les caisses de l'assurance-emploi.
En guise de conclusion, madame la présidente, nous pensons fortement que le régime devrait être basé sur l'individu et non sur les régions, et qu'un système adéquat permettrait de contrôler naturellement les abus en s'assurant que ceux qui demeurent dans les régions à bas de taux de chômage retournent au travail plus rapidement que ceux qui demeurent dans des régions ou des MRC où le taux de chômage est plus élevé.
Un tel système aurait le mérite d'être égal pour tout le monde et de permettre aux individus qui paient la majorité des cotisations d'avoir une vraie couverture partout au pays.
De plus, nous proposons que la caisse d'assurance-emploi soit indépendante et ne serve que pour les fins auxquelles elle est destinée. Cela permettrait d'avoir une couverture d'assurance-emploi axée sur les vrais besoins des individus et non sur ceux du ministère des Finances.
En terminant, madame la présidente, les mesures proposées dans le projet de loi C-2 auront pour effet de corriger seulement une infime partie des erreurs avouées par le gouvernement et de légaliser la prise de contrôle de l'argent qui appartient aux chômeurs et chômeuses.
Merci beaucoup.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Bérubé.
Maintenant, la parole est à MM. Yves St-Pierre et Luc Bourassa du Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières. Bienvenue.
M. Yves St-Pierre (coordonnateur, Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières): Le Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières est un organisme communautaire qui a pour objectif principal la défense des droits des chômeurs et des chômeuses de la région de la Mauricie, ce qui comprend les circonscriptions électorales de Trois-Rivières, évidement, de Champlain et celle, importante, de Saint-Maurice.
• 1140
Pour nous, il est clair que les modifications à
l'assurance-emploi doivent s'inscrire dans la logique
voulant qu'il faut faire plus avec plus.
Souvent, au cours des
dernières années, on nous a habitués au discours du
«faire plus avec moins» parce qu'on n'avait plus les
moyens étant donné les compressions gouvernementales.
Il est clair que dans la caisse d'assurance-emploi—il
y a une caisse d'assurance-emploi et on y
reviendra—il y a suffisamment d'argent pour faire
plus pour les chômeurs et les chômeuses et pour assurer
une meilleure couverture quant à l'admissibilité, quant
au niveau des prestations et quant à leur durée.
Je me permettrai de vous rappeler qu'actuellement, le surplus de la caisse s'élève à environ 38 milliards de dollars et que, dans les dispositions budgétaires de ce qu'on a appelé le mini-budget Martin du 18 octobre 2000, le ministre prévoit engranger des surplus de l'ordre de 35 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années grâce à la caisse d'assurance-emploi.
Ces surplus-là, grosso modo, représentent 60 p. 100 de l'ensemble des surplus gouvernementaux au Canada. Donc, selon nous, il est très clair que si on décide de prendre ces sommes d'argent pour les attribuer à d'autres fins, baisses d'impôt ou autres... Ce n'est pas tout le monde qui paie pour cela au Canada, ce n'est pas tout le monde qui va contribuer à cela. Il y a une catégorie particulière de gens qui va y contribuer et ce sont les chômeurs et les chômeuses qui vont le faire.
Pour nous, le projet de loi C-2 est nécessaire mais injustifiable. Il est nécessaire parce que des modifications sont éminemment nécessaires et que dans le train des modifications proposées, certaines se doivent d'être apportées, par exemple la règle d'intensité et la récupération fiscale. Mais il est injustifiable parce qu'il ne va pas suffisamment loin. Entre autres, le principal problème selon nous, c'est toute la question de l'admissibilité aux prestations.
Sur ce dernier point, le changement apporté par le projet de loi est extrêmement limité. Tout ce qu'on y dit, c'est que les personnes qui auront reçu des prestations parentales au cours des cinq dernières années pourraient être considérées comme des prestataires ordinaires, quand elles auront à nouveau à toucher de l'assurance-emploi, et non plus comme de nouveaux prestataires. Donc, il ne leur faudra pas 910 heures, mais entre 420 et 700 heures, selon le taux de chômage de leur région.
Or, il faut savoir que dorénavant, pour être considéré comme un prestataire ordinaire, il faudra premièrement avoir reçu ces prestations-là, et les gens qui ont droit à ces prestations, depuis la réforme de 1996, sont en nombre limité puisqu'on a doublé la norme actuelle d'admissibilité de ces personnes. Elle est passée de 300 heures, ce qu'on exigeait auparavant, à 600 heures. Donc, la mesure est peu significative pour nous.
Pour nous, ce qui est important concernant l'admissibilité, c'est de faire sauter tout simplement la catégorie des nouveaux arrivants. Qui sont ces nouveaux arrivants? Ce sont principalement les femmes qui, après s'être retirées du marché du travail pour prendre soin des enfants, le réintègrent. Ce sont aussi les femmes en général parce qu'elles se situent dans les catégories des emplois précaires sur le marché du travail. Ce sont les jeunes qui tentent de s'insérer dans le marché du travail et qui, eux aussi, occupent des emplois précaires. À ces gens-là, on dit tout simplement qu'on leur met la barre plus haute. On leur demande 910 heures et donc on les exclut du régime d'assurance-emploi alors que, selon nous, il est important de les inclure. La façon de le faire serait d'appliquer la même norme d'admissibilité à tous.
L'autre élément qui touche l'admissibilité serait que le gouvernement fédéral fasse des modifications substantielles pour augmenter l'admissibilité, des modifications qui fassent sauter la règle des nouveaux arrivants et augmentent l'admissibilité en général.
Nous avons un tableau qui montre que dans notre région de Trois-Rivières, par exemple, quand une personne perdait son emploi en 1989, elle avait droit à des prestations dans 97 p. 100 des cas. Les dernières données obtenues de Statistique Canada, celles de 1997, révèlent que ce pourcentage est tombé à 34 p. 100. Donc, il est clair que c'est nettement trop bas et qu'il faut accroître l'accessibilité du régime.
• 1145
L'autre élément qu'aborde notre mémoire, c'est qu'il
semble que le gouvernement canadien, à l'heure
actuelle, veuille faire des modifications mineures.
Nous sommes loin d'être sûrs qu'il y aura des
modifications significatives. S'il veut s'en
tenir à des modifications mineures, on s'est dit
qu'on lui présenterait celles qui régleraient certains
irritants extrêmement importants pour les personnes qui
ont à vivre ces situations, et qui les régleraient à
faible coût. Nous avons donc ciblé les
irritants qu'on voit surgir le plus fréquemment à nos
bureaux.
Le premier de ces irritants, c'est l'assurabilité des travailleurs en milieu agricole et en horticulture. Dans les mesures de 1996, tous les prestataires sont assurés dès la première heure où ils travaillent, sauf les travailleurs agricoles. Si quelqu'un travaille en agriculture ou en horticulture, il faut qu'il soit à l'emploi du même employeur pendant sept jours avant qu'une heure soit considérée assurable. Pour n'importe quel autre travailleur, la première heure compte. Pour quelqu'un qui travaille dans un dépanneur pendant trois heures, la première compte. On ne lui demande pas de travailler pendant sept jours chez ce même dépanneur. Quelqu'un qui travaille sur une ferme doit y travailler pendant sept jours, sinon les heures faites ne comptent pas.
Il y a donc là de la discrimination caractérisée. Or, les gens ne comprennent pas cela. Ils arrivent à nos bureaux en disant qu'ils ont travaillé sur une ferme et qu'on leur a dit que leurs heures n'étaient pas assurables. «Comment ça?», disent-ils. Je vous demande donc d'expliquer à ces gens-là pourquoi ils font l'objet de discrimination, pourquoi ils sont visés particulièrement dans la loi. Nous, nous ne comprenons pas.
L'autre élément qui est abordé, c'est ce que stipule le fameux paragraphe 19(3) dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Que dit-il? Autrefois, on demandait aux gens de déclarer un montant sur leur carte et on leur disait que s'ils se trompaient, on leur réclamerait ce montant s'ils recevaient des prestations au cours de cette semaine. Le paragraphe 19(3) établit une période d'emploi. Si tu t'es trompé pour une semaine pendant laquelle tu n'as pas reçu de prestation, on te réclamera ce montant pour une semaine où tu as touché des prestations.
Donc, les gens se demandent comment il se fait que, parce qu'ils se sont trompés d'une semaine pour laquelle ils n'ont pas touché de prestation, on vient leur réclamer de l'argent pendant les semaines où ils ont droit aux prestations. On établit une période d'emploi. Les gens ne reçoivent pas de prestations sur une période d'emploi; ils les reçoivent pour des semaines précises et ils s'attendent à ce que, si on leur réclame des sommes, ce soit pour des semaines précises.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse de vous interrompre, monsieur St-Pierre, mais vous serait-il possible de conclure? Le temps semble épuisé.
M. Yves St-Pierre: Je vais parler très rapidement des deux ou trois derniers points.
Prenons le cas des enseignants. Un autre article veut que les enseignants n'aient pas droit à des prestations pour les périodes de congé. En résultat, les enseignants ont droit aux prestations quand ce n'est pas pendant les périodes de congé. Pendant les vacances de Noël, ils se voient couper leurs prestations. Pour nous, c'est inconcevable.
La région économique: nous avons un problème important parce qu'en 1996, on a artificiellement joint la Mauricie au Centre du Québec, ce qui a fait baisser le taux de chômage, entre autres dans la circonscription du premier ministre. Les gens de cette région sont donc pénalisés.
Le dernier élément qu'on veut souligner, c'est que tout au long de la campagne électorale, lors de la tournée des candidats, les libéraux nous ont dit—et cela se retrouve dans un communiqué gouvernemental cité dans notre mémoire—qu'il n'existait aucun compte particulier qui contienne un surplus. Nous voulons dire au ministre des Finances qu'il existe bien un compte à part. La Loi sur l'assurance-emploi, aux articles 71 à 80, le prévoit et prévoit que le ministre doit payer des intérêts sur le montant qui y apparaît. On lui demande tout simplement de se conformer à la loi.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup, monsieur St-Pierre.
Nous entendrons maintenant M. Clarke, de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
M. Rick Clarke (président, Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse): Merci, madame la présidente.
Au début du mois, le CTC a comparu devant votre comité. Nous dépendons directement du Congrès du travail, en tant que fédération du travail. Nous représentons quelque 70 000 travailleurs et leurs familles, en Nouvelle-Écosse.
En outre, nous travaillons en collaboration étroite avec des organismes communautaires et le réseau de lutte contre la pauvreté. Vous constaterez donc que les opinions et préoccupations que nous mettons de l'avant au nom de la fédération reflètent clairement celles de plusieurs dizaines de milliers d'habitants de la Nouvelle-Écosse qui ne sont affiliés à aucun syndicat, et dont un grand nombre ont du mal à trouver un emploi tandis que les autres font partie des travailleurs pauvres.
Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité pour donner notre avis et faire part de nos préoccupations relatives au projet de loi C-2. Je dois dire d'entrée de jeu que nous sommes très déçus de voir que ce projet de loi est loin de répondre aux besoins, qu'il s'agisse de moderniser le régime d'assurance-emploi de notre pays ou de corriger certaines erreurs du passé dues aux gouvernements antérieurs.
Comme je l'ai dit, nous faisons partie du Congrès du travail du Canada et à ce titre, nous appuyons les observations et les recommandations faites par cet organisme. Toutefois, nous présentons une optique plus régionale ou provinciale de la position énoncée le 1er mars dernier.
• 1150
Je manquerais à mon devoir si je ne commençais pas par vous
faire part de la colère que nous éprouvons en constatant le nombre
d'abus dont fait l'objet la caisse d'assurance-emploi. Les fonds
recueillis dans cette caisse proviennent des cotisations versées
par les travailleurs dans un programme d'assurance pour avoir une
protection lorsqu'ils perdent un emploi. Le programme est censé
profiter au même titre à l'employeur et au travailleur, ce dernier
ayant droit à des prestations entre deux emplois et le premier
étant en mesure de conserver ses effectifs pendant de brèves
périodes de mises à pied, comme cela se fait souvent dans les
secteurs d'activité saisonniers ou cycliques.
Il semble utile de rappeler au gouvernement qu'une cotisation d'assurance n'est pas un impôt, car il a l'air de l'avoir oublié. Utiliser la caisse d'assurance-emploi pour réduire le déficit et financer d'autres dépenses générales, c'est s'écarter du principe et de l'objet de ce régime d'assurance et de sa caisse. Les chômeurs du pays ont été les vraies victimes de la guerre au déficit menée par le gouvernement, lequel a réduit son déficit aux dépens des chômeurs. En raison de cet emploi abusif des fonds—et en général, je n'approuve pas l'expression «charge sociale»—le gouvernement a fait de ces cotisations d'assurance une sorte de charge sociale. Les employeurs sont assujettis à un impôt supplémentaire pour fournir de l'emploi et les travailleurs sont imposés pour travailler. D'autres ont parlé de l'emploi abusif de ces fonds. Ce n'est pas à cette fin que cet argent est destiné et ce n'est pas un impôt équitable, si vous voulez.
J'ai parlé des erreurs du passé et de nos inquiétudes, et nous sommes également préoccupés par les véritables conséquences que cela a eues. Lorsqu'on considère la pauvreté dans notre pays, qui représente toujours une crise et une honte nationales, l'un des facteurs qui a contribué, entre autres, à cette situation, selon les données de Statistique Canada et d'autres, est l'effet des coupures sévères effectuées dans le programme d'assurance-emploi. En Nouvelle-Écosse uniquement, en sept petites années, nous avons perdu 2 milliards de dollars dont auraient dû profiter les chômeurs. Ces 2 milliards ne sont pas réinvestis dans l'économie.
Cela représente également un coût direct pour les contribuables dans la mesure où les travailleurs qui n'ont plus droit aux prestations ou qui ont droit à des prestations réduites qui ne leur permettent pas de subvenir aux besoins de leurs familles doivent se tourner vers l'aide sociale et le bien-être, ce qui accroît encore les pressions sur une assiette fiscale déjà mise à rude épreuve.
Avant de poursuivre, j'aimerais traiter, comme d'autres l'ont fait, de la question du prétendu excédent. Il ne s'agit pas du tout d'un excédent. Il s'agit de l'accumulation de prestations non payées pour lesquelles les travailleurs et les employeurs ont versé des cotisations. Cet argent devrait servir à aider les travailleurs au chômage.
Le projet de loi comporte quelques dispositions que nous appuyons. J'ai inclus à notre mémoire le résumé des délibérations ainsi que les recommandations du Congrès. Nous appuyons l'élimination de la règle de l'intensité ainsi que de la disposition de récupération. Nous appuyons la proposition voulant que l'exemption de 30 p. 100 prévue dans le cas des prestations spéciales s'applique également aux prestations régulières. Nous appuyons cette proposition sachant très bien qu'il est peu probable que qui ce soit en profite en Nouvelle-Écosse ou dans la région de l'Atlantique étant donné que la récupération des prestations a surtout eu lieu en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique et au Québec. Il faut cependant être juste envers tous et nous convenons que la disposition portant sur la récupération des prestations doit être supprimé.
Parlons maintenant des lacunes du projet de loi. Il ne fait rien pour remédier à la crise humaine qui résulte de l'action ou de l'inaction du gouvernement. En effet, plus de deux tiers des travailleurs au chômage ne touchent de prestations.
Notre mémoire contient des statistiques montrant l'incidence du régime en Nouvelle-Écosse dans chaque circonscription ainsi que pour l'ensemble de la région de l'Atlantique. Ces statistiques montrent clairement les graves conséquences pour les chômeurs de notre province de la règle de l'intensité et des modifications apportées en 1996 aux critères d'admissibilité.
Nous aimerions aussi dire publiquement que nous appuyons la recommandation faite par le Congrès au comité et qui porte sur l'élimination de la règle des 910 heures, qui permettrait à des milliers de chômeurs de plus qui ont quitté la population active pendant plus d'un an de redevenir admissibles à des prestations.
• 1155
Nous appuyons aussi la recommandation voulant que la formule
sur l'intérêt variable soit remplacée par une formule uniforme de
360 heures ainsi qu'une période de prestations plus longue. Ces
changements progressistes permettront de corriger certaines
injustices causées ainsi que certaines lacunes du régime et
contribueront à sa modernisation. Ces mesures aideront les chômeurs
de ce pays qui ne sont pas admissibles aux prestations et dont le
nombre dépasse maintenant le million.
L'une des questions qui n'est pas abordée dans le projet de loi et qui devra certainement être abordée si nous voulons moderniser le régime, c'est la croissance exponentielle dans ce pays des emplois non traditionnels: emplois à temps partiel, emplois contractuels, affectations sur appel et travail autonome.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je vous demanderais de bien vouloir conclure parce que vous avez dépassé le temps imparti.
M. Rick Clarke: Je vais conclure aussi rapidement que possible, madame la présidente.
Ces emplois sont de plus en plus fréquents. Nous ne pouvons pas simplement nous préoccuper des emplois traditionnels et des emplois saisonniers. Il y a aussi le cas des nouvelles industries et des nouvelles technologies. On profite des travailleurs dans ces domaines, dont la vaste majorité sont des femmes, en leur offrant du travail à temps partiel. De plus en plus de femmes ne sont donc pas admissibles aux prestations.
Si nous souhaitons moderniser le régime, nous devrions faire en sorte qu'il s'applique à au moins 70 p. 100 des chômeurs qui toucheraient les deux tiers de leurs revenus moyens.
Je vais maintenant résumer notre position sur le dernier point que je voulais aborder. Nous nous opposons catégoriquement à ce qu'on confère au ministre des pouvoirs qui relèvent actuellement de la Commission de l'assurance-emploi du Canada, notamment celui d'établir les cotisations. Nous estimons que l'intégrité du régime exige qu'il soit géré de façon autonome. Enfin, nous devrions constituer un fonds en fiducie à la gestion duquel participeraient largement les intervenants. Il s'agirait, si je peux m'exprimer ainsi, de dépolitiser l'assurance-emploi.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à la période de questions. Je vous rappelle que chacun n'aura l'occasion de parler qu'une seule fois et que la période de questions et réponses est divisée en blocs de cinq minutes. Je vous demande donc d'être assez concis.
Nous commençons par Mme Val Meredith, suivie de M. Joe Mcguire, de M. Yves Rocheleau et de Mme Raymonde Folco.
[Traduction]
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier chacun d'entre vous de comparaître devant le comité et de nous faire part de vos réflexions sur ce projet de loi.
J'aimerais poser ma première question à M. Yves St-Pierre. Vous avez parlé des jeunes qui ne sont pas admissibles. Nous avons entendu des témoins nous dire qu'ils jugeaient nécessaire de briser ce qu'il considère comme le cycle des travailleurs saisonniers—c'est-à-dire des personnes qui entrent sur un marché du travail qui est déjà surpeuplé et qui ne peut pas soutenir le marché—et que les changements étaient apportés pour décourager les jeunes d'abandonner leurs études pour entrer sur un marché du travail qui est déjà surpeuplé.
Ne croyez-vous pas que ce n'est pas forcément une mauvaise chose que d'offrir aux jeunes une différente orientation?
M. Luc Bourassa (vice-président, Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières): Je crois pouvoir répondre à cette question. À notre avis, il est difficile aux jeunes d'accumuler des heures pour atteindre la norme de 910 heures, et nous estimons qu'il est très important qu'il n'y ait qu'une norme définissant le chômage... Nous ne croyons pas que ce soit une bonne idée, parce qu'il est plus difficile pour les jeunes d'avoir un emploi pendant toutes ces années. Il est aussi plus difficile pour eux d'avoir un emploi pendant le nombre de semaines, le nombre d'heures dont ils ont besoin. C'est pourquoi nous voulons une seule norme. Cette norme pourrait être de 350 ou 360 heures. Le comité fera la proposition au gouvernement, mais j'estime important que nous n'en ayons qu'une seule.
Par exemple, nous n'avons pas inclus l'exemple...
[Français]
Comment traduit-on «prestations spéciales»? Comment traduit-on «congé parental»?
[Traduction]
Mme Val Meredith: Les prestations spéciales.
M. Luc Bourassa: Nous ne les incluons pas, mais c'est la même chose pour nous. Nous n'avons besoin que d'une seule porte pour entrer...
Mme Val Meredith: Très bien, mais certains témoins ont indiqué qu'il était encore important d'encourager les jeunes à faire un choix de carrière—soit de poursuivre leurs études soit de faire un choix de carrière qui leur offre de meilleurs débouchés que le travail saisonnier. Ils estimaient que ce changement, à cause duquel il devient plus difficile pour les jeunes de faire ce choix de carrière, présentait certains avantages; que les jeunes choisissaient des carrières plus permanentes ou de faire des études qui débouchaient sur des carrières débouchant sur des carrières plus permanentes. Êtes-vous du même avis?
M. Luc Bourassa: Je pense que ce serait bien de pouvoir dire aux jeunes: «Assurez-vous d'avoir de bonnes possibilités d'études car vous aurez des problèmes avec les prestations de chômage.» C'est un grave problème car je ne crois pas que ce soit une carrière que de dépendre de l'assurance-chômage. Je ne connais personne qui choisit de recevoir des prestations. Ce n'est pas un choix; c'est simplement une réalité malheureuse. C'est tout.
[Français]
Je ne connais personne qui choisit de recevoir des prestations. Les chômeurs de notre région se posent trois questions fondamentales.
La première question que se posent les gens est de savoir s'ils ont droit aux prestations. La deuxième est de savoir quel est le montant de ces prestations. La réponse du projet de loi C-2 est qu'il y aura une augmentation de 55 $. C'est ce que les gens ont compris, et le gouvernement sait très bien que les gens ont compris cela et il s'est fait du capital politique avec cela pendant la campagne électorale. C'est la seule question à laquelle le gouvernement a répondu. Mais les gens se demandent aussi pendant combien de temps ils auront droit aux prestations. Les trois questions que se posent les gens sont donc s'ils vont recevoir des prestations, pendant combien de temps ils recevront des prestations et quel montant de prestations ils recevront.
J'ai entendu, cette semaine, des gens dire qu'il y avait un nouveau projet de loi et qu'il représentait une amélioration par rapport à la loi actuelle. J'ai répondu que les prestataires recevraient peut-être quelques dollars de plus, mais qu'ils ne recevraient rien pendant les trois ou quatre semaines de chômage qui précèdent le début de leur emploi saisonnier. Cela constitue un gros problème. La période de prestations n'est pas assez longue. Cela a été écrit dans beaucoup de mémoires. Vous l'avez sûrement entendu. Il n'y a pas assez de semaines pour boucler l'année et il est trop difficile de se qualifier. Voilà le problème de l'assurance-emploi. Il ne s'agit pas de détails, mais d'une question fondamentale.
Personne ne fait carrière en assurance-emploi. Il n'y a pas de jeunes dont le but ultime est de recevoir de l'assurance-emploi. Il est faux de prétendre le contraire. Bien sûr, la situation actuelle permet aux parents de dire à leurs enfants que, étant donné la difficulté de recevoir des prestations d'assurance-emploi, il est impérieux d'étudier. Cela est peut-être vrai, mais on vit un vrai problème lorsqu'on doit trouver un emploi qui dure suffisamment longtemps pour recevoir des prestations. Cette situation ressemble à celle où on chassait les fraudeurs et donnait de sévères amendes. Cela n'a pas donné de résultats probants.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Donc vous n'êtes pas d'accord avec les autres témoins qui considèrent que cela encourage les jeunes à rester aux études plus longtemps et à faire d'autres choix de carrière? Vous considérez que cela ne fonctionne pas?
M. Luc Bourassa: Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de leur imposer plus d'heures. Je ne suis pas en accord avec cela.
Mme Val Meredith: Très bien. Je vous remercie.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Bourassa.
Maintenant je cède la parole à Georges Farrah, suivi de Yves Rocheleau, Joe McGuire et Yvon Godin.
M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous souhaite la bienvenue au comité. C'est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons. Je pense que vous avez fait la preuve que le régime actuel crée des iniquités et des problèmes majeurs dans les régions. Je viens moi-même d'une région à ressources où le travail saisonnier est très important. On se rend compte que ce régime cause beaucoup de problèmes.
J'ai aimé votre présentation tout à l'heure. Beaucoup de gens se plaignent. Cela nous désavantage, car les gens de nos régions sont fiers et veulent y demeurer. Certains croient que les chômeurs sont des gens qui ne veulent travailler que pour recevoir des prestations le plus vite possible. Cela n'est pas vrai.
La meilleure solution aux problèmes que vivent les gens qui reçoivent de l'assurance-emploi est de créer des emplois pour que les gens puissent travailler. Mais il faut comprendre également que, entre-temps, il y a une situation difficile qui prévaut et qu'il doit y avoir un filet de sécurité sociale pour protéger ces gens. La situation n'est pas facile. Nous parlons aussi de coûts importants. Je suis un ardent défenseur de ces gens parce que je vois ce qu'ils vivent réellement.
• 1205
Notre premier mandat de député est de bien
représenter nos citoyens.
Votre situation est un exemple de ce qui se vit dans
beaucoup
de régions du Québec et du Canada.
Vous avez fait état tout à l'heure du fameux trou noir. Je ne crois pas que vous l'ayez évoqué dans vos présentations, mais c'est une réalité. Cela veut dire qu'on peut passer cinq, six ou sept semaines sans revenu. Il s'agit souvent, de plus, d'un salaire peu élevé, ce qui veut dire de faibles prestations. Il est alors impossible de mettre de l'argent de côté pour les cinq ou six semaines sans prestations, parce que, justement, il est difficile de survivre durant ces moments-là.
Je voudrais mentionner un point important. Il s'agit de l'assurabilité dans le domaine de l'horticulture et de l'agriculture. Il faut sept jours minimum de travail. Selon l'esprit de la réforme de la loi, on doit compter le nombre d'heures travaillées, ce qui offre une meilleure accessibilité. Il y avait d'ailleurs auparavant un problème fréquent pour les emplois saisonniers. Dans le domaine de la pêche, par exemple, il n'y avait parfois pas assez de poisson pour travailler plus de 20 heures semaine. Les gens ne voulaient donc pas travailler parce que cette semaine de travail de 20 heures constituait un «petit timbre», comme on disait à l'époque. En comptabilisant le temps sous forme d'heures, on a fait en sorte qu'il y ait un incitatif au travail, même si la semaine était courte. L'objectif de la réforme n'est donc pas atteint dans ces deux secteurs, parce qu'on exige sept jours de travail consécutifs.
On a entendu votre discours à maintes reprises et il reflète bien la réalité. J'aimerais vous demander quel serait le problème le plus important à régler à court terme, selon vous. On pourrait répondre qu'il faut régler tous les problèmes, mais j'aimerais savoir ce qui, selon vous, devrait constituer la priorité à court terme du gouvernement, sans perdre de vue toute la problématique globale.
M. Luc Bourassa: Nous nous consultons là-dessus. Je pense que le trou noir en est un. Il y a aussi la question de l'admissibilité. Ce sont les deux problèmes majeurs, l'admissibilité au régime et le trou noir qu'il faudrait combler par un plus grand nombre de prestations, une période de prestations plus longue et une période d'attente plus courte avant de recevoir des prestations.
J'aime l'approche d'Yves que l'on retrouve dans le document. Il s'agit d'une série de petites mesures qui ne coûtent pas cher, mais qui éliminent des irritants pour quelques personnes. Cela ne coûte pas cher au gouvernement. Beaucoup d'employés saisonniers vivent l'expérience du trou noir. De plus, il est difficile pour les jeunes et pour les femmes d'avoir accès au régime. Il est très difficile d'accumuler 910 heures.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Jalbert.
M. Alain Jalbert (conseiller régional, Coalition chômage, section Manicouagan): Pour répondre à la question de M. Farrah, en plus de l'admissibilité, je voudrais parler d'un autre sujet de préoccupation. C'est tout le marché qui nous préoccupe parce que la Côte-Nord est une région à ressources. Actuellement, les marchés des produits de la forêt et de ceux des mines se sont effondrés. Les gouvernements sont maintenant sensibles à l'arrivée des jeunes sur le marché du travail.
Il y a quelques années existait un programme pour les travailleurs âgés, le PATA, mais il a été aboli. Présentement, les entreprises de notre territoire doivent se restructurer. Certains travailleurs vont bientôt prendre leur retraite, d'ici deux, trois ou quatre ans. Si ce programme-là était en vigueur, nous pourrions faire d'une pierre deux coups, c'est-à-dire permettre d'abord à des personnes âgées de se retirer et ensuite donner l'occasion aux jeunes de joindre le marché du travail. Il m'apparaît important de remettre ce programme sur pied parce que tous les gouvernements sont sensibles à la situation des jeunes. Je pense que cela pourrait aider les jeunes à intégrer le marché du travail, tout en permettant aux personnes âgées de se retirer grâce à un programme comme le PATA.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): C'est tout le temps dont nous disposons, Georges.
Maintenant, je cède la parole à Yves Rocheleau, qui sera suivi de Joe McGuire et de Yvon Godin.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse aux gens d'Action-Chômage de Trois-Rivières. Je veux tout d'abord vous féliciter de la très grande qualité de votre document, qui est à l'image de l'excellence de tout le travail que vous faites, tant à Shawinigan qu'à Trois-Rivières, pour la défense des chômeurs de notre région, qui sont bien mal en point. Il s'agit de prendre conscience de l'effet dévastateur des modifications qui ont été apportées à l'assurance-chômage depuis quelques années. Le pourcentage de gens admissibles à l'assurance-emploi est tombé de 87 à 34 p. 100, comme vous l'avez mentionné. Cela illustre mieux que n'importe quel discours la gravité de la situation.
Ma question porte plus précisément sur quelque chose qui m'apparaît sournois, c'est-à-dire la délimitation de la région.
Si je comprends bien ce qui est écrit dans votre rapport, que vous avez eu l'amabilité de me transmettre, le bureau de la Mauricie de DRHC a recommandé de modifier la récente délimitation de la région, mais cette recommandation n'a pas été acceptée par la direction nationale de DRHC.
Cela touche le comté de Trois-Rivières, le comté du premier ministre, Saint-Maurice, et le comté de Champlain. J'aimerais que vous nous expliquiez premièrement quels sont les effets négatifs de cette décision sur les travailleurs de notre région.
Deuxièmement, vous dites qu'il y a une volonté ministérielle, donc gouvernementale de faire disparaître la notion de surplus, qui seraient noyés dans tout le reste. Vous faites quand même référence aux articles 71 à 80 de la Loi sur l'assurance-emploi qui obligent le gouvernement à utiliser deux colonnes, une pour les dépenses et une pour les revenus. Est-ce que ces articles 71 à 80 sont intacts dans le projet de loi C-2?
M. Yves St-Pierre: ...
[Note de la rédaction:Inaudible]
...division économique pour faire un bref historique.
Il y avait beaucoup d'éléments dans la réforme de 1996. Certains nous ont échappé; nous n'en avons donc pas parlé à l'époque, mais nous l'avons fait par la suite.
En fait, on a jumelé deux régions ensemble, la région de la Mauricie et celle du Centre du Québec, Drummondville, Victoriaville, etc.
Le taux de chômage en Mauricie est très élevé. Le taux de chômage dans la région de Drummondville et de Victoriaville est bas. Il y a toujours eu, au Québec, une distinction entre ces deux régions administratives, mais le projet de loi a fait en sorte qu'elles soient fusionnées. Quel effet cela a-t-il eu? Sur la rive nord, cela a baissé artificiellement le taux de chômage, parce qu'en amalgamant les deux taux de chômage, on se trouvait à baisser celui de la Mauricie, ce qui a eu pour effet d'obliger les travailleurs à accumuler environ 70 heures de travail de plus pour être admissibles à l'assurance-emploi, étant donné que la différence avec l'ancien taux de chômage était d'environ deux points de pourcentage.
Au moment où il y a eu des modifications pour la Côte-Nord, nous avons entrepris des démarches, et le bureau local de Développement des ressources humaines a envoyé un avis au ministère lui indiquant que l'on devrait rescinder les deux régions, étant donné que les profils des deux marchés du travail étaient très différents. Le ministère a choisi de les laisser tels quels.
Nous avons aussi entrepris des démarches auprès du bureau du premier ministre; nous avons la chance d'avoir un député influent dans Saint-Maurice, penserait-on. Le bureau du premier ministre nous a répondu qu'il communiquerait avec la ministre Stewart, ce qui a été fait, mais la ministre Stewart a maintenu sa décision. Selon nous, cela crée une difficulté économique supplémentaire pour notre région. Notre taux de chômage est élevé et on vient faire une nouvelle ponction significative d'argent. Si les travailleurs avaient droit à des prestations, ils dépenseraient cet argent, ce qui aiderait économiquement notre région. Notre région est doublement pénalisée. D'un côté, il y a un taux de chômage élevé, et en plus on retire de l'argent dont elle aurait besoin et dont les gens auraient besoin. Cet argent aiderait à maintenir l'emploi dans notre région.
Parlons maintenant des surplus de la caisse. Le projet de loi, tel que libellé présentement, ne touche pas à cette question. Il ne permet pas au gouvernement d'intégrer les surplus dans le Fonds consolidé du gouvernement.
• 1215
Ce qui nous inquiète davantage, c'est le discours
gouvernemental. Comme je le mentionnais dans ma
présentation, lorsqu'on a fait la tournée des candidats
à l'époque, lors de l'élection, à la fois le candidat
libéral de Trois-Rivières et la candidate libérale de
Champlain nous disaient qu'il n'y avait pas d'ancien
surplus de la caisse d'assurance-chômage et que le
compte de l'assurance-chômage n'existait pas. C'est ce
qui apparaît dans le communiqué gouvernemental cité dans
notre mémoire. C'est ce qu'on nous a dit.
Or, il y avait un problème parce que la loi prévoit un compte. Le gouvernement prend l'argent et le dépose dans le Fonds du revenu consolidé, mais il doit tenir un compte d'assurance-chômage. Il faut qu'il y ait un chiffre. Et non seulement cela est-il prévu, mais le ministre des Finances doit également payer des intérêts sur cet argent. Vous conviendrez que pour payer des intérêts, il faut avant tout savoir sur quoi. Cet argent doit donc être comptabilisé quelque part.
Ce qui nous inquiète, c'est le discours que tient le gouvernement. Il semble y avoir un glissement: on affirme aux gens qu'il n'y en a pas, que le compte d'assurance-chômage n'existe pas. Il existe. La loi le prévoit. On veut que le ministre des Finances et l'ensemble des députés du Parti libéral en prennent bonne note.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Maintenant Joe McGuire, et ensuite Yvon Godin.
S'il y a des personnes qui ont faim, je les invite à se lever pour prendre une bouchée.
[Traduction]
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
Un assez bon nombre de témoins qui ont comparu devant le comité au cours des dernières semaines ont préconisé que le gouvernement se retire de l'assurance-chômage, que ce régime devrait être administré par les employeurs et les employés qui à leur avis administreraient le fonds beaucoup mieux et de façon beaucoup plus équitable que le gouvernement.
Je me demande d'où vient ce raisonnement étant donné que ceux qui cotisent à ce fonds appartiennent à des économies prospères où les taux de chômage sont faibles—comme l'Ontario, par exemple, ou l'Alberta, ou certaines régions de la Colombie-Britannique—et une bonne partie de ces fonds provenant de ces régions sont en fait transférés à des régions où le chômage est élevé, comme la région de l'Atlantique.
Si le gouvernement n'était pas là pour redistribuer ces fonds ou pour élaborer des politiques qui aident les régions où le chômage est élevé et où les industries sont saisonnières, les régions qui cotisent en fait au fonds, c'est-à-dire les employeurs et les employés des régions prospères, seraient-elles aussi disposées à agir de la sorte, ou exigeraient-elles, si le gouvernement n'y participait pas, que leur taux de cotisation soit considérablement réduit, c'est-à-dire tant le taux des employeurs que le taux des employés, et que les régions doivent se débrouiller toutes seules? Elles retireraient ce qu'elles cotisent, ce qui à mon avis défavoriserait les régions où le chômage est élevé comme dans le nord de l'Ontario, ou le nord de la Saskatchewan, entre autres.
Je ne comprends pas pourquoi un grand nombre de groupes proposent que le gouvernement se retire de ce programme et le fasse dépendre de la bienveillance des régions où le taux d'emploi est élevé.
[Français]
M. Valois Pelletier (porte-parole, Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi (Baie-Comeau, Rivière-St-François): Ce que nous demandons, c'est que ce soit géré par les employeurs et les travailleurs. Le gouvernement peut continuer à émettre des chèques. Nous demandons que la caisse elle-même, les dépôts de la caisse et le reste soient gérés par les employeurs et les travailleurs qui contribuent à cette caisse. Elle est justement là pour parer aux pertes d'emploi, de revenu. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une loi à caractère social et elle doit le rester.
Cela ne nuira pas aux régions qui sont économiquement fortes. Elles continueront à contribuer au régime comme n'importe quelle autre région et c'est justement le but d'une loi à caractère social: que les forts aident les plus faibles. Par contre, il faut une bonne gestion et il n'y a personne de mieux placé que ceux qui contribuent à la caisse pour la gérer.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Clarke.
[Traduction]
M. Rick Clarke: Sauf votre respect, je crois qu'une partie de votre observation est probablement une bonne indication de la raison pour laquelle le comité aurait dû visiter les diverses régions du pays pour mieux comprendre ce qui se passe d'un bout à l'autre du pays. Si vous examinez ce que nous proposons, nous proposons qu'il devienne un fonds de fiducie. Et comme tous les fonds de fiducie, il serait assujetti à certaines règles et certains règlements. Si ce fonds était administré par les participants, l'argent serait au moins utilisé aux fins voulues, et non pour financer d'autres services gouvernementaux.
L'autre aspect dont votre question ou votre déclaration n'a pas tenu compte, c'est qu'il y a de nombreux travailleurs au chômage partout au pays, dans toutes les régions du pays, qui cotisent à ce fonds à cause du système horaire mais qui ne recevront jamais de prestations. Cet argent s'accumule dans le fonds parce qu'ils ne reçoivent pas de prestations provenant de ce fonds. Il s'agit des travailleurs de la région atlantique du Canada et des travailleurs d'autres régions où le taux de chômage est élevé. Ils versent des cotisations mais ne touchent pas de prestations. Les intervenants qui s'occuperaient de ce fonds comprendraient les régions et les besoins du marché du travail, et je crois que nous aurions un système beaucoup plus équitable que celui qui existe aujourd'hui.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire: Les régions comprendraient les régions, mais les zones prospères où le taux de chômage est faible comprendraient-elles les régions? Ce sont elles qui payent la note. Pourquoi, par simple bonté d'âme, sans un gouvernement chargé de distribuer ces fonds, accepteraient-elles de contribuer 70 p. 100, de venir réellement en aide aux régions? Parce qu'ils compatissent à leur sort? Parce que ces régions dépendent d'une industrie saisonnière? Je pense que vous tenez beaucoup de choses pour acquises ou que vous avez une grande confiance dans vos concitoyens qui produisent les excédents ou le revenu du système.
M. Rick Clarke: Je ne crois pas que c'est ce que nous laissons entendre, mais il est certain que nous n'avons pas entendu tous les témoins. Nous ne proposons pas de ne plus avoir de loi traitant de ce programme. Nous parlons de constituer une commission ou une instance qui fonctionne de façon indépendante.
M. Joe McGuire: Donc, le gouvernement établirait les règles, et vous...
M. Rick Clarke: Ce qui nous préoccupe, ce que nous avons constaté au cours des dernières années, c'est qu'environ 45 p. 100 de la réduction du déficit provient du fonds d'assurance-emploi ou d'assurance-chômage. Ce n'est pas ce à quoi doit servir cet argent. Nous considérons que l'argent appartient aux travailleurs au chômage.
M. Joe McGuire: Mais le fonds a été déficitaire pendant de nombreuses années, et le Trésor a en fait servi à renflouer le fonds d'assurance-chômage.
M. Rick Clarke: Je crois que ces livres sont maintenant équilibrés.
M. Joe McGuire: Le type d'excédents que nous avons représente un phénomène récent, et avec le ralentissement de l'économie, il pourrait y avoir un revirement en peu de temps. Que ferait-on alors?
M. Rick Clarke: Comparativement à l'époque où le compte était déficitaire, je crois qu'il est redevenu équilibré.
M. Joe McGuire: Oui.
M. Rick Clarke: Cet excédent provient des poches mêmes des chômeurs. Ce dont vous ne tenez pas compte, qu'il s'agisse en fait des recettes fiscales qui proviennent d'une province ou que cet argent provienne des paiements de transfert, parce qu'on a tellement sapé le fondement du système que plus d'un million de travailleurs au chômage ne reçoivent aucune prestation dans ce pays aujourd'hui... On s'en remet maintenant à notre système d'aide sociale, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'emplois.
Dans notre secteur agricole, nous ne bénéficions pas d'un climat tempéré. Nous avons une très bonne industrie agricole dans la vallée de l'Annapolis, mais il est impossible de cultiver des petits pois et des haricots en plein milieu de février. Si le gouvernement s'inquiétait autant de certaines de nos industries saisonnières... nous devrions peut-être cesser d'expédier à l'étranger notre bois rond et commencer à faire de la transformation secondaire. Nous aurions alors des emplois toute l'année. Il y a beaucoup de choses que le gouvernement peut faire. Au lieu d'attaquer les chômeurs, nous devrions nous attaquer au chômage, et nous éviterions la crise que traverse en ce moment ce pays.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je vous remercie, monsieur Clarke.
Désolée, monsieur McGuire, c'est tout le temps dont nous disposons.
[Français]
Monsieur Godin, vous pouvez poser la dernière question.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.
Je veux poursuivre sur ce que mon ami de l'autre côté de la salle était en train de dire. Pour quelle raison voudrait-on donner ça au secteur privé et aux travailleurs quand on a un gouvernement qui est censé s'occuper de toute la nation? Je pense que le problème est qu'ils ont perdu confiance dans le gouvernement lorsqu'il s'agit de l'assurance-emploi. Ils ont perdu confiance dans le gouvernement en lisant dans le rapport de 1997 que seulement 37 p. 100 des personnes étaient admissibles à l'assurance-emploi.
Après cela, on n'a jamais vu un autre rapport comme ça au gouvernement. En 1998, ils n'en ont pas parlé. En 1999, ils n'en ont pas parlé. Ils ont fait l'erreur la plus grave au monde. Pour une fois, ils avaient dit la vérité dans leur rapport.
Le problème que l'on a, c'est que les gens qui travaillent ne se qualifient pas pour l'assurance-emploi. C'est de là que vient le 37 p. 100. Le gouvernement arrive avec l'excuse que 85 p. 100 des personnes qui devraient qualifier pour l'assurance-emploi arrivent à qualifier. Ça devrait être 100 p. 100. C'est là que se trouve le problème.
J'ai une question. Le gouvernement a souvent dit que la raison pour laquelle il a voulu faire des changements à l'assurance-emploi était d'empêcher la dépendance par rapport à l'assurance-emploi. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que les gens ont une dépendance par rapport à l'assurance-emploi ou est-ce que ce n'est pas maintenant le gouvernement qui dépend de l'argent de l'assurance-emploi pour payer ses dettes?
Paul Martin, le ministre des Finances, a annoncé, en octobre, un surplus dans les fonds généraux de 12,3 milliards de dollars, dont 7,5 milliards de dollars provenaient de l'assurance-emploi. Je pense que c'est devenu un problème national. C'est là que le gouvernement a perdu la confiance des gens.
• 1225
On dirait que les
gens cherchent une porte de sortie pour dire que
ce sont eux, les
employés et les employeurs, qui contribuent à ce
fonds. Ils demandent
la chance de gérer ce fonds. Si, dans
un pays comme le nôtre, on n'est pas capable de
s'accorder entre l'Ontario et les provinces Atlantiques
ou entre l'Alberta et la Colombie-Britannique, est-ce
qu'on doit appartenir à un pays dans ce cas-là?
Qu'est-ce qu'un pays? Un pays, c'est un groupe de provinces ensemble qui ont des attentions l'une pour l'autre. C'est pour cela que souvent on disait—et je vais terminer là-dessus—que le problème en Gaspésie, le problème dans la péninsule acadienne, le problème dans le sud de la Nouvelle-Écosse, c'est le même qu'à Prince George en Colombie-Britannique, le même qu'à Edmonton en Alberta, le même qu'à Saskatoon. Quand un travailleur perd son emploi, il y a un problème, et l'assurance-emploi est là pour ça.
Là-dessus, je vous laisse l'occasion de faire des commentaires.
M. Luc Bourassa: Effectivement, je serais porté à dire que si on reproche aux chômeurs d'être dépendants des prestations, je suis d'accord sur ce que vous dites: on pourrait peut-être défier le gouvernement de couper sa dépendance face aux cotisations. Là-dessus, on pourrait mettre le gouvernement au défi de faire la même chose.
Je reviens au trou noir qui, effectivement, constitue un gros problème. Comme le disait Yves, qui a travaillé beaucoup sur des petits éléments qui, je le répète, ne coûtent pas cher, mais sur lesquels je pense que le comité doit se pencher, parce que ça touche l'ensemble, il faut vraiment régler la problématique du trou noir. Comme je le disais plus tôt, la préoccupation des gens, c'est de savoir s'ils vont avoir des prestations, combien ils vont en avoir et pour combien de temps. Ce sont là les questions fondamentales que les gens se posent. Est-ce qu'on a un système solidaire? Est-ce que les régions sont prêtes à en soutenir d'autres où ça va moins bien? C'est une question fondamentale. C'est ce que les gens veulent.
Je pense aussi que les gens attendent des réponses, des améliorations à ce régime, et je souhaite ardemment qu'il y ait quelque chose de fait là-dessus et que ça avance.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Jalbert.
M. Alain Jalbert: J'aimerais vous parler un petit peu de la région de la Côte-Nord. Actuellement, il y a à peu près 400 kilomètres de villages en Basse-Côte-Nord où il n'y a pas de route. Lorsqu'on parle de gens qui dépendent de l'assurance-emploi, est-ce que c'est légitime pour eux de faire du travail saisonnier quand il y en a? Ils sont chez eux. Pour ceux qui ne connaissent pas la Basse-Côte-Nord, on a affaire à des villages complets où il n'y a pas d'adolescents. Il y a des adultes qui ont des enfants, mais les adolescents ne sont pas là, ils sont aux études. Il y a des villages complets où il n'y a pas d'adolescents sur 400 kilomètres de côte. Alors, quand on dit qu'il y a des gens qui peuvent être dépendants de l'assurance-emploi, c'est normal. On ne leur donne pas de route pour sortir: c'est normal qu'ils soient dépendants.
Chaque territoire a ses particularités et, malheureusement, quand on vient parler de lois qui s'appliquent à l'ensemble d'un pays, bien souvent on néglige de venir sur place pour faire des constats afin de prendre les bonnes décisions.
Dans le redécoupage qui s'est effectué sur la Côte-Nord—et je ne voudrais pas en déshabiller un pour en habiller un autre— on a dénaturé la Côte-Nord. Les gens de la Basse-Côte-Nord ont toujours eu beaucoup plus d'affinités avec le reste de la Côte-Nord: c'est notre territoire. On a décidé, malgré les normes qu'on s'était données, de regrouper la Basse-Côte-Nord avec la Gaspésie. Or, entre la Côte-Nord et la Gaspésie, il y a le golfe Saint-Laurent; ce n'est plus le fleuve, mais le golfe du Saint-Laurent. Bien souvent, quand on prend de telles décisions, on ne vient pas sur place, on ne connaît pas le territoire et on impose à tout le monde des règles qui sont parfois bien arbitraires.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Bérubé, vous pouvez faire un dernier commentaire, mais assez court, s'il vous plaît.
M. Michel Bérubé: Madame la présidente, ce qui est toujours surprenant, c'est qu'on constate ici aujourd'hui qu'il y a une problématique au niveau du pays. Au moment où il y a eu le redécoupage des régions économiques, on a fait plusieurs interventions, même auprès de la ministre. On a l'impression qu'on est ici aujourd'hui pour rien. On a parcouru au-delà de 2 000 kilomètres pour venir ici et le gouvernement, à notre avis, ne fera pas les changements qui devraient être faits. Les changements devraient consister à donner une assurance-emploi pour laquelle les individus paient.
• 1230
Je regarde le redécoupage des
régions économiques. On ne tient même pas compte des
individus qui font partie de
ces régions. Comme je le
disais tout à l'heure, pour la personne qui habite à
Baie-Comeau et pour celle qui habite dans un autre
village à côté, il y a une réalité économique carrément
différente. Mais on met tout cela ensemble parce qu'il
faut faire une région pour Statistique Canada.
On travaille sur la base de données qui datent de quatre ou cinq ans, des statistiques de 1996 de Statistique Canada sur les populations, le salaire moyen. Aujourd'hui, l'évolution du marché du travail est extrêmement rapide. On est à l'ère de l'électronique.
Ce qu'il faut faire comme constat aujourd'hui, c'est que le gouvernement doit faire une réforme pour que les gens qui paient de l'assurance aient droit à leur assurance. Il n'y a pas de «revenez-y» là-dedans. On peut en parler pendant des jours. Il peut y avoir des invités, mais comme vous le savez, tout le monde veut venir ici pour dire des choses qui sont toujours les mêmes. Le gouvernement est insensible à ça parce qu'il a un objectif, celui d'accumuler des fonds pour s'en servir à d'autres fins que celles auxquelles ils sont destinés. Elle est là, la problématique.
Les gens de Trois-Rivières essaient de vous demander de corriger des petits problèmes. Ce n'est pas drôle: on est ici comme des mendiants. Comme des mendiants, on vous dit qu'il y a un petit problème et on vous demande d'essayer de le corriger. Quand j'ai parlé à des gens d'Ottawa du travail saisonnier, on m'a demandé ce que c'était, si ça existait. On me dit que les gens de la Côte-Nord veulent être au chômage. Je ne nommerai pas de noms parce que ce sont des gens qui sont proches du ministère, mais je leur ai demandé s'ils étaient déjà venus sur la Côte-Nord. Ils ont répondu que oui, qu'ils étaient allés à Tadoussac. Le 15 juillet à Tadoussac, il n'y a pas de problème, mais retournez-y le 15 octobre et vous ne serez même pas capables d'avoir un café. C'est ça, le travail saisonnier.
Les travailleurs de la forêt, quand il y a quatre pieds de neige dans les bois, ne peuvent pas couper les arbres. Les pêcheurs, quand il y a de la glace, ne peuvent pas pêcher. C'est ça, la réalité des régions à ressources qui permettent à l'ensemble de l'économie canadienne de tourner. Mais on est ici aujourd'hui et j'ai l'impression d'être comme une dinde sans tête. Je trouve malheureux qu'on soit obligés de faire la cabale ici, comme une bande de danseurs de ballet, pour venir dire des choses que le gouvernement devrait comprendre depuis des années.
M. Farrah disait qu'on devait créer de l'emploi. Monsieur Farrah, la ministre nous a dit cela. On a formé un comité qu'on a greffé au bureau de Sept-Îles pour créer de l'emploi. Ils nous ont dit qu'il n'y avait pas de problème d'argent. Or, on n'a pas eu un cent pour régler le problème du trou noir. On n'a pas eu un cent pour celui de l'emploi. C'est bien beau de dire ça, mais ce que je dis, pour ma part, c'est que s'ils veulent faire une réforme, qu'ils la fassent, et qu'on donne aux gens l'assurance-emploi à laquelle ils ont droit. Après cela, on prendra des mesures pour avoir le moins de chômeurs possible. Maintenant, les gens sont coupables avant de l'être.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Bérubé, je m'excuse. Ce que vous dites est très intéressant, mais je suis obligée de vous couper la parole parce qu'on a terminé notre temps. Je veux vous assurer qu'on prend bonne note de tous vos commentaires.
J'aimerais remercier nos invités d'aujourd'hui: Alain Jalbert de Coalition chômage, section Manicouagan; Michel Bérubé et Valois Pelletier du Comité de concertation régionale de l'assurance-emploi à Baie-Comeau et Rivière-St-François, Yves St-Pierre et Luc Bourassa du Mouvement Action-Chômage de Trois-Rivières; ainsi que Rick Clarke de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. Encore une fois, un grand merci.
On va suspendre la séance pendant environ deux minutes pour permettre aux prochains témoins de s'installer.
Bonne journée.
La séance est suspendue.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche).
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins: M. John Gagnon, du Front commun pour la justice sociale, Section de la péninsule acadienne; MM. François Vaudreuil et Jean-Guy Ouellet, de la Centrale des syndicats démocratiques; ainsi que MM. Roger Martineau et Jean-Marc Crevier, du Syndicat national des employés(es) de l'aluminium d'Arvida.
Voici notre façon de procéder. Vous faites à tour de rôle une présentation d'environ cinq minutes et, par la suite, les députés de chaque côté de la table auront environ cinq minutes pour poser des questions, incluant les réponses. Je serai peut-être obligée de vous couper la parole à l'occasion parce qu'on essaie de respecter le plus possible le temps qui nous est alloué.
Nous commençons avec M. John Gagnon, du Front commun pour la justice sociale, Section de la péninsule acadienne.
Bienvenue, monsieur Gagnon.
M. John Gagnon (coprésident, Front commun pour la justice sociale, Section de la péninsule acadienne): Je dois dire que c'est provincial.
Je vais lire le mémoire en anglais, car c'est ma langue maternelle, mais si des questions sont posées en français, je répondrai dans cette langue.
[Traduction]
Au nom du Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick, je suis heureux de présenter nos points de vue au sujet des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi que propose le gouvernement. Notre coalition se compose de groupes d'activistes syndicaux et sociaux au Nouveau-Brunswick, au nombre de 32 environ. Certains d'entre eux sont des groupes sociaux et religieux. Nous représentons environ 125 000 personnes.
Étant donné le taux élevé de chômage et du travail saisonnier dans certaines régions de la province, nous sommes d'avis que l'adoption projet de loi C-12 promulgué le 1er juillet 1996 a eu des effets désastreux sur les diverses régions de la province.
Nous sommes d'ailleurs d'avis que les récentes propositions du gouvernement n'auront qu'un impact minimal sur la résolution des problèmes créés par les coupures régressives du projet de loi C-12.
La chronologie: Le programme d'assurance-chômage a été considérablement modifié depuis son introduction en 1940. Même si le principe du programme, c'est-à-dire son objectif primaire, était et continue d'être de fournir un appui du revenu lors d'interruptions temporaires de travail, au fil des ans cet objectif a été progressivement élargi pour comprendre le travail temporaire et saisonnier, les travailleurs indépendants, le congé de maternité et le congé parental, les incapacités à long terme et l'appui aux personnes qui ont entamé le processus de perfectionnement de leurs compétences. Cette tendance progressive a connu une transformation spectaculaire en 1993-1994,et a brusquement pris fin par les coupures régressives à l'assurance-chômage au moment de l'adoption du projet de loi C-12 en 1996.
Le mémoire contient les principales dates, que je ne répéterai pas.
L'assurance-chômage: Le vrai objectif: un taux élevé d'emplois et des revenus stables sont les moyens les plus efficaces de bâtir un économie solide, et un emploi permanent offrant un salaire décent représente la meilleure sécurité de revenus. Malheureusement, dans le vrai monde, dans de nombreuses régions de notre province, le contraire existe. Le taux de chômage est élevé, le revenu est instable, et les emplois sont saisonniers ou temporaires, offrant des salaires inadéquats.
Le vrai objectif de l'assurance-chômage était d'offrir une assurance sociale protégeant le revenu et le niveau de vie durant des périodes de chômage et de temps économiquement dur pour les particuliers et les familles, ainsi que pour l'économie en général.
• 1245
En 1996, le gouvernement du jour a décidé de réformer la loi
de l'assurance-chômage de l'époque, et les arguments suivants ont
été présentés. Je ne décrirai pas ces arguments de façon détaillée,
mais dans le Livre mauve du gouvernement, A Framework for Economic
Hard Times, on y déclare: «L'assurance-chômage comporte des aspects
qui peuvent décourager la recherche active d'un emploi.» Voici un
autre extrait du même document: «Le programme a sans aucun doute
favorisé une dépendance dans certaines régions et industries.» Ces
arguments ont été à nouveau développés dans le Livre vert du
gouvernement intitulé De l'assurance-chômage à l'assurance-emploi,
où on y indique que les courants d'assurance-chômage sont
incompatibles avec une économie productive et dynamique, parce
qu'ils établissent des formes de dépendance.
Voilà certains des arguments présentés par divers documents publiés par le gouvernement de l'époque. Contrairement à la position du gouvernement, nous sommes d'avis que c'est la responsabilité du gouvernement de créer les bonnes conditions et le bon climat économiques qui créent une économie productive et dynamique. On avait donc tort de dire que les courants d'assurance-chômage étaient la cause des conditions décrites ci-dessus.
L'assurance-chômage a indéniablement un important impact économique sur notre région, et s'il existe une dépendance, elle a été créée par les gouvernement qui n'ont pas investi dans les gens, n'ont pas favorisé les emplois intéressants à plein temps par la transformation de nos ressources naturelles telles que le poisson, et n'ont pas encouragé plus d'industries secondaires pour le développement de notre région. Un grand nombre de prestataires de l'assurance-chômage semblent être coincés dans un cercle de chômage et bafoués entre le travail et le chômage. Nous avons tendance à oublier que ce sont les employeurs qui mettent les gens à pied. Ce sont les employeurs qui embauchent et ils ont tendance à créer ce genre de cycle.
Les travailleurs saisonniers et temporaires représentent une forte proportion de l'effectif ouvrier dans notre région. La nature de l'économie de cette région signifie que de nombreuses personnes ne peuvent pas trouver de travail permanent et sont par conséquent les victimes d'une structure économique qui ne soutient que des emplois saisonniers et temporaires. Les emplois mal rémunérés et temporaires sont attrayants, car bien peu nombreux sont les emplois intéressants permanents qui sont disponibles. La majorité des travailleurs ne veulent pas de l'assurance-chômage comme moyen de gagner leur vie car elle entraîne du stress et de l'anxiété. Au contraire, ils veulent des emplois permanents.
Le Front commun est d'avis que le projet de loi C-12 a eu des conséquences dévastatrices pour l'économie locale de notre province et que le projet de loi C-2 ne fera que bien peu pour régler ces problèmes. Si nous examinons les coupures effectuées entre 1994 et 1998, elles ont coûté 927 milliards de dollars à notre province. Cette année, les coupures du projet de loi C-12 coûteront 275 milliards de dollars en prestations de chômage perdues, et le projet de loi C-2 ne permettra pas de remédier à cette situation. Dans la région d'Acadie—Bathurst d'où je viens, cette perte s'élèvera à 69 millions de dollars.
En vertu du projet de loi C-12, les semaines ont été remplacées par des heures en ce qui concerne l'admissibilité. En 1996—il s'agit des chiffres de 1996 pour la région d'Acadie—Bathurst, et malheureusement je n'ai pas les chiffres actuels—en vertu de l'ancien système d'assurance-chômage pour 12 semaines, c'est-à-dire 180 heures, pour les 1 800 à 1 900 personnes qui étaient des prestataires à ce moment-là, cela donnait un total approximatif de 270 000 à 285 000 heures nécessaires pour que ces travailleurs soient admissibles. Selon le système mis en oeuvre par le projet de loi C-12, la norme exigée était de 420 heures. Le total est donc de 785 000 à 789 000 heures, ce qui représente pour ces 1 800 ou 1 900 personnes, une différence de 495 000 à 513 000 heures supplémentaires de travail pour avoir droit à des prestations dans une région où le taux de chômage et le travail saisonnier sont élevés. Il sera pratiquement impossible pour ces personnes de trouver ces heures supplémentaires. Par conséquent, le projet de loi C-2 ne permet pas non plus de remédier à cette situation.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Excusez-moi, monsieur Gagnon, pouvez-vous conclure? Notre temps est écoulé.
M. John Gagnon: Oui.
En ce qui concerne le trou noir, le projet de loi C-2 contribue très peu à régler ce problème. Il s'agit de la période de temps, qui peut durer plusieurs mois, pendant laquelle les travailleurs n'ont pas droit aux prestations. C'est un problème très grave. De plus, il contribue très peu à améliorer le niveau des prestations.
Il y a un coût social. Le chômage est associé non seulement aux difficultés économiques mais aussi aux difficultés sociales et à l'appauvrissement. Le gouvernement doit faire un effort concerté pour régler ce problème.
Si nous examinons la situation entre 1990 et 1995, le nombre de ménages qui consacraient plus 50 p. 100 de leur revenu au loyer a augmenté d'environ 42 p. 100; l'achalandage des banques alimentaires a augmenté de 26 à 75 p. 100. Et si nous examinons la résolution adoptée par la Chambre des communes en 1989 dont l'objectif était d'éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens d'ici l'an 2000, nous sommes maintenant en 2001.
• 1250
S'il y a des enfants pauvres, c'est qu'il y a des familles
pauvres. S'il y a des familles pauvres, c'est qu'il y a une pénurie
de bons emplois. S'il y a une pénurie de bons emplois ou de bons
revenus, il y aura des familles sans aucun soutien.
J'ai quelques situations ici se rapportant à ce qui s'est produit et aux effets que cela a eus sur les femmes.
Il ne me reste plus beaucoup de temps.
En guise de conclusion, nous vous soumettons ces recommandations. Nous pensons que le Canada devrait se doter d'un régime d'assurance-emploi qui soit solide, plus respectueux des travailleurs et qui tienne compte des besoins des travailleurs saisonniers à court terme et des travailleurs temporaires. Il faudrait incorporer les structures d'assurance-chômage de 1994, éliminer la formule de division et la remplacer par une formule qui comptabilise les semaines de travail, hausser les niveaux de prestations à 66 p. 100 et entamer une transition graduelle visant le rétablissement de la période de prestations maximales de 52 semaines, ce qui résoudrait le problème du trou noir, principal problème dans notre région. La commission devrait assumer la responsabilité des renseignements qu'elle fournit aux prestataires. En effet, bien des prestataires reçoivent des informations erronées, fondent leur décision sur ces informations et se retrouvent en appel, car ils ont été mal renseignés par la commission. Or, la loi protège la commission.
Il faudrait également se pencher sur le cas des personnes qui, volontairement, quittent leur emploi pour des raisons tout à fait valables. Avant 1993, on pouvait se voir imposer des pénalités variant entre sept et douze semaines. Mais désormais, si on perd en appel, on perd toute prestation d'assurance-chômage.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse, monsieur Gagnon, mais nous sommes déjà en retard. Vous aurez peut-être l'occasion d'expliquer davantage votre point de vue en répondant à nos questions.
M. John Gagnon: J'ai essayé d'exposer nos principaux arguments, et je crois que c'est ce que j'ai fait dans l'ensemble.
Merci beaucoup de votre tolérance.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Désolée de devoir vous interrompre. Merci.
[Français]
Je donne maintenant la parole à MM. François Vaudreuil et Jean-Guy Ouellet, de la Centrale des syndicats démocratiques. Soyez les bienvenus.
M. François Vaudreuil (président, Centrale des syndicats démocratiques): Bonjour et merci, madame la présidente, mesdames, messieurs.
D'une part, je voudrais vous rappeler que la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques, est une organisation syndicale qui représente près de 60 000 personnes au Québec. Nous représentons des gens qui oeuvrent dans tous les secteurs de l'activité de l'économie, à l'exception de la fonction publique provinciale et fédérale.
C'est donc dire que les réformes des années 1990 de l'assurance-emploi ont fait très mal à nos membres. À la CSD, nous avons accueilli très favorablement le principe d'une révision de la Loi sur l'assurance-emploi pour corriger les injustices qui ont été vécues au cours de la dernière décennie. Malheureusement, quand nous avons pris connaissance du projet de loi, nous avons été extrêmement déçus que le gouvernement n'aille pas plus loin pour corriger les injustices qui sont vécues par les personnes qui n'ont pas d'emploi.
Le projet de loi C-2 laisse en plan toute une série d'injustices qui affectent un nombre encore plus grand de victimes que le nombre de celles qu'elle vise par les corrections qu'il apporte.
De plus, il y a une manoeuvre qu'on considère totalement inadmissible. C'est la possibilité, pour Développement des ressources humaines Canada et le ministre des Finances, de fixer le taux des cotisations d'assurance-chômage, alors que ce pouvoir devrait appartenir à la commission. En fait, on permet au gouvernement de mettre la main sur les surplus de la caisse d'assurance-emploi en fonction de ses propres besoins financiers et non en fonction de l'assurance-emploi. Nous trouvons cela complètement inadmissible.
Voici un autre commentaire que nous voudrions faire sur la loi existante. Malheureusement, rien n'a été fait pour clarifier le texte qui existe. Dans le passé, les tribunaux ont dit qu'il ne s'agissait pas du texte de loi le plus simple à comprendre. À cet égard, je pense que le gouvernement a un grand exercice de lisibilité à faire et que cela fait partie de la démocratisation. On devrait travailler à cet aspect. On considère cela malheureux.
• 1255
Concernant le maximum de rémunération assurable,
vous comprendrez qu'on est en complet désaccord sur le
fait qu'on ne le dégèle pas. Selon les
scénarios, il faudrait attendre 10, 15 ou même 20 ans
avant qu'on puisse dégeler le maximum de rémunération
assurable. On devrait
procéder immédiatement à l'ajustement
du maximum de 39 000 $ qui existe
actuellement.
Je vous parlais des injustices qui ne sont pas corrigées. Je voudrais vous parler, par exemple, des injustices qui sont vécues par les personnes travaillant dans les entreprises familiales, ainsi que de la modification de la notion de «nouvel arrivant», qui ne répond absolument pas aux besoins des gens qui manquent d'emploi dans un marché du travail nouveau caractérisé par la précarité.
Quant à l'abrogation du concept de première et deuxième catégories, il y a longtemps que ce concept aurait dû disparaître. Ce n'est pas dans le projet de loi.
On ne parle pas, non plus, du fameux trou noir du printemps. Et pourtant, madame la présidente, dans votre comté, ou à proximité de votre comté, il y a une usine où on produit des bicyclettes; il y a des dizaines et des dizaines de personnes qui se trouvent dans des situations très difficiles parce que la durée des prestations auxquelles elles ont droit n'est pas suffisante. Ces gens-là se trouvent dans des situations très précaires. On a de l'argent pour corriger ces situations dans le régime d'assurance-emploi. En tout cas, pour la CSD, il ne fait aucun doute que les surplus permettraient de corriger de telles situations.
Quant à l'élimination de la récupération fiscale seulement pour les personnes qui n'ont pas touché d'assurance-emploi au cours des 10 dernières années, nous trouvons que c'est nettement insuffisant. Le principe de la récupération fiscale ne devrait pas exister. Déjà, on paie des impôts sur cette partie de revenu qu'est l'assurance et on devrait éliminer la récupération fiscale.
Pour ce qui est des conditions d'admissibilité, nous prétendons que 350 heures, ce serait nettement suffisant. Dans le fond, on voudrait que la durée des prestations soit ce qu'elle était avant 1990, avant qu'on déclare que nous étions une société en lutte contre le déficit. Je pense que la lutte contre le déficit est réglée. Les finances publiques sont assainies. C'est d'une question de justice sociale qu'on vient discuter ici aujourd'hui.
Ensuite, il faudrait aussi relever le seuil de remboursement des cotisations, parce que ça n'a aucun sens. C'est beaucoup trop bas. On pourrait avoir des formules qui seraient ajustables d'année en année et qui seraient établies pour les déclarations d'impôt. À ce moment-là, il pourrait y avoir des remboursements.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais prendre une minute ou une minute et demie pour insister sur toute la problématique des travailleuses et des travailleurs âgés, qu'on oublie souvent. Je parle principalement de personnes qui travaillent dans des secteurs traditionnels comme le vêtement, le textile, la chaussure et l'amiante, de Canadiens et de Canadiennes qui ont travaillé à édifier ce pays. Ce sont eux qui ont construit ce pays, et aujourd'hui, en raison de de politiques qu'on établit en raison des accords commerciaux, notamment, qu'on négocie, il y a des gens qui sont licenciés, qui perdent leur emploi et qui sont abandonnés à eux-mêmes. Nous pensons qu'il est urgent de s'occuper de ces gens-là parce qu'on a une responsabilité collective envers ces victimes.
On peut prendre deux canaux. Le premier est de réfléchir, au niveau du régime d'assurance-emploi, à des prestations longue durée pour leur permettre de faire le passage jusqu'à l'âge de 65 ans, alors qu'ils auront droit au Régime de pensions du Canada. L'autre élément serait de créer, à même le Fonds consolidé, parce que cela ne doit pas être pris dans la caisse d'assurance-chômage, un programme de soutien du revenu pour venir en aide à ces gens-là.
• 1300
J'entendais quelqu'un faire une
intervention sur la dépendance par rapport aux mesures
actives. Le principe du virage qu'on a fait
avec les mesures
actives est fort louable. On offre aux gens un
tremplin pour se réinsérer sur le marché du
travail. Mais ce principe-là ne s'applique pas à tout
le monde. On est peut-être allé trop loin dans les
mesures actives et, au passage, on a oublié des
dizaines et des dizaines
de milliers de personnes qui s'appauvrissent,
dont la vie se détériore et qui perdent leur dignité.
On doit s'attaquer à cela. C'est une
question de respect et de dignité pour ces personnes
qui ont bâti ce pays.
Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je vous remercie, monsieur Vaudreuil. Avant de donner la parole à notre prochain témoin, j'aimerais signaler la présence de l'honorable Lucie Pépin. Bienvenue parmi nous, sénatrice.
Nous allons maintenant entendre Roger Martineau et Jean-Marc Crevrier, du Syndicat national des employé(es) de l'aluminium d'Arvida. Soyez les bienvenus.
M. Jean-Marc Crevier (représentant, Syndicat national des employé(es) de l'aluminium d'Arvida): On va faire une petite présentation. On va essayer de faire une rétrospective des cinq dernières années en deux minutes.
On représente un syndicat des travailleurs de l'aluminium qui compte tout près de 3 500 travailleurs.
En 1995-1996, on avait fait beaucoup d'efforts pour faire travailler les jeunes dans un région à ressources comme la nôtre. On vient du Saguenay—Lac-St-Jean.
En 1996, tout près d'un millier de personnes ont perdu leur emploi dans le secteur des alumineries. Ces gens qui ne travaillaient pas étaient tous en train de sortir de la région, de s'en aller à l'extérieur. Une mobilisation s'est faite dans la région. Les gens disaient que c'était incroyable qu'on perde ainsi nos jeunes. On a eu plusieurs assemblées et, finalement, tout près de 5 000 travailleurs ont décidé collectivement d'adopter des mesures de travail partagé pour garder nos jeunes en région. Ça ne s'est pas fait très rapidement. Les deux paliers du gouvernement, autant provincial que fédéral, entre autres l'assurance-chômage, ont adhéré à ce programme. On a sauvé la presque totalité des gens qui ne travaillaient pas. Personne n'était intéressé à aller au chômage. Les gens voulaient travailler.
En 1998, près de trois ans après l'adoption de cette mesure, on a été obligés de retourner devant nos membres. On avait fait une assemblée générale et tout près de 3 000 personnes y étaient présentes. On a été obligés de dire à nos gens que si on voulait continuer le travail partagé, on allait le continuer, mais sans l'aide gouvernementale. Selon Ottawa, la raison principale en était qu'il n'y avait plus d'argent pour cette mesure. On sait que c'était puisé directement dans la caisse d'assurance-emploi.
Je n'ai pas besoin de vous dire quelle sorte de débat nous avons eu à cette assemblée-là. J'ai déjà vécu des assemblées ainsi que des grèves. Je peux vous dire qu'à cette assemblée, c'était pire que lors d'un vote de grève. On ne parle pas de nous. Dans l'ensemble, les gens disaient qu'on avait affaire à des bandits et qu'on se faisait voler. Je pourrais vous en dire plus long, mais c'était cela en général.
On était en 1996 et il y avait alors un surplus de 15 ou 16 milliards de dollars dans la caisse d'assurance-emploi. À la fin de l'assemblée, une proposition a été faite. On a été mandatés pour faire comprendre au gouvernement fédéral que les surplus devraient servir aux gens qui n'ont pas d'emploi.
Aujourd'hui, on est encore devant la justice. On est à la veille de procéder. On est dans une région qui a des records peu enviables. Dans l'agglomération de Jonquière—Chicoutimi, un centre urbain, on a encore le plus haut taux de chômage au Canada. C'est évident avec ce qu'on connaît chez nous. On peut parler de la dernière année, mais particulièrement de la période électorale fédérale qu'on vient juste de passer. On a été plus couverts qu'à l'habitude, probablement à cause des élections. On a eu beaucoup de manifestions de gens qui ont perdu leur emploi: des travailleurs forestiers, des travailleurs de tout ordre. Des personnes qui ne travaillaient pas venaient avec leurs enfants. On a eu des manifestations de tout près de 5 000 personnes. C'étaient réellement des gens qui ne travaillaient pas. Ce n'étaient pas des gens qui étaient au travail. C'étaient des gens qui ne travaillaient pas, mais qui voulaient travailler.
• 1305
On a eu
des promesses et il faut se le dire. On disait qu'il
fallait absolument modifier le projet de loi C-2
sur l'assurance-emploi.
On a eu des promesses de M. Alfonso Gagliano,
qui est
venu en région. M. Coderre est aussi venu
en région. Ils sont venus à tour de rôle. Le ministre
Cauchon est venu, lui aussi. Il est venu
dans notre secteur.
Dans le fond, le message qu'ils nous livraient
était qu'ils comprenaient très, très bien la
misère que l'on vivait et qu'il était facilement
possible de
comparer ça à la Gaspésie, à ce qui se passait à
Chibougamau et à Chapais, à ce qui
se passait aussi en
Nouvelle-Écosse par rapport aux pêcheurs. Ils ont
dit que nous allions être agréablement surpris par
les modifications qui allaient être apportées
à l'assurance-emploi.
Les gens ont eu tellement confiance qu'ils ont élu un libéral dans Chicoutimi, chose qu'on n'avait jamais vue, du moins pas moi, à ma connaissance. Je ne me rappelle pas en avoir vu un de mon vivant. Ça veut dire qu'ils ont eu confiance en raison de ce qui avait été dit par le gouvernement. On est en attente et on espère beaucoup.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Martineau, il reste une ou deux minutes. Si possible, pouvez-vous vous en tenir à cela?
M. Roger Martineau (représentant, Syndicat national des employés(es) de l'aluminium d'Arvida): Je vous remercie, madame la présidente. Ce ne sera pas long. Je vais résumer. Je vais être très bref.
Notre groupe tient à remercier Mme Danielle Bélisle et Mme Paquette de l'amabilité qu'elles ont démontrée en travaillant pour nous, ce qui nous a permis—c'est un honneur pour nous évidemment—de représenter les travailleurs du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Je vais être bref. Je vais aborder les points suivants: les prestations, les réserves, comment fixer les taux de cotisations et la discrimination du régime.
Vous allez recevoir notre mémoire la semaine prochaine. On s'excuse du fait que vous ne l'avez pas ce matin. C'est qu'il n'est pas traduit. Vous m'en excuserez.
Par rapport aux réserves, je vais faire une image de tout ça. Nos enfants ont des petites tirelires. On met des sous dedans en disant à nos enfants de garder ça pour une visite du Québec l'été suivant, parce que, chez nous, on voyage aussi au Québec. L'enfant s'attend, évidemment, à la tirelire. C'est pour le voyage.
Nous, on compare ça à l'assurance-emploi. L'assurance-emploi, c'est pour les travailleurs. Les employeurs et les travailleurs mettent de l'argent dans ça. C'est aussi pour les travailleurs qui font un travail saisonnier. Chez nous, on en a beaucoup. On a beaucoup de tourisme.
Ces gens-là ont beaucoup de difficulté quand ils perdent leur emploi. Malheureusement, chez nous, ce n'est pas un grand centre. Ils perdent leur emploi. Ensuite, ils vont faire un tour au bureau de Chicoutimi ou de Jonquière pour aller voir où ils en sont rendus. C'est là que ça ne va pas bien. Il n'y en a pas assez. On leur dit qu'ils n'ont pas assez travaillé. Ils leur répondent en disant qu'ils veulent travailler. Les gens retournent chez eux. Ils sont découragés.
Ces gens-là veulent travailler. On a une région de bâtisseurs, et les gens veulent travailler. Quand j'entends dire que les gens ne veulent pas travailler, je suis mécontent. Voyageons un peu. Quittons Ottawa et allons dans les régions, et pas seulement en temps d'élections.
Quant aux réserves, on sait qu'elles sont astronomiques. Pour avril 2001, on parle de quelque 34 milliards de dollars. De deux choses l'une. On a de l'argent. Il n'y a pas de problème. Il faut demander le service. Le gouvernement canadien est là pour gérer ça. C'est très bien, mais en bon gestionnaire, il ne devrait pas se servir à même la caisse. Chez nous, on appelle ça du vol. Donc, donnons des services. Donnons 52 semaines aux gens pour qu'ils travaillent.
Je passe aux réserves actuarielles. Présentement, il y a un actuaire en poste. Ce monsieur-là doit sûrement être très bien payé. Il doit faire un bon travail. Quand ce monsieur-là fait des recommandations, le gouvernement devrait au moins l'entendre et recevoir ses recommandations.
Je passe aux taux de cotisation. Avec son équipe, ce monsieur-là doit examiner les taux de cotisation, ce qu'il y a dans la cagnotte, ce qui doit être payé, les surplus, mais il ne doit pas partir avec les surplus. Il doit améliorer le régime.
• 1310
On sait ce qui se passe présentement dans toutes les
régions. Je pense que mes collègues vous ont informés
abondamment des effets discriminatoires de
l'assurance-emploi tout à l'heure. Je vais donc être
bref, madame la présidente: il faut qu'il y ait le moins
de discrimination possible. Vous lirez avec attention
notre document. On vous remercie au nom du Syndicat
national des employés(es) de l'aluminium
d'Arvida et de la population du Saguenay—Lac Saint-Jean,
qu'on représente avec honneur. Merci beaucoup.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je vous remercie, messieurs Martineau et Crevier. Merci à tous nos témoins.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous allons débuter avec Carol Skelton, et ce sera ensuite à Georges Farrah, Monique Guay, Joe McGuire et Yvon Godin.
[Traduction]
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, AC): Bonjour, messieurs. Merci d'être venus nous rencontrer cet après-midi.
Ayant entendu vos exposés, je voudrais savoir si vous êtes d'avis que l'administration de l'assurance-emploi devrait relever des employeurs et des employés et que, par conséquent, le gouvernement devrait rester à l'écart autant que faire se peut.
[Français]
M. François Vaudreuil: La réponse est oui.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Quelqu'un d'autre veut répondre? Monsieur Martineau? Monsieur Gagnon.
M. John Gagnon: Je n'ai pas compris la question.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Pourriez-vous répéter la question?
Mme Carol Skelton: Pensez-vous que le financement de l'assurance-emploi—les crédits considérables affectés au programme d'assurance-emploi—ainsi que l'administration de ce régime devraient être confiés aux employeurs et aux employés, plutôt qu'à un organisme gouvernemental?
M. John Gagnon: Oui, je crois que cela a été proposé dans certaines des recommandations que nous avons entendues et je l'ai soulevé dans mon mémoire—quoique je n'aie pas eu le temps d'aborder cette recommandation en particulier... je crois que le régime devrait être autonome. Il devrait être indépendant du gouvernement. En fait, c'est justement ce que recommandent la plupart des groupes sociaux et progressistes du pays.
Mme Carol Skelton: Très bien, je vous remercie.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Crevier maintenant.
M. Jean-Marc Crevier: On veut que ce soit géré différemment du gouvernement et on veut que ce soit bien géré.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Martineau, avez-vous un mot à ajouter?
M. Roger Martineau: Oui. On pourrait se permettre d'utiliser les services de l'actuaire, étant donné qu'il fait de bonnes recommandations. Il doit savoir compter, avec son équipe.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.
Val Meredith.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Merci, madame la présidente.
Je pense que vous avez, tous les trois, parlé du fonds d'assurance-emploi en évoquant les concepts d'équité sociale et de justice sociale; en d'autres mots, le fonds d'assurance-emploi devrait servir à d'autres choses que des prestations de chômage.
Nous avons entendu d'autres témoins—et je serai franche avec vous: c'était, en l'occurrence, des représentants du milieu des affaires, soit les employeurs—qui sont venus nous dire qu'ils payaient environ 60 p. 100 de tout l'argent qui est versé dans le fonds d'assurance-emploi et que, par conséquent, cet argent devrait être utilisé exclusivement pour verser des prestations d'assurance-chômage.
Bien que ces témoins pensent que le gouvernement a une obligation sociale envers les «n'ayant plus droit», ou ceux qui se retrouvent dans le trou noir, les travailleurs saisonniers ou quiconque se trouve dans une situation de ce genre, ils croient néanmoins que cet argent devrait provenir du Trésor, auquel tous les Canadiens ont contribué, plutôt que du fonds d'assurance-chômage dont le but est de venir en aide aux travailleurs qui ont perdu temporairement leur emploi et qui ont besoin des prestations d'assurance en attendant de trouver un autre emploi.
[Français]
Me Jean-Guy Ouellet (avocat, Centrale des syndicats démocratiques): Historiquement, le gouvernement a cotisé jusqu'en 1990 et, au cours des dernières années, jusqu'à 25 p. 100—cela a été jusqu'à 56 p. 100—des fonds assurés par le gouvernement fédéral. En 1940, les provinces ont transféré au fédéral le pouvoir constitutionnel de mettre sur pied un régime d'assurance-chômage, parce qu'on considérait que seul le fédéral avait les ressources financières pour le mettre en place.
D'autre part, il est clair—je crois que les employeurs sont d'accord avec le président de la CSN devant votre comité—que le pouvoir constitutionnel conféré au gouvernement fédéral consiste à vous cotiser afin de pouvoir verser des prestations aux personnes sans emploi, ce que le gouvernement fédéral actuel ne fait pas. De fait, comme vous pourrez le lire dans notre mémoire, le gouvernement fédéral a accumulé 34,5 milliards de dollars de surplus au 31 mars dernier, selon le vérificateur général, et il prévoit plus de 30 milliards de dollars additionnels de surplus dans l'énoncé politique et budgétaire d'octobre. Vous avez d'ailleurs les références dans notre mémoire.
• 1315
Il s'agit donc de près de 65 milliards de dollars pour les
cinq prochaines années, alors qu'il y a maintenant de
34 à 37 p. 100 des gens qui sont couverts par le régime.
Par conséquent, il est clair que tous désirent
que les gens soient couverts par un régime et que les
contributions—on a transféré au fédéral le
pouvoir de les imposer
aux employeurs et aux employés—servent
à ce qui avait été
décidé en 1940. Je vous inviterais à lire les débats
de la Chambre de l'époque, où Mackenzie King et le ministre
d'alors disaient que jamais cela ne
servirait à autre chose qu'à verser des prestations
de chômage, que cela ne servirait
ni à la santé ni à autre chose. Ce
sont les débats de l'époque. On pourra vous fournir
les références précises des débats de la Chambre à cet
égard.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Martineau, avez-vous encore un commentaire à faire?
M. Roger Martineau: J'aimerais faire un petit commentaire additionnel. Est-ce que les employeurs, ces charmants employeurs, sont réellement aussi mal pris que le pauvre travailleur qui perd son emploi à cause de la situation économique ou de diverses autres choses? On sait que les employeurs bénéficient de reports d'impôt. Par exemple, Alcan, chez nous, qui est presque l'employeur principal, bénéficie de reports d'impôt de 1,2 milliard de dollars. Les employeurs ne peuvent pas gagner sur tous les plans. Il faut aussi penser aux travailleurs et aux gens de la base, aux gens les plus démunis de notre société. Les employeurs peuvent bien dire des choses, mais je pense que le gouvernement canadien devrait penser au peuple, parce qu'il est là pour le peuple.
Merci.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Martineau.
[Traduction]
Soyez très brève, Val.
Mme Val Meredith: Je veux que ce soit clair.
Je pense que ceux qui sont concernés sont les petites et moyennes entreprises. Celles-ci doivent subir des pressions énormes, à tel point qu'elles se retrouvent obligées de limiter le nombre d'employés, en raison du coût élevé des cotisations au RPC et à l'assurance-emploi, ou de cesser carrément de recruter des employés pour ces mêmes raisons. Les propriétaires de petites et moyennes entreprises nous disent qu'ils n'ont pas d'objection à aider les travailleurs, mais ils refusent de se laisser entraîner dans toutes sortes de programmes sociaux financés à même les cotisations d'assurance-emploi. La société dans son ensemble devrait assumer les coûts de ces programmes, et non les PME.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Un bref commentaire, parce qu'on a dépassé le temps.
Me Jean-Guy Ouellet: Je rappellerai à Mme la députée que les taux de cotisation des programmes sociaux au Canada sont plus bas qu'au États-Unis et sont parmi les plus bas des pays du G-8 ou du G-7 en termes de produit national brut. D'autre part, les PME fonctionnent avec l'économie locale. Quand les gens n'ont plus de prestations de chômage et n'ont plus de quoi vivre, ce sont les PME qu'ils font crever. C'est peut-être pour cela qu'elles n'ont plus assez d'argent pour engager des gens. C'est un cercle vicieux.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci. Je donne maintenant la parole à Georges Farrah, qui sera suivi de Monique Guay, Yvon Godin et Alan Tonks.
M. Georges Farrah: Merci, madame la présidente.
C'est à mon tour de vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Je pense que vos propos sont pertinents. Étant donné la problématique que peuvent vivre vos membres, je pense que vos représentations sont légitimes.
J'aimerais poser une question aux gens d'Arvida. Soit dit en passant, madame la présidente, vous savez que dans mon comté, il y a les Îles-de-la-Madeleine. Il y a beaucoup d'anciens Madelinots qui demeurent à Kénogami, à ce qui était Kénogami avant la fusion. Ça s'appelle encore Kénogami? En tout cas, je veux juste vous livrer un petit message en passant. J'aurai aussi une question pour les gens de la CSD.
Bien sûr, je n'ai pas été en mesure d'assister à toutes les audiences, mais vous avez évoqué le fait qu'il y a une contestation devant la cour. Selon vous, la Loi sur l'assurance-emploi serait anticonstitutionnelle, en fin de compte. C'est la première fois que j'entends parler de cet élément. J'aimerais que vous élaboriez parce que je sais que vous n'avez pas eu le temps de le faire. Ce n'est pas votre faute, loin de là, mais pouvez-vous nous parler un peu des motifs de cette contestation? Je sais que ce n'est pas évident, car cela doit être assez complexe, mais pouvez-vous évoquer les motifs qui font en sorte que vous jugez cette loi anticonstitutionnelle?
Me Gilles Grenier (avocat, Syndicat national des employés(es) de l'aluminium d'Arvida): Je suis l'avocat qui a entrepris la procédure au nom du SNEA. Je signale en passant qu'il y a également une procédure à la CSD. M. Ouellet pourra peut-être en parler. Cela ne se résume pas nécessairement facilement, mais essentiellement, un des motifs qu'on soulève, c'est qu'il y a certaines mesures qui sont discriminatoires en regard de l'article 15 de la Charte.
• 1320
Par exemple, on impose des critères
d'admissibilité différents à certains groupes,
par exemple aux jeunes. Quand on est jeune,
on est forcément appelé à
devenir membre de la population active. Quand on est
un immigrant nouvellement arrivé, on est forcément
appelé à le devenir. Donc, on est plus susceptible
d'être soumis au critère de 910 heures que les autres.
On dit la même chose pour les femmes enceintes. On pense que le critère de 600 heures maintenant, au lieu de 700 heures, est discriminatoire en fonction du sexe. Forcément, une femme enceinte veut obtenir des prestations. Pourquoi dans sa région, où il n'y a peut-être pas beaucoup de chômage, lui faudrait-il 400 ou 450 heures si elle perd son emploi alors que si elle veut avoir des prestations de maternité, il lui faut 600 heures, ou 700 heures à l'époque? Quel est le critère au plan de la Charte? On remet cette chose en question.
Plus généralement, il y a des arguments relatifs au partage des compétences. Par exemple, dans notre système, la façon de lever les impôts est adoptée par une procédure à la Chambre des communes. Il faut une loi. Ici, par un déguisement, par un biais, on va chercher une cotisation, mais sans offrir un service de même niveau. M. Martineau disait qu'il fallait ou bien augmenter les services, ou bien abaisser la cotisation, parce que c'est un régime d'assurance. Dans le cadre d'un régime d'assurance, j'ai un risque assuré et je paie une prime pour le risque. Dans le régime, cela n'existe plus depuis 1996. La prime demandée et les prestations offertes ne sont pas en adéquation. Donc, ou bien on réduit le taux, et cela fera peut-être l'affaire des employeurs, qui ont une autre façon de penser, ou bien on garde le même taux et on augmente les services. C'est le message qu'on veut vous livrer. Grosso modo, sans entrer dans les détails, c'est ça.
Dans le mémoire qui vous sera remis la semaine prochaine, il y a une petite partie de quatre ou cinq pages où on trouve un résumé de ces arguments. On s'excuse auprès de l'ensemble des députés, y compris les députés anglophones, mais il aurait fallu qu'il soit traduit. On ne peut pas faire la distribution à moins que ce ne soit déjà traduit. Mme Bélisle m'a dit que ce serait distribué au cours de la semaine prochaine.
Pour ce qui est de la procédure, elle est publique et on fait la référence au numéro de cour dans notre mémoire. Il y a des numéros de téléphone. Si vous en voulez des copies, il nous fera plaisir de vous en transmettre.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Ouellet, avez-vous un commentaire à faire?
Me Jean-Guy Ouellet: Pour l'aspect constitutionnel, d'une part, le mémoire de la CSD rejoint cette position, à savoir que c'est discriminatoire au niveau de la notion de nouvel arrivant, première catégorie et deuxième catégorie. D'autre part, il y a d'autres recours que ceux déjà entamés. Il y en a un à Winnipeg et il y en a un à Montréal. La cause Lyne Périgny a été entendue dernièrement sur la notion de nouvel arrivant. Donc, il y a plusieurs recours sur cela.
D'autre part, il faut se rappeler qu'il y a eu peu de commissions d'enquête sur la Loi sur l'assurance-chômage. Il y a la Commission royale Forget qui a recommandé l'abolition de la notion de nouvel arrivant et de première catégorie.
Pour ce qui est de l'aspect constitutionnel, il y a le partage des pouvoirs et il y a le pouvoir de 91.2A. Je vous rappellerai que la première tentative d'adoption d'une loi sur l'assurance-chômage a été jugée inconstitutionnelle par le Conseil privé de Londres. Cette décision disait que c'était une loi d'assurance. La Loi sur l'assurance-chômage, c'est une loi d'assurance.
Depuis, la Cour suprême s'est prononcée à plusieurs reprises pour dire que c'était une loi d'assurance. À cet égard, les contributions doivent servir à verser des prestations aux chômeurs. S'il y a un nombre important de gens, soit près de 63 p. 100, qui n'y ont pas accès—il y a des gens qui cotisent et qui n'y auront jamais accès—il est bien clair que le pouvoir conféré au fédéral est géré de façon inconstitutionnelle.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Une dernière question, très rapidement.
M. Georges Farrah: Dans un autre ordre d'idées, des témoins qui sont venus nous présenter leur mémoire faisaient état de la problématique de la nouvelle dimension du travail, en parlant des travailleurs autonomes. Je sais que ça déborde le cadre de votre mémoire, mais je me demande s'il y a une réflexion à ce sujet au niveau syndical. Un des problèmes des travailleurs autonomes, c'est de se regrouper pour pouvoir revendiquer ou avoir une représentation adéquate, parce qu'évidemment, ils cotisent ou ils peuvent cotiser.
Par conséquent, est-ce qu'il y a une réflexion au niveau syndical au sujet d'une aide au regroupement? C'est peut-être une clientèle que vous visez pour l'avenir. Comment voyez-vous cela?
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Une réponse rapide, monsieur Vaudreuil.
M. François Vaudreuil: Vous me demandez si c'est une clientèle qu'on vise. On ne réfléchit pas en termes de clientèle au niveau syndical. Est-ce que ces gens-là ont des besoins? Oui. Quand des gens viennent nous rencontrer, on regarde ce qu'on peut bâtir avec eux. Il est évident qu'il faut ouvrir le régime aux travailleuses et aux travailleurs autonomes parce que ce sont des personnes comme tout le monde. Ce sont des gens qui, dans bien des cas, sont soumis à des contrats d'adhésion pour lesquels ils n'ont aucun pouvoir de négociation. Or, comme les mesures législatives portant sur les rapports collectifs, que ce soit au provincial ou au fédéral, leur donnent très peu d'espace pour leur permettre de se regrouper afin de négocier collectivement et d'établir un rapport raisonnable pour améliorer leurs conditions de vie, on pense que le gouvernement canadien devrait prendre l'initiative d'apporter les mêmes protections aux travailleuses et aux travailleurs autonomes. La réponse est oui.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Vaudreuil.
Maintenant, nous allons passer à Monique Guay, qui sera suivie de Joe McGuire, Yvon Godin et Alan Tonks.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.
J'aimerais souligner que la première association de travailleurs autonomes du Québec a été créée dans mon comté. Ils sont venus me rencontrer et ils sont en train d'essayer de regrouper les gens au Québec. D'ailleurs, ils ne cotisent pas à l'assurance-emploi, mais ils désirent avoir une forme de cotisation pour pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi. Il ne faut pas oublier que les travailleurs autonomes comptent maintenant pour 18 p. 100 de la population canadienne. Donc, ce n'est pas à négliger. De plus en plus, on s'en va dans cette direction-là.
J'ai deux ou trois questions pour M. Vaudreuil, mais très rapidement, parce que je vais céder la parole à ma collègue, qui a ici un groupe de son comté.
Monsieur Vaudreuil, vous avez parlé d'un programme pour les personnes âgées. Est-ce que vous accepteriez un programme PATA du même style que celui qu'on avait auparavant?
Vous avez aussi parlé des entreprises familiales. Je viens d'une région touristique. Mon comté, c'est le comté de Laurentides. Il y a beaucoup de petites entreprises familiales dans ce comté et le problème qu'on a, souvent, c'est que ces gens-là, lorsqu'ils font une demande d'assurance-emploi, ne réussissent pas à l'avoir. C'est comme s'ils étaient déjà reconnus coupables. Ils doivent pratiquement prouver leur innocence ou prouver qu'ils ont payé des cotisations pour pouvoir retirer de l'assurance-emploi. Comment changeriez-vous tout cela? Quelles transformations apporteriez-vous?
M. François Vaudreuil: Il y a deux questions. Jean-Guy va pouvoir répondre à la deuxième, celle qui porte sur les familles.
Au niveau du PATA, la réponse est non, parce que le programme était tellement dilué à la fin qu'il se rapprochait de ce qu'on appelle aujourd'hui le bien-être social. À toutes fins pratiques, cela ne permettait pas aux personnes de vivre dans la dignité. Mais les programmes qui ont précédé PATA, les programmes PAT par exemple, permettaient aux gens de vivre dans la dignité jusqu'à la retraite. Donc, pour PATA tel qu'on l'a connu en dernier, la réponse est non.
Jean-Guy, je te cède la parole pour la réponse au sujet des familles.
Me Jean-Guy Ouellet: Pour les familles, à la page 7 du mémoire, on recommande l'abrogation de la mesure sur le lien de dépendance et cette notion du fardeau de la preuve, et on se réfère à une décision de la Cour fédérale d'appel, qui, de façon minoritaire, a jugé que c'était discriminatoire et que ça devait être abrogé. Pour trouver un argumentaire contre cette mesure qui impose aux femmes, dans 97 p. 100 des cas, le fardeau de prouver que leurs conditions sont similaires à celles d'un étranger, la position de la CSD est l'abrogation.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je veux saluer MM. Crevier, Martineau et Vaudreuil. Je le connais. Je veux parler avec les employés du SNEA.
Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez bien développé la problématique qu'on a vécue dans notre région. Vous dites également que l'assurance-emploi a été créée pour les gens, pour leur donner une assurance, une sécurité et pour leur permettre d'avoir un emploi ou de retrouver un emploi.
Il y a également des problématiques dans les régions. Il y a des travailleurs autonomes, des travailleurs saisonniers aussi et des travailleurs âgés. Chez nous, il y a des usines qui sont en train de mettre à pied de 250 à 350 employés âgés de 55 ans et plus qui n'ont rien devant eux. On a beau leur demander, on a beau consulter la loi existante, il n'y a rien pour eux.
Vous dites également que durant la campagne électorale, il y a des gens qui ont rencontré des ministres qui sont allés faire trois petits tours chez nous avant de revenir à Ottawa, et qui se sont engagés. Monsieur Crevier, vous dites attendre de grandes nouvelles de leur part. Est-ce que vous êtes satisfait de ce projet de loi? Qu'est-ce que vous auriez aimé qu'ils mettent dans ce projet de loi pour que vous soyez satisfait?
M. Jean-Marc Crevier: C'est ce que Roger Martineau disait plus tôt. Les 910 heures, pour nous, c'est trop, c'est énorme. Au fond, on veut réduire le nombre d'heures requis pour toucher l'assurance-emploi et en retirer plus longtemps. En gros, ce sont les deux mesures les plus importantes qu'on pourrait voir à l'intérieur de la réforme.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Mais vous disiez aussi, tout à l'heure, qu'on avait peut-être un beau projet. J'ai participé à ce projet et on a créé plein d'emplois chez nous. On a maintenu des emplois et quand on est retournés les voir, ils nous ont dit qu'il n'y avait plus d'argent dans la caisse.
• 1330
Ne trouvez-vous pas que l'article 66.1 proposé
du projet de loi C-2 va permettre au gouvernement,
qui a un surplus astronomique dans la caisse
d'assurance-emploi, de
s'approprier ces surplus, ce qui ne vous permettra pas
d'avoir des mesures
passives et actives pour permettre aux travailleurs
d'avoir une
vie décente et d'aller vers une retraite décente,
comme le dit M. Vaudreuil?
M. Jean-Marc Crevier: En 1996, au niveau fédéral, il avait fallu 1,2 million de dollars tirés de la caisse de l'assurance-emploi pour créer 200 emplois dans l'industrie de l'aluminium. C'était tout de même important pour nous. On sait que même à l'heure actuelle—et j'entendais tout à l'heure les gens de la Côte-Nord sur ce sujet—au niveau des scieries et de la foresterie, le prix du bois est en train de tomber. Chez nous, dans notre région, la production du bois représente 30 p. 100 de la production du Québec. Ils sont en train de fermer des quarts de travail.
Hier, dans La Presse, on nous annonçait...
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Trois cent cinquante...
M. Jean-Marc Crevier: Ce sera plus que ça. Il y aura jusqu'à 600 travailleurs de scieries qui seront mis à pied. Il y a déjà des groupes de ces travailleurs qui ont entrepris de rencontrer Abitibi-Consolidated Inc. pour leur demander s'il était possible d'implanter au moins ces formules-là de façon temporaire. Si ces gens ne voulaient réellement pas travailler et qu'ils voulaient profiter de l'assurance-emploi, ils pourraient le faire. Ils n'ont pas un problème d'heures. Ils ont suffisamment d'heures. Ils sont capables de retirer de l'assurance-emploi, mais ce n'est pas ce qu'ils veulent. Ils veulent rester au travail. Ils ont demandé si c'était possible d'avoir des formules. À l'heure actuelle, les travailleurs sont d'accord, l'entreprise est d'accord, mais le gouvernement n'est pas là. Il n'est pas là parce qu'il dit que ça coûte trop cher. Quand on regarde le coût que cela peut représenter, on voit que c'est minime.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: N'auriez-vous pas aimé qu'il y ait, à l'intérieur de ce projet de loi, des mesures très concrètes qui répondent aux attentes des travailleurs des régions? Ce sont des régions qui ont vraiment une problématique très spécifique et c'est le cas partout au Canada.
M. Jean-Marc Crevier: Je veux juste dire qu'on ne peut pas être contre cela. Au fond, personne ne veut être au chômage. Tout le monde veut travailler et, si les mesures contenues à l'intérieur du projet de loi font en sorte que tout le monde travaille, c'est bien correct.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Il n'y en a pas. Il aurait fallu qu'ils en mettent, n'est-ce pas?
M. Jean-Marc Crevier: Il n'y en a pas. C'est ce que je dis. Qu'on en mette et on va être contents.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Joe McGuire et à Alan Tonks.
[Traduction]
M. Joe McGuire: Merci, madame la présidente, et bienvenue à tous.
Je voudrais savoir ce que vous pensez des deux régimes: celui où l'on comptabilise les heures de travail par opposition à l'ancien régime où l'on comptabilisait les semaines de travail. Nous avons institué le régime à taux horaire, parce que nous pensions que bien des travailleurs étaient éliminés. Ils n'étaient jamais admissibles à l'assurance-emploi, car l'employeur les laissaient partir avant qu'ils n'aient atteint les 15 heures réglementaires. Ils devaient donc constamment recommencer à la case départ. Ils n'étaient jamais admissibles, et c'est pourquoi nous les avons réintégrés au régime. Je sais que certains d'entre vous considèrent que certains travailleurs sont exclus du régime parce qu'ils ne sont plus admissibles.
Comparez les deux systèmes: celui où chaque heure de travail compte par opposition à celui qui ne comptabilise que les semaines. Prenons le cas des régions où le travail est surtout saisonnier, où les heures de travail dans le secteur du tourisme ou des pêches sont longues. Les travailleurs accumulent les heures de travail beaucoup plus vite qu'en vertu de l'ancien régime. Désormais, on peut accumuler l'équivalent de deux semaines de travail en une seule, à condition d'avoir suffisamment d'heures. À titre d'exemple, un travailleur du secteur de la construction accumule beaucoup plus d'heures de travail durant l'été que durant l'hiver. Nous avons pensé que cela représenterait une amélioration, dans la mesure où chaque heure de travail et chaque dollar du travail seront comptabilisés.
À votre avis, monsieur Ouellet, ce régime marche-t-il bien?
[Français]
Me Jean-Guy Ouellet: D'une part, si, pour le système des heures, on n'avait pas choisi une semaine-étalon de 35 heures, cela aurait été acceptable. Il est vrai que cela avantage certains travailleurs saisonniers, mais les femmes deviennent inadmissibles parce qu'elles travaillent à temps partiel. Cette notion de 35 heures a fait en sorte qu'il y a un aspect discriminatoire. Cependant, la proposition que la CSD reprend de la Commission Forget, c'est 350 heures: tableau unique. C'est la seule commission royale qui a étudié cela et elle a retenu 350 heures.
• 1335
Je vous rappelle que ce projet de loi avait été
adopté pour favoriser les travailleurs à temps partiel.
Avant, c'était 15 heures. Cela faisait
un timbre, comme on le disait à
l'époque: 15 heures, 1 timbre. À 20 semaines,
20 heures, avant 1990, les femmes se qualifiaient
presque pour 50 semaines. Si le taux de chômage
était de plus
de 11,5 p. 100, elles avaient droit à 50 semaines de
prestations. Ensuite, en 1990, cela a été
réduit à environ 35 semaines; en 1994, encore davantage
et aujourd'hui, c'est 20 semaines, 20 heures. Elles ne
répondent même pas au critère de
qualification minimum du régime alors qu'auparavant,
elles étaient
considérées comme faisant partie de la première
catégorie quand elles
avaient fait 20 semaines.
On appelait les gens qui avaient travaillé
20 semaines les «gras durs», ceux qui étaient avantagés
parce qu'ils avaient réussi à travailler 20 semaines.
De 1989 jusqu'à aujourd'hui, ces mêmes
personnes, ces mêmes femmes qui ont travaillé 20 heures
pendant 20 semaines ne répondent même pas au
critère minimal de qualification en vertu de la loi.
Ça, c'est un problème.
Il est exact que des femmes cumulent des emplois. Elles ne le font d'ailleurs pas volontairement: c'est parce qu'elles sont souvent confinées à des emplois à temps partiel. Elles ne réussissent pas non plus à se qualifier. Le régime d'heures a permis de faire payer tout le monde dès la première heure. Un des éléments que l'on condamne dans le mémoire, c'est qu'on rembourse ceux qui gagnent moins de 2 000 $, alors qu'au Québec, à 7 $ l'heure pendant 419 heures, cela fait plus que 2 000 $. Donc, même si elle a cotisé, la personne ne se qualifie pas. Nous proposons qu'il y ait à l'avenir un remboursement des contributions jusqu'à concurrence d'une moyenne nationale des montants de qualification.
En ce qui a trait aux heures, il est clair que le mode de qualification, à moins qu'il ne soit réduit radicalement, comme le proposent différentes organisations, est un système adéquat. Peut-être faudrait-il penser en termes de semaines pour la durée, mais pour la qualification, il faudrait que ce soit réduit pour qu'à l'avenir, une femme ayant travaillé 15 ou 17 heures pendant la saison touristique, en Gaspésie ou dans une autre région, puisse se qualifier.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Il vous reste encore 30 secondes.
M. Joe McGuire: Dans la péninsule acadienne, croyez-vous que le nouveau régime, qui comptabilise les heures de travail, soit une amélioration par rapport à l'ancien régime?
M. John Gagnon: Les deux régimes s'équivalent à peu près. Je crois que le principe ou la transition du taux-semaine au taux-horaire est probablement progressiste, mais les seuils d'admissibilité—910 heures et 420 heures pour les nouveaux prestataires et les anciens prestataires respectivement—sont trop élevés. Dans mon exposé, j'ai indiqué que 12 semaines de travail équivalent à 180 heures et non à 400 heures, et j'ai donné des exemples des différents nombres d'heures qu'il faut accumuler pour devenir admissible. Notre région dépend grandement du travail saisonnier, et certains travailleurs sont dans cette situation depuis 10 ans. Ils sont dans un trou noir, et je pense qu'il y a bien des travailleurs qui ne seront pas admissibles en vertu du taux-horaire. Même si le concept est bon, les seuils sont vraiment trop élevés et il faudra donc les baisser.
M. Joe McGuire: Très bien, merci.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à Yvon Godin. Il sera suivi de Alan Tonks, qui mettra fin à la période.
M. Yvon Godin: Merci, madame la présidente,
Premièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous. Je pense que M. Gagnon a vraiment bien répondu à la question. Le problème, ce n'est pas le nombre d'heures. Qu'il s'agisse d'heures, de semaines ou de mois, ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est le nombre d'heures requis pour se qualifier. Neuf cent dix heures, c'est inacceptable; 600 heures, 700 heures, c'est inacceptable. C'est ça, le problème. Toute heure travaillée devrait être comptée dans le calcul, mais quand le gouvernement a pris cette direction-là, il a décidé de compter le nombre d'heures parce qu'il y a plus de gens qui se qualifient, mais d'un autre côté—excusez encore le mot; je l'utilise souvent—il les a volés en exigeant 910 heures.
Cela étant dit, j'aimerais revenir à M. Gagnon. À la page 7 de la version française de son mémoire, il écrit:
-
La Commission devrait être responsable pour toute
information qu'elle fournit aux prestataires (il arrive
que la mauvaise information soit donnée au
prestataire, qui ensuite prend la décision basée sur
l'information fournie, et est pénalisé. Dans tous les
cas la loi protège la Commission.)
Dans ma circonscription, des gens vont voir la commission pour obtenir de l'aide pour remplir le formulaire de demande d'assurance-emploi. Ces personnes sont payées par le gouvernement, mais parfois elles donnent de mauvaises informations, et après avoir reçu ces mauvaises informations, le gouvernement dit que le requérant a fait une erreur et qu'il doit maintenant 10 000 $. On lui dit d'aller à la cour d'appel et qu'ils sont protégés par la loi. On s'excuse, mais chacun doit connaître la loi. C'est une des questions que je pose à M. Gagnon.
La deuxième question que j'aimerais lui poser rapidement, afin de lui donner le temps de répondre, car je sais que vous allez à la cour et tout, est la suivante. Vous parlez beaucoup de discrimination en rapport avec tout ce qui concerne l'assurance-emploi.
• 1340
On parle des travailleurs
autonomes, par exemple, et ça commence à m'inquiéter.
Avant de passer aux travailleurs autonomes, il y
a des travailleurs qui appartiennent à la même famille
et à qui le gouvernement dit qu'ils ont droit
à l'assurance-emploi. On leur dit de cotiser à
l'assurance-emploi,
de mettre des milliards de dollars dans la caisse, mais
le jour où ils font une demande
d'assurance-emploi, on les envoie à
Revenu Canada pour
voir si, durant la période où ils ont reçu de
l'assurance-emploi, ils ont fait une demande ou
sont allés à la banque pour faire un dépôt
au nom de leur mari.
Excusez-moi, mais maintenant on va les crucifier:
ils doivent 20 000 $, 25 000 $ et
aucun enquêteur ne fait le tour pour aller
dire à ces gens-là qu'ils ne sont peut-être
pas admissibles à l'assurance-emploi, qu'il ne
devraient
pas payer. C'est encore un vol qualifié.
Ce sont les deux questions que je pose. Elles sont vraiment importantes.
M. John Gagnon: Monsieur Godin, vous avez certainement raison. Je siège sur la commission d'appel de ma région, et on voit souvent des gens qui ont eu une mauvaise information, qui ont pris leur décision en fonction de cette information et qui se retrouvent en appel. Mais il n'y a rien qu'on puisse faire pour eux. Ils doivent jusqu'à 10 000 $. Il y en a qui sont même proches de la faillite. Cela n'a pas de sens du tout. La commission doit être responsable ou désigner un responsable. Il ne faut pas que n'importe qui puisse donner de l'information. On a besoin d'un système plus efficace que cela. Ça arrive souvent.
En ce qui a trait à votre deuxième question, c'est la même chose pour la flexibilité. On a besoin de plus de flexibilité dans le système. Il y a des gens qui quittent leur emploi pour une bonne raison, mais si la commission juge que ce n'est pas une raison suffisante, ils ne reçoivent pas de prestations d'assurance-emploi du tout.
L'autre chose que je veux dire, c'est qu'avec l'ancien système, on pouvait au moins donner une couple de semaines de pénalité. Ça n'existe pas maintenant. On a besoin de flexibilité dans ce système-là.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je crois que M. Ouellet veut répondre.
Me Jean-Guy Ouellet: Pour les exclusions, le mémoire propose au moins l'abolition de l'exclusion totale, ou un mécanisme d'appel, ou quoi que ce soit. Quant au phénomène des personnes qui aident leur conjoint travailleur autonome, et dont on dit qu'elles ne sont pas en chômage parce qu'elles aident leur conjoint ou qu'elles ne sont pas assurables, je pense que c'est une interprétation abusive, parce que véritablement, il y a de plus en plus de décisions qui reviennent sur cet aspect-là. Malheureusement, beaucoup de gens ont été confrontés à une interprétation très restrictive au départ et maintenant, ils croient qu'ils n'ont plus droit à l'assurance-emploi. La cour d'appel, quand les causes montent jusqu'en haut, s'est beaucoup assouplie dernièrement par rapport à cette notion-là, et des gens perdent leur droit à l'assurance-emploi alors qu'ils n'y ont pas droit.
Il est clair que lorsque les enquêteurs voient des gens qui aident leur conjoint duquel ils recevaient un salaire, on les considère tout de suite comme des fraudeurs. Il faudrait peut-être donner des cours aux fonctionnaires de la commission pour qu'ils tiennent compte du fait que les gens qui sont devant eux ont cotisé au régime et qu'ils sont à leur service et non pas l'inverse.
M. Yvon Godin: J'ai une autre question très brève.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Oui, mais elle doit être très courte.
Me Gilles Grenier: L'angle qu'on a pris, c'est celui prévu dans le droit constitutionnel. Donc, on n'a pas à toucher à ces sujets-là parce qu'en droit, il peut bien y avoir des inégalités ou des discriminations—je pense entre autres aux horticulteurs ou aux agriculteurs—mais est-ce que c'est une discrimination au sens de la Charte? Alors, on a pris un angle très juridique pour attaquer la loi sous deux ou trois aspects où on pense gagner. Cela ne veut pas dire qu'on a touché à tout ce qui nous apparaissait inéquitable, inique et injuste. Cela se fait par d'autres procédures, par exemple devant la Commission d'assurance-emploi, et ça peut monter jusqu'à la Cour d'appel fédérale. Mais ce n'est pas l'angle que le SNEA a choisi puisqu'on voulait attaquer la loi de 1996 non pas dans son ensemble, mais sur certains de ses aspects qui nous semblaient attaquables au plan constitutionnel.
M. Yvon Godin: J'aimerais savoir si vous avez eu la preuve que des enquêteurs abusaient de leur pouvoir. Par exemple, des gens de ma région me disent qu'ils sont appelés dans les bureaux, qu'il y a des dames qui sortent de là en pleurant parce qu'elles ont été traitées plus mal qu'une personne qui aurait tué quelqu'un de l'autre côté de la rue. La première chose que le policier dirait dans pareil cas, c'est que la personne a des droits, qu'elle a le droit d'appeler un avocat et tout. À l'assurance-emploi, il y a des enquêteurs qui disent aux gens qu'ils n'ont pas le droit d'avoir un témoin. On les amène à un bureau, on fait enquête et il y a beaucoup de pression sur eux. J'aimerais vous poser la question à vous qui êtes ici à la table, car chez nous, on a connu cela. On a connu cela à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve. J'aimerais savoir si ça s'est passé comme ça au Québec.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Godin, vous avez droit à seulement une réponse. Monsieur Ouellet, vous pouvez répondre.
Me Jean-Guy Ouellet: Je suis avocat et je ne représente que des chômeurs depuis 18 ans. Je ne fais que m'occuper des problèmes de chômage et des décisions qui vont jusqu'aux juges-arbitres, ou à des juges de la Cour fédérale qui siègent en appel et qui disent que les enquêteurs ont beaucoup d'imagination. J'ai déjà été confronté à des situations où une personne ne parlait aucune des deux langues officielles. Elle était venue avec sa fille pour pouvoir me comprendre, et l'enquêteur a fait un rapport de cinq pages.
Ces situations ne sont pas courantes. Les enquêteurs sont majoritairement corrects, mais il y en a, qui sont d'ailleurs peu considérés par leurs confrères, qui pourrissent la situation. Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui perdent et de gens qui sortent en pleurs ou sur qui on enquête à n'importe quelle heure. C'est tout à fait courant.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Ouellet.
La dernière question sera posée par Alan Tonks.
[Traduction]
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Permettez-moi de récapituler ce que vous avez dit jusqu'à présent—et je m'excuse car j'ai raté une partie de votre exposé.
On prévoit que l'excédent du fonds d'assurance-emploi sera énorme. Certains l'évaluent à quelques milliards de dollars. Au moment où cet excédent ne cesse de croître, on constate que le nombre de travailleurs admissibles est passé de 87 p. 100 à 35 p. 100, si je ne m'abuse. Les modifications apportées au projet de loi, notamment en ce qui a trait aux dispositions de récupération et aux règles de l'intensité, ne feront rien pour améliorer le pourcentage de femmes qui réintègrent le marché du travail après avoir bénéficié des prestations de maternité, pourcentage qui est de 35 p. 100.
Dans le cas des travailleurs saisonniers, le seuil d'admissibilité est tellement élevé maintenant que ces derniers ne seront jamais admissibles. Par conséquent, on a pu dégager un énorme excédent, sans pour autant que cela ne se traduise par des avantages, en ce sens qu'on n'a pas prolongé la protection accordée aux travailleurs, ni amélioré les conditions d'admissibilité.
Sur le plan purement économique, j'avoue qu'il m'est difficile de comprendre comment cela se tient ensemble. Quel serait le coût, si je peux me permettre... Avez-vous envisagé de baisser les critères du nombre d'heures réglementaires à un nombre s'approchant de celui qu'on a proposé, à 360 heures par exemple? Avez-vous fait des projections allant dans ce sens?
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Ouellet, voulez-vous répondre?
Me Jean-Guy Ouellet: ...
[Note de la rédaction: Inaudible]
...juriste.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je pensais que vous vous apprêtiez à répondre. Monsieur Grenier.
Me Gilles Grenier: Je n'ai pas fait le calcul, mais je pense qu'il est assez facile à faire. Je ferai une simple remarque. Avec le taux de cotisation actuel, le régime fait 7 milliards de dollars de surplus et a des coûts de 12 ou 13 milliards de dollars. On sait que 7 et 12 font 19. Si vous vouliez garder le même taux, vous pourriez augmenter les services de sept dix-neuvièmes sans même toucher aux 34 milliards de dollars accumulés. Ce serait presque doubler les services offerts par le régime.
Me Jean-Guy Ouellet: J'aimerais vous rappeler qu'environ 7 milliards de dollars de prestations ordinaires sont versées et que le surplus est de 7 milliards de dollars. On pourrait très bien faire baisser cela de moitié et donc presque atteindre le 350 ou 360 en projection. Ça correspondrait à la proposition de la seule commission royale qui s'est penchée sur le sujet.
[Traduction]
M. Alan Tonks: Si l'on devait apporter un changement au projet de loi, un amendement, quel serait l'amendement le plus important d'après vous? Je sais qu'il est très difficile d'établir des priorités, mais quelle serait la réforme la plus importante à votre avis?
[Français]
M. Roger Martineau: Nous croyons qu'il faudrait travailler à l'admissibilité et aux 52 semaines.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Vaudreuil.
M. François Vaudreuil: Je ferais exactement la même réponse.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Gagnon, avez-vous un commentaire?
[Traduction]
M. John Gagnon: Je vous répondrais de la même façon.
[Français]
M. Roger Martineau: On est d'accord.
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Vous êtes tous d'accord.
[Traduction]
M. Alan Tonks: Si seulement je pouvais vous donner un chèque.
[Français]
La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Voilà qui termine notre journée.
Je voudrais remercier tous nos témoins d'aujourd'hui: M. John Gagnon du Front commun pour la justice sociale, Section de la Péninsule acadienne; MM. François Vaudreuil et Jean-Guy Ouellet de la Centrale des syndicats démocratiques; et MM. Martineau et Crevier du Syndicat national des employés(es) de l'aluminium d'Arvida. Je veux vous assurer que tous les députés ici présents sont très heureux de vos commentaires et en prendront bonne note. Je m'excuse du retard.
• 1350
Je rappelle à mes collègues que
notre prochaine réunion
aura lieu à 15 h 15,
dans la même salle, soit au 253-D de l'édifice
du Centre.
La séance est levée.