NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 22 novembre 2001
Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.
Avant que nous entendions nos témoins, j'aimerais régler très brièvement une question qui nous a été soumise par le comité de direction. Il s'agit d'une motion qu'il a adoptée à l'unanimité, je crois, au sujet du quatrième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure et qui a trait au processus de comparution des témoins.
Devrais-je mettre la motion aux voix?
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): J'en fais la proposition.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): J'appuie la motion.
(La motion est adoptée)
Le président: Merci beaucoup.
Nous sommes heureux aujourd'hui d'accueillir deux membres de la communauté qui ont été très actifs au sujet des questions de défense. Le professeur Jack Granatstein est coprésident du Conseil pour la sécurité canadienne au XXIe siècle et le professeur David Bercuson est directeur du Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom des autres membres du comité permanent. Je sais qu'ils auront de nombreuses questions à vous poser, alors pourquoi ne pas nous présenter vos exposés tout de suite? Nous aurons ensuite le temps de faire plusieurs tours de table. Allez-y, s'il vous plaît.
M. Jack L. Granatstein (coprésident, Conseil pour la sécurité canadienne au XXIe siècle): Merci, monsieur le président.
On m'a demandé de vous faire un court historique de la politique de défense canadienne. Cela m'est bien sûr impossible. J'essaierai cependant d'être bref et je répondrai avec plaisir à toutes les questions que vous pourriez avoir à me poser au sujet de questions plus actuelles, y compris le rapport du Conseil pour la sécurité canadienne, si vous voulez.
Au fond, les Canadiens ont toujours eu de la méfiance à l'égard d'une armée professionnelle et préféré une milice ou des citoyens soldats. En Nouvelle-France et en Amérique britannique, les autorités militaires fournissaient les membres de la force régulière et les citoyens de la colonie fournissaient des miliciens, et la méfiance régnait entre eux. Les membres de la force régulière couraient après les femmes et se battaient, en ligne droite, à l'européenne, et ils recevaient leurs ordres de Paris et de Londres. Les miliciens étaient mieux adaptés aux conditions locales et se livraient à une petite guerre pour protéger uniquement leurs maisons et les alentours.
Toutefois, quelques années après la Confédération, la présence impériale avait arrêté de se faire sentir et le Canada s'est retrouvé avec un tout petit nombre seulement de soldats professionnels qui n'étaient ni très professionnels ni de vrais soldats. Cette force permanente servait de cadre d'entraînement. Ordinairement, peu d'argent était consacré à la défense—ni pour la force permanente ni pour la milice—et ce n'est qu'au moment où Ottawa s'est mis à avoir peur des États-Unis qu'on a commencé à s'intéresser aux questions militaires.
Lorsque la Grande Guerre a éclaté en août 1914, le Canada comptait quelque 60 000 miliciens et quelque 3 000 soldats dans son armée permanente de même qu'une petite poignée de matelots au sein d'une marine de pacotille. Autrement dit, presque personne ne savait comment se battre ou comment se préparer au combat, ce qui a entraîné des pertes de vie durant les premières années de la Grande Guerre. Mais les Canadiens pouvaient apprendre. Au cours de la guerre, le Corps expéditionnaire canadien est devenu une force très professionnelle et très efficace. Des officiers comme Arthur Currie et Archie Macdonnell sont devenus d'excellents soldats. Les Canadiens ont sacrifié plus de 600 000 de leurs fils à l'effort de guerre. Ils ont imposé la conscription à une nation qui l'a acceptée à contrecoeur pour appuyer le Corps d'armée canadien sur le terrain. Les Canadiens étaient très fiers du Corps d'armée canadien et des victoires plutôt extraordinaires qu'il a remportées.
• 1540
Cependant, dès la signature de l'armistice en 1918, les
Canadiens et leur gouvernement ont tourné leur attention vers autre
chose. Le monde était désormais un lieu sûr pour la démocratie et
les gouvernements voulaient dépenser leur argent ailleurs. La force
permanente, la minuscule marine et la force aérienne sont retombées
dans l'abandon et les forces de réserve ont presque été désarmées
et ont complètement perdu leur importance. C'est comme si on
s'était dit: «Laissons à quelqu'un d'autre le soin de nous
défendre.». Résultat, en septembre 1939, lorsque notre pays est de
nouveau entré en guerre, le Canada est reparti de zéro et a dû
encore une fois essuyer des pertes lorsque les hommes sont allés au
front.
Ce n'est qu'en 1943-1944 que les Forces armées canadiennes ont été en mesure de bien se battre. La force aérienne était alors composée d'un quart de million d'hommes et de femmes forts et efficaces, d'un groupe de bombardement et d'innombrables escadrons de chasse, de transport et de lutte anti-sous-marine en sol canadien et à l'étranger. La Marine royale du Canada, qui comptait dans ses rangs 100 000 hommes et femmes, avait appris sur le tas et était devenue la troisième marine en importance dans le monde. L'armée de terre était composée de cinq divisions et de deux brigades blindées qui se battaient outre-mer et, en 1945, la 1re armée du Canada, pour reprendre les termes de l'historien et lieutenant-colonel Jack English, était devenue «la meilleure petite armée du monde». Une fois de plus, il a fallu recourir à la conscription pour appuyer l'armée au front.
Lorsque la paix est revenue, les militaires canadiens ont à nouveau disparu. L'armée du temps de guerre de 1,1 million d'hommes et de femmes s'est transformée presque du jour au lendemain en une force régulière mal entraînée de 25 000 soldats à l'équipement vieillissant et désuet. L'Union soviétique est cependant vite devenue une menace et le Canada a aidé à créer le Traité de l'Atlantique Nord. Néanmoins, même le fait de se joindre à l'OTAN n'a pas beaucoup contribué au réarmement. Il a fallu la guerre de Corée pour que le gouvernement tourne son attention vers l'état des forces armées, une puissante brigade de troupes et une division aérienne ayant par la suite été envoyées en Europe et une brigade, des navires et des aéronefs de transport en Extrême-Orient.
Au bout de quelques années, le Canada avait ses premières forces armées vraiment professionnelles du temps de paix. À la fin des années 50, le pays pouvait compter sur 120 000 hommes dans les trois corps d'armée qui étaient bien équipés, bien dirigés et bien financés. Les réserves faisaient alors figure de parents pauvres, mais, étant donné l'existence d'une importante force régulière efficace, le ministère de la Défense nationale croyait—à tort, je pense—que cela n'avait pas tellement d'importance.
Le summum professionnel a été atteint à la fin des années 50. Puis, les choses se sont gâtées lentement et progressivement. À partir de l'administration Diefenbaker, il y a eu des réductions des dépenses et du personnel, des pénuries de matériel, l'unification des forces, la sociologie appliquée et, surtout, une absence de volonté politique d'avoir une vraie armée. Le résultat, c'est qu'après 40 années de réductions, les forces canadiennes sont aujourd'hui plus faibles qu'elles ne l'étaient au début du réarmement après la guerre, plus faibles qu'elles l'ont jamais été au cours des 50 dernières années. Les réserves, qui sont sans doute plus importantes que jamais aujourd'hui, sont dans un état lamentable, manquent de personnel, sont mal équipées et leur moral est très bas.
Pourquoi sommes-nous aujourd'hui dans cette situation? Je crois que les Canadiens n'ont jamais perdu l'attitude coloniale qu'ils avaient au moment de la colonisation européenne. J'ai le regret de dire que nous sommes un peuple qui s'attend habituellement à ce que quelqu'un d'autre se batte pour lui—tout d'abord la France, puis la Grande-Bretagne et maintenant les États-Unis. Protégés par trois océans, liés aux grandes puissances, sauf au cours des deux guerres mondiales et lors de la décennie unique des années 50, les Canadiens ont toujours été prêts à laisser quelqu'un d'autre prendre les décisions stratégiques, régler la plupart des factures et mourir pour eux. Il s'agit là, par définition, d'une attitude coloniale. C'est une attitude qui dénote un faible sens de la souveraineté, un manque d'esprit national.
Nous pourrions croire que nous sommes comme les Suédois qui apparemment se considèrent comme une superpuissance morale. Nous pourrions croire que nous sommes aimés partout dans le monde, mais ce n'est pas le cas. Nous pourrions croire, comme Mme Janice Gross Stein l'a écrit dans le Globe and Mail la semaine dernière, que nous pouvons nous contenter d'une armée de soldats mal équipés pour offrir une aide humanitaire, mais ce n'est pas le cas. Nous ne savons pas ce que les cinq, 10 ou 50 prochaines années nous réservent. Nous ne savons pas à quel genre de guerre nous pourrions être confrontés. La seule certitude dans un monde où règne l'incertitude, c'est que nous aurons toujours besoin de soldats, de marins et d'aviateurs professionnels bien équipés capables de faire face à tout ce que l'avenir pourrait nous réserver.
• 1545
Il est plus que temps que les Canadiens se comportent comme
une nation. Cela veut dire qu'ils doivent avoir une véritable armée
de bons soldats bien entraînés, de l'équipement moderne de haute
technologie et les fonds nécessaires pour la défense. Les
événements du 11 septembre ont fait surgir de nouvelles menaces
pour notre sécurité et notre façon de vivre et tant que la lutte
contre le terrorisme se poursuivra, nous penserons à l'armée. Nous
ne pouvons pas grand-chose dans cette guerre, mais si les
événements du 11 septembre peuvent avoir servi d'avertissement,
nous pourrions être mieux en mesure de réagir au moment de la
prochaine crise. Et il y en aura une prochaine. Il y en a toujours
une.
Laissez-moi utiliser une analogie bien simple. Tout comme nous payons une assurance-incendie pour nos maisons même si les chances sont bonnes que nous ne passions pas au feu, nous avons aussi besoin de l'assurance que peut fournir une armée professionnelle et une réserve bien fournie. Quelqu'un disait dans une annonce télévisée qu'il fallait payer maintenant ou payer plus tard. Je dirais pour ma part que vous pouvez payer aujourd'hui en argent pour avoir une armée professionnelle efficace et une réserve bien entraînée ou vous pouvez payer plus tard en argent et avec le sang de vos fils et de vos filles.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Granatstein.
Monsieur Bercuson, avez-vous des commentaires à faire?
M. David J. Bercuson (directeur, Centre d'études militaires et stratégiques, Université de Calgary): Oui.
Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir invité. Mes commentaires porteront surtout sur le rapport qui a été distribué à tous les membres du comité, je crois, et rendu public le 9 novembre, mais je vais vous présenter brièvement l'historique de ce rapport.
Le projet a été entrepris il y a environ dix mois, lorsque le Centre d'études militaires et stratégiques a réuni quelque 25 experts de la politique de défense et de sécurité canadienne de toutes les régions du pays et demandé à M. Granatstein et au sénateur Laurier LaPierre de coprésider ce comité. À ce moment-là, nous pensions que le comité rédigerait un rapport qui serait en quelque sorte sa contribution à la préparation d'un Livre blanc que nous avions imaginé être en cours actuellement. Du moins, c'est ce que nous espérions.
Une hypothèse de départ est commune à toutes les contributions à ce rapport, et c'est l'hypothèse de base du rapport lui-même, à savoir qu'une nation souveraine doit avoir sa propre armée ou, pour paraphraser Sir Winston Churchill, elle aura celle de quelqu'un d'autre. La deuxième hypothèse, c'est que les armées sont sensées livrer des combats ou se préparer à livrer des combats et que tout ce qu'elles font d'autre est secondaire par rapport à leur principale raison d'être.
Je pourrais vous signaler certaines des principales recommandations du rapport, mais je suppose que certains d'entre vous l'ont lu ou ont pris connaissance des recommandations. Je vais cependant vous signaler deux choses.
La première, c'est que nous avons commencé à travailler à ce rapport bien avant le 11 septembre. En fait, l'ébauche du rapport était terminée le 11 septembre. Nous l'avons revue après le 11 septembre et nous avons constaté que nous avions en sorte eu la prescience de ce qui pourrait arriver. Personne n'aurait pu prévoir les événements du 11 septembre, mais l'imprévisibilité de l'histoire et des événements eux-mêmes faisait partie des raisons pour lesquelles nous pensions que notre pays avait besoin d'un nouveau Livre blanc. C'est ce que nous avions écrit dans le rapport auquel nous n'avons pas changé grand-chose par suite des événements du 11 septembre.
La deuxième chose que j'aimerais souligner—et l'endroit de même que le moment me paraissent propice—c'est que nous croyons fermement que le comité devrait, d'une manière ou d'une autre, jouer un plus grand rôle à l'avenir dans l'élaboration de la politique de défense. Il devrait en même temps essayer de se tailler un rôle de supervision quelconque à l'égard des forces canadiennes, à l'intérieur de notre système parlementaire existant, bien entendu. Nous croyons très fermement que le but de la défense nationale, qui est la priorité première de tout gouvernement—la sécurité de ses citoyens et la sécurité de ses frontières—fait de la défense nationale un sujet légèrement différent de la plupart des autres sujets dont les gouvernements doivent s'occuper.
Nous aimerions qu'un comité comme le vôtre jouisse de pouvoirs d'enquête plus vastes, dispose de plus de ressources pour enquêter et soit davantage capable de convoquer des témoins des forces armées elles-mêmes et qu'il renseigne mieux la population canadienne sur l'état de l'armée et sur l'orientation qu'elle devrait prendre selon lui. Je ne cherche pas ici à gagner la faveur du comité, mais je souscris bien sûr pleinement aux recommandations que vous avez faites en juin dernier.
C'est la dernière chose que j'avais à dire. Nous ne voulions pas commencer à jouer avec les chiffres. Tout le monde sait que la situation budgétaire est difficile en ce qui concerne l'armée et il ne servirait donc à rien de renchérir sur la perfection. En essayant de décider ce que nous allions dire à propos de la situation budgétaire, nous avons simplement accepté les recommandations que le comité a faites au gouvernement en juin dernier. Nous nous sommes dit que si les chiffres étaient assez bons pour le comité, ils étaient certainement assez bons pour le Conseil et pour notre rapport.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Bercuson.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par Mme Gallant. Vous avez sept minutes chacun.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Je vais partager mon temps avec M. Benoit, monsieur le président.
Je vais vous lire un extrait d'un document de travail que j'ai reçu du colonel Gary Rice et j'aimerais ensuite que nos témoins le commentent.
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Au cours des 36 années qui se sont écoulées entre 1964 et 2000, la
négligence bénigne d'une succession de premiers ministres
indifférents et peu éclairés, de ministres de la Défense et des
Affaires étrangères manquant d'intérêt et d'inspiration et de chefs
d'état-major de la Défense trop accommodants a complètement
bouleversé la politique étrangère de la nation, la structure de sa
défense et ses forces armées. Le service extérieur jadis distingué
et fort estimé du Canada a été réduit à guère plus qu'une
organisation politiquement correcte qui penche vers la gauche et
qui a peu d'influence tandis que ses forces de combat fières,
capables et respectées ont diminué graduellement pour n'être plus
qu'une poignée d'hommes non formés, mal armés, insuffisamment
équipés et très démoralisés qui, aux yeux de la population
canadienne et des alliés du Canada, ne sont bons que pour des
missions de paix exigeant peu d'armes, d'aide humanitaire ou de
maintien de l'ordre.
Monsieur Granatstein, pourrais-je avoir vos commentaires d'abord, puis ceux de M. Bercuson?
M. Jack Granatstein: C'est presque exactement ce que j'ai dit, sauf que la situation dure selon moi depuis plus de 36 ans. Je dirais depuis 40 ans et plus.
Tout cela a commencé sous le règne de Diefenbaker. J'étais dans l'armée canadienne à l'époque et la première vague de réductions budgétaires a frappé en 1961. Je me rappelle très bien m'être promené en jeep sans toit l'hiver et avoir été obligé de faire la queue pour un crayon—le seul crayon de la compagnie dont je faisais partie et qu'il fallait partager. L'argent a commencé à se faire très rare à ce moment-là.
Je parlerais donc de négligence maligne plutôt que de négligence bénigne des Forces canadiennes. Et cela, peu importe le parti, peu importe le gouvernement, et j'ai le regret de dire qu'il en sera probablement de même sous les futurs gouvernements, à moins qu'il y ait vraiment une volonté populaire de changer les choses. En fait, je crois que les gens ont de l'avance sur les gouvernements pour ce qui est de l'attitude face aux choses militaires. Les sondages dénotent certainement un appui substantiel pour l'armée actuellement. Nous sommes en état de guerre, ce qui joue habituellement en faveur d'un tel appui. Mais je ne pourrais pas vous dire s'il y aura de l'argent de plus ou non, si cet argent viendra s'ajouter au budget de base ou non et si celui-ci sera progressivement renforcé ou non pour que nous puissions nous rééquiper, grossir nos effectifs et recommencer à offrir une formation dynamique. J'aimerais bien pouvoir le croire.
M. David Bercuson: Je suis d'accord de manière générale, mais je n'attribuerais pas cela à des raisons politiques en ce sens que je ne pense pas que ce soit le gouvernement qui se trouve à l'origine du problème, mais bien l'ensemble des citoyens. Je crois que les Canadiens dans l'ensemble ne voient pas et ne comprennent pas le lien direct entre la souveraineté, les forces militaires, le commerce international et leur propre chèque de paye. Si c'était le cas, et je dirais que ça l'est probablement, par exemple, pour l'ensemble des citoyens de l'Europe qui pendant longtemps ont vécu sous la menace du communisme... Lorsque les Européens ont dû soutenir d'importantes forces militaires, presque aucun argument n'a été soulevé en Europe—même parmi les grands partis politiques—quant à la nécessité d'être membres de l'OTAN et ainsi de suite pour des pays comme le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas. Il y avait presque un accord multipartite selon lequel les dépenses faites par ces pays pour respecter leurs engagements envers l'OTAN étaient nécessaires pour maintenir leur position dans le monde des nations souveraines.
Mais notre pays a vécu dans l'isolement. Nous nous souvenons tous des propos de Raoul Dandurand en 1927: «Nous vivons dans une maison à l'épreuve du feu, loin des matériaux inflammables.» Même si nous avons été suffisamment éprouvés au cours du dernier siècle puisque 100 000 de nos concitoyens ont perdu la vie outre-mer, les Canadiens ne s'aperçoivent pas ou ne se rendent pas compte qu'ils ont des intérêts dans la paix indivisible. Nous pourrions peut-être dire aussi que les gouvernements et les organisations, comme les chambres de commerce, n'ont pas fait suffisamment pour essayer de fournir un leadership et une éducation à la population, mais je pense que les gouvernements ne font que répondre aux souhaits de la population. C'est la raison pour laquelle ils sont élus.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Si vous me le permettez, monsieur Bercuson, vous avez dit que les problèmes se situent au niveau de l'ensemble des citoyens. Quand vous avez des gouvernements qui un après l'autre incitent les gens à croire que nous n'avons pas besoin d'une armée forte et quand vous avez une opposition qui est tout à fait d'accord—il y a jusqu'à huit ans, je dirais—pourquoi les gens penseraient-ils autrement? Pourquoi s'attendre à quelque chose de différent de la population? Je trouve que c'est le gouvernement qui est à blâmer. Je crois que l'attitude des gens change, et c'est encourageant, mais où aller à partir d'ici?
• 1555
Tout comme mon collègue Art Hanger, qui était porte-parole en
matière de défense pour l'Alliance canadienne avant moi, j'avais
peur d'exiger un Livre blanc sur la défense, parce que je savais
que le gouvernement s'en servirait comme excuse pour réduire encore
davantage ses dépenses militaires. Mais les choses ont changé
depuis le 11 septembre. Je sais que votre document n'en tient pas
vraiment compte, parce que vous l'aviez rédigé avant cette date.
J'aurais donc une question à vous poser, parce que l'état d'esprit
n'est plus le même. Les sondages montrent que l'état d'esprit a
changé. Pour tous ceux qui ont assisté à des cérémonies du Jour du
Souvenir, il est évident que l'état d'esprit est aujourd'hui
différent. Je suis fier d'avoir pu participer à toutes ces
cérémonies.
Cela dit, ne serait-il pas essentiel que nous tirions parti de l'occasion qui s'offre et que nous entamions un processus d'élaboration d'une nouvelle politique de défense? De toute évidence, la politique de 1994 pose deux problèmes. Premièrement, elle était chancelante même à ce moment-là, et les temps ont changé. Deuxièmement, elle n'a pas été respectée. Nous devons avoir en place un processus qui nous permettra d'avoir davantage confiance que la politique sera respectée. Je pense que cela serait possible si le gouvernement et l'opposition travaillaient véritablement ensemble à ce processus et si le ministre des Finances s'engageait par écrit dans le Livre blanc à ce qu'il y ait financement à long terme, comme cela s'est fait en Australie. Qu'en pensez-vous?
M. David Bercuson: Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faudrait sur-le-champ entreprendre un examen du Livre blanc sur la défense. J'aurais quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit.
Nous vivons dans une société qui s'est graduellement transformée—et je pense que c'est assez évident pour nous tous—en une démocratie avec un petit d des plus entières et des plus vigoureuses. Je pense qu'il est très important pour nous de maintenir une surveillance civile de l'armée et de revoir périodiquement la politique de défense. Ces examens doivent être effectués, comme le dernier l'a été, par un organisme du genre d'un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Sinon, la politique est établie par décret. Elle est établie en l'absence d'une politique. L'armée définit les rôles qui devraient être définis par le gouvernement, et elle le fera parce que c'est nécessaire pour elle. Elle doit décider de son avenir et si elle ne reçoit pas les bonnes directives du gouvernement, alors elle ne les suivra pas.
Je ne dirais pas pour autant que l'orientation politique de la composante civile du ministère de la Défense ne concorde pas avec celle de la composante militaire, mais ce n'est pas un processus ouvert. Je comprends parfaitement qu'on ne peut pas administrer une politique de défense à la lumière de l'opinion publique, mais tous les quatre à six ans, la nation doit procéder à un examen en profondeur de ce qui a été fait et de ce qui doit être fait.
Bien des gens viendront dire au comité que l'armée est trop petite. Je ne sais pas si elle est trop petite ou non, mais je sais qu'elle est trop petite par rapport aux rôles qu'on lui demande de jouer aujourd'hui. Les Canadiens doivent faire un choix. Soit que nous réduisions les rôles confiés à l'armée, soit que nous augmentions les ressources dont elle dispose. Selon moi, il doit y avoir un processus de politique public. La population devrait pouvoir dire à un comité comme le vôtre ce qu'elle pense et le gouvernement devrait tenir compte des souhaits exprimés ou des recommandations faites par le comité.
M. Leon Benoit: Dans le processus public, vous aurez mon...
Le président: Merci, monsieur Bercuson.
Monsieur Benoit, votre temps est épuisé.
Monsieur Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci beaucoup d'être ici, messieurs. Je crois qu'il est vraiment nécessaire d'avoir des gens de votre calibre ici—des gens qui ont vos antécédents—pour nous informer et nous aider à répondre à certaines des questions dont nous devons nous occuper.
Toujours dans le même ordre d'idées, j'aimerais avoir votre avis à tous les deux sur ceci. Vous avez parlé dans votre document d'un nouveau Livre blanc, mais je vais aller directement à la question. Pensez-vous que nous avons besoin d'avoir un examen des affaires étrangères avant de passer à un Livre blanc? Comment savoir ce dont nous avons besoin si nous ne savons pas ce que le gouvernement va faire pour ce qui est de la situation des affaires étrangères?
M. David Bercuson: Selon moi, ce serait l'occasion idéale, d'une part. D'autre part, nous devons jusqu'à un certain point commencer à penser un peu différemment aujourd'hui de la façon dont nous aurions pensé il y a peut-être dix ans en ce qui concerne les affaires étrangères, les affaires environnementales, le ministère de l'Industrie et du Commerce et ainsi de suite. Nous en avons discuté dans le rapport.
Nous avons pensé qu'il serait bon d'essayer de faire comprendre dans le rapport que nous devrons prendre des mesures concernant la sécurité. Évidemment, nous ne voulons pas parler de la sécurité dans le sens de la sécurité contre le crime, mais bien de la sécurité contre les ennemis, étrangers et nationaux. C'est ce que nous avons essayé de faire.
• 1600
Nous aimerions qu'il y ait un examen des affaires étrangères
avant un examen de la défense, mais s'il y avait un examen de la
sécurité, des ministères autres que celui de la Défense nationale
y participeraient et différentes questions seraient examinées. Ce
serait une solution de second choix, mais qui nous irait.
M. Jack Granatstein: Je suis tout à fait d'accord. C'est précisément ce que j'aurais dit.
M. David Price: Vous avez indiqué que les partenaires de l'OTAN en Europe sont en train de se reprendre en main si on peut dire. En fait, ce qu'ils font exactement—et c'est un mot qui est à la mode ici ces jours-ci—c'est du partenariat. Vous avez mentionné les Hollandais et les Belges. C'est exactement ce qu'ils font. Chacun aura sa tâche. Par exemple, les Hollandais vont s'occuper du ravitaillement en vol pour les Allemands. Les Allemands s'occuperont du transport par avion. Les Hollandais vont s'occuper des frégates—ils construisent des frégates lance-missiles—et les Belges feront quelque chose d'autre en échange. Cela se fait à tous les niveaux.
Étant donné bien entendu que le seul partenaire important que nous avons se trouve juste de l'autre côté de la frontière, j'aimerais avoir vos vues sur la forme que le partenariat pourrait prendre si nous ne pouvons pas nous offrir une armée au complet.
M. David Bercuson: Laissez-moi dire très brièvement pour commencer que c'est précisément ce que nous voulions dire quand nous avons parlé de la reconnaissance de la notion d'un partenariat stratégique avec les États-Unis. Évidemment, ils sont beaucoup plus gros que nous, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons jouer aucun rôle pour leur faciliter la tâche dans certaines circonstances et dans certaines régions du monde. C'est la façon dont je vois les choses.
M. Jack Granatstein: Il me semble important que nous nous éloignions de notre définition traditionnelle de la «souveraineté». Nous avons eu tendance à considérer la souveraineté comme une chose que nous pouvons protéger en ne nouant pas de liens étroits avec les États-Unis. À mon avis, nous affaiblirions notre souveraineté si nous n'avions rien à proposer aux États-Unis.
Nous avons un rôle à jouer au sein du NORAD en raison de décisions prises il y a plus de 40 ans. Nous y occupons une place spéciale. Si cet organisme disparaît, alors notre influence à Washington et sur Washington diminuera considérablement. Autrement dit, la participation garantit souvent voix au chapitre, ce qui garantit souvent la souveraineté. Au moins, nous avons une chance d'influencer les décisions qui nous touchent avant qu'elles ne soient prises. Il me semble que c'est essentiel. En travaillant en collaboration plus étroite, si nous faisons comme il faut et avons soin de protéger notre indépendance, alors nous aurons tout à gagner.
M. David Price: Cela ne fait aucun doute. Je suis d'accord avec vous. Cependant, pour qu'il n'y ait pas microgestion, avez-vous une idée du genre de choses que nous pourrions faire en partenariat avec nos amis les Américains?
M. Jack Granatstein: La décision la plus importante qu'il faudra prendre dans un proche avenir concerne bien sûr la défense antimissile. Je préférerais que nous n'ayons pas à faire ce choix, mais il ne fait aucun doute pour moi que c'est la voie que les États-Unis choisiront après ce qui s'est passé le 11 septembre.
Qu'allons-nous faire? Allons-nous encore une fois nous tenir sur la réserve en espérant que ça va passer? Je pense que ce serait une erreur, parce qu'il est dans notre intérêt que la défense antimissile relève du NORAD plutôt que du United States Space Command. Si elle relevait du NORAD, nous serions maîtres à bord après les Américains et nous aurions donc la chance d'exercer une influence, de jouer un rôle, d'aider en réalité à façonner la politique américaine. Si nous nous tenons sur la réserve, le NORAD disparaîtra probablement. Il sera certainement diminué et nous n'aurons plus aucune influence. Je pense que nous aurions tout à fait tort de prétendre que ça n'arrivera pas et de prétendre que les Américains nous prendront au sérieux si nous ne collaborons pas avec eux.
M. David Price: Il faudra un certain nombre d'années avant que le système de défense antimissile dont ils parlent actuellement soit au point. Dans l'intervalle, diriez-vous que nous devrions envisager un partenariat avec les Américains en vue de l'établissement d'un système de défense antimissile de théâtre nord-américain semblable à celui qui sera mis en place en Europe? D'ici 2005, l'Europe aura son système de défense antimissile de théâtre.
M. Jack Granatstein: Oui, je pense que nous devrions conclure un partenariat avec eux. Nous devrions chercher activement à conclure des partenariats dans les secteurs où nous pouvons jouer un rôle, exercer une certaine influence et aider nos propres forces armées à se moderniser.
Le président: Merci, monsieur Price. C'est tout pour vous.
Madame Wayne, vous avez sept minutes.
Mme Elsie Wayne: Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je vois également derrière vous certains officiers à la retraite qui ont comparu devant nous eux aussi.
Nous savons tous que nos militaires, hommes et femmes, éprouvent des difficultés financières. Cela ne fait aucun doute. Pourtant, d'autres témoins et vous-mêmes avez dit que les sondages montrent un solide appui du public. Je dois dire que nous exerçons actuellement de fortes pressions sur notre ministère de la Défense nationale—et que nous en exercions avant le 11 septembre—pour que du nouvel équipement et plus d'argent soient mis à leur disposition, parce que nous savons qu'il faut plus d'argent. Nous le savons grâce aux témoignages de gens comme vous et parce que d'autres aussi nous en ont parlé, mais je dois dire que les événements du 11 septembre ont vraiment projeté cette question à l'avant-plan.
Comment ces hommes et ces femmes peuvent-ils—comment pouvons-nous—faire passer le message? Seuls des gens comme vous et des gens comme nous ici à cette table peuvent transmettre ce message au ministre de la Défense nationale et au premier ministre de même qu'au Cabinet. On ne se gêne pas pour protester sur la colline. Tous les jours, depuis le 11 septembre, il y a ici des centaines de manifestants qui reçoivent une grande publicité. Mais les hommes et les femmes qui portent l'uniforme ne peuvent pas venir protester ici de la sorte. Quel rôle pouvons-nous jouer pour nous assurer que nos militaires reçoivent les fonds dont ils ont besoin?
Un major est venu me voir le 11 novembre. Il porte l'uniforme depuis 17 ans et il m'a dit qu'il allait démissionner. Je lui ai demandé si j'avais bien entendu et il m'a répondu par un oui. Il a dit que l'équipement que ses troupes et lui utilisent remonte à 1969. Ce n'est pas avec ça qu'il va arriver à former les jeunes. C'est tout simplement impossible.
Si l'équipement remonte à 1969, ce n'est pas un problème qui se pose depuis cinq ou dix ans; il remonte probablement à 30 ou 40 ans. Comment arriver à convaincre tout le monde? Comment arriver à faire comprendre que les militaires doivent avoir un plus gros budget, que le ministère de la Défense doit avoir l'appui du gouvernement, de l'opposition et de tout le monde, au lieu d'obéir au souci électoral?
M. David Bercuson: Vous—et quand je dis «vous», je veux dire le comité—avez déjà montré que vous pouvez jouer un rôle efficace.
Mme Elsie Wayne: Nous essayons.
M. David Bercuson: Lorsque vous avez tenu vos audiences sur la qualité de la vie dans l'armée, elles ont eu une incidence énorme dans toutes les régions du pays. Elles ont fait la manchette partout. Le gouvernement a fini par allouer des fonds supplémentaires au ministère.
Le comité peut jouer un grand rôle. Même si nous vivons à l'intérieur d'un système parlementaire, d'une démocratie parlementaire au sein de laquelle nous n'avons pas de double contrôle sur l'armée—comme c'est le cas aux États-Unis où le Congrès est responsable de certaines questions militaires et où l'exécutif est responsable dans l'ensemble du commandement de l'armée—nous n'en sommes pas moins devenus un pays très démocratique. Les gens écoutent les nouvelles. Ils lisent les journaux. Ils sont préoccupés par l'état des forces armées et plus vous aurez de latitude pour enquêter, plus vous aurez d'argent pour aller au fond des choses et plus de ressources vous aurez, mieux vous pourrez faire votre travail. Mais vous faites déjà du bon travail. Le rapport que le comité a publié en juin témoignait très éloquemment de ce dont notre pays a besoin.
M. Jack Granatstein: Il y a aussi un autre aspect. Il me semble que le public doit prendre son rôle plus au sérieux. Mon collègue a proposé il y a quelques jours de dresser une liste de personnes intéressées qui pourraient être jointes par courriel, qui pourraient être mobilisées rapidement pour faire valoir des points particuliers et qui pourraient être utilisées pour exercer des pressions sur le corps politique. Je pense que ce serait la façon de procéder. Si nous pouvions avoir 10 000 personnes, 10 000 personnes importantes—et c'est possible—qui s'intéressent vraiment au sujet et qui sont prêtes à envoyer un courriel au ministre de la Défense nationale, au ministre des Finances ou au premier ministre pour leur indiquer que le gouvernement doit absolument faire quelque chose, je pense que cela aura un impact. Je ne croyais pas que les lettres au Parlement avaient quelque incidence que ce soit jusqu'à ce que j'aille au Musée canadien de la guerre. C'est là que je me suis aperçu que lorsqu'on mobilise des gens et qu'on leur demande d'écrire des lettres, on peut vraiment obtenir quelque chose. Je fais maintenant partie de ceux qui croient en la mobilisation des gens. Je pense que c'est tout à fait ce qu'il faut faire.
Mme Elsie Wayne: Soit dit en passant, monsieur le président, j'ai prononcé une allocution à Muskoka. On m'avait simplement invitée à y prendre la parole sans choisir de sujet et j'ai donc apporté avec moi Coincé entre les deux. J'ai parlé de l'armée et j'ai demandé aux gens de faire exactement ce dont M. Granatstein vient de parler. J'ai demandé à chaque personne présente d'écrire une lettre et de l'envoyer au premier ministre, au ministre de la Défense ainsi qu'à Paul Martin. J'ai fait la même chose la fin de semaine dernière à Dartmouth, monsieur le président, parce que je crois que ça s'impose. Lorsque le gouvernement se sera aperçu que cela vient de la population et lorsque la population appuiera ce que nous essayons de faire, monsieur le président, alors, comme M. Granatstein l'a indiqué, nous arriverons à faire des choses et à répondre aux besoins des hommes et des femmes dont est composée notre armée.
Pour nous tous assis dans cette pièce aujourd'hui et pour tous les Canadiens d'un océan à l'autre, je dois dire que je suis très préoccupée. Ce n'est pas uniquement à cause des États-Unis, mais parce que nous avons besoin d'une meilleure sécurité au Canada également, étant donné ce qui s'est passé.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Benoit, vous avez cinq minutes.
M. Leon Benoit: Messieurs, je tiens à vous dire que votre rapport a rendu selon moi un grand service au Canada et aux Canadiens, et je l'apprécie énormément.
J'aimerais que vous nous parliez des opérations conjointes avec d'autres pays. Vous avez soulevé la question. Nous sommes bien sûr conscients que le Canada ne peut fournir tout ce qui est nécessaire dans les types de conflit dont nous sommes de plus en plus souvent témoins, ni probablement dans aucun type de conflit, si ce n'est un conflit contrôlé de très petite envergure. Mais j'ai aussi entendu nos alliés dire entre autres que nous ne faisons pas notre part quand il est question de l'armée. Cela vient de nos alliés au sein de l'OTAN et des États-Unis en ce qui concerne le NORAD. Je pense qu'ils ont souvent fait ce commentaire. Et ils ont dit aussi que lorsque nous travaillons avec eux, ils ne veulent pas être obligés de s'occuper de nos soldats comme si c'étaient des enfants parce que nous n'avons pas l'équipement voulu.
Si nous participons à des opérations conjointes en Afghanistan, par exemple, si nous y envoyons 1 000 soldats, je me demande quel appui ils recevront du Royaume-Uni et des États-Unis, si ces pays savent qu'ils devront intervenir rapidement si quelque chose de grave arrive ou qu'ils soient obligés d'évacuer nos soldats par avion si on perd complètement le contrôle de la situation. On m'a dit qu'il fallait au moins envoyer des unités autonomes pour travailler aux côtés de nos alliés. Est-ce ce que le Canada devra faire à l'avenir pour ce qui est du NORAD? Je vous laisserai d'abord répondre à cette question.
M. David Bercuson: Laissez-moi essayer d'y répondre en premier. L'interopérabilité, c'est-à-dire notre capacité d'opérations conjointes avec nos alliés, et surtout avec les États-Unis, est un de nos objectifs militaires. Cela fait partie de nos objectifs depuis un certain temps déjà, et à juste titre, mais nos militaires parlent aussi depuis un certain temps déjà—tout comme ceux des États-Unis et d'ailleurs—d'une dimension «interarmées». Cette notion désigne la capacité des différents éléments de notre armée d'oeuvrer ensemble sur une base opérationnelle intégrée.
• 1615
Ce n'est pas que nous devions choisir entre l'action
interarmées et l'interopérabilité, mais une des raisons pour
lesquelles je voudrais qu'il y ait un Livre blanc sur la défense,
c'est pour que soient présentés des arguments quant à la façon de
s'attaquer au problème. Si nous décidions de réaménager nos forces
pour qu'elles soient mieux intégrées, qu'elles soient davantage
capables d'oeuvre ensemble, nous ne pourrions le faire que dans la
mesure où elles continuaient à satisfaire aux critères requis pour
qu'il puisse y avoir des opérations avec nos partenaires de l'OTAN.
Autrement dit, nous ne pouvons pas seuls de notre côté faire une
espèce de dessin de ce que nos forces devraient avoir l'air sans
tenir compte des exigences de nos alliés et des exigences de notre
propre structure des forces. Je ne sais pas à qui la décision
reviendra et je ne sais pas où il faut fixer la limite, mais ce que
je sais, c'est que nous devons examiner le problème. Nous ne
l'avons pas du tout examiné en 1994.
M. Leon Benoit: Je pense que nous savons que nous devons l'examiner.
Lorsqu'on vous a posé la question, vous avez répondu, même aujourd'hui, que vous ne saviez pas si l'armée devrait être plus grosse ou non. Je vais vous reposer la même question, parce qu'un grand nombre de nos alliés, et nos partenaires de l'OTAN en particulier, ont dit que nous ne fournissons pas assez de militaires et que si nous voulons faire partie de l'OTAN, nous ferions mieux de nous montrer à la hauteur de la tâche, de respecter nos engagements et de faire ce qu'on attend vraiment d'un pays comme le Canada. Cela dit, il me semble étrange comme position de ne pas dire que nous avons besoin d'une armée plus grosse.
M. David Bercuson: Je suis désolé si je me suis mal compris. Je suis tout à fait d'accord...
M. Jack Granatstein: Ce n'est pas la première fois.
Des voix: Ah, ah!
M. David Bercuson: Non, ce n'est pas la première fois, comme mon ami et coauteur ne manque jamais de le signaler.
M. Leon Benoit: J'apprécie vos commentaires, soit dit en passant.
M. David Bercuson: Nous nous connaissons depuis de nombreuses années.
Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait en faveur d'une armée plus grosse, mais j'ai aussi dit que l'investissement de plus d'argent dans l'armée ne réglera pas tous les problèmes. Nous devons examiner la structure des forces, nous devons examiner le rôle, nous devons examiner la mission et nous devons examiner les tâches.
Lorsque j'ai dit que je ne savais pas si l'armée devait être plus grosse ou plus petite, ce que je voulais dire, c'est que certaines personnes dans notre pays ne seront probablement pas d'accord, mais elles devront choisir. Si on veut que l'armée joue le rôle d'une mère ou d'une bonne d'enfants pour la planète entière et nourrisse tout le monde, fournisse de l'eau potable et fasse toutes sortes de bonnes choses, alors il faudra nécessairement qu'elle soit plus grosse.
M. Leon Benoit: Mais il est important...
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Benoit. Je suis désolé.
Monsieur Dromisky, vous avez cinq minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Cinq minutes seulement? D'accord, j'irai droit au but.
Vous pourrez répondre à cette question l'un ou l'autre, mais je suis sûr que vous voudrez y répondre tous les deux.
Je me souviens d'avoir lu un tas d'articles dans les années 80 qui étaient très critiques de l'armée à l'époque. Nous en sommes arrivés à parler de cette question en raison de l'attitude coloniale que vous avez mentionnée. Qui sait? Vous avez peut-être écrit certains des articles que j'ai lus dans les années 80. Je me rappelle que quelqu'un a dit que nous avions plus de généraux que de chars d'assaut en bon état de fonctionnement à ce moment-là.
On a été très clair à propos des attitudes qui prédominaient dans l'armée, plus haut surtout dans la hiérarchie. Plus on montait dans la hiérarchie, plus les gens se sentaient importants en ce qui concernait leur propre ego et leurs rapports avec d'autres personnes plus bas dans la hiérarchie, au point où ils étaient pratiquement omnipotents, où ils jouissaient de pouvoirs absolus. Ils élaboraient des stratégies de manière à demeurer isolés du grand public. Autrement dit, l'armée fonctionnait vraiment en vas clos et formait un tout en elle-même—et c'est le Parlement qui lui a conféré ces pouvoirs absolus.
Y a-t-il eu des changements par rapport...? Vous avez parlé de coopération entre les régiments, entre les différents membres du NORAD et tout le reste. Étant donné les attitudes qui prévalaient dans le passé, étant donné les attitudes coloniales qui peuvent encore prévaloir même aujourd'hui, pensez-vous vraiment que les officiers militaires haut placés dans notre système vont abdiquer la responsabilité et le contrôle total de leurs troupes, de leurs unités? Est-ce sincère? Est-ce honnête? Est-ce durable?
• 1620
Plus on descend dans la hiérarchie, plus les troupes sont
efficaces et pleines de ressources. Elles sont tout simplement
dynamiques. C'est renversant ce qu'elles peuvent faire avec
l'équipement qu'elles ont. Ce que je veux dire, c'est que la
population canadienne en a plus pour son argent aux niveaux les
plus bas qu'aux niveaux les plus élevés. C'est bien simple.
Avez-vous des réactions à ce genre de critiques?
M. Jack Granatstein: C'est assez bien connu en politique que les gens au sommet deviennent omnipotents ou pensent l'être et que les gens en bas de l'échelle ont tendance à penser qu'ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur. C'est probablement vrai dans de nombreuses grandes organisations, pas seulement dans l'armée.
Je pense que ce que vous oubliez dans ces commentaires, monsieur, si vous me le permettez, c'est que les forces ont traversé une période difficile après la crise de la Somalie. Une série d'études, de commissions, de rapports et d'examens ont disséqué, fouillé et bousculé l'armée, surtout les officiers supérieurs.
Je crois que l'armée est en fait très différente aujourd'hui de ce qu'elle était il y a 10, 15 ou 20 ans, mais je ne pense pas qu'elle ait jamais été aussi mauvaise que vous le dites. Tout est très différent maintenant. Tout est différent parce qu'elle n'a ni les effectifs ni l'argent qu'il lui faudrait, mais aussi parce qu'elle a aujourd'hui un point de vue différent ou une attitude différente, j'ai l'impression. De nombreux changements sont survenus et je suis loin d'être aussi pessimiste que vous semblez l'être.
M. Stan Dromisky: Donc, il y a de l'espoir.
M. Jack Granatstein: Il y a de l'espoir.
M. David Bercuson: Je suis d'accord. Je pense que le haut commandement est beaucoup plus conscient des attitudes du public, beaucoup plus conscient de la nécessité de s'assurer que le public comprend ce que l'armée fait, de partager l'information avec le public, et des tendances au sein de notre société—une meilleure éducation, plus de valeurs démocratiques avec un petit d, etc. Il a un peu les mains liées, bien sûr, parce qu'il a un travail difficile à faire et dispose de ressources limitées, mais je pense qu'un changement est survenu dans l'attitude des officiers quant à leur place dans la société au cours des cinq ou six dernières années.
M. Stan Dromisky: Un parfait exemple des changements qui sont survenus au cours des dix dernières années, surtout en ce qui concerne la communauté et les dirigeants communautaires, est la collaboration efficace du public avec l'armée lors des nombreux désastres que nous avons connus.
Merci beaucoup. J'ai bien aimé vos réponses.
Le président: Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: La recommandation 8 de votre rapport dit ceci:
-
Le Canada devrait entreprendre une réévaluation approfondie des
coûts et bénéfices de la participation du Canada aux opérations de
paix.
Pourriez-vous me donner un peu plus de détails, s'il vous plaît?
M. David Bercuson: Nous croyons que le régime international existant dans le cadre duquel la plupart des opérations de paix ont lieu—c'est-à-dire les Nations Unies—n'est pas efficace, un point c'est tout. Nous pouvons discuter des différentes raisons pour lesquelles il ne l'est pas, mais blâmer les Nations Unies équivaudrait en quelque sorte à blâmer une foule de gens. On ne peut pas qualifier ni de bon ni de mauvais ce qui fait des Nations Unies ce qu'elles sont—le jeu des puissances, les manoeuvres des membres du Conseil de sécurité, etc.—c'est tout simplement un fait. Nous devons commencer à le reconnaître.
M. Jack Granatstein: Je suis d'accord, mais je pense aussi que la recommandation va au-delà des Nations Unies. Elle inclut implicitement d'autres organisations comme l'OTAN.
Il est très important que nous examinions toutes nos opérations de paix. Ce faisant, nous pourrions décider, par exemple, de ne participer qu'aux opérations de l'OTAN ou qu'aux opérations des Nations Unies, d'être ouverts aux deux ou d'y participer uniquement si nous avons suffisamment de soldats que nous pouvons envoyer et qui auront le temps de récupérer lorsqu'ils rentreront à la maison. Autrement dit, examinons tout le processus pour pouvoir porter des jugements intelligents au lieu de faire ce que nous faisons actuellement, et que je trouve regrettable, c'est-à-dire réagir au gré des besoins du moment.
• 1625
Malheureusement, nous avons toujours cru dans ce pays que le
maintien de la paix serait impossible sans le Canada. Je ne pense
pas que ce soit vrai et je ne pense pas que cela ait jamais été
vrai, mais c'est un acte de foi pour un grand nombre de Canadiens.
Je pense que cela a inspiré notre politique alors que la politique
aurait dû inspirer notre participation.
Mme Elsie Wayne: C'est exact, monsieur le président. Les gens qui viennent nous voir nous disent: «Pourquoi envoyez-vous ces hommes en Afghanistan? Ce ne sont que des gardiens de la paix».
Aujourd'hui, ici même sur la colline, un homme est venu me voir et m'a dit que des membres de sa famille qui sont dans les forces armées avaient participé à des opérations de maintien de la paix. Ils viennent juste de revenir et ils ont dit qu'ils n'avaient jamais été aussi embarrassés de leur vie, parce qu'ils n'avaient absolument rien quand ils étaient là-bas par comparaison aux gardiens de la paix d'autres pays. Ils n'avaient pas les mêmes ressources que les autres. Cet homme m'a dit que nous devons faire quelque chose, que le comité doit faire quelque chose. Je lui ai dit que nous essayions. Et je vais vous dire autre chose. Je ne parle pas de bottes quand je dis cela. Cet homme avait une liste de choses que nos soldats n'avaient pas, mais qu'ils auraient dû avoir. Les autres les avaient, et les Canadiens devaient leur emprunter ces choses. C'est pourquoi je pense que nous avons beaucoup de pain sur la planche, parce que nous n'allons pas corriger la situation du jour au lendemain.
Mon autre question a trait à votre recommandation 12:
-
Dans le contexte d'une révision de la défense et de la sécurité, le
gouvernement du Canada devrait évaluer les implications des menaces
émergentes de la région Asie-Pacifique et des rôles diplomatiques,
économiques et militaires que le Canada pourrait réellement
entreprendre pour rehausser la sécurité de cette région.
Nous ne faisons pas cela pour le moment, n'est-ce pas?
M. David Bercuson: Nous n'avons pas les ressources. Ce que nous essayons de faire ressortir, c'est que dans le cadre d'un examen de la politique de sécurité, nous aurions une tribune où les gens pourraient venir dire qu'il est très important que nous nous intéressions davantage aux questions de sécurité en Asie-Pacifique et que nous y consacrions plus de ressources. C'est là l'idée.
Est-ce une région extrêmement importante pour le Canada? Évidemment et absolument. Tout comme l'hémisphère occidental, d'ailleurs, et nous investissons très peu de ressources militaires dans l'hémisphère occidental, mais je crois comprendre que nous venons tout juste d'ouvrir deux postes d'attaché militaire en Amérique du Sud.
Selon moi, nous devons examiner l'importance de ces régions et nous demander si elles sont assez importantes pour que nous y consacrions des ressources ou non. Si elles ne sont pas assez importantes, cessons de faire semblant. Si elles le sont, alors, investissons-y de nouvelles ressources au lieu de puiser dans des ressources existantes qui sont déjà utilisées au maximum.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Bienvenue, encore une fois. Lorsque je vous regarde, je me souviens du Livre blanc de 1994 et de la restructuration des réserves et je me sens très vieux. Je ne sais pas comment vous avez fait pour garder vos cheveux.
Il me semble que cela ne fait pas tellement longtemps que nous examinions quelque chose que nous croyions être très important—et ça l'était certainement. Un grand nombre des recommandations qui ont été faites ont amené le comité à rédiger le rapport sur ce qu'on a fini par appeler la «qualité de vie», et je pense qu'il s'en est suivi un grand nombre d'améliorations. Je suis toujours heureux d'avoir vos vues et je sais que le comité en tiendra compte. J'espère que vous savez que nous prenons ce que vous nous dites très au sérieux.
J'aimerais revenir pendant un instant au nouveau Livre blanc. Je crois savoir qu'un Livre blanc est une chose conçue par un gouvernement dans le cadre d'un examen de sa politique étrangère. Cette politique étrangère est ensuite introduite dans le système, par l'entremise du ministère de la Défense nationale, puis présentée aux différents comités, comme le comité mixte des affaires étrangères. Bien sûr, le Sénat a maintenant un comité militaire. Nous en sommes bien contents. Il a fait du très bon travail et il peut compter sur de nombreux membres de talent. Il y a une chose cependant que je veux préciser. Le Livre blanc ne commence pas ici au comité. Il lui est renvoyé une fois le processus entamé. C'est la façon dont les choses fonctionnent et je pense que vous êtes d'accord.
• 1630
J'aimerais avoir vos commentaires sur une chose en
particulier. Depuis la publication de votre rapport, deux projets
de loi omnibus ont été présentés à la Chambre—dont un aujourd'hui
seulement. Le premier avait un peu trait à l'armée, mais n'avait
pas grand-chose à voir avec la Loi sur la défense nationale. Il y
a apporté en fait certaines modifications pour qu'elle soit plus
conforme au Code criminel pour ce qui est de l'application
régulière de la loi et ainsi de suite.
Je ne sais pas si vous êtes au courant du projet de loi qui a été présenté aujourd'hui ou si vous avez eu la chance de l'examiner et je ne veux pas vous influencer. Six points ont trait à la défense nationale. Trois articles portent sur les réservistes et le premier dit qu'un réserviste peut être rappelé pour une chose autre qu'une insurrection, une émeute, une invasion ou une guerre. Autrement dit, les mots «conflit armé» ont été ajoutés. Tout d'abord, je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec cela.
Le deuxième article porte sur la justice militaire. De nouveaux juges militaires seraient automatiquement appelés à se prononcer au besoin.
Le troisième article a trait aux réservistes. Il garantit aux réservistes qu'ils conserveront leur emploi s'ils sont appelés sous les drapeaux par le gouvernement—pas nécessairement comme ils le font aujourd'hui, parce qu'ils servent dans de nombreuses régions du monde avec nos forces régulières. Le fait est que les employeurs civils seraient obligés d'avoir des emplois à offrir à ces soldats. Cette disposition fait partie de ce projet de loi omnibus.
Je vais m'arrêter ici et je reviendrai aux autres articles ensuite.
M. Jack Granatstein: Je n'ai pas vu le document, mais d'après ce que vous dites, j'ai l'impression qu'il s'agit dans les deux cas—celui du rappel et celui de la protection de l'emploi—de mesures législatives très importantes, très utiles et très nécessaires. À l'heure actuelle, il ne peut y avoir rappel qu'au moyen d'un décret en conseil, et on a toujours pensé que cette disposition ne serait jamais invoquée à moins d'une guerre totale. Il me semble très important que nous puissions rappeler les réservistes plus facilement et sur-le-champ.
La législation relative à la protection de l'emploi a bien sûr été réclamée par la Commission spéciale de la restructuration de la Réserve. Le gouvernement l'avait tout bonnement rejetée. Franchement, même de la manière dont vous l'avez formulée et malgré les réserves qu'elle pourrait comporter, cette disposition me ravit, parce que c'est un important pas en avant. Elle donnera au moins aux réservistes la certitude qu'ils peuvent servir leur pays sans perdre leur emploi, et c'est très important. Cela pourrait aider les réserves à trouver les recrues dont elles ont besoin.
Le président: Il vous reste 30 secondes.
M. John O'Reilly: Je vous remercie de ces commentaires, mais la disposition a trait aux réservistes qui sont rappelés par le gouvernement en cas d'urgence. Cependant, le terme «urgence» a aussi été élargi dans cette loi. Une urgence pourrait être définie de bien des manières, c'est évident, et la loi non seulement prévoit l'élargissement du mot «urgence», mais ferait en sorte que les gens qui sont rappelés savent que leur emploi sera protégé. J'espère que l'opposition appuiera cette mesure, parce que c'est une recommandation que vous avez faite tous les deux en 1994. Je suis certain que nous aurons la chance d'en rediscuter, mais cela fait partie du projet de loi.
J'y reviendrai au prochain tour, monsieur le président.
Le président: D'accord, monsieur O'Reilly.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Messieurs, permettez-moi de revenir au livre blanc. M. O'Reilly, le secrétaire parlementaire, a dit que le comité ne peut pas réclamer la publication d'un livre blanc. Je ne partage absolument pas ce point de vue. Le comité a le pouvoir, s'il le décide, de réclamer un livre blanc.
Il voulait dire peut-être que nous devons au préalable passer en revue les affaires étrangères. C'est ce que l'on m'a répliqué de diverses sources. Mais d'autres personnes ont affirmé que si le comité procédait de son propre chef à l'étude d'un livre blanc sur la défense, l'examen des affaires étrangères débuterait très rapidement et pourrait être mené parallèlement, donnant lieu à des aller et retour entre les deux. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il serait efficace d'agir de la sorte. Si notre comité attend la publication d'un livre blanc sur les affaires étrangères, je pense que nous devrons patienter au minimum 18 mois avant de commencer l'examen d'un livre blanc sur la défense.
M. Jack Granatstein: Si je me souviens bien, le livre blanc de 1994 a été suivi en 1995 d'une déclaration sur la politique étrangère. Ce n'était pas tout à fait un livre blanc, mais c'était une déclaration. Autrement dit, l'examen du livre blanc sur la défense a précédé celui de la politique étrangère.
Par conséquent, la proposition du Council for Canadian Security recommandant un examen des questions de sécurité portant à la fois sur la politique de défense et la politique étrangère, ainsi que les autres secteurs qu'elles recoupent—serait peut-être la bonne façon de procéder. Si j'ai bien compris le secrétaire parlementaire, il n'a pas dit que le comité ne pouvait pas réclamer un examen, il a simplement précisé que ce n'était pas l'endroit pour le faire. Si c'est bien le cas, je partage ce point de vue. Mais je pense que le comité peut et devrait réclamer un examen.
M. Leon Benoit: Mais alors, où devrait se faire l'examen?
M. Jack Granatstein: Je pense que l'examen devrait sans doute se faire au ministère, comme ce fut le cas pour la plupart des examens de ce type. Cependant, le ministère fait appel à des gens de l'extérieur et présente au public les travaux de notre comité et des autres comités, afin de susciter un débat authentique.
M. David Bercuson: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
M. Leon Benoit: Allez-y.
M. David Bercuson: Quand on sait comment les choses fonctionnent, surtout dans cette ville, on peut déjà prévoir la réception que recevra notre rapport au ministère. On nous dira: «Il n'y a rien de nouveau, c'est ce qu'on fait déjà.» D'après moi, on passe complètement à côté de la question. Le ministère le fait peut-être déjà et c'est très bien, mais sur quoi s'est-on basé pour prendre une telle décision? On n'a pas écouté la population canadienne. On n'a pas recueilli le point de vue des experts ni des citoyens canadiens sur la voie qu'ils souhaitaient emprunter. Par conséquent, sur quoi s'est-on appuyé pour prendre une telle décision?
Les examens internes sont très appropriés et utiles, mais, de temps à autre, comme je l'ai dit un peu plus tôt—et je pense que c'est précisément le bon moment après le 11 septembre—il faut faire participer la population canadienne au processus. C'est de sa sécurité dont il est question.
M. Leon Benoit: Ne pouvons-nous pas confier cette tâche à un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes?
M. David Bercuson: C'est de cette manière-là que l'on a procédé la dernière fois.
M. Leon Benoit: Exactement.
Je ne vais pas entrer dans les détails maintenant, mais je pense qu'il est nécessaire de modifier le fonctionnement du comité. Cependant, je crois que le travail de notre comité et celui d'un comité mixte peuvent être extrêmement efficaces.
J'aimerais maintenant aborder une question soulevée dans votre deuxième recommandation. Vous parlez d'instituer un examen complet des questions de sécurité intérieure. J'aimerais tout simplement connaître votre point de vue sur les Forces canadiennes dans leur forme actuelle... Premièrement, l'effectif de notre armée régulière est réduit à environ 18 000 personnes et la milice compte entre 11 000 et 14 000 personnes. S'il y avait un très grave tremblement de terre en Colombie-Britannique la semaine prochaine, nos militaires auraient-ils la capacité de réaction nécessaire pour assister les premiers intervenants, la police, les pompiers, etc.?
M. Jack Granatstein: La réponse est non, nous en serions incapables. Nous souffrons d'un manque terrible de personnel. Nous devons au minimum revenir aux effectifs que nous avions il y a dix ans.
M. Leon Benoit: D'après moi, nous avons toujours omis d'utiliser les réserves... je ne devrais pas dire «au maximum», mais nous devrions y avoir recours beaucoup plus que nous le faisons actuellement. C'est certainement très rentable. Nous disposons d'hommes et de femmes extrêmement déterminés et compétents, en particulier pour la défense intérieure et ce genre de choses. C'est certain que nos militaires jouent un rôle important lorsqu'ils sont en mission dans les Balkans et ailleurs, mais ils peuvent jouer un autre rôle qui a peut-être été négligé. À mon avis, c'est une ressource très efficiente que l'on pourrait mettre en jeu en cas de catastrophe naturelle et de troubles civils, pour appuyer les intervenants de première ligne.
Le président: Monsieur Benoit, vous avez largement dépassé le temps qui vous était attribué, si bien que je crois que nous allons reporter la réponse à cette question au prochain tour.
Monsieur Wood.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Messieurs, nous voulons tous agir en faveur des forces armées. Tout le monde veut le faire, mais il faut bien se rendre compte que si l'on veut sérieusement régler le problème, il faut investir de l'argent. Si l'on veut régler ce problème, il faudra bien entendu y consacrer des parts importantes des deniers publics. J'ai posé la même question à Dennis Stairs, un de vos collègues, lorsqu'il était ici. À votre avis, combien d'argent faudra-t-il pour régler ce problème en un laps de temps raisonnable?
M. David Bercuson: Je vais vous ramener à vos propres recommandations du mois de juin. Si le gouvernement en avait tenu compte, j'aurais été très content et je n'aurais pas été le seul.
Vous aviez recommandé 3,7 millions de dollars, je crois. Je ne m'en souviens pas exactement.
M. Bob Wood: Oui, c'était de cet ordre là.
M. David Bercuson: Vous avez fait la recherche. Si je me souviens bien, le comité avait présenté des recommandations unanimes. Je ne connais pas de meilleure démonstration concernant les besoins des forces armées et les mesures que devrait prendre le gouvernement.
M. Jack Granatstein: Je suis tout à fait d'accord. Nous avons besoin de crédits substantiels qui devront être investis dans la base. Il ne pourrait s'agir d'un apport ponctuel, car cela servira uniquement à envoyer nos troupes en Afghanistan. Comme le recommande le présent rapport, nous avons besoin d'engagements financiers à long terme afin de pouvoir procéder comme il se doit à la planification de l'équipement. C'est absolument essentiel.
Je sais que les gouvernements n'aiment pas fonctionner de cette manière, mais nous avions procédé de la sorte vers le milieu des années 70. Le gouvernement Trudeau s'était engagé à augmenter les dépenses en matière de défense au cours de la deuxième moitié des années 70 et avait tenu sa promesse. Aussi, il me semble qu'il est possible de prendre ce type d'engagement. C'est impératif.
M. Bob Wood: M. Granatstein, vous avez parlé un peu plus tôt du système de défense antimissile, ajoutant que les Américains vont sans doute poursuivre en ce sens à la suite des événements du 11 septembre. Pourtant, je suis sûr que vous conviendrez avec moi qu'un bouclier antimissile n'aurait pas pu empêcher les attentats du 11 septembre. Les États hors-la-loi qui visent l'Amérique du Nord vont certainement trouver différents moyens de s'y prendre en contournant la défense antimissile. Pensez-vous que ce système est aussi important après les récents événements?
M. Jack Granatstein: L'essentiel, c'est que le président des États-Unis juge le système important. Il a dit clairement qu'il a l'intention de mettre un système en place avant la fin de son premier mandat et que cela va nécessiter des dépenses énormes. Que nous jugions ce système approprié ou non, cela n'a pratiquement pas d'importance si le président décide de le mettre en place. Il va instaurer ce système et il a la capacité de le faire. La question est donc de savoir ce que nous allons faire et comment nous allons nous y prendre. Comment influencer au maximum la mise en place de ce projet?
M. Bob Wood: Une autre question rapide. La nature des opérations de maintien de la paix a changé de manière radicale. Certains disent que les Canadiens ont été surpris. Pensez-vous que cela a été si soudain?
M. David Bercuson: Oui, cela a été soudain et le changement...
M. Bob Wood: Avons-nous été pris au dépourvu?
M. David Bercuson: Nous avons été pris par surprise au début des années 90, surtout dans les Balkans, parce que nous pensions que nous allions jouer dans les Balkans un rôle traditionnel de casques bleus, conformément au chapitre 6, comme nous l'avions fait pendant de nombreuses années ailleurs, comme vous le savez certainement—dans le Sinaï, sur le plateau du Golan, à Chypre, etc. Nous nous préparions à ce genre de situations, mais nos troupes ont dû essuyer des tirs. Dans certains cas, nos militaires ont même dû se battre. C'était probablement le premier des grands conflits internationaux dans lesquels l'ONU intervenait après la fin de la guerre froide. Et c'est alors que tout le monde a réalisé que la fin de la guerre froide allait inévitablement avoir des conséquences pour les opérations d'imposition et de maintien de la paix.
Et aujourd'hui, sommes-nous prêts? Aujourd'hui, nous sommes beaucoup mieux préparés qu'avant. J'ai eu l'occasion d'assister à la préparation des rotations qui sont allées en Bosnie. Elles ont été très bien préparées pour intervenir en Bosnie, mais la Bosnie est certainement un site d'intervention très spécial. Les militaires se préparent expressément en fonction de ce qui les attend. Ils seront prêts, une fois qu'ils seront sur place. Ils ont l'équipement et la formation nécessaire et ils ont les bonnes règles d'engagement. D'après moi, le problème n'est pas là, car on peut le prévoir. Ils prévoient actuellement l'intervention des rotations 11 et 12.
Mais comment réagir dans le cas de situations imprévues qui peuvent arriver dans trois jours? Qui aurait pu prévoir les événements du 11 septembre? Il y a trois mois, qui aurait pu prévoir une guerre en Afghanistan? La guerre de Corée était imprévisible une semaine avant son déclenchement. C'est la même chose pour la plupart des guerres. Il est impossible de prévoir les conséquences, les circonstances auxquelles nous serons soumis dans une semaine, ni de quelle manière nous devrons utiliser nos forces armées. Pour moi, l'important est de savoir comment répondre dans ce type de circonstances.
M. Jack Granatstein: Puis-je ajouter quelque chose? C'est pourquoi il est important de disposer de militaires de carrière bien équipés et ayant reçu une bonne formation. Cela nous donne ensuite une souplesse qui nous permet de nous adapter aux diverses situations. En l'absence de personnel formé et équipé, on perd toute capacité de répondre aux crises imprévues qui se présentent.
• 1645
On peut demander à un soldat qui a reçu une bonne formation de
faire beaucoup de choses, du maintien de la paix sous l'égide de
l'ONU, au combat dans le cadre d'un conflit. Mais si l'on ne
dispose pas de soldats bien entraînés, on ne peut pas faire
grand-chose. On ne peut pas faire appel à la GRC ou à la police
d'Ottawa. Ce serait impossible.
Une voix: La police d'Ottawa a un secteur de ce type.
M. Jack Granatstein: Sans des militaires de carrière, des professionnels bien équipés, on ne peut rien faire.
M. Bob Wood: Une question rapide. Pensez-vous que c'est la raison pour laquelle...
Le président: Monsieur Wood, le temps qui vous était imparti est écoulé depuis longtemps. Je vais maintenant donner la parole à Mme Wayne.
M. Bob Wood: Très bien.
Mme Elsie Wayne: Je n'ai qu'une seule question et je suis prête à donner le reste de mon temps à M. Wood, puisque je dois me rendre à une autre réunion.
La recommandation 22 me paraît extrêmement importante:
-
La solde des FC, le logement sur les bases et les autres coûts
fixes pour les membres des FC, les avantages familiaux, les
possibilités d'études, les allocations de pensions, et les services
de soutien aux familles devraient être surveillés
—comme vous le précisez—
-
par le ministre de la Défense nationale en faisant des
recommandations directement au Conseil du Trésor afin d'assurer
qu'il n'y ait pas de dérapage dans la qualité de vie des membres.
Comme vous le savez, nous avons de la difficulté à recruter du personnel. Nous faisons des offres pour attirer de nouvelles recrues. Je le sais, puisque j'ai siégé au comité présidé par John Fraser à la BFC Gagetown. Beaucoup de militaires doivent faire appel aux banques d'alimentation pour nourrir leur famille. Ce n'est pas très encourageant. Nous avons fait le même constat à la base navale de Vancouver. Les marins m'ont amenée à la banque d'alimentation où ils doivent s'approvisionner avec leurs enfants. Cela n'encourage guère à s'engager dans l'armée. Par conséquent, la situation est grave. Nous savons que nous devons augmenter nos effectifs. Nous savons que nous devons attirer de nouvelles recrues.
L'augmentation de salaire qu'ils ont reçue a été suivie dans les 60 jours d'une augmentation de loyer qui a absorbé le montant supplémentaire dont ils disposaient. Ils se sont donc retrouvés à la case départ. Par conséquent, je sais que vous avez conscience de la gravité de la situation.
M. David Bercuson: Je vais répondre en reprenant ce que j'ai déjà dit. Grâce au bon travail de votre comité, les choses se sont améliorées.
Nous évoquons cet aspect dans le rapport, car d'une certaine façon, la qualité de vie est aussi importante pour la défense que le type de véhicule de tir d'appui direct dont seront dotés nos militaires. Une société démocratique disposant d'une armée composée uniquement de volontaires doit offrir aux membres de ses forces armées une qualité de vie au moins égale à celle qu'ils peuvent espérer dans le civil. Sinon, il est impossible d'attirer dans l'armée les personnes dont on a besoin. De nos jours, nous avons besoin de personnes très intelligentes, ayant reçu une excellente formation et qui sont très au courant de ce qui se passe autour d'elles et dans le monde. Vous ne pourrez absolument pas recruter ces personnes si leurs familles doivent tirer le diable par la queue ou si elles n'obtiennent pas le même traitement qu'elles recevraient dans le civil. À notre avis, c'est pourquoi cette question doit être examinée dans un livre blanc.
M. Jack Granatstein: Absolument.
Mme Elsie Wayne: En ma qualité de seule femme artilleur honoraire du 3e régiment d'artillerie de campagne, je peux vous dire que je n'hésiterai pas, si j'y suis contrainte, à prendre les armes pour leur donner ce dont ils ont besoin.
Monsieur le président, je vous remercie beaucoup et je remercie également nos témoins.
Le président: Madame Wayne, le comité de la défense ne tolère pas l'utilisation de la violence pour atteindre ses objectifs.
Des voix: Ah, ah!
Le président: Mme Wayne voulait donner deux minutes supplémentaires à M. Wood.
M. Bob Wood: Je vais revenir à notre discussion concernant les changements soudains et comment nous avons été pris au dépourvu par les diverses évolutions des mesures de maintien de la paix.
Je sais que c'est une question hypothétique comme tant d'autres, mais pensez-vous que c'est une des raisons pour lesquelles nos troupes n'interviennent pas pour le moment en Afghanistan? Est-ce parce que nous ne voulons pas vivre la même situation qu'auparavant? Nos troupes étaient en état d'alerte sous 48 heures, mais finalement, elles ne sont pas parties. Il s'est passé quelque chose que nous ne saurons probablement jamais.
M. David Bercuson: Oui, je crois que c'est clair. D'après moi, le danger pour nous était de nous retrouver dans une situation très confuse et insaisissable. La guerre est confuse et insaisissable, mais quand on part en guerre, on part en guerre. On accepte l'absence de clarté, on accepte que la situation soit vague et on accepte les risques.
• 1650
Je crois comprendre que nous n'étions pas censés jouer un rôle
décisif dans cette guerre. C'est pourquoi, l'intervention de ces
troupes doit se faire selon des circonstances qui sont absolument
définies dès le départ et non pas en fonction de situations telles
que vécues en Somalie ou en Yougoslavie.
M. Bob Wood: Très bien. Merci beaucoup.
Le président: M. Benoit, puis M. Provenzano.
M. Leon Benoit: Vous avez déjà parlé plusieurs fois de la défense antimissile, mais j'aimerais vous entendre dire quel serait à votre avis le prix que devrait payer le Canada s'il ne s'intéresse pas assez rapidement à la défense antimissile. D'un autre côté, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il nous en coûterait de ne pas prendre de décision définitive et de laisser traîner les choses pendant quelques années?
L'Alliance canadienne a pris position en faveur de la défense antimissile même si cette notion reste encore à définir, car nous estimons que les avantages seraient immenses, alors que les coûts seraient fort élevés si nous décidions de ne pas y participer. Je ne vous demande pas de commenter la position de l'Alliance canadienne, mais j'aimerais vous demander d'évaluer—dans la mesure du possible, les éventuels coûts et avantages d'une prise de position en faveur d'un appui politique aux États-Unis par opposition au laisser-faire.
M. Jack Granatstein: Si nous décidons de participer maintenant, si nous appuyons la position américaine sur la défense antimissile, il est très possible que le commandement de ce système soit confié au NORAD. Cela est dans notre intérêt, puisque nous avons une position bien établie dans ce commandement militaire. Nous avons le commandement adjoint et nous disposons de voies de communications qui fonctionnent depuis des années et qui nous permettent de nous faire entendre.
Par contre, si nous décidons de nous retirer, il est fort probable que le commandement de la défense antimissile balistique sera confié à un autre commandement aux États-Unis sur lequel nous n'aurons aucune influence. Si nous voulons exercer une certaine influence—et il est clair que c'est le cas—si nous voulons avoir la possibilité de contribuer à persuader les Américains de prendre les mesures qui nous paraissent opportunes—comme nous avons toujours essayé de le faire—alors, nous devons faire partie du groupe. En effet, il est impossible d'avoir une telle influence quand on n'est pas admis à la table des décideurs. C'est un raisonnement très simple.
M. Leon Benoit: Mais, que l'on fasse partie du NORAD ou pas, pourquoi les Canadiens devraient-ils s'intéresser à cette question?
M. Jack Granatstein: Le NORAD cessera peut-être d'exister s'il n'a pas le contrôle de la défense antimissile.
M. Leon Benoit: Mais pourquoi l'existence du NORAD devrait-elle préoccuper les Canadiens?
M. David Bercuson: Si le NORAD n'existait pas, nous devrions établir notre propre système, ce qui nous coûterait des dizaines et des dizaines de milliards de dollars. Nous devons surveiller ce qui se passe dans l'espace aérien de notre pays.
M. Leon Benoit: Et pourquoi ne pouvons-nous pas nous appuyer sur nos voisins du Sud—vous comprendrez que je me fais ici l'avocat du diable?
M. David Bercuson: Oui.
M. Leon Benoit: Je suis tout à fait en faveur, mais beaucoup de gens prétendent—certains même à la Chambre des communes—que nous n'avons pas à nous soucier de nous défendre, puisque les États-Unis nous protégeront, parce que notre voisin du Sud ne laissera jamais personne nous attaquer.
M. Jack Granatstein: C'est probablement vrai. Les États-Unis nous protégeront, mais ils décideront eux-mêmes comment, quand et de quelle manière. Nous n'aurons absolument aucune influence sur la façon dont nous serons défendus. C'est une abdication totale de notre souveraineté.
M. David Bercuson: Le jour où nous laisserons les États-Unis nous protéger, nous serons également contraints de les laisser nous imposer leurs lois. Et ensuite, ils pourront prélever des impôts.
M. Leon Benoit: Avant que cela arrive... Un pays perd sa souveraineté à partir du moment où il laisse son armée se dégrader au point où il ne peut plus se défendre lui-même ou ne peut plus réellement participer à des alliances. L'histoire nous l'a prouvé et je pense que les choses n'ont pas changé.
Est-ce que le refus de la part du Canada d'apporter aux États-Unis le soutien politique qu'ils attendent de nous pour leur défense antimissile serait accompagné de sanctions économiques plus immédiates?
M. Jack Granatstein: Je ne sais pas dans quelle mesure il y aurait un prix économique direct à payer. En revanche, il ne fait absolument aucun doute que nous avons vu le gouvernement canadien prendre des décisions qu'il n'aurait jamais prises autrement après le 11 septembre, sans pression américaine. Notre bien-être économique est extrêmement tributaire des États-Unis. S'il nous arrivait d'entrer en guerre froide avec les Américains, je sais déjà qui serait le perdant. Ce ne serait pas les Américains. Le Canada est important pour eux, mais ils sont importants pour nous de manière absolument cruciale.
La seule façon de protéger notre souveraineté est de prendre part aux décisions, d'exercer notre influence et de prendre conscience que si nous pouvons remporter des batailles politiques contre les États-Unis, nous ne pourrons jamais remporter une guerre contre eux. Ils ont toujours des plus gros canons que les nôtres et ils parviendront toujours à obtenir ce qui leur est absolument indispensable. Nous devons faire preuve de prudence et réfléchir à la façon dont nous allons jouer les quelques cartes dont nous disposons. Cela signifie que nous devons parfois accepter de faire des choses qui nous déplaisent, de manière à protéger notre chance de pouvoir atteindre nos fins.
Le président: Merci, monsieur Benoit.
Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Tout d'abord, messieurs, permettez-moi de vous dire, combien en tant que député, j'ai apprécié que vous soyez venus présenter vos commentaires au comité. Vous êtes extrêmement compétents et certains de vos commentaires sont fort intéressants.
Il y a une chose qui m'a interpellé, mais je ne sais pas si c'est bien de poser la question car je suppose que cela mériterait un débat plus large. Cependant, vous avez fait allusion au fait qu'un large segment de la population canadienne—peut-être la majorité—a une attitude théorique à l'égard de l'armée et de l'autodéfense, estimant, selon une théorie qui s'est développée au fil des ans, que nous ne sommes pas prêts à nous défendre et que quelqu'un d'autre le fera à notre place. Voici essentiellement où je veux en venir: j'aimerais savoir comment vous déterminez s'il s'agit à d'une attitude théorique plutôt qu'une impression très profonde de l'attitude des Canadiens au sujet de l'autodéfense, relativement à toutes les questions que nous tentons de cerner?
Certains affirment que la population est peut-être en avance sur les politiciens. Je vous demande de nous dire s'il s'agit là d'une attitude profondément ancrée. Quand on enlève la poussière afin d'atteindre les couches inférieures, on s'aperçoit que ce n'est pas une attitude théorique mais très profonde. Telle est l'attitude des Canadiens—avec toutes ses conséquences désastreuses. Si tel est le cas, est-il approprié de tabler sur l'hypothèse que le Canada doit disposer d'une force armée prête et apte au combat qui réponde plus ou moins aux normes de ses alliés? Est-ce la bonne voie à emprunter? Quelle direction devons-nous prendre si nous ne sommes pas convaincus que ce n'est pas là une impression théorique mais que telle doit être la position du Canada en matière de défense nationale?
M. Jack Granatstein: Le problème, monsieur, ce sont les sondages d'opinions. Les sondages qui dénotent un appui ferme pour la défense proposent également des choix aux répondants. Voulez-vous que l'on consacre de l'argent à la défense ou aux soins de santé? Souhaitez-vous consacrer des crédits à ceci ou cela? Immanquablement les gens choisissent la santé. Par conséquent, la défense jouit d'un appui très vaste, mais qui n'est pas toujours très profond. Les événements du 11 septembre ont peut-être contribué à changer cela. Si c'est le cas, c'est probablement un changement à court terme. Honnêtement, je ne pense pas que cela va durer, à moins que la situation mondiale continue d'être perturbée. Autrement dit, c'est le moment d'agir maintenant. Il faut profiter du choc qu'ont provoqué les événements du 11 septembre dans le système politique, le système global. Il faut agir maintenant pour apporter les correctifs indispensables à nos forces armées.
• 1700
Ces correctifs doivent, à mon avis, viser à nous donner des
forces armées aptes au combat. Comme l'a dit un peu plus tôt
M. Bercuson, entretenir une armée ne sert à rien d'autre. L'armée
existe pour faire la guerre. C'est son rôle principal. Elle doit,
par définition, être apte au combat. Elle peut également effectuer
d'autres tâches, mais elle doit être formée pour assumer ce rôle.
M. Carmen Provenzano: Comment vous sentez-vous vis-à-vis de cette notion qui est peut-être elle aussi théorique?
M. Jack Granatstein: Toutes mes notions sont théoriques, mais c'est une notion que j'assume pleinement.
M. Carmen Provenzano: Lorsque la volonté politique est en phase avec la volonté de la majorité de la population, la situation qui en découle est très différente de celle que nous évoquons.
M. David Bercuson: La volonté politique existe-t-elle? Nous revenons ici à la toute première question de M. Benoit. Nous devons reconnaître que les démocraties ne se préparent jamais à la guerre. Même les États-Unis, une démocratie disposant d'une grande puissance militaire, ont été pris au dépourvu, parce que les principes fondamentaux de la démocratie se fondent sur la dignité humaine. Nous sommes réticents à admettre que des individus mal intentionnés veulent nous porter atteinte pour toutes sortes de raisons. C'est pourquoi nous ne nous préparons pas à la guerre. Cependant, la plus importante responsabilité d'un gouvernement est de faire en sorte qu'en cas d'urgence nationale telle une guerre, la population du pays, son commerce, ses échanges de bonne foi, soient protégés. Telle est l'obligation du gouvernement.
Il me semble que le gouvernement a un rôle à jouer pour obtenir le soutien de sa population en affirmant qu'il faut bien enlever quelques dollars à la santé et à l'éducation si l'on veut que le pays dispose d'une armée digne de ce nom, parce que sans elle, il n'y aura pas de santé, il n'y aura pas d'éducation, il n'y aura rien du tout. C'est la tâche du gouvernement d'expliquer cela à la population lorsqu'il décide de lever des impôts. C'est une obligation pour le gouvernement. Les administrations municipales n'ont aucune difficulté à faire admettre à la population que nous devons disposer de services de police et d'incendie et que ces services sont coûteux. Mais pour certaines raisons, les gouvernements—quelles que soient leurs couleurs politiques—semblent avoir de la difficulté à expliquer aux citoyens que nous devons faire la même chose à ce niveau.
Le président: Merci, monsieur Bercuson et monsieur Granatstein.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Les opinions sur la défense antimissile sont partagées. On m'a dit que le Canada bénéficierait de grandes retombées dans le secteur de la haute technologie s'il décidait très rapidement d'adhérer au projet de défense antimissile. Notre adhésion immédiate nous vaudrait peut-être de plus grands avantages industriels que si nous accordions notre adhésion avec réticence. Nous allons donner notre accord, car je crois que nous n'avons pas le choix. Comme vous l'avez dit, le président a affirmé très clairement que le projet verra le jour et je pense que n'importe quel gouvernement canadien reconnaîtrait que NORAD doit continuer d'exister et que nous devons en faire partie.
Cependant, il y a de l'autre côté les problèmes commerciaux que nous rencontrons de temps à autre avec les États-Unis. Heureusement qu'il y a les accords de libre-échange car, sinon, nous aurions de gros problèmes. La question du bois d'oeuvre est un des problèmes les plus récents. Les Américains sont de grands protectionnistes et ne sont pas tellement partisans du libre-échange. Si nous décidions de ne pas collaborer avec eux, si nous décidions de ne pas rester avec eux dans NORAD, et nous décidions de ne pas appuyer leur projet de défense antimissile, il est impossible que nous n'ayons pas plus de problèmes commerciaux avec les États-Unis. Nous ne bénéficierions pas comme à l'heure actuelle de l'appui des Américains qui souhaitent collaborer avec nous dans le cadre du libre-échange. Il y a un lien très réel à ce niveau-là et j'aimerais avoir votre commentaire à ce sujet.
Environ 83 p. 100 de nos exportations sont destinées aux États-Unis. Nous avons un excédent commercial de 40 milliards de dollars par an avec les États-Unis. Nous sommes importants pour eux parce que nous sommes leur plus grand partenaire commercial, mais nous sommes loin d'être aussi importants pour eux qu'eux le sont pour nous. Pouvez-vous nous éclairer sur les liens que vous pouvez établir à ce niveau-là?
M. David Bercuson: Je pense que vous abordez une notion intangible que l'on appelle l'influence. Je ne pense pas que les Américains soient intéressés par ce type de lien plus que nous le sommes ou devrions l'être. Nous ne devrions pas établir des liens avec les États-Unis sur ces questions. Cela pourrait s'avérer catastrophique pour le Canada et je ne pense pas que les Américains soient intéressés.
Précisément, je ne sais pas dans quelle mesure nous serions en meilleure position dans la question du bois d'oeuvre si nous acceptions de participer à la défense antimissile. Je l'ignore totalement, parce que je ne suis pas un expert en la matière. J'en serais désolé. Cependant, dans le domaine intangible de l'influence, nous devons bien entendu rester à l'affût afin d'éviter de perdre notre place à long terme, en particulier au profit de la république du Mexique. Je peux dire que des chasseurs canadiens sont intervenus dans l'espace aérien de la Yougoslavie en 1999, mais qu'il n'y avait aucun chasseur mexicain.
Voilà qui nous ramène à ce que disait Jack un peu plus tôt, à savoir la capacité à participer et ce qu'elle peut nous rapporter. À mon avis, nous pouvons exercer une plus grande influence lorsque nous participons. Ce point de vue vaut pour la défense antimissile ainsi que pour toute autre capacité d'intervention en matière de défense. C'est une réalité que nous devons accepter.
M. Leon Benoit: Très bien. Merci.
On lit dans votre rapport que vous demandez une augmentation du budget. Vous l'avez répété encore aujourd'hui. Vous avez suggéré que cette augmentation soit inscrite dans la loi de manière à ce que l'on ne puisse pas revenir en arrière ni laisser tomber l'engagement. Pouvez-vous nous proposer un moyen ou un mécanisme particulier permettant de lier un engagement de crédit à un livre blanc sur la défense dans le cadre de la mise à jour de la politique de défense?
M. David Bercuson: Je ne pense pas que ce soit difficile à faire. Les Australiens viennent de le faire. Il suffit de prendre l'engagement. Il faut adopter un livre blanc exposant la politique de défense et si le livre blanc contient des formules—par exemple pour le financement des immobilisations ou relativement au pourcentage du budget consacré à la qualité de vie—le gouvernement prend de fait l'engagement de consacrer telle proportion de son budget, tant que le livre blanc demeurera en vigueur, au remplacement d'immobilisations, telle proportion à ce secteur, telle proportion à tel autre. Franchement, je ne vois pas l'utilité de rédiger un livre blanc qui ne contiendrait aucun engagement budgétaire.
M. Leon Benoit: C'est une réponse excellente.
J'avais une question complémentaire, mais la semaine approche de sa fin. C'est la même chose tous les jeudis soirs. C'était une question complémentaire cruciale et extrêmement importante, mais je l'ai complètement oubliée. Je vais devoir attendre le prochain tour.
Le président: Monsieur O'Reilly, pendant cinq minutes.
M. John O'Reilly: J'aimerais si possible revenir au projet de loi présenté aujourd'hui. Je suppose qu'on devrait l'appeler projet de loi omnibus 2.
Nous avons abordé trois aspects concernant les réservistes et les changements qui s'appliquent à eux. L'article de la Loi sur la défense nationale se rapportant à l'assistance aux autorités civiles devrait également être modifié de sorte que le chef d'état-major de la Défense consulte le ministre si une province sollicite son aide en vertu de cet article. Comme vous le savez, une municipalité victime d'une catastrophe sollicite l'aide de la province qui à son tour demande l'aide du gouvernement national. Ensuite, l'assistance est répartie en conséquence. En vertu du changement, le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense décideraient presque entièrement de la répartition des troupes ou de l'aide. Je vais vous donner un exemple.
Dans l'état actuel des choses, si nos troupes sont réquisitionnées à Toronto pour déblayer la neige et qu'une grande catastrophe se produit ailleurs, il est impossible de les déplacer. La nouvelle loi changerait cela. Le ministre, en consultation avec le CEMD pourrait ordonner aux troupes d'aller sur les lieux de la catastrophe, mais cela risque de créer d'autres problèmes politiques, compte tenu de la situation que nous vivons toujours.
L'autre article concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels m'interpelle, parce que je pense qu'il sera le plus controversé. Il permet au ministère d'intercepter les communications privées au départ ou à l'arrivée, telles que les courriels, ainsi que toutes les communications qui passent par un ordinateur du MDN. Comme vous le savez, le système de protection actuel n'est pas continu. En effet, le MDN fonctionne sept jours sur sept et 24 heures sur 24 alors que les autres ministères sont fermés certains jours et certaines heures. Il s'agit par conséquent d'isoler le système du MDN de manière à le protéger. C'est indispensable pour des raisons d'interopérabilité avec nos alliés.
• 1710
Cependant, pour protéger les ordinateurs, il faut ouvrir les
courriels et les autres communications privées, car les gens qui
communiquent avec le MDN sont nombreux. Par conséquent, cet article
de la loi sera controversé. Pensez-vous que des critères stricts
soient suffisants pour protéger une infrastructure importante et
protéger les communications privées, ou pensez-vous que cela risque
de poser problème au niveau des libertés fondamentales?
M. Jack Granatstein: Monsieur, je dois vous dire que je ne peux répondre à ce genre de questions avant d'avoir vu le projet de loi. Mais il est certain que cet article aurait une incidence sur les libertés fondamentales.
M. John O'Reilly: Je vais donc vous poser une autre question.
Le sixième article de la loi concernant les militaires permet au gouvernement d'établir des zones de sécurité militaire. Un établissement de défense, un immeuble du gouvernement fédéral, un navire en visite, ou un aéronef de forces armées étrangères pourraient être considérés comme des zones de sécurité militaire. Tout endroit ou tout bien que les Forces canadiennes seraient chargées de diriger ou de protéger pourrait devenir une zone de sécurité militaire et toute personne entrant dans cette zone serait assujettie à l'autorité des Forces canadiennes.
Le navire USS Cole serait un bon exemple. Ce bâtiment a été attaqué alors qu'il se trouvait dans un secteur jugé sûr. La même chose pouvant se produire à peu près n'importe où dans le monde, je pense que nos alliés souhaitent établir ce type de zone de sécurité. Une zone de sécurité pourrait protéger un établissement nucléaire ou autre chose. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Pensez-vous que ce soit la bonne chose à faire?
M. David Bercuson: Je dirais, à prime abord, que c'est une bonne chose, mais là encore, je n'ai pas vu le projet de loi.
Ce qui me paraît important en tant que citoyen, c'est de protéger le droit des gens de manifester à l'extérieur des bases militaires en agitant des pancartes aux slogans stupides, de se peindre le visage en rouge, blanc et bleu et de faire tout ce qui leur plaît pour protester contre ceci ou cela. Dans la mesure où ce droit est protégé, je ne vois aucune objection. Cependant, nous devons respecter ce principe fondamental dans tout ce que nous faisons à cet égard.
J'aimerais revenir à votre première question à Jack concernant la procédure de rappel. Je n'ai pas lu le projet de loi, mais j'ai pris connaissance d'un résumé des changements apportés à la procédure de rappel. Je pense qu'il faut revoir la procédure de rappel.
La milice agit de son propre chef et la structure fondamentale de la milice et les moyens que le régime parlementaire met en oeuvre pour rappeler les milices sont demeurés essentiellement inchangés pendant des centaines et des centaines d'années. Ils ne permettent pas le type d'intervention rapide dont nous avons besoin de nos jours en cas d'urgence nationale.
Aux États-Unis, par exemple, nous avons vu que le gouvernement a largement fait appel à la garde nationale et dans une certaine mesure à la réserve de l'armée américaine, à la suite des événements du 11 septembre. Au Canada, nous ne pourrions pas faire appel aux réserves de cette manière. Si l'on décidait de le faire, ce serait très complexe. Par conséquent, je pense qu'il faudrait revoir la question du rappel. Je ne sais pas si le projet de loi actuel le fait, mais voilà encore quelque chose que nous avions réclamé dans le rapport.
M. John O'Reilly: Je pense que la loi actuelle va dans ce sens puisque «urgence» désigne une insurrection, une émeute, une invasion ou une guerre. Le terme «conflit armé» a maintenant été ajouté et vous pourriez peut-être vous pencher sur l'interprétation de la notion de conflit armé lorsque vous examinerez le projet de loi afin de déterminer ses incidences à ce sujet. Le fait d'ajouter «conflit armé» élargit à mon avis la notion, mais je ne veux pas insister sur le fait que j'ai bénéficié de certains renseignements privilégiés. Bien entendu, je suis autorisé à en parler, puisque le projet de loi vient d'être déposé aujourd'hui.
J'aimerais connaître votre point de vue sur ce projet de loi. Vous pourrez les faire parvenir au comité ou nous pourrions peut-être vous convoquer lorsque nous en débattrons, tout au moins si nous en avons l'occasion. Le comité de la justice héritera probablement de la majeure partie, mais il est possible que notre comité ait à se pencher sur une partie du projet de loi et nous devons être prêts à le faire. Nous pourrons alors peut-être faire appel à vos compétences. Bien entendu, le fait de faire appel à la réserve de manière accrue entraîne un changement de tempo opérationnel et donne lieu à d'autres problèmes.
M. Jack Granatstein: L'autre question qui se pose est que nous ne disposons pas d'un très grand personnel de réserve. Entre les trois forces armées, nous avons en tout et pour tout 20 000 personnes. Et sur ces 20 000 personnes, la milice représente environ 12 000. C'est très bien de pouvoir mobiliser la réserve, mais encore faut-il avoir du personnel. Par ailleurs, la réserve perd environ le tiers de son personnel chaque année et engage de nouvelles recrues, si bien que les compétences ne demeurent pas longtemps dans la réserve. C'est un problème très grave.
M. John O'Reilly: J'aimerais faire remarquer rapidement que la campagne du recrutement est actuellement en cours. La section de réserve dispose en ce moment d'un millier de personnes en plus des prévisions. Par conséquent, la réserve connaît une certaine croissance.
M. Jack Granatstein: Les effectifs varient en fonction du chômage.
M. John O'Reilly: Est-ce que ce chiffre est trop bas?
M. David Bercuson: C'est vrai, mais le problème n'est pas de recruter, mais de conserver le personnel. Cela a toujours été le problème dans les réserves. Il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à la réserve, mais beaucoup disparaissent avant de signer.
M. John O'Reilly: Oui, je suis moi-même un ancien réserviste, comme je vous l'ai déjà dit—et, comme je n'ai jamais reçu mon dernier chèque de paye en 1995, je peux comprendre ce genre d'attitude.
Le président: Merci, monsieur O'Reilly.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: En fait, je n'ai pas d'autres questions pour le moment.
Le président: Alors, votre président—qui attend depuis longtemps—pourrait peut-être en poser une.
M. David Price: Mais je voulais avoir une précision.
Le président: Certainement, allez-y.
M. David Price: On entend souvent dire que nous ne respectons pas nos engagements vis-à-vis de l'OTAN. Leon l'a dit encore tout à l'heure. Je voulais seulement clarifier cette question et savoir ce que vous en pensez.
Nous recevons chaque année une liste de l'OTAN sur ce que nous sommes censés fournir. Il y a une vérification. Nous devons prouver que nous pouvons fournir ce qui nous est demandé, ce qui fait que nous respectons toujours nos engagements envers l'OTAN. Toujours. Il est vrai que, comme c'est le cas pour d'autres pays, il y a des gens, à l'étranger, qui disent que le Canada devrait faire ceci ou cela. Mais en fait, nous respectons nos engagements chaque année. Je voulais simplement le préciser et j'aimerais connaître vos commentaires là-dessus.
M. David Bercuson: En théorie, c'est vrai. Mais pour ce qui est des attentes relatives à nos engagements... Est-ce que nous prenons ces engagements en partant du principe que nous pourrons les respecter? Je n'ai pas l'intention de vous faire une leçon d'histoire, mais les premières années, l'OTAN avait un comité baptisé le «comité des sages», qui se promenait de pays en pays et disait à chacun ce qu'il devait faire, ce qu'il faisait en réalité et quel était son déficit. Nous atteignions parfois nos objectifs, et parfois non, mais c'était un processus selon lequel l'OTAN imposait... peut-être pas sa volonté, mais certainement son point de vue sur ce que chaque pays devait faire à son avis. Elle ne le fait plus aujourd'hui.
M. David Price: Je ne suis pas tout à fait du même avis. Elle le fait toujours, d'une certaine façon. Elle examine ce que nous pouvons fournir, elle établit une liste et ensuite, elle va...
M. David Bercuson: Oui, mais elle ne dit pas spécifiquement, par exemple, quel pourcentage du PIB nous devrions consacrer à la défense.
M. David Price: Non, pas dans ce sens-là.
M. David Bercuson: C'est ce qui compte, à mon avis.
M. David Price: Non, au sujet du personnel et de l'équipement, il y a une liste.
M. Jack Granatstein: L'autre élément, c'est que nous avons abaissé nos objectifs considérablement en ce qui concerne l'OTAN. Nous avons réduit nos engagements de moitié en 1969-1970. Nous avons retiré nos troupes de l'Europe en 1991-1992. Nous visons maintenant beaucoup moins haut. Si nous nous engagions vraiment vis-à-vis de l'OTAN, nous renverrions des troupes en Europe. En fait, il me semble que ce serait dans notre intérêt de le faire et que c'est là que nous devrions essayer d'aller. Le monde demeure très instable, et c'est un engagement très utile pour nous. C'est très utile pour nos forces armées parce que ça leur permet de s'entraîner aux côtés de gens avec qui elles devront peut-être se battre un jour.
M. David Price: Oui, je suis entièrement d'accord. Le but, c'est de discuter de partenariat et tout le reste. Mais ce qu'il faut dire clairement, c'est que nous respectons bel et bien les engagements que l'OTAN exige de nous pour le moment.
M. Jack Granatstein: Il faut dire aussi, au sujet du partenariat, que c'est une façon de diluer le partenariat bilatéral canado-américain. Si nous avons des gens à l'OTAN, cela nous donne un partenariat de plus qui pourrait nous valoir des appuis le jour où nous en aurons besoin dans nos relations bilatérales parfois difficiles. Il me semble que c'est une autre bonne raison d'essayer de maintenir ces engagements et de tirer le meilleur parti possible de notre participation à l'OTAN.
• 1720
Ce qu'on disait généralement, c'est qu'il ne peut pas y avoir
un viol quand il y a une douzaine de personnes dans le lit. C'était
la raison d'être de l'OTAN. Il y a maintenant plus qu'une douzaine
de personnes dans le lit, mais le principe demeure valable.
Une voix: Leon pourra rapporter celle-là à la maison.
Des voix: Ah, ah!
Le président: La question que je voulais vous poser à tous les deux fait suite à une question de Mme Wayne au sujet des Nations Unies. Vous dites dans votre rapport qu'il faudrait réévaluer les engagements de ce genre, mais il ne fait absolument aucun doute à mes yeux que les engagements des Nations Unies ces dix dernières années ont connu certains problèmes. Je pense que le rapport Brahimi exposait très clairement ces problèmes. C'est un des rapports les plus importants que l'ONU ait produits depuis un certain temps, en termes de critique de ses opérations de maintien de la paix.
Un des problèmes qui y étaient exposés très clairement, c'est le fait que les nations de l'Ouest et du Nord n'ont pas participé autant qu'elles l'auraient dû à certaines des missions de maintien de la paix de l'ONU. Celle que je connais le mieux, personnellement, est celle qui se déroule en Sierra Leone. À l'heure actuelle, on retrouve là-bas à peu près la moitié des troupes de maintien de la paix de l'ONU. Il y a environ 36 000 personnes qui participent à ces missions dans le monde entier, dont environ 17 000 ou 18 000 en Sierra Leone. Cela semble être le cas classique d'un pays où l'ONU a envoyé par exemple des Jordaniens, des Indiens, des Ghanéens et des Nigérians alors que les militaires de ces pays n'étaient pas vraiment prêts, à certains égards, pour la tâche complexe de l'imposition de la paix dans un milieu comme celui-là.
D'un autre côté, il y a eu par exemple la guerre du Golfe, à laquelle les Nations Unies ont participé, par voie de résolution, en s'appuyant sur toute la puissance militaire des États-Unis et d'une coalition. Tout dépend de la volonté politique qui entoure chaque résolution de l'ONU. Bien que j'approuve de nombreux éléments de votre rapport, j'ai un peu de mal à accepter ce que vous dites au sujet du rôle traditionnel du Canada pour ce qui est d'encourager le multilatéralisme. Il me semble que, si l'ONU est une institution qui a de graves lacunes, c'est à certains égards parce que les gens du Nord et de l'Ouest ne lui ont pas fourni le soutien dont elle aurait besoin pour faire son travail.
De façon plus générale, quand nous parlons des militaires canadiens et des objectifs du livre blanc sur des questions comme la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord, et la promotion de la paix et de la sécurité internationales, ce troisième objectif ne peut pas être atteint uniquement dans le cadre de l'OTAN ou des coalitions ponctuelles qui se créent selon les besoins. En tant que Canadiens, en tant que peuple ayant contribué à la fondation des Nations Unies, nous avons l'obligation, avec tous les autres pays du G-8 et les autres pays industrialisés, de fournir à l'ONU le soutien nécessaire pour qu'elle puisse remplir son mandat.
M. David Bercuson: Vous avez raison, de façon générale, et je pense que nous avons essayé de faire notre part pour corriger la structure de commandement militaire de l'OTAN. Mais je pense qu'il est impossible de la corriger.
J'ai lu le rapport Brahimi. Je suis un partisan de ce rapport. Je suis absolument convaincu que les Nations Unies ne l'adopteront jamais dans son ensemble parce que je ne crois pas que les membres permanents du Conseil de sécurité voudront être liés de quelque façon que ce soit par son contenu.
J'ai peut-être lu un peu plus sur le Rwanda que sur la Sierra Leone, mais je sais que le problème au Rwanda a probablement été causé par Washington—du moins, en partie—parce que l'administration n'a pas pu réagir, pour une raison quelconque, ou parce qu'elle n'a pas voulu réagir. Je le déplore, mais c'est la réalité à laquelle nous devons faire face quand nous nous laissons en quelque sorte lier aux Nations Unies.
Ce que je veux dire, c'est que nous devons être réalistes au sujet des limites des Nations Unies. C'est une organisation qui, dans bien de cas, s'est révélée incapable—je n'ai pas dit qu'elle n'a pas voulu, j'ai dit qu'elle en avait été incapable—d'agir pour sauver des millions de vies. Nous devons le reconnaître. À mon avis, nos chances de réformer les Nations Unies sont à peu près nulles.
Le président: Voulez-vous commenter, monsieur Granatstein?
M. Jack Granatstein: Nous essayons de réformer l'ONU. Nous sommes probablement un des pays qui ont cherché le plus activement à repenser les activités de maintien de la paix et à trouver des moyens de les améliorer, et je pense que nous méritons des félicitations pour nos efforts. Malheureusement, ils n'ont rien donné.
Vous avez mentionné la Sierra Leone, où la situation est tout à fait désastreuse. Est-ce que cela aurait fait une différence si le Canada avait été là? Probablement pas. C'est un désastre parce que c'est dans une partie du monde qui est propice aux désastres, malheureusement. Est-ce qu'il aurait été préférable d'envoyer des militaires blancs dans cette région? Probablement pas. Est-ce qu'il est plus utile de demander à des États africains d'essayer de maintenir la paix dans ce genre de situation? Probablement. Est-ce que nous devons participer à toutes les opérations de maintien de la paix? Et est-ce que nous perdons des points, autrement? Je ne pense pas.
Nous devons reconnaître que nos ressources sont limitées. Nos troupes sont déjà surutilisées; elles en font trop avec trop peu. Nous devons choisir les endroits où nous pouvons être le plus utiles, et les choisir avec soin. Il me semble essentiel, monsieur, que ce soit notre politique qui dicte nos engagements, et non notre désir de nous engager qui oriente notre politique.
Le président: Je vais profiter de la prérogative de la présidence pour faire une dernière observation sur la question de la Sierra Leone.
Ce qui s'est passé en Sierra Leone a été un échec évident du point de vue du commandement des troupes de l'ONU, surtout quand les soldats indiens ont été enlevés, par exemple. Cela a été une véritable catastrophe pour l'ONU; je pense que personne ne dira le contraire. Mais quand certains des rebelles ont paru sur le point de détruire la totalité des forces de l'ONU, le gouvernement britannique est intervenu très rapidement et très énergiquement, et nous avons connu une paix relative par la suite parce que les rebelles ont très bien compris le message.
Cela montre comment l'usage de la force dans des circonstances très particulières—encore une fois, par un pays très développé, doté d'une armée très moderne—a incité très sérieusement les rebelles à se tenir tranquilles. Comme je l'ai dit, le pays est relativement paisible depuis lors, puisque les rebelles comprennent qu'il serait toujours possible de déployer très rapidement une petite force de frappe britannique si la situation se détériorait.
M. Jack Granatstein: Vous avez raison, évidemment, mais est-ce qu'on peut dire que nous avons cette capacité, ou que nous ferions ce genre de chose si nous l'avions? C'est peut-être regrettable, mais ce n'est pas dans la tradition canadienne. Nous n'aurions pas envoyé quelques bataillons lourdement armés pour imposer notre volonté en Sierra Leone. Nous aurions envoyé des troupes comme celles que nous avons toujours déployées dans les missions de maintien de la paix et nous aurions probablement essuyé des pertes, peut-être pour rien.
Le président: Nous pourrions sans doute en discuter longtemps, mais je sais que M. Benoit aimerait vous poser une petite question avant que nous terminions, dans quelques minutes.
M. Leon Benoit: Messieurs, merci beaucoup à tous les deux pour vos présentations et vos réponses à nos questions. Je voudrais vous poser une dernière question. Je vais d'abord faire un commentaire, après quoi je vais poser ma question.
Depuis quelques mois, nous avons entendu dire très souvent que le Canada avait fait tout ce que les États-Unis lui avaient demandé pour participer à la guerre contre le terrorisme. Et nous entendons dire souvent aussi que le Canada respecte ses engagements envers l'OTAN. Nous l'avons entendu dire encore aujourd'hui. Mais, en un sens, est-ce que ce n'est pas une façon plutôt tordue de voir les choses? Premièrement, je doute que le président des États-Unis demanderait quelque chose au Canada s'il ne savait pas déjà que nous pouvons le faire. Je doute aussi que l'OTAN fasse très souvent des critiques très vives. Même si nous avons été critiqués assez vertement par les gens de ce coin-là encore tout récemment, il n'y a normalement pas beaucoup de critiques publiques de la part de l'OTAN.
Le véritable problème, est-ce que ce n'est pas que nos engagements ne sont tout simplement pas suffisants? Nous consacrons 1,2 p. 100 de notre produit intérieur brut aux dépenses militaires, au Canada, alors que la moyenne des pays de l'OTAN est de 2,1 p. 100, presque deux fois plus; pourtant, nous sommes censément un pays riche. Nous dépensons à peu près moitié moins par habitant que la moyenne des pays de l'OTAN. Est-ce que ce n'est pas ça le vrai problème—le fait que nous ne consacrons tout simplement pas assez d'argent à nos forces armées?
M. Jack Granatstein: Oui, vous avez raison. Mais il me semble que puisque nous sommes une nation, un État vraiment souverain, conscient de son rôle et de sa place dans le monde, nous devons décider nous-mêmes ce que nous devons faire. Oui, nous appartenons à des alliances. Oui, nous avons des amis qui nous pressent de faire certaines choses—et avec raison. Mais puisque nous ne sommes pas une colonie, c'est à nous de décider ce que nous devons faire. Ce qui veut dire que nous devrions au moins atteindre la moyenne des pays de l'OTAN, et probablement la dépasser parce que nous sommes plus riches que la plupart de ces pays.
M. David Bercuson: Le seul véritable critère, c'est si les Canadiens, individuellement, ont l'impression que nous faisons de notre mieux pour nous défendre, pour promouvoir nos intérêts et pour aider à protéger le système qui nous nourrit, le système qui permet la libre circulation des personnes, des idées et du commerce. Il y a probablement des Canadiens qui pensent que nous faisons vraiment notre possible, mais pas moi. Et j'ai l'impression que la majorité des Canadiens pensent comme moi, c'est-à-dire que nous devons en faire plus. Nous devons absolument en faire plus.
Le président: Merci, monsieur Benoit.
Monsieur O'Reilly, très rapidement.
M. John O'Reilly: Chaque fois qu'il est question du PIB, je me dis toujours que j'aimerais bien comprendre pourquoi on ne parle pas de dollars réels. Notre budget de défense est de 11,9 milliards de dollars. Il sera un peu plus élevé cette année à cause des éléments supplémentaires qui vont y être ajoutés. La Turquie dépense 7,7 milliards de dollars américains, et la Grèce, 3,3 milliards. Soyons honnêtes au sujet du PIB. Nous pourrions prendre un endroit comme le Luxembourg, qui n'a pas d'armée, pas de marine, pas d'aviation, et nous en servir comme point de comparaison au sujet du PIB. Ce qui ne serait évidemment pas juste. Si nous sommes au septième rang des pays de l'OTAN, en dollars réels, j'aimerais savoir comment, à votre avis, l'utilisation du PIB comme baromètre peut donner quelque chose si nous ne parlons pas de dollars réels. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que notre pays dépense, en dollars réels, pas quel est le pourcentage du PIB que dépense un pays comme le Luxembourg, grand comme Oshawa, Ontario.
M. David Bercuson: Je comprends, monsieur. Comme vous le savez, il y a les mensonges, les gros mensonges et les statistiques. Pour moi, bien franchement, ce n'est pas une question de PIB. La question, c'est de savoir si, oui ou non, nous avons un effectif suffisant pour tous nos navires. La réponse est non. Et je veux savoir également si, dans l'aviation, nos avions sont suffisamment modernes et bien équipés pour pouvoir participer aux opérations militaires de l'OTAN auxquels ils peuvent être appelés à participer ces temps-ci. Encore là, la réponse est non. Et je pourrais vous donner encore une foule d'exemples.
M. John O'Reilly: Ce serait un argument plus solide que de parler du PIB.
M. David Bercuson: Oui, je suis d'accord avec vous.
M. John O'Reilly: Si vous voulez parler du fait que nous avons 120 pilotes et 60 appareils, c'est très intéressant...
M. David Bercuson: Absolument.
M. John O'Reilly: ... mais quand il est question d'éléments hypothétiques liés au PIB, je ne peux pas m'empêcher de réagir. Je veux des chiffres en dollars réels, parce que nous pourrons alors discuter des fonds que nous devrions ajouter à notre budget pour que tout cela en vaille la peine. Mais je ne veux pas discuter trop, parce que nous voulons plus d'argent dans le budget.
M. David Bercuson: Oui, je sais.
M. John O'Reilly: De toute évidence, tous les gens qui sont ici sont d'accord avec moi...
M. David Bercuson: Absolument.
M. John O'Reilly: ... mais le marteau va retentir, alors je voulais simplement conclure là-dessus.
Des voix: Ah, ah!
M. Jack Granatstein: Monsieur, si nous atteignions la moyenne des pays de l'OTAN—c'est-à-dire 2,1 p. 100—, nous aurions assez d'argent pour faire ce que nous avons à faire.
M. John O'Reilly: Ce serait l'idéal, mais il ne faut pas oublier que c'est quand même le plus gros budget à Ottawa. Plus le budget est gros, plus l'objectif est important.
Le président: Je vais devoir abaisser mon lourd marteau maintenant.
Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus. D'après le nombre de questions qui vous ont été posées au cours des dernières heures, vous pouvez voir que c'est un sujet qui intéresse toujours vivement le comité. Encore une fois, merci de vos commentaires.
La séance est levée.