NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 27 novembre 2001
Le vice-président (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)): La séance est ouverte.
Colonel, nous commencerons par nous excuser. Nous étions pris à la Chambre pour des votes. Malheureusement, cela empiète sur votre temps, mais nous essaierons de faire avancer les choses promptement et de vous poser des questions le plus concises possible. Vous remarquerez également que je vous donnerai peut-être un peu de temps pour essayer d'accélérer les choses.
Sur ce, pour ne pas en perdre plus, je vous remercie d'être des nôtres et je vous prie de commencer.
[Français]
Colonel (retraité) Brian S. MacDonald (président, Conseil atlantique du Canada): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'ai certes témoigné suffisamment de fois devant des comités de la Chambre et de l'autre endroit pour comprendre les rouages du Parlement et savoir que tout ne se passe pas toujours comme prévu.
Pour commencer, permettez-moi de vous remercier de m'avoir invité à participer à vos délibérations sur cette question particulière à laquelle je m'intéresse déjà depuis un certain temps et qui m'inquiète déjà depuis un certain temps. Étant donné que je vous ai fourni un exemplaire du document que j'ai préparé, je ne me propose pas de le lire. Je me propose plutôt d'insister sur un ou deux des points qui me semblent le mériter plus que les autres.
J'ai intitulé ce document particulier «L'extinction massive prévisible de l'état de préparation opérationnelle des Forces canadiennes en 2010-2015» simplement pour rappeler qu'à la suite d'événements historiques et de l'évolution de la procédure des marchés publics, les Forces canadiennes se retrouveront avec un très grand nombre de plates-formes importantes en fin de cycle pendant cette période. Dans cette perspective, il faut se demander quel budget sera suffisant pour remplacer les ressources qui arriveront pendant cette période à la fin de leur vie opérationnelle. Selon moi, le budget d'équipement prévu n'y suffira pas. En conséquence, les Forces canadiennes se retrouveront dans la situation déplaisante d'avoir à se débrouiller avec un budget tout simplement insuffisant pour répondre, au niveau de l'équipement, aux attentes de la politique énoncée par le gouvernement dans le Livre blanc de 1994.
J'estime opportun de faire une ou deux remarques d'ordre technique sur le problème fondamental de la dépréciation des capacités militaires, et de rappeler qu'à partir du moment où une plate-forme est livrée aux forces armées, deux effets de dépréciation se déroulent concurremment. Le premier, bien entendu, correspond à l'usure normale qui peut être compensée par le cycle normal d'entretien. Bien entendu, à un point dans le cycle de vie, les coûts d'entretien deviennent exponentiels et il s'agit alors de se demander s'il est plus rentable de remplacer la pièce d'équipement ou de continuer à l'entretenir.
• 1605
Mais c'est le deuxième domaine de dépréciation qui m'inquiète
le plus vivement et ce domaine, c'est celui de la dépréciation
technologique. Le processus est différent. C'est un processus
résultant du cycle technologique de plus en plus court et tout
particulièrement du cycle technologique dans l'économie civile. Ce
sont nos amis du Sud qui en sont les responsables puisque,
actuellement, ils investissent près de 50 p. 100 de la R-D mondiale
dans les technologies d'information et de communications. Dans le
domaine militaire, ils sont responsables des deux tiers environ de
la R-D.
Ce problème est d'une importance capitale car lorsqu'il s'agit de dépréciation technologique, il n'est plus question d'y réfléchir en termes absolus mais plutôt en termes relatifs. Une pièce d'équipement peut être utilisable, mais si elle n'est pas en prise avec les cycles de technologie de nos concurrents ou de nos alliés, elle devient alors obsolescente en termes relatifs, voire obsolète.
Ce processus n'est pas étranger à ceux qui s'intéressent à ces questions dans le monde civil. Le système de revenu national autorise l'amortissement accéléré. En fait, d'aucuns prétendent que l'amortissement accéléré n'est peut-être pas suffisant et réclament de facto un cycle technologique de cinq ans, au maximum, pour les ordinateurs et les équipements de ce genre.
Cela m'amène à mon autre point, à savoir le budget d'équipement des forces armées. J'ai examiné un certain nombre de ces aspects et afin de pouvoir faire des comparaisons fondées sur les séries chronologiques à l'échelle du pays, j'ai opté pour le paramètre du pourcentage de produit intérieur brut.
Juste avant la fin de la guerre froide, nous consacrions environ un tiers d'un pour cent du produit intérieur brut à la recapitalisation des forces armées. Selon les chiffres de l'OTAN, nous consacrons actuellement environ un dixième d'un pour cent à la recapitalisation, ce qui représente dans les faits une diminution de deux tiers. J'estime que ce taux est insuffisant pour recapitaliser les plates-formes existant actuellement. Si on voulait convertir cela en dollars, si nous recapitalisions au taux de 1990, il nous faudrait un budget d'équipement d'environ 3,5 milliards de dollars par an actuellement, par opposition au budget d'équipement d'environ 1,2 milliard de dollars. Il y a donc une vaste différence entre les fonds disponibles pour le remplacement et la modernisation des plates-formes et des technologies.
J'ajouterais que la division du budget de la défense en budget pour le personnel, le fonctionnement et l'entretien et un budget d'équipement m'inquiète un peu. Je me souviens que dans les années 70, le poste équipement est passé de 25 p. 100 du budget en 1959-1960, à 9 p. 100 en 1972-1973—la décennie de «remplacement» des Forces canadiennes, décennie dont elles ont mis longtemps à se remettre. Je crains que nous ne vivions une répétition de cette décennie, car quand je regarde l'évolution de la situation de ces dernières années, je constate quelque chose d'assez analogue. En 1987-1988, par exemple, nous consacrions 21 p. 100 du budget à l'équipement et au renouvellement de l'équipement. En 1999-2000, ce poste est descendu à 8,2 p. 100.
Il y a cependant une différence intéressante entre ces deux périodes. Pendant la première, il semble que nous avons donné la priorité aux ressources humaines aux dépens de l'équipement car les dépenses pour le personnel sont passées de 46 p. 100 à 67 p. 100. Fait étrange, pendant la période actuelle, la part des ressources humaines du budget connaît également un déclin et il semble que les postes à la fois pour l'équipement et le personnel sont à la traîne du poste consacré aux dépenses de fonctionnement et d'entretien. Je me demande parfois si, en l'occurrence, la diversification des modes de prestation de services n'a pas eu pour conséquence inattendue une réduction des postes budgétaires consacrés au renouvellement de l'équipement et à la qualification des ressources humaines au profit d'une augmentation des coûts de fonctionnement et d'entretien.
• 1610
Monsieur le président, étant donné que vous avez une copie de
mon texte, et étant donné que votre comité a toujours donné la
préférence au dialogue, je m'arrêterai là.
Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup, colonel. Nous vous en savons gré car c'est ainsi que nous aimons fonctionner. Nous aimons poser des questions.
Nous commencerons par M. Benoit pour sept minutes.
M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Colonel, merci pour cet exposé. Ces informations sont très intéressantes. J'aimerais faire un ou deux petits commentaires avant de vous poser des questions sur votre document.
Même dans votre document, vous mentionnez, entre autres, les hélicoptères Sea King. Je crois qu'ils avaient une durée utile anticipée de 1963 à 1995. Elle a été prolongée à 2000, et maintenant à 2010. Ce n'est pas avant cette date que les Sea King seront remplacés, s'ils le sont jamais. Les chiffres que vous avancez sont donc probablement très prudents, ce qui n'est guère réjouissant.
Les passages les plus intéressants dans votre document concernent le budget de la défense et vous y avez fait allusion pendant votre exposé oral. Il est certain que le poste équipement du budget a été réduit d'une manière encore plus spectaculaire que le budget global, et c'est très révélateur quand on considère ce qu'aurait pu devenir ce budget s'il avait été maintenu au niveau de 1990. Je crois que vous parlez d'un niveau pour 1990 de 2 p. 100 du PIB. À ce niveau, le budget aujourd'hui serait de 21 milliards de dollars par année, simplement en le maintenant au niveau où il était en termes réels, avec les ajustements nécessaires pour l'inflation. C'est un renseignement très intéressant car notre budget actuel est d'environ 11 milliards de dollars, c'est-à-dire à peine plus de la moitié de ce qu'il était en 1990 en dollars réels. C'est une diminution choquante.
Or, c'est le budget global. Quand on considère ce qu'on consacre à l'équipement, c'est tout simplement incroyable. Je suppose qu'il n'est pas surprenant compte tenu des réductions spectaculaires des sommes affectées à l'équipement.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets, choisir cinq pièces d'équipement ou de matériel qui, d'après vous, ont aujourd'hui le plus urgent besoin d'être remplacées? Quel budget, selon vous, faudrait-il prévoir année après année, disons, pendant dix ans? Quel matériel devrait être remplacé en priorité? Deuxièmement, quel niveau de budget faudrait-il envisager pour les Forces dans dix ans?
Col Brian MacDonald: Tout d'abord, à propos de votre référence à la date limite d'utilisation des Sea King, cette date n'est pas de moi. C'est une date tirée du rapport du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes. Dans une certaine mesure, c'est votre date et je ne fais que la répéter.
Pour ce qui est d'un budget approprié, si nous voulons pouvoir remplacer les principales plates-formes et les principales ressources que nous avons actuellement, il faudrait probablement une augmentation annuelle du budget d'équipement dans une fourchette de 1 à 1,2 milliard de dollars. En plus du budget prévu pour cette année.
M. Leon Benoit: Vous voulez dire qu'il faudrait augmenter le budget de base de ce montant chaque année?
Col Brian MacDonald: Augmenter le budget de base de l'équipement. C'est exact.
M. Leon Benoit: Très bien, c'est supérieur à tout ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Selon la Conférence des associations de la défense, il faudrait 1 à 1,2 milliard de dollars par an simplement pour arrêter l'hémorragie sans rien ajouter aux dépenses en équipement. Si vous proposez une augmentation du budget d'équipement de 1 milliard à 1,2 milliard par an, cela fait une augmentation de 2 milliards à 2,5 milliards du budget global au minimum, ce qui dépasse largement toutes les prévisions.
Col Brian MacDonald: Permettez-moi de vous donner un exemple de ce problème de croissance du coût de remplacement des plates-formes. Lorsque nous avons acheté les CF-18 en 1980, le coût moyen par unité était de 37 millions de dollars canadiens. Cela incluait le prix clés en main de l'avion plus des sommes supplémentaires pour les pièces détachées et toute une variété d'autres éléments de budget.
Le simple prix clés en main d'un avion de remplacement en 2000, d'après les prix que j'ai vus pour les F-18C/D—c'est-à-dire la génération suivante de ces appareils—s'établirait aux alentours de 75 millions de dollars canadiens par avion. Si nous décidions d'opter pour le F-18E/F, un avion plus gros, le prix clés en main serait de l'ordre de 126 millions de dollars canadiens. Si nous options pour le F-22, le prix clés en main semble tourner autour de 150 à 225 millions de dollars canadiens par avion. Et vous avez aussi le Joint Strike Fighter dont le prix clés en main, comme vous le savez, devrait tourner aux alentours de 30 millions de dollars US ou 45 millions de dollars canadiens.
Si vous prenez le Joint Strike Fighter, l'avion de combat et que vous le convertissez non pas en prix clés en main, mais en prix de projet global, vous pouvez probablement compter sur quelque chose comme 68 millions de dollars par avion. Compte tenu qu'une escadrille compte 16 avions, cela vous fait à peu près 1 milliard de dollars par escadrille. Vous multipliez cela par le nombre d'escadrilles de combat nécessaires, et il faut y ajouter le coût de la formation et de l'instruction. Vous pouvez voir facilement que le coût de ces plates-formes n'en finit pas tout simplement parce que la technologie coûte de plus en plus cher. Les avions d'aujourd'hui sont largement supérieurs sur le plan de l'efficacité et de l'utilisation opérationnelle, mais le coût de cette efficacité est proportionnellement supérieur.
M. Leon Benoit: Cela ne militerait-il pas même davantage en faveur du remplacement de l'hélicoptère maritime par, à tout le moins, la même cellule que celle de l'hélicoptère de recherche et de sauvetage? Les autres coûts que vous avez évoqués sont substantiels, c'est-à-dire les coûts qui ne sont pas directement compris dans le coût de l'aéronef comme tel, notamment les simulateurs de vol, l'instruction, la maintenance et la préparation des techniciens qui assurent l'entretien de ce nouveau type d'aéronef. Pourtant, on est clairement en train d'orienter le processus d'acquisition pour le remplacement du Sea King en faveur de l'Eurocopter.
Le vice-président (M. David Price): Vous avez déjà légèrement dépassé votre temps. Je donnerai une minute au colonel pour répondre.
Col Brian MacDonald: Je vous dirai simplement que quand on parle d'hélicoptère, on parle également de sa cellule et de toutes ses composantes. On peut réduire le coût du système en réduisant le nombre et la complexité des pièces qui le composent. Pour ce qui est de la communité, bien entendu, si on a un certain nombre d'hélicoptères utilisant la même cellule, on réalisera alors des économies sur l'achat des pièces de rechange, mais aussi sur l'instruction du personnel.
Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Plamondon, avez-vous des questions? Vous avez sept minutes.
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci, monsieur le président.
Je m'interroge sur toutes les dépenses que nous faisons au niveau militaire dans le sens suivant. Le Canada actuel est plus grand, en termes de territoire, que les États-Unis. Nous sommes au nombre de 30 millions et les Américains sont près de 300 millions. Il nous est donc impossible d'avoir la même force militaire que les États-Unis pour protéger notre territoire.
Donc, je me dis qu'il est important qu'on cesse d'être spécialisés dans tout, d'avoir une bonne armée de l'air, une bonne armée de terre, une bonne armée pour les missions internationales, et de dépenser un peu partout. Au fond, s'il arrivait un conflit, le Canada ne survivrait pas longtemps avec l'armée qu'il possède.
• 1620
Donc, l'avenir ne réside-t-il pas dans la
spécialisation, dans le sens suivant? On pourrait
conclure un traité de défense avec les États-Unis au
niveau aérien, alors que nous n'aurions qu'une armée de
terre, mais très compétente, et peut-être une armée
pour les missions internationales axée davantage sur
l'aspect médical. Dans n'importe quelle mission
demandée par l'ONU, le Canada serait spécialisé et
aurait un corps médical extrêmement compétent.
L'argent serait affecté à cela plutôt qu'à quelques
hélicoptères ou à quelques avions qui, en fait, ne sont
qu'une pinotte dans la défense internationale.
Lorsqu'on est allés à la Guerre du golfe, on n'avait presque rien. On a contribué quelques avions, quelques bateaux, quelques hélicoptères. N'aurait-on pas mieux fait de contribuer d'une seule manière, mais d'une manière très compétente? Au lieu d'augmenter le budget continuellement, ne serait-il pas temps qu'on le repense et qu'on se spécialise dans un domaine, dans le cadre d'un plan de l'OTAN?
[Traduction]
Col Brian MacDonald: Bien entendu, ce sont là des possibilités. S'agissant de la politique de défense, il est utile de considérer les options qui existent, puis de mesurer ces options en fonction de leur coût et, surtout, de leur incidence éventuelle sur, d'abord, notre politique étrangère et, ensuite, et c'est encore plus important, sur notre souveraineté.
Je serais très inquiet si nous devions prendre des arrangements avec les États-Unis en vertu desquels ceux-ci auraient juridiction sur les avions de chasse et sur les patrouilles effectuées en territoire canadien. Je garde à l'esprit cet adage qui veut que chaque pays ait une armée, soit la sienne ou celle d'un autre pays. Je préférerais que notre souveraineté soit l'apanage des Canadiens.
Si l'on veut s'écarter de cette position en faveur d'une politique étrangère élargie et considérer, par exemple, les éléments du Livre blanc de 1994, on peut alors envisager la question à la lumière de l'argument exprimé dans le Livre blanc relativement à la souveraineté ou, si vous voulez, à la défense du territoire—pour utiliser ce nouveau terme—et à la détermination à assurer, parallèlement à cela, la capacité expéditionnaire d'un groupe-brigade, de l'escadre, de l'escadron de transport et de la force opérationnelle navale. Si vous voulez réduire le budget de la défense au niveau le plus bas possible, peut-être devriez-vous considérer que la capacité expéditionnaire est quelque chose de souhaitable, mais qu'elle n'est pas nécessaire pour assurer une défense raisonnablement robuste du territoire.
[Français]
M. Louis Plamondon: Vous me parlez de souveraineté du territoire en termes de défense. Je vous dirai qu'avec l'armée qu'on a, ou même avec l'armée qu'on aurait avec l'argent que vous nous proposez d'investir, ce territoire est beaucoup trop grand pour être protégé. Au fond, on ne l'est pas et on vit avec un pays ami. Je viens du Québec et je sais que 75 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis. C'est presque autant dans le cas de l'Ontario. Donc, nous avons la même économie et peut-être aurons-nous bientôt le même dollar. On a exactement les mêmes intérêts. De qui faut-il se protéger?
Je ne demande pas aux États-Unis de venir faire notre protection aérienne. On peut avoir une certaine protection radar, un certain poste d'alerte, mais je voudrais qu'on arrête de dépenser un peu d'argent pour chaque chose et qu'on dépense mieux l'argent en l'affectant à une seule chose ou à deux choses qui serviraient beaucoup mieux l'ensemble des forces de l'OTAN ainsi que les militaires, puisqu'ils auraient l'argent nécessaire pour aller jusqu'à la perfection dans leur domaine.
Par exemple, si on décidait que notre grande force d'intervention au niveau des missions de paix doit être notre corps médical, nous formerions les meilleurs militaires en termes médicaux. Quand on penserait à notre pays, on penserait à notre corps médical. Quand on penserait à un autre pays, on penserait à son armée de terre. Quand on penserait à un autre pays, on penserait à autre chose.
• 1625
Nous sommes tous dans un grand ensemble, qui est
l'OTAN. Pourquoi chaque pays devrait-il avoir ses
F-18, ses bateaux de guerre, ses hélicoptères de
guerre? Non, il faudrait que chacun ait une
spécialité. À ce moment-là, il me semble qu'on serait
plus efficaces et plus utiles.
D'après moi, ce serait moins coûteux. Avec le phénomène de la mondialisation, c'est ce qu'on voit partout. On ne vend plus tous les meubles. On se spécialise dans une sorte de meubles qu'on fabrique. C'est comme ça dans le domaine des affaires et ça devrait être comme ça dans le domaine militaire. Il devrait y avoir des ententes internationales à l'OTAN, et chaque pays devrait se spécialiser. Cela nous coûterait beaucoup moins cher. Il faut bien voir qu'on dépense actuellement 10 ou 11 milliards de dollars pour la défense, alors qu'on dépense à peine un milliard de dollars pour aider les pays en voie de développement. Il me semble qu'il y a là de quoi s'interroger.
Le vice-président (M. David Price): Merci, monsieur Plamondon.
[Traduction]
Colonel, vous avez environ une minute pour répondre.
Col Brian MacDonald: Bien, monsieur le président, je répondrai très vite.
La complémentarité est une idée intéressante. Le hic, cependant, c'est que vous risquez de vous retrouver dans une situation où votre capacité d'exécuter une action dépend de la capacité complémentaire de votre partenaire. Vous devez donc être disposés à assumer les conséquences si les circonstances font que votre partenaire n'assure pas la capacité complémentaire comme prévu en raison d'un accident ou du fait d'une politique. Ce sont des questions délicates auxquelles il faut accorder une attention particulière avant de faire de la politique de complémentarité une politique nationale de facto au Canada.
Le vice-président (M. David Price): Je vous remercie.
Monsieur Peric, vous avez sept minutes.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Colonel, vous avez mentionné la dépréciation et vous avez dit que nous devrions acheter de l'équipement nouveau ou remplacer l'équipement existant tous les cinq ans. Vous connaissez probablement la position de l'OTAN concernant les nouveaux membres et les nouveaux États. D'après vous, quelle est la capacité du Canada par rapport à celle de ces États?
Col Brian MacDonald: C'est une question complexe, car il s'agit d'États de tailles considérablement différentes. À cela s'ajoute une autre difficulté: ces États doivent en effet apporter de l'équipement complémentaire à celui de l'OTAN. L'ennui, c'est qu'ils doivent remplacer l'équipement dépassé du Pacte de Varsovie. En toute honnêteté, il me serait très difficile de faire la comparaison.
M. Janko Peric: En d'autres mots, vous seriez probablement d'accord avec moi pour dire que nous avons beaucoup de longueurs d'avance sur eux, et nous sommes toujours membres de l'OTAN.
Col Brian MacDonald: Tout à fait. Il est intéressant de noter, toutefois, que l'on s'attend à ce que les nouveaux États membres de l'OTAN acceptent l'exigence d'avoir un budget de la défense qui frise les 2 p. 100 du PIB pour commencer justement à moderniser la technologie de leurs forces et, donc, satisfaire aux normes de l'OTAN. Dans une certaine mesure, ces États sont en train de renforcer leurs capacités pour répondre aux normes, tandis que nous, faute d'un budget d'immobilisations adéquat, sommes en train de régresser par rapport aux normes auxquelles nous satisfaisions.
M. Janko Peric: Vous conviendrez avec moi que le rôle de nos forces militaires est différent de celui des forces américaines et qu'il est impossible de leur faire concurrence. La défense militaire des États-Unis est énorme. Il nous est très difficile de vivre à côté de ce géant. Nos capacités et notre budget de défense sont presque nuls comparativement aux leurs. Comment pouvons-nous nous comparer à eux alors et jouer le même rôle?
Col Brian MacDonald: Je ne pense pas que nous ayons jamais tenté de jouer le même rôle que les États-Unis. Nous avons cherché à jouer des rôles différents. De toute évidence, nous avons placé nos Forces dans une structure qui fait qu'elles ont une moins grande capacité expéditionnaire que celle des forces américaines. Dans ce sens, je dirai qu'il est peut-être irréaliste d'insister pour que nous soyons tout ce que les forces américaines sont, d'autant plus que nos intérêts nationaux ne vont pas dans le même sens. Cela dit, quand on regarde la structure de l'alliance à laquelle nous appartenons, nous nous engageons à jouer un rôle significatif, même s'il n'est pas aussi grandiose que celui des États-Unis.
M. Janko Peric: Je vous remercie.
Le vice-président (M. David Price): Avez-vous terminé, monsieur Peric? Il vous reste encore quatre minutes. Voulez-vous les céder à quelqu'un d'autre? Qu'en dites-vous?
Très bien, Bryon, vous êtes le suivant sur ma liste.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Colonel, le Canada n'a jamais eu une grosse armée permanente. Toutefois, nous avons toujours réagi très efficacement, y compris durant la Grande Guerre, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre de Corée. Nous avons été en mesure de défendre notre souveraineté. J'allais suivre un peu le même cheminement que mon collègue d'en face, sauf que je ne suis pas prêt à céder notre souveraineté à quiconque.
Si j'ai bien compris votre propos, la thèse centrale que vous postulez est que bien que nous soyons plus aptes au combat aujourd'hui, nous ne sommes pas forcément préparés en prévision de l'avenir. Mais comment savoir ce qui se profile à l'horizon, étant donné que la nature même des interventions que nous devons faire en tant qu'État a radicalement changé depuis les événements du 11 septembre, et je pense aux types d'opérations que nous devrons mener, tant maintenant que dans un avenir prévisible, à tout le moins dans le cadre de la guerre internationale contre le terrorisme?
Serait-il raisonnable de présumer qu'une certaine forme de spécialisation... manifestement, nous devons nous pencher sur la question des forces terrestres, des forces aériennes et de la marine, notamment dans le cadre de notre rôle en tant que membre de l'OTAN et de NORAD. Serait-il judicieux de s'attaquer à ces trois fronts, mais en même temps de se spécialiser dans un champ en particulier pour devenir un élément efficace quand il faut intervenir dans une crise internationale?
Col Brian MacDonald: La spécialisation est une question délicate. Comme l'a signalé l'intervenant précédent, la spécialisation suppose un degré de complémentarité, qui suppose à son tour un long processus de négociation avec nos partenaires de l'alliance pour déterminer quelles capacités nous serions prêts à assumer et lesquelles d'autres sont prêts à assumer. Si nous devions opter pour cette orientation, nous insisterions vraisemblablement sur notre relation avec les Américains plutôt qu'avec les Européens, en partie parce que les événements du 11 septembre nous ont rappelé que la défense de l'Amérique du Nord est une priorité, ce que nous avons toujours reconnu dans nos arrangements avec les États-Unis, et c'est devenu plus important que jamais.
Dans cette optique, je pense qu'il serait peut-être indiqué que nous accordions une attention particulière à certaines des orientations que les forces américaines suivront à l'avenir. Au sein de l'armée américaine, on insiste notamment sur le concept d'équipes de combat des brigades intérimaires, qui ne reposent pas sur des forces légères mais sur des forces moyennes et qui utilisent les véhicules blindés légers canadiens VBL III comme véhicules intérimaires.
L'actuel secrétaire à la Défense et son entourage, notamment Andrew Marshall, mettent l'accent sur quelque chose d'intéressant. En effet, ils veulent révolutionner les affaires militaires et voient en cela le moyen à long terme de maintenir la supériorité américaine. Cela s'accompagnera peut-être aussi d'une redistribution des ressources entre les trois branches de l'armée et entre les différentes capacités des services. À titre d'exemple, Donald Rumsfeld semble penser que les bombardiers stratégiques sont désormais une option viable, bien que cela signale un changement de perspective intéressant par rapport aux années antérieures.
M. Bryon Wilfert: Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais faire une comparaison avec l'Australie.
Colonel, on a beaucoup parlé de l'Australie et on s'est demandé si nous ne devions pas suivre l'exemple de ce pays et tirer éventuellement des leçons des Australiens. Brièvement, qu'en pensez-vous?
Col Brian MacDonald: On peut tirer des leçons de pratiquement n'importe quelle force militaire dans la mesure où on peut voir ce que différentes forces font et ce qu'elles envisagent compte tenu de leurs perspectives stratégiques régionales, et on peut s'interroger sur la pertinence du modèle pour nous.
Le vice-président (M. David Price): Merci.
Monsieur Stoffer, vous avez la parole.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Colonel, merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je pense que je vous vois à la télévision autant que les présentateurs de nouvelles.
L'une des difficultés que j'entrevois à l'horizon au fur et à mesure que le prix des biens d'équipement augmentera, c'est que nous fabriquons très peu d'équipement militaire au Canada. Nous serons obligés d'utiliser notre dollar canadien, très faible pour acheter de l'équipement ou de la technologie militaire soit des Américains, soit des Européens ou d'un pays quelconque. Vous dites que vous avez constaté un déclin graduel à cet égard. Si notre dollar ne s'apprécie pas dans les années à venir, ce déclin ne fera que s'accélérer, n'est-ce pas?
Col Brian MacDonald: Dans la mesure où nous faisons nos achats à l'étranger, la réponse est manifestement oui.
En ce qui concerne notre politique d'achat en matière de défense, je pense qu'on a compris au fil des ans, depuis l'époque du Avro Arrow, que nous n'allions probablement pas réussir à commercialiser des plates-formes d'envergure. C'est pourquoi nous avons mis l'accent en matière de production de défense sur les arrangements de partage avec les Américains. En vertu de ces arrangements, nous nous sommes engagés à fabriquer les composantes qui entrent dans la production d'équipement. Cela devait garantir une sorte d'équilibre dans le flux des dollars entre le Canada et les États-Unis. Parallèlement à cela, nous orientions notre stratégie industrielle vers les composantes faisant appel à de la technologie de pointe de sorte que nous puissions tirer des avantages industriels, ce faisant.
Tout bien considéré, cette stratégie a raisonnablement bien fonctionné, mais je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la dépréciation du dollar canadien exercera une pression supplémentaire, à moins que nous puissions trouver une façon de redonner au dollar son pouvoir d'achat.
M. Peter Stoffer: En ce qui a trait à la spécialisation, c'est-à-dire la possibilité pour le Canada de consacrer ses ressources à des champs militaires en particulier, pensez-vous que l'OTAN est capable de tenir des discussions à ce sujet? Les États membres de l'OTAN pourraient-ils éventuellement dire que le Canada ferait ceci, la Hollande, cela, que la Grande-Bretagne fera quelque chose et ainsi de suite? L'OTAN est-elle capable de tenir de telles discussions?
Col Brian MacDonald: C'est un processus très complexe. À l'occasion de la conférence de l'Association du Traité de l'Atlantique qui s'est déroulée à Budapest l'année dernière, j'ai prononcé une communication dans laquelle j'explorais le partage de la production dans le domaine de la défense transatlantique. Dans ma communication, j'ai beaucoup insisté sur l'avance des Américains en matière de R-D, et j'ai dégagé une tendance très intéressante. À l'exception de la France, la plupart des États européens ont manifesté une préférence nette pour l'achat d'équipement américain par rapport à de l'équipement européen. La raison tenait simplement au fait que l'avance technologique et la production de série faisaient que l'équipement américain revenait moins cher à l'unité à tel point que le produit américain était de meilleure qualité et à plus bas prix. C'est un obstacle très intéressant à l'idée de la spécialisation en matière de production de défense. Cela pourrait être également un obstacle à l'idée de se spécialiser dans les capacités opérationnelles.
M. Peter Stoffer: Je vais vous parler d'une des préoccupations des gens des provinces de l'Atlantique. Je représente la BFC de Shearwater, que vous connaissez sûrement. L'autre jour, la société qui fabrique les Cormorant a publié une annonce dans le Hill Times disant qu'en fait... ils sont très inquiets de ce qu'ils ont appelé la «simplification» de la commande des nouveaux appareils de remplacement des Sea King. Je vous ai remis un document, mais je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais j'aimerais savoir si, à votre avis, on a baissé la barre pour les appareils qui remplaceront les Sea King pour des raisons politiques.
Col Brian MacDonald: Eh bien, faute d'avoir lu le document que mentionne cet article, je ne vois pas comment je pourrais tirer des conclusions à ce sujet.
Mais comme tous les membres des forces armées, je suis très déçu de la lenteur du remplacement des Sea King. Je suis d'accord avec le comité spécial mixte, nous étions supposés commencer à remplacer ces appareils en 1995. Nous avons largement dépassé cette date. Lorsque les Sea King seront enfin remplacés, nous en serons presqu'à une génération au-delà du moment où cette question aurait dû être réglée.
M. Peter Stoffer: Dans le temps qu'il me reste, pourriez-vous nous en dire davantage au sujet de ce que vous avez dit sur la diversification des modes de prestation de services? À votre avis, monsieur, de combien de soldats réguliers le Canada devrait-il disposer aujourd'hui et combien devrait-il avoir de réservistes?
Comme vous le savez, on a dit dans le Livre blanc qu'il faudrait 60 000 soldats réguliers et 30 000 réservistes à la fin de 1999. Nous sommes maintenant en 2001, bientôt en 2002, et nous sommes loin d'avoir atteint cet objectif. En fait, les chiffres qu'on nous fournit vont de 53 000 à 59 000, selon celui qu'on interroge, et le nombre des réservistes varie entre 18 000 et 24 000. On avait pourtant fixé un objectif pour la fin de 1999. À votre avis, compte tenu des événements qui se sont produits le 11 septembre, combien de soldats réguliers et de réservistes devrions-nous avoir pour répondre à nos besoins actuels?
Et parlez-nous également, s'il vous plaît, de la diversification des modes de prestation de services.
Col Brian MacDonald: Je vais d'abord répondre à la question au sujet de la diversification des modes de prestation de services. Prenons l'exemple du programme d'entraînement au pilotage qui a été octroyé à contrat à Bombardier. À mon avis, ce projet était un moyen de remplacer la flotte des appareils Tutor par des appareils BAE Hawk en transférant à l'entrepreneur une partie des frais qui seraient normalement inscrits au budget de l'équipement. Le problème, c'est que cet entrepreneur n'est pas un organisme de bienfaisance. Lorsqu'il achète des avions, il doit appliquer un plan d'amortissement. Dans les faits, cela signifie que, dans le budget principal de la défense, on transfère simplement une acquisition d'immobilisations du programme d'immobilisations au programme des opérations et de l'entretien, puisque c'est le programme des opérations et de l'entretien qui paie les coûts de l'entraînement au pilotage. Je ne suis pas certain qu'il y ait d'économies. En fait, on peut se demander sérieusement si, comme l'a fait remarquer le vérificateur général, les économies sont aussi élevées que ce qui a été prévu.
Pour répondre à votre deuxième question, au sujet de l'effectif, je parlerai plus particulièrement de la milice, à laquelle je m'intéresse périodiquement. Puisque le taux d'attrition dans la milice est de 35 p. 100, si nous voulons que son effectif demeure au niveau actuel—quel que soit cet effectif—il faudra recruter l'équivalent d'un tiers de cet effectif chaque année. On a annoncé que la milice avait pour objectif de recruter 3 000 personnes chaque année; cela signifie donc que l'effectif visé est de 9 000 personnes. Ce chiffre est largement inférieur à l'énoncé de politique du ministre, d'après lequel nous devrions avoir une réserve de 18 500 membres. Si nous voulons un effectif de 18 500 personnes, l'objectif de recrutement de la milice devrait être doublé, de 3 000 à 6 000 chaque année, à mon avis.
Le vice-président (M. David Price): Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Bienvenue, colonel MacDonald. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer même si vous êtes très occupé.
En juin dernier, notre comité de la défense a déposé un document qui a reçu un appui unanime. On disait dans ce document que le Canada devrait avoir un programme d'acquisition en matière de construction navale. Comme vous le savez, nous avons des chantiers navals au Québec—et l'un de ces chantiers a maintenant fait faillite—et à Saint John. On disait que nous devrions avoir une politique de construction navale pour notre armée—un navire à la fois, plutôt qu'un contrat d'achat de huit frégates. La Garde côtière a besoin de navires de remplacement. Les navires de ravitaillement doivent être remplacés.
La semaine dernière encore, un des hommes est venu me rencontrer. Il a dit que lorsqu'il travaillait au chantier naval, le navire de ravitaillement NCSM Preserver venait au chantier. Les travailleurs nettoyaient le système de filtration d'eau avant qu'il reprenne la mer. Il disait que ce système de filtration n'a pas été nettoyé la dernière fois que le navire est venu au chantier. Cela signifie que l'équipage n'a pas d'eau pour se laver les mains, pour boire, et cetera.
Est-ce que vous et d'autres colonels à la retraite avez examiné l'idée que le Canada se dote de sa propre politique de construction navale de façon à ce que nous puissions construire des navires, avoir un chantier naval pour la marine et nous assurer que nos équipages ont les navires dont ils ont besoin pour faire leur travail? Nous ne savons jamais quand des événements comme ceux du 11 septembre peuvent se reproduire. Nous ne savons jamais quand nous aurons à envoyer d'autres hommes et femmes à l'étranger pour faire ce qu'ils font aujourd'hui. Nous devons toutefois nous assurer qu'ils ont les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Nous avons acheté de Londres, en Angleterre, des sous-marins usagés qui n'arrivent même pas à flotter. Nous devons maintenant payer 600 millions de dollars pour essayer de les faire fonctionner et certains sont encore en panne.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur.
Col Brian MacDonald: J'aimerais élargir peut-être le point de vue que vous avez exprimé au sujet du concept de la capacité de mobilisation. Quand on parle de mobilisation, on croit souvent qu'il ne s'agit que de la mobilisation des personnes. Le problème, c'est que si nous nous orientons vers la possibilité d'une guerre, l'équipement risque d'être détruit et il faudra le remplacer. Cela signifie que nous avons besoin d'une assise de production de défense capable de répondre aux besoins.
• 1645
Je n'aimerais pas beaucoup que nous nous retrouvions dans une
situation comme celle que nous avons maintenant ou vers celle où
nous nous orientons, c'est-à-dire que pour mobiliser la marine,
pour l'augmenter ou la remplacer, il faudrait d'abord nous doter de
nouveau de chantiers de construction navale. J'espère que ce ne
serait pas notre première exigence en matière de mobilisation.
Comme vous le savez très bien, dans le cas du chantier naval de
Saint John, il ne suffisait pas de brandir une baguette magique
pour que le chantier naval soit créé en une semaine. Il a d'abord
fallu trouver des travailleurs spécialisés, aller en chercher à
l'étranger, donner de la formation, afin de créer la capacité de
construction navale. Je préférerais de loin que nous ayons un
programme de construction navale qui nous permettrait de conserver
cette capacité de mobilisation industrielle—et cela s'applique
autant aux autres services qu'à la marine.
Mme Elsie Wayne: Dans le cas de notre chantier naval, à l'heure actuelle—et c'est ce qui me dérange autant, colonel—Pierre Elliot Trudeau avait investi beaucoup d'argent dans notre chantier naval et lui avait accordé le contrat des frégates. Brian Mulroney a ensuite versé des millions de dollars dans ce chantier. Nous avions un chantier naval pour construire les navires dont nous avions besoin. C'était le chantier naval le plus moderne au monde, avec toute sa haute technologie. Nos travailleurs étaient tous formés. Savez-vous qui est venu les chercher? Les propriétaires de chantier naval des États-Unis. Ils nous ont dit que nos travailleurs étaient les meilleurs constructeurs de navires qu'ils avaient jamais entendus en entrevue. Il est très triste que nous ayons permis qu'une telle chose se produise.
Vous avez parlé de 1,2 milliard de dollars, y compris les dépenses de fonctionnement et d'immobilisations. Vous voulez dire que dans ce nouveau budget, nous aurions besoin encore d'un milliard de dollars pour l'équipement?
Col Brian MacDonald: Quelles que soient les augmentations qui seront décidées pour les opérations et la maintenance ou pour le personnel, je demanderais de 1 à 1,2 milliard de dollars par an en plus de cela pour le budget d'équipement uniquement.
Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. David Price): Merci, Elsie.
Nous passons maintenant au tour de cinq minutes, en commençant par Mme Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Colonel, dans plusieurs rapports cette année, on parle de l'état des Forces canadiennes—par exemple le rapport de la CAD, le rapport du Royal Canadian Military Institute ou celui du Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary—et tous concluent que les Forces canadiennes sont en crise. C'est aussi ce que nous ont dit plusieurs témoins au cours des huit derniers mois. À votre avis, peut-on reconnaître honnêtement que la plupart des observateurs indépendants s'entendent pour dire que les Forces canadiennes sont en crise?
Col Brian MacDonald: Effectivement, je dirais que c'est le cas dans le monde des études stratégiques. Un autre groupe avec lequel j'ai des contacts—le monde de la recherche sur la paix—ne partage pas cet avis, naturellement. Mais dans le monde des études stratégiques, je dirais qu'effectivement il y a un consensus pour dire que les Forces canadiennes sont en crise.
Mme Cheryl Gallant: À votre avis, dépendons-nous actuellement ou sommes-nous destinés à dépendre des États-Unis pour notre protection militaire?
Col Brian MacDonald: Nous pouvons tomber dans cette catégorie des «dépendants». L'autre scénario, naturellement, serait d'abandonner toute capacité expéditionnaire, notamment de renoncer au déploiement de nos forces de maintien de la paix, et de nous concentrer simplement sur une défense du territoire qui serait axée sur la protection de points vitaux—par exemple nos pipelines—vulnérables aux attaques de terroristes, ce genre de chose. Comme une bonne partie de l'infrastructure essentielle des Américains est en fait située au Canada, les Américains pourraient peut-être accepter ce genre de position et insister moins pour intervenir dans notre domaine pour protéger leurs ressources. Je serais très déçu si nous devions simplement nous retirer du reste du monde et abandonner nos capacités expéditionnaires, car je ne crois pas que ce soit dans le meilleur intérêt de la planète et je ne crois pas non plus que ce soit dans notre intérêt.
Mme Cheryl Gallant: Pourriez-vous nous parler de l'état de préparation de l'armée?
Col Brian MacDonald: Les problèmes de l'armée viennent de l'équipement. Nous avons des choses comme des obusiers automoteurs, par exemple, qui sont en fin de rouleau. La question est de savoir par quoi on remplace cette capacité indispensable de tir indirect.
• 1650
Nous avons des chars de combat principaux qui ont une
génération de retard sur les autres chars contemporains. La
question est de savoir par quoi on va les remplacer. Est-ce que ce
sera un autre char de combat principal qui aura des contraintes de
mobilité stratégique, ou est-ce que ce sera un véhicule de la
catégorie des blindés moyens que les Américains mettent au point,
et qui doivent pouvoir permettre le déploiement en 96 heures,
n'importe où dans le monde, d'une brigade prête au combat? Ce n'est
pas une brigade lourde, c'est une brigade moyenne avec un
équipement amélioré comme celui de la 10th Mountain Division.
Dans une certaine mesure, cela dépend de l'évolution de la vision de l'organisation et des opérations de l'armée et de la place qu'elle occupe dans la stratégie d'ensemble du pays. Mais il est certain que l'armée est en situation très difficile actuellement. Ses effectifs sont étirés au maximum, surtout dans les professions de soutien aux services, car c'est là qu'on a fait le plus de coupures quand on a mis en place la diversification des modes de prestation de service.
Mme Cheryl Gallant: Un groupe de bataillon léger comme le 3e Bataillon, l'infanterie légère canadienne de la princesse Patricia, est-il apte à des opérations en Afghanistan même s'il n'a pas de blindés, d'artillerie, de moyens de transport lourds ou d'hélicoptères d'attaque?
Col Brian MacDonald: Il s'agit de savoir si le maintien de la paix en Afghanistan sera d'un type classique. Dans ces conditions, les gens trouvent une entente. Le déploiement d'unités de maintien de la paix équipées légèrement est un des moyens classiques d'éviter d'avoir un jeune simple soldat d'un côté qui tirerait sur un jeune caporal de l'autre pour tout faire redémarrer.
Le 3e Bataillon est un bataillon remarquablement formé, comme tous nos bataillons d'infanterie, et j'estime qu'il est parfaitement capable d'assurer une mission de maintien de la paix. Mais j'hésiterais énormément à le déployer ailleurs que dans un contexte classique de maintien de la paix, car je ne crois pas que son armement soit à la hauteur d'une situation qu'on qualifierait plutôt de rétablissement de la paix que de maintien de la paix.
Le vice-président (M. David Price): Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert: Colonel, avez-vous eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur nos recommandations au ministère en matière de plans et priorités?
Col Brian MacDonald: Non.
M. Bryon Wilfert: Dans ce cas, cela me fera quelques questions en moins à vous poser.
Parlons du domaine dont nous nous occupons. Notre comité a recommandé que les dépenses d'équipement représentent au moins 23 p. 100 du budget du ministère, mais sans que cela se fasse aux dépens des questions de qualité de vie ou par le biais d'une réduction des effectifs actuels. Tout d'abord, que dites-vous de cette idée que les dépenses d'équipement devraient représenter au moins 23 p. 100 du budget total du ministère? Et en fonction de ce pourcentage, quelle priorité auriez-vous pour la répartition des fonds?
Col Brian MacDonald: Tout d'abord, il faudrait que je sache à combien se monte le budget total pour savoir ce que 23 p. 100 représentent. J'imagine que je reviendrais à un budget de l'ordre de 2 à 2,4 milliards de dollars comme budget d'équipement. C'est ce que je dirais, mais cela impliquerait peut-être un budget global plus important.
Pour ce qui est de la deuxième question, sur les priorités, le problème est de remplacer les capacités existantes et d'en ajouter de nouvelles. Le ministère souligne qu'il faut absolument améliorer les capacités de transport stratégique aussi bien aérien que maritime. Cela nous donnerait la possibilité de déployer les forces que nous voulons à travers le monde.
J'ai des réserves en ce qui concerne la notion de logistique maritime. Je pense que ces navires nous permettraient de déployer la force initiale, mais pas toute la brigade mentionnée dans le Livre blanc de 1994. Pour déployer la brigade entière, si l'on ne voulait pas dépendre trop des lignes commerciales à l'improviste à un moment inattendu, je souhaiterais qu'on puisse disposer d'une capacité de transport maritime beaucoup plus importante.
M. Bryon Wilfert: Nous avons entre autres recommandé au ministère de doter les forces de capacités de transport maritime et aérien et de ravitaillement aérien, essentiellement pour respecter nos engagements pris dans le Livre blanc de 1994. Le ministère nous a répondu, notamment à propos de deux des cinq Airbus des Forces canadiennes, qu'il envisageait d'examiner cette question de ravitaillement stratégique en vol en collaborant—si vous êtes au courant—avec l'armée allemande pour modifier les Airbus. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Col Brian MacDonald: Le ministère se livre à un exercice de véritable acrobatie pour essayer de trouver le moyen de réaliser des achats urgents avec un budget totalement inadéquat. Quelquefois cela remet en question toute une séquence d'achats planifiés tout simplement parce qu'une ouverture se présente, comme le programme allemand de réaménagement des Airbus. Nous avons pu en profiter pour moins cher que ce que nous aurait coûté l'autre formule.
M. Bryon Wilfert: Est-ce que vous voulez dire que ce genre de démarche, où nous avons en l'occurrence profité du projet allemand, n'est pas judicieux?
Col Brian MacDonald: Je ne dis pas que ce n'est pas une démarche judicieuse. C'est simplement une démarche qui répond au souci de faire toutes les économies possibles sachant qu'on a un budget insuffisant, ce qui fait que quelquefois on s'écarte du chemin qu'on aurait suivi si on avait pu disposer de toutes les ressources nécessaires.
M. Bryon Wilfert: Le comité a recommandé qu'on consacre au moins un milliard de dollars par an pendant les trois à cinq années à venir à l'augmentation du budget en soi, sans se prononcer sur l'affectation de ce montant. Si nous partons de ce principe d'un milliard de dollars par an, pensez-vous que c'est un chiffre suffisant pour répondre à certains des problèmes que vous avez évoqués aujourd'hui?
Col Brian MacDonald: Si c'est un milliard de dollars pour le budget total, ce n'est pas suffisant.
M. Bryon Wilfert: Encore une fois, quel serait à votre avis un montant réaliste?
Col Brian MacDonald: Je dirais 1,2 à 1,3 milliard de dollars uniquement pour l'équipement. Il faudrait que j'examine de beaucoup plus près la façon dont nous gérons l'aspect opérations et maintenance de notre budget—pour voir quelles économies on pourrait faire—avant de consentir à une augmentation particulière.
Une des choses qui m'ont impressionné depuis ces dernières années, surtout depuis que le vice-amiral Gary Garnett est vice-chef d'état-major de la défense, c'est la transparence croissante de son service en ce qui concerne le budget d'équipement. Je le félicite chaleureusement de cette initiative car elle aide énormément les analystes.
Il faut aller encore plus loin dans le domaine de la transparence pour savoir exactement combien nous coûte la réalisation des capacités dont nous parlons. Par exemple, pouvons-nous dire que nous allons constituer trois ou cinq ou même sept escadrons de chasse et dire combien va nous coûter le remplacement des avions, combien va nous coûter le personnel et combien vont nous coûter les opérations et la maintenance si nous voulons mettre sur pied cette capacité? Si nous pouvons faire ce genre de démarche, nous pourrons savoir s'il faut modifier d'autres priorités dans tout le système.
M. Bryon Wilfert: Vous avez répondu à ma dernière question sur la transparence avant même que je la pose. Merci.
Le vice-président (M. David Price): Monsieur Stoffer, vous avez cinq minutes.
M. Peter Stoffer: Je vais vous poser une question que le comité a déjà entendue ad nauseam, au moins 20 ou 30 fois.
Une voix: C'est sur Shearwater, n'est-ce pas?
M. Peter Stoffer: Exactement. C'est à propos de Shearwater.
À la suite du 11 septembre, nous avons non seulement besoin d'accroître notre capacité et nos budgets d'équipement pour acheter l'équipement nécessaire, nous avons aussi besoin de personnel. Mais nous avons aussi besoin des infrastructures nécessaires pour loger ce personnel. Comme vous le savez, Shearwater existe depuis 83 ans. Au cas où vous ne le sauriez pas, il y a un programme d'aliénation à Shearwater, et on doit donner environ 1 100 acres de terre à la Société immobilière du Canada. Je crains que cela ne risque d'entraîner des pressions sur les autres terrains qui devront accueillir les Sea King ou leurs remplaçants.
J'ai deux questions. Premièrement, est-ce une bonne idée à l'heure actuelle de la part du gouvernement de se départir d'une infrastructure militaire compte tenu de ce qui s'est passé le 11 septembre ou de ce qui pourrait arriver à l'avenir? Deuxièmement, d'après votre expérience militaire, où faudrait-il installer les remplaçants des Sea King?
Col Brian MacDonald: Pour répondre à la deuxième question en premier, je précise que je viens de l'artillerie, et donc de l'armée de terre, et non de la marine. J'hésite à faire des commentaires à ce sujet car je pense qu'un officier naval professionnel serait probablement mieux placé que moi pour vous répondre.
Pour ce qui est de votre autre question, à savoir si nous devrions nous débarrasser d'infrastructures avant d'avoir vraiment terminé cet examen pour savoir ce que nous allons faire, j'avoue que je suis un peu réticent.
Chose intéressante, Martin Shadwick et moi-même avons rédigé un document à l'intention du comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes dans lequel nous examinions la question des changements infrastructurels. Dans ce document, nous recommandions la création d'une société d'État chargée de gérer les biens immobiliers du ministère pour qu'ils soient distincts des crédits parlementaires et que, par exemple, les terres de Calgary qu'on cède puissent être vendues de façon à ce que le produit de la vente puisse servir à mettre en valeur d'autres biens immobiliers du ministère. Il pourrait s'agir d'une société d'État ou même simplement d'une société mixte avec une éventuelle participation du secteur civil. De cette manière, quand nous cédons des biens, le montant reviendrait au ministère au lieu d'être versé au Receveur général.
M. Peter Stoffer: À votre avis, serait-il temps de récrire le Livre blanc de 1994 ou même d'en rédiger un entièrement nouveau?
Col Brian MacDonald: Oui.
M. Peter Stoffer: Pourquoi?
Col Brian MacDonald: Tout simplement parce que le monde a changé radicalement depuis cette époque.
Le Livre blanc de 1994 a été écrit dans le contexte de l'après-guerre froide. Les suppositions et les conclusions que l'on énonçait à l'époque étaient parfaitement raisonnables dans ce contexte. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons assisté à une foule de changements, non seulement dans la réalité géopolitique, mais aussi par exemple dans le domaine de la révolution de la technologie militaire qui a énormément évolué en raison du raccourcissement du cycle technologique.
Au départ, on pensait que l'armée de l'air ne permettait pas en elle-même de gagner une guerre. Or, la série de guerres auxquelles nous avons assisté, la guerre du Golfe, les événements en ex-Yougoslavie et la guerre d'Afghanistan—nous ont montré que la capacité de frappe aérienne nous permettait d'obtenir beaucoup plus de résultats qu'on ne l'imaginait en 1989.
L'analyse de l'évolution technologique devrait donc occuper une place très importante dans la démarche stratégique d'élaboration d'un nouveau Livre blanc de la défense.
M. Peter Stoffer: Voici ma dernière question, monsieur le président.
Avant le 11 septembre, le président des États-Unis avait remis sur le tapis la question du bouclier antimissile—une idée que son père avait mise de l'avant et que Ronald Reagan avait déjà essayé de réaliser avec sa guerre des étoiles. De nombreux Canadiens ont très peur que le Canada soit forcé de s'associer à cette initiative à cause de ce qui s'est passé le 11 septembre. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Dans le temps qu'il nous reste, pourriez-vous me dire si le Canada devrait s'associer à la proposition de bouclier antimissile des États-Unis? Dans l'affirmative, ne risquons-nous pas d'engloutir les ressources de l'armée dans un tel programme, alors que personne ne sait s'il peut fonctionner? Ou le Canada devrait-il rester à part sur cette question?
Col Brian MacDonald: Je partage le point de vue de M. George Lindsey, l'ancien chef du Centre d'analyse et de recherche opérationnelle. À son avis, les Américains se concentrent actuellement beaucoup plus sur la défense antimissile de théâtre que sur le système national de défense antimissile, en dépit de tous les discours. Il estime en effet que dans le cadre de la notion de guerre asymétrique, il est évident que personne dans le monde ne peut s'en prendre aux Américains dans le cadre d'une guerre classique sans prendre une raclée magistrale. C'est ce qui a incité des États plus faibles, comme la République populaire de Chine, à envisager le recours à des missiles balistiques intermédiaires dotés de têtes nucléaires pour tenir les Américains en respect ou les mettre à rançon. Les Américains se sont donc concentrés sur la mise au point d'intercepteurs capables d'abattre ces missiles intermédiaires.
• 1705
Cela dit, les vitesses requises de l'intercepteur sont plus
élevées que celles autorisées par les protocoles du traité ABM.
Dans la pratique, le véritable objectif des Américains à ce
stade-ci est bien davantage la défense antimissile de théâtre que
la défense antimissile balistique. J'appuie sans la moindre réserve
l'intérêt des Américains pour la défense antimissile de théâtre.
Pour ce qui est de la défense antimissile balistique, je ne suis pas convaincu qu'elle sera rentable dans l'état actuel de la technologie. Cela dit, pour avoir observé les progrès de la technologie ces 20 dernières années, j'hésite à affirmer qu'elle ne sera jamais rentable. Pour l'heure, toutefois, en ce qui concerne la défense antimissile balistique, je préfère voir venir.
Le vice-président (M. David Price): Merci.
Madame Wayne.
Mme Elsie Wayne: Je suis désolée d'avoir dû vous quitter. L'équipe de This Hour Has 22 Minutes a tourné un petit numéro avec Elsie; ne le ratez surtout pas la semaine prochaine. Regardez bien.
Des voix: Oh, oh!
Mme Elsie Wayne: Quoi qu'il en soit, l'équipe de tournage ne m'accompagne pas devant les militaires. Je tenais à vous le préciser.
Dites-moi, colonel MacDonald, qu'est-il arrivé à notre armée, à notre réserve au Canada? Aux États-Unis, les forces armées ont toujours été prioritaires. Il en va de même en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. Comment avons-nous pu laisser les nôtres prendre tant de retard? Comment avons-nous pu permettre la compression des budgets? Est-ce parce qu'au Canada il a fallu attendre un drame comme celui du 11 septembre pour que les gens poussent les hauts cris? Pourquoi avons-nous fait subir ce sort à notre armée? Qu'est-il arrivé?
Col Brian MacDonald: La réponse facile, superficielle, c'est que l'opinion canadienne refuse depuis des années d'augmenter les budgets de la défense. Mais comme il s'agit d'une réponse superficielle, la question qu'il faut se poser, c'est de savoir pourquoi. Honnêtement, un des principaux facteurs, pour moi, c'est la décision du ministère en 1968 d'abandonner le programme du Corps-école d'officiers canadiens et celui de la Division universitaire d'instruction navale dans les universités. Ces programmes produisaient beaucoup d'officiers de réserve et d'officiers de la Régulière et étaient offerts sur place, dans les universités.
Par suite de cette décision, l'armée s'est retirée des campus universitaires précisément au moment où l'effectif universitaire montait en flèche, notamment le nombre d'étudiantes. C'est à ce moment que nous avons rompu le contact avec ceux qui allaient devenir les professionnels et les cadres du pays, nos véritables gouvernants.
Il est intéressant de faire une comparaison avec les États-Unis. Le gros des officiers des forces américaines ne viennent pas des écoles militaires comme West Point, Annapolis ou Colorado Springs, mais bien du Reserve Officers' Training Corps logé dans des universités américaines. Cela a pour conséquence que les civils, pendant leurs années de formation à l'université, viennent en contact avec les futurs dirigeants des forces armées, les acceptent comme des êtres normaux et trouvent normal ce qu'ils font. Dans le système américain, l'élite des officiers côtoie celle des professionnels et des cadres civils. C'est une des principales raisons, je crois, pour laquelle les classes professionnelles américaines sont en faveur d'une force militaire adéquate.
Lorsqu'on examine ce que le Canada a fait en 1968, on s'aperçoit que l'on a rompu le contact avec les futures élites du pays. Cela a été une très mauvaise décision.
Mme Elsie Wayne: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Et c'est la première fois que cet argument est avancé.
J'en parle parce que je vois beaucoup de jeunes aujourd'hui qui semblent déroutés. Je me dis—et mon mari dit la même chose—que l'on pourrait les envoyer à l'armée. C'est là qu'ils devraient être. Mon mari dit que la formation dans l'armée est superbe et que les forces contribuent à l'ensemble de notre économie et de notre mode de vie.
Colonel MacDonald, prochainement j'espère, vous pourriez préparer un petit document sur ce qui s'est produit en 1968, parce que vous avez pu observer la différence.
• 1710
Monsieur le président, je pense que nous devrions nous servir
de ce renseignement pour accentuer la présence de nos militaires
dans les universités. Je pense que c'est très important. Tout à
fait.
Nous avons envoyé nos hommes et nos femmes à l'étranger, comme vous le savez, mais pas ceux et celles d'Edmonton. Je suis heureuse qu'ils n'aient pas eu à y aller, mais dans mon for intérieur je pense sincèrement que lorsqu'on leur a dit qu'ils disposaient de 48 heures, nous attendions d'être certains qu'ils n'allaient pas participer à d'autres opérations que des opérations humanitaires. Je ne pense pas que nos hommes et nos femmes disposent des moyens de faire autre chose.
Certains des Casques bleus qui viennent de rentrer ont communiqué avec mon bureau la semaine dernière, colonel MacDonald, et m'ont dit s'être sentis gênés à l'étranger. Ils ont dû s'adresser à des soldats d'autres pays pour leur demander du matériel parce que nos soldats en manquaient. C'est une situation intolérable pour ceux qui sont autour de la table, colonel MacDonald. Nous voulons nous assurer qu'ils disposent bien de ces moyens.
Pour ce qui est du Livre blanc de 1994, je suis tout à fait d'accord avec vous, il en faut un autre. Le moment est venu. Je vous assure que le Comité de la défense a convenu à la quasi-unanimité de faire tout ce qu'il pourra pour se faire entendre et parler au nom des militaires.
Je vous remercie d'être venu, colonel.
Le vice-président (M. David Price): Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Tout d'abord, j'ai des observations d'ordre général à faire, puis je poserai une question au colonel MacDonald.
Merci beaucoup d'être venu, colonel.
Certains se sont dits inquiets pour notre souveraineté. Il faut rappeler aux gens que ce n'est pas vraiment une menace. Nous collaborons avec nos voisins depuis de nombreuses années. Pendant des années, je me souviens que deux gros bombardiers B-52 passaient au-dessus de chez moi tous les jours. Ils allaient jusque dans le Grand Nord puis rentraient aux États-Unis. Ça ne changeait rien pour ce qui est du radar ou des forces militaires américaines là-bas. La collaboration entre nos deux pays prend une multitude de formes et je ne peux pas voir comment les militaires pourraient agir isolément, sans tenir compte des nombreuses autres formes de collaboration.
À essayer de conserver toutes les fonctions exercées par les forces armées par le passé, on va se retrouver avec rien du tout. Les militaires et le gouvernement et les gouvernements de l'avenir devront délimiter ces fonctions et les classer par ordre de priorité. Comme on l'a déjà dit, nous pouvons devenir des experts dans certaines tâches mais pas dans toutes.
S'il faut mener des combats de type traditionnel dans l'avenir ou si le Canada est envahi par des forces traditionnelles, cela viendra d'un pays comme Porto Rico, si vous comprenez ce que je veux dire. La seule hypothèse que je puisse imaginer pour l'avenir, c'est qu'une méga superpuissance attaque l'Amérique du Nord. Il va sans dire que la seule façon de survivre serait d'avoir un partenariat avec les États-Unis.
L'autre jour, un témoin nous a dit ce que je préconise aujourd'hui, à savoir que nous devons nous spécialiser et consacrer nos ressources aux tâches bien précises qui peuvent être d'une véritable utilité pour la communauté internationale et notre propre population.
• 1715
Le témoin a déclaré que pour ce qui est de la capacité de
combat, la priorité et les fonds devraient aller surtout à
l'aviation et à la marine plutôt qu'à l'armée de terre. Il parle de
la capacité de combat: moins pour l'armée et plus pour la marine et
l'aviation. Qu'en pensez-vous?
Col Brian MacDonald: Permettez-moi de revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure, à propos de la nécessité, lorsque pèsent des contraintes financières, d'élaborer une méthode de classement des priorités pour décider ce qui a le plus d'importance pour nous. C'est cela l'élément critique. C'est la démarche que l'on commence à emprunter—comme cela a été le cas pendant le mandat du vice-amiral Garnett—dans le document Stratégie 2020 au sujet des dépenses au titre de l'équipement envisagées non seulement pour cinq ans mais pour 20 ans.
Dans un document que j'ai préparé à l'université Carleton il y a environ un an, j'ai examiné le potentiel du budget d'équipement. J'ai dit que d'après les paramètres à ce moment-là, nous avions environ 40 milliards de dollars en dépenses d'équipement jusqu'à la fin de 2020. Comme par le passé on consacre environ le quart de cette somme en immobilisations et en petites acquisitions d'équipement, il nous reste environ 30 milliards de dollars pour renouveler notre plate-forme.
À ce moment-là, il serait terriblement utile d'avoir des options sur la table accompagnées de leur prix. Prenez le chiffre hypothétique que j'ai utilisé tout à l'heure. Une escadrille d'avions de combat «Joint Strike Fighter» on de chasseurs de frappe interarmées va nous coûter un milliard de dollars en équipement. Il faudra alors se demander comment cela va s'échelonner sur 20 ans si nous disposons de 30 milliards de dollars ou d'une autre somme. Pour moi, c'est une façon beaucoup plus transparente d'examiner les options, ce qu'elles vont nous coûter et de quelle somme nous disposons. Ce pourrait être une façon d'établir les priorités, comme vous le préconisez, et comme je le pense aussi.
Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, je suis désolé...
M. Stan Dromisky: Beaucoup de gens sont du même avis, mais pensez-vous que c'est humainement possible du point de vue politique? Pensez-vous que c'est vraiment politiquement possible?
Col Brian MacDonald: J'espère que oui, mais vous êtes bien meilleurs juges que moi de ce qui est politiquement possible.
Le vice-président (M. David Price): Merci encore.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Colonel MacDonald, je vous suis très reconnaissant de vos propos d'aujourd'hui. Votre mémoire est extrêmement utile et je vais le citer souvent à l'avenir. C'est vraiment très utile pour un député de l'opposition. De la façon dont notre système fonctionne, c'est à l'opposition de pousser le gouvernement à prendre des mesures dans des secteurs où il ne le veut pas vraiment.
Je suis également heureux de vous savoir en faveur d'un autre livre blanc parce qu'il est très important de définir l'orientation des forces armées avant d'augmenter—j'espère—les dépenses d'équipement et l'effectif. Auparavant, il faudra mieux savoir où nous allons et je vous suis donc reconnaissant. Malheureusement, le comité, y compris Elsie, a voté contre un livre blanc quand j'ai déposé une motion à cet effet il y a une semaine. Elle est maintenant en faveur, si bien que nous faisons des progrès. Nous finirons par avoir des appuis partout autour de la table.
Plus tôt aujourd'hui, un membre du comité a demandé comment le gouvernement et ceux qui l'avaient précédé avaient pu permettre le délabrement actuel de nos forces armées, surtout en ce qui concerne le matériel. Je pense que c'est en partie à cause du contrôle que nous exerçons. Évidemment, nous exerçons un contrôle sur les militaires, mais ils doivent faire ce que leurs maîtres politiques leur disent, et les choses sont devenues très politisées—beaucoup trop, à mon avis—dans l'armée. De l'extérieur, la Vérificatrice générale procède à un examen de temps à autre, mais pas tous les ans. Cela ne se fait pas de façon constante.
D'autres pays ont un inspecteur général qui contrôle l'état de préparation opérationnelle et les activités des divers éléments de l'armée. Ces inspecteurs généraux disposent de pouvoirs considérables. En fait, un inspecteur général qui serait également comptable devant le Parlement... si nous avions un inspecteur général au Canada, nous n'aurions jamais assisté au délabrement des forces armées dont nous avons été témoins sous ce gouvernement et sous les gouvernements précédents.
• 1720
Je veux seulement que vous me disiez si vous êtes favorable à
la création de la fonction d'inspecteur général qui serait chargé
de veiller à la restauration de nos forces armées—j'espère—et de
s'assurer qu'on ne permette plus semblable délabrement à l'avenir,
et qui ferait aussi des recommandations au Parlement sur ce qui
aurait lieu d'être de manière plus générale.
Col Brian MacDonald: À mon avis, la question essentielle ici est de savoir à qui cette personne rendrait des comptes. Si cette personne rendait compte au Parlement à la manière du vérificateur général, il devient alors presque un haut fonctionnaire de la Chambre, et les comptes qu'il rendrait seraient par conséquent très distincts, et se situeraient à l'extérieur de la chaîne de commandement. Si cette personne est à l'intérieur du système et qu'elle relève du ministre, comme c'est le cas de l'ombudsman, sa position hiérarchique serait très différente et les limites de son action aussi.
Bien sûr, il y a au sein du ministère le chef du Service d'examen, dont on peut dire qu'il peut exercer—et l'on peut même fait falloir qu'il exerce déjà—cette fonction dans une certaine mesure à l'heure actuelle, mais le chef du Service d'examen relève bien sûr au bout du compte du chef d'état-major de la défense.
Il y a donc toute une série de possibilités, mais je réfléchirais un peu plus longuement aux conséquences pour la chaîne de commandement. Je voudrais également m'assurer que cette personne dispose des ressources voulues pour accomplir le travail qu'on lui confierait.
M. Leon Benoit: C'est un poste extrêmement important. Dans les pays où existe cette fonction d'inspecteur général, on obtient des résultats excellents, si vous voulez mon avis. Je dirais même que dans tous les pays où il y a un inspecteur général, celui-ci est directement comptable devant le Parlement, ou à des commissions très puissantes comme c'est le cas aux États-Unis.
Au Canada, notre comité exerce aussi des contrôles. Ce qui me préoccupe, toutefois, c'est que lorsque nous entendons ici des gens du ministère, ces personnes ne peuvent pas dire tout ce qu'elles veulent. Par contre, si nous avions un inspecteur général qui serait comptable devant nous, lorsque les militaires nous rendraient des comptes, ils seraient astreints à la plus grande franchise—comparativement à ce qu'ils font maintenant—parce que l'inspecteur général nous dirait ce qui se passe dans leurs secteurs aussi. Notre comité serait d'autant plus efficace. Je crois que la création de cette fonction présente plusieurs avantages. Mais je veux parler...
Le vice-président (M. David Price): Votre temps de parole est écoulé.
M. Leon Benoit: Je n'ai plus de temps? D'accord.
Le vice-président (M. David Price: Si vous voulez répondre, colonel, je vais vous accorder une minute.
Col Brian MacDonald: Pour le moment, je ne suis pas disposé à me prononcer en faveur de la création du poste d'inspecteur général, mais je suis d'avis que le processus qui a été institué pour hausser la transparence, particulièrement dans les secteurs dont est responsable le vice-chef d'état-major de la défense, est une excellente chose. Parmi les chaires universitaires financées par le sous-ministre adjoint responsable des politiques—celles du Forum sur la sécurité et la défense—il serait bon d'avoir quelques chaires supplémentaires qui s'intéresseraient davantage à l'analyse de type comptable ou financier. C'est le genre de chose qui existe partout chez nos voisins du Sud, et ce serait très utile pour nos forces armées ici.
Le vice-président (M. David Price): Merci.
Monsieur Wood.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Colonel, vous avez parlé plus tôt de la défense du territoire. Étant donné qu'il faudra y consacrer davantage d'argent, craignez-vous que nous risquons de perdre une bonne part des fonds qu'il nous faut pour améliorer nos forces de combat traditionnelles?
Col Brian MacDonald: Si on n'augmente pas le budget, la réponse est oui.
M. Bob Wood: Si ce n'est pas le cas, de combien faudrait-il augmenter le budget? Cela nous ramène à votre 1,2 milliard de dollars? Où allons-nous mettre cet argent?
Col Brian MacDonald: Tout d'abord, le sous-ministre délégué responsable des infrastructures essentielles doit être en mesure d'accomplir les tâches qui lui sont déjà confiées—à savoir déterminer les infrastructures essentielles que le Canada doit protéger, et établir ses priorités en ce sens. Une fois cela fait, on peut alors déterminer la nature et l'ampleur des effectifs qu'il faut pour assurer la protection de ces infrastructures essentielles.
J'ai rédigé un texte à l'université Carleton en mars dernier où je me suis penché sur la question des infrastructures essentielles des États-Unis qui sont situées au Canada. J'ai noté que nous fournissons environ 28 p. 100 du gaz naturel de la Californie, mais 97 p. 100 du gaz naturel du Pacific Northwest. Tout ce gaz transite par deux pipelines. Sur ces deux pipelines, il y a une station de compression à tous les 200 kilomètres.
J'ai imaginé un scénario. Imaginez que Timothy McVeigh, au lieu d'aller à Oklahoma City, s'en soit pris à l'une de ces stations de compression et qu'il l'ait fait exploser, plongeant ainsi dans la noirceur le Pacific Northwest des États-Unis. Quelles auraient été les conséquences d'un tel attentat? Ce qui nous amène à la question de savoir ce qu'il faut faire pour défendre ces stations de compression. Vous pourriez par exemple vous adresser à un officier du Génie royal de 1800 et vous dire qu'il n'y a pas de problème. Vous n'auriez qu'à édifier un terrassement, creuser un fossé à sec, ou simplement créer une série d'obstacles, et le problème serait réglé. Vous posteriez ensuite une compagnie de 50 hommes de la même période, qui garderaient ce point névralgique.
C'est le genre d'analyse que nous commençons à faire. Tant qu'on ne parvient pas au terme de cette analyse, il est pas mal difficile de dire combien coûtera la défense du territoire. Mais il est essentiel de lancer ce processus.
M. Bob Wood: Vous avez dit plus tôt que si on ne vous donnait que 1,2 milliard de dollars, vous seriez contraint d'envisager de nouvelles possibilités pour faire des économies et ainsi conserver nos effectifs. Je n'ai peut-être pas compris, mais songiez-vous alors à la diversification des modes de prestation de services?
Col Brian MacDonald: J'aimerais me pencher de nouveau sur le DMPS parce que si j'en crois la vérificatrice générale, les économies ne sont pas aussi considérables qu'on l'aurait voulu. Je remarque également le fardeau supplémentaire qu'on impose à nos responsables de la logistique et du génie dans nos activités de maintien de la paix. Certains postes ont été éliminés à la faveur des compressions, et un certain nombre d'entre eux ont été affermés dans le cadre de la DMPS. Je note également que le soutien DMPS dans les Balkans—qui a été mis en place parce que nous manquons tellement d'hommes en uniforme—ne nous a pas permis de réaliser d'économies parce que lorsque l'employé DMPS achève ses 8 heures, il a droit au temps supplémentaire, alors que le gars en uniforme n'a droit à rien. Je veux donc vraiment...
M. Bob Wood: Cela ressemble beaucoup à l'expérience de Fort Frontenac, n'est-ce pas?
Col Brian MacDonald: Oui.
M. Bob Wood: Il y a longtemps que vous vous intéressez à ces questions. Avez-vous noté d'autres économies avec la DMPS, autres que... Nous parlons de Portage La Prairie et des Balkans, n'est-ce pas?
Col Brian MacDonald: Dans le texte que Martin Shadwick et moi-même avons rédigé pour le comité mixte spécial, nous nous sommes penchés sur la question de savoir si l'on pouvait avoir recours à la DMPS en campagne. Nous avons jugé que dans une opération de combat, la DMPS n'a pas sa place. Mais si vous avez une base d'entraînement qui ne soutient pas, par exemple, une brigade, vous pourriez alors convertir en postes civils un certain nombre de fonctions. Mais vous ne pourrez sûrement pas convertir en civils les cuistots de la brigade parce que vous devrez aller en campagne avec eux.
M. Bob Wood: Croyez-vous que le Canada pourra continuer de contribuer à la sécurité internationale dans les trois ou quatre prochaines années, si l'on tient compte simplement du fait que nos effectifs sont déjà épuisés par les opérations auxquelles ils participent maintenant?
Col Brian MacDonald: Ce sera de plus en plus difficile, particulièrement dans la catégorie des personnes qui se sont engagées lors de la dernière expansion des Forces canadiennes. Ces personnes atteignent 20 ans de service et 40 ans, âge auquel elles ont droit à une retraite immédiate. Je crois que nous allons éprouver de sérieuses difficultés avec le départ de ces personnes qui ont cette expérience-là. Ce sera d'autant plus difficile qu'une bonne part de ces gens sont des sergents aguerris, des adjudants et des adjudants-chefs dont on ne peut tout simplement pas se passer. Je suis donc très préoccupé par les effets qu'aura l'hémorragie de la catégorie 20-40, que je prédis d'ailleurs.
M. Bob Wood: Merci.
Le vice-président (M. David Price): Il nous reste environ deux minutes, donc je vais...
Une voix: Je vais les prendre.
Le vice-président (M. David Price): Non, je vais prendre ces deux minutes. Trop tard.
Colonel, vous avez parlé un peu au début de cycles technologiques. Cela m'intéresse beaucoup. Prenons par exemple le projet des hélicoptères maritimes. Nous avons encore nos Sea King. Pour ce qui est des grands changements technologiques qui se sont opérés depuis que nous les avons, il n'y en a probablement eu que deux ou trois au maximum si nous nous en tenons aux pièces d'équipement qu'ils contiennent.
• 1730
Nous avons maintenant ce nouveau projet qui s'en vient. Avec
la rapidité des changements technologiques aujourd'hui, je peux
voir que les systèmes de mission vont évoluer à un rythme assez
rapide. Si je compare cela avec ce qui se fait actuellement dans
d'autres pays, ces changements ne prennent pas souvent plus de cinq
ans, par exemple, aux États-Unis. Là-bas, il s'écoule rarement plus
de cinq ans avant qu'on change une bonne partie des systèmes de
mission dans les grandes plates-formes. Voilà pourquoi je croyais
que c'était une bonne chose que de séparer le contrat dans le cas
des hélicoptères maritimes. Je sais que beaucoup de gens ne sont
pas d'accord, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles on a
décidé de faire cela.
Quels sont vos sentiments à ce sujet? Croyez-vous que nous devons modifier les systèmes de mission à cause de l'équipement? Bien sûr, il faut également savoir que dans le cas de ce projet-là, on comptait à l'origine utiliser des unités modulaires pour faire exactement cela—à savoir, changer l'équipement rapidement.
Col Brian MacDonald: Dans une certaine mesure, nous serons obligés de le faire, ne serait-ce qu'à cause du rythme de l'évolution technologique. Lorsqu'on a acheté les CF-18, l'ordinateur personnel moyen était animé par une puce 8086, et les puces de 286 venaient tout juste d'apparaître. Les puces pour les ordinateurs à bord à cette époque n'étaient que des puces de 286. Cela pose problème, bien sûr, parce que cela limite la vitesse à laquelle votre ordinateur central peut travailler. Si vous ajoutez maintenant une arme beaucoup plus perfectionnée à cet appareil, tout à coup, les exigences de cet équipement sont telles qu'elles dépassent la capacité de l'ordinateur de bord, et vous êtes alors obligé de remplacer l'ordinateur de bord. Donc, encore là, nous serons d'autant plus contraints de réexaminer la question de savoir si le remplacement modulaire permet de contourner cette difficulté.
Le vice-président (M. David Price): Vous mentionnez là un excellent exemple parce que nous pouvons voir aujourd'hui l'interaction entre les avions radar AWAC et nos avions qui volent à des vitesses différentes et avec un matériel différent.
J'ai une autre petite question. Si nous devions produire un nouveau livre blanc sur la défense, ne devrions-nous pas au préalable procéder à un examen de notre politique étrangère?
Col Brian MacDonald: À l'époque où ont eu lieu les études parallèles sur la politique étrangère et la défense qui nous ont menés au Livre blanc sur la défense de 1994, on a commis l'erreur de procéder à ces études parallèlement mais sans jonction. Je suis d'avis que la défense s'insère dans les objectifs de politique étrangère de notre pays. Par conséquent, nous devons repenser notre politique de défense et notre politique étrangère simultanément mais non isolément l'une de l'autre.
Le vice-président (M. David Price): Merci beaucoup, colonel. Nous vous savons vivement gré d'avoir accepté notre invitation, surtout avec un préavis aussi court.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. David Price): La séance est levée.