JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 octobre 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): J'aimerais que nous nous occupions d'une question d'ordre administratif. Je crois avoir le consentement des membres du comité pour traiter très rapidement la motion de M. Lee et ainsi ne pas retenir trop longtemps nos témoins. Il en a donné avis il y a une semaine. Je crois que tous les partis s'entendent pour expédier cette affaire.
Monsieur Lee, voulez-vous très brièvement nous mettre au courant?
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous avons distribué la motion la semaine précédant le congé parlementaire. Il s'agit de la motion comportant deux changements. Je proposerais une modification pour donner suite aux changements.
Chers collègues, vous avez devant vous une ébauche de motion. Deux modifications y ont été apportées. Premièrement, le comité ne comprendra pas neuf membres mais plutôt 11. Il sera composé de six membres du Parti libéral, deux de l'Alliance canadienne, un du Bloc québécois, un du Nouveau Parti démocratique et un de la Coalition PC/RD.
Le deuxième changement porte sur le mandat. Il y a un ajout. Il s'agit du rapport annuel du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications. Il s'ajoute à la liste, le deuxième à partir de la fin.
• 1535
Je propose que nous adoptions la motion avec les deux
modifications, conformément à l'avis donné au préalable et tel
que modifiée.
Le président: Nous avons entendu la motion. Je crois que nous comprenons tous l'urgence de la situation. J'ai mis la motion aux voix. Quels sont ceux qui sont en faveur? Y a-t-il quelqu'un qui s'y oppose?
(La motion modifiée est adoptée—[Voir le Procès-verbal])
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lee. Bonne chance. Nous attendrons votre premier rapport au comité principal.
M. Derek Lee: Merci, monsieur le président.
Le président: Je remercie les membres de tous les partis de la très grande collaboration qu'ils nous ont donnée à cet égard. Cela augure bien pour l'avenir de nos travaux au sein du sous-comité de M. Lee de même que des travaux que nous consacrerons à la législation entourant le projet de loi anti-terrorisme.
Quant aux témoins qui se sont rendus ici pour discuter de notre sujet, je les remercie grandement de leur patience.
Aujourd'hui nous recevons des représentants de trois organismes qui s'adresseront au comité relativement au projet de loi C-15B. Le Fur Council of Canada est représenté par Allan Herscovici. Pour le Conseil canadien de protection des animaux, nous recevons M. Clément Gauthier et Marie Bédard. La World Society for the Protection of Animals est représentée par Lesli Bisgould, directrice exécutive.
Dans l'ordre selon lequel ils figurent à l'ordre du jour, nous allons commencer par le Fur Council of Canada qui dispose d'au plus 10 minutes.
M. Alan Herscovici (vice-président exécutif, Fur Council of Canada): Monsieur le président et membres du comité, j'aimerais vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de vous entretenir de cette question importante.
[Français]
Merci beaucoup de m'avoir invité à vous expliquer pourquoi un si grand nombre et une si grande gamme d'industries et d'associations s'inquiètent du projet de loi C-15B tel qu'il a été présenté.
[Traduction]
Je m'appelle Alan Herscovici. Je suis vice-président exécutif du Fur Council of Canada. Il s'agit d'une association nationale sans but lucratif représentant tous les secteurs du commerce de la fourrure au Canada et qui fait intervenir plus de 70 000 Canadiens d'un bout à l'autre du pays, y compris les collectivités autochtones.
Je suis aussi président du Montreal Fashion Network, un groupe intersectoriel, qui représente l'industrie de la mode à Montréal. Je siège au sein du Comité international sur la fourrure, le cuir et le textile des ministres du Commerce des GCSCE.
Encore plus important peut-être en ce qui a trait au projet de loi que le comité examine aujourd'hui, je suis aussi un auteur qui s'est penché sur la campagne en faveur des droits des animaux, l'émergence des droits des animaux et une nouvelle forme de mouvement de défense des droits des animaux qui remonte à 20 ans. Je suis l'auteur d'un livre intitulé Second Nature: The Animal Rights Controversy. Ce fut peut-être le premier livre qui a essayé de mettre en évidence les répercussions à long terme de ce glissement du bien-être des animaux à cette nouvelle philosophie des droits des animaux. Malheureusement, beaucoup trop de ce que j'avais prédit dans le livre s'est concrétisé, y compris une partie de ce que nous allons examiner aujourd'hui.
J'ai aussi été consultant, en 1985-1986, auprès de la Commission royale sur les phoques et l'industrie de la chasse aux phoques au Canada où j'ai travaillé sur les questions portant sur les droits des animaux. J'ai travaillé pour de nombreux groupes différents de recherches en agriculture relativement à des questions de ce genre.
Ma tâche aujourd'hui avec le comité consiste à sonner l'alarme relativement aux dangers que pose l'adoption de certains articles du projet de loi C-15B dans leur forme actuelle. Je sais que le comité examinera très bientôt une loi très grave sur la sécurité des Canadiens. Il pourrait être difficile de se concentrer sur ces questions. Je veux vous dire que ce que nous examinons aujourd'hui pourrait revêtir la même importance sinon une plus grande importance pour la sécurité des Canadiens à long terme.
J'espère qu'au cours des prochains jours vous vous demanderez pourquoi un tel éventail d'industries, d'associations, de groupes et de professionnels se manifestent et soulèvent certaines questions sérieuses au sujet d'un projet de loi dont les principes pourraient sembler évidents et qui pourrait sembler être paternaliste et porter sur le bien-être des animaux—ce que nous faisons tous j'en suis convaincu.
Si autant de groupes se manifestent c'est parce que ces personnes travaillent directement avec les animaux et ont été aux prises avec certaines des répercussions réelles de cette nouvelle campagne en faveur des droits des animaux. Je ne sais pas dans quelle mesure vous êtes vous-même au courant. Cela peut sembler tiré par les cheveux, mais je vous assure qu'il n'en est rien. En fait, la nouvelle campagne en faveur des droits des animaux est différente du bien-être des animaux. Nous voulons tous, je suppose, le bien-être des animaux.
• 1540
La campagne en faveur des droits des animaux est
philosophiquement opposée à quelque utilisation des animaux, même
pour s'alimenter, même pour la recherche médicale vitale.
Cependant, parce que ces groupes savent que la vaste majorité de la
société n'acceptera pas cette vision radicale—certainement pas à
ce moment-ci—les activistes pour la défense des droits des animaux
ont souvent tendance à parler plutôt de bien-être des animaux pour
faire avancer leur cause.
L'objectif consiste toujours à limiter, à entraver et au bout du compte à supprimer la plupart des utilisations que nous connaissons des animaux. Une de leurs stratégies favorites consiste à utiliser leurs considérables ressources... Vous remarquerez qu'un certain nombre de groupes qui vous sollicitent ont des raisons sociales du genre «Société mondiale» ou «Fonds international». Il s'agit de groupes internationaux qui, souvent, ne sont pas très actifs dans ce pays mais qui, à l'échelle internationale, disposent de sommes importantes—et nous servons de terrain d'essai, je vous l'assure. Ils veulent créer une fausse situation, comme s'il y avait une crise, comme si au Canada la situation quant aux abus dont les animaux sont l'objet est critique et qu'il nous faille adopter de nouvelles lois.
Ils plaident pour l'adoption de lois. Ils veulent immobiliser les chercheurs, les agriculteurs et d'autres personnes qui interviennent dans l'utilisation responsable des animaux dans un enchevêtrement de règlements et de coûts accrus, parce que tous les gens dont nous parlons—agriculteurs, personnes qui travaillent dans le commerce des fourrures, etc.—essaient de gagner leur vie. Tout le monde sait que la situation est difficile aujourd'hui étant donné la conjoncture et qu'une hausse des coûts peut être tout aussi efficace qu'une interdiction.
Les groupes qui exercent des pressions n'épousent pas d'autres causes. Tout ce qu'ils font pour gagner leur vie, c'est exercer des pressions. Ils n'ont rien à perdre.
Je n'oublierai jamais qu'un des activistes canadiens pour la défense des droits des animaux, Stephen Best, m'a dit un jour, alors que nous parlions de chasse au phoque, que le problème qui se pose dans l'industrie c'est que nous devons trouver de l'argent fonds pour nous défendre contre leurs attaques. C'est par l'entremise de ces campagnes qu'ils font leur argent: plus elles sont longues plus ils en recueillent.
L'industrie doit trouver les ressources, le temps... Je devrais être à Montréal en train de travailler avec notre association pour aider à promouvoir les produits canadiens de la fourrure sur les marchés internationaux et accroître les exportations, mais nous sommes ici aujourd'hui pour discuter de cette mesure législative.
C'est le point dont il faut se rappeler. Ces groupes n'ont rien à perdre. Lorsque nous acceptons des compromis nous faisons avancer leur cause et ils gagnent sans cesse. C'est la raison pour laquelle tant de groupes s'inquiètent autant.
Pire, même, ces campagnes législatives—l'arme privilégiée, de nos jours—sont souvent accompagnées quotidiennement, bon nombre des groupes qui vous parleront vous le diront, de harcèlement, d'intimidation et parfois même, carrément, de terrorisme. Je ne plaisante pas avec ces choses-là, tout le monde qui suit cette question de près le sait.
Rien que ces derniers jours, une bombe incendiaire a rasé un laboratoire de recherche médicale aux États-Unis.
Le 11 septembre, le Front de libération des animaux a annoncé que quelques jours auparavant, il avait incendié un McDonald aux États-Unis.
Nous assistons à une vague d'actes du FLA, le Front de libération des animaux, d'introductions par effraction et d'incendies criminels de fermes et de laboratoires de recherche en Europe occidentale et aux États-Unis. Je me permets de vous rappeler que la GRC, tout comme le FBI et Scotland Yard, a affirmé que les actes extrémistes du Front de libération des animaux constituent l'une des principales menaces pour la sécurité au pays. Ce n'est pas ce dont il s'agit avec cette loi, mais soyez prudents, parce que ce genre d'actes s'insère dans une stratégie plus vaste, et tout cela émet des signaux très importants.
J'ai été moi-même atterré de découvrir, pas plus tard que la fin de semaine dernière—parce que je pense qu'il y a de nouvelles personnes qui travaillent à ce dossier au ministère de la Justice—que les gens du ministère de la Justice qui ont travaillé à cette loi semblent tout à fait inconscients des conséquences des interventions du mouvement radical de défense des animaux relativement à la présence de certaines formulations dans le projet de loi C-15B.
On dirait, en fait, que certains groupes de défense des animaux ont participé de très près à la rédaction de ce projet de loi. D'ailleurs, quasiment chacun des éléments pour lesquels ces groupes faisaient pression se retrouvent dans le projet de loi C-15B. Les principaux concepts de protection des droits des animaux y ont été intégrés, qui n'ont aucun lien avec l'objectif affirmé du gouvernement et avec ce que la majorité des gens pensent être l'objet de la loi, c'est-à-dire aider à faire en sorte que les gens qui, ouvertement, font preuve de violence envers les chiens, les chats, ou quelque autre animal, comme ces incidents très médiatisés dont nous ne cessons d'entendre parler, soient traités comme il se doit et que de fortes pénalités soient prévues pour pareils comportements.
Le gouvernement et le ministère de la Justice ont à maintes reprises répété que l'objectif est simplement de consolider et de simplifier la loi existante sur la cruauté envers les animaux en organisant les délits d'une façon plus rationnelle et d'accroître les dispositions visant les pénalités. Je pense que vous constaterez qu'aucun des groupes qui se présentent devant vous pour exposer leurs préoccupations ne s'oppose à ces mesures.
Nous sommes, cependant, tout à fait opposés à deux grands objectifs de protection des droits des animaux qui se sont glissés dans le projet de loi C-15B: il y a d'abord le déplacement des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux de la partie XI à la partie V, ou V.1—autrement dit, hors de la partie réservée au type particulier de propriété et dans une section directement reliée à celle qui se rapporte aux questions de moralité publique, en fait; et ensuite, il y a l'élargissement radical et irresponsable de la définition «d'animaux». Je dirais que ces deux dispositions sont le résultat de recherches très mal faites, ou même pire, et doivent être modifiées.
• 1545
L'opposition au déplacement de ces dispositions hors de la
partie XI dans la partie V.1 vient, tout d'abord, de l'élimination
des importants moyens de défense que sont la justification légale
et explicite ainsi que de l'apparence de droit que prévoit le
paragraphe 429(2). Vous êtes plusieurs avocats, ici—je ne le suis
pas—alors vous savez mieux que moi que des mesures de protection
supplémentaires explicites s'y trouvaient. Elles avaient une raison
d'être, et elles étaient des moyens de défense importants. Nous les
perdrons en déplaçant cet article. Le ministère de la Justice dit
que cela ne fait rien, mais nous avons obtenu plusieurs avis
juridiques selon lesquels cela fait une différence. Rien que le
fait que cela fasse une différence démontre d'emblée que nous
pourrions très bien avoir un problème.
Nous nous y opposons aussi parce qu'il n'y a pas eu d'explication suffisante sur la nécessité de ce changement pour la réalisation des objectifs déclarés du gouvernement. L'on prétend que ce déplacement est nécessaire pour que les juges puissent prendre plus au sérieux les délits de cruauté envers les animaux. Rien ne vient appuyer cette affirmation. De fait, je pense que c'est une insulte à l'intégrité et à l'intelligence des juges que de dire pareille chose. Même les groupes de défense des animaux disent que les pénalités ne sont jamais pleinement imposées, alors on peut se demander pourquoi il faut en prévoir de plus rigoureuses, ou des mesures plus sévères. Ils disent que les juges ne sont pas en mesure d'évaluer les situations qui leur sont exposées.
Ce changement n'a rien à voir avec l'objectif déclaré du gouvernement, mais il a tout à faire et correspond exactement avec ce pour quoi les groupes de défense des droits des animaux du monde entier font des pressions. Ils y tiennent comme une mesure menant à la reconnaissance d'une identité individuelle et d'un statut légal quasi-humain pour les animaux. C'est net; j'étudie leur documentation depuis des années, et ce n'est pas difficile à trouver. C'est assez public, si on se donne la peine de le chercher. C'est une étape déterminante. Ils ont essayé d'y parvenir dans d'autres pays; ils l'ont essayé en Nouvelle-Zélande. Chaque pays a résisté à ces pressions.
Au Canada, j'espère que nous ne céderons pas, mais ils sont parvenus jusque-là. Nous sommes sur le point d'innover de façon radicale. Ce sera très intéressant.
Le ministère de la Justice a déclaré que ce changement ne vise qu'à reconnaître que les animaux ne sont pas comme d'autres biens, mais les animaux sont déjà recensés comme un type spécifique de bien dans la loi. Les animaux sont presque toujours un bien dans notre société. Le fait qu'ils puissent être achetés et vendus en est la preuve. Le fait que les animaux sont un bien est souvent la clé de leur protection, parce que les propriétaires peuvent être tenus responsables de leur bien-être. De fait, c'est notre droit même de posséder et d'utiliser des animaux pour le bien des humains que les groupes de défense des animaux essayent de supprimer.
Comme je l'ai dit, les efforts des groupes de défense des animaux en vue de faire adopter des lois similaires ont été sans effet ailleurs. J'ai été stupéfié d'apprendre que le Canada irait de l'avant et serait le seul pays, à notre connaissance, qui déplace ces dispositions hors de la section relative à la propriété.
Nous sommes aussi extrêmement inquiets de la définition d'«animal» qui est proposée, pour y intégrer tout animal capable de ressentir la douleur. Là encore, le ministère de la Justice affirme avoir limité la définition parce qu'il n'y en avait pas auparavant. C'est tout simplement faux. Je pense qu'il est assez évident qu'il n'y aurait jamais eu de poursuites judiciaires à propos de pêche, par exemple. Maintenant, les groupes de défense des animaux essaieront de pousser plus loin—je peux vous l'assurer—et diront que le Parlement a explicitement signifié son intention d'inclure les poissons, autrement pourquoi aurait-il adopté cette loi? Ainsi cette définition d'«animal» est-elle très risquée.
Ce n'est pas une hypothèse. Je peux vous montrer ici un panneau publicitaire du groupe People for the Ethical Treatment of Animals, qui a lancé une nouvelle campagne contre la pêche, où on voit un chien accroché à un hameçon et qui dit: vous ne feriez pas cela à un chien; pourquoi le faire à un poisson?
Le président: Je me rappelle notre petite conversation, tout à l'heure...
M. Alan Herscovici: Combien de temps ai-je pris, monsieur?
Le président: Plus de dix minutes.
M. Alan Herscovici: D'accord, j'essaierai de terminer très rapidement, et si je ne peux pas tout dire, quand on me posera des questions, j'essaierai de répondre exhaustivement.
J'ai des citations, ici, de plusieurs groupes de défense des droits des animaux qui, si elles vous intéressent, vous montreront exactement ce qu'ils préparent. J'ai des citations qui démontrent que les groupes de défense des animaux disent à leurs membres, à propos de leurs campagnes de lettres au gouvernement, de ne pas parler de cruauté institutionnalisée, ce qui est le code pour désigner l'élevage, la recherche médicale, etc. N'en parlez pas, parce que vous ferez peur au gouvernement. Je peux vous lire ces citations, si vous voulez.
J'ai aussi des citations de porte-parole des groupes de défense des animaux—des avocats et d'autres—qui parlent de pousser jusqu'à la limite. Faire passer le sujet n'est qu'une première étape; le truc sera de pousser et de voir ce qu'on peut en faire. Je les lirai plus tard, si cela vous intéresse.
La plus grande question que je voudrais poser, c'est pourquoi ces choses ont été proposées pour commencer. Le propre sondage du ministère de la Justice démontre que ce n'est absolument pas une grande préoccupation pour les Canadiens. J'en parlerai plus longuement si vous voulez.
Je terminerai en disant que nous sommes stupéfaits qu'une loi pour laquelle les recherches ont si mal été faites se soit rendue si loin, et nous comptons certainement sur ce comité pour l'examiner de très près et ne pas se précipiter, parce que nous sommes sûrs qu'elle peut avoir de très profondes conséquences.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup. Je laisse maintenant la parole aux représentants du Conseil canadien de protection des animaux, M. Gauthier et Mme Bédard.
M. Clément Gauthier (directeur exécutif, Conseil canadien de protection des animaux): Je m'appelle Clément Gauthier, et je suis le directeur exécutif du Conseil canadien de protection des animaux.
Bon après-midi, et merci de nous avoir invités à contribuer aux travaux du comité relativement à cette importante loi.
LE CCPA est l'organisation nationale qui, depuis 1968, formule et met en oeuvre les normes relativement aux soins des animaux et à leur utilisation aux fins de recherche, d'enseignement et de tests au Canada. Il a été établi à l'initiative du Conseil national de recherches, de l'Association des universités et collèges du Canada, du Conseil de recherches médicales du Canada et de La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux. Le Conseil se compose maintenant de 22 organismes nationaux, dont la liste est à l'annexe I de notre mémoire.
Le CCPA ne représente ni les chercheurs, ni les groupes de défense des animaux et ne peut soutenir l'utilisation des animaux à des fins scientifiques, ni s'y opposer. C'est un organe quasi réglementaire qui fonctionne comme un organisme de contrôle par les pairs, avec la collaboration de 2 000 vétérinaires, scientifiques, représentants de la communauté et organisations de protection des animaux à tous les niveaux et dans tout le pays, par l'entremise de plus de 220 comités institutionnels de protection des animaux—la plaque tournante du système.
C'est au niveau du Comité de protection des animaux que se fait l'examen déontologique des utilisations proposées des animaux et qu'elles sont discutées et approuvées ou rejetées, par le biais d'une approche multidisciplinaire à laquelle participent des représentants de la communauté locale. Les institutions participantes sont évaluées régulièrement par des comités d'examinateurs externes, lesquels font des recommandations à l'institution et recommandent au CCPA le renouvellement ou non du certificat de bonne pratique avec les animaux.
De plus amples détails sur le fonctionnement du CCPA sont donnés aux sections A(1) à A(4) de notre mémoire. La section A(5) donne la preuve de la reconnaissance nationale et internationale des normes du CCPA.
Le CCPA a participé au processus de consultation dont est né le projet de loi C-15, et il a aidé le ministère de la Justice à définir le terme «animal», à sa demande.
Le 15 décembre 1998, le CCPA a transmis au ministère de la Justice cinq principes fondamentaux, décrits à la section B(2) de notre mémoire, aux pages 8 et 9, relativement aux articles qui se rapportent au mandat du CCPA de son document intitulé Crimes contre les animaux - Document de consultation.
Ces principes représentent encore la position du CCPA aujourd'hui. Ils ont servi de guide réfléchi et objectif aux discussions subséquentes du CCPA. Le CCPA invite le comité permanent à se fonder pareillement sur eux dans l'étude qu'il fait du projet de loi C-15.
Le CCPA a commandé un avis juridique sur le projet de loi C-17, le prédécesseur du projet de loi C-15 qui a été diffusé le 13 juin 2000, afin de pouvoir fournir des conseils objectifs sur la question. Il a aussi commandé un avis juridique sur le projet de loi C-15. Les principaux éléments de ces deux avis juridiques sont décrits aux sections C, D et E de notre mémoire, aux pages 10 à 16.
Les trois enjeux qui suivent, qui sont décrits à la section C, aux pages 10 à 13 de notre mémoire, ont été portés à l'attention du ministre de la Justice le 16 février 2001 par le CCPA. Aucun n'a été relevé dans la réponse du ministre datée du 26 mars, ce qui amène le CCPA à conclure que ce sera à ce comité d'en traiter.
Le premier enjeu est décrit aux pages 10 et 11. L'élimination des infractions en matière de cruauté envers les animaux de la partie XI et leur déplacement à la partie V.1 du Code criminel a pour résultat d'éliminer les défenses particulières prévues à la partie XI, au paragraphe 429(2), relativement aux actions entreprises avec justification légale ou apparence de droit pour la plupart des nouvelles infractions.
Le CCPA ne demande pas, ni ne suggère, même, que les délits de cruauté aux animaux soient transférés à la partie V.1, puisque d'après nous, ce changement de position vise à protéger les animaux sans propriétaire, conformément au deuxième principe qu'appuie le CCPA, selon lequel les animaux avec ou sans propriétaire doivent être protégés par la loi.
Cependant, c'est notre responsabilité de porter à votre attention les conclusions de nos conseillers juridiques selon lesquelles les possibilités de défense que procure le paragraphe 429(2) offrent un moyen selon lequel le but intrinsèque d'une action prise relativement à un animal, s'il est légal, peut prévenir une accusation ou offrir une défense. Par extension, la défense permise par le paragraphe 429(2) du Code criminel offre une justification légale ou une apparence de droit qui permet d'effectuer des recherches légitimes sur les animaux, nonobstant le fait que l'expérimentation peut signifier la mise à mort, l'infliction de douleur ou la privation de certains éléments de soins.
Le deuxième enjeu est décrit aux pages 11 et 12 de notre mémoire. Bien que soit prévue la défense fondée sur l'excuse légale pour les infractions prévues aux alinéas 182.2(1)c) et 182.2(1)d), dans les cas d'expérimentation animale où les animaux ne sont pas tués, que des substances nocives ne leur sont pas administrées mais où d'autres conditions qui font partie de l'expérimentation causent de la souffrance, de la douleur, des blessures ou des privations, l'élimination des moyens de défense que sont la justification légale et l'apparence de droit revêt plus d'importance à moins que les défenses en vertu des droits des biens et de la propriété ou du droit pénal général prévues au Code criminel soient disponibles.
• 1555
Les moyens de défense prévus en vertu des lois pénales
englobent des concepts comme la nécessité, l'aliénation mentale, le
piégeage, la contrainte et la violence, l'ivresse, l'alibi,
l'erreur de fait et la diligence raisonnable, en ce qui concerne
les défenses de responsabilité stricte. Le CCPA aimerait signaler
aux législateurs que la loi criminelle ne comporte pas une
reconnaissance de la légitimité de l'utilisation des animaux pour
la recherche, l'enseignement ou les tests en tant que tels.
Sur ce plan, la recherche est unique comparativement aux autres secteurs de l'industrie. Le recours aux animaux à des fins de recherche scientifique mérite votre attention particulière, aussi, pour les raisons qui suivent. L'on a déjà soutenu que les défenses relatives à la common law pourraient englober les activités qui se rapportent à l'utilisation des animaux qui sont autorisées par la loi, comme les lois qui autorisent la chasse, la pêche ou l'abattage des animaux aux fins d'alimentation. Cependant, on ne retrouve des lois qui autorisent ou réglementent la protection des animaux utilisés pour la recherche que dans provinces, soit l'Alberta, le Manitoba, l'Ontario, le Nouveau- Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. Vous pouvez voir à l'annexe 2 les détails des lois provinciales. Par conséquent, les chercheurs et les laboratoires de recherche zootechnique d'autres provinces ou territoires ne pourraient pas recourir à la défense de l'autorisation légale, ce qui donnerait lieu à l'application irrégulière de la loi d'une province à l'autre.
Le troisième et dernier enjeu est décrit à la page 13 de notre mémoire. Les normes relatives aux soins prodigués aux animaux, qui sont proposés aux alinéas 182.2(1)a), 182.2(1)b) et 182.3(1)b) ne proposent pas de définition ou de qualification de ce qui constitue une souffrance «sans nécessité», des expressions «tuer sauvagement ou cruellement un animal» et «fournir les aliments et l'eau convenables et suffisants».
La formulation des infractions prévues au nouveau paragraphe qui est proposée ne comporte pas une reconnaissance de la légitimité des buts intrinsèques des actes posés en rapport avec les animaux. L'élimination du moyen de défense de l'excuse légale signifie que l'objet de l'expérimentation doit être justifié en regard des critères que pose la disposition relative à l'offense seulement, et la légitimité de l'expérimentation, ou son objectif au-delà du contexte des dispositions de nature criminelle, ne se prêtent pas à la défense.
En l'absence des moyens de défenses fondés sur la justification légale, les tribunaux eux-mêmes devront interpréter les critères ou les normes établis par ces dispositions—les définitions de ce qui est «sans nécessité», «soins raisonnables», «convenables et suffisants»—et l'interprétation correcte de ces expressions sera déterminante pour l'issue des futurs procès.
Pour terminer—vous trouverez le détail de notre conclusion à la page 14 du mémoire—le CCAP est d'avis que le fait d'incorporer les normes nationales et internationales reconnues par la voie de la réglementation, comme l'avait d'abord envisagé le ministère de la Justice du Canada dans son document de 1998, Crimes contre les animaux - Document de consultation, ou par d'autres véhicules législatifs, instaurerait l'équilibre nécessaire entre la protection des animaux et les bénéfices tirés de l'utilisation des animaux pour la science, refléterait les normes reconnues tant par la communauté scientifique que par les groupes de défense des animaux et, enfin et surtout, établirait la certitude et l'homogénéité nécessaires à toute application de la loi.
Nos recommandations figurent aux pages 15 et 16 de notre mémoire. Le CCAP recommande qu'un nouveau paragraphe soit ajouté sous l'article 182 pour indiquer que le gouverneur en conseil peut appliquer les règlements afin de contribuer à l'interprétation des articles 182.2 et 182.3. Le corps du règlement proposé se trouve à la page 16 de notre mémoire.
Pour terminer, j'aimerais réitérer l'appréciation du CCAP pour l'occasion qui lui a été donnée de présenter au comité son point de vue sur cette question importante.
[Français]
Il me fera plaisir de répondre à vos questions en français également.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Madame Bisgould.
Mme Lesli Bisgould (avocate, Société mondiale pour la protection des animaux): Je suis Lesli Bisgould et j'aimerais, moi aussi, commencer par remercier tout le monde.
Ce comité particulier a toujours de quoi se tenir très occupé, mais en cette période particulièrement sombre, je vous suis très reconnaissante d'inscrire ce sujet à votre programme. Je vous remercie tous d'être ici et de nous accorder votre attention.
• 1600
J'ai une chose à dire à titre d'introduction, et c'est que
[Français]
je suis vraiment désolée de ne pas avoir de notes en français.
[Traduction]
Comme le comité s'est formé en très peu de temps, nous nous attendions à venir en novembre et nous n'avions pas encore traduit nos documents en Français. J'en suis très gênée et je m'en excuse. C'est aussi la raison pour laquelle je ne peux, en fait, distribuer l'information que j'ai apportée. Cependant, si vous voulez bien, j'ai déposé certains documents sur la table qui est située juste derrière moi, dont des notes d'information et des documents relatifs à la loi pénale dont je vais parler dans mes observations, et je vous invite, si vous le voulez, si cela vous intéresse, à en prendre avant de sortir. À ce que j'ai compris, c'est permis.
Je suis avocate et je pratique le droit depuis bientôt 10 ans, à quelques mois près. Pendant une partie de cette période, soit environ sept ans, j'ai travaillé exclusivement dans le domaine de la protection des animaux. À ma connaissance, je suis la seule avocate du Canada qui fasse ce travail particulier à temps plein, mais c'est de plus en plus, même pour moi, à temps partiel. Je vous dis cela, plus précisément, parce que le fait que je suis la seule à faire ce genre de travail me met dans une position quelque peu privilégiée pour comprendre ce qui se passe au sujet de la protection des animaux au Canada. Je reçois régulièrement, et je veux dire par-là, quotidiennement, des appels d'organisations et d'individus, littéralement de Vancouver à l'Île-du-Prince-Édouard, alors je sais qui sont les gens qui s'intéressent à la question, je sais quelles sont leurs préoccupations et je sais, parce que j'en parle avec eux, les mesures qu'ils prennent pour essayer de parler à la société du genre de choses que nous faisons aux animaux. Si ces connaissances, et je vous accorde que ce n'est que mon point de vue à moi, bien évidemment, peuvent être utiles dans la discussion sur ces enjeux très difficiles, j'ai pensé qu'il serait bon de le souligner pour que tout le monde en soit conscient.
Je suis ici pour représenter un groupe qui s'appelle la Société mondiale pour la protection des animaux. C'est un organisme de charité nationale du Canada, parfois appelé par son acronyme, la SMPA. Elle fait partie d'une organisation internationale; elle est aussi un regroupement international d'organismes. La SMPA, en particulier, est l'un des plus importants, si non le plus important, groupes de défense des droits des animaux du monde, avec 400 sociétés membres situées dans 90 pays. L'un des documents que je vous ai apportés, dans le paquet que je ne suis pas autorisée à distribuer, est le rapport annuel de l'année dernière, qui vous en dira un peu plus sur la Société mondiale pour la protection des animaux.
Pour vous donner un exemple des sujets sur lesquels travaille notre organisation, au Canada, tout dernièrement, la SMPA a retenu les services de zoologistes, de conseillers qui connaissent le domaine zootechnique pour qu'ils aillent dans certains zoos du Canada, qu'ils fassent rapport des situations qu'ils observent et qu'ils fassent des recommandations de moyens d'améliorer la situation des animaux qui y vivent.
Dans le monde entier, ils font d'autres choses, comme les secours aux sinistrés. Par exemple, il y a eu des tremblements de terre et des tornades, où les secouristes sont intervenus. Il y a parfois des animaux auxquels personne ne pense, parce que bien entendu, on pense aux humains, et alors la SMPA intervient et s'occupe de ce genre de choses.
Ce n'est là qu'un exemple. Je ne souhaite pas consacrer les dix précieuses minutes dont je dispose à vous situer en contexte. Je vous renvoie à la documentation que j'ai apportée, et notre site Web vous donnera tous les renseignements voulus au sujet des activités de notre organisme au Canada et ailleurs dans le monde.
Il faudrait aussi préciser, puisque je me suis présentée à vous aujourd'hui comme étant la porte-parole de ce groupe particulier, que je me suis aussi entretenu avec plusieurs organismes de la base partout au Canada au sujet du projet de loi à l'étude. En fait, certains d'entre eux auraient aimé être ici et faire un exposé. Toutefois, si j'ai bien compris, le comité a reçu tant de demandes de personnes qui souhaitaient venir témoigner qu'il a dû limiter le nombre de témoins, de sorte que seuls les groupes nationaux ont la possibilité de faire un exposé devant vous. Je tiens donc à ce que le comité sache que le projet de loi jouit de l'appui ferme de plusieurs groupes, du moins de ceux auxquels j'ai parlé, des sociétés pour la protection des animaux du Canada, des petits organismes de la base et de personnes qui ne peuvent tout simplement pas venir vous le dire de vive voix.
D'après ce que j'en sais, l'appui manifesté au projet de loi est unanime de la part des sociétés pour la protection des animaux. Je ne puis cependant pas vous en donner la certitude. Je ne peux pas dire que j'ai rencontré chaque groupe, mais jusqu'ici, je n'ai pas rencontré beaucoup d'opposition. On se réjouit qu'enfin, pour la première fois depuis 1892, le Canada fait le saut dans le XXIe siècle en établissant des peines que la police peut vraiment appliquer et qui reflètent la gravité des crimes de sorte qu'on en prend bonne note.
• 1605
Cependant, si le projet de loi à l'étude était davantage
assoupli, car il est une version édulcoré du précédent, du projet
de loi C-17, et particulièrement si des exemptions ou des
exceptions sont prévues, comme certains groupes vont, je le
soupçonne, vous le demander au cours des prochaines semaines à
l'égard de leur industrie ou de leur pratique particulière, ces
organismes dont je vous ai parlé, y compris le mien, retireront
leur appui. Ils appuient le projet de loi tel quel. À leur avis, il
s'agit déjà d'un minimum. Il a déjà été très assoupli par rapport
à ce que qui avait été demandé et, contrairement à ce qu'a laissé
entendre M. Herscovici, bien des recommandations que certains
groupes de protection des animaux, y compris le WSPA, ont faites en
prévision du projet de loi à l'étude ne sont pas mises en oeuvre.
Il n'est pas juste de dire que les groupes de protection des
animaux ont vraiment eu leur mot à dire dans tout cela.
Tout ce que je viens de dire n'était qu'une introduction. Il me reste maintenant 18 secondes environ pour vous expliquer la raison pour laquelle je suis vraiment ici. Voyons si je puis vous en donner un très bref exemple. Quiconque passe par Toronto ou ses environs, voire quiconque lit le Toronto Star, aura entendu parler durant l'été d'un cas de cruauté envers des animaux qui a beaucoup retenu l'attention, soit l'affaire de Jessie Powers et de ses deux amis, deux jeunes hommes du quartier de Kensington Market, à Toronto, que l'on a arrêtés récemment et qui avait en leur possession 70 heures de bandes vidéo dans lesquelles ils écorchaient et manipulaient diverses formes d'animaux et de corps d'animaux. Il n'est pas clair combien de ces animaux étaient en réalité vivants; certains d'entre eux auraient pu être morts déjà. Ce que l'on sait, par contre, c'est qu'un des chats sur la bande vidéo était en train de subir une lente torture et d'être écorché vif.
Un des enquêteurs, avec lequel je me suis entretenu, a dit que c'était l'une des pires scènes qu'il avait eu à supporter durant toute sa carrière au sein de la police de Toronto, une force policière qui, comme vous pouvez l'imaginez, a sa dose quotidienne d'atrocités, et que ses collègues avaient dû quitter la salle deux fois parce qu'ils ne pouvaient plus soutenir l'horreur des images. Pourtant, si les jeunes hommes sont accusés en vertu des dispositions relatives aux mauvais traitements infligés à des animaux, telles qu'elles existent actuellement—elles datent de 1892; elles ont été légèrement modifiées en 1953—, la peine maximale qu'on peut leur imposer est de six mois d'emprisonnement, ce qui, que je sache, n'a jamais imposé jusqu'ici pour un seul crime commis contre des animaux, une amende de 2 000 $ ou une ordonnance leur interdisant d'être propriétaires d'un animal pour deux autres années. Toutefois, dans deux ans, plus rien ne les empêche d'en avoir.
L'ironie, c'est que, si la police pouvait retrouver le propriétaire du chat, s'il appartenait à une personne en particulier, le chat serait alors subitement la propriété d'une personne, de sorte qu'on pourrait peut-être accuser ces jeunes hommes de méfait et réussir à les faire inculper. Donc, pour qu'une véritable sanction puisse être appliquée, il faut que l'animal appartienne à quelqu'un. Il faut que quelqu'un en prenne soin. Comme vous pouvez imaginer, du point de vue du chat—vous m'excuserez de le dire aussi crûment, mais je ne vois pas d'autre façon de l'exprimer—qui se fait littéralement écorcher vif, le fait qu'un petit garçon ou une petite fille le pleure à la maison ne l'aide pas.
Est-ce là dessus qu'il faudrait mettre l'accent dans nos lois, car c'est le coeur de ces amendements. Faut-il insister sur le mal qui est fait à la personne, mal qui je le reconnais est parfois réel—non seulement l'intérêt émotionnel d'un enfant pour son animal favori, mais également l'intérêt financier de toutes les industries dont vous allez entendre parler et les animaux qu'elles utilisent en toute légitimité et légalement chaque jour au pays? Du point de vue du chat, sur quelle douleur mettons-nous l'accent quand nous pénalisons? Voilà la question qu'il faut se poser.
Je ne me vante pas, mais j'ai eu ma première contravention pour excès de vitesse il y a une semaine, et je ne l'ai pas dit à ma mère encore que me voilà en train de vous le dire à vous tous. J'ai été mise à l'amende pour avoir roulé à 120 kilomètres-heures dans une zone de 100. Mon amende est plus élevée que celle de Albertaine qui a récemment tranché les testicules de son chien avec une lame de rasoir. Voilà ce qui cloche dans ces dispositions. Vous me pardonnerez à nouveau mon exemple. Je n'essaie pas de vous épouvanter avec ces détails.
Ce dont vous avez un peu entendu parler tout à l'heure et ce dont vous allez continuer d'entendre parler, ce sont des changements fondamentaux en faveur du programme de défense des droits des animaux des extrémistes qu'effectuent ces amendements et du fait que les animaux ne sont plus réputés être un bien.
• 1610
Je ne peux pas répondre à ces accusations dans les 20 secondes
littéralement qui me restent, bien que j'espère en avoir l'occasion
durant la période de questions et de réponses. Je vais simplement
conclure en disant—et j'espère que je n'insulte personne en
l'exprimant ainsi—que nous vivons des jours particulièrement
sombres et qu'il importe actuellement de faire en sorte que nous
prenons les décisions pour les bonnes raisons.
Je crois fermement qu'il faudrait que tous ceux qui ont des préoccupations se présentent ici. Si les gens de l'industrie de la fourrure ou de l'industrie de la recherche ont des préoccupations, il faudrait qu'ils soient là avec nous. Le fait que nous ayons tous la possibilité d'exprimer notre opinion m'emballe. Toutefois, en fin de compte, il faut prendre une décision fondée sur des faits, parce que les exemples que je vous ai donnés ne sont pas des cas choisis au hasard pour produire un effet sensationnaliste. Je pourrais m'asseoir ici jusqu'à la fin de la réunion et vous réciter un à un les cas dont je suis personnellement au courant et qui se produisent chaque jour. Nous avons décrit certains d'entre eux dans les notes d'information que je vous ai soumises.
La question est donc très grave. C'est une question pour laquelle, j'espère, nous ne nous perdrons pas dans toute la rhétorique qui entoure les extrémistes—ou les terroristes—en matière de droits des animaux. Je crains bien, à vrai dire, n'avoir peut-être le profil du «terroriste» qui a été décrit cet après-midi.
Je vous prie instamment, en fait, je vous conjure, de faire en sorte que toute décision qui sera prise repose sur des faits, sur les faits quant à la façon dont les modifications changent la loi en vigueur depuis si longtemps au Canada.
Je vais conclure en vous disant que j'ai apporté de la documentation que vous pourrez prendre en sortant. Un des documents est simplement un exemplaire des dispositions actuelles relatives à la cruauté envers les animaux du Code criminel. Vous pourrez les examiner vous-mêmes et voir ce qui existe déjà, par rapport à ce qui est proposé.
L'autre document fait état d'une affaire qui a déjà été mentionnée, je crois, soit l'affaire Ménard, la principale source pour l'interprétation de la définition de cruauté envers les animaux au Canada. Cette décision a été rendue en 1978 par la Cour d'appel du Québec. La partie défenderesse a demandé la permission d'en interjeter appel à la Cour suprême du Canada, demande qui a été refusée. Tout s'arrête là. Il n'y a plus rien d'autre.
La décision avait été prise par le juge Lamer, à l'époque juge en chef de la Cour d'appel du Québec et par la suite, comme la plupart d'entre vous le savent, juge en chef de la Cour suprême du Canada. Il a précisé en 1978 ce qu'était la loi.
J'espère à nouveau que, durant la période de questions et de réponses, je pourrai vous expliquer un peu mieux cette décision et en quoi la loi déjà en vigueur est en réalité... que les préoccupations exprimées par l'industrie ont rapport à la loi déjà en vigueur et le fait que les incidents qui la préoccupent ne se soient pas produits prouve peut-être que la crainte n'est peut-être pas tout à fait raisonnable.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période de questions.
Je suis conscient que la présidence va avoir beaucoup à faire pour contenir dans les limites du temps dont nous disposons l'affrontement de deux courants manifestement opposés au sujet de ces questions. Toutefois, je vais être un peu strict pour que tous aient la chance de prendre la parole, car les sept minutes qui vont être allouées dorénavant incluent à la fois les questions et les réponses.
Monsieur Toews.
M. Vic Toews (Provencher, AC): Je vous remercie.
Je sais gré aux témoins des exposés qu'ils nous ont faits. Je ne cache pas le fait que le projet de loi à l'étude suscite chez moi des préoccupations, préoccupations qui ont été exprimées par M. Herscovici—j'ai le même problème quand on prononce mon nom. Je suis navré si je prononce mal votre nom.
À mon avis, les préoccupations que vous avez fait valoir—la perte d'apparence de droit en déplaçant cet article vers une autre partie et en visant à donner à des animaux des attributs quasi humains—sont très graves. Je crois aussi que cela revient dans les faits à confisquer un bien sans compensation adéquate, ce qui me préoccupe.
Je représente une circonscription essentiellement rurale. Les agriculteurs de ma région ont déjà assez de difficultés à essayer de gagner leur vie sans être constamment confrontés à des lois mal conçues. Le projet de loi C-68, celui qui exige l'enregistrement des armes, par exemple, est une loi terrible qui leur pose bien des problèmes. J'ai donc interrogé la ministre au sujet de cet article particulier, et elle m'a dit qu'elle ne propose pas de modification de fond, que les activités actuellement parfaitement légitimes ne seraient pas criminalisées. Si c'est bien le cas, pourquoi faire ces changements?
• 1615
Les observations de Mme Bisgould m'indiquent simplement que
les exemples qu'elle a portés à notre attention—et que je
connais—sont déjà des activités illégales. Si ce sont ces
activités qui la préoccupent, la solution réside dans les
sanctions. Il n'y a qu'à les augmenter.
Même si vous avez précisé que vous n'étiez pas avocate, je crois que votre analyse juridique est très juste. On demandera incontestablement à un juge la raison pour laquelle, si le Parlement n'avait pas l'intention d'apporter un changement de fond à l'interprétation, pourquoi un pareil changement a été effectué dans le libellé et pourquoi l'article a été déplacé.
Donc, quelles que soient les assurances données par la ministre, nous savons que les parties à un litige feront valoir cet argument. Les juges sont indépendants et, en dépit de tout ce qui pourrait se dire en comité, ce sont eux qui trancheront.
En toute franchise, je ne puis appuyer le projet de loi à l'étude parce qu'il menace le gagne-pain des électeurs de la circonscription que je représente. Je ne puis l'accepter.
Monsieur Herscovici, je me demande si vous avez quelque chose à ajouter à cela.
M. Alan Herscovici: Il faudrait que le comité sache, par exemple, que l'affaire mentionnée par Lesli au sujet du chat n'est pas simplement un cas auquel elle a peut-être été personnellement confrontée. Cette affaire fait l'objet d'une importante lettre de l'Alliance animale du Canada en vue de lever des fonds et d'inciter les gens à écrire à leur député. Je serais heureux que quelqu'un lise un passage en rapport avec son activité.
Toutefois, arrêtons-nous à ce que l'Alliance animale dit aussi à ses membres quand elle leur demande d'écrire: Abstenez-vous de vous concentrer sur ces questions—sur des questions qui n'ont pas de rapport avec les chats et les chiens. Des histoires de chat et de chien, il y en aura toujours, mais c'est tout ce dont nous parlons. L'Alliance dit:
-
[...] abstenez-vous de ne parler que de ces questions.
Souvenez-vous que plus nous leur rappelons [au gouvernement] que
ces changements pourraient s'appliquer aux pratiques de
l'industrie, plus ils seront enclins à céder sous les pressions de
l'industrie. En d'autres mots, n'insistez pas dans votre lettre sur
les animaux de recherche, sur les animaux destinés à
l'alimentation, sur les animaux utilisés dans l'industrie [...]
Voilà le message qui est envoyé—de ne pas laisser le gouvernement, le ministère de la Justice ou vous-mêmes connaître le but réel de cette campagne.
Lesli a écrit dans Lawyers Weekly:
-
En fait, la condition juridique des animaux d'aujourd'hui est
analogue à celle des groupes opprimés de la société au cours du
dernier siècle [...] le droit de ne pas être un moyen de parvenir
à une fin, le droit de ne pas être vu comme un bien.
Elle est très directe. Je sais ce qu'elle pense. Elle souhaite changer fondamentalement le rôle des animaux.
Clayton Ruby, qui a assumé la défense de nombreux groupes de défense des droits des animaux, y compris de personnes qui sont entrées par effraction dans des fermes au Canada, a déclaré que les changements qui seront apportés aux droits des animaux seront subtils, qu'ils passeront pour des mesures de protection des animaux et qu'ils continueront d'évoluer comme des alliés moralistes des droits de la personne, jusqu'à ce que certains d'entre eux au moins soient inscrits dans une loi.
Je pourrais vous faire des citations pendant longtemps. J'ai longtemps étudié la question. Ce n'est pas de la fiction. Ce sont là leurs propres mots. Que vont-ils faire?
Le porte-parole d'un autre groupe de défense des droits des animaux d'Edmonton, Toba Reese, déclare:
-
J'espère sincèrement que la nouvelle loi mènera à [des procès]. Il
faut repenser de fond en comble certaines de ces pratiques.
Il est question des pratiques agricoles.
M. Vic Toews: Je vous remercie. Je crois que vous venez de confirmer mon opinion de toute façon. Je tenais simplement à ce que vous et les personnes que je représente comprennent bien ma position. Je ne souhaite pas monopoliser plus longtemps le comité.
M. Alan Hersocovici: Permettez-moi de vous faire une autre citation qui, à mon avis, est utile.
Liz White, directrice de la révision des lois à l'Alliance animale du Canada—principal groupe qui a fait la promotion du projet de loi à l'étude—a dit que le véritable test du projet de loi à l'étude sera son application une fois qu'il aura été adopté. Elle a dit: «Je crains que le projet de loi ne soit vu comme le moyen de parvenir à une fin, alors que ce n'est que le début. Que la loi dise n'importe quoi, cela n'a aucune importance si nul ne l'invoque, si nul ne la conteste devant les tribunaux, si nul ne la met à l'épreuve. C'est au tour des sociétés de protection des animaux et des autres groupes sur la ligne de front de pousser cette loi à sa limite, d'en éprouver les paramètres et d'avoir le courage et la conviction de porter des accusations». Voilà ce dont il s'agit. Ne vous y méprenez pas.
Le président: Madame Bisgould.
Mme Lesli Bisgould: Je vous remercie.
Je ne suis pas trop sûre de la façon de répondre à tout cela, mais voyons si je puis commencer par répondre à la question de savoir la raison pour laquelle il faut déplacer les dispositions relatives aux animaux de la partie traitant des biens.
Le premier point à ne pas oublier, c'est que les animaux sont un bien au Canada. Nous en tuons 650 millions qui sont destinés à l'alimentation. Nous en utilisons deux millions dans des expériences. On en tue un nombre inconnu pour la chasse et le piégeage, l'élevage, les rodéos, les cirques et les zoos. Un ménage sur deux possède un animal. Rien de tout cela ne serait possible si les animaux n'étaient pas un bien. Nous ne pourrions pas décider de ce qui va leur arriver dans la vie parce qu'ils ne seraient pas notre bien. C'est le cas actuellement et cela continuera d'être le cas si ou quand ces modifications sont adoptées, sous quelque forme que ce soit. Les animaux continueront d'être un bien.
• 1620
Je ne suis pas trop sûre d'où vient la citation qu'a fait
M. Herscovici de moi, mais je nierai certainement pas que j'ai, en
mon nom personnel, exprimé des préoccupations au sujet du fait que
les animaux sont considérés un bien—tout à fait—parce que cela
nous permet de leur faire n'importe quoi, que nous avons le droit
de les traiter comme un moyen d'arriver à nos fins. Si vous voyiez
certaines photos que je vois tous les jours, je vous assure que
vous vous demanderiez la même chose—pourquoi continuons-nous de
faire cela? Je suis donc préoccupée par cette question, je ne le
nie pas.
Bien que cela m'eut fait grand plaisir, la séance d'aujourd'hui ne m'est pas uniquement réservée. Il y est question de société. C'est le ministère de la Justice qui a proposé ces changements, et je vais vous en dire la raison. Voici ce que dit le ministère dans son document de consultation qui a mené au projet de loi C-17—le prédécesseur du projet de loi C-15. Il a demandé au grand public de participer au processus, participation qu'il a recherchée et qu'il a obtenue—une très grande participation si j'ai bien compris—pour savoir si nous devions déplacer les dispositions relatives aux animaux ailleurs dans la loi. Ma citation n'est qu'un paragraphe, de sorte que cela ne prendra pas beaucoup de temps. On peut lire:
-
Au cours des dernières années, beaucoup de personnes, y compris les
commissions de réforme du droit et les groupes qui s'intéressent au
bien-être des animaux,
—la Commission de réforme du droit en a traité en 1987 et a elle-même laissé entendre qu'il faut retirer ces dispositions de la partie traitant des biens—
-
ont soutenu que cette approche est mal orientée et que les
sanctions dont sont passibles les auteurs de mauvais traitements
sont inadéquates. Elles laissent entendre que la loi est moins
concernée par la protection des animaux comme des êtres capables de
souffrance que par la protection de l'intérêt propriétal de la
personne et qu'elle ne véhicule pas de façon satisfaisante
l'obligation morale d'éviter d'infliger des souffrances inutiles.
«Inutiles» est le mot à retenir.
On soutient aussi que l'approche ne rend pas justice à la gravité des crimes. La dernière phrase, selon moi, explique pourquoi les groupes de protection des animaux soutiennent en réalité ces modifications, même si elles ne sont que mineures. Parce qu'elles changent la section des sanctions, parce qu'on insiste sur le bien, les tribunaux ont tendance à s'arrêter au préjudice causé à l'intérêt de la personne, plutôt qu'au tort causé à l'animal. C'est pourquoi les sentences sont la plupart du temps clémentes. Cette dame qui a castré le chien a dû payer une amende de 100 $.
Je vous remercie.
Le président: Nous allons céder la parole à Mme Bourgeois. J'aimerais aussi rappeler à tous que les sept minutes allouées incluent à la fois les questions et les réponses.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais vous dire que je remplace mon collègue Michel Bellehumeur parce que cette partie du projet de loi C-15 m'intéresse tout particulièrement. Je voudrais aussi vous dire, monsieur le président, que le Bloc québécois va faire son effort pour que ce projet de loi soit juste et tienne compte de toutes les implications.
Il faut absolument qu'on arrive à une entente afin de protéger à la fois les droits des animaux et les droits des gens pour lesquels cela a des implications financières. On pense à l'industrie, aux chasseurs, aux pêcheurs, aux gens qui utilisent des chiens pour la chasse, entre autres. Il y a des accrochages dans ce projet de loi. Je pense qu'on est là pour essayer de le clarifier afin que tout le monde y trouve son compte.
Je voudrais aussi, monsieur le président, féliciter Mme Bisgould. Ce n'est pas que je ne veuille pas féliciter les autres intervenants, mais je crois qu'il faut avoir un courage et un cran extraordinaires pour se présenter devant un comité pour parler de la cruauté envers les animaux. Il y a différents organismes qui en parlent, mais on sait qu'au niveau canadien, au niveau national, ce n'est pas une préoccupation de premier ordre. Il y a des chenils clandestins un peu partout sur nos territoires, et on nous rapporte assez fréquemment des situations atroces d'animaux qui sont très maltraités.
Je voudrais attirer l'attention du comité sur une chose et demander à Mme Bisgould qu'elle nous l'explique. J'ai lu un article où on parlait de violence envers les animaux et envers les êtres humains. Je ne sais pas si c'est exact. Je vous avoue qu'au départ, je trouve ça un peu biscornu, mais je voudrais qu'on m'en parle, d'une part.
• 1625
D'autre part, j'aimerais
que M. Gauthier puisse répondre à la
question que voici.
Selon vous, y a-t-il une façon d'intervenir
dans l'industrie de la volaille, par exemple, où on
parque les volailles pour la
consommation et pour le transport? Je commence au niveau
du projet de loi. Y a-t-il des lois qui
existent afin de protéger ces animaux qu'on
envoie à l'abattoir et qui sont 15 ou 20 dans une cage
au lieu d'être trois ou quatre, comme ils devraient l'être?
Est-ce qu'on s'occupe de cela quelque part? Est-ce que le
projet de loi a du mordant à cet égard? Merci.
[Traduction]
Le président: La question est-elle adressée à une personne en particulier?
Mme Lesli Bisgould: La première...
[Français]
Excusez-moi, mais mon français n'est pas très bon.
[Traduction]
Des études—et je me tenais là avec mon porte-documents à me demander combien je pouvais en emporter—montrent un lien entre la cruauté envers les animaux et la cruauté envers les personnes. En fait, je vais vous envoyer ces études dès que je serai de retour dans mon bureau. Elles s'y trouvent.
Tous les tueurs en série dont nous avons tous entendu parler—Jeffrey Dahmer, le fils de Sam et notre propre Paul Bernardo—ont tous commencé par faire mal à des animaux. C'est logique. Si la violence est une question de pouvoir et que vous vous en prenez à moins puissant que vous, qui possède moins de pouvoir qu'un chat, un chien, un poulet ou un singe de laboratoire? C'est donc vrai. Il existe bel et bien des liens.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir s'il existe des lois qui réglementent l'utilisation des animaux au sein des secteurs industriels, elle est tout à fait pertinente.
Or, comment puis-je, d'une part, parler des lois sur la cruauté envers les animaux et, d'autre part, vous dire que je m'inquiète du sort que réserve l'industrie aux animaux? Honnêtement, c'est un sujet qui me préoccupe. Toutefois, je dois vous dire, en toute honnêteté, que ce projet de loi ne changera rien à la situation. La réforme de l'industrie ne passe pas par le droit criminel. Les secteurs qui utilisent les animaux—l'industrie alimentaire, la recherche, la gestion de la faune, la chasse, le piégeage, par exemple—ont tous leurs propres lois, longues et complexes, qui s'appuient sur d'innombrables règlements provinciaux et fédéraux. Les gens—les producteurs—sont tenus de respecter ces lois. S'ils les respectent, si leurs activités sont conformes aux lignes directrices de l'industrie, alors ils ne pourront faire l'objet de poursuites au criminel. Le droit criminel n'a rien à voir avec la réforme de l'industrie. Nous avons nos propres textes de loi qui régissent celle-ci.
Voilà pourquoi je crains qu'on ne rejette une mesure qui revêt tellement d'importance pour un si grand nombre d'animaux, parce qu'on est mal informé. En fait, ce sont surtout les chiens et les chats qui sont victimes de cruauté, un geste qui est passible de poursuites au criminel. Or, nous ne cherchons pas à vous induire en erreur en vous citant ces deux seuls cas. Les chevaux et les lapins sont eux aussi victimes de cruauté. Toutefois, la plupart des gens ayant des chiens et des chats, c'est pour cette raison que la plupart des exemples portent là-dessus. Personne n'essaie de vous duper.
L'industrie a ses propres lois. Dans l'affaire Ménard, le juge Lamer a dit de façon très claire, en interprétant la loi en vigueur, que certaines activités sont tout simplement autorisées par la loi. Nous permettons aux animaux de souffrir pour nos propres fins. C'est ce qu'il a dit. Il l'a reconnu. C'est ce que dit la loi du pays. Il a fait cette observation quand il a interprété une disposition de la loi en vigueur.
Vous allez trouver, sur la table, des exemplaires du jugement en question. J'ai surligné les passages pertinents. J'espère que vous ne trouverez pas cela trop long à lire. Mais il est là si vous voulez en prendre connaissance.
Le président: Il y avait une deuxième question.
Monsieur Gauthier.
[Français]
M. Clément Gauthier: Je vais répondre à votre question en deux volets.
En ce qui a trait à ce qui se fait pour l'industrie de la volaille, notamment les lois qui existent, Mme Bisgould vient de parler de l'exemple des lois provinciales qui existent pour réglementer l'utilisation des animaux par les différents secteurs industriels. Le mandat du Conseil canadien de protection des animaux porte spécifiquement sur l'utilisation des animaux pour la recherche et les tests. On utilise aussi la volaille dans ces cas-là. Depuis 30 ans, notre approche est de collaborer avec Agriculture Canada, la Fédération canadienne des sociétés d'assistance aux animaux et l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur ce qu'on appelle les codes de pratiques. Ces codes de pratiques sont beaucoup plus flexibles que la loi.
• 1630
Il peut y avoir un changement dans la science des
animaux. Par
exemple, on peut trouver une meilleure
façon de traiter les animaux, une façon plus
scientifique de déterminer les dimensions des cages
afin d'éviter que les volailles s'entretuent,
parce qu'elles ont ce comportement-là. On
travaille sur ces codes à longueur d'année avec la
Fédération canadienne des sociétés
d'assistance aux animaux
de façon à ce qu'on puisse
incorporer à nos lignes directrices le résultat de
la recherche qu'on fait sur les animaux de ferme
au Collège Macdonald,
à Montréal, par exemple.
Il y a donc ces codes de pratiques dans le milieu de la ferme, dans le milieu de la production. Ces codes de pratiques sont fortement encouragés pour les fermiers, mais dans le cadre du système du CCPA; c'est-à-dire que toutes les institutions de recherche qui font de la recherche sur les volailles sont obligées de suivre ces codes dans notre système. Nous avons un levier pour les obliger à le faire. Dans le milieu de la production, les gens le font pour la plupart, puisque c'est dans leur meilleur intérêt, et ils le font en fonction des lois. C'est ce qui se passe à ce niveau-là. Le CCPA collabore avec le milieu de la production afin qu'on transmette le plus possible au système de production ce qui se fait dans le milieu de la recherche et au niveau du bien-être animal, et cela le plus rapidement possible.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Mark, vous avez sept minutes.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC/RD): Merci, monsieur le président. Je tiens d'abord à remercier nos témoins. J'ai trouvé leurs exposés instructifs.
J'aimerais d'abord vous dire que je viens de la circonscription rurale de Dauphin—Swan River, dont l'économie est surtout axée sur l'agriculture et le piégeage. Il y a treize réserves indiennes dans ma circonscription. Ce projet de loi fédéral soulève des inquiétudes, car il aura probablement tendance à l'emporter sur la plupart des règlements provinciaux.
À mon avis, les Canadiens ne tolèrent pas la cruauté envers les animaux. C'est à tout le moins l'impression qui se dégage de mes déplacements au Canada. J'estime que la peine imposée devrait être suffisamment sévère pour décourager les contrevenants.
Ce projet de loi a ceci de malheureux qu'il entraîne la division. Il divise les Canadiens selon qu'ils vivent dans les agglomérations urbaines ou rurales. Comme vous le savez, les citadins ont tendance à voir les animaux comme des animaux de compagnie, alors que la population rurale a tendance à les voir comme un moyen de subsistance. Cette question est une source de division à l'échelle nationale. Nous n'avons sans doute pas besoin de ce genre de chose en temps de crise, comme c'est le cas actuellement.
Concernant l'utilisation des animaux, le projet de loi change vraiment notre façon de voir les choses. Comme vous le savez, cette conception varie selon qu'on a un animal de compagnie, ou qu'on pratique la chasse, le piégeage ou l'élevage de bétail ou de moutons. Il doit y avoir un certain équilibre. Comme je l'ai mentionné, les Canadiens ne tolèrent aucunement la cruauté, point à la ligne.
On se demande quel impact le projet de loi C-15 aura sur le plan culturel. S'agit-il vraiment d'une mesure qui vise à défendre les droits des animaux? Peut-on le considérer comme tel? Où est-ce qu'il constitue uniquement une étape vers l'élaboration d'une loi qui permettra d'assurer la défense des droits des animaux?
Le président: Monsieur Mark, est-ce que votre question s'adresse à quelqu'un de particulier?
Je pense que nous avons plusieurs options.
M. Alan Herscovici: Il y a certainement des inquiétudes de ce côté-là. Voilà pourquoi j'ai passé une bonne partie de mon temps à vous parler de la situation actuelle, car plusieurs groupes veulent utiliser le projet de loi à cette fin. Si nous vivions dans un monde neutre, tout serait beaucoup plus simple et logique. Or, nous devons tenir compte de la réalité, comprendre ce qui se passe et voir ce que les groupes comptent faire.
Sauf votre respect, Lesli représente la WSPA, la World Society for the Protection of Animals. Je n'entrerai pas dans les détails, mais voici un document que l'association distribue, entre autres, aux dessinateurs, qui commencent à faire usage de la fourrure. Il met l'accent sur la protection des animaux, et contient beaucoup d'études analytiques et de notes en bas de page—on voit à quel point les études sont utilisées de façon sélective. Il indique clairement, dès les premières lignes, que, de toute façon, il est impossible de fabriquer humainement de la fourrure. Son objectif est de mettre un terme à l'utilisation de la fourrure.
Il y a des groupes qui, invoquant comme argument la protection des animaux, essaient d'acculer certaines personnes à la faillite. Comme vous le savez, il y a, dans votre circonscription et dans de nombreuses autres régions du pays, des gens qui pratiquent encore le piégeage pour se nourrir. La fourrure, elle, constitue l'un des seuls moyens de subsistance des habitants dans de nombreuses collectivités. Or, ces groupes veulent détruire cette pratique. Ils essaient de mettre un terme à la cruauté envers les animaux, sauf qu'ils s'attaquent, ce faisant, aux droits de la personne. Ce comité-ci s'occupe de justice et de droits de la personne. Or, comme on l'a déjà mentionné, il faut trouver un juste milieu entre les droits des animaux et les droits de la personne.
Pour ce qui est des personnes qui torturent les chats, ainsi de suite, et Lesli en a parlé, personne ici ne nierait le fait que ces personnes ont besoin d'aide, même si j'estime que cette aide devrait se présenter sous forme d'évaluation psychologique au lieu de peine d'emprisonnement. Je ne pense pas que la peine d'emprisonnement soit nécessairement la bonne approche. Il y a manifestement quelque chose qui ne va pas. En général, les personnes normales ne sont pas cruelles envers les animaux. Soit il y a quelque chose qui ne va pas, soit la personne se sent dépassée par les événements et constate qu'elle ne peut plus s'occuper de son exploitation agricole, soit elle souffre de problèmes psychologiques, ce qui n'a rien à voir avec la peine d'emprisonnement.
• 1635
Je ne vois pas non plus pourquoi on voudrait soustraire cet
élément de la partie sur les biens, puisque cela nous a toujours
été utile... Il se peut que les préoccupations que j'ai soulevées,
ou que d'autres ont soulevées, ne se réalisent pas. Mais cette
possibilité existe, et de nombreuses personnes s'en inquiètent.
S'il n'est pas nécessaire de prévoir des peines pour les cas
d'abus, pourquoi prendre ce risque?
Le fait est que le ministère de la Justice nous a dit que les groupes de défense des droits des animaux n'auraient jamais recours à ce genre de tactiques. Eh bien, je ne suis pas du tout de cet avis.
Il déclare ensuite: «Si nous constatons que telle ou telle chose se produit devant les tribunaux, alors nous allons apporter des correctifs». Eh bien, excusez-moi, nous sommes en train de jouer avec les moyens de subsistance et la vie de chercheurs médicaux, d'agriculteurs, de chasseurs, de trappeurs, ainsi de suite. Une fois qu'ils sont exposés à ce genre de situation, ils doivent se débrouiller seuls. Ils doivent se défendre, assumer un fardeau financier et émotif. Quand on accuse une personne de quelque chose, ses voisins ont tendance à se demander si elle a effectivement fait quelque chose de mal.
Pourquoi devrions-nous adopter des concepts non vérifiés que personne d'autre dans le monde n'a...? Excusez-moi, mais cette mesure est radicale. À ma connaissance, aucun autre pays de common law n'a envisagé de soustraire les animaux de la partie sur les biens. En fait, on dit même que les animaux qui n'ont pas de propriétaire sont ceux qui sont les plus mal traités.
La partie concernant les biens a été utile. Pourquoi prendre une décision si radicale dans la mesure où elle ne s'impose pas pour atteindre les objectifs énoncés? Je ne crois pas que quiconque puisse contester les cas cités par Lesli; nous sommes tous d'avis qu'ils sont horribles et toute personne normale en conviendrait.
Le président: Mme Bisgould peut intervenir.
Mme Lesli Bisgould: Lesli.
Le président: Je ne peux pas attendre la fin des trois minutes. Allez-y.
Mme Lesli Bisgould: Merci pour la question.
À mon avis, si l'on n'a pas soustrait les animaux de la partie sur les biens dans le cas d'autres codes criminels, c'est simplement parce qu'il n'existe pas d'autres codes criminels avec lesquels nous pourrions comparer le nôtre. Aux États-Unis, chaque État a sa propre loi et la situation est différente. Il arrive simplement que notre code criminel comprenne ces parties et il n'est pas vraiment juste de dire: «Eh bien, c'est le seul pays qui procède de la sorte,» car c'est le seul pays qui soit doté d'une telle loi, pour commencer.
«Pourquoi devrait-on retirer ces crimes de la partie relative aux biens?»: c'est à mon avis la question essentielle qui se pose. Nous devrions le faire simplement pour être en accord avec ce que la loi prévoit déjà dans notre pays. En d'autres termes, lorsque vous commettez un crime contre un animal, vous commettez un crime contre la personne qui a un intérêt envers l'animal—cela ne va pas changer—qu'il s'agisse d'un intérêt financier, émotionnel ou autre. Soit dit en passant, souvenez-vous de Darwin dans les années 1850 et de sa théorie sur l'évolution. Lorsque vous faites mal à un animal, vous faites mal à l'animal.
Honnêtement, c'est tout ce que stipule la loi: «Vous faites mal à la personne, mais vous faites mal aussi à l'animal.» C'est exactement la mesure prise par le Parlement en 1953 lorsqu'il a adopté ce que nous appelons maintenant l'article 446 du Code criminel. Le juge Lamer l'a interprété en 1978 en déclarant ce que j'ai souligné dans la documentation qui vous a été remise: «Alors que certains articles du Code criminel ont été édictés pour la répression des atteintes aux droits du propriétaire de certains animaux, l'article 402»—qui est maintenant l'article 446—«l'a été pour la protection des animaux eux-mêmes».
C'est ce qu'il a dit en 1978. Nous avons déjà ce que le ministère de la Justice propose aujourd'hui, soit simplement donner un caractère officiel au code. C'est la loi depuis l'adoption de cette partie en 1953. C'est ce qui est publiquement reconnu comme étant la loi depuis que le juge Lamer a tenu ces propos en 1978. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
C'est pour cela que je me pose des questions au sujet de toute cette inquiétude. Parlons-nous de droits humains pour les animaux?
Je ne sais pas comment répondre à cette question. Nous ne parlons pas du genre de droits que nous associons habituellement aux droits de la personne: le droit à une bonne éducation, à une année complète de congé de maternité, etc. Il y a des gens qui se posent en défenseurs des droits des animaux. Ils essaient de faire reconnaître que les animaux ont leurs propres intérêts. Même si nous aimons peut-être utiliser l'animal dans un certain but, l'animal conserve son propre intérêt qui peut être en contradiction, ou non, avec ce que nous recherchons.
Ne confondons pas toutefois cela avec ces dispositions du Code criminel, car je crains que nous ne le fassions. Il est vrai que la WSPA a publié une analyse très longue et détaillée de l'étude qu'elle a effectuée sur le commerce de la fourrure dans le monde. Elle est arrivée à des conclusions assez troublantes et s'en inquiète, bien sûr, tout en s'efforçant d'apporter des changements, mais cet outil n'est pas le bon.
• 1640
Ces changements se produisent au sein de l'industrie et le
Code criminel est complètement à part. Si nous devons condamner
certaines positions uniquement parce que nous nous inquiétons des
autres activités de ceux qui les défendent, je dirais que ce comité
n'ira pas très loin.
Le président: Madame Allard, sept minutes. Je vous rappelle que vous avez tous sept minutes.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour.
Monsieur Gauthier, je suis arrivée un peu en retard. Ce matin, on a eu une présentation de quelqu'un qui était contre le fait de déplacer la partie XI du Code criminel et d'en créer une nouvelle. Je vois que Mme Bisgould semble en faveur de cela. Vous, vous semblez dire que... J'aimerais que vous clarifiiez votre position sur cet aspect particulier de la loi.
M. Clément Gauthier: Disons simplement ceci: que l'on choisisse ou non de la déplacer, cela aura un impact sur le milieu de la recherche, parce que cela enlève le Colour of Right... Excusez-moi, j'ai fait ma présentation en anglais et je cherche le terme français. Le Colour of Right était acquis dans le Code criminel avant les changements; c'est-à-dire qu'ils peuvent fournir un outil de défense pour les gens contre qui on intente un procès. Cela a un impact spécifique sur les chercheurs.
Donc, nous ne demandons pas nécessairement qu'on ne transfère pas ces dispositions si le gouvernement, le Canada et les Canadiens ont de bonnes raisons de vouloir les transférer dans la partie V.1. Ce qu'on a compris, c'est que c'était pour protéger des animaux qui n'ont pas de propriétaire, qu'il s'agisse d'animaux sauvages ou d'animaux perdus. S'il y a de bonnes raisons pour le faire, à ce moment-là, le gouvernement prendra sa décision et le fera.
Ce que nous disons dans notre position, c'est simplement que s'il y a un changement de partie, les chercheurs perdront le paragraphe 429(2), qui permettait justement une défense aux individus qui se servent des animaux dans les cas où on les emmenait en cour. Cette mesure a des ramifications encore plus particulières pour le milieu de la recherche. C'est pour cette raison que nous proposons des choses pour contrebalancer les impacts négatifs que les amendements à la loi pourraient avoir à ce niveau-là, plutôt que de nous situer à un endroit ou à l'autre. C'est bien décrit dans nos grands principes que vous trouverez aux pages 9 et 10. Le Conseil canadien de protection des animaux dit qu'il désire que tous les animaux bénéficient de la protection de la loi pour éviter les cas grossiers de cruauté.
C'est évident. Et nous n'incluons pas dans cela les cas d'utilisation pour la recherche, parce que c'est supervisé et réglementé. C'est nous qui y voyons avec les gens de la communauté, avec des gens du Conseil canadien de protection des animaux, mais on admet qu'il peut y avoir des cas de cruauté grossière. Ce sont ces cas-là qu'il faut protéger. C'est pour cela qu'on dit plutôt que s'il y a une raison valable de déplacer cela, c'est-à-dire assurer la protection des animaux qui n'ont pas de propriétaire, et que c'est la décision du gouvernement, ce dernier a aussi la responsabilité de s'assurer que l'impact négatif de ce transfert d'une partie à l'autre est compensé par une référence aux standards reconnus nationalement et internationalement dans la réglementation de la loi pour donner un guide d'interprétation aux cours. Nous suggérons la recherche parce que c'est dans ce milieu que nous sommes actifs: la recherche et les tests.
Autrement, ce sera un fouillis total. On ne pourra pas appliquer la loi de façon cohérente entre les provinces. Il n'y a que six provinces sur les dix provinces et les trois territoires qui ont adopté des lois provinciales couvrant l'utilisation des animaux pour la recherche scientifique. Dans toutes les autres provinces et territoires, comment réussira-t-on à appliquer la loi?
Au niveau du common law, comme vous le savez, il n'y a pas de disposition spécifique pour l'utilisation des animaux en recherche. À ce moment-là, on défavorise et on pénalise encore la recherche qui n'aurait pas encore d'outil de défense selon le common law. Où cela laisse-t-il les chercheurs? Cela les laisse, dans les provinces où on n'a pas adopté de mesure législative réglementant l'utilisation des animaux, sans aucune protection. C'est ça, le résultat.
Donc, même si on ne s'oppose pas au transfert, ce qui vient au début de la chaîne de dominos, c'est le transfert de partie. Si le gouvernement veut le faire pour d'autres raisons, il a l'obligation et la responsabilité de s'assurer également qu'on va compenser les impacts négatifs.
Pour la recherche, je vous ai donné une façon de le faire sans demander une exemption. Mme Bisgould disait qu'on ne devait pas demander d'exemption. Nous demandons qu'il y ait dans la réglementation une référence aux standards existants pour fournir aux cours un outil d'interprétation avec des standards objectifs reconnus, et non pas une exemption des chercheurs.
Mme Carole-Marie Allard: Pour ce qui est de la recherche, est-ce que vous êtes d'accord quand on dit que les animaux seront traités comme des êtres pouvant ressentir de la douleur? Comment conciliez-vous cela avec la nécessité de poursuivre l'utilisation des animaux pour faire de la recherche? Il me semble que ça crée un grave problème si on considère que les animaux doivent être traités comme des êtres pouvant ressentir la douleur, d'une part, et que, d'autre part, il est nécessaire d'utiliser des animaux comme cobayes pour poursuivre la recherche. Comment peut-on concilier ça? Que dites-vous par rapport à cela?
M. Clément Gauthier: Ce débat n'est pas nouveau. Ça fait d'ailleurs des années que les chercheurs se soucient au premier titre de la douleur; on donne des analgésiques et on utilise l'anesthésie lorsqu'on fait des projets de recherche. D'ailleurs, le conseil oblige le respect de telles mesures. Lorsque les comités institutionnels de protection des animaux jugent les protocoles ou les demandes pour tuer des animaux, ils demandent carrément aux chercheurs quels analgésiques seront utilisés et quelles mesures seront prises pour empêcher l'animal de souffrir.
En 1987, le conseil a été un des premiers organismes dans le monde à élaborer ce qu'on appelle une liste de catégories d'invasion pour le niveau de douleur des expériences afin d'obliger qu'on donne des soins spéciaux aux animaux, qu'il s'agisse de surveiller la santé d'un animal pratiquement 24 heures par jour ou d'aller jusqu'à lui donner des analgésiques.
Ce que vous dites là n'est pas nouveau. On s'en soucie dans le milieu de la recherche et on le couvre très bien dans le milieu de la recherche. Le conseil oblige ses chercheurs à faire ces choses-là. Chaque protocole doit déterminer exactement comment c'est fait, et les vétérinaires des institutions vérifient ces choses-là.
Mme Carole-Marie Allard: À part le domaine de la recherche, comment votre organisme réagit-il à l'idée que les animaux seraient traités, dans le Code criminel, comme des êtres pouvant ressentir la douleur?
M. Clément Gauthier: C'est déjà le cas. Pour nous, ça ne fait pas une grosse différence, parce qu'on les traite comme des êtres pouvant ressentir la douleur dans nos lignes directrices et dans notre façon d'appliquer le programme.
Ce que je voudrais dire au comité, c'est que j'ai été impliqué dans la définition des animaux avec le ministère de la Justice en décembre 1998 et en janvier 1999. La définition qu'on a donnée est celle des animaux qui sont couverts par notre programme. On parle à la communauté scientifique et on demande ce que l'on couvre. On couvre tous les animaux vertébrés et, parmi les invertébrés, on couvre les céphalopodes, c'est-à-dire les pieuvres, parce que leur système nerveux est plus accessible et qu'on fait effectivement de la recherche avec ces animaux.
Parmi les autres animaux, les invertébrés ne sont pas couverts par notre programme, mais l'explication que j'ai donnée à Justice Canada était que leur système nerveux était exposé et qu'on les couvrait donc parce qu'ils étaient utilisés dans les institutions de recherche. Cette explication a été interprétée à l'interne par Justice Canada comme voulant dire que les animaux pouvaient ressentir la douleur. Si vous allez, par exemple, à la Société canadienne de zoologie et que vous ouvrez un débat sur les animaux qui ressentent la douleur parmi les invertébrés et ceux qui ne la ressentent pas, le débat sera sans fin, parce que c'est un débat scientifique qui progresse avec le temps et avec la connaissance.
C'est là qu'on est rendus.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Sorenson, trois minutes.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, AC): Oui, merci.
Je voudrais remercier tous nos témoins pour leur exposé d'aujourd'hui. Vous vous en êtes tous très bien sortis, chacun dans son domaine.
Mon chien est à moi. Je l'ai acheté, je l'ai élevé, je l'ai castré. Lorsque je vais dans une autre ferme et que j'y laisse mon chien, il revient chez moi, car il sait qu'il m'appartient. Il est ma propriété.
Lorsque je suis chez moi, au ranch, je dois dire que nous utilisons des procédés qui seraient assimilés à des actes de cruauté envers les animaux, j'en suis sûr; c'est certainement ce que vous penseriez, madame Bisgould. Certain des procédés d'élevage—élevage de bestiaux, toutes sortes d'élevage—pourraient passer pour des actes de cruauté envers les animaux et pourtant, dans ma circonscription, ils sont essentiels.
Le projet de loi C-68, j'imagine, était une mesure législature qui dressait sans contredit le monde rural contre le monde urbain. Comment pouvez-vous dire à quelqu'un qui a besoin de son fusil que nous allons commencer à enregistrer ces armes étant donné qu'elles sont utilisées par des criminels? Comment faites-vous? Cela dresse une personne contre une autre. Cette mesure législative dresse le monde rural contre le monde urbain.
C'est la première fois que je remplis les fonctions de député. Je n'ai jamais écrit qu'une seule lettre à un député, au sujet du projet de loi C-68. Beaucoup d'éleveurs et d'agriculteurs n'écrivent pas, or, des centaines de lettres arrivent dans mon bureau, sans compter que dans ma circonscription, des gens viennent personnellement me dire que tout ceci pourrait mettre un terme à l'industrie du bétail.
• 1650
En ce qui concerne l'élargissement des articles relatifs à la
cruauté envers les animaux, je ne suis pas sûr du projet de loi
C-15B, mais tous ceux qui m'écrivent disent: «C'est un point de
départ, nous nous trouvons sur un terrain glissant, en fait, le
gouvernement essaie de fermer l'Ouest canadien rural.» On le voit
bien et on s'en est déjà aperçu dans la façon dont sont considérés
les Autochtones, le piégeage, les procédés qui sont tout à fait
normaux dans cette région.
Madame Bisgould, vous avez dit que nous traversons une période sombre. Lorsque nous voyons que des crimes sont commis, je suis entièrement d'accord avec vous. Je suis d'accord avec les propos tenus par M. Herscovici. Lorsque quelqu'un commet une atrocité et fait preuve de cruauté envers un animal, pas un seul éleveur ou agriculteur ne dirait: «En fait, ce n'est qu'un animal.» Cela n'est simplement pas la réalité. Les éleveurs de bétail font tout pour protéger les animaux et c'est cela la réalité de l'exploitation agricole.
Par contre, chez moi, nous faisons passer les veaux dans un passage, nous les attachons et les amenons au parc d'attente avant de procéder à une opération à l'aide d'une lame de rasoir, comme vous l'avez dit. Ce n'est pas de la cruauté envers les animaux. La loi est interprétative.
Le président: Les trois minutes sont écoulées. Si vous voulez une réponse, vous feriez mieux de poser une question.
M. Kevin Sorenson: Ma question est la suivante. Pourquoi quiconque pourrait-il proposer l'adoption de cette mesure législative, alors qu'elle entraîne tellement de division, qu'elle est ouverte à tant d'interprétation, si ce n'est parce qu'elle nous amène sur un terrain glissant et que nous allons dans une autre direction?
Mme Lesli Bisgould: Très brièvement, je sais que M. Herscovici va répondre, mais, je vais honnêtement le faire en l'espace d'une minute.
Il y a toujours des gens qui ne sont pas d'accord et ce, pour toutes sortes de choses. Vos collègues du Comité de la santé sont maintenant aux prises avec un débat moral à propos de la recherche sur les cellules souches. Parfois, nous nous demandons s'il serait bon ou non d'avoir des écoles à charte dans notre système scolaire public. Dans une démocratie, il est normal de ne pas être toujours d'accord. Je pourrais vous demander personnellement si vous devez vraiment prendre une lame de rasoir et s'il n'y a pas une autre façon de faire, mais c'est une question que je pourrai vous poser en dehors de cette tribune.
Lorsque l'on parle du droit criminel—parce qu'il s'agit bien d'une loi criminelle et non pas de la loi relative au traitement des animaux à l'échelle du Canada; il s'agit d'une loi criminelle, de lois précises—je vous dirais que les changements sont très infimes par rapport à ce que nous avons déjà. Le juge Lamer a répondu à votre question: «Comment rationaliser le fait que nous aimions les animaux et que nous ne voulons pas leur faire mal, mais que nous acceptons de leur faire subir certaines choses?» Il a dit—et je vais vous citer un paragraphe, avant de m'arrêter:
-
Ainsi les hommes [...]
—à ce moment-là, par la règle de l'article 446, qui est toujours en vigueur—
-
[...] ne renoncent pas au droit que leur confère leur place de
créature suprême de mettre l'animal à leur service pour satisfaire
à leurs besoins, mais s'imposent une règle de civilisation par
laquelle ils renoncent à, réprouvent et répriment toute infliction
de douleurs, souffrances, ou de blessures aux animaux qui, tout en
ayant lieu d'abord dans la poursuite d'une fin légitime, ne se
justifie pas par le choix des moyens employés.
Cela veut dire que vous poursuivez une fin légitime—vous élevez des animaux de boucherie, vous utilisez des animaux pour des expériences, comme l'affirme notre société—c'est donc nécessaire.
-
«Sans nécessité» ne veut pas dire que l'homme doive, lorsque la
chose est susceptible de causer de la douleur à un animal, s'en
abstenir à moins que ce soit nécessaire, mais veut dire que l'homme
dans la poursuite de ses fins d'être supérieur, dans la poursuite
de son bien-être, se doit de n'infliger aux animaux que celles des
douleurs, souffrances ou blessures qui sont inévitables compte tenu
de la fin recherchée et des circonstances en l'espèce.
Cette loi est en vigueur depuis 1978. C'est ce qui est prévu. Nous nous en sommes sortis en disant: «Certaines utilisations d'animaux sont légitimes».
Le président: Kevin a terminé.
Monsieur Herscovici.
M. Alan Herscovici: Je crois qu'il a fait une très bonne remarque. Il existe sans aucun doute une division culturelle. Si les choses changent dans ce domaine, c'est parce que—d'après toutes les études que j'ai faites au sujet des droits des animaux—l'environnement urbain s'étend de plus en plus et beaucoup de gens n'ont plus de contact direct avec les réalités de l'origine de nos aliments et de la façon dont se passent les choses. C'est exact.
Je soulignerais qu'il a raison, les producteurs ont de quoi s'inquiéter, car il y a des gens qui interprètent différemment les choses et qui n'ont pas à se retrouver confrontés aux réalités. Ils seraient choqués par certains de vos procédés, et c'est dangereux. C'est la raison pour laquelle il faut faire preuve de prudence.
Tant que le gouvernement réitère son intention de punir toute forme de cruauté évidente—et même si c'est l'intention de Mme Bisgould, d'après ce qu'elle a dit—et qu'il est nécessaire d'alourdir les peines pour des cas extraordinaires comme ceux dont elle a parlé—bien que, je le répète, une évaluation psychologique s'impose—pourquoi alors s'engager sur un terrain complètement inconnu et ouvrir une boîte de Pandore? Nous ne savons pas quelles mesures vont être prises. Selon elle, c'est déjà autorisé, sans que l'on ait besoin de modifier la partie du code. Pourquoi faudrait-il la changer?
• 1655
Peut-être, à l'instar d'autres personnes et de nombreux
juristes, ai-je tort de dire que c'est dangereux. Peut-être avons-nous
raison. Si c'est déjà la loi, telle qu'elle est libellée,
pourquoi alors le faire?
Pour ce qui est des biens, il ne faut pas oublier non plus que la faune fait partie des biens de l'État. Il y a en fait très peu d'animaux sans propriétaire, si ce ne sont les chats errants que l'on retrouve derrière le Parlement et dont s'occupe le monsieur que nous connaissons tous.
Dans la définition, je le répète, il faut, à mon avis, faire preuve de prudence. Comme nous le disons, la recherche se poursuit et on ne sait vraiment pas quels animaux ressentent de la douleur ou non.
Compte tenu de l'évolution de la société, de l'incertitude des valeurs et des dissensions, comme l'a dit le monsieur du Manitoba, je crois qu'il faut être prudent. Nous ne voulons pas nous aventurer sur un terrain inconnu. C'est tout ce que nous disons. Soyons prudents à l'égard de ces deux questions.
Le président: Monsieur Owen, trois minutes. Si vous voulez une réponse, je vous propose de poser votre question en l'espace de ces trois minutes.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci pour votre témoignage d'aujourd'hui. J'ai dû brièvement m'absenter si bien que je n'ai pas tout entendu.
J'ai deux questions.
Tout d'abord, j'aimerais bien savoir ce qui est considéré comme une infraction, ou pourrait l'être.
Deuxièmement et pour aller vite, cela nous ramène à la question de la boîte de Pandore, monsieur. Je pensais que dans la plupart des compétences—ou dans de nombreuses—les lois relatives aux droits des animaux ne faisaient pas partie des lois concernant les biens. Elles font partie de lois distinctes, comme c'est le cas dans de nombreux États américains où le droit criminel relève de l'État, ou représentent une partie d'un code criminel ou d'une autre loi distincte des articles relatifs à la propriété.
À mon avis, ce projet de loi vise à régler l'anomalie qui existe entre le concept de propriété et le concept de non- propriété. Il ne s'agit pas tant du lien entre l'animal et le propriétaire—ou la personne—mais plutôt du fait que certains des attributs propres à la propriété sont plus largement compris. Cela comprend des choses comme la défense et l'apparence de droit qui sont habituellement des défenses relatives à la propriété. Il établit une distinction entre des choses qui peuvent être correctement séparées, et qui doivent l'être.
Pourriez-vous répondre à ces deux questions? Merci.
M. Alan Herscovici: J'aimerais dire quelque chose, si vous permettez; cela va vous paraître absurde, mais c'est vrai.
Il n'y a pas très longtemps en Angleterre, un homme a été accusé de négligence envers son poisson rouge. Il a dû passer deux jours au tribunal et payer 3 000 $ de frais d'avocat pour s'en sortir. Cela semble absurde, mais c'est ce qui s'est vraiment passé.
Il y a des groupes qui essaient de contester. Il est légitime dans la société de contester certaines activités. Les choses changent. Les groupes de défense des animaux ont parfaitement le droit de contester la vision de la société et d'essayer de la changer, comme nous le faisons tous.
La loi peut servir à la même chose également. Nous ouvrons des possibilités qui vont entraîner des contestations au sujet de certains procédés dans le domaine de l'élevage, de la pêche sportive, des activités de recherche, etc. Comme vous le savez, on ne sait jamais ce qui va se passer au tribunal, tout est possible. La charge de la preuve incombera à certaines personnes et je crois que ce sont les préoccupations dont il est question ici.
Compte tenu du contexte, nous savons qu'il existe des groupes internationaux très agressifs, bien financés qui essaient d'utiliser la loi pour changer la société. Que sommes-nous en train de faire ici? Nous ne pouvons en être sûrs.
Il y a quelques exemples dont nous pourrions parler.
M. Stephen Owen: Merci.
Peut-être pourrais-je obtenir une réponse des autres témoins, à propos notamment de la question de douleur sans nécessité, infligée sauvagement ou cruellement, sans excuse légitime. J'imagine qu'il s'agit d'expressions assez restrictives et bien connues en droit.
M. Alan Herscovici: La cruauté infligée sauvagement est un concept nouveau dont beaucoup s'inquiètent.
Par exemple, certains groupes comme la WSPA jugent sans doute que l'élevage d'animaux à fourrure que l'on finit par tuer est sauvage, cruel et sans nécessité. La fourrure est un produit de luxe futile et, par conséquent, sans nécessité. À leur avis, c'est sauvage et cruel.
Le président: Merci, monsieur Owen.
Excusez-moi, mais la liste des intervenants est longue.
Quelqu'un d'autre souhaite-il répondre à la longue question initiale de M. Owen?
M. Clément Gauthier: En fait, les normes relatives aux soins des animaux sont fixées par les articles 182.2 et 182.3. On y retrouve des expressions comme «douleur sans nécessité», «sauvagement», «les aliments, l'eau... convenables et suffisants». Au fond, ces expressions n'entraînent pas une reconnaissance de la légitimité du but sous-jacent des mesures prises à l'égard des animaux.
• 1700
Dans notre cas, il s'agirait de la recherche. Même si les
organismes subventionnaires fédéraux procèdent à un examen
scientifique de la recherche par des pairs avant de la financer,
même si les institutions procèdent à un examen de cette recherche
par des pairs pour en évaluer le mérite, avec la participation de
membres de la collectivité, de scientifiques et de vétérinaires,
ces derniers pourraient toujours courir un risque. En fait, la loi
n'établit pas de relation avec le pourquoi de la chose.
Par exemple, disons qu'il y ait eu douleur. Prenons l'exemple des restrictions en aliments et en eau dans le cadre d'études de comportement. L'analyste pourrait être une personne qui n'a jamais participé à un comité sur les soins à apporter aux animaux. Il peut faire des comparaisons, être informé par des vétérinaires et des scientifiques au sujet des répercussions chez les animaux, tout en observant les animaux que l'on fait jeûner pendant un ou deux jours.
M. Stephen Owen: Arrêtons-nous ici; il se peut que des observations ou un jugement aient réglé cette question.
M. Clément Gauthier: La façon dont la loi sera formulée présente un risque, à moins que les règlements ne renvoient clairement à une interprétation des normes actuelles. C'est ce que nous disons maintenant.
M. Stephen Owen: J'ai vu la modification, merci.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Bourgeois, trois minutes.
[Français]
Mme Diane Bourgeois: Merci, monsieur le président.
Je pense qu'on doit vraiment faire preuve de prudence avec ce projet de loi, et je rejoins en ce sens M. Herscovici. Étant moi-même une sportive, je verrais mal qu'un individu farfelu vienne me dire que je suis coupable de violence envers un animal quand je vais à la pêche et que je suis obligée d'assommer mon brochet pour être capable de lui enlever l'hameçon. Donc, je conçois qu'on doive avoir peur de ce projet de loi.
Je vais peut-être m'avancer un peu trop, mais vous me compléterez ou vous me corrigerez si ce que je dis n'est pas exact. C'est dans les milieux ruraux qu'on retrouve le plus de cruauté envers les animaux. Ce sont des milieux cachés et, bien souvent, ça se fait là où il y a des animaux de ferme. Je voudrais qu'on garde cela en perspective.
Ayant eu une terre, je sais que quand on tue une poule, il arrive qu'elle coure encore. Eh bien, je regrette, mais je dois la tuer pour me nourrir. Il faut aussi regarder ça pour protéger les gens qui vivent sur une fermette, par exemple.
Troisièmement, je voudrais revenir à M. Clément Gauthier. Si j'ai bien compris, c'est vous qui avez formulé l'expression «animal pouvant ressentir de la douleur» parce que vous avez participé à l'élaboration du projet de loi. Est-ce exact? Vous avez dit qu'avec différents groupes d'Agriculture Canada ou différents chercheurs, votre groupe a fourni ce terme. On donne des médicaments à des animaux pour les endormir ou pour qu'ils ressentent moins de douleur, et c'est votre terme «animal pouvant ressentir de la douleur» qu'on a mis dans le projet de loi. Est-ce exact?
M. Clément Gauthier: Vous avez fait la fusion des réponses à deux questions différentes.
Justice Canada nous a téléphoné à la fin décembre 1998 ou au début de 1999, au moment où on travaillait à la définition des animaux, pour nous demander quelle définition des animaux le CCPA utilisait. À ce moment-là, on a donné au ministère la définition des animaux qu'on couvre dans notre programme. Ce n'est pas une définition uniquement théorique. Nos équipes d'évaluateurs protègent un certain groupe d'animaux, qui sont tous les vertébrés et, parmi les invertébrés, les céphalopodes, c'est-à-dire les pieuvres, cela pour des raisons très simples. On couvre le milieu de la recherche et des tests. Les pieuvres, par exemple, sont utilisées par des chercheurs, des zoologistes quand ils font de la recherche sur le système nerveux, parce que le système nerveux de ces animaux est très accessible. Par contre, on ne couvre pas les autres animaux dans nos programmes. C'est ce que j'ai dit.
À un autre moment, c'est Mme Carole-Marie Allard, je crois, qui me demandait si on s'occupait de la douleur. J'ai dit que oui, bien sûr, on s'en occupait depuis des années. En 1987, on a développé ce qu'on appelle des catégories de techniques invasives. On demande aux chercheurs qui prévoient faire une expérience et qui doivent demander la permission aux scientifiques et aux gens de la communauté qui font partie de leur comité de déterminer dans quelle catégorie se situe cette expérience. Est-ce simplement de l'observation, ce qui ne cause pas de douleur à l'animal, mais qui peut le stresser un peu puisqu'on le confine quelque part? Est-ce qu'on fait juste attraper des oiseaux au vol, les regarder, compter les plumes blanches sur leurs ailes et ensuite les libérer? Ça, c'est la catégorie la plus basse.
• 1705
Par contre, quand ils font un test de toxicologie,
en sachant que l'animal va
finir par en mourir puisqu'on cherche la dose à
laquelle il va mourir, nous les obligeons
à trouver cette dose plus tôt pour faire moins
souffrir l'animal et à donner tous les soins médicaux
possibles à l'animal. C'est ce que je disais.
Vous avez donc combiné les deux réponses.
Pour terminer ma réponse, je dirai que Justice Canada n'a pas utilisé la définition que j'ai proposée, qui dit que ce sont tous les animaux dans le groupe des vertébrés et, parmi les invertébrés, une classe d'animaux. Mais le ministère a tiré des conclusions. Étant donné que j'avais dit que leur système nerveux était exposé, il a étendu cela à tous les animaux qui peuvent ressentir de la douleur.
J'ai dit par la suite que dans les milieux scientifiques, quand on va à une réunion de la Société canadienne de zoologie et qu'on demande si tous les invertébrés ressentent de la douleur, il y a une discussion sans fin. Chacun expose sa compréhension du système nerveux de chaque espèce pour laquelle il est spécialiste. Je dis donc que l'approche raisonnable pour nous est de parler des vertébrés et, parmi les invertébrés, des céphalopodes.
C'est l'approche qu'on a adoptée au Royaume-Uni aussi. Le Home Office du Royaume-Uni, qui fait l'équivalent de ce qu'on fait et qui est un organisme réglementaire pour l'utilisation des animaux, a la même définition que nous.
Ce que je vous dis, c'est que, par extension, Justice Canada a fait une déduction et est arrivé à une conclusion que je ne lui ai jamais donnée.
Mme Diane Bourgeois: Il a fait la même chose que moi.
M. Clément Gauthier: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Wappel, vous avez trois minutes, s'il vous plaît.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Espérons une minute pour chacun des témoins auxquels je demande de me donner un exemple précis d'un animal multicellulaire qui ne ressente pas la douleur.
Mme Lesli Bisgould: Un animal multicellulaire qui ne ressente pas la douleur.
M. Tom Wappel: Pouvez-vous penser à un animal? Est-ce que les témoins peuvent me donner l'exemple d'un animal multicellulaire qui ne ressente pas la douleur?
Mme Marie Bédard (directrice des communications, Conseil canadien de protection des animaux): La plupart des invertébrés.
M. Tom Wappel: Les oursins verts?
Mme Marie Bédard: Oui.
M. Tom Wappel: Vous ne croyez pas qu'un oursin vert ressente de la douleur.
Mme Marie Bédard: Rien ne prouve qu'il ne ressent de la douleur.
M. Tom Wappel: Le paragraphe 446(2) du Code criminel actuel prévoit la peine. Bien sûr, je crois que nous convenons tous que cet article ne correspond peut-être pas à ce qu'il faudrait.
Pourquoi le libellé du paragraphe 182.3(3) proposé—et je pose cette question à Mme Bisgould—ne pourrait-il pas s'insérer dans ce qui est actuellement le paragraphe 446(2)?
Mme Lesli Bisgould: La question qui se pose est la suivante, d'après moi: Faut-il vraiment modifier ce qui existe déjà? Pourquoi ne pas simplement insérer un nouvel article? Si c'est ce que vous sous-entendez, je dirais que les nouvelles dispositions ne font que réorganiser—et compléter, certainement—ce qui existe déjà, de façon plus logique; c'est ce qui m'a sauté aux yeux lorsque je l'ai lu.
M. Tom Wappel: Je veux en venir à cet article sur la peine. Pourquoi ne pas remplacer par l'article du nouveau projet de loi relatif à la peine par le paragraphe 446(2)?
Mme Lesli Bisgould: Nous pourrions probablement insérer ces dispositions, mais la loi va plus loin que la simple interprétation de la peine qui s'impose. La peine ne correspond pas uniquement à celle prévue au paragraphe qui la définit, mais aussi à la loi dans son entier—ce qu'elle interdit et les expressions qu'elle utilise à cet égard.
Le président: Merci beaucoup, nous allons maintenant passer à M. MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins également.
M. Wappel a abordé l'aspect le plus révélateur de toute la question, à savoir que nous essayons de réinventer la loi, alors que nous pourrions agir de façon beaucoup plus directe. S'il s'agit véritablement de poursuivre les contrevenants, de poursuivre ceux qui causent des douleurs, pourquoi tout envelopper d'une couverture législative sous prétexte de protéger les animaux en quelque sorte? Nous allons causer beaucoup de tort.
J'aimerais dire officiellement également qu'il s'agit d'une division rurale-urbaine, mais non pas d'une division régionale. Il y a des agriculteurs, des pêcheurs, des commerçants de la fourrure en Nouvelle-Écosse, dans le Canada Atlantique rural, qui vont être tout aussi touchés que ceux de l'Ouest canadien.
• 1710
Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qui s'est passé au
sujet de la chasse aux phoques. Si les bébés phoques ressemblaient
à des alligators ou à des lézards, je ne pense pas qu'on en aurait
vu la photo sur les immenses panneaux de Times Square. Gardons les
choses en perspective.
Nous voulons bien sûr poursuivre ceux qui écorchent les animaux à vif, qui chassent les bébés animaux, qui font toutes ces horreurs dont avons entendu parler aux nouvelles et c'est là dessus que nous devons concentrer tous nos efforts et nos ressources.
Pourquoi ne pas alourdir les peines, chose que nous pouvons faire? Pourquoi ne pas augmenter les ressources affectées à la surveillance et à la protection des animaux? Donnez plus d'argent à la SCPA; donnez plus d'argent à la police; éduquez les juges, les procureurs et les avocats pour qu'ils relèvent le point de référence de ces genres d'infractions. À mon avis, ce serait une façon beaucoup plus efficace de régler la question de la cruauté envers les animaux.
Je voudrais poser une question précise. Je vous invite tous et chacun à commenter mes propos mais je voudrais que Mme Bisgould en particulier me dise si cela s'est fait ailleurs? Un Etat, une fédération ou une autre instance aurait-il intégré dans un code pénal une mention assimilant les animaux à un bien?
Mme Lesli Bisgould: À ma connaissance, aucune loi traitant de crimes perpétrés contre des animaux ne les ont inclus dans une rubrique sur les infractions contre les biens. Je ne peux pas répondre à cette question car je ne pense pas que notre situation existe ailleurs.
Mais je peux répondre à votre préoccupation au sujet des bébés phoques. On m'a souvent fait ce commentaire. Pourquoi nous soucions-nous des bébés phoques? Selon ma perspective...
M. Peter MacKay: ... Vous ne vous souciez pas du tout des bébés phoques. Vous m'avez mal compris.
Mme Lesli Bisgould: Je m'exprime mal parce que j'essaie de faire vite. Je sais que nous sommes pressés. Ce qu'on nous dit souvent—et ce n'est peut-être pas votre opinion—, c'est que nous semblons uniquement nous soucier des bébés phoques parce qu'ils sont mignons, mais que nous nous en ficherions bien si c'était des reptiles. À cela je réponds que si nous pouvons traiter aussi sauvagement des animaux dont nous convenons tous qu'ils sont mignons, nous devrions remettre sérieusement en question notre comportement. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'objet de votre intervention.
Au lieu d'essayer de savoir pourquoi nous devrions modifier cette loi qui ouvre autant de portes, j'invite les membres du comité à envisager pourquoi nous ne le devrions pas. Au sujet des arguments qu'on avance ici, bien que je ne blâme pas les intervenants du secteur de s'inquiéter d'une menace légitime qui pèserait sur leur champ d'activité, je peux leur dire que leur intervention est inopportune. Comme nous l'avons déjà dit, ils ont leurs propres lois et règlements.
Je me demande depuis longtemps pourquoi il y a une telle opposition de la part de ces groupes que vous allez entendre. La réponse, c'est que la plupart des lois que nous voulons modifier existent depuis très longtemps mais que les gens du secteur n'ont pas été obligés de s'en soucier. Ils ignoraient même leur existence puisque personne n'avait jamais été inculpé au criminel. Voilà pourquoi les amendements mineurs que nous apportons ont eu pour effet de nous réunir tous autour de cette table et qu'ils jettent les hauts cris: «Grands dieux, voyez-moi ce libellé...
Une voix: Ce n'est pas vrai.
Mme Lesli Bisgould: ... «brutalement, inutilement»... Excusez-moi, mais je connais un cas survenu dans les années 50. Il est déjà arrivé que des agriculteurs laissent des troupeaux de bovin mourir de faim. Je ne dis pas qu'aucune accusation n'a jamais été portée, désolée...
Le président: Une personne à la fois. Je vous demanderais de conclure et ensuite nous entendrons les personnes qui souhaitent répondre. Quant à M. MacKay, son temps de parole est expiré.
Mme Lesli Bisgould: Je tiens à apporter une précision pour ne pas qu'on ait l'impression que je nage dans la panade. Dans la plupart des cas, les gens de l'industrie ignorent la teneur de la loi, ils n'ont jamais été inculpés et ils ne savent pas de quoi il retourne.
Évidemment, il y a toujours eu des mises en accusation car des infractions surviennent dans tous les contextes, dans les domiciles privés, sur les lieux de travail, etc. C'est la vie. Je m'excuse si je n'ai pas été claire. Chose certaine, la plupart des gens n'en ont pas entendu parler parce qu'ils n'ont jamais fait l'objet de poursuite et les changements mineurs que nous envisageons n'y changeront rien.
Le président: Monsieur Herscovici.
M. Alan Herscovici: Il va de soi que les agriculteurs, comme tous les autres citoyens, sont assujettis aux dispositions de la Loi relative à la cruauté envers les animaux. S'ils se rendent coupables d'une infraction, ils peuvent être inculpés aux termes de la loi.
Ce qui inquiète les gens, c'est que l'on s'aventure en terrain inconnu. Ils s'inquiètent particulièrement en raison des propos que je vous ai cités tout à l'heure. En effet, certains des groupes qui exercent des pressions pour obtenir ces changements ont exprimé leur intention de s'attaquer à ce qu'ils appellent la cruauté institutionnelle—l'agriculture, la recherche médicale, etc. Compte tenu des ressources internationales qui sont à leur disposition pour leur campagne, cela suscite énormément d'inquiétudes.
• 1715
Voilà pourquoi on en revient à cela. Je ne pense pas que nous
ayons le droit d'y aller à l'aveuglette et de voir ce qui va se
passer dans la vie des gens si notre intervention n'est pas
nécessaire. Je suis d'accord avec les propos tenus par un grand
nombre de députés. S'il est nécessaire de prévoir des sanctions
plus rigoureuses dans les cas d'abus flagrants, comme tous ceux
qu'elle a cités, je ne pense pas que quiconque soit contre. Cela
dit, à mon avis, cela relève davantage du counselling
psychologique.
Mais pour ce qui est de changements radicaux... Dans tous les pays assujettis à la common law, à ma connaissance—je ne suis pas avocat—, les animaux sont assimilés à des biens. Les animaux sont des biens dans notre société. En fait, bien souvent, c'est une protection pour les animaux car leurs propriétaires ont à leur égard des responsabilités. Ce sont les animaux errants qui ne sont la propriété de personne qui souffrent le plus en général.
Pourquoi faire un changement aussi radical, si cela n'est pas nécessaire pour atteindre les objectifs sur lesquels nous nous entendons tous? Le simple fait qu'un nombre aussi considérable de Canadiens s'inquiètent, parce qu'ils sont la cible de campagnes orchestrées par des gens qui ont des valeurs différentes, devrait suffire à nous inciter à la prudence.
Nous nous préoccupons aussi de la dernière partie fin de la nouvelle définition d'animal, qui stipule: «Et de tout autre animal pouvant ressentir la douleur» étant donné que d'après M. Gauthier, même la communauté scientifique ne sait pas vraiment ce qu'il en est.
J'ai un dernier argument. Comme je l'ai dit, l'objectif visé est double: faire en sorte que les perpétrateurs d'abus flagrants soient punis; et rendre plus efficace l'administration de la loi. Or, les interventions préconisées jusqu'ici pourraient avoir l'effet contraire. Si vous adoptez la mesure sous sa forme actuelle, cela pourrait engendrer une pagaille juridique devant les tribunaux puisque diverses parties essayeront de cerner précisément la signification de la loi. Ce serait le contraire de l'efficience: les tribunaux seraient engorgés.
Le président: Monsieur Gauthier, s'il vous plaît.
M. Clément Gauthier: Pour répondre à la question de Mme Bisgould, elle a tort. Dans la plupart des provinces et territoires du Canada, la recherche est un secteur de l'industrie...
Par exemple, monsieur MacKay, en Nouvelle-Écosse, vos chercheurs sont protégés. Il y a une excellente loi provinciale qui régit l'utilisation d'animaux dans le contexte de la recherche scientifique.
Monsieur Sorenson, en Alberta, les universités sont couvertes par l'entremise de la loi sur les universités, mais personne d'autre. Par conséquent, les agriculteurs ne sont pas touchés.
Carole-Marie Allard, au Québec, vous n'êtes pas protégés. Il y a bien une loi, mais elle n'a jamais été appliquée dans la province.
C'est tout. En Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, il n'y a rien.
En somme, la loi serait appliquée différemment d'une province à l'autre, ce qui serait la pagaille à moins, et je le répète, que la réglementation fasse référence à des normes reconnues, comme celles du Conseil canadien de protection des animaux. C'est une façon de procéder. Autrement, il n'y a pas de protection pour ces scientifiques. Il leur faudrait pratiquement déménager dans d'autres provinces pour mener à bien leur recherche et être protégées.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Allard, trois minutes.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Je vous écoute, monsieur Gauthier, et vous semblez nous dire que les animaux utilisés dans la recherche sont bien protégés. Êtes-vous d'avis qu'on a besoin de ces modifications au Code criminel ou qu'on n'en a pas besoin actuellement, selon ce dont le monde médical a besoin? Vous semblez dire que non. C'est ça?
M. Clément Gauthier: C'est-à-dire qu'il faut être très prudent étant donné la façon dont c'est formulé. N'oubliez pas que notre conseil est un organisme quasi réglementaire. Encore une fois, nous ne représentons ni la communauté scientifique ni les mouvements de protection des animaux. Nous sommes un organisme quasi réglementaire. Nous amenons tout le monde à travailler ensemble pour le bien-être des animaux et pour que la science puisse continuer à prospérer au Canada, mais en nous assurant que le plus possible soit fait pour préserver les animaux de douleurs et de stress inutiles.
Cela dit, le projet de loi est une réalité pour le conseil. Le conseil oblige tous les participants à son programme à obéir aux lois provinciales et fédérales existantes ainsi qu'à nos lignes directrices. Donc, nous avions le devoir et la responsabilité d'avoir des analyses législatives sur ce que le gouvernement propose. Appuyons-nous ce projet de loi? Sommes-nous contre ce projet de loi? Nous ne pouvons pas prendre position. Si vous continuez dans cette voie pour des raisons valables pour le gouvernement, quelles que soient ces raisons, vous avez la responsabilité, comme gouvernement, de vous assurer que ce projet de loi n'aura pas d'impact négatif à long terme sur le milieu de la recherche notamment, car nous couvrons la recherche et les tests réglementaires.
N'oubliez pas que les six agences fédérales qui font des tests réglementaires pour la protection de l'environnement et la protection de la santé des gens utilisent également des animaux. Donc, on ne parle pas seulement de la recherche conventionnellement perçue et conçue dans les universités. La future loi aura également un impact sur tout le secteur privé, par exemple sur le secteur pharmaceutique, et sur tout le secteur gouvernemental des tests réglementaires.
À cette étape-ci, notre responsabilité est de conseiller le gouvernement, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons suggéré au comité cinq grands principes pour le guider afin qu'il trouve un terrain d'entente idéal.
• 1720
D'autre part—ce qui
recoupe les divisions entre le milieu rural et le
milieu urbain.
dont M. Sorenson a parlé et dont il a été question
ici—, nous, du comité d'évaluation, ne demandons pas à
quelqu'un d'Ottawa d'aller faire partie d'un comité
d'évaluation d'une université de l'Alberta où se fait de
la recherche sur des animaux de ferme. Leur vision
d'une même utilisation des animaux, à l'intérieur d'un
protocole donné, sera totalement différente.
Ils vivent dans
des milieux locaux. Nous demandons à des représentants de
la communauté locale de participer à la prise de
décision pour
cette raison, monsieur Sorenson. Il faut faire ce pas
afin que la recherche puisse continuer, pour que
s'améliorent les conditions des animaux de ferme
utilisés en recherche animale.
Si vous déplacez des gens, ce qui pourrait arriver si la réglementation de la loi n'en parle pas, des cours de différentes provinces établiront leurs propres standards individuels pour juger des cas plutôt que d'utiliser les standards existants.
Les standards varieront donc d'une province à l'autre, et d'une culture individuelle à l'autre. Cela constituerait une cacophonie absolument invivable.
Nous suggérons donc, pour contrer ce problème—si le gouvernement veut adopter le reste de la loi—d'adopter une mesure compensatoire pour le milieu de la recherche, parce que la recherche canadienne court actuellement un risque énorme si on ne fait pas attention. Il faut faire référence aux standards du CCPA dans la réglementation. Nous ne demandons pas une exclusion, nous demandons un guide d'interprétation pour les cours afin qu'elles sachent un peu quoi faire et puissent se conformer aux standards existants reconnus au niveau national et international.
Le président: Merci.
[Traduction]
Mme Bisgould veut intervenir.
Mme Lesli Bisgould: Le recours au droit pénal n'est pas à mon avis la solution. Le droit pénal est un droit bien particulier. C'est vrai qu'il ressortit au pouvoir fédéral, et que les lois fédérales s'appliquent uniformément d'un bout à l'autre du pays, mais lorsque la Constitution a été rédigée, les Pères de la Confédération ont accordé à chaque province la responsabilité d'administrer le système judiciaire.
Je n'apprends rien à personne, mais je tiens à vous expliquer pourquoi, à mon avis, nous devrions laisser cela entre les mains du système judiciaire, tel qu'il a été conçu par la Constitution. Or, celle-ci prévoit que dans chaque province, les décisions peuvent être prises au niveau local. À mon sens, cela revêt encore plus d'importance dans le contexte d'un enjeu comme celui-ci.
Les extrémistes pour la défense des animaux n'ont pas encore pris le contrôle du système judiciaire dans les provinces. Nous ne sommes pas sur le point de voir que multitude d'accusations injustes portées contre qui que ce soit. Ce ne sont pas ainsi que les choses se sont passées dans le cas des lois qui figurent dans nos statuts depuis des années. Pour croire cela, il faut croire qu'on se fonde simplement sur les allégations d'un tiers, et il n'y a aucune preuve que cela se soit déjà produit auparavant.
À mon avis, établir des normes et les intégrer au droit pénal compliquerait davantage les choses, sans compter que cela va à l'encontre de la façon dont on rédige le droit criminel et que cela ne soit pas nécessaire compte tenu du fait que le libellé de la législation elle-même établit de telles normes. Il faut laisser les juges assumer leurs responsabilités dans chaque province, tout comme le prévoit la Constitution...
Le président: Je ne peux pas contrôler les réponses.
M. Fitzpatrick est le seul qui n'a pas posé de questions. Il nous reste environ cinq minutes avant la sonnerie.
Monsieur Fitzpatrick, et ensuite les membres du panel.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, AC): J'ai beaucoup à dire. Je ne suis pas criminaliste mais en droit pénal, l'égalité des citoyens devant la loi est fondamentale. Un meurtre est un meurtre, peu importe l'endroit où il a eu lieu. On ne saurait localiser le droit pénal. Ce sont des sornettes que de dire des choses de ce genre. Mais là n'est pas l'objet de mon intervention.
Sérieusement, dans ma province, les personnes reconnues coupables de cruauté envers les animaux ont reçu des sanctions sévères. Bon nombre de cas me viennent à l'esprit. Je souhaiterais que l'on traite aussi sévèrement les jeunes contrevenants pour certaines infractions commises dans la province. Je ne suis donc pas d'accord avec votre point de vue à ce sujet.
Je m'inquiète beaucoup au sujet de l'alinéa 182.3(1)b) proposé. C'est comme si nous imposions une responsabilité absolue, et je pense qu'il faudra envisager les conséquences de cela au moment de la rédaction du texte final de la loi. Voici quelques exemples hypothétiques, qui ne sont pas tellement tirés par les cheveux.
Prenez l'exemple d'un éleveur de dindons. Si un CF-18 survole son ranch et franchit la barrière du son, cela tuera probablement tous les dindons de son élevage. Cela pourrait arriver. Et on ne dit pas: «omet de lui fournir les aliments, l'eau, l'air, l'abri et les soins convenables». Il est tenu de le faire. C'est obligatoire.
Voici un autre cas, celui d'un agriculteur qui habiterait à 35 milles d'un hôpital. Un accident se produit et il doit d'urgence aller conduire sa femme ou son enfant à l'hôpital. Or, un blizzard s'abat sur son village en plein hiver et il est dans l'impossibilité de rentrer chez lui, à la ferme. Les conditions météorologiques pourraient l'empêcher de réintégrer son exploitation pendant trois ou quatre jours. Selon moi, compte tenu du libellé de cet article, je ne suis pas sûr qu'il puisse se défendre. Il ne peut dire qu'il n'a pas été négligent. Je ne sais pas quel argument juridique il pourrait invoquer pour se soustraire à l'application de ces articles.
• 1725
Franchement, Lesli, je trouve tout cela plutôt perturbant,
inquiétant et apeurant. Des lois de ce genre auront certainement
pour effet d'aliéner les habitants de ma région. Si vous voulez
rencontrer des gens ordinaires, venez dans ma circonscription. Nous
organiserons des assemblées publiques locales et vous pourrez
expliquer aux habitants vos idées, mais vous allez entendre un son
de cloche différent de celui auquel vous êtes habituée.
Mme Lesli Bisgould: Vous avez peut-être voulu plaisanter, mais en fait, cela me donne l'occasion d'apporter une précision. En effet, on a tendance à supposer qu'il y a à propos de ce dossier un clivage entre les régions rurales et urbaines. D'après mon expérience—ce qui ne veut pas dire que certains représentants du secteur rural ne sont pas opposés à cela—, lorsqu'on parle aux gens—, et je n'ai pas besoin de vous dire, mesdames et messieurs, que les agriculteurs, les éleveurs, les personnes qui travaillent avec ces animaux quotidiennement les connaissent mieux que moi. Je n'ai jamais travaillé sur une ferme. Je n'ai nullement l'intention d'affirmer que ces gens-là ne prennent pas soin de leurs animaux. En fait, à ma connaissance, dans les communautés rurales, lorsqu'on parle aux gens—et non aux associations qui les représentent—, ils sont en faveur d'une législation plus ferme pour contrer la cruauté envers les animaux.
D'après moi...
M. Brian Fitzpatrick: Et mon exemple?
Mme Lesli Bisgould: Pour qu'un acte criminel ait été commis, deux éléments sont nécessaires. Le premier, c'est qu'il y ait eu crime, ce qui aurait été le cas dans l'exemple que vous avez donné, mais l'autre, c'est qu'il y ait eu intention de commettre un crime. Il faut que l'intention soit présente. Cela ne figure dans aucune loi... C'est simplement...
M. Brian Fitzpatrick: L'intention n'est pas là.
Le président: Monsieur Fitzpatrick, vous avez pu poser vos questions. Elle n'a pas à répondre.
Mme Lesli Bisgould: Ma réponse, c'est que si la personne n'avait pas d'intention coupable, elle ne peut être accusée d'un crime. C'est la base du droit pénal. Il n'est pas nécessaire que cela soit précisé dans la loi. C'est ce qui est prévu par le droit.
Le président: Monsieur Herscovici.
M. Alan Herscovici: Une courte intervention. Tout à l'heure, on a dit que le système de justice pénale n'allait pas engager des poursuites ridicules ou exagérées, mais en l'occurrence...
Mme Lesli Bisgould: Non, je n'ai pas dit cela. Je ne dirais pas cela.
M. Alan Herscovici: Vous avez dit que le système judiciaire n'avait pas été infiltré par les extrémistes pour la défense des droits des animaux.
Je signale que la SPCA peut porter des accusations dans bien des régions du pays. Des groupes comme le Fonds international pour la protection des animaux, qui viendra témoigner devant nous, a souvent logé des plaintes. En fait, ses porte-parole se sont vantés de ce que toutes les accusations de cruauté envers les animaux portées aux termes de la Loi sur les pêches et d'autres lois étaient le résultat de leurs plaintes. Dans les faits, leurs allégations ont été rejetées par les tribunaux dans bien des cas, et il est même arrivé que le juge dénonce la preuve vidéo, la qualifiant de mystification sophistiquée mais il n'en reste pas moins que des gens ont tout de même dû subir ces poursuites.
Par conséquent, il est tout simplement faux de dire qu'une fois qu'on aura ouvert la porte, que ce soit à la suite de plaintes et d'accusations par l'entremise de la SPCA ou autrement, les gens seront capables de se tirer d'affaire, si nous permettons qu'on en vienne là.
Le président: Je remercie tous les députés. Toutes les personnes sur la liste ont pu poser des questions. Je suis très sensible à la passion avec laquelle les témoins expriment leur point de vue sur le sujet et je remercie mes collègues de leur patience dans un débat chargé d'émotion.
Merci beaucoup. La séance est levée.