SMFJ Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 octobre 2005
¹ | 1530 |
Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)) |
M. Allan Hutchinson (professeur, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Joseph Di Luca (directeur, Criminal Lawyers Association) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Jacob Ziegel (professeur émérite en droit, Université de Toronto, à titre personnel) |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
Mme Linda Rothstein (présidente, The Advocates' Society) |
º | 1605 |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
º | 1610 |
Le président |
M. Rob Moore |
Mme Linda Rothstein |
º | 1615 |
M. Joseph Di Luca |
M. Jacob Ziegel |
º | 1620 |
Le président |
M. Allan Hutchinson |
Le président |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
º | 1625 |
M. Joseph Di Luca |
º | 1630 |
Le président |
M. Marc Lemay |
Le président |
M. Allan Hutchinson |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
º | 1635 |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
Mme Linda Rothstein |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
º | 1640 |
M. Joseph Di Luca |
M. Joe Comartin |
Mme Linda Rothstein |
M. Joe Comartin |
Mme Linda Rothstein |
M. Joe Comartin |
M. Allan Hutchinson |
M. Joe Comartin |
M. Jacob Ziegel |
º | 1645 |
M. Joe Comartin |
M. Joseph Di Luca |
M. Joe Comartin |
M. Joseph Di Luca |
Mme Linda Rothstein |
º | 1650 |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Mme Linda Rothstein |
M. Paul Monahan (vice-président, Commission d'étude, Société des plaideurs, The Advocates' Society) |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
º | 1655 |
M. Allan Hutchinson |
M. Jacob Ziegel |
» | 1700 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Mme Linda Rothstein |
M. Joe Comartin |
Mme Linda Rothstein |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Paul Monahan |
» | 1705 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
» | 1710 |
M. Joseph Di Luca |
M. Jacob Ziegel |
Mme Linda Rothstein |
M. Mark Warawa |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
M. Jacob Ziegel |
M. Mark Warawa |
Mme Linda Rothstein |
» | 1715 |
M. Joseph Di Luca |
M. Mark Warawa |
Mme Linda Rothstein |
M. Jacob Ziegel |
Le président |
» | 1720 |
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.) |
Le président |
M. David McGuinty |
M. Jacob Ziegel |
M. David McGuinty |
Mme Linda Rothstein |
M. David McGuinty |
Mme Linda Rothstein |
» | 1725 |
M. David McGuinty |
Mme Linda Rothstein |
M. Jacob Ziegel |
M. David McGuinty |
M. Jacob Ziegel |
M. David McGuinty |
Le président |
M. Richard Marceau |
CANADA
Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
|
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Français]
Le président (M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)): Bonjour et bienvenue à la séance n° 5 du Sous-comité sur le processus de nomination à la magistrature fédérale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, deuxième réunion de ce mardi.
Nous avons devant nous M. Allan C. Hutchinson, professeur à la Osgoode Hall Law School; M. Jacob S. Ziegel, professeur émérite en droit de l'Université de Toronto; M. Joseph Di Luca, directeur de la Criminal Lawyers' Association; ainsi que Mme Linda Rothstein et M. Paul Monahan, de The Advocates' Society.
Je veux indiquer à mes collègues que le professeur Hutchinson devra quitter à 17 heures; c'était convenu au départ. Il vous présente ses excuses, mais il devra partir pour des raisons incontournables.
[Traduction]
Nous prévoyons dix minutes pour votre exposé et nous passerons ensuite aux questions et commentaires. Cela devrait prendre sept minutes mais cela dure habituellement beaucoup plus longtemps — mais en général, cela fonctionne.
[Français]
Nous allons commencer par M. Hutchinson, qui dispose de 10 minutes.
[Traduction]
M. Allan Hutchinson (professeur, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel): Merci de m'avoir invité à participer à cette audience.
J'aimerais vous proposer d'aller un peu plus loin que les réformes que nous avons déjà mises en place et plus loin que celles qui ont été suggérées, de façon à renforcer ce qui me paraît être le mécanisme démocratique que nous utilisons pour nommer les juges.
Il est évident que nous voulons nommer les meilleurs juges, mais il semble que nous soyons prêts à passer rapidement à la question de savoir comment le faire sans réfléchir vraiment à ce qu'est un juge et ce qu'est un bon juge. Je fais donc appel à votre indulgence et aimerais vous dire quelques mots de ce sujet.
Bien évidemment, dans une démocratie, avec la charte et le recours aux tribunaux pour introduire des changements sociaux, il est de plus en plus important que nos juges jouissent de la confiance de la société au nom de laquelle ils agissent, et si l'on veut que celle-ci exerce un contrôle sur les juges, il faut qu'elle participe à leur nomination. Je pense qu'il est généralement reconnu que cela fait longtemps que l'idée que les juges peuvent exercer leurs fonctions de façon absolument objective, neutre, et sans être influencés par des valeurs est dépassée. C'est pourquoi il faut reconnaître que la personnalité des juges — et par personnalité des juges, je pense principalement à leurs valeurs et à leurs principes — constitue un aspect important du processus.
Il est vrai qu'on souhaiterait que les juges opèrent de façon objective et neutre, mais cela semble impossible à obtenir, même avec la meilleure des intentions. Après tout, lorsque nous pensons aux grands juges canadiens, nous savons que ce n'est pas à cause de leurs qualités formelles qu'ils sont grands. Je pense à quelqu'un comme le juge en chef Brian Dickson, dont la réputation ne repose pas uniquement sur une grande compréhension du droit ou de la logique et des arguments. Les gens l'aimaient, et avaient une haute opinion de lui, à cause de ses valeurs et de son engagement en faveur de la justice sociale. C'était un grand juge, non pas malgré ses valeurs mais à cause de ses valeurs.
C'est pourquoi il est important de choisir les meilleurs candidats, en tenant compte de leurs valeurs. Un système de nomination des juges, quel qu'il soit, doit donc tenir compte des valeurs des candidats et permettre de leur poser des questions à ce sujet. Je ne pense pas que cela risque de compromettre le système ou de lui nuire. En fait, bien au contraire, je crois que cela renforcerait notre système.
Comment faire pour y parvenir? Si on admet que les juges rendent leurs décisions en fonction de leurs valeurs, on peut penser à différentes façons de sélectionner les meilleurs candidats. Premièrement, il est important que les juges soient représentatifs de la société dont ils font partie. Cela veut dire que la magistrature devrait être beaucoup plus représentative qu'elle ne l'est actuellement; il est vrai que des efforts ont été faits pour que les juges soient davantage représentatifs de la société, mais il est important de poursuivre dans cette voie.
Mais il est également important que les juges ne soient pas simplement représentatifs de la société et par conséquent aient des origines diverses, mais il faut également qu'ils soient méritoires dans le sens qu'ils soient attachés aux valeurs que la société souhaite favoriser. C'est pourquoi il me paraît important de mettre sur pied un mécanisme qui permettra d'examiner ces valeurs. Lorsque les juges se basent sur des valeurs et sont accusés de faire de l'activisme ou de l'interventionnisme, par exemple — et je dirais que l'activisme me paraît être toujours une bonne chose; il m'a toujours semblé que lorsqu'on accumule les années et que l'on peut demeurer actif, c'est toujours un avantage mais il n'empêche que l'activisme a toujours eu une connotation négative lorsqu'on parle des juges. Il me paraît important de renforcer la légitimité des juges, étant donné en particulier qu'ils sont amenés à porter des jugements sur les actions et sur les décisions de nos représentants élus.
Je pense qu'il faudrait donc aller un peu plus loin avec le processus qui a été lancé et poursuivi par le ministre de la Justice, Irwin Cotler, et par d'autres recommandations, et je dirais qu'il faut créer une commission permanente si nous voulons y parvenir. Cette commission devrait représenter divers secteurs de la société. Ce devrait être une commission indépendante, une commission qui a le pouvoir à la fois de choisir les candidats et de les nommer, et pas seulement celui de proposer des candidats. Cette commission pourrait représenter trois groupes, et si elle avait 15 membres, elle pourrait comprendre cinq députés, cinq juges et cinq citoyens.
¹ (1535)
On pourrait bien sûr penser à d'autres formules mais je donnerais à une telle commission, dont les membres siégeraient pour trois ans environ, à la fois le rôle traditionnel consistant à faire passer des entrevues aux candidats mais aussi celui de rechercher les personnes qu'elle souhaiterait voir devenir membres de la magistrature fédérale. Il me semble particulièrement important que la commission n'ait pas une attitude passive mais qu'elle s'occupe activement de rechercher les meilleurs candidats pour les postes de la magistrature.
Je suis prêt à dire que ces discussions ne devraient pas être publiques, qu'elles devraient être rigoureuses et approfondies, mais que la décision du comité devrait être définitive et directe. De cette façon, lorsqu'on compare avec ce qui se passe aux États-Unis avec des choses comme George Bush et Harriet Miers, par exemple, nous pourrions éviter ce genre de problème et obtenir, espérons-le, des personnes qui ont été reconnues par un organisme indépendant et qui représentent non seulement les meilleurs membres des professions juridiques, mais aussi, et surtout, qui ont le genre de valeurs qui ne sont pas simplement les valeurs associées au travail d'un juge, mais des valeurs qui font partie de la personnalité du juge et qui jouent un rôle essentiel dans la prise des décisions judiciaires.
Je crois que nous avons pris des mesures qui vont renforcer la façon dont nous nommons nos juges, mais nous avons encore beaucoup à faire. Je pense qu'il serait très avantageux pour le Canada d'adopter des mesures audacieuses dans ce domaine et que cela profiterait également énormément non seulement à notre processus parlementaire mais à notre processus démocratique en général.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Vous n'avez pris que six minutes.
Monsieur Di Luca, c'est à vous.
[Traduction]
M. Joseph Di Luca (directeur, Criminal Lawyers Association): Merci, monsieur le président, et messieurs les membres du comité. La Criminal Lawyers' Association est heureuse de comparaître devant le sous-comité pour parler d'une question qui revêt une importance fondamentale pour l'administration de la justice.
Notre organisation représente environ mille avocats de la défense de la province de l'Ontario. Sur de nombreux aspects, tout comme les procureurs de la Couronne — je ne parle pas en leur nom mais je suis certain qu'ils appuieraient la plupart de mes observations — nous travaillons sur les premières lignes du système judiciaire. Nous sommes tous convaincus que nous avons besoin d'une magistrature forte et indépendante. C'est évidemment la clé de voûte du système judiciaire d'une démocratie équitable et efficace.
Le travail que nous accomplissons tous les jours devant les tribunaux confirme la nécessité d'avoir une magistrature libre et indépendante, qui ne risque pas de voir les opinions de ses membres donner lieu à des représailles après coup, ou même avant qu'ils ne prennent leur décision. Nous savons très bien qu'il faut posséder de très grandes aptitudes pour pouvoir juger. C'est un travail difficile. L'équité exige que ce travail soit bien exécuté. Nous sommes bien évidemment en faveur d'un processus ou d'un mécanisme de nomination qui accorde la première place au mérite.
Il n'est pas possible de dire que le système actuel est, dans l'ensemble, vraiment mauvais. Bien évidemment, en général, la qualité et le calibre de la plupart des nominations judiciaires sont déjà au-delà de toute critique mais c'est un système qu'il est encore possible d'améliorer. Il faut que le public ait confiance dans le processus de sélection des juges. Ce processus ne devrait pas être entouré de mystères. Il devrait être visible, accessible et transparent. Nous sommes en faveur d'un mécanisme de nomination qui permette de choisir les meilleurs candidats et un processus qui soit ouvert et compris par tous.
Sur ce point, la principale proposition que nous voulons faire au sous-comité est de créer un conseil consultatif chargé des nominations à la magistrature semblable à celui qui existe déjà en Ontario. C'est un comité qui s'inspire des travaux de M. Russell. C'est un comité qui, d'après nous, a grandement contribué à sensibiliser davantage la population au processus de nomination des juges et à en faciliter l'acceptation en Ontario; ce comité a fait de l'excellent travail et a contribué à améliorer le système judiciaire sous de nombreux aspects.
Sur ce point, la Criminal Lawyers' Association appuie plus précisément les mesures suivantes: la création d'un comité consultatif des nominations à la magistrature dans toutes les provinces, ou peut-être par région dans les différentes provinces, si la nécessité s'en fait sentir.
Ce comité, ou cette série de comités, pourrait fonctionner sous les auspices du Commissaire à la magistrature fédérale qui agirait comme organisme indépendant chargé de l'administration de ces comités.
Il faudrait que la liste des membres, la structure, les règles et les principes appliqués par ce comité soient facilement accessibles au public, soit par Internet ou sous une autre forme. Tout citoyen intéressé devrait pouvoir facilement comprendre comment fonctionne ce comité.
Le comité devrait être composé de membres de la magistrature, des professions juridiques et de citoyens et refléter la diversité culturelle de la population canadienne, ainsi que les aspects régionaux et autres.
La composition du comité pourrait faire l'objet d'un débat. Je ne pense pas qu'il importe beaucoup qu'il soit composé de sept, neuf, cinq, six ou quinze membres. Ce qui importe essentiellement, c'est qu'il soit représentatif, diversifié et transparent.
Il faudrait au moins que les représentants des professions juridiques, qu'ils soient issus du barreau provincial ou de l'Association du Barreau canadien, soient des avocats qui plaident devant les tribunaux. Ce devrait être des avocats, ayant une formation en droit privé, en droit de la famille ou en droit pénal, étant donné que le processus de nomination aura pour but de choisir des juges de première instance ou d'appel qui seront amenés à trancher ce genre de questions.
Le comité pourrait certainement envisager d'adopter une série de normes qui régiraient la nomination des membres du comité, c'est une possibilité; mais les membres du comité devraient évidemment être en mesure de contribuer utilement au processus de sélection des juges.
¹ (1540)
La durée du mandat des membres du comité ne devrait pas être trop courte. Pour utiliser une expression populaire, je dirais qu'il faut donner au comité le temps d'acquérir un esprit d'équipe de façon à pouvoir évaluer les candidats qui éprouvent le besoin de servir la collectivité et qui prennent les moyens de le faire. À l'inverse, il ne faudrait pas que ce mandat soit trop long. Il ne faudrait pas non plus permettre de cumuler de trop nombreux mandats, parce que le comité risquerait de stagner. Je proposerais un mandat de trois ou quatre ans, qui pourrait être renouvelé une fois. C'est un aspect à ne pas oublier, il ne faudrait pas que le comité s'encroûte.
Les ouvertures de postes de juges devraient être annoncées publiquement. On devrait pouvoir consulter une revue ou une publication juridique et apprendre ce faisant qu'on recherche un juge dans la région X de telle province. Cela permet à la population de savoir qu'un processus va être enclenché; le comité peut ainsi accepter publiquement les demandes pour un district judiciaire particulier, ce qui montre que le comité fonctionne de façon ouverte et transparente.
La Criminal Lawyers' Association est en faveur d'un processus d'examen en trois étapes. La première étape consisterait à effectuer une présélection pour écarter les demandes peu convaincantes ou celles qui ne déboucheront probablement pas sur une recommandation. La deuxième étape, que l'on pourrait appeler l'étape de l'enquête confidentielle, est l'étape au cours de laquelle des avocats d'expérience, des juges et des membres de la collectivité procéderaient à une enquête confidentielle. Par la suite, il y aurait l'étape de l'entrevue, voilà ce que nous proposons.
L'étape de l'entrevue peut être réservée aux candidats qui ont réussi les deux premières étapes, de façon à alléger le processus. Tous les candidats ne passeront pas une entrevue, comme cela se fait aussi dans le monde des affaires. L'entrevue est toutefois une étape incontournable, parce que ce sont des gens qui vont faire partie des juridictions de première instance, des cours d'appel et qui seront aux premières lignes du système judiciaire. Je pense que le comité doit au public de faire passer une entrevue à ces personnes, pour vérifier en personne que les candidats possèdent effectivement les titres et qualités mentionnés dans leurs demandes.
Le résultat final serait une liste des candidats recommandés pour un poste précis. Cette liste devrait être présentée pour examen. Nous préférerions que le comité classe les candidats et qu'il fasse la sélection, mais nous reconnaissons, pour le moment, qu'il est peut-être préférable d'établir une liste de trois à cinq noms, et que la sélection finale soit faite à partir de cette liste.
La seule chose sur laquelle nous insistons est que cette liste devrait être définitive. Il ne serait pas possible de la rejeter, ni de choisir un candidat dont le nom ne figure pas sur cette liste. Je mentionne cet aspect pour un certain nombre de raisons. Premièrement, si nous voulons renforcer la transparence du système et convaincre le public que nous voulons vraiment mettre sur pied un processus de nomination judiciaire qui soit équitable, il faut que les juges soient choisis à partir de la liste établie par le comité. Si le comité fait bien son travail, il faudrait nommer les gens qu'il recommande.
Enfin, je dirais que le processus d'examen des demandes doit demeurer confidentiel. C'est une décision très difficile à prendre pour un avocat. Si la personne n'est pas retenue pour le poste, le fait qu'elle se soit portée candidate devrait rester confidentiel et ne pas être rendu public.
En fin de compte, si nous avons un processus de sélection transparent, fondé sur le mérite et confidentiel, les candidats retenus vont non seulement améliorer la perception et la compréhension que le public a du processus, mais cela renforcera également de façon générale l'administration de la justice.
Voilà les observations que nous voulions présenter.
¹ (1545)
[Français]
Le président: Merci beaucoup, maître Di Luca.
Professeur Ziegel, vous disposez de 10 minutes.
[Traduction]
M. Jacob Ziegel (professeur émérite en droit, Université de Toronto, à titre personnel): Monsieur le président, combien de minutes m'accordez-vous?
Le président: Vous avez dix minutes.
M. Jacob Ziegel: Monsieur le président, messieurs les membres du sous-comité, j'ai beaucoup apprécié ce qu'ont dit mes collègues jusqu'ici ainsi que le mémoire que The Advocates' Society de Toronto va vous présenter. Je pense que tout ceci montre qu'il existe un large consensus chez les observateurs, tant sur les lacunes du système actuel que sur les grandes lignes de ce que serait un nouveau mécanisme de nomination judiciaire. Je vais d'abord faire des commentaires sur les lacunes du système actuel mais j'aborderai ensuite un autre aspect du mandat du comité, à savoir dans quelle mesure il est approprié qu'un comité de sélection tienne compte des opinions politiques des candidats à un poste de juge de la magistrature fédérale.
Je vais commencer par vous parler des lacunes du système actuel. Comme les membres du comité le savent, le système actuel est fondé sur des recommandations qui ont été adoptées en partie en 1988 par le gouvernement Mulroney, recommandations qui se fondaient elles-mêmes sur celles d'un comité spécial de l'Association du Barreau canadien et d'un comité spécial de l'Association canadienne des professeurs de droit. Ces deux comités recommandaient la création de comités consultatifs pour chacune des provinces, pour ce qui était des juridictions provinciales. Ces comités étaient chargés d'établir une liste de candidats qui seraient présentés au ministre de la Justice. Le ministre de la Justice devait ensuite choisir un des noms figurant sur la liste.
Ces comités étaient appelés — et le sont toujours — des comités consultatifs. Cependant, dans le système adopté en 1988 et qui est toujours en place aujourd'hui, ce ne sont pas des comités consultatifs, ce sont des comités de sélection. Leur seule fonction est de décider si un candidat particulier est recommandé ou hautement recommandé ou si le comité n'est pas en mesure de faire une recommandation à son sujet. Ce genre de comité est très différent d'un comité consultatif qui est chargé d'établir une liste de noms à partir de laquelle le ministre de la Justice et le gouvernement fédéral sont obligés de faire leur choix.
Avec le système actuel, le ministre de la Justice et ses collègues du cabinet ont toujours la latitude de se fonder sur leurs préférences personnelles et politiques pour nommer des candidats qui favoriseront le gouvernement au pouvoir. Il est important de reconnaître que ce ne sont pas là des hypothèses gratuites.
Le sous-comité a été créé en partie à cause de la vive réaction qu'a suscité l'annonce au cours de l'été du fait que dix des vingt membres du comité de la campagne du Parti libéral avaient été nommés à la magistrature parce qu'ils avaient indiqué que c'était le genre de récompense qu'ils souhaitaient obtenir en échange de services rendus gratuitement au Parti Libéral.
Les membres du comité savent également que par la suite deux autres journaux au moins--le Montreal Gazette et leOttawa Citizen — ont effectué leurs propres enquêtes et constaté qu'un fort pourcentage des juges nommés en Ontario et dans les provinces de l'Ouest depuis 2000, un pourcentage très élevé, avaient fait des dons politiques au seul gouvernement libéral au cours des années précédant leur nomination à la magistrature. Autrement dit, il semble existe une règle qui s'applique aux juges canadiens selon laquelle si un candidat veut être bien considéré par le gouvernement, il ferait mieux de lui indiquer qu'il l'appuie concrètement.
En bref, je dirais que le système de nominations actuel comporte de graves lacunes. Il n'est pas transparent. Il n'est pas objectif. Il n'est pas uniquement fondé sur les mérites des candidats. Les nominations sont faites en tenant compte de considérations tout à fait étrangères au mérite des candidats.
Notre Constitution canadienne garantit l'indépendance des juges lorsqu'ils prononcent leurs jugements, expriment leurs opinions, mais ne semble pas garantir l'indépendante du système adopté pour les choisir. Il me semble que c'est ce que le comité devrait rechercher. Je sais que mes collègues appuient cette position. Je trouve tragique qu'en 2005, soit 140 ans après la Confédération, nous soyons toujours en train de débattre du principe de l'indépendance dans la sélection des juges. Nous considérons encore que la nomination des juges, dans une certaine mesure au moins, relève des partis et constitue un cadeau à la disposition du gouvernement.
¹ (1550)
Le ministre de la Justice actuel a beaucoup insisté sur le fait que selon la Constitution, le gouvernement fédéral est chargé d'effectuer ces nominations. Il convient de nuancer cette affirmation. L'article 96 parle uniquement de « gouverneur en conseil ». Cet article ne dit pas que c'est au gouvernement fédéral, et encore moins au ministre de la Justice, de procéder à ces nominations. Pour ce qui est du gouverneur en conseil, en théorie, n'importe qui peut être nommé membre de son conseil. Je ne vois aucune raison pour laquelle les membres des comités consultatifs des différentes provinces ne pourraient pas être nommés membres du gouverneur en conseil pour qu'ils fournissent leur avis sur les candidats à la magistrature. Cet argument n'est pour moi qu'une simple façade qui vise uniquement à empêcher l'adoption d'un système vraiment indépendant, transparent et équitable.
Permettez-moi également d'ajouter ceci. Nous parlons toujours de la nomination des nouveaux juges mais nous ne tenons pas compte des intérêts des juges en poste. Il y a de nombreux juges de première instance qui sont très compétents et dont la nomination à une cour d'appel devrait être sérieusement envisagée. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle parce que la nomination des juges de la Cour d'appel est considérée comme étant une prérogative qui appartient exclusivement au gouvernement fédéral. Il n'y a aucun contrôle et aucun comité consultatif ne participe à cette opération. Il y a un manque total de transparence. Cela me paraît très injuste pour les juges en poste, dont certains, à mon avis, ont des compétences extraordinaires et auraient dû être nommés il y a bien longtemps à une cour d'appel. Je crois que, comme cela est vrai pour les universités, vrai dans de nombreuses institutions publiques, dans lesquelles il existe un système de promotion pour les candidats qui estiment posséder les qualités exigées et qui souhaitent une promotion, ces juges devraient pouvoir présenter une demande et ces demandes devraient être examinées selon un mécanisme transparent et objectif. Il faudrait adopter un système semblable pour ce qui est des nominations aux sections d'appel des juridictions provinciales et même bien sûr, à celle de la Cour fédérale.
Permettez-moi enfin, monsieur le président, d'aborder ce qui est peut-être l'aspect le plus controversé de mon mémoire, à savoir la pertinence de tenir compte des opinions et des préjugés politiques des candidats à la magistrature. Bien évidemment, le projet de loi qui mettrait sur pied les comités consultatifs chargés des nominations à la magistrature fédérale devrait préciser, au moins dans leurs grandes lignes, les critères que le comité devra appliquer pour faire son travail. En principe, l'affiliation ou l'idéologie politique des candidats ne devrait pas être prise en considération. La question essentielle est de savoir si le candidat possède les compétences professionnelles exigées, ainsi que la personnalité et l'intégrité souhaitables.
Cela ne veut pas dire que le comité ne devrait pas tenir compte des préjugés des candidats — des préjugés qui font planer un doute grave sur leur capacité de se prononcer de façon impartiale. Le candidat qui critique constamment le capitalisme ou qui est un misogyne notoire ne devrait pas être nommé juge d'un tribunal commercial ou d'un tribunal de la famille. De la même façon, je pense que le comité serait fondé à se demander si un souverainiste convaincu réussira à se prononcer de façon impartiale — dans la mesure où l'impartialité existe dans les affaires constitutionnelles — dans un litige constitutionnel opposant le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Si le candidat a montré dans son comportement antérieur qu'il est capable de mettre de côté ses opinions personnelles lorsqu'il exerce ses responsabilités professionnelles, alors il devrait pouvoir être nommé. On doit pouvoir présumer qu'un candidat qualifié, une fois nommé à la magistrature, s'acquittera de ses tâches en mettant de côté ses opinions politiques.
¹ (1555)
Je mentionne dans mon mémoire que la position que je viens d 'exposer dans le paragraphe précédent est amplement confortée par la controverse qui règne actuellement aux États-Unis au sujet des postes vacants à la Cour suprême. En effet, les opposants comme les partisans de certains candidats ont clairement fait savoir que les idées des candidats sur les grandes questions avaient de l'importance, qu'il était légitime d'en parler et qu'il était en fait essentiel de se demander quelle était l'opinion des candidats sur certaines questions comme l'avortement, les droits des femmes, le rôle de la religion à l'école et la portée de la compétence du gouvernement fédéral en matière de commerce, avant de se prononcer sur la nomination du candidat.
Il serait naïf de prétendre que cela ne s'applique pas aux nominations à la magistrature au Canada dans les domaines de nature tout aussi délicate propre à notre pays. Il y a toutefois une différence capitale. La question ne risque pas de se poser aussi souvent pour les nominations aux juridictions de première instance au niveau provincial. Rappelons-nous aussi qu'en s'interposant entre le candidat et le gouvernement fédéral, le comité consultatif devrait, au bout du compte, veiller à ce que le candidat soit jugé de façon équitable et non pas rejeté du revers de la main parce qu'il est membre du mauvais parti ou qu'il a des opinions minoritaires. Il faut plutôt se demander, je me permets de le répéter, si le candidat a démontré qu'il était capable de mettre de côté ses opinions personnelles dans l'exercice de ses responsabilités professionnelles, au cas où il serait nommé.
º (1600)
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ziegel.
[Traduction]
Allons-nous entendre Mme Rothstein ou M. Monahan au nom de la Advocates' Society?
Madame Rothstein.
Mme Linda Rothstein (présidente, The Advocates' Society): Merci, monsieur le président.
J'ai l'honneur de présider l'Advocates' Society depuis un an. Permettez-moi de vous dire un mot de qui nous sommes et de ce que nous faisons.
Nous sommes une organisation qui regroupe plus de 3 100 membres qui gagnent leur vie comme avocats plaidants, c'est-à-dire comme barristers, pour employer une expression anglaise de plus en plus désuète. Nous plaidons devant toutes les juridictions, pénales et civiles, provinciales et fédérales, et devant les différents tribunaux administratifs. Nous avons également des membres de la magistrature, en exercice et à la retraite, ainsi qu'un certain nombre d'arbitres et de médiateurs.
Je pense pouvoir affirmer que notre groupe comprend des observateurs intéressés et avisés, je l'espère, des juges et de la fonction des juges. Lorsque nos membres discutent de leur travail, ils parlent souvent de ce qui fait un bon juge et aussi souvent, je pense, de ce qui fait qu'un juge est mauvais.
Permettez-moi de vous dire deux mots au sujet de notre mandat. J'espère ne pas avoir l'air trop défensive mais notre mandat consiste à promouvoir des normes rigoureuses en matière de compétence et de professionnalisme parmi les avocats. Nous voulons promouvoir l'accès à la justice, renforcer l'administration de la justice et défendre le principe de l'indépendance de la magistrature. Nous ne nous considérons pas comme un syndicat. Nous pensons que d'autres peuvent se charger de défendre les intérêts de nos membres et que notre groupe a pour mission de défendre l'intérêt public qui dépend en grande partie d'un système de justice dynamique et généreux. C'est là notre objectif fondamental.
La plupart des membres de l'Advocates' Society utilisent leurs aptitudes et leurs capacités d'avocats pour rendre à la société les avantages, et ils sont nombreux, qui leur sont donnés dans leur profession.
Nous avons créé un groupe de travail il y a quelques années, en 2004, au moment où la question des nominations à la magistrature a été soulevée au Parlement. Le groupe de travail a largement consulté nos membres, y compris les membres de la magistrature en exercice.
Presque invariablement, les sujets abordés par nos membres suscitent un débat, puisque c'est ce que nous faisons le mieux —participer à des débats — et si nous ne nous entendons pratiquement jamais au sujet des modifications législatives substantielles qu'il conviendrait d'apporter, je peux vous dire qu'au sujet du processus de sélection de nominations à la magistrature, nous avons constaté l'existence d'un remarquable consensus.
Nous n'avons pas élaboré notre position de façon aussi détaillée que l'a faite mon collègue qui représente la Criminal Lawyers' Association, même si je suis convaincue que la plupart des membres de mon conseil appuieraient les meilleurs éléments de leur proposition. Je vais néanmoins vous décrire les aspects qui nous paraissent essentiels. Vous pourrez les trouver à la page 6 de notre mémoire.
Nous sommes bien sûr tous d'accord sur l'objectif essentiel. Il faut que le public ait confiance dans le processus et que celui-ci fasse en sorte que non seulement le mérite soit reconnu — parce que nous pensons que c'est une notion un peu trop diluée de ce qu'il faut faire — mais que seuls les meilleurs candidats parmi les meilleurs soient nommés à la magistrature. J'insiste sur ce point parce que nous avons la chance au Canada, et je crois que tout le monde sera d'accord avec moi, de disposer d'un bassin de candidats vraiment remarquables. Pour une raison ou une autre, les fonctions de juge sont encore assez populaires. C'est un poste qui est encore bien rémunéré, et qui jouit encore d'une haute estime; c'est encore un honneur auquel de nombreux membres de notre société aspirent.
Si nous voulons convaincre la population qu'avec un tel processus, seuls les meilleurs parmi les meilleurs seront choisis, nous pensons qu'il faut nous efforcer de faire disparaître les motivations partisanes et le favoritisme, ou l'apparence de ces choses, parce que, comme tous ceux qui sont assis autour de la table le savent, les apparences sapent tout autant la confiance du public que la réalité.
Nous vous avons présenté une recommandation dans laquelle le mérite n'est pas le seul critère mais selon laquelle toutes les nominations doivent s'apprécier en fonction de la norme fondamentale qu'est l'excellence.
º (1605)
Nous ne portons pas sur le système actuel un jugement aussi dur que certains de mes collègues — M. Ziegel, qui le qualifie de gravement défectueux et M. Hutchinson, qui affirme qu'il est nécessaire de lui apporter des changements dramatiques et audacieux — mais nous reconnaissons tout à fait qu'il est possible de l'améliorer et que nous devrions le faire.
Il serait bon de réfléchir un moment au système actuel parce qu'il regroupe en fait les candidats en trois catégories: ceux qui ne sont pas retenus, ceux qui sont recommandés et ceux qui sont hautement recommandés. Nous savons que le ministre de la Justice a le droit de choisir le candidat qui lui convient parmi ces deux derniers groupes.
Si l'on y réfléchit un instant, on constate qu'un tel système ne fait pas seulement accorder un large pouvoir discrétionnaire au ministre, mais qu'il lui donne en fait le droit de choisir un candidat recommandé par rapport à un candidat hautement recommandé, toutes choses étant égales par ailleurs. Je dirais très franchement que cela autorise le ministre à choisir un candidat B par rapport à un candidat A plus. Cela n'est pas une bonne chose. Peu importe la fréquence avec laquelle cela se produit, le seul fait que le système autorise ce genre de choix — et bien sûr les gens de l'extérieur ne savent pas où le candidat retenu se situait dans ces deux groupes — ne peut que saper la confiance que les Canadiens aimeraient avoir dans le processus, ce qui est tout à fait légitime.
Nous pensons qu'il faut supprimer la latitude dont dispose le ministre et adopter ce que nous avons appelé une liste de candidats, qui serait le fruit d'un système dans lequel seuls les candidats excellents seraient retenus. Le comité consultatif ou le comité de sélection ne serait pas simplement chargé de déterminer quelles sont les candidatures acceptables mais de ne retenir que les meilleurs candidats. Avec ce système, seuls les candidats les plus compétents seraient retenus et le ministre de la justice aurait l'avantage d'avoir accès aux consultations directes effectuées par le comité, parce qu'il ne pourrait choisir qu'un des candidats figurant sur la liste.
Dans les minutes qu'il me reste, j'aimerais vous présenter la deuxième recommandation dont a parlé M. Ziegel. Comme M. Ziegel, nous reconnaissons que le mécanisme applicable aux juges en exercice est gravement déficient. Il n'y a aucun mécanisme de prévu, et cette situation est inacceptable. Il n'est pas souhaitable que les juges en exercice ne puissent utiliser un mécanisme clair et transparent pour faire connaître leur intérêt à poser leur candidature. Il nous paraît insensé qu'il n'existe pas de mécanisme permettant d'évaluer les juges en exercice et d'apprécier leurs aptitudes à être nommés à des cours d'appel.
Nous proposons aux pages 7 et 8 de notre mémoire que tous les juges en exercice aient la possibilité de faire savoir qu'ils sont intéressés à siéger à une juridiction d'instance supérieure en remplissant un formulaire de demande et que celle-ci fasse l'objet d'un processus d'évaluation avec toutes les garanties qu'offrent les consultations, comme cela se fait à l'heure actuelle pour les nominations à la magistrature.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, maître Rothstein.
Nous allons passer à la période des questions et commentaires. Monsieur Moore, vous avez la parole pendant sept minutes.
[Traduction]
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Je remercie tous les témoins de nous avoir présenté des commentaires très intéressants. J'apprécie vos recommandations. En vous écoutant tous, je constate qu'il semble y avoir un consensus sur le fait que nous voulons au moins un système transparent, équitable et ouvert qui soit au-dessus de tout reproche et de toute critique. Je pense que c'est le but que la plupart des membres du comité recherchent également.
J'ai interrogé le ministre de la Justice à plusieurs reprises sur ces questions; il s'est parfois défendu en disant que nous ne devrions pas critiquer le processus parce que cela influence l'opinion qu'ont les Canadiens au sujet de certains juges, que l'on remet ainsi en question leurs compétences. Je ne pense pas que cela soit notre intention. La plupart d'entre nous ne reprochent pas à ces personnes d'avoir été nommées juges. Nous nous interrogeons simplement sur la possibilité d'améliorer le système utilisé pour effectuer ces nominations.
Il y a un vieux proverbe qui dit que pour changer, il faut d'abord reconnaître qu'il y a un problème. La question que je vous pose à tous est celle-ci: pourquoi existe-t-il autant de réticences à admettre que les nominations partisanes existent? Certaines études que j'ai lues récemment étaient mentionnées dans un article de la Gazette de Montréal qui portait sur le processus des nominations. On affirmait dans certaines études à l'origine de la création du sous-comité qu'il y avait du favoritisme et que l'appartenance politique jouait effectivement un rôle dans les nominations à la magistrature. C'est la raison pour laquelle je me demande pourquoi on est aussi réticent au Canada à admettre ce phénomène, alors que les preuves montrent qu'il existe, à tort ou à raison. Il y a un lien.
Ma seconde question est la suivante: pourquoi y a-t-il autant de réticences au Canada à admettre que les valeurs personnelles, les antécédents professionnels et les relations sociales d'un juge peuvent influencer les décisions qu'il prend? Certains témoins ont fait référence à ce qui se passe à l'heure actuelle aux États-Unis. Mon premier souvenir concerne Clarence Thomas. Mais il est admis dans ce pays que le débat porte sur le système de valeurs de ces personnes. On parle très franchement de leurs antécédents... ou à l'heure actuelle de ceux de Harriet Miers. Tout le monde se demande quelle est sa position sur toutes ces questions, parce que les gens savent que cela va probablement influencer ses décisions. Le débat porte sur la question de savoir si ses antécédents professionnels et autres pourraient influencer certaines de ces décisions.
Ma question porte donc sur ces deux aspects. Pourquoi refusons-nous de reconnaître que le favoritisme existe et pourquoi sommes-nous réticents à soulever ces questions au cours du processus de nomination?
º (1610)
Le président: À qui adressez-vous vos questions?
M. Rob Moore: À qui veut bien y répondre.
Mme Linda Rothstein: Je vais répondre à la seconde. Mon approche à la question des valeurs est légèrement différente de celle de M. Hutchinson. Si l'on met de côté le processus de nomination des juges de la Cour suprême, et que l'on examine ce que font quotidiennement les juges dans les salles d'audience en Ontario, en Colombie-Britannique et dans les autres régions de notre pays, ça ne ressemble pas beaucoup à ce qui est décrit dans les journaux.
La plupart du temps, ce qui se passe dans les salles d'audience endort en moins d'une seconde tous les journalistes que je connais. On entend dans ces salles la relation tout à fait insipide de détails factuels — seuls les avocats et les juges semblent avoir suffisamment de patience pour écouter ce genre de choses. Cela n'a pas grand-chose à voir avec les grandes questions d'intérêt public; il s'agit plutôt de savoir si, par exemple, un obstétricien a au cours d'un accouchement difficile pris la bonne décision lorsqu'il a choisi d'utiliser les forceps au lieu de recourir à une césarienne ou si cette décision a été prise dans la salle de travail ou dans la salle d'accouchement; c'est un cas réel que j'ai lu dans les « Ontario Reports » en me rendant à Ottawa. Voilà le genre de choses dont on parle dans les salles d'audience.
Je crois que les avocats refusent de reconnaître que, si l'on pouvait procéder à une analyse approfondie des valeurs et des idées fondamentales d'un candidat, cela nous permettrait de décider si la personne concernée jugerait correctement les questions en litige dans une affaire donnée, parce que nous pensons que les meilleurs juges sont ceux qui écoutent soigneusement les témoins, qui examinent le droit, appliquent les faits et font preuve d'un bon jugement. Je ne pourrais pas vous donner une liste des valeurs qui pourraient vraiment guider un juge et que l'on pourrait découvrir au cours d'une entrevue, ou par quelque autre moyen que je connaisse.
C'est pourquoi je pense que, traditionnellement, les associations de juristes s'opposent à l'idée que l'idéologie est un aspect essentiel du travail d'un juge, que la politique l'est aussi, parce que le travail d'un juge, pour nous, ne porte pas sur ces aspects-là, 99 p. 100 du temps. La compassion est une qualité importante, l'honnêteté est essentielle, l'intégrité est absolument impérative et il est absolument nécessaire qu'un juge soit très intelligent.
Mais pour ce qui est des valeurs, je dirais que pourvu que le candidat reconnaisse l'importance de l'éthique et qu'il croit dans les valeurs fondamentales du Canada, je ne pense pas que l'on puisse être beaucoup plus précis que ça.
º (1615)
M. Joseph Di Luca: Si je peux ajouter quelque chose, brièvement, et en mettant de côté la question de la partialité pour le moment, tout être humain accumule des choses au cours de sa vie — des émotions, un passé, une famille, de l'expérience, et mille autres choses — qui influencent les décisions et le jugement de cette personne.
Je dirais que du point de vue des juges, les critères que vient d'énumérer Mme Rothstein sont ceux qui feraient un bon juge. À la base de ces critères il n'y a pas tant l'absence de préjugés, mais plutôt la capacité de mettre de côté ses préjugés lorsqu'on exerce une fonction judiciaire. N'est-ce pas cela?
Je pense que les grands juges sont ceux qui vivent leur vie en s'appuyant sur leur passé et les choix qu'ils ont faits, tout en abordant la question qui leur est soumise avec un esprit ouvert, avec le souci d'écouter ce qui se dit, avec de la compassion et de la compréhension. Peu importe qu'un juge soit un constitutionnaliste convaincu ou contre l'avortement dans sa vie privée, la capacité de prendre du recul par rapport à ses opinions et d'aborder un problème juridique avec les critères que vient de mentionner Mme Rothstein est probablement ce qui fait qu'un juge est un grand juge.
M. Jacob Ziegel: Si vous permettez, j'aimerais répondre aux deux questions.
Votre première question portait sur la réticence du gouvernement à reconnaître le rôle que joue le favoritisme. Eh bien, pourquoi le roi est-il réticent à admettre qu'il est nu? La réponse est qu'il ne saurait pas comment se défendre s'il disait: « J'ai nommé Roger parce que c'est un membre du parti, c'est un bon ami, il a besoin de se reposer parce qu'il a travaillé dur comme avocat » ou « j'ai nommé un tel juge en chef parce qu'il a appuyé mon parti, parce que j'ai pensé qu'il avait bien servi son pays et qu'il ferait un juge en chef acceptable. » Ce ne sont pas des motifs inventés, ce sont des motifs très réels.
C'est pourquoi nous sommes apparemment gênés au Canada d'admettre que nous savons tous que cela se passe ainsi. Nous devons admettre publiquement ce que l'on cache depuis si longtemps. Je crois que c'est un signe de maturité de la part de notre société. Comme tous mes collègues l'ont dit, nous avons fait beaucoup de progrès depuis 1867, mais il en reste beaucoup à faire. Je crois qu'il nous appartient à tous de veiller à ce que pour la génération suivante... Nous n'atteindrons jamais notre idéal. Nous ne recherchons pas une utopie. Nous recherchons un système qui reflète la maturité que nous pouvons acquérir dans un monde très imparfait.
Cela fait de nombreuses années que je travaille dans ce domaine et ce qui me trouble, c'est la grande réticence qu'ont la plupart des hommes politiques, lorsqu'ils arrivent au pouvoir, à renoncer à ce pouvoir extraordinaire qu'est le favoritisme. C'est assez extraordinaire. Les juges vont gagner, avec les dernières augmentations, près de 230 000 $. Ils ont peut-être un des meilleurs régimes de pensions au Canada. Ils font un travail intéressant et prestigieux. Il est compréhensible que ces postes soient particulièrement convoités et que l'attribution de tels postes donne aux membres du cabinet un grand pouvoir politique. Ils ne seraient peut-être pas humains s'ils n'exerçaient pas ce pouvoir. Notre rôle devrait être de les empêcher de succomber au favoritisme. Je pense que les hommes politiques peuvent fort bien faire preuve de favoritisme dans les domaines politiques, ceux qui sont véritablement politiques, mais la nomination des juges n'est pas un de ces domaines.
Pour ce qui est de l'idéologie des juges, je ne suis pas tout à fait d'accord avec mes collèges assis à ma gauche. Cette question n'a pas été souvent soulevée au Canada parce qu'il existait un large consensus sur la plupart des grandes questions au cours du siècle dernier, mais on constate à l'heure actuelle que les opinions divergent de plus en plus. Nous l'avons constaté dans le contexte du mariage entre conjoints de même sexe. Il y a une fracture nette sur cette question. C'est pourquoi je pense qu'affirmer que les juges n'apportent pas avec eux un certain vécu, ce qui est tout à fait légitime — et qu'il n'est pas légitime que les gens de l'extérieur posent des questions à un candidat... et non pas seulement lorsqu'il s'agit de la Cour suprême. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Rothstein lorsqu'elle affirme que les valeurs des membres de la Cour suprême est un aspect essentiel parce que la Cour suprême a bien souvent le dernier mot sur des questions d'intérêt public extrêmement sensibles. Mais il n'y a pas que la Cour suprême. La question des mariages entre conjoints de même sexe a bien souvent été soumise à des juridictions inférieures, les jugements ont été portés en appel, et il a fallu attendre au moins cinq ans pour que la Cour suprême les entendent.
C'est la raison pour laquelle je pense que les Canadiens vont prendre conscience du pouvoir énorme qu'exerce la Cour suprême et les juridictions inférieures lorsqu'elles interprètent et appliquent, ou triturent si vous voulez, la charte canadienne, et ils vont poser davantage de questions au sujet des valeurs des juges.
Je pense que cet aspect ne jouera que dans une petite minorité d'affaires, mais comme vous pouvez le constater aux États-Unis, lorsqu'une question divise profondément la société, on s'interroge sur les idées des personnes qui seront amenées à prendre des décisions définitives sur ces questions.
Là encore, je crois que c'est une question de maturité. Le danger est de faire preuve de naïveté et de prétendre que cela n'existe pas. Au contraire, il faut en parler publiquement. J'espère qu'au Canada nous n'en arriverons jamais à un point où notre société sera divisée au point où nous nous déchirerons et mettrons en danger notre système d'administration de la justice. Cela ne s'est pas encore produit; il n'y a aucune raison que cela se produise à l'avenir. Le fait que nous soyons prêts à poser des questions, lorsque les circonstances s'y prêtent, au sujet des valeurs d'un candidat n'est pas, d'après moi, une source de gêne ou de défaitisme mais plutôt un signe qui indique que nous sommes en train d'acquérir de la maturité lorsque nous examinons le rôle des juges et celui des valeurs dans la prise des décisions.
º (1620)
[Français]
Le président: Professeur Hutchinson, soyez bref, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Allan Hutchinson: Je peux être très bref. Je pense vraiment, comme je l'ai dit, que les juges agissent comme ils le font à cause de leurs valeurs et non pas malgré elles.
Si je peux aborder cette question d'un angle légèrement différent, je dirais que j'admire en fait George Bush et la nomination de Harriet Miers, ou du moins le processus suivi. Il n'y a rien de caché — Bush veut nommer des gens qui ont les mêmes valeurs que lui. Ses valeurs ne nous plaisent peut-être pas. Je n'aime pas ses valeurs. Mais au moins, on sait parfaitement comment cela se passe.
Pour aller un peu plus loin que M. Ziegel, je dirais que la question est simple: il faut choisir entre savoir et ne pas savoir. Les Canadiens se contentent très bien de ne pas savoir. Je ne pense pas que cela soit le signe d'une démocratie épanouie. Les juges ont des valeurs, cela est incontestable, et le seul choix que nous avons est de les connaître ou de ne pas les connaître et d'en tenir compte.
Il est bien sûr peu probable que les membres du gouvernement vont qualifier de favoritisme la façon dont ils agissent. Il est rare que les voleurs reconnaissent qu'ils volent. Il me semble cependant qu'il faut reconnaître que les valeurs existent et que cela ne devrait pas nous faire peur. Nous devrions donc accepter ce fait et tenir compte des valeurs des candidats.
À mon sens, cela ne va pas à l'encontre de la démocratie ou des aspirations démocratiques. Cela revient en fait à célébrer notre démocratie. C'est pourquoi il est aussi important de bien connaître les personnes que nous nommons, de savoir qui elles sont et ce qu'elles pensent.
La décision la plus importante qui ait été rendue depuis quelque temps, et c'est une décision de la Cour suprême, a été l'arrêt Chaoulli, qui traitait de la santé, et je suis sûr que vous connaissez cet arrêt. Il est impossible de lire cette décision et de prétendre qu'elle traite de conduite professionnelle et d'intégrité. Ces aspects étaient certes présents. L'essentiel était en fait que la minorité et la majorité ne s'entendaient pas sur la nature des soins de santé.
C'est en jetant toute la lumière sur ces différends et en adoptant un processus qui en tienne compte que nous pourrons finalement mieux servir notre démocratie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, professeur.
Monsieur Lemay, c'est votre tour.
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Je m'excuse de vous ramener sur terre, mais moi, je suis sur le plancher des vaches. Depuis 30 ans, j'ai plaidé jusqu'à la Cour suprême, avant d'être élu député il y a quelques mois. Je ne suis pas celui qui défendra le système de justice au Canada. Cependant, quelqu'un dira ici aujourd'hui que les libéraux ne continueront pas à nommer des libéraux, que les conservateurs ne continueront pas à nommer des conservateurs et que ni mon collègue M. Marceau ni moi n'avons la moindre chance d'accéder à la Cour supérieure. C'est clair, c'est réglé.
Effectivement, il y a une certaine forme de politique, mais elle doit être restreinte le plus possible. À cet égard, je rejoins les propos de Mme Rothstein. Personnellement, ce qui m'intéresse, c'est le processus de nomination des juges de la Cour supérieure, des cours fédérales d'appel ou de première instance et des cours d'appel des provinces. À ce sujet, je voudrais qu'on aille sur le terrain.
Or, comment concilier le processus pour qu'il soit le plus transparent possible et qu'il assure en même temps la confidentialité de ceux et celles qui font une demande pour être juge? Il est faux de dire qu'on va avoir des audiences publiques pour nommer un juge à la Cour suprême comme il y en a aux États-Unis. En tout cas, je ne serai sûrement plus dans ce pays. J'espère qu'on ne fera jamais cela. Il est faux de dire qu'on va avoir des audiences publiques pour nommer un juge de la Cour supérieure pour le district d'Abitibi, d'où je viens, où on va passer au crible le citoyen ou la citoyenne, l'avocat qui a plus de 10 ans d'expérience. Cela n'a pas de bon sens! J'espère qu'on n'est pas comme cela au Canada!
Par ailleurs, on doit s'assurer que le processus soit transparent. C'est à ce sujet que je voudrais vous entendre. À titre de bâtonnier au Québec, j'ai siégé, au cours des quatre dernières années, à un comité qui faisait des recommandations pour que le ministre choisisse dans une courte liste le, la ou les candidats les plus appropriés. Or, cela n'existe pas au niveau fédéral.
En fait, il y a un comité consultatif qui se réunit pour suggérer que celui-ci ou celle-là fasse partie d'un grand panier dans lequel le ministre va piger. Cessez de me faire croire que cette façon de faire est démocratique.
Pourriez-vous nous dire comment notre comité pourrait s'y prendre pour faire des recommandations au ministre afin que le processus soit transparent, c'est-à-dire que le candidat sache qu'il a besoin de trois photos, un curriculum vitæ, etc.? Comment faire pour assurer cette transparence afin que le poste soit ouvert? En même temps, croyez-vous qu'il doit y avoir une entrevue pour faire une recommandation au ministre de la Justice et procureur général du Canada quant à la désignation des candidats? Est-ce que ce processus peut s'appliquer autant pour les juges de la Cour supérieure des provinces, par exemple, que pour ceux de la cour d'appel, où, on le sait, les règles sont différentes. Je ne parle pas de la Cour suprême mais de la Cour fédérale. Comment fait-on pour nommer à la Cour fédérale quelqu'un qui aura à traiter des dossiers d'immigration, des certificats?
Comme vous pouvez le constater, je suis très pratique. J'ai fait beaucoup de droit criminel. Alors, j'aimerais vous entendre à ce sujet.
º (1625)
[Traduction]
M. Joseph Di Luca: Je serais heureux de commencer.
Je dirais qu'un système transparent aide le public à prendre confiance dans le processus. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Après l'adoption d'un système transparent ou public, il faudra bien plus qu'une semaine pour que le public ait confiance dans l'impartialité du processus de nomination et l'absence de favoritisme. Cette confiance se développe progressivement.
Je pense qu'il faut absolument préserver le caractère confidentiel de ces demandes de façon à ce que les candidats les plus qualifiés et les plus intéressés puissent faire connaître leur intention sans craindre que leurs collègues, les personnes qui travaillent avec eux ou les membres de leurs institutions soient au courant de ce qu'ils envisagent. Comme vous pouvez l'imaginer, il est assez délicat de dire à son employeur que l'on recherche un autre travail et il serait donc gênant que les candidatures soient rendues publiques puisque cela pourrait nuire aux candidats. Personne n'est sûr d'être nommé à la magistrature. C'est un privilège et un honneur réservé, comme Mme Rothstein l'a déclaré, aux meilleurs parmi les meilleurs. Je pense donc qu'il est nécessaire de conserver le caractère confidentiel des demandes et cela sera possible si le public a confiance dans la façon dont fonctionne le système.
En fin de compte, si l'on regarde comment fonctionne le système ontarien de nomination à la magistrature, on constate que la plupart des personnes qui ont récemment été nommées juges en Ontario pourraient être qualifiées d'apolitiques ou de dépourvues d'affiliation politique, dans le sens que leur affiliation politique ne correspondait pas au parti au pouvoir. En fin de compte, lorsque les gens vont commencer à s'apercevoir que les nominations judiciaires sont annoncées publiquement, que le processus est public, que les membres du comité n'ont pas d'affiliation politique, jusqu'à un certain point — ou du moins que leur affiliation est connue — que le processus fonctionne, que le ministre nomme les juges à partir d'une liste approuvée et recommandée par le comité, ils vont commencer à faire confiance au système. La question de la confidentialité sera respectée parce qu'elle sera intégrée au système et en fin de compte, cela dissipera la crainte que les nominations soient basées sur des considérations partisanes.
Cela fonctionne bien en Ontario à l'heure actuelle. Il y a un grand nombre de juges dans cette province, et tous sont d'un excellent calibre et il y en a très peu de qui l'on pourrait dire qu'ils ont été nommés grâce à leurs relations politiques. En fait, lorsqu'une nomination à la magistrature provinciale est annoncée de nos jours, la plupart des gens réagissent en disant que cette personne est bien évidemment un excellent choix et ils sont certains que la personne retenue fera un juge très compétent. Cela prend un certain temps — et le processus de nomination est en place depuis un certain nombre d'années en Ontario. C'est un processus qui va prendre du temps, mais il donnera de bons résultats.
º (1630)
[Français]
Le président: Avez-vous une dernière question à poser, monsieur Lemay?
M. Marc Lemay: Non, je vais laisser les autres répondre.
Le président: Professeur Hutchinson.
[Traduction]
M. Allan Hutchinson: Je comprends ce que veut dire Joseph, mais lorsqu'il dit que tout le monde se félicite de ces nominations... qui se félicite? Les avocats. C'est un système très fermé dont il s'agit. Il me semble ridicule de penser que tous les juges sont de bons juges, tout comme tous les professeurs sont de bons professeurs et tous les hommes politiques de bons hommes politiques, parce que ce n'est pas vrai.
Je m'inquiète du fait que M. Di Luca a proposé un système qui profitera énormément aux avocats. Les avocats ont leur mot à dire au sujet des personnes qui sont nommées juges et le caractère confidentiel de leur candidature est protégé. Il n'y a pas beaucoup de postes auxquels on peut poser sa candidature et être sûr de ne pas figurer sur une liste et de voir son nom publié.
Je ne vois pas très bien pourquoi l'intérêt des avocats devrait passer avant l'intérêt public en matière de transparence. M. Di Luca recherche la transparence — c'est du moins ce qu'il dit — parce que cela renforce la confiance de la population dans le processus. Je n'ai rien contre le fait que certains aspects du processus demeurent confidentiels, mais je ne vois vraiment pas pourquoi le nom des personnes concernées devrait demeurer confidentiel.
[Français]
Le président: Professeur Ziegel.
[Traduction]
M. Jacob Ziegel: Je dois dire que je ne suis pas tout à fait aussi enthousiaste que M. Di Luca au sujet des juges récemment nommés. Je ne pratique pas le droit mais je parle très souvent à des avocats plaideurs. Tout récemment, un avocat d'expérience qui fait partie d'un cabinet du centre-ville de Toronto a eu avec moi une discussion générale et il a exprimé l'opinion que la qualité des juges de première instance à Toronto était très inégale. Je n'avais pas demandé son opinion à ce sujet. C'est une opinion qu'il m'a présentée de lui-même, et il n'avait aucune raison de ne pas être objectif.
J'ai lu des mémoires préparés par des avocats de l'extérieur de Toronto qui critiquaient fortement certains juges. Je ne dirais pas que cela reflète les défauts du système de nominations actuel mais cela fait longtemps que nous avons tendance au Canada à prétendre que nous n'avons que les meilleurs des meilleurs. Les ministres de la Justice successifs font tous la louange des juges canadiens, je suppose que c'est parce que cela les arrange, mais je crois qu'il y a beaucoup de naïveté dans cette attitude.
Puisque nous parlons de transparence, je dirais qu'il existe un consensus, au moins autour de cette table, pour reconnaître que la transparence ne veut pas dire que les entrevues des candidats au poste de juge d'une juridiction inférieure doivent se tenir en public. Je n'espère pas un système de nominations qui soit parfait. Cela n'existe pas. Nous espérons créer un système auquel le public pourra faire davantage confiance qu'à l'égard du système actuel.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples et quelques recommandations précises. Tout d'abord, le comité consultatif devrait être tenu de présenter des rapports annuels mentionnant le nombre des candidats interrogés, la nature des recommandations formulées, le nombre des candidats recommandés ou non recommandés, celui des candidats hautement recommandés, celui des candidats hautement recommandés qui ont effectivement été nommés par rapport à ceux qui n'étaient que recommandés.
J'aimerais également voir un système d'évaluation après la nomination. C'est très courant aux États-Unis mais nous considérons au Canada que ce serait une chose horrible. Vous avez suggéré de demander aux membres du Barreau, sur une base volontaire peut-être, d'évaluer les juges en exercice, quel que soit... Vous pourriez être accusé d'outrage au tribunal. Et pourtant cela se produit régulièrement. Nous le faisons dans les universités. Nous le faisons tous les ans dans les facultés de droit. Tous les professeurs de droit font l'objet d'une évaluation qui peut être parfois très dure, mais nous y sommes maintenant habitués et nous espérons que cela améliore les choses.
En Angleterre, le gouvernement a complètement révisé récemment son système de nomination pour tous les niveaux. Il a mis sur pied un système de nominations beaucoup plus exigeant que le nôtre. Par exemple, il utilise des psychologues. Les candidats font l'objet d'un examen intensif pendant plusieurs jours dans le but d'évaluer non seulement leurs compétences juridiques, mais également leurs qualités personnelles, leurs qualités psychologiques, leur comportement et leurs rapports avec les avocats. En Angleterre, le gouvernement a également nommé un fonctionnaire d'expérience qui est chargé d'entendre les plaintes au sujet des nominations à la magistrature, pour les personnes qui ont posé leur candidature à un poste de juge — habituellement pour les instances inférieures — et qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas été nommés et estiment qu'elles n'ont pas été traitées de façon équitable.
On peut donc faire, d'après moi, beaucoup de choses qui améliorerait le système actuel mais...
º (1635)
Le président: Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
M. Jacob Ziegel: Je vais simplement terminer ma phrase.
D'après moi, le point de départ est, comme j'essayais de le dire dans mon mémoire et je le répète ici, qu'il ne faut pas que les ministres pénètrent dans les salles d'audience de la nation. Si l'on accepte ce principe, alors je crois que tout le reste suivra facilement.
Le président: Madame Rothstein.
Mme Linda Rothstein: Je ne pense pas que M. Di Luca ait affirmé que tous les juges sont excellents ou sont portés aux nues par les avocats, parce que ce n'est certainement pas le cas. Je pense qu'il disait, à très juste titre d'ailleurs, que non seulement les avocats mais également le grand public estiment que nous sommes très bien représentés dans le processus provincial ontarien et que la qualité des juges de nos juridictions provinciales s'est très nettement améliorée.
Pourquoi les associations juridiques sont-elles instinctivement réticentes à l'idée d'annoncer publiquement les personnes qui se portent candidat à des postes de juges? C'est pour la simple raison que cette publicité risque de décourager exactement le type de juges que nous voulons attirer; les penseurs modestes, prudents, effacés qui ont été, je crois que tout le monde le reconnaîtrait, les juristes les plus brillants que notre pays ait jamais produit. Peter Cory, John Morden, Frank Iacobucci, Bertha Wilson et Brian Dickson faisaient tous preuve d'une certaine humilité, avaient un caractère posé et calme qui, aux yeux des observateurs, correspond au genre de personnalité qui n'aimerait pas participer à un processus trop public et qui risquerait de ne pas poser sa candidature. C'est là la raison de cette réticence.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Comartin.
[Traduction]
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président. Permettez-moi de commencer par vous demander de m'excuser pour mon retard, à M. Hutchinson en particulier parce que je n'ai pas entendu votre exposé, tout comme pour vous, M. Di Luca. Je suis en retard, parce que j'ai rencontré les familles des quatre agents de la GRC qui ont été assassinés, et il n'a pas été facile de quitter ces personnes. Je vais toutefois me procurer la transcription et la lire.
Je voudrais en revenir à la comparaison entre le système ontarien et le système fédéral. M. Ziegel, je dirais que j'ai personnellement constaté — puisque j'ai connu le système avant qu'il soit réformé, à mon grand désavantage — que le système actuel, à mon avis et avec tout ce que j'ai vu, est en fait beaucoup moins politisé aujourd'hui que ne l'est le système fédéral. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?
º (1640)
M. Joseph Di Luca: Oui.
M. Joe Comartin: Y a-t-il des gens qui ne le sont pas? Très bien.
Pour ce qui est des entrevues — et Mme Rothstein, vous avez abordé cet aspect à la fin — le fait est que les candidats provinciaux passent une entrevue après avoir rempli leur demande. Cela se fait de façon confidentielle. Je me demande si vous pensez que les entrevues sont une bonne chose?
Mme Linda Rothstein: Si le comité estime qu'il a besoin d'obtenir d'autres renseignements grâce à des entrevues, nous n'avons rien contre cette façon de faire.
M. Joe Comartin: Et la remarque que vous avez faite au sujet des juges que vous avez mentionnés — que certains ont parfois quelques réticences — pensez-vous qu'ils auraient les mêmes réticences si le caractère confidentiel de cette entrevue était garanti?
Mme Linda Rothstein: Je ne le pense pas. Je réagissais en fait à l'idée qu'il fallait annoncer publiquement le nom des candidats au poste ouvert.
M. Joe Comartin: M. Hutchinson, là encore je suis désolé, j'essaie de deviner quel était l'essentiel de votre exposé à partir des commentaires que vous avez formulés. Manifestement, vous voulez renforcer la publicité du processus. Permettez-moi de vous poser une question précise. Dans un cas où un juge d'une juridiction inférieure — qu'il s'agisse d'un tribunal provincial ou de la Cour supérieure, qui voudrait siéger en appel — si son nom figurait sur la liste des candidats qui n'ont pas été retenus, ne craignez-vous pas que cela compromette ensuite sa capacité d'exercer ses fonctions dans son poste actuel? Cela revient à dire, ou du moins certains pourraient le penser, qu'il ne possède pas les compétences qui lui permettraient de passer à un niveau supérieur.
M. Allan Hutchinson: Je ne le pense pas. Il faut éviter le piège qui consiste à s'imaginer que le fait d'être juge est tout à fait différent de n'importe quel autre poste qui comporte de lourdes responsabilités. Je ne pense pas que ce soit le cas des juges. En fait, il serait très souhaitable de faire tomber les juges de leur piédestal.
Je comprends que certaines personnes préféreraient beaucoup que leur candidature demeure confidentielle mais je crois que l'aspect public est que les gens posent leurs candidatures et que certains n'obtiennent pas ce qu'ils demandent. Cela me paraît tout à fait approprié. Je pense, comme M. Ziegel l'a déclaré, que l'idée qu'il faut protéger les juges — qu'ils sont très fragiles, ou que les gens qui voudraient poser leur candidature ne le feront pas — je ne pense pas que ce soit le cas. J'estime que si nous procédons à l'évaluation rigoureuse de nos juges, la population sera en mesure de constater qu'ils font un travail très difficile et très spécialisé, et cela sera bon pour tout le monde.
Mon hypothèse de départ est qu'il faut toujours éviter d'entourer les choses de mystère, en particulier si l'on pense au fait que les juges en poste bénéficient d'une excellente protection. Je ne crois pas qu'il existe un groupe mieux protégé que les juges. Nous ne devrions donc pas avoir peur de les soumettre à un examen assez rigoureux.
M. Joe Comartin: Je voudrais poursuivre là-dessus. M. Ziegel, j'aimerais également avoir vos commentaires sur cet aspect.
En ce qui concerne un processus d'évaluation qui serait permanent — et lorsque j'étais à l'université, je faisais partie d'un groupe qui a obligé l'université à adopter ce principe pour toutes les facultés — s'il n'y a pas de sanctions, et s'il y a des juges qui ne respectent pas les normes minimales, est-ce que les députés, le gouvernement, n'ont pas le droit et la responsabilité de les révoquer pour la simple raison qu'ils ne possèdent pas les compétences suffisantes?
M. Jacob Ziegel: Excusez-moi, monsieur Comartin, mais vous soulevez là une question tout à fait différente. Nous étions en train de parler des nominations à la magistrature. La question de la révocation est tout à fait différente; c'est une question beaucoup plus délicate.
Comme vous le savez, aux termes de la Constitution canadienne, la révocation d'un juge d'une Cour supérieure — c'est-à-dire, d'un juge nommé par le gouvernement fédéral — est un processus extrêmement complexe, ce qui est tout à fait justifié si l'on veut préserver l'indépendance de la magistrature. Ce principe n'est pas constitutionnellement reconnu au palier provincial, mais en fait les lois provinciales qui prévoient la révocation d'un juge sont tout aussi exigeantes. Les juges sont révoqués non pas parce qu'ils ont des lacunes sur le plan professionnel; ils sont révoqués en cas d'inconduite. Pour en revenir à la question de savoir s'il ne devrait pas y avoir un système permettant d'évaluer le rendement des juges, je serais en faveur d'un tel système mais pas dans le but de révoquer les juges. En fait, je serais prêt à suivre ce qui se fait en Angleterre. Vous avez fourni une excellente introduction.
En Angleterre, on utilise un système de nominations judiciaires avec probation. Ce système existe depuis plus d'un siècle. Cela veut dire que les membres du Barreau qui souhaitent faire carrière dans la magistrature exercent les fonctions d'arrêtistes ou d'arrêtistes adjoints, ou ce qu'ils appellent juges adjoints, à la haute cour en faisant des stages répartis sur un an. Le gouvernement n'est pas tenu de leur offrir un poste permanent. Les candidats ne sont pas tenus de demander un poste permanent dans la magistrature. Cela donne simplement aux intéressés la possibilité d'évaluer un candidat à la magistrature et à celui-ci de décider si la vie de magistrat lui plaît et pour le gouvernement, si le candidat sera un bon juge.
Les Anglais utilisent ce système depuis des années. D'après ce que je sais, ce système donne d'excellents résultats mais il a néanmoins suscité certaines controverses. Certains estiment qu'ils portent les candidats, en particulier lorsqu'ils siègent sur une juridiction pénale, à rendre des jugements favorables à la Couronne. Je ne pense pas que cela se produise en pratique, mais certains ont exprimé cette préoccupation.
Si nous voulons veiller non seulement à ce que le candidat qui obtient une excellente évaluation grâce à son dossier et à l'entrevue ait un bon rendement après sa nomination, comme nous l'espérons, alors le seul système auquel je puisse penser, à part l'adoption du système de droit civil, est le système britannique. Je ne vois pas comment, en l'absence d'un système de probation, nous pourrions pénaliser un juge après sa nomination en lui disant: « Bien, vous n'avez pas répondu à nos attentes et nous allons vous obliger à démissionner ». Cela va complètement à l'encontre du principe traditionnel de l'indépendance de la magistrature.
º (1645)
M. Joe Comartin: Permettez-moi de vous demander de réagir à cette observation. Lorsque le gouvernement NPD a pris le pouvoir en Ontario en 1990, on nous a présenté six candidats, qui étaient tous de sexe masculin et de race blanche. Nous avons refusé de les nommer, non pas parce qu'ils n'étaient pas qualifiés mais parce que nous voulions envoyer un message au comité. Nous savions qu'il y avait un certain nombre de femmes et de candidats faisant partie de minorités visibles qui avaient présenté leurs candidatures, et pour une raison que nous ignorions, n'avaient pas été retenus par le comité — et ce n'était pas une question de qualifications. Le gouvernement a voulu ainsi envoyer un message au comité.
Je vous demande s'il ne serait pas souhaitable que le gouvernement agisse de cette façon de temps en temps. Je pense que nous parlons de valeurs ici. Mais n'est-il pas souhaitable d'indiquer que le résultat final du processus de sélection, des entrevues, est tout simplement inacceptable?
M. Joseph Di Luca: Vous avez peut-être apporté une réponse à un problème qui existait à l'époque, cela est certain. Si le comité consultatif est constitué conformément à son principe fondateur, ou à un de ses principes fondateurs, à savoir que les candidats qu'il propose pour la magistrature reflètent la diversité des cultures et des sexes, alors le comité respecte son mandat et il ne serait pas utile d'apporter des correctifs de ce genre. Je pense que si les membres du comité consultatif sont choisis en fonction de ce principe directeur — et il est certain que ce devrait être un principe directeur — alors ce genre de mesure ne sera pas nécessaire. La composition du comité éviterait qu'un tel problème se pose et le ministre n'aurait pas à le régler.
M. Joe Comartin: Si je pouvais simplement répondre à votre intervention, vous dites qu'en fait la composition du comité va garantir que les candidats représenteront la diversité des cultures et des sexes que nous...
M. Joseph Di Luca: Je dirais que la composition du comité devrait refléter en partie cette diversité, tout comme les candidats recommandés. Mais à titre de principe directeur, les critères applicables aux choix des candidats à la magistrature devraient comprendre non seulement des critères relatifs aux qualités exigées d'un juge, mais également des critères relatifs à la diversité culturelle, à la diversité ethnique, à la diversité des sexes, de sorte que la liste des candidats recommandés représente davantage, je dois le dire, les personnes qui vont comparaître devant les tribunaux.
Mme Linda Rothstein: Nous sommes d'accord avec vous sur ce point, monsieur Comartin. Nous pensons qu'il faut consacrer sans doute plus de temps qu'on ne le fait au choix des membres du comité de sélection, de façon à ce que ces membres soient vraiment représentatifs de la société et qu'ils possèdent aussi les aptitudes nécessaires pour faire ce travail très difficile. Jusqu'ici, nous n'avons pas beaucoup réfléchi à la façon de veiller à ce que les membres du comité sachent comment exercer leurs fonctions. C'est une tâche très difficile dont je n'aimerais pas beaucoup me charger. Il convient de réfléchir à la façon dont les membres du comité sont choisis, pour effectivement veiller à ce qu'ils représentent la société canadienne. Les principes directeurs devront eux aussi souligner que nos juges doivent représenter l'ensemble de la société canadienne.
º (1650)
M. Joe Comartin: Le ministre a comparu devant nous ce matin. Il est en train de choisir les sept membres du comité. Deux doivent être des juges, deux doivent représenter le Barreau et l'Association du Barreau canadien et trois sont des citoyens ordinaires, même s'ils peuvent être des avocats. Il se demandait s'il ne devrait pas s'abstenir de choisir une de ces personnes et demander aux doyens des facultés de droit de la province de le faire.
Je dirais que j'ai en fait deux questions.
Premièrement, peut-on vraiment parler de neutralité et d'indépendance lorsque deux des juges ont déjà été choisis par le système — et bien souvent, par le même gouvernement — et que trois des autres membres du système actuel sont directement choisis par le gouvernement? Si nous reconnaissons qu'il y a un risque de partialité et de conflit, et d'une politisation trop grande des personnes choisies, avez-vous des suggestions au sujet de la composition du comité?
Le président: Nous aimerions avoir des réponses brèves.
M. Joe Comartin: J'aimerais obtenir des réponses détaillées.
Mme Linda Rothstein: Il est impossible de choisir des membres impartiaux — point à la ligne. Cela n'est pas possible et nous ne devrions pas essayer d'y parvenir.
Nous voulons des personnes réfléchies, ouvertes d'esprit, équitables et nous ne pouvons pas mettre de côté l'expertise qu'apportent au processus au moins deux membres de la magistrature, parce que ce sont eux, je pense, qui connaissent mieux que moi les qualités qu'il faut avoir pour être un excellent juriste. Nous ne pouvons donc pas écarter ces personnes pour la raison qu'elles ont obtenu leurs postes à la suite d'un processus qui nous paraît peut-être aujourd'hui quelque peu déficient. Je vais laisser les autres témoins répondre mais je ne pense pas que l'on puisse en faire un principe directeur.
M. Paul Monahan (vice-président, Commission d'étude, Société des plaideurs, The Advocates' Society): J'ai été membre du Comité consultatif des nominations à la magistrature à Toronto, le comité fédéral. Permettez-moi de vous dire que le changement dont parle le ministre, qu'il vienne des doyens des facultés de droit ou du Barreau, ne touche en fait que des aspects mineurs.
Je dirais simplement ceci. Lorsque vous avez franchi le Rubicon et affirmé que vous alliez utiliser un système consistant à présenter une liste de candidats pour la Cour suprême du Canada, vous avez fait un grand pas en avant, même si nous ne sommes peut-être pas d'accord sur la façon dont doit fonctionner exactement ce système.
Il y a un comité consultatif pour les juges des cours supérieures. Vous devez vous demander à quoi il sert. Pourquoi avons-nous ces comités consultatifs? Pourquoi avons-nous adopté un système basé sur une liste des candidats recommandés pour la Cour suprême du Canada? La réponse est que vous essayez, apparemment, de dépolitiser le processus. Mais si le processus que vous retenez n'est pas dépolitisé, alors vous n'avez pas été suffisamment loin. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il suffise de demander à un doyen d'une faculté de droit de faire partie de ce comité. Je pense que pour dépolitiser le processus, il faut adopter un système fondé sur l'établissement d'une liste des candidats recommandés, comme nous l'avons presque tous suggéré. Et M. Hutchinson propose des mesures encore plus audacieuses.
[Français]
Le président: Merci.
Professeur Ziegel.
[Traduction]
M. Jacob Ziegel: J'aimerais ajouter quelque chose.
J'espère que vous n'êtes pas en train d'affirmer que la présence au comité de deux juges introduit un aspect politique. Je ne le pense certainement pas.
La question posée portait sur la raison de la présence de membres de la magistrature dans ce comité. Je pense que Mme Rothstein a répondu que c'était parce qu'ils apportaient une expérience considérable et savaient ce dont ont besoin les juges, et qu'ils avaient donc un rôle important à jouer dans le processus. Faudrait-il y avoir un ou deux juges, c'est une question qui pourrait susciter un long débat. D'une façon générale, la composition idéale du comité pourrait faire l'objet, bien évidemment, d'un long débat.
Les pays de common law et les autres ont beaucoup d'expérience dans ce domaine mais n'oubliez pas que nous ne sommes pas les seuls. Le Canada n'est pas le seul pays qui tente de résoudre ces problèmes. C'est un problème général.
Les presses de l'Université de Toronto vont publier très bientôt un livre qui porte sur les aspects comparatifs des nominations à la magistrature. Il recense les méthodes très diverses que l'on utilise dans le monde entier pour nommer les juges. Il faut regretter que notre propre gouvernement n'ait même pas présenté une comparaison sérieuse entre les systèmes de nominations des juges. Nous avons toutes ces rencontres et ces discussions. Il existe de nombreuses études sur ce sujet, de sorte que ceux qui s'y intéressent vraiment ne commencent pas à zéro. S'ils le souhaitent, ils peuvent avoir accès à toute cette expérience.
[Français]
Le président: Merci.
Honorable Paul Macklin, vous avez la parole.
[Traduction]
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour parler de cette question, que nous sommes en train d'étudier.
Je crois que je réfléchis à ce que font les députés, et je dirais que, bien souvent, ce ne sont pas des experts dans le domaine qu'ils sont chargés d'examiner à un moment donné. Dans un sens, nous prononçons des jugements tous les jours lorsque nous entendons des groupes. Nous faisons de notre mieux en utilisant ce que j'appelle le bon sens, lorsque nous écoutons ceux qui viennent nous fournir des conseils et nous inciter à choisir une direction particulière en raison de leur expertise professionnelle. En fin de compte, c'est nous qui prenons la décision.
Je crois que je suis assez proche de la position de M. Comartin. Si nous allons confier cette tâche à un comité, il me paraît alors fondamental de bien réfléchir à la composition du comité et des critères qu'il sera chargé d'appliquer.
Par exemple, qui choisira les membres de ce comité? Il semble que chaque fois que l'on propose de confier au ministre la tâche de nommer quelqu'un, cela compromet l'intégrité du comité. Je ne partage pas nécessairement ce point de vue. Mais manifestement, si nous voulons que le public ait une certaine perception du processus, je crois qu'il faut nous assurer de bien comprendre ce que souhaite le public et prendre les moyens pour respecter ses attentes.
Prenons une suggestion précise, M. Hutchinson, que vous avez présentée au sujet de la diversité culturelle. Je me demande ce que serait, pour les habitants de la ville de Toronto, un comité représentatif de la diversité culturelle que l'on trouve à Toronto. Je pense que ce comité devrait comprendre un grand nombre de membres.
J'aimerais que vous me donniez quelques conseils sur la façon dont nous devrions examiner le problème de la sélection des membres du comité et du choix des critères. Je comprends que le but recherché est l'excellence mais quels sont les critères que les membres du comité devraient appliquer au cours de ce processus?
º (1655)
M. Allan Hutchinson: Il me paraît très important de ne pas dire d'un côté que nous avons d'excellents juges et de l'autre, qu'il faut respecter la diversité. Je ne pense pas que ces deux aspects soient identiques, mais ils sont étroitement reliés. Notre histoire récente, sinon notre longue histoire, aurait dû nous apprendre que ces deux aspects vont ensemble et que l'excellence est une notion très contestée, en particulier chez les avocats.
En fait, il y a une attitude très dangereuse que l'on retrouve en particulier chez les avocats et aussi peut-être chez les politiciens qui consiste à dire que l'expertise est une chose très importante parce que c'est nous qui décidons à quoi elle correspond. Je pense que vous avez posé la bonne question. Il s'agit de la légitimité de la commission ou du groupe qui sera formé.
Il me semble que nous pouvons essayer de créer des comités représentatifs. Bien sûr, ils ne le seront pas tout à fait. Aucun comité ne peut être vraiment représentatif parce qu'il existe trop de points de vue différents. Mais il me paraît important de reconnaître que c'est ce que nous visons et que la diversité n'est pas un élément distinct.
Il y a un débat en ce moment qui porte sur la question de savoir s'il convient de nommer un Autochtone au poste vacant de la Cour suprême; on parle d'identité autochtone et d'autres parlent d'excellence. Il me semble que ces deux aspects sont reliés entre eux.
Pendant très longtemps, seules les personnes qui nous ressemblaient pouvaient être « excellentes » et nous avons tenu pour acquis que nous savions mieux que les autres ce qu'était l'excellence. Nous reconnaissons aujourd'hui que les personnes qui nous ressemblent ont tendance à avoir certaines opinions sur le monde. Nous reconnaissons aujourd'hui que l'expérience vécue et le milieu socioéconomique ont un effet sur le jugement. De sorte que nous pensons que cela fait également partie de l'excellence.
Je crois qu'il faudrait considérer que la diversité fait partie du mérite et n'est pas un élément distinct. La légitimité des décisions du comité sera renforcée si celui-ci est diversifié et représentatif.
M. Jacob Ziegel: Mon opinion est légèrement différente. Je pense que M. Macklin a tout à fait raison; si l'on veut créer un comité chargé de formuler les recommandations au sujet des nominations pour les juridictions ontariennes, il est absolument impossible de s'attendre à ce que la collectivité, et tous ses groupes culturels, y soient vraiment représentés. Il y a je crois 60 à 70 groupes culturels dans la communauté urbaine de Toronto et à peu près le même nombre à Montréal. Bien évidemment, il faudra faire des compromis.
N'oublions pas que les décisions des tribunaux reposent sur un certain nombre d'éléments. Il y a les précédents. Il y a les lois. Les jugements comportent souvent un élément discrétionnaire, qui est quelquefois très important, mais dans la plupart des cas, comme Mme Rothstein l'a fait remarquer il y a un instant, les juges ne disposent pas d'une très grande latitude lorsqu'ils doivent se prononcer. Même lorsqu'ils exercent des pouvoirs discrétionnaires, on constate que leur formation et leur origine influencent très peu leurs décisions. S'ils ont à se prononcer, par exemple, sur la responsabilité d'un médecin, il arrive que certaines qualités personnelles des juges influencent leur décision sur la question de la responsabilité. Il est très rare que la décision soit influencée par le fait que le juge est juif, catholique ou protestant, ou qu'il vienne du Moyen ou de l'Extrême-Orient. Les jugements sont beaucoup plus fréquemment influencés par les caractéristiques personnelles du juge.
Il ne faut donc pas exagérer. Ce serait, je crois, mal servir la magistrature et les comités de sélection de laisser entendre qu'il faut absolument tenir compte des origines ethniques de chaque candidat et de sa représentativité par rapport à la diversité culturelle. J'estime qu'il ne faut pas exagérer. Il suffit que les membres du comité examinent honnêtement ces aspects.
Comme j'ai essayé de le souligner à plusieurs reprises depuis que je m'intéresse à la question des nominations à la magistrature, il faut commencer par demander au conseil des ministres de ne plus s'occuper de ces choses. Lorsque nous aurons obtenu cette concession, nous pourrons alors nous occuper des autres questions, qui ne sont pas vraiment secondaires, mais qui vont se poser avec une vigueur nouvelle lorsqu'il sera accepté que le conseil des ministres n'a pas le dernier mot, et que celui-ci sera accordé à une autre instance.
Je reconnais que lorsque nous en serons arrivés là, il faudra répondre à des questions très importantes qui touchent la structure. Permettez-moi tout de même de vous rappeler que ce genre de question se pose tous les jours dans toutes sortes d'institutions — chaque fois que l'université nomme un président, chaque fois que l'université nomme le doyen d'une faculté. Ce sont là des questions importantes. Cela fait longtemps qu'il y a des comités de nomination. Ce n'est pas une tâche nouvelle. Et oui, c'est un système imparfait, mais nous avons appris quelque chose grâce à lui et j'aime à penser que nous pourrions faire la même chose dans le cas des nominations à la magistrature. Nous apprendrons à mesure, ce qui est d'ailleurs tout à fait conforme à la façon dont fonctionne la common law.
» (1700)
L'hon. Paul Harold Macklin: Je n'ai pas obtenu grand-chose avec ma demande de critères.
Mme Linda Rothstein: Permettez-moi d'intervenir, si vous le voulez bien.
Si on examine les critères de nomination prévus par le système ontarien, que nous avons inclus dans une annexe de notre mémoire... C'est l'onglet 2 de mon classeur. Je ne sais pas si votre document comporte des onglets, mais après la page de signature...
M. Joe Comartin: Monsieur le président, ces documents ne sont pas joints au mémoire.
Mme Linda Rothstein: Permettez-moi alors de vous fournir l'adresse d'un site Web: http://www.ontariocourts.on.ca/judicial_appointments/index.htm. Si vous vous rendez sur ce site, je suis sûre que vous allez trouver ça. Il existe sur ce site des critères de nomination qui sont décrits de façon détaillée et qui, à mon sens, sont beaucoup plus précis que les lignes directrices fédérales actuelles. Ces critères comprennent la nécessité d'avoir un haut niveau de réussite professionnelle, ce qui, croyez-le ou non, est assez facile à mesurer, la participation à des activités professionnelles qui permettent de se tenir au courant de l'évolution du droit, là encore, cela peut être mesuré assez facilement, le fait d'avoir des dispositions pour les volets administratifs des attributions d'un juge, ce qui est peut-être plus difficile à évaluer, évidemment, la capacité de bien écrire et de bien communiquer, un engagement envers la fonction publique, et il y en a d'autres. Ces critères sont énumérés et définis. Il y en a une quinzaine.
Bien sûr, je ne propose pas d'utiliser ce modèle tel quel pour les nominations à la Cour supérieure mais en prenant le temps d'y réfléchir, il me paraît possible d'élaborer à partir de lui une longue liste des critères associés à l'excellence.
L'hon. Paul Harold Macklin: Après avoir entendu ces quelques critères, je me demande si le fait d'avoir des juges et des avocats à ce comité n'a pas pour effet d'isoler le citoyen qui n'est pas avocat ou l'avocat qui ne pratique pas, puisque en fait leur apport n'est pas aussi important ou utile que celui des autres? A-t-on constaté ce genre de chose en pratique? Évidemment, ce serait là un motif de préoccupation.
M. Paul Monahan: J'ai fait partie du comité, tout comme l'honorable député. De toute façon, je dirais tout d'abord, sans parler du caractère confidentiel des délibérations de ces comités, qu'il n'y a qu'un juge qui siège à ces comités. Il n'y en a pas deux. Il y a un juge, trois citoyens et trois avocats.
Inévitablement, les avocats et les juges ont tendance à influencer davantage l'évaluation, pour la principale raison qu'ils connaissent le candidat. Ils le connaissent parfois personnellement, ils ont parlé à quelqu'un qui le connaît, mais ils le connaissent. Le simple citoyen s'en remet inévitablement à l'opinion des juges et des avocats — ce n'est pas toujours le cas — mais ça ne veut pas dire que ces citoyens n'apportent pas une contribution; je pense qu'ils le font. Il me paraît quand même difficile de demander à un citoyen de procéder à des nominations à la magistrature et de le faire siéger à un comité avec un groupe de juges et d'avocats. Cela me paraît difficile. Ce n'est pas parfait, mais cela ne veut pas dire que les citoyens n'apportent pas quelque chose. Je pense qu'ils le font.
» (1705)
L'hon. Paul Harold Macklin: Pouvez-vous mentionner un système utilisé actuellement — vous avez parlé de l'Ontario — dans un autre pays et dire qu'il existe un meilleur système ailleurs?
M. Ziegel, pensiez-vous, lorsque vous avez parlé de la Grande-Bretagne, qu'il existe d'autres systèmes qui mériteraient d'être examinés?
Est-ce qu'un des témoins connaît un système qui serait très supérieur au processus que nous utilisons actuellement?
M. Jacob Ziegel: Je n'ai pas une expérience directe du système britannique. Ce sont des confrères de ce pays qui m'en ont parlé.
Je crois effectivement que, pour ce qui est des nominations aux juridictions inférieures — et j'insiste, les juridictions inférieures — les Britanniques sont beaucoup plus avancés que nous, parce qu'ils ont recours à des psychologues et qu'ils consacrent une semaine entière à l'examen des caractéristiques personnelles des candidats. Cela ne se fait pas uniquement pour la nomination à la magistrature; ce système est également utilisé pour les nominations des membres des commissions qui exercent des fonctions quasi judiciaires.
Comme je l'ai dit plus tôt, si le ministère de la Justice avait effectué ce genre d'enquête, avait publié un rapport... Je souligne encore une fois que nous avons absolument besoin au Canada de rapports qui traitent de l'expérience dans d'autres pays, qui examinent ouvertement les critiques lancés à l'égard du système actuel, et qui n'adoptent pas toujours une attitude défensive à ce sujet, celle qu'ont adoptée tous les ministres de la Justice qui se sont succédé. Tant que nous persisterons à dire que nous avons les meilleurs juges au monde, nous ne serons jamais convaincus qu'il faut améliorer le système actuel, et nous ne cherchons pas à savoir ce qui se fait ailleurs.
Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de l'expérience britannique. Ils pourraient certainement apprendre eux aussi certaines choses de notre expérience mais ils en sont arrivés à un point où ils sont beaucoup plus ouverts, beaucoup plus explicites et compréhensifs.
J'aimerais ajouter une autre chose. Il y a quelques mois, un de mes amis a été nommé à la Commission d'appel de l'immigration. Il m'a décrit par la suite le genre d'exercices qu'on lui a demandé de faire. J'ai été très étonné. Il s'agissait d'un simple poste au sein d'une commission d'appel, et non pas d'un poste de juge d'une juridiction, et pourtant ils lui ont fait passer toutes sortes d'examens. Il a dû passer un examen avant d'être nommé. Cela ne s'est jamais fait dans le monde judiciaire.
On considère même que l'idée de faire passer des entrevues aux candidats à une juridiction supérieure est une nouveauté, une mesure radicale et même inacceptable. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on s'oppose à ce que les candidats passent des entrevues. Il est inconcevable dans une université que l'on puisse nommer un président, un vice-président ou même un professeur, sans que le candidat passe une entrevue, au cours de laquelle il doit présenter quelque chose.
Ces étapes nous paraissent tout à fait naturelles mais dans le monde judiciaire, on les considère comme radicales, révolutionnaires et susceptibles de discréditer les nouveaux membres de la magistrature.
C'est la raison pour laquelle j'affirme que nous devrions être beaucoup plus ouverts et explicites lorsque nous parlons de ces questions.
Le président: Merci, monsieur. Merci, monsieur Macklin.
Monsieur Warawa.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus. Je vous prie d'excuser mon retard. Je m'étais engagé à participer à une conférence téléphonique.
J'ai apprécié les commentaires de Mme Rothstein et je crois avoir déjà entendu M. Di Luca comme témoin, je vous remercie donc tous deux d'être venus.
Je ne suis pas avocat, et mes questions vont donc être posées d'un autre point de vue. La plupart des Canadiens estiment qu'il est très important que le principe de légalité soit respecté si l'on veut que la société fonctionne correctement. Il me paraît également très important que le processus de nomination soit perçu comme étant équitable et non comme une nomination partisane marquée par le favoritisme.
Voici ma première question. Le ministre de la Justice propose un système dans lequel il établirait une première liste, il transmettrait cette liste au comité, qui établirait une liste des candidats recommandés, la décision définitive étant prise ensuite par le ministre de la Justice. Si c'est lui qui établit la première liste et qui choisit un des candidats recommandés, cela veut dire qu'il a le dernier mot. Pourrais-je avoir des commentaires sur cet aspect?
Encore une fois, si l'on se place du point de vue du public, en tenant pour acquis que nous voulons choisir les meilleurs juges, pensez-vous que le système proposé par le ministère de la Justice permettra de réaliser cet objectif en supprimant tout aspect partisan?
» (1710)
M. Joseph Di Luca: Pour ce qui est de la position du ministre, je pense que ce système ne permettra pas d'atteindre l'objectif recherché. Notre organisation estime qu'il faudrait solliciter les candidatures en plaçant des annonces générales. Il faudrait afficher des offres d'emplois et montrer au public que ces emplois sont affichés et que les demandes de candidature sont transmises à un comité indépendant, qui les examine, dans le cadre d'un processus défini, pour en arriver finalement à une décision.
À mon sens, c'est une façon de faire qui montre bien que le processus est distinct du processus politique. Par contre, si quelqu'un est nommé juge parce que le mois précédent quelqu'un lui a tapé sur l'épaule au cours d'une réception et lui a dit que ce serait le moment de présenter sa candidature, cela à mon avis nuit à la transparence, au caractère équitable et ouvert du processus, éléments qui doivent être présents pour que le public ait confiance dans ce genre de processus.
M. Jacob Ziegel: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je n'étais pas ici ce matin; je n'ai donc pas entendu ce qu'a dit le ministre. Cela me paraît un système très partisan et tout à fait incompatible avec le système ouvert et transparent que nous essayons de mettre en place. Il consiste à remettre entre les mains des personnes qui ont abusé du système dans le passé la sélection initiale et la sélection définitive. Ce système privilégie le rôle du ministre de la Justice et du gouvernement au pouvoir, ce qui est incompatible, d'après moi, avec le principe de légalité. J'y suis donc tout à fait opposé.
Mme Linda Rothstein: Moi aussi.
Je crois comprendre que le système que vous avez décrit est le plan révisé pour les nominations à la Cour suprême du Canada mais le système applicable à la Cour supérieure et à la Cour fédérale sont, comme je l'ai décrit, des systèmes où le ministre reçoit une liste des candidats recommandés et hautement recommandés, une liste qui peut comporter un bon nombre de noms. Et pour les raisons que nous avons exposées en détail, nous considérons que ces deux systèmes ne permettent pas de dépolitiser suffisamment le processus.
M. Mark Warawa: Très bien. Merci.
J'avais une autre question...
M. Jacob Ziegel: Excusez-moi, quelqu'un pourrait-il préciser, si au moment où le ministre a pris la parole devant vous ce matin, il parlait de la méthode de sélection pour combler le poste vacant de la Cour suprême ou s'il parlait du mandat du comité?
Le président: Non, ce n'était pas pour la Cour suprême; c'était pour le comité. Cela visait tous les autres juges nommés par le gouvernement fédéral mais pas ceux de la Cour suprême.
M. Jacob Ziegel: Il a en fait proposé d'établir une liste et de la transmettre ensuite?
Le président: Non, ce n'est pas ce qu'il a fait.
M. Jacob Ziegel: Non, je vois. Je suis désolé. Il y a donc une certaine confusion. Vous faites en réalité référence au système de sélection des juges de la Cour suprême. Voilà qui est fort différent et je n'ai pas changé d'opinion; je m'oppose également à ce système.
M. Mark Warawa: J'aime bien me rendre dans une salle d'audience et écouter les arguments présentés et je trouve tout à fait fascinant de me mettre à la place du juge, d'essayer de découvrir la vérité et de rendre un jugement équitable, qui soit conforme aux lois du Canada. C'est une tâche très difficile et j'apprécie beaucoup le travail qu'accomplit le juge. Il arrive également de lire parfois dans le journal qu'un juge a rendu une décision qui ne plaît pas du tout à la collectivité.
Lorsque vous évaluez les différents candidats, tenez-vous compte des jugements que le candidat a prononcés si c'est un juge?
Mme Linda Rothstein: Je vais demander à M. Monahan de vous parler de cela — en fait, non, parce qu'il n'a jamais eu l'occasion de le faire.
Le fait est qu'actuellement, le juge en exercice qui souhaite siéger à la Cour d'appel ne fait pas l'objet d'une évaluation. On ne procède pas de cette façon. D'après ce que nous savons, il s'agit d'un processus « discrétionnaire » et officieux qui relève uniquement du ministre et de ses collaborateurs. De sorte que peu importe qu'un juge de première instance rende de bonnes décisions ou de mauvaises décisions, nous ne savons pas sur quoi porte ce processus.
Nous estimons qu'il faudrait mettre sur pied un mécanisme qui prévoie la présentation d'une demande et l'évaluation des candidats. Il me paraîtrait naturel que si l'on mettait en place un mécanisme d'évaluation pour les juges en exercice, par définition, un des éléments que les conseillers ou les membres du comité examineraient pour décider s'il y a lieu de nommer ce juge à une juridiction supérieure est la qualité de ses jugements. Cela permettrait de juger de nombreux aspects pertinents — sa capacité de rédaction, son sens de la décision, entre autres. Bien sûr, il y aurait des zones grises — à savoir si les membres du comité partagent son opinion. Cela est beaucoup plus difficile; il n'est pas facile d'évaluer les candidats. Mais par définition, il faudrait au moins commencer par lire les jugements des candidats.
» (1715)
M. Joseph Di Luca: Les jugements ne seraient pas évalués en fonction de leur popularité mais plutôt en fonction de leur qualité. S'il s'agit d'un jugement qui fait autorité, qui est accepté au palier provincial ou national comme la reformulation du droit ou d'un principe, voilà qui montre que c'est un bon jugement. Le fait que le jugement ait été applaudi dans la salle de presse n'est pas forcément une preuve de qualité. Un jugement peut être tout à fait impopulaire mais courageux. C'est la raison pour laquelle les jugements ne sont pas évalués en fonction de l'approbation qu'ils suscitent dans la population.
M. Mark Warawa: Je partage ce point de vue.
Voici ma dernière question, monsieur Ziegel. Vous avez dit qu'en Grande-Bretagne, on procédait à un examen psychologique. Cela me paraît une excellente idée. J'aimerais avoir les commentaires des autres témoins, parce que cela fait partie des critères.
Mme Linda Rothstein: Je ne connais pas cette aspect. Je voudrais être convaincue qu'il existe des moyens d'apprécier l'aptitude à juger des candidat, et j'aimerais savoir s'il existe des preuves qui montrent que ce genre de test est vraiment utile. Je sais qu'il y a eu toutes sortes de processus d'embauche où l'on utilise des tests psychologiques, mais ce n'est pas toujours très constructif, d'après ce qu'on m'a dit.
Nous n'avons pas de position sur cette question pour le moment.
M. Jacob Ziegel: Je ne suis pas psychologue et je ne prétends pas connaître quoi que ce soit à la valeur et à l'efficacité des tests psychologiques que l'on fait passer aux candidats à la magistrature. Mais je vais vous soumettre un cas qui se trouve devant les tribunaux. Il s'agit d'une personne qui a été nommée par le gouvernement Trudeau. Il semble, ou c'est du moins ce qu'on prétend, qu'il a de gros préjugés contre la Couronne — c'est du moins ce que la Cour d'appel de l'Ontario a pensé à quelques reprises. En fait, celle-ci a formulé quelques commentaires très mordants au sujet de la conduite que le juge a eue dans une affaire de meurtre particulière. Cela a suscité un tel embarras que le procureur général de l'Ontario a écrit au Conseil canadien de la magistrature pour demander que l'aptitude de ce juge à siéger fasse l'objet d'un nouvel examen. C'est un cas extrême. Comme je l'ai dit, il avait été nommé par un autre gouvernement, avant que le système actuel ne soit mis en place, de sorte que cela ne permet pas de juger le système actuel.
J'ai mentionné cette affaire parce que j'ai pensé que, si quelqu'un avait examiné la personnalité de cette personne, on aurait peut-être pu découvrir que ce candidat avait de forts préjugés. Les évaluateurs auraient pu dire : « C'est un bon gars, un très bon politicien et il serait très bon pour les affaires civiles mais par contre... C'est peut-être en raison d'une expérience qu'il a eue quand il était jeune qu'il a eu ce fort préjugé contre la police ou contre la Couronne. Nous devrions peut-être tenir compte de cet aspect pour évaluer ses compétences. »
Il arrive d'entendre parler de quelqu'un qui a une grande intelligence mais qui a un très mauvais caractère, qu'il arrive normalement à contrôler mais qui surgit de temps en temps. Cet aspect ne ressort pas toujours au cours d'une entrevue, mais il serait possible qu'un psychologue s'en rende compte. Je ne fais qu'exprimer une hypothèse mais je crois qu'il n'y aurait pas de psychologue si ces spécialistes n'étaient pas en mesure d'utiliser certaines compétences que ne possèdent pas les membres des autres professions libérales.
Je ne faisais que décrire ce qui se fait en Angleterre; je ne dis pas que je suis nécessairement en faveur d'un tel système. Je répondais à la question qu'avait posée un de vos collègues au sujet de ce que l'on pourrait apprendre de l'expérience d'autres pays. C'est la raison pour laquelle j'ai cité ce qui se faisait en Angleterre.
Le président: Merci, monsieur.
» (1720)
[Français]
Merci, monsieur Warawa.
Monsieur McGuinty, vous avez la parole.
[Traduction]
M. David McGuinty (Ottawa-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Combien de temps reste-t-il?
Le président: Neuf minutes.
M. David McGuinty: Merci à tous d'être venus cet après-midi.
J'aimerais poser rapidement quelques questions. Je ne veux pas vous brusquer mais nous n'avons pas beaucoup de temps.
Monsieur Ziegel, j'ai lu, relu et encore relu votre mémoire. Au paragraphe 8 vous citez — et je crois que je les qualifierais de la même façon, même si je les trouve particulièrement choquants — des reportages irréfutés, selon lesquels près de la moitié des 20 avocats ayant travaillé pour le Parti libéral au Québec lors de la campagne électorale de 2000 ont par la suite été nommés à la magistrature par le gouvernement Chrétien; et vous citez le Globe and Mail. Cela veut dire que plus de la moitié d'entre eux n'ont pas été nommés. Vous dites que 60 p. 100 des 93 avocats ayant été nommés juges d'une Cour supérieure provinciale par le gouvernement libéral depuis 2000 avaient versé des dons politiques exclusivement au Parti libéral, ce qui veut dire que 40 p. 100 d'entre eux avaient peut-être fait des dons à un autre parti ou n'avaient fait aucun don.
J'aimerais parler de vos commentaires au sujet des préjugés. Vous avez cité il y a un moment un collègue qui avait été nommé à la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés. C'est un cas où le gouvernement a en fait accordé au président de la CISR le pouvoir de faire passer des examens écrits aux candidats, de les interroger en personne et de remettre au ministre une liste alphabétique comprenant cinq noms parmi lesquels il doit choisir. À partir de ce moment-là, le ministre de l'Immigration ne peut ajouter de noms à la liste et doit choisir quelqu'un dans cette liste alphabétique. J'ai également entendu dire par des personnes qui travaillaient pour la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés que le processus combinant un examen et une entrevue avait pour but d'éliminer les personnes qui ont travaillé pour un parti politique.
Si nous voulons parler de préjugés, j'aimerais vous demander ce que vous entendez par préjugés et activités politiques, parce qu'aucun de nous ne serait ici, comme je l'ai dit hier à d'autres intervenants, sans l'appui des bénévoles, des donateurs et des gens qui mettent des affiches sur les pelouses, qui aident à l'élaboration des politiques et qui lèvent des fonds. Pensez-vous, ou y a-t-il un témoin ici qui pense, que nous devrions supprimer complètement toute participation à des activités politiques? Devrions-nous dire dès leur arrivée aux diplômés des facultés de droit, que nous formons à vitesse grand V dans cette province de l'Ontario, que s'ils envisagent à un moment donné de faire partie de la magistrature, ils devraient s'abstenir de toute activité politique?
M. Jacob Ziegel: Absolument pas. C'est une question qui a déjà été soulevée plusieurs fois. J'espère que ma position est parfaitement claire. Non, le fait d'avoir été actif en politique ne devrait pas être un empêchement; bien au contraire. J'ai dit par écrit à plusieurs reprises que ce ne devrait pas être la raison pour laquelle on nomme quelqu'un. Voilà comment je comprends le favoritisme: c'est le fait de nommer une personne non pas parce qu'elle a été active en politique ou connaît un ministre mais principalement à cause de ses activités politiques ou de ses relations politiques. C'est une différence énorme.
Je suis heureux de voir des juges qui ont l'expérience de la politique. Je suis tout à fait en faveur de cela. Cela peut être extrêmement utile dans certains cas mais, permettez-moi de vous dire que ce n'est pas ce dont nous parlons en ce moment. J'ai cité le Globe and Mail qui a publié un article à ce sujet. Je l'ai cité. Cela ne reflétait pas nécessairement mes opinions. Je voulais simplement montrer l'importance du rôle que joue le favoritisme, ou l'opinion du candidat sur l'importance du favoritisme, dans le comportement du candidat.
M. David McGuinty: Puis-je poser une autre question précise aux témoins? Dans le processus d'entrevue provincial, savez-vous si l'on pose des questions au sujet des activités politiques des candidats?
Mme Linda Rothstein: Malheureusement, je l'ignore, monsieur McGuinty. Je pense qu'on ne pose pas ce genre de questions et qu'on essaie de ne pas tenir compte de l'affiliation politique des candidats. Voilà ce que je pense mais c'est une simple opinion.
M. David McGuinty: Troisième question: y a-t-il un obstacle constitutionnel à revoir la durée du mandat des juges, pour, par exemple, le limiter à dix ans?
Mme Linda Rothstein: Je pense que l'on peut dire qu'il y en a. Il y a toute la jurisprudence sur l'indépendance de la magistrature, qui est encore en évolution mais qui vise à protéger l'inamovibilité des juges, un aspect essentiel de leur indépendance.
Je peux vous dire, pour avoir beaucoup travaillé non pas simplement avec des juges mais avec d'autres décideurs dans d'autres instances — et par là je veux dire les tribunaux administratifs — qui sont nommés pour une durée limitée, que ces personnes affirment toutes que la principale chose qui s'oppose à ce qu'ils fassent une longue carrière fructueuse au service du public dans une instance administrative est bien souvent la durée limitée de leur mandat. Ils craignent souvent que cet aspect compromette gravement leur indépendance.
C'est donc une question très controversée qu'il faudrait examiner en détail.
» (1725)
M. David McGuinty: Il y a donc des obstacles constitutionnels qui empêcheraient de nommer les juges pour un mandat d'une durée fixe.
Mme Linda Rothstein: Je pense qu'il y en a.
M. Jacob Ziegel: Je n'ai pas tout à fait la même opinion. Tout d'abord, parlons de ce que prévoit la Constitution canadienne actuelle. Elle consacre uniquement l'inamovibilité des juges des cours supérieures; elle précise qu'ils doivent prendre leur retraite à 75 ans. L'âge de la retraite a été imposé au cours des années 1950, au moment où la Constitution a été modifiée. Cela fait partie de la Constitution canadienne.
Il n'existe aucune disposition qui garantisse l'inamovibilité des juges des tribunaux judiciaires, en particulier au palier provincial. À première vue, je ne vois en théorie aucun empêchement constitutionnel à ce que les nominations soient pour une durée de dix ans ou pour la durée que l'on estime appropriée. Par contre, il conviendrait de se demander si cela serait souhaitable.
Mme Rothstein a soulevé la question des nominations des membres des offices administratifs. Je pense qu'il est courant dans les pays de common law de nommer ces personnes pour une durée limitée. Je pense qu'un tel système comporte des forces et des faiblesses. Je ne suis pas disposé à affirmer que les mandats de durée limitée comportent tellement de désavantages que nous devrions cesser de les utiliser. Si j'étais obligé de faire un choix, je dirais qu'il faut les préserver. Aux États-Unis, par exemple, les juges des cours de faillite ne sont nommés que pour un mandat maximum de 15 ans je crois, et cela est appliqué depuis très longtemps. Cela semble donner de bons résultats; il ne semble pas manquer de candidats.
Mais je ne pense pas que les nominations pour une durée limitée remplacent la nécessité de nommer les meilleurs candidats au départ. C'est là une des lacunes de ce système. Bien évidemment, on peut se dire et bien, j'ai fait une mauvaise nomination, mais cette personne ne va pas siéger pendant 50 ans; dans 10 ans elle ne sera plus là. Cela me paraît être une mauvaise façon de contourner un système qui vise à assurer dès le départ la nomination des meilleurs candidats.
M. David McGuinty: Enfin, existe-t-il au Canada une étude générale de science politique portant sur la nomination des juges aux paliers provincial et fédéral et ses liens avec la politique? Par exemple, depuis combien de temps le Parti progressiste-conservateur est-il au pouvoir en Alberta? Cinquante ans? Existe-t-il une étude du processus de nomination des juges ou des liens avec la politique dans cette province? Que s'est-il passé sous le règne du Parti Québécois au Québec de 1976 à...? Ces aspects ont-ils été analysés?
Je crains toujours un peu que l'on présente comme des preuves des cas exceptionnels, un peu comme ces feux qui se déclenchent soudainement quand on fait un barbecue. Existe-t-il une recherche solide qui permettrait aux membres du comité de savoir quelles sont les tendances dans ce domaine?
M. Jacob Ziegel: Oui, il y a plusieurs études; elles ne sont pas aussi complètes que vous le souhaitez. Je sais que certains chercheurs de l'Université de Montréal ont effectué des études dans les années soixante sur les nominations au Québec. M. Russell et moi avons collaboré à une étude que nous avons faite à la fin des années 1980 sur les nominations effectuées par le gouvernement Mulroney. Cette étude a été publiée; j'y fais référence dans une note de mon mémoire.
Je sais qu'il y a eu également des études dans l'Ouest. Ce ne sont pas des études nationales, parce qu'il faut beaucoup d'argent pour faire ce genre d'études, mais il existe effectivement des études de portée plus limitée. Elles confirment la plupart des choses que nous venons de dire au sujet des lacunes et des graves faiblesses du système des nominations politiques.
M. David McGuinty: Je vous remercie.
Le président: Merci aux témoins d'être venus.
Chers collègues, je vous demande de rester 30 secondes après le départ des témoins. Je vous promets d'être bref.
M. Richard Marceau: [La séance se poursuit à huis clos.]