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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 27 avril 2004




¿ 0910
V         La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.))
V         Mme Roanie Levy (Access Copyright)

¿ 0915
V         La présidente
V         M. Michel Beauchemin (coordonnateur, Droit d'auteur, Multimédia, Internet, Copyright (DAMIC))

¿ 0920

¿ 0925
V         La présidente
V         M. Roger Doucet (sous-ministre, ministère de l'Éducation (Nouveau-Brunswick), Consortium du droit d'auteur du Conseil des ministres de l'Éducation (Canada))

¿ 0930

¿ 0935
V         La présidente
V         Mme Liz Warwick (vice-présidente, Periodical Writers Association of Canada)

¿ 0940

¿ 0945
V         La présidente
V         M. Susan Peacock (vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films)

¿ 0950

¿ 0955
V         La présidente
V         M. Susan Peacock
V         La présidente
V         M. Susan Peacock
V         La présidente
V         M. Gerry McIntyre (directeur exécutif, Canadian Educational Resources Council)

À 1000

À 1005
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC)
V         La présidente
V         Mme Roanie Levy
V         M. Gary Schellenberger

À 1010
V         Mme Roanie Levy
V         M. Susan Peacock
V         La présidente
V         M. Roger Doucet
V         La présidente

À 1015
V         Mme Roanie Levy
V         La présidente
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         M. Michel Beauchemin
V         La présidente
V         M. Gerry McIntyre

À 1020
V         La présidente
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Michel Beauchemin
V         Mme Christiane Gagnon
V         La présidente
V         M. Roger Doucet
V         Mme Christiane Gagnon

À 1025
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)
V         M. Roger Doucet
V         M. Clifford Lincoln

À 1030
V         M. Roger Doucet
V         La présidente
V         Mme Roanie Levy
V         La présidente
V         Mme Liz Warwick

À 1035
V         La présidente
V         L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. John Harvard
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. John Harvard
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. John Harvard

À 1040
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. John Harvard
V         M. Roger Doucet
V         La présidente
V         M. Michel Beauchemin
V         La présidente

À 1045
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Roger Doucet
V         Mme Christiane Gagnon
V         La présidente
V         L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. Paul Bonwick

À 1050
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. Paul Bonwick
V         Mme Roanie Levy
V         L'hon. Paul Bonwick

À 1055
V         Mme Roanie Levy
V         L'hon. Paul Bonwick
V         Mme Roanie Levy
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. Paul Bonwick
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. Paul Bonwick
V         M. Roger Doucet
V         L'hon. Paul Bonwick
V         La présidente
V         M. Roger Doucet
V         La présidente
V         M. Roger Doucet

Á 1100
V         La présidente
V         M. Roger Doucet
V         Mme Roanie Levy
V         La présidente
V         M. Susan Peacock
V         L'hon. John Harvard
V         M. Susan Peacock
V         La présidente
V         M. Susan Peacock
V         La présidente
V         Mme Roanie Levy

Á 1105
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger
V         La présidente
V         M. Clifford Lincoln
V         M. Roger Doucet
V         M. Clifford Lincoln
V         M. Roger Doucet
V         M. Clifford Lincoln
V         M. Roger Doucet

Á 1110
V         M. Clifford Lincoln
V         M. Roger Doucet
V         M. Clifford Lincoln
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 010 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2004

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): La séance est ouverte.

    Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenu au Comité permanent du patrimoine canadien.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité étudie le rapport d'étape du gouvernement sur la réforme du droit d'auteur. Cette semaine, nous nous penchons sur les questions d'accès. Aujourd'hui, nous examinons l'utilisation de matériel Internet à des fins éducatives.

    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Vous êtes assez nombreux ici aujourd'hui, alors je vous demanderais, dans la mesure du possible, de vous en tenir à huit à dix minutes pour vos remarques, pour que nous puissions ensuite avoir plusieurs tours de questions de la part des membres du comité.

    Sans suivre d'ordre particulier, nous allons commencé par Mme Roanie Levy, du groupe Access Copyright.

    Soyez la bienvenue.

+-

    Mme Roanie Levy (Access Copyright): Merci, madame la présidente.

    Je suis ici aujourd'hui pour représenter Access Copyright, l'agence canadienne qui s'occupe d'accorder des licences en matière de droit d'auteur. Mais je ne parle pas seulement au nom de Access Copyright. Comme Access Copyright représente les intérêts de la collectivité des créateurs et des éditeurs au Canada, je suis aussi la voix de plus de 6 400 personnes et entreprises qui seront le plus touchées par les décisions que vous prendrez en matière d'accès.

    En préparant cet exposé, je me suis demandé : Quel est le rôle du gouvernement? Vous vous posez peut-être la même question. Permettez-moi d'apporter quelques éléments de réponse.

    Un des rôles essentiels du gouvernement consiste à appuyer un marché efficient et équitable. Cela signifie, par exemple, faciliter la création d'entités à responsabilité limitée et adopter, appliquer et réviser des lois dans divers domaines, comme la concurrence, le travail, le droit criminel et la propriété intellectuelle. Le but est de favoriser un milieu dans lequel tant les fournisseurs que les consommateurs de biens et services trouvent des possibilités de prospérer. Quand les gens peuvent fabriquer et vendre leurs trucs avec efficience, tout le monde en bénéficie.

    Je suis ici aujourd'hui pour vous montrer que, dans le marché des droits d'auteur, un régime de licences collectives étendu constitue le moyen le plus efficient et le plus efficace pour les utilisateurs et les créateurs d'atteindre cette prospérité.

    Je soutiens respectueusement que ce n'est pas le rôle du gouvernement de décider quand il faut forcer quelqu'un à donner gratuitement de son travail. Chacun a le droit de gagner sa vie. Nous ne réclamons pas que certains travailleurs, agriculteurs ou chauffeurs d'autobus, par exemple, ne soient pas payés une journée par semaine au profit du système éducatif. C'est pour cela que nous avons un régime fiscal visant la réaffectation des recettes—c'est le moyen le plus efficient et équitable de financer notre système éducatif—et non des exceptions au droit d'auteur qui visent une classe de travailleurs en particuliers.

    Les exceptions sont des mesures extrêmes qui devraient servir seulement dans des cas extrêmes, par exemple quand l'accès ne peut être fourni par un autre moyen. J'y reviendrai. Revenons d'abord au rôle du gouvernement pour un instant.

    Quand je parle d'un marché efficient et équitable, il s'agit d'un endroit où acheteurs et vendeurs peuvent se réunir pour convenir mutuellement d'échanges. Une telle entente mutuelle permet au gouvernement d'éviter de placer inutilement et injustement les intérêts légitimes d'un groupe, le milieu scolaire, avant ceux d'un autre, la collectivité des titulaires de droits.

    Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd'hui nous parlons de titulaires de droits se réunissant avec le milieu scolaire pour convenir mutuellement de la manière dont des oeuvres protégées par le droit d'auteur sur Internet peuvent être échangées ou consultées, moyennant une rétribution équitable et raisonnable.

    Avons-nous un marché efficient et équitable?

    Les vendeurs, éditeurs et créateurs d'oeuvres protégées par le droit d'auteur se sont organisés, par le biais de sociétés de gestion collective, pour mieux servir les acheteurs, le milieu scolaire. Ils ont investi des millions de dollars dans Access Copyright et COPIBEQ, notre pendant au Québec, pour mettre au point un système de gestion des droits, de premier ordre, qui peut suivre de près les renseignements sur les droits de millions d'oeuvres canadiennes et étrangères, qui peut octroyer des licences d'utilisation de ces oeuvres en direct, en temps réel, et qui peut verser efficacement des redevances à des milliers de titulaires de droits. Et ce n'est que le début. Ils projettent de faire plus, bien plus, et ils demandent simplement que leur soit fourni un cadre commercial efficient pour y arriver.

    L'élément important qui définit le marché à l'heure actuelle, c'est la Loi sur le droit d'auteur. Cette loi permet de transiger des créations intemporelles. L'article 70.1 et les articles suivants de la loi prévoient l'établissement de sociétés de gestion collective et de la Commission du droit d'auteur. Les sociétés de gestion collective et la Commission du droit d'auteur sont l'équivalent de la Loi sur les sociétés par actions et du Bureau de la concurrence dans le monde des sociétés par actions. Leur examen et leur actualisation périodiques sont absolument essentiels à un marché efficient et équitable.

    Les sociétés de gestion collective permettent aux titulaires de droits de s'unir et d'offrir aux utilisateurs d'oeuvres protégées des services qu'ils ne peuvent pas offrir d'eux-mêmes. Pour que le marché soit efficient, les règles concernant l'établissement des sociétés de gestion collective et leurs responsabilités doivent correspondre aux types de services que les titulaires de droits veulent offrir et que les utilisateurs exigent. L'univers numérique a remis en question, et continue de remettre en question, le régime de sociétés de gestion collective que prévoit notre Loi sur le droit d'auteur.

[Français]

    À cet effet, le ministère du Patrimoine canadien a commandé deux rapports importants qui traitent des sociétés de gestion collective. Le premier rapport, datant d'août 2001, recommandait d'examiner la possibilité d'établir un régime de licence collective étendue au Canada à des fins très précises. Une des fins auxquelles le rapport faisait précisément référence consistait en l'utilisation d'oeuvres protégées par le droit d'auteur sur l'Internet, la question d'accès dont nous traitons ici aujourd'hui même.

    Le deuxième rapport, datant de juin 2003, traitait de l'application d'un régime de licence collective étendue au Canada. Selon ce rapport, l'instauration d'un tel régime servirait les intérêts de tous: utilisateurs, titulaires de droits représentés ainsi que titulaires de droits non représentés.

[Traduction]

    Accès Copyright, et les titulaires de droits qu'elle représente, approuvent les recommandations de ces rapports. Je vous conjure d'examiner attentivement ces rapports fondamentaux. Un régime de licences collectives étendu permettrait aux acheteurs et aux vendeurs de se réunir et de convenir de la manière dont des oeuvres protégées par le droit d'auteur sur Internet devraient être utilisées. Un régime de licences collectives étendu promet d'être la pierre angulaire du marché efficient et équitable auquel aspirent les créateurs et utilisateurs et dont ils ont absolument besoin à l'ère du numérique.

    Nous avons poussé les rapports un peu plus loin et nous avons rédigé un avant-projet de loi qui permettrait de mettre en place un tel régime au Canada. Je l'ai remis au greffier pour que vous puissiez l'examiner. Nous soutenons respectueusement que c'est le rôle du gouvernement de modifier la Loi sur le droit d'auteur afin d'assurer l'utilisation efficiente sous licence d'oeuvres protégées dans l'univers numérique d'aujourd'hui. Le gouvernement contribuerait grandement à la réalisation de cet objectif s'il mettait en oeuvre un régime de licences collectives étendu.

    L'octroi de licences, surtout de licences collectives, peut répondre à tous les besoins légitimes des utilisateurs. Comme les tarifs sont soit négociés soit fixés par la Commission du droit d'auteur, ils tiendraient compte de la valeur attendue de l'utilisation des oeuvres, dont celles offertes gratuitement. À moins d'incapacité ou d'abus flagrants de la part des titulaires de droits, le gouvernement ne devrait pas recourir aux exceptions.

    Pour résumer, nous recommandons que vous assuriez un marché efficient et équitable en prévoyant un régime de licences collectives étendu dans la Loi sur le droit d'auteur, puis que vous laissiez le marché faire le reste. Je suis persuadée qu'une fois que nous aurons un régime adéquat, les forces du marché s'uniront pour veiller à la satisfaction des besoins en matière d'accès dont il est question aujourd'hui. Mais, si le marché ne pouvait toujours pas ou ne voulait pas s'organiser et fournir aux utilisateurs ce dont ils ont légitimement besoin à un prix raisonnable, si donc le marché abdiquait son rôle, alors, et seulement alors, le gouvernement aurait des raisons de songer à intervenir en apportant des exceptions ou d'autres mesures.

    On ne saurait dire que le marché a abdiqué son rôle. Je pense que les créateurs et les titulaires de droits d'auteur qui témoigneront dans les trois jours qui suivent vous relateront, à leur manière, leur désir de satisfaire aux exigences de la collectivité des utilisateurs. En fait, je suis sûre que certains vous diront que c'est là leur raison d'être. Je sais que c'est la raison pour laquelle Access Copyright a été fondée il y a 15 ans : pour répondre aux besoins du milieu scolaire en matière d'accès facile et abordable aux oeuvres. Nous l'avons fait dans l'univers analogique et nous le ferons encore dans l'univers numérique si vous nous en donnez la possibilité.

    Merci.

¿  +-(0915)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

    Le prochain témoin est M. Beauchemin de Droit d'auteur Multimédia-Internet Copyright.

    Monsieur Beauchemin.

+-

    M. Michel Beauchemin (coordonnateur, Droit d'auteur, Multimédia, Internet, Copyright (DAMIC)):

    Bonjour. Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Rapidement, je veux préciser que le DAMI© est un regroupement ad hoc, peut-on dire, qui réunit des associations professionnelles d'artistes créateurs et d'artistes interprètes, ainsi que de sociétés collectives du droit d'auteur dans différents domaines, donc des arts de la scène, des arts visuels, de l'audiovisuel, radio, télévision, cinéma, de la littérature, des métiers d'art et du disque. Donc, on réunit autant les associations d'artistes que les sociétés de gestion collective que ces associations se sont données. On peut dire que sous le parapluie du DAMI©, on peut retrouver grosso modo entre 40 000 et 50 000 artistes ou ayants-droit titulaires du droit d'auteur. C'est donc au nom de ces organismes que je vais parler ce matin.

    Nous avons eu fréquemment l'occasion de faire connaître nos points de vue par différents mémoires. Ce matin, je ferai donc seulement des remarques très rapides et en partant d'une expérience concrète, l'expérience de l'AQAD, c'est-à-dire de l'Association québécoise des auteurs dramatiques, en matière d'exception à la protection des oeuvres protégées par la Loi sur le droit d'auteur.

    En 1995, la Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur instituait de nouvelles exceptions en faveur des établissements d'enseignement. L'article 29.5 de cette loi prévoyait en effet, entre autres choses, que l'exécution en direct et en public d'une oeuvre, principalement par les élèves d'un établissement scolaire, ne constituait pas une violation du droit d'auteur. Ce que le ministère du Patrimoine nous a expliqué après coup, c'est que cette exception avait été insérée dans la loi pour favoriser le paiement du droit d'auteur dans les établissements d'enseignement, en balisant l'usage des oeuvres dramatiques protégées par la Loi sur le droit d'auteur.

    On nous expliquait en effet qu'on constatait que les écoles ne respectaient pas la Loi sur le droit d'auteur. Donc, l'hypothèse qui avait été formulée était que si on balisait la loi, si on précisait l'exception, on encouragerait les institutions d'enseignement à payer pour les usages non exemptés par la loi. Dans les faits, en ce qui concerne le Québec, le résultat a été radicalement inverse, en ce sens que cela a entraîné une baisse de 15 à 25 p. 100 des droits d'auteurs payés aux auteurs dramatiques québécois par le ministère de l'Éducation dans le cadre d'une entente financière signée entre notre association et le ministère de l'Éducation.

    Pour faire une histoire brève, chaque école nous déclarait l'ensemble des représentations théâtrales qui étaient faites dans les écoles, et on payait à hauteur de 100 $ par représentation. Avec l'exception, toutes les représentations données seulement devant les professeurs et les étudiants étaient exclues de l'entente. Donc, les auteurs ont perdu, sur une base de 150 à 250 déclarations par année, au moins 100 $ par déclaration, ce qui nous amène à dire que la perte a été entre 15 000 $ et 25 000 $ par année pour les auteurs dramatiques québécois.

    De plus, cette exception avait pour effet de complexifier l'application du régime. Théoriquement, on dit toujours que les exceptions ont pour but de faciliter l'usage des oeuvres. Dans ce cas-là, cette exemption avait l'effet de le complexifier, car avant l'exemption, les écoles savaient qu'elles devaient déclarer toutes les représentations, alors que maintenant, on doit couramment expliquer à toutes les écoles qu'elles n'ont pas à payer pour telle représentation, mais qu'elles doivent payer pour telle autre. Donc, cela a complexifié l'application du régime autant pour les utilisateurs que pour la société de gestion qui gère les droits: la SoQAD, pour nous.

    On peut donc dire ce matin que nous invitons le gouvernement à ne pas jouer--quand on parle d'exceptions--les apprentis sorciers, donc, à ne pas prétendre faciliter l'utilisation des oeuvres en élargissant la protection ou les exemptions consenties aux établissements d'enseignement, et cela pour deux raisons. Vous n'êtes pas sans savoir que la Cour suprême du Canada, dans sa décision sur l'affaire opposant le Barreau du Haut-Canada et Thompson Canada Limitée, vient d'élargir considérablement la notion, la portée des exceptions, en érigeant en droit des utilisateurs les exceptions qu'on concevait auparavant comme des privilèges ou des exceptions. Maintenant, la Cour suprême nous invite à dire que dès qu'on accorde une exception, on accorde un droit à un utilisateur qui doit être analysé de façon large par les cours de justice, donc interprété dans un sens favorable à l'utilisateur, et non pas à [Note de la rédaction: inaudible].

    Donc, on vous invite à la prudence quand vous pensez élargir la notion d'exception, surtout que le jugement de la Cour suprême élargit aussi considérablement la notion d'usage équitable des oeuvres. On élargit vraiment maintenant la possibilité d'utiliser pour des chercheurs, professeurs et autres personnes, l'usage dit équitable. On dit donc actuellement qu'il faut être très prudent, parce que la jurisprudence récente favorise carrément les utilisateurs. D'ailleurs, on vous invite à vous pencher ultérieurement sur cette question de la portée de la jurisprudence récente et de l'effet que cela a eu pour les utilisateurs de droits.

¿  +-(0920)  

    Ce qui serait important aussi serait de replacer cette question des exceptions dans le contexte du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, dont l'article 10, par exemple, limite le recours aux exceptions en prévoyant que les exceptions introduites dans les lois nationales peuvent l'être dans certains cas spéciaux seulement où elles ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne causent de préjudice préjustifié aux intérêts légitimes des auteurs, donc des ayants droit.

    Actuellement, la question de l'extension des exceptions se situe donc dans un cadre législatif extrêmement dangereux au Canada. On peut dire que de plus en plus, nous, les créateurs, avons l'impression que la Loi sur le droit d'auteur est de moins en moins une loi sur le droit d'auteur, mais de plus en plus une loi sur le droit des auteurs et des utilisateurs d'oeuvres, au nom d'un principe d'équilibre entre les deux qui défavorise systématiquement, depuis ces dernières années, les auteurs.

    Dans sa présentation du rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur, Mme Susan Bincoletto, tout en se disant fort préoccupée de protéger les intérêts des auteurs et des ayants droit, se disait également fort préoccupée de permettre aux éducateurs et à leurs étudiants d'utiliser à des fins éducatives le matériel Internet qui est publiquement accessible, sans les mettre pour autant dans le risque d'entraver la loi ou d'enfreindre la loi, donc d'être dans l'illégalité. Tout en prétendant ou en disant vouloir que son ministère soit préoccupé de défendre les droits des créateurs, elle plaidait plus ou moins implicitement, selon nous, pour élargir la portée de l'exception consentie aux établissements d'enseignement, en élargissant ou en amendant la définition d'utilisation équitable en ce qui a trait au matériel accessible en ligne.

    On sent donc qu'il y a une volonté au ministère de l'Industrie d'élargir l'usage pour les établissements d'enseignement et on trouve cela très dangereux, comme je le disais, dans le contexte des décisions qui ont été prises récemment par la Cour suprême. Donc, on vous invite à la prudence.

    En fait, on critique l'orientation que donne actuellement le Bureau du droit d'auteur du ministère de l'Industrie pour deux raisons. D'une part, on dit toujours que c'est compliqué pour les établissements d'enseignement de contrôler l'usage des oeuvres qui sont facilement accessibles sur Internet par leurs professeurs et leurs étudiants. Pourtant, ces dernières semaines, on a pu voir dans les médias l'énorme préoccupation des institutions d'enseignement en ce qui concerne le plagiat. Donc, de plus en plus d'étudiants, par la magie du copier-coller, s'emparent de larges extraits de textes qu'ils s'approprient sans citation et en les présentant comme tels. Les maisons d'éducation se disent très préoccupées par ces cas de plagiat et ont mis en place, par l'achat de logiciels, des moyens de contrôler ce que font leurs étudiants dans le domaine de l'appui Internet. Donc, on peut dire que les maisons d'éducation trouvent actuellement le moyen de contrôler dans l'acte éducatif les apports--appelons cela ainsi--que les étudiants ou les professeurs pourraient trouver sur Internet.

    Ce qui est un peu ironique--et je ne pense pas que ce soit le but des maisons d'éducation--, c'est que les maisons d'éducation, implicitement, en viennent donc à défendre le droit moral des auteurs, en exigeant que leurs étudiants citent les auteurs dont ils utilisent les oeuvres et qu'ils n'en utilisent que des parties peu substantielles. On voit que les maisons d'éducation se placent en position vraiment de contrôler le droit moral, alors que lorsqu'il s'agit d'arriver à l'exploitation des oeuvres, tout d'un coup, comme par hasard, elles ne sont plus capables de contrôler l'utilisation des oeuvres.

    Nous nous interrogeons à savoir si c'est vraiment la difficulté de contrôler l'usage que font leurs étudiants des matériels protégés par la Loi sur le droit d'auteur sur Internet qui les préoccupe, ou si ce n'est pas plutôt une préoccupation financière d'économiser, finalement, des droits qui devraient être payés aux auteurs.

    Il est tout à fait clair que, dans ce contexte-là, nous considérons qu'il existe une alternative à l'extension de l'exception et à l'élargissement du droit des maisons d'éducation d'utiliser tout ce qu'on trouve sur Internet, même quand il y a une mention expresse disant que c'est protégé par le copyright et que toute reproduction est interdite, et c'est, comme l'a très bien expliqué Access Copyright, toute la question de la licence élargie et de la gestion collective.

    Je ne vous ennuierai pas plus longtemps en essayant de vous expliquer ce qui a déjà été très bien expliqué par Access Copyright, mais il semble, compte tenu des conditions d'existence des artistes, qu'il faut chercher la voie, non pas dans un sens d'extension des exceptions, mais vraiment dans le sens d'une gestion collective qu'il est tout à fait possible d'organiser.

¿  +-(0925)  

    On a mis en place sur Internet ce qu'on appelle une bibliothèque-librairie virtuelle qui permet un accès gratuit à toutes les oeuvres, ou du moins à une bonne partie du répertoire théâtral québécois. Les écoles peuvent donc le consulter.

    En outre, avec la collaboration de Copibec et de Access Copyright, on a prévu un mode de perception facile d'utilisation. On considère qu'il y a des façons d'acheminer les oeuvres et de les rendre disponibles aux écoles et aux autres institutions d'enseignement. Il y a aussi des façons faciles de payer les droits d'auteur, en autant qu'on ait la volonté de le faire.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Beauchemin.

    Monsieur Roger Doucet, sous-ministre du ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick.

+-

    M. Roger Doucet (sous-ministre, ministère de l'Éducation (Nouveau-Brunswick), Consortium du droit d'auteur du Conseil des ministres de l'Éducation (Canada)):

    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    C'est au nom du Consortium du droit d'auteur du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada que je m'adresse aujourd'hui au Comité du patrimoine canadien. Je vous remercie d'avoir invité le consortium à présenter une nouvelle fois son point de vue sur un dossier d'importance vitale pour le secteur de l'éducation et pour l'avenir de l'apprentissage au Canada.

    Permettez-moi de préciser tout d'abord que le Consortium du droit d'auteur du CMEC fait partie d'un vaste groupe d'associations éducatives et culturelles pancanadiennes qui sont parvenues à un consensus sur le problème important de l'accès à Internet à des fins éducatives. Il importe de souligner que la position commune que nous exposons représente les vues des 13 organismes pancanadiens du secteur de l'éducation primaire, secondaire et postsecondaire—enseignants, conseils scolaires, collèges, universités et professeurs—ainsi que des groupes nationaux représentant les musées, les bibliothèques et les services archivistiques.

    Ce regroupement est unique en son genre puisque ses membres jouent un rôle de premier plan dans l'avancement de l'éducation, de l'apprentissage et de la recherche ainsi que dans le développement social, culturel et économique du Canada. Ce sont eux, en grande partie, qui permettent au public d'avoir accès aux ressources pédagogiques, culturelles et patrimoniales du Canada.

    Dans mes observations préliminaires, je vais surtout me concentrer sur l'objectif principal du consortium. Nous considérons qu'il est dans l'intérêt du public de garantir aux étudiants et au personnel enseignant un accès raisonnable et légal au matériel numérique. Je vais maintenant prendre quelques minutes pour vous exposer une proposition de modification à la Loi sur le droit d'auteur en faveur de l'éducation. Cette modification représente une solution raisonnable et avantageuse pour les Canadiens, que le consortium et ses partenaires ont été déçus de ne pas retrouver dans le rapport d'étape du gouvernement.

    Depuis le lancement du processus de réforme du droit d'auteur, le consortium fait valoir avec insistance la nécessité de moderniser et de modifier la Loi sur le droit d'auteur pour permettre aux étudiants et au personnel enseignant de tirer le meilleur parti possible des ressources d'apprentissage offertes par les technologies numériques. Nous avons collaboré avec les responsables du ministère du Patrimoine canadien et d'Industrie Canada et avons rencontré de nombreux groupes représentant les intérêts des créateurs et des titulaires de droits d'auteur afin d'exposer le contenu et le but de la modification en faveur de l'éducation que nous proposons d'apporter à la loi.

    Pour les étudiants et le personnel enseignant, l'accès raisonnable aux ressources sur Internet est une condition sine qua non de l'apprentissage et de l'enseignement. Comme les membres du comité le savent bien, à l'heure actuelle, la Loi canadienne sur le droit d'auteur interdit aux étudiants et au personnel enseignant de participer légalement à des activités pédagogiques courantes qui exigent le téléchargement, le stockage et la diffusion de textes ou d'images provenant d'Internet et destinés au téléchargement et à la distribution sans restriction. Ce problème doit être résolu dès que possible. Par conséquent, nous avons été heureux de constater que le gouvernement a inscrit le dossier de l'accès Internet à des fins éducatives au nombre de ses priorités législatives à court terme.

    Les éducateurs et les autorités partout au Canada s'inquiètent de toute atteinte au droit d'auteur. Le secteur de l'éducation revendique une Loi sur le droit d'auteur claire et équilibrée, qui permet d'éliminer les atteintes au droit d'auteur tout en assurant à chaque étudiant et à chaque enseignant un accès juste, en temps utile, au matériel sur Internet.

    C'est à partir de cette conception du droit d'auteur que le consortium et ses partenaires pancanadiens proposent une modification en faveur de l'éducation. Nous préconisons une modification qui permettrait l'utilisation à des fins éducatives du matériel disponible publiquement sur Internet. Cette modification vise à répondre aux besoins du milieu de l'éducation et, au bout du compte, à clarifier le droit d'auteur relatif au matériel Internet et à le faire respecter davantage.

    Le consortium et ses partenaires proposent une modification assortie de conditions bien précises. Il ne s'agit pas d'une exception générale et inconditionnelle aux droits des créateurs et des titulaires de droits d'auteur, puisque la portée de la modification proposée est limitée à deux égards importants.

    Premièrement, elle s'applique exclusivement aux participants d'un programme d'apprentissage sous l'autorité d'un établissement d'enseignement. Par exemple, la modification proposée permettrait aux étudiants d'utiliser du matériel publiquement disponible sur Internet en incorporant des textes ou des images dans leurs devoirs, en jouant des oeuvres musicales ou des pièces en ligne pour leurs camarades ou en échangeant du matériel avec d'autres étudiants ou avec le personnel enseignant.

    Deuxièmement, cette modification s'applique strictement à l'utilisation de matériel publiquement disponible sur Internet, c'est-à-dire de matériel affiché en ligne par le créateur du contenu et le titulaire du droit d'auteur et ne faisant l'objet d'aucune mesure de protection technique comme un mot de passe, le chiffrement ou un système semblable visant à limiter l'accès au matériel et sa diffusion. Il s'agit de matériel destiné à recevoir une large diffusion, comme des textes, des images, des enregistrements musicaux ou des démonstrations pédagogiques.

    La modification proposée en faveur de l'éducation permettra aux étudiants et aux éducateurs d'accéder au matériel publiquement disponible sur Internet et de l'utiliser en toute légalité. Elle ne dispensera pas les établissements d'enseignement de payer pour le matériel numérique non gratuit, comme les CD-ROM offerts en vente, les bases de données accessibles par abonnement, les logiciels offerts sous licence ou les cours ou autres ressources pédagogiques disponibles en ligne.

¿  +-(0930)  

    Les titulaires de droits d'auteur qui désirent vendre leur matériel numérique ou offert en ligne, ou y limiter l'accès de quelque autre manière, peuvent continuer de le faire en exigeant que les utilisateurs s'abonnent ou qu'ils aient un mot de passe ou en leur imposant des mécanismes de paiement. La modification proposée en faveur de l'éducation ne s'applique pas au matériel qui n'est pas accessible gratuitement, et les créateurs et titulaires de droits d'auteur pourront continuer de vendre leurs oeuvres et d'être rémunérés pour leur utilisation, comme nous l'avons déjà expliqué.

    Selon une opinion fausse, mais répandue, la modification proposée en faveur de l'éducation nuirait aux créateurs ou aux titulaires de droits d'auteur. En réalité, la modification ne lésera nullement les créateurs ou les titulaires de droits d'auteur, comme le concluaient clairement les auteurs du récent rapport intitulé Évaluation de l'incidence économique de la réforme du droit d'auteur sur le domaine de l'apprentissage assisté par la technologie, rédigé par la Direction générale des politiques cadres du marché d'Industrie Canada. Ce rapport conclut que « toutes les réformes ayant pour objet d'étendre la portée des exceptions à l'enseignement à distance et d'allonger la liste des exceptions à des fins pédagogiques seraient vraisemblablement avantageuses et entraîneraient des coûts minimes ».

    Qui plus est, il est fort probable que cette modification soit avantageuse pour les créateurs et les titulaires de droits d'auteur. En effet, puisqu'il sera légalement possible d'utiliser le matériel publiquement disponible sur Internet, les établissements d'enseignement et le personnel enseignant pourront avancer des arguments énergiques et crédibles en faveur de la propriété intellectuelle et du droit des créateurs d'être rémunérés pour leurs oeuvres. En dernière analyse, pour que la Loi canadienne sur le droit d'auteur puisse être appliquée de façon efficace dans les milieux scolaires, elle doit être structurée de manière à permettre aux étudiants et au personnel enseignant de nos écoles et de nos universités de bien savoir quel est le matériel qu'ils sont autorisés à utiliser à des fins éducatives et quel est le matériel qui est soumis au droit d'auteur et pour lequel nous devons payer des droits. Ainsi, le personnel enseignant pourra donner l'exemple du respect pour la propriété intellectuelle qu'il enseignera à ses étudiants.

    C'est dans cette perspective que le consortium affirme énergiquement que toute réforme éclairée du droit d'auteur doit distinguer le matériel diffusé gratuitement sur Internet du matériel payant. La Loi sur le droit d'auteur doit donc être modernisée par l'inclusion de droits et d'exceptions appropriés.

    Permettez-moi de répéter que la modification s'applique uniquement au matériel gratuit. Ainsi, elle peut coexister avec la protection du droit d'auteur relatif au matériel payant, dont il faut respecter le caractère lucratif en acquittant les droits exigés. Ainsi, la distinction entre le matériel gratuit et le matériel payant reflète l'équilibre entre les droits et les exceptions. Je m'empresse d'ailleurs d'ajouter que cette distinction reflète également la réalité d'Internet aujourd'hui.

    Nous pouvons tous convenir que les rapides progrès techniques dans l'apprentissage assisté par la technologie exigent la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. Le consortium soutient que la nouvelle loi doit servir l'intérêt public en permettant un accès raisonnable au matériel disponible sur Internet et son utilisation raisonnable à des fins d'éducation, d'enseignement, de recherche et d'innovation, ainsi que de diffusion du savoir. Si le gouvernement limite l'accès à un outil aussi précieux qu'Internet et limite son utilisation, comme il est proposé dans le rapport d'étape du gouvernement dont le comité est saisi, la qualité de l'éducation au Canada pourrait en venir à être compromise.

    Puisque j'évoque le rapport d'étape du gouvernement, je saisis l'occasion de déclarer que les deux options qui y sont présentées nous paraissent toutes deux inacceptables. Ni l'une ni l'autre n'est raisonnable puisqu'elles imposent toutes deux des droits d'accès au matériel accessible gratuitement sur Internet.

    Je conclurai en rappelant que les provinces et territoires affirment depuis longtemps qu'il faut protéger l'intérêt public par un régime de droits d'auteur modernisé et équilibré. C'est un besoin qui se fait maintenant sentir plus que jamais, car tous les paliers de gouvernement investissent de nos jours pour s'assurer que les Canadiens sont branchés et pour faire la promotion du développement des compétences et de l'innovation en ligne. Dans notre monde axé sur la compétitivité internationale, il est de plus en plus important de favoriser l'économie du savoir et l'acquisition de compétences qui permettent de profiter pleinement des possibilités d'Internet. S'il adopte une loi équilibrée en matière de droits d'auteur qui réponde aux besoins des étudiants et du personnel enseignant et qui favorise l'accès au matériel publiquement disponible sur Internet, le Canada fera beaucoup pour améliorer les possibilités d'apprentissage des générations à venir.

¿  +-(0935)  

    Le consortium et ses partenaires sollicitent un accès raisonnable à des fins éducatives. La modification en faveur de l'éducation que nous proposons est conditionnelle. Nous proposons une solution qui respecte les droits des créateurs et des titulaires de droits d'auteur tout en répondant aux besoins éducatifs des étudiants et du personnel enseignant canadiens.

[Français]

    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Doucet.

    Nous accueillons maintenant Liz Warwick, vice-présidente de la Periodical Writers Association of Canada. Bienvenue.

+-

    Mme Liz Warwick (vice-présidente, Periodical Writers Association of Canada): Bonjour, merci pour votre invitation.

    Je suis ici au nom de la Periodical Writers Association of Canada, mieux connue sous son acronyme PWAC. Nous servons et représentons plus de 500 rédacteurs indépendants dans l'ensemble du Canada. PWAC joue un rôle actif au sein de la collectivité des créateurs canadiens et elle est un chef de file de l'élaboration de politiques et d'instruments, notamment Access Copyright, qui contribuent de manière importante aux capacités intellectuelles, artistiques et politiques de notre pays.

    Comme le nom de l'organisation l'indique, ses membres produisent du contenu pour les journaux et les magazines canadiens. Ils ne se limitent toutefois pas à ces tâches; ils écrivent des ouvrages documentaires, des romans, des livres pour enfants, des manuels pédagogiques, des publications organisationnelles, des publications gouvernementales, ainsi que des textes pour la radio, la télévision et le cinéma. Je suis un membre typique de la PWAC : j'écris pour une gamme de publications et de clients qui me paient, à mon grand plaisir, pour les mots que je produis. Toutefois, la plupart du temps, lorsque je présente un article et que je reçois une rétribution à cet égard, je ne « vends » pas l'article en tant que tel. Je permets plutôt à l'éditeur d'un magazine ou d'un bulletin d'utiliser cet article dans des circonstances particulières, par exemple dans le numéro d'avril d'une publication. Si mon client souhaite par la suite présenter mon article dans un site Web, il doit en négocier les modalités avec moi, et me verser habituellement des frais supplémentaires. Bref, je conserve la propriété et le contrôle de mes oeuvres, ce qui est le fondement du droit d'auteur. C'est pourquoi la PWAC ne peut ni ne veut appuyer les exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur.

    Les exceptions nuisent aux créateurs. D'abord et avant tout, elles leur nuisent financièrement. Les rédacteurs pigistes gagnent littéralement leur vie en exerçant un contrôle sur l'utilisation de leurs oeuvres et sur le prix qu'ils en demandent. Fondamentalement, les exceptions portent un coup à la valeur que devraient avoir les créations.

    De quoi parlons-nous lorsque nous discutons de contenu Internet? Nous parlons d'articles que des rédacteurs comme moi ont produits après des heures de recherche et de rédaction, peinant pour trouver le mot juste. Nous parlons de photos que quelqu'un a prises et du travail de préparation, d'éclairage et de développement connexe. C'est peut-être du contenu, mais c'est aussi la création d'une personne. Et conformément à la Loi canadienne sur le droit d'auteur, ces créations appartiennent légitimement à leur auteur, qui devrait exercer un contrôle sur elles. Il est illégal de les copier sans autorisation et sans payer pour leur utilisation. Comme vous le savez, la Canadian Copyright Licensing Agency, ou Access Copyright, et son homologue au Québec, Copibec, offrent un mécanisme juridique simple et abordable permettant d'avoir accès à des oeuvres protégées par un droit d'auteur.

    Il existe des licences abordables et simplifiées permettant aux entreprises privées, aux gouvernements, aux bibliothèques et aux établissements d'enseignement d'utiliser les oeuvres protégées par un droit d'auteur et le mécanisme à cet égard est déjà utilisé au Canada. L'ajout d'autres exceptions à cette pratique équivaudrait à annuler les efforts déployés par les créateurs et les éditeurs au cours des 20 dernières années pour bâtir un système qui donne accès aux oeuvres, tout en maintenant la valeur du travail des titulaires de droits d'auteur. Les exceptions vont à l'encontre de la raison d'être de la Loi sur le droit d'auteur, soit d'accorder à l'artiste le droit de retirer un avantage financier de son travail.

    Je voudrais également traiter d'une question qui a été soulevée devant le comité : l'équilibre. Vous avez certainement entendu parler de la nécessité d'arriver à un équilibre entre les droits des créateurs et l'accès à l'information. En tant que rédactrice, je tiens beaucoup à ce que mon travail soit présenté et lu par le plus grand nombre de personnes possible. Toutefois, mes collègues de la PWAC et moi sommes troublés par l'idée qu'il faille apporter des exceptions à la Loi sur le droit d'auteur du Canada pour atteindre cet équilibre. Nous vivons bel et bien à l'ère numérique, mais cela n'empêche pas que le contenu numérique est la propriété de son créateur et qu'un régime de licences peut donner aux utilisateurs un excellent accès.

    Nous sommes rassemblés aujourd'hui pour discuter de l'utilisation de matériel électronique à des fins didactiques, et plus particulièrement de l'exception touchant les établissements d'enseignement. Allant à l'encontre des coutumes et traditions économiques, les étudiants, les écoles et les bibliothèques demandent l'accès gratuit à la propriété privée. C'est à croire que l'utilisation des mots « Internet » et « numérique » change, comme par magie, le fait que nous discutons de l'utilisation de matériel, et que ce matériel a un propriétaire. Quelqu'un a fourni des efforts pour le créer et quelqu'un a investi de l'argent pour le publier ou le produire. En vertu de la Loi canadienne sur le droit d'auteur, ce matériel dont nous parlons appartient à quelqu'un et, ne l'oublions pas, il représente le gagne-pain de personnes en chair et en os. Pourquoi donc y aurait-il une exception au mécanisme économique traditionnel de l'utilisateur payeur?

    Les membres de la PWAC respectent la valeur des établissements d'enseignement et essaient de comprendre les défis économiques que doit relever le secteur de l'éducation. Il y a une certaine ironie dans le conflit qui nous oppose à ce secteur au sujet du paiement de droits pour l'utilisation de biens et services. Beaucoup d'entre nous ont payé des frais de scolarité élevés et vécu des difficultés financières afin d'acquérir la formation et le savoir nécessaires pour devenir des rédacteurs professionnels accomplis.

¿  +-(0940)  

Aujourd'hui, on nous demande de céder gratuitement le produit de nos coûteuses études. Voilà pourquoi nous appuyons énergiquement un régime de licences générales sous l'égide de la société de gestion collectives.

    En tant que parent d'un enfant à l'école primaire, cette ironie me frappe davantage. Lorsque j'entre dans la classe de mon enfant, je vois toutes sortes de produits et de matériels qui ont été achetés : depuis les pupitres et les chaises, les ordinateurs et l'équipement audiovisuel jusqu'aux logiciels, aux disques compacts et aux DVD. L'école achète des articles de sport pour les élèves et des fournitures de bureau pour les responsables de l'administration et elle paie les entrepreneurs qui asphaltent le stationnement et réparent les appareils d'éclairage de sécurité. Elle achète de l'assurance et paie ses enseignants et ses administrateurs pour qu'ils viennent travailler tous les jours.

    Aucune de ces personnes ne s'attend qu'en vertu de la loi, elle doive dispenser gratuitement ses services. Pourtant, c'est exactement ce que les membres de la PWAC seront obligés de faire si la Loi sur le droit d'auteur comporte une exception touchant les établissements d'enseignement.

    La PWAC n'essaie pas de dresser des obstacles, surtout quand il s'agit de l'éducation des enfants. Nous ne voulons pas non plus que les nombreux enseignants exceptionnels et dévoués soient accablés de travail administratif supplémentaire, de démarches fastidieuses et de problèmes difficiles à résoudre. C'est pourquoi nous appuyons fermement la concession de licences générales.

    Access Copyright est parfaitement bien placée pour offrir aux établissements d'enseignement des licences autorisant l'utilisation numérique. De plus, Access Copyright travaille à l'élaboration de systèmes de distribution numérique qui rendront l'accès au matériel protégé par un droit d'auteur et le paiement pour son utilisation aussi simples qu'un clic de souris. Une fois ces mécanismes mis en place, chacun pourra s'occuper de son travail de formation des enfants, d'écriture de nouveaux textes et articles et au bout du compte, de faire progresser notre économie du savoir.

    Les rédacteurs pigistes s'interrogent avant tout sur les motifs qui sous-tendent les exceptions proposées à la Loi sur le droit d'auteur. Pourquoi adopter une exception alors qu'il n'y a pas lieu de le faire et que l'exception aura une incidence négative? Je tiens à être claire sur ce point : les exceptions à la Loi sur le droit d'auteur nuisent au développement de l'économie du savoir. Les législateurs qui ont élaboré la Loi sur le droit d'auteur ont compris que, pour être en mesure de créer du matériel de qualité, les artistes doivent en retirer un avantage financier.

    Les licences autorisant l'utilisation de matériel numérique protégé par un droit d'auteur sont simples à négocier et abordables. Access Copyright est un organisme canadien de centralisation des plus efficaces tant pour la gestion des droits d'auteur que pour la distribution de contenu. Le fait d'alourdir une loi déjà complexe en y intégrant des exceptions, quel que soit le raisonnement qui les sous-tend, est dans le meilleur des scénarios inutile, et dans le pire, extrêmement dommageable pour tout un secteur culturel.

    La rédaction et l'édition au Canada représentent un défi dans un contexte normal. Elles deviennent carrément impossibles quand aucun paiement n'est prévu pour ces services. En tant que fournisseurs de contenu professionnels, nous appuyons le principe de l'accès sans restriction des établissements d'enseignement à notre contenu. Nous demandons simplement que vous ne vous attendiez pas à ce que nous autorisions un accès gratuit.

¿  +-(0945)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Warwick.

    Nous écouterons maintenant Susan Peacock, vice-présidente de l'Association canadienne des distributeurs de films.

+-

    M. Susan Peacock (vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films): Merci.

    Bonjour à tous.

    Beaucoup d'entre vous m'ont déjà entendue, dans une autre salle, si ce n'est ici, parler de réforme du droit d'auteur. Pour les fins du compte rendu, je répéterai que les membres de notre association sont Columbia, Disney, MGM, Paramount, 20th Century Fox, Universal et Warner Brothers. Il s'agit des producteurs et distributeurs de ce que la Loi sur le droit d'auteur appelle des oeuvres cinématographiques, et que nous appelons des films et des émissions de télévision.

    J'aimerais commencer par des commentaires de nature générale qui s'appliquent à toutes les questions d'accès dont vous traiterez cette semaine. Tout d'abord, comme le texte des amendements relatifs à l'OMPI n'est pas encore établi, je crois qu'il est encore trop tôt pour envisager de nouvelles exemptions, y compris des licences obligatoires.

    Le rapport d'étape du ministre dit par exemple que de nouvelles exemptions relatives à l'utilisation de matériel Internet à des fins didactiques doivent être assorties de garanties techniques suffisantes et que les nouvelles exemptions pour la formation à l'aide de la technologie doivent aussi comprendre des garanties pour les oeuvres auxquelles s'appliqueraient de nouvelles exemptions.

    Dans le monde numérique, les garanties ne peuvent être ni appropriées ni suffisantes sans les amendements de l'OMPI. Les traités de l'OMPI exigent que ces amendements donnent des protections juridiques suffisantes et des recours judiciaires efficaces contre le contournement des mesures technologiques et offrent des recours judiciaires suffisants et efficaces contre l'altération des renseignements sur la gestion des droits.

    Tout le monde s'entend sur une chose : Actuellement, les titulaires de droits n'ont ni cette protection, ni ces recours. En attendant, comment les nouvelles exemptions peuvent-elles être assorties de garanties suffisantes?

    Dans la section des exemptions du rapport d'étape, à maintes reprises, on laisse entendre que la solution est d'encourager l'émission de licences pour les écoles et les bibliothèques. Tant que le mot « encourager » ne signifie pas secrètement « obliger », nous sommes d'accord. Nous voulons que vous pensiez comme nous que la meilleure façon d'encourager l'accès, c'est l'émission de licences volontaires, et particulièrement de licences sûres, pratiques et à prix concurrentiel pour tous les utilisateurs et non seulement pour les établissements d'enseignement et les bibliothèques. Le meilleur encouragement, c'est la ratification des traités de l'OMPI.

    Notre deuxième point de nature générale, c'est que les exemptions, si elles sont rédigées avant que soit connu le texte des amendements de l'OMPI, pourraient contredire ceux-ci et devoir être récrites. On a pu constater jusqu'ici que c'est un processus assez long et qu'entre temps, beaucoup de problèmes peuvent survenir.

    Au sujet des solutions en apparence attirantes du régime de licences obligatoires, et dans une certaine mesure, des licences étendues, j'aimerais vous parler un peu de mon expérience de la gestion pendant 15 ans d'une société de perception de droits d'auteur.

    Comme certains membres du comité me l'ont déjà entendu dire, une licence obligatoire est en fait une expropriation et rien dans le témoignage des responsables ne nous fait croire qu'une mesure aussi extrême soit nécessaire, surtout dans le cas des films et des émissions de télévision.

    Qu'on parle de licences obligatoires ou de licences étendues, les propriétaires de petits répertoires seront difficiles à trouver pour la société de gestion des droits, et ceux qui ne seront pas trouvés ne seront pas payés. Pour les très grands répertoires, la société de perception doit procéder à un échantillonnage pour la distribution des redevances. Les propriétaires de grands répertoires sont donc avantagés, puisque leurs oeuvres seront plus probablement dans l'échantillon.

    Le propriétaire d'une oeuvre à usage unique, en un seul endroit, peut ne pas être le propriétaire de l'oeuvre pour un autre usage, à un autre endroit. Le propriétaire d'une oeuvre aujourd'hui peut la céder à quelqu'un d'autre, demain. Pour les gestionnaires de sociétés de perception de droits, il en résulte qu'il est difficile de trouver les propriétaires de droits d'auteur. C'est le problème que la société de gestion est censée régler, mais elle ne le règle en fait que pour les utilisateurs.

    Ces deux régimes de licence sont surtout favorables aux utilisateurs, et les propriétaires n'en profitent pas quand on ne peut pas les trouver, quand leurs oeuvres ne sont pas dans l'échantillon ou quand on leur verse une redevance artificiellement faible. Cela peut se produire de deux façons.

    La Commission du droit d'auteur doit fixer un taux abordable pour les utilisateurs, même s'il est nettement inférieur à la juste valeur marchande. La société de perception peut ne pas pouvoir appliquer le tarif, faute de trouver ceux qui devraient verser des redevances, et qui n'en versent pas. La société peut manquer de ressources pour justifier un programme de surveillance ou un régime de répartition juste. Dans le pire des cas, même des frais d'administration minimes peuvent dépasser les recettes de la société de perception.

¿  +-(0950)  

    J'ai maintenant des commentaires à formuler au sujet des exceptions pour maisons d'enseignement qui sont envisagées aujourd'hui. La rapport d'étape suscite chez nous des préoccupations précises, peut-être faute d'entrer dans les détails, sans plus. Le témoignage de certains fonctionnaires devant votre comité, depuis le 25 mars, nous encourage, puisqu'on a laissé entendre que le gouvernement avait l'intention de limiter les exceptions proposées de manière à ce qu'elles ne nous préoccupent plus.

    Je peux présenter notre position très brièvement. Notre organisme s'oppose fermement à toute nouvelle exception ou licence obligatoire pour les oeuvres cinématographiques. Nous avons aussi quelques réserves au sujet des licences étendues.

    En parlant du sujet d'aujourd'hui, M. Stockfish a dit au comité, le 25 mars, que la principale préoccupation des enseignants se rapportait aux oeuvres littéraires. En outre, le rapport d'étape décrit ainsi cette question : « Comment faciliter l'utilisation à des fins éducatives du matériel publiquement accessible sur Internet », c'est-à-dire de matériel pour lequel les propriétaires ne s'attendent pas à une rémunération.

    S'il était clair que cette exception, quelle que soit sa formulation, ne s'appliquait qu'à des textes et à des oeuvres offertes sans contrepartie, nous n'aurions rien à redire. Cela ne nous préoccuperait aucunement. Il n'est toutefois pas clair dans le rapport d'étape que les options A et B sont ainsi limitées. On ne sait pas non plus très bien quelles utilisations sont envisagées.

    Dans l'option A, on amenderait la définition d'utilisation équitable en en élargissant la portée pour englober l'enseignement et les études. La récente et très, très large interprétation de l'utilisation équitable, en ce qui a trait à la recherche, assortie au fait que le rapport d'étape ne précise pas que cette exception se limiterait aux oeuvres littéraires ou au matériel publiquement accessible, nous cause bien du souci. La Cour suprême a décidé qu'en vertu de l'exception actuelle relative à l'utilisation équitable, des avocats peuvent copier des textes juridiques, et d'autres peuvent fournir des services de reproduction et de distribution de ces textes sans le consentement du titulaire de droits d'auteur.

    Que pourrait-on faire d'autre de ces oeuvres et qui d'autre voudrait s'en servir? Les seuls utilisations protégées que pourraient vouloir faire des utilisateurs ordinaires sont une utilisation équitable, d'après la Cour suprême, l'autorité ultime au Canada. Je suis donc fort préoccupée quand on émet l'idée qu'on envisage d'élargir la portée de l'utilisation équitable pour qu'elle comprenne aussi l'enseignement et les études.

    La deuxième partie de l'option A porte à confusion. Elle prévoit le versement de tarifs dans un régime de licence obligatoire pour l'utilisation de matériel dont le titulaire de droits d'auteur ne s'attendait pas à une rémunération, lorsqu'il ne s'agit pas d'une utilisation équitable. Étant donné la décision récente de la Cour suprême, je ne peux pas voir quelle utilisation les enseignants feraient de ces oeuvres, qui ne serait pas une utilisation équitable, dans le sens élargi de cette exception, qui comprendrait l'enseignement et les études.

    Dans l'option B, il y a en fait deux options : une licence obligatoire ou une licence étendue. On ne dit nullement qu'il faudrait restreindre ces options aux oeuvres littéraires publiquement accessibles.

    Au sujet de l'option B, le rapport d'étape dit que : « Ce régime d'attribution de licences reconnaîtrait que certains types d'œuvres protégées peuvent être affichés ou accédés sur Internet sans attente de paiement. » Je pense que cela signifie que le matériel publiquement disponible ne serait pas associé à des redevances dans un régime de licence obligatoire ou de licence étendue. Autrement dit, l'option B prévoit un régime compliqué et douteux pour les oeuvres qui ne sont pas publiquement accessibles, même si le rapport d'étape dit lui-même qu'il s'agit de rendre disponibles des oeuvres publiquement accessibles. Une bonne part de l'option B se rapporte à des oeuvres qui ne sont pas publiquement accessibles.

    Enfin, je vous rappelle que les articles 29.6 et 29.7 de la Loi sur le droit d'auteur permettent déjà aux établissements d'enseignement de reproduire du matériel accessible sur Internet, à des fins pédagogiques.

    Si vous me donnez encore 30 secondes, j'aimerais brièvement vous parler de l'exception proposée pour les prêts entre bibliothèques puisque je ne pourrai pas comparaître le jour où vous vous pencherez sur cette question.

    L'option A éliminerait l'interdiction de fournir des copies numériques, mais le titre de cette section dans le rapport d'étape est quelque peu trompeur. L'option B ne porte pas seulement sur les prêts entre bibliothèques, mais aussi sur la possibilité pour les bibliothèques de faire des copies numériques pour leurs abonnés, des copies dont elles n'auraient plus le contrôle.

¿  +-(0955)  

    Malgré cela, nous ne nous opposerions pas à cet élargissement dans la mesure où les restrictions contenues dans les exceptions à l'heure actuelle—exceptions que l'on envisage de maintenir—étaient maintenues. On ne précise pas dans le rapport d'étape si ces restrictions seraient maintenues ou pas. Mais, à l'heure actuelle, les restrictions font en sorte que l'exception ne vaut que pour les documents imprimés, à savoir certains quotidiens et périodiques, et elles ne s'appliquent pas aux oeuvres poétiques ou de fiction ni aux oeuvres dramatiques ou musicales. La bibliothèque n'est autorisée à communiquer qu'une seule copie à chaque usager.

    Voilà qui termine mon exposé.

    Merci de m'avoir invitée à venir témoigner ici aujourd'hui.

+-

    La présidente: Si vous le permettez, avant que nous ne passions au témoin suivant, pourriez-vous simplement nous expliquer quelle est la différence entre les « licences obligatoires » et les « licences étendues » dont vous avez parlé? Pouvez-vous nous éclairer sur ce que désignent ces termes?

+-

    M. Susan Peacock: Bien sûr.

    J'ajouterai toutefois un autre terme, question de rendre la question encore plus complexe avant que je ne la rende plus facile à comprendre.

    Il y a aussi les licences volontaires, qui sont la raison d'être d'Access Copyright. Les titulaires de droits d'auteur se réunissent en société de gestion collective pour autoriser l'utilisation de leurs oeuvres, etc. Cela ne pose aucun problème.

    Les licences obligatoires sont celles par lesquelles tous les types d'oeuvres décrits dans l'exception peuvent être utilisés sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur en contrepartie du versement d'une redevance dont le montant est fixé par la Commission du droit d'auteur.

    Les licences étendues se trouvent entre les deux. Ce ne sont pas vraiment des licences volontaires. Il s'agit en quelque sorte d'une formule qui s'applique par défaut. Ainsi, toutes les oeuvres qui sont la propriété de tous les titulaires sont présumées faire partie du répertoire de la société de gestion collective à moins que les titulaires décident de ne pas participer au régime.

    Voilà essentiellement ce qui distingue les licences étendues des licences obligatoires : cette possibilité de retrait.

+-

    La présidente: Mais on se retire de quoi?

+-

    M. Susan Peacock: On se retire du régime de gestion collective. Cela pourrait se faire de diverses façons. Il pourrait être précisé dans l'exception qu'il y aurait une seule société de gestion collective chargée de gérer toutes les oeuvres ou qu'il y en aurait plusieurs, chacune représentant une certaine catégorie d'oeuvres.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, mais non le moindre, M. Gerry McIntyre, directeur exécutif du Canadian Educational Resources Council.

    Soyez le bienvenu, monsieur McIntyre.

+-

    M. Gerry McIntyre (directeur exécutif, Canadian Educational Resources Council): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.

    Contrairement au témoin précédent, je ne suis pas un habitué de ce comité et il vaut peut-être la peine de me présenter, ainsi que l'organisme que je représente.

    Le Canadian Educational Resources Council ou CERC est une association professionnelle dont les membres regroupent les grands éditeurs de ressources documentaires pour l'enseignement de la maternelle à la 12e année au Canada. Nous formons une industrie dont le chiffre de ventes s'établit à quelque 200 millions de dollars au Canada. Nos membres conçoivent, publient et commercialisent du matériel spécifiquement canadien conforme aux exigences changeantes des programmes d'enseignement des ministères de l'Éducation à travers le Canada. Nos membres assortissent ces produits de matériel de formation des enseignants et produisent également du matériel d'évaluation.

    Au nom de ses membres, le CERC préconise la formation de politiques et de législation affectant l'industrie de l'édition de matériel éducatif, y compris dans des domaines aussi importants que le droit d'auteur, l'édition de livres, l'évaluation et le financement des ressources éducatives dans chaque province. Nous collaborons avec les décideurs clés du gouvernement afin d'assurer que des ressources financières adéquates sont allouées au matériel éducatif utilisé dans les salles de classe et que la Loi sur le droit d'auteur et les politiques en la matière sont respectées par les ministères de l'Éducation, les conseils et commissions scolaires et les écoles particulières.

    Le CERC s'intéresse profondément à plusieurs des questions de principe en matière de droit d'auteur sur lesquelles le comité permanent se penche aujourd'hui. Nos membres sont des éditeurs de ressources pédagogiques, surtout du matériel imprimé et des manuels, mais aussi, dans une proportion grandissante, des oeuvres numériques en ligne, des CD-ROM, des programmes informatiques, audio, audiovisuels et de nouveaux médias. À cet égard, nous participons activement aux études de marché relativement aux outils pédagogiques numériques et collaborons avec nos clients, soit les commissions et conseils scolaires et les ministères de l'Éducation des provinces, au développement de matériel numérique conçu pour répondre à leurs besoins. L'Internet est appelé à jouer un rôle grandissant comme canal de transmission de ces produits et services.

    Nous envisageons un marché pour les ressources éducatives numériques en ligne et comptons développer des mécanismes relatifs à ces produits et à leur transmission pour ce marché. Le rapport d'étape du 24 mars sur la réforme du droit d'auteur indique que l'on considère activement la possibilité d'étendre certaines exceptions éducatives à l'environnement en réseau et de créer une nouvelle exception portant spécifiquement sur les utilisations numériques à des fins éducatives, et ce, apparemment, sans trop se soucier du fait qu'il existe présentement en ligne un marché commercial en voie de développement pour les produits éducatifs numériques. Nous craignons sérieusement qu'une telle modification ne vienne miner le marché, ce marché pour lequel nos membres, à grands frais, développent présentement des produits pour répondre aux besoins du milieu de l'enseignement. Les frais de développement au Canada de ressources éducatives numériques pour services spécialisés en ligne sont considérables. Si ce marché est rendu non rentable, de telles ressources ne pourront tout simplement pas être produites. La politique du gouvernement devrait être d'encourager le développement du marché numérique pour les produits éducatifs, sinon ces produits disparaîtront.

    Vous vous penchez aujourd'hui sur les questions d'accès : plus particulièrement sur l'utilisation du matériel Internet à des fins éducatives. Notre industrie collabore depuis plusieurs années avec des représentants du secteur de l'enseignement à l'examen de façons d'aborder cette question. Nous partageons l'objectif visant la découverte de mesures appuyant l'utilisation efficace de l'Internet dans le cadre d'un programme d'apprentissage tant par les enseignants que par les étudiants.

    La première des deux démarches présentement envisagées, selon le rapport d'étape, inquiète au plus haut point les éditeurs de matériel éducatif. Cette démarche—l'amendement de la définition d'utilisation équitable—aurait d'énormes implications négatives pour les éditeurs. Bien que le rapport d'étape déclare qu'une telle exemption élargie du principe d'utilisation équitable serait assortie de restrictions, il semble qu'une telle exemption élargie obligerait de faire un distinction entre matériel exempté, matériel publiquement accessible pouvant faire l'objet d'une licence obligatoire et matériel non publiquement accessible dont l'utilisation, semble-t-il, pourrait être sujette aux exigences habituelles d'octroi de licence relative au droit d'auteur. Une telle approche entraînant jusqu'à trois niveaux potentiels est trop compliquée pour être viable.

    La seconde démarche décrite dans le rapport d'étape serait l'amendement de la loi pour exiger que les établissements d'enseignement obtiennent une licence générale afin d'utiliser le matériel protégé sur Internet. L'approche d'octroi de licence est selon nous davantage susceptible de tenir compte à la fois des besoins du secteur de l'enseignement en matière d'accès et de ceux des titulaires de droits en matière de protection.

À  +-(1000)  

    Il est clair que les éducateurs et les étudiants doivent avoir accès aux oeuvres contenues dans Internet et pouvoir les utiliser. Le Canada doit se donner un modèle facile à comprendre et à appliquer pour les enseignants et les étudiants de tous les niveaux. Ce modèle doit également appuyer et stimuler l'innovation et l'investissement dans le développement de ces oeuvres.

    Le CERC demande au comité d'appuyer l'octroi de licences étendues comme façon de rendre le matériel accessible. L'établissement d'un régime d'exceptions et d'exemptions constituerait un système encombrant pour les utilisateurs et déstabilisant pour les producteurs de matériel accessible sur Internet.

    L'expérience d'autres pays a démontré que les exceptions et les exemptions ne sont pas la bonne solution. Par contre, des approches d'attribution de licences fonctionnent bien au Danemark, en Finlande, en Norvège, en Grèce, en Australie, en Espagne et ailleurs.

    Nos membres, de concert avec d'autres titulaires de droits, ont établi un mécanisme nommé Access Copyright qui facilite l'accès de tel matériel au secteur de l'enseignement. Au moment de son établissement il y a une quinzaine d'années, ce mécanisme visait les licences relatives à la photocopie, mais les titulaires de droits, par leur travail collectif, ont raffiné ce mécanisme d'attribution de licences afin d'assurer qu'il puisse continuer d'être utile dans un marché en évolution.

    Les éditeurs de matériel éducatif croient que l'octroi de licences peut procurer au secteur de l'enseignement un accès adéquat au matériel accessible sur Internet, d'une manière simple, flexible et abordable, tout en accordant aux créateurs de propriété intellectuelle les protections dont ils ont besoin pour continuer de développer les ressources de haute qualité qu'il faut pour venir en aide aux étudiants du Canada.

    Nous recommandons donc au comité d'adopter une démarche assurant la mise en place d'un cadre de droit d'auteur qui soutienne l'octroi de licences pour l'utilisation des oeuvres dans l'environnement numérique.

    Madame la présidente, merci de cette occasion de faire part de nos vues au comité.

À  +-(1005)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur McIntyre.

    Merci beaucoup à tous nos témoins qui comparaissent aujourd'hui. Nous commençons le premier tour de questions.

    Monsieur Schellenberger, vous avez la parole.

+-

    M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC): Je n'ai pas beaucoup de questions pour l'instant, mais j'ai trouvé ces exposés très intéressants. Ce qui compte le plus pour moi, c'est que comme écrivain, créateur ou enseignant, vous pouvez créer ou écrire le meilleur bouquin du monde, s'il reste dans le placard, personne jamais ne le lira et ne comprendra ses effets ou sa qualité.

    Ce que je veux, c'est trouver la bonne façon de permettre à nos étudiants et à nos enseignants d'avoir accès à ces oeuvres, non pas gratuitement, mais librement, peu importe la façon dont ils s'y prennent. Je sais que c'est compliqué, parce que nous avons entendu trois propositions de régime. Je tiens à trouver la bonne solution, qui ne limitera ni les créateurs ni les enseignants, surtout pour le type de médium avec lequel ils travaillent.

    Je ne sais pas si quelqu'un veut formuler un commentaire, à partir de cette déclaration. Nous avons entendu trois points de vue différents. Quelle solution est la meilleure? Je crois que je vais en rester là et juger de ce qui sera dit.

+-

    La présidente: Madame Levy.

+-

    Mme Roanie Levy: Je ne sais pas s'il y avait vraiment une question, mais j'ai moi aussi une déclaration à faire.

    Quand on parle de l'accès, il y a une chose qu'il ne faut surtout pas oublie : il faut savoir si le titulaire des droits pour ces oeuvres veut vraiment y donner accès.

    Si les créateurs et les éditeurs des oeuvres vous disent : « Nous voulons donner accès à nos oeuvres; c'est leur raison d'être et notre raison d'exister », alors, vous n'avez qu'à vous assurer qu'ils ont les outils nécessaires pour que cet accès soit possible.

    Une fois qu'ils ont ces outils, si à cause de leur incompétence, d'un empêchement ou du fait qu'ils ne veulent plus donner cet accès, ils ne peuvent rendre leurs oeuvres accessibles et l'offrir d'une manière raisonnable, à un prix raisonnable aussi, vous pourrez intervenir et prendre d'autres mesures, comme des exceptions.

+-

    M. Gary Schellenberger: Encore une chose. À des séances précédentes, des témoins ont dit que les créateurs mettaient leur oeuvre sur Internet pour la faire connaître, sans chercher de rémunération. Certains disaient que ces créateurs seraient rémunérés, qu'ils le veuillent ou non. Cela me semble toujours étrange : si je ne veux pas faire connaître mon oeuvre, je ne la mettrai pas sur Internet, pour commencer. Je vois la chose comme un éditeur. Si je suis un nouvel éditeur, peut-être qu'il me conviendrait de mettre quelque chose sur Internet, pour qu'on se dise : « Tiens, c'est quelqu'un qui a du talent. » Ensuite, on chercherait mon nom pour la parution de ma prochaine oeuvre, ce qui ne se produirait pas, si j'avais eu des droits d'auteur.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Roanie Levy: Vous avez raison de dire que les gens ont des raisons diverses d'afficher des choses sur Internet. À cette étape-ci du développement d'Internet et du commerce électronique, beaucoup de ce qu'on trouve sur Internet y est pour des raisons de publicité, de commercialisation. Mais bientôt, les gens pourraient avoir d'autres raisons d'afficher des choses sur Internet. Les modèles fonctionnels évolueront et il y aura des mécanismes pour rémunérer des gens pour ce qu'ils mettent sur Internet. Si ce n'est aujourd'hui que de la publicité, c'est en partie parce qu'il n'y a pas de mécanismes efficients et voilà pourquoi on a beaucoup entendu parler de divers modèles fonctionnels, de versements de 1 cent par utilisation, de micro-paiements, etc.

    Là où je veux en venir, c'est que les titulaires de droits qui mettent leurs oeuvres sur Internet doivent pouvoir décider des raisons pour lesquelles ils le font; ce n'est pas au gouvernement de le faire. Le CMEC a parlé du concept de ce qui est publiquement accessible. J'ai des réserves parce que je ne sais pas très bien ce que cela signifie et je ne crois pas que parce qu'une chose est sur Internet, elle est automatiquement publiquement accessible. Chaque site Web n'est pas doté d'un gros système de communication au public.

    Ce qu'on trouve sur les sites Web, si on prend la peine de bien regarder, c'est beaucoup d'avis sur les droits d'auteur et si on va encore un peu plus loin, on constate que les avis de droits d'auteur sont plus souvent qu'autrement assortis de conditions d'utilisation détaillées, et on le voit de plus en plus souvent, à mesure qu'on met au point de nouveaux modèles. En lisant ces conditions d'utilisation, on se rend compte que la plupart du temps, tout ce que la personne qui l'a affichée voulait qu'on fasse de son oeuvre, c'est la lire, à des fins personnelles, et non à des fins éducatives ou autres. Au bout du compte, ce qui semble être publiquement accessible n'est pas vraiment publiquement accessible, et certainement pas publiquement accessible à des fins éducatives.

+-

    M. Susan Peacock: Puis-je dire un mot au sujet des exemptions déjà existantes? J'ai parlé des articles 29.6 et 29.7. C'est une exemption qui existe depuis quelques années déjà, et qui permet aux établissements d'enseignement de copier une oeuvre au moment où elle est communiquée au public. La loi ne dit pas « quand elle est diffusée ». C'est ce qu'on croyait au début, et nous l'avons appelée l'exemption d'enregistrement en différé. Il se trouve qu'en raison du libellé technologiquement neutre et flou de l'exemption, elle comprend le matériel offert sur Internet. Il y a donc déjà une exemption qui permet aux établissements d'enseignement de copier cela, d'en faire des diapositives, de préparer des visionnements et de le montrer à toute une classe, à un moment donné. Cette exemption existe donc déjà.

+-

    La présidente: Oui, monsieur Doucet, c'est à vous.

+-

    M. Roger Doucet: Merci.

    Je tiens seulement à ajouter qu'en ce moment, le secteur éducatif paie pour le droit d'auteur, et nous ne nous opposons pas au versement de droits aux propriétaires et tout le reste. Comme on vient de le dire, il y a du matériel qu'on met là en sachant bien qu'il ne sera jamais utilisé. Néanmoins, nous savons tous ce que c'est que l'Internet, et le gros du contenu qu'on y trouve est destiné à l'usage.

    En fait, les ministères de l'Éducation possèdent des contenus. Par exemple, nous plaçons des contenus sur Internet pour aider les parents qui ont des difficultés avec l'intimidation, pour les familles qui ont des difficultés d'apprentissage. Nous possédons des contenus, par exemple nos biographies de députés fédéraux et provinciaux, que nous voulons rendre accessibles à tous... accessibles à des fins éducatives. Ce que nous disons, c'est qu'avec cet amendement, nous aurions la certitude que le système scolaire n'aurait pas à payer pour ce qui doit être gratuit. Nous ne voulons pas payer pour ce qui ne doit rien coûter.

    Pour tout le reste, nous pouvons trouver des mécanismes, et nous pouvons collaborer avec les propriétaires des droits d'auteur, et nous voulons être leurs partenaires pour nous assurer qu'ils soient rémunérés, mais nous ne sommes pas pour la gratuité de la documentation et du matériel qu'on trouve sur Internet; c'est notre position. Un régime global de licences qui exigerait de nos enfants des frais pour un matériel qui leur est clairement destiné... Et nous avons créé une bonne partie de ce contenu avec l'argent du contribuable, et ce matériel est destiné au public.

+-

    La présidente: Madame Levy, soyez très brève, je dois céder la parole à un autre député.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Roanie Levy: Notre proposition ne vise pas à exiger des frais pour le genre de contenu que mentionne M. Doucet. Ce contenu doit être utilisé à des fins éducatives et gratuitement.

[Français]

+-

    La présidente: Madame Gagnon.

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci de nous donner un peu plus de détails sur le contexte du droit d'auteur.

    Je peux dire, en tant que députée et politicienne, que le choix de l'orientation sera à toutes fins pratiques politique. Dépendamment de ce que vous représentez, vos positions sont contradictoires. Elles peuvent même s'avérer irréconciliables, pour ce qui est de trouver la meilleure façon d'être équitable, autant envers la personne qui utilise l'oeuvre qu'à l'égard de celle qui la produit. Je peux vous dire qu'il ne nous sera pas facile de trancher.

    Vous avez dit, monsieur Beauchemin, que certaines exceptions avaient donné lieu à une baisse de 20 p. 100 des coûts reliés à l'utilisation des oeuvres. J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet. À quoi est relié ce pourcentage? Comment en êtes-vous arrivé à déterminer qu'il y avait 20 p. 100 de moins, et depuis quand?

+-

    M. Michel Beauchemin: En vertu d'une entente conclue avec le ministère de l'Éducation du Québec, les créateurs sont maintenant appelés à recevoir une part équitable des redevances. En effet, après qu'un constat ait été émis à l'effet que les oeuvres étaient utilisées sans qu'il y ait de paiement en contrepartie--une situation inéquitable pour les auteurs--, le ministère de l'Éducation a exprimé la volonté de signer avec les sociétés de gestion de droit d'auteur et les collectifs québécois des ententes financières prévoyant l'usage des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Les établissements d'enseignement scolaire, préscolaire, primaire et secondaire du Québec sont visés par ces ententes. Voilà le contexte global.

    Nous, l'AQAD, avons donc signé une entente financière cadre portant sur toutes les pièces de théâtre jouées en milieu scolaire. Elle s'applique, par exemple, au cas d'un professeur qui décide de monter une pièce de Michel Tremblay avec ses étudiants. En fait, cet accord ressemble beaucoup à ce qu'on appelle une licence élargie. L'AQAD, qui a prouvé qu'elle représentait la majorité--et non la totalité--des auteurs, a signé ce qu'on appelle une licence générale avec le ministère de l'Éducation.

    Ainsi, l'ensemble des institutions d'enseignement public et privé du Québec, que ce soit au niveau préscolaire, primaire ou secondaire, peut utiliser le répertoire théâtral québécois, canadien et mondial. La seule restriction apportée est à l'effet qu'en échange, le gouvernement du Québec nous verse un montant forfaitaire annuel pour l'usage de ces oeuvres. Dans ce contexte, la seule obligation des écoles est de déclarer les représentations théâtrales qu'elles donnent. Par exemple, pour quatre représentations d'une pièce de Michel Tremblay, on parle de 400 $ pour l'auteur, plus les taxes de vente.

    Les faits suivants nous ont permis de faire une évaluation globale. Nous avons observé que dans chaque école où une pièce de théâtre était produite, au moins une représentation était donnée devant un public scolaire assemblé à cet effet, en l'occurrence les étudiants, les pairs et les professeurs. Telle qu'elle est formulée, l'exception fait en sorte que les représentations données devant un public composé à moins de 50 p. 100 de personnes de l'extérieur--s'il y a 49 p. 100 de parents dans la salle, par exemple--ne sont pas payées.

    Nous recevons en moyenne à chaque année entre 150 et 250 déclarations. Or, nous savons que par le passé, il y a toujours eu au moins une représentation qui, en vertu de l'exception, nous était payée parce qu'elle avait été donnée en milieu scolaire. Cela nous a permis d'établir que pour chaque déclaration, au moins une représentation n'avait pu être déclarée. Il pourrait s'agir de deux ou peut-être même trois, mais on parle ici d'une moyenne. Nous avons établi cette dernière en nous basant sur le fait que pour chacune des déclarations reçues, au moins une était antérieure à 1997, année de l'entrée en vigueur de la loi au Québec.

    Ainsi, depuis 1997, on prend pour acquis que pour chaque déclaration reçue, l'auteur perd au moins 100 $. Cela nous a permis de déterminer qu'une représentation sur 150 représentait entre 15 000 $ et 25 000 $ sur un forfait total de 65 000 $ du ministère de l'Éducation.

    Il s'agit ici d'un estimé, d'autant plus que l'information et la publicité étant de plus en plus diffusées dans les écoles, un nombre croissant de commissions scolaires nous font parvenir des déclarations. Il a donc été difficile de savoir quel était exactement l'effet. Quoi qu'il en soit, il y a toujours au moins une représentation donnée devant les étudiants.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur McIntyre, vous vouliez intervenir?

+-

    M. Gerry McIntyre: Merci, madame la présidente.

    Je tiens seulement à dire, afin de compléter les observations de mon collègue, que ce qu'on dit ici, comme je l'ai dit moi-même dans mon allocution, c'est que les exceptions ont essentiellement pour effet de compliquer ou d'embrouiller le marché, et cela complique beaucoup la vie des détenteurs de droits qui recherchent la même stabilité que nous.

    Changement de propos, ce n'est pas parce qu'on a le droit de licencier du matériel qu'on va ensuite exiger des frais pour ce même matériel qui est essentiellement gratuit et accessible. Ce qu'on ne veut pas, et c'est mon cas, c'est s'engager dans une voie qui ne nous permet pas de commercialiser raisonnablement, avec cette nouvelle technologie, les matériaux dont plusieurs personnes ont parlé ce matin et qui, comme elles l'ont dit, représentent des investissements—soit des investissements en temps dans le cas des personnes, et en argent dans le cas des entreprises—et nous pensons que le fait d'introduire la notion d'exception va déstabiliser ce marché et nous faire prendre une orientation très périlleuse. Et c'est justement ce qui va arriver car n'oublions pas que dans un milieu favorable à l'exception, il appartient présumément à chaque utilisateur individuel de faire la distinction entre ce qui doit être licencié et ce qui entre dans une autre catégorie.

    C'est donc là la préoccupation fondamentale de l'industrie que je représente.

À  +-(1020)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Aux États-Unis, il y a une exception qu'on a privilégiée qui s'appelle l'emploi équitable d'une oeuvre. Avez-vous regardé du côté des États-Unis pour voir l'impact d'une telle exception sur la rémunération équitable par rapport aux auteurs? Serait-il envisageable que cette option soit choisie par le comité?

+-

    M. Michel Beauchemin: Ce qu'on connaît effectivement de la loi américaine en vertu du fair use, si on prend le terme américain, prévoit une exemption pour le milieu de l'éducation, d'une part; ne nous le cachons pas.

    D'autre part, ce qu'il faut savoir, c'est que dans l'analyse qui a été faite sur le marché américain, qui représente 300 millions de consommateurs, la perte pour les milieux de l'éducation, compte tenu de la taille du marché, était insignifiante par rapport à l'ensemble des usages qui ont été faits des oeuvres. Donc, c'est dans ce sens-là, semble-t-il, qu'aux États-Unis on accepte cette chose-là.

    Mais si on se place sur un marché comme le marché francophone canadien, soit un marché de 6 millions d'habitants, c'est certain que la perte, même si elle n'était que de 200 $, 300 $, 400 $, 500 $, pour un auteur québécois dont la rémunération moyenne, selon nos études, selon nos calculs--je ne dis pas la rémunération globale, mais la rémunération moyenne d'un auteur dramatique québécois--, est de 6 000 $ par année, constitue pour nous une perte considérable.

    C'est dans ce sens-là, je pense, qu'on ne peut pas évaluer le marché canadien de la même façon qu'on évalue un marché de 300 millions de consommateurs.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Doucet.

[Français]

+-

    M. Roger Doucet: Merci, madame la présidente.

    Je voulais dire, madame, que dans le marché global sur l'Internet, le marché de l'éducation canadien, toutes langues confondues, n'est pas un grand marché.

    Ce que j'ajouterais là-dessus, c'est que, en fait, on est d'accord sur ce que les deux messieurs viennent de présenter, c'est-à-dire l'importance d'avoir des mécanismes clairs pour identifier ce qui doit être payé et sur la mise en place des mécanismes de paiement. Donc, je voudrais réitérer le fait que nous nous convenons bien à ce niveau-là.

    L'important, c'est--et je me répète encore--qu'il y a du matériel qui devrait être accessible gratuitement, et sans cette exception-là, à ce moment-ci, la loi dit que tout ce matériel-là n'est pas légal, alors qu'il est effectivement rendu disponible sur l'Internet, avec l'intention qu'il soit utilisé gratuitement.

    Donc, ce qu'on propose, ce sont des mécanismes clairs qui clarifient ce qui est effectivement sur l'Internet avec intention de recevoir paiement ou rémunération ou récompense, et des mécanismes clairs pour l'identifier et faire les paiements à ce niveau-ci.

    Si on cible sans exception, ce qui va arriver, c'est que l'éducation risque de payer, alors que dans les maisons, etc., les gens ont un accès normal à ceci. Ce dont on veut s'assurer, c'est qu'on trouve une solution pour que l'ensemble des utilisateurs d'Internet canadiens soient mieux informés, soient mieux aptes à payer lorsqu'on doit payer, sans dire que sans exception, l'éducation va payer pour le matériel gratuit à même les écoles.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Mais l'utilisation qu'on fait dans les maisons, c'est à titre individuel. Cela n'a pas la même portée que si c'est dans une maison d'enseignement. Les utilisateurs sont multipliés je ne sais pas par quel nombre, mais vous rendez cela accessible à beaucoup plus de monde. À la maison, on paie pour l'utilisation par l'intermédiaire d'un fournisseur Internet. On paie pour cela. Donc, il y a peut-être deux ou trois personnes à la maison, mais ce n'est pas le même ordre de grandeur.

    J'aimerais savoir ce que représente le marché de l'enseignement pour l'utilisation des oeuvres.

À  +-(1025)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Très rapidement, parce que nous devons passer au prochain tour.

    D'accord.

+-

    La présidente: Monsieur Lincoln, suivi de M. Harvard.

+-

    M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Je dois dire que j'entends cela depuis longtemps. Lorsque j'étais président du comité, j'ai discuté avec des gens du réseau éducatif, et avec Mme Noel, des possibilités d'élargir l'exemption. C'est donc avec un esprit très ouvert que je vous ai écoutés aujourd'hui.

    Je dois vous dire, monsieur Doucet, que j'ai un peu pitié de vous. Vous me semblez isolé, vous êtes le seul de votre camp, et votre position m'inspire la plus vive sympathie. Cela étant dit, si j'étais le roi Salomon, je serais obligé de vous dire que je n'ai pas trouvé votre argument aussi convaincant que ceux des autres. En fait, ce que vous avez dit en dernier paraissait confirmer ce que les autres affirmaient, me semble-t-il.

    Pouvez-vous me dire pourquoi vous vous opposez à un régime de licence? Oublions pour le moment les licences obligatoires et étendues; disons qu'on aurait un régime de licence générale sur lequel on se serait entendu, qui tiendrait compte de certain matériel, comme l'a mentionné Mme Levy, et que certains des systèmes...

    Vous avez mentionné l'exemple des bibliographies des députés fédéraux, et je suis d'accord pour dire qu'elles ne valent pas grand-chose.

    Des voix : Ah, ah!

    Une voix : C'est vous qui le dites.

    M. Clifford Lincoln : Oui, c'est moi qui le dis.

    Quoi qu'il en soit, je pense que c'était un très bon exemple, parce que je ne crois pas que le régime de licence tiendrait compte du fait qu'une partie de ce matériel doit être gratuit. Donc en établissant les droits, on tiendrait compte du fait qu'une bonne partie du matériel est visée par le droit d'auteur. Comme Mme Warwick le disait, si on paie pour le stationnement et tout le reste, pourquoi ne devrions-nous pas payer pour le droit d'auteur aussi?

    Que reprochez-vous à un régime qui tiendrait compte du fait qu'une partie de ce matériel doit être gratuit, de telle sorte que les droits compenseraient pour ce genre de matériel? Pourquoi vous opposez-vous à cela?

+-

    M. Roger Doucet: Ce qui me gêne, c'est que cela n'est pas défini pour le moment. Comme je l'ai dit, dans l'état actuel du droit, tout est illégal. Si l'on veut qu'un régime de licence prenne cela en compte, ce qui fait problème pour nous, c'est que ce n'est pas défini. On ne sait pas. Il faut que l'on dise clairement ce qui est gratuit et ce qui ne l'est pas, et comment on tient compte de cela, au lieu d'avoir un régime de licence générale qui impose des frais au système scolaire et à tout le système éducatif, en plus du contenu qu'on trouve en ce moment sur l'Internet. Il y a beaucoup de choses gratuites sur l'Internet. Il y a beaucoup de choses aussi pour lesquelles il faut payer. Si l'on entre dans une zone grise, nous estimons que les écoles seraient injustement défavorisées si on les oblige à payer, à moins qu'il existe des mécanismes clairs qui définissent les contenus.

+-

    M. Clifford Lincoln: Vous voyez, ce sont là les deux options que nous avons, telles qu'elles ont été définies par les deux ministères. L'un veut élargir l'exemption d'utilisation équitable et avoir une forme quelconque de licence obligatoire. L'autre préconise un régime quelconque de licence générale.

    Je comprends les réserves qu'a exprimées Mme Peacock, mais ce sont là les deux approches différentes, pourrait-on dire, l'une qui est appuyée par Industrie Canada et l'autre qui est manifestement appuyée par Patrimoine canadien, et celle-ci favorise davantage les créateurs et le contenu culturel.

    Cela étant dit, si l'on examine ces deux systèmes, il faut savoir lequel sera le meilleur, celui dont l'application sera la plus équitable et la plus facile. Vous avancez que le régime de licence obligatoire créerait un peu d'incertitude pour ce qui est de définir ce qui est accessible gratuitement, ce qui, dans mon esprit, pourrait être pris en compte dans les droits qu'on demande.

    À mon avis, l'autre option présente beaucoup plus de difficulté. Comme l'a dit Mme Levy, comment allez-vous définir le matériel qui est accessible publiquement? Auriez-vous un article dans la loi qui aurait cinq pages de long et qui définirait tous les contenus imaginables? Et je vous rappelle que la technologie évolue. L'Internet évolue aussi. Il est presque impossible de définir quoi que ce soit.

    Est-ce que cela ne milite pas contre votre option?

À  +-(1030)  

+-

    M. Roger Doucet: Selon moi, l'Internet est en grande partie un réseau de communications. On peut le percevoir comme un lieu où vous mettez des produits, mais c'est un environnement comme les autres. On utilise les environnements Internet à des fins d'enseignement, dans les écoles. On offre même des cours en direct. Alors c'est bien plus qu'un dépôt d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. Ça en fait partie, mais la plupart du temps, on utilise Internet comme un outil de communication, de documentation, etc.

    Encore une fois, je vais me répéter : ces choses sont là intentionnellement. Nous connaissons de très bons exemples d'entreprises dont les propriétaires, les créateurs, etc. utilisent l'Internet comme modèle financier pour faire des affaires. Ça fonctionne d'ailleurs plutôt bien. Je fais toutes mes transactions par Internet, etc...

    Il y a des outils, des mécanismes qui en font un environnement d'entreprise. Nous pensons que l'Internet devrait être utilisé de cette façon, et lorsqu'on l'utilise dans le système scolaire, c'est encore plus clair. Lorsque l'on parle avec les producteurs de contenus, on voit que c'est une stratégie commerciale. Nous achetons des produits. Nous demandons à ce que du contenu soit créé. Nous en avons besoin, nous avons besoin de qualité.

    Lorsque l'on va sur Internet, si l'on suit un cours en direct, par exemple, ça devrait être indiqué clairement pour que nous puissions utiliser cet environnement pour les raisons pour lesquelles il a été créé, c'est-à-dire pour la communication, l'apprentissage, etc., mais pas seulement pour des raisons commerciales, si bien que l'on n'enfreint pas la loi chaque fois que l'on veut utiliser ce contenu.

    Selon moi, c'est le risque que l'on impose aux écoles, c'est-à-dire qu'elles considèrent tout comme du matériel protégé qui doit être payé, et ensuite on exige des droits et une licence. À moins de pouvoir prouver le contraire, nous devons payer pour tout et ensuite trouver des gens qui affichent du matériel gratuitement... Ce serait à eux et à nous d'essayer de déterminer ce qui représente un modèle de gestion. Selon moi, l'Internet, c'est l'inverse.

+-

    La présidente: Mme Levy voulait dire quelque chose, puis Mme Warwick.

+-

    Mme Roanie Levy: Peut-être que la préoccupation qui explique la position du consortium, c'est de savoir ce que coûterait réellement une licence lorsqu'on utilise du matériel sur Internet. Je pense qu'il est important de garder à l'esprit le coût de la licence aujourd'hui, qui n'est pas énorme. De la maternelle à la douzième année, par exemple, cette licence coûte 2,30 $ par étudiant, pour toute l'année.

    Ailleurs, nous avons observé que l'utilisation de la composante numérique d'une telle licence—ce qui leur permet d'aller sur l'Internet et de télécharger de l'information—représente généralement une fraction du coût de la licence, c'est-à-dire entre 20 et 30 p. 100. Alors il s'agit probablement d'une somme inférieure à un dollar par étudiant par année. Ce n'est pas beaucoup.

    Dans le projet de loi que nous vous avons présenté aujourd'hui, le régime est entièrement contrôlé et supervisé par la Commission du droit d'auteur. Idéalement, les parties négocieraient le tarif et s'entendraient sur celui-ci. Si les parties n'arrivent pas à être d'accord, et cela se produit parfois, alors elles s'adresseraient à la Commission du droit d'auteur et c'est la commission qui jouerait le rôle d'arbitre pour décider ce qui devrait être gratuit, ce dont on ne devrait pas tenir compte lors de l'établissement de ce tarif et ce qui devrait être compris.

+-

    La présidente: Madame Warwick.

+-

    Mme Liz Warwick: Lorsque j'ai entendu M. Doucet parler d'oeuvres qui sont soit disponibles publiquement, soit protégées, j'étais très inquiète.

    Actuellement, si un écrivain veut mettre son oeuvre sur Internet et dire qu'elle est protégée, soit par un mot de passe, soit par un genre de cryptage, cela coûte cher du point de vue de la technologie. Je me considère assez compétente en technologie, mais j'aurais du mal à savoir, du moins cela me demanderait beaucoup de recherches, comment trouver la meilleure façon de mettre mes oeuvres sur Internet et de m'assurer qu'elles sont protégées et qu'elles ne peuvent être utilisées par quiconque voudrait y avoir accès.

    Je pense que cela impose un fardeau énorme aux créateurs—d'abord, cela prend du temps puis il faut se mettre à jour sur le plan technologique. Et finalement, nous ne savons même pas où en seront ces technologies dans l'avenir. Alors on veut inclure dans la loi des technologies qui seront différentes dans cinq ans, puisque tout évolue tellement vite. Je pense que c'est un fardeau énorme pour les créateurs ainsi que pour les législateurs.

À  +-(1035)  

+-

    La présidente: Monsieur Doucet, vous aviez la main levée. Il va falloir avancer, alors peut-être pouvez-vous attendre jusqu'au prochain tour?

    Monsieur Harvard.

+-

    L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, madame la présidente.

    D'abord, je souhaite afficher mon parti pris : je suis du côté des créateurs. J'ai trouvé le témoignage de Mme Warwick particulièrement convaincant.

    Je pense que ma question s'adresse à vous, monsieur Doucet, parce vous détonnez avec les autres. Ne prenez pas d'éventuelles critiques de ma part comme des attaques personnelles. Il se trouve qu'aujourd'hui, vous êtes du mauvais côté de la discussion, semble-t-il.

    Monsieur Doucet, lorsque je vous écoute, j'ai l'impression que vous essayez d'obtenir quelque chose pour rien. Vous voudriez mener à bien une de vos opérations, par le biais d'exemptions ou d'exceptions, sur le dos des créateurs. Je ne crois pas que ce soit juste.

    Lorsque vous dites que l'on pourrait décider ce qui doit être payant et ce qui doit être gratuit, d'une certaine façon, vous demandez au gouvernement de prendre cette décision. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement devrait s'en charger. Laissez le marché décider. Laissez les créateurs et les utilisateurs décider comment ça va fonctionner, rassemblez-vous. Vous savez, c'est ce qu'on appelle l'offre et la demande.

    Je m'inquiète pour les créateurs. Je m'inquiète que s'il n'y a pas d'exemptions du tout—et c'est vraiment la solution que je préconise—si nous choisissons cette solution et laissons le marché décider, vous pouvez être sûr qu'à long terme, les créateurs seront lésés. Ce seront les distributeurs, les éditeurs, les intermédiaires qui prendront le contrôle de cet environnement, à leur profit.

    En agriculture, ça arrive tout le temps. C'est vrai, qu'est-ce qu'un agriculteur? C'est un créateur; c'est un producteur. Est-ce qu'il contrôle la chaîne de production? Bien sûr que non. Est-ce le détaillant, ou le consommateur? Ce n'est certainement pas le consommateur. Ce sont les intermédiaires qui interviennent et prennent le contrôle.

    Pour revenir à nos moutons, monsieur Doucet, pourquoi mériteriez-vous une exemption? Si vous le pouvez, expliquez-moi pourquoi. Tentez vos chances sur le marché. Je suis sûr que vous trouverez des aubaines, ou même des choses gratuites. D'autre fois, il vous faudra payer un bon tarif.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Roger Doucet: J'aimerais dire au départ que nous ne cherchons pas à obtenir quoi que ce soit gratuitement. Par exemple, le système scolaire paie les créateurs. Nous faisons venir des artistes, par exemple. Donc,nous payons.

+-

    L'hon. John Harvard: Alors pourquoi avez-vous besoin du gouvernement?

+-

    M. Roger Doucet: Nous disons ici que puisqu'une proportion importante du contenu diffusé sur Internet est gratuite, n'est pas censée être payée, nous ne croyons pas que cela devrait faire partie du marché puisque ce n'est pas un produit marchand. C'est tout ce que nous disons. La seule exception que nous réclamons c'est que l'on reconnaisse qu'une partie du contenu diffusée sur Internet l'est gratuitement, qu'il n'est pas question de le facturer, et nous ne croyons pas que nos enfants...

+-

    L'hon. John Harvard: Mais n'est-ce pas là ce dont se plaignent les créateurs? Les créateurs diffusent leurs créations dans le domaine public et peu leur importe que Clifford Lincoln l'utilise, peu importe à quelles fins, n'est-ce pas? Et pourtant, ils ont l'impression que vous avez les moyens financiers, même s'ils sont limités, qu'il y a les étudiants et le fournisseur, le créateur soutient que certains consommateurs sont en mesure de payer un petit quelque chose. Ils se tournent donc vers vous. Ils vont exempter Lincoln mais pas Doucet.

    Ce phénomène se produit régulièrement sur le marché, d'une façon ou d'une autre. Que trouvez-vous à y redire, monsieur Doucet?

+-

    M. Roger Doucet: Je m'intéresse au matériel diffusé gratuitement. Je ne crois pas que nous devrions acheter une licence à un intermédiaire qui percevra des droits sur du matériel qui devrait être gratuit. C'est notre seule préoccupation. Comme je l'ai dit, nous accepterons le reste, nous trouverons une solution. Cependant, pourquoi devrait-on exiger une licence pour du matériel diffusé gratuitement, les droits étant payés à un intermédiaire?

+-

    L'hon. John Harvard: S'il n'y avait aucune exemption et que vous deviez payer des droits sur la plupart du matériel que vous utilisez, seriez-vous obligé de fermer vos portes? Seriez-vous acculé à la faillite? Est-ce que cela ferait augmenter la note des contribuables? Quelles seraient les conséquences pour vous?

À  +-(1040)  

+-

    M. Roger Doucet: Eh bien, nous n'en savons rien et c'est là une bonne question. Nous avons dit...

+-

    L'hon. John Harvard: Eh bien, est-ce qu'on attend pas de voir avant d'agir?

+-

    M. Roger Doucet: Nous avons parlé des 2,30 $ mais d'après certains échos que j'ai eus, à la prochaine ronde la demande de paiement avait enregistré une augmentation de près de 800 p. 100. Je ne sais pas comment réagira la commission mais pour nous c'est très préoccupant. Les commissions scolaires n'ont pas les moyens de payer des prix aussi élevés pour du matériel censé être gratuit. S'il s'agit de matériel protégé par droit d'auteur que nous devons payer, nous aviserons. Nous limiterons nos achats à ce que nous permettent nos moyens financiers.

    C'est ce que nous devrions faire puisque nous devons respecter le droit d'auteur, ce que nous voulons faire. Les commissions scolaires décideront ce qu'elles sont en mesure de payer. Nous édicterons des règles et nous limiterons les sommes que nous pouvons consacrer aux droits de licence. Mais pourquoi imposer de tels droits pour du matériel censé être gratuit? Voilà ce que nous voulons comprendre.

+-

    La présidente: M. Beauchemin voudrait intervenir.

[Français]

+-

    M. Michel Beauchemin: En ce qui nous concerne, nous avons deux niveaux d'opposition à la demande qui est faite par le secteur de l'éducation.

    Le premier niveau d'opposition est le suivant: la Conférence des ministres de l'Éducation postule que tout ce qui n'est pas « encrypté », protégé nommément est réputé être mis gratuitement à la disposition du public sur Internet, alors qu'on sait que dans bien des cas, c'est écrit que toute reproduction est interdite, que c'est pour consultation seulement, pour lecture seulement.

    Ce à quoi nous convie la Conférence des ministre de l'Éducation, c'est souvent de dire que non, on ne tiendra pas compte de cela: ce n'est pas encrypté, l'étudiant n'est pas assez intelligent pour lire cela, le professeur encore moins, donc on peut permettre un usage. C'est de cette façon qu'on définit l'accès gratuit.

    C'est clair que beaucoup d'auteurs ou de personnes diront que les reproductions sont permises, que les photocopies sont permises et que l'utilisation at large est permise. Pour nous, ça ne pose pas de problème. On ne réclame pas un paiement pour ça. Mais quand quelqu'un dit nommément que toute reproduction est interdite ou que c'est pour usage privé seulement, cela signifie que l'oeuvre, du point de vue du créateur ou de la personne qui la met en ligne, est protégée par le droit d'auteur.

    Je rejoins ce que la députée disait tout à l'heure. La question est la suivante. Si, par exemple, je prends toujours le site de l'AQAD, une très grande section de notre site porte sur le droit d'auteur, comment le calculer et l'utiliser, les tenants et les aboutissants, l'histoire du droit d'auteur, l'infraction, Victor Hugo et le domaine public. Une masse d'information est donc donnée sur ce site. C'est clair que pour nous, cette masse d'information est mise à la disposition d'individus pour usage privé, non pas pour que les écoles la publient et en fassent un manuel scolaire, car il y a des livres dans le commerce qui servent à cela qui ne seront donc pas achetés ou vendus par les écoles.

    Il y a donc une distinction entre l'usage privé et le fait que les écoles ont tendance à s'approprier un matériel qui est là à des fins d'information et à le transformer en manuels scolaires qui se substituent à des choses qui auraient été achetées par d'autres façons ou qui auraient dû l'être. Par conséquent, c'est dans ce sens qu'on dit que l'on doit faire une distinction entre la copie privée et l'usage commercial de groupe, jusqu'à un certain point, qui serait fait par le système scolaire. C'est là qu'on considère que, dans ce cas-là, si c'est écrit copyright ou que c'est pour usage privé seulement, les écoles devraient le faire. À ce moment-là, il devrait justement y avoir un mécanisme de licence pour que ces matériaux-là puissent être utilisés légalement et rapporter à l'association, parce qu'il en a coûté fort cher de créer ce site et qu'il en coûte cher de l'entretenir.

    Cette information qu'on donne n'est pas gratuite. De plus, ça nuit aux éditeurs de matériel scolaire et de livres qui, eux, font l'effort de publier et essaient de vendre des manuels dans les écoles, et qui vont rémunérer les auteurs au pourcentage du prix de vente.

    Je pense donc qu'il faut vraiment s'attacher à cette notion qui est de savoir ce qui devrait être considéré réputé gratuit et non gratuit sur l'Internet. La définition qu'en donne la Conférence des ministres de l'Éducation est, à notre avis, beaucoup trop large. Je le sais par expérience, parce qu'on a fait une bibliothèque-librairie virtuelle où on a mis 500 textes de théâtre en ligne, et je peux vous dire que cela a coûté au moins 100 000 $ pour définir des mécanismes de lecture seulement et d'encryptage pour protéger ces oeuvres-là.

    On ne peut pas demander à un petit éditeur ou à un petit créateur d'engager des mesures aussi lourdes et technologiquement complexes qu'il faut donc défendre et adapter parce que des hackers essaient de les traverser régulièrement. Il y a donc tout un travail dont on pense que la Conférence des ministres de l'Éducation ne tient pas compte.

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Gagnon, puis monsieur Bonwick.

À  +-(1045)  

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Vous avez répondu à ma question, monsieur Doucet, parce que je voulais justement savoir ce que voulait dire une offre gratuite ou disponible gratuitement. Les créateurs d'oeuvres vont vivre de quoi si leurs oeuvres sont gratuites? Je n'avais pas cette notion-là en tête. Je pense qu'il faut faire justement beaucoup d'éducation auprès du public pour que les oeuvres soient payées. On n'achète des livres, on arrête de faire des photocopies. Même moi, je me discipline par rapport à cela, parce que c'est un acte de respect pour le créateur. Je voudrais que les créateurs vivent bien, et non pas sous le seuil de la pauvreté.

    Comme le disait tout à l'heure Mme Warwick quant à ses oeuvres, elle a payé, elle a fait des études, elle a trouvé le mot juste. On est tous à la recherche du mot juste aujourd'hui. Je pense qu'il est important de conserver cet équilibre-là, que l'auteur soit une personne qui puisse vivre de sa création et être respecté par rapport à ce qu'il a créé.

    En tout cas, pour moi, ça va être le guide quant à mon alignement par rapport aux choix que j'aurai à faire concernant ce que j'ai entendu ce matin.

    Merci. Je dois quitter rapidement, parce que j'ai une autre rencontre prévue à 11 heures.

+-

    M. Roger Doucet: Je dois dire très rapidement, madame, que je souscris d'ailleurs pleinement à tout ce que vous venez de dire. Toutes les oeuvres d'auteurs qu'on peut et qu'on veut appuyer, qu'on veut motiver... En fait, nous créons les créateurs de demain dans nos écoles. Nous voulons les informer de leurs droits, du potentiel d'écrire. Donc, comme je l'ai dit, je souscris tout à fait à ce que vous dites.

    Cela n'empêche pas qu'il y a d'autres contenus sur Internet qui sont gratuits, et une licence globale force le système d'éducation à payer à une tierce partie du matériel qui n'a jamais été mis là pour quelque paiement que ce soit, qui n'a rien à faire avec les droits d'auteur ou la création à ce niveau. C'est simplement et uniquement cette distinction qu'on veut. Mais, je suis tout à fait d'accord avec vous sur tout ce que vous avez dit.

+-

    Mme Christiane Gagnon: Il faudra nous convaincre et nous donner des preuves.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Bonwick.

+-

    L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'aimerais aussi remercier tous les témoins. Vous avez très bien réussi à exposer vos arguments.

    Vous avez tous abordé des thèmes communs et notamment votre volonté de favoriser la création d'une société meilleure, plus dynamique, mieux instruite. Il s'agit tout simplement de trouver la bonne formule.

    Monsieur Doucet, j'avoue avoir relevé quelques contradictions dans vos arguments. Je ne crois pas que quiconque ici souhaite ériger des obstacles qui empêcheraient les étudiants de poursuivre des études supérieures mais j'estime qu'il faut trouver un juste milieu. Si l'un de mes enfants souhaite devenir auteur, j'espère qu'il sera rémunéré pour ses oeuvres de création. Étant donné que certains enseignants estiment pouvoir utiliser ces oeuvres dans le cadre de leurs cours, ce pourquoi ils sont rémunérés bien entendu, cela me semble être une contradiction. Vous faites payer les études et pourtant vous ne semblez pas très chaud à l'idée de payer le droit d'utiliser ces oeuvres dans le cadre de vos cours. J'estime qu'il y a là une contradiction.

    Vous avez mentionné que vous contribuez à instruire les créateurs de demain. Je vois une contradiction là aussi puisqu'en aidant à former les créateurs de demain, vous devriez aussi, il me semble, créer des conditions qui leur permettront de manger. Je crois que c'est là un élément indispensable.

    Vous avez fait plusieurs commentaires qui pourraient bien être cités. Le seul auquel je m'oppose c'est quand vous dites que votre amendement ne portera pas préjudice aux créateurs ou aux auteurs. Cela m'a rappelé quand mon dentiste me parle. On pourrait dire que la douleur est subjective, notamment pour l'utilisateur dans le cas qui nous occupe.

    Je me demande si vous pouvez m'expliquer—et je pose cette première question à Mme Levy et à M. Doucet—comment dans le cadre d'un régime de licences collectives, des droits pourraient être prélevés pour certaines choses que vous avez énumérées, comme nos biographies, et devaient être accessibles gratuitement au grand public. J'aimerais entendre vos réponses à tous deux et j'aimerais ensuite poser une question complémentaire, s'il me reste du temps.

+-

    M. Roger Doucet: Merci de vos commentaires.

    D'abord, mon fils est à l'université où il étudie les arts de la scène, et je veux certainement qu'il puisse gagner sa vie et je paierais pour aller le voir lui et ses amis se produire en spectacle. Là n'est pas la question.

    J'aimerais plutôt que nous définissions très clairement quel contenu est censé être accessible gratuitement, telles les biographies, par exemple, et prévoir une exception selon laquelle ce contenu ne ferait pas l'objet de droits de licence. Pour tout le reste, il y aurait un barème de droits clair pour tous les éléments de contenu. Je serais d'accord avec cela.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: Je sais ce que vous voulez faire. J'aimerais que vous m'expliquiez comment les droits de licence collective imposeront des droits sur du matériel qui devait être accessible gratuitement au grand public. Je sais ce que vous réclamez mais je vous demande de m'expliquer pourquoi vous pensez qu'un système de droits de licence collective vous obligera à payer pour du matériel censé être gratuit.

À  +-(1050)  

+-

    M. Roger Doucet: Si j'ai bien compris, les écoles seraient tenues de payer des droits de licence chaque fois qu'elles téléchargent ou copient du matériel trouvé sur Internet, que le contenu soit censé être gratuit ou non. Selon le libellé actuel de la loi, tout le matériel que nous obtenons sur Internet est protégé par le droit d'auteur même si ce matériel devait être disponible gratuitement. La loi ne permet pas d'exception dans ce cas-là.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: Madame Levy.

+-

    Mme Roanie Levy J'ai noté avec intérêt le dernier commentaire de M. Doucet puisque ce n'est pas du tout ainsi que nous fonctionnons. C'est bien vrai que tout est protégé par le droit d'auteur, mais tout le matériel n'a pas la même valeur. La biographie d'un député est protégée par droit d'auteur, même si certains seraient portés à croire qu'elle n'a pas grande valeur, et rapporterait sur le marché moins qu'un poème peut-être. Le droit d'auteur et la valeur sont à certains égards deux notions bien distinctes. Bien entendu, s'il n'y a pas de droit d'auteur, on ne peut obtenir aucune valeur et en ce sens-là ces deux notions sont liées mais le fait est que le matériel protégé par droit d'auteur ne prend pas automatiquement de la valeur.

    C'est la réalité aujourd'hui pour les oeuvres sur support papier et nous devons appliquer les mêmes principes dans l'univers numérique. Je vais vous donner un exemple d'une oeuvre sur support papier pour que vous puissiez comprendre comment cela fonctionne dans le quotidien. Idéalement, quand nous tentons d'établir des droits, nous nous renseignons sur la personne à qui nous voulons accorder une licence. Nous obtenons un deuxième exemplaire de tout ce qu'elle a photocopié et nous tentons d'en déterminer la valeur. Dans le cadre de la négociation, nous décidons à l'avance qu'une page de manuel vaudra, mettons, 5 cents, mais qu'un article de journal vaudra 2 cents parce qu'un article de journal vaut moins qu'une page de manuel. Une page d'une publication érudite ou encore scientifique vaut 12 cents, parce qu'une publication scientifique est plus coûteuse à produire qu'une page de manuel. Ainsi, peu importe que toutes ces oeuvres soient protégées par le droit d'auteur, la valeur qui leur est associée varie.

    Nous procéderions de la même façon pour les oeuvres numériques. Nous téléchargerions l'activité d'un certain nombre d'universités pendant un certain nombre de jours, nous embaucherions un statisticien qui confirmerait la représentativité de l'échantillon et ensuite nous ferions l'évaluation du matériel téléchargé. Certaines sélections iraient clairement dans la catégorie du matériel gratuit. Il pourrait s'agir du site Web d'un gouvernement ou un site où il est indiqué clairement, dans l'avis sur le droit d'auteur, que le matériel peut être utilisé à n'importe quelle fin sans qu'il soit nécessaire de payer ou d'obtenir une autorisation. Nous aurions une deuxième catégorie de sélections pour lesquelles des droits seraient perçus parce qu'il est indiqué clairement sur le site Web qu'il ne doit être utilisé qu'à des fins personnelles, qu'il ne peut être téléchargé, qu'il ne peut être utilisé dans une salle de classe. Nous aurions ensuite une troisième catégorie de sélections pour lesquelles il serait plus difficile de trancher. Compte tenu de ces catégories, nous élaborerions un barème de droits.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: Croyez-vous, tout compte fait, que le marché mettra bon ordre dans tout cela et que dans cinq ans nous ne constaterons pas que les droits à acquitter auront été réorientés en masse et à un degré disproportionné vers les enseignants, comparativement aux autres utilisateurs?

    Aux fins du travail du comité, j'ai téléphoné, le printemps dernier, à un surintendant de ma circonscription pour tenter de démêler tout cela puisque j'avais l'impression que tout était fonction du tout-puissant dollar. Tous les arguments reposaient là-dessus. Je l'ai interrogé sur les conséquences pour les écoles et il m'a expliqué la chose en des termes que je pouvais comprendre. Je ne savais pas si les droits seraient de 1 $, 2 $ ou 2,50 $. J'ai supposé qu'il y aurait une négociation et je lui ai demandé quelles seraient les conséquences pour son école. Il m'a expliqué qu'une école comptant 400 étudiants dépenserait quelques milliers de dollars pour l'enlèvement de la neige, autant pour les services d'entretien et encore plusieurs milliers de dollars pour le boire et le manger. Selon lui, ces services pourraient coûter entre 5 $ et 15 $ par étudiant comparativement à 1 $ ou 2 $ par étudiant pour les oeuvres de création, celles qui ont une véritable valeur éducative pour les étudiants. Pour les enseignants, c'est une affaire de valeur comparative.

    J'aimerais savoir si vous pensez qu'au bout du compte tout se tassera. Bien franchement, j'aimerais que vous me répondiez tous les deux.

À  +-(1055)  

+-

    Mme Roanie Levy: J'estime que le marché sait ce qu'il a à faire. Si je fabrique des chaises et que chaque chaise me coûte 50 $ à fabriquer, je soupçonne que je ne serai pas capable de les vendre 1 000 $ pièce, même si c'est le prix que j'aimerais fixer. Je pourrai probablement les vendre 100 $ l'unité. Je puis toujours essayer, mais le marché va finir par m'obliger à réduire le prix. Je ne serai pas en mesure d'imposer un prix supérieur à la valeur du travail.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: Cela a toujours été le cas des créateurs. Il n'y en a pas beaucoup qui sont riches.

+-

    Mme Roanie Levy: Oui. En fin de compte, le marché imposera ses règles et le prix à payer pour l'utilisation des documents sur Internet, pour quelque usage que ce soit, ne sera pas exorbitant.

+-

    M. Roger Doucet: Je suis d'accord avec vous. Les écoles paient les droits d'auteur sur le contenu. Nous sommes en train de négocier les prix. Nous sommes prêts à payer le juste prix et je suis d'accord avec cela.

    Je suis encore préoccupé du fait qu'explorer Internet... c'est différent. Ce n'est pas comme compter les photocopies qui ont été faites d'un livre, par exemple. Ce n'est donc pas clair. Ainsi, bon nombre de nos étudiants utilisent nos sites Web du gouvernement, et nous voulons nous assurer que ces documents sont gratuits. Ils devraient être exemptés du paiement. Ces documents ne devraient pas être assujettis à une licence, puisque le contenu en a déjà été payé.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: N'auriez-vous pas à payer des frais si vous vouliez consulter votre propre site Web?

+-

    M. Roger Doucet: Je n'en sais rien. Cela s'inscrirait dans le cadre de la licence générale. Il faudrait ensuite faire une analyse, entre autres.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: C'est une question de négociation.

+-

    M. Roger Doucet: Ou d'exemption.

+-

    L'hon. Paul Bonwick: D'accord.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    J'ai deux questions à poser, et je sais que M. Lincoln souhaite prendre la parole, et peut-être aussi M. Schellenberger.

    Mme Peacock a déclaré qu'il existe déjà une exemption au titre de l'enseignement. Je l'ai vue hocher la tête, monsieur Doucet, lorsque vous avez dit que cette exemption devrait être modifiée. Pourriez-vous m'expliquer de nouveau pourquoi elle doit être modifiée? Pourquoi l'exemption actuelle au titre de l'enseignement ne vous satisfait-elle pas?

+-

    M. Roger Doucet: Il faut la modifier tout simplement pour reconnaître que les documents gratuits ou du domaine public sur Internet ne devraient pas être facturés aux écoles. Voilà la modification dont nous avons besoin.

+-

    La présidente: Si vous lisez le mémoire de M. McIntyre, vous verrez que le problème, à son avis, est de distinguer ce qui est du domaine public et ce qui ne l'est pas. Et Mme Levy a elle-même déclaré qu'elle n'est pas certaine de ce qui appartient au domaine public. Si elle n'en est pas certaine, alors... J'ai été soulagée de l'entendre tenir ces propos, car j'allais moi-même demander ce qui appartient au domaine public?

    Expliquez-nous, monsieur Doucet, comment vous ou le conseil définissez cette expression ou faites la distinction. C'est une question qui nous pose énormément de difficulté. Quelle est votre définition?

+-

    M. Roger Doucet: Tout le monde essaie de la définir. Dans le cas de l'Internet, c'est un domaine qui n'a pas encore été précisé et qui évolue encore. Nous avons essayé de la définir en disant que les documents pour lesquels il n'existe pas d'exigence claire de paiement, de mécanisme de paiement ou de code d'accès appartiennent au domaine public. Comme l'a dit le sous-ministre, un livre dont le contenu serait, en tout ou en partie, consultable sur Internet gratuitement, sans aucun mécanisme pour communiquer avec l'auteur, serait considéré comme un document du domaine public.

    Mais nous avons également parlé de symboles, d'une nomenclature universelle, de messages quelconques qui informeraient les gens que le document appartient ou non au domaine public.

    Nous avons convenu qu'il fallait éclaircir la chose mais tant que ce ne sera pas fait, l'alternative n'est pas de demander aux écoles de payer une licence pour du matériel qui peut être consulté gratuitement par la population.

Á  +-(1100)  

+-

    La présidente: Mme Peacock et Mme Levy ont toutes les deux parlé de l'échantillonnage qui est fait, et qui tient compte du matériel qui est gratuit ou pas. En quoi cela pose-t-il un problème?

+-

    M. Roger Doucet: Je n'en sais rien. Si nous consultons les sites Web du gouvernement et notre propre matériel, est-ce considéré comme de l'échantillonnage? Est-ce possible sur Internet?

+-

    Mme Roanie Levy: En fait, il est intéressant de voir que le gouvernement n'a pas placé ses documents dans le domaine public. Il faut payer pour consulter les documents du gouvernement, malheureusement, sauf au Québec. La plupart des provinces exigent un paiement pour l'utilisation des publications du gouvernement. Mais je le dis entre parenthèses. Le fait est que si une oeuvre est conçue pour être consultée gratuitement, aucun tarif n'y serait appliqué. Il n'y aurait pas de paiement.

    Il ne faut pas oublier non plus que si les parties estiment ne pas pouvoir en venir à une entente, il est toujours possible d'avoir recours à la Commission du droit d'auteur. Cette commission a été créée expressément pour traiter de tels cas et elle fonctionne assez bien. Dans les cas où les parties n'arrivent pas à s'entendre pour savoir s'il faudrait payer la consultation d'un site Web, la Commission du droit d'auteur pourrait servir de médiateur et rendre une décision.

+-

    La présidente: Ma question suivante s'adresse à Mme Peacock. L'option B que vous nous avez présentée comporte deux possibilités—la licence obligatoire et la licence prolongée. Comment les licences volontaires pourraient-elles s'inscrire dans ce cadre, si elles s'y inscrivent?

+-

    M. Susan Peacock: Il ne serait pas nécessaire d'obtenir une exemption dans le cas des licences volontaires. Il ne serait pas nécessaire de modifier la Loi sur le droit d'auteur. Aux termes de la loi actuelle, toutes les oeuvres peuvent être assujetties à des licences dans le cadre d'un régime général administré par les sociétés de gestion collective.

+-

    L'hon. John Harvard: C'est donc un marché libre?

+-

    M. Susan Peacock: Oui, c'est un marché libre. On a un peu tendance à considérer les oeuvres comme des produits. Plutôt de dire qu'une oeuvre vaut 1,12 $ ou 2,85 $, comme c'est le cas des livres, par exemple, le marché établit une certaine moyenne. Le mécanisme est un peu grossier, mais il a l'avantage de permettre à un grand nombre de petits usagers de consulter un grand nombre d'oeuvres. C'est une méthode efficace, mais elle nécessite le consentement des propriétaires.

+-

    La présidente: Vous ai-je bien entendu dire, madame Peacock, que vous n'êtes pas en faveur des sociétés de gestion collective?

+-

    M. Susan Peacock: Non, je ne suis pas en faveur des licences obligatoires. Par contre, je suis très partisane des sociétés de gestion collective bénévoles.

+-

    La présidente: Madame Levy.

+-

    Mme Roanie Levy: Permettez-moi de dire quelques mots, sans trop entrer dans les détails, sur les différences entre les licences volontaires, les sociétés de gestion collective bénévoles, les licences prolongées collectives et les licences obligatoires. Je vais également expliquer quand on peut passer d'un régime à l'autre.

    En gros, le droit d'auteur applicable aux oeuvres sur support papier fonctionne aux termes de licences volontaires. Nous ne sommes pas obligés de nous regrouper et d'offrir des licences. Nous le faisons volontairement. Nous déterminons nous-mêmes quelles seront les modalités de la consultation, ainsi que le tarif. C'est un régime volontaire. Pour qu'un régime volontaire fonctionne bien, il faut pouvoir identifier tous les propriétaires des droits. Cela fonctionne également très bien dans le cas des oeuvres musicales et cinématographiques, où il est beaucoup plus facile d'identifier qui possède le droit d'auteur.

    Dans le cas des manuels et des oeuvres visuelles, par exemple en photographie et en graphisme, le nombre des propriétaires de droits est illimité. Il ne sera jamais possible de réunir tous les propriétaires de ces droits. C'est pourquoi dans de telles situations, surtout quand le régime de licence peut poser des risques élevés, comme c'est le cas des licences numériques, on applique un régime de licence prolongée collective. Ce régime constitue dans certains cas une restriction du régime de licence volontaire—on pourrait dire que c'en est l'option inverse. Ce régime est avantageux pour le pays. Au Canada, où il existe des millions d'oeuvres, surtout sur Internet, il est difficile d'identifier les titulaires des droits, en partie parce qu'un grand nombre d'entre eux sont étrangers. Dans un tel cas, un régime de licence prolongée collective donne d'excellents résultats. Il permet également au titulaire des droits d'auteur de déterminer quand, comment et pour quelle proportion des oeuvres, des licences devront être payées. Le marché a donc encore son rôle à jouer.

    Le régime de licence obligatoire est en fait une exemption rémunérée. Le titulaire des droits ne décide pas quand les droits s'appliqueront et pour quelle partie des oeuvres. Ce régime est souvent établi au moyen d'une loi, ce qui signifie qu'il est difficile de l'adapter à l'évolution des besoins des utilisateurs, entre autres.

    Voilà donc la différence entre les régimes volontaires, prolongés et obligatoires.

Á  +-(1105)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger: J'ai deux observations à faire. On a mentionné deux choses : la première est qu'il faut négocier, et la seconde est qu'on peut s'adresser à la Commission des droits d'auteur. À mon avis, les titulaires de droits devraient négocier. En cas de différend, ou si une décision ne peut pas être prise, on peut s'adresser à la Commission du droit d'auteur. Ce n'est qu'une simple observation.

+-

    La présidente: Monsieur Lincoln.

[Français]

+-

    M. Clifford Lincoln: Je reviens à vous, monsieur Doucet. Nous espérons essayer de trouver ici un compromis qui soit acceptable. Tel est notre travail.

    J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Beauchemin lorsqu'il a parlé de la différence entre certaines clauses dans les documents ou sur Internet qui disent, par exemple, que tout droit de reproduction est interdit. Par exemple, je viens de recevoir un document qui m'a été envoyé par quelqu'un et qui dit que

[Traduction]

ce courriel et tous les dossiers qui y sont annexés sont confidentiels et à l'usage exclusif de leur destinataire.

[Français]

    Pour vous, est-ce là un droit d'auteur protégé? Si je n'avais pas d'inscription, mais seulement « Tous droits de reproduction réservés », est-ce que, selon vous, ce serait une protection du droit d'auteur dans le milieu de l'éducation?

+-

    M. Roger Doucet: Je crois--et c'est là le défi d'un document sur l'Internet--que ce que vous venez d'identifier est effectivement une identification, oui. Je ne suis pas du tout du domaine légal, mais c'est une identification claire de l'intention de l'auteur de présenter son droit d'auteur. Sur l'Internet, la difficulté, c'est de trouver un moyen d'assurer que cette notion soit partout sur toutes les pages, parce qu'on peut naviguer en entrant par derrière, par le côté et, souvent, le défi est de trouver, comme vous le dites, le moyen de mettre cette phrase ou ce symbole dans toutes les pages, pour que les jeunes n'arrivent pas, à un moment donné, au milieu d'un document par le truchement d'un mot clé. Donc, pour nous, il s'agit d'examiner cette indication-là et de trouver des mécanismes à l'intérieur des sites web pour s'assurer que cette notion-là soit claire et précise, indépendamment de l'endroit où les jeunes vont aller sur l'Internet, afin qu'ils le sachent.

+-

    M. Clifford Lincoln: Alors, est-ce que vous ne prouvez pas, en fait, la thèse de M. Beauchemin et des autres? Si vous dites qu'il faut que cela soit sur toutes les pages et qu'un auteur bien intentionné ait mis cela sur la première page et qu'il ait oublié de le mettre sur la dixième page, vous faites une distinction entre la première page et la dixième page. Pourtant, l'intention claire de l'auteur est de protéger son oeuvre. Donc, en fait, vous prouvez un peu le cas de ceux qui sont en train de dire... Vous, à ce moment-là, vous diriez que si ce n'est pas sur toutes les pages, ce n'est pas protégé.

+-

    M. Roger Doucet: Non. Nous dirions qu'il faut trouver un moyen de travailler avec les auteurs pour s'assurer que ces mécanismes-là soient clairs, pour qu'on trouve le moyen de bien éduquer nos jeunes et nos professeurs quant à l'importance de respecter les droits d'auteur, et en mettant des indications claires de ce côté-là.

+-

    M. Clifford Lincoln: Le système que vous proposez m'a l'air très compliqué, parce qu'on sera obligé d'aller expliquer ce que sont les travaux publics, on sera obligé d'aller expliquer qu'il y a une différence entre les notions mises sur toutes les pages et celles sur une seule page, etc. Je vous pose la question parce que lorsque je vous ai demandé tout à l'heure si vous croyiez que ce serait acceptable qu'il y ait un coût raisonnable, vous avez répondu non. Mais d'après ce que je comprends, ça va monter à 800 p. 100 d'augmentation. S'il y avait un coût raisonnable pour le milieu de l'éducation pour un système de licence globale, si vous saviez à l'avance que le coût allait être raisonnable, est-ce que vous accepteriez un système de licence moins globale?

+-

    M. Roger Doucet: La position du CMEC à cet effet est que nous voulons toujours avoir un coût raisonnable pour tout matériel qui doit faire l'objet de droits d'auteur, mais nous considérons que c'est toujours non raisonnable d'avoir une licence pour du matériel qui devrait être gratuit sur Internet. C'est toujours notre position.

Á  -(1110)  

[Traduction]

+-

    M. Clifford Lincoln: Il semble que nous sommes dans une impasse, car si j'ai bien compris, on dit que le coût devrait tenir compte du fait que le matériel pouvait être consulté gratuitement.

+-

    M. Roger Doucet: C'est ce que nous devons mieux comprendre.

+-

    M. Clifford Lincoln: Vous devriez vous réunir et régler ce problème.

+-

    La présidente: Monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger: Je tiens de nouveau à remercier nos témoins. Nous parlons d'enseignement, et j'ai trouvé nos discussions très instructives. Merci.

-

    La présidente: Merci à tous nos témoins d'être venus nous rencontrer. Merci aussi aux membres du comité.

    La séance est levée.