HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 22 avril 2004
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)) |
M. Paul Spurgeon (vice-président, Services juridiques et conseiller juridique, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
La présidente |
M. Paul Spurgeon |
La présidente |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson (vice-président, Affaires juridiques, Association canadienne de télévision par câble) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
La présidente |
M. Jay Thomson (vice-président adjoint, TELUS, Association canadienne des fournisseurs Internet) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
La présidente |
M. Richard Pfohl (secrétaire général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
La présidente |
Me Stéphane Gilker (conseiller juridique, Fasken Martineau, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ)) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
La présidente |
Mme Wendy Noss (membre, Comité de politique en matière de droit d'auteur, Institut de la propriété intellectuelle du Canada) |
À | 1005 |
La présidente |
Mme Wendy Noss |
La présidente |
M. Jay Thomson |
À | 1010 |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC) |
M. Paul Spurgeon |
À | 1015 |
M. Richard Pfohl |
M. Jim Abbott |
À | 1020 |
M. Paul Spurgeon |
M. Jim Abbott |
M. Paul Spurgeon |
La présidente |
À | 1025 |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
La présidente |
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.) |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
À | 1030 |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
M. Paul Spurgeon |
À | 1035 |
La présidente |
M. Jay Thomson |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
L'hon. John Harvard |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
À | 1040 |
Mme Wendy Noss |
La présidente |
M. Jim Abbott |
M. Richard Pfohl |
À | 1045 |
M. Jim Abbott |
M. Richard Pfohl |
M. Jim Abbott |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Jay Thomson |
M. Jim Abbott |
M. Paul Spurgeon |
M. Jim Abbott |
M. Paul Spurgeon |
À | 1050 |
M. Jim Abbott |
M. Paul Spurgeon |
L'hon. John Harvard |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
L'hon. John Harvard |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
L'hon. John Harvard |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
L'hon. John Harvard |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
L'hon. John Harvard |
M. Jay Thomson |
À | 1055 |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PC) |
Á | 1100 |
M. Paul Spurgeon |
La présidente |
Á | 1105 |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
La présidente |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
Á | 1115 |
La présidente |
Mme Wendy Noss |
La présidente |
M. Jay Thomson |
La présidente |
M. Jay Thomson |
La présidente |
Stéphane Gilker |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Jim Abbott |
Á | 1125 |
M. Paul Spurgeon |
Á | 1130 |
M. Jim Abbott |
M. Jay Thomson |
M. Jim Abbott |
M. Jay Thomson |
M. Jim Abbott |
La présidente |
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
Á | 1135 |
La présidente |
Stéphane Gilker |
La présidente |
M. Jay Thomson |
La présidente |
L'hon. John Harvard |
Á | 1140 |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
Mme Wendy Noss |
L'hon. John Harvard |
Á | 1145 |
Mme Wendy Noss |
La présidente |
M. Jay Thomson |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
M. Richard Pfohl |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 22 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue au Comité permanent du patrimoine canadien.
En vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, le comité étudie actuellement le rapport d'étape du gouvernement sur la réforme du droit d'auteur. Nous avons tenu des audiences cette semaine et, aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur la responsabilité des fournisseurs de services Internet.
Veuillez essayer de limiter vos remarques préliminaires à huit ou dix minutes afin que nous puissions avoir un ou deux tours de questions.
Nous ne suivrons pas d'ordre particulier et allons commencer avec la SOCAN. Monsieur Spurgeon, vous avez la parole.
M. Paul Spurgeon (vice-président, Services juridiques et conseiller juridique, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique): Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je m'appelle Paul Spurgeon et je suis vice-président des Services juridiques et conseiller juridique de la SOCAN, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada.
Avant de traiter du Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur, publié par le gouvernement le 24 mars, et de la question de la responsabilité des fournisseurs de services Internet ou FSI, je voudrais juste m'assurer que vous savez qui nous sommes et ce que nous faisons. La SOCAN est une organisation canadienne à but non lucratif qui représente des compositeurs, des paroliers, des auteurs-compositeurs et des éditeurs d'oeuvres musicales du Canada et du reste du monde.
Comme vous le savez, les traités de 1996 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) établissent une distinction entre les auteurs d'une part et les artistes interprètes et producteurs d'enregistrements sonores, de l'autre. Les membres de la SOCAN sont des auteurs. Bien que certains de nos membres soient, effectivement, également des artistes interprètes et des producteurs, ils ne peuvent être membres de la SOCAN sans être soit des créateurs, soit des éditeurs de musique ou de paroles.
Au nom des quelque 25 000 membres actifs que nous comptons au Canada et des membres de sociétés affiliées de par le monde, nous gérons les droits d'exécution pour la musique et les paroles. Le droit d'exécution est la partie du droit d'auteur qui donne aux titulaires des droits d'auteur inhérents aux oeuvres musicales le droit exclusif d'exécuter leurs oeuvres en public ou de les communiquer au public par télécommunication ou d'autoriser ces actes en contrepartie du paiement d'une redevance. Au nom de ses membres, la SOCAN accorde des autorisations générales aux utilisateurs de musique qui lui versent des frais conformes aux tarifs homologués par la Commission du droit d'auteur Canada.
Le gagne-pain de nos membres dépend de lois sur le droit d'auteur qui soient efficaces et à jour. C'est pourquoi la SOCAN a toujours été active dans le processus de réforme du droit d'auteur, et est bien connue du comité. Le 4 novembre 2003, nous avons témoigné devant vous et discuté du processus de réforme du droit d'auteur. Outre sa participation active au processus législatif, la SOCAN comparaît souvent devant la Commission du droit d'auteur et devant les tribunaux, dans des affaires de droit d'auteur. Par exemple, l'augmentation croissante de l'utilisation des oeuvres musicales de ses membres sur Internet a amené la SOCAN, ces dix dernières années, à chercher à définir la responsabilité des FSI en matière de droit d'auteur.
En 1995, la SOCAN a soumis le Tarif 22 à la Commission du droit d'auteur, dans le but de fixer la redevance à payer pour la communication d'oeuvres musicales sur Internet. En 1999, la Commission du droit d'auteur a rendu une décision qui traitait de plusieurs questions clés en matière de droit d'auteur sur Internet. En 2002, la Cour d'appel fédérale est revenue sur la décision de la Commission du droit d'auteur. En décembre 2003, nous avons fait appel à nouveau devant la Cour suprême du Canada. Nous attendons une décision cette année. Je remarque que ce litige est mentionné au paragraphe 34 du Rapport d'étape.
Madame la présidente, notre position est simple: le droit d'auteur nous tient à coeur parce que c'est le gagne-pain de nos membres.
Maintenant que vous savez qui nous sommes et ce que nous faisons, je vais passer au Rapport d'étape publié par le gouvernement le 24 mars, qui traite de plusieurs questions ayant trait à la mise en oeuvre des traités de l'OMPI.
Laissez-moi tout d'abord dire que la SOCAN appuie fortement la mise en oeuvre rapide des traités de l'OMPI. Comme le note le paragraphe 36 du Rapport d'étape, bien que la responsabilité des FSI ne soit pas comprise dans les dispositions des traités de l'OMPI, bon nombre de juridictions ont essayé de l'aborder simultanément.
À la page 9 du Rapport d'étape, le gouvernement soulève la question de la responsabilité des FSI de la façon suivante:
Comment clarifier les circonstances en vertu desquelles les fournisseurs de services Internet (FSI), agissant à titre d'intermédiaires, devraient être tenus responsables de la transmission et de l'archivage du matériel protégé sur leurs installations. |
Madame la présidente, il est manifeste que l'on parle ici de deux choses: la transmission et l'archivage effectués par les FSI.
Tout d'abord nous pensons que les questions dont vous êtes saisis ne peuvent être résolues par le recours à des ententes officieuses ou à la procédure dite d'«avis et d'avis» décrite au paragraphe 35 du Rapport d'étape. L'expérience de la dernière décennie prouve que les accords privés et les codes de conduite volontaires du secteur n'ont pas résolu les questions de droit d'auteur sur Internet, parce qu'ils ne répondent pas aux préoccupations des titulaires de droit d'auteur qui sont exclus de tels accords ou codes de conduite.
¿ (0910)
La procédure d'avis et avis est inefficace parce qu'elle exige simplement qu'un FSI avise l'un de ses abonnés si nous, les titulaires du droit d'auteur, signifions au FSI un avis d'infraction au droit d'auteur. En d'autres termes, ces procédures n'ont aucun mordant.
Si les approches reposant sur la bonne volonté fonctionnaient, nous ne serions pas devant les tribunaux. Ne perdons pas de vue le fait que, neuf ans après avoir soumis un tarif de redevance pour les oeuvres musicales sur Internet, la SOCAN n'a toujours pas de tarif homologué pour l'émission de licences pour les utilisations sur Internet. Par conséquent, les membres de la SOCAN ne sont pas pleinement rémunérés quand leurs oeuvres musicales sont utilisées sur Internet. C'est injuste et inacceptable. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'approche exposée au paragraphe 37a) du rapport d'étape, qui exempterait les FSI de toute responsabilité sauf dans les cas où ils s'abstiendraient de respecter la procédure d'avis et avis.
Nous sommes également opposés à la procédure d'«avis et retrait» adoptée aux États-Unis dans la controversée Digital Millennium Copyright Act de 1998 ou DMCA comme on l'appelle. Cinq ans à peine après l'adoption de cette procédure aux États-Unis, elle est déjà dépassée et inadéquate, parce qu'elle porte avant tout sur le contenu archivé dans le serveur hébergé par le FSI. Or, les transmissions d'égal à égal ne visent pas le contenu archivé sur un serveur hôte, si bien que les dispositions d'avis et de retrait ne peuvent contrôler ce type de transmission.
De plus, la procédure d'avis et de retrait est contraire aux intérêts des sociétés de gestion collective, comme la SOCAN, qui octroient des autorisations générales, soit la manière traditionnelle d'octroyer des licences d'exécution d'oeuvres musicales partout dans le monde.
Les sociétés de droits d'exécution accordent aux utilisateurs le droit d'accéder à toutes les oeuvres de leurs répertoires, sans restreindre les licences à des oeuvres spécifiques, ni ne veulent supprimer certaines oeuvres spécifiques de leurs répertoires. La SOCAN et d'autres sociétés de gestion collective doivent s'assurer de recevoir une rémunération équitable en contrepartie de l'accès général à leurs répertoires: la musique du monde.
Au lieu de répéter les erreurs des Américains, la SOCAN estime que la seule façon pratique de gérer correctement les droits s'appliquant aux oeuvres musicales sur Internet est de prendre des mesures pour que les FSI soient responsables, conjointement et individuellement, du contenu qu'ils communiquent, afin que la SOCAN puisse octroyer des licences et percevoir des redevances quand les FSI fournissent aux membres du public un accès à des oeuvres musicales, plutôt que d'octroyer des licences à la multitude de personnes qui affichent de la musique sur des sites Web, partout dans le monde.
Dans l'affaire sur les dispositions actuelles de la Loi sur le droit d'auteur, portée devant la Cour suprême du Canada, nous avons fait valoir que les FSI sont responsables s'ils hébergent des sites Web et s'ils fournissent un accès Internet, un cache, ou s'ils affichent du contenu qui comporte des documents protégés par un droit d'auteur, y compris les oeuvres musicales de la SOCAN. Toutes ces activités facilitent l'utilisation des oeuvres musicales de la SOCAN et sont susceptibles de favoriser des violations du droit d'auteur ou la communication sans la permission du titulaire du droit d'auteur.
Si nécessaire, il conviendrait de modifier la loi afin de stipuler que les FSI, qui ne sont pas simplement des routeurs intermédiaires et des fournisseurs de réseaux fédérateurs, sont responsables de la transmission et de l'archivage de documents protégés par un droit d'auteur, dès que leurs installations sont en cause. Le comité devrait se rallier à cette position, qui établit l'équilibre voulu entre les droits des titulaires de droits d'auteur et les besoins des utilisateurs.
Madame la présidente, le 15 septembre 2003, la SOCAN a soumis au présent comité un document préliminaire de 53 pages portant sur votre examen de la Loi sur le droit d'auteur. Je crois comprendre que vous avez ce document avec vous aujourd'hui et, pour gagner du temps, je me contenterai d'attirer simplement votre attention, en conclusion, sur certains des points clés dudit document.
Dans ce document soumis le 15 septembre, nous approfondissons notre position sur la responsabilité des FSI dans la section allant des pages 28 à 36. Outre ces huit pages, je vous suggère aussi de consulter l'annexe 4, la dernière page du document. Vous y trouverez un diagramme comportant un certain nombre de boîtes et de cercles. Cette annexe illustre ce que nous voulons dire par routeurs intermédiaires, qui sont les petits cercles au milieu de la page. Je serai heureux également de fournir plus de détails quand je répondrai à vos questions.
Avant de conclure, je voudrais aussi mentionner brièvement nos préoccupations en ce qui concerne le droit de «mise à disposition» décrit aux paragraphes 6 à 8 de votre rapport d'étape. C'est une question qui est primordiale pour la SOCAN; aucune des deux approches esquissées au paragraphe 8 du rapport d'étape ne nous satisfait. Notre point de vue sur la question est présenté dans le rapport préliminaire que nous vous avons soumis le 15 septembre, aux pages 17 à 25. Nous y suggérons un libellé sur le droit de «mise à disposition».
¿ (0915)
Outre ces neuf pages, notre rapport comprend trois annexes, dont un avis juridique et les arguments présentés par l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, IPIC, sur cette question cruciale.
La SOCAN demande officiellement à comparaître de nouveau devant votre comité pour parler des droits de mise à disposition avant que vous fassiez des recommandations sur cette question essentielle.
Madame la présidente, je vous remercie de nouveau, ainsi que le comité, pour cette occasion de vous parler de la responsabilité des FSI.
Dans un autre ordre d'idées, la SOCAN espère que votre comité continuera de protéger et de promouvoir la culture canadienne en faisant preuve d'un leadership fort au sujet des questions de propriété étrangère.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Spurgeon.
Avez-vous remis une copie de vos notes au greffier?
M. Paul Spurgeon: Nous pouvons les lui remettre, oui.
La présidente: Nous recevons maintenant l'Association canadienne de télévision par câble, représentée par le vice-président chargé des affaires juridiques, M. Jay Kerr-Wilson.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson (vice-président, Affaires juridiques, Association canadienne de télévision par câble): Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Jay Kerr-Wilson et je suis le vice-président chargé des affaires juridiques à l'Association canadienne de télévision par câble.
L'ACTC est l'organisme national représentant 83 entreprises de câblodistribution qui acheminent des médias aux foyers par l'entreprise d'un large éventail de services de divertissement, d'information, d'Internet et de télécommunications.
Je voudrais, au nom de l'ACTC, remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour discuter de la question de savoir si le gouvernement devrait imposer ou non une responsabilité aux FSI canadiens dans le cadre du processus de réforme du droit d'auteur actuellement en cours.
Comme vous le savez, l'ACTC est membre de la Coalition pour un régime équilibré du droit d'auteur, qui rassemble des défenseurs de l'intérêt public, de grandes entreprises de télécommunications, de radiodiffusion et de technologie, ainsi que plusieurs éminents universitaires. La Coalition pour un régime équilibré du droit d'auteur partage et appuie la position de l'ACTC pour ce qui est de la limitation de la responsabilité des FSI à l'égard du droit d'auteur. Il est à noter toutefois que je m'exprime ici aujourd'hui seulement au nom de l'ACTC.
En plus de fournir des services de télévision par câble à plus de 6 millions de foyers canadiens, les membres de l'ACTC fournissent également des services d'accès à l'Internet à large bande à plus de 2 millions de foyers sur l'ensemble du territoire canadien. Ces réseaux acheminent toute une série de services de communications, de données et de divertissement aux Canadiennes et aux Canadiens. C'est pour cette raison que notre industrie tient autant à ce que le processus de réforme du droit d'auteur reflète les réalités de l'environnement numérique.
Je voudrais aujourd'hui parler essentiellement de la partie du Rapport d'étape qui traite de la responsabilité des FSI, tout particulièrement de l'approche adoptée par le ministère du Patrimoine dans l'option B. Cette approche recommande de modifier la Loi sur le droit d'auteur de façon à imposer aux FSI une responsabilité à l'égard du droit d'auteur, et envisage de demander aux FSI de prélever des redevances pour le contenu protégé par le droit d'auteur. Nous avons déposé un mémoire écrit qui explique plus en détail les préoccupations de l'ACTC à cet égard. Comme l'expose brièvement le mémoire, nous sommes d'avis que l'approche envisagée dans l'option B du Rapport d'étape soulève quatre grandes séries de questions.
Premièrement, une approche qui imposerait une responsabilité aux FSI, et exigerait d'eux qu'ils paient un tarif au titre du droit d'auteur, pourrait avoir un effet considérablement néfaste sur l'industrie des FSI et sur l'exploitation de l'Internet au Canada; en effet, cela découragerait l'innovation et augmenterait considérablement le coût de l'accès Internet pour les Canadiennes et les Canadiens.
Deuxièmement, imposer une responsabilité aux FSI va complètement à l'encontre des approches adoptées par tous les autres pays qui ont examiné la question, parmi lesquels il faut compter les États-Unis, l'Europe et le Japon.
Troisièmement, imposer une responsabilité aux FSI est contraire aux principes de base du droit d'auteur. Cela revient à transformer de fait l'activité actuellement légale de fournir un accès Internet en infraction au droit d'auteur, infraction dont les conséquences pourraient être débilitantes.
Quatrièmement, étant donné le nombre d'oeuvres protégées par le droit d'auteur disponibles sur Internet à tout moment, nous ne voyons vraiment pas comment les FSI pourraient gérer le fardeau d'une responsabilités à l'égard du droit d'auteur et continuer à exploiter le service de façon viable.
¿ (0920)
[Français]
Pour parler franchement, imposer aux FSI une responsabilité à l'égard du droit d'auteur aurait des conséquences graves sur le centre et la croissance future de l'industrie des FSI et, par conséquent, sur le développement de l'internet au Canada.
[Traduction]
Une telle approche constituerait un obstacle considérable pour les membres de l'ACTC et pour les autres FSI s'ils veulent continuer à fournir un accès Internet à des prix abordables tout en essayant de supporter la pression d'une responsabilité ingérable à l'égard du droit d'auteur. Une telle approche pourrait avoir des effets dévastateurs sur les utilisateurs Internet canadiens, qui pourraient voir les prix de l'accès Internet augmenter considérablement si les FSI devaient prélever un tarif au titre du droit d'auteur auprès de chacun de leurs abonnés pour le remettre à tous les détenteurs de droits et sociétés de gestion susceptibles de réclamer des droits.
En bout de ligne, cette approche pourrait exclure les Canadiens de l'univers Internet, soit parce que l'accès Internet ne serait plus abordable, soit parce que les FSI ne seraient plus en mesure de fournir leurs services Internet de façon viable. Cela pourrait avoir des effets dévastateurs pour les entreprises canadiennes qui essaient de mettre au point un plan d'affaires qui canalise le pouvoir que donne l'Internet de se connecter à des clients et de mettre de nouveaux produits et services sur le marché. En plus d'encourir des coûts considérablement plus élevés pour l'accès Internet, ces entreprises subiraient également le coût de la baisse considérable de la demande en matière d'accès Internet qui découlerait de l'augmentation du coût. Et cela pourrait avoir des effets dévastateurs pour les gouvernements canadiens qui voient un avenir où l'information concernant les programmes et les services est accessible dans n'importe quel foyer, en ligne, et où les Canadiennes et Canadiens des régions rurales et éloignées ont accès à des services de santé et d'éducation, par Internet.
Si cette description de l'impact potentiel qu'aurait l'imposition d'une responsabilité à l'égard du droit d'auteur aux FSI vous semble excessive, n'oubliez pas de prendre en considération que cette responsabilité n'aurait d'égales en étendue et en portée que l'envergure et la complexité de l'Internet. Les FSI auraient une responsabilité à l'égard de tous les détenteurs de droits pour plus de 4 milliards d'oeuvres protégées accessibles à tout moment sur Internet. Ils auraient une responsabilité à l'égard de n'importe quel poème, nouvelle, article, enregistrement sonore, oeuvre musicale, programme informatique, photographie, oeuvre audiovisuelle, plan, base de données, esquisse, exécution d'une oeuvre, recherche scientifique, essai, travail critique, discours, commentaire politique, bande dessinée, etc., auquel pourraient, éventuellement, accéder les Canadiens qui sont sur le Web, et ce, que les Canadiens décident effectivement d'accéder à l'une de ces oeuvres ou non.
Les FSI n'ont aucune connaissance et n'exercent aucun contrôle sur le contenu qui est transmis sur leurs installations. Il n'existe par conséquent aucun moyen de déterminer à quelles oeuvres leurs abonnés choisissent effectivement d'accéder, aucun moyen pratique de limiter l'utilisation que font les Canadiens du Web, et aucune façon de s'acquitter des droits liés aux oeuvres, si ce n'est pour un pourcentage infime de ces oeuvres. Par conséquent, les FSI se trouveraient dans un état constant de responsabilité massive et insoluble à l'égard du droit d'auteur, et ce même s'ils versaient des millions de dollars par an en tarifs au titre du droit d'auteur Internet.
Il faudrait également comprendre que pour une grande partie, l'argent prélevé par l'intermédiaire d'un tarif au titre du droit d'auteur irait non pas aux détenteurs de droits et aux producteurs canadiens, mais aux détenteurs de droits étrangers, sans qu'il n'y ait dans ce mécanisme aucune réciprocité à attendre. Forcer les FSI à surveiller, à parcourir et à évaluer si les documents transmis sur leurs installations sont protégés par le droit d'auteur, et à se charger de l'administration d'un tarif au titre du droit d'auteur, c'est demander l'impossible.
Je tiens à souligner que l'ACTC ne s'oppose pas à ce que l'on accorde aux créateurs la possibilité d'exploiter leurs droits dans un environnement Internet. Nous ne nous opposons pas à ce que l'on reconnaisse un droit de mise à disposition, comme l'exigent les traités Internet de l'OMPI; nous sommes d'accord avec l'OMPI dans son approche à l'égard de ce droit tel qu'il est décrit dans les traités. Le concept même d'un droit de mise à disposition est bien clair : c'est l'acte de mettre le contenu à disposition sans autorisation qui devrait soulever des questions de responsabilité. L'obligation de s'acquitter des droits et de payer des frais devrait incomber au fournisseur de contenu qui prend la décision d'utiliser les oeuvres protégées par le droit d'auteur, qui contrôle quelles sont les oeuvres qui sont utilisées et de quelle façon, qui décide du modèle d'affaires qui convient le mieux pour amortir les frais encourus lorsqu'on utilise des oeuvres protégées par le droit d'auteur, et qui peut négocier avec les détenteurs de droits pour l'obtention des licences nécessaires.
D'autres juridictions, y compris celles dont j'ai parlé, ont tenu compte du fait que la limitation de la responsabilité des FSI n'empêche en aucune façon les détenteurs de droits d'exercer leurs droits dans un environnement Internet et de mettre des oeuvres créatives à la disposition d'utilisateurs, et ce selon des termes acceptables de part et d'autre. C'est pourquoi, lorsque ce comité préparera son rapport sur la réforme du droit d'auteur, nous vous demandons de ne pas vous prononcer en faveur d'une approche qui pourrait décourager l'innovation et les investissements, que vous n'apportiez pas votre soutien à une approche qui pourrait conduire à une taxe Internet imposée sans distinction aux Canadiens, que vous n'appuyiez pas une approche qui désavantagerait le Canada par rapport aux autres pays qui sont aussi en train de développer une économie Internet. Nous demandons que vous recommandiez au gouvernement de modifier la Loi sur le droit d'auteur de façon à limiter de façon claire et explicite la responsabilité des FSI.
¿ (0925)
[Français]
Merci de m'avoir accordé le temps de présenter le point de vue de l'ACTC. Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Jay Thompson, de l'Association canadienne des fournisseurs Internet.
M. Jay Thomson (vice-président adjoint, TELUS, Association canadienne des fournisseurs Internet): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je comparais aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des fournisseurs Internet ou ACFI.
Bien que je sois actuellement vice-président adjoint, bande large, chez Telus Communications, jusqu'à février de cette année, j'étais président de l'ACFI. J'ai eu l'occasion de comparaître à ce titre devant vous et de discuter avec vous l'automne dernier. Telus est membre de l'ACFI, et le conseil d'administration de l'ACFI m'a demandé de représenter encore une fois cette association auprès de vous.
Comme l'ACTC, l'ACFI est membre de la Coalition pour un régime équilibré du droit d'auteur. Bien que la position de l'ACFI sur les questions de responsabilité des FSI soit conforme à celle des membres de la coalition, je représente aujourd'hui l'ACFI et non la coalition.
L'ACFI représente tous les secteurs de l'industrie des fournisseurs de services Internet au Canada. Nos membres représentent tout un éventail divers de FSI canadiens, des fournisseurs d'accès de grande taille, de taille moyenne ou même de petits indépendants, des compagnies de téléphone titulaires aussi bien que concurrentielles, des fournisseurs de réseaux de base, des fournisseurs de technologie sans fil et des hôtes Web.
Permettez-moi tout d'abord de dire officiellement que l'ACFI n'est pas opposée à la mise en place des dispositions de l'OMPI et n'essaie pas d'empêcher votre comité ou les créateurs de réaliser cet objectif. Nous avons toujours eu la position suivante : il est essentiel pour l'économie numérique et la compétitivité mondiale du Canada que la question de la responsabilité des FSI soit traitée dans le contexte de la mise en oeuvre des dispositions de l'OMPI et soit traitée de façon équitable, correcte et conforme à la façon dont nos partenaires et nos concurrents internationaux ont géré la question.
L'ACFI se réjouit de comparaître devant vous ce matin. Nous considérons que l'inclusion de ce sujet dans votre programme constitue une reconnaissance claire du fait que les questions de responsabilité des FSI sont obligatoirement liées à la mise en place des dispositions de l'OMPI et doivent par conséquent occuper une place de premier plan dans la réforme législative à court terme. Je vais vous parler simplement aujourd'hui du rôle des FSI dans la chaîne de communication et de ce que cela suppose au niveau de la responsabilité en matière de droit d'auteur. J'espère aussi clarifier un certain nombre de points qui ont été soulevés à votre comité et aussi certainement dans les médias.
Les FSI fournissent aux Canadiens le moyen d'accéder à Internet pour communiquer électroniquement entre eux et avec le reste du monde. Comme les entreprises de téléphone, les FSI établissent un connexion. Que le client choisisse de s'en servir pour envoyer un courriel, laisser un message sur un site de messagerie en temps réel, ou télécharger de la musique de provenance légitime ou illégitime, la fonction des FSI est exactement la même: le FSI est un intermédiaire qui permet à d'autres personnes de communiquer en transférant des octets sur les réseaux.
La Loi sur le droit d'auteur stipule à juste titre que les entités qui fonctionnent comme entreprises de télécommunication ou intermédiaires ne sont pas responsables du contenu qui transite sur leurs réseaux pour ce qui est de la représentation publique et des droits de télécommunication. Comme vous le savez, après des audiences poussées et détaillées, la Commission du droit d'auteur a jugé que cette précision visait aussi les FSI. La Cour d'appel fédérale en a convenu et la Cour suprême du Canada va bientôt se prononcer sur la question.
Que ce soit par le biais des tribunaux ou d'une loi, le Canada doit exempter les activités de transmission des FSI de toute responsabilité en matière de droit d'auteur. L'option B décrite dans le rapport d'étape imposerait une responsabilité qui n'existe pas et qui ne devrait pas exister. Le comité devrait donc rejeter cette approche. Comme je l'ai dit quand j'ai comparu devant vous l'automne dernier, tenir responsable du contenu une entité qui ignore tout du contenu et n'a aucun moyen de le contrôler ni aucun pouvoir de se prononcer sur la légalité du contenu transmis ou reçu est parfaitement injuste et erroné.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, écoutez bien ceci.
Quand Mme Anne McLellan, ministre de la Justice à l'époque, est intervenue sur les dispositions concernant la pornographie juvénile des amendements au Code criminel proposés dans le projet de loi C-15A, elle a dit clairement que le gouvernement ne voulait nullement rendre les FSI responsables des actions illégales de leurs abonnés alors que ces FSI n'étaient que des intermédiaires. On a reconnu dans ce contexte qu'il ne fallait pas imposer de responsabilité là où il n'y avait ni connaissance du contenu, ni moyen de contrôle.
Des experts en Internet comme M. Michael Geist, de l'Université d'Ottawa, ont contesté et continuent de contester les raisons pour lesquelles on imposerait aux FSI la responsabilité de s'occuper de questions de droit d'auteur alors qu'on a clairement écarté cette option lorsqu'il s'agissait de lutter contre un problème qui pourrait être encore plus grave, celui de la pornographie juvénile sur l'Internet. Tout ce que font les FSI, c'est donner à des tiers la possibilité de communiquer par Internet.
¿ (0930)
Récemment, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire CCH, a jugé que les intermédiaires dont la fonction consistait à fournir un accès et à copier des oeuvres ne violent pas les règles en place et n'autorisent pas leur violation. La Cour suprême a ajouté que les tribunaux devaient partir du principe que les personnes qui autorisent une activité ne le font que dans la mesure où cette activité est conforme à la loi.
Enfin, d'autres témoins vous ont peut-être laissé à tort l'impression qu'en imposant une responsabilité aux FSI, on s'alignerait sur d'autres pays comme les États-Unis et l'Europe. C'est faux. À la connaissance de l'ACFI, aucun des pays signataires de l'OMPI figurant parmi les grands partenaires commerciaux du Canada n'a imposé aux FSI une responsabilité à l'égard des infractions commises par leurs utilisateurs. En fait, si l'option B du rapport d'étape était acceptée, le Canada choisirait une démarche qui a été clairement rejetée par nos grands partenaires commerciaux après qu'ils aient soigneusement et longuement examiné la question.
Si l'on doit rendre les FSI canadiens responsables des infractions de leurs abonnés et si on les oblige à percevoir et à reverser des droits d'auteur à des sociétés collectives, on va mettre en grave danger l'industrie des FSI au Canada et le rôle de ce pays comme leader mondial de la productivité sur Internet, du commerce électronique et de l'innovation numérique. Pas plus tard que la semaine dernière, Statistique Canada a annoncé que les ventes en direct au Canada avaient bondi de 40 p. 100 l'an passé, pour atteindre 19,1 milliards de dollars, dont 5,5 milliards provenaient du marché de consommation. Statistique Canada attribue cette croissance principalement à l'adoption de l'accès Internet haute vitesse. L'enthousiasme des Canadiens pour l'accès Internet haute vitesse est reconnu mondialement comme un succès extraordinaire, et s'explique en grande partie par le fait que les tarifs des FSI canadiens sont parmi les plus faibles au monde. Les Canadiens ne seraient pas prêts à accepter les hausses de prix considérables qui devraient être imposées si l'on obligeait les FSI à assumer la responsabilité massive et ingérable de tous les droits d'auteur qui transitent par leurs installations. Les FSI eux-mêmes, notamment les plus petits, qui sont déjà en difficulté, se retireraient certainement du marché plutôt que de prendre le risque de poursuites juridiques de plus en plus importantes.
Permettez-moi de vous répéter que les FSI ne sont pas opposés aux intérêts des créateurs. En fait, au moins deux des membres de l'ACFI proposent des services de téléchargement légal de musique en collaboration avec l'industrie de la musique. Mais si l'on rend les FSI canadiens et tous leurs abonnés, qu'ils commettent ou non des infractions, responsables des sommes réclamées par les détenteurs de droit d'auteur, les résultats seront catastrophiques.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, il est très important que vous compreniez que si vous n'imposez pas aux FSI la responsabilité à l'égard des droits d'auteur, cela ne signifiera pas que les créateurs seront privés de toute rémunération. Comme l'a dit M. Kerr-Wilson, les créateurs du Canada peuvent être et seront indemnisés par les fournisseurs de contenu comme ils le sont aux États-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France et dans des dizaines d'autres pays.
Pour conclure sur un sujet connexe, j'aimerais expliquer au comité le rôle que Telus et Bell, en tant que membres de l'ACFI, ont joué dans le récent contentieux de l'AICE en Cour fédérale. Comme vous le savez, l'AICE a récemment intenté un procès contre divers utilisateurs de l'Internet accusés de télécharger et de s'échanger des dossiers musicaux au moyen de services de partage de fichiers comme KaZaA. En premier lieu, toutefois, l'AICE a dû demander une ordonnance de la Cour fédérale exigeant que les FSI divulguent l'identité et les contacts de ces utilisateurs pour que l'AICE puisse leur envoyer les documents juridiques pertinents. En réponse à la demande de divulgation de l'AICE, les FSI ont demandé à la Cour de veiller à ce que toute ordonnance de divulgation qui serait émise respecte les droits à la protection des renseignements personnels de leurs clients et de tenir compte du fardeau administratif et des coûts qu'entraîneraient pour les FSI la recherche et la communication des informations requises. Les FSI n'ont pas contesté l'argumentation de l'AICE qui disait que le partage de fichiers musicaux constituait une violation du droit d'auteur. Ils voulaient simplement que l'AICE respecte la procédure dans sa demande d'ordonnance de divulgation. La Cour a rejeté la demande de divulgation de l'AICE au motif qu'elle ne respectait pas les conditions exigées.
Quelle que soit la publicité qu'on a donnée à cette affaire, elle n'avait en fait rien à voir avec la responsabilité des FSI. En fait, comme nous l'avons toujours dit et continuons à le dire, l'AICE visait de façon tout à fait pertinente les utilisateurs finaux et n'a nullement prétendu que les FSI devaient être tenus responsables en l'occurrence. Précisons aussi que dans sa décision, la Cour a souligné que les FSI fournissaient à des particuliers le moyen d'accéder à Internet et de communiquer entre eux, mais que ces FSI n'étaient en aucune façon mêlés aux infractions au droit d'auteur que pouvaient commettre leurs clients.
L'AICE a fait appel de la décision de la Cour d'appel fédérale pour plusieurs motifs. Toutefois, la conclusion de la Cour que les FSI ne sont en aucune façon mêlés aux infractions commises ne figure pas, à ma connaissance, parmi ces motifs.
¿ (0935)
Merci, madame la présidente, mesdames, messieurs. J'espère avoir éclairci les choses. Je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Thomson. Votre exposé est une entrée en matière intéressante pour notre prochain témoin, M. Pfohl, de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement.
M. Richard Pfohl (secrétaire général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement): Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui au nom de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement.
Je suis ravi d'entendre qu'il y a consensus au moins sur une question aujourd'hui. Il semble que tout le monde appuie activement—ou à tout le moins ne s'y opposerait pas activement—la ratification de traité de l'OMPI et pareillement le droit de mise à disposition. Étant donné ce consensus, j'espère que le comité poursuivra ses efforts pour aller de l'avant et pour pousser le gouvernement à ratifier et à mettre en oeuvre les traités de l'OMPI.
Je souhaite, bien entendu, parler de la question de la responsabilité pour les violations du droit d'auteur en ligne, particulièrement la responsabilité des FSI, car cette question est essentielle pour nos membres. Ces violations ont eu un effet dévastateur sur l'industrie canadienne de la musique. Je n'entrerai pas dans les statistiques; je vous les ai déjà fournies à de nombreuses occasions.
Comme principes de départ, il n'y a aucune raison pour que les FSI ne soient pas traités de la même manière que tout autre distributeur de copies illégales d'oeuvres protégées lorsqu'ils distribuent de telles copies et qu'ils tirent un profit de l'utilisation de leurs installations à cette fin. La Loi sur le droit d'auteur ne devrait pas être modifiée pour permettre aux FSI d'échapper à leur responsabilité pour les millions de violations qu'ils facilitent dans l'exploitation de leurs entreprises commerciales. En outre, ce n'est pas une bonne politique de créer des exemptions qui obligent les titulaires de droits d'auteur, comme l'industrie de la musique, à subventionner la responsabilité des FSI en accumulant des pertes à cause du piratage en ligne.
Si le gouvernement décide de s'attaquer à la question de la responsabilité des FSI, toute limite imposée à la responsabilité pour violation du droit d'auteur doit respecter les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur le droit d'auteurr et doit être compatible avec les obligations existantes du Canada en vertu des traités et notamment du traité de l'OMPI. C'est pourquoi nous proposons respectueusement que les cinq principes qui suivent servent à éclairer toute limitation législative de la responsabilité des FSI.
Premièrement, le gouvernement ne doit pas créer de limitations générales ou globales de la responsabilité. Le rapport d'étape mentionne simplement la responsabilité des FSI, sans définir qui ils sont. Les FSI ne devraient pas être exonérés de leur responsabilité pour les violations commises sur leurs réseaux en raison de leur statut de FSI, quels qu'ils soient. Plutôt, les limitations de responsabilité devraient s'appliquer uniquement aux activités où les FSI agissent véritablement comme intermédiaires, c'est-à-dire lorsque leurs actions consistent uniquement à transmettre un contenu fourni par des tiers, sans connaître réellement ou par interprétation le contenu de la transmission.
Deuxièmement, toute limitation de la responsabilité en matière de violations du droit d'auteur devrait être restreinte aux règles refuges lorsque les FSI se sont entièrement acquittés des obligations définies dans la loi pour aider à identifier les violations et à les empêcher et pour aider à faire respecter les droits d'auteur. En d'autres mots, si vous accordez quelque chose aux FSI, ceux-ci doivent, en contrepartie, accepter une responsabilité concordante.
Troisièmement, les FSI ne peuvent pas être exonérés de leur responsabilité dans les cas où ils sont au courant ou ont des raisons d'être au courant de violations du droit d'auteur. Tous les intermédiaires en ligne, y compris même les services de canal de communication, de mise en cache et d'hébergement devraient être tenus responsables s'ils savent réellement ou par interprétation qu'il se commet des violations sur leurs réseaux. En outre, les logiciels de services d'égal à égal ont été conçus expressément pour essayer d'échapper à la responsabilité pour les violations généralisées du droit d'auteur qui se produisent couramment dans les réseaux d'égal à égal. Les fournisseurs de services ou de logiciels d'égal à égal ne devraient pas pouvoir se prévaloir d'exemptions qui pourraient être prévues dans la loi canadienne, comme ils ont essayé de le faire avec cynisme aux États-Unis.
Quatrièmement, toute limitation devrait être restreinte à la responsabilité pour dommages de manière à préserver la possibilité d'obtenir une mesure injonctive, même si les FSI sont protégés par une limitation. Les FSI sont souvent les seules entités en mesure d'empêcher les violations, et les mesures injonctives constituent un recours essentiel pour les titulaires de droit.
Enfin, cinquièmement, la loi devrait prévoir des mesures visant à encourager les FSI à coopérer avec les détenteurs de droit d'auteur pour déceler, traiter et empêcher les violations, pour identifier les parties directement responsables des violations et pour fournir le moyen d'intenter des recours contre les contrevenants.
Ce ne sont pas de nouvelles propositions. Tout à l'heure, M. Thomson a mentionné les expériences européennes et américaines. C'est le genre de propositions qui constituent le fondement des lois de l'Union européenne et des États-Unis. Cependant, si nous décidons d'examiner ces principes, nous devons le faire dans le contexte des valeurs et du droit canadiens. Les Canadiens en général, et les membres de ce comité en particulier, ont toujours eu à coeur de protéger nos industries culturelles et nos lois doivent refléter ce souci.
¿ (0940)
Le rapport d'étape envisage deux démarches à l'égard de la responsabilité des FSI au paragraphe 37. À la séance du 30 mars, M. Lincoln a judicieusement fait observer que tout au long du rapport, l'option A semble être celle d'Industrie Canada et l'option B, celle de Patrimoine. Je vais traiter des deux options tour à tour.
Au paragraphe 37a) du rapport, le ministère de l'Industrie propose d'exempter les FSI de toute responsabilité pour violation au droit d'auteur lorsqu'ils agissent simplement à titre d'intermédiaires. Le problème que pose cette démarche est qu'elle établit d'abord une limitation générale à la responsabilité pour violation au droit d'auteur. Et ce, sans tenir compte du rôle des FSI dans la diffusion du contenu, de leur connaissance éventuelle de la violation, de leur rôle éventuel dans le contrôle du contenu, ni des avantages économiques éventuels que la violation procure aux FSI. Cela aurait pour effet de limiter largement et de manière injustifiée les droits prévus dans la Loi sur le droit d'auteur.
Toute proposition visant à exempter les FSI de toute responsabilité doit être régie par le cadre établi dans la Loi sur le droit d'auteur et les principes que j'ai formulés. En particulier, la Loi sur le droit d'auteur établit comme principe que lorsqu'une partie distribue une oeuvre contrefaite alors qu'elle sait ou a lieu de savoir qu'il s'agit d'une contrefaçon, cette partie doit être responsable de cette distribution illégale. Par conséquent, les FSI devraient être tenues responsables lorsqu'ils savaient ou auraient dû savoir que leurs réseaux étaient utilisés pour un trafic d'oeuvres contrefaites.
la démarche du ministère de l'Industrie propose que les FSI fassent l'objet de «sanctions civiles» s'ils ne se conforment pas à certaines exigences visant à promouvoir la suppression du matériel illicite de leurs réseaux. Si par «sanctions civiles», on veut dire exempter les FSI de toute responsabilité en vertu de la Loi sur le droit d'auteur et les assujettir uniquement à un ensemble distinct de sanctions civiles, c'est inacceptable. Les FSI ne doivent pas être au-dessus de la loi. En outre, les FSI doivent également être assujettis, lorsqu'il y a lieu, à la responsabilité criminelle en vertu de la loi, comme tout autre intervenant.
Le ministère de l'Industrie propose une procédure dite d'«avis et avis» pour restreindre les violations sur Internet. Je pense que le ministère propose cette procédure parce que les titulaires de droits ont passé de telles ententes avec les FSI, particulièrement avec les associations représentées ici aujourd'hui. Les titulaires de droits ont accepté cette procédure d'avis et avis parce que, franchement, c'est tout ce que les FSI étaient prêts à offrir. Cependant, c'est insuffisant.
La procédure d'avis et avis est totalement inacceptable. Cette procédure prévoit qu'un FSI qui est informé directement que quelqu'un utilise son réseau pour faire le trafic d'oeuvres contrefaites peut se contenter de transmettre l'avis au contrevenant pour être dégagé de toute responsabilité. Franchement, c'est ouvrir grande la porte à toutes les violations. En effet, une procédure d'avis et avis ne sert qu'à avertir les contrevenants qu'ils ont intérêt à mieux se cacher. Une telle procédure n'oblige aucunement les FSI à prendre des mesures efficaces pour lutter contre la contrefaçon ou pour identifier les contrevenants et elle ne permet même pas aux titulaires de droits de défendre leurs propres intérêts, car ceux-ci ne sont pas en mesure de découvrir l'identité des contrevenants.
Lorsque les installations commerciales d'un FSI servent à enfreindre la loi et que le FSI est informé de ce fait, il devrait être obligé de prendre les mesures nécessaires pour identifier le contrevenant et faire cesser l'infraction. C'est une proposition simple. La procédure d'avis et avis aurait pour effet de concrétiser les méthodes existantes, qui sont nettement insuffisantes, étant donné l'ampleur dévastatrice de la piraterie en ligne. Ce ne serait pas rendre service aux titulaires de droits, au contraire, ce serait leur nuire.
Pour toutes ces raisons, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement préconise une procédure d'«avis et retrait», semblable à celle qui a été mise en oeuvre avec succès aux États-Unis. M. Spurgeon a mentionné qu'il faudrait mettre à jour cette procédure, et je suis bien d'accord. Il faut apporter certaines modifications pour tenir compte des infractions par les pairs, et je serai heureux de vous donner plus de détails pendant la période de questions.
J'aimerais maintenant passer à la démarche de Patrimoine Canada, énoncée au paragraphe 37b). Selon cette démarche, les FSI seraient tenus responsables pour le matériel protégé présent sur leurs installations. Nous appuyons cette démarche. Cependant, le paragraphe 37b) prévoit que les FSI peuvent être soustraits à cette responsabilité s'ils satisfont à certaines conditions réglementaires, notamment le besoin de répondre de façon opportune et efficace à des demandes ou propositions expresses de titulaires de droits quant au matériel protégé sur leurs installations.
¿ (0945)
L'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement n'est pas contre les règles refuges, à la condition qu'elles s'appliquent uniquement dans les cas où les FSI ont pris les mesures nécessaires après avoir été avertis de la présence d'oeuvres contrefaites.
Cependant, le paragraphe 37b) précise que ces mesures—en d'autres mots, celles qui permettraient aux FSI de se prévaloir de la règle refuge—pourraient comprendre, premièrement, la transmission d'avis relativement à du matériel illicite ou, deuxièmement, la perception de redevances à l'égard du matériel protégé. Ni l'une ni l'autre de ces démarches n'est satisfaisante. Comme je l'ai dit, il ne suffit pas de transmettre un avis pour empêcher que des oeuvres illicites se retrouvent sur Internet. Pour ce qui est de la perception de redevances, si ces redevances s'inscrivent dans un projet visant à créer un régime de permis obligatoire sur Internet aux dépens des droits exclusifs, une telle démarche est inacceptable et probablement contraire aux obligations du Canada en vertu de traités internationaux existants.
En conclusion, le risque que la responsabilité pour les violations en ligne par leurs clients font courir aux FSI est, à l'heure actuelle, hypothétique tout au plus. Entre temps, chaque jour, les industries culturelles du Canada, et particulièrement l'industrie de la musique, souffrent des pertes très réelles et matérielles à cause des copies non autorisées et illicites de leurs enregistrements sonores et d'autres oeuvres protégées qui sont vendus sur Internet. Il est urgent que le gouvernement agisse pour protéger les industries culturelles du Canada contre les attaques quotidiennes contre leurs moyens de subsistance que sont les violations du droit d'auteur et la piraterie en ligne. Cette obligation ne devrait pas être sacrifiée afin de protéger les FSI contre une menace hypothétique. La question de la responsabilité des FSI ne devrait pas détourner le gouvernement de la tâche urgente de ratifier et de mettre en oeuvre les traités de l'OMPI.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Maintenant, nous entendrons Stéphane Gilker, de Fasken Martineau, qui représente l'ADISQ, à la place de Lyette Bouchard. Bienvenue, monsieur Gilker.
[Français]
Me Stéphane Gilker (conseiller juridique, Fasken Martineau, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ)): Thank you.
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs membres du Comité permanent du patrimoine canadien. Je suis un associé du cabinet Fasken Martineau à Montréal agissant ce matin à titre de conseiller juridique pour le compte de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo. Je suis accompagné par Mme Lyette Bouchard, directrice générale adjointe de l'ADISQ, qui se fera un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir concernant les positions de l'ADISQ.
¿ (0950)
[Traduction]
Premièrement, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître pour vous faire part de nos opinions sur les questions relatives à ce processus public d'une importance capitale. Comme l'ADISQ a été invitée il y a deux jours seulement à participer aux discussions sur le régime de copie privée, permettez-moi simplement de vous rappeler que c'est à titre de représentant des producteurs indépendants du Québec qui s'intéresse à l'évolution du droit d'auteur au Canada que l'ADISQ comparaît devant vous pour discuter de la responsabilité des fournisseurs de services Internet en vertu de la Loi sur le droit d'auteurcanadienne.
Nous croyons savoir que ces audiences se situent dans le contexte plus vaste de la ratification attendue depuis longtemps de deux traités de l'OMPI relativement à l'Internet. Ainsi, avant d'entrer dans les détails des questions que soulève la responsabilité des FSI à l'égard du droit d'auteur, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que la ratification des traités de l'OMPI serait déjà en soi perçue comme un pas important dans la bonne direction par les créateurs et les producteurs du secteur de la musique du Canada.
À cet égard, permettez-moi de souligner le fait que la ratification des traités de l'OMPI par le Canada ne nécessite pas de modifications aux dispositions relatives à la responsabilité des FSI de la Loi sur le droit d'auteur puisque aucun de ces traités ne mentionne les aspects juridiques de cette question.
En d'autres mots, les Canada pourrait ratifier les traités de l'OMPI relatifs à l'Internet sans s'engager à modifier la Loi sur le droit d'auteur pour traiter de la responsabilité des FSI.
Comme on dit en français, le mieux est l'ennemi du bien et il serait peut-être préférable que le Canada ratifie les traités de l'OMPI sans régler toutes ces questions plutôt que de remettre encore une fois la ratification pendant des mois et des mois dans l'espoir de régler les nombreuses et même fascinantes questions que soulèvent le développement de l'Internet.
Comme cela a été proposé il y a deux jours, les créateurs et les producteurs du secteur de la musique du Canada vous seraient reconnaissants de déposer un rapport provisoire unanime recommandant que le Canada ratifie les traités de l'OMPI sans plus tarder.
Maintenant que j'ai fait ces premiers commentaires, je me pencherai maintenant sur les questions entourant la responsabilité des FSI en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.
Premièrement, l'ADISQ vous prie de reconnaître la différence fondamentale, qu'a expliqué la SOCAN ce matin, entre, d'une part, les entités dont les services consistent uniquement à fournir les moyens de télécommunication nécessaires à la transmission d'oeuvres protégées au public sur Internet—c'est-à-dire l'infrastructure de base et les services Internet, le rôle que jouent les fournisseurs de services Internet—et en deuxième lieu, des entités dont les activités comprennent également la prestation de services et d'équipements qui ne servent pas uniquement à la transmission d'oeuvres protégées au public par Internet. Mentionnons quelques exemples, comme les services d'abonnement à Internet offerts aux utilisateurs; des portails avec image de marque, pleins de publicité et d'hyperliens orientant les utilisateurs vers un contenu de marque ou appartenant à un tiers; des services d'hébergement de sites Web et de contenus; et l'utilisation d'équipements et de fonctions logicielles sous-jacentes, comme la mise en cache, afin d'améliorer l'efficacité et le temps de réponse des transmissions—si on en croit la Cour d'appel fédérale.
On appelle ces entités qui fournissent de tels services et équipements additionnels des «fournisseurs d'accès internet» ou FAI, faute d'un meilleur terme.
L'ADISQ est prête à accepter que les FSI, tels que définis ci-dessus, soient exemptés de toute responsabilité en matière de droit d'auteur pour le contenu transmis par leurs installations lorsqu'ils agissent uniquement en tant que FSI, mais l'ADISQ ne peut certainement pas accepter ou admettre que les fournisseurs d'accès Internet—c'est-à-dire ceux dont les services ou l'équipement vont au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la télécommunication—profitent d'une telle exemption.
Permettez-moi de vous proposer une analogie intéressante. Par exemple, nous pensons que personne ne contestera qu'en vertu de la Loi sur le droit d'auteur dans sa forme actuelle, un télédistributeur qui retransmet une émission protégée provenant de CBC Montréal à ses abonnés communique ces émissions de CBC à ses abonnés par voie de télécommunication et qu'il est donc tenu de verser des redevances au titulaire du droit d'auteur.
Remarquez bien que dans cet exemple le télédistributeur n'est ni le créateur ni l'expéditeur des émissions de CBC. Il retransmet tout simplement ces émissions de CBC aux personnes avec lesquelles il a une entente d'abonnement et en vertu de laquelle il a convenu de leur fournir, contre des droits d'abonnement, tout l'équipement et les services de télécommunication nécessaires pour permettre à ses abonnés de recevoir tout le contenu rendu disponible par leur équipement et leurs services de télécommunication.
¿ (0955)
L'ADISQ ne comprend absolument pas pourquoi les règles qui s'appliquent dans cet exemple ne s'appliqueraient plus simplement parce que l'entité qui a accès au matériel protégé par un droit d'auteur créé et transmis par un tiers à ses abonnés payants, à savoir le FAI plutôt que le câblodistributeur, procède au moyen de l'Internet au lieu d'un réseau de câbles.
Comme votre comité le sait, la Cour suprême du Canada est sur le point de rendre sa décision au sujet du tarif Internet proposé par la SOCAN. Nous espérons que cette décision permettra de clarifier toutes les questions que j'ai mentionnées dans le sens que je viens d'indiquer. Toutefois, si la Cour suprême estime qu'elle n'a pas à trancher ces questions, ou si elle parvient à d'autres conclusions que celle que je viens d'énoncer, en ce qui concerne l'application de la Loi sur le droit d'auteur à l'Internet, l'ADISQ fera incontestablement tout ce qui est possible pour que des clarifications ou des modifications correctives soient apportées immédiatement à la Loi sur le droit d'auteur.
Avant de terminer, j'invite votre comité à prendre en considération les trois facteurs suivants au moment d'évaluer la responsabilité des FAI en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.
Premièrement, cet extraordinaire outil de communication qu'est l'Internet a ouvert des possibilités fantastiques, entre autres pour les entreprises de services Internet qui sont assez prospères. Mais l'Internet a également engendré des problèmes énormes, notamment en propulsant le piratage des droits d'auteur à un niveau sans précédent dans l'histoire de l'humanité.
Deuxièmement, comme en témoigne la décision récente de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, la mesure dans laquelle les titulaires de droits d'auteur peuvent au moins essayer de réduire symboliquement le massacre incessant des droits d'auteur sur Internet au Canada et ailleurs dans le monde dépend essentiellement de la collaboration des FAI. Cette collaboration est nécessaire pour ne serait-ce qu'identifier les contrevenants et mettre un terme à leurs activités illégales.
Troisièmement, quiconque examine les enjeux liés au droit d'auteur de documents sur Internet dans le but de faire en sorte que ces droits d'auteur cessent d'être considérés comme sans aucune importance, sera forcé de conclure que la seule façon raisonnable et réaliste de percevoir des redevances pour l'utilisation de matériel protégé par le droit d'auteur sur Internet est de les percevoir par l'entremise de ceux qui donnent accès à Internet à des abonnés payants, et donc par contrat, c'est-à-dire les fournisseurs d'accès Internet.
En termes plus simples, les FAI contribuent manifestement au problème et ils devraient donc contribuer à sa solution. Ils doivent travailler de concert avec les titulaires de droits d'auteur pour essayer de régler ce problème.
Fait intéressant, le cas que je décris présente exactement les mêmes caractéristiques que celui qui a incité beaucoup de pays à adopter des régimes de «copie privée» afin d'indemniser les titulaires de droits d'auteur pour les reproductions incontrôlables et massives de leurs produits par suite de l'accès des consommateurs à des appareils et dispositifs d'enregistrement. Que l'on puisse considérer ou non que les fabricants ou importateurs de ces appareils et dispositifs d'enregistrement sont techniquement responsables de la violation des droits d'auteur découlant de l'utilisation de ces dispositifs et appareils, ils n'en restent pas moins des intermédiaires incontestables. Ce n'est que par leur entremise qu'il est possible, de façon réaliste et raisonnable, de percevoir des redevances auprès de ceux qui violent les droits d'auteur en utilisant ces appareils et dispositifs d'enregistrement. Si les manufacturiers de ces dispositifs d'enregistrement transfèrent le montant de ces redevances à ceux qui achètent ces produits pour copier du matériel protégé par un droit d'auteur, au bout du compte ce sera ces gens-là qui paieront la note.
Cela étant, pourquoi ne pas envisager l'application de la même solution au «problème d'Internet» en mandatant légalement ou en autorisant les FAI, peu importe qu'ils soient ou non responsables des violations de droits d'auteur commises par les utilisateurs de leurs services et installations, à percevoir des redevances dans le cadre d'un régime d'administration collective volontaire, auprès de ceux qui portent indubitablement atteinte au droit d'auteur, puisque les FAI sont le passage obligé et le seul moyen réaliste et raisonnable de percevoir ces redevances?
Enfin, l'ADISQ est évidemment en faveur de l'adoption de toute disposition qui faciliterait l'identification des contrevenants et préviendrait les atteintes futures au droit d'auteur. Il pourrait s'agir, par exemple, d'imposer le blocage et, le cas échéant, l'effacement du contenu; notamment en imposant aux FAI l'obligation de collaborer avec les titulaires des droits d'auteur à cette fin. Cependant, de telles dispositions ne déchargeraient pas les FAI de la responsabilité qui leur incombe par ailleurs. Depuis le début de mon exposé, il y a 10 minutes, plus de trois millions de fichiers ont été échangés illégalement sur Internet.
À (1000)
Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, d'avoir permis à l'ADISQ d'exprimer son point de vue sur ces questions.
Mme Bouchard et moi-même seront heureux de discuter de toute autre question intéressant votre comité.
Merci.
La présidente: Merci.
Notre dernier témoin, mais non le moindre, est Mme Wendy Noss, de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
Mme Wendy Noss (membre, Comité de politique en matière de droit d'auteur, Institut de la propriété intellectuelle du Canada): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Wendy Noss, je suis avocate chez Sim, Hughes, Ashton & McKay. Je comparais aujourd'hui à titre de membre du Comité de politique en matière de droit d'auteur de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'Institut, je préciserai qu'il s'agit de la principale association de professionnels canadiens spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle. L'Institut est voué à la protection et à la promotion de la propriété intellectuelle dans l'économie canadienne.
La plupart des avocats travaillent dans le domaine des droits d'auteur et sont membres de l'IPIC. À la lumière des témoignages des derniers jours, votre comité sait sans doute que tous les avocats, et donc tous les membres de l'équipe, n'ont pas le même point de vue en ce qui concerne le dossier que vous étudiez en ce moment. Les opinions varient inévitablement. Néanmoins, par l'entremise de son comité sur la législation des droits d'auteur, l'IPIC a déjà présenté des mémoires relativement au Rapport sur l'article 92. Ma déclaration liminaire s'inspire des principes énoncés dans notre plus récent mémoire présenté relativement au rapport d'étape. Nous espérons pouvoir aider votre comité à situer le contexte dans lequel s'inscrivent les propositions plus précises que vous présenteront les parties directement intéressées par la question que vous étudiez aujourd'hui.
Notre comité a recommandé que le gouvernement modifie la loi dès que possible pour clarifier les circonstances dans lesquelles la responsabilité civile des fournisseurs de services Internet, les FSI, est engagée. Si ces modifications ne sont pas indispensables à la mise en oeuvre des traités de l'OMPI, il reste que la responsabilité des FSI a été affirmée par les ministères dans le cadre des vastes consultations déjà effectuées, et que rien ne justifie de ne pas agir immédiatement.
Il y a encore des gens qui estiment que le gouvernement ne devrait pas adopter pour le moment de nouvelles mesures législatives pour s'attaquer à ce problème. Ils font valoir que certains FSI ont des ententes volontaires avec certains titulaires de droits relativement à une procédure dite «d'avis et avis» ou que la Cour suprême du Canada n'a pas encore statué sur cette question. Ils signalent parfois aussi les difficultés survenues dans d'autres pays et vous incitent à ne pas agir rapidement. J'emploie le mot «rapidement» avec ironie, étant donné que, comme l'a dit M. Spurgeon, le tarif 22 a été demandé en 1995.
D'autres, dont notre comité, souhaitent que le gouvernement intervienne pour délimiter dans une loi les droits et obligations des intervenants d'un réseau.
Il est vrai que la Cour suprême n'a pas encore statué sur le tarif 22, mais votre comité doit se rappeler que le jugement portera sur l'interprétation qu'il faut donner à la Loi sur le droit d'auteur, adoptée avant l'avènement d'Internet, dans le nouvel environnement numérique d'aujourd'hui.
À titre d'exemple, un aspect clé de la responsabilité a trait à ladite exemption du transporteur commun. Conçue à l'origine pour limiter la responsabilité des compagnies de téléphone, entre autres, à l'endroit des communications dont elle n'avait pas le contrôle, cette exemption s'applique aux activités des FSI.
De plus, quelle que soit la décision de la Cour suprême du Canada, le jugement ne portera que sur l'un des droits prévus par la Loi sur le droit d'auteur : le droit d'un titulaire de droit d'auteur de transmettre une oeuvre par télécommunication. Le jugement ne portera pas sur le droit de reproduction.
À notre avis, le gouvernement doit adopter de nouvelles mesures législatives pour définir une politique préférentielle, peu importe l'interprétation que la Cour suprême du Canada donnera à l'application des dispositions actuelles. Il faut rédiger de nouvelles modifications législatives de manière à tenir compte expressément de la réalité d'Internet, de la menace que présente pour les titulaires de droits d'auteur l'avènement des technologies d'information et de communication, et de la portée internationale de cette question.
Nous sommes d'accord avec les fonctionnaires du ministère pour dire que la loi actuelle est imprécise. Nous nous réjouissons du fait que le rapport d'étape s'écarte du Rapport sur l'article 92, en ce sens que ses auteurs se demandent non pas si, mais quand il faudra adopter les mesures législatives dans ce domaine. Nous nous réjouissons aussi de voir que votre comité est maintenant déterminé à apporter des modifications à la loi.
Sur la question de savoir comment, et non si, il faudrait apporter des changements législatifs, je vais offrir brièvement quelques idées.
Les changements en question devraient tenir compte non seulement de l'éventail complet des droits qui sont violés dans un réseau comme Internet, mais aussi du fait que les FSI se livrent à différentes activités, comme M. Thomson et d'autres l'ont signalé ce matin. En effet, la limite imposée à la responsabilité des FSI dans d'autres pays varie selon l'activité en cause, qui peut aller de la simple transmission passive à l'hébergement et à la mise en cache de contenu.
À (1005)
En reconnaissant les divers types d'activités des FSI, il faut aussi reconnaître le rôle particulier qu'ils jouent du fait qu'ils peuvent limiter les violations dans un réseau, une fois mis au courant par le titulaire des droits.
Votre comité s'intéressera sans doute au fait que la Loi sur le droit d'auteur emploie déjà le concept de la responsabilité variable selon la connaissance, en distinguant entre des infractions primaires et des infractions ultérieures.
Le concept d'infraction ultérieure reconnaît déjà la responsabilité de celui qui se livre à un acte qui autrement n'entraînerait pas de responsabilité, tout en sachant ou en ayant dû savoir qu'il se servait de copies contrefaites. On le voit, par exemple, dans d'autres régimes qui ont établi des dispositions d'avis et retrait.
En termes de menaces aux droits des titulaires de droits d'auteur, on peut dire que rien n'arrive à la cheville du monde numérique, où chaque minute de communication permet de reproduire des millions d'oeuvres de contrefaçon. Tant pour les titulaires de droits que pour les FSI, des changements législatifs complets doivent être apportés maintenant pour régler la question de la responsabilité des fournisseurs de service Internet au Canada.
Voilà qui termine ma déclaration liminaire, madame la présidente. Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité et je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup.
Avant de passer aux questions, je constate que vous avez employé l'expression «avis et retrait». On l'a citée à quelques reprises aujourd'hui. Madame Noss, c'est vous que je mets sur la sellette. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit, avant que nous passions aux questions?
Mme Wendy Noss: Essentiellement, tant dans la DMCA ou Digital Millennium Copyright Act des États-Unis que dans la directive de l'Union européenne, dans certaines activités, comme les services d'hébergement et de mise en antémémoire, si le FSI peut vraiment retirer le matériel après avoir reçu un avis du titulaire de droits—d'où le terme «avis et retrait»—au sujet d'un contenu de contrefaçon, le FSI doit prendre des mesures pour limiter l'accès audit contenu. Autrement dit, ils doivent le retirer.
La directive de l'Union européenne est un peu différente puisqu'il s'agit d'une approche horizontale à la responsabilité pour tout type d'information communiqué alors que dans la DMCA américaine, on ne vise que les infractions relatives au droit d'auteur.
La présidente: Merci.
Monsieur Thomson, vous avez la parole.
M. Jay Thomson: Au Canada, il existait déjà un régime d'avis et retrait, pour la pornographie juvénile et la propagande haineuse sur Internet. Dans le cadre de ce régime, si la police estime que le contenu hébergé par un FSI pourrait être de la pornographie juvénile ou de la propagande haineuse, elle doit aller en cour et présenter cette information à un juge. Le juge peut alors émettre une ordonnance provisoire de retrait, afin d'avoir l'occasion d'examiner le contenu et d'en déterminer la légalité. S'il le juge légal, l'ordonnance est levée et le contenu peut être présenté à nouveau. S'il croit au contraire que le contenu est illégal, l'ordonnance est permanente et le contenu ne peut plus être hébergé sur les serveurs du FSI.
Quand la police s'en mêle, elle doit s'adresser à un tribunal et obtenir une ordonnance d'un juge. Le régime d'avis et retrait proposé ici par les créateurs donnerait aux créateurs et titulaires de droits des pouvoirs que même la police n'a pas dans le domaine de la pornographie juvénile et de la propagande haineuse.
À (1010)
La présidente: Merci.
M. Richard Pfohl: Madame la présidente, j'aimerais parler des questions soulevées par M. Thomson au sujet de l'approche canadienne.
L'AICE a constaté que cette méthode ne protège pas bien les créateurs et les titulaires de droits de matériel protégé. Comme on l'a vu dans notre cause, même si on gagne, le temps et les efforts consacrés au processus judiciaire n'ont aucun sens quand on pense aux millions d'infractions qui ont lieu sur Internet.
Prenons l'exemple des États-Unis et de l'Union européenne, qui ont bien fonctionné, et qui ont mis en place des protections pour les personnes qui diffusent ce contenu.
Aux États-Unis, par exemple, si je veux que soit retiré du matériel, je dois faire une déclaration sous serment. Je dois prêter serment, sous peine de parjure, que je suis bien le titulaire des droits et qu'il y a infraction. J'envoie un avis au FSI. Des centaines de milliers d'avis de ce genre ont été envoyés. Le FSI reçoit l'avis et le transmet à la personne qui a au départ diffusé le matériel. Si cette personne conteste l'avis, un deuxième avis est envoyé et les droits sont protégés.
Au vu des statistiques américaines, cela a très bien fonctionné.
Notre homologue américain, le RIAA, et d'autres sociétés de défense des titulaires de droits d'auteur, y compris la Business Software Alliance, et la Interactive Games Association ont compilé des chiffres pour une période de 18 mois, en 2001-2002. Ils ont constaté que 158 000 avis avaient été émis et que le matériel avait été retiré. Il n'y a eu que 17 contestations de l'ordonnance émise et par conséquent, seulement 17 cas où la personne de l'autre côté estimait avoir raison. Il n'y a eu que trois cas où le matériel a été de nouveau diffusé. Autrement dit, dans seulement trois cas, on a conclu que le titulaire de droits d'auteur avait tort.
Le système fonctionne donc très bien aux États-Unis et protège les titulaires de droits sans imposer un fardeau indu aux FSI. C'est un système qui a été conçu avec la collaboration des FSI, qui ont contribué à la négociation de la loi au départ.
Sauf votre respect, je vous dirais que le Canada a besoin d'un système semblable pour protéger les titulaires de droits, parce que s'il nous faut aller en cour pour chaque infraction, on n'en viendra jamais à bout.
La présidente: Merci.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): C'est là un débat très intéressant.
Comme en toutes choses, il n'y a pas d'analogie parfaite. Mais prenons l'exemple de l'autoroute 407, de propriété privée, je crois, dans la région de Toronto. Ses propriétaires seraient-ils responsables si quelqu'un circulait sur l'autoroute 407, après le péage, avec un coffre plein de cocaïne. J'en doute fort. On peut imposer des sanctions criminelles contre le transporteur de la cocaïne et il faut donner à la police l'accès à la route, pour qu'elle le poursuive. Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi, si quelqu'un fait quelque chose sur Internet qui contrevient à la Loi sur le droit d'auteur, ou si quelqu'un circule sur la route 407, on tiendrait responsable le propriétaire du FSI ou le propriétaire de l'autoroute 407.
En gardant cette même analogie très imparfaite, s'il y avait moyen de repérer clairement un, deux, trois ou dix véhicules à l'heure qui entrent à la sortie 24, il faut qu'il y ait une collaboration entre les corps policiers et le propriétaire de la route, par exemple en mettant en place un barrage à la sortie 24, pour intercepter tous les transporteurs de cocaïne sur la route. Mais il faudrait que ce soit fait en collaboration, plutôt qu'en tenant responsables les propriétaires de la route 407.
Messieurs Spurgeon et Pfohl, que pensez-vous de cette assez imparfaite analogie?
M. Paul Spurgeon: Tout d'abord, je dirais en toute déférence que l'analogie n'est peut-être pas idéale. En regardant le diagramme, je conviens que la route 407 est cette route intermédiaire ou charnière, l'autoroute, pour ainsi dire. Mais nous avons aussi des FSI faisant fonction d'hôtes, d'afficheurs, d'intervenants veillant à ce que les gens obtiennent le droit d'auteur. Les personnes à ce bout-ci du diagramme sont des fournisseurs d'accès internet, qui touchent les frais d'abonnement mensuels et donnent accès à la musique du monde. Là est la différence avec votre analogie d'autoroute.
Il y a aussi des similarités. Les autoroutes ont manifestement des responsabilités à l'égard des conducteurs qui les fréquentent; elles doivent s'assurer qu'il n'y a pas de fissures dans le revêtement et que les véhicules ne sont pas endommagés. Mais je pense qu'on aurait une meilleure analogie, oui, avec le routeur intermédiaire ici... Et je dois dire que nous n'avons aucune objection à l'approche B qui figure dans le rapport d'étape si, quand il est indiqué que «les réponses pourraient comprendre la transmission d'avis relativement à du matériel illicite ou la perception de redevances à l'égard du matériel protégé», il est entendu que les FSI sont responsables, à l'exception des FSI qui ne font que ceci.
Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, mais si un FSI héberge un site Web, fournit accès à un abonné pour un droit mensuel, met en mémoire cache du contenu ou l'affiche, à notre sens, il devrait être responsable de son activité.
À (1015)
M. Richard Pfohl: L'analogie entre une autoroute et son usager est un peu plus exacte, car les FSI bénéficient de la vente d'un accès à la bande large haute vitesse. La publicité indique d'ailleurs souvent que c'est pour le téléchargement. Les activités qui sont illégales sont précisément celles qui entraînent des profits. Il y a un rapport plus direct.
Ce qui me préoccupe plus particulièrement est la situation où le FSI sait ou devrait savoir que prend place ce type d'activité illégale. Laissez-moi vous donner un autre exemple, en utilisant un camion. Mettons que je loue un camion à quelqu'un pour 50 $ par mois. Je découvre ensuite que cette personne se sert du camion pour aller piller le magasin de disques du voisinage et ce de façon régulière. Mais je continue de lui louer le camion et d'encaisser 50 $ par mois en location. Je pense que nos tribunaux diraient que je suis complice des activités illicites; si je sais qu'ont lieu des activités illégales, je devrais pouvoir en être tenu responsable.
Cela soulève la question de savoir quelle devrait être la réaction, quand un FSI est informé que se déroule dans son système des activités illégales. À notre sens, le propriétaire du camion ne devrait pas pouvoir limiter sa responsabilité à l'envoi d'une note au chauffeur de camion, note disant: «Je sais que vous faites quelque chose d'illégale mais tout ce que j'ai besoin de faire est de vous envoyer une note indiquant que vous faites quelque chose d'illégale, sans avoir à prendre d'autres mesures.» À notre sens, une fois que le propriétaire sait que le camion est utilisé à des fins illicites, ce propriétaire doit bien faire quelque chose pour mettre un terme auxdites activités.
M. Jim Abbott: Votre argument ne revient-il pas à dire que le FSI est là uniquement pour transmettre des documents protégés par le droit d'auteur? J'estime, quant à moi, que cette transmission est purement fortuite, de la même façon que Xerox ou d'autres fabricants de machines à photocopier peuvent être amenés à constater que leurs machines sont utilisées pour copier des documents protégés par le droit d'auteur. Je reconnais, une fois de plus, que l'analogie est imparfaite, parce que certains droits s'appliquent aux bibliothèques, etc. Je le sais. N'empêche que, si on reste dans les généralités, Xerox ou les autres fabricants de photocopieurs devraient être tenus responsables et devraient payer à SOCAN ou à d'autres détenteurs de droits une redevance, juste au cas où quelqu'un utiliserait la machine à photocopier pour reproduire un document protégé par un droit d'auteur. Comment ferait-on respecter une telle loi?
Les distributeurs par câble et par satellite ont une raison d'être bien précise: la transmission de contenu. Il y a donc, au titre de la Loi sur le droit d'auteur, des mesures permettant aux personnes qui fournissent ce contenu de recevoir des droits ou des redevances de droit d'auteur, quel que soit le terme que l'on choisisse d'utiliser, payés par les distributeurs par câble et par satellite, parce qu'ils sont là pour ça.
Un FSI, par contre, est susceptible d'avoir des documents protégés par des droits d'auteur dans son système, mais seulement de façon fortuite. Comment l'État pourrait-il déterminer que ces FSI transmettent des documents protégés par un droit d'auteur? Il me semble que la seule façon de le faire requerrait une intrusion massive dans la vie privée. L'État aurait la possibilité, qu'il s'agisse de SOCAN ou de son mandataire, d'aller fouiller dans tous les dossiers du FSI. La transmission de mes messages électroniques ou quoi que ce soit ferait alors l'objet d'un examen par une société de gestion collective. C'est un concept que je trouve personnellement malheureux. Je répugne à l'imaginer. Comment établiriez-vous un tel lien entre la perception de ces droits et les faits?
À (1020)
M. Paul Spurgeon: Tout d'abord, je ne suis pas sûr que la transmission de documents protégés par des droits d'auteur soit fortuite, pour les fournisseurs d'accès Internet, à en juger par ce qu'ont dit plus tôt de nombreux témoins.
L'analogie avec les câblodistributeurs est intéressante; c'est d'ailleurs celle que nous avons choisi de faire. Les câblodistributeurs paient pour la retransmission, comme M. Gilker l'a mentionné. Ils paient pour beaucoup de choses qu'ils transmettent, comme le font les entités qui fournissent la programmation—c'est-à-dire les entreprises de programmation. Il y a une responsabilité conjointe et individuelle, parce que le câblodistributeur et l'entreprise de programmation font tous deux partie de la chaîne de communication ou de transmission au public. Je n'ai pas de boule de cristal, mais je dirais que l'Internet va devenir à plus ou moins brève échéance le moyen privilégié de transmission télévisuelle. Il va devenir le principal vecteur de communication.
Vous ne pouvez donc pas vous permettre de porter des oeillères et de dire: «Oublions Internet, puisque nous pouvons donner des exemples où ils ne devraient pas être responsables du droit d'auteur.» Le fait est que les FSI entreprennent une activité qui entraîne une responsabilité: la communication. Si vous vous reportez au diagramme, les FSI communiquent des documents protégés par le droit d'auteur au public. En conséquence, il y a bien un degré de culpabilité ici.
Il faut une responsabilité conjointe et individuelle avec tous les autres éléments de la chaîne de communication. Faute de cela, les détenteurs de droit d'auteur pourraient se retrouver sans recours.
M. Jim Abbott: Mais je ne comprends toujours pas... Avez-vous une vague idée du pourcentage total du trafic sur Internet qui est constitué de documents protégés par un droit d'auteur?
Je pense simplement à mes propres transmissions personnelles. J'ai du mal à me souvenir quand j'ai pu recevoir des documents protégés par des droits d'auteur au cours de la semaine dernière ou du dernier mois. Je ne me souviens pas en tout cas d'en avoir moi-même envoyés. Je dois avouer qu'il y a environ deux mois quelqu'un m'a envoyé la publicité la plus adorable que j'ai jamais vue, qui était certainement couverte par un droit d'auteur. Mais c'est la seule fois, il y a deux mois environ.
Donc à votre avis, en gros, quel serait le pourcentage?
M. Paul Spurgeon: C'est peut-être vrai. Si vous lisez les annonces dans la presse, je suis sûr que le lendemain vous êtes heureux d'apprendre sur l'Internet ce qui s'est passé—ou peut-être que non. C'est peut-être quelque chose qui est protégé par un droit d'auteur aussi.
Vous voulez avoir mon avis sur le pourcentage? Je n'ai pas de données précises et j'ignore donc quel est ce pourcentage. Ce que je sais, c'est qu'il augmente chaque jour. Je crois qu'on a publié des statistiques sur le nombre de fichiers partagés. C'est de plus en plus un moyen d'accéder à des oeuvres protégées par un droit d'auteur. Je pense qu'il va y avoir de plus en plus de migration des médias vers l'Internet et de migration des droits d'auteur. Il ne faut pas avoir une vision à courte vue et se contenter de dire : « Ce sera différent et par conséquent... ».
Que se passera-t-il le jour où les fournisseurs de services Internet pourront vraiment suivre la trace de tout cela et savoir exactement... En fait, ils peuvent peut-être déjà le faire, je ne sais pas. Mais s'il existe des moyens techniques de suivre avec plus de précision les transmissions et de poursuivre les auteurs des infractions, alors je pense qu'il vaut mieux ne pas s'en prendre à toute la mécanique.
La présidente: M. Kerr-Wilson voulait faire une remarque.
Je vais poursuivre et je vous redonnerai la parole, monsieur Abbott.
À (1025)
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Excusez-moi. Je tiens à répondre parce que ce matin, on a fait à plusieurs reprises l'analogie entre les fournisseurs de services Internet et les câblodistributeurs. Or, je suis bien placé pour me prononcer sur cette analogie.
Il y a une différence fondamentale, du point de vue du droit d'auteur, entre un câblodistributeur et un fournisseur de services Internet. En effet, le câblodistributeur hérite d'une chaîne contractuelle de titres sur toutes les oeuvres qu'il propose à ses abonnés. Lorsqu'un câblodistributeur acquiert une licence d'un service spécialisé, il en obtient les droits. Le service spécialisé a une licence avec le producteur de l'émission. Le producteur de l'émission a une licence avec l'auteur du script et avec les acteurs. Par conséquent, tout au long de cette chaîne, les droits ont été acquittés. Tout le monde a été rémunéré. Le service spécialisé dit au câblodistributeur: «Voici mon signal; tous les droits ont été acquittés, sauf celui de la SOCAN.»
On se rend ensuite à la Commission du droit d'auteur qui nous dit qu'en plus de tous les autres droits déjà achetés, il faut verser quelque chose à la SOCAN, et c'est ce que nous faisons.
Un fournisseur de services Internet n'a absolument aucune relation contractuelle avec la grande majorité des fournisseurs de contenus à l'échelle du monde. Lorsque nos abonnés naviguent sur Internet et décident de voir ce que propose aujourd'hui le site du Musée d'art moderne de Pologne, nous n'avons aucune relation avec ce musée et nous ne pouvons pas acquitter les droits sur ces oeuvres. C'est impossible. Nous ne savons même pas que nos abonnés fréquentent ce site. Il n'y a pas de chaîne de titres qu'on pourrait faire valoir à l'abonné pour dire que nous avons acquitté tous les droits d'un bout à l'autre de la chaîne. Voilà la différence fondamentale entre les deux. Et c'est ce qui pèche dans l'analogie entre les fournisseurs de services Internet et les câblodistributeurs.
J'aimerais aussi revenir sur l'analogie avec la location de camions, car la demande est adressée non pas au propriétaire d'un camion qui a été loué, elle est adressée à Hertz, à qui on signale: « ll se pourrait que l'un des camions de votre réseau nord-américain ait été utilisé pour voler un magasin de disques. Il faut l'arrêter.» Et Hertz répond: «Adressez-vous à la police. Adressez-vous aux tribunaux. Je ne sais pas à quoi servent mes camions. J'en ai des millions en circulation. Je ne peux pas tous les suivre et savoir ce que contient chacun d'entre eux. Mon travail consiste à louer des camions et non pas à demander à mes clients de rendre compte de leurs activités quand ils utilisent l'un de mes camions.»
L'argument de la SOCAN équivaut à s'adresser à Hertz en disant: «2 p. 100 de vos camions peuvent avoir été utilisés pour transporter des disques d'un point A à un point B. Donnez-moi un chèque.» S'il faut payer la SOCAN, les éditeurs de livres vont dire: «Qui sait, peut-être y avait-il des livres dans l'un de ces camions. Donnez-moi un chèque.» Et soudain, tous ceux qui pourraient avoir eu quelque chose dans l'un de nos camions vont demander un chèque, sans même avoir à prouver que nos camions ont été utilisés pour transporter leurs biens. En définitive, on ne pourra plus se permettre de louer des camions à moins de demander un tarif horaire de 10 000 $ parce qu'il faudra payer pour tout ce qui pourrait être transporté dans le camion.
L'échelle du réseau Internet est telle que toute analogie devient très dangereuse. Compte tenu de cette échelle et de la quantité de travail, le fait d'isoler un type particulier de travail... Si Internet servait exclusivement à nous transmettre que des oeuvres musicales et des enregistrements sonores, le problème serait totalement différent. Mais sauf votre respect, les clients de M. Pfohl et les personnes représentées par M. Spurgeon ne représentent qu'une très petite proportion du matériel transmis. Toute règle imposée pour leur venir en aide devra s'appliquer ensuite à 4 milliards d'autres oeuvres. Nous courons à la ruine si nous essayons de faire fonctionner un tel système. C'est ce que nous vous demandons de considérer.
La présidente: Nous allons passer de ce côté-ci pour les questions, puis nous reviendrons de l'autre côté.
À vous, monsieur Harvard.
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): J'aimerais avoir le point de vue de Wendy Noss sur la difficulté évoquée par M. Kerr-Wilson. Qu'est-ce que vous auriez à lui répondre?
Mme Wendy Noss: Pour reprendre l'analogie qui semble nous coller à la peau ce matin, celle des locations de camions, le comité souhaitera peut-être considérer le fait que dans ce cas et dans le cas mentionné par M. Thomson ce matin, nous sommes en présence d'une activité criminelle. C'est à la police qu'il incombe de s'occuper des activités criminelles.
Même s'il peut y avoir des infractions criminelles en matière de droit d'auteur, de façon générale, on est dans le domaine civil. La GRC fait appliquer la loi, c'est-à-dire qu'elle fait enquête et qu'elle s'occupe du piratage commercial. En cas de non-respect d'un droit d'auteur, c'est au titulaire de ce droit de le faire valoir au civil. Et c'est pourquoi il faut sans doute envisager des solutions différentes selon qu'on se situe au civil ou au criminel.
L'hon. John Harvard: Je ne m'égarerai pas dans le domaine criminel. Il y a là effectivement un problème, mais je ne pense pas qu'il soit essentiel pour nous. Par exemple, si vous vous reportez à la page 5 de l'exposé de M. Kerr-Wilson, vous voyez qu'il se préoccupe de la généralisation... Je peux vous en lire un extrait, Wendy. Il dit que les fournisseurs de services Internet
auraient une responsabilité à l'égard de n'importe quel poème, nouvelle, article, enregistrement sonore, oeuvre musicale, programme informatique, photographie, oeuvre audio-visuelle, calque, base de données, esquisse, exécution d'une oeuvre, recherche scientifique, essai, travail critique, discours, commentaire politique, bande dessinée, etc. |
Voilà le labyrinthe qu'il envisage, et je ne pense pas qu'on puisse l'ignorer. J'ai travaillé pendant plusieurs années à la CBC et en tout état de cause, j'ai un préjugé favorable pour les créateurs; je souhaite qu'ils soient rémunérés aussi souvent que possible, mais cependant, il faut aussi tenir compte de ce labyrinthe, de tous ces obstacles auxquels font effectivement face les fournisseurs de services Internet, les câblodistributeurs, etc. À votre avis, comment s'y retrouver?
À (1030)
Mme Wendy Noss: Je dois reconnaître qu'on ne peut pas isoler les droits d'exécution de tous les droits d'auteur sur n'importe quels types d'oeuvres. Effectivement, il y a une analogie et tout régime législatif applicable dans un cas devrait nécessairement s'appliquer à tous les autres types d'oeuvres qui, comme vous le dites, sont protégées par un droit d'auteur, quel qu'en soit le titulaire.
L'hon. John Harvard: J'aimerais reprendre les propos de M. Abbott, car il ne sait pas quand il se sert sur Internet d'un document protégé par un droit d'auteur, et je partage ses interrogations.
L'autre jour, j'ai entendu dire à la télévision que le Los Angeles Times avait remporté le prix Pulitzer grâce à une série d'articles consacrés à notre grand ami Wal-Mart. Je n'ai pas lu ces articles, mais l'information a piqué ma curiosité et je suis allé consulter Internet le jour même pour obtenir cette série d'articles. À ce propos, je vous conseille de les lire. Ils sont très intéressants, en particulier si vous avez des reproches à adresser à Wal-Mart.
Le problème, c'est que chaque document forme une partie infinitésimale des biens que propose le fournisseur de services Internet ou le câblodistributeur. Même si ce n'est qu'une partie infinitésimale de ces biens, c'est néanmoins un bien. Je ne sais pas si c'est le Los Angeles Times ou l'auteur des articles qui est en cause, mais une fois les articles écrits, quelles sont les responsabilités de chacun dans l'éventualité où les articles remportent un prix Pulitzer qui en augmente la valeur? Est-ce qu'il aurait fallu le deviner dès le départ et aller réclamer un montant supplémentaire pour les articles? Comment procède-t-on dans une telle situation?
Je pose la question à M. Spurgeon.
M. Paul Spurgeon: M. Abbott soulève un point intéressant. Il y a effectivement divers types de droits d'auteur sur l'Internet, mais certains ont pris des mesures pour passer outre à ces droits ou peut-être qu'on peut simplement les appliquer parce que la situation n'est pas très claire. Ces documents appartiennent au domaine public, mais certains titulaires de droits d'auteur préfèrent octroyer des permis autrement. C'est un peu ce que j'essaie de dire.
Comme l'a dit M. Kerr-Wilson, d'habitude nous octroyons un permis à l'utilisateur final parce que c'est une façon simple de procéder et cela constitue une autorisation générale. Nous octroyons des permis aux câblodistributeurs et peu importe si vous visionnez tout... Les abonnés payent pour un bouquet de services de leur compagnie satellite ou de leur compagnie de câble même s'ils ne regardent pas tous les postes. Vous ne profitez pas de tous les droits d'auteur qui vous sont offerts. Vous regardez probablement une poignée seulement de postes préférés, mais vous payez des frais généraux pour pouvoir le faire.
Nous décidons d'octroyer des permis de cette façon et nous devons pour cela imposer une responsabilité à ceux qui, selon nous, communiquent avec le public. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Si quelqu'un comme cet auteur d'articles sur Wal-Mart a obtenu son droit d'auteur ou ses droits autrement, nous ne pouvons rien n'y faire.
Nous octroyons des permis aux radiodiffuseurs qui ont déjà acquis des droits de producteurs qui ont à leur tour acquis des droits de scénaristes. Il y a donc divers moyens d'octroyer des permis pour les droits d'auteur. Cela se base cependant sur l'obligation de ceux qui communiquent le document au public et nous croyons que c'est ce que font les fournisseurs de services Internet.
À (1035)
La présidente: Monsieur Thomson.
M. Jay Thomson: Je voulais seulement ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Spurgeon. La société soeur de SOCAN aux États-Unis octroie des permis aux fournisseurs de contenus et non pas aux FSI; elle n'essaie pas d'octroyer des permis aux FSI.
La présidente: Monsieur Pfohl.
M. Richard Pfohl: Je voudrais seulement apporter une précision. Comme l'a signalé M. Spurgeon, il existe toutes sortes de façons d'octroyer des permis, mais dans tous les cas, il faut disposer d'outils efficaces pour prévenir les violations du droit d'auteur, sinon tout le monde en souffrira et plus personne ne rédigera d'articles pour exposer Wal-Mart ou pour d'autres raisons parce que les créateurs ne seront plus rémunérés.
Je précise cependant que les membres de mon organisme ne procèdent pas de la même façon que l'organisme de M. Spurgeon. Essentiellement, SOCAN a un système d'autorisation générale et c'est pour cela qu'elle s'intéresse davantage à un système d'indemnisation comme les redevances. Dans notre cas, nous octroyons un droit exclusif de reproduction. Nous faisons nos ventes point à point et chaque vente produit des recettes. S'il y a violation sur l'Internet et que nous ne puissions pas nous en occuper, cela nous fait du tort à nous aussi.
Comme je le disais au début de mon exposé, si l'on doit adopter une loi pour définir la responsabilité des FSI, nous tenons à nous assurer tout d'abord que, si l'on fait une exception dans la Loi sur le droit d'auteur pour un groupe d'intervenants, cette exception doit être définie de façon très stricte en fonction de certains principes et en fonction d'activités particulières. Si les FSI savaient ou auraient dû savoir que certains documents qui violent le droit d'auteur sont diffusés par les réseaux, ils ont certaines obligations de s'occuper du problème, parce que s'ils ne le font pas, personne d'autre ne pourra le faire.
Je voudrais aussi mentionner pour terminer que l'une des formes les plus courantes de violation depuis cinq ans est reliée aux services d'égal à égal. Tout d'abord, 98 p. 100 de ce qui est transmis par ces services est de la musique et cette transmission viole généralement le droit d'auteur. Très souvent, ces services ont été organisés non pas comme un réseau efficace, mais dans le but particulier de contourner la Loi sur le droit d'auteur. Nous devons donc nous assurer que, quand le Canada adoptera une loi sur la responsabilité en matière de droit d'auteur, nous n'oublions pas les services d'égal à égal qui ont été mis sur pied pour violer la loi et réaliser des bénéfices en vendant de la publicité aux utilisateurs.
Ce que nous proposerions, c'est ceci. Supposons qu'un fournisseur de services Internet, pour utiliser le terme plus précis que propose M. Gilker, autorise quelqu'un à utiliser un service d'égal à égal. Si nous constatons que ce service offre des milliers d'oeuvres de nos membres sur l'Internet, comme cela arrive régulièrement, et que nous en avisions le FSI, celui-ci devrait empêcher cette personne de continuer pour qu'elle cesse d'empiéter sur le droit d'auteur de nos membres. Selon nous, les fournisseurs de services Internet devraient s'en occuper.
La présidente: Monsieur Harvard.
L'hon. John Harvard: Je voudrais entendre l'avis de Mme Noss. Vous êtes peut-être l'intervenante la plus impartiale que nous ayons ici, mais je n'en suis pas vraiment certain.
Des voix: Oh, oh!
Mme Wendy Noss: Merci du compliment.
L'hon. John Harvard: Ma dernière question tient au fait que nous ne vivons pas dans un monde parfait. Bien entendu, je voudrais que les créateurs soient indemnisés dans la mesure du possible et, même si les fournisseurs de services Internet ou les câblodistributeurs ne peuvent pas s'attendre à obtenir quelque chose pour rien, le monde n'est pas parfait.
Pour revenir à l'analogie des articles sur Wal-Mart dans le Los Angeles Times, je peux comprendre que, au départ, le journal ou l'auteur des articles doivent s'occuper avant tout de leurs propres intérêts, peu importe ce qu'ils sont. Mais vu la nature de l'Internet, on ne peut pas penser pouvoir le protéger dans tous les cas. Imaginons que quelqu'un en Hongrie ou en Australie reprenne cet article. L'auteur des articles ou le Los Angeles Times ne peuvent pas s'attendre à obtenir des droits chaque fois. Ce n'est pas ainsi que le monde fonctionne.
Que pouvons-nous faire, nous les responsables élus?
À (1040)
Mme Wendy Noss: Il me semble que la gamme de solutions législatives dont on parle dans le rapport et autour de la table aujourd'hui sont une série de possibilités et la solution que proposent SOCAN et M. Spurgeon d'octroyer des autorisations générales en est une. Il y a aussi pour A et B quelque chose qui se rapproche davantage de ce que propose M. Pfohl, soit de limiter la responsabilité, mais cela impose des obligations positives si vous avez des preuves réelles ou raisonnables qu'on a empiété sur des droits. À partir de là, vous pouvez aller jusqu'à la solution qui imposerait une limite à la responsabilité, mais qui comporterait des conséquences civiles quelconques si quelqu'un ne fait pas ce qu'il doit.
Je pense donc qu'on vous propose une gamme de solutions qui vont d'un extrême à l'autre plutôt qu'une solution mitoyenne. Au lieu de préconiser l'un ou l'autre extrême, il me semble que vous devriez voir ce qu'il se fait à l'échelle internationale. Notre propre loi établit déjà une distinction entre les cas où le fournisseur sait qu'il y a violation et lorsqu'il ne le sait pas. J'espère que cela vous sera utile.
La présidente: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Je veux simplement obtenir un éclaircissement. Suite à notre discussion, je réfléchissais aux contenus que je reçois. Par exemple, mon parti est abonné à un service de presse, et chaque matin, des membres du personnel font un résumé de tous les articles qui nous intéressent particulièrement et qui portent sur des sujets précis. Ces articles sont classés selon leur catégorie, ils sont organisés en un document que nous recevons, et nous pouvons ensuite appuyer sur une touche et l'article qui nous intéresse s'affiche à l'écran.
Je serais tout à fait renversé si je découvrais que les conséquences de cette façon de faire étaient contraires à l'explication suivante. Je suppose que ce service de presse paie CanWest ou une autre organisation afin d'acquérir les droits d'auteur sur l'article en question, article que je puis ensuite obtenir. Ainsi, dans l'exemple que j'ai mentionné, j'ai accès à l'article par l'entremise du fournisseur de services Internet. En réalité, il y a eu une transaction entre mon employeur et les fournisseurs de services portant sur les articles protégés par le droit d'auteur qui sont dans le domaine public. Comme ces fournisseurs assurent leur rentabilité en colligeant ces articles afin de les faire parvenir à mon ordinateur pour que je puisse les consulter facilement, ces fournisseurs versent des frais de droits d'auteur à CP, à CanWest ou à toute autre organisation qui leur livre les articles. C'est ainsi que beaucoup de gens, dont je fais partie, reçoivent ce contenu, soit grâce à cette entente.
Je voudrais toutefois revenir au volet inorganisé. Monsieur Pfohl, je crois que vous avez parlé du fait que si l'entreprise savait ou aurait dû savoir, alors elle était responsable. Encore une fois, selon notre analogie tout à fait imparfaite, en qualité d'actionnaire de l'autoroute 407, ce que je ne suis pas, mais si je l'étais, je saurais qu'une personne transporte de la cocaïne dans la valise de son automobile. Suis-je responsable du fait que quelqu'un enfreint la loi en utilisant mon véhicule? Je suggère que la réponse est non. Peut-être que, selon vous, je serais responsable.
M. Richard Pfohl: Non, j'appliquerais les normes dont Mme Noss a dit qu'elles existaient déjà dans la Loi sur le droit d'auteur au chapitre de la distribution. En vertu de la Loi sur le droit d'auteur, si vous distribuez un produit qui est en violation de la loi, et si vous savez ou devriez savoir qu'il y a violation, alors vous serez tenu responsable. Cela exige une connaissance particulière; il faudrait que vous sachiez par exemple que cette oeuvre en particulier est en violation de la loi, ou que vous auriez dû savoir que cette oeuvre en particulier était en violation de la loi. Cela ne signifie pas qu'il y ait un système qui s'applique lorsque quatre milliards d'oeuvres font l'objet de transactions alors que certaines d'entre elles constituent clairement des violations de la loi.
À (1045)
M. Jim Abbott: Mais c'est exactement ce que je voulais dire. Comment un fournisseur de services Internet pourrait-il savoir que je télécharge en amont ou que je télécharge du contenu protégé par le droit d'auteur? C'est exactement ce que je voulais soulever. À moins qu'il n'y ait une atteinte flagrante à ma vie privée, je ne peux imaginer une telle chose dans notre société libre et démocratique.
M. Richard Pfohl: Je ne dis pas que les fournisseurs devraient savoir tout ce que font les usagers de leur système.
M. Jim Abbott: De quelle autre façon pourraient-ils s'en rendre compte? Je suppose que c'est là ma question.
M. Richard Pfohl: Je parle d'une situation où les fournisseurs le savent, par exemple, lorsqu'on le leur dit. Quelle mesure devraient-ils prendre?
Aux États-Unis, les fournisseurs de services Internet ont discuté avec les entreprises de contenu et ils se sont entendus sur une formule, connue sous le nom de formule de retrait. Cette entente a été négociée avec les fournisseurs de services Internet. Selon la formule, si vous produisez des preuves, si vous jurez sous peine de parjure qu'un site Internet porte atteinte aux droits d'auteur concernant votre contenu, les activités du site seront interrompues. La personne qui a affiché le contenu pourra réagir, et, s'il y a erreur, le site sera réactivé. Si les règles sont suivies, le fournisseur de services Internet ne sera trouvé responsable ni pour la personne qui a affiché le contenu au départ, ni pour la personne qui allègue qu'il y a violation. C'est une façon d'avoir un système exploitable sur lequel tout le monde s'entend au sujet de la connaissance, et non d'une hypothèse voulant que des usagers du système s'adonnent certainement à des activités illégales.
Nous recherchons des solutions réalisables à ces problèmes qui soient acceptables pour tous les intervenants. Je le répète, je crois que la démarche du type avis et de retrait en est une.
La présidente: Monsieur Thomson, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Jay Thomson: Je voulais simplement poursuivre dans le même ordre d'idées que la question de M. Abbott. Plus tôt, j'ai fait allusion à la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCH. Cet arrêt stipule que le tribunal devrait présumer que les personnes qui permettent une activité le font seulement dans la mesure où cette activité est légale. Cela revient à ce que vous souleviez, c'est-à-dire qu'on sait qu'il existe une telle activité. On est en droit de présumer que cette activité est légale, et non illégale.
M. Jim Abbott: Je veux être certain de comprendre quelque chose. J'avais peut-être mal interprété les propos de M. Pfohl et surtout de M. Spurgeon au nom de leurs associations.
Au départ, j'ai eu l'impression que vous proposiez qu'un type de frais de droits d'auteur soit versé à la SOCAN, par exemple, par les fournisseurs de services Internet, afin d'anticiper les usages de contenus protégés par des droits d'auteur. Maintenant je perçois les choses différemment, et comme vous vous exprimez au nom de deux organisations tout à fait distinctes, il y aura peut-être une distinction à faire. M. Pfohl semble dire que son organisation privilégierait un système semblable à celui qui est en vigueur aux États-Unis, système en vertu duquel les titulaires de droits peuvent être protégés.
Voilà ce que propose M. Pfohl. Puis-je vous demander, monsieur Spurgeon, si vous avez la même suggestion, ou si vous dites que les fournisseurs de services Internet devraient avoir la responsabilité de vous verser une redevance qu'ils devraient s'efforcer de percevoir?
M. Paul Spurgeon: Nous proposons que les fournisseurs de services Internet versent une redevance fixée par la commission. La Commission du droit d'auteur déciderait d'un taux raisonnable dans les circonstances, selon la responsabilité des fournisseurs de services Internet. Je vais apporter une précision au sujet du diagramme. Nous disons que les fournisseurs sont responsables, mais ils ne sont pas responsables dans ce cas-ci. Tous ces intervenants sont des fournisseurs d'accès Internet ou des fournisseurs de services Internet, mais ces fournisseurs de services Internet ne le sont pas. Nous suggérons qu'ils ne soient pas tenus responsables, en d'autres termes, qu'il y ait une exception généralisée, à moins qu'ils ne fassent ceci. Selon nous, il faudrait une responsabilité générale, à moins que l'on ne parle des intervenants qui se trouvent ici, c'est-à-dire des routeurs intermédiaires. Ainsi, pour répondre à votre question, ces intervenants seraient responsables conjointement et solidairement avec les autres intervenants de la chaîne, les sites Internet, et devraient nous verser des redevances.
M. Jim Abbott: Ils sont coupables à moins qu'ils ne prouvent leur innocence.
M. Paul Spurgeon: Ces entreprises auraient la responsabilité de nous verser des redevances, au taux qui s'applique à chacune d'entre elles, si elles procèdent de cette façon.
Je ne veux pas revenir à cette analogie avec le câble, néanmoins, les entreprises de programmation, de même que les entreprises de câblodistribution qui communiquent du contenu au public, sont responsables. À l'heure actuelle, ces intervenants sont parvenus à une entente et ils paient des droits à la SOCAN pour la communication du groupe de signaux, je crois qu'il existe maintenant 500 canaux. Ils nous versent des droits, chaque mois, pour ce service. C'est ainsi que j'envisage la situation dont nous discutons.
Je ne dis pas que seuls les fournisseurs d'accès Internet seront responsables. Selon nous, il doit exister une responsabilité conjointe et solidaire qui pèse sur tous les intervenants de la chaîne, car il s'agit bien d'une chaîne. Certains maillons de la chaîne, qui consistent en fait en des routeurs intermédiaires, doivent être exemptés. Ce sont les arguments que nous avons soumis à la Cour suprême, c'est-à-dire que nous ne voulons pas que ces intervenants soient tenus responsables ou qu'ils doivent payer des droits.
À (1050)
M. Jim Abbott: Quelle a été la décision de la Cour suprême?
M. Paul Spurgeon: Nous l'attendons.
L'hon. John Harvard: J'aimerais simplement que M. Kerr-Wilson ou M. Thomson m'indique, si nous, à titre de législateurs options pour un régime quelconque de protection du droit d'auteur qui satisferait M. Spurgeon, ou M. Pfohl, ou les deux, est-ce que cela acculerait les FSI et les compagnies de câblodistribution à la faillite? Car finalement, cela revient à une question d'argent. S'il ne s'agissait pas d'une question d'argent, je ne crois pas que nous tiendrions cette séance. En définitive, il s'agit d'une question d'argent.
Je devrais peut-être poser la question autrement. De toutes les oeuvres transmises par vos systèmes à l'heure actuelle, avez-vous une idée du pourcentage des oeuvres qui sont protégées et des montants supplémentaires que vous devriez payer au groupe de M. Pfohl ou de M. Spurgeon si vous étiez assujettis à un nouveau régime de protection du droit d'auteur? En avez-vous une idée?
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Non, et c'est là le problème.
L'hon. John Harvard: Vous n'en avez aucune idée, et même si vous l'ignorez, cette perspective bien sûr vous effraie.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Tout à fait. Nous ne pouvons même pas évaluer l'ampleur de la responsabilité massive que cela représenterait, parce que nous ne pouvons pas mesurer...
L'hon. John Harvard: Ce que vous êtes en train de dire c'est que cela pourrait être énorme et que vous ne pouvez pas par conséquent courir ce risque.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Ce serait énorme. Nous savons que cela représenterait au moins quatre milliards d'oeuvres, à quelque moment que ce soit.
Selon la théorie de M. Spurgeon, nous ne serions pas responsables des oeuvres qui sont effectivement transmises; nous serions responsables pour toute oeuvre qui serait transmise. Nous serions responsables pour toute oeuvre existante que l'un de nos abonnés pourrait vouloir regarder.
L'hon. John Harvard: Mais ce n'est que pour une partie de ces oeuvres que des droits d'auteur seraient réclamés.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Je dirais que si le gouvernement canadien accrochait un écriteau au cou des FSI, annonçant venez vous faire payer ici, il y aurait un groupe assez important qui se manifesterait probablement, parce qu'il n'aurait pas à établir que des Canadiens avaient effectivement utilisé leurs oeuvres. Nous aurions donc un collectif, des groupes organisés qui se donneraient comme mission d'exiger une licence canadienne, peu importe où ils se trouvent dans le monde.
L'hon. John Harvard: Monsieur Thomson.
M. Jay Thomson: Entre la démarche de M. Spurgeon, qui est axée sur des licences générales auxquelles se rattache une responsabilité, et la démarche de M. Pfohl, qui préconise la formule de l'avis et du retrait, nous rejetons catégoriquement la démarche proposée par M. Spurgeon.
En ce qui concerne la démarche proposée par M. Pfohl, nous avons en fait un système semblable à celui-là à l'heure actuelle, qui est notre régime d'avis simple, qui est moins lourd à administrer que le système d'avis et de retrait. Il n'y a que trois étapes à suivre pour transmettre l'avis à l'utilisateur final puis aviser les détenteurs de droit que cette mesure a été prise. Ce régime s'est avéré efficace dans 80 p. 100 des cas où il a été appliqué.
En fin de compte, je dirais que la différence entre la démarche que nous proposons et celle de M. Pfohl se situe au niveau de la notion de connaissance—comment un FSI saura que l'un de ses clients ne respecte pas les droits d'auteur. Nous soutenons, comme nous l'avons fait dans le cas de la pornographie juvénile et de la propagande haineuse, que s'il n'y a pas connaissance, il ne doit pas y avoir de responsabilité, mais nous reconnaissons que s'il y a bel et bien connaissance, il existe une obligation de réagir.
Nous considérons que la loi ne devrait pas accorder aux titulaires de droit plus de pouvoirs d'agir comme juge et partie que n'en a la police en ce qui concerne la pornographie juvénile et la propagande haineuse. Ils ne devraient pas avoir le pouvoir de déterminer si une question ou activité est légale ou illégale. Ce rôle appartient aux tribunaux. Notre régime d'avis simple prévoit que si aucune mesure corrective n'est prise suite à l'avis, alors les titulaires de droits peuvent s'adresser aux tribunaux pour obtenir réparation.
À (1055)
La présidente: Monsieur Pfohl.
M. Richard Pfohl: J'aimerais mentionner deux choses en réponse à ce qui vient d'être dit. Premièrement, comme je l'ai mentionné, le recours aux tribunaux est simplement trop compliqué et il est extrêmement difficile de résoudre ce genre de choses.
Deuxièmement, je tiens à réfuter l'une des observations faites par M. Thomson. Nous ne prétendons pas que nous devrions être juges et parties de ce qui est légal ou illégal. Comme je l'ai déjà dit, la disposition d'avis et de retrait prévoit que nous devons prêter serment, sous peine d'être accusés de parjure, que nous croyons qu'il y a violation du droit d'auteur de nos oeuvres. La personne qui a utilisé l'oeuvre peut présenter un contre-avis, après quoi le FSI prend des mesures. Le FSI n'a aucune responsabilité. S'il s'avère effectivement que nous avions tort, nous pouvons d'une part être tenus criminellement responsables d'avoir fait un faux serment; et deuxièmement, l'oeuvre peut être présentée à nouveau.
J'ai mentionné dans ce contexte le système en vigueur aux États-Unis. Selon les statistiques, il y a eu 158 000 avis sur une période de 18 mois et dans presque tous les cas, le contenu a été démantelé et retiré parce qu'il y avait empiètement sur le droit d'auteur. J'ai parlé de 17 cas mais il y a eu en fait 13 cas où l'afficheur du contenu a contesté ce droit; et dans seulement trois de ces cas a-t-on jugé que le FSI faisait erreur, si bien que le contenu a été rétabli.
Je tiens à ajouter que la sanction pénale en cas de parjure n'a été invoquée dans aucun des cas en prétendant qu'un titulaire de droits d'auteur s'était parjuré. Autrement dit, les titulaires des droits d'auteur ont violé la loi en faisant de fausses déclarations à propos de leurs oeuvres dans zéro cas sur 158 000. C'est donc un régime qui permet de déterminer s'il y a eu atteinte à des droits et non qui est détenteur de ces droits.
La présidente: Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PC): Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui car j'ai beaucoup appris. J'ignorais ce que représentaient ces acronymes qui figuraient dans certains documents que j'ai lus. Je vous en remercie.
Je vais peut-être simplement faire des déclarations ici ce matin qui ne s'appliqueront pas nécessairement à Internet. Je pense que nous devons examiner ce qui se passera si nous ne prenons pas les décisions appropriées dans certains de ces cas de droit d'auteur.
Je risque de m'écarter légèrement du sujet, mais comme nous avons M. Spurgeon aujourd'hui de la SOCAN, j'ai un message à lui transmettre de la part d'un grand nombre de groupes de l'armée et de la marine et d'un grand nombre des légions qui se trouvent dans une situation très difficile en raison de l'argent qu'ils doivent verser à la SOCAN. Un grand nombre de ces groupes et de ces légions ont essayé de recueillir des fonds pour maintenir leurs établissements et s'occuper de leurs anciens combattants. C'est donc le message que je vous transmets. On pourrait peut-être envisager une mesure quelconque à l'intention de certains de nos organismes destinés aux anciens combattants.
Dans la petite localité où je vis, nous avons un centre communautaire et il y a un certain nombre d'années, nous y organisions des danses et des activités destinées à recueillir des fonds pour maintenir le centre communautaire, entre autres choses. Je me rappelle avoir parlé au syndicat local des musiciens à l'époque. À cette époque, nous ne pouvions pas utiliser des disc-jockeys. Chaque fois qu'il y avait des danses et des mariages, il fallait faire appel à des groupes de musiciens.
Nous avons tâché de leur dire ce qui se produirait probablement. Et c'est effectivement ce qui s'est produit, avec le temps. Les danses sont devenues très rares. Les groupes de musiciens pouvaient être appelés à jouer dans ce centre une ou deux fois par année. Cela est devenu tellement coûteux que nous ne louions plus l'édifice que la moitié du temps parce qu'il n'est pas rentable de payer pour la présence de ces musiciens.
Ce sont donc tous les aspects dont il faut tenir compte lorsqu'on examine cette industrie. Je peux comprendre les points de vue des musiciens. Je suis maintenant d'avis que si une activité illégale a lieu sur Internet et que le fournisseur est au courant, il lui incombe de retirer l'oeuvre en question.
L'important c'est que nous tenons à nous assurer, quelles que soient les mesures que nous prenons ici, que cela ne compromet pas certains des petits groupes dont je m'occupe. Je suis abonné au câble—à trois différents endroits, en fait—donc je comprends la situation. Je suis branché à Internet; j'ai de la difficulté à y accéder mais je parviens à trouver quelqu'un qui peut y accéder et me trouver les choses dont j'ai besoin.
L'important... À Stratford en Ontario, la Stratford Agricultural Society avait l'habitude de louer la salle pour y tenir très souvent des danses; ce n'est plus possible aujourd'hui en raison des frais que nous devons demander. Parfois il s'agit simplement de 50 $ ou 100 $ de plus qui s'ajoutent aux frais de location et qui doivent être versés à la SOCAN ou aux musiciens qui se produiront, et les danses n'ont alors pas lieu. Ils vont ailleurs où il existe une protection générale, je suppose.
Je viens probablement de faire une déclaration. J'ignore si je peux obtenir une réponse de la SOCAN pour les légions et les groupes de l'armée et de la marine que je représente et s'il y a quelque chose qui peut être fait à cet égard.
Á (1100)
M. Paul Spurgeon: Je suis certainement en mesure de vous répondre au sujet de la danse. La Commission du droit d'auteur a récemment examiné le tarif dont je peux vous fournir une copie. Nous jugeons que la somme exigée pour les danses n'est pas considérable, lorsque vous tenez compte de l'ensemble des coûts à assumer lorsqu'on organise une danse. Par exemple, il faut payer l'ensemble des biens et services—le barman, les boissons alcoolisées, la location de la salle et les décorations. Les frais pour la musique—les redevances—ne constituent qu'une part minuscule du budget total d'une danse.
En ce qui a trait aux musiciens, c'est bien entendu une autre paire de manches. L'AFM se préoccupe de la diminution graduelle de la demande pour ses musiciens. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de jeu et qui vont bien au-delà du coût des musiciens. De nos jours, bon nombre de jeunes écoutent de la musique qu'enregistrent des disc-jockeys plutôt que d'assister à un concert. C'est une question de culture.
Vous avez sans doute remarqué qu'au fil du temps la taille des troupes de musiciens a diminué. Lorsque j'étais enfant, les fanfares comprenaient des cors alors que maintenant elles ne sont composées que d'un ou deux musiciens et d'un synthétiseur doté de toutes les options. Ainsi, la culture ou la société change.
Mais nous sommes convaincus que les redevances sont raisonnables. Comme je l'ai déjà dit, la Commission du droit d'auteur les a déjà examinées.
La présidente: J'aimerais à mon tour poser quelques questions avant d'amorcer un autre tour.
Une des démarches envisagées s'appelle la procédure de l'avis simple. J'aimerais que quelqu'un m'explique pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas. Pourquoi est-ce que la procédure de l'avis et retrait, dont on a déjà discuté, est préférable? On se préoccupe entre autres de ce qui se produirait si un différend surgissait?
J'aimerais également que vous, monsieur Thomson et monsieur Kerr-Wilson, me fassiez part de vos observations sur la distinction qu'a faite M. Gilker entre les FSI et les FAI.
Monsieur Kerr-Wilson, vous avez parlé des câblodistributeurs. Ces entreprises doivent obligatoirement détenir un permis de retransmission, ce qui permet de tenir compte du droit d'auteur. Les fournisseurs de services Internet n'ont pas à obtenir de tels permis. Lorsque j'entends M. Spurgeon parler du fait que l'Internet est la voie d'avenir de la télédiffusion, ça me préoccupe. Il faudra bien d'une façon ou d'une autre se pencher sur cette question. J'aurais beaucoup de crainte si on ne le faisait pas, si l'Internet devenait le principal média.
J'aimerais donc que vous me fassiez tous les deux part de vos commentaires sur la distinction entre les FAI et le FSI.
Monsieur Thomson, vous revenez sans cesse sur la question judiciaire. Nous savons tous que ce sont les services policiers qui traitent des activités qui relèvent du droit pénal. Suggérez-vous que l'on impose des droits d'auteur maintenant et que l'on propose des dispositions de droit pénal... Je crois que votre analogie entre les deux est totalement dépourvue de pertinence dans le contexte. On ne perçoit pas les problèmes de droits d'auteur comme s'ils découlaient d'activités criminelles et les corps policiers ne s'occupent pas des recours de matière civile dans un certain nombre de domaines. Je juge donc qu'il ne soit pas du tout pertinent ni approprié de parler de considérations de droit pénal dans ce contexte.
Peut-être pourrions-nous d'abord expliquer pourquoi la procédure de l'avis simple ne fonctionne pas et retrait lui est préférable. Que pensez-vous des préoccupations sur le fait que la procédure de l'avis et retrait pourrait être assujettie à... Qu'arrive-t-il en cas de différend? C'est là ma première question.
En dernier lieu, j'aimerais aborder la question des services d'égal à égal, où l'on effectue 98 p. 100 des téléchargements. Pouvez-vous nous expliquer comment ils fonctionnent et ce que nous pouvons faire pour y mettre fin.
Á (1105)
M. Richard Pfohl: J'ai mentionné la procédure de l'avis simple dans mes propos parce qu'il est important selon moi que ce ne soit pas la solution que prescrirait la loi. C'est la situation qui prévaut à l'heure actuelle parce que c'est tout ce que nous avons pu obtenir. Quant au fonctionnement de cette procédure, si nous constatons que quelqu'un porte atteinte aux droits d'auteur, nous faisons parvenir un avis au FSI qui à son tour fait parvenir un avis au violateur du droit d'auteur. C'est tout. Le FSI ne retire pas le contenu. Dans certains cas, c'est le violateur qui le fait.
M. Thomson a cité certaines statistiques. Je n'en ai pas pris connaissance, mais rien ne les empêche de l'afficher à nouveau puisque nous ne sommes même pas en mesure de déterminer leur identité. Le violateur dispose simplement d'un avis qui lui permet de se protéger parce que quelqu'un a découvert ce qu'il faisait. On ne peut compter sur l'entraide, parce que nous ne pouvons déterminer qui a porté atteinte aux droits d'auteur et parce que le FSI n'est pas tenu de retirer le contenu. Donc rien ne nous garantit que des mesures seront prises.
Essentiellement, on fournit un avis à un criminel, ou à un violateur—je crois comme vous qu'on ne devrait pas confondre les deux—comme quoi on l'a découvert. En toute vérité, le violateur est protégé par le FSI, qui n'en divulguera pas l'identité à quiconque voudrait l'obtenir.
Nous préférons la procédure de l'avis et démantèlement en partie parce qu'elle permet d'éviter les tribunaux. Lorsque nous avons entamé des démarches judiciaires, beaucoup de gens nous ont dit que c'était un recours sévère et que nous ne devrions pas y faire appel. Nous ne nous en sommes servis qu'à titre de dernier recours parce que nous devions protéger le droit d'auteur. Mais nous préférerions éviter les litiges, parce que si l'on devait se retrouver devant les tribunaux à chaque fois, cette démarche coûterait cher et susciterait éventuellement beaucoup de crainte pour la personne qui fait l'objet de la poursuite, mais également pour nous.
À la lumière des statistiques sur la procédure d'avis et retrait que nous avons recueillies aux États-Unis, au cours des 18 mois où nous avons envoyé 158 000 avis, on constate que les FSI ont fermé la majorité des sites visés et que seulement 14 détenteurs de droits d'auteur ont eu recours aux tribunaux. Cette démarche nous permet donc d'éviter les tribunaux, ce qui à mon avis est la solution préférable.
La présidente: Qu'en est-il des services d'égal à égal?
M. Richard Pfohl: Comme je l'ai dit, les systèmes d'égal à égal ont été conçus de façon à ce que les personnes qui les ont élaborés ne soient tenues responsables. Nous devons nous assurer que ces systèmes ne passent à travers les mailles du filet.
Ainsi, on recueille 1 000, 2 000 ou 3 000 chansons que l'on offre par le biais d'un service d'égal à égal où au total 5 millions de personnes peuvent y avoir accès. C'est ce qui se produit en général dans le cas des services d'égal à égal.
Je recommande que lorsque l'on découvre une telle situation, l'on fasse parvenir un avis au FSI et que ce dernier soit obligé de retirer le service à l'abonné concerné. Ils peuvent retracer l'abonné et en déterminer l'identité. C'est comme s'ils trouvaient le camion qui a été utilisé. Si l'on peut localiser le camion assez facilement, la personne doit être éliminée du système si elle enfreint le droit d'auteur de façon généralisée.
La présidente: Est-ce que l'on se servirait également de la procédure d'avis et retrait pour les transmissions d'égal à égal?
M. Richard Pfohl: C'est exact. Les dispositions sur l'avis et le retrait sont entrées en vigueur aux États-Unis en 1997-1998, avant que la pratique d'égal à égal ne prenne de l'ampleur. Donc si nous adoptions une démarche semblable au Canada, ce que nous recommandons, nous devons nous assurer d'inclure les systèmes d'égal à égal et qu'ils ne s'en tirent à bon compte alors qu'ils contreviennent aux droits d'auteur de façon généralisée puisque c'est bel et bien ce qu'ils font.
Les statistiques révèlent que plus de 90 p. 100 du contenu transmis par les systèmes d'égal à égal ne respecte pas les dispositions sur le droit d'auteur et cette pratique est en train de faire mourir notre secteur.
La présidente: Monsieur Kerr-Wilson.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Merci, madame la présidente. Je vais d'abord répondre à la question qui porte sur la retransmission et sur les licences obligatoires.
Il y a plusieurs éléments de réponse. Premièrement, même dans le cas des signaux retransmis, nous prenons une décision quant à l'acheminement de ces signaux aux abonnés. Il faut ensuite qu'on paie les frais de licence obligatoire pour acquérir les droits relatifs au contenu de ces signaux. Ces frais sont répercutés dans les prix de nos services.
Laissons de côté les règlements du CRTC. Dans le monde du droit d'auteur, si un câblodistributeur décide que la retransmission de signaux n'est pas rentable, il peut décider de ne pas les offrir et par conséquent de ne pas assumer les coûts qui y sont reliés. Du côté d'Internet, par contre, nous ne choisissons pas le contenu. On ne peut pas choisir de donner accès ou pas aux abonnés des sites Web. C'est l'abonné qui décide ce qu'il veut consulter, nous ne prenons pas part à ce processus de décision. Ainsi, il nous est impossible d'exercer ce genre de contrôle ou de mettre en place un mécanisme de fixation des prix semblable à celui de la câblodistribution.
Deuxièmement, si vous suggériez qu'on mette en place cette licence obligatoire, la Loi sur le droit d'auteur ne s'appliquerait plus à Internet, ce que déploreraient les membres de M. Pfohl. C'est ce qui se produit dans le domaine de la retransmission : nous achetons une licence et, ainsi, la retransmission n'est plus sujette aux dispositions régissant le droit d'auteur. Je suis convaincu que les plans d'affaires de M. Pfohl et de ses membres ne comprennent pas de telles dispositions parce que la Loi sur le droit d'auteur deviendrait inopérante au Canada.
Pour revenir au diagramme de M. Spurgeon, que nous connaissons tous, il faudrait préciser que les intervenants se situant au milieu et au bout sont en fait les mêmes personnes. Il n'existe pas de classe distincte de fournisseurs de base ou de fournisseurs d'accès. Ce sont les mêmes personnes. Les données circulent à tous les niveaux.
Disons que les données transitent par le routeur de Rogers. À partir de là, certaines informations sont acheminées jusqu'aux abonnés de Rogers, et d'autres le sont jusqu'aux abonnés de Shaw ou de TELUS. Tout est interrelié, ce qui veut dire que tous les fournisseurs assument toutes ces activités en tout temps car ils ont tous des accords d'interconnexion par lesquels ils acheminent les données, quelle qu'en soit leur destination finale. Nous n'identifions pas les milliards d'octets de données qui sont détournés pour être acheminés jusqu'à nos abonnés; nous ne savons pas non plus quel genre d'informations sont contenues dans ces octets. Là n'est pas notre objectif, qui est plutôt de nous assurer que nos clients ont accès à toutes les informations disponibles rapidement et sans encombre.
Tout ce qu'a dit M. Spurgeon au sujet de la mise en place de contrôles et de l'évaluation des responsabilités de droit d'auteur va à l'encontre de notre vision d'Internet. C'est comme si on demandait au postier d'ouvrir toutes les lettres pour décider si leur contenu était sujet au règlement en matière de droit d'auteur et de prendre les dispositions nécessaires, le cas échéant, avant d'expédier la lettre.
Voilà ce que j'avais à dire.
Á (1110)
La présidente: Très bien, revenons aux propos de M. Gilker au sujet des FSI et des FAI. Dites-vous qu'il n'y a pas de distinction entre ces deux types de fournisseurs?
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Oui.
Il existe en fait des gros fournisseurs qui exploitent une infrastructure à large bande à laquelle tout le monde se branche. Pour que les informations soient transmises de mon site Web à l'abonné, elles transitent en général par l'infrastructure de réseau. Internet a été conçu pour qu'il n'y ait pas un seul point de connexion. Ainsi, s'il y a une panne à un niveau du réseau, le flux de données perce autour.
Tous les fournisseurs ont des accords de réciprocité de transmission de données. Les données qui transitent par un routeur Rogers, par exemple, ne sont pas toutes destinées aux abonnés de Rogers. Certaines informations peuvent même se retrouver au Japon. C'est comme ça que le système a été conçu : il est constitué de toute une série de réseaux interreliés.
C'est vrai qu'il existe des connexions au niveau des infrastructures à large bande, mais en général, les fournisseurs font transiter les données de tous les autres fournisseurs. Par conséquent, nous pouvons nous retrouver au milieu de ce réseau comme nous pouvons être le dernier maillon avant nos abonnés. Nous ne pouvons pas savoir, à un moment donné, le volume de données qui est réacheminé, tout simplement parce que le système n'a pas été conçu dans ce but. Il a plutôt été bâti pour acheminer des données.
La présidente: Parlez-nous de la procédure d'avis et de retrait. Poserait-elle problème?
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Au niveau théorique, nous avons toujours dit que cette procédure nous mettrait dans une situation difficile : des sanctions très dures seraient imposées sans qu'on ne sache vraiment si un abonné s'est mal comporté. Il faudrait les croire sur parole.
Permettez-moi de reprendre l'exemple du camion. C'est un peu comme si quelqu'un vous disait: «On a utilisé votre camion pour voler mon sofa.» Je peux toujours constater qu'il y a un sofa dans mon camion, mais je ne sais pas qui en est le propriétaire. La procédure d'avis et de retrait est semblable. On pourrait m'appeler et me dire: «Votre abonné a affiché mon poème sur son site Web. Retirez-le.» Je ne peux pas savoir qui a écrit le poème et si les deux personnes en question ont conclu un accord.
Il est difficile de croire sur parole toute personne qui formule une plainte et d'ensuite mettre en place des mesures très draconiennes, surtout dans un environnement d'égal à égal, où il n'y a pas grand-chose à retirer. Il nous est impossible d'accéder à l'ordinateur d'un abonné pour désactiver Kaza. Tout ce qu'on peut faire, c'est de retirer le service Internet à l'abonné.
On ne peut pas savoir si la plainte est légitime. On ne peut pas non plus savoir si des oeuvres ont des droits d'auteur, et, en même temps, on nous demande de couper le service d'un abonné. L'abonné concerné pourrait alors s'attaquer à la légitimité de la plainte... La procédure d'avis et de retrait, comme l'a mentionné M. Pfohl, a été conçue aux États-Unis avant Napster. Elle ne se prête pas à l'environnement actuel d'égal à égal car ce sont les derniers maillons, et non nous, qui exercent un contrôle sur le contenu.
Á (1115)
La présidente: Madame Noss.
Mme Wendy Noss: Madame la présidente, permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit à l'effet qu'il n'existe en fait qu'un type d'intervenants. M. Kerr-Wilson a tout à fait raison. Il n'existe en fait qu'un type d'intervenants. Pour vous donner une idée de la façon dont c'est abordé dans la législation étrangère, même s'il s'agit du même type d'intervenants, si les activités diffèrent, différentes dispositions s'appliquent. Si vous êtes le dernier maillon dans le diagramme de M. Spurgeon, il est possible que vous n'ayez aucune responsabilité. Si vous vous situez à un autre niveau et que vous offrez des services de mise en cache ou d'hébergement, vous pouvez également bénéficier d'une exonération de responsabilité, à condition que vous ayez suivi certaines directives lorsque vous avez été mis au courant, etc.
La présidente: Monsieur Thomson suivi de M. Gilker.
M. Jay Thomson: Je vous remercie. Je commencerai par l'analogie avec le Code criminel, puis je procéderai à rebours.
Nous considérons que l'analogie avec le Code criminel est réalisable, mais ça marche aussi en ce qui concerne la Loi sur les droits de la personne, qui ne relève pas du droit criminel. Le même processus est invoqué en vertu de la Loi sur les droits de la personne en ce qui concerne la propagande haineuse. Donc une fois de plus, dans le cadre d'un régime d'avis et de retrait, il faut que l'affaire soit portée devant les tribunaux qui décideront si le contenu est légal ou illégal. Il ne s'agit pas d'une décision qui est prise par le plaignant. Je crois que cela s'étend aussi au régime du droit d'auteur. La violation du droit d'auteur et la responsabilité délictuelle sont des questions légales où le tribunal est l'instance appelée à se prononcer sur le caractère légal ou illégal, et non le plaignant. Donc nous partons du principe que c'est à un tribunal de prendre cette décision ici aussi.
La présidente: Vous ne proposez pas que cela relève du droit criminel?
M. Jay Thomson: Non, pas du tout.
Ensuite, je reviens à la formule d'avis et de retrait qui serait la nouvelle formule proposée par M. Pfohl. Je crois que c'est la première fois qu'il est proposé ici au Canada qu'un régime d'avis et de retrait dans le cas de transmissions d'égal à égal entraînerait la fermeture du compte d'un abonné à Internet. Nous avons toujours envisagé s'il s'agirait de retirer certains éléments de contenu d'un site Web. Je crois que maintenant nous envisageons ce que je considère être une pénalité ou une mesure beaucoup plus sévère, qui obligerait un FSI à mettre fin au compte Internet d'un client pendant une période de temps illimitée sans application régulière de la loi, en fonction d'une plainte déposée par un titulaire de droit. Il s'agit d'un résultat très draconien. Cela risque d'avoir d'importantes répercussions sur l'utilisateur final, qui n'aura plus accès non seulement à l'élément du contenu qui aurait pu se trouver sur le site Web, mais à l'ensemble de l'Internet.
Vous avez parlé de l'orientation de l'Internet en ce qui concerne la transmission de services de radiodiffusion et ainsi de suite. TELUS, Manitoba Tel et SaskTel ont tous maintenant des licences de radiodiffusion qui leur permettent de faire concurrence à l'industrie de la câblodistribution en offrant un service semblable au câble sur son réseau numérique d'abonné. On se trouve donc à exploiter l'efficacité et la notion d'Internet pour offrir un service en réseau fermé semblable au service de câblodistribution et qui se trouve par conséquent assujetti au régime de retransmission. C'est la façon dont le système est en train de se développer, croyons-nous, en ce qui concerne la radiodiffusion et Internet.
Enfin, vous avez parlé de toute la question de la retransmission sur Internet à ce comité et vous avez apporté des modifications à la Loi sur le droit d'auteur pour donner suite aux préoccupations de la transmission de contenu par Internet. La décision que vous avez prise a fait en sorte d'empêcher la retransmission sur Internet. C'est donc une préoccupation à laquelle vous avez déjà donné suite.
La présidente: Monsieur Gilker, brièvement, puis nous procéderons à un autre tour.
Stéphane Gilker: Beaucoup de commentaires ont été faits ce matin, et j'aimerais simplement prendre une ou deux minutes pour y réagir.
Tout d'abord, je tiens à reconnaître qu'il y a effectivement une distinction à faire entre le FAI et le FSI. En effet, le même fournisseur peut offrir tantôt l'accès tantôt le service Internet. Quand l'entreprise se trouve à faire quelque chose d'inacceptable ou pour lequel elle n'a pas obtenu l'autorisation nécessaire du titulaire de droit d'auteur comme le veut la Loi sur le droit d'auteur, nous sommes d'avis que la personne qui se livre à l'activité en question devrait être aussi responsable que quiconque.
Si des exceptions ou des exemptions ont été créées aux États-Unis, en Europe ou dans d'autres pays, c'est simplement parce que le législateur a reconnu qu'il y avait un problème, car s'il n'y avait pas de problème, il n'y aurait pas lieu de prévoir une exemption.
Ces exceptions sont loin d'être d'une lecture facile, parce qu'elles sont tellement détaillées et qu'il y a tellement de choses à faire pour éviter le problème. Elles ne peuvent certainement pas être interprétées comme accordant une exception générale à l'ensemble des FSI.
Deuxièmement, quand un FAI communique une oeuvre au public ou la reproduit par la communication technique, et qu'il n'a pas le droit de le faire, il sera aussi responsable que qui que ce soit d'autre. Je crois l'avoir déjà dit.
Vous demandiez tout à l'heure si le contenu qui se trouve sur Internet est protégé par le droit d'auteur, ou quel pourcentage de ce contenu est protégé. Si nous prenons la liste que M. Kerr-Wilson nous a donnée ce matin, je crois que la plupart d'entre nous seraient d'accord pour dire que la grande majorité du contenu transmis sur Internet est en fait protégeable. LaLoi sur le droit d'auteur s'applique aux textes, aux images, aux photos, aux films, aux enregistrements et à je ne sais quoi encore. Tout le contenu auquel on peut avoir accès sur Internet, ou presque, est protégé ou protégeable en vertu du droit d'auteur. Il n'est donc pas juste de dire que donner accès à des documents protégés en fournissant l'accès à Internet ne constitue pas un élément important de l'activité du fournisseur. Au contraire, ce que fait le FSI quand il conclut un contrat avec l'utilisateur, c'est essentiellement lui donner accès à des documents protégeables.
Voilà qui m'amène à la distribution par câble et à Internet. Tout d'abord, j'ai donné l'exemple de la retransmission, parce que selon le régime en place au Canada, quand on retransmet simultanément un élément de programmation sans le modifier, on n'est pas tenu de conclure d'entente avec le propriétaire de la programmation. Sauf erreur de ma part, il n'y a donc pas d'entente entre l'afficheur—si vous me permettez cette analogie avec Internet—et le câblodistributeur pour la retransmission de contenu. Notre loi sur le droit d'auteur reconnaît toutefois que le câblodistributeur qui envoie le contenu à un utilisateur avec qui il a une relation peut être tenu responsable de cette activité. Cependant, nous avons créé un régime de licences obligatoires pour obliger le câblodistributeur à payer des droits en contrepartie—selon une formule analogue à celle qui s'applique à la SOCAN.
Enfin, si je ne m'abuse, la grande majorité, sinon la totalité, des acteurs qui affichent du contenu sur Internet, de façon légale ou illégale, ont une relation contractuelle avec un fournisseur d'accès Internet, soit en tant qu'afficheur soit en tant qu'utilisateur éventuel du contenu affiché sur Internet. Après avoir lu un certain nombre de ces ententes, j'ai constaté qu'on y retrouve le plus souvent, sinon toujours, une disposition interdisant l'affichage de contenu illégal, qu'il s'agisse de contenu obscène ou qui violerait... ainsi de suite. La personne qui contreviendrait à cette disposition serait tenue de dédommager l'autre partie au contrat, c'est-à-dire la personne qui lui fournit l'accès à Internet.
Á (1120)
Nous avons entendu dire tout à l'heure que tous ces acteurs ont des conventions d'interconnexion, qui contiennent ou pas, mais qui pourraient facilement contenir, une disposition de ce genre qui permettrait de faire payer la note au bout du compte à la personne qui utiliserait illégalement de la matière contenue sur Internet, car la personne serait liée par un contrat au sens de la loi.
Voilà ce que je tenais à dire.
La présidente: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: J'ai une petite observation à faire, puis il ne serait que juste que M. Spurgeon puisse avoir un droit de réplique.
Mon collègue parlait des danses, des activités qui se tiennent à la légion et le reste. Il me semble que, dans un grand nombre de cas, la Loi sur le droit d'auteur intervient à juste titre, pour que les créateurs puissent tirer profit de leur travail. C'est quelque chose que nous comprenons tous et que tous les Canadiens acceptent, il me semble. Mais lorsqu'on organise une activité à coût modique, où l'on trouve une salle bon marché, où l'on fait appel à des bénévoles pour s'occuper du bar, assurer l'entretien et décorer la salle avec au plus 50 $ de décorations et que la SOCAN s'amène et exige un droit de 100 $, ou quelque chose comme cela, le montant est loin d'être négligeable.
Si l'on essaie de se représenter la façon dont les choses se passent dans des cas comme celui-là, il me semble que ce que cherche en fait la SOCAN, c'est une autre façon de percevoir des droits, si bien qu'elle va percevoir un cent par transmission, un cent par abonné ou un cent pour je ne sais quoi d'autre encore. La SOCAN ne s'inquiète peut-être pas toujours du résultat en bout de ligne, mais si l'on fait le calcul, tout ces prélèvements de un cent lui valent sans doute 5 ou 10 millions de dollars de plus.
Il serait dangereux à mon avis en tant que législateurs, nous agissions à la légère. Il faudrait donc que la SOCAN puisse nous dire que 1 p. 100, 2 p. 100 ou 3 p. 100—je suis sûr que la proportion ne dépasse pas 3 p. 100—du contenu transmis par les FSI est en fait protégeable et qu'elle a donc droit à un tribut de 3 p. 100.
À moins qu'elle ne puisse nous faire cette démonstration, il me semble que la raison donnée pour percevoir ces droits est un peu comme celle que donnait Jesse James quand on lui demandait pourquoi il dévalisait des banques. C'est dans les banques que se trouve l'argent, disait-il. Voilà ce qui m'inquiète ici.
Á (1125)
M. Paul Spurgeon: Tout d'abord, les droits à acquitter seraient au bout du compte calculés effectivement en fonction d'informations comme celle-là. Bien entendu, nous devons présenter des preuves à la Commission du droit d'auteur, car c'est elle qui fixe les tarifs après avoir entendu tous les arguments de toutes les parties quant à ce qui constituerait un tarif raisonnable et quant aux conséquences pour les industries en cause, pour ceux qui seraient tenus d'acquitter les droits et pour ceux qui exigent ces droits au nom des compositeurs et des éditeurs.
On parle de nos jours de micro-paiements, ou je ne sais trop quel est le nouveau terme à la mode. C'est bien de cela qu'il s'agit. Ce sont des fractions de cents qu'on paie pour différentes utilisations. Le phénomène va prendre encore plus d'ampleur avec la progression de l'Internet. C'est déjà le cas. Quand vous vous servez de votre carte VISA ou d'une autre méthode de paiement, il y a des frais de transaction modestes.
Dans notre cas, ce sont des frais de droit d'auteur, et cela me ramène à votre premier point au sujet des prestations publiques et de la musique. Là encore, les titulaires de droit d'auteur ne touchent que des sommes minimes, mais c'est comme ça dans le domaine du droit d'auteur. Quand on vend une partition, le compositeur reçoit cinq cents, dix cents, ou un montant semblable. C'était ça à l'origine, mais c'est plus maintenant.
Vous avez parlé des danses, pour lesquelles, je le répète, le montant est bien inférieur à 100 $. Mais la SOCAN n'exigerait pas de droit si tout se faisait de façon bénévole. Il n'est pas juste de demander aux compositeurs de faire don de leurs services alors que d'autres tirent un avantage de l'activité. Si les barmans font don de leurs services, si tous les fournisseurs de biens et de services ne reçoivent aucun argent ou font don de leurs services ou de leurs biens, nous n'allons pas demander nous non plus à être payés. Notre service des licences va renoncer au droit exigible, tout comme les autres fournisseurs de biens et de services. Les droits ne s'appliquent que lorsqu'on utilise notre musique, et je veux bien insister là-dessus, le montant est minime.
Je vais vous envoyer, messieurs Abbott et Schellenberger, copie des tarifs dont vous parlez. Vous allez constater que les sommes en question ne sont pas très élevées quand on fait la comparaison avec d'autres biens ou services. Même dans le cas d'une danse organisée dans une salle communautaire, ce que nous demandons est minime comparativement à tous les autres frais qui doivent être acquittés.
Á (1130)
M. Jim Abbott: Une dernière chose...
Excusez-moi?
M. Jay Thomson: Pourrais-je ajouter quelque chose?
M. Jim Abbott: Oui, allez-y.
M. Jay Thomson: Pour vous donner une idée de l'importance du montant ou du tarif qui s'appliquerait à l'Internet, le cas échéant, la SOCAN demande un tarif équivalant à 10 p. 100 des revenus. Dans le cas des reproductions, la SODRAC demande un tarif égal à 10 p. 100 des revenus des FSI.
C'est donc 20 p. 100 pour deux groupes seulement, et c'est sans compter tous les autres qui se présenteront lorsque M. Kerr-Wilson aura mis son enseigne autour du cou.
M. Jim Abbott: Cela nous donne une bonne idée des montants en cause, merci.
En conclusion, j'ai quelque chose à vous soumettre et je me demande ce que vous en pensez. Nous semblons en être arrivés au point où certaines de nos positions, telles que a) et b) au paragraphe 37 du rapport d'étape se durcissent sur ce point.
Je voudrais revenir brièvement aux paragraphes 6 et 7, à la page 2. Je me demande s'il y a quelque chose dans ces paragraphes qui pourrait éclairer la discussion que nous avons eue jusqu'à maintenant. Je dois le reconnaître, et je n'ai pas la moindre idée ici si ces paragraphes ne sont pas du tout pertinents ou n'ont aucun lien avec la discussion, ou s'ils pourraient en fait nous permettre éventuellement de voir la lumière au bout du tunnel... ou pour revenir à l'analogie que je faisais, d'espérer qu'il y ait au bout du compte une entente entre ceux qui offrent le matériel et ceux qui doivent payer les redevances.
Je me demande simplement s'il y a quelque chose dans les paragraphes 6 et 7 qui pourrait nous aider à nous y retrouver dans le dédale où nous sommes engagés aujourd'hui.
La présidente: Monsieur Kerr-Wilson.
M. Gerald (Jay) Kerr-Wilson: Merci beaucoup, madame la présidente.
Oui, monsieur Abbott. Nous sommes en fait d'accord pour dire que la mise en oeuvre d'un droit de mise à disposition pour chaque artiste-interprète, chaque producteur d'enregistrement sonore et chaque auteur est effectivement la solution. C'est comme ça que nous pensons que les choses se feront dorénavant pour ce qui est de l'utilisation d'oeuvres protégées sur Internet.
Si, par exemple, le Canada modifiait sa loi pour y inclure le droit de mise à disposition, comme l'exigent les traités et que je décidais ensuite de lancer un site Web ou un service Internet où je mettrais à la disposition des utilisateurs des oeuvres protégées—audiovisuelles, musicales ou littéraires—il faudrait que je fasse libérer les droits d'entrée de jeu. Il faudrait que je retrouve le titulaire du droit d'auteur pour toutes ces oeuvres que je souhaite utiliser et que je négocie un contrat avec la personne, qui pourrait imposer des conditions à l'utilisation de son oeuvre. Je pourrais alors choisir entre un service par abonnement ou un service financé par des publicités. Puis, je pourrais lancer le site Web, et les gens pourraient y venir et utiliser les oeuvres qui y seraient affichées en ayant l'assurance que les droits auraient été libérés. C'est comme ça que les choses devraient se passer.
L'idée n'a rien de nouveau ni de conjectural. C'est comme ça que les choses se passent maintenant dans les pays qui ont créé un droit de mise à disposition et qui imposent une responsabilité restreinte au FSI. En Europe, par exemple, on peut négocier avec les producteurs d'enregistrements sonores. On peut obtenir les droits dans plusieurs pays. On peut s'adresser aux homologues de la SOCAN, aux auteurs, pour obtenir une licence dans divers pays, si bien que les titulaires de droits sont rémunérés. Tout cela se fait à partir du principe que la personne qui décide de mettre des oeuvres à la disposition du public et qui veut gérer son entreprise selon les règles doit verser aux créateurs leur dû.
Nous n'avons rien contre cela. Mais quand on dit qu'il faudrait, en outre, après toutes ces transactions et toutes ces négociations pour libérer les droits, mettre à contribution les FSI, qui n'ont aucune connaissance de la chose ni aucune relation contractuelle avec les intéressés, il me semble que cela équivaut simplement à imposer une taxe aux FSI pour la bonne raison qu'ils sont là et qu'on peut leur imposer une taxe. Nous avons déjà fait ce qu'il fallait dans le cas des relations contractuelles en prévoyant le droit exclusif de mise à disposition.
La présidente: Monsieur Pfohl, monsieur Gilker, puis monsieur Harvard.
M. Richard Pfohl: Je tiens tout d'abord à dire que je suis ravi d'entendre M. Kerr-Wilson dire cela, parce que nous aussi, nous estimons que le droit de mise à disposition est au coeur même de ce que les traités de l'OMPI nous permettront de faire. Ces traités nous permettront de faire des affaires en ligne avec la même certitude que dans le monde analogique. Nous pourrons ainsi vendre notre musique nous-mêmes. Ce droit de mise à disposition doit être assorti du pouvoir de faire respecter nos droits en ligne.
Supposons que nous ayons le droit de mise à disposition. Nous apprenons que quelqu'un se sert d'un service de communication entre homologues et offre de copier gratuitement 5 000 chansons pour 5 millions d'étrangers. C'est le nombre moyen de chansons qu'on retrouve dans un magasin Wal-Mart typique. Cette personne se trouve donc à offrir de copier gratuitement pour des étrangers tout le stock d'un magasin Wal-Mart. Que pouvons-nous faire dans ce cas-là si nous ne savons pas qui est cette personne? C'est pour cette raison que nous pensons que les FSI, si leur responsabilité va être limitée, doivent aussi assumer leurs obligations et jouer un rôle. La procédure «avis et retrait» leur permettra de jouer ce rôle.
Je ne suis pas d'accord avec M. Thomson pour dire que, si nous appliquions la formule «avis et retrait» dans le cas de quelqu'un qui offrirait des milliers de chansons en ligne, cela irait à l'encontre de l'application régulière de la loi. Les dispositions relatives à l'avis et au retrait qui ont été adoptées aux États-Unis assurent l'application régulière de la loi. Si nous décidions de recourir à cette procédure dans le cas de services entre homologues afin que l'abonné en question se voit interdire l'accès à l'Internet, il nous faudrait déposer auprès du FSI un avis déclarant, sous peine de parjure, qu'il y a violation de notre droit d'auteur. L'abonné aurait alors la possibilité de déposer un contre-avis, encore là, sous peine de parjure. S'il déposait un contre-avis, il ne perdrait pas l'accès aux services. Le fournisseur de contenu serait tenu d'obtenir une ordonnance de la Cour pour lui en interdire l'accès.
C'est comme cela que la procédure est appliquée aux États-Unis. On assure ainsi l'application régulière de la loi. En outre, la procédure est extrêmement efficace dans la pratique. Comme je l'ai indiqué, sur les 158 000 cas ayant fait l'objet d'un avis, il y a eu contre-avis dans 13 cas seulement. Ainsi, l'application régulière de la loi est assurée, non pas seulement en théorie, mais dans la pratique. Il nous devient alors possible de faire respecter les droits dont nous avons besoin pour que le droit de mise à disposition serve bien notre intérêt.
Á (1135)
La présidente: La parole est maintenant à M. Gilker, qui sera suivi de M. Thomson, puis de M. Harvard. Soyez brefs, s'il vous plaît, car il nous reste très peu de temps.
Stéphane Gilker: Je serai bref.
Ce qu'il faut retenir, c'est que, contrairement à ce que nous avons dit ce matin au sujet de la responsabilité des FSI, la mise en oeuvre de ce droit est une des exigences du WPPT, des deux traités concernant l'Internet. Je crois que M. Spurgeon conviendra avec moi que la Cour fédérale d'appel a déjà statué que le droit de communication au public par télécommunication et le droit d'autorisation constituent ensemble un droit plus ou moins équivalent à celui de mise à disposition dans le cas des auteurs. Nous pouvons donc dire que, dans une certaine mesure, notre loi est conforme au WCT. À ce que je vois, il n'est pas d'accord.
En ce qui concerne les producteurs d'enregistrements sonores, que je représente ici ce matin, tout le monde reconnaît, si je ne m'abuse, que notre loi doit être modifiée, puisque les producteurs d'enregistrements sonores doivent avoir le droit de contrôler la communication de leurs enregistrements par Internet, comme c'est le cas pour les artistes-interprètes. Ils ont tout simplement le droit de recevoir une rémunération équitable pour la communication de leurs enregistrements. C'est lorsque la communication se fait à la demande qu'il y a une distinction à faire. La loi canadienne ne reconnaît pas aux producteurs le droit d'empêcher ou d'autoriser la mise à disposition de leurs enregistrements, et il faut absolument qu'elle soit modifiée pour reconnaître ce droit.
La présidente: Merci.
C'est maintenant au tour de M. Thomson, puis ce sera à M. Harvard.
M. Jay Thomson: Il convient de préciser que les statistiques avancées par M. Pfohl concernent, bien sûr, le retrait du contenu sur le site Web, et non pas la fermeture du compte comme tel. Il est important de faire cette distinction.
Pour ce qui est de l'appui au droit de mise à disposition et de toutes les raisons qu'a évoquées M. Kerr-Wilson pour en expliquer l'efficacité dans la pratique, il faudra que ce droit soit clarifié pour bien faire comprendre que ce ne sont pas les FSI qui sont responsables de la mise à disposition du contenu. Sinon, nous allons nous retrouver devant vous encore une fois.
La présidente: Monsieur Harvard.
L'hon. John Harvard: J'aimerais soumettre quelque chose à Mme Noss. Elle est la seule qui soit impartiale ici.
Des voix: Oh, oh.
L'hon. John Harvard: Madame Noss, en ma qualité d'homme politique, je préfère ne faire rien de plus que ce que je dois absolument faire dans le domaine du droit d'auteur. Ma répugnance tient surtout au fait que je veux laisser aux acteurs le soin de démêler ces innombrables problèmes qui se posent chaque jour. Pour étoffer mon propos, je voudrais revenir à ce que disait M. Schellenberger tout à l'heure. J'ai beaucoup de compassion pour les sections locales de la légion et les autres organismes qui font beaucoup de bonnes choses, et je peux comprendre qu'il leur soit difficile d'avaler la pilule quand il faut embaucher un groupe ou prévoir un autre type de divertissement pour une soirée. Mais en ma qualité d'homme politique, je répugne à me mêler de ce genre de situations, car on n'en finit plus. On n'en sort plus. Le monde est plein de personnes bien intentionnées.
Alors, pour moi, la conclusion logique de tout cela, c'est que la SOCAN peut demander le montant qu'elle veut pour son matériel, et si quelqu'un—qu'il s'agisse de la légion, d'une université ou d'un parlementaire—décide de ne pas payer le prix exigé, il faut laisser jouer les lois du marché. Si la SOCAN veut donner son matériel, pour quelque raison que ce soit, il n'y a pas d'inconvénient à cela—cela fait partie du marché.
En ma qualité d'homme politique, je ne veux pas me mêler de situations comme celle-là. Vous savez, s'il n'y avait qu'un cas par an, ça pourrait toujours passer. Mais il pourrait s'agir de millions de cas. À mon avis, les solutions politiques et le marché ne font généralement pas bon ménage. Parfois, nous devons intervenir, mais si je peux éviter de le faire, c'est ce que je ferai.
Parlons donc de droit d'auteur, Wendy.
Á (1140)
Mme Wendy Noss: Ma réponse ne va pas vous plaire, parce que je vais vous dire que vous devez faire quelque chose.
L'hon. John Harvard: Je sais que je devrais faire quelque chose. Mais ma question était—et je suis heureux que vous m'ayez interrompu...
Des voix: Oh, oh.
L'hon. John Harvard: Vous pouvez m'interrompre n'importe quand. Je ne veux pas en faire plus qu'il faut. Je veux être aussi souple que possible. Je veux donner aux acteurs dans ce dossier toute la marge de manoeuvre dont ils ont besoin. Je ne veux pas répondre à plus de questions qu'il n'en faut.
À votre avis, quelle approche dois-je adopter pour pouvoir donner à M. SOCAN, ici, c'est-à-dire M. Spurgeon, ou à M. Pfohl toute la latitude possible pour qu'ils puissent demander le prix qu'ils souhaitent, quel qu'il soit. Par ailleurs, je veux que M. Thomson et M. Kerr-Wilson puissent dire: «Désolé, c'est trop cher. Vous allez m'acculer à la faillite», s'ils le souhaitent. Qu'ils règlent tout cela entre eux autant que possible.
Que me conseillez-vous?
Mme Wendy Noss: Je vais vous dire tout d'abord que notre comité n'a pas énoncé d'avis sur le rapport d'étape et les différentes options qui y sont décrites. Je peux cependant vous donner mon avis personnel, et c'est que...
L'hon. John Harvard: N'importe quoi, mais aidez-moi.
Mme Wendy Noss: Les mesures législatives qui s'imposent doivent tenir compte de plusieurs principes fondamentaux. Tout d'abord, là où il n'y a pas d'Internet, les titulaires de droits d'auteur ne sont pas confrontés aux mêmes dangers; votre projet de loi devrait reconnaître ce fait. Les dispositions qui figurent dans la loi actuelle, qui sont devant les tribunaux depuis neuf ans et ne sont mêmes pas rendus à la Cour suprême, portent sur un aspect de la situation d'un des titulaires de droit et évaluent si quelqu'un est responsable à cet égard.
La situation qui existe au Canada ne peut plus durer. L'Union européenne, les États-Unis, le Japon et l'Australie ont adopté des solutions législatives différentes pour s'attaquer à ce problème, mais tous ces pays ont légiféré. La Loi sur le droit d'auteur est différente du droit de la responsabilité délictuelle ou d'autres types de droits dans lesquels les droits et obligations des parties sont énoncés intégralement dans la loi. Vous devrez également tenir compte de cela au moment d'élaborer une solution.
Comme je l'ai déjà dit, la solution doit aussi tenir compte du fait que l'Internet est un environnement mondial et que le Canada ne peut pas fonctionner de manière isolé.
J'espère que je vous ai aidés.
L'hon. John Harvard: Oui, effectivement.
L'idée de la procédure d'avis et de retrait me sourit beaucoup parce que, si j'ai bien compris, le titulaire des droits se trouve à dire: «Ce matériel m'appartient, j'en possède le droit d'auteur. J'ai constaté qu'il est utilisé par quelqu'un». Le titulaire peut ensuite demander à l'utilisateur soit de lui payer des droits, soit de retirer ce matériel. J'imagine que ceux qui utilisent le matériel ont alors le choix entre payer ou retirer le document de l'Internet.
N'est-ce pas une décision de marché? N'est-ce pas là la dynamique d'un marché? Ai-je tort de le penser?
Á (1145)
Mme Wendy Noss: La question dont nous parlons en l'occurrence ne relève pas nécessairement du jeu du marché; c'est une exemption de responsabilité civile. Là où ces actes ou ces acteurs engageraient la responsabilité civile, dans quelle circonstance allons-nous permettre que cette responsabilité ne soit pas engagée?
Pour reprendre l'exemple de M. Abbott, une somme d'argent est payée au titulaire d'un droit en contrepartie de quelque chose. Cela fait partie d'un service. Le titulaire du droit est ainsi rémunéré. Dans cet exemple, tout le monde y trouve son compte.
Les mesures législatives que vous devrez définir s'appliqueront dans les cas où les droits d'auteur auront été enfreints parce que le titulaire n'aura pas autorisé l'utilisation de son oeuvre ou accepté que cette oeuvre soit utilisée d'une façon donnée. C'est là que la solution de M. Spurgeon peut effectivement être dictée davantage par le marché, tandis que celle de M. Pfohl se fonde plutôt sur l'analyse de l'atteinte aux droits d'auteur.
La présidente: Rapidement, monsieur Thomson, puis monsieur Schellenberger.
M. Jay Thomson: Je vais répondre rapidement.
Il ne s'agit pas d'un marché libre, mais bien d'un monopole, parce que d'autres fournisseurs ne peuvent pas faire concurrence pour obtenir ces droits. Voilà pourquoi nous avons une Commission du droit d'auteur qui fixe les tarifs. Il est impossible de négocier les tarifs sur le marché, parce qu'il n'y a personne d'autre que SOCAN, par exemple, avec qui négocier.
La présidente: Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: J'aimerais ajouter quelque chose. Je suis très partisan de la procédure d'avis et retrait. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas adopter de mesures législatives pour fixer une amende minimum ou un minimum de quoi que ce soit.
Selon certains, le recours à la procédure d'avis et de retrait serait une mesure draconienne. Soit, mais de telles sanctions peuvent dissuader les gens de recommencer. Est-ce que cette mesure n'aurait pas un effet dissuasif? Le nombre d'infractions pourrait diminuer progressivement, même s'il y en a 500 au départ, parce que certaines personnes ne pourront avoir accès à l'Internet et où y afficher leurs produits parce qu'elles auront contrevenu à la loi. On peut espérer qu'un jour plus personne ne violera les droits d'auteur. Voilà le moyen que je privilégie.
Je pense à un cas dont s'est occupé le ministère des Pêches et des Océans. Il s'agissait d'un navire qui avait déversé le pétrole de sa cale en mer. Nos gens les ont arrêtés, on a intenté des poursuites qui ont abouti à l'imposition d'une amende de 40 000 $. Personne ne savait ce que cela coûtait de poursuivre cette personne. Pour faire la vidange de l'huile correctement, le navire aurait probablement dû débourser 100 000 $, mais avec l'amende, cela ne leur avait coûté que 40 000 $.
Voilà pourquoi je favorise l'approche de l'avis et retrait, même si certains la trouve draconienne. Je pense que les contrevenants ne récidiveraient plus après avoir fait l'objet d'une telle mesure à quelques reprises. Bien sûr, ils trouveraient probablement d'autres façons de faire.
M. Richard Pfohl: Avant de déterminer, monsieur Schellenberger, si une mesure est draconienne, il faut considérer quelle serait la solution de rechange. La seule autre mesure à notre disposition aujourd'hui est d'intenter des poursuites. On nous demande souvent pourquoi nous prenons des mesures aussi draconiennes contre les gens qui violent nos droits d'auteur. La réponse, c'est qu'il n'y a pas d'autre moyen.
La procédure d'avis et de retrait permet d'appliquer la loi de façon régulière sans avoir à intenter des poursuites pouvant aboutir à l'imposition d'amendes pouvant atteindre des milliers de dollars si le contrevenant est jugé responsable. En fait, je trouve que la procédure d'avis et de retrait est moins draconienne que l'autre option.
M. Gary Schellenberger: Je suis d'accord avec vous, parce que nos tribunaux sont débordés. Il pourrait s'agir d'une poursuite frivole ou, au contraire, très sérieuse. Le contrevenant pourrait faire des centaines de milliers de dollars avant que le jugement ne soit rendu. Je suis d'accord avec vous.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui.
Merci, mesdames et messieurs du comité, de votre intérêt.
La séance est levée.