:
Membres du comité, nous allons commencer... Un de nos collègues va bientôt arriver.
Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 6 février 2004, nous allons aujourd'hui examiner la question de privilège concernant la citation des députés à comparaître devant un tribunal.
J'ai pensé qu'il serait utile de vous donner des précisions sur quelques sujets. Tout d'abord, en ce qui concerne notre dernière séance, le Sous-comité sur les limites des circonscriptions a été établi et se réunira. Il semble qu'il aura besoin de deux ou trois réunions pour terminer le rapport rétrospectif sur la méthode employée pour définir les limites des circonscriptions.
Le rapport à la Chambre sur la télédiffusion des travaux des comités a été déposé et approuvé.
Le rapport à la Chambre sur la modification des articles provisoires du Règlement relatifs aux mesures d'initiative parlementaire, compte tenu du nouveau nombre de partis officiels à la Chambre, a été déposé et approuvé.
De plus, notre comité a adressé aux leaders parlementaires une lettre leur demandant s'ils ont l'intention de régler la question des articles provisoires du Règlement qui traitent des mesures d'initiative parlementaire. Vous m'aviez donné comme consigne d'attendre et, s'ils intervenaient, que nous n'allions rien faire. S'ils n'interviennent pas, nous nous en chargerons.
L'un des sujets dont nous avons traité la dernière fois et que nous allons régler est la nouvelle manière dont nous abordons le budget des dépenses et les autres questions du genre. J'aimerais attirer votre attention sur un document que votre bureau a déjà reçu. La Bibliothèque du Parlement présentera un programme spécial. Vous avez tous reçu ce document, mais je vais le faire circuler. Il s'intitule Le Budget des dépenses : Comment il fonctionne et comment vous en servir—Un programme spécial pour les parlementaires offert par la Bibliothèque du Parlement. Je remarque qu'il y a plusieurs présentateurs invités, notamment Bill Corbett, le greffier de la Chambre des communes, qui témoigne devant nous aujourd'hui. Je vous recommande donc ce programme. Il aura lieu le mercredi 18 février de 16 à 19 heures, à la pièce 237 de l'édifice du Centre.
Je crois comprendre, Thomas, que nous allons envoyer une lettre aux membres du comité pour leur rappeler ce programme, puisque le budget des dépenses présente un intérêt particulier pour nous.
Nous allons passer à l'ordre du jour. Avant de présenter notre invité, qui est encore plus distingué que nous le pensions, j'aimerais souligner que nous avons depuis un certain temps, depuis juin—et vous les avez tous maintenant—des Notes préparatoires sur le privilège des députés appelés à comparaître. Vous en avez tous un exemplaire.
De plus, vous avez reçu ce cahier à votre bureau. Pour l'instant, nous n'avons pas d'exemplaire supplémentaire ici. Vous pouvez emprunter mon cahier si vous le voulez mais nous aurons bientôt d'autres exemplaires. C'est un cahier d'information à l'intention des membres du comité permanent à propos de la question de privilège qui a été renvoyée le 6 mars 2004. Je vois que certains d'entre vous l'ont; pour les autres, il est à votre bureau.
Collègues, j'aimerais remercier les témoins d'aujourd'hui, que j'ai l'honneur de vous présenter. Il s'agit de William Corbett, qui est le greffier de la Chambre des communes, comme nous le savons tous, et de Rob Walsh, qui est légiste et conseiller parlementaire. Ils conseillent la Chambre des communes et nous-mêmes, et sans doute bien d'autres personnes, à propos de questions comme celle du privilège, que nous allons examiner.
Messieurs, soyez les bienvenus. Je crois savoir que vous avez un bref exposé. Je vous prie de commencer, puis nous allons passer aux questions selon la manière habituelle.
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Merci, monsieur le président.
Les deux affaires en question sont l'affaire Telezone, qui met en cause M. Manley, alors ministre de l'Industrie, et l'autre est l'affaire Ainsworth, d'après le nom de la Ainsworth Lumber Co., qui a intenté des poursuites contre M. Paul Martin, à titre de ministre des Finances, et aussi contre le procureur général du Canada.
Vous vous en rappelez peut-être, en mai de l'an dernier, nous avons appris que la Cour supérieure de l'Ontario avait rendu, dans l'affaire Telezone, une décision selon laquelle le privilège parlementaire qui exempte les députés de comparaître comme témoins ne s'applique que lorsque la Chambre siège, et qu'il ne s'applique même pas quand la Chambre prend un congé d'une semaine. La Cour a statué que la Chambre était en vacances les jours où elle ne siégeait pas. Cette façon de décrire le calendrier de la Chambre n'a pas été prisée, mais cela a néanmoins provoqué un rappel au Règlement à la Chambre. Quelques jours après—l'année 2003 a été fertile au chapitre du privilège parlementaire—, une autre affaire était entamée en Colombie-Britannique, l'affaire Ainsworth, et une autre question de privilège était soulevée et associée à celle de l'affaire Telezone. Les deux questions ont fait l'objet d'une décision du président de la Chambre et le dossier a été renvoyé à ce comité.
M. Manley n'est pas partie à l'affaire Telezone. L'intimé est le procureur général du Canada. Dans les actions en justice, l'intimé doit généralement produire un témoin qui est soumis à un interrogatoire préalable, c'est-à-dire qu'il se met à la disposition de l'avocat de la partie adverse pour répondre, dans une petite salle, à des questions liées à l'affaire. En général, la partie défenderesse affirme que c'est Untel qui sait tout et que c'est à lui qu'il faut poser les questions. Dans beaucoup d'affaires, c'est raisonnable, mais dans certains cas, le demandeur peut déclarer qu'il ne veut pas Untel, qu'il veut quelqu'un d'autre qui connaît beaucoup mieux la situation et qu'il veut pouvoir l'interroger. Il se peut que la partie défenderesse refuse. Les parties se chamaillent ainsi, puis soumettent la question à un tribunal qui rend une décision. C'est le juge qui décide.
La société Telezone, la partie demanderesse, voulait que M. Manley se soumette à un interrogatoire préalable. Cette requête n'a pas été reçue favorablement par l'intimé, le procureur général du Canada. Il s'y est opposé en adressant une requête au tribunal, qui a décidé que M. Manley devait accepter de témoigner. C'est la décision dont j'ai parlé précédemment.
La Chambre n'était pas intervenue dans cette affaire, mais elle l'a fait quand nous avons appris la décision et elle a constitué un avocat, au nom de la Chambre et du député Manley, pour étudier la question du privilège parlementaire qui, à mon avis, n'a pas été traitée adéquatement par le tribunal de première instance. Les procédures ont suivi leur cours.
Par la suite, une décision a été rendue par la Cour d'appel de l'Ontario, mais après le début de l'affaire Ainsworth. C'est une cause à laquelle M. Martin est partie. Il est l'intimé. Le fait qu'il soit partie et que M. Manley ne le soit pas ne change strictement rien. Dans cette cause aussi, on voulait que M. Martin témoigne. Il a refusé en invoquant le privilège parlementaire. Nous n'avons entendu parler de cette cause qu'après que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique eut rendu sa décision. Ce tribunal a décidé que même si les députés étaient exemptés par le privilège parlementaire de témoigner pendant une session parlementaire, il ne reconnaissait pas la période traditionnelle de 40 jours qui précède et qui suit la session.
À la même époque, une autre décision, qui n'était pas liée à cette question de privilège, a été rendue par la Cour fédérale à Calgary, selon laquelle le privilège existe bel et bien, mais que la période sur laquelle il s'étend avant et après la session ne dure pas 40 jours mais bien 14. La Cour estimait que c'était plus raisonnable.
Par la suite, la première affaire, l'affaire Telezone, a été soumise à la Cour d'appel de l'Ontario. Nous étions représentés par un avocat. Je souligne que c'était la première fois, dans ces causes, que la Chambre faisait intervenir son propre avocat. Le jugement a été celui que j'avais espéré de tout mon cœur. Il confirmait ce qui à mon avis était la bonne position. Il confirmait l'existence du privilège et de la période de 40 jours avant et après la session parlementaire. Ce qu'il y a de particulièrement important dans cette décision, c'est que la Cour a déclaré ne pas se reconnaître le droit de s'opposer au privilège, qu'il ne lui appartenait pas de définir la notion de privilège pour la Chambre des communes. Son raisonnement était que si elle reconnaissait les privilèges que la Chambre affirmait relever du droit parlementaire et s'étendre à 40 jours avant et après la session, il ne lui appartenait pas de dire le contraire.
Qui plus est, pour faire bonne mesure, la Cour citait le président Fraser, puis la décision du président Milliken et, tout en reconnaissant qu'elle n'était pas liée par ces décisions, ce qui est fondé en droit, elle les a néanmoins citées avec le plus grand respect et a déclaré qu'elle était prête à s'y conformer, car ce sont les présidents qui connaissent le mieux la nature du privilège parlementaire.
C'est arrivé début janvier, si bien que notre rôle devrait changer en 2004—c'est à espérer—même si la Cour suprême du Canada est saisie d'une autre cause qui risque de porter—ou qui va porter—sur la question de privilège dans un domaine différent. Nous verrons bien ce qu'il en sortira. Il reste toutefois que pour l'instant, ces causes en sont arrivées à un certain point, l'affaire Telezone se terminant fort bien—aucune autre poursuite judiciaire ne va être intentée—pour ce qui est de la cause Ainsworth, si je comprends bien, même si ni M. Martin ni son avocat ne me l'ont dit officiellement, il serait prêt à venir témoigner, nonobstant le fait que la cour reconnaît le privilège dont bénéficient les députés pendant une session de la Chambre.
Une cour de l'Ontario est saisie d'une des causes, maintenant c'est une cour de la Colombie-Britannique, et ensuite, c'est la Cour fédérale. Vous pourriez dire qu'il faudrait maintenant une décision de la Cour suprême du Canada. En fait, elle ne peut être saisie d'aucune de ces causes, puisqu'une requête en autorisation d'appel a été présentée à la Cour suprême du Canada dans le contexte de la cause Ainsworth, mais qu'elle a été rejetée. C'était inquiétant à ce moment-là, car nous n'avions encore rien entendu de la Cour d'appel de l'Ontario. Lorsque cette dernière a rendu sa décision, je me suis personnellement senti beaucoup mieux. La Cour d'appel de l'Ontario est de toute évidence prise au sérieux dans n'importe quelle cour provinciale. J'ose espérer que si une cour supérieure de n'importe quelle province était saisie de la question—ce qui pourrait être le cas, puisque nous avons une cause en Alberta dont pourrait être saisie la cour—ce serait la décision de la Cour d'appel de l'Ontario qui primerait. Toutefois, un certain degré d'incertitude subsiste à cet égard.
La participation de M. Martin dans cette action en justice ne regarde que lui. Ce n'est pas quelque chose qui me préoccupe, dans l'optique des avocats. Il est de toute évidence prêt à coopérer, ce qui ne me concerne pas.
Je considère par conséquent qu'il est permis de penser que les deux actions en justice qui vous sont actuellement renvoyées sont sans objet. Les questions qu'elles soulevaient ont été réglées, favorablement en grande partie; elles sont donc sans objet. Cela ne veut pas nécessairement dire, comme le greffier va l'indiquer, que la question dont vous débattez est sans objet, mais je pense que en tant que question juridique dans le contexte de ces causes, elle est maintenant sans objet.
:
Thank you again, Mr. Chairman. Tout d'abord, je désire passer brièvement en revue le privilège parlementaire qui exempte les députés de comparaître comme témoins devant un tribunal, ainsi que quelques précédents et leur application au Canada.
[Traduction]
Le privilège parlementaire est défini par Erskine May de la façon suivante
[...] la somme des droits particuliers dont jouit chaque Chambre, collectivement, en tant que partie constitutive de la Haute Cour qu'est le Parlement, dont jouissent aussi les membres de chaque Chambre, individuellement, et faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions.
[Français]
Ces privilèges comprennent notamment: la liberté de parole; l'immunité d'arrestation en matière civile; l'exemption du devoir de juré; et l'exemption de devoir comparaître comme témoin devant un tribunal.
[Traduction]
Ces privilèges s'appliquent aux députés et à la Chambre des communes.
Comme je l'ai déjà dit au comité à d'autres occasions, tout mépris ou attaque des droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et des députés, par une personne ou un organisme extérieur ou par un député de la Chambre, est considéré comme une infraction au privilège, punissable par la Chambre.
Les privilèges conférés aux députés et sénateurs canadiens ont été transmis au Parlement canadien par le Parlement britannique au moment de la Confédération, par le truchement de la Loi constitutionnelle de 1867. Ces privilèges ont également été promulgués par ce que l'on appelle maintenant la Loi sur le Parlement du Canada, et je vous renvoie aux articles 4 et 5 de cette loi.
Comme l'a déclaré le président dans sa décision du 26 mai 2003,
le privilège parlementaire contesté par les deux récentes décisions judiciaires, à savoir l'exemption de l'obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal pendant une session parlementaire, est un privilège personnel dont jouissent tous les députés,
À cet égard, le texte Erskine May renferme ce qui suit :
La Chambre a confirmé le privilège de l'exemption d'un député de l'obligation de comparaître comme témoin en se fondant sur le même principe que les autres privilèges personnels, c'est-à-dire le droit prioritaire du Parlement de bénéficier de la présence et des services de ses membres.
May indique également que
un député bénéficie du privilège de l'immunité d'arrestation pendant les 40 jours suivant chaque prorogation ou dissolution et les 40 jours précédant la la session suivante et que ce privilège a été reconnu par les cours et les institutions sur le fondement de l'usage et de l'opinion générale.
[Français]
Dans sa décision rendue en 1989, le Président Fraser a déclaré:
[...] que le droit d'un député de refuser de comparaître comme témoin devant un tribunal au cours d'une session du Parlement et dans les 40 jours qui précèdent ou suivent une telle session est un droit indiscuté et inaliénable appuyé par une foule de précédents.
Dans sa décision du 6 janvier 2004, la Cour d'appel de l'Ontario a en effet reconnu que le privilège existait et que toute modification aux termes ou à la définition du privilège parlementaire devait être une décision prise par la Chambre. La cour a déclaré, et je cite:
[Traduction]
en 1867, le privilège parlementaire d'immunité testimoniale se prolongeait pendant 40 jours après la fin de la session et entrait en vigueur 40 jours avant le début d'une nouvelle session. En outre, je ne vois aucune modification en droit constitutionnel ou législatif depuis 1867 qui pourrait aller à l'encontre de cette conclusion [...] Toute modification au privilège doit être apportée par le Parlement au moyen de la promulgation d'une loi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada.
Comme M. Walsh vient juste de l'indiquer, la question dont vous êtes saisis, relative aux deux causes et aux deux jugements, peut être considérée sans objet pour l'instant; je remarque toutefois que le 12 mai, lorsque le Président a entendu les députés au sujet de la question initiale du privilège, deux principaux points ont été soulevés. Les députés ont en effet demandé si l'exemption devrait continuer ou non et, le cas échéant, si le délai prévu—soit les 40 jours avant et les 40 jours après la session—était toujours pertinent? Si le comité décidait d'examiner cette question plus à fond, l'expérience d'autres compétences pourrait lui faciliter la tâche.
En 1967, le Select Committee on Parliamentary Privilege de la Chambre des communes du Royaume-Uni a examiné les privilèges accordés aux députés. Tout en confirmant l'application de la règle des 40 jours prévoyant l'exemption de comparution, le comité a semblé prêt à réexaminer sa portée, indiquant que «seuls les besoins immédiats du Parlement devraient être autorisés afin d'éviter» à un député de comparaître à titre de témoin.
[Français]
En 1999, le Comité mixte sur le privilège parlementaire, encore une fois au Royaume-Uni, est allé encore plus loin en recommandant que l'exemption soit complètement abolie. Cette recommandation n'a jamais trouvé suite.
[Traduction]
L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont décidé de légiférer en matière de privilège parlementaire. Dans la Legislature Act1908, la Nouvelle-Zélande a choisi de limiter l'application de l'exemption à la durée d'une session parlementaire, ou dans les 10 jours qui précèdent le début d'une telle session. Quant à l'Australie, la Parliamentary Privileges Act 1987 accorde l'immunité aux députés lorsque la Chambre se réunit ainsi que dans un intervalle de cinq jours précédant ou suivant le jour où elle se réunit, la même règle s'appliquant aux députés membres de comités, chaque fois que les comités se réunissent si la Chambre ne siège pas.
C'est ainsi que se conclut mon exposé, monsieur le président.
[Français]
Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Je trouve la discussion intéressante et importante. Je suis au courant des jugements qui ont été rendus par les tribunaux, mais pas de celui de janvier. Je me demande si vous avez jeté un coup d'oeil aux précédents qui ont été établis au fil des ans à la suite des démarches entreprises, ou non, par les députés, et si ces précédents ont eu une incidence sur les privilèges. Voilà pour le premier point.
Le deuxième point est le suivant : si nous comptons discuter de la question des privilèges, monsieur le président—et nous ne l'avons pas fait depuis les années 1800, la télévision n'existant pas à l'époque—alors nous devrions également examiner le privilège que constitue le fait de tenir des propos diffamatoires, ou d'utiliser des expressions pouvant être considérées comme telles, à la Chambre, et ce, depuis l'avènement de la télévision.
À l'origine, lorsque le principe des privilèges a été établi à la Chambre, tout était consigné au hansard. Toutefois, on ne disposait pas des moyens de diffusion qui existent aujourd'hui et qui font que les propos, s'ils sont clairement tenus à l'extérieur de la Chambre, peuvent faire l'objet de poursuites en diffamation. Voilà un autre point qu'il faudrait examiner.
Le fait que le public entende des propos à la télévision ou les lise dans les journaux... Si nous avons des inquiétudes au sujet des privilèges dont bénéficie le député, et de la façon dont nous sommes tous, des deux côtés de la Chambre... J'inclus tout le monde, parce que j'ai été député de l'opposition pendant sept ans à Queen's Park et que j'ai moi-même donné dans la rhétorique, sachant que je bénéficiais d'une certaine protection. Il n'est aucunement question, ici, de partisanerie. Il est important de savoir comment nous voulons être perçus par le public, et si nous devons revoir les règles régissant les privilèges à la Chambre qui nous permettent de tenir des propos qui, à l'extérieur de celle-ci, auraient des ramifications et des incidences contre lesquelles ces mêmes règles nous protègent.
Je tenais à soulever ce point, car je pense qu'il faut revoir l'ensemble de la question du privilège. Nous devons, si nous voulons actualiser les règles, examiner tous les droits qui sont considérés comme un privilège.
:
Les privilèges, comme vous l'avez mentionné, sont définis à l'article 18 de l'
Acte de l'Amérique du Nord britannique. Vous avez dit, et c'est là un point intéressant, qu'un des tribunaux a reconnu, dans son jugement, que les privilèges parlementaires, la règle des 40 jours, existaient déjà le 1er juillet 1867 et qu'il ne revenait pas au tribunal, du moins dans ce cas précis—je pense que c'est la Cour d'appel de l'Ontario qui l'a dit—de les modifier.
Je tiens à signaler qu'il y a une autre loi, soit la Loi sur la Cour suprême, qui dispose qu'un tribunal doit tenir compte de la Constitution dans ses jugements. Or, la Constitution, comme nous le savons, est composée de nombreux documents. Il se peut que ce soit l'ensemble de ces documents qui sont visés par l'article 52 de la Loi de 1982 sur le Canada .
Ma question est la suivante, et elle est probablement injuste, mais je vais la poser quand même : comment un juge peut-il faire abstraction de l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sachant qu'il doit tenir compte de la Constitution quand il rend un jugement? En fait, nous savons maintenant que les tribunaux ont, dans deux cas, fait fi complètement de ce que dit la Constitution. Comment, à votre avis, une telle chose a-t-elle pu se produire?
:
Monsieur le président, je ne veux pas manquer de respect envers les tribunaux—et je plaisante, en partie—mais il faut reconnaître leur ignorance sur ce chapitre. Nous n'avons pas une copie de la Loi sur le Parlement du Canada, mais l'article 5 dispose que les pouvoirs, immunités et privilèges parlementaires de la Chambre doivent être pris en compte par les tribunaux et qu'ils n'ont pas à être démontrés—ils sont admis d'office devant les tribunaux. Or, pensez-vous que je ne prendrai pas la peine d'envoyer un avocat défendre mon point de vue dans l'affaire
Télézone, au motif que je n'ai pas à m'inquiéter, qu'ils savent ce qu'est un privilège? On aurait tort de supposer une chose pareille.
J'ai une formation d'avocat, et j'ai pratiqué le droit pendant de nombreuses années. Or, je me rends compte, depuis mon arrivée à la Chambre, que l'on ne sait pas grand-chose sur le sujet. Quand je téléphone à des avocats qui ont beaucoup d'années d'expérience et que je leur parle du privilège parlementaire, ils répondent «le quoi?»
Donc, il y a énormément de personnes au sein de la communauté juridique qui ont beaucoup à apprendre sur la question.
Les tribunaux sont peut-être censés admettre d'office l'existence du privilège parlementaire, mais vous avez tort de présumer qu'ils vont le faire. Ce n'est qu'une fois que l'on porte la question à leur attention, comme on l'a fait dans le cas de la Cour d'appel de l'Ontario, qu'ils semblent prêts à en tenir compte.
L'article 5 dispose que les privilèges, immunités et pouvoirs que possèdent...
:
Monsieur le président, cette méthode contextuelle s'apparente à ce qu'on appelle, dans un autre contexte, la morale de situation. Autrement dit, vous analysez la situation et vous essayez de trouver un moyen d'en sortir.
Ce à quoi vous faites allusion, monsieur Gallaway, c'est le débat qu'ont engagé les constitutionnalistes aux États-Unis durant les années Reagan, débat que poursuivent toujours le juge Scalia et la Cour suprême des États-Unis. La question que l'on se pose est la suivante : est-ce que la Constitution reflète réellement la pensée des pères de la nation qui l'ont rédigée, ou est-ce qu'elle est, si l'on se fonde sur la jurisprudence, un arbre vivant? S'agit-il d'un document évolutif qui fait l'objet d'une nouvelle interprétation au fur et à mesure que la société et les temps changent? Il y a un sens sous-jacent à ces mots qui peut prendre une forme différente tout au long de l'histoire. C'est d'ailleurs ce qu'on veut dire par interprétation contextuelle.
Pour revenir à la question du privilège, la Cour suprême du Canada, et maintenant la Cour d'appel de l'Ontario, ont reconnu à juste titre qu'elles n'ont pas à intervenir dans le débat entourant les privilèges de la Chambre des communes, sauf si elles souhaitent que la Chambre des communes intervienne dans le débat entourant les privilèges qui les concernent. Comme le veut l'adage, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.
Le mariage n'est qu'une notion, tout comme l'analogie de l'arbre vivant, dont le sens peut changer au fil du temps. D'autres concepts dans la Constitution peuvent évoluer avec le temps. Il est question ici, comme vous le savez, du privilège parlementaire en tant que partie intégrante de la Constitution du Canada, mais du droit non écrit. À mon avis, la Cour suprême du Canada ferait preuve d'audace si elle affirmait qu'elle allait redéfinir à la baisse les privilèges de la Chambre des communes. Cela reviendrait à assujettir la Chambre des communes et le Parlement aux jugements des tribunaux, ce qui est contraire à la Constitution en ce sens que cela crée une inégalité ou un déséquilibre dans les organes respectifs du gouvernement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Si je ne m'abuse, il était déjà question des privilèges parlementaires au début des années 1600. Bien entendu, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a entraîné l'instauration du système parlementaire britannique au Canada. Je songe aux nombreuses personnes très compétentes qui ont probablement attaché beaucoup plus d'importance à la réforme parlementaire que nous ne le faisons, et qui ont évité de toucher à la question du privilège parlementaire. Aujourd'hui, c'est la mentalité des poursuites qui prime et je me demande ce qui se passerait si nous n'avions pas de privilèges. Nous passerions plus de temps devant les tribunaux qu'à la Chambre.
Donc, je suis d'accord, et ce que nous avons dit quand la question de privilège a été abordée par le leader du gouvernement à la Chambre de l'époque, c'est qu'il n'est pas nécessaire de réparer quelque chose qui fonctionne. À mon avis, les règles actuelles sont adéquates. Nous devrions peut-être remercier les tribunaux d'avoir reconnu le fait que nous sommes les maîtres de notre destinée. Si nous changeons les règles, d'autres, y compris les tribunaux, vont être tentés de faire de même. Monsieur le président, je pense que le jugement qui a été rendu sert nos intérêts. Il vaut mieux laisser les règles telles quelles.
:
Puis-je faire une intervention et ensuite, Roger, vous céder la parole? Est-ce que cela vous convient?
Nous pensons que la question est hypothétique, sauf que, dans les faits, elle ne l'est pas. Notre comité, parce qu'il est responsable de la procédure et des affaires de la Chambre, a rencontré une délégation de parlementaires d'un autre pays. Ils voulaient se familiariser avec notre mode de fonctionnement. Dans ce cas-ci, c'est la définition de la session du Parlement qui est en cause—14 jours avant, 14 jours après, 40, ainsi de suite.
D'après les règles en vigueur dans leur pays, le député doit être présent quand le Parlement siège. S'il ne fait pas acte de présence pendant six mois, il perd ses privilèges parlementaires. Ils ont cité le cas d'un député d'une circonscription éloignée qui devait se présenter devant les tribunaux pour répondre à des accusations de vol. Il s'était caché. La police l'a cherché pendant 5 mois et 29 jours, ou quelque chose du genre. Il s'est rendu aux autorités l'avant-dernier jour. On allait, au retour de la délégation, l'enchaîner, l'accompagner jusqu'à l'entrée du Parlement et ensuite lui enlever les chaînes pour qu'il puisse franchir les portes du Parlement et bénéficier des privilèges parlementaires pendant encore six mois.
Je me suis demandé... Nos collègues laissent entendre que nous bénéficions d'une protection pendant toute l'année. Or, supposons qu'un député, pour une raison ou pour une autre—et non pas pour cause de maladie—ne se présente pas. Sommes-nous obligés d'être présents, ou suffit-il que le Parlement siège?