SRID Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 5 mai 2004
¹ | 1530 |
Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton-Sud-Est, Lib.)) |
M. Thubten Samdup (président, Comité Canada-Tibet) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Thubten Samdup |
Le président |
Le greffier du sous-comité (M. Stephen Knowles) |
Le président |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, PCC) |
Le président |
M. Brian J. Given (professeur de sociologie et d'anthropologie, Université Carleton) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
Le greffier |
Le président |
Le président |
Mme Carole Channer (coordonnatrice pour la Chine, Amnistie internationale (Canada)) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
Mme Carole Channer |
Le président |
Mme Iris Almeida (directrice des Politiques, Programmes et planification, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) |
º | 1605 |
Le président |
Mme Iris Almeida |
º | 1610 |
Le président |
Le greffier |
Mme Iris Almeida |
Le greffier |
Le président |
Le greffier |
Le président |
Mme Iris Almeida |
º | 1615 |
Le président |
Mme Carole Samdup (agente des programmes, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
º | 1620 |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Thubten Samdup |
º | 1625 |
M. Deepak Obhrai |
M. Thubten Samdup |
M. Deepak Obhrai |
M. Thubten Samdup |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
Mme Carole Samdup |
º | 1630 |
M. Stockwell Day |
M. Thubten Samdup |
M. Stockwell Day |
M. Thubten Samdup |
Le président |
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ) |
Mme Iris Almeida |
º | 1635 |
º | 1640 |
Le président |
M. Brian J. Given |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
Mme Iris Almeida |
Le président |
º | 1645 |
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.) |
Mme Iris Almeida |
Mme Carole Samdup |
º | 1650 |
M. Bernard Patry |
Mme Carole Samdup |
M. Bernard Patry |
L'hon. Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.) |
Mme Carole Channer |
º | 1655 |
L'hon. Eleni Bakopanos |
Le président |
M. Stockwell Day |
L'hon. Eleni Bakopanos |
Mme Iris Almeida |
L'hon. Eleni Bakopanos |
M. Brian J. Given |
L'hon. Eleni Bakopanos |
» | 1700 |
M. Brian J. Given |
M. Thubten Samdup |
Mme Iris Almeida |
» | 1705 |
Mme Carole Samdup |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
M. Thubten Samdup |
M. Yves Rocheleau |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
Le président |
M. Thubten Samdup |
» | 1710 |
Le président |
Mme Carole Samdup |
M. Bernard Patry |
M. Thubten Samdup |
M. Bernard Patry |
Le président |
Mme Iris Almeida |
» | 1715 |
Mme Carole Channer |
M. Bernard Patry |
Mme Carole Channer |
Le président |
M. Brian J. Given |
Le président |
Le président |
M. Stockwell Day |
» | 1720 |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
M. Stockwell Day |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Bernard Patry |
Le greffier |
L'hon. Eleni Bakopanos |
Le président |
M. Stockwell Day |
L'hon. Eleni Bakopanos |
M. Deepak Obhrai |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
» | 1725 |
L'hon. Eleni Bakopanos |
M. Yves Rocheleau |
L'hon. Eleni Bakopanos |
Le président |
L'hon. Eleni Bakopanos |
Le président |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Bernard Patry |
M. Stockwell Day |
M. Bernard Patry |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Stockwell Day |
M. Bernard Patry |
Le président |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Stockwell Day |
Le greffier |
» | 1730 |
Le président |
M. Stockwell Day |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Bernard Patry |
M. Stockwell Day |
Le président |
M. Bernard Patry |
Le président |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 5 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (l'hon. David Kilgour (Edmonton-Sud-Est, Lib.)): La séance est ouverte.
Bonjour, mesdames et messieurs. Le quorum est atteint.
C'est tout un honneur pour nous: de très distinguées personnes sont venues nous parler des droits de la personne en Chine et particulièrement au Tibet.
Nous avons convenu de donner la parole d'abord à Thubten Samdup, le président fondateur et président national du Comité Canada-Tibet. Nous avons décidé que 10 minutes suffiraient. Je sais qu'il est très difficile de condenser tout ce que vous savez en si peu de temps.
Nous accueillons le professeur Brian Given, qui écrit actuellement un livre sur la communauté tibétaine au Canada.
[Français]
Il a fait, je crois, 20 ans de recherche sur des questions qui concernent le Tibet. Merci d'être venu, cher collègue. Carole Channer va ensuite prendre la parole.
[Traduction]
Carole Channer est depuis 20 ans coordonnatrice bénévole pour la Chine de la section canadienne d'Amnistie internationale. Toutes nos félicitations, Carole. Avant votre retraite en 2003, vous faisiez partie de la Faculté de mathématiques du Collège Vanier de Montréal.
Carole Samdup est agente des programmes au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Elle travaille dans les domaines de l'économie, des affaires sociales et de la mondialisation.
Iris Almeida est directrice des Politiques, programmes et planification au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
[Français]
soit le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, appelé également Droits et Démocratie. Merci d'être parmi nous aujourd'hui et soyez les bienvenus.
Monsieur Samdup, vous avez la parole.
[Traduction]
M. Thubten Samdup (président, Comité Canada-Tibet): Bonjour, monsieur le président.
Merci d'avoir organisé pour nous cette audience. Toutes mes excuses: après la visite de Sa Sainteté à Ottawa, j'ai dû me rendre à Toronto. Je n'ai pris le train que ce matin et je n'ai pas préparé d'exposé.
Mais il y a certaines choses dont je tiens à parler. J'ai constaté que certains d'entre vous ont assisté à la visite de Sa Sainteté ici, et que certains l'ont rencontré. Mes autres amis ici présents vous parleront en détail de ce qui se passe au Tibet, c'est-à-dire des violations des droits de la personne.
Ce que je tiens à dire, c'est que le Tibet traverse une période très, très difficile. Contrairement à ce que beaucoup pensent, nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre encore 10, 15 ou 20 ans. Il faut qu'il se passe quelque chose maintenant, et rapidement. En disant cela, je pèse mes mots, parce que je constate de plus en plus que de jeunes Tibétains ressentent beaucoup de frustration et de colère, parce que la voie de la non-violence préconisée par le Dalaï-Lama ne donne pas de résultat. Cela fait déjà 46 ans.
Au vu de l'amour et du respect exprimés par le public canadien envers Sa Sainteté, au moment de cette visite, ce que les Canadiens veulent de ce gouvernement me paraît très évident. Je travaille au sein du Comité Canada-Tibet depuis sa fondation, en 1987. La raison pour laquelle j'ai déployé tant d'efforts, c'est parce que je crois aussi que Sa Sainteté offre au monde un bon choix et que la violence n'est pas un moyen d'arriver à ses fins. Il y a une autre façon. Comme il le dit toujours, la violence n'engendre que la violence et la seule façon de mettre fin au cycle de la violence, c'est par la non-violence. BIen entendu, je suis convaincu que tout le monde ici est d'accord avec lui.
Jusqu'ici, nous n'avons pas eu d'appui concret et tangible. Tous les gouvernements du monde ne font que se payer de mots. Cette fois-ci, en lançant cette campagne, nous nous attendions à ce que le gouvernement canadien fasse davantage. Il a fallu beaucoup de travail et nous avons fait beaucoup d'efforts. Comme je l'ai dit auparavant, 165 parlementaires ont signé le texte exhortant le premier ministre non seulement à rencontrer Sa Sainteté, mais à offrir du tangible, pendant qu'il est encore des nôtres.
Les violations des droits de la personne, la détérioration de l'environnement, la persécution religieuse: tout cela est relié au fait qu'il n'y a pas eu de résolution pacifique du problème tibétain. Pour votre gouverne, Sa Sainteté a dit officiellement qu'il ne cherche pas l'indépendance. Il veut une réelle autonomie pour son peuple, de manière à préserver la religion et la culture. Personnellement, je crois que ce n'est pas trop demander.
S'il était un dirigeant très dur, qui réclamait l'indépendance et rien d'autre, ce serait difficile. Mais sa demande est si simple. Comme il le dit, dans ses voyages, il fait la promotion de trois choses: premièrement, la promotion des valeurs humaines; deuxièmement, l'harmonie religieuse et, troisièmement seulement, le Tibet. Après tout ce que cet homme a donné, après toutes ses contributions à ce monde, je pense qu'il n'en demande pas trop.
J'aimerais profiter de l'occasion... car cette fois, j'ai constaté une expression de sympathie et d'appui du public canadien qui était tout simplement incroyable, Nous poursuivrons notre travail en ce sens, en tablant sur cet appui. J'aimerais demander au comité, à sa prochaine séance, peut-être, d'inviter la prisonnière politique Ngawang Sangdrol. Nous voudrions qu'elle vous fasse une déclaration, elle qui vient de s'évader du Tibet.
En conclusion, j'aimerais répéter qu'il est très important que quelque chose se passe d'ici cinq ou dix ans, autrement, il n'y aura plus rien à sauver au Tibet. Merci.
¹ (1535)
Le président: Merci beaucoup. Pourrait-elle venir mercredi prochain, si nous siégeons mercredi prochain?
M. Thubten Samdup: Mercredi prochain? On peut essayer. Je vous en reparlerai.
Le président: Faut-il une motion pour cela, monsieur le greffier?
Le greffier du sous-comité (M. Stephen Knowles): Monsieur le président, comme cela fait partie de l'étude en cours, je présume que c'est suffisant. Si vous voulez une motion, vous pouvez certainement en avoir une.
Le président: Bien, merci. Nous en reparlerons probablement à la fin de la séance.
Nous pensions écouter tous les témoins, avant de passer aux questions. Cela vous convient-il?
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, PCC): S'il fallait une motion, je suis prêt à la présenter. Mais ça va. Cela fait partie de l'étude et il n'y a pas de problème.
Le président: Pourrions-nous revenir là-dessus plus tard? Nous ne sommes pas en nombre suffisant encore.
Le prochain témoin est le professeur Given.
M. Brian J. Given (professeur de sociologie et d'anthropologie, Université Carleton): Merci beaucoup pour cette invitation.
Au Canada, le discours populaire sur les droits de la personne et la société civile englobe les thèmes louables de la compassion et de la tolérance. Nous croyons être des artisans de la paix à l'étranger et pourtant, notre gouvernement a dans les faits mis de côté les droits de la personne lorsqu'il s'agit de traiter avec des régimes qui violent les droits de la personne mais offrent la promesse de bons échanges commerciaux. Sous le gouvernement précédent, les droits de la personne sont devenus une marchandise comme une autre, qu'on échange et, dans le cas du Tibet, qu'on échange avec les tenants de la ligne dure de la Chine.
Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec une haut fonctionnaire du MAECI, après avoir posé des questions sur le maintien en incarcération en Chine de Gendhun Choekyi Nima, le Panchen Lama, âgé de six ans et qui, comme sa famille, n'a pas été vu depuis six ans. Il s'agit du plus jeune prisonnier politique au monde. J'ai formulé ces commentaires aux consultations sur les droits de la personne menées par le MAECI auprès des ONG, en prévision des rencontres de Genève. La fonctionnaire tenait à me dire que les représentants canadiens soulevaient toujours la question du Panchen Lama lorsqu'ils rencontraient des responsables chinois. Elle m'a dit aussi que ces discussions ne donnaient rien. Je la cite: «Monsieur Given, leur position à ce sujet est bien ancrée et ils refusent d'en discuter». Elle a semblé étonnée quand je lui ai demandé: «Que faites-vous ensuite?». Elle a répondu: «Nous passons à autre chose».
Eh bien, ce n'est tout simplement pas suffisant. Si c'est un exemple de la façon dont le dialogue bilatéral est mené, il n'est pas étonnant que ce soit un échec lamentable, sauf, bien entendu, pour les succès remportés dans la promotion des intérêts commerciaux de certains des citoyens canadiens les plus riches et les plus branchés.
Le discours populaire canadien sur notre rôle de conciliateur international doit être réaligné sur nos politiques gouvernementales et les pratiques du MAECI. On pourrait commencer avec le Tibet. Ce faisant, nous constaterons que nous nous joignons aux voix en émergence en Chine, qui valorisent la culture tibétaine et qui croient que le problème tibétain doit être réglé par des négociations avec le Dalaï-Lama, pendant qu'il est toujours de ce monde. Ces voix estiment qu'il serait désastreux de ne pas le faire.
Le Canada peut renforcer ses relations avec la Chine en agissant comme un intermédiaire désintéressé, en aidant la Chine à régler ce qu'elle voit comme le problème tibétain tout en s'acquittant de son rôle traditionnel d'artisan de la paix, tout en aidant le Dalaï-Lama et le premier ministre démocratiquement élu à régler le problème chinois.
À l'échelle mondiale, dans le climat d'après le 11 septembre, les Tibétains, sous la houlette du Dalaï-Lama, nous présentent un modèle pratique de règlement pacifique des différends, une solution de rechange courageuse aux méthodes violentes, soutenu par les efforts et le sang du peuple tibétain.
Les Tibétains nous ont placés dans une situation difficile, en raison de la façon dont ils se battent depuis plus de 50 ans pour leurs droits fondamentaux. Nous affirmons avoir la violence en horreur, mais voyons ce qui retient notre attention. C'est à nous de choisir. Quel message les Canadiens veulent-ils envoyer aux Tibétains et à la communauté internationale, par le biais des mesures prises par le gouvernement?
Le gouvernement tibétain en exil, sous la direction du Dalaï-Lama, nous a donné tout ce dont nous avons besoin pour agir. Le Dalaï-Lama a dit très clairement, à maintes reprises pendant sa visite et auparavant, qu'il ne souhaite que l'autonomie interne des Tibétains et la protection de leurs droits. Il demande essentiellement ce que garantit la Déclaration universelle des droits de l'homme.
La majorité des députés de la Chambre des communes ont demandé au premier ministre d'offrir les services de médiateur du Canada, dans le cadre de négociations entre le gouvernement de la Chine et le Dalaï-Lama et ses représentants. Ils ont fréquemment exprimé leurs préoccupations au sujet du fait qu'au Tibet, sous le régime chinois, la liberté de religion, la liberté d'expression, la liberté d'assemblée, les libertés politiques, le droit de vivre sans crainte d'emprisonnement politique et de torture, ainsi que d'autres droits fondamentaux, ont été bafoués.
Certains se demandent si la cause est perdue, parce que la Chine est très efficace dans la suppression de la culture tibétaine. Ce n'est pas le cas. Le Canada, par son amitié avec la Chine et son engagement de longue date envers les droits de la personne, est dans une position exceptionnelle pour aider à sauver les Tibétains. Mais le temps presse.
Il faut dire clairement au premier ministre que nous nous attendons à ce qu'il agisse. On fera plus pour la paix dans le monde en prouvant qu'un mouvement pacifique peut réussir à protéger les droits de la personne qu'en menant une guerre violente contre le terrorisme. Mais notre action doit se traduire dans les faits. Je crains que le dialogue bilatéral n'ait pas donné lieu à des améliorations, ce qui ne fait que rendre légitime la façon dont la Chine opprime les Tibétains.
Certaines questions nouvelles nous préoccupent particulièrement. Ainsi, la Chine se sert du prétexte de la guerre contre le terrorisme pour réprimer encore davantage la dissension et recourt à l'étiquette de «terroriste» pour se dispenser d'offrir même un semblant de procédures judiciaires équitables.
De plus en plus, la Chine exploite les programmes et fonds de développement de l'Occident pour ancrer davantage son occupation du Tibet, grâce à des projets financés par l'étranger comme le projet de barrage de Barkham où les Tibétains du coin sont expulsés, pour soutenir l'industrie chinoise.
Il est important de reconnaître qu'au Tibet, la situation ne s'améliore pas, elle empire. Les violations des articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui garantissent la liberté de conscience et d'expression, se multiplient. Des centaines de personnes sont torturées, en contravention de l'article 5. C'est ainsi que des dissidents politiques comme Nyima Drakpa et Tenzin Phuntsok ont été arrêtés et sont morts sous la torture, l'an dernier. La Chine continue de recourir à la peine de mort plus que tous les autres pays du monde mis ensemble: il y a eu 10 000 exécutions l'an dernier.
¹ (1540)
Ce recours systématique à l'exécution et l'absence des voies de droit régulières sont une combinaison des plus dangereuses, en opposition directe aux politiques canadiennes en matière de droits de la personne. Pensons à l'exécution de M. Lobsand Dhondup, le 26 janvier 2003, et au report de l'exécution du Lama Tenzin Delek Rinpoche, qui devait avoir lieu le 7 avril dernier. L'exécution a été reportée d'un an seulement.
Il y a là deux problèmes distincts. D'abord, aucune preuve n'a jamais été présentée à l'appui de leur condamnation dans le cadre d'un procès secret, pour de prétendues infractions reliées à des attentats à la bombe. Deuxièmement, rien ne permet de croire que feu Lobsand Dhondup était associé avec Tensin Delek Rinpoche, puisque M. Rinpoche avait en fait expulsé M. Dhondup de son monastère, quelque temps auparavant.
Tensin Delek Rinpoche, maintenant condamné à mort, a une réputation bien établie de défenseur des droits de la personne et de l'environnement au Tibet. La Chine espère utiliser le prétexte de la guerre contre le terrorisme pour camoufler le meurtre de tels dissidents politiques. Notre gouvernement a une belle occasion de vérifier l'efficacité de ses relations avec la Chine en intervenant dans le dossier de Tensin Delek Rinpoche.
Il n'y a pratiquement pas de liberté de religion au Tibet. Je me souviens d'une jeune femme tibétaine qui a récemment visité le Tibet et qui me disait qu'elle avait rencontré un homme à l'extérieur du temple Jokhang de Barkhor, l'un des temples les plus sacrés du Tibet. Cet homme était habillé comme un moine tibétain. Elle lui a demandé s'il pouvait lui dire quelles étaient les quatre nobles vérités. C'est un peu comme demander à un chrétien de nommer quatre des dix commandements. Il n'a pas pu répondre. Ce n'était certainement pas un moine.
Quatre moines ont été condamnés à de longues peines de prison pour avoir célébré une cérémonie religieuse, une puja de longue vie pour le Dalaï-Lama. C'était l'an dernier.
La religieuse Phuntsog Nyidron a été détenue et torturée pendant 15 ans. En 1989, elle a été accusée de crimes contre-révolutionnaires quand elle et cinq de ses consoeurs ont manifesté pacifiquement pour célébrer la remise du prix Nobel de la paix au Dalaï-Lama. Il s'agissait d'une peine de neuf ans, prolongée de huit ans pour des infractions semblables. Elle a été libérée cette année, en raison des fortes pressions internationales, mais qui ne venaient pas en grande partie du Canada.
Ngawang Sangdrol, une autre religieuse, que vous verrez d'ici deux semaines, je l'espère, a été emprisonnée après avoir crié «Libérez le Tibet» et avoir chanté pour exprimer ce sentiment, ainsi que pour avoir participé à des manifestations. Elle a d'abord été arrêtée à Lhasa en 1990, pour avoir pris part à une manifestation qui a duré moins de cinq minutes. Elle a été détenue pendant quatre mois. En 1992, elle a été arrêtée après avoir contribué à l'organisation d'une manifestation pour l'indépendance du Tibet: elle a reçu une peine de trois ans. Cette peine a été portée à neuf ans en 1993, quand elle a été condamnée avec 13 autres religieuses Drapchi emprisonnées à la prison de Drapchi, pour avoir écrit et enregistré des chansons dans la prison, sur un magnétophone qui leur avait été remis clandestinement. L'enregistrement a été distribué illégalement au Tibet et exprimait des sentiments criminels comme ces paroles: «À tous ceux de l'extérieur qui ont fait de leur mieux pour nous aider en prison, nous sommes très reconnaissantes et ne vous oublierons jamais », ou « nous sommes battues et brutalisées mais cela n'altérera jamais la persévérance du peuple tibétain».
Les leçons brutales de la Chine ont été sans effet sur Ngawang Sangdrol. Des gardiens de prison l'ont battue, elle et quatre autre religieuses, en 1996, pour avoir crié «Libérez le Tibet» alors qu'elle subissait déjà des sanctions en prison. Elle a été tenue en isolement pendant quelques mois, avec réduction des rations alimentaires jusqu'en juillet 1996. Sa peine a été portée à 18 ans. En raison de l'attention internationale soutenue, elle a été libérée plus tôt cette année après n'avoir purgé que 14 ans de sa peine, pour des crimes qui ressemblent à ce que nous faisons, ici, aujourd'hui.
Il y a de nombreux témoignages de recours systématiques à des instruments de torture, notamment électroniques, sur les prisonniers politiques, qui sont traités beaucoup plus durement que les autres condamnés. On ne peut ignorer les témoignages, trop fréquents, d'insertion d'aiguillons électriques dans la bouche ou les vagins des détenues.
N'oublions pas non plus le problème constant des réfugiés, et de l'ingérence à la frontière du Népal: l'an dernier, on a fait pression sur le gouvernement népalais pour qu'il renvoie des réfugiés tibétains au Tibet, où ils seraient emprisonnés et torturés.
Le premier ministre Wen lui-même a récemment accordé le titre de poste de police frontalier modèle au sous-poste de la frontière népalaise relevant du détachement du Shigatse, affecté à la sécurité publique de la région autonome du Tibet et à la protection de ses frontières, pour avoir résolu cinq affaires de tentatives d'évasion et pour avoir intercepté 27 personnes qui avaient l'intention de s'évader.
Dans le système d'éducation du Tibet, les Tibétains sont victimes de discrimination. Comme l'a dit le rapporteur spécial, l'enseignement postsecondaire n'est pas offert en tibétain. En fait, il y a très peu d'instruction offerte en tibétain.
¹ (1545)
Le premier ministre Martin et le MAECI ont une autre occasion d'améliorer leurs relations avec la Chine et de les rendre beaucoup plus efficaces cette année.
En effet, en avril 2004, le Dalaï-Lama du Tibet ainsi que le premier ministre démocratiquement élu du gouvernement tibétain en exil sont venus à Ottawa rencontrer les 165 parlementaires canadiens qui ont signé une lettre d'appui à la campagne pour la négociation entre la Chine et le Tibet.
Ce que ces parlementaires demandent au premier ministre est tout à fait conforme au rôle d'artisan de la paix du Canada. Ils veulent que le premier ministre soit l'hôte de négociations entre le gouvernement de la Chine et le Dalaï-Lama et son gouvernement en exil démocratiquement élu. Pas plus que nous ne demandent-ils au gouvernement du Canada de prendre partie; il ne s'agit que d'agir comme médiateur désintéressé. En agissant ainsi, le gouvernement ferait quelque chose de très typiquement canadien.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Given.
Je crois que notre collègue, Deepak Obhrai, veut déposer une motion.
Le greffier: Monsieur le président, la motion porte que le sous-comité, dans le cadre de son étude sur les droits de la personne en Chine, invite Ngawang Sangdrol, défenseure des droits de la personne, à comparaître à la première occasion.
Le président: Voulez-vous en discuter?
[Français]
Quelqu'un veut-il discuter de cette question? Vous êtes d'accord pour proposer la motion? Êtes-vous tous en faveur?
[Traduction]
(La motion est adoptée)
Le président: Merci beaucoup.
Nous essaierons d'organiser cela pour la semaine prochaine. Sera-ce possible?
Le témoin suivant est Carole Channer, qui a déjà été présentée.
Carole, vous avez la parole.
[Français]
Mme Carole Channer (coordonnatrice pour la Chine, Amnistie internationale (Canada)): Bonjour. Je remercie le sous-comité d'avoir invité Amnistie internationale à comparaître aujourd'hui.
Je vais maintenant continuer en anglais.
[Traduction]
Brian a beaucoup parlé des violations de droits de la personne au Tibet et je ne vais pas faire de même.
J'aimerais toutefois ajouter que si beaucoup d'entre vous ont entendu parler de la libération de prisonniers politiques célèbres comme Ngawan Sangdrol, Phuntsog Nyidron et d'autres, et que vous avez eu l'impression que les choses s'amélioraient au Tibet, je vais vous détromper, elles se détériorent probablement.
On semble faire moins de détenus dans la région autonome du Tibet et de plus en plus dans d'autres provinces, comme le Sichuan et le Gansu, où vivent aussi des Tibétains. Malheureusement, il est très difficile pour les organisations de défense des droits de la personne d'obtenir des renseignements sur ce qui se passe au Tibet et dans des endroits comme Xinjiang, parce que le gouvernement chinois est devenu très habile et très efficace pour éviter que cette information circule à l'extérieur de même que pour opprimer les familles de ceux qui, traditionnellement, pouvaient nous fournir de l'information. Même si vous entendez peu parler de ce qui se passe dans les autres régions du Tibet, la situation est grave.
J'aimerais d'abord parler de la politique étrangère du Canada en ce qui a trait à la Chine. Autour de la table, nous nous connaissons très bien. Nous avons eu des entretiens avec le MAECI et d'autres organismes gouvernementaux, année après année, pour demander que change la politique étrangère canadienne. Bien franchement, je crois que rien ne se produira du côté canadien, au sujet du Tibet et du reste de la Chine, tant que les politiques n'auront pas changé.
Quand le Canada est passé au dialogue bilatéral en 1997, cela a signifié qu'il ne pouvait plus être comme auparavant le coparrain et le promoteur d'une résolution aux Nations Unies. Dans une grande mesure, il a cessé de critiquer publiquement le gouvernement chinois. Le Canada est coincé, après sept années de dialogue officiel, et il n'y a pas du tout d'amélioration en vue pour les victimes des violations des droits de la personne en Chine, du moins d'après ce que peut voir Amnistie Internationale. Aucune amélioration.
Ce processus est gravement déficient. Il est mené en secret, sans évaluation efficace et sans reddition de comptes au Parlement et au public, pour ce dialogue. Je pourrais aussi parler d'argent, puisque c'est ce qui préoccupe souvent les gens. C'est aussi un processus très coûteux en temps et en ressources humaines, et pour quel résultat? Nous, les ONG, avons la compétence et les idées, mais nous sommes pratiquement exclus du dialogue—pas complètement, mais pratiquement.
Je vais vous donner un exemple. En novembre 2002, une délégation canadienne de dialogue a visité une prison de Beijing. En passant, cette prison avait déjà été visitée auparavant. Quoi qu'il en soit, en novembre 2002, la délégation est allée visiter la prison et quand on a parlé aux ONG de cette visite, on nous a dit que cette visite avait été chorégraphiée, qu'il n'était pas possible de rencontrer les responsables de la prison ni de parler aux détenus. Alors voici ma question : À quoi des visites de ce genre peuvent-elles bien servir? Quel en est l'objectif? Des dizaines d'autres délégations d'autres pays ont visité la même prison modèle, dans le cadre de ce qui semble n'être qu'un exercice de relations publiques pour les autorités chinoises.
Il nous faut une politique. Amnistie ne s'oppose pas au dialogue. Le dialogue peut être une bonne chose, mais il doit être assorti d'autres mesures du côté du gouvernement canadien. La réticence apparente du gouvernement à faire des pressions publiques et multilatérales sur la Chine est perçue par beaucoup comme étroitement liée à son désir d'avoir de fortes relations économiques avec la Chine.
En agissant ainsi, le gouvernement ne respecte pas pleinement ses obligations internationales en matière de droits de la personne. En outre, il mine le travail de défense des droits de la personne des Nations Unies. Pourtant, notre premier ministre et notre ministre des Affaires étrangères parlent régulièrement de l'importance du travail des Nations Unies en la matière et du fait que le Canada estime appuyer ce travail quand c'est possible. Il ne le fait certainement pas dans le cas de la Chine, et devrait vraiment le faire.
¹ (1550)
L'action efficace en faveur des droits de la personne ne doit pas être subordonnée aux intérêts économiques. Elle devrait faire partie intégrante de toute relation commerciale.
Brian a déjà parlé du terrorisme. C'est un problème de plus en plus grave en Chine, pas seulement au Tibet mais également dans la région autonome ouïgour du Xinjiang. Ces deux groupes, les Tibétains et les Ouïgours, sont accusés de terrorisme alors que la plupart du temps ils essaient tout simplement de pratiquer leur religion et leur culture. Parfois, ils participent à des manifestations pacifiques parce qu'on a fermé leurs mosquées ou brûlé leurs livres, ou quelque chose du genre. Mais on les traite de terroristes et des centaines de personnes ont été exécutées pour cette raison, particulièrement dans la région du Xinjiang. À ce jour, il n'y a pas eu autant d'exécutions de soi-disant terroristes au Tibet, mais c'est certainement une situation qu'il faut suivre de très près et contre laquelle il faut agir.
Les imperfections du système judiciaire chinois constituent l'une des principales raisons du non-respect des droits de la personne dans ce pays, y compris au Tibet, puisque, à l'heure actuelle, il ne peut pas garantir des procès justes et impartiaux ni protéger les accusés contre la détention arbitraire et la torture. Brian a parlé des cas de Tenzin DelegRinpoche et de Lobsand Dhondup. Ces deux personnes ont été victimes de procès qui ne respectaient aucunement les normes internationales. Il y a une assez bonne raison de croire à un déni de justice dans ces deux cas.
La Chine a pris des mesures positives récemment. Elle a aboli l'une de ses formes de détention administrative, mais le processus est trop lent. Il faut de toute urgence que le système judiciaire, tant les lois que leur application, soit réformé en profondeur. Amnistie Internationale se félicite des projets de l'ACDI en matière de réforme judiciaire et de formation des officiers de la justice, mais nous devons souligner la nécessité d'exercer en même temps des pressions pour faire accélérer le rythme de ces réformes. C'est une question très urgente.
Brian a mentionné 10 000 exécutions. Chaque année que les autres pays tardent à agir contre la situation déplorable des droits de la personne en Chine, 10 000 autres personnes, peut-être même davantage, sont exécutées. À propos, c'est le gouvernement de Chine qui a reconnu officiellement ces 10 000 exécutions par année.
On pourrait protéger davantage les droits fondamentaux des Tibétains en exerçant des pressions pour que la Chine accorde l'accès aux mécanismes thématiques des Nations Unies, comme le rapporteur spécial chargé d'examiner la question de la torture. Amnistie Internationale estime que c'est extrêmement important étant donné le secret qui entoure l'administration du système de justice en Chine et aussi l'absence de responsabilité. Il est donc réellement important que ces mécanismes des Nations Unies aient accès à la prison de Drapchi au Tibet, et à d'autres prisons, centres de détention, etc., pour voir ce qui s'y passe exactement.
La Chine a cherché à gagner du temps. À ma connaissance, il n'y a eu qu'une seule visite de la part d'un mécanisme des Nations Unies au cours des dernières années—depuis 1997, je crois. La Chine fait semblant de jouer le jeu. Elle lance des invitations. Elle dit qu'elle va lancer des invitations. Elle dit aux Américains qu'elle a lancé une invitation. Mais rien ne se produit.
J'aimerais également dire un mot au sujet des démarches relativement à des cas particuliers. Comme vous le savez probablement, Amnistie Internationale croit grandement à l'efficacité de la défense de cas particuliers, et nous avons été très heureux que le Dalaï-Lama lui-même, lorsqu'il était ici il y a une semaine, en souligne lui aussi l'importance.
Nous voulons donc inviter le gouvernement du Canada et les députés à défendre sans relâche des prisonniers individuels, et à ne pas se contenter de soulever la question lorsqu'il y a des échanges entre le Canada et la Chine, mais à suivre ces cas, à faire des démarches, une liste, et nous invitons même les députés à adopter à titre personnel un prisonnier de conscience et à utiliser leur statut dans le monde pour obtenir leur libération.
Je ne sais pas depuis combien de temps je parle. J'ai des recommandations. Je vais vous les lire très rapidement. Vous en aurez une copie plus tard.
Amnistie Internationale recommande respectueusement que le gouvernement du Canada entreprenne un examen de la politique étrangère à l'égard de la Chine, et qu'il recommence à prendre des mesures multilatérales fermes et à exercer une pression publique pour améliorer la situation des droits de la personne, qu'il examine le processus de dialogue conformément à ce que j'ai mentionné tout à l'heure, et qu'il rehausse la participation des ONG dans le dialogue et l'élaboration de politiques en matière des droits de la personne.
¹ (1555)
Nous recommandons également que le gouvernement encourage les entreprises canadiennes qui font affaire avec la Chine à inclure la promotion et la protection des droits de la personne comme partie intégrante de leurs relations commerciales à tous les niveaux—en fait, l'ONU demande déjà aux entreprises de faire cela. Que le gouvernement veille à ce que la mise en oeuvre de stratégies canadiennes d'investissement et de développement en Chine ne contribue pas au non-respect des droits de la personne dans ce pays. Quelqu'un a mentionné une stratégie de développement occidental. Je pense qu'il y a certainement des preuves qui montrent que cela crée des difficultés pour les Tibétains ordinaires et les musulmans de Xinjiang.
Nous avons recommandé que le gouvernement obtienne de la Chine l'assurance qu'elle invitera les mécanismes des Nations Unies, particulièrement le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le rapporteur spécial chargé d'examiner la question de la torture et le rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la liberté de religion ou de convictions. Que le gouvernement demande à la Chine de mettre fin à la répression fondée sur l'identité ethnique ou religieuse, y compris les mesures prises sous le faux prétexte de lutte contre le terrorisme. Qu'il demande à la Chine d'accorder la plus haute priorité possible à la correction des imperfections et des problèmes systémiques dans l'application de ses lois et dans son système judiciaire, y compris le manque d'indépendance du système judiciaire, l'existence de la détention administrative et le recours fréquent à la torture et à la peine de mort.
J'aimerais ajouter un dernier commentaire.
La répression politique, la discrimination économique et la restriction des droits sociaux et culturels que subissent les Tibétains depuis plus de 40 ans se produisent maintenant à l'égard de la population ouïgour de la région autonome de Xinjiang Uighur. S'il prenait des mesures pour obtenir le respect des droits fondamentaux des Tibétains, le gouvernement du Canada aiderait à empêcher que la situation, déjà grave, des droits de la personne ne se détériore dans la région du Xinjiang, et je demande aux membres du comité d'y réfléchir.
C'est tout ce que j'avais à dire. Merci beaucoup.
º (1600)
Le président: Merci beaucoup, Carole.
Y a-t-il une liste de prisonniers que vous, ou un autre témoin, aimerait déposer?
Mme Carole Channer: Étant donné le peu de préavis, je n'en ai pas apporté, mais je pourrais vous en faire parvenir une dans quelques jours, si vous êtes d'accord.
Merci.
Le président: Merci.
Je sais qu'il y aura beaucoup de questions.
Les prochains intervenants seront Iris Almeida et Lloyd Lipsett, adjoint au président.
Est-ce que l'un d'entre vous pourrait m'expliquer pourquoi Jean-Louis Roy, le président, est absent aujourd'hui?
Mme Iris Almeida (directrice des Politiques, Programmes et planification, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Bien sûr.
Je suis Iris Almeida. Je suis directrice des politiques et des programmes à Droits et Démocratie.
[Français]
D'abord, je tiens à vous remercier d'avoir invité Droits et Démocratie à ce comité. Mon texte est en français et en anglais, et en complément, vous trouverez plusieurs documents importants portant sur ce thème. Ces derniers, que nous avons réalisés au cours des dernières années, pourraient vous intéresser.
Deux de mes collègues m'accompagnent, soit Carole Samdup, qui est responsable du programme mondialisation, et Lloyd Lipsett, qui occupe le poste d'adjoint principal du président. Notre président, M. Jean-Louis Roy, est présentement à Paris pour une réunion de la Francophonie. Il ne pourra donc pas être ici avec nous. Il nous a toutefois demandé de vous transmettre ses chaleureuses salutations.
En ce qui concerne le débat, j'ai très clairement précisé ce qui suit dans le texte: Il y a «...nécessité d'un cadre cohérent et d'un dialogue soutenu pour encourager les négociations entre le Tibet et la Chine».
[Traduction]
Donc, la question pour nous en est une de cohérence, du besoin de cohérence et d'une approche conséquente dans les relations entre le Canada et le Tibet.
Je tiens tout d'abord à reconnaître que la Chine a ratifié de très importantes conventions internationales, soit: le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; la Convention contre la torture; et la Convention relative aux droits de l'enfant.
La Chine a aussi signé, mais n'a pas encore ratifié, le très important Pacte international relatif aux droits civils et politiques. On se demande alors quel est le problème? Dans notre travail et dans le cadre de la surveillance que nous exerçons depuis des années, il nous semble clair qu'un très vaste fossé sépare l'adhésion officielle aux instruments de droit civil et leur mise en pratique en Chine. En fait, dans certaines régions, et particulièrement au Tibet, ce fossé s'élargit.
Les violations que nous devons nous rappeler se produisent dans tous les secteurs, pas seulement en matière de droits civils et politiques. On entend souvent parler de prisonniers politiques, et c'est surtout leurs droits civils et politiques qui sont brimés, mais en fait il y a des violations dans tous les secteurs : économique, social, culturel, ainsi que civil et politique.
Enfin, je veux profiter du peu de temps qui m'est accordé pour attirer votre attention sur quelques questions liées à la situation des droits de la personne au Tibet dans un contexte plus général.
Dans mon exposé, j'aborderai cinq questions.
La première est le droit à l'éducation. Lorsque nous parlons de cohérence et de dialogue, nous songeons à des choses très concrètes. L'une de ces choses concrètes est le droit à l'éducation.
La deuxième est le droit au développement.
La troisième est la question des réfugiés, une situation humanitaire très grave.
La quatrième question est celle des prisonniers politiques qui a déjà été soulevée, dans une certaine mesure, par mes collègues ici présents. J'aimerais vous parler de trois cas en particulier: celui de Chadrel Rinpoche, celui de Tenzin Delek Rinpoche et celui du Panchen Lama qui ont déjà été évoqués de manière très éloquente.
Cinquièmement, j'aimerais vous parler du dialogue bilatéral entre le Canada et la Chine, que certains des mes collègues ont déjà mentionné. Nous suivons ce dialogue d'assez près et j'aimerais attirer votre attention sur certains points.
Le droit à l'éducation. Le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'éducation a fait des commentaires très importants dans son plus récent rapport sur l'éducation des minorités et il dit que les violations des droits religieux et linguistiques dans ce pays sont très graves. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement, le Tibet affiche le plus faible taux d'alphabétisation de toute la Chine. Les Tibétains peuvent étudier dans leur propre langue au niveau primaire, mais pas aux niveaux secondaire et supérieur. Bon nombre des enseignants sont Chinois, ce qui signifie que de nombreux Tibétains dans les régions rurales ont un accès très limité à l'éducation après le niveau primaire.
Deuxièmement, le fait que les Tibétains soient privés de leur droit à l'éducation, qui est très important si nous voulons voir des changements dans le respect de l'ensemble des droits de la personne et du processus de démocratisation, viole la constitution de la Chine. Très souvent, les Tibétains ne sont pas admis à l'université parce qu'ils doivent faire concurrence aux autres étudiants dans une langue seconde. Je tenais à souligner ce fait.
Le droit au développement. Au cours des dernières années, le Tibet et le reste de la Chine ont connu une forte croissance économique. Le problème, c'est que ce sont surtout ceux qui parlent le chinois et qui sont arrivés récemment d'autres régions de la Chine qui ont profité de cette croissance économique. Il est important de savoir que dans les régions rurales, où vivent 80 p. 100 des Tibétains, les revenus ont en fait diminué au cours de la dernière décennie.
º (1605)
Lorsqu'on approfondit un peu la question, on constate que le développement du Tibet ne profite pas aux Tibétains. Je vais vous en donner quelques exemples.
Le développement de l'infrastructure est géré par des entreprises chinoises installées dans les provinces de l'Est, et les retombées ne reviennent pas aux Tibétains parce que la Chine accorde des allègements et des avantages fiscaux à ceux qui viennent au Tibet pour faire des affaires. Par conséquent, sans entrer dans tous les détails, que vous retrouverez d'ailleurs dans mon texte, nous constatons que malgré la croissance économique au Tibet, les Tibétains qui sont moins instruits ou moins qualifiés ne peuvent pas faire face à la concurrence dans ces projets d'infrastructure et les autres projets de développement. Les ressources restent concentrées entre les mains de personnes qui viennent de l'extérieur.
Le Canada a un nouveau programme très important qu'on appelle le projet des besoins humains fondamentaux. Il s'agit d'un projet que l'ACDI réalise dans la région autonome du Tibet au coût de cinq millions de dollars. Il s'agit d'un programme de développement bilatéral. Nous croyons savoir que ce projet a été conçu à Beijing et que les Tibétains ne pourront pas nécessairement y participer. Nous ne savons pas très bien ce que sera la participation des Tibétains. Il s'agit d'un projet de cinq millions de dollars canadiens destiné aux habitants de cette région, mais on sait très peu de choses sur leur participation.
Le projet de chemin de fer est un autre projet très important pour le développement...
Le président: Voulez-vous que ce document, Les dimensions économiques de l'autonomie et du droit au développement au Tibet, soit annexé au compte rendu de la présente séance?
Mme Iris Almeida: Je vous en serais reconnaissante. Cela pourrait être très utile puisque cela me permettrait de passer à d'autres éléments importants.
J'aimerais vous parler de la situation des réfugiés.
Il y a environ 2 500 nouveaux réfugiés qui arrivent en Inde, depuis le Tibet, chaque année. Ces dernières années, la frontière entre le Tibet et le Népal... Vous devez vous rappeler que dans le passé, le nombre de Tibétains cherchant à fuir la persécution sous toutes ses formes franchissaient cette frontière, mais depuis quelques années, surtout au cours des derniers mois, le gouvernement chinois a exercé d'énormes pressions sur le gouvernement du Népal pour que celui-ci renvoie les personnes qui ont franchi la frontière.
En vertu du droit international, le refoulement doit respecter des règles très strictes afin de garantir la sécurité et l'intégrité des personnes. En avril 2003, le Népal a renvoyé 18 réfugiés en Chine, dont certains n'avaient que 13 ans. Le gouvernement du Népal commence maintenant à collaborer avec le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés afin de gérer la situation et, en fait, le Haut Commissariat aide à faire en sorte que certains de ces réfugiés puissent se rendre en Inde avec l'aide du gouvernement du Népal.
On nous a signalé de nombreux cas de mauvais traitements et de punitions cruelles et dégradantes infligés à ces personnes qui cherchent à échapper à la persécution sous toutes ses formes.
Je vous ai parlé des prisonniers politiques. Je déposerai des commentaires au sujet des trois cas. J'espère que le comité examinera la question et veillera à ce que le Canada intervienne.
º (1610)
Le président: Le greffier pourrait peut-être nous éclairer. Ces commentaires sur les prisonniers politiques peuvent-il être intégrés automatiquement au compte rendu ou doit-elle les déposer?
Le greffier: Monsieur le président, si elle souhaite les lire aux fins du compte rendu, ils feront naturellement partie des témoignages. Sinon, elle peut me les envoyer par courriel et on pourra les annexer au témoignage.
Mme Iris Almeida: Ils se trouvent dans le document que je vous ai remis.
Le greffier: Dans ce cas, ils seront remis au sous-comité en tant que mémoire et feront partie du dossier officiel du comité.
Le président: Se retrouveront-ils également sur Internet?
Le greffier: Ils ne seront pas sur Internet à moins que j'en obtienne une copie électronique.
Le président: Pouvez-vous faire cela?
Mme Iris Almeida: Bien sûr. Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant vous parler brièvement du cinquième point, soit le dialogue bilatéral avec le Canada en matière de droits de la personne. Nous croyons au dialogue, mais nous croyons que le dialogue doit être transparent, efficace et responsable. Nous croyons également que tout dialogue doit s'accompagner de mesures concrètes aux Nations Unies, et plus particulièrement à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.
Dialoguer, cela ne veut pas dire que nous menons une diplomatie tranquille tout en laissant la communauté internationale—et plus particulièrement la Chine, en raison de son pouvoir et de son poids économique sur la scène internationale—éviter toute condamnation ou même toute question sur la situation interne.
Une action concrète aux Nations Unies doit accompagner tout dialogue bilatéral, et ce dialogue devrait porter sur les atteintes aux droits de la personne. Nous devons être clairs. Il ne suffit pas de dire: «La Chine doit former ses juges et ses magistrats et sa police—nous enverrons nos juges là-bas pour leur montrer comment améliorer leurs pratiques—et un jour cette formation aura ses effets et leurs pratiques changeront peut-être.»
Nous le répétons depuis très longtemps, et il me semble que lorsqu'on dépense l'argent des contribuables, il faut pouvoir dire si nous avons un levier ou si nous n'en avons pas. Ou bien nous réussissons à apporter des changements, ou nous nous abstenons. Nous sommes peut-être trop petits pour avoir de l'influence; peut-être que nous ne pouvons rien faire. Si c'est le cas, il faut le dire et peut-être écouter ce que les Canadiens ont à dire à ce sujet.
Il me semble que ce manque de cohérence et cette soi-disant diplomatie tranquille, cette diplomatie des petits pas, ne fonctionne pas. Elle ne tient pas compte de la situation en Chine, de la puissance géopolitique de ce pays, ni des mécanismes subtils de répression dans ce pays.
Il me semble que nous devons être plus habiles dans nos relations avec la Chine, et si nous voulons les influencer, nous devons agir de manière cohérente pour que le commerce, les droits de la personne, le développement, l'éducation et les échanges aient tous la même valeur.
En conclusion, il y a un certain nombre de points sur lesquels je souhaite attirer votre attention. Un moyen efficace de promouvoir les droits de la personne, la démocratie, le développement durable et la bonne gouvernance est de collaborer avec le Dalaï Lama et ses représentants pour faire avancer le fragile dialogue vers des négociations concrètes sur l'avenir du Tibet.
Quelqu'un vient de dire que nous ne parlons pas d'autre chose que du respect de la dignité humaine et de l'autonomie. Nous ne parlons pas d'indépendance. Nous ne parlons pas de menaces, ni de peurs, ni de perceptions erronées ni de mensonges, nous parlons de la dignité de personnes isolées, marginalisées, qui mènent une lutte non-violente afin d'être entendues par la Chine et la communauté internationale.
Le Canada doit prendre une position plus proactive. Le Canada pourrait donner un exemple très utile en étant un intermédiaire impartial, un médiateur, une influence pacificatrice auprès de la Chine qui est notre quatrième partenaire commercial. Il est important que nous intervenions.
Droits et Démocratie croit que les parlementaires qui ont eu l'occasion de rencontrer le Dalaï Lama et de discuter avec lui du bien-fondé de son approche ont trouvé que celle-ci était entièrement raisonnable et bien avisée et qu'elle peut servir de précédent positif pour aider à régler des conflits dans d'autres régions du monde.
Pour ce qui est du rôle du Parlement, nous croyons qu'il serait très important qu'il y ait un plus large consensus entre les partis sur ce que nous pourrions faire pour accroître notre influence auprès de la Chine et notre capacité de négocier avec ce pays.
Enfin, j'aimerais vous présenter un certain nombre de stratégies que nous avons proposées suite à un colloque en matière de politique que nous avons tenu la semaine dernière.
º (1615)
Premièrement, nous demandons la nomination, au sein du cabinet du premier ministre du Canada, d'un agent de liaison chargé de coordonner et de suivre les politiques relatives au Tibet au sein du gouvernement du Canada. Deuxièmement, de réaffirmer les priorités du Canada en matière de politique et de programmes de développement au Tibet, et ce, dans le but de limiter l'exclusion sociale et de favoriser la propriété légitime des processus de développement par le peuple tibétain, ainsi que de veiller plus particulièrement au développement des moyens dont dispose la jeunesse. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu dire, de Vancouver à Ottawa, et maintenant à Toronto, qu'il faut accorder une attention particulière à la réalité de la jeunesse tibétaine.
Nous demandons de créer un comité consultatif. Nous recommandons la création d'un comité consultatif de Canadiens sympathisants, formé de parlementaires, d'organisations non-gouvernementales et d'universitaires, chargés de s'assurer que la question du Tibet demeure toujours une priorité de la politique étrangère du Canada à l'égard de la Chine, et ce, afin de promouvoir un règlement négocié du conflit et de garantir les droits de la personne du peuple tibétain. Enfin, nous aimerions demander que soit créé un groupe de travail chargé de se pencher sur les problèmes environnementaux propres au plateau tibétain en vue de favoriser le développement durable de ce dernier.
Si notre relation avec le Tibet est fondée sur une approche de développement et de respect des droits, je pense que la vieille approche traditionnelle des petits pas, de la diplomatie tranquille des «peut-être que c'est trop difficile, trop technique, trop politique» laissera la place à quelque chose de plus cohérent. Le Canada pourrait probablement jouer un rôle en s'assurant que le dialogue qui a débuté par deux séries de rencontres entre les représentants du Dalaï Lama et ceux du gouvernement de Beijing se poursuivent.
Depuis mai 2003, il ne s'est rien passé. Si nous l'appuyons davantage, ce processus pourrait s'accélérer, ce qui serait probablement un grand pas en avant pour l'unité. La Chine sera une des superpuissances de ce millénaire. Si nous nous abstenons de prendre part dans un processus qui accorderait aux Tibétains ordinaires leur dignité humaine, le respect et l'autonomie... Je pense que nous devons saisir l'occasion. Merci.
Le président: Wow. Merci. Vous êtes un groupe très, très éloquent.
Madame Samdup, souhaitez-vous prendre la parole?
Mme Carole Samdup (agente des programmes, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Non, je vais simplement répondre aux questions. Merci.
Le président: Alors, nous passons tout de suite aux questions.
Je crois que les députés de l'opposition officielle vont partager les 10 minutes qui leur reviennent.
M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venu vous adresser à nous.
J'ai soulevé la question quand Sa Sainteté était là, et je vais de nouveau la poser, car je suis convaincu que c'est la bonne voie à suivre. Je suis allé en Chine et j'ai constaté le miracle économique qui s'y produisait. Mais ce miracle économique ne pourra pas se poursuivre si la Chine n'accomplit pas une transformation politique. Cette transformation politique va se réaliser et entraîner une transformation de la direction politique de la Chine. Ce pays va connaître un grand bouleversement.
J'y suis allé. Il n'y a pas de liberté de parole en Chine. Les droits de la personne élémentaires dont nous parlons, dont nous jouissons ici, dans notre démocratie, n'existent pas pour les Chinois. On ne peut pas maintenir l'élan économique en étouffant partout la pensée, car il va y avoir un rattrapage des idées. Je ne sais pas quand, mais cela arrivera.
Dans ces conditions, je dois dire que je suis, comme mon collègue ici, de ceux qui demandent qu'on interrompe l'aide du Canada à la Chine. Je n'irai pas par quatre chemins. Nous estimons que cette aide est un gaspillage quand on voit que la Chine consacre 12 p. 100 de son PIB à... Je veux dire, on peut invoquer l'argument de la pauvreté, etc., mais il faut prendre un peu plus de recul.
J'estime donc que dans ces conditions, et en respectant parfaitement la démarche de non-violence de Sa Sainteté, il est temps que vous disiez que le Tibet ne fait pas partie de la Chine. Je suis désolé, je suis d'accord avec les théories qui disent que le Tibet ne fait pas partie de la Chine. C'est un pays différent sur le plan culturel et religieux. Tous vos témoignages montrent clairement qu'il y a des violations des droits de la personne. Tout ce que je vois, ce sont des forces d'occupation qui essaient de s'emparer d'un pays, point à la ligne. Ce n'est pas une région, ce n'est pas ce genre de choses. Vous parlez ici de violation des droits de la personne, de gens qui s'enfuient. Tout cela témoigne d'une chose : une occupation brutale.
Tôt ou tard, avec la libération politique qui finira par arriver en Chine, on posera ces questions même au sein de la Chine. Je pense donc que la meilleure chose à faire est de commencer dès maintenant à demander pourquoi le Tibet ne peut pas être un pays distinct. C'est mon point de vue. Je ne prends pas de gants pour le dire : je pense que le Tibet est un pays indépendant.
Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Disons-le sans détour. Vous avez dit que le développement et tout cela nécessitait une démarche lente, mais cette démarche lente n'a pas fonctionné, comme l'a dit le représentant du Dalaï lama. Et je comprends bien le rôle de Sa Sainteté à cet égard. Le Mahatma Gandhi, quand il s'est battu pour l'indépendance de l'Inde... mais de toute façon, ce n'est pas là la question. Nous ne recommandons pas la violence, nous suggérons simplement de dire ouvertement qu'il s'agit là d'une armée d'occupation.
Merci.
º (1620)
Le président: À qui posez-vous la question?
M. Deepak Obhrai: À ceux qui veulent y répondre.
Le président: Pouvez-vous tous essayer de répondre en deux minutes environ? Ou vous pouvez aussi simplement dire «oui».
M. Thubten Samdup: De notre point de vue, comme le dit toujours Sa Sainteté... il y a beaucoup de Tibétains qui ont toujours affirmé que le Tibet avait toujours été un pays indépendant, qu'il est occupé par la force depuis son invasion en 1959. Mais Sa Sainteté a une vision universelle des choses. Pour lui, l'être humain recherche le bonheur et essaie de surmonter la souffrance. Son souci immédiat, c'est d'atténuer la souffrance que subit son peuple quotidiennement.
C'est une des raisons pour lesquelles je soutiens Sa Sainteté, à cause de sa position modérée. Nous pouvons rester ici au Canada et clamer sur tous les toits notre indépendance, mais nous n'irons pas bien loin. Même sans demander l'indépendance, nous n'allons pas bien loin.
Donc, nous essayons d'être un peu plus réalistes et de voir ce que le Canada peut faire de façon réaliste pour le Tibet.
º (1625)
M. Deepak Obhrai: Mais l'histoire évolue.
M. Thubten Samdup: C'est bien ce que j'espère. Vous voyez, comme je vous l'ai dit, il y a actuellement un déplacement massif de population vers le Tibet. Les Tibétains sont déjà devenus minoritaires et le Dalaï Lama a récemment parlé de ce qui s'était passé en Mongolie intérieure. Il ne reste plus là-bas que 3 millions de Mongols au milieu d'environ 28 millions de Chinois Han. Ils sont déjà complètement noyés.
Il a tout récemment dit à un groupe de jeunes Tibétains à Toronto qu'une des raisons pour lesquelles il recherchait une véritable autonomie était qu'il y avait dans notre culture et dans notre religion une richesse et une originalité profondes qu'il faut préserver, pas seulement pour le Tibet, mais pour le monde entier. De nombreux scientifiques qui ont rencontré le Dalaï Lama lui ont dit que de nos jours, là où la science s'arrêtait, c'était le bouddhisme qui prenait la relève.
C'est donc quelque chose que nous ne prenons pas à la légère. Il dit aux jeunes Tibétains qu'il est très important d'étudier le tibétain et d'être fiers de leur culture.
Nous avons un congrès de la jeunesse tibétaine qui est un peu radical. Ces jeunes remettent les choses en question, malgré tout l'amour et le respect qu'ils portent au Dalaï Lama, et ils lui disent : « Votre Sainteté, nous estimons respectueusement que vous essayez de vendre au monde une denrée pour laquelle il n'y a pas de marché; personne ne s'intéresse à votre message d'amour, de paix et de non-violence, et il est temps d'envisager d'autres solutions.
Sa Sainteté a compris leur frustration et leur colère, mais il a dit très clairement il y a sept ans environ que si les Tibétains optaient pour la violence, ils ne pourraient pas compter sur lui, car il n'était pas question qu'il s'y associe.
C'est uniquement pour cela qu'on n'a pas vu les jeunes Tibétains frustrés du congrès de la jeunesse tibétaine se tourner vers la violence. Mais je pense que cela pourrait arriver bientôt.
M. Deepak Obhrai: Mais nous ne recommandons pas la violence.
M. Thubten Samdup: Non, non, je comprends. Mais nous voyons bien dans le monde entier qu'une flambée de violence peut très facilement se produire. Il suffit de deux ou trois fanatiques qui revendiquent une cause pour créer le chaos. Mais nous essayons honnêtement de montrer au monde qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la violence. Voilà pourquoi nous parcourons le monde en demandant à nos interlocuteurs de nous aider, de montrer que nous avons raison, de ne pas nous abandonner à l'échec.
Aujourd'hui, je constate que partout où va Sa Sainteté, les gens l'adorent. Mais que font-ils? Je dirais sans détour que d'une certaine façon, ils montrent à son peuple qu'ils sont indifférents à sa cause. Je pense que c'est moralement regrettable. C'est pourquoi nous disons au gouvernement du Canada qu'il doit se réveiller et que s'il veut vraiment éliminer le terrorisme sur la planète, il est temps de faire quelque chose et d'appuyer les groupes non violents. Sinon, si ces groupes non violents se tournent vers la violence, ce sera notre faute.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Je suis d'accord avec cette analyse et cette hypothèse. Je crois que l'histoire en prouve la validité.
J'ai bien aimé la remarque de quelqu'un qui a dit tout à l'heure: «Nous souhaiterions un appui massif des partis sur cette question». Mais il n'en sera rien. En toute déférence à l'égard de mes collègues, j'affirme qu'ils sont emprisonnés dans une époque et dans une réalité politique qui les empêchent de dénoncer ouvertement et courageusement ce qui se passe en Chine. Je ne le dis pas négativement, je constate simplement qu'ils sont coincés dans une certaine réalité temporelle et politique.
Avez-vous essayé d'autres chemins?
À propos, nous allons continuer à militer. Comme vous le savez, nous autres dans l'opposition, nous ne nous laissons pas intimider par le gouvernement chinois. À chaque fois que nous intervenons sur cette question, nous avons des appels téléphoniques, des fax, on nous menace de couper les échanges commerciaux de la Chine avec le Canada. Mais nous continuons à parler haut et fort, et ils ne l'ont jamais fait.
Avez-vous discuté—vous l'avez peut-être déjà fait—avec les grandes entreprises du Canada qui font du commerce avec la Chine et qui disent à notre gouvernement de ne pas faire de vagues, de laisser les échanges commerciaux progresser tranquillement... Et d'ailleurs je suis en faveur du commerce, car quand on échange des denrées, on échange aussi des idées, n'est-ce pas? Donc je crois au commerce et je ne voudrais pas nuire à nos échanges commerciaux.
Mais prenez par exemple le cas de la société pétrolière et gazière Talisman au Soudan. Quand on a commencé à parler à l'échelle internationale de la présence de cette société là-bas, cela a eu des répercussions sur cette société. Et je ne porte aucun jugement sur sa présence au Soudan, d'ailleurs.
Avez-vous rencontré ou seriez-vous prêts à rencontrer les dirigeants de grandes entreprises, qu'il s'agisse de Bombardier ou de la société Desmarais ou autre, pour leur dire ce que vous avez sur le coeur?
Mme Carole Samdup: Je pourrais peut-être répondre à cette question.
Nous avons eu des contacts officieux avec des représentants des grandes entreprises du Canada—des rencontres discrètes, sans publicité.
Le problème, c'est que dès qu'on organise un événement public, comme le colloque de politique organisé la semaine dernière par Droits et démocratie avec le Comité Canada-Tibet... pour cette manifestation, nous avons envoyé des invitations à plus de 35 grosses sociétés canadiennes actives en Chine et membres du Conseil commercial Canada-Chine. Aucune de ces grandes sociétés ne pouvait participer au colloque, aucune n'a répondu positivement. Donc, c'est un peu un problème. En coulisses, on nous appuie discrètement, mais quand il y aurait la possibilité de faire quelque chose de concret au grand jour, il n'y a plus personne.
Ce qui nous préoccupe actuellement, ce ne sont pas nécessairement ces grandes entreprises, qui ne sont pas vraiment présentes au Tibet, mais plutôt les petites compagnies minières canadiennes qui commencent à déferler sur le Tibet. Nous avons essayé de les sensibiliser. Certains de leurs représentants ont accepté de nous rencontrer, d'autres non. Mais dans l'ensemble, comme on le constate dans bien d'autres pays du monde, les petites entreprises minières canadiennes créent des problèmes là où elles s'installent. Jusqu'ici, nous n'avons pas pu discuter sérieusement avec elles des moyens d'atténuer ces problèmes éventuels avant qu'ils ne se produisent.
º (1630)
M. Stockwell Day: Je transmettrai cette information, monsieur le président.
Je comprends ce que vous dites à propos des petites entreprises. Les plus grands et leurs dirigeants ont l'oreille du gouvernement libéral ici. Ce sont elles qui disent au gouvernement de ne pas faire de vagues : « Il ne faut pas mécontenter le gouvernement chinois ». Mais je suis heureux que vous progressiez quand même.
M. Thubten Samdup: Au Comité Canada-Tibet, avec les ressources limitées dont nous disposons, nous travaillons d'arrache-pied depuis quatre ans. Nous avons notamment rencontré des représentants de grosses entreprises. Par exemple, j'ai rencontré un neveu de la famille Desmarais et quelques anciens ambassadeurs à Beijing. Quand on leur parle en tête-à-tête, ils disent qu'ils sont convaincus que si le Canada essaie vraiment de jouer un rôle d'intermédiaire honnête entre les deux parties, cela ne nuira pas aux intérêts commerciaux du Canada en Chine.
Quand ils m'ont dit cela, je leur ai dit: «Il est important que ce soit vous qui adressiez ce message au cabinet du premier ministre, pas nous». Je ne sais pas s'ils ont transmis le message, mais nous savons que, quel que soit le parti au pouvoir, les intérêts commerciaux sont très importants. Donc seul le monde des affaires peut faire passer le message au cabinet du premier ministre.
Nous ne sommes pas très doués pour la politique.
M. Stockwell Day: Si, si.
M. Thubten Samdup: Nous nous plaçons sur le plan humain, c'est comme cela que nous fonctionnons. Nous sommes tous des êtres humains et tous des parents. La question est de savoir quel genre de monde nous voulons offrir à nos enfants. C'est là que le dalaï-lama intervient. La culture et la religion n'ont pas d'importance, mais nous appartenons tous à une famille humaine.
Le président: Nous avons largement dépassé notre temps.
[Français]
Le député Rocheleau a la parole.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour tout le monde, et merci de vos témoignages. J'aimerais poser une question en deux volets.
Pourriez-vous d'abord nous expliquer ce qui anime la politique chinoise? Vise-t-elle simplement à dominer le peuple tibétain ou à étouffer sa culture, ses traditions et son identité, ou est-ce plutôt qu'on ne reconnaît pas l'existence de ce peuple? Où se situe cette stratégie?
Ensuite, la voie médiane mise de l'avant par le dalaï-lama depuis 1988 tient-elle toujours la route? Fait-elle l'objet d'un consensus au Tibet, ou est-elle remise en question?
Mme Iris Almeida: Voici comment on comprend la situation. En 1950, les troupes chinoises sont entrées au Tibet, dans la foulée de Mao. À partir de 1951, elles ont annexé le Tibet. Ainsi, avant 1950, le Tibet était un pays indépendant. C'est la première chose dont il faut tenir compte. Puis, en 1951, une entente en 17 points a été signée, mais même le dalaï-lama et ses collègues ont indiqué qu'on avait fait pression sur eux pour qu'ils le fassent .
Par la suite, soit entre 1959 et 1965, trois importantes résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies ont indiqué que le droit fondamental à l'autodétermination du peuple tibétain était sérieusement bafoué. À mon avis, beaucoup de temps a passé, et la situation de la population tibétaine au Tibet se dégrade. Il y a maintenant plus d'étrangers que de Tibétains au Tibet. Or, le dalaï-lama et son entourage ont fait une proposition de plan de paix.
Les cinq points de ce plan de paix, qui me paraissent tout à fait raisonnables, pourraient être globalisants. Par exemple, le Canada pourrait très bien, à mon avis, travailler avec ce plan de paix. Voyons ce qu'on y dit.
º (1635)
[Traduction]
Il y a tout d'abord la transformation du Tibet en zone de paix. Nous pouvons contribuer à transformer le Tibet en zone de paix. J'en suis vraiment convaincu.
En second lieu, il s'agit d'arrêter cette politique de déplacement de population. Est-ce que c'est trop? Est-ce que c'est un problème si compliqué? Actuellement, c'est une stratégie organisée et systématique de déstabilisation du pays. Donc, je trouve qu'il n'est pas excessif de vouloir arrêter ces transferts de population.
En troisième lieu, il y a le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales. Si la Chine a un tel pouvoir au sein de la communauté internationale et si elle veut continuer à être respectée, elle doit adhérer à certaines règles. Ces règles sont celles du droit international et du droit humanitaire international, ce sont les règles du respect des droits de la personne. Par conséquent, si la Chine ratifie les instruments et collabore avec des pays comme le Canada, qui ont tout un bagage en matière de droits de la personne et de démocratie, nos échanges pourront s'intensifier. Je dois dire ici que ce n'est pas seulement les autorités du gouvernement canadien, mais toute la société civile canadienne qui est experte en la matière. Il faut donc élargir le dialogue entre le gouvernement canadien et la société civile canadienne dans un débat transparent et clair pour partager... parce que nous sommes là. Si nous entrons dans une salle de médiation, nous y irons en tant que Canada ou en tant que Canadiens, et non en tant que fonctionnaires du gouvernement. Donc c'est le troisième point, le respect des droits de la personne et des libertés démocratiques.
Quatrièmement, il faut rétablir et protéger l'environnement. Nous avons beaucoup d'expertise dans ce domaine. Même nos entreprises privées dans ce pays ont une expertise extraordinaire en matière de mécanismes de protection environnementale. Nous pourrions donc agir dans ce domaine.
Et le cinquième et dernier point, c'est la négociation du statut futur du Tibet. Quel est le statut du Tibet? Si l'on bouge sur quatre de ces questions, on contribuera au moins à ouvrir la voie à la cinquième, la négociation du statut futur du Tibet.
[Français]
Alors, il m'apparaît qu'un plan de paix a été proposé, qu'il y a deux délégations de Tibétains qui sont allées en Chine, en 2002 et 2003. Depuis mai dernier, il n'y a pas eu beaucoup de mouvement. Encouragez vivement ce mouvement dans une direction où cela pourrait aboutir. Moi, je regarde le rôle que la Norvège joue au Sri Lanka: c'est un rôle actif, un rôle amical. Il faut créer un groupe de pays amis. Je sais que depuis longtemps le Canada dit qu'il faut agir dans un cadre multilatéral, qu'il faut faire des choses avec d'autres pays amis. Je suis tout à fait d'accord. J'ai travaillé pour la création de la Cour pénale internationale depuis 1996 et je constate que c'est là notre stratégie.
Il faut la société civile, le gouvernement du Canada et quelques pays amis. On pourrait vous aider à chercher des pays amis, parce qu'on en connaît quelques-uns. En y allant à plusieurs, on ne serait pas isolés et notre démarche ne serait pas aussi difficile qu'en ce moment. Cette attitude de gêne, de prudence n'a vraiment pas beaucoup de sens dans le contexte.
º (1640)
Le président: Vous voulez ajouter quelque chose?
[Traduction]
M. Brian J. Given: Je pourrais essayer de répondre à votre question d'une manière différente. N'oubliez pas, et en tant qu'universitaire, je peux vous l'affirmer, qu'historiquement le Tibet n'a pas été sous la domination de la Chine, En fait, au cours des 50 ans précédant l'invasion, toutes les autorités chinoises ont manifestement été expulsées, même les gens qui étaient là avant.
L'histoire de la Chine s'appuie sur le postulat que l'empereur était l'empereur du monde. La muraille délimitait simplement la zone que la Chine avait réussi à civiliser et à contrôler. Mais dans le système chinois, Ottawa a toujours fait partie de la Chine, comme San Francisco.
N'oubliez pas qu'il s'agit d'un pays où l'on enseigne encore dans les écoles que les blancs ont des poils parce qu'ils se sont accouplés avec d'autres primates, que les gens aux cheveux roux sont le résultat d'accouplements avec les orangs-outans, ce genre de choses. Il y a donc un incroyable sentiment de supériorité raciale et culturelle—qui nous renvoie d'ailleurs à notre propre histoire, la Chine ayant simplement 400 ans de retard—qui donnait aux Chinois la conviction qu'ils allaient civiliser le Tibet.
Mais d'autres voix sont en train de s'élever. Les nouveaux intellectuels chinois, les gens qui disaient autrefois que les Tibétains étaient des primitifs—qu'il fallait les civiliser et que leur religion était de la superstition—sont maintenant fascinés par la culture tibétaine. Pour nombre d'entre eux, le Dalaï-Lama est vraiment quelqu'un de fascinant. Il y a aussi des Chinois qui ont une position politique modérée et qui disent qu'il faut à tout prix négocier maintenant avec le Dalaï-Lama, sinon on risque de se retrouver dans une situation épouvantable s'il meurt sans que ces problèmes soient réglés.
Il n'y a pas que la voix qu'on entend à l'ambassade chinoise, il y a aussi de multiples autres voix en Chine. À nous de savoir si nous voulons nous identifier à la vieille garde—à laquelle notre propre vieille garde s'est peut-être identifiée—ou si nous voulons au contraire nous tourner vers ces voix nouvelles qui commencent à se faire entendre en Chine.
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: Si la situation ne se corrige pas, que va-t-il se produire dans 25, 50, 100 ans en ce qui concerne le Tibet et la Mandchourie, dont nous a parlé le dalaï-lama lorsqu'il est venu rencontrer le Comité élargi des affaires étrangères? Il a aussi parlé de la Mongolie. Que peut-on imaginer? Qu'est-ce qui va arriver de tous ces territoires-là sur une période de 100 ans, si ce n'est pas corrigé dans le respect des identités?
Mme Iris Almeida: Je pense que dans le contexte mondial de terrorisme, on voit que dans plusieurs pays, les gens sont très réprimés dans leur lutte pour leur survie, pour leur dignité et pour pouvoir s'exprimer. Lorsqu'il y a une répression subtile ou trop agressive contre les gens, les formes que prennent leur révolte, l'instabilité politique, ce n'est pas intéressant pour personne.
Dans cette logique de guerre, de terrorisme, d'insécurité montante dans le monde, je pense qu'il est très important... Un pays comme le nôtre, le Canada, où il y a quand même un certain nombre de valeurs et des traditions de paix, de bonne gouvernance, de démocratie, doit jouer, selon moi, un rôle un peu plus proactif, moins timide, parce qu'on est un pays moyen, et ainsi de suite. Personnellement, je crois vraiment au leadership du Canada, entre autres, en tant que pays de la région Asie-Pacifique. Lorsque je vais à Vancouver, c'est cette réalité-là que je vois et que je vis.
[Traduction]
Nous sommes une puissance de la région Asie-Pacifique et nous avons un rôle à jouer en Asie. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire qu'il faut suivre le mouvement, que ces gens-là savent ce qu'ils font, et qu'ils vont nous dire de partir de là. Il y a un règne de la peur dans ces pays.
La Chine est une superpuissance en devenir, mais même les superpuissances se soucient de leur réputation internationale. Elles ne veulent pas être des parias de la communauté internationale, personne ne le veut. Il est donc très important de ne pas nous dire : oh, ils vont nous expulser, ils vont fermer toutes nos entreprises et qu'allons-nous faire? Je n'en crois rien. Ils auront plus de respect pour nous.
Mais nous ne pouvons nous contenter de critiquer. Je ne crois pas à la critique; je crois à un dialogue actif dans un partenariat authentique où nous ne jouons pas les seconds rôles. Nous devons cesser de jouer les seconds rôles dans cette relation.
C'est ma conviction profonde.
Le président: Je crois que c'est tout pour l'instant.
Monsieur Patry, à vous de juger si Mme Almeida est plus éloquente en français ou en anglais.
º (1645)
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Nous ne le savons pas encore, mais elle peut parler aussi bien l'un que l'autre.
Madame Almeida, dans votre exposé, vous dites que l'ACDI a actuellement un projet de 5 millions de dollars consacré aux besoins humains élémentaires au Tibet. Je ne le savais pas. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Et j'aurais une autre question.
[Français]
Lorsque des dirigeants économiques ou politiques, que ce soit du Canada ou d'autres pays, se rendent en Chine et qu'ils abordent le sujet des droits de la personne au Tibet, il semble que toutes ces discussions ne portent pas fruit. Si on regarde la situation, on voit qu'on avance très peu, pour ne pas dire qu'on n'avance pas.
Vous nous avez parlé d'une approche multilatérale avec les ONG, le Canada et d'autres pays amis. Croyez-vous qu'on devrait faire certaines approches avec l'Organisation mondiale du commerce? L'année prochaine, il va y avoir une réunion ministérielle à laquelle la Chine va participer. Pensez-vous que le Canada et tous les pays amis devraient essayer d'avoir une stratégie pour cette réunion? Pensez-vous qu'on devrait adopter une nouvelle résolution à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies? Le Canada vient d'être élu membre de cette commission pour 2005, je pense, et pour quelques années. Pensez-vous qu'on devrait aborder ce sujet dans cette réunion des Nations Unies?
Mme Iris Almeida: Merci beaucoup. Je voulais simplement dire une chose. Dans les dernières années, il y a eu des missions d'Équipe Canada. Les missions d'Équipe Canada sont une très bonne façon de parler ensemble et de s'engager concrètement dans un certain nombre de choses. Chaque fois, avant les missions d'Équipe Canada, nous avons écrit un long mémo sur la situation en Chine à partir de notre mandat exclusivement, le mandat de Droits et Démocratie. Nous n'avons jamais eu d'accusé de réception.
Deuxièmement, nous avons proposé de participer activement à cette délégation. Si on veut célébrer le Canada et établir un lien entre le Canada et la Chine, il faut le faire à plusieurs niveaux, avec les entreprises, avec les officiels, avec les intellectuels et aussi avec la société civile. Mais cela n'a jamais été le cas. Je pense qu'on pourrait quand même se reprendre pour l'avenir. Cela pourrait être un bon dialogue.
Même ici, le dialogue ne se fait pas de manière systématique et structurée. Alors, comment pourrait-on avoir un dialogue avec des amis là-bas? Il faut provoquer le dialogue ici avec une forte position de leadership de la part du gouvernement. Je pense que les relations du bureau du premier ministre avec la Chine sont quand même concentrées, centralisées. Il faut avoir un certain leadership dans ce domaine.
Je vais laisser Carole parler du développement, du projet de l'ACDI et de l'OMC.
[Traduction]
Mme Carole Samdup: L'ACDI mène actuellement un projet sur cinq ans dans la région autonome du Tibet. C'est la première fois que l'ACDI organise un projet bilatéral avec le gouvernement de la Chine au Tibet. Nous en sommes actuellement à la quatrième année.
Quand le projet a été lancé, nous avions beaucoup d'inquiétude. Nous en avons discuté avec les autorités de l'ACDI et nous avons présenté diverses recommandations. Au départ, les autorités de l'ACDI pensaient que c'était un projet initial, une sorte de test qu'on pourrait éventuellement reproduire ultérieurement. Nous avons donc soigneusement veillé à assurer la participation des Tibétains, et surtout à faire profiter les Tibétains des retombées de ce projet.
Les problèmes viennent surtout du fait que tout ce projet s'inscrivait dans le cadre de la stratégie de développement de l'Ouest. Cette stratégie de développement de l'Ouest était une initiative du gouvernement de la Chine visant à assurer la sécurité. Il y a donc de nombreux facteurs—par exemple, la progression de la voie ferrée qui va de la Chine au coeur du Tibet. C'est le long de cette voie ferrée que se réalisent la plupart des activités de développement, et le projet de l'ACDI ne fait pas exception à cette règle.
Je dirais cependant que depuis quatre ans l'ACDI a vraiment fait preuve d'une volonté d'écouter et d'expérimenter. Je pense aussi que l'expérience sur le terrain a été surprenante, même pour les gens de l'ACDI. Ils ont eu quelques problèmes à faire ce qu'ils pensaient pouvoir faire. Ils ont considérablement réorienté le projet qui est maintenant axé sur des initiatives à petite échelle en milieu rural, et ils ont établi des relations personnelles.
Personnellement, je ne sais pas si nous en avons pour cinq millions de dollars—à cultiver des plants de laitue dans un petit potager. D'un autre côté, les leçons apprises seront peut-être très utiles pour l'avenir.
Comme vous le savez probablement, l'ACDI a récemment adopté un nouveau cadre stratégique pour ses activités en Chine. Ce cadre stratégique est en place pour cinq ans environ. Il donne la priorité au développement de l'ouest, c'est-à-dire que l'ACDI va déplacer ses activités, en partie pour répondre aux objections des gens qui disent que le travail qu'elle fait dans les régions de l'est n'est pas vraiment essentiel car l'est est déjà très développé, très industrialisé. Donc, l'ACDI va concentrer plus ses activités sur l'ouest, qui inclut le Tibet.
Ce nouveau cadre stratégique prévoit aussi une nouvelle politique sur la question des minorités. Les organisations de la société civile souhaiteraient participer à l'élaboration de cette nouvelle politique sur les minorités. J'espère que votre comité souhaitera aussi participer à l'élaboration de cette politique.
En ce qui concerne l'OMC, cette organisation constitue une présence rassurante face à l'idée que si nous insistons trop sur les droits de la personne, il y aura des répercussions sur notre commerce. En fait, l'OMC empêche ce genre de chose de se produire. C'est donc une bonne chose de ce point de vue.
Cela dit, si la prochaine réunion ministérielle se déroule à Hong Kong, comme le disent certains—mais ce n'est pas tout à fait sûr—on pourra naturellement insister beaucoup sur les droits de la personne en Chine, comme cela a été le cas lors de la réunion ministérielle à Cancun, où les gens ont insisté sur les problèmes du Mexique, etc. Donc, il y aura une occasion à saisir, en particulier pour la société civile.
À propos de l'OMC, n'oubliez pas que cette organisation a en fait pour but d'encourager le développement durable. Il n'est nullement question dans son mandat de promouvoir le libre-échange pour le libre-échange. À cet égard, je pense qu'on peut envisager les retombées que pourrait avoir sur un pays comme la Chine la libéralisation du secteur agricole, par exemple. Sachant que 80 p. 100 des Tibétains vivent en milieu rural et vivent de l'agriculture, il y a un lien direct entre l'ouverture des marchés des céréales et du canola, par exemple, et les conditions de vie des agriculteurs tibétains.
Il y a donc diverses façons d'aborder l'OMC, mais je crois que la réunion ministérielle sera un outil essentiel de promotion pour nous.
º (1650)
M. Bernard Patry: Pourquoi ne pas soulever la question aux Nations Unies, obtenir une nouvelle résolution des Nations Unies?
Mme Carole Samdup: Les résolutions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ont été présentées pratiquement chaque année depuis 15 ans environ. Généralement, le problème c'est que la Chine présente ce que l'on appelle une «motion de non-action». Il s'agit d'un vote pour empêcher de discuter d'une résolution ou de la mettre aux voix. C'est un mécanisme procédural peu utilisé, mais dont se sert principalement la Chine pour empêcher que l'on discute de cette résolution en particulier. Je crois qu'en un an, le vote a été très serré, simplement par une voix, et par la suite de nombreux pays qui avaient officiellement parrainé la résolution sont devenus assez découragés et ont considéré qu'il s'agissait d'une initiative relativement inutile et ont préféré mettre leur énergie politique ailleurs.
C'est là où nous avons songé à y substituer l'idée du dialogue bilatéral, et bien entendu nous nous heurtons à de nombreuses difficultés.
M. Bernard Patry: Puis-je partager mon temps avec mon collègue?
L'hon. Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Non, ça va. Mme Channer voulait ajouter quelque chose.
Mme Carole Channer: Je voulais ajouter quelque chose à ce qu'a dit Carole à propos de la motion de non-action. Je sais qu'Amnistie et d'autres ONG de la Chine ont à maintes reprises demandé au gouvernement de tâcher d'empêcher l'utilisation de cette procédure ou de tâcher de s'en débarrasser—peut-être de ne pas s'en débarrasser en tant que telle mais de tâcher plutôt d'en minimiser l'utilisation—parce qu'il s'agit d'une véritable manipulation des Nations Unies, cela n'aide personne et cela se produit une année après l'autre.
C'est pourquoi nous vous demandons instamment, Amnistie voudrait encourager le gouvernement à intervenir à cet égard. Ce n'est pas grand-chose mais ce serait très utile.
º (1655)
L'hon. Eleni Bakopanos: En fait, monsieur le président, on a répondu à ma question parce qu'elle portait précisément sur les Nations Unies. Je voulais savoir les mécanismes que nous devrions utiliser. C'est en fait important parce que cela concernait les Nations Unies et ce que nous devrions faire de plus.
Le président: Pardonnez-moi, la dernière personne que je veux interrompre c'est... en fait votre temps est écoulé. Pouvons-nous céder la parole à quelqu'un d'autre pendant cinq minutes puis revenir à vous pour cinq minutes?
Cinq minutes pour monsieur Day.
M. Stockwell Day: J'aimerais laisser du temps à ma collègue.
L'hon. Eleni Bakopanos: Ce genre de générosité est toujours apprécié, monsieur le président.
J'ai eu l'occasion de constater un autre cas où les Nations Unies ont été incapables d'agir, et c'est au sujet de Chypre dont le tiers du territoire est également occupé. Nous avons eu des milliers et des milliers de résolutions sur Chypre, mais les faits demeurent. Ce pays vient de se joindre à l'Union européenne mais il est toujours divisé et occupé, à ma connaissance.
Nous en revenons à l'exécutif. Devrions-nous présenter une résolution demandant peut-être qu'un médiateur soit nommé? C'est le message que j'ai reçu du Dalaï-Lama, soit que nous devrions vraiment envisager de nommer un médiateur, indépendamment de ce que veut ou ne veut pas la Chine et indépendamment des autres types de diplomatie que nous utiliserons ou non. Nous devrions peut-être insisté sur le recours à un médiateur, une personne neutre, pas forcément le Canada, peut-être pas pour d'autres raisons, mais peut-être une personne neutre quelque part qui a une grande expérience des droits de la personne. Vous auriez peut-être des propositions de candidatures à nous faire, mais je crois que c'est la voie dans laquelle le Canada devrait s'orienter. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Iris Almeida: Je suis tout à fait d'accord pour que nous défendions cette position, que si nous tenons à faire preuve de leadership, nous pouvons trouver un moyen de le faire. Qu'il existe une volonté politique de décider qu'effectivement nous sommes prêts à nous faire entendre. C'est le premier point.
Une fois cela fait, nous pourrions réunir un groupe de pays qui partagent les mêmes valeurs pour commencer à agir. Mais nous devons faire les premiers pas pour faire preuve de leadership, pour créer ce groupe dans cette mouvance. Je crois que toute mesure prise à la Commission des droits de l'homme est aussi extrêmement utile malgré les motions de non-action.
Il faut recourir aussi aux tribunes multilatérales, parce que dans le cadre de ces dialogues bilatéraux, un pays risque d'être coincé et de se voir dicter ce qu'on doit faire. Donc je considère qu'il faudrait recourir davantage au cadre multilatéral et aux Nations Unies pour promouvoir l'objectif central, c'est-à-dire donner suite au plan de paix et au processus de médiation.
L'hon. Eleni Bakopanos: Je crois que l'on a déclaré de toute façon que nous croyons au multilatéralisme, et je pense que c'est d'ailleurs ce qu'a dit le premier ministre.
Je dirais que la rencontre avec le Dalaï-Lama a été la première étape, et j'exprime sans doute un léger parti pris. J'étais au nombre des députés qui l'ont effectivement encouragé à le faire. Et il s'agit d'un nombre assez important de parlementaires.
Par ailleurs, devrions-nous fournir de l'aide au Tibet, ou devrions-nous mettre l'accent sur nos ressources peut-être en assurant une aide ciblée—je ne sais pas comment le dire—pour aider le développement démocratique plutôt que le développement économique? Nous devrions peut-être faire les deux, mais d'une certaine façon je commence à croire que nous devons consacrer nos ressources à consolider certaines institutions qui existent, plutôt qu'à agir sur le plan économique.
Qu'en pensez-vous? Ma question s'adresse à vous tous.
M. Brian J. Given: Je crois que la façon de faire est de lier l'aide au développement économique au processus démocratique, aux droits fondamentaux de la personne.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit ma collègue à propos de l'activité aux Nations Unies. Je dirais aussi que le Canada est dans une position tout à fait unique d'utiliser son amitié avec la Chine pour effectivement réaliser des progrès. Nous pouvons nous lier les mains pendant des années aux Nations Unies, mais nous pouvons en fait agir aujourd'hui dans le cadre de nos relations avec la Chine. Je crois que cela sera considéré bénéfique par la Chine et nous pourrons parallèlement travailler pour le Tibet.
L'hon. Eleni Bakopanos: Donc vous insisteriez pour que nous jouions le rôle de médiateur?
» (1700)
M. Brian J. Given: Je crois que nous devrions proposer d'être l'hôte des négociations et de les faciliter.
M. Thubten Samdup: Nous en avons parlé. La raison pour laquelle nous avons lancé cette campagne est simplement la suivante. Nous avons observé Sa Sainteté le Dalaï-Lama lors de ses déplacements partout dans le monde pour formuler une simple requête. De nombreux Tibétains n'aiment pas entendre Sa Sainteté répéter, je ne cherche pas à obtenir l'indépendance, je demande une autonomie véritable. C'est ce qu'il répète constamment comme un mantra.
Donc, nous sommes ici pour essayer de savoir comment nous pouvons aider le Dalaï-Lama. Comment pouvons-nous aider le Tibet? Puis, soudainement nous constatons que la façon de l'aider à obtenir ce qu'il demande, c'est de convaincre notre gouvernement d'accéder à cette requête. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des démarches auprès de tous les parlementaires. Donc lorsque nous parlons de 165 députés, ce sont des députés de tous les partis.
Je considère qu'il faut parfois s'arrêter et se dire qu'il faut agir pour les bonnes raisons. Le Dalaï-Lama, qui est devenu aujourd'hui un symbole de non-violence et de paix, a 68 ans. Il ne rajeunit pas. Je vous ferai un aveu, et je n'ai aucune honte à le faire: il est tout ce que nous avons. Nous n'avons pas de pétrole, nous n'avons rien. Tout ce que nous avons, c'est le Dalaï-Lama. C'est la raison pour laquelle le Dalaï-Lama ne cesse de me qualifier de jeune homme impatient. Bien sûr que je suis impatient, parce qu'une fois qu'il sera disparu, en ce qui me concerne le Tibet aussi disparaîtra.
C'est la raison pour laquelle je fais appel à chacun d'entre vous à titre d'être humain. À titre d'être humain, n'avons-nous pas une certaine responsabilité morale d'aider quelqu'un comme lui? En ce qui me concerne, je crois que nous avons fourni à notre premier ministre les outils qui lui permettraient, s'il le veut, de dire à son homologue chinois, écoutez, je fais l'objet de pressions de la part de plus de 50 p. 100 des députés. Il lui suffirait de dire qu'il veut, dans ses fonctions, contribuer à rapprocher les deux parties, sans aucune condition préalable. C'est tout ce que demande Sa Sainteté.
Je crois que c'est une situation où tout le monde sera gagnant: le Canada, le Tibet et la Chine. Le Canada pourrait intervenir et s'attribuer tout le mérite. En ce qui me concerne, je crois que les Chinois sont prêts à nouer le dialogue, mais ils cherchent un prétexte pour sauver la face, et le Canada peut leur fournir ce prétexte en raison des relations uniques qu'il entretient avec la Chine.
Autrement, nous pouvons simplement observer la situation et attendre que la situation se règle d'elle-même, comme le font certains tenants de la ligne dure en Chine, c'est-à-dire attendre que le Dalaï-Lama meurt et que le Tibet meurt avec lui. Et nous constaterons alors que tout le monde parlera de ce grand homme comme s'il s'agissait du Mahatma Gandhi et parlera de sa remarquable contribution. Mais qu'avons-nous fait pendant qu'il en était encore temps?
Mme Iris Almeida: J'aimerais ajouter quelque chose si vous me le permettez. Sam a dit qu'agir était pour nous un impératif moral. Je dirais qu'il s'agit aussi d'un impératif pragmatique. Pour que le Canada joue un important rôle de leadership dans la communauté internationale du XXIe siècle, il doit choisir de façon très stratégique ses interventions. Nous pouvons jouer au boy-scout et aller partout, mais par contre, nous pouvons prendre des décisions stratégiques et choisir les pays ou les régions du monde où nous voulons laisser notre marque. Nous avons quelque chose de spécial à offrir.
Ce message de paix est très canadien, je dirais, et nous sommes reconnus pour cela. Au cours des vingt dernières années, j'ai voyagé dans différentes régions du monde en développement pour le Canada, à titre de Canadienne, et je constate l'existence d'un énorme respect pour cette notion de paix. Mais cette compréhension de ce qu'est la paix et de ce qu'est l'établissement de la paix et la consolidation de la paix change avec... Je dirais qu'il s'agit d'une mutation du contexte mondial. Ce n'est donc pas la consolidation de la paix telle qu'on la concevait dans les années 60 mais propre au XXIe siècle.
Je crois qu'il existe suffisamment de Canadiens capables de contribuer à ce processus de paix, dans le cadre duquel le Canada peut se démarquer comme puissance et convaincre un certain nombre d'autres pays, peut-être certains des pays scandinaves, de négocier avec la Chine, pour poursuivre...
Nous pourrions peut-être utiliser le réseau actuel de la sécurité humaine dont nous faisons partie. Dès que nous prenons une décision politique importante sur le plan stratégique et que nous définissons pourquoi il est stratégiquement dans notre intérêt d'intervenir, comment pouvons-nous jouer le rôle de messager de la paix, compte tenu du contexte très complexe de la Chine, pour aider...?
Une grande partie de l'humanité se trouve en Asie. Notre pays devra apprendre à mieux comprendre le rôle de l'Asie-Pacifique par rapport au Canada et profiter de ses relations avec cette région. Je crois que la situation au Tibet et la promotion d'un dialogue avec la Chine constituent un autre pas vers l'instauration de la paix au Tibet et représenteraient une très bonne façon d'y parvenir.
» (1705)
Mme Carole Samdup: J'aimerais répondre brièvement à votre question à propos de l'aide et de l'utilité d'avoir des programmes d'aide au Tibet.
De toute évidence, si ces programmes d'aide faisaient empirer l'exclusion sociale ou attiseraient les ambitions géopolitiques de la Chine dans cette région, nous nous y opposerions, mais étant donné que l'ACDI fait sans doute de son mieux pour se comporter avec respect là-bas, je crois qu'il est extrêmement utile d'avoir un gouvernement étranger sur le terrain, parce qu'ils sont très rares, à part peut-être le gouvernement danois, à offrir un programme d'aide au Tibet. Il est utile d'avoir un gouvernement étranger là-bas comme témoin.
Le président: Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: J'ai une question presque technique. On sait que le dalaï-lama, quand il est parti, est parti avec des milliers de personnes. Il a formé un gouvernement en exil établi en Inde. Est-ce que ce gouvernement est reconnu par l'Inde et par d'autres gouvernements souverains dans le monde, ou est-il au ban, sous la pression de la Chine?
[Traduction]
M. Thubten Samdup: Le gouvernement tibétain en exil qui se trouve en Inde n'est pas reconnu par l'Inde ni par aucun autre pays au monde.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Ni par les pays scandinaves ni par la France? Merci.
Le président: C'est tout?
M. Yves Rocheleau: Oui.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Est-ce que l'un d'entre vous pourrait recommander une politique de tout autre pays que le Canada qui a une influence positive au Tibet? Nous pouvons nous inspirer des autres pays.
M. Thubten Samdup: Les pays scandinaves n'ont pas hésité à manifester leur soutien pour les propositions de paix et l'ensemble des initiatives du Dalaï-Lama. C'est aussi le cas du gouvernement des États-Unis, et le Congrès a adopté plusieurs résolutions.
En fait, il y a quelques années Bill Clinton, lorsqu'il était président, à l'occasion de l'une des conférences de presse qui se tenait à Beijing, a consacré au moins 15 minutes à parler des négociations avec la Dalaï-Lama. Le gouvernement de la Grande-Bretagne, le gouvernement de la France et pratiquement tous les gouvernements occidentaux ont manifesté leur appui. C'est là où nous disons oui, nous avons entendu beaucoup d'expressions d'appui et maintenant nous avons besoin de mesures plus concrètes. Nous demandons à notre gouvernement de faire cette démarche supplémentaire qui s'impose, d'assumer ce rôle de leadership.
Comme Iris l'a dit plus tôt, dès que le Canada adoptera ce rôle de chef de file, tous les autres pays que j'ai mentionnés lui emboîteront le pas. Le Canada peut véritablement changer le cours des choses. Les Canadiens ont envoyé un très clair message par l'intermédiaire de leurs représentants élus sur les mesures qu'ils veulent que leur gouvernement prenne.
J'aimerais vous faire part d'une chose. Lorsque le Dalaï-Lama a rencontré la semaine dernière les trois chefs de parti, Stephen Harper, Gilles Duceppe et Jack Layton, certains d'entre eux lui posaient constamment la question suivante : Que pouvons-nous faire? Comment pouvons-nous vous aider? Chaque fois, Sa Sainteté a répondu, la Chine est un pays très important; nous devons faire en sorte que la Chine s'ouvre à la communauté internationale; il ne faut pas l'isoler—vous savez, toutes ces choses positives. Il n'a pas proposé des mesures vraiment concrètes, et ils sont restés sur leur faim.
Je voulais simplement qu'il se prononce et leur dise exactement ce que nous voulons. Mais il a dit qu'une douce persuasion de la part du gouvernement canadien serait très utile. En tant que Tibétain, il m'a été très douloureux d'observer tout cela.
Lorsqu'il a rencontré le premier ministre, il a commencé par s'excuser si sa présence au Canada avait causé des inconvénients à qui que ce soit. Il n'est pas du genre à mettre les gens sur la sellette. Il m'a aussi dit que les gens qui nous aideront doivent le faire volontairement et librement et non pas parce que nous les y obligeons en leur donnant mauvaise conscience.
Je me contente de l'observer. Il voyage partout et répète partout le même message. Lorsqu'il n'obtient pas l'appui tangible...
Parallèlement, j'ai vu de jeunes Tibétains grandir et devenir très impatients. Cela m'inquiète. C'est la raison pour laquelle je considère que nous devons agir vraiment rapidement.
Vous vous souviendrez qu'il était censé venir à Ottawa en 2002. Il a dû annuler son voyage parce qu'il est tombé malade, et nous avons dû alors faire face à cette réalité. Les Tibétains ont tendance à croire que c'est un Dieu vivant et qu'il ne mourra pas. Comme je l'ai dit plus tôt, nous n'avons que lui, et sans lui, personne ne s'intéresse au Tibet.
C'est la raison pour laquelle je suis impatient. J'implore les députés canadiens de venir faire connaissance avec cette culture très unique et importante avant qu'elle disparaisse.
» (1710)
[Français]
Le président: Le président de notre comité mère veut poser une question après.
Carole, allez-y.
[Traduction]
Mme Carole Samdup: Très brièvement, en ce qui concerne ce que font les autres gouvernements, je dirai qu'il est important, compte tenu de ce que Thubten vient de dire, de rappeler aux membres du comité que les réfugiés ont aussi de nombreux besoins. Il y a beaucoup de désespoir chez les réfugiés. Certains pays vont là-bas pour essayer d'aider les réfugiés, leur fournir de l'aide, qu'il s'agisse d'aide médicale, de construire des écoles, de fournir une aide psychologique, de créer des emplois, d'offrir une formation professionnelle et ce genre de choses. L'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suisse sont tous présents là-bas.
Nous essayons depuis de nombreuses années de convaincre le gouvernement canadien de simplement visiter Dharmsala, où se trouvent les bureaux administratifs. Il n'est pas disposé à le faire. C'est donc un problème, et je crois que c'est un endroit où le Canada pourrait facilement jouer un rôle positif.
M. Bernard Patry: Je veux simplement poser une question de suivi à M. Samdup. Vous venez de mentionner que nous ne devrions pas isoler la Chine, mais cela semble aller à l'encontre de la position d'un grand nombre de lobbyistes, d'un grand nombre de groupes de défense des droits de la personne ici au Canada, qui reprochent à notre gouvernement de traiter avec la Chine. Ils disent que nous ne devrions pas traiter avec la Chine en raison de la situation déplorable des droits de la personne là-bas, que la situation est très mauvaise là-bas donc qu'il ne faut pas y aller. Cela me semble contradictoire.
M. Thubten Samdup: Je dirais que Sa Sainteté le Dalaï-Lama appartient à une école de pensée et que nous appartenons à une autre école de pensée. Il a été parmi les premiers à appuyer la tenue des Jeux olympiques à Beijing, même si de nombreux groupes tibétains s'y sont opposés. Car il croit sincèrement que l'ennemi n'existe pas. Détruire son ennemi, c'est se détruire soi-même; c'est ainsi qu'il voit les choses.
Mais certains d'entre nous ont des convictions différentes, donc peut-être...
M. Bernard Patry: Très bien. Je voulais simplement savoir.
Le président: Madame Almeida.
[Français]
Mme Iris Almeida: Au nom de Droits et Démocratie, je tiens à dire que notre mandat porte sur les droits de la personne et la démocratie. Une partie intégrante de la démocratie est de voir les pays grandir, progresser économiquement, socialement et politiquement. Nous faisons très attention de ne pas critiquer sans pouvoir faire de propositions simples, concrètes et tangibles. Ce que nous recherchons, ce sont des changements tangibles de la situation.
Nous trouvons que parler pour parler, discuter pour discuter, c'est un peu du luxe, mais en même temps, de la prudence et du silence simplement pour défendre un aspect de la politique gouvernementale.
La politique étrangère du Canada a trois volets. Ces trois volets, selon nous, doivent être promus avec la même rigueur et la même force, non pas l'un contre l'autre, ou chacun quand ça nous arrange. Maintenant, dans le monde, à l'extérieur du Canada, ils ont l'impression que, quand cela concerne des pays pétroliers, qui sont riches, prospères et où nous cherchons des marchés, nous restons silencieux. Cependant, dans d'autres pays comme le Soudan, la République démocratique du Congo, le Rwanda ou ailleurs, nous essayons de bouger. Ainsi, quand je parle de cohérence, la clé, selon moi, est que les trois piliers de la politique étrangère du Canada aillent de pair.
De toute façon, tout Asiatique va vous dire que ce n'est pas en critiquant qu'on va changer les choses de façon diplomatique,
» (1715)
[Traduction]
c'est en permettant aux gens de sauver la face. Il ne faut pas détruire la personne avec qui on veut établir un partenariat, et il ne faut pas embarrasser publiquement quelqu'un avec qui on a l'intention de travailler. C'est là le principe fondamental de la diplomatie asiatique, et évidemment la Chine est une puissance asiatique. Voilà la principale règle.
Mme Carole Channer: J'ignore si M. Patry parle d'Amnistie Internationale lorsqu'il parle de...
M. Bernard Patry: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai simplement donné suite aux commentaires de Mme Samdup.
Mme Carole Channer: Je sais que ce n'est pas ce que vous avez dit.
Il ne fait aucun doute qu'en parlant au nom d'Amnistie Internationale, je peux dire que nous tâchons d'être aussi constructifs que possible. Nous devons effectivement critiquer en ce sens que nous devons signaler les mesures qui ne sont pas prises et qui selon nous devraient être prises.
Nous trouvons plutôt décevant de constater, par exemple, que dans le document d'information préparé par le ministère des Affaires étrangères à l'intention des ONG dans le cadre des consultations qui ont eu lieu en février, on indique très clairement que le gouvernement canadien croit dans la participation et non l'isolement, lorsqu'il s'agit de la Chine. Eh bien, je ne connais pas une seule ONG qui ait à quelque moment que ce soit préconisé l'isolement. Donc il est très difficile aussi pour nous d'entendre ce genre de choses.
Parfois, nous recevons des lettres de représentants du gouvernement dans lesquelles ils disent avec beaucoup d'indignation que le commerce est important; il faut choisir entre le commerce et les droits de la personne. C'est le genre d'approche qui est adoptée. Nous d'adoptons pas cette approche, donc j'espère que ce n'est pas le message qu'on a l'impression que nous transmettons.
Il est un peu plus difficile pour notre organisation de... nous ne pouvons pas participer... Par exemple, je n'ai pas essayé de répondre aux questions sur les relations politiques entre la Chine et le Tibet parce que c'est un aspect dont nous ne nous occupons pas. Par conséquent, nos discussions et parfois nos approches ne sont pas aussi vastes que celles de l'organisation Droits et Démocratie, ce qui est un peu malheureux.
Le président: Brian Given aimerait dire quelque chose.
M. Brian J. Given: Il ne faut pas oublier que notre amitié avec la Chine est une amitié avec un fier-à-bras, et comme la plupart des fiers-à-bras, il faut leur tenir tête. Lodi Gyari, l'émissaire spécial du Dalaï-Lama et le chef de la délégation en Chine, a fait remarquer que la Chine parle le plus durement aux régimes qui sont les plus accommodants. Par conséquent, la Chine ordonne à notre premier ministre de ne pas rencontrer le Dalaï-Lama. Je suis très heureux de constater qu'il l'a effectivement rencontré, et je crois qu'il constatera que la Chine sera peut-être désormais un peu moins intransigeante.
Le président: Certains d'entre vous reviendront la semaine prochaine en compagnie de Ngawan Sangdrol, si elle peut venir.
Un témoin: Oui.
Le président: Nous tenons à remercier chacun d'entre vous de vous être joint à nous aujourd'hui. Vos témoignages ont été très éloquents. Thank you 10,000 times.
Monsieur Day a une motion à présenter.
M. Stockwell Day: Chers collègues, nous sommes tous au courant de ce qui se passe au Soudan. Non seulement cette situation dure depuis longtemps mais elle est devenue très pressante. On craint énormément, surtout maintenant que la saison des pluies a commencé, que les approvisionnements espérés, qui vont littéralement permettre à des gens de rester vivants, ne parviendront pas à destination. Je crois que nous convenons tous de la gravité de la situation.
Je propose que, compte tenu de ses motions du 5 juin 2002 et du 26 février 2003, le sous-comité, conformément aux pouvoirs conférés par le paragraphe 108(2) du Règlement, poursuive l'examen qu'il a commencé durant la deuxième session de la 37e législature sur les questions touchant les droits de la personne et le développement au Soudan et recommande au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international l'envoi d'une délégation du sous-comité au Soudan pour observer la situation et faire rapport sur d'éventuelles violations des droits de la personne.
Nous avons rencontré des personnes qui sont récemment rentrées du Soudan. Nous avons appris que ces atrocités se déroulent à l'heure actuelle. Il y a une façon dont on pourrait intervenir, et il s'agirait de mettre le gouvernement du Soudan au courant que le Canada, compte tenu de sa réputation et son envergure, a constitué un groupe de surveillance, se composant entre autres de députés, qui se rendra au Soudan.
» (1720)
M. Deepak Obhrai: J'ai un rappel au Règlement.
Le président: Vous êtes en train d'interrompre votre collègue.
M. Deepak Obhrai: Je sais, je veux simplement savoir si la dernière motion qui a été adoptée, qui approuvait le voyage au Soudan, a été retirée.
M. Stockwell Day: D'après ce que je crois comprendre, elle est retirée.
M. Deepak Obhrai: Nous avions approuvé le voyage.
Le président: Le greffier m'indique que nous n'avions pas approuvé le voyage au Soudan.
M. Bernard Patry: Il a parlé de deux motions, l'une du 5 juin 2002 et l'autre du 26 février 2003. Ces motions ont-elles été adoptées simplement par le sous-comité ou par le comité plénier après le sous-comité?
Le greffier: Par le sous-comité, monsieur le président.
L'hon. Eleni Bakopanos: Je n'ai pas l'intention de dire que j'ai des objections. Mais un émissaire spécial au Soudan nommé par le gouvernement a déjà préparé un rapport. Avant de décider de voyager, ne devrions-nous pas lui demander de comparaître comme témoin et obtenir ses impressions avant que nous prenions une décision? C'est la recommandation que je ferais au comité.
Le président: C'est un point intéressant. Peut-être, monsieur Day, à titre de parrain de la motion, vous seriez d'accord pour que le sénateur Jaffer comparaisse devant nous la semaine prochaine. Nous avons un témoin. Le sénateur Jaffer pourrait peut-être nous parler, et nous pourrions revoir la motion la semaine prochaine.
M. Stockwell Day: Je fais pleinement confiance au sénateur Jaffer. Je sais qu'elle est déjà allée là-bas. J'ai entendu des groupes dire tout le respect qu'ils avaient pour elle et son travail. Ils m'ont d'ailleurs respectueusement dit, mais je n'ai aucun moyen de vérifier la chose, que lorsqu'elle arrive avec son titre de sénateur, il y a néanmoins des réalités protocolaires et diplomatiques et on peut légitimement se demander si elle peut vraiment se rendre là où certaines de ces atrocités sont commises, peut-être à cause de la façon dont le gouvernement de Khartoum s'emploie à empêcher les gens de voir ce qui se passe en réalité. Si elle y va, je n'en pense que du bien. Peut-être pourrait-on trouver le moyen de la faire accompagner. Si on parvient à savoir que ce groupe peut effectivement aller là où ces atrocités sont commises, cela servira d'avertissement au gouvernement de Khartoum. Mais si elle doit s'en remettre uniquement à eux, ses déplacements vont être limités.
L'hon. Eleni Bakopanos: Si elle éprouve ce genre de difficulté, je pense que nous éprouverons les mêmes. C'est la raison pour laquelle, je le répète, nous devrions à tout le moins écouter ce qu'elle a à dire et constater les difficultés avant d'adopter la motion.
M. Deepak Obhrai: Pourrais-je parler d'expérience? Avant sa retraite, le sénateur Lois Wilson a été entendue deux fois par le comité dont je faisais partie pour nous parler du Soudan, un cas très semblable, et nous avons maintenant aussi le rapport du sénateur Jaffer. Je pense qu'en définitive, les sénateurs Wilson et Jaffer sont des envoyées spéciales du gouvernement, mais nous constituons ici un comité multipartite apolitique. C'est la raison pour laquelle il faut que cette motion insiste pour que tous les membres du comité y aillent.
Je sais que les sénateurs Wilson et Jaffer sont en quelque sorte des émissaires spéciales du gouvernement, elles sont nommées par lui alors qu'en y allant nous, en tant que comité, nous représenterions tous les partis. C'est la raison pour laquelle cette motion est plus importante encore.
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau, voulez-vous dire quelque chose au sujet de la motion?
M. Yves Rocheleau: Monsieur le président, j'ai manqué le début. Je vais donc continuer pour un moment à écouter le débat.
» (1725)
L'hon. Eleni Bakopanos: J'ai demandé qu'on rencontre la sénatrice qui est un peu responsable de la situation, avant de prendre une décision quant à cette motion. Je ne dis pas non, mais j'aimerais d'abord proposer au comité de l'inviter à comparaître, avant de prendre une décision.
M. Yves Rocheleau: Pour qu'elle nous donne ses impressions?
L'hon. Eleni Bakopanos: Oui, parce que d'après ce que j'ai compris de son rapport, on risque d'être confrontés aux mêmes problèmes qu'elle pour ce qui est de se rendre dans ces secteurs.
[Traduction]
En passant, je ne dirais pas que le sénateur est... elles sont nommées par le gouvernement, mais leurs rapports sont à la disposition de tous les parlementaires. C'est cela que je demande au comité, que nous la rencontrions pour voir quelles sont les difficultés et de quelles régions il s'agit. Et même si nous adoptons la motion, nous risquons de rencontrer les mêmes difficultés.
Le président: Pourrais-je suggérer que nous l'invitions la semaine prochaine pour qu'elle nous présente son rapport? En passant, elle est déjà venue témoigner en juin sur le même sujet.
L'hon. Eleni Bakopanos: Excusez-moi, mais je ne faisais pas partie du comité à l'époque.
Le président: En effet, et moi non plus. Mais peut-être pourrait-elle venir nous livrer ses réflexions la semaine prochaine. À ce moment-là, nous pourrions alors reprendre la motion.
M. Stockwell Day: J'aimerais beaucoup l'entendre. Si nous adoptons cette motion aujourd'hui... vous voyez qu'on n'y fait mention d'aucune date, d'aucune heure. Manifestement, il y a urgence en la matière, mais nous pourrions commencer à examiner un modus operandi, une façon d'aller de l'avant—un courant budgétaire. Mais le temps presse. Cela ne l'empêcherait pas de venir témoigner si nous adoptions cette motion aujourd'hui.
Le président: Il nous reste environ trois minutes avant le déclenchement des cloches.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Dans cette veine, monsieur le président, j'aimerais mentionner que récemment, j'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant de l'ambassade du Soudan au cours d'une réception, et que ce dernier a fait des remarques sur le débat actuel.
Je ne sais pas s'il est dans les usages—ou si cela va contre les règles—du comité d'inviter l'ambassadeur ou un représentant du pays où on veut se rendre pour qu'il nous présente le point de vue officiel du pays. Je vous pose la question.
Le président: Malgré tout le respect que je dois à nos collègues, je dois préciser qu'il y a deux semaines, même le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a utilisé le mot «génocide» en parlant du Soudan. Il était alors question du Darfour. Or, selon moi, si on invite l'ambassadeur du Soudan, tout ce qu'on risque d'entendre ici, c'est la ligne de parti de Khartoum. Pour avoir suivi ce dossier pendant assez longtemps, je peux vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de substance là-dedans.
M. Yves Rocheleau: Ce ne serait donc pas utile de le rencontrer.
[Traduction]
M. Stockwell Day: Avant que la motion ne soit mise aux voix, je voudrais simplement dire que personne ici ne souhaite que nous ne soyons amenés un jour à nous dire en rétrospective que nous avons raté une bonne occasion d'empêcher un autre Rwanda. En adoptant cette motion aujourd'hui, nous enverrions un signal, faible peut-être, mais lourd de signification. Le simple fait que des Canadiens puissent se mettre en route pour aller au Soudan afin de constater ce qui s'y passe pourrait être ressenti jusqu'à Khartoum.
Le président: Avez-vous une question?
M. Bernard Patry: Je voulais simplement signaler à M. Day que cette motion comporte deux volets. Le premier concerne la poursuite de l'examen du dossier des droits de la personne qui a commencé pendant la deuxième session de la 37e législature. Cela, c'est le premier volet de l'étude. Et je pense que la question soudanaise fait partie du premier volet.
Le second volet concerne la question du voyage. Pour ce qui est du premier volet, l'étude, il est certain que le sous-comité a parfaitement le droit d'étudier ce qu'il veut, et il a également le droit d'entendre des témoins. Il pourrait faire revenir des témoins—quelqu'un de l'ambassade, Mme Jaffer lorsqu'elle sera revenue, n'importe quel autre spécialiste des droits et de la démocratie, la FOCAL ou quiconque pourrait venir lui parler du Soudan. Mais pour ce qui est de voyager, le gouvernement ne va jamais nous autoriser à nous rendre quelque part au péril de notre vie. Je ne sais même pas si le comité plénier...
M. Stockwell Day: Mais pourquoi la sénatrice y va-t-elle alors?
M. Bernard Patry: La sénatrice y va seule. Tout un comité, ce serait différent, totalement différent. C'est mon opinion, je ne sais pas moi. Je n'ai jamais posé la question au gouvernement.
M. Stockwell Day: Tout ce que je voulais dire, c'est que nous en faisons la recommandation au comité permanent. Écoutez les collègues, il y a là une situation d'urgence internationale. Nous recommandons simplement quelque chose au comité permanent.
Le président: Un instant, je vous prie.
M. Day souhaite-t-il demander le vote sur la motion sous sa forme actuelle ou préfère-t-il qu'elle soit scindée en deux volets?
M. Stockwell Day: Peu importe, c'est comme vous voulez, pourvu que nous votions immédiatement sur les deux éléments.
Le président: Pouvons-nous donc voter sur le volet voyage?
M. Stockwell Day: Le second volet est une recommandation.
M. Bernard Patry: Mais avant de pouvoir voyager, il faut qu'on sache d'abord ce qu'on va étudier. Lorsque nous voyageons...
Une voix: C'est une étude que nous avons commencée il y a longtemps.
Le président: Un instant, chers collègues. De la façon dont les choses se présentent, Stockwell, pourquoi ne proposez-vous pas que nous étudiions la situation afin que nous puissions voir si on nous en donnera l'autorisation? Ensuite, vous pourrez proposer le voyage.
M. Stockwell Day: D'accord, mais je vais proposer les deux, c'est sûr.
Le président: Pouvons-nous voter sur le fond de la motion en excluant le voyage?
M. Stockwell Day: C'est-à-dire jusqu'au mot «Soudan». D'accord, j'en fais la proposition.
Le greffier: Avec votre permission, j'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce qui se passe. Avec le consentement unanime donc, vous allez voter uniquement sur ce premier volet de la motion.
» (1730)
Le président: Nous avons en effet scindé la motion en deux.
Nous pouvons encore poursuivre pendant quelques instants.
Allez-y.
M. Stockwell Day: Je propose l'adoption du premier volet de la motion, comme nous venons d'en discuter.
(La motion est adoptée [Voir le Procès-verbal])
M. Stockwell Day: N'oubliez pas que nous ne faisons que « recommander » quelque chose au comité permanent dans le second volet de la motion.
Le président: Voulez-vous poursuivre la discussion sur ce second volet de la motion?
M. Bernard Patry: Je voudrais ajouter un ou deux mots de manière à dire: «recommande, après avoir terminé l'étude...» ou plutôt «après avoir commencé l'étude...». Dans l'état actuel des choses, le comité plénier ne demandera jamais une autorisation de voyager si nous ne commençons pas par faire une étude.
M. Stockwell Day: Non, ce n'est pas possible. Laissons le comité plénier en discuter. Je ne peux pas dire « après une étude », désolé. En toute déférence, nous avons déjà vu des études et dans ce cas-ci, on étudierait encore le dossier jusqu'à plus soif.
Une voix: Nous recommandons un amendement.
Le président: Notre attaché de recherche, qui connaît le dossier depuis plus longtemps que n'importe qui d'entre nous, suggère d'ajouter simplement à la motion que nous venons d'adopter: «et qu'il examine notamment la possibilité d'envoyer une délégation». Cela vous conviendrait-il?
M. Bernard Patry: Recommander «la possibilité d'envoyer une délégation»? Si c'est cela, une possibilité, c'est d'accord. Très bien.
[Français]
La formulation est: «la possibilité de voyager».
Le président: D'accord? C'est clair?
(La motion est adoptée)
La séance est levée.
Les dimensions économiques de l'autonomie et du droit au Tibet