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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 novembre 2001

• 1540

[Traduction]

Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte. Nous allons entendre à l'instant M. Rudd, mais notre premier point à l'ordre du jour qui m'a été notifié... on nous a en fait notifié le dépôt de plusieurs motions.

Monsieur Benoit, comment entendez-vous nous présenter ces motions?

M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): J'ai deux motions, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

M. Leon Benoit: Nous pourrions peut-être commencer par celle qui a trait au paragraphe 81(5) du Règlement afin que le ministre vienne témoigner au sujet du budget.

Le président: Monsieur Benoit——et je le signale simplement à l'intention des membres du comité—le type de motion que nous avons ici, touchant le ministre et les budgets supplémentaires des dépenses, passe généralement devant le comité directeur. Voulez-vous que nous la renvoyions devant le comité directeur. Il se réunit d'ailleurs demain.

M. Leon Benoit: Il se réunit demain? Bon, je vais vous l'exposer rapidement. Autant le faire tout de suite.

Le président: Vous voulez donc que nous votions maintenant?

M. Leon Benoit: Oui, je pense que c'est préférable. Je n'entrevois aucune difficulté au sujet de la motion. Je ne pense pas qu'il y en ait.

Le président: Nous allons donc entendre M. O'Reilly au sujet de la motion de M. Benoit.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voterai en faveur d'un renvoi devant le comité directeur. C'est devant cette instance que ça doit se faire. Ici, c'est contraire au règlement. À quoi sert un comité directeur si ce n'est pour traiter ce genre de chose?

Le président: Cette motion ferait effectivement de nous un comité directeur, mais s'agit-il d'une motion visant en renvoyer la question devant le comité directeur, M. O'Reilly?

M. John O'Reilly: Oui.

Le président: Très bien.

M. Leon Benoit: Pouvez-vous régler cette question?

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Avons-nous une copie de la motion, monsieur le président?

Le président: Vous devriez en avoir une, madame Wayne, mais si ce n'est pas le cas, je vais vous en fournir une.

Mme Elsie Wayne: Vous pouvez d'ailleurs vous servir de la mienne. Non, je n'ai pas de copie.

M. Leon Benoit: Je ne pense pas que mon collègue puisse déposer une motion reportant la question à plus tard lorsque...

Le président: Il ne s'agit pas d'une motion de report, mais d'une motion de renvoi.

M. Leon Benoit: Il s'agit de renvoyer la question devant le comité directeur, et je ne pense pas que ça puisse se faire lorsque nous nous penchons sur une telle motion.

Le président: La motion de renvoi a en fait priorité par rapport à la motion principale. Si je comprends bien, la motion de renvoi ne peut pas non plus être discutée.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, si nous traitons de cette question devant le comité directeur, nous risquons de nous perdre dans les dédales de la procédure. En outre, monsieur le président, vous avez déposé vous-même devant notre comité une motion du même type—je pense qu'elle se rapportait au rapport provisoire—plutôt que de la déposer devant le comité directeur, de sorte qu'il y a ici un manque de cohérence.

Le président: Après m'être informé sur la procédure, j'apprends qu'il est en fait possible de discuter de la motion de report.

En réponse à votre argument, monsieur Benoit, je vous dirais que la décision prise par notre comité au sujet de ce rapport l'avait été, je crois, sur consentement unanime des membres du comité.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Dans le même esprit, monsieur le président, le cas est tout à fait banal. Le budget supplémentaire des dépenses va sortir. Il va de soi que l'on va faire venir le ministre. Je ne vois pas quelle pourrait être la raison...

Le président: Je ne dis pas qu'il faut être d'accord ou non. Il est déjà arrivé à M. Benoit de déposer des motions pour faire venir des témoins. Il n'a pas trop mal réussi par le passé dans ce domaine. Bien souvent, nous avons accepté de faire venir les témoins proposés par M. Benoit. Nous ne voulons pas préjuger de la décision qui sera prise en la matière, mais je vous répète qu'il serait préférable de soumettre la question au comité directeur.

M. Rob Anders: Je ne vais pas trop m'étendre sur le sujet, monsieur le président, en ce sens que puisque la chose va de soi, autant en finir tout de suite. Il serait préférable que nous réglions la question et que nous passions au témoin. C'est ce qui apparaît le plus logique. Si les députés d'en face sont d'accord, nous pouvons en finir et passer à l'audition du témoin. Sinon, nous allons avoir un débat qui n'en finit plus sur l'opportunité de procéder de telle ou telle manière. Je préférerais que l'on règle immédiatement la question.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je pense qu'il y a des règlements fixant les responsabilités du comité permanent, et nous devons effectivement nous pencher sur le budget. Notre comité a de toute évidence établi des règlements pour s'y conformer. Je crois que la date limite se situe quelque part en mars. C'est bien ça?

• 1545

Le président: Monsieur Dromisky, je n'ai pas bien compris votre intervention. Pourriez-vous répéter?

M. Stan Dromisky: Je parlais des règlements qui fixent les responsabilités des comités permanents. Notre comité est un comité permanent bien établi de la Chambre des communes, et je pense qu'il doit se pencher sur le budget. Il y a un délai qui a été fixé à ce sujet, il me semble, et je crois que c'est quelque part en mars, si je me souviens bien.

Je tiens aussi à relever l'observation de M. Benoit, qui estime que l'on va se perdre dans les dédales de la procédure si l'on s'adresse au comité directeur. Je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point. Il n'est pas question qu'on se perde dans les dédales de la procédure. Les responsabilités du comité directeur sont claires, à mon avis. Il a une bien meilleure idée que le simple membre que je suis des grandes priorités de notre comité et de la voie qu'il nous faudra suivre au cours des prochains mois. Je suis convaincu qu'il nous faut poursuivre notre tâche, nous en tenir à notre ordre du jour et avancer résolument plutôt que de tourner en rond sans savoir où donner de la tête.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Benoit, suivi de monsieur Anders.

M. Leon Benoit: Monsieur Pratt, si cette affaire est portée devant le comité directeur et si elle ne reçoit pas son approbation, pourrais-je la représenter devant notre comité?

Le président: Monsieur Benoit, vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux.

M. Leon Benoit: C'est exactement la raison pour laquelle je veux que l'on en traite publiquement.

Le président: Tenons-nous en à la question qui est en jeu ici et qui a trait aux fonctions du comité directeur. Le comité directeur est appelé à déterminer quels sont les témoins qui vont être entendus par notre comité. Nous pouvons nous débarrasser du comité directeur et régler chaque cas à mesure qu'ils se présentent, ou nous pouvons lui laisser faire son travail.

M. Leon Benoit: Monsieur Pratt, vous n'avez pas transmis ce rapport provisoire au comité directeur conformément à la procédure normalement établie.

Le président: En fait, monsieur Benoit, nous avions adopté au début de l'automne une motion portant sur les travaux que nous allions effectuer tout au long de la session d'automne. Elle abordait les différents domaines que nous allions traiter afin d'établir un rapport provisoire. Lorsque le rapport a été prêt, il a fallu le présenter au comité. Je dirais qu'il s'agissait là de la suite logique de la motion antérieure et que c'était tout à fait conforme à ce qu'avait convenu le comité. À moins que vous n'apportiez des arguments nouveaux en la matière—et je n'en ai pas entendu jusqu'à présent—je vais donner la parole à M. Anders et à M. O'Reilly, puis nous passerons au vote.

M. Rob Anders: Monsieur le président, il aurait dû s'agir d'une simple formalité parce que ce genre de motion ne pose aucun problème particulier. Nous n'avons rien à cacher ici. Ce n'est qu'une simple formalité. Je voudrais dire aussi...

Le président: Ce n'est pas ce que je dis.

M. Rob Anders: ... monsieur le président, que lors de la conférence de presse que nous avons tous tenue au sujet du rapport provisoire, vous avez vous-même parlé d'un milliard de dollars devant être attribué aux forces armées.

Une partie du travail de notre comité consiste à obtenir des crédits pour les forces armées. Je suis sûr que M. Wood aimerait obtenir ce genre de crédits pour sa ville de North Bay. M. O'Reilly aimerait en avoir pour sa circonscription. Le député NPD du comité aimerait en avoir pour Shearwater, j'en suis persuadé. Nous pourrions faire le tour de la table et nous saurions qui souhaite avoir des crédits, et dans quel but. L'opposition propose un minimum de 2 milliards de dollars. Je parie que les députés d'en face, y compris M. Price—qui a déjà été Conservateur et qui demandait plus d'argent au titre de l'enveloppe de la Défense nationale—et vous-même y compris, monsieur le président, souhaitent secrètement que l'on donne davantage d'argent aux Forces canadiennes.

Les choses étant ce qu'elles sont, je pense qu'il est tout à fait normal que nous demandions au ministre de comparaître devant notre comité. Je pense que personne ne cherche à faire une entourloupe. Il appartient à notre comité—et pas simplement au comité directeur—d'aller poser des questions et d'orienter l'action du ministre pour ce qui est du montant des crédits mis à la disposition de nos forces armées. C'est tout à fait dans l'ordre des choses. Je vous avoue franchement, lorsqu'on voit M. Dromisky nous jeter de la poudre aux yeux, comme je l'ai vu faire au sein du comité des transports, lorsqu'il s'efforçait d'orienter les activités de...

Une voix: Quant même, n'exagérons pas!

Le président: Monsieur Anders...

M. Rob Anders: Non, ça va dans les deux sens.

Le président: Monsieur Anders, vous sortez entièrement du sujet traité par notre comité.

M. Rob Anders: Si je comprends bien, monsieur le président, la question est la suivante: M. Dromisky nous dit que le sujet doit être abordé en mars. En fait, nous avons notre propre personnel qui travaille sur la question ici même au comité. Nous savons pertinemment qu'il n'est pas nécessaire de traiter de ce sujet en mars. Pour une raison que j'ignore, monsieur le président, il cherche à court-circuiter le débat. J'aurais pensé que M. Dromisky souhaitait, comme nous-mêmes, que nos forces armées disposent d'un peu plus d'argent.

Une voix: Je fais appel au règlement.

M. Rob Anders: Nous cherchons uniquement à aider le ministre en ce qui a trait à l'affectation des crédits et aux discussions qui auront lieu au sein du cabinet.

Le président: Monsieur Anders, vous n'apportez aucun argument nouveau. Je vais donner la parole à M. O'Reilly, suivi de Mme Wayne.

• 1550

M. John O'Reilly: Monsieur le président, dans le cadre normal de la procédure, le ministre est tenu de comparaître devant notre comité au sujet du budget principal des dépenses, mais pas du budget supplémentaire. Il s'est présenté devant nous à deux reprises concernant le budget principal des dépenses. Il ne s'agit pas d'une motion courante. Elle traite du budget supplémentaire des dépenses et non pas du budget principal. Je vous répète que si le comité directeur veut que l'on étudie la question, il en a la possibilité. Sinon, passons immédiatement au vote. Il est évident que le débat est bien posé.

Le président: Je vais donner la parole à Mme Wayne, après quoi nous passerons au vote.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, nous avons une procédure et un comité directeur. Nous souhaitons tous que nos militaires aient un plus gros budget pour pouvoir se procurer les ressources nécessaires.

Le mieux, pour nous, c'est de suivre la procédure normale. Il nous faut soumettre la question au comité directeur. Nous traiterons de la question avant le 1er décembre, comme c'est demandé ici, et nous en rendrons compte à nouveau au comité. C'est la façon dont on procède normalement.

Je suis gênée ici que nous ayons invité notre témoin et qu'au lieu de l'entendre nous nous soyons lancés dans ce débat.

Le président: Merci, madame Wayne.

Nous allons maintenant passer au vote. Voulez-vous que l'on procède à un vote par appel nominal?

M. Leon Benoit: Oui, effectivement.

Le président: Bon, je m'en doutais un peu. Tous ceux qui sont en faveur de la motion...?

M. Leon Benoit: Est-ce qu'il s'agit de la motion renvoyant la question devant le comité directeur?

Le président: Oui, en effet. Excusez-moi. Tous ceux qui sont en faveur de la motion de renvoi...?

M. Rob Anders: Je pense qu'il faut faire l'appel de nos noms, monsieur le président, par opposition à un vote à mains levées.

Le président: Oui, et nous allons passer la liste..

(La motion est adoptée par 8 voix contre 2)

Le président: Monsieur Benoit, voulez-vous nous présenter la deuxième motion?

M. Leon Benoit: Oui. Nous proposons qu'en vertu des dispositions de l'article 108 du Règlement, notre comité entreprenne l'élaboration d'un nouveau Livre blanc sur la défense nationale, qui devra être prêt le 31 décembre 2002.

Je conviens avec Mme Wayne, du PC, qu'il est gênant d'obliger notre témoin à assister à toute cette procédure. Je pense que l'on aurait pu régler très rapidement cette affaire en passant immédiatement au vote et j'espère que ce sera le cas ici.

Tous les spécialistes de la défense—certains devant notre comité et d'autres dans leurs propres études—demandent que l'on présente un nouveau Livre blanc sur la défense. Il ressort clairement de la situation actuelle que nous n'avons tout simplement pas le personnel pour respecter les engagements du gouvernement. Nous ne pouvons évidemment pas assumer ces engagements. Nous ne disposons pas de l'équipement nécessaire dans bien des circonstances. Il devrait être évident qu'il est temps désormais de publier un nouveau libre blanc sur la défense.

La publication d'un nouveau Livre blanc sur la défense se justifierait entre autres par le fait que le gouvernement n'a pas honoré dans bien des domaines les engagements pris dans le Livre blanc de 1994. Nous sommes en dessous de l'effectif de 60 000 personnes qui avait été prévu. Il est évident que les crédits ont baissé, la diminution ayant été de 30 p. 100 en termes réels—comme on l'a indiqué dans notre rapport—depuis que les Libéraux ont pris le pouvoir.

Non seulement il est important de rédiger un nouveau Livre blanc, mais il faut aussi que les montants en dollars actualisés soient incorporés dans les énoncés de politique faits dans ce Livre blanc. C'est ainsi que l'on a procédé dans le modèle australien. Je pense que l'on pourrait reprendre certains éléments de la revue quadriennale faite aux États-Unis en matière de défense, de la révision de la politique de défense effectuée en 1997 par la Nouvelle-Zélande et du Livre blanc australien. Nous pouvons tirer les enseignements de chacune de ces expériences et mettre en oeuvre une procédure permettant de prendre des engagements à long terme dans le cadre d'un nouveau Livre blanc.

• 1555

L'Australie a engagé une consultation publique à laquelle ont participé les parties de l'opposition comme le gouvernement. Le ministère du Trésor du Commonwealth a pris part à l'ensemble de la procédure et l'on a donc discuté des crédits à mesure que l'on élaborait le Livre blanc. La signature du ministre des Finances de ce pays figure d'ailleurs sur le nouveau Livre blanc, ce qui fait que les crédits sont engagés à long terme. Bien évidemment, étant donné que les partis d'opposition ont pris part à l'opération et l'ont appuyée, il sera très difficile à un parti d'opposition de revenir sur les engagements pris à long terme s'il arrive au gouvernement à l'avenir.

Je propose non seulement que nous nous dotions d'un nouveau Livre blanc, mais aussi qu'il s'inspire des trois documents que j'ai mentionnés, et notamment du Livre blanc australien. Le gouvernement pourra ainsi engager effectivement les crédits dans le cadre du Livre blanc et des documents d'orientation politique qui seront rédigés.

J'espère par conséquent que notre comité se rangera à l'idée de la publication d'un nouveau Livre blanc avant la fin 2002. Nous disposerons ainsi d'un délai suffisant. Je pense qu'il est important que nous nous assurions, dès maintenant, que notre armée dispose des moyens nécessaires pour faire face à la situation actuelle. Nous savons que ce n'est pas le cas pour l'instant et nous devons donc remédier le plus vite possible à la situation pour que notre armée puisse prendre des engagements immédiats et à court terme. Il nous faut donc élaborer ce Livre blanc pour que dans cinq ans, lorsque la prochaine crise surviendra—et il se pourrait très bien que ce soit toujours dans le cadre de la guerre contre le terrorisme—notre armée soit en mesure de protéger comme il se doit notre population et nos hommes et nos femmes de troupe disposent de l'équipement et des fournitures dont ils ont besoin pour ne pas être mis inutilement en danger. Je pense que tout le monde sera d'accord avec moi sur ce point.

Monsieur le président, je demande que notre comité appuie cette proposition visant à l'élaboration d'un nouveau Livre blanc; que nous ayons recours à un modèle différent de celui que nous avons utilisé par le passé en faisant en sorte que le gouvernement reste engagé par des signatures figurant sur un document élaboré en collaboration avec toutes les parties; enfin, que nous progressions dans la voie de la reconstruction de notre armée en donnant aux hommes et aux femmes qui servent le Canada les moyens qu'ils méritent.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur O'Reilly, suivi de monsieur Price et de monsieur Anders.

M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président.

Même si les grands discours que nous fait aujourd'hui l'opposition sont très intéressants, il n'en reste pas moins qu'il appartient au ministère de la Défense nationale de lancer un Livre blanc, qui normalement est ensuite transmis à un moment donné à un comité mixte de la Chambre et du Sénat. Il n'y a aucune raison pour que l'on envisage d'élaborer un Livre blanc en provenance d'une seule source... ce n'est d'ailleurs pas la bonne source en matière d'élaboration des livres blancs et nous nous tromperions ici complètement de méthode. Je voterai évidemment contre la motion pour ces raisons.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je trouve tout cela bien étrange. Nous étions à cette même table il y a deux semaines, assis les uns en face des autres, et vous avez voté contre une révision de notre politique des affaires étrangères en matière de défense. Voilà qu'aujourd'hui vous réclamez un Livre blanc.

Le président: Monsieur Price, je vais vous demander d'adresser vos commentaires au président.

M. David Price: Excusez-moi, monsieur le président.

Le député d'en face a voté contre une révision. Ce n'est pas logique. Monsieur le président, nous avons établi très clairement dans le rapport que nous venons de publier qu'il fallait que le gouvernement revoie de fond en comble nos politiques étrangères et de défense. M. Benoit a voté contre ce projet et voilà qu'aujourd'hui il change d'avis et nous demande de le faire.

Il faut voir aussi qu'en la matière, comme l'a dit M. O'Reilly, il y a une procédure en place. Dans un premier temps, il faut d'ailleurs procéder à un réexamen des affaires étrangères avent de revoir les questions de défense.

Le président: C'est ce que n'ont pas manqué de dire les membres du comité lorsque nous en avons parlé, lorsque nous avons étudié le rapport, en indiquant que la première chose à faire était de procéder à un réexamen des affaires étrangères.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders: Je voudrais tout d'abord répondre à ce que vient de dire M. Price au sujet de ce rapport provisoire qui nous a été imposé et qui a été publié en retard.

Monsieur Price, est-ce que vous nous parlez bien du rapport qu'on nous avait promis, du rapport qu'on était censé examiner, de celui sur lequel vous avez voté en vitesse pour nous l'imposer de force? Est-ce bien de ce rapport dont vous nous parlez, monsieur Price? C'est bien aussi de ce rapport qui ne fait aucunement mention des Sea King? Rien n'est dit du remplacement des Sea King et l'on n'y mentionne aucunement le partage du contrat.

• 1600

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Rob Anders: Non, c'est à mon tour de parler maintenant.

Rien n'a été dit à ce sujet alors que c'est pourtant la situation la plus inadmissible, la plus scandaleuse en ce qui a trait à un équipement périmé.

Aucune chiffre précis n'a été donné. Vous pourriez d'ailleurs vous contenter, monsieur Price, de lancer en l'air une pièce d'un dollar au-dessus de cette table—ce dollar libéral qui a bien dépéri—et ça suffirait à rendre compte des vagues prévisions qui ont été faites dans le rapport provisoire dont M. Pratt était si fier.

De plus, on n'y donne aucun chiffre précis concernant les effectifs réels de nos troupes, en dépit du fait que les prévisions nous laissent entendre que nos effectifs seront tombés à 43 000 personnes en 2003. C'est une situation vraiment catastrophique. C'est finalement moins de la moitié des effectifs que nous avions lorsque ce gouvernement a pris le pouvoir—le gouvernement que vous êtes allé rejoindre, monsieur Price, après être passé de l'autre côté de la Chambre.

Quant à savoir qui doit prendre l'initiative, il faut voir qu'il y a beaucoup de laisser-aller à la tête du ministère. Je considère qu'il est grand temps que notre comité se décide à prendre l'initiative à ce sujet étant donné qu'à mon avis le ministre a trop tendance «à dormir au volant»—exactement comme notre premier ministre—et aimerait bien que tout cela reste dans les tiroirs.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Monsieur le président, ça devient ridicule. Passons au vote.

M. Rob Anders: Bon, je vois bien le ton qu'est en train de prendre ce débat, madame Beaumier.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Rob Anders: Je pensais, en commençant cette séance, que nous allions pouvoir voter rapidement sur ces questions et, si M. Peric veut prendre la parole, il pourra le faire plus tard. Il peut ajouter son nom à la liste s'il le souhaite. Qu'il lève la main pour demander la parole, il est le bienvenu.

Enfin, pour ce qui est des affaires étrangères, monsieur le président...

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Rob Anders: Si quelqu'un veut contester cette procédure et demander au président de trancher, qu'il n'hésite pas à faire appel à la présidence. Nous pourrons procéder à un vote par appel nominal au sujet de la contestation portée à l'intention de la présidence, monsieur le président, et ça durera le temps que ça durera.

Au sujet des affaires étrangères, j'allais dire qu'à mon avis nous pourrions procéder en collaboration avec le comité des affaires étrangères en réclamant l'étude d'un Livre blanc.

Je m'arrêterai là, monsieur le président.

Le président: Monsieur Peric, suivi de madame Wayne.

M. Janko Peric: Pouvons-nous passer au vote, monsieur le président?

Le président: Non, j'ai Mme Wayne sur la liste des intervenants.

Madame Wayne, soyez brève pour que nous puissions...

Mme Elsie Wayne: Je serai brève.

Une voix: Prenez autant de temps que Rob.

M. Rob Anders: Monsieur le président, il est indéniable, à mon avis, que tout le monde ici veut ce qu'il y a de mieux pour nos militaires, mais nous avons une procédure à suivre. Si nous suivons cette procédure, nous réussirons peut-être à aider nos forces armées. Il est bien évident que le Livre blanc est là depuis 1974. Nous avons déposé un document. Effectivement, monsieur le président, nous aurions peut-être pu être un peut plus précis dans certains domaines, mais il en va de même pour presque toutes les questions traitées à la Chambre des communes.

J'estime qu'il est très important que lorsqu'on en vient à notre armée, nous abandonnions la politique politicienne pour faire ce qui doit être fait.

Des voix: Oh.

Mme Elsie Wayne: Je n'en crois pas mes oreilles ici, monsieur le président.

Monsieur le président, ne pourrions-nous pas passer à la suite de notre ordre du jour et nous acquitter de nos obligations? Nous avons ici un témoin particulièrement qualifié qui souhaite nous faire entendre son point de vue au sujet de notre armée, et je pense qu'il est temps de l'écouter, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

Une voix: Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.

(La motion est rejetée [Voir le Procès-verbal])

Le président: Nous allons maintenant entendre M. David Rudd.

Monsieur Rudd, au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue. Je ne suis pas sûr que vous vous soyez déjà présenté devant notre comité de la défense. Je ne le crois pas et je vous souhaite donc tout particulièrement la bienvenue.

Monsieur Rudd, vous être directeur exécutif de l'Institut canadien des études stratégiques. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire au sujet de notre rapport sur l'état de préparation des Forces canadiennes. Vous avez la parole, et je suis sûr que les députés auront des questions à vous poser après votre exposé.

• 1605

[Français]

M. David Rudd (directeur exécutif, Institut canadien des études stratégiques): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour.

Avant de commencer, je voudrais vous remercier de cette invitation. Je suis très content et très honoré d'être là. De plus, je voudrais vous féliciter pour le très, très bon travail que vous avez fait. Il va sans dire que j'espère que ce travail va continuer à l'avenir.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, ce serait vous faire perdre votre temps que de me contenter de répéter ce que je sais avoir été déjà dit devant votre comité au cours des dernières semaines et des derniers mois. J'ai lu votre rapport provisoire, j'imagine qu'il reflète non seulement l'opinion majoritaire de votre comité, mais aussi le point de vue des nombreux témoins qui auront comparu devant vous. Je suis de manière générale d'accord avec votre rapport, en faisant cependant quelques réserves importantes.

Je tiens à vous signaler que cet exposé reflète mes propres opinions. Ce n'est pas le point de vue de l'Institut canadien des études stratégiques, de son conseil d'administration ou de ses membres. Il s'agit de mes opinions personnelles.

Je suis tout à fait d'accord avec Mme Wayne pour dire que le Canada veut ce qu'il y a de mieux pour son armée. Notre tâche est bien évidemment rendue d'autant plus complexe étant donné que les événements du 11 septembre ont encore compliqué la situation.

Je tiens à vous dire par ailleurs que le moteur éventuel de tout réexamen—qu'il s'agisse d'une révision globale de la politique ou d'une révision des programmes—sera en fait l'ampleur du budget de la défense. Je sais que l'on a évoqué la question à maintes reprises autour de la table de votre comité. Cet après-midi, mesdames et messieurs, je veux vous inviter à considérer ce que nous serons peut-être amenés à faire si le prochain budget fédéral ne nous fournit pas des crédits suffisants.

Je pense qu'il est très probable que le gouvernement va mettre un peu plus d'argent à la disposition du MDN, mais qu'il est très probable aussi que ces augmentations de crédits seront très limitées étant donné que l'économie ralentit et que des pressions s'exercent en faveur d'autres postes de dépenses. Par conséquent, il me faut partir du principe que ces crédits supplémentaires seront affectés à des postes stratégiques, et éventuellement de manière à répondre aux événements du 11 septembre. Cela revient à dire que l'on consacrera éventuellement davantage d'argent aux mesures de lutte contre le terrorisme et qu'il faudra donc que votre comité soit en mesure d'établir la distinction entre les attributions générales des Forces canadiennes, c'est-à-dire ce qu'elles faisaient avant le 11 septembre, et ce qu'elles peuvent mettre en place pour lutter contre le terrorisme.

Ma première observation, chers amis, a trait à ce que nous allons pouvoir faire si le prochain budget fédéral ne nous fournit pas des crédits suffisants. Vous n'ignorez pas que le vérificateur général et que les chefs des différentes armes ont tous fait état d'un manque budgétaire de l'ordre de 750 millions à 1 milliard de dollars. En supposant que ce montant d'argent ne soit pas prévu dans le prochain budget, est-ce qu'il nous faudra effectivement procéder à une révision déchirante et revoir notre politique de défense? Avons-nous besoin d'un nouveau Livre blanc?

Je vous ferai respectueusement remarquer que je ne suis pas d'accord avec la conclusion qui me semble être celle de votre comité—si j'ai bien lu votre rapport provisoire—à savoir que nous avons effectivement besoin d'un nouveau Livre blanc. Chers amis, si vous vous penchez sur l'histoire de l'élaboration des politiques de défense au Canada, vous constaterez rapidement que les objectifs de cette politique n'ont pas énormément ni profondément changé au cours des années. Les trois grands objectifs qui sont les nôtres à l'heure actuelle sont la défense du Canada, la défense de l'Amérique du Nord en collaboration avec les États-Unis, et la participation aux opérations de sécurité au plan international. Voilà littéralement quelles sont les grandes lignes de notre politique depuis des décennies. À mon avis, le Canada est trop lié aux États-Unis et il joue un rôle trop actif au plan international pour que ces objectifs puissent vraiment être remis en question de manière significative.

• 1610

Je considère que les objectifs de notre politique de défense restent valables, même s'ils sont peut-être un peu trop vagues. Ces objectifs restent peut-être valables, mais l'argent attribué depuis la publication en 1994 du Livre blanc, par exemple, n'est peut-être pas suffisant. Que peut-on faire, par conséquent?

D'après moi, étant donné que les objectifs de notre politique n'ont pas changé et puisque nous n'avons pas suffisamment d'argent dans nos coffres pour recapitaliser nos forces armées selon le modèle traditionnel, il nous faut désormais envisager—même si cela ne nous plaît pas nécessairement—de réorienter la structure des forces militaires du Canada. Notre politique conserve toute sa validité, mais il nous faut peut-être revoir la structure effective de nos forces—l'équilibre entre l'armée de terre, la marine et nos forces aériennes—et les capacités qui en découlent, ne serait-ce que parce que le statu quo financier ne nous permet plus de faire ce que nous faisons actuellement.

Si vous ne me croyez pas, relisez le témoignage que vous a donné le général Jeffery lorsqu'il a comparu devant votre comité. Il vous a dit que nous ne pourrions pas financer l'armée du futur, parce que nous sommes d'ores et déjà incapables de financer l'armée actuelle. Si ce n'est pas là un appel aux armes—c'est une métaphore, bien entendu—je me demande bien ce que c'est.

Avant de vous présenter les recettes sur lesquelles votre comité peut se pencher, ou encore le menu que vous pourrez éventuellement discuter et dans lequel il vous sera possible de choisir, je ferai une observation au sujet du 11 septembre. Je considère que la lutte contre le terrorisme exige la participation des Forces canadiennes. Je considère par ailleurs qu'il n'est pas nécessaire que les Forces canadiennes en prennent la tête. Ce sont effectivement les organisations chargées de faire appliquer la loi—la GRC, le SCRS et les différents organismes de renseignements—qui sont les principaux organes gouvernementaux responsables de la lutte contre le terrorisme. Bien sûr, il y a évidemment un certain nombre de capacités propres à l'armée dont nous pourrions éventuellement parler, telles que la force opérationnelle interarmées 2 ou la défense nucléaire, biologique et chimique, mais dans la plupart des pays occidentaux, on constate que ce ne sont pas les forces armées qui prennent l'initiative des discussions ou des programmes de lutte contre le terrorisme. Je constate, par conséquent, que le 11 septembre n'a pas changé grand-chose à la situation.

Les défis que devaient relever notre pays et notre armée avant le 11 septembre restent évidemment bien présents. Là encore, nous serons peut-être obligés de faire un certain nombre d'investissements stratégiques propres à l'armée, mais nous continuerons à faire face à une pénurie de personnel, à devoir nous accommoder des hélicoptères Sea King, qui continuent à nous causer des difficultés, et à manquer de capacités de transport stratégiques. Avec ou sans les événements du 11 septembre, ces problèmes restent les mêmes. Qu'allons-nous faire? Que pouvons-nous faire?

Si des crédits supplémentaires ne sont pas fournis après le prochain budget fédéral, je pense qu'il sera logique de revoir la situation. La seule chose que nous pouvons vraiment faire, c'est revoir toute la structure des Forces canadiennes. Il ne s'agit pas pour nous de chambouler notre politique, mais de réexaminer toute notre structure. Je vais donc vous soumettre quatre recettes dont vous pourrez envisager l'application afin de voir si elles sont à votre goût. Si vous en faites une indigestion, je vous prie de m'en excuser.

Si nous supposons—et je crois que nous pouvons partir de ce principe—que dans le prochain budget fédéral, le gouvernement du Canada va accorder davantage de crédits à notre armée, mais probablement pas autant que l'a réclamé le vérificateur général, je pense que plusieurs options s'offrent à nous pour, si l'on peut dire, en rabattre sur nos prétentions de ce que nos forces armées peuvent faire. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que les différentes options que je vais vous présenter continuent à donner au Canada la possibilité d'assumer ses obligations contractuelles envers l'OTAN, NORAD ainsi que l'Organisation des Nations Unies qui, comme vous le savez, peut demander aux États membres de mettre à sa disposition des forces armées chargées d'exécuter différentes opérations, y compris en matière de combat.

• 1615

S'il nous faut revoir la structure de nos forces armées, nous pourrons conserver nos capacités de combat, mais seulement dans deux des trois armes. Étant donné le manque de personnel et le coût élevé du remplacement d'une grande partie de l'équipement vieillissant de notre armée, on peut penser que nos forces terrestres pourraient être reléguées dans un rôle de gendarmerie allant jusqu'aux opérations de maintien de la paix. Bien entendu, cela n'empêcherait pas le gouvernement de s'engager éventuellement dans les opérations d'aide humanitaire très résolues qui sont menées à l'heure actuelle en Afghanistan. Cela n'empêcherait pas non plus le gouvernement d'assumer d'autres engagements internationaux bien déterminés ni, bien entendu, d'envoyer des troupes poser des sacs de sable lors de la prochaine inondation dans la région de Winnipeg.

En second lieu, il nous faudrait éviter d'entretenir des forces armées trop dépendantes—et je choisis bien mes mots ici, j'insiste sur le mot trop—de systèmes d'équipement très sophistiqués. Je pense que vous êtes tous au courant de la révolution qui s'est opérée dans le domaine militaire et qui fait que l'on privilégie les nouveaux systèmes d'organisation et de haute technologie.

Je sais que certains responsables sont venus vous dire que la technologie pouvait remplacer le personnel. C'est vrai dans certains cas, mais pas dans tous. Considérez les missions qu'a exécutées l'armée au cours des dernières années, elles ont fait largement appel au personnel et non pas à la technologie. Je vous répète que j'éviterai de trop insister sur ce point, chers amis, étant donné qu'une armée moderne, quelles que soient ses missions, a besoin de communications modernes, d'équipement de vision nocturne et d'autres choses de cet ordre.

La troisième option consiste à revoir le rôle de l'armée canadienne en adaptant à grande échelle le modèle du 3e Bataillon Princess Patricia. Autrement dit, ce serait essentiellement une force d'infanterie légère, les deux autres armes réorientant leur action de manière à offrir un appui logistique direct aux forces terrestres.

Cette solution présente plusieurs avantages. Nous aurons ainsi une force armée moins dépendante de l'équipement, au sein de laquelle on harmonisera le développement des trois armes. Le gouvernement du Canada évitera ainsi le risque de voir les trois armes se prendre respectivement à la gorge en essayant de sauvegarder leurs budgets respectifs. Je propose une approche conjointe s'apparentant éventuellement à celle de certaines structures plus petites comme les corps d'infanterie de marine. D'autres avantages sont cités dans mon mémoire, mais vous en prendrez connaissance en le lisant.

La quatrième et dernière option consiste à prendre exemple sur nos cousins du Commonwealth, la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande a les mêmes difficultés financières que nous, elle doit faire face à des frais d'équipement élevés et elle doit et souhaite rester engagée sur le plan international. Elle a dû faire cependant des choix difficiles. Elle a décidé de confiner les forces de défense de la Nouvelle-Zélande dans des missions allant jusqu'à des opérations de maintien de la paix musclées—ce qui signifie que tout combat dans lequel il lui faudrait s'engager devrait être de très courte durée.

Est-ce qu'une telle force armée n'aurait aucun intérêt pour le Canada? Pas nécessairement. Voilà des années que nous assurons des missions visant à promouvoir la paix et l'aptitude au combat de notre marine, par exemple, resterait suffisante pour nous permettre d'assumer nos responsabilités envers l'OTAN.

Je vais maintenant conclure, car j'ai déjà pris suffisamment de votre temps. Je vous répète que les objectifs de notre politique de défense ne changent pas profondément au fil des années. Je considère qu'en soi cette réalité s'oppose à la nécessité de revoir complètement notre politique de défense. Si toutefois cela se produit, j'espère bien pouvoir y participer. J'apporterai à votre comité toute l'aide et tout l'appui dont il aura besoin. Toutefois, je crois tout simplement que ça ne sera pas nécessaire.

• 1620

Ces objectifs sont certainement raisonnables, mais ils ne nous aident pas beaucoup à prendre les décisions qui s'imposent concernant les compressions nécessaires. Nous avons besoin—et je crois que c'est M. Benoit ou M. Anders qui a fait allusion tout à l'heure aux Sea King—de quantifier précisément ce que nous sommes disposés à faire, que ce soit sur le plan du montant des crédits ou des échéanciers d'exécution.

Troisièmement, je considère que les événements du 11 septembre n'ont en fait révélé aucune faille dans les capacités opérationnelles des Forces canadiennes étant donné que ces failles existaient avant les attaques et que le contreterrorisme, qui nous préoccupe tous, est avant tout une fonction non militaire

En avant-dernier lieu, selon le scénario budgétaire malheureusement le plus probable, les crédits supplémentaires jugés nécessaires par le vérificateur général ne seront pas là lors du prochain budget. Je pense qu'il nous faut vraiment envisager cette possibilité, même si elle peut paraître bien désagréable aux yeux de votre comité. Si les crédits restent insuffisants, nous serons vraiment obligés de revoir notre politique de défense. Il est vain de prétendre pouvoir continuer dans la ligne actuelle.

Enfin, si les crédits restent insuffisants, j'invite respectueusement votre comité et ses membres à conseiller immédiatement et avec force le ministère de la Défense nationale en ce qui a trait à sa procédure de restructuration et aux résultats qu'il convient d'obtenir. Pour faire une analogie, je ne pense pas que nous puissions aller dans la salle d'opération dire au chirurgien de garde comment il doit procéder à une incision ou utiliser les instruments dont il dispose. Nous laissons cette tâche à l'appréciation des professionnels et c'est ce que nous ferons vis-à-vis de nos militaires en uniforme. Toutefois, nous devons les conseiller et leur dire que le temps presse. Si nous laissons tout simplement cette responsabilité aux militaires, j'ai bien peur que nous assistions à une recrudescence des rivalités entre différentes armes.

Je conclurai en remerciant à nouveau votre comité de m'avoir invité à comparaître. Je tiens à le féliciter—à tous vous féliciter—du merveilleux travail que vous avez accompli et j'espère que vous poursuivrez dans cette voie. J'insiste sur le fait que si l'on veut que nos forces armées continuent à avoir leur utilité, conservent leur crédibilité et restent rentables, il nous faut faire des choix difficiles, mais il ne suffit pas de dire sans discontinuer que des choix difficiles s'imposent. Nous le répétons constamment; nous le disons depuis des années. Il faut effectivement le faire et l'avenir, c'est aujourd'hui, mesdames et messieurs. Nous devons commencer dès aujourd'hui à faire ces choix.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Rudd.

M. Benoit va intervenir pendant sept minutes et il sera suivi de M. Price et de Mme Wayne.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur Rudd. J'ai apprécié votre exposé et j'apprécie l'excellent travail que fait votre organisation. J'ai lu nombre de vos publications. Je suis en fait membre de votre organisation. J'ai assisté à l'une de ses réunions et je compte assister à d'autres.

Ce que vous nous avez dit au sujet des événements du 11 septembre est tout à fait exact pour ce qui est du rôle joué par notre armée afin d'éviter des attaques terroristes, mais vous pouvez difficilement nier que le contrecoup des attaques terroristes ait eu des répercussions sur notre armée et exige davantage de celle-ci. En réalité, dans ce monde particulièrement instable—et nous l'avons vu devenir de plus en plus instable ces dix dernières années—de nouvelles exigences vont être imposées à notre armée. Le gouvernement semble vouloir réagir et je pense qu'il subit de très grandes pressions de la part de nos alliés au sein de l'OTAN et surtout de notre grand partenaire au sein de NORAD. Les événements du 11 septembre ont changé la situation de ce point de vue même si notre armée n'intervient que pour appuyer les combattants situés en première ligne—la police, les pompiers, etc.—ici au Canada. Il y a d'énormes besoins qui ont été créés à un niveau qui dépasse le Canada.

• 1625

Lorsque vous étiez sur le point de conclure, vous nous avez dit que, malheureusement, il était probable que le budget ne comblerait même pas les lacunes relevées par le vérificateur général. D'un autre côté, vous nous dites que vous êtes essentiellement en faveur du rapport provisoire publié par notre comité.

M. David Rudd: Oui.

M. Leon Benoit: Savez-vous, monsieur Rudd, qu'aucun crédit supplémentaire n'est demandé dans le rapport de notre comité? Lisez les recommandations, et vous verrez que l'on ne demande aucun crédit supplémentaire, mais que nous avons cherché dans ce rapport à aider le ministre des Finances à équilibrer son budget. Que pensez-vous donc que le ministre des Finances va bien pouvoir faire à partir du moment où on ne lui demande rien? Tous les vendeurs vous diront que l'on ne peut rien vendre si l'on ne présente pas son produit à l'acheteur. Notre comité aurait dû faire la réclame de son produit au ministre des Finances en disant que notre armée a besoin de plus d'argent. Il ne faudrait tout de même pas oublier que notre armée manque de crédits. La pénurie est grave. En conséquence, elle manque de personnel, elle ne dispose pas de l'équipement nécessaire, nous n'aurions jamais dû engager nos troupes dans ces opérations compte tenu de ce dont on dispose, nous ne pouvons pas mener ces opérations à bonne fin, et pourtant notre comité n'a jamais demandé un seul dollar.

Je voudrais simplement que vous me disiez comment vous conciliez cette situation avec votre demande de crédits supplémentaires. Ce document avait pour but de demander au ministre des Finances davantage de crédits, mais il ne l'a pas fait.

M. David Rudd: Je ne crois pas avoir demandé expressément davantage de crédits. J'ai simplement fait remarquer que les principaux responsables en la matière—le vérificateur général et les chefs des différentes armes—ont fait état d'un montant précis. Si vous me demandez mon avis personnel, monsieur Benoit, je vous répondrai que j'aimerais bien évidemment que ces crédits soient augmentés.

Vous avez évoqué les événements du 11 septembre.

M. Leon Benoit: Je partais du principe que dans la lutte contre le terrorisme ici même au Canada, l'armée joue un rôle de soutien des combattants en première ligne, mais que cette menace n'a pas manqué de susciter le besoin de faire intervenir un gros contingent de 3 000 soldats si les 1 000 qui doivent déjà se rendre en Afghanistan y vont effectivement.

M. David Rudd: C'est exact.

À ce sujet, j'espère ne pas être le seul à penser que l'on peut lutter contre le terrorisme de bien des façons. À ma connaissance, c'est la première fois qu'un État ou qu'un ensemble d'États engage une guerre conventionnelle au nom de la lutte contre le terrorisme. Lorsque nous parlons de lutte contre le terrorisme, nous pensons à des espions, à des forces spéciales ou à des opérations clandestines, mais je ne crois pas qu'une guerre conventionnelle ait jamais été menée contre les terroristes. En l'espèce, nous nous attaquons à leur commanditaire, au pays qui les abrite et qui ne se résoudra probablement jamais à nous les livrer, au pays dans lequel se trouvent toutes ces bases.

M. Leon Benoit: Le fait est que ce genre d'intervention va se poursuivre probablement pendant un certain temps à l'avenir. Le président des États-Unis, notre premier ministre et presque tous les dirigeants des pays en cause ont bien précisé qu'il s'agissait là d'un engagement à long terme.

M. David Rudd: On peut l'imaginer, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'une guerre ouverte va se prolonger sur toute cette période. C'est une guerre qui a lieu à différents niveaux.

M. Leon Benoit: Doit-on bâtir des forces militaires en souhaitant qu'il n'y ait pas d'extension ou de prolongement de ce type de guerre? Ne doit-on pas bâtir au contraire nos forces armées en partant du principe que nous vivons dans un monde très instable? Nous ne savons pas exactement de quoi auront besoin nos militaires, mais je pense que la démonstration vient encore d'être faite, plus clairement que jamais, que c'est l'instabilité qui s'accroît et non pas le contraire.

M. David Rudd: Je pense que la priorité—et je l'ai bien dit dans mon mémoire—c'est de nous doter de forces armées qui laissent certaines options au gouvernement du Canada. Nous devons nous doter d'une armée en mesure de mener à bien les opérations qui lui sont confiées. J'ai peur que même des opérations entreprises à petite échelle ne soient pas viables.

M. Leon Benoit: Avons-nous besoin de plus de personnel dans nos forces armées?

M. David Rudd: Absolument. C'est indéniable.

M. Leon Benoit: Par conséquent, pourquoi ne demandez-vous pas l'élaboration d'un Livre blanc? Seul un nouveau Livre blanc nous permettra d'augmenter le personnel de l'armée. La seule façon d'avoir des crédits assurant la mise en oeuvre de recommandations éventuelles et des politiques éventuellement préconisées, c'est de faire en sorte que ces dernières soient intégrées à un Livre blanc, comme on l'a fait en Australie. Nous avons vu ce qui est résulté du Livre blanc de 1994.

Le président: Monsieur Benoit, puis-je vous demander de ne pas vous disputer avec le témoin mais de lui poser des questions.

M. Leon Benoit: Il n'est certainement pas question de nous disputer, monsieur le président. Nous avons une conversation entre gens de bonne compagnie, et nous échangeons nos arguments.

Le président: Vous n'êtes pas non plus censé entretenir une conversation. Vous êtes censé diriger vos observations par l'intermédiaire du président.

M. Leon Benoit: Eh bien, cette conversation était agréable.

M. David Rudd: Je pense que cela va de soi. Nous n'avons pas besoin d'un Livre blanc pour nous dire qu'il nous faut davantage de personnel dans nos forces armées, tout particulièrement dans notre force terrestre. Nous entretenons ici un débat amical que nous pourrions peut-être poursuivre avec un verre de bière à la main.

• 1630

Sur le dernier point, il convient bien sûr que vous demandiez davantage d'argent, mais je pense qu'il y a en fait une chose plus importante que les gros billets. C'est l'élaboration d'un échéancier de réforme de la structure de nos forces. Une des choses qui a manqué à la politique canadienne de défense au cours des dernières décennies... On nous parle d'objectifs, mais le gouvernement du Canada, quelle que soit son obédience politique, ne se fixe jamais un échéancier pour mener à bien la réforme ou la réalisation de ces objectifs politiques. C'est une omission que j'aimerais bien voir corriger dans le rapport définitif, si je peux me permettre ce conseil.

M. Leon Benoit: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu, monsieur Rudd. Je pense qu'il est très important que des gens qui se penchent sur tous les faits et gestes de nos forces armées viennent témoigner devant notre comité, parce que c'est leur vie et qu'ils se consacrent pleinement à cette tâche.

En vous écoutant parler, j'ai relevé d'excellents arguments. Vous nous dites, par exemple, que nous n'avons pas besoin d'un Livre blanc. Vous nous dites aussi une chose qui est très vraie, c'est que la mission de nos forces armées n'a pas changé au fil des années. Considéré de ce point de vue, effectivement, mais vous pouvez voir dans le rapport que nous venons de publier que nous parlons d'un réexamen. Avant de pouvoir réexaminer le fonctionnement de notre armée, il nous faut réexaminer celui de nos affaires étrangères. C'est ce qui donne l'impulsion à nos militaires. Je crois que vous étiez bien présent lorsque nous avons entendu un ministre—je ne me rappelle plus qui c'était—nous dire que c'est le ministre des Affaires étrangères qui donne du travail de la Défense. Bien entendu, c'est aussi réciproque.

J'ai une ou deux autres questions à vous poser, mais vous pourriez peut-être commencer par celle-là.

M. David Rudd: Très bien.

Je comprends et je respecte la proposition faite par votre comité, qui considère qu'un réexamen global de notre politique en matière de défense et d'affaires étrangères est nécessaire. Je suis d'accord aussi pour dire—et je ne sais pas si c'est M. Benoit qui a fait cette observation—qu'au bout de quelques années, il est bon de prendre du recul, de revoir ce que l'on fait et les moyens que l'on emploie pour le faire, et de prendre le pouls de nos forces armées. C'est ainsi que nos cousins britanniques ont revu leur politique de défense à trois reprises depuis la chute du mur de Berlin—à trois reprises, rien de moins—et qu'ils se préparent éventuellement à le faire une quatrième fois.

M. David Price: J'aimerais faire une simple observation à ce sujet.

Ils revoient cette politique, mais pas complètement. Ils ajustent constamment la même politique pour essayer d'apporter la touche finale. Lorsqu'ils ont réexaminé pour la première fois leur politique, ils ne l'avaient pas fait depuis des années. Soudainement, ils ont procédé à un réexamen, mais ils se sont aperçus que ce n'était pas tout à fait ce qu'ils voulaient et ils ont donc remis certaines choses en place. Toutefois, ils n'ont pas apporté de changements majeurs au cours de ces trois, ou quatre, révisions, puisque vous nous dites qu'ils se préparent à en faire une autre.

M. David Rudd: Est-ce que ça ne prouve pas la validité de mon argument selon lequel les objectifs de la politique restent les mêmes à moyen terme?

À mon avis aussi—je ne l'ai pas dit dans mon exposé, mais je peux vous garantir que ça figure dans le corps de mon mémoire—les objectifs de notre politique étrangère, tels qu'ils ont été exposés par le gouvernement Chrétien, sont d'ailleurs tout à fait valables. Est-ce qu'ils sont susceptibles de bien orienter notre politique de défense? Cette possibilité existe. Nous voulons promouvoir la prospérité économique chez nous et la stabilité à l'étranger. Bon, disons qu'il est peu probable qu'on nous donne plus de détails étant donné que j'ai pu constater au cours de ma carrière que, quelle que soit là encore leur obédience politique, les gouvernements aiment bien disposer d'une marge de manoeuvre. Rien ne confère plus de marge que de faire des énoncés de politique de type général, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose.

J'ai peur qu'il nous faille probablement 18 mois ou deux ans pour revoir l'ensemble de notre politique, tant en matière étrangère qu'en matière de défense, une fois que les ministres Eggleton et Manley auront annoncé cette révision à la Chambre des communes. Au cours de ce délai de 18 à 24 mois, beaucoup de choses peuvent venir affliger nos forces armées.

Il nous faut revoir la structure de nos forces. Il nous faut adapter nos moyens financiers à nos objectifs permanents. Je crois que c'est suffisant.

• 1635

M. David Price: Mais à l'heure actuelle, sans procéder à cette révision, nous continuons à parler d'une restructuration de nos forces. Vous nous avez donné d'excellentes idées et de très bons exemples de ce que nous pourrions faire, mais cela s'apparente en fait en grande partie à une action à long terme. Ce ne sont pas vraiment des initiatives à court terme. Vous avez évoqué une restructuration de notre force terrestre qui lui conférerait des obligations tout à fait différentes de celles dont elle s'acquitte à l'heure actuelle. Nos perspectives changeraient complètement alors que nous n'avons même pas encore réexaminé ce que nous faisons dans le monde actuel. Cette partie de votre intervention m'inquiète et vous pourriez peut-être préciser certains choses.

M. David Rudd: Bien sûr.

Prenez l'une des recettes qui composent mon menu. N'importe laquelle des quatre structures que je vous ai présentées vous permettrait d'assumer vos obligations envers l'OTAN, ce qui implique non seulement la défense du territoire allié, mais aussi la promotion de la stabilité à la périphérie de l'OTAN. N'importe laquelle de ces quatre structures vous permettrait d'assumer vos engagements vis-à-vis de NORAD.

La Nouvelle-Zélande n'était peut-être pas le meilleur exemple. Elle a mis au rancart son parc de Skyhawk.

N'importe laquelle de ces quatre structures vous permettrait d'avoir un personnel suffisant, et éventuellement davantage de personnel, pour vous acquitter de vos obligations ici, sur notre territoire, qu'il s'agisse d'aider les pouvoirs publics, de participer à la sécurité civile, d'installer des sacs de sable ou de pelleter de la poudreuse, si vous me passez l'expression. N'importe laquelle de ces quatre structures permettrait à nos militaires de faire au niveau global ce qu'ils font depuis dix, quinze ou même vingt ans.

Je comprends votre argument, mais je ne pense pas que l'adoption de l'une des structures ainsi proposées nous mettrait nécessairement en butte à des critiques selon lesquelles nous ne sommes plus en mesure d'honorer nos engagements. En fait, certaines reconversions nous permettraient éventuellement de mieux nous acquitter de notre tâche que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.

M. David Price: Je vous remercie.

Le président: Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Je tiens à vous remercier d'être venu nous voir aujourd'hui, monsieur Rudd.

Le 11 novembre, certains militaires sont venus me voir pour me dire qu'une partie du matériel qu'ils continuent à utiliser pour les besoins de l'instruction, par exemple, date de 1969. Un officier est venu me dire qu'il avait dix-sept ans d'armée mais qu'il ne pouvait plus rester parce que nos forces armées avaient besoin de nouvelles ressources.

Avez-vous lu le rapport Caught in the Middle, qui a été rédigé par le général Belzile, le colonel Pellerin et d'autres officiers à la retraite?

M. David Rudd: Oui, j'ai lu ce rapport.

Mme Elsie Wayne: C'est un excellent rapport. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas l'impression qu'il y aurait beaucoup d'argent pour les militaires dans ce budget mais que ce sont probablement le SCRS, la GRC et d'autres organisations de ce type qui toucheront davantage de crédits au titre de la sécurité. J'espère que nous aurons un bon budget militaire le 11 décembre. Je crois que c'est très important. Dans le rapport provisoire que nous avons effectivement publié, nous avons indiqué qu'il fallait davantage de ressources et que nous devions faire en sorte d'avoir davantage d'hommes et de femmes en uniforme dans notre armée.

Le Canada a la réputation dans le monde d'être un pays toujours disposé à aller partout où se présentent des difficultés. Il est nécessaire que nous puissions le faire et j'espère que l'on réinjectera un milliard de dollars dans le budget de notre armée. C'est ce qu'ont demandé les officiers à la retraite. Selon eux, nous avons besoin d'encore plus d'argent, mais cette somme permettrait au moins de stabiliser nos forces armées. En outre, nous avons besoin de ces crédits pendant plus d'un an, bien entendu. Néanmoins, étant donné ce qui s'est passé depuis le 11 septembre, le débat qui est engagé et le fait que tout le monde se préoccupe de la situation sur la colline du Parlement—de quelque côté que les députés siègent à la Chambre—notre armée a besoin de notre appui.

• 1640

Qu'est-ce qui vous fait penser que le budget qui va être déposé le 11 décembre ne sera pas axé sur les opérations militaires mais davantage sur la sécurité?

M. David Rudd: Tout d'abord, madame Wayne, j'ai fait personnellement l'expérience des insuffisances que vous avez évoquées au sujet de notre équipement.

Mme Elsie Wayne: Oui, je l'ai constaté.

M. David Rudd: Je pouvais en rire lors des séances d'instruction ou lorsque je faisais du tir à la cible, mais ce n'est pourtant pas drôle.

Ce n'est pas par pessimisme que je vous présente ces différentes options. Quelqu'un a déjà dit que j'étais plutôt cynique étant donné mon jeune âge, mais je ne suis pas un pessimiste. Je juge nécessaire, en somme, de présenter à votre comité, au gouvernement du Canada, au parlementaires et à la population canadienne, des options nous permettant de nous en sortir si effectivement on continue à nous procurer des ressources insuffisantes selon l'analyse qui a été faite par le vérificateur général.

En faisant l'historique des politiques de défense du Canada, je constate que nos ambitions ont été assez modestes. Elles paraissent réalisables et pourtant nous ne pouvons même pas entretenir la structure actuelle de nos forces en 2001 étant donné le ralentissement de l'économie et la nécessité d'engager des crédits ailleurs. Le climat politique favorise une augmentation des crédits consacrés à la défense, en partie grâce au magnifique travail fait par votre comité et par ses membres. Supposons, cependant, qu'on nous donne 100 millions de dollars par an. Ce n'est pas ce qui va résoudre le problème. Cela va nous permettre éventuellement de doubler la taille de la force opérationnelle interarmées 2 ou peut-être même d'engager davantage de réservistes, mais cela ne nous permettra pas de faire tout ce que nous pensons devoir faire. Il est donc nécessaire d'avoir un plan B. Je me proposais tout simplement d'indiquer à votre comité les grandes lignes d'un plan B éventuel, mais j'aimerais bien que le ministre des Finances me fasse mentir.

Mme Elsie Wayne: Eh bien, j'espère qu'il vous fera mentir en l'espèce parce que c'est bien clair dans l'esprit de chacun d'entre nous. Je pense que la majorité des députés de la Chambre des communes est bien persuadée que si l'on veut appuyer nos forces armées et leur donner les moyens et le personnel leur permettant de faire leur travail, il va falloir prendre des décisions difficiles. Les seuls qui peuvent parler au nom de notre armée sont les députés de la Chambre des communes—principalement les membres de notre comité de la défense—et des gens comme vous. Plus nous le ferons... et vous savez comme moi que les militaires ne peuvent pas élever la voix.

J'ai été surprise. Le 11 novembre, j'ai été très touchée par les commentaires qui ont été faits lors des différentes cérémonies auxquelles j'ai assisté. Les militaires nous ont remerciés chaleureusement de parler en leur nom. Ils nous ont dit qu'ils avaient besoin de beaucoup plus d'appui et je leur ai répondu que nous allions tenir des audiences. Je peux vous dire dès à présent qu'ils bénéficient d'un appui extraordinaire dans tout le pays, au sein des différentes collectivités et de la part des différentes organisations.

J'apprécie les solutions de rechange que vous nous présentez, mais pensez-vous que notre force terrestre puisse apporter une contribution significative aux efforts des alliés en Afghanistan tout en continuant à assumer ses engagements en faveur du maintien de la paix en Bosnie et dans d'autres régions à l'heure actuelle?

M. David Rudd: Non madame, je ne le crois pas, mais laissez-moi m'expliquer.

• 1645

Lorsqu'on a annoncé que nous allions déployer des forces en Afghanistan, j'ai grimpé aux rideaux. Lorsque je suis redescendu, je me suis retrouvé en face d'un journaliste du National Post qui me demandait ce que j'en pensais. J'ai évoqué une surcharge de notre armée. Je l'ai fait sans savoir si ce déploiement allait avoir une durée illimitée ou s'il ne s'agissait que d'un engagement de six mois. Je pense que nous pouvons très bien assumer un engagement de six mois.

Il faut porter au crédit du gouvernement d'avoir su reconnaître ce problème de surcharge et de l'avoir réglé de manière très rationnelle en disant que nous allions continuer à contribuer à la sécurité nationale et déployer nos forces pendant six mois. Cela veut dire que nous nous engageons à fournir des troupes pendant six mois de manière à permettre, il faut l'espérer, aux Nations Unies ou à toute autre organisation de mettre sur pied une force d'intervention pour nous remplacer. Nous serons l'avant-garde. C'est une façon très rationnelle de gérer le manque de ressources qui est le nôtre.

Je pense que mes préoccupations sont partagées par votre comité. Nous parlons, par exemple, de l'engagement de la brigade d'armée. Je pense qu'avec un préavis suffisant, nous pourrions effectivement mobiliser une brigade pour l'envoyer dans un secteur chaud du globe en faisant en sorte qu'elle s'acquitte bien de sa tâche. L'inconvénient, c'est qu'il nous faut mettre beaucoup trop de conditions pour que cet engagement soit crédible. Nous ne pourrions déployer aucune force dans les 90 jours et même en 180 jours. Nous n'avons pas fait de formation dans ce domaine et nous manquons de matériel. Nous pourrions le faire, mais c'est là qu'il nous faut être plus précis dans le développement de la structure de nos forces. Cela signifie qu'à partir du moment où nous disons être en mesure de déployer une brigade, il nous faut préciser en combien et pour combien de temps.

Le président: Monsieur Rudd, puis-je vous demander de conclure? Nous avons d'autres députés qui veulent vous poser des questions.

M. David Rudd: Oui, j'ai terminé sur ce point.

Le président: Merci.

Monsieur Anders.

M. Rob Anders: Merci, monsieur le président.

J'apprécie vos commentaires, monsieur Rudd. Je pense que vous êtes aussi franc et direct qu'il vous est possible de l'être étant donné le sujet que vous traitez.

À la deuxième page de votre rapport, vous mentionnez la défense de l'Amérique du Nord. Je vais vous dresser la liste de mes questions et j'espère que vous pourrez ensuite y répondre.

M. David Rudd: Je n'y manquerai pas.

M. Rob Anders: Tout d'abord, étant donné que vous mentionnez la défense de l'Amérique du Nord—et il se trouve que je suis en faveur de toute cette notion d'Amérique du Nord considérée comme une forteresse—que pensez-vous de la défense antimissiles balistiques, surtout compte tenu du fait que les États-Unis affirment ne pas vouloir de l'argent du Canada en la matière, mais uniquement qu'il lui donne le feu vert?

Vous mentionnez aussi au point 4 de vos recommandations—et j'ai l'impression que vous l'avez indiqué à maintes reprises... vous n'êtes pas très chaud à propos de ces recommandations. Dans votre for intérieur, je pense que vous aimeriez que des milliards de dollars soient réinjectés dans la défense nationale comme il serait normal de le faire, pour que l'on retrouve un avenir glorieux. Toutefois, vous évoquiez au point 4 la possibilité de mettre au rancart le chasseur de combat. Un ballon politique, si vous voulez, a été lancé il y a quelque temps lorsqu'on a effectivement parlé d'éliminer les Snowbirds. J'imagine que vous être probablement un admirateur de nos forces aériennes et que c'est là une résolution que vous ne prenez pas de gaieté de coeur. Vous nous dites tout simplement qu'il nous faut accepter la chose bon gré mal gré étant donné les maigres ressources dont nous disposons.

Quelles sont les ressources qui, selon vous, seraient nécessaires pour que nous puissions conserver des forces aériennes viables et que nous puissions, par exemple, retrouver la puissance que nous avions lorsque ce gouvernement a pris le pouvoir en 1993 tout en gardant en même temps un équipement moderne? Pouvez-vous nous en donner une estimation.

Ma troisième question, la dernière, découle de la précédente. Quels sont les effectifs que devraient avoir nos forces armées au Canada, tant en ce qui a trait à la force régulière qu'aux forces de réserve?

M. David Rudd: En ce qui a trait à la défense antimissiles balistiques, de quel type de défense antimissiles parlons-nous? Parlons-nous des moyens de défense utilisés sur un terrain très bien délimité, des moyens de défense transportables que nous pouvons emporter outre-mer pour nous défendre contre les missiles Scud tirés par Saddam Hussein? Parlons-nous plutôt d'un bouclier national ou continental?

• 1650

M. Rob Anders: Pour l'instant, je m'en tiendrai au bouclier continental sans chercher à savoir ce que pourrait être la défense du détroit de Formose entre Taïwan et la Chine.

M. David Rudd: Très bien.

J'ai beaucoup écrit au sujet de la défense antimissiles. Ma conclusion est double. En dépit des failles importantes et très nombreuses des arguments qui sont opposés à la défense antimissiles—arguments qui, à mon avis, n'ont pas été suffisamment contestés—je considère que la défense antimissiles balistiques sur le modèle que vous évoquez—le bouclier continental—est inutile.

Elle est inutile pour deux raisons. Tout d'abord, qu'il s'agisse des pays ou des regroupements à l'intérieur d'un pays qui ont accès à la technologie des missiles balistiques, ce sont ceux qui ont le plus les moyens de se procurer cet équipement et de le mettre en exploitation qui sont les moins susceptibles de le faire. Inversement, les pays les plus susceptibles de recourir effectivement à ces moyens s'ils pouvaient se les procurer... Excusez-moi. Ceux qui sont le plus susceptibles de les utiliser sont les moins en mesure de se les procurer. Je vais reprendre l'argument pour être mieux compris—et je vais vous donner un exemple.

M. Rob Anders: Si je puis me permettre, un pays comme la Chine, par exemple, qui a des ressources pour se procurer cette technologie, serait moins susceptible de l'utiliser, contrairement aux Talibans, par exemple, qui auraient beaucoup de difficulté à la mettre au point. C'est là où vous voulez en venir?

M. David Rudd: Oui, c'est là où je veux en venir.

M. Rob Anders: Je comprends par conséquent votre point de vue en ce qui a trait, par exemple, au fait de transformer l'Amérique du Nord en forteresse. Est-ce que votre position change si l'on passe à la défense antimissiles sur un théâtre d'opérations, lorsqu'on cherche à protéger nos alliés?

M. David Rudd: La défense antimissiles sur le théâtre des opérations est absolument indispensable, absolument. Toutefois, monsieur Anders, je ne sais pas si les Forces canadiennes disposent des ressources nécessaires pour apporter effectivement une contribution dans ce domaine.

Mesdames et messieurs, je préfère que nous dépensions notre argent sur des points essentiels. Nous avons énormément besoin de nouvelles jeeps. Nous avons besoins de nouveaux navires AOR. Nous avons besoins de nouveaux hélicoptères pour remplacer les Sea King. Réglons d'abord ces différents problèmes.

Même si je suis prêt à dire, monsieur Anders, que les moyens de défense sur le théâtre des opérations ont une importance fondamentale en théorie, je ne suis pas sûr qu'il nous faille nécessairement les envisager sérieusement. Ils ont une importance fondamentale parce que... Prenons l'exemple de Taïwan, un pays responsable et démocratique. Taïwan ne menace personne, et pourtant c'est un pays contre lequel un voisin de plus grande taille—qui a toujours un gouvernement autoritaire—menace de recourir à la force. À moins que Taïwan ne provoque effectivement la Chine, je ne vois pas, par exemple, ce qui pourrait amener les États-Unis à ne pas défendre Taïwan. C'est tous simplement impossible lorsqu'on a affaire à un pays démocratique, responsable et fort sur le plan économique.

Le président: Monsieur Rudd, je ne voudrais pas vous interrompre en plein milieu de votre intervention, mais le temps de M. Anders est écoulé. Je vais donner la parole à M. Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre quelque peu sur la question de la défense antimissiles sur le théâtre des opérations.

J'aimerais que nous disions deux mots de nos engagements vis-à-vis de l'OTAN. Au sein de l'OTAN à l'heure actuelle, l'Europe a mis en place une défense contre les missiles balistiques de théâtre faisant de l'Europe une forteresse. L'étude de la prochaine phase va commencer très bientôt, si elle n'a pas déjà commencé. Ce sera très intéressant à voir. J'aimerais que vous me disiez très rapidement ce que vous pensez de cette prochaine phase.

M. David Rudd: La prochaine phase en Europe?

M. David Price: Oui.

M. David Rudd: Excusez-moi, mais je ne savais pas que les Européens envisageaient sérieusement d'aller au-delà d'une défense de théâtre.

M. David Price: Si vous aviez un contrat pour étudier la prochaine phase, c'est...

M. David Rudd: Pour étudier la prochaine phase?

M. David Price: Oui.

M. David Rudd: On peut toujours distribuer autant de contrats de recherche que l'on veut sans que les politiciens aient à prendre une décision. Je pourrais me perdre en spéculations à ce sujet, mais je ne veux pas vous faire perdre votre temps.

M. David Price: Très bien.

Nos engagements vis-à-vis de l'OTAN—et cela nous ramène à la défense contre les missiles balistiques de théâtre—lorsqu'on y réfléchit, sont bien précisés. Nous devons disposer de telle quantité de personnel, de tel type d'équipement, etc. C'est interchangeable, et c'est ce qui se passe en Europe à l'heure actuelle. Nos partenaires européens au sein de l'OTAN se spécialisent. J'ai déjà évoqué le sujet à plusieurs reprises. Certains pays nous disent qu'ils vont supprimer telle ou telle partie de leurs forces et faire appel à leurs voisins pour compenser. En échange, ils exécuteront d'autres tâches pour le compte de leurs voisins. La défense contre les missiles de théâtre fait l'objet de ce genre de marché. Les Pays-Bas, par exemple, vont construire cinq frégates—l'une est en cours de construction—qui seront strictement affectées dans ce but, une frégate sortant chaque année des chantiers.

• 1655

J'aimerais en fait savoir ce que vous pensez de la possibilité pour le Canada de revoir ses engagements vis-à-vis de l'OTAN et de se spécialiser davantage dans des domaines où il serait mieux placé que d'autres.

M. David Rudd: Je ne veux pas faire ici un exercice d'école, mais les quelques poils que j'ai dans le dos se hérissent lorsque j'entends quelqu'un nous dire que nous devons faire ce que nous faisons le mieux, que nous devons nous limiter à ce qui constitue notre spécialité. Mesdames et messieurs, chaque fois que l'on fait ce genre de déclaration, on laisse entendre que nous faisons mal notre travail. Ce n'est pas le cas. Il y a des gens qui disent que le Canada a les meilleures troupes de maintien de la paix et que c'est ce que nous faisons le mieux. Eh bien, nous avons aussi démontré tout au long de notre histoire que nous avions une excellente infanterie de combat et j'ai bien du mal à comprendre pourquoi les Canadiens cherchent à prétendre le contraire.

J'aime votre proposition. Là encore, le budget pourrait nous pousser à le faire. Qui allons-nous consulter, cependant, lorsque nous allons décider de nous spécialiser? Si effectivement nous nous spécialisons, nos partenaires vont s'attendre à ce que nous mettions cette spécialisation à leur disposition lorsqu'ils en auront besoin. Si nous nous spécialisons dans le ravitaillement stratégique en plein vol pour le compte des F-16 de nos partenaires de l'OTAN, le gouvernement du Canada aura bien du mal à refuser de participer à une deuxième guerre du Kosovo ou du Golfe. C'est donc un choix délicat. Toutefois, la question de principe que je vous pose alors est de savoir qui nous allons consulter. Qui allons-nous remplacer? Je n'ai pas la réponse à ces questions.

M. David Price: Nous n'avons pas non plus de réponse bien arrêtée, mais il est indéniable que nous sommes de toute façon en train de revoir à l'heure actuelle l'ensemble de nos engagements vis-à-vis de l'OTAN. Il y a des secteurs dans lesquels notre pays affirme ne pas pouvoir tenir ses engagements tout en acceptant de compenser dans un autre domaine. Des lacunes apparaissent de toutes parts. Je vous avoue que nous n'en sommes pas encore au stade où nous pouvons prendre ce genre de décision, mais il y a une chose qui est bien claire: quelle que soit la décision que nous prendrons, elle sera liée à celles que prendront les États-Unis car ils sont trop proches de nous et parce que nos engagements devront être coordonnés avec les leurs. Êtes-vous d'accord sur ce point?

M. David Rudd: Oui, et compte tenu de nos engagements contractuels vis-à-vis de NORAD, par exemple, à moins que nous soyons disposés à nous débarrasser de NORAD—et après les événements du 11 septembre, je ne pense pas que ce soit le cas—nous allons conserver des chasseurs pendant un bon bout de temps.

Voilà ma proposition. Quelle que soit la situation internationale, le Canada et les États-Unis vont devoir relever le défi du transport stratégique. Nos partenaires européens sont déjà en première ligne. Ils l'étaient pendant la guerre froide. Le Kosovo et la Macédoine sont à leur porte. Le transport stratégique est une option en ce qui les concerne. Ce n'est pas une option pour nous étant donné notre situation géographique. C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles il nous faut bien y penser avant d'investir dans ce domaine. Cette capacité s'apparente au platine; c'est encore mieux que l'or. Je crains toutefois qu'il nous faille abandonner si nous essayons de l'acquérir avec un budget fixe, un budget non extensif.

Le président: Merci, monsieur Price.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Monsieur Rudd, que pensez-vous de la théorie de Samuel Huntington, qui nous dit que les conflits actuels proviennent du choc des cultures et non pas des pays? Nous avons déjà été pris complètement de court parce que nous raisonnons au niveau des pays et non pas des cultures. En conséquence, allons-nous revoir complètement notre politique de sécurité nationale?

• 1700

M. David Rudd: Je pense que c'est une hypothèse très raisonnable. Vous savez que certains ont cherché à caractériser le conflit qui a cours en Afghanistan comme étant un choc entre l'Ouest et l'Islam. Il n'est peut-être pas nécessaire de savoir si c'est juste ou non. Le simple fait que l'on perçoive la chose ainsi nous oblige à penser différemment. Pour vous montrer que je n'hésiterai pas à ravaler mes paroles, s'il le faut, cette simple réalité justifie que votre comité ait recommandé une certaine révision de notre politique étrangère. Autrement dit, il ne s'agit pas simplement de savoir quelles sont les causes du conflit mais de se demander comment il va s'étendre. Il ne s'étend pas en fonction des frontières nationales, par exemple, comme ce fut le cas lors de la Deuxième Guerre mondiale. Vous voyez différentes communautés qui s'agglomèrent, et je considère donc qu'il nous faut effectivement penser en ces termes.

Mme Elsie Wayne: Lorsqu'on examine précisément ce qui s'est passé, on peut voir que les services de sécurité et de renseignements fédéraux en viennent maintenant à une politique qualifiée de communautaire pour lutter contre les nouvelles menaces posées par le terrorisme. Un bureau n'ayant que de faibles effectifs au sein du Conseil privé—son personnel est très réduit et il est actuellement débordé—se charge de réagir aux événements quotidiens imprévisibles qui caractérisent la guerre actuelle contre le terrorisme. Que peut faire vraiment un service aussi peu structuré dans une période aussi difficile que la nôtre? Que faire? Il va nous falloir faire quelque chose.

M. David Rudd: Vous nous renvoyez à la taille de l'administration en nous disant qu'en raison de sa petite taille, ce service ne peut rien faire.

Mme Elsie Wayne: C'est bien ça.

M. David Rudd: Lors du colloque qu'il va organiser à Toronto le 6 décembre et qui s'intitulera «Une forteresse en Amérique du Nord? Ce que signifie la notion de 'périmètre de sécurité' pour le Canada» l'Institut canadien des études stratégiques va se pencher, entre autres, sur l'utilité ou la nécessité de créer un «bureau de la sécurité de l'intérieur» ou un superministère chapeautant les différents organismes de sécurité—police, renseignements, forces armées—et coordonnant leurs efforts. Autrement dit, une véritable réforme administrative devra avoir lieu.

Mme Elsie Wayne: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier: Merci. Puisque j'ai entendu notre invité nous dire qu'il n'avait pas peur de ravaler ses paroles, je vais lui demander de faire des spéculations au sujet de la situation actuelle.

Il n'y a pas longtemps que je siège au sein de ce comité, et mes questions manqueront probablement de profondeur. Je pense toutefois que ce n'est pas le tout de prendre part à la guerre en Afghanistan. On peut lire dans les journaux que cette guerre est pratiquement terminée en Afghanistan et que nous avons fait à peu près tout ce que nous avions à faire. On nous dit maintenant dans les journaux que notre prochaine cible pourrait être l'Iraq ou la Somalie. Pensez-vous que nous nous contentions de suivre pour le simple plaisir de suivre?

M. David Rudd: Non, nous ne suivons pas pour le simple plaisir de suivre. Si quelqu'un va en enfer, il ne s'agit pas de le suivre par simple amitié.

Il nous faut bien préciser une ou deux choses ici. Tout d'abord, le Canada s'est engagé dans une lutte contre le terrorisme axée sur l'Afghanistan. Il a fallu d'abord mener une guerre conventionnelle contre les protecteurs d'Oussama ben Laden en vue de détruire l'infrastructure sur laquelle il s'appuie pour mener ses opérations. Les Canadiens ont appuyé de manière générale cette action. Il nous faudrait, je pense, une autre atrocité comme celle que nous avons vue pour que nous fassions la même chose—autrement dit, pour que nous menions une autre guerre conventionnelle à des fins de lutte contre le terrorisme—et pour que nous entreprenions effectivement le même genre de campagne contre la Somalie ou l'Iraq. Les Américains ont peut-être ces pays dans leur ligne de mire, mais cela ne signifie pas nécessairement que nous allons les suivre.

• 1705

Enfin, n'oubliez pas que lorsque nous disons que nous allons nous occuper des autres pays qui figurent sur la liste, il ne s'ensuit pas nécessairement que nous allons faire appel aux forces armées ou que nous allons reprendre les frappes aériennes. Cela signifie par contre que des mesures de lutte contre le terrorisme qui relèvent avant tout, je vous le répète, des renseignements, de la police et des finances—c'est l'argent qui mène le monde!—vont être prises contre ces pays. Il ne s'ensuit pas nécessairement que l'on mènera par la suite une guerre conventionnelle.

Mme Colleen Beaumier: Il n'en reste pas moins que les États-Unis n'ont jamais vraiment cessé de bombarder l'Iraq et que trois pays seulement continuent à penser que l'on doit maintenir les sanctions humanitaires parallèlement aux sanctions militaires, à savoir la Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis.

M. David Rudd: Et le Koweit.

Mme Colleen Beaumier: Disons que le Koweit commerce avec l'Iraq. Il joue un double jeu. Je ne prends peut-être pas suffisamment de précautions en disant ceci, mais tout montre que pour les autres pays les relations avec l'Iraq ont repris leur cours normal.

Si les États-Unis décident de la prochaine attaque dans cette guerre contre le terrorisme, ou s'ils ont des responsabilités qui... on nous dit que Ben Laden n'est plus en Afghanistan. Quelles sont les preuves dont nous avons besoin avant de les suivre et de continuer à bombarder l'Iraq?

M. David Rudd: En ce qui concerne tout d'abord le bombardement de l'Iraq, madame, je pense que le bombardement a des effets négatifs. Si j'avais été en mesure de le faire, j'aurais appuyé la résolution britannique, que les États-Unis avaient paradoxalement coparrainé en juin. Selon cette résolution, on aurait levé la plupart des sanctions imposées à l'Iraq tout en conservant les sanctions militaires. Je considère toutefois que la question des sanctions est quelque peu différente de la lutte contre le terrorisme. On ne parle pas ici de la même chose.

Toutefois, votre question était bien précise. De quelle quantité d'information, quels sont les renseignements ou les preuves dont nous avons besoin avant d'entreprendre quelque chose? N'oubliez pas que même si on peut logiquement penser que les États-Unis peuvent agir unilatéralement, ils se sont beaucoup préoccupés de l'opinion internationale. Ils font extrêmement attention aux pertes civiles. C'est pourquoi j'estime que sur la seule foi de renseignements, même aux yeux de Washington, même du point de vue de Washington, on ne pourra pas justifier l'extension de la guerre conventionnelle à l'Iraq. Je dirais qu'il faudrait une autre atrocité commise aux États-Unis et il faudra encore que l'on puisse faire le lien entre les deux.

Le président: Merci, madame Beaumier et monsieur Rudd.

Madame Gallant.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Si l'on obtient précisément ce que l'on demande dans le rapport provisoire, soit un budget de la défense sans changement, l'une des options préconisées par votre rapport est la suivante: «redéfinir le rôle de l'armée canadienne pour qu'elle devienne une force d'infanterie légère et stratégiquement mobile», etc., etc. Pourriez-vous établir une comparaison entre ce que serait notre armée selon cette proposition et ce qu'elle est actuellement?

M. David Rudd: Bien sûr. Dans cette situation fictive, l'armée que je propose aurait probablement plus d'effectifs qu'à l'heure actuelle. Les ressources qui auraient été affectées, par exemple, au remplacement du char d'assaut Léopard, des obusiers automoteurs M-109 et de différents équipements annexes pourraient être affectées ailleurs. Elles pourraient être utilisées de manière à garantir que les bataillons d'infanterie disposent finalement de tous leurs effectifs, parce que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Je ne veux pas dire par là qu'il faut que notre armée se batte à mains nues. Il lui serait possible, par contre, de s'engager dans toutes sortes d'opérations, depuis le maintien de la paix jusqu'aux fonctions de combat. Lorsqu'elle est au combat, cependant, une armée qui ne dispose pas de blindés et d'une artillerie d'appui ne sera vraiment utile que dans certains types de terrains. Elle n'aura aucune utilité sur un terrain plat, dans le désert, par exemple, parce qu'elle ne peut pas se mettre naturellement à couvert. Elle aura son utilité, par exemple, dans les montagnes du Kosovo ou de l'Afghanistan et dans la brousse du Sierra Leone pour aller chercher les guérilleros du RUF, qui tuent les gens à coup de machette. Ce serait une organisation qui conserverait une grande importance stratégique.

• 1710

Ce que je propose...

Mme Cheryl Gallant: Proposez-vous quelque chose sur le modèle des Mountain Rangers?

M. David Rudd: Les Mountain Rangers? Je connais mal cette organisation.

Mme Cheryl Gallant: Ceux des États-Unis.

M. David Rudd: Les bataillons de montagne des États-Unis sont un service spécial qui exécute des tâches bien précises.

Mme Cheryl Gallant: Est-ce que vous nous dites que nous devrions...

M. David Rudd: Non madame, je ne parle pas ici d'une grosse force d'intervention spéciale. Il s'agira d'une armée classique.

Je propose que puisque nous n'avons pas les moyens financiers de remplacer un équipement très complexe, nous gardions cet argent. Je ne veux pas qu'il se perde dans d'autres programmes. L'argent que vous aviez l'intention de consacrer au remplacement de cet équipement sera affecté à l'augmentation des effectifs et à du matériel essentiel comme l'achat de nouvelles jeeps ou d'armes de poing qui ne s'enrayent pas au bout de dix coups—et croyez-moi, je connais la question. Nous pourrions réaffecter ces ressources en redonnant à notre nouvelle armée modèle, l'essentiel dont elle ne dispose pas à l'heure actuelle. Une fois cela fait, notre nouvelle armée resterait d'une grande utilité pour toute une gamme d'opérations. Nous n'y perdrions pas.

Mme Cheryl Gallant: Le ministre a proposé entre autres d'augmenter les effectifs actuels de la Force opérationnelle interarmées 2 pour les porter éventuellement à 1 000 personnes. Qu'en pensez-vous?

M. David Rudd: J'y suis bien entendu favorable.

Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois comprendre que la Force opérationnelle interarmées 2 est actuellement avant tout une organisation d'intervention en cas de prise d'otage à laquelle on n'a confié que récemment des tâches militaires conventionnelles sur le terrain. Je sais qu'elle a été déployée, par exemple, au Kosovo, pour faire de la reconnaissance stratégique et servir de contrôleur aérien avancé dirigeant les avions sur les cibles au sol. C'est ce que font les forces spéciales des États-Unis à l'heure actuelle.

J'aimerais que l'on triple la taille de la Force opérationnelle interarmées 2, pour qu'une partie d'entre elle se consacre à des opérations classiques de récupération des otages, que ce soit dans un bâtiment, un aéronef ou autre part—le reste se chargeant d'opérations sur le terrain que nous associons à d'autres formations d'élite des alliés telles que le Special Air Service britannique ou la Force Delta des États-Unis.

Donc, effectivement, je serais certainement en faveur d'une expansion de cette unité, qui me paraît extrêmement utile, mais je ne pense pas que nous en ayons véritablement pour notre argent.

Le président: Merci, madame Gallant.

Monsieur Price.

M. David Price: Je vais poursuivre quelque peu dans cette même veine.

Dans la plupart de vos scénarios, vous nous parlez principalement des forces terrestres. Revenons ici à l'essentiel. On nous dit que nous ne pouvons pas nous conformer au Livre blanc. Nous sommes ici dans un autre scénario, compte tenu de ce que vous nous avez présenté.

Le Canada est un pays très étendu. Nous avons une énorme quantité de côtes et nous avons donc besoin de notre marine. Je ne crois pas qu'on puisse faire autrement. Nous avons besoin d'avoir quelque chose dans ce domaine. Nous avons aussi un énorme espace aérien et il nous faut donc une armée de l'air.

Dans vos scénarios, vous avez évoqué des compressions dans certains domaines, mais pas dans ceux-là. Avez-vous le sentiment que cela nous permettrait de les garder intacts ou est-ce qu'il faudrait encore les renforcer? J'en reviens alors à ce que je vous disais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il faut nous renforcer encore plus dans ces domaines pour pouvoir assumer nos engagements.

M. David Rudd: Dans l'option 3 au sujet de nos forces armées, je crois que vous avez fait allusion à une «restructuration» de notre force aérienne et de notre marine.

• 1715

N'oubliez pas non plus que si le budget ne progresse pas, il nous faudra éventuellement reconsidérer nos investissements, et je pense qu'il est raisonnable que nous accordions davantage d'intérêt à notre force terrestre. S'il nous faut pour cela prélever des ressources sur les autres armes, je pense que nous pouvons le faire sans remettre en cause nos obligations en vertu des traités.

Pour répondre à la deuxième question posée par M. Anders, qui veut savoir quelle doit être la taille de notre force aérienne et de combien d'avions de combat nous avons besoin à la suite des événements du 11 septembre, je dirais que nous aurons besoin de plus d'avions qu'avant. Quatre-vingt avions de combat, ce ne seraient pas un mauvais chiffre, mais nous pourrions probablement nous débrouiller avec soixante. Nous disposerions ainsi, non seulement d'un escadron de formation, mais aussi de deux escadrons affectés à la défense du territoire et d'un escadron en mesure d'être expédié sur un autre théâtre d'opérations. Les ressources en personnel et en finances ainsi libérées pourraient être affectées, peut-on penser, au transport stratégique.

En ce qui a trait à la marine, je comprends qu'elle souhaite rester en mesure de déployer un groupe d'intervention, en l'occurrence, une formation composée de trois ou quatre navires sous commandement canadien. Je comprends très bien la chose. C'est comme lorsqu'on réussit à déployer une brigade. Lorsqu'on passe en dessous de ce niveau, on se perd dans les considérations politiques.

Je pense que l'on pourrait recourir à cette solution et probablement nous débarrasser en toute sécurité des quatre navires de la défense aérienne. Le matériel de contrôle et de commandement des quatre navires de la défense aérienne pourrait probablement être installé sur les frégates, et les économies d'argent et de personnel obtenues en conséquence pourraient permettre de lancer le programme de remplacement des navires logistiques.

Il est possible que je me lance quelque peu en préconisant une diminution de nos capacités dans ces deux armes. Ma proposition vient du fait—et je pense que c'est un fait—que les Canadiens se demandent eux-mêmes pour quelle raison le Canada dépense de l'argent en matière de défense et qu'est-ce que ça leur rapporte. Disons que dans ce cas les familles et les foyers ne se sentent pas concernés. Ces dernières années, ce sont en fait les forces terrestres qui sont venues à leur rescousse, lors des inondations et dans d'autres circonstances. Nous avons aussi tiré un grand parti de nos forces terrestres à l'étranger—et cela sans vouloir nier la contribution des deux autres armes, puisque l'on peut soutenir que c'est là que se trouvent à l'heure actuelle nos capacités de combat.

Là encore, si vous êtes prêts à adopter une démarche conjointe, nous pourrions racler un peu plus les fonds de tiroirs de la force aérienne et de la marine pour trouver de l'argent pour la force terrestre, qui en a désespérément besoin. Toutefois, si le prochain budget est axé sur la défense, comme le préconise Mme Wayne, il ne sera alors pas utile de le faire.

M. David Price: Je vous remercie.

Le président: Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: J'ai une dernière question à poser, monsieur le président.

Lorsqu'on enrôle des jeunes dans la formation des cadets, ils passent généralement dans les forces de réserves et certains finissent par entrer dans l'armée. Ne croyez-vous pas qu'il est important qu'au niveau de toutes les collectivités du pays, nous continuions à faire augmenter nos effectifs, en commençant par les cadets et les réserves, pour terminer par l'armée, parce qu'il y a là une certaine qualité de vie? Vous en avez fait partie. Vous savez que la formation est formidable. Je vois nombre de jeunes qui se sentent perdus au sein de la collectivité. Si nous pouvions les faire venir et faire en sorte que davantage de gens s'impliquent, en commençant par les cadets, nous pourrions transformer la vie de beaucoup d'entre eux. Ce serait effectivement possible.

Je ne sais pas si on l'a fait dans toutes les localités, monsieur le président, mais le ministère des Anciens combattants a organisé une cérémonie aux chandelles à Saint-Jean, la veille du 11 novembre. Nous avons fait venir les cadets. Trois cent cinquante cadets de la région sont venus. Nous les avons fait venir dans le Théâtre Imperial, qui se situe tout près de King's Square, et un colonel est venu leur parler. Les questions posées par ces jeunes au sujet de la situation en Afghanistan étaient particulièrement émouvantes, il faut bien le dire. Je pense donc que c'est très important et j'aimerais que vous nous disiez ce que nous devons faire, à votre avis, au sujet de notre jeunesse.

• 1720

M. David Rudd: En ma qualité d'ancien cadet et de maître de deuxième classe, je peux attester de la valeur du mouvement des cadets. J'ajouterai aussi que l'importance des cadets et des forces de réserve dans nos régions urbaines—celles où se concentre la population canadienne—est fondamentale pour l'avenir de nos forces armées.

J'ai bien apprécié votre observation au sujet des jeunes qui se sentent perdus. L'organisation des cadets offre une certaine structure et un point d'ancrage, tout en contribuant par ailleurs—et je n'insisterai jamais trop sur ce point, mesdames et messieurs, à former des leaders. Là encore, si je devais choisir entre le matériel et le maintien des effectifs, je choisirais les effectifs, non seulement parce que c'est du personnel dont nous avons besoin pour effectuer nos missions actuelles, mais aussi parce qu'il nous faut former de bons leaders au sein des forces armées et une fois que nos militaires les quittent après avoir fait leur temps. Ce seront ensuite des dirigeants d'entreprise, des fonctionnaires et tout simplement des leaders au sein de la collectivité. Le mouvement des cadets et un moyen de renforcer le civisme dans un pays où on n'en a pas souvent l'occasion.

Mme Elsie Wayne: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Je poursuis un peu dans la même veine que ce que nous disions tout à l'heure, notamment en ce qui a trait à la marine, lorsque vous préconisiez l'élimination d'une partie de notre équipement. Au cas où nous le ferions, il nous faudrait quand même mettre en chantier des équipements nouveaux.

M. David Rudd: Oui, bien sûr.

M. David Price: Ne devrions-nous pas envisager dans un tel cas l'adoption d'un équipement de transbordement roulier, comme celui que viennent de mettre en place les Pays-Bas dans leur centre de commandement et de contrôle? Par ailleurs, nous avons avant tout besoin de nos trois navires d'approvisionnement. C'est un équipement multifonctionnel.

M. David Rudd: Je ne préconise pas les compressions pour le plaisir. Si je le fais, c'est uniquement parce que je considère que les ressources doivent être réaffectées à d'autres tâches.

En ce qui concerne la marine, je considère qu'il est possible—que ce soit ou non souhaitable, je laisserai à d'autres le soin d'en juger—de transférer ces ressources en personnel—les marins et les crédits assurant le fonctionnement et l'entretien de ces quatre navires de la défense aérienne—à la construction d'un équipement de transport stratégique. En second lieu, nous pourrons probablement reconvertir quelques-uns de ces marins pour équiper les douze frégates que nous aurons encore. Cela nous permettra de continuer à assumer nos engagements en vertu des traités. Je ne me contente pas, toutefois, de préconiser de simples compressions. Ce sont des compressions visant à dégager des ressources qui peuvent être réinvesties.

Si vous me permettez d'ajouter une précision, je suis réellement désolé de voir que notre pays n'arrive justement pas à le faire. Les gouvernements qui se sont succédé, là encore, quelle que soit leur obédience politique, n'ont pas pu résister à la tentation de mettre dans leur poche l'argent dégagé par les compressions. J'espère que cette pratique va cesser, surtout maintenant, parce que ce n'est pas à porter au crédit de notre pays.

M. David Price: Parlons des Sea King, du projet de remplacement original, de la mission qu'il se proposait de mener et de sa conception. Il s'agissait essentiellement de faire des reconnaissances en dessous de la surface des eaux. Cette partie de la mission était la plus onéreuse. Est-ce que l'on en a toujours besoin aujourd'hui pour l'équipement que nous avons commandé afin de remplacer les Sea King, où est-ce que nous devrions procéder de manière plus modulaire afin de pouvoir passer d'une unité à l'autre? Est-ce que vous voyez ce que je veux dire?

M. David Rudd: Oui, je vois exactement ce que vous voulez dire, mais je pense qu'il faut une connaissance que je ne suis pas sûr d'avoir. Je dirai cependant, que...

M. David Price: Contentez-vous d'évoquer la dimension stratégique, en ce qui a trait au rôle général des appareils de remplacement.

• 1725

M. David Rudd: Il faut que les appareils de remplacement puissent conserver une certaine capacité de reconnaissance en dessous comme en dessus de la surface des eaux. Il faut aussi qu'ils aient une puissance de réserve et de transport suffisante pour servir de transport de troupes ou de matériel afin d'apporter un soutien logistique à nos troupes au sol.

M. David Price: Autrement dit, il faut que ce soit des appareils à fonctions multiples.

M. David Rudd: Des fonctions multiples, effectivement.

M. David Price: Peut-on dire, par conséquent, que la meilleure façon de procéder serait probablement d'adopter un système modulaire étant donné que cela leur conférerait de multiples fonctions?

M. David Rudd: C'est concevable. Si par un système «modulaire» vous voulez parler d'une formule permettant de retirer l'appareillage électronique à l'arrière pour faire de la place aux marchandises devant être transportées, effectivement, je pense que ce serait une excellente idée. Quant à savoir si l'industrie peut répondre en fait à ce genre de besoin, j'en n'ai aucune idée.

Contrairement à nos alliés américains, il nous faut acheter un hélicoptère polyvalent alors qu'ils peuvent se payer dix hélicoptères différents affectés à dix tâches différentes. Si l'industrie peut répondre à ces exigences, qui sont non seulement les nôtres, mais aussi celles de nombreux pays qui pensent comme nous, j'espère que l'on pourra parvenir à un résultat sur ce point. Sinon, l'industrie ne fait pas son travail.

M. David Price: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le président: Il vous reste 45 secondes.

M. David Price: Que pensez-vous de la compatibilité des moyens d'intervention des pays du Pacte de Varsovie qui s'efforcent d'entrer à l'OTAN? Est-ce que leur équipement va être compatible avec celui de l'OTAN? C'est une vaste question.

M. David Rudd: Oui, c'est une vaste question.

Je pense que le gros problème ici est politique et non pas militaire. Pour des raisons très légitimes, on n'invite les pays à participer à l'OTAN qu'une fois qu'ils ont rempli certains critères de performance. Ces critères sont politiques, tels que le règlement de tous les conflits résiduels en matière de frontières, un contrôle fermement établi du pouvoir civil sur le pouvoir militaire et une forme de gouvernement constitutionnel, de type libéral et démocratique. Une fois que ces conditions sont remplies, on peut alors parler du matériel.

Le grand problème de compatibilité n'a rien à voir avec l'équipement. Il a tout à voir avec la capacité à parler anglais.

Le président: Merci, monsieur Rudd.

Monsieur Anders, vous en êtes maintenant réduit à des interventions de trois minutes.

M. Rob Anders: Je savais que vous alliez me redonner la parole, monsieur le président.

J'aimerais enchaîner sur la troisième question parce que je crois que M. Rudd a mentionné notre armée de l'air. Il a parlé d'avoir 80 chasseurs de combat, ce qui me paraît un bon chiffre. Deux escadrons, ça me paraît logique. Il pourrait éventuellement revenir sur la deuxième question en nous donnant simplement un chiffre approximatif de nos besoins ou de ce qu'il faudrait avoir pour bien accomplir notre mission. Cela faisait partie de ma deuxième question.

Ma troisième question portait sur les effectifs précis de nos troupes. Étant donné qu'il a connu les cadets et bien d'autres organisations encore, il pourrait peut-être nous donner des chiffres, non seulement en ce qui concerne la force régulière, mais aussi les réserves.

M. David Price: Je pense qu'objectivement il n'y a pas de bon chiffre pour nos effectifs. Notre problème, c'est qu'il semble que nous émettions des chèques que l'on ne peut pas encaisser. Les effectifs de nos troupes ne sont pas suffisants pour que nous puissions remplir toutes les missions nous que nous voulons entreprendre. Si nous revenions, par exemple, à des effectifs de 60 000 ou 65 000 personnes, cela ne résoudrait pas nécessairement tous les problèmes. Comme vous le savez, nous pourrions être tentés de continuer à émettre des chèques qu'il est impossible d'encaisser.

L'important, c'est que nos paroles soient conformes à nos ressources et que les engagements que nous prenons librement puissent effectivement être menés à bien. La première réponse, ce n'est donc pas nécessairement qu'il faut davantage de troupes, c'est qu'il faut que le gouvernement actuel et que tous les gouvernements à l'avenir reconnaissent qu'il y a une ligne qu'on ne peut pas franchir.

J'aimerais vous donner un chiffre, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, si on nous donne davantage d'argent, allons à l'essentiel. Si nous obtenons davantage de crédits, revenons tout simplement à des effectifs de 60 000 personnes et nous verrons ensuite.

M. Rob Anders: Monsieur Rudd, je vous comprends bien lorsque vous nous dites qu'il y a une ligne qu'il ne faut pas franchir. Il faudrait peut-être prévoir une indexation en fonction de l'inflation ou quelque chose de cet ordre. Je crois savoir que ces effectifs étaient de 78 000 personnes à un moment donné. Certains parlent de 75 000 personnes. J'aimerais bien que ce soit 100 000. Pourquoi ne pas lier la chose au PNB, par exemple? D'autres pays de l'OTAN, par exemple, contribuent bien davantage à leurs forces armées que nous.

• 1730

M. David Rudd: Je ne suis pas sûr que ça nous serait d'une grande utilité. Là encore, il n'y a pas de niveau objectif de dépenses en matière de défense au Canada ou de niveau objectif des effectifs de nos troupes. Par «objectif», je ne parle pas d'un but, mais d'un niveau convenant à tout le monde. Le mécontentement ne vient pas du fait que nous dépensons très peu en pourcentage du PNB. La majeure partie de la population pense que c'est à peu près le bon chiffre. Le mécontentement provient, et doit provenir, du fait que nos ambitions dépassent nos ressources.

Je propose par conséquent que nous nous accommodions tout simplement de la pénurie. Après cela, nous verrons ce que nous ferons. Je le dis en sachant que si ces pénuries venaient tout simplement à se résorber, nos ambitions pourraient bien augmenter en conséquence et nous nous retrouverions dans la même situation.

Excusez-moi, Rob, je ne cherche pas à éluder la question en évitant de vous donner des chiffres. Je ne crois pas qu'on puisse donner des chiffres si l'on excepte ceux qui ont été fournis par le vérificateur général.

Le président: Monsieur Anders, je vous remercie.

Monsieur Rudd, je tiens à vous remercier, au nom de tout le comité, d'être venu aujourd'hui. Nous avons démarré un peu lentement, et je vous prie de m'en excuser, mais je pense que nous avons bien réussi à échanger nos points de vue. Nous ne manquerons pas de tenir compte de vos observations lors de la rédaction de notre rapport définitif.

M. David Rudd: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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