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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 1535

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): La séance est ouverte.

Aujourd'hui, nous entendrons les témoignages de Michelle Falardeau-Ramsay et de John Hucker de la Commission canadienne des droits de la personne.

Madame Ramsay, voulez-vous commencer?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay (présidente, Commission canadienne des droits de la personne): Oui, s'il vous plaît.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité, je suis heureuse de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de vous entretenir des réalisations de la Commission canadienne des droits de la personne.

Ainsi que nous le signalions dans notre rapport annuel, l'an 2000 a été marqué par un certain nombre de réalisations d'envergure. Ainsi, la commission a statué sur un nombre record de plaintes, sans compter le fait que cette année s'est distinguée par le plus grand nombre de règlements de dossiers depuis 1997, dont un grand nombre par le biais du processus de médiation, et par le plus grand nombre de renvois de plaintes à un tribunal des droits de la personne.

Les vérifications menées en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi se sont soldées par l'octroi à 32 autres employeurs de l'attestation de conformité aux dispositions de la loi, un nombre deux fois supérieur au bilan de 1999 à cet égard.

Il y a toutefois un prix à ces résultats dans le secteur de l'équité en matière d'emploi et au règlement de tous ces dossiers en matière de droits de la personne. L'accroissement du volume de travail et l'évolution constatée ces dernières années dans le type de plaintes en matière de droits de la personne nous ont incités à réexaminer notre processus de gestion des plaintes en vue de le simplifier, tout en continuant à fournir aux Canadiens des services aussi équitables et des services marqués par la même transparence et la même diligence.

En ce qui a trait plus précisément à ce dernier point, nous avons mis au point une série de normes de services qui, en réalité, ont eu pour effet de rendre le processus encore plus transparent. L'exercice, dans son ensemble, s'est traduit par la mise sur pied d'un service d'accueil des plaintes au stade initial, l'élaboration d'un plan de formation d'une grande ampleur et l'établissement d'un guide de politiques et de procédures.

Le service de médiation auquel je me référais a été institué en 1998, d'abord à titre de projet-pilote, en vue de fournir aux parties l'occasion de parvenir, si possible, à un règlement, ce qui a eu pour effet d'accélérer le processus. L'initiative s'est avérée si fructueuse que nous en avons fait l'an dernier une option permanente au processus qui précède immédiatement le stade de l'enquête sur la plainte.

Le cycle des réunions de la commission a également été remanié, ce qui a permis des économies de temps et une optimisation du processus de décision. Je me dois également de signaler la publication, plus tôt cette année, d'un rapport spécial au Parlement sur la parité salariale sous-titré Le temps d'agir. Il s'agit du premier rapport déposé depuis 1987 en vertu du paragraphe 61(2) de la loi qui autorise la commission à présenter des rapports spéciaux sur toute question relevant de son mandat. La parité salariale constitue un enjeu chaque année de plus en plus significatif pour les Canadiens.

Le document fait ressortir les lacunes dans les mesures législatives actuelles et propose la mise en oeuvre d'une nouvelle approche pour atteindre l'objectif de la parité salariale dans la sphère de compétence fédérale.

Comme vous n'êtes probablement pas sans le savoir, les dispositions y afférentes en vertu de l'actuelle Loi canadienne sur les droits de la personne sont axées sur le dépôt de plaintes, ce qui signifie que la commission peut se pencher sur les questions de disparité salariale seulement lorsqu'une plainte est déposée contre un établissement donné. L'approche retenue en vue de réaliser la parité salariale pour tous les Canadiens est donc plutôt fragmentée et parsemée d'embûches, ce qui entraîne de longues batailles juridiques. L'affaire Bell Canada, maintenant à sa douzième année, en est un exemple probant.

• 1540

[Traduction]

L'efficacité de tout organisme des droits de la personne est évidemment proportionnelle aux outils dont il dispose. La Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi représentent à cet égard les instruments législatifs clés de la Commission. La législation en soi n'est pas statique. Elle doit constamment faire l'objet d'une surveillance et on doit lui apporter les améliorations nécessaires pour en assurer l'efficacité.

L'objet de ma comparution devant ce comité l'année dernière était de partager le point de vue de la Commission au sujet du projet de loi C-23 visant la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations. Il s'agit là d'un excellent exemple démontrant la nécessité de se doter d'outils législatifs nous permettant de suivre le rythme des changements sociaux. Qui de mieux que les parlementaires, qui côtoient les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, sont en mesure de saisir ces changements dans notre société et de s'assurer que les lois du pays sont le reflet des besoins de ses citoyens?

La Commission est également très consciente du besoin grandissant de modifier sa propre législation, besoin que les citoyens de partout au pays expriment depuis un certain temps. Lorsque la ministre de la Justice a annoncé en 1999 la constitution d'un comité en vue d'examiner la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission a souscrit entièrement à cette mesure.

Comme vous le savez, c'est le juge Gérard La Forest qui a présidé le comité, dont les recommandations ont été transmises en juin dernier à la ministre. Celle-ci, me dit-on, se penche actuellement sur ces recommandations et j'attends impatiemment les résultats de cet exercice.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi est entrée en vigueur en 1996, et le premier examen quinquennal de ses dispositions est prévu pour cet automne. Dans ce contexte, la Commission procédera à une évaluation indépendante de son programme de vérification.

Pour ce qui est de nos plans et priorités, nous continuerons de concentrer nos efforts sur notre charge prioritaire, c'est-à-dire le traitement des plaintes en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ainsi que les vérifications de la conformité des employeurs à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et le suivi de ces vérifications. Bien que ces activités puissent sembler simples, je peux vous assurer qu'elles sont complexes et qu'elles représentent un défi.

Le processus de traitement des plaintes comporte plusieurs étapes. La première est l'accueil, à savoir l'étape à laquelle l'objet de la plainte doit être clairement établi. On tente ensuite la médiation. Si celle-ci ne réussit pas, c'est l'enquête, la conciliation puis l'instruction de la plainte devant les tribunaux et peut-être devant les cours de justice.

Au cours des deux dernières années, il y a eu un important taux de roulement du personnel à la Commission. Les raisons sont complexes, mais ce phénomène résulte en partie des changements organisationnels imposés par les pressions financières et de la nature du travail tout simplement.

Lorsque j'ai rencontré les membres de la direction plus tôt cette année pour discuter de cet enjeu et d'autres questions, je me suis personnellement engagée à accorder la première priorité aux besoins en ressources humaines de la Commission. Notre succès repose essentiellement sur une main-d'oeuvre stable, qualifiée et satisfaite.

Par conséquent, nous avons entrepris un exercice visant à instaurer un plan exhaustif de ressources humaines en vue d'atteindre cet objectif. Une évaluation indépendante de la situation de la main-d'oeuvre à la Commission s'inscrivait à l'intérieur de cet exercice. J'ai promis aux membres du personnel de régler toutes les questions relevées dans le rapport et de faire en sorte que ceux-ci participent activement à ce processus.

Bien sûr, nous avons aussi la responsabilité de sensibiliser le public, ce qui est la principale fonction des bureaux régionaux que nous avons partout au pays. La présence de ceux-ci nous permet de maintenir des rapports auprès des groupes locaux et provinciaux et nous aide à transmettre à l'ensemble des Canadiens nos messages sur les droits de la personne.

• 1545

La sensibilisation du public aux questions des droits de la personne s'est trouvée ces dernières années subordonnée aux autres priorités en raison d'une diminution de notre budget, ce qui a eu pour effet de limiter la portée des nouvelles initiatives. Néanmoins, notre priorité est d'accroître la compréhension de notre mandat. Nous examinerons des moyens efficaces de remplir ce rôle, par exemple en établissant des partenariats avec nos homologues provinciaux et d'autres organismes.

Le temps est venu de mettre un terme à cet exposé afin de vous laisser suffisamment de temps pour poser des questions. Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame Falardeau-Ramsay.

Monsieur Hucker, souhaitez-vous vous adresser au comité?

M. John Hucker (secrétaire général, Commission canadienne des droits de la personne): Non, monsieur, merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Toews.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Je vous remercie pour votre exposé et votre rapport instructif.

Certains de mes collègues et moi-même voulons aborder un point. Le 29 mars dernier, M. John Williams, député de St. Albert, a soulevé la question de privilège à la Chambre, car, bien que le rapport annuel de la Commission canadienne des droits de la personne ait été déposé cette journée-là à la Chambre des communes, le Toronto Star, le Hamilton Spectator et le London Free Press en avait largement parlé le matin même. Les trois journaux avaient traité en détail de la teneur du rapport.

Étant donné la relation qu'entretient la Commission avec le Parlement, cette divulgation du rapport constitue clairement une atteinte au privilège parlementaire. La présidente de la Commission peut-elle nous dire qui a autorisé la divulgation du rapport avant qu'il ne soit déposé à la Chambre des communes et pourquoi une telle autorisation a été donnée?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vous remercie de poser cette question, car il s'agit d'une situation intéressante. Avant la publication du rapport annuel, cinq boîtes, chacune contenant au moins une soixantaine d'exemplaires de ce rapport, du rapport juridique et du rapport sur l'équité en matière d'emploi, ont été envoyées à la salle du courrier de la Colline. Il semble qu'il y ait eu de la confusion à la salle du courrier et que les rapports aient été distribués plus tard que prévu.

Je suis certaine que des mesures ont été prises pour faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise plus. Je suis désolée si cela a causé des problèmes, mais les exemplaires étaient là.

M. Vic Toews: Vous êtes convaincue qu'il s'agit d'une erreur administrative et que cela ne se répétera pas.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui, tout à fait.

M. Vic Toews: Très bien.

Il me reste encore du temps, monsieur le président, n'est-ce pas?

Le vice-président (M. Ivan Grose): Beaucoup de temps.

M. Vic Toews: Très bien.

Je voudrais soulever la question des déplacements à l'étranger par la présidente de la Commission. Vous avez tenté de faire modifier votre loi de façon à ce que le mandat de la Commission canadienne des droits de la personne comporte un volet sur les relations internationales ou les déplacements à l'étranger. Je sais que vous avez participé au travail effectué au Timor-Oriental en vue de créer certaines relations là-bas pour faire en sorte qu'un régime général des droits de la personne y soit mis en place.

Si vous avez demandé au Parlement d'inclure ce volet international dans votre loi, et que cela n'a pas encore été fait, mais que vous exécutez quand même cette partie du mandat sans l'autorisation législative du Parlement, comment pouvons-nous justifier cela en fonction du mandat de la Commission et des responsabilités précises que lui a confiées le Parlement? Cette question me préoccupe.

• 1550

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Il s'agit en effet d'une question très intéressante. Nous devons reconnaître que nous ne vivons pas seuls dans une bulle, mais plutôt au sein d'un vaste monde. Nous devons aussi nous rendre compte que le Canada, par l'entremise de la Commission canadienne des droits de la personne, est considéré dans le monde comme un phare dans le domaine des droits de la personne. L'ACDI, le ministère des Affaires étrangères et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme nous ont demandé à maintes reprises de les aider à renforcer ou à établir des commissions des droits de la personne à l'étranger, surtout dans les pays en développement.

Les fonds pour de telles initiatives proviennent toujours de l'ACDI, des Affaires étrangères ou des Nations Unies. En fait, c'est intéressant; l'année dernière, nous avons reçu des fonds précisément pour ces initiatives de la part du Conseil du Trésor. Donc, en pratique, le Conseil du Trésor reconnaît le travail que nous effectuons à l'étranger.

M. Vic Toews: Oui, je comprends cela et je ne doute pas que le travail que vous faites soit louable. Ce qui me préoccupe—et j'espère qu'il en est de même pour d'autres membres du comité—c'est le mandat précis qui a été conféré à la Commission par voie législative. Bien que nous pensions tous que votre travail soit louable, je souhaiterais qu'il soit prévu dans la loi. Cela m'ennuie un peu que des fonds soient accordés pour ces initiatives, essentiellement de façon indirecte, quand, en fait, le Parlement lui-même n'a pas approuvé la modification du mandat.

Je ne conteste pas que les objectifs soient louables, mais je suis préoccupé par l'autorisation législative. Je me demande où vous en êtes avec la modification du mandat. Je crois que vous jouez un rôle très important, mais les parlementaires, qui sont en définitive responsables des dépenses, doivent s'assurer que ce rôle a été inclus dans le mandat par voie législative.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pourquoi nous espérons que notre loi sera modifiée, qu'un projet de loi vous sera présenté à un moment donné concernant le rapport du comité de révision qu'a présidé le juge La Forest, dont j'ai parlé lors de mon exposé. Nous nous sentirions beaucoup mieux si nous obtenions l'autorisation législative, je vous l'assure. Nous avons demandé la modification de la loi à maintes reprises.

M. Vic Toews: Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Toews.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président.

Je suis un membre inhabituel de ce comité; je remplace un membre permanent. Ma question est liée à celle de mon collègue. Je suis actuellement membre du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Je vais vous poser quelques questions. Ce n'est pas que je sois contre, mais c'est juste une question d'information.

• 1555

Tout d'abord, avez-vous évalué le coût de ces initiatives et l'importance des dépenses consacrées à vos activités à l'extérieur par rapport à l'ensemble de votre budget? J'aimerais que vous nous donniez un exemple précis d'une intervention faite en cours d'année qui comportait des activités à l'extérieur.

J'aimerais aussi que vous me disiez—et je vais m'arrêter là parce que je ne veux pas trop en demander—si ces activités à l'extérieur sont faites en collaboration avec le ministère des Affaires extérieures. On sait que le ministère des Affaires extérieures oeuvre par ses propres fonctionnaires, mais aussi par l'ACDI; c'est-à-dire qu'il y a une division de l'ACDI qui travaille sur les droits des personnes à l'étranger. Je voudrais savoir, à cet égard, comment vous fonctionnez à travers tous ces mécanismes qui existent.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Certainement. En ce qui concerne le montant d'argent que la commission dépense elle-même pour des projets internationaux, je vous dirai que l'an dernier, par exemple, les visites que j'ai faites à l'étranger ont coûté 26 000 $. Nous avons reçu du Conseil du Trésor un montant de 139 000 $ à affecter spécifiquement aux affaires internationales. Ce montant-là a été dépensé à cette fin particulière. De plus, tous les montants qui sont dépensés sont remboursés par l'ACDI ou par le ministère des Affaires étrangères.

Je vous citerai un exemple précis, de l'année courante. À la demande de Mme Robinson, qui est le haut-commissaire aux droits de la personne, et avec l'appui du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI, nous avons établi, avec nos collègues du Mexique, un réseau interaméricain d'institutions nationales de protection et de promotion des droits de la personne. Ce réseau est destiné à devenir l'équivalent du Forum Asie-Pacifique. Il doit, en premier lieu, servir à l'échange d'informations entre les différentes institutions nationales des droits de la personne et il doit aussi permettre à certaines institutions de certains pays de prendre des positions qu'elles ne pourraient pas prendre si elles n'étaient pas appuyées par un réseau international. C'est un des exemples.

Je puis vous en donner un autre. Actuellement, nous en sommes à la troisième phase d'un projet avec l'Indonésie. Pendant trois ans, un de nos agents est allé sur place travailler à la mise sur pied de leur commission et à en assurer la survie. C'est ainsi que cette commission a pu, lors de la crise du Timor-Oriental, prendre des positions très fermes vis-à-vis du gouvernement.

Évidemment, nous visions à la rendre capable de fonctionner par elle-même, et c'est ce qui est en train de se produire. Nous avons toujours un rôle à jouer dans cette commission, mais c'en est plutôt un de surveillance, pour s'assurer que les projets mis en oeuvre sont bien en accord avec les dispositions de l'entente avec l'ACDI. Vous avez là des exemples de ce qu'on fait dans ce domaine, tant du côté multilatéral que du côté bilatéral.

• 1600

Notre travail avec l'ACDI et avec le ministère des Affaires étrangères s'effectue tant du côté de leur section des politiques, par exemple des droits de la personne, que du côté des bureaux qui traitent en particulier d'un pays. Je veux dire par là qu'on traite autant avec le bureau d'un secteur spécifique que le bureau du pays concerné. Par exemple, si l'action touche l'Amérique du Sud, ou l'Amérique latine, nous travaillerons avec le bureau de l'Amérique latine. En même temps, nous travaillons avec le bureau des droits de l'homme ou des politiques à l'ACDI.

M. Antoine Dubé: D'ailleurs, il me semble que vous jouez un rôle, que vous avez une influence, que vous oeuvrez à l'échelle internationale. Donc, vous êtes en mesure de comparer notre loi à l'égard des droits de la personne, que nous avons pour les citoyens canadiens, aux lois d'autres pays.

Vous avez dit tout à l'heure qu'il faudrait modifier la loi et y apporter des améliorations. Voici une question simple mais à laquelle il peut être difficile de répondre. Quand le Canada—les gens, les représentants du gouvernement canadien, les législateurs ou autres—se dit le champion de la promotion des droits de la personne ailleurs, est-ce qu'on peut dire que notre loi est la meilleure au monde?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je n'oserais pas affirmer que notre loi est la meilleure au monde puisque, justement, on a besoin d'y apporter des changements. Mais je pense qu'on est en mesure, étant donné que la commission existe depuis plus de 20 ans, de signaler aux autres pays les erreurs qu'on a faites afin qu'ils les évitent. De plus, la position du Canada est en avance sur celle de beaucoup de pays dans le monde. Même si, selon nos propres normes, nos lois ne sont pas encore à la hauteur de ce qu'elles devraient être, il reste que, pour une grande partie du monde, nos lois et nos institutions de protection et de promotion des droits de l'homme sont quand même considérées comme des exemples à imiter.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Dubé.

Étant donné le nombre de témoins que nous avons aujourd'hui, je suis généreux relativement au temps de parole. Si vous avez une série de questions à poser, je vais vous laisser faire pourvu que vous ne fassiez pas de digressions.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Madame Falardeau-Ramsay, à propos de ce point, et en réponse à la question de M. Dubé, je crois qu'il vaut la peine de signaler que le Canada est considéré comme un chef de file dans le domaine des droits de la personne, notamment en raison de sa Charte des droits et libertés et de ses lois sur l'équité en matière d'emploi.

Il m'a semblé qu'au Sommet des Amériques à Québec, dans le cadre de l'étude des questions liées à la mondialisation et au commerce, entre autres au sein des Amériques, les droits de la personne ont joué un rôle prépondérant. Ils ont été mis en évidence. À mon avis, nous ne devrions pas nous excuser de cela. Nous ne devrions pas nous excuser d'être considéré comme un chef de file. De même, je ne crois pas que vous devriez vous excuser—et vous non plus, je suis certain—de représenter efficacement le Canada sur la scène internationale, car il me semble que c'est ce que doit faire un joueur mondial et un membre de la communauté des nations, ce que nous sommes, et nous jouissons d'ailleurs d'un très grand respect au sein de cette communauté.

Il est donc merveilleux que nous prenions part à ces initiatives. Nous devrions applaudir les gens comme vous qui y participent au nom du Canada.

Cela dit, je veux revenir au rapport du juge La Forest dont vous avez parlé. Le gouvernement a dit qu'il le distribuerait aux ministères, qui l'examineront et formuleront leurs commentaires. Premièrement, participez-vous à cet examen avec les ministères? Deuxièmement, vous a-t-on dit à quel moment on vous ferait rapport de l'examen? Enfin, avez-vous pris part à la mise en oeuvre de recommandations énoncées dans le rapport?

• 1605

Une fois que vous aurez répondu à ces questions, je veux aborder le sujet du dépistage génétique, car je crois qu'il a été traité dans le rapport et je m'y intéresse beaucoup. Mais je vais d'abord vous laisser répondre à ces trois questions.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Premièrement, non, nous ne participons pas à l'examen. Nous venons tout juste d'apprendre du ministère de la Justice qu'un examen est en cours. Nous n'y prenons donc pas part.

Deuxièmement, il se peut qu'on ait déterminé le moment auquel on nous fera rapport de l'examen, mais je ne suis pas au courant.

Troisièmement, nous sommes en effet en train de mettre en oeuvre certaines des recommandations énoncées dans le rapport La Forest. En fait, le rapport sur l'équité en matière d'emploi que nous avons présenté au Parlement découle d'une certaine façon du rapport La Forest, dans lequel nous avons appris que nous étions autorisés à faire cela, bien que nous ne l'avions jamais fait, à l'exception d'une fois, soit en 1986 ou en 1987. Nous pourrions mettre en oeuvre d'autres recommandations, mais nous n'avons pas suffisamment de ressources.

Par exemple, mener des enquêtes publiques sur des questions précises n'est pas facile et nécessite beaucoup d'argent et de ressources humaines. Ce genre de recommandation serait difficile à appliquer à l'heure actuelle.

Nous avons examiné toutes les recommandations pour voir comment nous pourrions commencer à mettre en oeuvre certaines d'entre elles, même si la loi n'est pas encore modifiée. Alors ce serait...

M. Lynn Myers: Si je puis vous interrompre, je voudrais passer au dépistage génétique...

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Pardon, je crois que le secrétaire général veut ajouter quelque chose.

M. John Hucker: Je voudrais seulement ajouter un point.

L'une des recommandations énoncées dans le rapport La Forest concernait la mise en place d'un système de responsabilité interne, c'est-à-dire un système que les employeurs devraient établir pour régler les plaintes et les problèmes liés aux droits de la personne avant qu'ils ne deviennent publics. Nous avons dit que nous tenterons cette année d'encourager deux ou trois employeurs clés à mettre en place un système de responsabilité interne. C'est l'une des recommandations que sommes en train de mettre en oeuvre.

M. Lynn Myers: Avez-vous déjà déterminé quels seront ces employeurs? Se trouvent-ils au Canada?

M. John Hucker: Oui. Ce seront des employeurs au sein du gouvernement fédéral. Je crois que nous avons discuté avec deux ou trois employeurs, mais le choix n'est pas encore arrêté.

M. Lynn Myers: Ce sont de bonnes nouvelles.

Au sujet du dépistage génétique, certaines personnes affirment qu'il peut pratiquement engendrer une classe marginale de personnes. Les conséquences du dépistage génétique pourraient préoccuper les gens, certainement en ce qui a trait aux assurances ou à l'emploi.

Ces conséquences vous inquiètent-elles? Travaillez-vous à ce dossier conjointement avec le commissaire à la protection de la privée et quelle est votre opinion? En tant que personne, ces répercussions me troublent quelque peu. Étant donné votre poste et vos connaissances, êtes-vous également préoccupée?

• 1610

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Premièrement, je dois dire que je partage votre inquiétude. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à être préoccupés. En fait, une décision de la Cour suprême faisait récemment allusion à cette inquiétude. Je crois qu'il s'agissait de la décision Mercier. Le tribunal y a fait allusion en tant qu'un genre de médiateur.

Je pense que le dépistage génétique engendrera de la discrimination dans l'avenir, particulièrement dans le domaine de l'emploi. Il serait très important que de la recherche soit effectuée sur le sujet. Malheureusement, nous ne pouvons pas à l'heure actuelle affecter des ressources à ce type de recherche. Il est impératif que nous nous penchions sur le sujet avant que nous soyons aux prises avec un problème. À ce moment-là, il sera trop tard pour s'y pencher. Il est très important d'agir, que ce soit en partenariat avec le commissaire à la protection de la vie privée ou avec les commissions provinciales. Cela aura une incidence sur le travail de celles-ci et d'autres organismes qui seraient en conflit d'intérêt possible avec notre commission.

M. Lynn Myers: Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Myers, merci.

Monsieur Spencer, je vous prie.

M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Je ne suis pas sûr de connaître l'objet de ce rapport La Forest. Était-ce celui qui portait sur les problèmes internes de la commission?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non.

M. Larry Spencer: De toute évidence, les médias ont mentionné plusieurs fois qu'il y avait beaucoup de démissions chez vos employés au cours des dernières années. Ils ont apparemment fait enquête et découvert que 37 p. 100 des employés qui restent continuent de se chercher un autre emploi. D'après les renseignements dont je dispose, cet état de faits est dû à des plaintes de favoritisme et d'avancement pour des raisons qu'ils estiment inéquitables. Or, le mandat de la Commission des droits de la personne est justement de nous protéger contre ce genre de pratiques. Que fait-on au sein de la commission pour donner suite à ces reportages?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Tout d'abord, je tiens à vous signaler que c'est moi qui ai commandé l'étude. Quand j'ai constaté le taux de roulement du personnel, j'ai demandé à ce qu'on aille au fond des choses et qu'on connaisse le motif réel des départs.

Certains départs peuvent s'expliquer. Manifestement, la commission est un petit organisme, de sorte qu'il ne peut offrir autant de chances d'avancement qu'un organisme plus important. Par ailleurs, le genre de travail effectué à la commission, surtout dans le domaine juridique et le domaine des enquêtes, est très difficile et stressant. On est constamment en train de traiter avec des gens qui sont vivement insatisfaits de ce qu'ils font.

J'ai demandé à Watson Wyatt, une boîte internationale, de faire une évaluation du milieu de travail. Nous avons commencé à donner suite aux recommandations faites par l'expert-conseil. Nous avons déjà commencé à régler ce que nous pouvions régler rapidement. Par exemple, un ingénieur acousticien est venu la semaine dernière pour examiner l'aménagement des locaux de manière à l'améliorer. C'était l'objet d'une des doléances des employés.

• 1615

Nous avons aussi envisagé de revoir notre norme de service grâce à des échanges avec les employés. Nous avons tenu une réunion avec une équipe d'employés, y compris avec le délégué syndical, qui a rédigé les questions qui nous permettront de lancer le débat en vue d'établir un plan d'action.

Le plan d'action sera aussi le produit d'une retraite que nous organiserons non seulement avec les gestionnaires, mais également avec des représentants de chaque direction de la commission, représentants qui auront été choisis par les employés eux-mêmes. Ensuite, nous établirons quel genre de processus de consultation devrait être mis en place de manière à pouvoir travailler ensemble, c'est-à-dire avec la participation des employés, à arrêter le plan d'action.

M. Larry Spencer: D'accord.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous pouvez peut-être poser une autre question, si vous souhaitez approfondir la question.

M. Larry Spencer: D'accord. J'ai effectivement une petite question.

Les auteurs du rapport ont réussi à identifier trois cadres supérieurs qui, selon eux, sont les plus grandes sources de problèmes. En tant que commissaire en chef, pouvez-vous nous donner l'assurance que vous n'êtes pas l'une d'entre eux?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non. Je ne puis vous donner cette assurance.

M. Larry Spencer: Vous n'êtes donc pas au courant?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: De concert avec les employés, nous sommes en train de voir quelles sont les sources exactes de problèmes et où elles se situent de manière à pouvoir les régler.

Il n'en demeure pas moins qu'en tant que commissaire en chef, je me sens responsable et redevable de tout ce qui se passe à la commission. Le fait que j'ai demandé l'exécution de cette étude particulière montre bien le genre de responsabilité et de transparence auxquelles je crois.

M. Larry Spencer: Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous avez posé une dernière question difficile.

M. Larry Spencer: J'essaie toujours d'être à la hauteur.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Owen.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être venue aujourd'hui. J'aurais quelques observations à faire, puis j'aurai peut-être une question à vous poser.

Pour ce qui est de ce qu'a dit M. Toews, la loi ne confère pas de mandat explicite vous permettant de participer à des travaux internationaux. L'absence de dispositions explicites ne m'inquiète pas. Je ne crois pas qu'il soit essentiel d'en avoir.

Les commissaires fédéraux à la protection de la vie privée et à l'accès à l'information, le commissaire du service correctionnel, le vérificateur général et le directeur général des élections, entre autres, tout comme, dans les provinces, les protecteurs du citoyen, les vérificateurs généraux et les commissaires à l'enfance, de même que les agents des affaires parlementaires et les fonctionnaires, qu'ils soient à la justice, à l'environnement ou à l'industrie, autant de gens dont le pouvoir est implicite dans leur mandat. Ils sont tenus dans l'exercice de leurs fonctions d'accorder beaucoup d'attention à ce qui se passe sur la scène internationale. Ils doivent y participer grâce à des contributions et à l'acquisition de connaissances.

J'aimerais donner au comité l'assurance que, dans certaines de mes fonctions antérieures, j'ai observé des preuves très directes du travail de la Commission canadienne des droits de la personne. J'y ai participé avec M. Hucker et avec le commissaire en chef à divers moments. J'ai pu observer par moi-même l'importance de la contribution du Canada, grâce à son travail dans des pays aux prises avec des problèmes de violation de droits de la personne beaucoup plus graves que ce que nous avons ici. En plus de la contribution que, selon moi, le pays doit faire—et qui se fait en partie grâce au travail d'organismes comme celui-là à l'étranger—je crois qu'en tant que Canadiens, nous apprenons beaucoup de ce genre de participation.

• 1620

Donc, bien que nous puissions vivre dans une société qui a la chance de ne pas être aux prises avec le genre de violations des droits de la personne que l'on voit dans de nombreuses autres régions du monde, nous continuons de vivre une période d'intense changement démocratique depuis 15 ans. Toutes sortes de pays font face à des situations beaucoup plus draconiennes que la nôtre, mais ils favorisent, de certaines façons, des lois et des pratiques très ambitieuses et innovatrices dont nous pouvons tirer un enseignement, tout comme nous les voyons évoluer à mesure que nous contribuons à leur société. Je crois donc que les Canadiens ont une immense responsabilité dans ce genre de travail à l'étranger, qu'ils en profitent beaucoup, et je vous en félicite.

Ma question concerne votre expérience—et peut-être davantage celle de M. Hucker—dans l'application au Canada de cette loi au cours des 10 dernières années et l'évolution de la situation ici. Il y a une composante d'information publique. Il y a simplement l'impact correcteur qu'on peut espérer que l'examen, voire le règlement de plaintes, aura avec le temps sur la société canadienne et, plus particulièrement, sur les organismes et les gens qui relèvent directement de vous.

Sans s'attendre à ce que le règlement des plaintes en matière de droits de la personne devienne un secteur en déclin au Canada, avez-vous constaté des améliorations? Comment qualifieriez-vous le développement de ce domaine de la politique gouvernementale au cours des 10 dernières années et, fait plus important, la réaction de la population et du gouvernement ainsi que des organismes fédéraux à cette évolution?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous voyez, les droits de la personne sont en quelque sorte un peu comme un oignon. Vous enlevez une pelure, et vous vous rendez compte qu'il y a autre chose en dessous. Je suis convaincue que les problèmes auxquels nous nous attaquons aujourd'hui sont très différents de ce qu'ils étaient lorsque la loi a été adoptée il y a plus de 20 ans. La situation évolue donc. Comme je l'ai dit dans mon exposé, elle n'est pas statique; elle évolue constamment.

Ce que nous pouvons constater maintenant, cependant, c'est que la population connaît beaucoup mieux ses droits. La protection est également bien meilleure, selon moi, qu'elle ne l'était il y a 20 ou 30 ans. Je songe notamment aux politiques de harcèlement sexuel qui n'existaient pas il y a 25 ou 30 ans et qu'on retrouve maintenant partout. Il existe aussi le même genre de politiques au sujet du harcèlement racial, ce qui était complètement inexistant auparavant. Enfin, la sensibilisation des élèves et étudiants à la question est bien meilleure—au primaire, au secondaire et à l'université—. Ils savent ce que sont les droits de la personne et la discrimination et sont conscients de l'importance de se doter d'une société intégrée qui est équitable pour tous.

Je crois donc qu'il y a eu des changements. Mais, comme je l'ai dit, il faut toujours suivre son temps. De nouvelles questions font surface. Vous, monsieur Myers, faisiez allusion tout à l'heure aux tests génétiques. Il y a 20 ans, nul ne s'y serait arrêté mais, dans quelques années, ce sera un motif de discrimination dans le domaine des droits de la personne. Il faut donc faire en sorte de suivre cette évolution.

Manifestement, il faut aussi faire en sorte que les systèmes en place ne sont pas trop lourds et qu'ils permettent un règlement rapide, mais équitable, des plaintes. Voilà ce que nous recherchons tous, je crois. Nous cherchons aussi des moyens d'informer la population au sujet des droits de la personne et d'en faire la promotion. Je crois que cette composante est tout aussi importante que le règlement des plaintes.

• 1625

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Owen.

Monsieur Dubé.

Je n'ai pas d'autres noms sur ma liste. Donc, si l'un d'entre vous a une question à poser, qu'il ou elle se manifeste.

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui. Dans mon travail de député, je vois des cas de toutes sortes, comme en voient aussi sûrement mes collègues. En fait, de nombreux citoyens nous prennent en quelque sorte pour des ombudsmans capables de régler divers différends, pour des protecteurs du citoyen comme il en existe dans les provinces, en tout cas au Québec. Parmi les cas qui nous sont soumis, il y en a qui ne me semblent pas faciles à régler; ce sont les cas de personnes qui ne sont pas encore reconnues citoyens canadiens.

Je vais vous donner quelques exemples sans nommer les personnes auxquelles je pense parce que leur identité est sans intérêt. Des gens viennent de l'étranger pour travailler au Canada sur la base d'un contrat de travail. Dans certains cas, l'entreprise ne respecte pas le contrat et la personne se retrouve sans emploi et est obligée de retourner dans son pays d'origine. C'est là une situation du premier type.

En voici une d'un deuxième type qui a été présentée à une séance du Comité des droits de la personne. Des gens ont été acceptés ici comme réfugiés mais se retrouvent avec le statut de sans-papiers, ce qui veut dire qu'ils ne peuvent jouir de tous les droits d'un citoyen reconnu. Évidemment, ils ont quitté des lieux où leur vie était menacée, mais une fois arrivés ici, au Canada, ils ne sont pas reconnus comme citoyens à part entière. Ainsi, ils ne peuvent obtenir un passeport. Ni eux ni leurs enfants ne peuvent obtenir de bourses d'études des provinces ou d'autres services.

Donc, ne trouvez-vous pas que les gens qui n'ont pas encore le statut de citoyen canadien sont un peu laissés pour compte? Personnellement, je trouve cela un peu malheureux. Si je me trompe, dites-le moi. Je trouve un peu malheureux qu'un pays qui prétend vouloir faire la promotion des droits de la personne, qui se dit un leader, un chef de file dans le domaine ait de la difficulté à respecter lui-même, dans des cas comme ceux-là, les droits de personnes qui sont pourtant ici au Canada, bien vivantes, mais pas encore citoyens canadiens?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: C'est un des sujets épineux, surtout le cas dont vous avez parlé, celui des réfugiés qui viennent ici en demandant le statut de réfugié, qui sont reconnus ou déterminés comme tels et qui ont pourtant de la difficulté à obtenir leurs documents de résidence permanente.

On a d'ailleurs fait des pressions auprès du ministre de l'Immigration à ce sujet, plus précisément au sujet des réfugiés qui venaient de Somalie et avaient beaucoup de difficulté à obtenir leurs documents de résidence permanente. Je sais que j'ai écrit au ministre de la Justice et que nous en avons parlé dans notre rapport annuel à ce moment-là.

Quant au premier cas que vous avez mentionné, celui de bris de contrat, ni plus ni moins, entre des personnes qui viennent travailler et un employeur qui n'en respecte pas les conditions, forçant ainsi ces personnes à retourner dans leur pays...

M. Antoine Dubé: Et qui n'ont même pas droit à l'assurance-chômage, par exemple.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Exactement. C'est évidemment aussi un problème. C'est un problème qui n'a pas été porté comme tel à notre attention, mais c'est sûrement dommage et déplorable.

M. Antoine Dubé: Vous me laissez un peu sur ma faim.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je le comprends, mais c'est que ce n'est pas directement de notre juridiction. Il faudrait...

M. Antoine Dubé: Que me conseillez-vous de faire quand je dois m'occuper de tels cas?

• 1630

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Venez me voir tout à l'heure. Je dois vous dire que c'est un sujet très difficile. Dans ce cas-là, c'est surtout, je pense, une situation de bris de contrat. Je ne voudrais pas donner de conseils juridiques sans regarder de plus près à la situation. J'ai l'impression que c'est surtout un problème de bris de contrat.

M. Antoine Dubé: Je veux juste attirer l'attention des autres membres du comité sur ces cas. Je sais que M. Cotler était présent à la séance du comité où on nous a parlé de ces gens sans papiers. Je veux simplement souligner que le plan international, c'est bien beau, mais que nous avons ici des gens qui sont pratiquement sans droits parce qu'ils n'ont pas de statut officiel. J'en parle comme devant faire l'objet de nos préoccupations.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Dubé, je vous remercie.

Madame, je vais maintenant laisser l'autre côté de la table vous poser des questions. Les questions semblent difficiles de ce côté-ci.

Monsieur Cotler, je vous prie.

[Français]

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Bonjour, Madame Falardeau-Ramsay.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Bonjour.

[Traduction]

M. Irwin Cotler: Dans votre mémoire, vous mentionnez la formation d'une commission chargée d'examiner la Loi canadienne sur les droits de la personne qui, comme nous le savons, a recommandé 165 modifications, voire réformes, du système fédéral des droits de la personne.

J'ai rencontré plusieurs représentants d'organismes actifs dans le domaine des droits de la personne, et vous m'excuserez si la question vous a déjà été posée avant mon arrivée. Ils se disent préoccupés par le fait que le gouvernement ne semble pas s'être fixé d'échéance pour répondre à ce rapport qu'il a en mains depuis juin dernier et qu'il n'a pas proposé de cadre particulier pour traiter de la réforme proposée.

J'ai deux questions à cet égard. Dans quelle mesure la commission travaille-t-elle avec le ministère de la Justice en vue de faciliter une réponse opportune et significative aux recommandations? Je sais que vous avez dit attendre avec impatience les résultats. Toutefois, je me demande si vous travaillez de concert avec le ministère de la Justice plutôt que de simplement attendre les résultats. C'est ma première question.

Ensuite, dans quelle mesure la commission cherche-t-elle à mettre en oeuvre certaines recommandations auxquelles elle peut donner suite dans le cadre de son mandat, sans attendre la réaction du ministère de la Justice? Je vais m'en tenir à ces deux questions pour l'instant.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vous remercie. En fait, ces questions ont déjà été posées...

M. Irwin Cotler: D'accord.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: ...mais je peux vous répéter les réponses, si vous le souhaitez.

Tout d'abord, nous ne travaillons pas de concert avec le ministère. Le ministère ne nous a pas demandé de travailler avec lui au sujet de la réaction au rapport.

M. Irwin Cotler: Il n'y a pas eu de consultation à cet égard?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non, il n'y a pas eu de consultation. On nous dit qu'ils sont actuellement en train de consulter divers autres ministères et qu'en temps et lieu, ils nous feront connaître leur réponse. Nous n'avons aucune idée de l'échéancier.

Quant à la deuxième partie de votre question, nous avons effectivement déjà examiné ce que nous pouvions faire sous le régime de la loi actuelle afin de mettre en pratique certaines des recommandations du rapport La Forest. Par exemple, nous avons le pouvoir de présenter des rapports spéciaux au Parlement sur des questions spéciales, et nous l'avons exercé...

M. Irwin Cotler: Par exemple, en matière d'équité en emploi.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Justement, ainsi qu'à l'égard de l'équité salariale, cette année.

• 1635

Comme M. Hucker a déjà mentionné également le comité interne, je lui laisse le soin de le faire à nouveau, puisqu'il l'a si bien fait. Toutefois, avant de lui demander de prendre la parole à ce sujet, je précise que nous avons de toute évidence certains pouvoirs que nous confère la loi, par exemple pour mener des enquêtes publiques sur des questions précises. Toutefois, nous ne pouvons pas vraiment les exercer, parce que nous n'avons pas les ressources pour le faire. De pareilles enquêtes absorbent beaucoup de ressources, tant financières qu'humaines. Pour l'instant, nous n'en avons pas les moyens. Cependant, nous faisons tout notre possible, dans les limites de ce que permettent la loi et nos ressources.

Je vais demander à M. Hucker de reprendre...

M. Irwin Cotler: Allez-vous fournir au ministère de la Justice la liste des initiatives que vous allez prendre dans le cadre des 165 recommandations? Ce sont des initiatives qui relèvent de votre mandat, de sorte que, dans les faits, le ministère de la Justice serait avisé des démarches que vous entreprenez.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: J'ai déjà rencontré la ministre de la Justice et je l'ai informée de certaines mesures que nous avons déjà prises, que nous appliquons déjà. Je demanderai donc à M. Hucker de reprendre son explication au sujet de...

M. Irwin Cotler: Ne vous donnez pas cette peine. Je lirai la transcription des délibérations.

M. John Hucker: Puis-je faire valoir un autre point, cependant? Comme l'a dit la commissaire en chef, nous n'avons pas travaillé avec le ministère de la Justice à donner suite au rapport de la commission La Forest. Toutefois, nous avons été officieusement informés que la bureaucratie oppose beaucoup de résistance à la mise en oeuvre de certaines recommandations de la commission La Forest.

Cette résistance est attribuable en partie au coût, car certaines propositions sont draconiennes. Ainsi, chaque plainte de violation des droits de la personne fera l'objet d'une audience. On se demande immédiatement combien cela coûtera. Nous transférerions tout arriéré du processus actuel d'enquête à un tribunal, de sorte que tous auraient l'occasion de se faire entendre.

Ce genre de questions mijote dans les ministères, mais nous n'entendons que des bribes par-ci par-là. Nul ne nous consulte directement à ce sujet.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Cotler, c'est tout le temps dont vous disposiez.

Monsieur McKay, je savais que vous ne pourriez pas résister à la tentation.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Il faut bien que je protège ma réputation, monsieur le président. Je n'avais pas l'intention de poser une question, mais les attachés de recherche ont insisté.

Actuellement, le Tribunal des droits de la personne et le Président sont parties à une poursuite mettant en cause le chauffeur du Président. Si j'ai bien compris, le Président a pour principe que la loi ne s'applique pas à la Bibliothèque du Parlement ou au Parlement comme tel. Je serais curieux de savoir si vous croyez qu'il y a moyen de défendre cette position en invoquant des motifs de compétence.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Habituellement, j'appuierais l'argument contraire, soit que la loi devrait s'appliquer. En fait, il existe une jurisprudence établissant que—surtout dans l'affaire MacBain d'il y a quelques années, si ma mémoire est bonne. Toutefois, le tribunal est maintenant saisi de la question et il est en bien meilleure position que moi pour trancher. Il aura entendu tous les arguments de toutes les parties en cause.

M. John McKay: Donc, selon vous, la position voulant que les employés du Parlement devraient être exemptés de ce genre de loi au sein même de la cité parlementaire—c'est-à-dire les députés, les présidents et ainsi de suite—ne se défend pas?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: C'est au tribunal d'en décider. À mon avis, l'immunité parlementaire s'applique à tout ce que vous faites en tant que parlementaires, mais lorsque vous êtes employeur, vous êtes un employeur fédéral. Si la question ne relève pas de l'emploi, mais bien du rôle de parlementaire, alors l'immunité devrait s'appliquer.

• 1640

M. John McKay: Votre argument gravite donc autour du fait que l'immunité parlementaire se limite à nos tâches de parlementaires.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: De parlementaires, effectivement.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur McKay, je vous remercie.

Comme il n'y a plus de questions, j'aimerais remercier les deux témoins d'avoir répondu à notre invitation. Je vous suis reconnaissant...

M. Antoine Dubé: J'aurais une autre petite question.

[Français]

J'ai vu que 123 plaintes avaient été portés devant les tribunaux par votre intermédiaire, mais je n'ai pas vu dans votre rapport—peut-être l'avez-vous dit—combien vous aviez reçu de plaintes l'an passé.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Nous avons reçu 1 238 plaintes.

M. Antoine Dubé: Merci. C'est tout.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Dubé, je vous remercie.

Je tiens à remercier les deux témoins et je crois que nous pouvons remettre à M. Spencer le prix de la question la plus brutale de la semaine. Ce fut un véritable plaisir. Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.

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