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Monsieur le Président, je suis heureux de parler de la motion concernant le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Le projet de loi C-17 traite d'une question qui préoccupe un grand nombre de Canadiens, à savoir la réforme de la loi sur le cannabis. C'est également une question qui demeure une priorité pour le gouvernement, priorité que le premier ministre a évoquée dans sa déclaration, l'été dernier, lorsqu'il a dit que le gouvernement présenterait ce projet de loi de nouveau au Parlement.
Beaucoup de Canadiens estiment que la stigmatisation découlant d'une condamnation au criminel l'emporte sur les méfaits éventuels de l'utilisation du cannabis. Ils voudraient que les conséquences sociales négatives de cette condamnation soient réduites.
Selon des sondages d'opinion publique, une majorité de Canadiens sont en faveur de la suppression des sanctions pénales pour possession de petites quantités de cannabis à des fins d'utilisation personnelle. Un sondage Gallup réalisé en 2002 a révélé que 77 p. 100 des Canadiens sont de cet avis; 37 p. 100 d'entre eux estiment que la possession de cannabis devrait être légalisée et 40 p. 100 ont répondu que la seule peine imposée pour cette infraction devrait être une amende.
Des préoccupations ont également été exprimées au sujet de l'application injuste et inégale de la loi. Les activités des corps policiers et des tribunaux concernant l'infraction de possession de cannabis varient considérablement d'une région à l'autre.
Dans certaines parties du pays, il est fréquent que les délinquant ne reçoivent pas plus qu'un avertissement verbal; s'ils sont inculpés et traduits devant les tribunaux, ils vont vraisemblablement obtenir une libération conditionnelle ou même inconditionnelle. Dans d'autres parties du Canada, il y davantage de chances qu'un délinquant soit inculpé et, s'il est condamné, il se verra probablement imposer une amende ou une peine plus sévère.
Je crois que, compte tenu de l'opinion actuelle de nombreux Canadiens à propos de cette question, le moment est venu de réformer notre législation relative au cannabis. Il incombe au gouvernement, face aux Canadiens, de s'adapter à ces préoccupations d'aujourd'hui et d'en tenir compte. Avec ce projet de loi, notre loi sur les drogues sera réformée de manière à refléter la réalité canadienne.
Les Canadiens sont d'avis que des mesures de rechange, comme des amendes, sont davantage appropriées que des condamnations criminelles pour la possession de petites quantités de cannabis. Le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a commandé une étude qualitative des attitudes des Canadiens à l'égard du cannabis. Cette étude a révélé que la plupart des Canadiens ne s'inquiètent pas de la consommation occasionnelle de cannabis à des fins récréatives et sont favorables à des mesures de rechange pour traiter la possession de petites quantités de cannabis.
Un sondage Decima réalisé en septembre 2003 a montré qu'une majorité de Canadiens étaient en faveur de la décriminalisation de la marijuana, tandis qu'un nombre considérable de nos compatriotes estimaient qu'elle devrait être complètement légalisée.
[Français]
Deux comités parlementaires ont effectué une recherche considérable et ont entendu de nombreux témoins au sujet des lois canadiennes relatives aux drogues. En septembre 2002, le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a déposé son rapport final, dans lequel il recommandait la légalisation réglementée du cannabis. Le Comité spécial de la Chambre des communes sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments recommandait, dans son rapport déposé le 12 décembre 2002, d'élaborer une stratégie globale visant à décriminaliser la possession et la culture du cannabis pour des quantités d'au plus 30 grammes destinées à un usage personnel.
Dans le discours du Trône de septembre 2002, le gouvernement s'est engagé « à agir en s'appuyant sur les consultations parlementaires menées auprès des Canadiens au sujet des possibilités de changement aux lois sur les stupéfiants, y compris celle de décriminaliser la possession de marijuana ».
[Traduction]
Les Canadiens s'inquiètent aussi de la prolifération des activités commerciales de production de cannabis ou marijuana. Cette question est également devenue un problème grave sur le plan de l'application de la loi. Ces préoccupations sont liées à l'implication du crime organisé, aux risques que les opérations de culture dans des quartiers résidentiels font planer sur la sécurité publique, et aux menaces et à l'intimidation visant les propriétaires d'exploitations agricoles et d'autres propriétés privées où se fait la production.
La contrebande du cannabis du Canada vers les États-Unis est devenue une question de grande importance dans les relations transfrontalières en matière d'application de la loi. Même si un grand nombre de policiers et de douaniers sont affectés à la lutte contre ces activités de culture, cette action n'a pas permis de les endiguer.
Le projet de loi C-17 propose des réformes dans deux domaines, soit l'infraction de possession de petites quantité de marijuana et de résine de cannabis, et l'infraction de production ou de culture. En vertu de cette réforme proposée, des modifications seront apportées à la Loi sur les contraventions et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Dans le premier cas, la Loi sur les contraventions sera amendée de manière à permettre qu'elle s'applique aux nouvelles infractions pour possession de petites quantités de cannabis et pour la culture d'un très petit nombre de plants de cannabis.
Deuxièmement, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sera modifiée pour créer quatre nouvelles infractions visant la possession de petites quantités de cannabis, chacune étant passible d'une sanction différente: la possession d'un gramme ou moins de résine est passible d'une amende pouvant atteindre 300 dollars pour les adultes et 200 dollars pour les jeunes; la possession de 15 grammes ou moins de marijuana est passible d'une amende pouvant atteindre 150 dollars pour les adultes et 100 dollars pour les jeunes; la possession de l'une ou l'autre de ces quantités combinée à l'un des facteurs aggravants suivants--soit conduire un véhicule à moteur ou en avoir la garde ou le contrôle au moment de perpétrer un acte criminel ou être en possession de la substance dans une école ou à proximité de celle-ci--est alors passible d'une amende pouvant atteindre 400 dollars pour les adultes et jusqu'à 250 dollars pour les jeunes; et la possession de plus de 15 grammes jusqu'à 30 grammes inclusivement, serait passible d'une amende pouvant atteindre 300 dollars pour les adultes et 200 dollars pour les jeunes lorsque l'infraction est signifiée par voie de procès-verbal, ou encore passible d'un maximum de six mois d'emprisonnement et/ou d'une amende pouvant atteindre 1 000 dollars sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Pour les trois premières infractions, les autorités policières pourront seulement dresser un procès-verbal. Les agents de la paix pourront donner suite à la quatrième infraction par voie de sommation ou de procès-verbal, en fonction de leur évaluation des circonstances entourant l'infraction.
[Français]
En ce qui concerne la culture du cannabis, le projet de loi restructurerait l'infraction de production de façon à constituer les infractions suivantes: pour la production d'un à trois plants, l'infraction serait punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende de 500 $ dans le cas d'un adulte ou de 250 $ dans le cas d'un adolescent. Le contrevenant serait poursuivi exclusivement par voie de procès-verbal.
Pour la production de quatre à vingt-cinq plants, l'infraction serait punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'un emprisonnement maximal de dix-huit mois et d'une amende maximale de 25 000 $, ou de l'une de ces peines, ou cet acte criminel serait punissable d'un emprisonnement maximal de cinq ans moins un jour.
Pour la production de vingt-six à cinquante plants, l'acte criminel serait punissable d'un emprisonnement maximal de 10 ans. Finalement, pour la production de plus de cinquante plants de cannabis, l'acte criminel serait punissable d'un emprisonnement maximal de 14 ans.
[Traduction]
En vertu de la mesure législative proposée, les tribunaux devraient fournir par écrit les raisons pour lesquelles ils n'imposent pas de peine privative de liberté lorsqu'un ou plusieurs des facteurs suivants sont présents: une personne a utilisé des biens immeublesappartenant à autrui pour commettrel’infraction; l'infraction risquait de porter atteinteà la santé ou à la sécurité des enfants présentsdans le lieu où l’infraction est commise ou àproximité; l'infraction risquait de porter atteinteà la sécurité publique dans un secteurrésidentiel; et la mise par l’intéressé, dans le lieu oùl’infraction est commise ou à proximité, detrappes, d’appareils ou d’autres choses susceptiblesde causer la mort ou des lésionscorporelles à autrui.
La question de modifier notre loi sur le cannabis remonte à la Commission LeDain, au début des années 70. Les lois sur le cannabis et, plus particulièrement, l'infraction consistant à être en possession de petites quantités de cannabis ont suscité un intérêt considérable de la part du public et beaucoup de commentaires politiques.
Le gouvernement propose de régler la question par ce projet de loi. J'espère que la motion de renvoyer le projet de loi au comité avant la deuxième lecture sera appuyée par tous les députés.
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Monsieur le Président, il est regrettable que nous renvoyions le projet de loi au comité tout de suite, car il mérite un long débat à la Chambre dès le début de la deuxième lecture.
Une fois de plus, nous nous élevons aujourd'hui contre le projet de loi C-17. Il n'y a pas grand-chose qui a changé dans la position des libéraux. Avant d'accéder à son poste, le premier ministre a laissé entendre qu'il y aurait des modifications appréciables par rapport à la première version présentée à la Chambre. Il n'y en a aucune.
Je voudrais revenir sur certaines questions que mon collègue libéral a également abordées. Il a parlé de réforme des dispositions sur le cannabis. Cela ne va pas répondre aux attentes des Canadiens. Nous discutons de dépénalisation de la marijuana. Tandis que, dans nos rues, les jeunes s'adonnent au cristal méthamphétamine, au crack, à l'héroïne et à toutes sortes d'autres drogues, nous nous amusons à discuter de décriminalisation de la marijuana. Nous devrions avoir honte de ne pas nous attaquer aux vrais problèmes de toxicomanie.
Nous allons discuter des sanctions pénales et des incohérences. Le gouvernement a beau penser qu'il s'attaque à ces problèmes, il ne fait que les consacrer par ce nouveau projet de loi. Un mot de la consommation occasionnelle. Les libéraux semblent penser que 30 grammes, c'est une consommation occasionnelle. Or, cela représente entre 45 et 60 joints. On est loin de la consommation occasionnelle. S'ils voulaient vraiment proposer de décriminaliser la consommation occasionnelle, ils devraient limiter la quantité à cinq grammes, pas à 30.
Les libéraux parlent beaucoup des sondages, mais ils devraient parler de santé. Nous avons des problèmes de toxicomanie, et ils devraient parler de la jouissance de la vie. Nous ne devrions pas parler des sondages, mais de la détresse des toxicomanes.
De quoi s'agit-il ici? Le projet de loi dit que les drogues sont illicites. Il ajoute que les contrevenants, s'ils ont plus de 11 ans, n'auront pas de casier judiciaire s'ils sont trouvés en possession de 30 grammes de marijuana ou moins, ce qui représente entre 45 et 60 joints. La police aura la possibilité de porter des accusations pour possession de plus de 15 grammes. Les policiers qui patrouillent dans les rues ne vont pas le faire pour 15 grammes. En réalité, je vois pas trop comment ils pourront évaluer le contenu d'un simple sac de plastique: 15, 18, 5 ou 30 grammes? Déjà, l'une des prémisses des libéraux ne tient plus.
La marijuana est mauvaise pour la santé. J'ai une liste de ses effets nocifs, mais je souligne surtout qu'elle impose au coeur une travail additionnel. Elle entraîne des modifications du rythme cardiaque et de la pression sanguine comparables à ceux qu'on trouve chez les gens soumis à un stress intense. En ce qui concerne les poumons, la marijuana irrite deux fois plus que le tabac. De plus, elle affecte davantage les voies respiratoires supérieures et peut causer le cancer du poumon, du crâne et du cou. Il s'agit d'une substance clairement nocive pour les gens et qui, dans les faits, est pire que la cigarette.
Je travaille énormément avec les toxicomanes, un peu partout au Canada, et je reçois beaucoup de lettres. Je tiens à présenter les propos de quelques toxicomanes. Je leur ai demandé de me donner leur opinion sur le projet de loi sur la marijuana. Je ne leur ai pas mis les mots dans la bouche. Je cite quelques extraits. J'ai rencontré chacune des personnes citées, dans divers centres de désintoxication, à divers endroits au pays.
Voici l'opinion de Lance Kohler:
Je suis un exemple vivant de ce que la marijuana peut faire à un jeune comme les autres. Pour témoigner de mon expérience, je dois préciser que j'ai découvert la marijuana en 5e et 6e années et qu'en 7e année, je fumais et je buvais régulièrement. J'étais un consommateur chronique de marijuana et j'ai réussi à le cacher à ma famille. J'ai abandonné l'école en 10e année, pour gagner de l'argent pour m'acheter de la drogue. Je me suis retrouvé avec une dépendance démente au crack qui me coûtait 100 $ par jour.
Je souligne que le projet de loi dont nous sommes saisis décriminalise des actes de cette gravité.
Mike Bremnar, pour sa part, nous dit:
Je suis toxicomane depuis 20 ans. J'ai essayé presque toutes les drogues qu'on trouve dans la rue et même en pharmacie. J'avais un avenir prometteur et j'ai réussi à l'école jusqu'à ce que je fume mon premier joint. Depuis, j'ai vécu une longue descente en enfer, connu de nombreuses ruptures et n'ai pas réalisé mes rêves.
Il ne s'agit pas ici de sondages et d'enquêtes comme les libéraux le diraient. Ce sont de vraies personnes aux prises avec de vrais problèmes. Cependant, la marijuana est omniprésente. Environ 23 p. 100 des Canadiens ont essayé la marijuana une fois et cette substance ne sera pas éliminée. Dans ma région de la Colombie-Britannique, elle est très présente.
Que pouvons-nous faire alors? Le gouvernement suggère de punir la possession de un à quinze grammes par des amendes, 150 $ pour les adultes et 100 $ pour les jeunes âgés de 12 à 18 ans. Comment pense-t-il pouvoir trouver un jeune de 12 ans en sixième année, je n'en ai aucune idée. Le ministère de la Justice ne nous l'a pas encore expliqué. La possession de 15 à 30 grammes entraînera une amende de 300 $, mais là encore les jeunes ont droit à un rabais: ils ne paieront que 200 $ ou feront l'objet d'une sommation, à la discrétion de la police. La possession de plus de 30 grammes demeure un acte criminel.
En ce qui a trait à la culture de la marijuana, le projet de loi prévoit des amendes allant de 100 $ à 300 $. Je viens de m'entretenir avec l'un des chefs de police supérieurs du Canada. Il dit qu'un plant de marijuana de six pieds de hauteur vaut 3 000 $ et qu'un plant de trois pouces ne vaut rien. Pourtant, les libéraux sont d'avis que si une personne est en possession de un, deux ou trois plants, cette personne recevra une amende de 500 dollars. On est en droit de se demander d'où le gouvernement sort ses chiffres. La réalité de la rue n'a rien à voir avec ce qui est présenté à la Chambre des communes.
Voici ce dont le projet de loi ne tient pas compte. J'aimerais bien pouvoir vous montrer à quoi ressemblent 30 grammes de marijuana, mais je ne le peux malheureusement pas. La valeur de revente de 30 grammes de marijuana est d'environ 300 $, sauf en Colombie-Britannique où les prix sont moins élevés puisqu'il y en a tellement sur le marché. Trente grammes donnent entre 30 et 60 joints. Aucun fumeur de pot ne se balade avec 30 grammes à moins d'être vendeur. Tous ceux qui ont affaire avec le marché de la marijuana le savent bien.
L'autre chose qui me dérange est le fait que les libéraux ont affirmé qu'ils seraient très sévères envers les cultivateurs de marijuana. Ils augmenteront la peine maximale. Aujourd'hui, la peine maximale est de sept ans d'emprisonnement. Permettez-moi de donner en exemple l'un des 161 cas que j'ai ici. Souvenez-vous que la peine maximale au Canada est de sept ans.
Un type a été pris avec une culture d'une valeur de 440 000 $ et de l'équipement d'une valeur estimée de 4 000 $. Il a été trouvé coupable et a reçu une peine de 30 jours de travaux communautaires avec sursis ainsi qu'une amende de 5 300 $. À quoi bon avoir des peines maximales pour les cultivateurs de marijuana si les juges ne les imposent pas? Ce dont nous avons besoin, c'est de peines minimales.
Je vais vous donner un autre exemple d'une culture de 742 000 $. Le type a été reconnu coupable et le tribunal lui a infligé une peine avec sursis à purger au sein de la collectivité, et une amende de 2 000 $. Et il s'agissait d'une culture d'une valeur de 742 000 $. À quoi sert de prévoir des peines maximales si les tribunaux n'infligent que les peines minimales?
Il faut prendre certaines mesures. Comme il ne me reste que deux minutes, je vais les passer en revue rapidement.
En ce qui a trait à la dépénalisation, si les libéraux parlent de petites quantités, cela aurait dû être 5 grammes, pas 30. C'est une quantité ridicule. Il devrait y avoir une méthode raisonnable d'évaluation des quantités dans la rue. Cela n'a pas été fait.
Le montant des amendes devrait augmenter en fonction des infractions ultérieures, il ne devrait pas être constant. Il devrait être le même pour les adolescents et les adultes. Il ne doit pas y avoir de prime à l'adolescence. Il doit y avoir des mesures concrètes de recouvrement, par exemple le gel des permis de conduire. Les corps policiers du pays ont déclaré qu'ils ne recouvreront pas ces sommes. Personne n'est en mesure de le faire, et les intéressés ne les paieront pas de toute manière.
Nous devons mettre en place une technologie efficace permettant d'effectuer des contrôles routiers pour détecter les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par l'effet d'une drogue. À l'heure actuelle, elle n'existe pas. La jurisprudence est contradictoire. Des peines minimales doivent être instituées pour sanctionner les personnes qui se livrent à la culture de la marijuana. Des dispositions doivent être adoptées pour s'assurer que le pouvoir d'appréciation des juges ne fasse pas continuellement monter la barre. Que feront-ils avec 34 grammes? Ils ne déclareront pas l'accusé coupable d'une infraction pénale pour quatre grammes de plus.
Enfin, il n'y a pas de stratégie nationale de lutte contre la drogue. Nous nous occupons de la dépénalisation de la marijuana alors que des dizaines de toxicomanes sont victimes de drogues dures. Dans quel monde le gouvernement vit-il? Nous sommes opposés au projet de loi, et le resterons.
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Monsieur le Président, après sept ans de fréquentation de cet illustre endroit, on finit par prendre des plis qui sont quelquefois bons, quelquefois mauvais. J'ai l'habitude, ou le mauvais pli peut-être, de toujours commencer mon discours en disant qu'il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi
x,
y ou
z. Or, je ne peux dire aujourd'hui que c'est le cas, puisque je commence à être tanné de revenir sur ce sujet en Chambre.
Souvenons-nous des différentes étapes du processus. Nous avons tenu des débats en profondeur dans le cadre d'un comité spécial formé pour s'occuper de cet enjeu. Le comité spécial a émis des recommandations sur lesquelles il y a eu un débat. Il y a eu le projet de loi C-38, puis le projet de loi C-10, sous l'ancien Parlement, qui ont franchi les première, deuxième et troisième lectures, avec, évidemment, des prises de position à ce moment-là. Du travail en comité a été fait. Le projet de loi est mort sous l'ancien Parlement, de par le manque de volonté politique du premier ministre actuel, qui n'osait pas aller devant l'électorat avec comme réalisation la décriminalisation de la marijuana. Il ne voulait probablement pas prêter le flanc à certaines attaques pouvant venir du Parti conservateur.
À cause du manque de courage politique du premier ministre, nous revoilà encore une fois à reprendre à partir de zéro tout le processus menant à l'adoption d'un projet de loi que nous avons appuyé à maintes reprises.
Nous l'avons appuyé parce que nous basons notre position sur trois prémisses. La première, c'est qu'une approche complètement protectionniste ne fonctionne pas. Cela coûte les yeux de la tête. Le paradis, l'exemple parfait d'une approche protectionniste est ce qui se passe aux États-Unis. On voit très bien que des milliards de dollars y sont engloutis et que les résultats sont peu probants, c'est le moins qu'on puisse dire. La deuxième prémisse, c'est que, malgré tout, la marijuana est un produit néfaste pour la santé. C'est aussi à prendre en considération lorsque nous prenons position. La troisième prémisse, c'est qu'en droit criminel, la punition ne devrait pas être pire que l'infraction.
En nous basant sur ces trois prémisses, nous appuyons le projet de loi qui est devant nous, soit le projet de loi C-17. Il est important, lorsque nous débattons d'un enjeu tel que celui-ci, de bien cerner ce dont nous parlons. Il faut bien expliquer que nous parlons de décriminalisation, et non pas de légalisation. Ce sont des termes qui sont très souvent confondus dans la population. Qui dit décriminalisation dit qu'il y a tout de même sanction pour quelque chose. Ainsi, dans un cas de possession simple de marijuana, si le projet de loi C-17 était adopté, une personne prise avec une petite quantité de marijuana aurait une sanction. Ce serait toujours illégal, mais la sanction ne serait pas criminelle, au sens de possiblement avoir un dossier criminel.
À mon avis, cette possibilité est tragique pour un jeune de 18 ans. Mon collègue d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou me le faisait remarquer, lui qui est un éminent criminaliste de la défense et qui a eu à défendre des jeunes pris avec deux ou trois joints de pot dans leurs poches. Dans un tel cas, si un jeune se retrouvait avec un dossier criminel, cela aurait des conséquences fort importantes sur sa carrière et sur ses possibilités de voyage, entre autres aux États-Unis. Et Dieu sait que pour aller à beaucoup d'endroits, les Canadiens doivent passer par les États-Unis. Cela signifie donc une impossibilité de voyager à plusieurs endroits à travers le monde. Ce jeune pourrait se retrouver avec un dossier criminel pendant plusieurs années, l'empêchant de voyager ou même de pratiquer certains métiers. Cela fait en sorte que pour une petite possession de deux ou trois joints, les conséquences pour cette personne sont démesurées. Cette personne est dans un état beaucoup pire qu'elle ne l'était au départ.
Il a été mentionné par certains témoins et par les membres du Parti conservateur que la décriminalisation, que je distingue encore une fois de la légalisation, envoyait un mauvais message aux jeunes.
Ils disaient que si les députés adoptaient ce projet de loi, la consommation de marijuana allait presque magiquement exploser et augmenter de façon importante.
Or, les études effectuées dans d'autres pays, entre autres en Australie, où certains États ont décriminalisé la marijuana, nous montrent que ce n'est pas le cas. Elles indiquent plutôt que la décriminalisation de petites quantités de marijuana n'amène pas une hausse de sa consommation chez les jeunes. En revanche, au lieu de mettre l'argent et les ressources dans la répression de ce genre de choses, on peut se servir de l'argent et mettre sur pied des programmes de prévention pour expliquer aux jeunes que la marijuana n'est pas bonne pour la santé. Bien sûr, cet argent qui viendrait d'Ottawa devrait être transmis aux provinces, puisque l'éducation est de leur compétence. On est toujours mieux de faire un bon travail de prévention qu'un mauvais travail de répression, avec les conséquences qui sont souvent néfastes.
Une autre des raisons pour lesquelles nous appuyons le projet de loi, c'est que, sous la législature précédente, un des amendements que nous avions proposés a été intégré dans le projet de loi. Une personne trouvée en possession d'une culture de un à trois plants serait aussi sortie du cadre criminel, c'est-à-dire qu'elle serait considérée pratiquement comme étant un cas de possession, et non pas de culture.
Nous voulions éviter que le consommateur occasionnel, par exemple le gars qui a son plant de pot sur le bord de la fenêtre, ne soit pas forcé, de par des craintes de criminalisation, à aller s'approvisionner sur le marché noir, qui, comme vous le savez, est contrôlé par le crime organisé. C'était dans le but d'éviter cela. Je suis bien content que cette suggestion a été adoptée. D'ailleurs, elle avait été appuyée de façon assez efficace par ma collègue du NPD qui parlera après moi, le leader en Chambre du NPD. Grâce à son travail et à celui de nos collègues libéraux qui, pour une fois, avait de l'allure, cette recommandation a été adoptée.
Vous me permettrez ici d'ouvrir une parenthèse, puisque j'ai tellement de choses à dire. On parlait tout à l'heure de ressources pour la prévention. Mettons les policiers et les forces de l'ordre dans un endroit où ils peuvent vraiment faire une différence, et l'on peut maintenant parler du crime organisé.
La semaine dernière, j'ai déposé un projet de loi sur le renversement du fardeau de la preuve pour les gens trouvés coupables de gangstérisme ou d'association au crime organisé. Je suis convaincu que vous l'avez lu avec beaucoup d'intérêt. Ce projet de loi a été reçu de façon assez extraordinaire par les policiers et par les chroniqueurs judiciaires dont Guy Ouellette, Michel Auger, qui en a parlé ce matin dans Le Journal de Montréal, et Yves Boisvert, qui en a parlé dans La Presse. Ils ont été dithyrambiques à l'égard du projet de loi.
Si le gouvernement veut vraiment lutter contre le crime organisé, il ferait en sorte d'appuyer, avec le NPD, le Parti conservateur du Canada et bien sûr le Bloc québécois, le projet de loi qui a été déposé la semaine dernière par nos trois partis respectifs.
Comme je vois que le temps file, je voudrais simplement souligner deux choses. Nous avons aujourd'hui la possibilité, avec l'adoption de ce projet de loi, de faire quelque chose qui est bon pour tout le monde. On décriminalise les gens qui ne sont pas des criminels, mais qui sont simplement des consommateurs personnels de marijuana. On permet de donner plus de ressources à la prévention, au lieu de les affecter à la répression qui est complètement inutile. Cela permet également de soustraire au travail des policiers ce fardeau à mon avis trop grand de s'occuper de petits consommateurs ou de gens qui sont en possession de petites quantités de marijuana, et d'affecter ces ressources là où cela compte, là où cela peut faire une différence et là où les gens veulent que cela fasse une différence, c'est-à-dire à la lutte contre ce fléau sociétal, économique et politique que constitue le crime organisé.
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Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre de nouveau la parole sur un projet de loi qui réformerait notre législation concernant la marijuana.
Je commencerai par me faire l'écho des propos tenus par le député du Bloc. Le projet de loi a été présenté deux fois à la Chambre. C'est la troisième fois que nous en sommes saisis. C'est uniquement à cause de l'ancien ministre des Finances, qui est maintenant premier ministre et qui craignait d'en parler avant les élections, que nous débattons à nouveau de ce projet de loi, qui a déjà été renvoyé à un comité, qui a déjà été modifié et qui nous revient maintenant. Je tenais à faire cette mise au point.
Cette question fait l'objet de débats depuis plus de 30 ans. Tous se souviennent de la commission LeDain et de ses recommandations de décriminalisation et de légalisation. Il me semble qu'il y a une réalité dans la société en général à cet égard et que les représentants élus de la population n'en ont pas pris acte et ne se sont pas montrés réalistes quant à ce qu'il importe de faire en matière de réforme juridique et de politique relative aux stupéfiants.
Pour ma part, je suis fière de dire que le NPD fédéral préconise depuis longtemps la décriminalisation de la marijuana. J'estime que nous sommes le seul parti à la Chambre à avoir présenté durant son congrès une politique et une résolution concernant la décriminalisation.
En défendant cette position, nous sommes conscients qu'il nous faut une politique relative aux stupéfiants qui ne repose pas uniquement sur la police et le système de justice pénale. J'estime que de plus en plus de gens d'un bout à l'autre du pays s'entendent pour dire que la législation actuelle régissant la marijuana est inefficace et que les lois sur les stupéfiants causent aussi énormément de dommages. La décriminalisation constitue, à notre point de vue, une première étape, qui serait suivie d'autres mesures. C'est la première étape de ce qui doit être un débat honnête et ouvert sur l'inefficacité de nos pratiques actuelles.
La politique relative à la marijuana a trop souvent été fondée sur l'hypothèse, erronée à mon avis, selon laquelle le caractère illégal des stupéfiants est le facteur principal qui incite les gens à ne pas les consommer. C'est un point très important. J'ai écouté le député conservateur lire certaines des préoccupations des gens au sujet de la consommation des stupéfiants et nous rapporter certains propos de toxicomanes en traitement.
Les conservateurs nient la réalité et refusent de voir qu'en ayant recours à l'application de la loi pénale comme principal outil de prévention de la consommation, on n'a fait qu'aggraver la situation. En niant la réalité et en refusant des initiatives d'éducation et des traitements adéquats, pour les jeunes en particulier, les conservateurs ne font qu'aggraver la situation en favoriser la clandestinité.
Nous comprenons le sens de cette contradiction. Nous estimons que le Canada doit élaborer une politique réalisable en matière de marijuana, qui vise à décriminaliser l'usage de la marijuana et reconnaisse que la criminalisation a mené à l'échec. Cette politique doit s'inscrire dans une vaste stratégie antidrogue qui met l'accent sur la santé, comme l'a recommandé le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments dont je faisais partie.
D'ailleurs, la présentation, en juin 2003, de l'ancien projet de loi sur la marijuana était accompagnée de l'annonce du renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue qui allait fournir 245 millions de dollars sur une période de cinq ans. Je tiens à faire remarquer que cet engagement était très loin de correspondre aux recommandations du comité spécial et qu'il représente la moitié à peine de ce que les libéraux avaient promis au cours de la campagne électorale de 2000.
Je ferai également remarquer que, dans le rapport de 2001 de la vérificatrice générale, le rapport sur les drogues illicites mettait sérieusement en doute le recours à l'application de la loi et indiquait que 95 p. 100 des fonds fédéraux engagés pour la lutte contre la consommation de drogues illicites au Canada étaient consacrés à l'application de la loi et à l'interdiction.
On a investi à peu près rien dans les traitements et qu'avons-nous réglé avec l'argent qui a été investi dans l'application de la loi? Y a-t-il ici quelqu'un qui croit que nous avons réglé le problème?
Nous sommes d'avis que le Canada devrait prendre des mesures pour que les infractions liées à la marijuana ne soient plus de nature criminelle et pour éliminer les mesures punitives dans le cas de consommation de marijuana par des adultes responsables. Nous croyons qu'il faut avoir une discussion sur le meilleur régime de réglementation fondé sur des initiatives d'éducation en matière de santé publique.
Il devrait, par exemple, y avoir des règles au sujet de l'âge, de la conduite avec facultés affaiblies et du problème de la culture commerciale de la marijuana. Le NPD fédéral est d'avis que le gouvernement fédéral doit aller au-delà de la décriminalisation et examiner et mettre en place des mesures non punitives, fondées sur des règles, concernant la consommation de marijuana par des adultes, tout en mettant l'accent sur la prévention, la sensibilisation et la promotion de la santé.
Notre politique relative à la marijuana doit éliminer la criminalisation des utilisateurs et mettre l'accent sur la réduction des dommages et la prévention du crime. Le gouvernement fédéral doit affecter des ressources à l'éducation du public plutôt qu'aux poursuites criminelles. Il suffit de considérer les exemples de la cigarette et de l'alcool pour constater qu'une campagne de messages cohérents et forts sur les risques pour la santé finit par faire diminuer la consommation, tout particulièrement dans le cas du tabac. Ce n'est pas en rendant la substance illégale qu'on a obtenu des résultats. C'est en donnant aux gens des opinions franches, dans une démarche axée sur la santé et en balisant la consommation.
Il n'est pas nécessaire de faire appel au droit pénal pour décourager des formes nocives d'utilisation de drogues. Dans bien des cas, nous avons même constaté, au cours des récentes décennies, des effets contraires à ceux souhaités.
Nous estimons également que les objectifs de la politique doivent viser tout particulièrement à empêcher les mineurs d'avoir accès au cannabis et à d'autres drogues. Ici encore, il faut cibler les règles et les mesures d'observation en conséquence. Des études récentes nous montrent que la consommation a même augmenté chez les jeunes. Le fait est que les jeunes préfèrent la marijuana au tabac.
Il faut également traiter de la question de la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana. Un autre projet de loi est prévu à cet effet et nous allons en traiter également.
La politique publique doit aussi établir que les lois prohibitives ont pour effet de constamment favoriser le crime organisé et d'autres organisations violentes dans notre société et qu'interdire les drogues entraîne la création d'un marché noir augmentant considérablement la valeur de ces drogues et les profits à retirer de leur vente. Même le recours à de puissants services d'exécution de la loi pour faire respecter les interdictions dans des pays tels que les États-Unis ne réussit pas à percer une brèche importante dans le commerce des drogues tant que les interdictions sont en vigueur. L'interdiction de la vente de drogues crée une incitation économique tellement attrayante que les organismes d'exécution de la loi n'ont aucune chance de faire cesser le trafic des drogues.
Nous devons examiner ce que d'autres que nos voisins immédiats font et formuler une politique sûre et globale relativement à la marijuana. La guerre que livrent les États-Unis aux drogues n'est pas une solution vraiment canadienne. Le Canada ne doit pas se laisser intimider par les discours des Américains qui laissent entendre que, en quelque sorte, nous n'avons pas le droit de formuler nos propres politiques rationnelles et intelligentes. Le Canada doit plutôt voir les États-Unis comme l'exemple d'un pays doté d'une politique désastreuse sur les drogues, qui a échoué parce qu'elle s'est constamment appuyée sur la prohibition.
Lors de la présentation précédente de ce projet de loi, les députés du NPD qui étaient membres du comité ont cherché à l'améliorer et ont obtenu que quelques modifications y soient apportées. Nous continuerons de chercher des façons d'améliorer le projet de loi.
Nous voulons assurer que le projet de loi renferme une disposition prévoyant que l'on amnistie les personnes trouvées coupables de simple possession de marijuana. Quelque 600 000 Canadiens ont un casier judiciaire pour cette raison. Nous voulons assurer que ces casiers judiciaires restent secrets et ne sont pas communiqués à Interpol ou à d'autres pays.
Nous voulons mettre en oeuvre des mesures pour que l'échange non commercial de marijuana ne soit pas considéré comme une activité commerciale illicite. C'est pour cela, l'activité de passer un joint, que M. Emery est en détention.
Nous voulons aussi assurer que l'on n'effectue des perquisitions que pour des motifs raisonnables. Par exemple, la police devrait avoir des motifs raisonnables de croire qu'un domicile recèle plus de 30 grammes de marijuana pour demander un mandat.
Nous voulons aussi que le régime des amendes soit modifié. La mesure devrait prévoir que la culture d'au plus cinq plants ne constitue pas une infraction.
En somme, nous voulons assurer que l'on fait la distinction entre l'utilisation privée et publique de la marijuana.
Il nous tarde de voir le projet de loi renvoyé à un comité. Nous présenterons des amendements très importants en vue de l'amélioration du projet de loi.
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Monsieur le Président, c'est un privilège pour moi que d'intervenir au sujet du projet de loi C-17, un projet de loi innovateur et dont la portée est vaste.
Il y a quelques années, j'ai présenté à la Chambre des communes un projet de loi visant à décriminaliser la simple possession de marijuana. J'ai apprécié l'apport des députés de tous les partis sur la façon de rationaliser la législation de notre pays en matière de drogues. Le projet de loi C-17 est un pas important dans cette direction et je vais vous expliquer pourquoi.
Le projet de loi vise à instaurer un cloisonnement entre deux groupes, celui des utilisateurs individuels et celui des producteurs commerciaux qui sont reliés au crime organisé. Il vise à décriminaliser la possession d'une petite quantité de marijuana ou d'un petit nombre de plants.
Le premier groupe est important car il ne faut pas tenir pour criminelle la personne possédant une petite quantité de marijuana; ce serait un objectif contraire à l'éthique et nuisible. L'Association médicale canadienne, les Églises et certains corps policiers ont également affirmé qu'il s'agissait là d'une mesure punitive qui nuisait aux personnes ainsi qu'au Canada dans son ensemble. La personne accusée et déclarée coupable de possession d'une petite quantité de marijuana doit assumer cette condamnation pour le reste de ses jours. Cela l'empêche de travailler et de voyager pendant une bonne partie de sa vie. C'est inhumain.
La personne qui fait pousser un petit nombre de plants pour son usage personnel ne serait pas considérée comme un gros producteur commercial de marijuana, selon le projet de loi C-17. Le projet de loi distingue entre le premier groupe de personnes et ceux qui se livrent à des opérations commerciales et qui sont reliées au crime organisé. La dernière partie du projet de loi vise à alourdir les peines encourues par les gros producteurs commerciaux.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, cet aspect est très important. Là-bas, la culture de la marijuana à des fins commerciales est une affaire de trois à sept milliards de dollars annuellement. Pourquoi est-ce important? Parce que, ne vous y trompez pas, les gros producteurs à fins commerciales entretiennent des relations avec le crime organisé. Ainsi, un sac de hockey rempli de marijuana qui traverse la frontière en direction sud revient souvent rempli de cocaïne et d'héroïne. C'est triste à dire, mais la Colombie-Britannique est devenue un maillon important dans le trafic de la cocaïne, de l'héroïne blanche et de la marijuana en Amérique du Nord.
Les cultures de marijuana à des fins commerciales sont le fait direct du crime organisé. Le projet de loi C-17 vise, en substance, à alourdir les peines imposées à ceux qui se livrent à l'infâme activité de la culture de la marijuana à des fins commerciales et qui, par voie de conséquence, soutiennent le crime organisé au Canada, à travers l'Amérique du Nord et dans le monde.
C'est aussi important parce que le trafic de stupéfiants est lié au crime organisé et au terrorisme. Au Proche-Orient, les organisations terroristes sont associées au trafic d'héroïne. Par exemple, en ce moment-même en Afghanistan—un des plus gros producteurs d'opium au monde—le pavot est sur le point d'être récolté et transformé en opium. Ceci a d'innombrables répercussions sur la sécurité internationale et sur la sécurité des Canadiens. De plus, les FARC, le plus important des groupes terroristes en Colombie, est directement lié aux groupes terroristes du Proche-Orient, avec lesquels il collabore.
Je tiens à dire à tous ceux qui nous écoutent que s'ils consomment de la drogue, ils appuient le terrorisme et nous font du tort à tous. C'est un message peu connu qu'il faut faire comprendre non seulement aux Canadiens mais à tout le monde. La sécurité est d'une importance capitale pour nous tous. On a beau croire qu'on ne fait de mal à personne en consommant de la cocaïne, de l'héroïne ou du cannabis, que ça ne regarde que soi, ceux qui en achètent financent des opérations commerciales qui sont souvent liées à des groupes terroristes dans le monde entier.
C'est pourquoi le projet de loi C-17 est extrêmement important. Il augmente considérablement les peines imposées aux gros cultivateurs. Il fait la différence entre les simples consommateurs et les personnes impliquées dans la culture à des fins commerciales, ce qui fait preuve de compassion. Ceux qui veulent changer pourront le faire.
Il serait également opportun d'examiner la situation au sud de nos frontières, car certains ont dit que les Américains aimeraient ces dispositions. La situation aux États-Unis est très intéressante. Quelque 70 p. 100 des Américains n'appuient pas les dispositions législatives de leur pays au sujet de la marijuana. Ils croient qu'elles sont punitives et extrêmement injustes. C'est très important de savoir cela.
Les États-Unis et le Canada ont des préoccupations semblables en matière de sécurité. Nos deux pays veulent réduire les dangers. Quelqu'un a parlé à la Chambre de la façon d'y parvenir.
Le programme de sensibilisation précoce est l'une des mesures que le gouvernement a adoptées. L'ex-ministre du Travail a participé à un projet novateur au Nouveau-Brunswick, dans le cadre du programme Bon départ. On a ainsi pu réduire de manière spectaculaire une vaste gamme de paramètres sociaux, dont la consommation de drogues. Les jeunes fréquentent l'école plus longtemps. L'utilisation à des fins criminelles a diminué chez les jeunes. Nous allons nous servir de ce programme dans le cadre de notre programme de sensibilisation précoce afin d'adopter le modèle de prévention le plus efficace possible. Nous devons nous adresser aux enfants dès leur jeune âge si nous voulons influer considérablement sur leur consommation de drogue. C'est particulièrement important de le faire dans les sept à huit premières années de leur vie.
Voilà pourquoi l'investissement que le gouvernement a fait dans l'éducation et la sensibilisation des jeunes enfants est extrêmement important pour régler des problèmes sociaux comme la consommation de drogue.
Aux États-Unis, 70 p. 100 des Américains n'appuient pas les lois punitives de leur gouvernement en ce qui concerne la drogue. Si l'on compare la situation des États-Unis à celle de l'Europe ou même à la nôtre, on constate que plus les lois sont punitives à l'égard de la drogue, plus la consommation de drogue est élevée, aussi bien les drogues douces que les dures, et il en est de même des taux d'incarcération et du pourcentage de personnes qui sont séropositives ou qui ont l'hépatite B, l'hépatite C ainsi que d'autres problèmes liés à la consommation de drogue. Dans l'ensemble, le coût est beaucoup plus élevé pour la société.
Autrement dit, les lois punitives des États-Unis ne sont pas utiles. Elles aggravent la situation et dévient de leur objectif qui est de réduire la consommation de drogue et d'accroître les peines infligées au crime organisé.
Comme cela a déjà été mentionné à la Chambre, une partie du problème vient de l'importante marge bénéficiaire liée à la production de ce qui est essentiellement une mauvaise herbe. Parce que la marge bénéficiaire est si élevée, les organisations criminelles interviennent. Elles profitent de toute activité qui génère des bénéfices. Le projet de loi à l'étude va établir une distinction entre les petits consommateurs occasionnels et ceux qui cultivent la marijuana à des fins commerciales. C'est important.
Dans le contexte du projet de loi, certains ont laissé entendre que si nous adoptions ce projet, nous nous retrouverions en quelque sorte à l'extérieur du cadre des lois internationales que nous avons signées. Les lois internationales qui régissent ces substances illicites permettent aux pays d'adopter les programmes et initiatives les mieux adaptés aux petits consommateurs. Nous pouvons, à l'intérieur des lois internationales que nous avons signées, faire ce qui nous semble indiqué pour réduire la consommation au Canada.
Le ministre de la Justice présente ce projet car il sait, comme le montre d'ailleurs l'expérience européenne, ce qu'on peut tirer de lois plus souples sur les drogues, de lois qui ne sont pas punitives. La différence est frappante entre un endroit comme les É.-U. où l'on trouve des lois punitives et l'Europe. En Europe, on consomme moins de drogues, tant des drogues dures que des drogues douces, et il y a moins de crimes et de maladies découlant de ce problème.
Pour conclure, on peut dire sans se tromper que nos objectifs et les objectifs de la plupart des députés sont clairement les mêmes. Nous voulons réduire la consommation de substances, principalement chez les jeunes, car il n'est pas bon de consommer ces drogues. Cependant, nous devons aussi accepter la réalité dans laquelle nous vivons. Nous adoptons, avec ce projet de loi, une approche équilibrée qui prévoit des mesures punitives contre les activités de culture commerciale et qui préconise une certaine souplesse à l'égard des consommateurs et fait en sorte qu'ils ne subissent pas de préjudices dans le système judiciaire. Cela est une utilisation juste, efficace et beaucoup plus sage de nos ressources limitées. C'est aussi une bonne utilisation du système judiciaire.
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Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le député d'en face. Essentiellement, il veut protéger les jeunes. Mais bien qu'il ait mis l'accent sur la santé et qu'il se soit efforcé de condamner l'usage des drogues, son argument me semble contradictoire et incohérent. Il se contredit lui-même parce qu'au bout du compte nous verrons qu'en adoptant ce projet de loi, le gouvernement du Canada incitera les gens à consommer davantage de drogue. C'est ainsi que ce sera interprété.
Je voudrais déboulonner au passage certains mythes que nous entendons constamment dans ce débat. Il est purement et simplement exagéré de dire qu'un jeune ou une autre personne qui doit faire face à la justice pour la première fois pour avoir eu en sa possession une petite quantité de marijuana aura un casier judiciaire, perdra à tout jamais le droit de se rendre aux États-Unis et verra ses horizons se boucher sur le marché du travail. Le système de justice pénale permet aux juges, à l'heure actuelle, de donner leur absolution conditionnelle ou inconditionnelle en pareil cas. C'est du reste ce qui se produit chaque jour dans les tribunaux un peu partout au pays. C'est la réalité. Ceux qui disent qu'une personne peut rester marquée à jamais si elle commet une infraction de possession simple s'emploient à agiter des épouvantails. Le gouvernement libéral se sert de cette tactique pour mettre un bémol à sa position sur la question.
Mon ami est médecin. Avant de boire le filtre qui l'a transformé en libéral, il se prononçait énergiquement pour la protection de la santé, dans ce débat. La marijuana est tout aussi nocive pour l'organisme que ce filtre. En fait, je dirais même qu'elle est pire, si je me fie à mes lectures à ce sujet. La consommation de marijuana est très dommageable. C'est un produit cancérigène, qui contient du THC.
Je ne prétends pas être un médecin, comme mon collègue d'en face, mais cela me trouble. Je suis d'avis qu'en cautionnant cette pratique et en l'approuvant, nous reconnaissons que la consommation de marijuana est répandue au pays et que nous ne devrions pas prévoir de nouveaux moyens dissuasifs pour tenter de freiner la consommation de drogue, et à tout le moins la contrôler, de manière à ce que les jeunes entendent le bon message, c'est-à-dire que le gouvernement du Canada ne se transforme pas en pourvoyeur de drogues. Les groupes de victimes, les policiers, les avocats et bien d'autres personnes qui travaillent dans le domaine de la toxicomanie se préoccupent au plus haut point de ce message que nous transmettons, de cette approche d'indulgence à l'égard de la consommation de drogues qui est implicite dans ce projet de loi.
Nous savons que cette mesure législative reprend un ancien projet de loi déjà déposé à la Chambre. Nous savons également dans l'opposition officielle qu'il y a eu des tentatives en vue de modifier la mesure législative, d'apporter des modifications que nous considérions comme importantes et qui tiendraient compte de certaines réalités du monde de la drogue dans notre pays. Nous admettons qu'il est nécessaire de faciliter l'élimination des casiers judiciaires dans certains cas pour ceux qui ont déjà été accusés et reconnus coupables de possession de petites quantités de marijuana.
Je tiens également à souligner que la quantité prévue par ce projet de loi est de 30 grammes, ce qui constitue une quantité assez importante. Trente grammes de marijuana suffisent à fabriquer de 30 à 60 joints selon la grosseur de chacun. Une telle quantité permet à une personne d'offrir de la drogue et d'en vendre à des jeunes dans les cours d'école, ce qui va tout à fait à l'encontre de la stratégie établie.
Parlant de stratégie, quelle est la stratégie globale du gouvernement en matière de drogue? Ce n'est pas clair du tout et il semble que nous foncions tête baissée en tentant de faire adopter cette mesure législative avant que la stratégie en matière de drogue ne soit mise au point.
Je dois également dire à nouveau qu'il est incroyablement pervers et contradictoire de présenter une stratégie qui donne à la police les connaissances nécessaires pour détecter la présence de drogue chez un chauffeur—on pourrait dire, si vous le voulez, qu'il s'agit d'un projet de loi sur la conduite sous l'influence de la drogue--et de présenter en même temps une mesure législative facilitant l'accès aux drogues. Je le répète, cette approche est totalement contradictoire.
Je trouve que le projet de loi lui-même contient de graves lacunes, particulièrement en ce qui concerne le barème des amendes. Un jeune serait condamné à une amende moindre qu'une personne plus âgée, ce qui laisse entendre qu'il serait traité différemment pour la même infraction: la possession de drogue.
L'affirmation que l'on se montre plus sévère à l'égard de ceux qui cultivent du cannabis est, elle aussi, contredite par la réalité, à savoir qu'on n'a pas prévu d'amende minimale.
On a plutôt prévu une peine maximale, qui est rarement, voire jamais, imposée par un juge. C'est bien beau de fixer un maximum pour la peine de prison et l'amende auxquelles on pourrait s'exposer, mais il n'y a pas de peine minimale reflétant la réprobation de la société, peine qui introduirait un élément dissuasif dans le système de justice pénale.
Le projet de loi est bourré de contradictions, à tel point que nous proposerons des amendements à l'étape de l'étude en comité.
Cette mesure législative est bienvenue au sens où il faut clairement moderniser la législation de notre pays concernant les drogues. Toutefois, les messages contradictoires que le gouvernement envoie ne créent pas un climat de confiance. Cela ne dissipe pas le cynisme nourri par le fait que ce projet de loi a été présenté au Parlement à plusieurs reprises, mis de côté, mis en veilleuse, renvoyé aux oubliettes, tout en voulant donner au public l'impression que oui, le gouvernement fait quelque chose, que oui c'est une priorité parmi tant d'autres dont le premier ministre parle quotidiennement ou presque, et pourtant ce projet de loi n'aboutit jamais. Il n'a encore jamais franchi toutes les étapes dans les deux chambres pour avoir force de loi. Cela fait partie des tours de passe-passe auxquels se livre sans arrêt le gouvernement, qui essaye de leurrer un public innocent. Eh bien, ça ne passera pas, les Canadiens commencent à y voir clair.
Nous espérons que le gouvernement, étant minoritaire, fera un usage plus judicieux du pouvoir législatif, et présentera des projets de loi qui permettront d'apporter les modifications nécessaires que nous, au Parti conservateur, appuyons.
Nous espérons avoir vraiment notre mot à dire relativement à ce projet de loi à l'étape du comité. Même s'il a de graves lacunes, il pourrait améliorer la situation actuelle. Nous appuyons l'objectif de l'autre projet de loi, le projet de loi C-16, dont la Chambre sera saisie. Chose certaine, nous sommes en faveur de donner aux policiers de meilleurs moyens, une meilleure formation et une plus grande capacité de déceler l'usage de drogues dans les cas de conduite avec facultés affaiblies, car il y a encore beaucoup trop d'accidents liés aux facultés affaiblies sur les routes et les autoroutes du pays de nos jours. Il y a beaucoup trop de décès. Nous appuyons vivement le travail de groupes comme les Mères contre l'alcool au volant et d'autres groupes de pression qui souhaitent qu'on sensibilise les Canadiens à ce problème.
En ce qui concerne le projet de loi C-17, le porte-parole de notre parti, le député d'Abbotsford, a fait connaître notre position. Nous voulons améliorer et amender le projet de loi. En particulier, nous allons essayer de corriger certaines des lacunes entourant le montant des amendes et leur structure.
Je souligne une fois de plus que ce qui importe en l'occurrence, c'est que nous adoucissons notre législation concernant les drogues au point où cela consterne vivement les Américains. L'administration américaine est très inquiète, qu'elle soit républicaine ou démocrate. Nous n'allons pas nous engager dans ce bourbier, comme nous avons vu le gouvernement libéral le faire trop souvent, en donnant notre opinion sur le résultat. Qu'il suffise de dire que les Américains sont inquiets. Il y a des conséquences commerciales lorsque nous adoucissons notre législation sur les drogues. Le trafic de stupéfiants est très important à la frontière. Malheureusement pour les Américains, ce trafic se fait dans une large mesure dans leur direction et cela les préoccupe. Ce projet de loi ne fait rien pour améliorer cette situation et pour amener les Américains à avoir plus confiance dans les lois canadiennes.
Nous espérons que le gouvernement sera prêt à accepter des amendements à ce projet de loi. Dans un Parlement minoritaire, de par sa nature même, il devrait y avoir une plus grande coopération, que le gouvernement le veuille ou non.
Nous allons faire entendre notre voix au comité. Nous espérons prendre également de plus grandes mesures relativement à la saisie du matériel qui est utilisé pour la culture hydroponique illégale de drogues. Cela nous permettra d'avoir une législation sur les drogues plus sévère, alors que le projet de loi actuel nous conduit à l'inverse.
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Monsieur le Président, je vous remercie d'avoir bien prononcé le nom de ma circonscription. Je connais la raison qui fait que vous savez bien prononcer le nom de ma circonscription, vos ancêtres, votre grand-père et arrière-grand-père ayant été députés de la circonscription que je représente.
Il me fait plaisir aujourd'hui de participer et d'intervenir dans ce débat. Je me qualifie comme étant une personne de vieille mode, grand-père et tout le reste. Cependant, j'ai tout de même l'intention de vous dire pourquoi je suis en faveur du projet de loi.
D'abord, je crois que la loi actuelle n'est pas adéquate. À cet égard, je ne suis pas d'accord avec le député de Nova-Centre quand il dit à la Chambre que le projet de loi est mauvais et que la position actuelle est en quelque sorte raisonnable. En effet, pour une offense identique, des gens dans un village vont être punis alors que dans un autre village, ils ne le seront pas. Pour être juste, la loi doit certainement être appliquée de façon équitable et universelle, dans des conditions identiques. À l'heure actuelle, ce n'est pas du tout ce qui se produit.
Ensuite, même si je ne suis pas avocat—je ne m'en excuse pas—je pense qu'il doit y avoir un principe selon lequel la punition ne doit pas être plus grave que le crime. D'ailleurs des philosophes ont écrit à ce sujet pendant des millénaires.
Une voix: Oh, oh!
L'hon. Don Boudria: Oui, le député d'en face nous parle des prisons et de tout le reste. On reviendra à ces thèmes plus tard. Pour le moment, nous parlons de ce projet de loi et de son impact sur notre jeunesse, entre autres.
J'en reviens à parler de la peine qui est plus grave que le crime. Est-ce normal d'entacher la réputation d'une jeune personne, comme la loi actuelle le fait, pour une offense mineure? À mon avis, non. Est-ce normal d'entacher la réputation de cette personne pour la durée de la peine, si la personne est trouvée coupable?
Le député d'en face nous disait que de toute façon, la loi ne serait probablement pas appliquée dans certains cas. Ainsi, une personne ne serait pas trouvée coupable et sa réputation ne serait pas entachée. Je regrette, mais cette logique m'échappe totalement. Ce n'est pas ainsi qu'on rédige des lois. On rédige des lois avec la présomption qu'elles vont être appliquées. Si elles ne le sont pas, c'est que quelque chose fait défaut, généralement parlant bien sûr.
Dans certains cas, la réputation de nos jeunes est entachée par la loi; dans d'autres cas, dans des conditions identiques, ces personnes sont totalement innocentées. On s'entend pour dire qu'il n'y a pas de différence dans les deux cas, que les conditions sont identiques. Il y a tout de suite quelque chose qui ne va pas.
L'autre principe que je viens d'énoncer est celui de la punition qui, parfois, est plus grave que le crime. Je pense qu'on peut retrouver un cas semblable ici. Je dis cela tout en étant extrêmement intolérant envers l'usage de ces produits; cela ne veut pas dire que je les favorise.
À ce sujet, je suis totalement en désaccord avec la députée de Vancouver-Est qui dit que c'est une bonne étape parce que, plus tard, on doit légaliser toutes sortes de drogues, ou quelque chose du genre. Je ne suis pas d'accord. Il ne s'agit pas du tout de la même chose. Et je ne voudrais surtout pas que les gens pensent que j'appuie le projet de loi parce que je pense comme elle. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas la même chose.
[Traduction]
Je n'ai pas de notes et je parlerai simplement de la façon dont je conçois l'application de ces choses. Je crois que c'est un philosophe grec qui disait qu'une loi extrême engendre l'extrême injustice et que la rigueur de la loi appliquée sans modération est un déni de justice. Si c'est le cas, et je crois que ce l'est, la loi ne protège personne à cet égard.
Par ailleurs, je m'inscris en faux contre toute mesure qui fera en sorte que les jeunes deviendront les victimes des criminels qui vendent de la drogue. On devrait peut-être prévoir des peines plus lourdes à leur endroit.
Il faut traiter durement ces individus et les empêcher de commettre ces crimes. Voilà où est le véritable crime, celui auquel nous devrions nous attaquer, au lieu de jeter des jeunes de 19 ans en prison ou de les punir autrement parce qu'ils ont fumé un joint. À quoi cela servira-t-il? En quoi améliorons-nous la société si nous engorgeons les tribunaux et les empêchons ainsi de s'occuper des infractions plus graves? C'est sous ce rapport que je désapprouve ce que disait plus tôt aujourd'hui le député conservateur.
On ne peut pour autant en déduire que moi-même ou d'autres pensons qu'il faut légaliser ces drogues. Ce n'est pas du tout la même chose. Je ne vois pas pourquoi ce le serait. Une députée semblait faire valoir, plus tôt aujourd'hui à la Chambre, que la dépénalisation de l'un aboutit nécessairement à la légalisation de l'autre. C'est peut-être son point de vue, mais ce n'est pas le mien.
Le député de Wild Rose nous demandait si nous avions déjà entendu parler de la pente glissante. Je pense que c'est la situation actuelle qui constitue une pente glissante, et non pas ce que propose le projet de loi. Actuellement, des personnes sont reconnues coupables d'une infraction pour laquelle la peine est plus préjudiciable que l'infraction elle-même. Par ailleurs, dans certaines régions du pays des personnes contreviennent impunément à la loi. Et le pire, c'est que la même infraction donne lieu à des sanctions différentes selon la région où elle est perpétrée. Cette situation est pire qu'une pente glissante. Elle encourage un total mépris de la loi, sans oublier qu'elle engendre une application inégale de la loi. Deux choses inacceptables.
[Français]
Maintenant, un député nous a parlé de la quantité de produit qu'un individu pourrait posséder avant d'être trouvé coupable. Est-ce que le chiffre de 30 grammes, 25 grammes ou 24 grammes, ou je ne sais trop quoi, est le bon chiffre? C'est un dossier qu'on devra régler au comité parlementaire, pas à l'étape de la deuxième lecture en Chambre.
Nous savons bien sûr qu'en deuxième lecture, nous sommes en train de parler du principe du projet de loi. Sommes-nous en faveur de ce que le projet de loi veut faire dans ses grandes lignes? Je suis parfaitement ouvert pour dire que la quantité devrait être 32, 26, 24 ou 16, quelque soit la quantité qui sera établie par les gens qui s'y connaissent et qui viendront nous conseiller en comité parlementaire.
À mon avis, nous avons des comités parlementaires qui fonctionnent très bien. Nous écoutons toujours les témoins qui viennent nous faire part de leurs connaissances et qui viennent nous renseigner sur un sujet donné. Ainsi, en comité, nous serons en mesure d'ajuster le chiffre si nécessaire. Je ne pars même pas du point de vue que le chiffre a besoin d'être ajusté. Toutefois, si c'est l'inquiétude du député de Nova-Centre—cela semblait l'être tout à l'heure—, cela pourrait être ajusté à cette étape. Cependant, en aucune façon, cela porte atteinte au projet de loi lui-même. En d'autres mots, ce n'est pas une excuse pour voter contre celui-ci. Tel est le plaidoyer que je fais devant cette Chambre.
Cela dit, j'ai bien beau me qualifier moi-même de « vieille mode » à ce sujet et très intolérant...
Une voix: Encore une fois, un faute avouée est à moitié pardonnée.
L'hon. Don Boudria: Ah! non, je m'en vante. De plus, je suis très intolérant envers ceux qui abusent des substances, et cela est vrai. Je suis encore beaucoup plus intolérant envers ceux qui vendent de la drogue surtout à nos enfants et, en tant que grand-père, à nos petits-enfants.
Cependant, cela dit, la loi actuelle est injuste. Elle punit les gens d'une façon qui est pire que le crime.
Une voix: D'une façon démesurée.
L'hon. Don Boudria: Elle punit les gens « d'une façon démesurée », me dit un collègue, et c'est vrai. Nous devons donc aller de l'avant avec ce projet de loi et faire le renvoi en comité, y apporter des ajustements si nécessaires et l'adopter au plus vite. De cette façon, nous aurons un plus grand respect pour une loi qui fonctionne au lieu d'un manque de respect pour une loi qui ne fonctionne plus, et cela, depuis longtemps.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'aborder le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui vise à décriminaliser la possession de petites quantités de marijuana. Permettez-moi tout d'abord de parler des effets nocifs de cette drogue sur la santé.
Premièrement, je tiens à rappeler que les effets nocifs de la marijuana ont déjà été clairement établis. La consommation de marijuana est beaucoup plus nocive que le tabagisme. Nous, à la Chambre, tentons de dissuader quiconque de s'adonner à cette activité. Le tabagisme et la consommation de drogues peuvent provoquer l'emphysème et le cancer du poumon.
Selon la revue New England Journal of Medicine, fumer cinq joints par semaine équivaut à fumer un paquet de cigarettes par jour. Cela a donc des effets évidents sur la santé.
Selon une autre revue intitulée Neurotoxicity and Teratology, un enfant dans le ventre de sa mère qui est exposé à la marijuana a plus de risques d'être atteint d'hyperactivité et de connaître des problèmes sociaux. D'après la National Academy of Sciences, la marijuana peut causer le cancer et des troubles respiratoires et entraîner la naissance de bébés présentant une insuffisance pondérale. Selon la revue Circulation Research, publiée par l'American Heart Association, ceux qui fument de la marijuana ont cinq fois plus de risques de subir des crises cardiaques. Le British Medical Journal attribue à la marijuana une augmentation des cas de schizophrénie et de dépression. Enfin, selon une étude néerlandaise, les fumeurs de cannabis ont sept fois plus de risques que les autres personnes de présenter des symptômes psychotiques.
Il est donc évident la marijuana entraîne toute une série de problèmes de santé et nous, députés à la Chambre, devrions faire l'impossible pour en décourager la consommation.
Mettons immédiatement une chose au clair. Nous ne parlons pas de la marijuana des années 60 et 70, qui appartenait à une toute autre catégorie. Dans les années 60, la teneur en THC de la marijuana variait entre 0,5 p. 100 et 2 p. 100. Le produit qui nous vient de la Colombie-Britannique et qu'on appelle le BC bud affiche une teneur en THC de 35 p. 100. C'est une augmentation incroyable de la toxicité et de la puissance de cette drogue, qui est devenue ce que le crack est à la cocaïne. C'est un premier pas qui mène à la consommation de drogues plus dures. Je le sais grâce à l'expérience que j'ai acquise en travaillant à titre d'avocat auprès de jeunes ayant développé une dépendance à ces drogues, expérience dont je reparlerai.
Enfin, puisque l'Association médicale canadienne dit que le cannabis engendre une dépendance, pourquoi voulons-nous rendre cette substance plus accessible pour les jeunes plutôt que le contraire? Je crois personnellement qu'il s'agit d'une manifestation flagrante d'hypocrisie de la part du gouvernement que de présenter ce projet de loi en même temps que le projet de loi C-16, sur la conduite avec les facultés affaiblies. Avec le projet de loi C-16, le gouvernement se dit sérieusement préoccupé par la conduite sous l'influence de la marijuana, contre laquelle il faut lutter. Pourtant, avec le projet de loi C-17, la marijuana devient plus accessible.
Ce matin, je parlais au sergent Paul Mulvihill du détachement de la GRC de Surrey, dans ma circonscription. Il me disait que c'est vraiment une approche à courte vue.
Quoique dans l'ensemble, j'appuie sur le fond le projet de loi C-16, je voudrais brièvement vous faire part d'un des points faibles que j'y vois. Il faudrait probablement beaucoup plus d'argent pour que les policiers aient la formation qui leur permettrait d'appliquer la loi de manière à ce que les accusations tiennent la route pendant la procédure judiciaire.
La protection de la santé n'est pas la seule raison pour laquelle je m'oppose à ce projet de loi. Je me soucie également de ses conséquences économiques. Nous savons que les consommateurs de marijuana sont caractérisés par des taux d'absentéisme plus élevés. Leurs familles sont plus susceptibles d'éclater. Ils font davantage appel à l'aide médicale, notamment pour traiter leur dépendance dans des cliniques de désintoxication. Et, bien entendu, il y a le coût de l'incarcération. Plus ces drogues deviendront accessibles au Canada, plus les Canadiens seront susceptibles de souffrir des conséquences de leur consommation. Nous ne devons pas faire fi de la perspective économique.
Il est frappant de constater qu'à peine quelques semaines après que les premiers ministres eurent conclu un accord sur la santé qui prévoit le transfert de sommes importantes aux provinces pour les soins de santé, nous sommes en train d'étudier des mesures qui, en adoucissant la loi, auraient pour effet d'augmenter considérablement le coût des soins de santé. On drainerait ainsi beaucoup de ressources du système de santé.
Du point de vue économique, nous ne pouvons oublier que nous vivons à côté de notre principal partenaire commercial, un des plus gros au monde, et qu'il s'agit des États-Unis. Je peux dire aux députés que les Américains voient d'un mauvais oeil ce que le gouvernement du Canada envisage avec ce projet de loi.
Le tsar des drogues aux États-Unis a récemment indiqué qu'il y aura des répercussions si nous allons de l'avant avec ce plan, car 95 p. 100 de la drogue, particulièrement celle qui est cultivée en Colombie-Britannique, ne reste pas en Colombie-Britannique. On l'envoie directement de l'autre côté de la frontière, et on nous envoie de la cocaïne en échange. C'est un immense problème. Compte tenu des délais actuels à la frontière, voulons-nous vraiment créer de nouveaux problèmes?
Par suite des attentats terroristes du 11 septembre, des mesures de sécurité accrue sont déjà en place à la frontière. Le deuxième poste frontalier en importance au pays se trouve dans ma circonscription. Les camionneurs attendent de six à sept heures pour traverser la frontière avec leurs produits, et nous proposons un projet de loi qui augmenterait le niveau de contrôle et compliquerait davantage la tâche de ceux qui gagnent leur vie en transportant des marchandises des deux côtés de la frontière.
Nous ne parlons pas simplement de l'économie. Il s'agit là de déclarations générales. Nous parlons de camionneurs qui ont des familles dans ma circonscription et qui ne peuvent gagner leur vie lorsque leur camion est coincé à la frontière. C'est un grave problème, et nous présentons un projet de loi qui embêterait les Américains. Ce n'est pas la bonne chose à faire.
Je souhaite aborder brièvement quelques préoccupations d'ordre criminel associées au projet de loi.
Le gouvernement soutient qu'il ne faut pas ouvrir de casier judiciaire aux jeunes parce qu'ils ont fumé un joint. Je me permets de différer d'opinion. Le projet de loi propose l'imposition d'une amende pour la possession de 30 grammes de marijuana, ce qui montre que l'ensemble du principe mis de l'avant est un pur mensonge. Trente grammes de marijuana suffisent pour rouler entre 30 et 60 joints. Permettez-moi de signaler que, lorsque quelqu'un se promène avec une telle quantité de joints dans ses poches, il ne s'agit pas de possession à des fins personnelles, mais bien à des fins de trafic.
Comment réagissons-nous à cela? Nous imposons une amende de 150 $ pour trafic. Toutefois, pour un revendeur qui empoche des dizaines de milliers de dollars par mois, une amende de 150 $ est le prix à payer pour faire des affaires et n'est absolument pas très élevé. En fait, c'est bon marché.
Je reconnais que les tribunaux durcissent de plus en plus les sentences imposées dans le cas de plantations de cannabis comptant plus de 25 plants. Or, en pratique, ce projet de loi amenuiserait les conséquences pour la culture de moins de 25 plants. C'est tout simplement insensé. Pourquoi devrions-nous, à cause de cette mesure, devenir plus tolérants que nous ne l'avons été dans le passé?
En fin de compte, à défaut de peine minimale obligatoire pour ces infractions, rien ne changera. Autrement dit, en pratique, il n'y aura pas de conséquences.
Il faut se rendre à l'évidence: les juges indulgents nommés par les libéraux font partie du problème. Puisque le système actuel ne contient aucun élément dissuasif, le problème empire. Par exemple, dans la région de Vancouver, en 1992, 29 p. 100 de toutes les accusations portaient sur les drogues. En 2000, ce chiffre avait chuté à 4 p. 100. De toute évidence, l'indulgence ne résout pas le problème.
J'ai parlé à des agents d'application de la loi dans ma circonscription qui sont terriblement frustrés par le temps et les efforts qu'ils consacrent à recueillir des preuves dans le cadre d'affaires qui feront l'objet d'un non-lieu ou qui entraîneront des peines insignifiantes.
Ne nous méprenons pas, la culture de cannabis est un problème grave qui nous coûte des centaines de millions de dollars tous les ans. D'ailleurs, les fournisseurs d'électricité à eux seuls essuient des pertes d'environ 200 millions de dollars dues au vol.
Où sont les peines croissantes dans tout ça? En vertu de cette mesure, la possession de cannabis n'est pas plus grave qu'une infraction de stationnement. Elle n'est même pas aussi grave qu'une contravention pour excès de vitesse, qui est assortie d'une amende dont le montant augmente avec chaque contravention subséquente, ce qui n'est pas le cas pour la possession de cannabis.
Pour avoir traité avec des criminels en tant qu'avocat, je suis excessivement conscient des dangers que présentent les drogues d'introduction comme la marijuana. J'ai connu beaucoup trop de jeunes adultes qui ont touché au cannabis pendant l'adolescence et qui, depuis une décennie, combattent la dépendance à des drogues dures comme l'héroïne.
D'un côté, nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider les gens à arrêter de fumer le tabac, et de l'autre, nous sommes sur le point de légaliser la marijuana, drogue beaucoup plus nuisible pour la société et surtout pour les jeunes, qui sont influençables. Ça n'a aucun sens. Je ferai tout mon possible pour que les trafiquants n'aient pas légitimement accès à nos enfants, et je commencerai par modifier le projet de loi.