SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 18 février 2002
¸ | 1405 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
¸ | 1410 |
M. Lee |
La présidente |
Chef Julian Fantino (Services de la police de Toronto) |
¸ | 1415 |
¸ | 1420 |
La présidente |
Inspecteur Ron Allen (Greater Toronto Area Drug Enforcement Unit, Gendarmerie royale du Canada) |
¸ | 1425 |
¸ | 1430 |
La présidente |
Inspectrice détective Signy Pittman (Services régionaux de la police de Halton) |
¸ | 1435 |
¸ | 1440 |
La présidente |
Surintendant Bill Stevens (soutien opérationel, Services régionale de la police de Waterloo) |
M. Lee |
¸ | 1445 |
¸ | 1450 |
La présidente |
M. Henry Watson (président, Association des pompiers professionnels de l'Ontario) |
M. George Birtig (Association des pompiers professionnels de l'Ontario) |
¸ | 1455 |
La présidente |
¹ | 1500 |
M. White (Langley--Abbotsford) |
La présidente |
M. Randy White |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
¹ | 1505 |
La présidente |
L'insp. Ron Allen |
La présidente |
M. Randy White |
La présidente |
Inspecteur Matt Torigian (Services régionale de la policie de Waterloo) |
M. Abbott |
¹ | 1510 |
La présidente |
M. Henry Watson |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
M. Ménard |
La présidente |
M. Ménard |
M. Ménard |
¹ | 1515 |
La présidente |
M. Ménard |
Chef Julian Fantino |
Insp. Ron Allen |
¹ | 1520 |
M. Ménard |
Sdt Bill Stevens |
M. Ménard |
Sdt Bill Stevens |
M. Ménard |
¹ | 1525 |
Sdt Bill Stevens |
M. Ménard |
Sdt Bill Stevens |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Insp. Ron Allen |
¹ | 1530 |
La présidente |
Détective Courtland Booth (Central Drug Information Unit, Services de la police de Toronto) |
La présidente |
Mme Davies |
La présidente |
Dét. Courtland Booth |
¹ | 1535 |
Mme Davies |
La présidente |
Sdt Bill Stevens |
¹ | 1540 |
La présidente |
Insp. Ron Allen |
La présidente |
Insp./dét. Signy Pittman |
La présidente |
M. Derek Lee |
¹ | 1545 |
La présidente |
Insp./dét. Signy Pittman |
La présidente |
Insp. Matt Torigian |
M. Lee |
Insp. Matt Torigian |
La présidente |
M. Lee |
M. Lee |
¹ | 1550 |
La présidente |
Insp./dét. Signy Pittman |
La présidente |
Insp. Matt Torigian |
M. Lee |
Insp. Matt Torigian |
La présidente |
Insp. Ron Allen |
¹ | 1555 |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Sdt Bill Stevens |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
La présidente |
Dét. Courtland Booth |
La présidente |
º | 1600 |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Insp. Ron Allen |
º | 1605 |
La présidente |
Bill Stevens |
La présidente |
Sdt Bill Stevens |
La présidente |
Mme Davies |
Sdt Bill Stevens |
La présidente |
Sdt Bill Stevens |
La présidente |
Insp./dét. Signy Pittman |
La présidente |
Chef Julian Fantino |
La présidente |
Insp. Matt Torigian |
La présidente |
Insp. Ron Allen |
La présidente |
M. Croft Michaelson (avocat général principal, Direction du droit pénal, ministère de la Justice) |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
M. Kofi Barnes (conseiller juridique principal, Toronto Drug Treatment) |
La présidente |
M. Kofi Barnes |
La présidente |
M. Mike Naymark (Centre de toxicomanie et de santé mentale) |
La présidente |
M. Kofi Barnes |
La présidente |
M. Ménard |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
M. Mike Naymark |
La présidente |
M. Ménard |
M. Croft Michaelson |
M. Ménard |
M. Croft Michaelson |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
M. Ménard |
M. Kofi Barnes |
La présidente |
M. White (Langley--Abbotsford) |
La présidente |
M. Kofi Barnes |
M. White (Langley--Abbotsford) |
M. Kofi Barnes |
M. White (Langley--Abbotsford) |
M. Kofi Barnes |
M. White (Langley--Abbotsford) |
La présidente |
M. Mike Naymark |
La présidente |
Mme Libby Davies |
M. Kofi Barnes |
Mme Davies |
M. Kofi Barnes |
Mme Davies |
M. Kofi Barnes |
Mme Davies |
Mme Davies |
M. Kofi Barnes |
Mme Davies |
M. Kofi Barnes |
Mme Davies |
La présidente |
M. Mike Naymark |
Mme Davies |
La présidente |
Mme Davies |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
M. Lee |
La présidente |
M. Kofi Barnes |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
M. Croft Michaelson |
La présidente |
M. Mike Naymark |
La présidente |
M. Kofi Barnes |
La présidente |
Mike Naymark |
La présidente |
La présidente |
Mme Madelyn Webb (présidente, Toronto East Downtouwn Neighbourhood Association) |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Margaret Steeves (Queen East Business Association) |
La présidente |
Mme Margaret Steeves |
Mme Hélène St. Jacques (Queen East Business Association) |
Mme Margaret Steeves |
La présidente |
Mme Margaret Steeves |
La présidente |
Mme Hélène St-Jaques |
Mme Margaret Steeves |
La présidente |
M. White (Langley--Abbotsford) |
Mme Madelyn Webb |
M. Randy White |
Mme Madelyn Webb |
M. Randy White |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Margaret Steeves |
La présidente |
Mme Margaret Steeves |
Mme Madelyn Webb |
M. Randy White |
Madame Madelyn Webb |
M. Randy White |
Mme Madelyn Webb |
M. Randy White |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Hélène St-Jacques |
Mme Madelyb Webb |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
Mme Davies |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Davies |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
Mme Torsney |
M. Derek Lee |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Mme Madelyn Webb |
La présidente |
M. Steve Bourgeois (directeur, Toronto East Downtown Neighbourhood Association) |
La présidente |
M. Lee |
Mme Hélène St-Jaques |
M. Lee |
Mme Hélène St-Jacques |
M. Lee |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 18 février 2002
[Enregistrement électronique]
¸ (1405)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît. Le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments reprend ses travaux.
Nous avons jusqu'ici à la table des représentants de trois partis politiques. Nous allons donc faire les présentations. Je m'appelle Paddy Torsney, je suis députée de Burlington et présidente du comité.
Randy White, qui est membre de l'Alliance canadienne, est vice-président du comité. Il vient d'Abbotsford, en Colombie-Britannique. Libby Davies va arriver de Vancouver-Est, Hedy Fry de Vancouver-Centre, et nous avons également Derek Lee, le député de Scarborough--Rouge River. Voici maintenant Libby Davies, qui est membre du Nouveau Parti Démocratique.
¸ (1410)
M. Derek Lee (Scarborough--Rouge River, Lib.): Je vais peut-être tout simplement réciter le Notre-Père afin que M. Ménard puisse vérifier l'interprétation.
Madame la présidente, je vais faire un faux rappel au Règlement, pour vérifier que le microphone fonctionne bien.
La présidente: Pourquoi ne ferais-je pas une annonce générale à tout le monde à ce sujet?
Nous avons des services d'interprétation et des écouteurs. Certains voudront s'en servir tout simplement pour mieux entendre. Il vous faut appuyer sur le bouton, hausser le volume et choisir un canal.
Nous accueillons parmi nous pour nos séances de cet après-midi, des Services de la police de Toronto, le chef Julian Fantino et le détective Courtland Booth de la Central Drug Information Unit; de la GRC, l'inspecteur Ron Allen, de la Direction des stupéfiants; des merveilleux Services de police régionaux de Halton, l'inspectrice détective Signy Pittman; des Services de police régionaux de Waterloo, le surintendant Bill Stevens et l'inspecteur Matt Torigian; et de l'Association des pompiers professionnels de l'Ontario, Henry Watson, président, et George Birtig.
Bienvenue.
Cette réunion est censée durer jusqu'à 16 heures. Nous espérons que vous pourrez nous faire des topos de sept minutes. Je vous accorderez un maximum de dix minutes, après quoi je vous couperai le micro, mais je vous ferai signe au bout de sept minutes. Nous aurons ainsi du temps pour des questions, et je vais vous expliquer dans un instant la façon dont cela se déroulera.
Chef Fantino, vous disposez donc de sept minutes.
Chef Julian Fantino (Services de la police de Toronto): Sept minutes, pour un sujet si important.
Mesdames et messieurs, permettez que je vous remercie d'avoir invité mon collègue et moi-même des Services de la police de Toronto à venir comparaître devant vous pour partager avec vous certaines de nos connaissances et informations au sujet de plusieurs aspects de la consommation non médicale de drogues.
En septembre dernier, j'ai eu l'honneur de faire une présentation au Comité sénatorial sur les drogues illicites. J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est ici donnée de vous saisir de certaines des préoccupations que j'avais alors soumises au comité sénatorial au sujet des drogues illégales dans notre société.
Je vais commencer par dire que j'épouse et appuie la position de l'Association canadienne des chefs de police relativement aux drogues illicites. Je me dresse aux côtés de l'Association canadienne des chefs de police pour exprimer ma vive opposition à toute forme de légalisation de drogues illicites au Canada, quelles qu'elles soient, même s'il ne s'agit que de la possession de petites quantités de marijuana ou d'autres produits dérivés du cannabis.
Cela étant dit, je suis favorable à l'examen et même à l'adoption de saines initiatives gouvernementales visant à décriminaliser certains délits liés à la possession de petites quantités de marijuana ou d'autres produits dérivés de cannabis. Cela ne serait pas du tout assimilable à une quelconque légalisation; tout simplement, une condamnation ne résulterait pas en un casier judiciaire. Mon adhésion serait néanmoins conditionnelle à la mise en place par le gouvernement d'initiatives correspondantes, y compris programmes de prévention, d'éducation, de traitement et de réadaptation, ainsi que programmes de conseils de déjudiciarisation et exécution continue de la loi.
Pour ce qui est de la question de l'usage médicinal de la marijuana ou de toute autre drogue présentement illicite, j'appuie là aussi la position de l'ACCP et partage ses préoccupations quant aux risques potentiels--risques pour la santé, coûts, entreposage sûr, utilisation à mauvais escient et autres problèmes qui doivent être résolus.
Si des drogues présentement illicites devaient être approuvées en vue de leur consommation à des fins médicinales, Santé Canada et le gouvernement du Canada devraient veiller à ce que toute la diligence requise soit assurée au processus, allant de la recherche à toutes les mesures de sécurité. Voici maintenant quelques idées, faits et opinions relativement à la marijuana, à son utilisation et aux processus en voie d'établissement en vue de son utilisation à des fins médicinales au Canada.
Le changement envisagé compromettrait-il l'engagement pris par le Canada en 1988 à l'égard des Nations Unies et tel que défini dans une convention contre le trafic illicite de narcotiques et de substances aux effets psychotropes, en vue du contrôle de la culture, de la production et de la distribution illicites de drogues? Le Canada est aujourd'hui connu comme étant un pays source de marijuana à forte teneur en propriétés psychoactives, et c'est là un grave sujet de préoccupation pour les forces canadiennes de maintien de l'ordre . Cela met également en doute la réputation et l'engagement du Canada à l'égard de l'interdiction de drogues illicites.
La teneur en tétrahydrocannabinol, ou THC, de la marijuana a augmenté de façon dramatique au fil des ans. La marijuana ne devrait pas être considérée comme étant une drogue douce. Il n'existe à l'heure actuelle qu'une autorité et des processus limités pour obliger les personnes au volant d'un véhicule ou d'un autre moyen de transport à subir un test pour déterminer le degré d'affaiblissement de leurs capacités du fait de la consommation de marijuana ou d'autres substances.
Les programmes de déjudiciarisation présentement en place, notamment l'opération Springboard à l'ancien palais de justice ici à Toronto, semblent très bien fonctionner. Cela est validé par le très faible taux de récidivisme enregistré, soit moins de 5 p. 100. De tels programmes de déjudiciarisation rapportent à la société de précieux avantages, notamment importantes économies pour les services de police et pour le système de droit pénal dans son entier. La distinction entre fabricants, importateurs et distributeurs organisés et toxicomanes victimes n'a cependant pas été faite.
Les peines imposées aux distributeurs organisés de drogue sont trop imprévisibles et dans bien des cas insuffisantes, étant donné les crimes commis et l'incidence de ces crimes sur la sécurité et le bien-être de notre société. Il y a dans notre communauté des criminels qui font le trafic du crack et qui ont accumulé jusqu'à 54 condamnations antérieures pour trafic de drogues et autres délits graves. Je pense qu'une fois la distinction faite entre toxicomane sympathique et personne manifestement prédisposée à la criminalité de carrière, le législateur devrait fournir aux responsables de la justice des outils pour augmenter les peines ou recommander le refus de mises en liberté anticipées.
L'énorme augmentation des installations de culture hydroponique de marijuana dans le sud-ouest de l'Ontario présente tout un tas de problèmes de contrôle. Il s'agit en vérité d'un problème à l'échelle du pays voire même de l'Amérique du Nord. Les agents de police doivent avoir une bonne connaissance du matériel spécialisé et des pratiques de manutention. Le matériel et son entretien coûtent cher et le simple nombre des installations saigne les ressources policières et pose un grave problème de sécurité à tous les prestateurs de services d'urgence, à la police et à tous les intervenants susceptibles de se présenter sur les lieux, notamment le personnel des compagnies d'hydroélectricité.
Une condamnation pour culture hydroponique de marijuana résulte en une peine de prison allant de six mois à un an, ce qui n'est guère dissuasif pour les groupes de criminalité organisés qui peuvent gagner 400 000 $ par an avec 400 plants de marijuana. L'on pense également dans les milieux policiers que les fonds dérivés de ces opérations sont utilisés pour financer l'importation d'autres drogues, par exemple héroïne, MDA et ecstasy ainsi que d'autres entreprises criminelles. La grande majorité, soit plus de 80 p. 100, des organisations criminelles s'adonnent au trafic de drogues. Les drogues illicites sont le produit de base des entreprises de crime organisé.
Les collectivités vulnérables sont particulièrement touchées par les drogues illicites, étant donné qu'elles sont les principales cibles des narco-trafiquants. Les organisations criminelles actives au Canada sont motivées par le profit, et elles en tirent beaucoup des réseaux de distribution de drogues nationaux et internationaux. Une proportion importante des crimes secondaires dans les collectivités, notamment introductions par effraction, vols, cambriolages, etc. sont directement liés à la sous-culture de la drogue, dans laquelle la violence est une constante dans la lutte pour le pouvoir et le contrôle.
Les lois actuelles sont-elles efficaces? La Loi réglementant certaines drogues et autres substances est pour la plupart un texte de loi efficace. Elle a intégré d'autres lois, harmonisé des dispositions en matière de fouille et établi des mesures de peines alternatives et des pouvoirs en matière de ventes par agents d'infiltration. Cependant, cette loi n'aborde à l'heure actuelle pas le problème des produits chimiques précurseurs, et le Canada est connu comme étant une source d'approvisionnement pour les laboratoires de speed des États-Unis et du Mexique.
¸ (1415)
Je reviens tout juste d'une réunion avec les chefs de police des grandes villes américaines, et certains services de police répertorient chaque année des centaines de laboratoires de speed. Nombre des produits chimiques précurseurs viennent du Canada ou transitent par notre pays, auquel cas il n'y a aucun contrôle.
Santé Canada oeuvre présentement aux côtés de la GRC, de Douanes Canada, d'autorités provinciales et locales, y compris la police de Toronto, à l'élaboration de pouvoirs de réglementation législatifs permettant le rapport et la vérification des mouvements vers et par le Canada de ces produits chimiques précurseurs. Cependant, la loi actuelle ne confère pas à la police de pouvoirs additionnels lui permettant d'être proactive à l'égard des laboratoires chimiques clandestins. Il nous faut pouvoir intervenir non seulement avant qu'ils ne produisent des substances chimiques dangereuses, mais également avant qu'ils ne polluent le sol et les sources d'eau limitrophes. Par ailleurs, la police dépense de précieuses ressources humaines et monétaires en attendant que les criminels achèvent leur travail pour pouvoir procéder à des arrestations et à des poursuites susceptibles d'aboutir.
La récente adoption du projet de loi C-24, Loi sur le crime organisé...il s'agit là d'un texte de loi dont on avait beaucoup besoin et que l'on attendait depuis très longtemps. En présence des circonstances appropriées, le projet de loi permettra à la police de mieux pénétrer les milieux du crime organisé et facilitera les enquêtes complexes en autorisant des agents désignés à commettre des infractions raisonnables et appropriées aux textes réglementaires fédéraux. Le projet de loi C-24 réunit par ailleurs dans le cadre d'un même texte de loi toutes les dispositions visant les produits de la criminalité. Bien que nous soyons encouragés par la nature progressive de la loi, il est trop tôt pour savoir quels résultats cela donnera.
Que faut-il pour contrer le problème des drogues du Canada? Une approche exhaustive et intégrée alliant prévention, éducation, exécution, conseils, traitement, réhabilitation et déjudiciarisation, s'impose d'urgence.
Élargissez le programme de formation des experts en reconnaissance de drogues et les lois habilitantes correspondantes pour repérer les consommateurs de substances psychoactives et les empêcher de conduire des véhicules ou autres moyens de transport. Réorganisez le système de droit pénal pour poursuivre vigoureusement et sévèrement les groupes organisés qui produisent, importent et distribuent des drogues illicites. Adoptez des lois et des processus appropriés pour traiter plus efficacement des cas de possession de 30 grammes ou moins de marijuana ou de hachisch là où il n'existe pas d'autres circonstances atténuantes. Et, comme je l'ai déjà dit, décriminalisez le délit.
Désignez le trafic de stupéfiants comme étant un délit de la catégorie crimes violents, ce qui résultera en des peines de prison assurées et plus élevées. Il conviendrait de créer un délit de possession, et non d'utilisation, d'une arme dans la commission d'un acte criminel. Un tel changement faciliterait la lutte contre la prolifération des armes, dont les narco-trafiquants font beaucoup usage.
Il conviendrait également de revoir le pouvoir des services de police locaux de récupérer les avoirs saisis par suite d'enquêtes menées par eux.
En conclusion, j'aimerais insister sur la plus importante stratégie dans la lutte contre l'abus de substances et tous les problèmes en découlant pour notre société dans son ensemble, soit la prévention. La prévention de l'abus de substances psychoactives c'est la prévention de la criminalité, c'est sauver des vies, c'est faire des économies côté soins de santé, préserver la productivité et empêcher l'effritement de la société. Dit simplement, la prévention de l'abus des substances psychoactives, dans la vie de tous les jours, peut avoir une incidence positive dramatique s'agissant de questions de sûreté, de sécurité et de qualité de vie et ce, bien sûr, pour la société tout entière.
Enfin, je ne peux m'empêcher de souligner qu'au cours de mes 33 années passées au service de la police, j'ai vu un défilé ininterrompu d'activités, de promesses et de visions annoncées par quantité de gens quant à la façon dont on allait éliminer le crime, la violence, l'abus de substances et la victimisation. Or, aujourd'hui, nos problèmes d'abus de substances sont sans précédent et bien que je sache que la police a été sur les lignes de front dans la lutte pour la sécurité publique, se démenant pour obtenir les lois, les programmes et les ressources dont nous avons tant besoin pour nous attaquer de façon plus efficace au problème de la toxicomanie et à la criminalité, à la misère et au désordre communautaires secondaires, nos plaidoyers ont pour la plupart été ignorés, et cela est tout simplement trop frustrant pour nous.
Tout cela étant dit, je souhaite néanmoins sincèrement que l'honorable comité ici réunit...[Note de la rédaction: difficultés techniques]... le très difficile et important travail devant nous. Sachez que vous pouvez compter sur notre engagement pour vous appuyer et vous épauler.
¸ (1420)
La présidente: Merci, chef Fantino.
Nous allons maintenant entendre l'inspecteur Allen.
Inspecteur Ron Allen (Greater Toronto Area Drug Enforcement Unit, Gendarmerie royale du Canada): J'aimerais moi aussi vous remercier de me donner ainsi l'occasion de comparaître aujourd'hui devant le comité pour vous entretenir au nom de la GRC de notre programme de lutte antidrogue dans la région métropolitaine de Toronto. Je vais tenter, dans les minutes qui suivent, de vous expliquer la structure du programme antidrogue de la GRC dans la Région du Grand Toronto, l'actuel climat d'application de la loi et les défis auxquels nous sommes confrontés.
Je pense que vous avez eu l'occasion d'entendre nos responsables de programmes à Ottawa, alors je ne vais pas m'attarder trop longtemps sur notre mandat, sauf pour vous dire que les ressources antidrogue de la GRC dans la région torontoise accordent la plus haute priorité aux enquêtes internationales et interprovinciales portant sur l'importation et le trafic à grande échelle de substances contrôlées. Ce choix nous a pour la plupart retiré du travail dans la rue, ce qui est venu imposer des responsabilités supplémentaires aux organismes d'intervention provinciaux et municipaux.
La GRC compte à l'heure actuelle 130 membres répartis entre cinq zones dans les environs du Toronto métropolitain, mais les ressources antidrogue sont structurées en vue d'appuyer des interventions policières de type projet spécial, la majorité des enquêtes étant à saveur internationale et ayant également une connotation crime organisé. Cependant, par suite des événements du 11 septembre, près de 50 p. 100 de nos ressources antidrogue ont été affectées à des activités non liées aux drogues.
Quelle est la dynamique de la Région du Grand Toronto? Celle-ci compte 5,4 millions de personnes, si l'on inclut le centre métropolitain de Toronto ainsi que les régions de York, Durham, Halton et Peel. Selon les estimations, environ 22 p. 100 de la population canadienne habitent la région métropolitaine de Toronto, ce qui représente 42 p. 100 de la population urbaine totale du Canada, et le tiers de la base de revenu du Canada est gagné dans un rayon d'une heure en voiture de l'Aéroport international Lester B. Pearson, à Toronto. Je vais dans quelques minutes vous entretenir des défis auxquels nous sommes confrontés à l'aéroport.
La Région du Grand Toronto est la plus grosse zone urbaine du Canada et elle est aujourd'hui considérée comme figurant parmi les 50 plus grosses régions métropolitaines du monde. La RGT est une région véritablement multiculturelle reflétant bien notre société mondiale. De nombreux groupes du crime organisé sont actifs dans la RGT. Certains d'entre eux sont très faciles à reconnaître et ont une longue histoire, tandis que d'autres n'en sont encore qu'à leurs débuts. L'on y compte les bandes de motards organisées, le crime organisé traditionnel, le crime organisé d'Europe de l'Est, le crime organisé asiatique, les groupes antillais de trafic de drogues et les cartels de drogue sud-américains.
Bien que je puisse être assis devant vous aujourd'hui et apposer des titres à différents groupes aux fins de la clarté, en vérité, pendant le cours d'une enquête, les lignes traditionnelles de démarcation s'estompent. Autrefois, l'on pouvait classer les groupes selon leurs lignes de produits et leurs activités criminelles. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La majorité des organisations criminelles s'adonnent à diverses activités criminelles, notamment trafic de personnes, contrefaçon de billets de banque, fraude de carte de crédit, vol de voitures, trafic de bijoux et importation, fabrication et distribution de drogues, pour ne citer que quelques exemples.
Il y a par ailleurs chez ces groupes criminels le désir de partager ressources, renseignements et compétences. Les sommes d'argent ainsi produites sont si gigantesques qu'elles peuvent corrompre agents des forces de l'ordre, avocats, juges et fonctionnaires. Elles peuvent exercer une influence sur l'économie des pays du tiers monde et renverser des gouvernements.
Nous avons récemment participé à une initiative importante avec un pays des Antilles qui est venu demander de l'aide au Canada et aux États-Unis en vue d'une enquête sur l'un de ses citoyens dont il pensait qu'il pourrait renverser son gouvernement si on le laissait faire.
Même si les organisations criminelles se sont diversifiées, le gros de leur argent provient du commerce de stupéfiants. La RGT est devenue un maillon important dans la chaîne mondiale des groupes du crime organisé.
De récentes enquêtes ont révélé que l'on importe par nos ports du Pacifique de l'héroïne destinée à Toronto en vue de sa distribution ultime sur le marché new-yorkais. De vastes quantités d'héroïne sont stockées au Canada puis expédiées en quantités plus petites aux États-Unis. Traditionnellement, la cocaïne d'Amérique du Sud destinée aux marchés nord-américains était traditionnellement acheminée par gros chargements à bord de navires, d'avions privés ou de conteneurs. Aujourd'hui, d'importants stocks de cocaïne sont maintenus sur différentes îles des Antilles puis expédiés au Canada par vols commerciaux à destination de Toronto en vue d'une distribution sur les marchés canadiens et des États du nord des États-Unis.
Nos actuelles lois en matière de précurseurs chimiques sont en train d'être exploitées par les groupes de crime organisé qui sont actifs au Canada et aux États-Unis. Les produits chimiques nécessaires à la fabrication de substances contrôlées telles le GHP ou la méthamphétamine peuvent être obtenus légalement au Canada puis expédiés en douce à des laboratoires illicites aux États-Unis et au Mexique en vue de leur conversion.
Il y a dans la RGT un important groupe de compagnies pharmaceutiques qui ont été victimes dans ce scénario. Ces expéditions aux États-Unis sont souvent mesurées en chargements de semi-remorque. Il s'agit d'un énorme défi pour les forces de l'ordre canadiennes, étant donné qu'aucun crime n'est commis au Canada, mais les autorités américaines exercent des pressions énormes afin que nous les aidions dans ce qui constitue pour elles un gigantesque problème national.
Nous n'ignorons par ailleurs pas que le produit final mis au point aux États-Unis revient sur le marché canadien. Par ailleurs, les conspirateurs dans la combine échangent d'autres types de substances contrôlées avec leurs homologues canadiens en guise de paiement.
Une autre tendance récente qui prend de l'ampleur d'un bout à l'autre du pays et qui prend fermement racine dans la Région du Grand Toronto est la culture intérieure de la marijuana. Nous avons récemment eu un blitz d'un jour appelé Operation Greensweep, auquel ont participé plus de 500 agents de police de partout au Canada, et dans le cadre duquel nous sommes intervenus dans 189 lieux de culture et avons saisi de la marijuana d'une valeur de 56 millions de dollars. Cette opération a été menée dans le but de faire ressortir les risques de cette activité.
Au cours de l'année écoulée dans la RGT la police a mené des enquêtes touchant environ 600 laboratoires de culture de marijuana. Sans parler du produit final visé, les risques que ces installations posent pour les collectivités sont inquiétants: herbicides et pesticides toxiques; électrocution; incendies; entrées par effraction par des concurrents et recours à la violence pour protéger votre installation--pose de pièges. Tout cela se passe dans votre voisinage car la plupart de ces installations sont implantées dans des quartiers de banlieue très établis. L'argent ainsi généré est versé à des entreprises tout à fait légitimes et sert à appuyer d'autres activités criminelles.
Une autre tendance qui fait aujourd'hui la une des journaux partout dans le monde est la popularité de la drogue appelée ecstasy. La commercialisation de cette drogue l'a projetée au premier rang. Il y a déjà eu dans la RGT plusieurs décès liés à la consommation d'ecstasy. Nos saisies d'ecstasy ont été multipliées par dix au cours de l'année écoulée.
¸ (1425)
Le gros du marché continue d'être alimenté par l'Europe, mais nous avons également relevé dans la RGT plusieurs gros laboratoires d'ecstasy qui produisaient la drogue pour le marché nord-américain. Ce qui ne peut que vous coûter 25c. l'unité à produire se vend dans la rue 25 $. La RGT a également été utilisée pour stocker des envois d'ecstasy en provenance d'Europe et destinés aux États-Unis.
J'aimerais maintenant passer quelques minutes à vous parler de Toronto et de l'Aéroport international Lester B. Pearson. L'aéroport compte aujourd'hui environ 1 100 vols par jour, assurés par 56 lignes aériennes et desservant 140 villes dans 45 pays, avec un trafic passagers annuel de 28 millions de personnes. L'aéroport se classe au vingtième-cinquième rang mondial pour son achalandage, et il est prévu que son volume de passagers passe à 38 millions d'ici l'an 2010. Travaillent à l'aéroport entre 18 000 et 22 000 personnes, selon l'heure de la journée.
La conspiration interne permet à tous les groupes du crime organisé de la RGT de déplacer personnes et vastes quantités de marchandises illégales partout dans le monde et, ce qui est le plus important, à destination et en partance du Canada. Nous avons à l'aéroport deux groupes-ressources antidrogue: une unité antidrogue fédérale qui appuie le travail sur les premières lignes assuré par Douanes Canada, et une équipe antidrogue mixte qui se charge des grosses enquêtes.
Pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, pendant les années 2000 et 2001, on a saisi à l'aéroport 418 kilogrammes de cocaïne, soit l'équivalent de 12 millions de doses, avec une valeur de revente de 125 millions de dollars. Si vous ajoutez à cela ce que d'autres unités antidrogue de la GRC saisissent dans la RGT, ce chiffre est près du double, soit 250 millions de dollars, tout cet argent étant détourné de l'économie légale. Les produits du cannabis saisis pendant la même période à l'aéroport ont totalisé 1 600 kilos, soit près de deux tonnes. On a également saisi environ 500 000 unités d'ecstasy.
Personne ne peut chiffrer ce qui nous échappe, mais étant donné les grands volumes de trafic passagers et de trafic commercial qui passent par l'aéroport, il est raisonnable de dire qu'il y a des trous. Mes propos ne se veulent aucunement une critique du travail fait par Douanes Canada et les partenaires policiers à l'aéroport, mais le volume des saisies et l'insuffisance de personnel disponible empêchent souvent les enquêteurs de consacrer le temps requis à la recherche de ceux qui organisent les grosses combines d'importation.
Les enquêtes en matière de stupéfiants ont certainement évolué. Ce que nous pouvions autrefois faire avec une poignée d'enquêteurs et un agent d'infiltration bien placé n'est plus possible. Il n'existe pas à l'intérieur des organisations criminelles de routes directes. Nous sommes aujourd'hui obligés de recruter des criminels à l'intérieur des groupes établis et de nous en servir comme regard. La note est souvent élevée et l'on voit régulièrement dans les journaux des histoires d'horreur. L'utilisation de technologies pour mettre des téléphones sur table d'écoute ne nous fournit souvent pas les renseignements requis, ce qui nous oblige à mener des opérations de pénétration subreptice à risque élevé dans des lieux de rencontre secrets utilisés par des criminels, dans le but d'intercepter des conversations pertinentes.
Lorsque nous participons à des enquêtes internationales, les budgets de la police sont sérieusement grevés pour financer les déplacements requis. Les lois de nombreux pays avec lesquels nous travaillons interdisent l'utilisation de certaines preuves et de certains renseignements dans la préparation de nos plans d'action. Dans d'autres situations, certains pays aux côtés desquels nous oeuvrons ne peuvent pas appuyer la poursuite des accusés chez eux.
Lorsque nous en arrivons au stade où nous sommes sur le point de mener une opération ou une saisie de haut niveau, nous sommes obligés de recourir à des équipes de surveillance, à des unités d'intervention d'urgence, à des groupes de couverture, à des contrôleurs, à des groupes financiers spécialisés et à des enquêteurs. Nous ne pouvons plus mettre deux agents dans une voiture et leur demander de faire une arrestation. La nature même du milieu de la drogue, dont le principal moteur est l'argent, a certainement augmenté l'enjeu pour tout le monde. Je n'ai même pas abordé la question des pressions exercées par nos actuelles lois en matière de divulgation sur les ressources et les budgets de la police ni de la façon dont cela a entravé notre recours à certaines techniques.
Tout cela étant dit, les forces policières et les agences connexes de la RGT ont le privilège de compter parmi leurs équipes antidrogue des personnes très enthousiastes et très dévouées. Nous avons pu laisser notre marque en démantelant chaque année un certain nombre de grosses organisations criminelles.
Merci.
¸ (1430)
La présidente: Merci, inspecteur Allen.
Nous allons maintenant entendre l'inspectrice détective Pittman, des Regional Police Services.
Inspectrice détective Signy Pittman (Services régionaux de la police de Halton): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invitée.
En tant que membre d'un service de police de taille moyenne desservant les collectivités de Halton, une région qui a pour distinction d'être la collectivité la plus sûre du Canada avec une population de plus de 100 000 personnes, ma perspective est limitée et peut-être naïve compte tenu de l'ampleur des travaux de recherche que vous avez jusqu'ici menés. La région de Halton englobe la ville de Burlington et les villages de Halton Hills, Milton et Oakville, avec une population combinée de 375 000 personnes. Nos collectivités sont et urbaines et rurales et elles sont situées le long du lac Ontario entre les régions métropolitaines de Toronto et de Hamilton.
Notre service compte 509 membres en uniforme. Comme c'est le cas de nombreux services de police de partout en Ontario, nous recherchons désespérément de nouvelles recrues pour combler les postes vacants qui existent et qui vont continuer de se multiplier. Nous avons six agents qui se consacrent à plein temps aux enquêtes de moeurs et de drogue, et c'est une unité qui pourrait facilement déployer quatre fois plus de personnel et ne pas manquer de travail de répression criminelle.
Comme le font ressortir les travaux du Centre canadien de la statistique juridique, les niveaux d'intervention policière ont une influence directe sur les tendances côté infractions en matière de drogue. C'est tout à fait le cas à Halton, où l'on a relevé une augmentation marquée du nombre de plaintes en matière de culture hydroponique de marijuana dans la région et où les activités de répression se sont donc multipliées. Au cours des six derniers mois, nous avons fait enquête sur 22 plaintes, saisi 7 000 plants, arrêté 22 personnes, et 73 accusations sont maintenant devant les tribunaux. Nous avons des renseignements au sujet de 35 autres cultures de marijuana qui feront l'objet d'enquête.
En ce qui nous concerne, les interventions qu'il faudrait mener contre les cultures hydroponiques de marijuana dépassent nos ressources. Nous ne sommes pas seuls dans cette position, comme en témoigne la récente opération Greensweep. Cette opération a été lancée par la York Regional Police, qui est située dans le nord de Toronto, dans le but de mener une lutte proactive contre la prolifération des opérations de culture de marijuana. Dix-sept services de police de partout en Ontario ainsi que sept autres d'ailleurs au Canada ont convenu d'exécuter des mandats de perquisition simultanés visant des cultures de marijuana hydroponique dans leurs localités. Les principaux objectifs de cette opération étaient de manifester notre engagement envers la réduction de l'approvisionnement en marijuana et d'éduquer le public, l'appareil judiciaire et les politiciens sur les questions liées aux opérations de culture de marijuana.
L'objectif secondaire était de susciter l'intérêt des parties prenantes à l'égard de la poursuite d'une solution au problème. Le fait est que ces opérations sont une activité criminelle organisée lucrative, les opérations de culture rapportant chacune plus d'un million de dollars par an. Elles sont gérées par des entrepreneurs criminels indésirables qui sont rarement propriétaires des maisons de classe moyenne ou supérieure. Les travaux de filage illégaux présentent un sérieux risque d'incendie non seulement pour la maison qui abrite la culture et ses occupants, mais également pour les maisons voisines. Les systèmes très novateurs d'évacuation des gaz produits qui sont utilisés sont des invites à l'empoisonnement au monoxyde de carbone et à d'autres désastres du genre.
D'autres dangers encore mettent en péril les occupants des lieux et autrui. Ces opérations sont installées dans des quartiers résidentiels et nos enfants, éternellement curieux, sont ainsi exposés à des dangers très réels étant donné que certaines de ces maisons sont piégées pour administrer des chocs électriques à quiconque s'y aventure. Il y a des risques pour le personnel de services d'urgence qui sont à l'occasion appelés à intervenir pour éteindre un feu, pour enquêter sur une situation inconnue provoquée par des concurrents ou pour faire enquête sur une opération de culture.
Dans de nombreux cas, ces maisons sont habitées par des enfants lorsque nous y faisons une descente, et il y a donc tout lieu de s'interroger sur l'avenir qu'auront ces enfants et sur leur niveau de tolérance et d'acceptation d'activités criminelles. Ils sont une source pour le cannabis que l'on retrouve aujourd'hui deux fois plus souvent qu'il y a huit ans, selon des études faites en Ontario, dans nos écoles élémentaires et secondaires.
Ces opérations sont illégales. D'énormes ressources policières et de soutien sont accaparées par les enquêtes qui doivent être entreprises et par les processus judiciaires et sociaux qui doivent être engagés face à elles et aux occupants des lieux d'habitation concernés.
L'opération Greensweep a résulté en l'exécution de 189 mandats de perquisition au cours desquelles 37 enfants ont été trouvés à l'intérieur des lieux de résidences visés, 162 personnes ont été arrêtées, 367 accusations en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ont été portées et plus de 56 000 plants d'une valeur de revente de 52 millions de dollars ont été saisis. Parmi ces mandats de perquisition, 112 ont été exécutés en Ontario, 40 en Colombie-Britannique, 29 au Québec et le restant un peu partout au Canada. Ce projet avait été organisé très rapidement à cause de notre désir de prendre les devants. C'est pourquoi nous n'avons pas demandé la participation d'un plus grand nombre d'agences.
Nous avons vu ce qui est arrivé en Colombie-Britannique. Le Service canadien des renseignements criminels rapporte qu'un homicide sur huit est lié à une opération de culture; les saisies d'armes à feu sont chose courante dans les cultures; les équipes d'arrachage de plants deviennent chose courante; 95 p. 100 du commerce de drogue est contrôlé par le crime organisé; et les profits des opérations de culture de drogue se chiffrent dans les milliards de dollars.
Nous pensons que cette opération a été une réussite. Nous avons mieux sensibilisé nos collectivités au problème. Nous jouissons de l'appui de nombreux conseils municipaux. L'Association des municipalités de l'Ontario demande au procureur général et au solliciteur général de la province de participer en examinant les produits de la criminalité et leur écoulement et les pénalités prévues pour ce genre d'activités, ce en vue d'établir une valeur dissuasive pour la pénalité versus la valeur coût d'affaires.
Nous travaillons également aux côtés d'autres agences et organisations intéressées en vue de l'élaboration de solutions créatives aux problèmes: comptent ainsi parmi nos partenaires des entreprises de distribution de services d'électricité, des autorités de sécurité électriques, des services de pompiers, des commissaires aux incendies, le ministère de la Justice, le Service canadien des renseignements criminels, le Service ontarien des renseignements sur la criminalité, la GRC, l'OPP et des services de police municipaux.
Ce genre de collaboration et de coordination montre que nous pouvons créer des alliances en vue d'un objectif commun et obtenir des résultats. L'incidence de telles initiatives sera plus grande et peut-être même plus durable si les projets futurs sont centrés sur les collectivités et coordonnés en collaboration avec la province ou autre. Elles devront également jouir d'un appui politique, judiciaire et financier suffisant. Il faudra avant d'en arriver là éduquer les parties prenantes.
Que cela a-t-il à voir avec le mandat du comité ici réuni? Nous pensons que la multiplication des opérations de culture en Ontario et partout au Canada est une excellente illustration des principaux facteurs qui sous-tendent la consommation non médicale de drogues. C'est organisé, c'est dangereux, c'est rentable et c'est illégal. Les dimensions du problème sont telles que celui-ci a une incidence sur quantité d'organismes, et nous croyons qu'en déterminant qui est responsable de quoi, en communiquant cela puis en planifiant une réaction coordonnée versus une réaction centralisée, nous avons des chances de réussir.
Vous avez posé plusieurs questions au sujet de la stratégie canadienne de lutte antidrogue, stratégie dont nous n'avons pris connaissance que la semaine dernière. Nous y voyons une stratégie à facettes multiples englobant réduction des préjudices et communication d'un message national, tout cela devant être assujetti à des vérifications en vue d'en déterminer l'efficacité de manière opportune et cyclique. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en élaborant ces pratiques; en communiquant le message national grâce à l'élaboration de programmes éducatifs éprouvés et d'autres mécanismes; en facilitant la collecte et l'analyse de données; et en fournissant le matériel et la technologie requis pour poursuivre la stratégie nationale. Santé Canada pourrait assurer le travail de commercialisation et d'éducation nécessaire pour dissuader les gens de consommer des drogues.
¸ (1435)
Quel rôle les autorités de police devraient-elles jouer dans la réduction des préjudices? Il est important que le rôle de la police ne soit pas brouillé. La Loi sur les services policiers de l'Ontario exige que les autorités policières assurent des services de police adéquats et efficaces conformément aux besoins de la collectivité. Doivent compter, au minimum, parmi ces services la prévention de la criminalité, la répression criminelle, l'aide aux victimes de crimes, le maintien de l'ordre public et l'intervention en situation d'urgence.
Les agences policières sont l'agence sociale de dernier recours. D'autres qui possèdent la compétence et la formation requises doivent jouer le rôle premier de réduction des préjudices. À l'heure actuelle, c'est un défi pour le Halton Regional Police Service--je sais que nous ne sommes pas seuls dans ce service--de livrer ces services obligatoires. Tout juste l'été dernier il nous a fallu redéployer du personnel du bureau des stupéfiants à d'autres fonctions du service, et ce pour une période prolongée, afin d'exécuter le travail d'enquête de la brigade des homicides. Plus récemment, il nous a fallu assermenter plus tôt que prévu un certain nombre de nouvelles recrues afin de disposer d'un nombre suffisant d'officiers disponibles pour appuyer en toute sécurité des descentes dans cinq maisons de culture.
Les ressources sur la ligne de front sont sérieusement grevées. Les normes judiciaires auxquelles elles doivent se conformer et l'afflux de technologies utilisées par les milieux du crime organisé jouent un rôle déterminant dans l'efficience avec laquelle nous assurons nos services.
Bien que la technologie et l'utilisation qui en est faite soient très nouvelles, elles se sont avérées être un défi pour nous dans la façon dont nous menons nos enquêtes et dont les affaires sont poursuivies, défendues et, en bout de ligne, jugées. Les autorités de police seront à leur meilleur lorsqu'elles ne seront pas tenues d'être tout pour tout le monde.
Passons maintenant à la question du financement. Le gouvernement fédéral finance directement la GRC. La réalité est qu'en Ontario, où la GRC n'assure pas les services de première ligne municipaux ou provinciaux, les services de police municipaux ont une incidence plus directe que la police fédérale sur la consommation et l'abus de stupéfiants dans leurs localités.
Le financement direct d'initiatives d'enquête antidrogue aux services de police municipaux est-il une option? L'interdiction décourage-t-elle au moins la consommation de drogues par la population générale? Nous pensons que oui, mais la dissuasion diminue proportionnellement à l'augmentation de la tolérance de la société à l'égard de ces substances. La poussée pour la décriminalisation du cannabis a réduit la valeur dissuasive et le facteur d'interdiction et a une incidence sur l'activité criminelle organisée liée au cannabis.
Qu'en est-il des programmes d'éducation visant à prévenir ou à réduire la consommation de drogues illicites au Canada? Nous prisons l'éducation et sommes d'accord pour participer à sa prestation. Encore une fois, la dotation des équipes d'intervention d'urgence demeure notre première priorité, les enquêtes portant sur des crimes ayant une incidence sur la qualité de vie dans nos collectivités venant au deuxième rang. Les services d'éducation sont le dernier volet à couper pour appuyer nos première et deuxième priorités, mais il nous a fallu réduire nos services dans ce domaine. Ici encore, le problème est celui de la disponibilité de ressources.
Cela étant dit, vous vous demandez peut-être quelle incidence le Halton Regional Police Service peut avoir sur la consommation non médicale d'autres drogues comme par exemple la cocaïne, l'héroïne et l'ecstasy. Son incidence a été, au mieux, limitée.
¸ (1440)
La présidente: Merci, inspectrice détective Pittman.
Est-ce maintenant le surintendant Stevens qui va nous entretenir au nom des Waterloo Regional Police Services?
Surintendant Bill Stevens (soutien opérationel, Services régionale de la police de Waterloo): Oui, merci.
Madame la présidence, nous vous remercions de l'invitation qui nous a été faite de venir vous rencontrer aujourd'hui. N'ayant reçu l'invitation que vendredi, nous n'avons pas disposé de beaucoup de temps pour nous préparer.
L'inspecteur Torigian et moi-même vous ferons une présentation conjointe, nous concentrant principalement sur l'actuelle consommation non médicale de drogues en mettant tout particulièrement l'accent sur le cannabis et la marijuana.
Nous avons pensé qu'il était important d'attirer votre attention sur les réalités et les ramifications sociales associées aux drogues illicites dans notre région et partout au Canada. Nous vous offrirons plusieurs recommandations axées sur le mandat du comité.
Dans la région de Waterloo, nous constatons une augmentation de l'utilisation des drogues illicites que voici: la cocaïne, qui se présente également sous forme de crack, et l'héroïne continuent d'être les drogues dures préférées des usagers dans la région.
La méthadone. Des cliniques de désintoxication à la méthadone ont été implantées dans la région au cours de la dernière année face au nombre très élevé d' héroïnomanes, dont de nombreux étudiants de niveau secondaire. Cela a créé un marché noir pour la méthadone, se soldant par deux décès confirmés résultant directement de la consommation de cette drogue, et en un certain nombre d'overdoses presque fatales.
L'héroïne. L'une de nos écoles secondaires locales, Waterloo-Oxford, a récemment subi le fléau de l'héroïne et plusieurs de ses étudiants étaient héroïnomanes. Grâce à une mobilisation communautaire englobant professionnels, médecins, avocats, parents, policiers, enseignants et agences sociales, l'épidémie a été stoppée et on a pu aider les étudiants grâce à des programmes de désintoxication.
L'ecstasy. Il semble que ce soit la drogue de prédilection des plus jeunes, et elle est en règle générale vendue dans les clubs. Il s'agit d'une drogue extrêmement dangereuse, qui plaît surtout aux moins de 30 ans. Dans notre région, il y a eu trois décès et deux personnes très mal en point à l'arrivée à l'hôpital qui ont été réanimées et plusieurs incidents de comportement bizarre et violent.
Les saisies d'ecstasy ont beaucoup augmenté au cours des dernières années, sur le plan tant local que national. À l'échelle locale, nous n'avons pas fait de saisies importantes, bien que certains renseignements indiquent qu'il y aurait dans la région de nombreux trafiquants de haute volée. Une récente enquête de la GRC a permis de découvrir qu'un étudiant de l'Université de Waterloo produisait et distribuait de grosses quantités d'ecstasy dans la province et qu'il s'adonnait également à du trafic aux États-Unis.
L'on constate à l'échelle du pays une explosion de la culture de la marijuana. Depuis mai 2001, notre service de police a exécuté plus de 100 mandats de perquisition. Ces opérations de culture sont sophistiquées, bien organisées et rapportent des milliards de dollars à des cellules criminelles organisées.
Les coûts pour nos collectivités sont faramineux si l'on tient compte du danger pour le personnel des services d'urgence, des ressources réservées, des pertes de revenu, des ramifications sociales et des activités criminelles connexes, notamment vols de biens, prostitution, cambriolages et vols avec violation de domicile--et 95 p. 100 des introductions par effraction dans des résidences peuvent être attribuées à la consommation de drogues illicites. Ces crimes sont les moyens non conventionnels d'obtenir de l'argent pour l'industrie des stupéfiants.
La profusion des cultures de marijuana à l'échelle du pays est phénoménale. Nous ne parlons pas ici de particuliers qui font pousser un ou deux plants, mais bien de groupes énormes, bien organisés et très structurés. En Ontario, c'est une industrie d'un milliard de dollars par an, et elle ne cesse de prendre de l'ampleur. En Colombie-Britannique, il s'agit d'un empire de 6 milliards de dollars qui l'emporte sur l'industrie du bois.
Pour attirer l'attention du public sur l'ampleur du problème, les services de police de partout au pays, comme vous l'avez déjà entendu, ont coordonné des initiatives d'intervention et, le 30 janvier 2002, ont mené l'opération Greensweep. Les résultats de cette opération: 150 mandats; 46 800 plants saisis, d'une valeur de 47 millions de dollars; 136 arrestations; 290 chefs d'accusation; et la saisie de matériel d'une valeur de 3 239 000 $. Vingt-huit enfants ont été placés auprès de services à la famille et à l'enfance. Je vous dirais que nous n'avons fait que gratter la surface.
Aux États-Unis, le DEA, l'unité antidrogue, dit du Canada qu'il est une source importante de marijuana. La question des narcotiques soulève bien évidemment des questions et des conséquences internationales. Les NationsUnies ont elles aussi nommé le Canada comme pays source de marijuana. La culture et le trafic de la marijuana sont devenus un tel problème dans notre province et dans notre pays que dans la région de Waterloo le gouvernement local, le gouvernement régional et notre commission des services policiers ont reconnu l'aspect criminel, les effets résiduels et l'incidence sur nos collectivités de ces activités illégales.
Les municipalités locales ont récemment adopté des résolutions visant l'obtention de changements législatifs provinciaux et fédéraux et recommandant l'augmentation des sanctions. D'autres recommandations encore mettent l'accent sur l'efficacité et la simplification des procédures énoncées dans les lois portant sur les produits de la criminalité et militent contre la poursuite de la décriminalisation de la marijuana.
J'ajouterai que notre commission des services policiers reconnaît la distinction entre la simple possession et l'ampleur de l'activité criminelle que nous subissons. Dans tous les cas, les municipalités locales et notre commission des services policiers recommandent des changements législatifs dont on a urgemment besoin pour mettre en place des facteurs de dissuasion efficaces, sous forme non seulement d'incarcérations mais également de pénalités financières. Il faut qu'il y ait des peines dissuasives générales, ce de façon à promouvoir la sûreté et la sécurité, non seulement chez nous mais dans toutes les collectivités.
Passant maintenant aux problèmes législatifs liés aux enquêtes en matière de stupéfiants, à l'heure actuelle les enquêtes sur les produits de la criminalité sont extrêmement longues et difficiles à faire aboutir lorsque les avoirs accumulés sont mêlés à des fonds obtenus de façon légitime. Un système dans le cadre duquel il y aurait inversion de la charge de la preuve et où il reviendrait à l'accusé de prouver qu'il a obtenu l'argent ou les biens en question légalement améliorerait de beaucoup les enquêtes sur les produits de la criminalité.
La redistribution des avoirs saisis par la police, ce qui permettrait aux forces de police municipales de bénéficier des saisies effectuées localement, améliorerait encore les enquêtes locales en matière de stupéfiants.
En ce qui concerne les peines imposées, il y aurait lieu d'envisager des peines minimales obligatoires pour quantité de délits liés aux drogues, notamment trafic, possession en vue d'en faire le trafic et production. L'actuel régime de détermination de la peine assorti de peines maximales ne semble pas avoir le moindre effet dissuasif sur l'une quelconque de ces activités.
La définition de crime organisé dans la loi va changer à l'avenir, ce qui devrait faciliter les enquêtes portant sur des groupes du crime organisé. Les règles en matière de divulgation telles qu'elles existent à l'heure actuelle rendent très difficiles les enquêtes sur les activités de groupes du crime organisé lorsqu'il y a saisie de drogues ou arrestations pour délits autres par suite de renseignements glanés grâce à l'enquête de départ.
La recommandation voulant que nous ayons un organe plutôt semblable au DEA devrait faciliter la gestion d'une stratégie axée sur trois objectifs, notamment éducation, exécution de la loi et traitement. L'interdiction ne peut pas s'appuyer sur une politique fondée sur les philosophies ou les exigences de services de police provinciaux ou municipaux. Une seule et même entité devrait être le pôle de coordination de tous les renseignements relatifs aux programmes publics fédéraux, provinciaux et municipaux s'inscrivant dans une stratégie antidrogue endossée et communiquée au niveau national.
J'espère que ceux d'entre nous qui sommes autour de la table vous ont donné l'impression que nous pensons que la répression criminelle est la première ligne d'intervention face à ce problème. Nous regardons cependant le tableau tout entier et certains des trous noirs qui s'y trouvent--le manque de continuité et l'inefficacité de différents éléments de la politique publique.
J'aimerais poser une question au sujet de l'exécution de la loi. Quelle proportion de vos ressources ciblez-vous...? Peut-être que vous ne ciblez rien en particulier; peut-être que vous dépensez parce qu'il vous faut dépenser. Mais quelle proportion de vos ressources dans l'enveloppe intervention antidrogue viserait les infractions liées à la drogue et concernant une personne--infractions pour possession, par opposition à la catégorie syndicat du crime, auquel cas vous visez une opération criminelle de plus grande envergure? Y en a-t-il parmi les forces que vous représentez qui aient jamais analysé la part de vos ressources qui sont axées sur le petit bonhomme avec de la marijuana, par opposition aux opérations criminelles de haute voltige?
¸ (1445)
L'intervention fédérale en matière d'exécution de la loi devrait prendre la forme d'une intendance, avec des détachements d'autorités de police partout au pays. Il importe que le gouvernement fédéral assume un rôle de leader dans la mise en oeuvre, la communication et la gestion de la stratégie antidrogue du Canada.
La criminalisation ne contribue pas spécifiquement au préjudice lié à la consommation de drogues, mais pourrait contribuer de façon néfaste au statut social. Il est important de ne pas suranalyser les questions en vue de minimiser les circonstances atténuantes, par exemple, la décriminalisation.
Les programmes d'échange de seringues pourraient entrer en conflit avec une stratégie éducative. À l'heure actuelle, nous avons une approche fragmentée à l'administration d'une stratégie nationale pour le pays, les conflits entre les différentes agences étant surtout le fait de ressources et de technologies.
Les forces de l'ordre doivent jouer un rôle dans tous les volets de la réduction des préjudices. Il se fait dans certaines régions du Canada des innovations qui exigent une plate-forme centralisée d'évaluation, de dissémination et d'harmonisation.
La stratégie antidrogue du Canada doit venir compléter les stratégies d'autres pays engagés comme la Grande-Bretagne et les États-Unis. Il existe des liens importants entre le crime organisé, le tourisme national et international et le trafic de drogues. Avec le recul du tourisme parrainé par l'État, les groupes de touristes trouveront d'autres sources de financement. La consommation de drogues, l'abus de drogues, le trafic de drogues ainsi que leur importation et leur culture sont en large partie des crimes économiques.
Merci beaucoup de l'occasion que vous nous avez donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.
¸ (1450)
La présidente: Merci.
Enfin, nous allons maintenant entendre l'Association des pompiers professionnels de l'Ontario. C'est vous, monsieur Watson, qui allez prendre la parole?
M. Henry Watson (président, Association des pompiers professionnels de l'Ontario): Nous allons chacun dire quelques mots. Je vais faire une introduction très préliminaire. Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui nous est ici donnée de lui exposer notre position, en notre qualité de pompiers sur la ligne de front, relativement aux laboratoires de drogues clandestins et aux opérations de culture de marijuana.
Je pense qu'il est important que le comité comprenne ce à quoi font face chaque jour dans leurs interventions auprès de laboratoires clandestins et de cultures de marijuana les intervenants d'urgence de première ligne, qu'il s'agisse de pompiers, de policiers ou de soignants médicaux, ainsi que les effets en cascade que cela a sur nos collectivités, nos citoyens et les enfants de l'Ontario et du Canada. Nous sommes très préoccupés par ces opérations, qui posent un grave danger pour les pompiers de l'Ontario.
Je vais demander à mon collègue George Birtig de vous faire un bref rapport sur ce que nous constatons lorsque nous nous approchons de ces opérations.
M. George Birtig (Association des pompiers professionnels de l'Ontario): Bonjour.
Anhydride acétique, acide chlorhydrique, hydroxyde de sodium, méthanol, éther, lithium, hydrure d'aluminium, phosphore, danger d'explosion, risque respiratoire, risque dû à des fils haute tension--l'on pourrait penser, de prime abord, que je vous décris là une usine chimique hautement réglementée et contrôlée située dans une ville ou un village industriel du Canada. Ajoutez à ce tableau le risque que l'endroit soit piégé, avec des bombes chimiques, des grenades à fil-piège, des ampoules électriques remplies d'éther, ou des trous découpés dans le plancher, et vous vous croiriez en train de frayer votre chemin à travers des cavernes afghanes ayant autrefois abrité des terroristes du réseau d'Al Qaeda. Imaginez maintenant que, sans que vous en ayez la moindre idée, tous ces risques se trouvent présents dans la maison d'à-côté, dans votre rue de banlieue calme ou dans l'appartement du bout du couloir de votre immeuble à condominiums. La réalité est qu'il s'agit d'un phénomène à croissance rapide dans nos villes et villages, amené par l'existence de laboratoires de fabrication de drogues et de cultures de marijuana clandestins.
Je compte aujourd'hui vous présenter certaines des préoccupations des 9 500 pompiers de l'Ontario quant aux risques auxquels nous pouvons nous trouver confrontés lorsque notre intervention vise une maison de culture ou un laboratoire de drogue.
Les laboratoires de drogue posent de sérieux risques au personnel de secours. Outre les risques évidents posés par la présence de drogues illicites et de consommateurs de drogues, ces installations cachées improvisées peuvent également être un danger pour les résidents de nos collectivités et risquent de contaminer l'environnement. Il est important de souligner qu'il n'existe pas de règles quant à l'emplacement éventuel d'un laboratoire de drogue ou d'une culture de marijuana. On en trouve dans des lieux fixes, par exemple maisons, appartements, maisons mobiles, entrepôts, remises ou structures abandonnées. Il peut également s'agir d'opérations portables installées dans des camions de livraison, des caravanes motorisées, des roulottes de tourisme, voire même des bateaux. Il est également possible que ces opérations soient protégées par des systèmes de surveillance et de défense susceptibles d'entraver notre intervention en cas d'urgence, voire même de blesser gravement des secouristes.
Des pièges à fil pouvant être activés par des secouristes pénétrant dans une structure ou la présence de chiens de garde ou de serpents ajoutent un élément de danger supplémentaire à une profession déjà dangereuse. Cela s'est déjà vu que ces malfaiteurs découpent des trous dans les planchers des maisons qu'ils occupent dans le but de blesser ou de piéger les intrus.
Les laboratoires de drogue clandestins présentent des risques du fait des matériaux dangereux qui peuvent s'y trouver aux fins d'opérations de synthèse ou d'extraction de drogues. En général, les exploitants de ces laboratoires n'ont pas d'antécédents en chimie. Ils ont appris leur métier au petit bonheur auprès d'autres, et parfois même sur l'Internet. Leur connaissance des produits chimiques et des processus qu'ils emploient est limitée.
Leur objet est de fabriquer ces drogues illégales de la façon la plus rentable et la plus rapide possible, sans égard aucun pour la santé, la sécurité et le bien-être publics. Produits chimiques, toxines et(ou) matières radioactives, peuvent être présents et poser un risque d'exposition aigu par inhalation ou par absorption par la peau, exposition qui peut amener des conséquences immédiates ou à long terme pour la santé de ces premiers intervenants.
Les produits chimiques que j'ai mentionnés plus tôt ne correspondent qu'à une fraction de ce que l'on peut trouver dans un laboratoire. Un risque d'explosion peut y exister du fait de la présence de ces produits qui, s'ils ne sont pas manipulés comme il se doit, peuvent déclencher des effets dévastateurs. Je songe notamment au cas d'une explosion de laboratoire survenue récemment à Oshawa et qui a arraché tout le devant d'une maison à deux étages dans cette ville dortoir. Dans le cas d'une explosion de grisou comme celle survenue à Oshawa, répondants et citoyens peuvent être exposés à des fumées chargées de produits chimiques. L'environnement est lui aussi contaminé par l'écoulement de l'eau utilisée pour éteindre les flammes.
Les opérations de culture intérieure de marijuana posent elles aussi de sérieux risques. Dans les efforts qu'ils déploient pour éviter la détection, les exploitants de ces établissements recourent au contournement des compteurs hydro pour obtenir l'électricité nécessaire à l'alimentation d'éclairage de simulation très sophistiqué pour leurs plants. Ces systèmes électriques improvisés sont une cause fréquente de feux dans ces maisons. D'autre part, ce qui vient aggraver encore les choses, les pompiers ou le personnel des services d'hydro désireux d'intervenir ne peuvent pas couper l'alimentation électrique de façon adéquate pour permettre le bon déroulement des opérations de secours.
Nous savons tous que les pompiers utilisent de l'eau pour éteindre les incendies, et eau et électricité ne font pas très bon ménage. Il y a eu des cas où l'eau accumulée dans le sous-sol d'une maison de culture par suite de l'intervention de pompiers a chauffé jusqu'à bouillir à cause du passage d'un courant électrique.
Étant donné qu'une bonne ventilation est un autre souci pour ces cultivateurs, ceux-ci font souvent installer dans leurs maisons des conduites qui passent du sous-sol jusqu'au grenier. Cela est formidable pour les plantes mais dangereux pour les pompiers, car ces modifications accélèrent la propagation du feu dans la structure et peuvent nous placer dans des situations de danger accru, lors d'opérations de lutte contre l'incendie ou de secours, en nous coupant nos voies de sortie.
En règle générale, en tant que pompiers donnant suite à un appel, nous avons une assez bonne idée du genre d'incident auquel nous allons nous trouver confrontés et nous nous y préparons en conséquence, s'agissant de la tactique à employer ou du matériel protecteur à utiliser. La nature clandestine de ces opérations non seulement sert à dissimuler les activités illégales mais empêche également les pompiers de savoir dans quoi ils se lancent. En règle générale, nous sommes avertis qu'il y a un risque de présence de produits dangereux par la présence de panneaux publicitaires ou d'avertissement ou par le type d'installations ou de véhicules concernés. Nous avons été formés à nous protéger comme il se doit, à détacher nos équipes spécialisées dans le traitement des matières dangereuses ou, selon le cas, à tout simplement isoler ou évacuer une zone donnée pour protéger le public.
Dans le cas de laboratoires de drogue clandestins ou de cultures, nous pourrions réagir à une urgence médicale avec nos collègues du secours médical d'urgence et nous trouver par inadvertance au beau milieu de produits toxiques très dangereux. Le matériel protecteur standard lors d'appels de secours médical se résumerait à des gants de chirurgie et peut-être à des lunettes de protection. De tels vêtements protecteurs feraient peu pour nous protéger en cas d'explosion déclenchée par l'allumage d'une lumière dans un environnement inflammable. Nous pourrions être en train de combattre un feu de bâtiment et être victimes d'une explosion qui pourrait nous tuer instantanément ou nous empêcher de fuir.
Dans certains cas, les produits chimiques utilisés dans ces laboratoires réagissent à l'eau, et de ce fait un incident relativement mineur pourrait devenir un incident majeur. Les risques électriques associés aux opérations de culture pourraient transformer notre premier pas dans le sous-sol d'une maison en notre dernier pas sur terre.
Il me faut mentionner que les services de lutte contre l'incendie sont également invités par la police à intervenir en renfort chaque fois qu'une descente est menée dans un laboratoire de drogue ou une culture. Nous sommes là pour assurer des services de secours ou de protection contre l'incendie au personnel policier pendant le démantèlement de telles opérations. La collaboration conjointe entre organismes d'intervention est un aspect important dont il faut tenir compte s'agissant de lutter contre ce fléau. De nombreux services de pompiers assurent déjà une liaison avec les forces policières locales, provinciales et fédérales ainsi qu'avec d'autres agences gouvernementales.
L'un des dilemmes qui est ressorti est le fait que les services de police auront peut-être placé ces laboratoires sous surveillance, et le secret entourant leurs enquêtes les empêche d'informer les services d'incendie de leur emplacement. Nous espérons trouver un moyen de signifier la présence dans un immeuble donné d'un laboratoire clandestin afin que les pompiers et intervenants de secours médical d'urgence sachent à quels risques ils s'exposent peut-être en se présentant sur les lieux d'un laboratoire clandestin ou d'une maison de culture.
J'espère que j'aurai réussi à vous sensibiliser à certaines de nos préoccupations relativement aux laboratoires clandestins et opérations de culture de marijuana. L'Association des pompiers professionnels de l'Ontario fait tout son possible pour sensibiliser ses membres aux risques posés par ces opérations et nous les encourageons à faire adopter par leurs services de lutte contre l'incendie respectifs des stratégies destinées à protéger pompiers et public. La reconnaissance des laboratoires clandestins, la priorité accordée à la sécurité des premiers intervenants et la collaboration et la planification multi-agences sont des éléments essentiels à notre lutte.
¸ (1455)
La présidente: Merci. Et merci à vous tous de vous être pliés à notre loi. Tout le monde a respecté sa limite de temps, ce qui nous aide beaucoup, car nous disposons maintenant d'une heure pour les questions et réponses.
Nous allons commencer avec M. White. Lui-même ou n'importe quel membre du comité peut poser une question directement à l'un des témoins. Si vous avez quelque chose à ajouter, il vous suffit de me le signaler, et je tiendrai une liste des personnes désireuses d'intervenir. N'oubliez cependant pas que chaque député autour de la table dispose d'une dizaine de minutes environ.
Randy.
¹ (1500)
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne): Merci. Je ne vais poser qu'une question, et ce sera la même pour chacun d'entre vous. J'allais vous demander si vous saviez quelle est véritablement la stratégie antidrogue du Canada, mais je pense que la réponse est que non, vous ne le savez pas. J'allais ensuite vous demander si cette stratégie fonctionne ou non, et je pense que la réponse est évidente. Lorsque je me pose maintenant la question, je me demande s'il y a quoi que ce soit d'étonnant là-dedans. Nous parcourons le pays, des universitaires et des travailleurs sociaux répondent à nos questions, puis des porte-parole des forces policières nous fournissent des réponses et des observations et, dans une large mesure, tout cela ne correspond pas. Je vois pourquoi il n'y a pas de stratégie commune car il n'y a aucune réponse commune au problème.
Je vais simplement vous demander de nous donner certaines de vos idées. La police parle beaucoup de marijuana, et cela a été le cas même ici aujourd'hui; elle parle plus de cela que de ce sur quoi le comité semble se concentrer. Les sénateurs parlent beaucoup de marijuana, alors que j'ai l'impression que notre comité s'intéresse davantage à la cocaïne, à l'héroïne, etc., sans pour autant exclure la marijuana. Quoi qu'il en soit, la police parle beaucoup de la marijuana, par opposition aux autres types de drogues. Les universitaires et travailleurs sociaux me parlent beaucoup plus d'héroïne et de cocaïne. La police parle d'exécution de la loi tandis que les universitaires et travailleurs sociaux parlent de légalisation et de décriminalisation. La police parle d'avoir plus d'argent pour assurer une meilleure exécution de la loi tandis que les universitaires et travailleurs sociaux parlent d'avoir moins d'argent pour la répression et plus d'argent pour des choses comme la réduction des préjudices et ainsi de suite.
Et je pourrais poursuivre ainsi pendant longtemps. J'ignore si nous pourrions parvenir à une entente entre vous au sujet de piqueries sûres. Vous feriez sans doute tous les mêmes observations et fourniriez les mêmes réponses, tandis que les universitaires et travailleurs sociaux ont, semble-t-il, une perspective tout à fait différente. D'autre part, la police parle de combattre le crime tandis que les universitaires et travailleurs sociaux disent en gros que la criminalité est le résultat d'interdictions. Pourquoi donc nous faut-il combattre la criminalité? Pourquoi ne pas tout simplement éliminer les interdictions?
Étant donné tout ce que j'ai dit et le fait que les gens soient nombreux à penser qu'investir dans l'exécution de la loi revient à jeter de l'argent dans un grand trou noir et que la police a perdu la bataille dans la lutte antidrogue, pourriez-vous m'expliquer comment nous pourrons jamais avoir une stratégie antidrogue étant donné toutes les divergences d'opinion qui existent?
La présidente: Ces commentaires s'adressent-ils à une personne en particulier que vous aimeriez voir commencer?
M. Randy White: À n'importe lequel d'entre eux ou à eux tous.
La présidente: Chef Fantino.
Chef Julian Fantino: Merci.
Je suppose que le commentaire que j'aimerais faire pour commencer est que la police n'a rien perdu du tout. Nous avons été au-devant de notre mandat et continuerons de le faire. Nous fonctionnons dans le cadre des lois nationales et nous ne pouvons pas être tenus responsables de tous les maux sociaux qui ont poussé la société pour la faire aboutir là où elle se trouve. La consommation de drogues, l'abus de stupéfiants et toutes ces questions de dépendance, si vous voulez, sont symptomatiques de problèmes qui échappent à notre contrôle et à notre capacité de renverser ce qui est arrivé. Nous sommes tout simplement confrontés aux suites de quantité de choses qui ont mal tourné, de politiques qui ont été mises en oeuvre. Tant de promesses ont été faites, tant de ressources ont été consacrées à ceci ou à cela, et au bout du jour, tout ce que l'on obtient c'est un circuit d'attente.
Nous ne pouvons pas ni ne devrions prétendre que nous sommes responsables du problème qui existe à l'heure actuelle, pas plus que nous devrions vous tendre une quelconque promesse que nous pourrons, dans le cadre de notre mandat, renverser les choses. Je demande où était tout le monde pendant mes 33 années de service, lorsque le problème était relativement mineur, même s'il y en avait un, dans la mesure où aujourd'hui vous avez...
Ici, à Toronto, nous avons été confrontés à un gang de narco-trafiquants--des criminels organisés. En 1994, par exemple, nous avons arrêté un groupe du crime organisé, qui, monsieur White, vendait dans les 5 000 kilogrammes de cocaïne. Ces criminels ont été inculpés et condamnés à des peines d'emprisonnement allant de 14 à 22 ans. Ils ont purgé leur peine et, avec la mise en liberté anticipée, sont sortis de prison en 1998. Et ils n'ont pas perdu une minute--ils se sont lancés dans le trafic de la cocaïne et dans le trafic de l'ecstasy.
Nous ne pouvons donc pas être tenus responsables de ce qui est arrivé ici. Tout ce que nous disons est que si vous voulez que nous fassions notre travail, alors il nous faut les outils, les ressources et les lois nécessaires à l'exécution de notre élément du mandat, soit l'application de la loi. Quelqu'un d'autre devra se préoccuper des autres aspects et y investir ce qu'il faut, car je pense que les forces de l'ordre de ce pays font leur maximum pour contrer les retombées de toutes ces politiques, de toutes ces promesses et de tous ces espoirs qui ont été brandis mais jamais réalisés.
¹ (1505)
La présidente: Merci.
Inspecteur Allen.
L'insp. Ron Allen: J'aimerais certainement me faire l'écho des propos du chef Fantino. Notre assiette est bien pleine. Et je pense qu'un grand nombre de personnes autour de la table comprennent leurs responsabilités à l'égard de la stratégie antidrogue du Canada.
Encore une fois--et je vous dirais que vous avez au cours des 20 ou 30 dernières minutes beaucoup entendu parler de la marijuana--nous ne voulons en rien détourner votre attention de l'héroïne et de la cocaïne. Il s'agit là de problèmes très graves. Il se trouve tout simplement qu'il y a à l'heure actuelle une tendance, et cette tendance c'est la culture de la marijuana. La popularité de la marijuana a mis cette drogue à l'avant-plan. Mais nous ne voulons rien enlever quant à la lutte aux autres substances dangereuses qui sont sur le marché.
Pour ce qui est des maux sociaux, de l'offre et de la demande, de la prévention, de l'éducation, tous ces éléments jouent un rôle par rapport aux autres. La GRC, que vous connaissez bien, a, certes, un programme de prévention de la toxicomanie. Je ne vais pas rester assis devant vous ici et vous dire que ce programme a réussi ni que notre programme de répression criminelle rencontre le succès qu'il lui faudrait connaître. Je dirais cependant qu'il faut une communauté pour élever un enfant. Cette responsabilité ne peut pas revenir aux seules forces de police. Si nous sommes coupables devant quiconque de ne pas faire notre part du côté social du grand livre, alors je vous dirais que nous sommes coupables aux côtés de tous ceux qui interviennent au niveau communautaire.
La présidente: Merci.
Inspecteur Torigian.
M. Randy White: J'espère que vous n'avez pas mal pris ma question. Étant critique du Solliciteur général depuis huit ans, je sais ce qui me tient à coeur. J'essaie tout simplement de vous dire que nous nous efforçons d'élaborer une stratégie antidrogue nationale et qu'il y a deux opinions différentes--qui sont dans bien des cas diamétralement opposées. Il y a la vôtre, et il y a celle des travailleurs sociaux et universitaires, et il est bien difficile d'en arriver à une entente sur ce qu'il faut faire. Voilà pourquoi je vous ai posé cette question.
La présidente: Très bien. Un instant. Nous allons d'abord entendre l'inspecteur Torigian. Puis... je ne sais si M. Watson voudrait intervenir, après quoi ce sera au tour du chef Fantino.
Inspecteur Matt Torigian (Services régionale de la policie de Waterloo): Merci.
Monsieur White, vous-même et les membres du comité avez devant vous une tâche tout à fait louable. C'est tout un défi, étant donné votre vaste mandat, que de tenter de définir les facteurs qui contribuent réellement à la consommation de drogues dans notre société.
Je ne sais si nous avons mal interprété vos commentaires. J'ai peut-être mal interprété une déclaration que vous avez faite, mais je pensais vous avoir entendu dire que lorsque vous écoutiez les autorités de police autour de la table vous aviez le sentiment qu'il n'y avait aucune réponse commune. Nous avons en vérité une réponse commune lorsque vous disséquez ce qui a été dit. Je pense, étant donné tous les sujets et toutes nos préoccupations relativement aux forces de police de l'Ontario et de partout au pays, que vous trouverez que nous nous efforçons tous de nous attaquer à la racine du problème. Peut-être qu'en ce moment la marijuana est un sujet d'actualité, comme l'a laissé entendre l'inspecteur Allen. Il s'agit d'une tendance dont nous devons nous occuper, et il semble que l'on en reconnaisse non seulement les ramifications sociales mais également les retombées pour nos collègues des services d'intervention d'urgence, nous-mêmes et la communauté au sens large.
D'autre part, la marijuana est ce que l'on appelle une drogue de niveau entrée et, malheureusement, nous savons que s'il s'agit de s'attaquer à la racine du problème, il faut aborder certains de ces problèmes. La marijuana est principalement consommée, en premier lieu, par 95 p. 100 des personnes qui passeront éventuellement à la cocaïne et à l'héroïne. Il serait sans doute prudent de notre part de nous attaquer à cela. Mais nous ne le pouvons pas. Comme l'inspecteur Allen, le chef Fantino et d'autres l'ont dit, nous nous retranchons à l'égard des autres questions également, car il nous faut mettre en place une approche multi-dimensionnelle. C'est peut-être là l'une des raisons pour lesquelles, s'agissant de la stratégie nationale de lutte contre les drogues qui, vous avez raison, n'a pas été bien communiquée et n'est pas non plus bien connue, il y a peut-être manque de convergence à l'occasion entre les différentes agences sur le terrain. Il nous faut avoir une approche mieux coordonnée et abattre les silos qui existent manifestement dans le pays.
¹ (1510)
La présidente: Merci.
M. Watson, puis ce sera au tour du chef Fantino.
M. Henry Watson: Je peux franchement dire que je ne suis pas très bien renseigné sur la stratégie antidrogue du Canada, étant donné que je ne suis pas dans la police.
Mais en ce qui concerne la dynamique entre les intervenants de secours de première ligne, les universitaires et les travailleurs sociaux, de notre point de vue, pour ce qui est des fumeries de crack que nous voyons, le plancher couvert de seringues, lorsque les pompiers pénètrent dans ces planques, leur matériel peut être perforé et ils peuvent être exposés à quantité de maladies: VIH, hépatite C...
Je pense que tout cela peut être ramené à une question d'argent et au fait que le marché est très lucratif pour ces exploitants de laboratoires clandestins ou cultivateurs de marijuana. Que l'on parle décriminalisation ou élimination de l'interdiction, il n'en demeure pas moins que tant et aussi longtemps qu'il y a de l'argent à faire, ces activités se poursuivront. Je pense qu'il ne faut pas oublier cela.
J'estime qu'il est important de comprendre, d'après ce que nous disent les gens de la police et d'autres, qu'il y a à l'heure actuelle de ces laboratoires dans toutes les localités du pays. Nous avons en tout cas tous été sensibilisés à cela par les médias. Les derniers laboratoires de culture de marijuana--comment les appelez-vous? Vous parlez de descentes? Je m'excuse, mais je ne connais pas le jargon de la police. Quoi qu'il en soit, tous ces raids ont fait ressortir l'ampleur du problème.
J'ai des amis dont une maison voisine, de l'autre côté de la rue, a fait l'objet d'un de ces raids. Cette intervention a certainement envoyé des ondes de choc dans le quartier, les gens voyant la police défiler dans leur rue résidentielle et découvrir une culture de marijuana dont tout le monde avait jusque-là ignoré l'existence.
C'est un problème d'envergure. Je pense qu'il nous faut parfois l'envisager dans un contexte plus large que simplement théorique.
La présidente: Merci.
Le chef Fantino pourra conclure.
Chef Julian Fantino: Merci. J'ai compris votre question, monsieur White. C'est justement le dilemme auquel nous nous trouvons confrontés. Nous devons être partout à la fois. C'est exactement cela le problème ici. C'est le cas depuis toutes ces années.
Les décideurs doivent prendre le contrôle du problème et être redevables quant aux résultats. La stratégie antidrogue telle que nous la connaissons est un excellent document philosophique, mais rien de plus. Elle ne nous habilite pas véritablement, ni ne nous permet d'obtenir de résultats. Nous ne pouvons pas nous contenter d'écrire des listes de voeux--« Nous ferons ceci, nous ferons cela »--pour ne rien faire ensuite. Il faut qu'il y ait les outils, les ressources et l'engagement. Les stratégies doivent viser des résultats bien concrets. Nous avons donc dans ce pays une stratégie antidrogue, mais cela se résume à un simple document philosophique, et c'est tout.
[Français]
La présidente: Merci beaucoup. Maintenant, monsieur Ménard, vous avez 10 minutes.
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Est-ce que je peux poser des questions sans savoir ça, ou s'il faut que je garde...?
La présidente: C'est mieux de poser des questions sans ces choses.
M. Réal Ménard: J'ai deux questions pour trois témoins. Je vais commencer par le chef de police de Toronto.
Alors qu'on on a appris que le quart de la population canadienne vit dans la grande région de Toronto, pouvez-vous nous dire combien un service de police comme le vôtre investit en termes de ressources dans la lutte contre le trafic de drogue, afin que nous ayons une référence?
Ma deuxième question s'adresse aussi au chef de police de Toronto. Dans votre exposé, vous avez dit que vous souscriviez à la prise de position de l'Association canadienne des Chefs de police à l'effet de ne pas décriminaliser la marijuana, mais que vous ne croyiez pas que cela devait entraîner l'établissement d'un casier judiciaire.
Pouvez-vous nous faire valoir la nuance que vous souhaitez entre les deux?
Peut-être puis-je vous rappeler que nous avons un collègue, Keith Martin, qui a déposé un projet de loi qui s'inspire de cela. Donc, c'est ma première question. J'en aurai deux autres pour d'autres témoins.
¹ (1515)
La présidente: La première question est pour M. Fantino.
M. Réal Ménard: J'en aurai deux autres après.
[Traduction]
Chef Julian Fantino: La question du soutien de l'Association canadienne des chefs de police ne vise que la décriminalisation de la possession de petites quantités de marijuana lorsqu'il n'intervient aucun autre élément d'importance. Nous voulons trouver le moyen de maintenir un délit, mais ce ne serait pas un acte criminel en tant que tel. Ce serait une infraction qui pourrait être sanctionnée par une amende ou autre chose du genre.
Voilà donc quelle est la position. Je vais tâcher de mieux l'expliquer, mais en gros, c'est cela que nous visons. Nous ne voulons pas que ce soit légalisé. Je m'oppose totalement et catégoriquement à ce que ce soit légalisé.
Quant à l'autre question, je ne peux même pas vous donner une idée du montant d'argent que nous consacrons à notre lutte contre les stupéfiants. Dans la Région du Grand Toronto, il y a une population de près de 5,4 millions de personnes. Collectivement, à cause des mouvements des gens qui vont et viennent, nous dépensons tous énormément d'argent. Et ce dont on ne parle pas souvent c'est l'incidence des drogues sous forme d'autres activités criminelles auxquelles sont confrontées les collectivités: la vente de crack aux plus vulnérables dans la société; la toxicomanie chez les jeunes, qui s'adonnent alors à la prostitution, et ainsi de suite.
Je n'ai donc pas de montant précis à vous donner. Tout ce que je sais est que nous luttons contre les stupéfiants aux côtés de nos autres collègues qui sont actifs dans la Région du Grand Toronto. Nous travaillons indépendamment par rapport à eux. Nous avons des sections de lutte antidrogue dans la rue, qui donnent leur maximum. On dépense beaucoup d'argent. Mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas tant ce que nous dépensons, c'est ce que nous perdons en tant que société. Et j'ai déjà parlé de ces questions plus tôt.
Insp. Ron Allen: Merci.
La loi en matière de crime organisé qui a été adoptée et qui nous autorise à utiliser la partie VI--demande d'interception--pendant un an n'a été que très rarement utilisée. Si vous connaissiez les entraves dont sont assorties les demandes en vertu de la partie VI--les sources, les garanties, la divulgation de tous les renseignements qui sont exigés--vous verriez que cela devient très difficile. Il vous faut établir un historique de cinq ans d'un groupe du crime organisé pour obtenir l'autorisation d'une écoute téléphonique pour une période d'un an.
Les autorisations d'écoute téléphonique auxquelles nous recourons à l'heure actuelle ne sont bonnes que pour 60 jours. Et je peux vous dire qu'en règle générale il faut au préalable déposer une documentation de quelque 300 ou 400 pages. Lorsqu'il est question de demander un renouvellement, il faut compter plusieurs milliers de pages. Si nous ne faisions que mettre un produit d'écoute téléphonique sur la table avec un groupe du crime organisé, le déposant serait rayé de la police pendant plusieurs années. C'est presque impossible à faire. Les entraves qui vous sont imposées par le système juridique en matière de pleine divulgation sont telles que la chose n'est tout simplement pas faisable.
Quant à la deuxième partie de votre question, je n'ai même pas voulu évoquer la possibilité qu'il y ait des sociétés pharmaceutiques à Toronto qui conspirent avec des gens aux États-Unis pour produire de la méthamphétamine ou de la THP. Ce que je dis est que les compagnies pharmaceutiques torontoises fabriquent certains produits qui ne figurent pas sur les listes et qui ne sont pas assortis d'exigences en matière de rapport, et qu'elles les vendent à des personnes dont elles pensent qu'elles sont des acheteurs en règle qui vont s'en servir aux fins prévues, par exemple pour fabriquer des sirops pour la toux. Une fois ces produits aux mains de ces personnes, ils sont alors expédiés en secret aux États-Unis. Ce ne sont pas les sociétés elles-mêmes qui sont l'élément criminel. C'est l'acheteur, dont la compagnie pharmaceutique n'a pas de raison de penser qu'il est autre qu'un client tout à fait légitime. En vérité, ces personnes montent des sociétés façades afin de pouvoir obtenir ces drogues.
¹ (1520)
[Français]
M. Réal Ménard: Merci.
Est-ce que je peux poser une dernière question à monsieur Stevens?
Vous avez dit que, de plus en plus, l'héroïne était dans les écoles secondaire. Évidemment, c'est une préoccupation qu'ont les membres du comité que de comprendre cette réalité. Est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur de ce à quoi vous avez fait allusion?
Vous avez également parlé de renverser le fardeau de la preuve, parce que c'est un peu difficile d'aboutir à des enquêtes concernant, encore une fois, le trafic de la drogue. Qu'est-ce que vous souhaiteriez exactement comme amendement législatif ou comme aménagement législatif?
Évidemment, pour ce qui est de renverser le fardeau de la preuve, ayant été membre du comité qui a étudié les projets de loi C-24, C-95 et C-36, j'ai pu constater que c'est revenu très souvent de la part des différents chefs de police. Mais ce n'est pas compatible avec la Charte canadienne des droits et libertés. Ce serait extrêmement difficile. Alors, peut-être pouvez-vous nous faire voir exactement ce que vous aviez en tête à ce moment-là.
[Traduction]
Sdt Bill Stevens: En réponse à la première question, portant sur la consommation d'héroïne, il s'agissait d'une école secondaire rurale et il y avait une dizaine d'étudiants qui étaient héroïnomanes. La collectivité n'avait jamais été confrontée à un problème de drogue de cette ampleur et, même si ces étudiants n'étaient qu'au nombre de dix, c'était tout de même beaucoup pour le coin.
Ce que nous avons découvert est que nombre des étudiants étaient toxicomanes et que certains d'entre eux étaient en fait en train d'aggraver le problème en vendant de l'héroïne à l'école.
Cela répond-il à votre question, monsieur?
[Français]
M. Réal Ménard: Oui.
[Traduction]
Sdt Bill Stevens Pour ce qui est de la question du renversement du fardeau de la preuve, oui, je suis d'accord avec vous quant à la dernière partie de votre commentaire. Nous trouvons qu'il est très difficile de poursuivre ces dossiers en matière de produits de la criminalité. L'opinion générale, bien sûr, est qu'il serait beaucoup plus facile pour nous de prouver qu'il y a eu crime s'il y avait inversement du fardeau de la preuve, comme c'est le cas aux États-Unis. Je sais, comme vous l'avez dit, que cela irait à l'encontre de la Charte des droits et libertés. Cependant, nous avons énormément de difficulté à retracer les biens et les fonds liés au crime organisé, en tout cas au Canada.
[Français]
M. Réal Ménard: On nous a expliqué, encore une fois au comité qui a étudié le crime organisé, qu'une enquête sur les drogues peut facilement durer trois ans et que ça peut facilement coûter plusieurs millions de dollars. On nous a aussi parlé de l'arrêt Stinchcombe qui oblige maintenant à divulguer l'ensemble de la preuve, y compris le carnet dont s'est servi le policier le premier soir où il a intercepté le témoin. Donc, on comprend qu'on est en présence d'une infrastructure judiciaire et d'une preuve à faire qui est extrêmement complexe devant la cour de justice. Mais au-delà de toute partisanerie, le crime organisé a fait partie de l'agenda politique. Il y a eu huit projets de loi depuis 1993 pour donner des outils additionnels aux policiers, et ces huit projets de loi étaient, à quelques amendements près, consensuels à la Chambre des communes.
Est-ce que vous êtes quand même capables, à travers l'arsenal législatif qui a été mis à votre disposition depuis 1993, de réussir à aller devant une cour de justice, à mener une véritable enquête et à faire condamner des trafiquants?
¹ (1525)
[Traduction]
Sdt Bill Stevens: Pourriez-vous s'il vous plaît répéter la dernière phrase? Sommes-nous en mesure de faire la connexion?
Une voix: [Note de la rédaction--Inaudible]
Std Bill Stevens: Dans de rares cas, nous pouvons obtenir une condamnation. Mais en règle générale, la réponse est que non.
[Français]
M. Réal Ménard: Malgré le fait que nous avons modifié la législation à huit reprises... Comme législateurs, on a modifié le Code criminel, on a modifié la Loi sur les produits de la criminalité, on a modifié la Loi sur le programme de protection des témoins. On a maintenant une nouvelle infraction de gangstérisme. Deux cent cinquante millions de dollars ont été alloués à la GRC dans le dernier budget, et malgré l'ensemble de la panoplie législative que vous avez--et c'est important qu'on ait cette information comme membres de comité--, vous dites que c'est très difficile pour vous, comme corps policier, de réussir à faire condamner un trafiquant de drogue. C'est ce que je comprends de votre témoignage.
[Traduction]
Sdt Bill Stevens: Nous constatons que le crime organisé est aujourd'hui très doué pour la dissimulation de fonds, et nous avons de la difficulté à les retracer.
[Français]
La présidente: Je pense qu'il y a M. Fantino, peut-être M. Allen et aussi M. Booth.
[Traduction]
Chef Julian Fantino: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. Bien qu'un certain nombre de projets de loi aient été adoptés, plusieurs d'entre eux ont été très insuffisants. Je ne suis pas du même avis quant au consensus. Le projet de loi C-95 était totalement insuffisant. En fait, dans ce pays, depuis l'adoption du projet de loi C-95, il n'y a eu aucune poursuite qui puisse lui être attribuée de façon claire et nette. Il y a certains plaidoyers de culpabilité qui ont été négociés, mais il n'y a jamais eu d'enquête exhaustive à grande échelle qui ait débouché sur des procès, des condamnations.
Vous pouvez adopter toutes sortes de lois, mais s'il n'y a pas en place les ressources nécessaires pour suivre le rythme des percées extraordinaires faites par le crime organisé dans la mondialisation de ses opérations, de son exploitation de la technologie, de sa sophistication, alors nous allons toujours traîner de l'arrière. Bien qu'il y ait eu certains bons textes de loi--je vous renverrais au projet de loi C-24, qui était bon, et au projet de loi C-36, qui sera bien sûr utile face au terrorisme--le problème est que nos mains ont été simultanément de plus en plus liées par les décisions des tribunaux, et ces outils se sont donc évaporés, si vous voulez.
Il nous faudra attendre de voir ce que nous réserve l'avenir en ce qui concerne les projets de loi C-24 et C-36. Pour ce qui est du projet de loi C-95, il a abouti nulle part en vérité.
Je m'écarte ici sans doute du sujet qui nous occupe, mais le projet de loi traitant de l'exploitation sexuelle internationale des enfants...je pense que c'était le projet de loi C-127. Il n'y a eu absolument aucune enquête par suite de ce projet de loi.
La présidente: Inspecteur Allen.
Insp. Ron Allen: Merci. J'aimerais dire que je suis de ceux qui participent aux enquêtes que vous venez d'évoquer. Nombre de nos enquêtes demandent en vérité deux ou trois ans à boucler et elles coûtent très cher. Ce qu'ignorent certains est peut-être que lorsque vous faites une enquête en vertu de la partie VI, soit l'interception de communications privées, une partie du coût correspond à la véritable interception physique de ces communications.
Les participants au crime organisé sont des voyageurs internationaux. Ils parcourent le monde. Il ne s'agit dont pas tout simplement de faire de l'interception ici au Canada. Il vous faut faire intervenir d'autres pays. Tout d'un coup, vous constatez que vos criminels itinérants parcourent trois ou quatre continents et vous devez installer vos tables d'écoute dans trois, quatre ou cinq pays du monde. Il faut également payer des interprètes, des traducteurs, ce qui se chiffre dans les millions de dollars par an, et ce, dans certains cas, pour une seule enquête.
En ce qui concerne l'obtention de condamnations, nous avons remporté certains succès nous-mêmes. Je veux parler ici de la perspective de la GRC dans la RGT: nous avons obtenu des condamnations de membres du crime organisé, mais je peux vous dire que ce n'est pas chose facile. Le flux d'argent auquel ont accès les membres du crime organisé leur permet de recruter des avocats qui demandent le prix fort, et ils utilisent tous les textes de loi à leur disposition pour prolonger les enquêtes, recourant aux lois en matière de divulgation, poussant parfois les choses à l'infini.
Je peux vous donner l'exemple d'une enquête dans le cadre de laquelle il y avait eu plus de 10 000 appels téléphoniques, et l'avocat de la défense déposait des motions demandant que les échanges contenus dans au moins 6 000 de ces appels soient traduits et lui soient communiqués, même si leur pertinence était quelque peu douteuse.
J'aimerais en tout cas me faire l'écho des commentaires que nous avons entendus autour de la table. Et lorsque nous affichons des réussites, ce n'est que grâce à du travail ardu et, parfois, à une dose de chance.
¹ (1530)
La présidente: Merci, chef Fantino.
Détective Booth.
Détective Courtland Booth (Central Drug Information Unit, Services de la police de Toronto) : J'aimerais ajouter qu'en ce qui concerne l'interception de communications privées, au fur et à mesure qu'interviennent dans l'enquête de nouvelles personnes, de nouveaux ordres doivent les identifier. Je sais que pour ce qui est des officiers de la police de Toronto et, j'imagine, des membres de la GRC et d'autres services, ces documents demandent plusieurs mois à préparer et, pour chacun d'entre eux, au fur et à mesure qu'on les retravaille pour mieux décrire l'activité criminelle et les personnes touchées, nous sommes tenus de dresser de nouveaux ordres. Cela rend beaucoup plus difficile tout le processus.
Pour ce qui est des produits de la criminalité, ces gens sont très doués pour ce que l'on appelle l'emmêlement des fonds. J'ai personnellement fait enquête sur des trafiquants de stupéfiants qui avaient liquidé 1 300 kilos et blanchi 25 millions de dollars dans la région torontoise sur une période de huit mois. L'enquête sur les produits de leurs activités n'a donné que très peu de résultats étant donné que leurs biens sont toujours vendus à crédit de façon à leur revenir. Ils obtiennent d'excellents conseils juridiques sur la façon de frustrer le système. Quant à ce qui a été dit au sujet de l'aide juridique--nous avons déjà vu des gens du milieu du crime organisé envoyer ici des avocats de l'étranger pour des enquêtes préliminaires dans le seul but de voir ce qui avait mal tourné avec l'organisation. Ils ne sont pas du tout préoccupé par la condamnation ni par le résultat de la poursuite. Ils veulent juste savoir ce qui a mal tourné. C'est plus un exercice de règlement de problème qu'autre chose pour eux.
La présidente: Thank you very much, M. Ménard.
Madame Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Tout d'abord, merci aux témoins d'être venus aujourd'hui. Je conviens que les services de police de partout au pays, la GRC, etc., ont un certain mandat--vous avez un travail à faire--mais je peux vous dire qu'il y a quelques semaines, lorsque nous avons entendu des représentants du bureau du vérificateur général nous entretenir du rapport fait par eux plus tôt dans l'année, nous avons constaté que c'était un rapport plutôt négatif quant à la prétendue stratégie antidrogue, à l'efficacité des mesures prises et aux progrès affichés. Il me semble qu'ils avaient de très sérieuses questions au sujet de la façon dont les ressources étaient déployées. En fait, ils soulignent dans leur rapport, si ma mémoire est bonne, que 95 p. 100 des dépenses fédérales sont consacrées à l'exécution de la loi. Or, en réalité, dans les rues et dans les collectivités, le problème devient de plus en plus gros et de plus en plus difficile. Il me semble, donc, qu'ils avaient des doutes quant à l'efficience des ressources consenties.
Je viens de Vancouver, où il y a un très grave problème, comme vous le savez sans doute. Je sais que l'une des choses au sujet desquelles bon nombre de juridictions s'entendent--les trois paliers de gouvernement ainsi que la police de Vancouver--est l'approche dite aux quatre piliers.
J'ignore si cela vous est familier, mais je serais intéressée de connaître vos réactions à cette approche qui vise à établir un équilibre entre prévention, traitement, réduction des préjudices et exécution de la loi, au lieu que l'on ne se concentre que sur la seule exécution de la loi.
J'ai constaté que le chef Fantino n'a rien dit au sujet de la réduction des préjudices, mais à Vancouver, le service de police a pris un ferme engagement en ce sens, car je pense qu'ils en sont arrivés à la conclusion qu'ils sont des agents de police. Ils ne peuvent pas s'occuper de cela en tant que question sociale complexe. Ils peuvent faire certaines choses, mais ils passent en gros leur temps à courir après des gens dans la rue et à l'intérieur du système judiciaire.
J'aimerais savoir si vous avez lu quelque chose au sujet de l'approche à quatre piliers et si vous avez des opinions à ce sujet, et je songe ici tout particulièrement à ce qui a été fait en Europe où l'on a obtenu de bien meilleurs résultats, semble-t-il, avec une approche axée sur des mesures sanitaires, et grâce à laquelle on a pu minimiser l'impact des aspects illégaux de la toxicomanie grâce à des choses comme des programmes de distribution de doses de maintien.
En tout cas, si vous avez des réactions à l'égard de cette approche à quatre piliers ou si vos services de police ont envisagé d'adopter des mesures semblables, cela m'intéresserait de vous entendre en parler.
La présidente: J'ai le détective Booth et le surintendant Stevens, après quoi je chercherai à repérer d'autres mains. Excusez-moi, je vois également l'inspecteur Allen.
Dét. Courtland Booth: J'ai lu le document que vous venez d'évoquer traitant de l'approche à quatre piliers de Vancouver, et je sais que la ville de Vancouver est en train d'envisager une cour pour drogués. Revenant à la question posée par un autre député, j'ai lu la stratégie antidrogue du Canada. Je connais le document.
Il n'y a aucun doute, comme l'a dit le chef, qu'une approche visant une société en meilleure santé, jouissant d'une meilleure qualité de vie et d'une meilleure sécurité, ce dans quoi nous mettons nos espoirs, ne pourra pas être réalisée en misant seulement sur l'application de la loi. Il s'agit d'un problème à facettes multiples exigeant une solution à facettes multiples.
Quant à la question de savoir si des fonds suffisants sont consacrés à l'éducation, à la sensibilisation aux drogues, à la réduction des préjudices... L'expression «réduction des préjudices» couvre beaucoup de terrain. Et pour que les différents éléments soient bien explicités...il peut s'agir de bouteilles à l'épreuve des enfants, de piqueries sûres, d'héroïne administrée en clinique, de fumeries de crack sûres... Cela recouvre une vaste gamme de choses.
J'ai siégé au comité directeur de la cour pour toxicomanes ici à Toronto. Je siège au groupe de recherche torontois sur la consommation de drogues. Je suis donc amené à rencontrer des prestateurs de soins, des éducateurs, des gens du bureau du coroner, des membres du Collège des médecins et chirurgiens à Toronto. Et, oui, il arrive que la police soit polarisée par des intervenants qui, dans leur approche axée sur la réduction des préjudices, disent «Quelle est la méthode sûre pour absorber de l'ecstasy»? ou «Que peut-on faire pour réduire les problèmes par suite de la consommation d'ecstasy?» S'agissant des raves ici à Toronto, on disait qu'il fallait boire beaucoup d'eau. Dans les raves aux États-Unis, ils ont mené certains essais sur place pour voir si la pilule contenait seulement de la MDMA, de la MDMA avec du PCP, ou de la MDMA et d'autres substances.
La réduction des préjudices couvre beaucoup de terrain, et la police de Toronto et la GRC jouent un rôle là-dedans également.
J'ai participé à des réunions avec des représentants de tous les différents volets pour essayer d'obtenir une réponse dans la région de Toronto, et je sais que les gens à Vancouver sont aux prises avec la même question. Il y a beaucoup de personnes qui meurent par suite d'overdoses d'héroïne et d'autres choses du genre, et il y a également tous les autres problèmes connexes dont il faut tenir compte.
Je pourrais continuer pendant longtemps encore, mais j'aimerais revenir à une chose qu'a dite le chef plus tôt, soit qu'il y a tant de choses dont il nous faudrait vous entretenir et que nous n'avons pas encore abordées ici: le GHB et le viol par une connaissance et toutes les autres choses qui s'inscrivent sous la rubrique problèmes de drogues.
Je ne voudrais pas monopoliser votre temps, mais j'espère que mes propos vous auront aidés.
¹ (1535)
Mme Libby Davies: D'après ce que j'ai lu et d'après ce que m'ont dit des membres d'autres services, notamment en Europe, les choses ont vraiment changé lorsque les services de police locaux sont allés au-delà de leur rôle traditionnel d'exécution de la loi pour travailler en collaboration étroite avec des groupes communautaires, des conseils municipaux, etc., dans le cadre d'une optique beaucoup plus exhaustive.
Par exemple, à Francfort, c'est en vérité le service de police qui a montré la voie en vue du démantèlement du marché de la drogue et de l'installation, à sa place, d'une approche beaucoup plus médicalisée. La police en a fait partie; elle a en fait mené le travail en ce sens. Je pense déceler des signes de ce genre de chose ici au Canada. C'est dans une certaine mesure ce qui s'est passé à Vancouver. J'ignore si la même chose a été tentée ailleurs.
Je suis donc curieuse de savoir s'il y en a parmi vous qui discutez, non seulement avec des gens qui s'occupent de traitement mais avec d'autres intervenants--ce ne sont pas vraiment des travailleurs sociaux, comme l'indique M. White--qui ont une expérience d'autres genres de modèles auxquels la police pourrait s'intéresser. D'après ce que j'ai pu voir, cela pourrait en vérité vous aider dans votre travail.
La présidente: La parole sera au surintendant Stevens, suivi de l'inspecteur Allen.
Sdt Bill Stevens: Je pense que le modèle adopté par les Waterloo Regional Police Services ressemble de beaucoup à celui qui a été utilisé à Vancouver. Nous avons fait la transition du travail policier communautaire, que nous avions assuré pendant plusieurs années, à la mobilisation communautaire. Et je suis d'accord ave vous lorsque vous dites que les services de police ne peuvent pas tout faire. Ils ne peuvent pas être la réponse à tous les problèmes de la société. Mais ce que nous avons fait dans le cadre de ce travail de mobilisation c'est descendre dans un quartier... Un exemple qui me vient à l'esprit est celui d'un quartier qui comptait beaucoup de fumeries de crack, de propriétaires absentéistes et de nomades.
Je me souviens que la communauté avait envoyé des centaines de lettres et aux services de police et aux maires des deux villes--car la zone se trouvait au point de rencontre des deux villes--pour les sensibiliser aux problèmes que je vous ai mentionnés.
En tant que service de police, nous avons recouru à la mobilisation pour nous y rendre avec quelques agents, nous appuyant sur beaucoup de travail d'application de la loi pour tenter de résoudre les problèmes. Nous avons fait intervenir des spécialistes des programmes de désintoxication, des gens des services à la famille et à l'enfance, des responsables des règlements, des écoles, des services de pompiers et des services de santé. Nous avons obtenu que les voisins eux-mêmes s'intéressent aux problèmes et discutent avec certains des voisins qu'ils cherchaient typiquement à éviter du fait des problèmes qu'il avaient.
Au bout de 12 à 15 mois, au lieu de recevoir des centaines de lettres, nous n'en avons reçu qu'une. Cette lettre était en vérité un genre de certificat de reconnaissance, remerciant la police d'avoir montré la voie aux autres. Il y a donc d'autres façons de faire, et c'est là la méthode que nous avons adoptée. Cela a donné de bons résultats pour nous dans ce cas-là.
¹ (1540)
La présidente: Inspecteur Allen.
Insp. Ron Allen: Merci.
Le problème dont nous discutons est si vaste et je pense que nous tous qui sommes dans cette salle sommes animés par les mêmes sentiments.
Nous nous sommes certainement investis dans de nombreux programmes. Lorsque j'étais au Cap-Breton, j'ai siégé au groupe qui a été à l'origine de l'établissement dans l'île du programme d'échange de seringues. Encore une fois, nous n'étions pas tant préoccupés par le problème de drogue lui-même, mais plutôt par les effets néfastes de la propagation du VIH et de l'hépatite C.
Je siège à l'heure actuelle à un conseil torontois aux côtés du patron de Courtland Booth. Ce conseil est en train de mettre en place un programme en vue de l'étude de la consommation de la marijuana à des fins médicinales par des personnes atteintes du VIH. Ce n'est donc pas que nous refusons de voir l'autre côté; nous sommes là, sur le terrain.
Personne ne contestera la nécessité d'un effort renouvelé axé sur le toxicomane, le drogué, mais cela ne doit pas se faire aux dépens de la poursuite des entreprises criminelles qui exploitent le malheur de ces personnes. Il est clair qu'il faut une approche renouvelée, mais nous ne pouvons pas déséquilibrer les choses en retranchant au volet application de la loi pour intervenir du côté de la réduction et de la prévention. Il importe par ailleurs qu'il y ait des ressources et un budget suffisants.
La présidente: Enfin, avant de donner la parole à M. Lee, nous allons entendre l'inspectrice détective Pittman.
Insp./dét. Signy Pittman: À Halton, nous ne vivons pas forcément les genres d'activités dont vous avez entendu parler autour de la table aujourd'hui, mais nous nous efforçons de suivre le même genre d'approche, sur une plus petite échelle, cependant, et peut-être sur d'autres fronts également. Comme l'a mentionné l'inspecteur Allen, nous nous efforçons tous d'épauler les différents services. L'opération Greensweep en est un exemple: nous comptions sur d'autres pour nous aider à régler le problème.
En ce qui concerne Halton, lorsque je regarde ne serait-ce que les lois en matière d'écoles sûres qu'adoptent nos collectivités, je vois que les gens y sont confrontés à la même question que celle qui nous a occupés à Waterloo, quant à ce qu'il faut faire face aux drogues dans les écoles. Je pense que ces types de loi qui se mettent en place nous offrent la possibilité de rencontrer différents partenaires pour la lutte. Mais, comme l'a indiqué l'inspecteur Allen, la stratégie antidrogue du Canada--en tout cas ce dont je me souviens--compte sept volets, dont l'un est l'application de la loi, ce qui est notre responsabilité.
Vous avez évoqué le rapport du vérificateur général, selon lequel 95 p. 100 des fonds sont versés à l'application de la loi. Il serait intéressant de savoir quel a été notre engagement à l'égard de l'opération Greensweep. Une fois les accusations portées et une fois qu'on aura investi ce qu'il faut pour en arriver là, nous comptons faire un examen cyclique de la situation pour savoir où en sont ces personnes dans le cadre du système judiciaire et pour tenter de comprendre pourquoi elles récidivent, où elles vont, etc.
Je pense qu'établir une certaine reddition de comptes quant à ce qui se passe de côté de nos activités d'application, une fois notre volet mené à bien, pourrait également nous fournir un tableau intéressant et avoir une incidence positive quant à cette approche à quatre piliers.
La présidente: Merci.
Merci, madame Davies.
M. Lee, suivi de Mme Fry.
M. Derek Lee: Merci.
Je ne peux pas m'empêcher de penser aujourd'hui qu'on a peut-être commis une erreur stratégique il y a 75 ou 100 ans lorsqu'on a décidé que la question des drogues devrait être réglée dans le cadre du régime pénal, avec la prohibition. Depuis, il y a en place cette maquette en vertu de laquelle la répression est un gros élément de la réaction de notre société, car il est vraiment injuste de se tourner vers les forces de l'ordre pour cela.
¹ (1545)
La présidente: Inspectrice Pittman, puis ce sera au tour de M. Torigian.
Insp./dét. Signy Pittman: Notre bureau de six personnes n'a pas beaucoup de ressources à consacrer à des affaires de possession par une personne. Encore une fois, il est frustrant pour nous, vu certaines des enquêtes sur lesquelles nous tombons, que nous ne soyons pas équipés pour les pousser plus loin.
Pas plus tard qu'il y a huit mois, nous sommes tombés sur une saisie très importante, avec des quantités que nous n'aurions jamais pu imaginer et que nous n'avions jamais vues au préalable. J'ai ainsi pu faire appel à la police de Toronto, à la GRC, à l'OPP et aux services de police voisins pour leur demander de l'aide. Mais la réalité, parlant ici au nom des plus petits services de police, est que nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour examiner le grand tableau. Nous devons nous contenter de transmettre certains de ces renseignements et de ces résultats d'enquête à la police de Toronto, à l'OPP et à la GRC pour que ceux-là y donnent suite.
En tant que service de police local, il nous faut notamment nous demander quelle part de nos ressources seront drainées par telle ou telle enquête. S'il n'y a pas de garantie que cela satisfera les besoins de nos communautés locales, il est peu probable, voire impensable, qu'on s'y investisse. On tentera peut-être d'y contribuer, en détachant peut-être un membre de notre équipe à un service de police plus grand, ce pour le bien commun.
La présidente: Merci.
Inspecteur Torigian.
Insp. Matt Torigian: Vous demandez quel pourcentage de notre unité d'enquête sur les stupéfiants serait consacré à de simples délits de possession par opposition à des délits de trafic.
M. Derek Lee: Oui, c'est à peu près cela.
Insp. Matt Torigian: La réponse simple à votre question est sans doute zéro. La majorité de nos arrestations pour simple possession surviennent lorsqu'une personne est arrêtée pour conduite en état d'ébriété. En fouillant sa personne, on trouvera, mettons, un sac de marijuana, et une accusation supplémentaire de possession de marijuana sera portée contre le conducteur.
Mais les ressources consacrées à la recherche de personnes qui ont sur elles de la marijuana sont nulles. Nous identifions et ciblons les trafiquants. Il y a des personnes qui sont accusées de possession par suite de ces enquêtes, mais ce n'est pas la possession que nous visons au départ.
La présidente: Monsieur Lee, pour un éclaircissement.
M. Derek Lee: L'inspectrice-détective Pittman a dit que sa force ne disposait pas des ressources nécessaires pour s'occuper des grosses affaires. J'en ai conclu qu'elle s'intéresserait peut-être aux petites affaires. Si c'est le cas, s'agit-il bien de petites affaires ou d'affaires d'importance moyenne?
Deuxièmement, si vous avez raison, monsieur, et si vous ne faites pas beaucoup dans le petit--le type tout seul--alors pourquoi...? Je suis peut-être mal renseigné, mais j'ai l'impression qu'une part importante de tout cela se retrouve devant les tribunaux des stupéfiants et qu'il se fait beaucoup de condamnations pour simple possession. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose, mais j'avais tout simplement supposé qu'il y avait un si grand nombre de condamnations pour simple possession, les gens se voyant coller un casier judiciaire pour ce que l'on pourrait appeler une bagatelle--même s'il est vrai que l'on peut arguer qu'il s'agit d'une drogue tremplin--parce que les ressources étaient axées là-dessus. Mais ce n'est peut-être pas le cas. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'il en est?
¹ (1550)
La présidente: Pour que les choses soient bien claires, nous allons entendre Pittman et Torigian, puis Allen, Fantino et Booth.
Insp./dét. Signy Pittman: Au cours des six derniers mois, nous avons saisi 56 000 plants de marijuana dans la région de Halton. Nous sommes jusqu'à un certain point un service de taille moyenne. Si l'on regarde la façon dont nous exécutons notre travail, nous ne sommes pas en mesure de nous attaquer au trafic de drogues international, mais nous pouvons recueillir des renseignements et transmettre nos enquêtes à ceux dont nous pensons qu'ils seront peut-être en mesure d'assurer le travail.
Une partie de ce que nous faisons dans la région de Halton, avec 500 personnes, c'est recueillir des renseignements, satisfaire les besoins de la localité et transmettre nos renseignements aux plus gros services qui sont en mesure de mener à bien les enquêtes. Nous contribuons par ailleurs des ressources pour les appuyer dans leurs initiatives. Nous nous considérons comme faisant partie d'un tableau plus vaste, avec notre saveur locale, mais plus encore.
La présidente: Merci.
Inspecteur Torigian.
Insp. Matt Torigian: Je vous en prie, ne confondez pas des personnes inculpées de possession de marijuana, par exemple, avec des personnes ciblées par les enquêteurs dans une enquête sur la drogue, car il y a un effet... Ce qui se passe, c'est que si une personne est accusée de voies de fait, arrêtée et trouvée en possession de marijuana, elle va répondre aussi de l'inculpation de possession de marijuana. Les ressources consacrées à l'inculpation de personnes pour possession de marijuana sont minimes.
Nous sommes une unité de lutte contre la drogue disposant de certaines ressources. Mais n'oubliez pas qu'il y a également des enquêteurs ou agents en première ligne qui vont tomber sur des personnes en possession de marijuana, fouillées pour n'importe quelle raison, comme je l'ai dit--conduite avec facultés affaiblies ou voies de fait, tout ce que vous voudrez. Ensuite, lors de leur arrestation, on trouve de la marijuana sur ces personnes. Cela ne signifie pas que l'on déploie davantage d'effectifs pour traduire ces personnes en justice. Il y a une certaine marge de manoeuvre.
M. Derek Lee: C'est un bonus.
Insp. Matt Torigian: Qu'entendez-vous par «bonus»?
M. Derek Lee: Sur le plan de vos chiffres d'arrestations pour drogue, ils sont un bonus, car c'est votre patrouille routière qui tombe sur le gars avec la marijuana. C'est ce que vous dites. Elle porte une accusation de possession de marijuana au lieu d'excès de vitesse, parce que l'intéressé roulait à 70 kilomètres/heure dans une zone où la vitesse est limitée à 50.
Insp. Matt Torigian: Certainement, ce pourrait être n'importe quel agent de police qui va tomber sur quelqu'un. Mais n'oubliez pas que nos ressources sont consacrées également aux effets résiduels de la drogue. Les agents en première ligne passent une grande partie de leur temps à s'occuper de vols avec effraction, de vols à main armée, de prostitution et autres larcins, toutes infractions qui représentent des effets résiduels de la drogue, du fléau social que constituent les stupéfiants illicites. Nous n'avons même pas encore parlé des stupéfiants légaux, auxquels nous consacrons également une bonne part de notre temps.
N'oubliez pas que nos agents ont une certaine marge de manoeuvre, tout comme les tribunaux et les procureurs. Très souvent, certains délits de «possession aux fins de» seront poursuivis uniquement comme une infraction de possession. Les statistiques comprennent donc également un certain nombre de ces cas.
La présidente: Merci.
Je donne la parole à l'inspecteur Allen.
Insp. Ron Allen: Merci. Je ne prendrai pas trop de votre temps, j'ai un match de basketball à sept heures et je ne veux pas le manquer.
Je répète encore une fois que d'aucuns utilisent les statistiques pour affirmer que la fréquence des arrestations pour possession de marijuana augmente. Il ne fait aucun doute que c'est le cas, mais ce n'est pas parce que nous visons particulièrement les consommateurs de cannabis. Comme on l'a dit, c'est plutôt dû au fait que l'on découvre de la marijuana lors des enquêtes sur d'autres actes de délinquance.
On ne s'attaque donc pas individuellement au consommateur. Je peux vous dire que, au niveau de la GRC, nous avons environ 1 200 agents en Ontario. Sur ce nombre, 200 travaillent à la lutte antidrogue. Tous les chefs d'équipe ou supérieurs seraient chagrinés d'apprendre que leurs agents s'attaquent spécialement aux possesseurs ou consommateurs. Ce n'est pas notre mission. Ce n'est pas le but de notre action. Il n'y a pas... Si quelqu'un le fait, c'est certainement contraire à la politique.
¹ (1555)
La présidente: Et à Toronto?
Chef Julian Fantino: Beaucoup d'éléments ont déjà été couverts. Mais il vaut la peine de répéter que les infractions poursuivies en justice ne donnent pas une image complète de la situation, à moins d'examiner chaque cas individuel. On l'a déjà fait remarquer.
Très souvent il y a des arrangements et de nombreuses accusations sont réduites. Il existe toutes sortes de programmes de diversion. Quantité de circonstances influent sur chaque cas particulier. Mais fondamentalement, nous ne ciblons pas les simples consommateurs. Bon nombre des infractions découvertes sont opportunistes, en quelque sorte, l'effet d'une coïncidence ou le résultat secondaire d'une autre arrestation.
En outre, il y a aujourd'hui une volonté d'optimiser l'emploi de nos effectifs trop peu nombreux. La majorité de nos enquêtes sont très ciblées, exploitent des renseignements obtenus et visent l'échelon supérieur des importateurs et distributeurs, les organisations criminelles. Évidemment, nous essayons également de saisir les profits retirés du trafic, lesquels malheureusement ne nous reviennent pas en bout de circuit, ce qui est un autre problème.
La présidente: Merci.
Avant de donner la parole à Mme Fry, est-ce que parmi vos trois services de police il y en a qui effectuent des descentes dans les écoles?
Inspecteur-détective Pittman, est-ce que vous faites des descentes de dépistage de drogue dans les écoles à Halton?
Chef Julian Fantino: Sachez tout d'abord que l'essentiel de notre action à Halton est l'éducation.
Nous avions un programme où nous allions dans les écoles avec un chien renifleur à la demande des directeurs, mais nous nous sommes aperçus que c'était très peu efficace car les directeurs annonçaient notre arrivée à l'avance. C'était donc une utilisation extrêmement piètre de nos ressources. Cela se fait toujours, mais ce n'est pas sur une base régulière.
La présidente: D'accord.
Sdt Bill Stevens: Je n'utiliserai pas le mot «descente», mais à l'occasion des écoles nous appellent. En général, nous mettons en place une surveillance des suspects, des endroits qu'ils fréquentent, et procédons de cette façon. Mais cela fait bien longtemps qu'un directeur ne nous a pas demandé de faire un dépistage systématique dans une école.
La présidente: Chef Fantino.
Chef Julian Fantino: Non, nous ne le faisons pas, précisément pour les raisons indiquées--le fait que l'on nous accuserait d'aller trop loin, le fait que certains parents objecteraient même si d'autres seraient ravis, etc. Nous ne le faisons donc pas.
La présidente: D'accord. Merci.
Madame Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): J'ai deux questions. La première porte sur un aspect mentionné par l'inspecteur Torigian, à savoir que toute stratégie doit nécessairement être multidisciplinaire. Vous vous occupez du volet policier. C'est là qu'intervient votre expertise.
Bien que vous vous occupez surtout du volet répression, si l'on veut une stratégie globale, comme l'a fait remarquer le détective Courtland Booth, il faudra aussi un volet prévention et éducation, de même qu'un volet traitement et réadaptation. Un autre volet sera la réduction des préjudices, le quatrième volet étant la répression.
Si l'on suit le modèle correctionnel habituel, c'est-à-dire que vous arrêtez les délinquants, vous cherchez à éviter la récidive et comment réinsérer le contrevenant, quelle partie de votre budget est consacrée à la prévention, à l'éducation et à la réinsertion, le cas échéant?
La présidente: Détective Booth.
Dét. Courtland Booth: Pour répondre à votre question, tout d'abord, nous considérons que notre responsabilité en tant que policiers est de faire respecter la loi. Nos moyens sur ce plan sont déjà insuffisants.
Que faisons-nous sur le plan de l'éducation, de la réinsertion, ce genre de choses? Tout d'abord, nous offrons nos connaissances du sujet et aidons à identifier les problèmes. D'une certaine façon, nous facilitons les centres d'échange de seringues: nous nous faisons discrets autour des lieux où les toxicomanes se rendent pour échanger leurs seringues et se piquer, avant de repartir ailleurs. Nous faisons preuve là d'une certaine flexibilité, des choses de cette nature. Mais nous ne faisons pas réellement... Nous nous occupons principalement du volet répression et fournissons quelques données statistiques et éléments de solution. C'est à peu près tout.
La présidente: Chef Fantino, puis inspecteur Allen.
º (1600)
Chef Julian Fantino: Nous avons une action assez soutenue dans les écoles dans le cadre de toutes sortes de programmes de qualité de vie, depuis «Dites non à la drogue» jusqu'à d'autres initiatives. Nous faisons toutes ces choses et, à mes yeux, c'est un emploi très utile de ressources rares. Nous tous devrions faire beaucoup plus, collectivement, pour sensibiliser nos enfants afin qu'à l'avenir ils ne soient même jamais confrontés au problème de la drogue.
Nous n'avons pas beaucoup parlé de cet aspect, car on s'obnubile sur les retombées. Tout bien considéré, la répression, qui est notre mandat, est l'indice d'une défaillance de la société. On ne parle pas suffisamment de tout l'aspect prévention, comment éviter toutes ces situations postérieures à l'événement, y compris la répression.
Nous faisons beaucoup de chose pour lesquelles on ne nous donne presque jamais crédit. Nous allons dans les écoles et nous avons beaucoup de programmes auprès des jeunes gens, à différents âges. Nous collaborons évidemment avec les groupes communautaires qui travaillent très activement sur l'aspect social de ce problème insidieux et cherchent à réhabiliter les collectivités défavorisées qui sont littéralement prises en otage par les trafiquants de drogues qui ciblent les éléments les plus vulnérables de notre société. Énormément de travail se fait à ce niveau.
Tout ce que je peux vous dire c'est que nous gérons le problème, nous ne le résolvons pas, et c'est là-dessus que doit porter le débat dans la société. Nous avons peut-être perdu toute une génération. J'ai peut-être gaspillé 33 années de ma carrière en faisant de la répression. Peut-être la génération suivante de policiers réussira-t-elle beaucoup mieux. Tout ce que je peux dire, c'est que nous ne répondons peut-être pas aux attentes de tout le monde, mais nous travaillons avec acharnement avec les moyens dont nous disposons, conformément à notre mission.
Il faut être prudent avec toute cette affaire de réduction des préjudices, afin de ne pas interpréter la réduction des préjudices comme laisser le champ libre à la drogue, à l'infraction, car s'il n'y a plus de préjudice, il n'y a plus de statistiques et donc plus de problème. Ce serait hisser le drapeau blanc de la démission, à mon avis.
La présidente: Merci, chef Fantino.
Mme Hedy Fry: Je ne voulais pas donner à entendre que vous ne faites pas de prévention. Je voulais simplement savoir quel pourcentage de travail vous faites dans les domaines de la prévention, de la réinsertion et de la réduction des préjudices dans le système correctionnel lui-même. Lorsque des gens sont mis en prison pour des raisons autres mais qui sont également toxicomanes, que faites-vous dans le système carcéral sur le plan de la réduction des préjudices--échange de seringues, désinfectant, ce genre de choses--le cas échéant?
La présidente: Est-ce que la police de Toronto gère des prisons?
Chef Julian Fantino: Non, mais il existe un problème de drogue dans les prisons, tant les fédérales que toutes les autres.
La présidente: On nous en a parlé.
Chef Julian Fantino: Le fait est que nous ne nous occupons pas de réadaptation, en dépit de tout ce que nous faisons par ailleurs sur le plan de l'application de la loi. Ce n'est pas un travail que nous pouvons faire, ni devrions faire, car nous n'avons pas le savoir-faire pour cela. Mais si vous regardez comment le système fonctionne réellement, en gros nous ne faisons que recycler toujours les mêmes délinquants, encore et encore. C'est le signe d'une défaillance lorsque la société doit admettre, comme c'est le cas aujourd'hui, que nous avons un problème de drogue dans les prisons à sécurité maximale. Cela montre qu'il y a un dysfonctionnement, et je ne connais pas les solutions.
La présidente: Merci.
Inspecteur Allen, puis surintendant Stevens.
Insp. Ron Allen: Je vais sans doute répéter des choses que l'on vous a déjà dites, mais sur le plan de l'offre et de la demande, nous avons deux budgets distincts à la GRC. Nous avons un budget qui s'occupe de répression et un budget intéressant la sensibilisation. Mais il y a un déséquilibre des ressources humaines entre les deux volets. Comme je l'ai dit, nous avons probablement 200 personnes travaillant à la répression, et dans toute la province nous avons peut-être--encore une fois, je ne garantis pas les chiffres--moins de cinq personnes à temps plein affectées à la sensibilisation. Mais ces agents mettent également à profit les connaissances acquises au niveau des unités.
Encore une fois, comme l'a dit le chef Fantino, on ne donne pas crédit à la police pour beaucoup de choses qu'elle fait dans la collectivité. Nous avons beaucoup d'agents qui entraînent des équipes sportives. Nous avons des gens qui siègent aux conseils scolaires. Nous avons des agents de police qui travaillent avec des groupes de jeunes. Nous avons un programme de parrainage par les pairs au niveau du hockey mineur. Nous sommes dans les associations de parents d'élèves. Nous allons dans vos écoles pour faire des exposés directement dans les classes de vos enfants.
Tous les services de police de toute la province de l'Ontario font ce genre de choses sur une base quotidienne. Mais ce travail n'est saisi par aucune statistique bien que, croyez-moi, nous avons cette présence.
Pour répondre rapidement à la question sur les prisons, je ne sais pas si vous connaissez ou non Maplehurst, qui est une prison qui vient d'ouvrir ses portes dans le district de l'inspecteur Pittman. C'est une super prison modèle provinciale. La province et la police régionale de Halton, de concert avec la GRC et la PPO mettent sur pied un programme pilote. Nous ne savons pas encore quels résultats il va donner, mais en tout cas la police essaie de jouer un rôle dans les prisons. Nous ne savons pas encore où ce programme va nous emmener, s'il sera repris ailleurs ou s'il sera élargi, mais nous reconnaissons l'impératif de la réduction des préjudices.
º (1605)
La présidente: Merci.
Surintendant Stevens.
Bill Stevens: Si je puis répondre à la question sur les pourcentages, nous consacrons environ 40 p. 100 à l'éducation sur la drogue. Chaque semaine nous faisons des présentations dans les écoles, à des équipes sportives, des clubs de service. Et nos agents de police se font accompagner d'anciens toxicomanes qui peuvent parler directement de leur vécu. Nous avons plusieurs bons programmes, dont l'un s'appelle « Course contre la drogue », auquel participent chaque année des écoles de toute la région.
Je pense que chaque service de police a son action propre sur le plan de l'éducation. Mais peut-être faudrait-il une stratégie nationale.
La présidente: Une précision: Vous avez un programme sportif. Est-ce dû au fait qu'il y a un problème spécifique d'usage de stéroïdes à Waterloo?
Sdt Bill Stevens: Non. Pas que je sache.
Mme Libby Davies: J'ai une deuxième question, madame la présidente.
La présidente: Nous n'avons pas réellement le temps pour un deuxième tour de questions; nous n'avons le temps que pour un seul. J'ai toujours l'inspecteur Pittman et--
Mme Libby Davies: Pourrais-je obtenir un éclaircissement? Avez-vous dit que vous consacriez 40 p. 100 de votre budget à l'éducation, ou 40 p. 100 de vos ressources?
Sdt Bill Stevens: Les ressources de la Direction des drogues. Mais notre agent de ressources communautaires apporte également son concours à cela. Non, ce n'est pas 40 p. 100 du budget.
La présidente: Quel est l'effectif de votre Direction des drogues?
Sdt Bill Stevens: Quatorze agents, et nous en avons six à la Direction des ressources communautaires.
La présidente: Détective Pittman, je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question, mais vous pourrez peut-être nous donner ce renseignement mercredi.
Insp./dét. Signy Pittman: Certainement.
La présidente: Merci.
Une dernière question. À votre connaissance, est-ce que vos services de police reçoivent des crédits, pour vos programmes pilotes intéressant la toxicomanie, et peut-être même ce programme à Maplehurst, provenant du Conseil national de prévention du crime ou au titre de la stratégie nationale de lutte antidrogue, à votre connaissance?
Chef Julian Fantino: Certainement pas à Toronto, à ma connaissance.
La présidente: D'accord.
Chef Julian Fantino: Mais nous sommes ouverts aux offres.
La présidente: Comment se fait-il que je n'en doute pas?
Oui.
Insp. Matt Torigian: Les crédits pour un projet de mobilisation communautaire n'ont pas nécessairement pour objet la drogue en particulier, mais il couvre les quartiers à haut risque et, évidemment, cela aura tendance à ...[Note de la rédaction—Inaudible]
La présidente: D'accord.
Inspecteur Allen.
Insp. Ron Allen: Pour ce qui est de la GRC, vous devriez en parler à nos responsables des politiques à Ottawa. Je sais qu'il y a des crédits pour différents programmes, et nous avons également la Fondation GRC dans laquelle nous puisons pour différents programmes communautaires.
La présidente: Merci infiniment à vous tous. Merci en particulier d'être venus à si court préavis, la plupart d'entre vous. Vous n'avez disposé que de peu de temps pour préparer vos exposés et nous vous en sommes reconnaissants. Nous apprécions réellement le travail que vous tous faites chaque jour dans vos collectivités, et tous nos voeux de succès vous accompagnent.
Notre comité va procéder à des auditions de témoins probablement jusqu'à la fin juin. Si dans les mois qui viennent il se passe quelque chose dans votre région dont vous aimeriez nous faire part, n'hésitez pas à nous transmettre ces renseignements par l'intermédiaire de notre greffier ou de nos chargés de recherche. La documentation sera distribuée à tous les députés, dans les deux langues officielles, et nous sera très utile.
Encore une fois, nous apprécions le temps que vous nous avez consacré. Chef Fantino, j'imagine que vous avez eu une journée très difficile et, au nom du comité, je veux vous exprimer nos condoléances pour le décès d'un agent aujourd'hui.
Merci.
Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour que les témoins suivants puissent s'installer. On va nous projeter un vidéo, collègues, et vous voudrez peut-être vous asseoir de façon à voir l'écran.
º (1605)
º 1612
La présidente: Nous reprenons la séance.
Nous sommes très heureux d'avoir avec nous cet après-midi M. Kofi Barnes, avocat principal au Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, ainsi que Mike Naymark, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, et Croft Michaelson, avocat général principal à la Direction du droit pénal du ministère de la Justice. Soyez les bienvenus.
Messieurs, nous avons environ une heure, et je propose de commencer par vous donner la parole pour un exposé d'une dizaine de minutes. Cela vous convient-il? Ensuite mes collègues pourront vous poser des questions.
Vous n'avez peut-être pas été là pour les présentations tout à l'heure. Je vais les refaire rapidement.
Randy White appartient à l'Alliance canadienne. Sa circonscription est Abbotsford, en Colombie-Britannique.
Réal Ménard est député du Bloc Québécois pour Hochelaga--Maisonneuve--c'est à Montréal.
Libby Davies est députée néo-démocrate de Vancouver-Est, sa circonscription englobe le quartier East Side.
Derek Lee représente Scarborough-Rouge Valley, Mme Hedy Fry Vancouver-Centre et moi-même, je suis Paddy Torsney, de Burlington, et nous sommes tous membres du Parti libéral. Mais notre comité travaille dans un esprit relativement non partisan. Nous essayons de régler les problèmes ensemble.
Je vais commencer par vous, monsieur Barnes.
M. Croft Michaelson (avocat général principal, Direction du droit pénal, ministère de la Justice): En fait, si je pouvais faire quelques remarques liminaires...
La présidente: Apparemment, c'est vous qui allez commencer, monsieur Michaelson.
M. Croft Michaelson: Merci.
Je me nomme Croft Michaelson. Je suis le directeur de la Section de l'élaboration des politiques stratégiques en matière de poursuites, responsable donc d'élaborer la politique du Service fédéral des poursuites. Lorsque j'étais en poste à Toronto, j'ai travaillé à la conception du Tribunal de traitement de la toxicomanie.
Kofi Barnes est avocat général au Service fédéral des poursuites et conseiller sur les politiques en matière de tribunaux de traitement de la toxicomanie. Il travaille sur ce dossier depuis la création du premier tribunal. Il est donc notre expert technique et l'une des personnes au Canada qui connaît le mieux le fonctionnement de ces tribunaux.
Mike Naymark est le directeur des services de traitement du Centre de toxicomanie et de santé mentale. C'est ce dernier qui fournit les soins pour le compte du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto.
Vous vous souviendrez peut-être que j'ai comparu devant le comité l'automne dernier. J'avais indiqué alors que le contrevenant toxicomane pose un défi sans pareil au système de justice pénale. Nous avons maintenant deux tribunaux de traitement de la toxicomanie en état de marche, l'un à Toronto et l'autre à Vancouver.
Le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto existe depuis tout juste trois ans. Celui de Vancouver a ouvert ses portes en décembre 2001. Ces deux tribunaux sont financés par une combinaison de crédits venant du Centre national de prévention du crime et des gouvernements provinciaux et(ou) municipaux.
Ce que nous appelons tribunal de traitement de la toxicomanie au Canada s'appelle tribunal pour drogués dans beaucoup d'autres pays. C'est un tribunal spécial qui s'occupe des contrevenants toxicomanes au moyen d'un large programme de surveillance et de traitement. Il existe plus de 600 de ces tribunaux aux États-Unis aujourd'hui et 400 autres sont en projet. L'Australie pilote actuellement cette approche dans quatre provinces.
L'atout que présentent les tribunaux pour traitement de la toxicomanie réside dans une approche multidisciplinaire qui associe le système de justice pénale à des centres de traitement et diverses autres ressources importantes de la collectivité pour tenter de trouver un remède aux facteurs sous-jacents qui causent la toxicomanie d'un délinquant. Les évaluations effectuées au Canada et ailleurs de ces tribunaux permettent de penser qu'ils représentent un complément prometteur à la sanction pénale traditionnelle.
M. Barnes va maintenant faire un exposé et je crois savoir qu'il veut vous projeter quelques passages d'un vidéo qui vous permettront de mieux comprendre le processus.
M. Kofi Barnes (conseiller juridique principal, Toronto Drug Treatment): Vu les contraintes de temps, je vais me limiter à vous donner un aperçu du fonctionnement d'un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ce tribunal a pour objectif de s'attaquer au problème de la porte tournante--le multirécidivisme des toxicomanes qui commettent des infractions, vont en prison, ne sont pas soignés et ressortent uniquement pour commettre de nouveaux délits.
Le fonctionnement du tribunal est ce que j'appelle un mariage entre le système judiciaire et la thérapie. Je vais essayer de vous donner une idée de la façon dont cela marche. Nous pouvons peut-être commencer par regarder le vidéo. Je propose de vous projeter quelques très courts passages d'un vidéo qui montre les différentes phases du processus. Commençons par le premier extrait.
Avant de commencer la projection, quelques mots d'explication. Le premier passage montre de quelle façon le processus judiciaire et le processus thérapeutique se conjuguent pour essayer de régler le problème d'un participant. Vous allez donc voir ce que nous appelons une conférence préalable à l'instruction, où vous pourrez observer la coopération multidisciplinaire.
[Présentation vidéo]
Vous avez donc pu observer l'avocat de la défense, le procureur de la Couronne, des thérapeutes, des agents de probation, et, depuis peu, des policiers travaillant en groupe et adoptant une approche de résolution de problèmes pour tenter de régler les problèmes du toxicomane et recommander des solutions. Ils tiennent donc cette conférence préalable au procès.
Voyons maintenant ce que le juge fait de cela en tribunal. Je vais projeter le deuxième extrait. J'essaie de faire vite. Vous voyez là l'approche multidisciplinaire. L'un des critères en Tribunal de traitement de la toxicomanie est la comparution régulière de l'intéressé en cour de façon à ce que le juge soit informé des progrès de la personne et puisse lui demander des comptes.
J'ai un autre extrait, que je vais sauter. Il montre que le tribunal cherche également à motiver le justiciable. vous avez vu des délinquants aux prises avec la justice, mais le ruban que je vais sauter montre des gens applaudissant et encourageant ceux qui progressent bien.
Vu les contraintes de temps, je demande de projeter le ruban quatre au lieu du ruban trois.
La présidente: Auparavant, je signale à mes collègues que l'on vient de me confirmer que nous déjeunerons demain avec les témoins, et nous pourrions peut-être réduire notre période des questions et leur donner plus de temps pour leur exposé, de façon à être mieux équipés pour leur poser des questions demain pendant le déjeuner.
Donc, si vous voulez projeter le ruban trois, allez-y.
M. Kofi Barnes: Parfait.
Remontez au ruban deux.
Avant de le mettre en marche, je précise que j'essaie de montrer en quoi consiste l'atout du tribunal. Cet atout réside dans l'approche multidisciplinaire à la recherche de solutions. Vous voyez là différentes personnes, qui sont là pour donner au juge des renseignements sur l'accusé, que ce soit aux fins de probation ou de traitement.
Un autre élément de ce que vous observez en tribunal de traitement de la toxicomanie est un ensemble de sanctions et d'encouragements, afin de tenter de motiver les contrevenants à changer leur comportement. Ezzard Pratt a été sanctionné parce qu'il a manqué un rendez-vous de probation, si bien qu'il aura à comparaître au tribunal un peu plus souvent, au lieu qu'on le laisse tranquille et qu'il ne doive venir que toutes les deux ou trois semaines.
Qu'est-ce qui diffère au sujet des sanctions et incitations? C'est le fait qu'elles sont décidées en concertation avec le thérapeute. Le cas est analysé lors de la conférence préalable à l'instruction. Le juge aura été informé de ce qui motive Ezzard. Par exemple, si Ezzard est suicidaire, ou quelque chose du genre, et si l'on estime que tel type de sanction est inadapté dans son cas, alors on en trouve un nouveau type. Les sanctions et incitations sont toujours structurées de façon à motiver le justiciable à surmonter son problème. Tout est taillé sur mesure, selon ses besoins propres.
Le prochain ruban va montrer quelqu'un qui progresse bien--ruban numéro trois.
[Présentation vidéo]
Avant de regarder le dernier extrait, je vous recommande de jeter un coup d'oeil sur la documentation. À l'onglet un, vous trouverez une description détaillée du Tribunal de traitement de la toxicomanie et de son fonctionnement. Il s'agit d'un document des Nations unies.
Pour résumer, le Tribunal de traitement de la toxicomanie est axé sur le mariage entre le traitement et la procédure judiciaire, à condition qu'il y ait un dépistage et un tri précoce des toxicomanes, des personnes admissibles. Il y a une supervision judiciaire intense et durable. Des tests de dépistage de drogue sont effectués fréquemment, sans avertissement. Il y a une approche coordonnée, globale et appropriée et un traitement de désintoxication pour les personnes qui en ont besoin, ainsi que des services auxiliaires.
Par exemple, le Tribunal de Toronto est partenaire de 46 organismes de services communautaires de la ville qui aident avec le logement, la formation professionnelle, l'éducation, l'emploi--tout ce dont la personne a besoin. Si le drogué a un besoin particulier, du fait de sa situation propre, on le dirige là où il faut. Il y a des comparutions régulières devant le tribunal et des audiences régulières de détermination de la peine. C'est ce que vous avez vu--la conférence préalable à l'instruction et les comparutions en cour.
Il y a également des réactions appropriées en cas d'inobservation de la part du contrevenant. On les appelle des sanctions et incitations, mais elles visent toujours à motiver la personne à affronter ses problèmes. On les appelle des interventions thérapeutiques. Il y a également beaucoup de liaisons avec les agents de probation et la police, qui participent de très près au processus.
Les évaluations initiales semblent indiquer que pour certaines personnes le Tribunal de traitement de la toxicomanie a réduit le taux de récidive et réduit l'abus de substances chez les délinquants concernés. Les personnes qui suivent le programme jusqu'au bout semblent bénéficier d'un meilleur bien-être psychologique et physique. Voilà certains des attributs.
J'aimerais maintenant clore sur ce que les toxicomanes eux-mêmes disent du tribunal. Ce sera le dernier extrait, car je sais que vous aurez des questions à poser.
[Présentation vidéo]
Voilà. Peut-être pouvons-nous nous arrêter ici et passer au prochain intervenant. Vous aurez peut-être plus tard quelques questions.
La présidente: Monsieur Naymark, avez-vous quelque chose à dire? Nous avons... Ne touchez pas.
M. Mike Naymark (Centre de toxicomanie et de santé mentale): J'ajouterai simplement quelques mots, spécifiquement sur ce que Kofi a qualifié de mariage entre la thérapie et la justice pénale. Cela fait trois ans que nous travaillons ensemble et nous nous adressons encore la parole, ce qui est mieux que beaucoup de mariages.
En tant que thérapeute, je peux réellement attester à la fois de l'originalité et de l'efficacité de ce programme. Cela fait de nombreuses années que je travaille comme thérapeute, clinicien de première ligne, avec les drogués. Je pense pouvoir dire qu'un tribunal de traitement de la toxicomanie présente des avantages certains sur les approches conventionnelles du traitement.
Premièrement, dans l'approche conventionnelle, les clients ne vont tout simplement pas confronter leur comportement criminel de la même façon que dans un programme de traitement ordonné par le tribunal. Dans ce dernier, le comportement criminel est totalement relié au problème d'abus de substances. Les deux doivent être abordés dans un climat tel que les clients se sentent libres de parler.
Dans un programme de traitement conventionnel, les clients ne passent pas en thérapie autant de temps que ceux placés là par le tribunal, particulièrement les cocaïnomanes. Dans le cas de ces derniers en particulier--le taux de rétention dans le programme est typiquement très, très faible, une fois passées la crise initiale et la première phase de traitement intensif, qui peut durer plusieurs semaines. Dans un programme du tribunal, même les clients qui ne vont pas jusqu'au bout--ils peuvent être en traitement pendant six mois ou plus--nous savons qu'il y a une corrélation certaine entre le temps passé en traitement et le résultat en bout de course.
Par ailleurs, dans un programme du tribunal, les toxicomanes jouissent du soutien et de la défense des thérapeutes auprès du système de justice pénale, ce qu'ils ne trouvent pas dans un programme de traitement ordinaire. Je pense que Kofi a réellement souligné cela. La caractéristique intéressante d'un programme comme celui-ci est la collaboration entre la thérapie et la justice, ainsi que les fournisseurs de services communautaires. L' optique du système de traitement et celle du système judiciaire sont très divergentes. Lorsque les deux systèmes marchent ainsi de concert et collaborent, cela engendre des synergies dont on peut réellement tirer parti. C'est très inhabituel.
J'aimerais aborder un certain nombre de questions plus larges. L'une intéresse le financement des programmes de traitement du tribunal.
Le besoin d'un financement soutenu, continu--d'un financement permanent--est souligné par les Nations unies. Dans le document que vous trouvez à l'onglet un de votre documentation, établie par le groupe de travail spécial sur les délinquants toxicomanes et que vous pourrez parcourir à loisir, vous pourrez lire à la page 5, au point 11, que l'un des facteurs de réussite des programmes de traitement judiciaires est un financement stable.
Nous espérons réellement disposer bientôt d'un financement permanent. Nous aimerions que le programme de traitement judiciaire soit assorti d'un financement permanent.
Je suis membre du comité consultatif communautaire et, comme Kofi l'a dit, nous avons un grand nombre de partenaires dans la communauté qui collaborent au programme de traitement judiciaire. J'ai entendu maintes fois les nombreux représentants des organismes de services communautaires parler de leur souhait d'un financement permanent pour ce programme, car ils en perçoivent la valeur.
Depuis décembre 2000, lorsque la ministre de la justice de l'époque a annoncé son intention de créer des tribunaux pour toxicomanes dans le pays, diverses juridictions, à l'échelle nationale, se sont montrées intéressées à instaurer de tels programmes. Je pense qu'un financement permanent des tribunaux de traitement de la toxicomanie signalerait à l'intention des partisans et promoteurs de ces programmes qu'il s'agit là d'une priorité du gouvernement.
Voilà, l'appât est tendu.
J'aimerais parler de la nécessité d'une loi. Il peut paraître étrange qu'un thérapeute aborde cette question. Mais je sais que, selon l'optique du thérapeute, il faudrait une loi régissant la communication de renseignements, car cela peut poser des problèmes au niveau de la procédure judiciaire. Par exemple, il serait utile du point de vue de certains aspects du travail d'équipe qui se fait entre la cour et le centre de traitement, de disposer de certaines normes intéressant les preuves pouvant être présentées. Il nous faut une loi qui nous autorise à créer, ensemble--autorité judiciaire et thérapeutes--des sanctions et incitations créatives. Il faut une loi déterminant les critères d'admissibilité, et une loi régissant le financement de ces tribunaux et des subventions.
Je pense donc que beaucoup peut être fait dans ce domaine. Encore une fois, si vous avez l'occasion de lire la documentation que nous avons fournie, vous trouverez aux onglets 10 à 12 quelques exemples de mesures législatives--par exemple, la loi adoptée en Australie.
Je pense qu'il serait utile d'avoir une stratégie nationale concernant les tribunaux pour toxicomanes pour soutenir ces efforts, sur le plan de la législation et du financement.
Je terminerai sur le message que tant les clients que la sécurité publique bénéficient de la sorte de collaboration entre traitement, système judiciaire et communauté qu'offrent les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
Merci de votre attention.
La présidente: Merci.
Monsieur Barnes, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Kofi Barnes: Je pense que nous sommes prêts pour vos questions. Nous voulons laisser assez de temps pour les questions.
La présidente: Merci.
Nous pouvons déborder d'une dizaine de minutes, le cas échéant. Monsieur White, pourrions-nous donner la parole en premier à M. Ménard, car il est sur le point de partir.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Thank you, monsieur White. Je m'excuse, je dois prendre le train pour rentrer à Ottawa, et je vais revenir demain soir.
C'est la première fois que j'en entends parler et ça m'emballe beaucoup. Ça m'a échappé. Vous dites que cela a été créé en l'an 2000. Je ne sais pas si c'était par une loi que l'on a adoptée au Parlement. Parfois, il peut arriver que certains éléments nous échappent, même à nous, législateurs.
Voulez-vous nous rappeler quelle était la loi constitutive, si c'est tant est qu'il s'agit d'une loi qu'on a adoptée au Parlement?
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous donniez plus d'information quant aux modalités de fonctionnement.
Alors, ce sont des cours spécialisées, donc des cours de juridiction criminelle qui relèvent de la hiérarchie fédérale. Expliquez-nous un peu le fonctionnement. J'espère que vous allez partager mon indignation et ma déception face au fait qu'il n'y en a pas à Montréal, dans une ville où la question de la drogue se pose pourtant avec beaucoup d'acuité.
Le document que vous nous avez distribué a-t-il été financé par le ministère de la Justice, et dans ce cas, pensez-vous que je peux en obtenir une copie en français, dans la langue de Molière?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Michaelson.
M. Croft Michaelson: Pour répondre à ces questions, les tribunaux pilotes au Canada ne procèdent pas d'une loi particulière. Au départ, il ne nous apparaissait pas qu'une loi était nécessaire. La plupart des tribunaux pour toxicomanes aux États-Unis ont été mis sur pied sans aucune loi, tout comme les premiers en Australie. Il n'y a donc pas de loi particulière qui ait créé ces tribunaux. Il s'agit de projets pilotes.
En ce qui concerne le document en français, je ne sais pas exactement duquel vous parlez.
M. Mike Naymark: Il s'agit en fait d'une documentation réunie par le comité consultatif communautaire. Mais je pense que nous devrions pouvoir vous le fournir en français.
La présidente: Certains de ces documents sont en fait des études publiées dans différents journaux, et je ne suis donc pas sûre comment... Certaines sont des études universitaires américaines.
[Français]
M. Réal Ménard: Si ce n'est pas possible en français, ce n'est pas grave, mais je veux bien comprendre. C'est un tribunal qui lie les parties, qui rend des jugements, qui doit être animé par les principes de justice naturelle et toute la réalité procédurale que l'on connaît dans d'autres cours de justice. Ce sont des tribunaux de juridiction spécialisés en droit criminel. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre? J'essaie de comprendre où ça se situe dans la hiérarchie judiciaire. Ce n'est pas un tribunal administratif, par exemple.
[Traduction]
M. Croft Michaelson: Si vous le permettez, votre question comportait une deuxième partie à laquelle j'ai oublié de répondre, veuillez m'en excuser.
Les deux tribunaux, celui de Toronto et celui de Vancouver, sont des cours de justice pénale provinciales. Comme condition préalable à l'admission à ce tribunal, certaines formalités doivent être remplies. L'accusé doit donner son consentement à comparaître devant ce tribunal et à suivre ce programme de traitement.
Il existe trois types différents de délinquants. Les auteurs de petits délits sont traités comme dans un tribunal ordinaire. Ils sont déférés devant ce tribunal particulier et, en fin de parcours, s'ils sont désintoxiqués, il y aura un règlement non carcéral, typiquement un sursis. Voilà pour la petite délinquance.
Les contrevenants à plus haut risque ou auteurs de délits plus graves sont habituellement tenus de plaider coupables au départ. Ils seront astreints à des conditions de cautionnement rigoureuses, l'une étant qu'ils suivent le traitement ordonné par la cour. Ils sont soumis à un contrôle, mais il s'agit bien d'une cour de justice pénale.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce que vous me permettez la comparaison, par exemple, avec les défuntes Cours de la citoyenneté?
Donc, ce sont des tribunaux spécialisés qui entendent vraiment des infractions liées au droit criminel, mais qui ont un lien avec la drogue et des infractions qui sont périphériques à cela. Par exemple, si on voulait en implanter au Québec, ce serait, dans la cour du Québec, la Chambre criminelle pénale, mais spécialisée dans les infractions liées au commerce de la drogue.
Je vous dis que le comité qui s'est penché sur le crime organisé avait fait la recommandation d'avoir des tribunaux spécialisés et des juges spécialisés dans la lutte au crime organisé. Donc, on a déjà eu cette recommandation. On a déjà donné suite à cela, mais pour un tribunal spécialisé dans les infractions liées à la drogue.
Est-ce que ma compréhension est la bonne, et est-ce que les gens qui entendent les deux parties ne sont pas des commissaires ni des assesseurs, mais des juges?
[Traduction]
M. Croft Michaelson: Si j'ai bien compris votre question, dans les projets pilotes ce sont effectivement des juges qui sont placés à la tête de ces tribunaux. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais ce sont bien des cours pénales.
Nous avons des tribunaux à Toronto spécialisés dans la narco-criminalité, tout comme à Vancouver. Mais le Tribunal de traitement de la toxicomanie est à part, représente un complément de cette approche.
La présidente: Existe-t-il au Québec un tribunal consacré à la narco-criminalité?
M. Croft Michaelson: Je ne connais pas réellement la situation locale au Québec, car la plupart des infractions commises par les toxicomanes sont poursuivies par le procureur général du Québec. Je me souviens qu'au Service fédéral des poursuites, nous ne nous occupions que des enquêtes de la GRC, c'est-à-dire typiquement des personnalités du crime organisé qui ne sont pas toxicomanes.
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai une dernière question. Ce que vous nous invitez à comprendre, comme membres du comité... L'originalité de la formule réside dans la spécialisation d'un tribunal, mais tout à l'heure, M. Barnes a dit que c'était une combinaison de justice et de prévention dans les traitements.
Donc, qu'est-ce qu'on doit comprendre de la réalité au chapitre de la récidive et de la capacité réelle des gens de les dissuader de poursuivre dans la voie de la délinquance?
[Traduction]
M. Kofi Barnes: Vous parlez du taux de récidive des toxicomanes. Je peux vous dire que le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto fait actuellement l'objet d'une évaluation menée par un groupe indépendant, composé de représentants du ministère de la Justice et du Centre de toxicomanie et de santé mentale. C'est une évaluation qui va couvrir quatre années.
Nous avons reçu des rapports provisoires. Tous les quatre mois, on nous fait un petit rapport. Je peux donc vous dire qu'à ce stade l'évaluation indique un recul sensible de la consommation de drogue; cela je peux l'affirmer, sans pouvoir vous donner de chiffres exacts à ce stade car, comme je l'ai dit, l'évaluation n'est pas terminée.
Je sais, de par l'expérience des tribunaux spécialisés dans la drogue, par exemple aux États-Unis, où il en existe beaucoup, que certains signalent des taux de rechute aussi faibles que 20 p. 100, bien moins que ceux des tribunaux ordinaires. Mais pour ce qui est des chiffres canadiens, il faudra encore attendre. Tout ce que je peux dire est que le taux est considérablement moindre, d'après ce que j'entends.
La présidente: Thank you, M. Ménard.
C'est le tour de M. White.
M. Randy White: Merci, Paddy.
J'ai accumulé une longue expérience des salles d'audience de ce pays en compagnie des victimes au cours des huit dernières années et aucune partie n'en a été plaisante. De fait, il est extrêmement déplaisant de voir ce qui se passe dans les tribunaux, et c'est très frustrant pour les victimes, avec tous les retards, reports, renvois et suspensions à l'infini, les avocats se disputant sur tel ou tel élément technique de la loi, plutôt que de s'en remettre au bon sens de la common law.
Quelle est la différence entre ce scénario et les audiences des tribunaux spécialisés dans la toxicomanie? Je pense que nous allons les voir à l'oeuvre ici cette semaine, mais allons-nous entrer dans une salle d'audience où des avocats se disputent sur les subtilités du droit pendant que la pauvre victime est assise au fond et ne voit pas de différence avec les autres tribunaux?
La présidente: Monsieur Barnes.
M. Kofi Barnes: Il y a plusieurs choses à souligner ici. À Toronto, pour ce qui est du projet pilote, celui-ci est à l'initiative du gouvernement fédéral. En Ontario, c'est le gouvernement fédéral qui poursuit les infractions liées à la drogue, contrairement au Québec où c'est le gouvernement provincial qui assure la poursuite.
Le tribunal de Toronto est axé vers les personnes inculpées de trafic de cocaïne ou d'héroïne, ou de possession de cocaïne ou d'héroïne, ou d'autres infractions liées à la possession. Vous n'avez donc pas, à Toronto, de victime au sens ordinaire. Je peux cependant vous dire plusieurs choses.
Nous avons un processus de sélection tel que les crimes de violence, c'est-à-dire les auteurs d'actes de violence sur autrui, ne sont pas admissibles au Tribunal de traitement de la toxicomanie. Il n'en va pas de même aux États-Unis où les tribunaux spécialisés dans la drogue jugent également les délits ayant une victime typique comme celle dont vous parlez et où le rôle de la victime fait partie du processus.
Ce qui est original dans les tribunaux de traitement de la toxicomanie est qu'ils cherchent à adopter une approche holistique du problème. Ils cherchent à amener le contrevenant à assumer la responsabilité de ses actes, quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de trafic ou d'un crime ayant fait une victime directe. Dans ce type de scénario, il y a nécessairement place pour la victime.
S'agissant des arguties juridiques des avocats et cette sorte de choses, tout cela se passe avant l'admission de la personne dans le programme. Le judiciable dispose au préalable des conseils d'un avocat et jouit de tous ses droits juridiques. L'intéressé sait à quoi il s'engage. Mais une fois la personne admise dans le programme, elle est soumise à un ensemble de règles et nous nous attardons davantage sur ce que l'on peut faire pour aider la personne que sur les subtilités techniques.
M. Randy White: Dans ce cas, vous devez pouvoir traiter beaucoup plus de cas en un jour que dans tribunal ordinaire où la procédure est réellement lente.
M. Kofi Barnes: Pas nécessairement. Chaque fois qu'un tribunal de traitement de la toxicomanie ouvre dans un palais de justice, quantité de contrevenants se portent candidats, pensant que c'est un moyen pour sortir de prison, et c'est ce que nous avons vu au début. Mais une fois que le bruit se répand que nous exigeons réellement que les gens surmontent leur toxicomanie, car ceux qui veulent réellement changer et surmonter leur dépendance... Ce n'est pas facile.
Nous constatons que de plus en plus de ces délinquants préfèrent rester en prison plutôt que de suivre un programme qui les oblige à s'asseoir et à réellement faire le point de leur vie. Donc, parmi ceux qui persistent jusqu'au bout, on tend à trouver des gens réellement motivés. Nous ne voyons pas le flot auquel on pourrait s'attendre.
M. Randy White: Pour terminer, considérez-vous une prostituée comme une victime ou une criminelle?
M. Kofi Barnes: Je vais limiter ma réponse à ce que je connais. Ce que je connais, ce sont des prostituées toxicomanes qui se prostituent pour se procurer de la drogue. Pour les personnes dans cette situation, le Tribunal de traitement de la toxicomanie cherche à s'attaquer à la racine du problème, soit le dépendance de la drogue, et à aider la personne à s'engager dans une voie différente. Voilà ce que je connais. Et c'est aussi ce que je pense.
Des voix: Oh, oh!
M. Randy White: C'est votre réponse et vous la maintenez. C'est d'ailleurs une bonne réponse.
La présidente: Monsieur Naymark.
M. Mike Naymark: Je pourrais peut-être vous préciser ce qui va se passer demain, ce que vous pouvez escompter voir au tribunal, car les audiences ne sont pas réellement axées sur les aspects juridiques du dossier des intéressés.
Les clients arrivent pour parler des progrès réalisés dans leur traitement. Vous pourrez avoir de 20 à 30 clients défilant un après-midi devant le juge, qui les appelle par leur prénom. Les clients racontent où ils en sont sur le plan de leur consommation de drogue, de leur progrès vers les objectifs qui leur sont fixés, parlent de leur volonté à poursuivre dans le programme, parlent de leur quête d'un logement stable, de leur recherche d'un emploi ou de leur recyclage. Vous avez donc quantité de clients qui défilent chaque jour. C'est totalement différent d'une audience de tribunal ordinaire.
La présidente: Merci, monsieur Naymark.
Madame Davies.
Mme Libby Davies: Merci, Paddy.
Je vais essayer de secouer un peu les convictions de Kofi. Tout d'abord, avez-vous dit que l'évaluation indépendante comprend des gens du Centre de toxicomanie et de santé mentale?
M. Kofi Barnes: Oui.
Mme Libby Davies: Est-ce que celui-ci n'est pas partie prenante au programme? C'est ce que dit votre documentation.
M. Kofi Barnes: C'est vrai, mais c'est un organisme de recherche. De fait, ceux qui effectuent la recherche ne sont pas du tout les mêmes que ceux qui s'occupent des activités au jour le jour.
Mme Libby Davies: D'accord. C'est simplement que l'organisation, dans son entier, et le ministère de la Justice sont tous deux parties prenantes à ce programme et ce sont les mêmes qui font la soit-disant évaluation indépendante. Y a-t-il d'autres évaluateurs qui n'ont absolument aucun lien avec le programme?
M. Kofi Barnes: Nous avons un comité consultatif sur l'évaluation indépendante composé de représentants du tribunal et de la communauté. Ils examinent l'évaluation à intervalles réguliers et donnent leur avis sur la façon dont l'évaluation est menée et sur les données qui sont suivies.
En outre, nous avons un comité consultatif communautaire qui n'est pas simplement composé des fournisseurs de services, et qui participe de près à l'élaboration des politiques qui président aux programmes. Nous avons donc ces deux organes.
Le Centre national de prévention du crime, d'où proviennent les crédits, est un autre organe qui examine de près ce qui se fait.
Mme Libby Davies: J'ai adressé une lettre l'autre jour à la rédaction d'un journal communautaire de Vancouver-Est qui avait publié un article sur le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Vancouver. J'y disais--car je suis très sceptique au sujet de ce tribunal--que l'on pourra envisager un tel tribunal le jour où on aura un tribunal spécialisé pour les fumeurs.
En parcourant votre documentation, je suis tombé au premier onglet sur le rapport sur la lutte contre la toxicomanie des Nations unies. Il dit:
«Pourquoi impliquer activement le système judiciaire dans les programmes de traitement et de réinsertion? C'est parce que l'expérience montre que le public paie très cher la criminalité des toxicomanes non traités, principalement par le biais des coûts directs et indirects des délits commis pour financer l'achat de drogue».
C'est exactement là mon argument, le fait que des gens aboutissent dans ces tribunaux pour être traités, mais ils sont là uniquement à cause de leurs actes criminels. En plus de cela, ce programme paraît très discriminatoire. Cela ressort clairement de l'introduction du juge Bentley.
«Ce projet cible les prostituées, les jeunes et les minorités visibles, bien que d'autres délinquants auteurs de crimes liés à la drogue soient admissibles aussi».
Mon autre question est de savoir combien de ces clients sont des personnes occupant un emploi rémunéré, sont des professionnels, etc. et qui se livrent aussi à des actes criminels? En fait, ce que je conteste, c'est la prémisse de ce programme et les résultats positifs qu'il est censé donner. Tous les traitements ont des résultats positifs, alors pourquoi faut-il les dispenser par le biais du système judiciaire?
Cela nous ramène à la question de Randy, soit de savoir, dans le cas d'une prostituée, si l'on considère la personne comme une criminelle ou une victime, comme quelqu'un qu'il faut aider. Je ne conteste pas la nécessité du traitement et de toutes les conséquences positives d'un contrôle, d'un appui et de la fourniture d'un logement, mais pourquoi certaines personnes vont-elles bénéficier de cela et d'autres non alors qu'au départ c'est fondé sur une activité criminelle?
Donc, s'il s'agit de combattre un problème sanitaire, pourquoi ne pas avoir un tribunal pour fumeurs?
M. Kofi Barnes: Je ne peux que vous répondre en fonction du monde dans lequel je vis, et dans ce monde je peux vous dire que nul ne souffre de discrimination dans un... Je suis procureur et je sélectionne personnellement tous les participants au programme. Il n'y a pas de quotas, et dans la pratique il n'y a pas de population cible. C'est peut-être une idée qui avait cours tout au début, mais cela n'a jamais été mis en pratique.
Pour ce qui est des autres questions que vous soulevez, elles sont de nature plus générale. Comme M. Michaelson l'a dit, le Tribunal de traitement de la toxicomanie est un complément--et il importe de le souligner--des autres programmes. Ce n'est pas une panacée. Il n'est pas destiné à remplacer les programmes existants et ne doit pas le faire.
Je peux vous le dire, j'ai été procureur pendant une dizaine d'années et tout au long de cette période je ressentais une grande satisfaction lorsque j'envoyais en prison des membres du crime organisé. J'étais très triste lorsque j'arrivais au palais de justice, dans l'ancien Hôtel-de-ville, et y voyais des gens que j'avais poursuivi lorsqu'ils étaient mineurs comparaître en tribunal pour adulte parce qu'ils étaient toxicomanes. Je ne sais pas ce qui les amenait au tribunal, une faiblesse de notre société ou d'autres problèmes d'une autre sorte, mais ils avaient besoin d'aide.
La chose suivante qui devenait claire--et cela ressort du vidéo--est qu'à cause de leur dépendance de la drogue, beaucoup d'entre eux n'allaient pas jusqu'au bout du traitement traditionnel. C'est donc eux que l'on a visé.
Nous travaillons dans le système de justice pénale et, dans le monde où je vis, on ne peut s'attaquer à ces problèmes qu'en reconnaissant qu'il existe certes des graves problèmes de société, ce que je ne conteste pas, mais que nous sommes là aux prises avec ces gens et que nous avons un choix. Nous pouvons les envoyer en probation, comme nous l'avons fait 10 ou 20 fois auparavant, et ils ne cessent de revenir. Ce programme cherche à joindre les deux volets, pour une action commune.
Je ne suis pas expert en traitement de la toxicomanie. Tout ce que je sais, c'est que lorsqu'on a un programme auquel collaborent de leur propre initiative 46 organismes communautaires, on constate des résultats positifs auprès de cette population spécifique. Par là j'entends les toxicomanes et les délinquants récidivistes auprès desquels d'autres formes de traitement ont échoué. Lorsqu'on voit quelqu'un entrer dans le programme en tant que drogué, délinquant récidiviste, et que l'on voit au fil du temps cette personne surmonter sa dépendance, trouver un emploi et devenir conseiller en toxicomanie, on obtient la certitude que c'est positif. Mais il serait naïf de penser que nous avons toutes les réponses.
Les personnes qui attaquaient le Tribunal de traitement de la toxicomanie dans le passé concevaient toujours cette approche comme tout ou rien. À leurs yeux, c'était presque affirmer que les autres méthodes ne donnaient aucun résultat.
J'ai conscience que ma réponse est longue.
Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ne sont peut-être pas indiqués pour la personne qui travaille sur Bay Street, qui se fait ramasser avec un petit montant de cocaïne, qui a déjà un emploi, un logement stable et assez de soutiens dans sa vie pour l'inciter à surmonter le problème, car à Toronto on écope d'une amende en cas de possession et peut-être la crainte de perdre leur emploi ou leur maison est-elle une incitation suffisante. Ils n'ont pas encore touché le fond.
Mme Libby Davies: Mais la loi ne traite-t-elle pas les gens à égalité? Si vous faites arrêter pour une infraction au code de la route, on ne va pas vous donner une amende de x parce que vous travaillez sur Bay Street ou une amende de y parce que vous habitez à Parkdale.
Je constate bien que vous voyez dans cela une amélioration par rapport à ce que vous voyez dans vos fonctions de procureur, mais on est fondé à s'interroger sérieusement sur qui est ciblé et comment la loi est appliquée aux différentes personnes.
M. Kofi Barnes: J'aimerais dire plusieurs choses... Et, soit dit en passant, si le président de Bay Street veut participer au programme, il peut. Je vais vous donner un exemple.
Mme Libby Davies: Oui, mais ce n'est pas exactement lui qui est visé.
M. Kofi Barnes: Mais il faut bien préciser que c'est un complément, que ce n'est pas un substitut au reste.
Par exemple, si je suis une thérapie au Centre de toxicomanie et de santé mentale, mais que tous les autres qui suivent un traitement... Le programme vise les délinquants multirécidivistes et toxicomanes qui ont perdu tellement de soutiens autour d'eux qu'il leur faut une structure pour les encadrer.
Mme Libby Davies: Puis-je poser une autre question rapide?
La présidente: J'en ai une moi-même qui fait suite à la vôtre.
La personne qui travaille sur Bay Street qui se fait ramasser pour la première fois en possession d'une petite quantité de drogue n'est pas dans la même catégorie que vos clients. Est-ce que ceux qui arrivent chez vous n'ont pas déjà toute une série de condamnations antérieures?
M. Mike Naymark: Théoriquement, nous pouvons voir les deux types de clients. Croft Michaelson parlait au début des deux différentes filières que nous avons: l'une s'adresse aux justiciables n'ayant pas un gros casier judiciaire, qui sont inculpés de possession et peuvent plaider non coupable; et puis il y a l'autre filière, ceux ayant un casier judiciaire chargé ou accusés de trafic. Dans la pratique, nous avons seulement un petit nombre de clients dans la première filière, car le programme est réellement axé sur les gens qui sont désespérés, parce qu'ils ont déjà suivi des traitements multiples ou aucun traitement parce qu'ils n'ont même aucune conception d'une thérapie, et qui se retrouvent en tribunal fois après fois après fois.
C'est paradoxal--d'une certaine façon nous considérons cela comme une alternative meilleure pour la plupart des clients que nous voyons, mieux que de simplement être condamnés et d'aller en prison, de se droguer en prison, de ressortir et de se droguer encore, sans jamais être pris en charge par le système de services sociaux. Et je répète, c'est un programme facultatif.
Et paradoxalement aussi, la prostitution est l'un des critères d'admissibilité. Cela est destiné à ouvrir le programme à davantage de personnes qui autrement ne seraient pas admissibles car elles n'ont pas nécessairement une accusation liée à la drogue parmi les chefs d'accusation pour lesquels elles ont été arrêtées--et encore une fois, c'est facultatif.
Le programme, du point de vue de sa durée et de son intensité, est réellement axé sur les personnes qui ont des problèmes sérieux et à long terme. On sait, d'après les études faites, que les personnes dépendantes depuis longtemps de la cocaïne ou de l'héroïne ont besoin d'un traitement intensif, concentré, spécialement adapté à la drogue consommée, et de longue durée.
Mme Libby Davies: Du moment que l'on admet que tout le système judiciaire est conçu et construit de telle façon que l'homme de Bay Street ne vient jamais en contact avec lui, que c'est la prostituée de la rue... Son risque de se faire attraper est de toute façon beaucoup moindre que celui de la personne qui arpente le trottoir et y est hautement visible. La visibilité joue un grand rôle.
La présidente: Et où est le soutien social pour celui-là?
Mme Libby Davies: Oui, les personnes qui peuvent cacher leur dépendance ou ont les moyens ou ne se font pas prendre sont fondamentalement en dehors de ce système. C'est la visibilité dans la rue.
L'autre question que je voulais vous poser...
La présidente: D'accord, mais vous en êtes à 14 minutes et demie, ne l'oubliez pas. J'ai d'autres intervenants et nous devrons ensuite arrêter.
Mme Libby Davies: Très bien, j'essaierai de poser ma question plus tard.
La présidente: Et nous aurons beaucoup de temps demain. Nous aurons donc une réponse rapide des témoins, puis ce sera le tour de Mme Fry et nous aurons ensuite d'autres témoins.
M. Croft Michaelson: Je voulais simplement préciser que, du point de vue de la politique qui préside à ce programme de traitement de la toxicomanie, il n'est pas discriminatoire ni ne prend pour cible de segments particuliers de la population. Toute personne inculpée pour un délit de drogue est admissible si elle est toxicomane.
Différents facteurs dans la vie de ces personnes peuvent les amener à exercer ou non ce choix. D'aucuns opteront pour le programme, d'autres qui ont un soutien suffisant en dehors choisiront de ne pas le faire. Ou encore, d'autres personnes vont préférer purger leur peine ou payer leur amende, sans entrer dans le programme. Il se pourra très bien qu'on ne les revoie que trois ou quatre infractions plus tard.
La présidente: D'accord, merci.
Pour que les choses soient claires, à l'onglet deux, page cinq, dans le paragraphe sur la motivation derrière le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, l'avant-dernière phrase dit: « Ce projet a pour cible les prostituées, les jeunes et minorités visibles, bien que d'autres auteurs d'infractions liées à la drogue soient admissibles au programme ». Vous ne ciblez peut-être pas, mais quelqu'un pense qu'il y a ciblage.
M. Croft Michaelson: Ce sont là des propos du juge Bentley en juin 2000. Mais le juge Bentley est loin d'être le seul participant à ce tribunal. Et dans l'optique du ministère de la Justice, nous ne ciblons personne.
La présidente: Et qui est le juge Bentley?
M. Croft Michaelson: Le juge Bentley est l'un des deux juges qui président le tribunal. Mais en ce qui concerne les critères d'admissibilité, c'est M. Barnes, qui est assis à ma droite, qui détient les clés.
La présidente: D'accord. Nous avons confiance en lui.
Sera-ce Mme Fry ou M. Lee? Vous choisissez.
M. Derek Lee Sur ce même sujet, la raison pour laquelle nous nous arrêtons sur la population cible des tribunaux pour toxicomanes réside dans l'un de ces communiqués de presse rédigés en langue de bois émis vers 1998 par le ministère de la Justice et le Solliciteur général. On y lit que le tribunal est spécifiquement conçu pour répondre aux besoins des contrevenants non violents dépendants de la cocaïne ou de l'opium, avec une focalisation sur les jeunes, les femmes et les hommes appartenant à des communautés diverses et autochtones, ainsi que sur les prostituées de rue. Si l'accent est mis sur les jeunes, les hommes et les femmes d'horizons divers, c'est tout le monde. Il n'y a pas de ciblage. Donc, soit dans le but d'obtenir une enveloppe budgétaire ou pour quelque autre raison gouvernementale, on prétend focaliser sur quelque chose alors qu'il n'y a pas de focalisation du tout, et nous en revenons comme critère à la dépendance à la cocaïne et aux opiacés, comme vous l'avez dit.
J'apprécie tout votre travail novateur et tout le succès que vous obtenez en changeant la vie des participants qui vont jusqu'au bout du programme. Et même pour ceux qui n'y parviennent pas, il y a quand même quelques résultats. Mais qu'est-ce qu'en retire le contribuable canadien? Mesurez cet avantage comme bon vous semble--et j'ai peut-être l'air plus sceptique que je ne suis--mais dites-nous quel est le rendement sur l'investissement. C'est ma seule question. Je précise que je suis partisan du tribunal. Je veux seulement savoir ce qu'il rapporte.
La présidente: Il veut savoir afin de pouvoir le dire aux électeurs de l'Alliance canadienne de sa circonscription.
M. Kofi Barnes: Le Tribunal de traitement de la toxicomanie fait actuellement l'objet d'une évaluation. J'avais anticipé la question et je dois dire que nous attendons d'ici peu les chiffres d'analyse économique.
Si vous lisez la documentation que j'ai fournie, vous verrez qu'aux États-Unis, où il existe de nombreux tribunaux spécialisés dans la drogue, les économies, chiffrées par des enquêtes, sont considérables. Vous avez là notamment une étude d'une personne du nom de Finigan qui a examiné un tel tribunal en Orégon et a calculé que l'économie représente deux millions de dollars rien que pour le système judiciaire, et avoisine 10 millions de dollars au niveau des soins de santé, des vols, ce genre de choses.
Mais il y a également tout l'aspect humain. Des gens renouent avec leur famille, sont en meilleure santé--nous le savons déjà d'après notre évaluation--et ceux qui réussissent redeviennent des membres productifs de la société. Un exemple que je vous ai donné était la femme qui était toxicomane et qui est maintenant conseillère auprès des drogués au CTSM. Elle a été la première « diplômée » du Tribunal de traitement de la toxicomanie.
Il devrait également y avoir des économies pour le système judiciaire, qui verra défiler moins de délinquants récidivistes, sur le plan des poursuites, des services de police, des soins de santé et des prisons.
Si vous cherchez ces montants, je vous indique les chiffres pour d'autres pays qui ont la même chose. Pour ce qui est de l'expérience canadienne, il faudra attendre la fin de notre évaluation pour que je puisse vous indiquer des chiffres concrets.
M. Derek Lee: Merci.
La présidente: Merci.
Madame Fry, rapidement.
Mme Hedy Fry: Je ne veux pas être obnubilée par cet aspect mais je vais poser la question quand même. Vous ne semblez pas avoir de critères clairs concernant l'admissibilité au tribunal. Nous venons d'en discuter et constaté qu'il n'y a pas de critères clairs, que n'importe qui peut accéder au tribunal.
Dans votre évaluation, allez-vous comparer vos résultats avec ceux d'autres modalités qui sont aussi dénuées de critères et qui ont un fort pourcentage de contrevenants à haut risque ou multirécidivistes et pas seulement des délinquants primaires? Comment pouvez-vous mener une bonne évaluation si vous n'avez pas une image claire de la clientèle et une comparaison avec d'autres groupes de personnes?
On peut se tourner vers les États-Unis comme un exemple de tribunaux spécialisés marchant bien. Je ne sais pas si, dans l'ensemble, les États-Unis sont un bon exemple de système de lutte contre la toxicomanie et le problème de la drogue, avec des résultats suffisamment bons pour que l'on prenne les États-Unis comme modèle. Il faudrait peut-être chercher ailleurs d'autres modèles qui réussissent mieux.
Postulons-nous simplement que les États-Unis sont un bon exemple? Si vous n'avez pas de critères, comment pouvez-vous élaborer une bonne base de données aux fins d'évaluation? Quel point de comparaison prenez-vous pour dire que votre système est meilleur que ceux déjà en place? En fin de compte, vous devez établir que ceci est une meilleure option, non seulement sur le plan des résultats humains, mais également en termes économiques. Si vous n'avez pas des renseignements clairs dans votre base de données, comment pouvez-vous comparer?
La présidente: Monsieur Barnes.
M. Kofi Barnes: Premièrement, nous avons des critères d'admissibilité au programme. Évidemment, le financement est un problème. Les critères relatifs à la nature de l'infraction sont la possession d'héroïne ou de cocaïne, le trafic d'héroïne ou de cocaïne, ou des accusations de cette nature portée par la police. Le projet pilote est assorti de critères et nous avons certaines limites.
Nous avons également des critères intéressant le degré de violence des infractions commises. Nous avons des critères concernant l'intention derrière le délit, recherche de profit ou dépendance. Nous avons également un mécanisme de sélection intense au cours duquel nous appliquons les critères. Bien que je sois le détenteur de la clé, nous faisons intervenir également des agents de police, des agents de probation, des thérapeutes et médecins de famille. Des critères de criblage très intensifs sont employés.
Pour ce qui est de l'évaluation, nous ne comparons pas l'efficacité du tribunal par référence à d'autres pays. Mais nous voulons néanmoins déterminer notre efficacité à l'intérieur du système canadien.
Nous comparons deux groupes. Nous comparons les personnes qui ont suivi le programme sur la base de nos critères. C'est ce que nous appelons le groupe expérimental. Nous comparons celui-ci aux personnes qui ont été jugées admissibles, ou qui ont été évaluées mais ne se sont pas présentées. Pour déterminer l'impact du programme, nous comparons donc deux groupes de personnes présentant des caractéristiques similaires et vivant une situation similaire.
Nos évaluateurs m'assurent qu'ils s'efforcent de comparer des groupes aussi similaires que possible. Les comparaisons sont faites à l'intérieur du système de justice pénale. Nous voulons pouvoir déterminer si cette forme d'intervention auprès des personnes qui suivent le programme fait une différence comparé à un groupe similaire ne suivant pas le programme.
Mme Hedy Fry: Ce n'est pas une comparaison valide. Si une personne fait l'objet d'une intervention et une autre non, la première va automatiquement avoir un meilleur résultat. Cela va de soi. Il faut comparer avec d'autres interventions, si vous voulez obtenir une réponse valide.
La présidente: Monsieur Michaelson.
M. Croft Michaelson: Je peux dire que l'une des difficultés au niveau de la conception était que les chercheurs et évaluateurs voulaient un groupe de contrôle. Ils voulaient un groupe de contrôle composé de toxicomanes qui suivent la filière judiciaire normale. Vous avez ainsi un groupe de référence valide.
À ce stade, du point du ministère de la Justice, nous avons dit que nous ne pouvions pas avoir de groupe de contrôle. On ne peut pas dire à des personnes qu'on ne va pas les admettre dans le programme simplement parce que nous voulons avoir la meilleure évaluation ou recherche scientifique possible.
Il se peut donc que nous n'ayons pas l'évaluation ou recherche scientifique la plus rigoureuse à la fin de tout cela. En effet, certaines considérations d'équité et de justice ont préséance.
La présidente: Monsieur Naymark.
M. Mike Naymark: C'est manifestement une question importante. Je sais qu'aux États-Unis, dont le système judiciaire diffère sensiblement du nôtre, des études sont faites comparant les résultats des tribunaux spécialisés dans la drogue, avec des clients similaires placés en probation, plutôt que dans un programme à surveillance plus étroite comme celui du tribunal spécialisé, et avec des clients placés dans d'autres sortes de programmes extrajudiciaires.
Il existe donc cette sorte de preuve empirique de la plus grande efficacité des tribunaux spécialisés aux États-Unis auprès d'une clientèle similaire. Il serait évidemment bon de pouvoir faire les mêmes recherches ici au Canada.
Pour revenir à ce que disait Croft de l'évaluation, je pense que c'est une évaluation pas mal rigoureuse. Pour des raisons éthiques, nous ne pouvions tout simplement pas répartir au hasard les délinquants entre le tribunal spécialisé ou la non-intervention. Je pense que les données nous permettront quand même de savoir ce qu'il advient des personnes qui ne suivent pas le programme du tribunal spécialisé.
De fait, et il s'agit là encore une fois de recherches américaines, la plupart des participants aux programmes des tribunaux spécialisés n'ont jamais suivi de programme extrajudiciaire auparavant, si bien qu'il est assez réaliste de comparer l'intervention à l'absence d'intervention. Soit ils n'ont jamais suivi de programme auparavant, soit ils ont eu des programmes multiples, car je crois que les tribunaux pour drogués voient des clients qui soit ne suivent pas de thérapie soit n'y restent pas. Certaines comparaisons réellement importantes pourront donc être faites à l'avenir. Il existe déjà certaines études américaines qui nous donnent quelques indications, et puis nous avons le groupe de contrôle constitué pour notre étude d'évaluation.
La présidente: Merci. Nous aurons l'occasion d'aborder d'autres sujets demain, lorsque nous irons vous rendre visite.
La préoccupation que j'ai... Monsieur Barnes, vous avez mentionné que toute une série de soutiens sont offerts, depuis le logement jusqu'à l'emploi, peut-être. J'ai deux questions. Premièrement, si les personnes doivent comparaître au tribunal chaque semaine ou tous les 15 jours, comment feront-elles pour conserver un emploi? Deuxièmement, si ces personnes obtiennent un logement social et peut-être un emploi, ou une formation professionnelle, ou d'autres services sociaux ou des tickets d'autobus, ou tout ce que vous voudrez, est-ce aux dépens d'autres demandeurs de ces mêmes services?
Dans mon travail avec les jeunes délinquants je vois souvent des parents qui me disent: «Il a fallu que mon enfant commette un crime pour être admis en réadaptation. Pourquoi n'y ai-je pas eu accès avant?» Ou encore «Je paye moi-même pour la réadaptation car je ne peux y accéder autrement parce que mon fils n'a pas commis de crime».
Y a-t-il là un problème? Ou est-ce que les choses finalement sont mieux coordonnées?
M. Kofi Barnes: Évidemment, il est problématique que des ressources soient offertes aux délinquants au détriment des non-délinquants. C'est la raison pour laquelle, par exemple, en constituant le Tribunal de traitement de la toxicomanie, on a débloqué des fonds pour créer tout un nouveau régime de traitement plutôt que de recourir aux services existants.
En ce qui concerne les 46 organisations de services qui collaborent avec nous, nombre d'entre eux acceptent nos clients volontairement, et beaucoup les auraient probablement vu arriver de toute façon, car dans la réalité lorsque un toxicomane arrive devant le juge et a besoin d'une désintoxication ou de quelque chose... Même avant le tribunal spécialisé, les juges parfois vont envoyer les gens en traitement ou feront de celui-ci une condition de la libération, ce genre de chose.
La raison pour laquelle ces organismes sont à la table volontairement, bien que ne touchant pas de crédits supplémentaires au titre du programme lui-même, c'est parce que certains reconnaissent que lorsque ces drogués arrivent en libération conditionnelle, comme c'est normalement le cas, il n'y a pas de supervision réelle du fait que le agents de probation sont surchargés de travail. Ils apprécient donc que lorsque le tribunal leur envoie quelqu'un il existe un responsable auquel on peut parler du cas et que le tribunal puisse intervenir le cas échéant.
Chaque fois que l'on fait quelque chose de différent, comme instaurer le Tribunal de traitement de la toxicomanie, cela cause des problèmes. Toujours. C'est une mise en question de tout ce qui existe. Au début, cela remettait en question toute ma conception du rôle de procureur. Pourquoi ferais-je ces choses? C'était une mise en question des traitements fournis, du traitement imposé dans les écoles. C'était une mise en question des policiers, accusés en quelque sorte de ne pas agir suffisamment contre les criminels.
Ces 46 organismes dont je parle ne sont pas venus à la table dès le début. Ils sont devenus intéressés lorsqu'ils ont commencé à voir les premiers succès du programme.
En outre, l'un des plus gros obstacles était qu'il était difficile d'imaginer comment on pourrait appliquer la réduction des préjudices en Tribunal de traitement de la toxicomanie. C'est pourquoi je suis heureux que vous veniez voir sur place. Toute la notion de tribunal a un relent de coercition. Il faut vraiment voir le fonctionnement pour comprendre. C'est pour cette raison que tous ces organismes se sont ralliés.
Pour ce qui est de l'accès aux services sociaux, cette sorte de choses, Mike pourra en parler. Le programme comporte plusieurs phases. Au début, il y a une période de trois semaines où il est impossible de travailler. C'est très intensif. Mais ensuite, l'intensité diminue et peu à peu les gens sont en mesure de travailler. Vers la fin, on comparaît moins souvent au tribunal et on peut occuper un emploi, trouver un logement stable, suivre un recyclage, cette sorte de chose. Ce sont là les objectifs.
La présidente: Monsieur Naymark, rapidement.
Mike Naymark: Je pense que nous apprenons au fur et à mesure ce qui est efficace, ce qui est le plus rationnel du point de vue de la procédure et de la programmation. Cela a été un dilemme pour nous. Quelqu'un qui entre dans le programme et a déjà un emploi aura du mal à le conserver à cause de l'intensité du programme dans les premières phases et de la fréquence des comparutions en cour. Sachant que l'une des exigences pour sortir du programme est d'avoir un emploi, il y a une certaine contradiction.
Cependant, un certain nombre de demandeurs pour qui c'est un problème--il se peut que certains s'auto-éliminent lorsqu'ils connaissent d'avance la difficulté--disent qu'ils voudraient bien suivre le programme mais ont un emploi. Que peuvent-ils faire? Mais concrètement, ils sont très peu nombreux.
La présidente: Merci beaucoup.
Je rappelle à mes collègues que nous partons d'ici demain à 11 h 30 pour nous rendre au tribunal et suivre une conférence pré-instruction. Nous serons de simples observateurs et tenus par le secret, j'imagine. Nous aurons la possibilité de poser des questions aux témoins d'aujourd'hui pendant le déjeuner.
Merci infiniment à tous. Bien sûr, nous allons passer la soirée à étudier la documentation et nous aurons un million de questions supplémentaires. Nous vous sommes réellement reconnaissants et c'est merveilleux d'avoir toute cette documentation. Nous apprécions.
Je peux offrir à quelqu'un mon vidéo français car je ne suis pas sûr de le regarder dans les deux langues officielles. Si quelqu'un veut vous rendre des choses, je ne sais pas si vous pouvez les ramener ou si nous vous les apporterons demain, mais nous verrons bien.
Je vais suspendre la séance juste le temps que les prochains témoins prennent place à la table. J'invite la Toronto East Downtown Neighbourhood Association et la Queen East Business Association à prendre place à la table, nous écouterons d'abord tous les exposés et aurons une période de questions ensuite.
Je suspens la séance pendant deux minutes.
» (1728)
» (1732)
La présidente: Nous reprenons.
Nous recevons cet après-midi la Toronto East Downtown Neighbourhood Association, ou TEDNA, représentée par Madelyn Webb et Steve Bourgeois. Nous avons également Margaret Steeves et Hélène St-Jacques, de la Queen East Business Association, ou QEBA. Bienvenue à tous.
Je crois que nous allons commencer par vous, Madelyn.
Mme Madelyn Webb (présidente, Toronto East Downtouwn Neighbourhood Association): Merci beaucoup de votre invitation. Je suis réellement heureuse de voir que le gouvernement fédéral prête attention à toute cette problématique. Nous sommes intervenus auprès de Bill Graham pendant des années et il a beaucoup fait pour mettre les choses en marche. Nous sommes heureux de voir que le mouvement se poursuit.
La présidente: C'est M. Graham qui nous a demandé de vous recevoir aujourd'hui.
Mme Madelyn Webb: Très bien.
D'abord quelques mots sur notre organisation. Depuis 12 ans, la Toronto East Downtown Neighbourhood Alliance, le nom actuel de notre association, et son prédécesseur, la Toronto East Downtown Neighbourhood Residents' Association, oeuvent en vue de créer un voisinage tranquille dans l'un des marchés des drogues illégales les plus actifs du centre-ville de Toronto. Jusqu'à ce que nous commencions à faire un nettoyage, notre quartier était littéralement un supermarché de la drogue.
Notre quartier s'étend de la rue Yonge jusqu'à Sherbourne et de Gerrard jusqu'à Queen. Je crois qu'Hélène a une carte et elle pourra vous situer le quartier tout à l'heure.
Il s'est produit en 1989 une explosion du trafic de cocaïne crack. En l'espace de quelques mois, le quartier s'est mué d'une zone résidentielle tranquille à population peu aisée en un repère de trafiquants de drogue et de prostituées qui s'activaient jour et nuit, une destination pour les amateurs de sexe tarifé et de drogués de tous milieux et de toute l'agglomération. C'est pourquoi nous appelions cela un supermarché: les gens venaient de toute l'agglomération de Toronto pour se fournir en drogue. Le principal carrefour était Jarvis et Dundas.
Face à la crise, le quartier a monté ce que je peux appeler une organisation populaire. L'initiative appartenait à Michael Thomas qui a organisé les habitants dans le but de collaborer avec la police et les trois paliers de gouvernement. Nous avons dans notre quartier quantité d'institutions, d'églises, de bureaux de services sociaux et d'organismes aux services des sans-abri et marginaux. Nous avons également l'Université Ryerson et, bien entendu, quantité de commerces.
Notre effort visait à rétablir le calme dans le voisinage. Nous avons organisé et tenons toujours une réunion mensuelle du conseil de quartier. Nous pensons avoir conçu un modèle exemplaire pour ce genre de travail.
Nous tenons chaque mois une réunion du conseil de quartier, le premier jeudi de chaque mois, au même endroit et à la même heure. Cela fait maintenant plus de dix ans que cela dure. À cette réunion, les habitants, la police, les commerçants, les conseillers municipaux locaux, les politiciens aux niveaux provincial et fédéral, ou leurs collaborateurs, ainsi que d'autres intéressés par le quartier, notamment l'église, Ryerson et les représentants des organismes sociaux, se retrouvent pour parler des problèmes.
La première réaction que nous avons rencontrée lorsque nous nous sommes organisés a été celle de la police--c'est avec elle qu'il nous a fallu collaborer d'abord afin de la prévenir de ce qui allait se passer. Les policiers nous demandaient «Pourquoi ne déménagez-vous pas?» Évidemment, le problème était que beaucoup de gens avaient acheté leur logement au prix fort--c'était à l'apogée du marché--et nous ne pouvions simplement pas déménager. Par ailleurs, beaucoup de gens étaient logés dans des coopératives d'habitation, lesquelles sont fondées sur des engagements de résidence à long terme, et ne pouvaient déménager non plus. Le quartier présentait en outre de nombreux avantages sur le plan de la commodité.
Cela a donc été la première réaction de la police, mais il est vite devenu apparent que l'activisme des habitants lui facilitait considérablement le travail. Nous étions les yeux et les oreilles de la police. Nous faisions chaque mois un rapport à la police. Le plus souvent c'était avec une fréquence plus grande et elle nous encourageait à lui téléphoner. Il a fallu de nombreuses années, en fait, pour construire une relation avec la police et l'amener à voir les choses du même oeil que nous.
Notre principale méthode de prévention était nos tournées dans le quartier. Nous en faisions deux par semaine, souvent tard le soir, en commençant à 10 heures, parfois minuit, selon le cas. Nous marchions en groupes, la nuit. Habituellement, la police était présente mais parfois nous partions seuls. Nous observions le trafic et filmions en vidéo l'activité. Notre seule présence décourageait et perturbait le commerce de la drogue.
C'est un aspect que nous voulons réellement souligner. À l'heure actuelle, notre groupe considère que le seul outil efficace que nous ayons contre le commerce de la drogue consiste à le perturber. La seule chose que nous puissions faire est de mettre aux abois les revendeurs afin qu'ils ne puissent s'organiser et tenir carrément boutique dans la rue. C'est notre principale méthode mais nous ne la jugeons pas adéquate. Beaucoup de gens n'aiment pas cette approche car ils veulent plutôt contenir le commerce de la drogue afin de pouvoir le surveiller plus facilement. Mais nous pensons que si nous laissons les trafiquants s'organiser dans notre quartier, cela nous conduira au désastre.
Nous avons activement mobilisé la police. C'est peut-être un peu arrogant à dire, mais nous avons en gros formulé des exigences. C'est ce que nous avons également dit à nos conseillers municipaux, qu'il fallait disloquer le trafic. Les conseillers nous ont accompagné dans nos marches. Parfois, nous occupions tout un carrefour--nous l'avons fait en conjonction avec la QEBA et d'autres quartiers--mettons celui de Dundas et Parliament, parfois en dehors de notre quartier, avec une rotation entre les carrefours. Nous nous tenions là littéralement pendant des heures, simplement pour modifier l'usage et perturber le commerce de la drogue. D'autres résidents venaient même nous voir et nous remerciaient d'être là, et de permettre que des activités autres que le trafic de drogues puisse se dérouler.
C'est le genre de techniques qu'il nous a fallu utiliser. Elles exigent beaucoup de temps, accaparent énormément les résidents et les militants. Cela fait plus de dix ans que je suis active et, croyez-moi, c'est un frein à une carrière. Il est très difficile d'intégrer ce travail dans sa vie quotidienne sans que cela vous coûte énormément.
Nous avons appris des choses que nous n'aurions jamais cru nécessaires, et nombre d'entre nous sont devenus ce que j'appelle des «experts par accident» du commerce de la drogue, de sa réglementation, ou plutôt absence de réglementation, et des moyens légaux et non-policiers de décourager les participants.
Nous mettons l'accent sur les moyens non-policiers. Bien sûr, nous poussons la police à faire son travail et nous l'aidons en lui indiquant les endroits où se déroulent les activités. L'une des choses qui nous frustre est que la police ne peut agir qu'une fois qu'un crime grave est commis, aussi nous lui désignons les points chauds lors de nos réunions.
Il faut vraiment faire quelque chose. Nous étions optimistes au début, mais ce qui se passe est qu'il faut habituellement une fusillade, un meurtre--un crime majeur--avant que les lieux d'échange soient fermés et soient calmés. Après un grand nombre de ces épisodes, nous avons obtenu une réaction plus rapide à certaines de ces crises. Aussi, au lieu de devoir attendre des semaines et des mois avant qu'un endroit soit fermé, nous avons obtenu un bouclage, dans un cas, en l'espace de 48 heures. Nous commençons à devenir un peu plus crédibles aux yeux de la police et la coordination que nous assurons est utile. Nous avons aujourd'hui une bonne communication.
Nous avons mis au point des méthodes pour travailler avec les gérants des établissements à problème, tels que les maisons de chambre et restaurants, afin de les encourager à prendre des mesures pour calmer leurs locaux, réduire la criminalité et les rendre sûrs.
Nous avons même dû faire fermer ce que nous appelons des «restaurants distributeurs de drogue». Cela a exigé un effort extraordinaire. Nous avions un restaurant qui abritait le commerce. Il nous a fallu accumuler 125 accusations criminelles contre lui avant que la Régie des alcools de l'Ontario prenne des mesures.
Les gens risquaient littéralement leur vie ou leur santé en pénétrant à l'intérieur. Un des nôtres y allait déguisé, pour recueillir des preuves. La police lui a dit que c'était trop dangereux. Puis, Dieu merci, un agent de police a pris le relais et a passé six mois à recueillir des preuves.
Même la veille de l'audience, l'avocat du restaurant appelait et demandait une suspension de deux semaines. Lorsqu'ils ont vu à l'audience la pile de documentation, ils se sont rendus compte qu'ils allaient devoir écouter.
Le restaurant a été fermé. Ensuite, il nous a fallu aller à une autre audience pour obtenir la suspension irrévocable de deux ans. C'était la première fois que cette sanction était prononcée au centre-ville de Toronto. Cela signifie que nul ne peut obtenir dans cet endroit de permis d'alcool pendant deux ans. Nous avons été les premiers à obtenir cela. Croyez-moi, c'était comme une guerre dans la rue.
Un soir, 85 trafiquants se sont rassemblés à ce coin de rue. La police n'a pu que leur ordonner par haut-parleur de se disperser. Les policiers ne sortaient même pas de leur voiture, c'était trop dangereux.
Voilà le genre de situation que nous vivons. Ce restaurant a été fermé en 1997. Personne ne l'a repris et cette zone est devenue calme. De nouveaux commerces s'installent. Il y a maintenant un hôtel de l'autre côté de la rue et toutes sortes d'autres choses. Nous comptions sur un nouveau développement à cet endroit pour transformer l'ambiance du quartier.
Croyez-moi, il se passe des choses extrêmement graves. Des fusillades se produisent dans les rues. Des gens se font poignarder devant des maisons où habitent des enfants. Au centre-ville de Toronto, partout où les rues revivent et un redéveloppement a lieu, les logements sans but lucratif et coopératives d'habitations sont arrivés en premier et ont frayé la voie aux immeubles en copropriété et promoteurs immobiliers qui viennent ensuite se remplir les poches. Avant cela, on construit des logements sociaux.
Nous sommes un quartier mélangé et c'est ce que nous voulons conserver. Nous trouvons qu'il est bon d'avoir un quartier à plusieurs classes sociales. Mais les conséquences du commerce de drogue sont totalement inacceptables.
Nous pouvons nous targuer de nombreux succès aujourd'hui, mais il a fallu un effort très persistant. Nous avons chaque année de 20 à 50 bénévoles très actifs. Nous devons rester vigilants, continuer à prendre des mesures pour que le quartier continue à s'améliorer, et calmer les points chauds.
J'aimerais dire un mot sur le Tribunal de traitement de la toxicomanie, ayant entendu les témoins précédents. Le problème est que je ne vois pas d'autres solutions. Nous, les résidents, constatons que les tribunaux sont une porte tournante pour les trafiquants de drogues. Nous voyons des petits délinquants, des gens qui n'ont jamais eu le moindre avantage dans leur vie et qui se font prendre avec trois grammes de crack, aboutir en tribunal.
J'ai dû personnellement témoigner contre une personne. J'étais terriblement malheureuse de témoigner contre une personne qui a eu une vie très défavorisée et a été prise avec cette toute petite quantité de cocaïne-crack et a été traînée en justice et envoyée en prison. Cela ne va pas, ces gens ont besoin d'une autre forme d'intervention.
Une autre pratique dans notre communauté sont les déclarations de témoins. J'en ai joints quelques-unes à notre documentation. Elles vous donneront une idée de ce que les gens vivent au jour le jour. Les juges ne sont pas tenus de prendre en considération ces déclarations de témoins, contrairement aux déclarations de victimes. Autrement dit, à moins que vous soyez la personne agressée, si vous êtes empêché de dormir chaque nuit et ne pouvez plus faire votre travail à cause des hurlements dans la rue de drogués qui réclament leur dose, des bagarres et de tout ce qui se passe, cela ne compte pas. Le juge n'est pas obligé d'en tenir compte au moment de prononcer la peine. Les peines sont telles que ces gens se retrouvent habituellement dehors après quelques jours.
Le temps nous manque. J'ai probablement déjà dépassé le mien, mais j'aimerais traiter de certains des points de votre mandat. L'un consiste à déterminer les répercussions de l'abus de substances sur la santé et la sécurité des collectivités dans lesquelles habitent les consommateurs. C'est à cet égard que nous pouvons apporter la plus grande contribution.
Comme je l'ai dit, j'ai apporté quelques déclarations de témoins. Nous avons un système dans nos réunions. J'ai joint aussi ce que nous appelons le «rapport de surveillant de rue». C'est un formulaire que l'on remplit lorsqu'il y a eu une perturbation ou une activité problématique, avec un classement par gravité, et des cases à cocher lorsqu'il y a eu une bagarre ou tout ce que vous voudrez.
Nous avions une rue particulièrement touchée, la rue Pembroke et l'un de nos membres présentait régulièrement des rapports. J'ai joint la première page de son rapport de mai dernier pour vous donner une idée de ce à quoi les gens sont confrontés.
J'ai également joint une lettre au chef Boothby, datant de 1996, au sujet des changements de méthodes de la police. Aujourd'hui, les policiers ne patrouillent plus à pied, seulement en voiture. Il est impossible de surveiller notre quartier en voiture. Les trafiquants sont à pied et se cachent dans les allées sombres. Cela ne convient pas. Il faut changer cela. Nous devons écrire à la police pour dire que cela ne peut pas aller.
La bonne nouvelle est que nous avons un bon rapport avec la police, grâce à tout le temps que nous y avons consacré. Nous pouvons dire à la police ce dont nous avons besoin. Souvent, elle peut nous donner satisfaction. En ce moment, la collaboration est plutôt bonne avec la brigade des stupéfiants, de la façon dont elle opère actuellement.
Depuis la fermeture de ce restaurant de trafic de drogue, nous constatons que la police prend les mêmes mesures et utilise les mêmes méthodes, de sa propre initiative, sans que nous ayons à intervenir. C'est excellent, car nous n'avons pas des centaines d'heures à consacrer à ces choses, des centaines d'heures à mettre au courant tous les policiers qui défilent. C'est une valse permanente, inimaginable.
Nous avons maintenant nos méthodes. Nous les invitons à nos réceptions, nous leur donnons plein de choses à manger, nous leur disons comme ils sont mignons dans leur uniformes et faisons en sorte qu'ils nous apprécient réellement. Il faut ce qu'il faut. Voilà ce qu'il nous faut faire, nous l'avons découvert. Quoi qu'il en soit, certaines des méthodes sont formelles, d'autres moins.
La présidente: Ce n'est pas là la corruption dont je parlais.
Mme Madelyn Webb: Je ne le pense pas non plus. Nous avons eu d'excellents policiers qui collaboraient avec nous.
Bon, je parlais des déclarations d'impact sur les témoins. Selon mon analyse, le bruit qui empêche de dormir... Vous savez, tout le monde dit que le trafic de drogue et la prostitution sont des crimes sans victimes, mais j'avais des trafiquants qui habitaient à côté de moi dans mon immeuble et tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, il y avait foule. Si quelque chose me réveille à une heure ou à quatre heures du matin, je ne peux pas me rendormir. Je ne sais pas si vous êtes pareils. Si je me réveille à d'autres heures, je peux me rendormir.
À l'époque j'avais cet emploi dans l'administration fédérale et je peux vous le dire que j'étais littéralement folle. Je ne pouvais plus travailler. Un jour, j'étais dans une réunion et j'ai littéralement explosé. C'était le manque de sommeil. On ne peut fonctionner dans ces conditions. C'est réellement l'un des gros problèmes que l'on peut mettre en évidence. Le bruit empêche de dormir.
Il y a la prostitution, les actes sexuels en pleine rue. Ceux qui ont une pelouse devant chez eux n'arrêtent pas de ramasser des condoms, des pipes à crack et autres débris. Les taxis, par peur, refusent de venir dans le quartier. Les enfants se font accoster dans la rue avec la proposition de devenir passeurs. Je l'ai vu moi-même l'autre jour dans ma rue. J'étais horrifiée. Ces drogués traînent dans la rue, hébétés et faisant la manche. Des débits d'alcool clandestins tournent toute la nuit, des clubs restent ouverts en fin de semaine après les heures légales.
Dans notre immeuble, par exemple--c'est une expérience personnelle--nous avons dû engager un vigile pour nous débarrasser des trafiquants de drogues. Cela a pris trois semaines. Mais la police ne pouvait le faire parce que sa Mercedes était prise ailleurs et qu'elle n'avait pas les moyens d'offrir un costume Armani et une Rolls Royce à un agent pour qu'il infiltre l'endroit.
Les logements municipaux échappent à tout contrôle. La ville ne parvient pas à gérer ces logements à loyer modéré ou bien... Aidez-moi, Steve, comment appellent-ils cela--metro housing? C'est comme une maison de chambre, sauf que c'est municipal. Dans une de ces maisons, il y a une fenêtre au rez-de-chaussée par laquelle on vend constamment de la drogue. Cela fait huit ans que nous nous plaignons maintenant, et la ville ne peut rien y faire.
Dans tous les nouveaux immeubles du quartier, qu'il s'agisse de coopératives ou de logements privés, il a fallu se débarrasser des trafiquants de drogues. Les trafiquants emménagent, causent toutes sortes de problèmes et il faut essayer de s'en débarrasser. Évidemment, les gens ne savent pas comment s'y prendre. Parfois ils viennent à nos réunions--nous les aidons--mais c'est un énorme problème. C'est un énorme problème pour ces résidents lorsque cela leur arrive.
J'ai mentionné les restaurants et les bars et les poignardages et fusillades. Nous avons également une école dans notre quartier et les drogués essaient de vendre du crack aux enfants par-dessus la clôture. Ce sont les choses que l'on voit.
Un autre phénomène que l'on constate est celui de certains groupes d'habitants qui s'en prennent à tous les immeubles à loyer modéré et maisons de chambres comme si c'était des repères de trafiquants et essaient de les fermer. Nous-mêmes, nous souhaitons que la drogue soit traitée comme un problème sanitaire et tout ce que vous voudrez, mais nous ne sommes pas comme ces autres groupes dans notre voisinage. Beaucoup d'habitants du quartier ne souhaitent pas une population mixte; ils veulent fermer les maisons de chambres. Une campagne de ce genre est en cours dans notre quartier en ce moment.
Ces maisons de chambres abritent beaucoup d'étudiants de Ryerson. Ils paient 500 $ par mois pour vivre dans une chambre qui n'est pas plus grande que cette table. Les loyers sont extrêmement chers au centre-ville et nous sommes à une rue de l'Université Ryerson. Nous avons beaucoup d'étudiantes qui circulent dans la rue le soir, de retour de l'université. C'est un aspect dont il faut tenir compte.
Nous faisons campagne pour des réformes législatives qui nous paraissent nécessaires afin de réduire l'impact du commerce de drogues illicites, ce qui fait également partie de votre mandat. Ces réformes englobent la décriminalisation de la drogue et le traitement de la toxicomanie en tant que problème sanitaire. Cela nous paraît la seule solution. Je sais que c'est compliqué. Nous manquons de temps ici, mais nous avons des énoncés de politique à ce sujet.
Dans quelle mesure la criminalisation contribue-t-elle aux préjudices causés par l'usage de drogue et y a-t-il des moyens d'atténuer ces effets? Nous pensons que des efforts énormes sont déployés par les quartiers et la police pour régler le problème, avec très peu d'effet. C'est toujours à recommencer. La police devient très frustrée. Je suis sûr que ses représentants vous l'ont dit. Tout est toujours à recommencer. Nous procédons adresse par adresse, mais c'est extrêmement difficile. Comme je l'ai déjà dit, habituellement il faut qu'il se produise un meurtre ou une grosse commotion avant que quelque chose se fasse et que la police puisse intervenir. Les tribunaux et les prisons sont un système à porte tournante pour les trafiquants de drogues.
L'argent facile attire les jeunes. Avez-vous vu le film Traffic qui aborde cette problématique? Les jeunes Noirs... Ils voient tout cet argent facile et se laissent tenter. À leurs yeux, les trafiquants ont du prestige. C'est une situation terrible.
Nous avons fait venir des gens dans le quartier qui ont organisé des programmes à l'intention des jeunes, afin de les amener à réfléchir à leur situation et à en parler. Les jeunes s'exprimaient par le biais de représentations théâtrales. C'était très intéressant.
Les pistolets et couteaux que portent sur eux les trafiquants de drogues... Certains d'entre nous les voient, d'autres non, mais les policiers nous disent toujours: «Faites attention pendant vos marches, car ces types ont des pistolets et des couteaux». Ce sont les agents qui nous le disent. Et nous arpentons les rues du quartier au milieu de la nuit.
Quels moyens d'atténuer: donnez aux habitants des quartiers et à la police locale les moyens de combattre les problèmes, autrement qu'en dispersant les trafiquants pour qu'ils se regroupent ailleurs. Les tribunaux ne règlent pas le problème. J'ai mentionné les déclarations de témoins. Faites en sorte que le trafic de drogues ne soit plus aussi lucratif. Tarissez la source d'argent. C'est simplement trop lucratif.
Est-ce qu'il existe partout des traitements de désintoxication? Nous avons toutes sortes de services sociaux pour les drogués, mais le problème est qu'aussitôt qu'ils ressortent dans la rue, il y a des centaines de trafiquants qui les attendent. Or, il en suffit d'un seul pour qu'ils replongent.
À la racine du problème, on trouve souvent la pauvreté et la pénurie de logement. Toute solution systémique passe par là. La pénurie de logements de prix abordable à Toronto dépasse l'imagination. C'est une crise. Nul ne veut dépenser pour cela. On ne peut laisser les gens à la rue, sinon ils se retrouvent dans les situations que nous voyons. On ne peut laisser faire cela.
En résumé, nous vous exhortons à rechercher des façons de rendre le trafic de drogues moins lucratif et de traiter la toxicomanie comme un problème sanitaire. Voilà nos deux principaux messages. Tant qu'il y a des profits énormes à réaliser, les problèmes persisteront.
Le trafic est contrôlé par les caïds. Ce ne sont pas eux qui circulent dans le centre-ville est. Certains--Hélène pourra vous en parler... Nous savons que Queen et Sherbourne, c'est-à-dire à la limite de nos deux quartiers, est le carrefour où la plus grande partie de la marijuana est déposée. Ils circulent en fourgonnettes blanches. Ce sont des Hell's Angels. Ils contrôlent le trafic de drogue. Vous pouvez voir leurs fourgonnettes blanches aux points chauds du centre-ville, Queen et Sherbourne. C'est là où ils font leurs affaires. Ils ont même un repaire sur Eastern Avenue, juste à l'est d'ici, où un énorme panneau proclame: «Hell's Angels». Cela se sait, nous le savons, nous vivons ici. Nous savons exactement où ils sont et où et quand ils font leurs affaires. Pensez-vous que cela nous ravisse? Non. Nous ne devrions pas avoir à vivre dans ces conditions.
Voulons-nous que les caïds rachètent des entreprises légitimes et se fondent dans la société, comme le faisaient jadis les familles mafieuses enrichies par le trafic d'alcool? Nous savons tous comment cela se passe. Voulons-nous laisser ces criminels prendre le contrôle de notre société? Ils disposent d'énormément d'argent. La meilleure façon de réduire les préjudices et de réduire l'impact de la drogue est que le gouvernement prenne le contrôle et tarisse leurs profits à la source. C'est indispensable.
Il y aura toujours des gens qui vont tomber sous l'emprise de la drogue. Nous avons fait une étude à ce sujet avec la Fondation pour la recherche sur la toxicomanie. Ne nous demandez pas de nous indiquer la source exacte, mais le pourcentage est de l'ordre de 6 p. 100. Autrement dit, si les drogues étaient librement disponibles, quel pourcentage de la population deviendrait-il intoxiqué? C'est de l'ordre de 6 p. 100. Ce chiffre provient de la Fondation pour la recherche sur la toxicomanie.
Si vous voulez une analyse détaillée du coût, la question devient alors de savoir combien il en coûtera de fournir leurs doses aux toxicomanes? Combien en coûtera-t-il sous forme de programmes de traitement et de réinsertion? Si vous choisissez d'aller dans cette direction, comme je l'espère, on pourra chiffrer les coûts.
Oui, bien entendu, nous voulons des programmes de prévention. Nous ne voulons pas que tous nos efforts soient réduits à néant. Nous, les résidents, faisons plus que notre part. Nous avons besoin de l'appui du gouvernement à nos efforts, pour nous débarrasser de ce fléau.
La présidente: Merci, madame Webb.
Veuillez m'excuser. J'ai souri à quelques reprises. C'était l'image de vous dansant la valse dans les rues.
Mme Madelyn Webb: Il faut savoir parfois en rire.
Le côté positif de toute cette situation est que nous avons des choses en commun avec nos voisins. Nous nous retrouvons tous une fois par mois. J'ai rencontré des centaines de personnes de cette façon. Ce ne sont pas les circonstances les plus propices, mais le résultat a été que nous avons construit une communauté ici. Voilà le côté positif.
Je vais dans d'autres quartiers de Toronto et je vois qu'ils ont aussi leurs problèmes. Nous avons des méthodes pour combattre les nôtres. Nous avons la police avec nous. Nous procédons adresse par adresse. Il nous en reste encore quelques-unes à nettoyer. Nous progressons, mais c'est incroyablement difficile.
La présidente: Merci.
Je donne maintenant la parole à Margaret Steeves, de la QEBA, la Queen East Business Association.
Mme Margaret Steeves (Queen East Business Association): Merci. Merci à vous tous d'être venus et d'écouter nos présentations.
J'aimerais injecter une note un peu personnelle, mais dans l'optique de la QEBA. Je suis une habitante du quartier et membre de l'association commerciale. Hélène parlera de l'impact du trafic de drogue sur les commerces du quartier.
Notre association compte une centaine de membres, tant des commerces que des résidents et des organismes sociaux du quartier. Le nôtre est la rue Queen entre la rue Yonge à l'ouest et la rue River à l'est.
J'aimerais prendre quelques instants pour vous parler de moi. Je suis le visage du quartier. J'en suis une habitante typique. J'y habite depuis environ un an, ayant acheté un appartement en copropriété. Je vis seule. J'ai fait le choix de m'établir dans le quartier. Beaucoup de gens me demandent pourquoi. J'aime bien sa situation au centre-ville de Toronto, la proximité des services, des spectacles et lieux de loisirs. C'est un quartier très bien desservi par les transports en commun, ce genre de choses.
Lorsque j'ai emménagé il y a un an environ, j'étais pleine d'espoir. Aujourd'hui, j'ai peur quand je rentre et sors de chez moi, et même chez moi. Cette peur est due au trafic de drogue qui se déroule dans le voisinage, avec son cortège de criminalité, d'agression et de prostitution.
J'ai peur chaque fois que j'entre et je sors de mon immeuble. Souvent, je dois enjamber des drogués au crack qui font leur affaire dans l'entrée de mon immeuble ou à proximité. Les prostituées racolent dans et autour de l'immeuble et, lorsque je suis en compagnie d'un homme, accostent celui-ci pour offrir leurs services. J'hésite beaucoup à inviter des gens dans mon nouveau domicile car je crains pour leur sécurité dans le quartier. Au moins, moi je commence à m'habituer, mais ce n'est pas leur cas. Ils ne savent pas comment réagir à ce genre de situation.
Le carrefour de Queen et Sherbourne est décrit par la police comme le pire de tout Toronto, du point de vue du trafic de drogue et de ses séquelles. Vendredi soir dernier, un boutiquier a été agressé au coin de Queen et Sherbourne par une prostituée sous l'emprise du crack qu'il avait refusé de servir. C'était une agression grave.
La QEBA collabore étroitement avec la police, tout comme la TEDNA. La police nous a dit avoir précédé à plus de 142 arrestations entre le 1er janvier et le 15 octobre 2001, 67 de ces personnes ayant déjà été condamnées antérieurement pour trafic. Ces chiffres sont évidemment fonction des effectifs disponibles. La police fait de son mieux. Je cite le chiffre uniquement pour souligner le nombre des trafiquants. Selon les statistiques de la police, même après ces arrestations, il en restait autour de 300. L'autre chiffre significatif est que la plupart des personnes arrêtées ont déjà été condamnées antérieurement, ce qui ne les empêche pas de revenir, encore et encore.
J'ai deux exemples. Un homme de 42 ans avait 12 condamnations antérieures pour trafic, pour un total de 72 condamnations à son casier judiciaire. C'est donc un homme qui se livre au trafic de drogue dans le quartier, et il faut préciser à cet égard que la cocaïne crack est celle qui pose le plus gros problème.
Je suis sûr que l'on vous a déjà indiqué à d'autres occasions que la drogue entraîne un autre problème, la prostitution. La police nous a dit qu'au cours des derniers mois, 240 clients de prostituées ont été arrêtés, qui viennent de toute l'agglomération dans notre quartier pour acheter du sexe. Ces arrestations ont été effectuées lors d'opérations menées une fois par semaine sur une période de trois heures par quatre agentes déguisées. C'est considérable, c'est le résultat direct du trafic de drogue.
La présidente: Quels étaient ces chiffres?
Mme Margaret Steeves: Au cours des derniers mois, 240 arrestations ont eu lieu, uniquement de clients de prostituées. Ces arrestations sont le résultat d'une opération de police de trois heures, un soir par semaine, avec quatre agentes. Vous pouvez faire les calculs pour comprendre l'ampleur de ce problème qui résulte de la présence de la drogue dans notre quartier.
J'aimerais maintenant céder la parole à Hélène qui parlera de l'impact de la drogue sur les commerce du quartier.
Mme Hélène St. Jacques (Queen East Business Association): Merci beaucoup.
De combien de temps est-ce que je dispose, 30 secondes?
La présidente: Collègues, avec votre accord, nous pourrions peut-être siéger jusqu'à 6 h 20. Est-ce que cela convient?
Mme Margaret Steeves: Pourrais-je disposer de quelques minutes à la fin pour conclure?
La présidente: Oui, mais nous aimerions garder un peu de temps pour les questions, et je vous accorderai donc quatre ou cinq minutes.
Mme Hélène St-Jacques: D'accord, allons-y.
Madelyn a très bien décrit, tout comme Margaret, les inconvénients infligés aux habitants par le trafic. J'aimerais vous parler du côté positif, non pas du trafic de drogue, mais de ce que notre quartier peut et pourrait représenter, sur le plan commercial.
Je ne sais pas si vous connaissez le quartier. Si vous êtes de Toronto, connaissez-vous le vieux centre-ville est? Pour le décrire rapidement, c'est le dernier grand quartier de la ville à être rénové, hormis la zone portuaire. Nous sommes donc inondés de promoteurs qui prennent de vieilles bâtisses et les transforment en nouveaux palais. Le prix au mètre carré est aussi élevé que dans certaines tours de la rue Bay, du fait de la valeur historique de certaines propriétés. C'est incroyable. La propriété de Michael Tippin, l'édifice Flatiron sur Wellington et Church, est l'un de plusieurs exemples.
Il y a donc ce réinvestissement énorme qui afflue, avec des promoteurs qui construisent aussi du neuf, des immeubles de 18 étages, et ce mouvement se propage vers l'est et a dépassé maintenant la rue Sherbourne. Au total, cela fait des milliers de nouveaux résidents et commerces.
Qui sont ces personnes qui emménagent dans le quartier? C'est important à souligner. Nous attendons les chiffres de Statistique Canada, mais nous avons reçu des crédits. Collectivement, la QEBA collabore--nous sommes très bien organisés dans notre partie de la ville--avec des groupes de protection du patrimoine, des groupes de résidents, au nord, au sud. Nous avons travaillé très fort pour former la Southeast Downtown Economic Renewal Initiative, l'initiative de renouveau économique du centre-ville sud-est, et avons reçu jusqu'à présent 450 000 $ de DRHC pour faire une myriade de choses. Je vous montre ici des études de planification. J'aurais pu en apporter beaucoup plus. Ce sont des documents très impressionnants.
Pourquoi faisons-nous tout cela? Nous aidons le département de planification. Nous dotons le quartier d'une vision. Nous influençons également ce que fait le secteur privé.
[Note de la rédaction--difficulté technique]...présenter notre quartier comme très dangereux, un repaire de drogués et de prostituées. N'est-ce pas là une meilleure façon de proclamer au monde entier ce que nous sommes?
Comme le dit Madelyn, nous sommes un supermarché de la drogue en plein air. Promenez-vous et regardez les visages de certains de ces revendeurs et vous prendrez peur. En plus, ils agressent nos commerçants. Ils agressent les clients des magasins, les racolent et les terrorisent. Cela empêche la rue Queen de progresser. Si vous circulez dans notre quartier, et je vous y invite réellement, vous verrez que l'argent va se placer sur Esplanade, la rue Front, la rue King et remonte peu à peu. Mais nous n'obtenons pas les investissements qu'il nous faut à Sherbourne. Il y a là une zone morte et c'est directement à cause du trafic de drogue. Tout le monde sait ce qui se passe là.
C'est pourquoi je suis venue vous parlez, car nous avons des commerçants qui vivent littéralement dans la terreur. Nos réunions de la QEBA deviennent attristantes, car tant de nos membres arrivent et viennent juste de subir une nouvelle agression. C'est de cela que nous allons parler le 6 mars. Cela nous empêche d'avancer avec notre vision et notre plan et de penser aux choses très positives que nous avons mises en train avec d'autres groupes de quartier et de protection du patrimoine et que le gouvernement fédéral a largement financées. C'est un gaspillage d'argent. Cela nuit également à l'assiette fiscale de la ville.
Sachez que ceci restera une zone morte tant que rien ne sera fait et que ces commerces menacés... C'est un tout petit tronçon de la rue qui est vraiment touché. Les commerçants s'accrochent. Certains d'entre eux sont là depuis plus de 50 ans et se trouvent marginalisés à cause de cette concentration de la délinquance.
Une bonne nouvelle est que, si le chef Fantino vient certes nous voir et nous dit de continuer nos efforts, ce qui est bien joli, son adjoint, lui, a heureusement fait quelque chose d'un peu plus efficace. Il y a deux ans, il s'est promené... Ils viennent habillés en civil, ce qui est bon. Mike Boyd a été tellement choqué par ce qu'il a vu qu'il a lancé, de sa propre initiative, Dieu le bénisse, ce que l'on appelle le groupe de travail sur la santé et la sécurité de Queen-Sherbourne. Il y a là les trois paliers de gouvernement, avec la QEBA et les organismes sociaux du quartier.
Nous avons l'un des plus gros foyers d'hommes sans abri de la ville, le Centre Maxwell Meighen. Il est très bien géré. Il n'y a pas là dedans de drogue ni d'alcool. Nous avons le Centre Fred Victor, qui travaille avec la population «à gros besoins», comme on dit. Ses responsables siègent à notre conseil et font partie du groupe de travail. Nous avons de longues séances de travail depuis deux ans et nous sommes rendus compte que, avec les outils dont nous disposons... Il y a beaucoup de lacunes dans le système, nous le savons.
Nous avons maintenant engagé un coordonnateur à temps plein rien que pour faire la liaison entre la police, les habitants, les commerces et les organismes sociaux, afin de coordonner l'action et nous mettre tous sur le même page, mais aussi nous montrer ce que nous pouvons faire. Nous ne voulons pas d'une démarche imposée d'en haut. Nous trouvons des solutions au niveau micro, et ce que nous apprenons a une application au niveau macro.
Il nous faut maintenant documenter ces solutions et collaborer plus étroitement, comme Madelyn l'a signalé, à des solutions ancrées dans la communauté. Nous avons un problème et nous voulons être partie de la solution. Comme vous le savez, les décisions imposées d'en haut ne marchent plus. Le pouvoir est réellement à la base.
Je rends maintenant la parole à Margaret.
Mme Margaret Steeves: L'autre victoire importante que je voulais mentionner--et Madelyn en a fait état--est la déclaration d'impact communautaire. Notre organisation travaille sur une déclaration d'impact communautaire depuis avril dernier, depuis presqu'un an, et nous avons documenté... Notre déclaration dresse un bilan pour deux personnes, moi-même en tant que résidente et un commerçant, et nous décrivons notre situation et ce qui nous est arrivé dans le quartier.
La raison pour laquelle j'aborde cet aspect avec vous est que, comme Madelyn l'a dit, nous aimerions que cette information soit prise en compte non seulement pour la détermination des peines, mais aussi le traitement des personnes accusées de trafic.
Lors des mes contacts avec des procureurs fédéraux, ils m'ont carrément dit: «Margaret, remettez-vous, la collectivité n'est pas une victime». J'ai répondu: «J'ai des nouvelles pour vous, la communauté est bien victime». Nous avons des gens ici et dans d'autres tribunes qui peuvent vous dire que la communauté est bien victime et que nous avons besoin d'être pris en considération aux fins de la détermination des peines et de toutes ces choses.
Les procureurs fédéraux vont utiliser ces déclarations d'impact communautaire, mais ils doivent trouver des juges à l'esprit ouvert qui vont admettre que les collectivités sont victimes, et c'est la seule façon dont elles auront une utilité. Vous pouvez donc nous aider en recommandant que le système nous reconnaisse comme victimes.
L'autre chose que nous voulons faire ressortir, comme Hélène l'a mentionné--et cela rejoint tout à fait ce que la TEDNA a dit aussi--c'est que la communauté doit participer à l'élabvoration des solutions: la déclaration d'impact sur la communauté, notre groupe de travail sur la santé et la sécurité et le Tribunal de traitement de la toxicomanie. Je suis ravie que vous alliez le voir, j'y suis allée moi-même et vous aimerez. Mais l'important pour nous, c'est la concertation, par le biais du groupe consultatif communautaire.
Divers modèles de réduction des préjudices et de projets pilotes sont conçus et mis en oeuvre sans que la collectivité soit consultée. J'ai personnellement rencontré nos infirmières de santé publique qui s'occupent de programmes pilotes, tels que la distribution gratuite de pipes à crack, et ma réaction était: «Je n'étais pas au courant. Pourquoi n'ai-je pas été informée? Que faites-vous là?» La collectivité doit participer à l'élaboration des solutions à ce problème très important.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci à tous de ces excellents exposés.
Peut-être, selon notre programme de mercredi matin, pourrions-nous demander au chauffeur du bus de nous faire faire un tour du quartier, car je le connais un peu. Il y a beaucoup de nouveaux magasins d'antiquités et autres commerces sur la rue Queen.
Avant de donner la parole à M. White pour une courte question, j'ai fait le calcul au sujet des clients des prostituées, et cela fait une arrestation par chaque agent toutes les 12 minutes, n'est-ce pas?
Mme Margaret Steeves: Faites le calcul; c'est effectivement étonnant.
La présidente: D'accord. Enfin, en ce qui concerne les déclarations d'impact sur les victimes, est-ce que Tim Murphy n'avait pas un projet de loi d'initiative parlementaire là-dessus? N'a-t-il pas été adopté?
Mme Hélène St-Jaques: Non, malheureusement. Il avait pourtant fait un gros effort pour cela.
Mme Margaret Steeves: Mais il faudrait une loi à cette effet afin que les tribunaux admettent que la collectivité--moi-même et d'autres--est victime.
La présidente: Très bien. Merci.
J'ai fait un peu campagne dans le quartier pour M. Graham en 1988. Mon rôle était d'organiser le vote à Moss Park. J'étais donc en plein dedans.
Monsieur White.
M. Randy White: Merci.
Les deux choses que vous avez dites--priver les trafiquants d'argent et traiter la toxicomanie comme un problème de santé--sont des thèmes qui reviennent souvent. Comment faire pour que le trafic ne soit plus lucratif?
Mme Madelyn Webb: Eh bien, en gros, vous fournissez la drogue aux toxicomanes à bas prix. Le gouvernement doit contrôler la distribution.
M. Randy White: Vous préconisez donc de légaliser l'héroïne et la cocaïne?
Mme Madelyn Webb: L'une des positions que nous avons prise à la TEDNA est que toutes ces drogues doivent être réglementées, au même titre que l'alcool et les cigarettes--quelqu'un parlait de nicotine tout à l'heure--et qu'on puisse les acheter dans des points de distribution contrôlés. Donc, si vous êtes un drogué, il vous faudra une ordonnance ou quelque chose, et on vous offrira aussi un traitement. C'est ainsi que vous obtiendrez votre drogue. Vous n'aurez pas besoin de l'acheter auprès d'un trafiquant.
M. Randy White: Ce sera plutôt difficile à faire admettre dans le pays à ce stade et vous réalisez sans doute que cela ne se fera pas dans l'avenir proche. Donc, à défaut, quelle autre solution voyez-vous?
Mme Madelyn Webb: Je ne pense pas qu'il y ait d'autre solution. Comme je vous l'ai dit, la seule autre possibilité est de chasser ces trafiquants d'un quartier à l'autre. L'une des raisons pour lesquelles ils sont à Queen et Sherbourne, c'est parce que les politiciens locaux aiment les voir là. Ils veulent les garder là pour pouvoir les contenir.
Dites-moi donc quelle autre solution il existe. Il n'y en a pas. Il faut en passer par là, car il n'y a pas de choix. Nous pouvons avoir soit un quartier perturbé, le genre de situation que nous vivons, ou bien nous offrons une alternative telle que les drogués ne soient pas obligés de devenir des criminels. On pourrait également fournir des logements. Cela aiderait.
Si l'on ne décriminalise pas, on a forcément ce résultat. Le principal écueil est la politique américaine en matière de drogues et je pense que nous devrions faire preuve de fermeté vis-à-vis des États-Unis, car les Américains n'ont pas les solutions. Je pense qu'il faut adopter une position ferme. Ce n'est pas facile, mais c'est indispensable. Et n'oubliez pas, il existe la méthadone pour les héroïnomanes, et toutes sortes de choses. Il y a des méthodes pour fournir les gens en drogue sans qu'ils aient besoin de l'acheter dans la rue, et c'est ce qu'il faut faire.
La présidente: Madame Steeves.
Mme Margaret Steeves: J'aimerais simplement indiquer pour le procès-verbal que la QEBA n'a pas pris position en faveur de la décriminalisation des drogues illégales. Nous n'avons pas pris de position à ce sujet et n'en avons même jamais discuté.
Une voix: Nous n'en n'avons pas parlé. Il est important de le dire. Nous sommes une organisation et nous--
La présidente: Ce n'est pas que vous y êtes opposés, simplement vous n'avez pas--
Mme Hélène St-Jacques: Eh bien, sachant qu'il y a une telle crise, croyez-moi, les gens ne peuvent même pas imaginer que cela puisse se faire un jour. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Mme Margaret Steeves: Nous n'avons jamais eu de discussion à ce sujet.
Mme Madelyn Webb: J'ajoute simplement que nous sommes en faveur des activités de réduction des préjudices dans notre quartier. Nous en avons pour l'alcool et le crack, sur la rue George même, à Seaton House, qui est le plus grand foyer d'accueil d'hommes au Canada.
M. Randy White: Vous comprenez donc les difficultés que présente votre position.
Madame Madelyn Webb: Oh, je connais les difficultés, croyez-moi--cela fait 12 ans que je me bats.
M. Randy White: Vous savez, nous avons 304 députés à la Chambre des communes.
Une voix: 301.
M. Randy White: 301.
Mme Madelyn Webb: Et ils vivent tous à la campagne, c'est cela?
M. Randy White: Eh bien, nous vivons dans des circonscriptions très diverses. Beaucoup sont rurales, et beaucoup sont loin de ressembler à la vôtre. Il serait extrêmement difficile de les convaincre d'adopter une politique nationale légalisant la cocaïne ou l'héroïne--ou déjà même la décriminalisant.
Cela me ramène donc à ma question initiale: Quelle autre solution y a-t-il dans votre quartier?
La présidente: Mme Webb, puis Mme St-Jacques.
Mme Madelyn Webb: Si vous voulez parler des responsabilités fédérales, pourquoi ne pas commencer par la représentation proportionnelle? Peut-être faudra-t-il commencer par là, afin que nous ayons un peu plus d'influence sur les décisions. Ceci est un comité fédéral.
La présidente: D'accord. Madame St-Jacques.
Mme Hélène St-Jacques: En fait, bien que nous n'ayons pas longuement discuté à la QEBA, nous avons une grande sympathie pour les prostituées. Je sais que Barbara Hall a lancé à un moment donné l'idée de légaliser la prostitution et de protéger les prostituées, de créer une zone pour elles, comme cela se fait dans certains pays d'Europe.
Mme Madelyb Webb: N'oubliez pas que seuls 5 p. 100 des prostituées font le trottoir.
La présidente: C'est ce que j'allais dire, beaucoup sont probablement des « escortes ».
Mme Madelyn Webb: Oui.
Mme Libby Davies: Et c'est autorisé.
Mme Madelyn Webb: Nous aimerions protéger les femmes.
Une agression a eu lieu vendredi dernier. Cela n'est pas inhabituel. Cette jeune femme, une prostituée sous l'emprise du crack, est allée dans un magasin pour acheter un cigare pour son «mac». La caissière a refusé de lui vendre le cigare car elle était mineure. Le proxénète a alors fait irruption et a cassé la figure à la caissière. C'était un soir comme beaucoup d'autres au coin de Queen et Sherbourne.
La présidente: J'ai une autre remarque. Ce n'est pas dans votre quartier, mais plutôt autour du YMCA que l'on trouve des jeunes hommes prostitués qui courent aussi des risques physiques, bien que différents.
Mme Madelyn Webb: Oui.
La présidente: J'ai travaillé quelque temps à Toronto.
Libby Davies.
Mme Libby Davies: Merci, Paddy.
Vous avez entendu le point de vue de Randy. Je crois qu'une profonde évolution est en cours.
La Fédération canadienne des municipalités, la FCM, s'est exprimée aujourd'hui dans les médias. Je crois que 80 p. 100 des Canadiens vivent aujourd'hui en milieu urbain. Nous sommes confrontés à cette problématique.
Je représente Vancouver Est et East Side est situé dans ma circonscription. Je connais parfaitement la situation que vous décrivez. On nous dit constamment que ce sont des cas isolés, qu'il n'y a rien que nous puissions faire au niveau national. Mais je considère réellement que nous devons agir, du moins dans les zones urbaines.
Vous avez soulevé certaines questions. Nous sommes nombreux dans ma ville à être parvenus à la conclusion que le plus grand mal provient de l'illégalité. C'est la cause des surdoses. Les gens ne savent pas ce qu'ils s'injectent.
Il y a la criminalité. Le service de police chez nous affirme que de 80 p. 100 à 90 p. 100 de toute la criminalité est causée par le trafic de la drogue. C'est une réalité. Je sais que c'est la réalité que vous vivez aussi.
La légalisation suscite peut-être un énorme débat, mais on sait que Zurich, grâce à la décriminalisation ou même la médicalisation, a vu sa criminalité chuter de 70 p. 100. La ville a complètement éliminé le libre marché de la drogue. Il a été amputé de 70 p. 100. En substance, on y a réussi à faire s'inscrire les drogués, à les superviser et à les diriger vers des centres de traitement. C'est exactement ce dont vous parlez. C'était même fait sous l'impulsion du service de police. Je ne pense pas qu'il faille abandonner espoir.
Je voulais vous poser une question. Vous avez parlé de certaines des barrières qui surgissent, où les gens se lancent des accusations croisées d'être de mauvais voisins, de mauvais citoyens. Nous avons vu cela chez nous également. Un élément qui a réellement changé le ton du débat a été la participation des consommateurs de drogues eux-mêmes à certains des programmes mis en place. Par exemple, il existe un groupe du nom de VANDU qui aide à ramasser les aiguilles. Ils vont aux réunions. Ils ont un programme de terrain. Ce groupe est maintenant très impliqué.
Avez-vous ce genre de choses? Si oui, cela a-t-il été une expérience positive ou est-ce quelque chose que vous avez tenté?
Cela a réellement modifié le ton du débat chez nous. Tout d'un coup, ce n'était plus «eux» contre «nous». Je ne parle pas des trafiquants endurcis, mais des consommateurs eux-mêmes. Tout d'un coup, cela a été toute la collectivité qui, dans son entier, s'attaquait au problème.
La présidente: Madame Webb.
Mme Madelyn Webb: Pour donner une réponse concise, nous avons tellement de services sociaux dans notre quartier qui font un excellent travail, au niveau de la santé publique, etc. Nous appuyons pleinement Seaton House.
Mais vous savez, une des choses qui... Je n'ai pas choisi délibérément de devenir active. C'est littéralement le fait du hasard. Mes voisins m'ont demandé de m'impliquer et nous nous sommes rassemblés et avons commencé à travailler. Ce n'est pas quelque chose que j'ai réellement choisi.
Je ne sors pas moi-même dans la rue pour distribuer des seringues et ce genre de choses, car nous avons d'abord besoin de secourir les gens qui sont totalement traumatisés par la situation. Nous en avons même eu qui sont venus à notre réunion de la TEDNA et qui craignaient pour leur vie. Ils ne savaient pas vers qui se tourner, aussi ils venaient à la réunion de la TEDNA.
Notre spécialité est réellement la gestion du quartier. Supposons que vous achetiez un petit immeuble ou une maison de chambre, quelque chose du genre. Que pouvez-vous faire pour assurer la sécurité des locataires, pour tenir à l'écart les trafiquants et les prostituées et éviter d'autres problèmes dans votre bâtiment? Il faut avoir une politique de tolérance zéro.
Croyez-moi, c'est difficile. Nous avons même dû faire pression sur l'église. Nous avons dû envoyer un fax à l'évêque pour lui dire: «Vous tolérez le trafic de drogue dans votre église, et cela suffit». Nous n'avons pas toujours été populaires. Ce n'est pas un travail facile, c'est même extrêmement difficile. Il nous faut soutenir les gens du voisinage. Nous avons beaucoup d'habitants à faible revenu et de tous horizons, et ils sont tout aussi opposés à la drogue que nous. Ce n'est pas toujours ce que l'on dit, mais notre problème ce sont les trafiquants de drogue. Ce sont eux qui causent le problème, pas les gens à faible revenu, pas les prostituées sous l'emprise du crack. L'une d'elles est même venue à une réception que j'ai organisée à Queen et Sherbourne. Nous la connaissons. Elle fait sans arrêt le trottoir. On finit par connaître les gens.
C'est donc cela notre spécialité. Nous ne pouvons pas tout faire. Nous sommes des bénévoles et cela nous prend... Le printemps dernier, lorsque j'étais très active, je consacrais jusqu'à 30 heures par semaine à ce travail. On ne peut pas le faire indéfiniment.
La présidente: Mais existe-t-il une association de gens qui travaillent, vivent et consomment dans la rue, comme à Vancouver?
Mme Madelyn Webb: Nous avons rencontré quelques membres de COD, Citizens on Drugs. À l'une des réunions à l'Hôtel-de-ville à laquelle nous assistions, nous avons rencontré quelques intoxiqués à l'héroïne. Mais nous n'avons pas de contacts réguliers avec eux, non.
La présidente: Merci, madame Davies.
M. Lee ou Mme Fry.
M. Derek Lee: J'ai écouté très attentivement vos interventions, moi qui suis député de Toronto.
J'ai constitué un dossier il y a 12 ans, que j'ai toujours dans mon bureau, à mes débuts de député, et la situation était déjà très proche de ce dont parle Mme Webb. Mais il y a 12 ans, il n'y avait guère de perspective de solution politique. M. White pense qu'il n'y en a toujours pas. Nous ne le savons pas, mais les membres du comité aiment croire qu'il est politiquement possible de modifier les règles du jeu un tant soit peu et peut-être recentrer le débat.
Je n'ai pas réellement de questions à poser. Vos exposés étaient directs et colorés et je connais le territoire moi-même, le contexte. J'ai grandi sur Dundas et Coxwell, si cela vous dit quelque chose. C'est un peu en dehors de votre zone, mais pas de beaucoup.
Je voulais donc simplement dire que je vous ai écouté attentivement, que je vous ai compris et que je vous remercie.
La présidente: Merci.
Pour finir, Mme Fry.
Mme Hedy Fry: Je voudrais simplement dire que si vous considérez la toxicomanie comme une maladie chronique débilitante, il faut effectivement faire ce que vous préconisez, c'est-à-dire s'y attaquer en tant que problème sanitaire. Manifestement, il faut en même temps s'attaquer à l'élément criminel. Vous avez clairement fait la distinction entre ceux qui font le trafic de drogue, ceux qui s'enrichissent en vendant la drogue, et ceux qui la consomment et en sont dépendants.
L'idée de la médicalisation comme solution, cette notion n'est pas nouvelle. Cela a été fait pour l'héroïne il y a longtemps en Grande-Bretagne. Ce sur quoi s'interrogent beaucoup de médecins c'est comment procéder vis-à-vis de la cocaïne et du crack. Je pense que l'on est en train de travailler à un concept de médicalisation--autrement dit, il s'agirait d'enregistrer les toxicomanes. C'est un concept auquel réfléchissent un certain nombre de médecins et d'universitaires qui travaillent à un projet pilote. Il s'agirait d'enregistrer les toxicomanes et l'on aurait des médecins qualifiés, experts en toxicomanie, qui deviendront médecins attitrés des toxicomanes. Chacun de ces derniers ne serait enregistré qu'auprès d'un seul médecin.
Ainsi, on peut faire la réduction des préjudices, car vous leur donnez des seringues, ils ont des seringues propres, et accès à un médecin, ce qui est très important pour ceux qui abusent de substances, et vous leur donnez leur drogue. Autrement dit, qu'est-ce qui reste aux trafiquants à vendre? Qu'est-ce qui reste aux revendeurs de rue à vendre? Il n'y a plus rien à vendre. Vous avez supprimé le profit, et donc toute incitation à vendre.
Cela a l'air facile. Mais Libby parlait de la vie dans l'East Side . J'ai été la personne au niveau fédéral responsable de l'accord de Vancouver, qui est un accord entre les trois paliers de gouvernement et la collectivité et les usagers, qui se sont rassemblés pour rechercher des solutions. Une chose qui apparaît très clairement, c'est que 80 p. 100 de la population étant dorénavant urbaine--et ce problème est essentiellement un problème urbain--ce sont les habitants des villes, qui sont les victimes, comme vous dites, qui vont devoir se montrer ouverts à des solutions. C'est ce pourquoi nous sommes ici, pour vous écouter, et je pense que vous avez esquissé quelques solutions intéressantes, car vous êtes au coeur du problème.
Je ne puis prétendre savoir ce que vous vivez dans votre quartier. Par conséquent, c'est à vous de venir nous dire ce qui marcherait et ce qui ne marcherait pas, car c'est vous qui êtes aux prises avec la situation chaque jour. Je vous remercie donc d'avoir parlé franchement.
La présidente: Madame Webb.
Mme Madelyn Webb: C'est un problème urbain, et la plupart des Canadiens vivent aujourd'hui dans les villes, mais j'ai appris à une réunion la semaine dernière qu'il y a des personnes âgées à Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui se droguent au crack.
La présidente: Où avez-vous entendu cela?
Mme Madelyn Webb: C'était à une réunion--en fait, c'était une réunion de Santé Canada.
La présidente: Il faudra que nous parlions au ministre des sans-abri.
Mme Madelyn Webb: C'est ce que nous avons entendu.
Et aussi, apparemment une petite ville de l'Alberta--je ne la nommerai pas--est l'un des principaux lieux de recrutement de prostituées. Les zones rurales ont aussi leurs problèmes. Je ne pense pas qu'elles puissent se cacher la tête dans le sable et prétendre que c'est un problème urbain et que les campagnes ne sont pas concernées. Ces problèmes sont réels, et les enfants des campagnes s'établissent eux aussi en ville.
La présidente: Si l'on ne règle pas le problème dans les petites localités, les drogués qui y habitent doivent venir en ville pour trouver leur dose. Cela fait partie du défi.
Monsieur Bourgeois, depuis combien de temps faites-vous partie de l'association?
M. Steve Bourgeois (directeur, Toronto East Downtown Neighbourhood Association) : Presque deux ans.
La présidente: C'est bien. Vous figurez maintenant officiellement au procès-verbal. Votre nom apparaîtra dans le compte rendu de cette réunion.
Au nom de tous les membres du comité, ceux qui sont ici et ceux qui ne le sont pas mais liront le compte rendu--
M. Derek Lee: Madame la présidente.
La présidente: Oui?
M. Derek Lee: Aux fins du procès-verbal, vous avez mentionné la fourgonnette blanche et son lieu de provenance. Est-ce que l'adresse figure au procès-verbal?
Mme Hélène St-Jaques: Les Hell's Angels--oui. C'est intéressant. Nous les surveillons. Nous avons un téléphone arabe qui marche bien. Nous avions un déjeuner de l'autre côté de la rivière Don avec un groupe local. Ils nous parlaient des nouveaux véhicules qu'ils ont maintenant. Les Hell's Angels avaient des fourgonnettes noires, maintenant elles sont blanches. Nous les voyons faire des livraisons à notre carrefour. Je les ai vus. Nous notons le numéro d'immatriculation et le communiquons à la police.
M. Derek Lee: Y a-t-il une adresse où ils se tiennent?
Mme Hélène St-Jacques: C'est au coin de Eastern Avenue, juste à l'est de Pape. La police est au courant--la 55e Division.
M. Derek Lee: Je suis sûr que la police connaît l'adresse. Je voulais simplement la voir figurer au procès-verbal, pour ce que cela vaut.
La présidente: Pour ceux qui cherchent une dose...
Des voix: Oh, oh!
La présidente: C'est effectivement un problème très sérieux. Quelqu'un a mentionné les racines historiques du quartier, avec l'école Enoch Turner et certains des théâtres de la rue Berkley. C'est un quartier exceptionnellement beau, avec beaucoup de potentiel. Il y a un mélange de logements, avec les coopératives d'habitations et la diversité de population. C'est une communauté tout à fait agréable.
Au nom du comité, je vous souhaite beaucoup de succès dans votre travail. Comme je l'ai indiqué, certains membres du comité sont absents, mais ils liront le compte rendu.
Le comité va probablement entendre des témoignages jusqu'à la fin juin. Si d'autres éléments vous viennent à l'esprit, ou d'autres renseignements, vous avez l'adresse de courriel et le numéro de téléphone de la greffière du comité--Carol Chafe. Elle veillera à distribuer tous les documents aux membres du comité dans les deux langues officielles. Si vous voulez nous mettre sur une autre piste ou avez connaissance d'une nouvelle étude, n'importe quoi, n'hésitez pas à nous en faire part.
Nous apprécions réellement les efforts que vous déployez dans votre communauté. Le Canada est un ensemble de communautés et vous en êtes les exemples vivants. Tous nos voeux vous accompagnent. J'espère que nous pourrons vous aider d'une manière ou d'une autre.
Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
Merci à vous, collègues. Nous nous revoyons ici demain à 8 h 30. La séance est levée.