:
Madame la Présidente, je propose que la Chambre adopte le premier rapport du Comité permanent de la santé, qui lui a été présenté le lundi 1
er novembre 2004.
Madame la présidente, je vais partager le temps qui m'est accordé avec le député de Charleswood—St. James—Assiniboia.
Cette motion est très importante et j'aimerais expliquer à la Chambre le chemin parcouru pour y parvenir. Cette motion est le fruit d'une décision unanime du Comité permanent de la santé. Cette unanimité n'aurait rien d'étonnant en soi, si ce n'était du fait que la décision va à l'encontre de l'orientation du gouvernement au cours des deux dernières législatures.
La motion a une importance d'autant plus grande que des députés du parti au pouvoir ont pris part aux discussions du comité et, ce faisant, ont conclu qu'au cours des sept dernières années, et même au cours de la dernière décennie, le gouvernement a fait erreur sur la question de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C hors de la période d'admissibilité. Il est donc essentiel de bien comprendre la démarche qui a conduit à la présentation de cette motion à la Chambre.
La motion a été rédigée au sein du comité. Nous avons pris unanimement la décision de recommander l'indemnisation de toutes les victimes ayant contracté l'hépatite C hors de la période d'admissibilité. Le comité a aussi adopté une autre motion portant que le comité fasse rapport à la Chambre le plus tôt possible au sujet de son appui unanime à la motion en faveur de l'indemnisation. Le rapport a été présenté lundi, donc mon avis de motion visait à obtenir l'assentiment de la Chambre, pour qu'elle reconnaisse que l'orientation choisie par le comité est la bonne. Nous demandons à la Chambre d 'approuver cette motion. C'est une demande légitime, et nous croyons que la Chambre devrait être d'accord.
Il reste 1,1 milliard de dollars dans le fonds d'indemnisation, qui contenait au départ 1,2 milliard de dollars. Toutes les victimes qui étaient déjà admissibles ont reçu leur indemnisation. Nous savons que le nombre de victimes n'ayant pas contracté la maladie pendant la période d'admissibilité est passablement moindre que les estimations qui avaient été faites à l'origine. Il y en a environ 5 000, peut-être 6 000 tout au plus. Il n'y a absolument aucune raison valable pour ne pas les indemniser.
Nous avons tenu un débat exploratoire à la Chambre hier soir pour discuter de la question. Le ministre s'est dit intéressé à poursuivre cette démarche et prévoit la présenter au Cabinet. Lorsque je regarde qui siège au conseil des ministres, je constate qu'il y a un certain nombre de ministres qui s'opposent à cette mesure depuis dix ans et qui siègent encore au Cabinet. Voilà pourquoi je suis un peu inquiet de la décision qu'ils prendront dans la salle de réunion du Cabinet. C'est pourquoi, il est très important que la Chambre les exhorte à prendre les mesures qui s'imposent.
Il n'y a aucune raison pour que cela ne se produise pas. Les fonds sont là, bien que la décision n'aurait jamais dû être fondée sur le financement, mais bel et bien sur l'équité.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que toutes les personnes, qui, à cause du sang contaminé, ont été infectées, en dehors de la période visée par l'accord, par le VIH et qui ont par la suite développé le sida ont été indemnisées. Seules les victimes de l'hépatite C ne l'ont pas été. On a fait preuve de discrimination à l'égard des victimes, mais également de la maladie. Ne serait-ce que pour des raisons d'équité, toutes les victimes du sang contaminé devraient être indemnisées.
Ce fut terrible pour les Canadiens de découvrir que le système de collecte et de distribution du sang qu'ils croyaient sûr ne l'était pas. Le gouvernement le savait pourtant. Il avait été prévenu, mais il n'a pas tenu compte de cette mise en garde. Nous pourrions parler indéfiniment des raisons et de la chronologie des faits. Je ne sais pas s'il importe de le faire à ce moment-ci. Ce qui est important toutefois, c'est de s'assurer que les députés ont la possibilité d'intervenir auprès du Cabinet et du gouvernement pour faire en sorte qu'ils prennent les décisions qui s'imposent dans les intérêts de tous les Canadiens.
Dans la décision rendue en 1998, et qui coïncidait avec la tenue de l'enquête Krever, on aurait dû indemniser toutes les personnes infectées en dehors de la période visée par l'accord. C'était la mesure qu'il aurait fallu prendre à l'époque et celle qu'il faut prendre maintenant. Il est toujours temps de faire ce qui s'impose et j'encourage les députés à véhiculer ce message.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de participer aujourd'hui à ce débat très important. J'ai entendu le député qui a pris la parole quelques minutes avant moi. Il semblait dire que certains députés auraient plus de conscience que d'autres. Je ne pense pas que nous soyons ici aujourd'hui pour faire l'examen de conscience de l'un ou de l'autre. Je pense que tous les députés souhaitent qu'on puisse indemniser toutes les victimes. Dans le passé, il y a eu des ententes qui doivent être respectées. En ce sens, je pense que le ministre de la Santé a déjà montré beaucoup d'ouverture.
Cependant, j'aimerais vous rappeler un peu d'histoire dans ce dossier et ce qui fait en sorte que chacun des députés de cette Chambre veut, bien sûr, venir en aide à ces gens. Nous devons regarder ce qui s'est passé et vivre avec certaines conséquences juridiques qui, finalement, régissent actuellement ce programme.
Le gouvernement du Canada s'était engagé à verser 1,4 milliard de dollars, à l'époque, afin d'indemniser et d'aider les victimes du virus d'hépatite C qui ont été infectées par le système canadien d'approvisionnement sanguin. Il y a eu 875 millions de dollars pour indemniser les victimes entre le mois de janvier 1986 et le 1er juillet 1990. C'était l'entente de règlement.
Il y a aussi un montant de 525 millions de dollars pour les soins et l'aide aux victimes. Ce montant permettra de fournir des soins et d'avoir une meilleure réglementation et surveillance du sang.
En 1998, le gouvernement du Canada et ses partenaires provinciaux et territoriaux ont annoncé une aide définitive pour les Canadiens et Canadiennes infectés. À cette époque, le règlement visait également les personnes atteintes d'hémophilie et de thalassémie qui étaient infectées par l'hépatite C—ces personnes avaient reçu des produits sanguins durant cette période—, peu importe le moment où elles ont été infectées.
À l'époque, la valeur du règlement était de 1,118 milliard de dollars. La contribution du gouvernement fédéral était environ de 875 millions de dollars. L'idée est que cette somme a été placée dans un fonds de fiducie au bénéfice des requérants, en vertu de l'entente de règlement pour les personnes ayant contracté l'hépatite C.
Je sais que nous voulons tous faire mieux, mais il faut que nous réalisions tous que l'entente de règlement est administrée actuellement indépendamment des gouvernements. Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, décider d'aller piger dans le fonds. Nous savons qu'il est géré par des administrateurs indépendants nommés par le Cour. La Cour s'est prononcée et a nommé le groupe Crawford Expertises Canada Inc. et le Groupe Garden City.
Finalement, ces administrateurs sont responsables des décisions prises à l'égard des réclamations et de l'émission des chèques aux requérants. On veut tous faire mieux et plus, mais il faut aussi respecter les décisions du tribunal qui ont été prises justement pour protéger les requérants et tenir ces choses à l'écart des gouvernements.
Effectivement, il y a encore de l'argent dans le fonds et j'espère que nous pourrons faire une distribution plus large. On sait qu'au 31 mars 2004, le fonds de fiducie contenait environ 865 millions de dollars. Au 1er octobre 2004, 9 424 réclamations avaient été approuvées et des versements de près de 387 millions de dollars avaient été effectués. En ce sens, le fonds a fonctionné pour ceux et celles qui étaient inclus au cours de cette période.
Bien sûr, nous connaissons tous les difficultés que les autres éprouvent. Cependant, l'entente de l'époque s'adressait particulièrement à ceux qui étaient visés entre 1986 et 1990. La somme de 865 millions de dollars qui est là n'appartient pas au gouvernement fédéral. Cette Chambre seule ne peut pas prendre la décision concernant ce fonds qui est gardé en fiducie.
On nous informe qu'une procédure est en place qui va permettre aux tribunaux d'examiner la situation du fonds et ses surplus actuariels au mois de juin 2005.
On s'en va vers un moment où les tribunaux, sous surveillance totalement indépendante, pourront examiner les surplus réels et les obligations pour l'avenir de ce fonds. Ils pourront dire aussi si le surplus existe vraiment, s'il n'y a pas d'engagements envers les victimes incluses dans la date de référence. Sinon, ils pourront nous indiquer aussi la façon dont ce surplus pourrait être alloué. J'imagine qu'à ce moment-là, bien des gens voudront faire des représentations. Espérons qu'il y aura possibilité, tout en respectant les ententes intervenues devant le tribunal, d'avoir des surplus suffisants qui pourraient permettre une distribution plus généreuse.
J'entendais le député dire que certains font preuve de conscience et que d'autres pas. Nous avons tous une responsabilité face à la gestion de ce fonds. Nous devons tous respecter le processus qui a été adopté à l'époque. On ne peut pas unilatéralement changer les règles du jeu. Cela ne serait pas acceptable pour ceux et celles qui, aujourd'hui, ont encore des réclamations devant ce fonds.
Je pense que le ministre de la Santé a été très clair à ce niveau: nous voulons regarder toutes les avenues possibles pour permettre une distribution plus large et plus équitable. Aucun député de cette Chambre n'aime voir qui que ce soit souffrir. Aucun député de cette Chambre veut priver qui que ce soit. Cependant, nous devons vivre avec les conséquences et la réalité de l'histoire de ce dossier. C'est une question de responsabilité. Il faut aussi reconnaître que ce fonds est indépendant.
Je sais que c'est remplis de bons sentiments que tous les députés aimeraient voir ce fonds être distribué. Quand on regarde les chiffres et qu'on voit 865 millions de dollars, on se dit qu'ils sont capables de faire plus. Peut-être, mais ce n'est pas à nous de déterminer cela. Des gens qui étaient ici au moment de la dernière entente ont jugé que cela devait être fait par le tribunal. J'ai toute la confiance dans le tribunal. Nous verrons dès juin 2005 s'il y a moyen d'être plus généreux.
Entre-temps, je sais que le ministre de la Santé, comme il l'a annoncé publiquement, doit en parler avec ses collègues du Cabinet. Toutefois, même le ministre de la Santé ne pourra pas unilatéralement changer les termes de cette décision.
On sait que l'entente de règlement de l'époque prévoit un calendrier d'indemnisation à l'intention des requérants admissibles pour des dommages généraux, pour des pertes de revenus, pour des coûts de traitements et pour d'autres frais. On dit qu'il existe six niveaux de dommages généraux, allant de 10 000 $ au niveau 1 à 100 000 $ au niveau 6. Tout cela mis ensemble, le total cumulatif est de 225 000 $, en fonction de la gravité de la maladie du requérant.
À mesure que la maladie progresse, les requérants admissibles déjà inclus dans le programme entre 1986 et 1990 peuvent demander une nouvelle indemnisation. Ce ne serait pas responsable envers les gens qui sont déjà admissibles au programme que de dire qu'on va vider la caisse. Je pense qu'il faut absolument s'assurer que tout est fait selon les règles. Nous avons un engagement moral et légal envers les gens qui sont actuellement inclus dans le programme.
Je pense que nous ne pouvons pas unilatéralement, sans avoir d'études précises ainsi qu'il est prévu dans l'entente, prendre des décisions à leur place. On sait que les paiements du fonds peuvent se poursuivre pendant aussi longtemps que 70 ans. Il faut avoir une perspective à long terme à cet égard. Nous ne pouvons pas aujourd'hui prendre une décision qui affectera la vie de toutes ces personnes. Je disais qu'actuellement, plusieurs milliers, soit 9 424 réclamations sont déjà entrées dans le système, mais il y en aura d'autres à long terme. Tout cela doit être tenu en compte.
Je sais que s'il en avait l'occasion, le ministre aimerait bien mieux émettre un chèque à tout le monde aujourd'hui. Cependant, ce n'est pas ainsi que l'entente a été formulée à l'époque. Il serait irresponsable de sa part de faire cela aujourd'hui, en prenant une initiative qui pourrait porter préjudice à ceux et celles déjà inclus dans le programme.
Par conséquent, on sait que les nouveaux requérants ou les personnes déjà admissibles qui reçoivent des versements continus ont jusqu'en 2010 pour faire une réclamation.
Je sais que tous les députés de cette Chambre veulent faire plus et souhaitent qu'on fasse plus. Toutefois, en même temps, on est liés par un contrat. Il n'y a pas d'autres mots. Un contrat est né entre les victimes de janvier 1986 et de juillet 1990, et on ne peut pas, à leur détriment, élargir le programme sans avoir fait les études et sans avoir l'autorité appropriée.
En ce sens, j'entendais quelques commentaires partisans un peu plus tôt. Je trouve cela malheureux.
Une voix: De quel côté?
L'hon. Jean Lapierre: Ce sont surtout des commentaires des conservateurs, en particulier. Je trouve cela malheureux, parce qu'on parle d'une question trop épineuse et trop délicate pour essayer de gagner des points politiques. Personne aujourd'hui ne veut gagner des votes sur la misère du monde, sur la maladie. Je ne peux pas croire qu'un député de cette Chambre voudrait marquer des points politiques sur la misère d'une victime. Ce serait totalement irresponsable.
C'est pour cela que quand j'entends ces députés dire qu'ils veulent maintenant changer les règles du jeu qui ont été acceptées, je me dis qu'on doit vivre avec cela. Cela ne nous empêche pas de chercher des formules possibles pour élargir la portée. Toutefois, cela, c'est justement en juin 2005. Ce n'est pas très loin, juin 2005. Je suis certain que s'il y a moyen de trouver d'autres mesures, le ministre de la Santé le fera car il a aussi grand coeur que n'importe lequel d'entre nous. Cependant, on ne peut pas le faire au détriment d'une entente régie par la cour.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Jean Lapierre: Il y a des gens qui s'énervent. La réalité est telle qu'il faut avoir un débat serein sur ce sujet, et je suis certain que les victimes exigent plus.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Jean Lapierre: En effet, les gens exigent plus que des cris en provenance des députés. Les victimes qui nous écoutent aujourd'hui savent bien qu'un processus a été validé par la cour, qu'un processus existe. De plus, on parle de juin 2005. Je sais que personne n'a agi de mauvaise foi dans ce dossier
Aujourd'hui, il est bon qu'on ait ce débat, il est bon qu'on réfléchisse sur le sort de ceux et celles qui ne sont pas inclus dans le programme. Toutefois, il ne faut pas le faire au détriment de ceux et celles qui y sont inclus. En ce sens, c'est d'une manière responsable qu'agit le ministre de la Santé. Bien sûr, on pourra dès juin 2005..
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Jean Lapierre: Monsieur le Président, il y a ici des gens qui sont énervés. Cela ne se peut pas. Je ne sais pas quel genre de caucus il y a eu au Parti conservateur aujourd'hui. Je ne sais pas si la chicane est prise, mais ils sont tous sur les nerfs! Nous sommes ici pour avoir un débat candide, un débat sérieux, avec une préoccupation réelle pour les victimes de cette terrible maladie.
On veut avoir ce débat, et on est heureux que des députés, comme le député d'Hochelaga et d'autres, veuillent sensibiliser et le gouvernement et l'opinion publique au sort de ceux et celles qui n'ont pas été inclus dans le programme.
Aujourd'hui, je suis content de participer à ce débat, et je suis convaincu que d'autres députés auront énormément à ajouter. Cependant, j'ai aussi hâte de voir, quand le ministre de la Santé aura la liberté et les informations nécessaires concernant les surplus réels, pour ne pas pénaliser qui que ce soit, si on aura l'occasion de revenir devant cette Chambre avec un programme plus généreux peut-être qui élargira sa portée. C'est ce que j'espère. Tout le monde souhaite cela dans un monde idéal.
La possibilité de participer à ce débat aujourd'hui nous donne justement cette occasion. Je sais que le ministre a déjà fait plusieurs commentaires à ce sujet et que d'autres collègues voudront participer.
En revanche, je n'ai pas du tout aimé l'attitude du député qui s'est exprimé avant moi en pensant ou en prétendant que certaines personnes faisaient preuve de plus de conscience que d'autres dans cette Chambre. Je pense que tout le monde veut faire de son mieux dans ce débat. Nous allons y participer de façon constructive en ayant une pensée spéciale pour ceux et celles qui sont affectés. Le débat aide peut-être justement à augmenter le niveau de sensibilité et à nous rappeler que nous avons une échéance, soit juin 2005. Cette échéance s'en vient rapidement. L'administrateur du fonds nous fera rapport.
Nous ne pouvons pas piger dans la caisse. Ce serait totalement irresponsable. Je suis certain qu'aucun député ne souhaite cela non plus. Le fonds n'est plus entre les mains du gouvernement; il est entre les mains d'administrateurs indépendants nommés par la cour. Je sais que beaucoup de ces députés ne respectent pas beaucoup le processus judiciaire. On le voit tous les jours lors de la période des questions orales dans la manière dont les députés n'acceptent même pas l'indépendance du juge Gomery. Par contre, c'est là un autre débat qu'on ne veut pas tenir sur le dos des victimes. Je sais qu'il n'y a pas une grande tradition. Nous allons maintenant revenir à l'essence même de ce débat, qui n'est pas de nature partisane.
Je sais qu'aujourd'hui, des centaines de victimes doivent écouter ce débat et se demander si l'on a l'intention de faire quelque chose. Nous avons une obligation de dire la vérité, d'expliquer la situation telle qu'elle est et d'exposer le contenu des ententes. À partir de cela, bien sûr, le ministre de la Santé fera tout en son possible pour en faire davantage. Nous verrons le niveau des surplus et leur disponibilité. Nous allons certainement attendre des directives sur la manière dont les surplus peuvent être distribués.
Comme mes collègues, je suis heureux non seulement de participer à une réflexion sur ce programme, mais aussi d'entendre les points de vue de tous nos collègues de cette Chambre d'une manière non partisane. Cela démontre qu'on se préoccupe du sort de ceux et celles qui ne sont pas inclus dans le programme, tout en restant responsable envers ceux et celles qui y ont malheureusement été inclus, puisque personne ne souhaite être inscrit à ce genre de programme. Nous ne le souhaitons à personne. À la fin, c'est la réalité et il faut vivre avec les engagements que nous avons pris envers les victimes.
C'est une approche responsable. Espérons que nous pourrons évoluer aussi dans cela. À cet égard, je compte sur le grand coeur de mon collègue le ministre de la Santé et peut-être aussi sur celui des Finances pour que nous continuions le dialogue et que nous puissions venir en aide à tous ceux et celles qui le méritent bien.
:
Monsieur le Président, le ministre choisit ses mots avec soin. Je suppose que c'est ce qui me fait réagir.
Seuls les libéraux pouvaient applaudir une déclaration comme celle-là. J'ai dit qu'il choisissait ses mots avec soin, mais aussi sa façon de s'exprimer. En fait, le dossier a toujours été entre les mains du gouvernement. C'est lui qui a adopté les paramètres du programme, lorsqu'il a fixé une date artificielle pour indemniser les victimes de la période 1986-1990. Il s'est agi d'une décision délibérée de la part du gouvernement.
C'est lui qui a décidé de cette période et, ce faisant, il s'est moqué du juge Krever, qui avait affirmé que toutes les victimes, peu importe à quel moment elles avaient contracté l'hépatite C, devraient être indemnisées. Le gouvernement savait que le 1,2 milliard de dollars qu'il mettait en réserve ne serait jamais utilisé. En fait, les frais judiciaires, actuariels et administratifs ont accaparé le montant qui devait être versé aux victimes. Seul un libéral pouvait consentir à un tel programme.
Pour nous, c'est une question d'équité à l'égard de toutes les victimes. Le ministre se lève à la Chambre pour déclarer que la question n'est plus entre les mains du gouvernement; or cette question a toujours relevé du gouvernement. C'est lui qui conduit les affaires. C'est dans ce but qu'il a été élu et qu'il a été appelé à former le gouvernement. Les Canadiens avaient une certaine confiance qu'il ferait ce qu'il y avait à faire, mais il a échoué à de nombreuses reprises à ce chapitre.
Le ministre n'était pas à la Chambre. Il vous a précédé et moi aussi, monsieur le Président. Il s'est absenté momentanément, puis il est revenu. Il a échappé au débat intense qui s'est déroulé à la Chambre en 1998, lorsque le gouvernement avait l'occasion de faire ce qu'il fallait. Nous avons présenté une motion exactement dans ce but, indemniser toutes les victimes. Devinez ce qui est arrivé? Le gouvernement libéral, dont il fait maintenant partie, s'est prononcé contre l'indemnisation de toutes les victimes.
Vous vous rappellerez le fait suivant, monsieur le Président, parce que vous avez une excellente mémoire pour nos délibérations et je vous en sais gré. Je suis toujours ravi que vous occupiez le fauteuil, étant donné l'intérêt marqué que vous prenez à des délibérations comme celles-ci. Si on consulte les journaux de la Chambre, on se rend compte que les députés libéraux sont venus occuper leur fauteuil pour voter, les larmes aux yeux, contre ce train de mesures d'indemnisation. C'est exact. Effectivement, la ministre actuelle de la Sécurité publique est l'une des députées qui occupaient leur fauteuil et qui ont été forcées par le premier ministre du Canada de se prononcer contre le train de mesures d'indemnisation à l'égard de toutes les victimes. Qu'est-ce que cela nous apprend sur la volonté du gouvernement de faire ce qu'il fallait?
Pourquoi ne donne-t-il pas des preuves de sa bonne volonté? Pourquoi ne demande-t-il pas à la Chambre de voter de nouveau? Nous avons tenu hier un débat exploratoire. À quel autre endroit au Canada un tel débat pourrait-il être tenu? Nous nous sommes présentés et avons débattu poliment d'un sujet. Par contre, tous les députés libéraux devraient être forcés de voter sur cette question qu'ils conviennent d'indemniser toutes les victimes ou qu'ils préfèrent continuer dans la même voie.
Pour ajouter l'insulte à l'injure, le fonds contient presque autant d'argent que le jour où il a été mis sur pied. Il y a une raison pour cela. Je me souviens qu'Allan Rock, à l'époque, avait affirmé que le gouvernement ne pouvait indemniser toutes les victimes simplement parce qu'il y en avait trop et qu'il n'avait pas l'argent nécessaire. C'était son argument.
Il y a moins de victimes que ce que le gouvernement s'imaginait à l'époque. De ce côté-ci de la Chambre, nous disions au gouvernement que les victimes étaient beaucoup moins nombreuses et que l'argent qu'il avait mis de côté serait suffisant pour toutes les victimes. Il a choisi de ne pas indemniser toutes les victimes.
La question à se poser est pourquoi le gouvernement a-t-il fait cela, sachant très bien qu'il y avait plus d'argent dans le fonds à ce moment? Le fonds contient encore le même montant; pourquoi ne pas indemniser toutes les victimes? La solution se trouve encore dans les mains du gouvernement. Pourquoi le gouvernement ne met-il pas la question au vote à la Chambre des communes et ne demande-t-il pas aux députés de se prononcer, oui ou non, au sujet de l'indemnisation de toutes les victimes?
:
Monsieur le Président, je pense que le député a soulevé un bon point sur la volonté de tout le monde d'imdemniser le maximum de victimes et sur la nécessité de se poser des questions sur l'argent disponible dans le fonds. Effectivement, au 31 mars 2004, le fonds contenait 865 millions de dollars. Au mois de juin, les tribunaux pourront déterminer le niveau du surplus. Ceci est déjà prévu dans les documents actuels.
En effet de la somme de 865 millions de dollars restants, il faut tenir compte des obligations qui découlent des 9 424 réclamations. Dans cela, il y a un processus évolutif. On ne peut donc pas, de manière responsable, aller piger les 865 millions de dollars parce que des engagements ont été pris envers les victimes du 1er janvier 1986 et du 1er juillet 1990.
En ce sens, la cour, avec l'aide de spécialistes et de gens qui connaissent cela, pourra, en juin 2005, déterminer le montant réel du surplus et aussi la façon dont ce surplus pourra être alloué. Par conséquent, à ce moment-là, une décision pourrait être prise.
Cependant, de présumer aujourd'hui qu'il y a 865 millions de dollars dans le fonds et qu'on peut l'utiliser au complet pour d'autres victimes, c'est omettre l'engagement moral et légal envers les victimes qui sont déjà incluses. Cela prend donc des expertises qui vont être faites par des indépendants.
Je comprends que le député voudrait être généreux. Nous voudrions tous l'être. Toutefois, une procédure a été adoptée à l'époque, reconnue par la cour. Par conséquent, en juin 2005, on pourra savoir le niveau réel des surplus et la manière d'en disposer. Je pense qu'à ce moment-là, il y aura peut-être moyen d'élargir la portée du règlement.
Nous verrons si les surplus sont réels et les engagements pris envers les 9 424 réclamants, jusqu'à présent. Est-ce qu'il s'en manifestera d'autres d'ici juin 2005? On dit qu'ils ont jusqu'en 2010 pour présenter une réclamation. Après cela, on pourra voir.
Dire que le gouvernement, aujourd'hui, unilatéralement, peut aller piger dans le fonds rapidement et faire fi des engagements qui ont été pris envers les autres, ce serait irresponsable et cela serait un bris des engagements contractuels et de ce qui a été reconnu par la cour. Je suis convaincu, qu'aujourd'hui, les députés ne nous demandent pas de ne pas respecter la parole qui a été donnée aux victimes incluses dans le programme.
Nous ne pouvons pas le faire au détriment de ces victimes-là. Je comprends que tout le monde a bon coeur et que nous voulons aider. Il est vrai que de voir ce surplus de 865 millions de dollars qui est là, dans le compte, cela fait mal au coeur, surtout quand on pense que des gens qui souffrent des affres de l'hépatite C pourraient l'utiliser. Nous en convenons. C'est pour cela que le ministre de la Santé s'est engagé à faire tout en son possible, mais tout en respectant notre parole et nos obligations.
J'ai confiance en la cour et en l'administrateur. Je pense que ces fonds ont été dépensés avec parcimonie et ont répondu aux besoins de ceux et celles qui ont déjà déposé des réclamations.
Heureusement, je me réjouis du fait qu'il n'y ait pas eu plus de victimes dans cette période-là. À l'époque, le ministre de la Santé pensait qu'il y en avait beaucoup plus. C'est pour cela qu'il a eu la prudence de mettre un fonds important. En effet, ses conseillers lui disaient que le nombre de victimes potentielles était beaucoup plus élevé. Nous devrions nous réjouir aujourd'hui du fait qu'il y en a eu beaucoup moins que prévu. Cela est une bonne nouvelle.
À l'époque, les connaissances scientifiques n'étaient pas si grandes que cela. On craignait que ce ne soit beaucoup plus important. On a donc prévu un montant important. Il y a une date butoir qui est juin 2005 et on pourra décider de ce qu'on pourra faire avec les surplus.
Tous les députés de cette Chambre aimeraient que cet argent puisse être utilisé par des victimes. Si le nombre n'est pas suffisant parce que cela a été plus limité que prévu, on s'en réjouit. S'il y a moyen de faire mieux et utiliser ces fonds pour les victimes qui sont en dehors des dates reconnues, espérons que ces surplus pourront servir. On le souhaite tous.
:
Monsieur le Président, j'aimerais commenter un peu les propos du député d'Outremont, dont on avait quelque peu l'impression qu'il se croyait devant une caméra de télévision. Je dois dire qu'il a été éloquent. Ce n'est évidemment pas sans référer à son passé.
Je voudrais d'abord qu'on se rappelle un certain nombre de faits. Dans les années 1980, deux virus ont contaminé les réserves de sang: le virus du VIH et le virus de l'hépatite C. Il est important de se rappeler qu'à cause de cette contamination, 10 000 personnes ont été atteintes de l'hépatite C au Canada et quelque 1 000 personnes ont été atteintes du virus du VIH et que la moitié de ces gens sont décédés.
Notre collègue et porte-parole en matière de santé du Parti conservateur du Canada avait bien raison de rappeler qu'au Comité permanent de la santé, les parlementaires qui y siègent ont été très avisés de demander qu'on revoie ce dossier.
Tel est le sens de la motion aujourd'hui. On demande que l'on puisse adopter le rapport unanime de tous les parlementaires qui siègent au Comité permanent de la santé et non seulement que ce rapport puisse être adopté unanimement, mais qu'il puisse faire l'objet d'un vote.
Cependant, je dois dire que je ne partage pas les propos du député d'Outremont lorsqu'il donne à penser qu'on peut faire complètement fi de l'histoire. Je suis sûr que les députés qui siégeaient à la Chambre en 1998 se souviendront de John Nunziata qui était l'un des éléments actif du «rat pack», et ce n'était pas le seul. Il y a eu le député de Glengarry—Prescott—Russell qui a eu des débordements à ce moment-là. Il n'était pas facile de composer avec le député de Glengarry—Prescott—Russell. On se rappelle même qu'un chandail à l'effigie du « rat pack » était disponible.
Cela étant dit, nous comprenons que le dossier n'est pas partisan. C'est certain que le dossier n'est pas partisan. Toutefois, on ne peut pas réhabiliter les libéraux. Cela ne peut pas être possible que ce gouvernement ait choisi de faire fi d'un des gestes les plus humanitaires qui auraient pu être posés à ce moment-là, et c'est-à-dire de ne pas faire de discrimination sur la base de la chronologie.
La Société canadienne de l'hémophilie avait dit au gouvernement: « Vingt-deux mille personnes, c'est beaucoup trop par rapport au retraçage. » On sait que, concernant les efforts de retraçage pour identifier des personnes qui ont reçu des transfusions sanguines, les chiffres étaient exagérés. On se rappelle même que le ministre Allan Rock avait dit à ce moment-là: « Si on élargit l'indemnisation, le système de santé sera en faillite. »
Par conséquent, il faut tristement se rappeler que les libéraux ont manqué de compassion dans les années qui sont considérées. Nous demandons aujourd'hui une réparation historique, et c'est l'occasion pour tous les parlementaires de cette Chambre. Le dossier n'est pas partisan. Toutefois, ne nous demandez pas de faire comme si nous avions déjà, en 1998, inclus les gens d'avant 1986 et les gens d'après 1990, puisque ce n'est pas le cas.
J'aimerais que le député d'Outremont n'oublie pas que, parmi les déterminants de la santé, il y a également le bruit causé par les chemins de fer. J'espère que nous pourrons, comme parlementaires, avant la nativité, adopter le projet de loi qui va donner à l'Office des transports plus de pouvoirs pour assurer une quiétude aux gens atteints de l'hépatite C, parce que maintenant, il n'y a pas seulement les traitements, mais il y a également la question de la qualité de vie de laquelle le bruit fait partie.
Cela étant dit, rappelons-nous que, concernant le fonds de 1,1 milliard de dollars—ce n'est quand même pas rien, 1,1 milliard de dollars—mis en fiducie, il est vrai que le gouvernement a un rapport d'extériorité face à cela. Toutefois, de ce 1,1 milliard de dollars, 800 millions de dollars sont encore disponibles.
J'espère—c'est le sens du rapport que tous les parlementaires ont adopté au Comité permanent de la santé—que le gouvernement agira très rapidement. Nous demandons un engagement en deux temps. L'engagement que nous demandons au ministre de la Santé, c'est de consulter le Cabinet avant Noël et dire publiquement—parce qu'il aura consulté le Cabinet et parce qu'il aura été devant le Conseil du Trésor, d'ici Noël—: « Oui, sur le plan du principe, au Conseil des ministres, au Cabinet, nous avons voté pour l'élargissement de l'indemnisation. »
Par la suite, nous allons nous réconcilier avec les différents impératifs. Et s'il n'est pas possible, au niveau de la cour, d'agir avant juin 2005, nous allons comprendre cette réalité. Nous nous rappelons que ce sont des tribunaux qui ont statué sur ces questions, comme l'avait demandé le juge Horace Krever, un juge à la Cour d'appel de l'Ontario.
Ce qui nous inquiète à ce moment-ci, c'est que nous souhaitons que, sur le plan de l'exécutif, sur le plan du Conseil des ministres, un engagement soit clairement pris. C'est le sens de notre rapport, qui est extrêmement raisonnable.
Deuxièmement, nous devons réfléchir à la situation suivante. Pourquoi, dans les années 1980 et 1990, nous sommes-nous retrouvés avec le scandale du sang contaminé? C'est parce qu'il n'y a pas eu de contrôle sur l'approvisionnement des produits sanguins. La situation était la suivante. Le gouvernement s'en remettait à la Croix-Rouge et à sa notoriété. On se disait que parce que la Croix-Rouge avait la réputation qu'elle avait à travers le monde, il n'était pas utile d'exercer un contrôle réglementaire. Cela doit nous faire réfléchir sur ce que cela signifie quand les autorités publiques ne prennent pas leurs responsabilités.
Ce n'est qu'en 1989 que la Chambre des communes amendera l'annexe de la Loi sur les produits et les drogues et qu'on aura ainsi un minimum de contrôle sur les produits sanguins. Avant 1989, aucun contrôle n'était exercé par quelque autorité publique que ce soit.
Évidemment, on ne refait pas l'histoire. On comprend que la Croix-Rouge avait une grande crédibilité et notoriété à ce moment-là. Cependant, cela doit nous faire réfléchir sur ce que veut dire que d'abdiquer ses responsabilités.
Je ne doute pas que tous les parlementaires de cette Chambre veuillent élargir la compensation. Je n'en doute pas. On ne peut pas faire abstraction du fait qu'historiquement, le gouvernement n'a pas eu cette sensibilité envers les personnes atteintes. Cela étant dit, il a l'occasion de poser un geste de réparation. Il est vrai qu'hier, j'ai félicité le discours du ministre de la Santé. À la période des questions orales, en réponse à une question que je lui ai posée, le ministre a dit que le député d'Hochelaga avait reconnu qu'on s'apprêtait à poser les bons gestes. Je suis prêt à dire que si le gouvernement reconnaît qu'il faut élargir la compensation, tous les députés du Bloc québécois se réjouiront certainement de cette décision. Il n'y a aucun problème là. Cependant, nous le féliciterons au nom de cette transcendance, de cette largeur de vue et de cette générosité d'âme, puisque c'est l'attitude qu'il faut adopter dans ce genre de dossier.
En revanche, il aurait été souhaitable que le Conseil des ministres soit saisi de la question beaucoup plus rapidement. Comment se fait-il que nous ne soyons pas en présence d'un engagement beaucoup plus clair de la part du ministre de la Santé?
Cela étant dit, travaillons pour l'avenir et formulons le voeu qu'avant l'ajournement du mois de décembre, un tel engagement puisse être pris. Je sais que tous les parlementaires y travailleront.
Lorsque nous avons tenu ce vote historique en 1998, le plan de compensation était échelonné sur six catégories. Dans la première catégorie, dès la présence d'anticorps dans le sang, on recevait 10 000 $. Selon le coefficient de gravité, on pouvait recevoir une indemnité cumulative jusqu'à hauteur de 250 000 $. On se rappellera aussi que le gouvernement a ajouté, avec les provinces, une somme de 300 millions de dollars pour offrir des soins aux personnes qui ont été contaminées pendant la période entre 1986 et 1990.
C'est donc un dossier de santé publique, de compassion et de responsabilités.
Nous n'avons que trop tardé, comme parlementaires, à mettre ce dossier derrière nous.
Il faut quand même admettre que l'impatience vient du fait que tout cela a été documenté. Le juge Horace Krever était juge à la Cour d'appel de l'Ontario, donc le plus haut tribunal de l'Ontario. Il avait lui-même présidé une commission d'enquête sur l'accès à des données confidentielles au niveau médical, en Ontario. Il a documenté les sévices et préjudices que les personnes atteintes ont vécus et ce que doit être un régime responsable d'indemnisation.
Le juge Krever avait présidé une commission royale d'enquête dont les termes avaient été discutés au Conseil des ministres. On sait qu'une commission royale d'enquête doit être autorisée par le Conseil privé. On ne peut pas dire que ce n'était pas quelque chose de sérieux ni d'engageant. En 1995, cette commission a déposé son rapport.
On se rappellera d'ailleurs que le juge Krever a eu beaucoup de mérite. En effet, certains intervenants, je pense entre autres à l'ancien ministre Pierre-Marc Johnson, à la Croix-Rouge et à Mme Thérèse Lavoie-Roux sont allés devant la Cour fédérale pour chercher à baliser les pouvoirs d'une commission d'enquête.
Vous vous rappellerez que la Cour fédérale a rendu une décision par laquelle on disait que la Commission Krever ne pouvait pas condamner criminellement des gens pour les agissements dont ils étaient responsables mais qu'elle pouvait faire des recommandations. C'est à partir de la jurisprudence établie par la Cour fédérale que, aujourd'hui, les pouvoirs des commissions royales d'enquête sont à ce point limités et on retrouve des vestiges de cette décision-là dans les débats qui se vivent présentement à la Commission Gomery.
Je le répète, c'est une question de compassion, d'humanisme et de responsabilité.
Vendredi dernier, j'ai passé l'avant-midi à Montréal, avenue du Président-Kennedy, du même nom que le président démocrate assassiné malheureusement à Dallas en novembre 1963. J'ai eu le plaisir de rencontrer les représentants de la Société canadienne d'hémophilie et de passer la matinée avec eux. Ce sont des bénévoles. La Société canadienne d'hémophilie a été fondée en 1953 et elle consacre un demi-million de dollars de ses budgets en recherche pour que toutes les maladies liées au facteur de coagulation du sang puissent un jour trouver une réponse par la voie de la recherche et développement.
Reconnaissons que dès le début des années 1990, la Société canadienne d'hémophilie avait été visionnaire puisqu'elle avait dit au gouvernement que ses prévisions étaient exagérées et qu'il n'y avait pas de rationalité à vouloir faire deux catégories de citoyens. Dans le malheur, ces gens-là étaient également frappés.
Quand vous vous présentez à l'hôpital, aux urgences, et qu'on vous administre un produit sanguin, ce n'est pas un geste que vous faites de façon négligente ou qui dénote un comportement téméraire. On était en droit de s'attendre que les autorités de la santé publique exercent un contrôle sur l'approvisionnement, la circulation et la distribution de produits sanguins.
La semaine prochaine, cela fera 10 ans que les travaux de la Commission Krever ont débuté avec le juge Horace Krever. Il faut se rappeler ce que cela veut dire de vivre avec l'hépatite C. Évidemment, il y a des degrés. L'incapacité ne frappe pas avec le même coefficient, mais il faut se rappeler ce que cela veut dire en termes de résistance, de fragilité et d'inquiétude face aux gestes les plus banals de la vie quotidienne.
Les bénévoles de la Société canadienne de l'hémophilie ont beaucoup de courage de s'impliquer ainsi. J'ai eu l'occasion de discuter avec François Laroche, un concitoyen de la région de Québec, de Beauport.
Ils ont toujours gardé espoir que le gouvernement puisse finalement revoir sa décision. J'espère que cet espoir sera couronné de succès. J'ai confiance que le ministre de la Santé, un ancien bolchevik du NPD de la Colombie-Britannique, pourra trouver la voix de la raison et que cela l'amènera à déposer très rapidement un mémoire au Conseil des ministres, de telle sorte que nous puissions nous asseoir sur quelque chose de solide.
J'étais heureux hier du discours du ministre de la Santé lorsqu'il a dit qu'il était déterminé. Depuis la Commission Krever, cinq ministres de la Santé se sont succédé. Ils auraient pu régler cette question et la mettre derrière nous. Je sais que nous pouvons vivre de cette conviction qu'avant la Nativité, le Conseil des ministres sera saisi de cette question et que le ministre de la Santé, qui aura l'appui de tous les parlementaires de cette Chambre, se lèvera de son siège en engageant tout le gouvernement dans cette voie. Lorsque le ministre de la Santé se lèvera de son siège pour dire que le Conseil des ministres a adopté une résolution permettant d'élargir l'indemnisation aux victimes d'avant janvier 1986 et d'après juin 1990, je sais que tous les députés auront le sentiment que notre action et celle des dernières années aura donné des résultats.
Je vous assure que tous les députés du Bloc québécois veulent agir dans ce dossier de manière non partisane. Cependant, notre volonté d'agir de manière non partisane ne fera pas en sorte que nous ne nous rappellerons pas l'histoire. Nous ne réhabiliterons pas des gestes et des politiques qui ne méritent pas de l'être. Nous rappelons encore une fois qu'il s'agit d'une question qui mérite le plus grand intérêt de la part de l'ensemble des parlementaires.
Je terminerai en parlant quelques instants également de la question de l'indemnisation aux victimes du VIH. Vous vous rappelez qu'une entente fédérale-provinciale-territoriale était survenue. On parlait de 300 personnes, ce qui n'est pas beaucoup. On a donné 30 000 $ en montants forfaitaires à ces personnes, moyennant une renonciation à des poursuites à l'endroit du gouvernement. Il est quand même assez triste de constater que ces personnes reçoivent des indemnités qui, à ce jour, ne sont pas indexées. Ils vivent avec ces indemnités depuis près de 10 ans. On comprend bien tout l'effet inflationniste et combien ces gens se retrouvent avec un pouvoir d'achat considérablement diminué.
Ce dossier est moins connu parmi l'opinion publique que ne l'est le dossier du sang contaminé et de la compensation. Toutefois, c'est également un dossier qui devra retenir notre attention. Vendredi dernier, quand j'ai rencontré M. Laroche, M. John Plater et Mme Ostrowski, on a porté à ma connaissance le rattrapage qu'il fallait faire dans ce dossier.
En résumé, nous vivons de l'espoir que, d'ici Noël, le gouvernement s'active et annonce un engagement public. Nous respecterons évidemment les prérogatives de la cour. Si le délai de juin 2005 est celui qu'il faut respecter, nous le respecterons. Cependant, nous serions beaucoup plus à l'aise de voir, de la part de l'exécutif, un engagement beaucoup plus ferme que ce que nous connaissons à ce jour.
:
Monsieur le Président, j'aurais quelques commentaires à faire aux députés et je voudrais lui poser une question.
Le député parle de la question de l'approche non partisane. Je suis tout à fait d'accord mais il faudrait quand même soigner le choix de mots parce que parfois cela se détraque un peu et s'en va vers la partisanerie.
Par exemple, on pourrait parler d'une fiducie et avoir une motion du comité, acceptée par tous les membres du comité, de tous les partis, du parti libéral, des socialistes, des séparatistes, des opportunistes. Cette motion dirait que compte tenu d'un éventuel surplus dans le fonds de fiducie, on pourrait indemniser plus de gens, élargir la question de savoir qui aura une compensation. Nous sommes tous d'accord avec cela. Nous voulons tous compenser ces gens-là, d'avant 1986 et d'après 1990; nous voulons tous le faire.
Toutefois, nous sommes pris avec des réalités; le ministre de la Santé est pris avec des réalités. Il l'a expliqué aux députés en débat, hier soir; cela a été expliqué par le ministre des Transports aujourd'hui. Les fonds de la fiducie n'appartiennent pas au gouvernement du Canada ni aux citoyens du Canada.
Le ministre ou le Conseil privé ne peuvent pas avoir accès à ces fonds de leur propre volonté. Ils doivent agir selon les règlements de la fiducie, tels qu'établis par trois cours, la Cour du Québec, la Cour de la Colombie-Britannique et la Cour de l'Ontario.
Il y a un fiduciaire, des gens qui agissent pour ceux qui reçoivent cette compensation. Donc on a créé une fiducie, qui agit pour eux et qui fait les investissements qui génèrent des fonds. Les experts-conseils vont nous dire en juin—cela arrive très vite—quel est le surplus. On croit qu'il y en aura un, on est tous d'accord. Mais quel est le vrai surplus actuariel? Il faut prendre en considération les nouvelles personnes qui pourraient encore avoir accès à ces fonds, les gens qui vont avoir des besoins accrus dans le futur, des contributions qui pourraient se faire sur encore 70 ans. Quel est le surplus suite à tout cela?
Cela peut être 400 ou 500 millions de dollars. Je ne sais pas et on attend cela. À ce moment-là, il faudra travailler avec les requérants, les fiduciaires, les cours et les gouvernements provinciaux pour faire des recommandations sur les utilisations.
Je pense qu'on a bien compris quel était le désir du ministre. On sait certainement ce qu'il désire de tous les membres du Comité permanent de la santé, d'une manière non partisane. Mais utiliser des termes comme: « avant Noël, plus tôt, immédiatement » pour qu'on commence à changer, je ne pense que ce soit vraiment ce qu'on veut. On veut cela dans les plus brefs délais. Si les plus brefs délais, cela veut dire qu'il faut suivre les cheminements et que cela nous amène au mois de juin, c'est la réalité.
Je demande au député ce qu'il pense des autres aides et compensations qui ont été faites. Il y a quand même eu de l'aide pour les gens qui ont souffert. Il y a eu du travail avec les provinces, dans la recherche et le développement, et la Société canadienne de l'hémophilie. La fiducie travaille avec eux puisqu'ils reçoivent des fonds provenant de ces 525 millions de dollars, des fonds utilisés pour venir en aide à ces victimes.
:
Madame la Présidente, j'invite le secrétaire parlementaire à beaucoup de prudence, parce que je ne crois pas pouvoir subodorer quelque filon de partisanerie dans mon discours. De plus, j'ai un peu peur que le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé somatise un peu. Je l'invite à bien reconnaître la valeur au mérite. Je pense que tous les députés du Bloc québécois à la Chambre travaillent de manière non partisane.
Comme le secrétaire parlementaire, je reconnais que lorsque des cours de justice rendent des décisions, il y a là quelque chose de contraignant. Je comprends bien le sens du mot « fiducie », cependant, le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé doit convenir avec moi que lorsqu'il y aura cette révision des fonds actuariels, il y a possibilité de faire des représentations pour que l'on puisse élargir. C'est de cela dont on parle.
Toutefois, avant de se rendre à la cour, le Conseil des ministres devra statuer sur cette question. Je demande simplement qu'il y ait un engagement pour que cela puisse se faire avant la nativité.
Le mois de juin, c'est sûr que c'est quelque chose qui est à portée de réalisation, mais quand on est atteint, tous les jours et toutes les semaines nous sont comptés. Sachons bien que pour les personnes atteintes, le mois de juin est un horizon de moyen terme. Ce n'est pas un horizon de court terme.
Maintenant, je partage le point de vue du secrétaire du ministre de la Santé selon lequel le ministre est de bonne foi, qu'il veut régler le problème, qu'il veut être le ministre qui élargira l'indemnisation, et j'ai confiance dans le ministre de la Santé.
Néanmoins, le ministre de la Santé doit comprendre aussi que nous avons de cette impatience en forme de justice qui nous amène à être vigilants, puisque le gouvernement n'a pas agi avant. Aujourd'hui, les conditions sont réunies pour que le gouvernement agisse. J'ai confiance dans le ministre, mais ne nous demandez pas, comme député du Bloc, d'abdiquer notre responsabilité. Nous ferons pression sur le gouvernement. Nous le ferons intelligemment, dans le respect des règles parlementaires et de la courtoisie. Oui, nous ferons pression, parce que nous savons qu'en politique, il n'y a pas de foi sans les oeuvres, et celles-ci ne se sont pas manifestées à ce jour.
Maintenant, la bonne foi se présume; c'est la mauvaise foi qui se prouve. Hier, le ministre s'est levé et a dit: « Faites-moi confiance. » Oui, nous allons lui faire confiance, mais nous souhaitons qu'il y ait un engagement clair, et ce n'est pas parce que nous voulons le brusquer indûment. Je sais que le ministre est un homme « à manipuler avec soin ». Cependant, nous ferons la pression qui s'impose pour avoir des résultats.
:
Monsieur le Président, le 28 octobre, le Comité permanent de la santé a soumis un rapport à la Chambre comportant la recommandation suivante:
Que le Comité...exhorte le gouvernement à accorder l’indemnité à quiconque a contracté l’hépatite C à cause de sang contaminé; et que le Comité invite à cet égard les gestionnaires du fonds, la Société canadienne d’hémophilie, et tout autre témoin que le Comité jugera pertinent;...
Nous sommes saisis aujourd'hui d'une motion d'approbation de ce rapport. Elle arrive à point nommé, puisqu'hier soir, la Chambre a tenu un débat exploratoire sur cette importante question.
J'ai eu l'occasion de suivre le débat et j'ai passé en revue les interventions de certains députés. J'ai été impressionné par l'ampleur du soutien accordé aux déclarations faites par le ministre de la Santé à ce sujet. Je veux que figurent au compte rendu les propos tenus par le ministre, parce que je crois qu'il est important qu'on rappelle aux députés son attitude et sa position. Mardi, le 2 novembre, au cours du débat exploratoire, il a déclaré:
Depuis que je suis en politique, je pense que nous, les législateurs élus, nous faisons mieux notre travail et les Canadiens sont mieux servis quand nous réfléchissons ensemble, de manière constructive et respectueuse des autres. C'est d'autant plus vrai quand le sujet est difficile, quand il déchaîne les passions et quand, comme dans le cas des personnes qui ont contracté l'hépatite C par l'intermédiaire du système de collecte et de distribution du sang, il met en jeu ce sentiment de compassion et de décence, à bien des niveaux, dont je sais qu'il motive tous les députés de la Chambre.
C'est là une importante caractérisation de la position que le ministre a adoptée, non seulement dans le cadre de ce débat, mais aussi dans l'action qu'il mène depuis qu'il exerce ses fonctions.
J'étais ici au moment où nous avons discuté de la question de l'hépatite C. Je me souviens de l'émotion. Franchement, nous l'avons sentie aujourd'hui. Les députés, et même de nouveaux députés, ont été émus au point de plaider pour de la compassion, pour que nous ayons une conscience, pour que nous nous occupions de la santé et du bien-être des Canadiens. C'est cela, notre travail.
Je comprends la passion et il importe de reconnaître que les députés ont la conviction profonde que c'est probablement là la voie à suivre, mais l'important, c'est que nous prenions toutes les mesures appropriées pour examiner les options et pour faire ce qui peut être fait, peu importe ce que c'est.
Dans le cadre du débat exploratoire et même aujourd'hui encore, un des députés a laissé entendre que le gouvernement du Canada savait que le sang était contaminé et qu'il n'a pas pris les mesures qui s'imposaient, qu'il était apparemment au courant de l'existence d'un excédent, mais qu'il n'a rien fait au fil des ans.
Ce n'est absolument pas le cas. Les députés savent qu'après examen de la question par la Chambre des communes, un accord a été conclu. Celui-ci présentait de façon très explicite les modalités et conditions de fonctionnement du fonds.
Pour ce qui est de l'administration du fonds, le ministre a expliqué hier soir, très posément, que le gouvernement n'a pas droit de regard sur le fonds. Il s'agit d'un fonds en fiducie qui est indépendant du gouvernement et qui fonctionne conformément à l'accord.
Cela veut toutefois dire, comme je l'ai expliqué dans une question au dernier intervenant, que l'accord comporte certaines dispositions concernant l'existence éventuelle d'un excédent et l'utilisation qui pourrait en être faite.
Les députés savent que des demandeurs éventuels qui ont contracté la maladie au cours de la période visée peuvent demander une indemnité de ce fonds pendant encore sept décennies. Le montant de l'indemnité susceptible d'être versée dépend de la situation du demandeur et de son état de santé après avoir contracté l'hépatite C.
Compte tenu de ces faits, il est très difficile d'estimer la valeur des réclamations au cours des 70 prochaines années. On ne peut aisément prévoir ce qui va arriver. En ce qui concerne la somme de 1,118 milliard qui reste dans le fonds, les députés savent qu'elle n'a pas été totalement utilisée. Cependant, il est clair que, pour calculer l'excédent, il faut essayer de prévoir les réclamations pouvant survenir au cours des 70 prochaines années.
La principale condition d'admissibilité des bénéficiaires visés par cette entente est clairement énoncée. Il s'agit d'une période. La décision a été très difficile à prendre. Les députés se souviendront des débats émotifs qui ont eu lieu à la Chambre et des questions posées par les députés pendant les périodes des questions. On a fait valoir des arguments concernant le choix du début de la période.
Y a-t-il un excédent? Eh bien, les fiduciaires du fonds vont au moins essayer de déterminer, d'ici juin 2005, si un excédent actuariel est prévu. Dans l'affirmative, on pourra discuter de la possibilité de se servir de cet excédent pour autre chose.
Comme je l'ai indiqué dans ma question précédente, l'entente originale prévoit quatre moyens pour utiliser un excédent éventuel: réinvestir l'argent dans le fonds; remettre l'argent aux donateurs, y compris l'État fédéral; augmenter les paiements aux bénéficiaires existants; dépenser l'argent d'une manière qui profiterait aux bénéficiaires admissibles, notamment en investissant dans la recherche.
Aux termes de l'entente, si un excédent est effectivement dégagé du fonds, dans certaines circonstances, selon les calculs actuariels effectués, l'argent pourrait théoriquement être remis à l'État fédéral. L'argent remis ne serait plus soumis à l'entente, et le gouvernement pourrait très bien prendre une initiative en vue d'aider les victimes ayant contracté l'hépatite C hors de la période d'admissibilité actuelle. Cependant, il devrait alors mettre sur pied un programme distinct à cet égard.
J'ai demandé au député d'Hochelaga, puisqu'il siège au Comité de la santé, s'il y a une disposition dans l'entente qui prévoit la possibilité de devancer la date de détermination actuarielle d'un excédent, actuellement fixée à juin 2005. J'estime que c'est une question fort pertinente. Je ne sais pas. Néanmoins, je suis certain que les gens se penchent là-dessus maintenant.
J'imagine, pour avoir lu les débats et suivi certaines des délibérations d'hier soir, qu'il y a un consensus dans cette Chambre pour que nous saisissions toutes les occasions raisonnables pour évaluer les options et faire tout ce que nous pouvons. Je crois que cela s'inscrit dans le droit fil des déclarations que le ministre a faites à la Chambre. Il est venu aux débats en faisant preuve de bonne foi. Il a suivi les délibérations. Les députés se sont montrés très généreux dans leurs éloges au ministre qui a fait preuve d'une telle ouverture au sujet de cette question. Le ministre a été très clair à cet égard. Les députés devraient se réjouir du fait que nous puissions travailler dans un tel contexte.
Il ne s'agit pas de savoir qui a le plus de conscience, qui voulait faire quelque chose et qui ne voulait pas faire quoi que ce soit.
Comme les députés peuvent le constater, il n'y a pas uniquement l'entente de règlement, il y a également un programme de soins destiné aux personnes infectées avant 1986 et après 1990, une initiative d'engagement et un programme de prévention, d'appui et de recherche concernant l'hépatite C. Tous ces éléments sont le fruit du travail que les députés avaient fait à l'époque.
Les députés qui ont soulevé cette question au Comité de la santé, qui compte des députés de tous les partis, ont profité de l'occasion pour en saisir la Chambre et lui recommander unanimement de l'examiner. De ce fait, il est important que nous poursuivions ce débat. Le fait que nous discutions encore aujourd'hui de cette question, même après le débat exploratoire d'hier soir, montre la compassion et la préoccupation des députés.
Certains s'interrogent pour savoir pourquoi certaines victimes n'ont pas été indemnisées. J'imagine qu'il faudrait se poser la question suivante: Quel raisonnement a mené à la décision de limiter l'indemnisation à la période allant de 1986 à 1990?
Ayant examiné certains des détails et des données, j'ai appris qu'en 1986 la plupart des banques de sang des États-Unis pratiquaient le dosage de remplacement pour détecter la présence de l'hépatite non A-non B dans le sang. Le Canada n'a pas adopté cette pratique. Il a adopté la méthode des tests directs lorsque celle-ci a été mise au point en 1990.
Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires ont décidé de ne pas indemniser les personnes infectées par l'hépatite C lors d'une transfusion sanguine avant 1986 ou après le 1er juillet 1990 parce qu'ils estimaient que le système de distribution de sang du Canada était alors, en principe, des plus sûrs. Au lieu d'indemniser ces victimes, le gouvernement fédéral a accepté de verser 300 millions de dollars sur 20 ans aux provinces et aux territoires afin de les aider à fournir des services de santé aux personnes infectées par l'hépatite C. C'est, en gros, pourquoi les Canadiens qui ont contracté l'hépatite C ou le VIH par une transfusion sanguine avant 1986 ou après 1990 n'ont pas été inclus dans le plan d'indemnisation.
Je ne pense pas qu'il soit utile de discuter de ce qui s'est produit dans le passé, sachant que, depuis lors, la Croix-Rouge a changé de rôle. Nous avons maintenant un organisme appelé Société canadienne du sang. Je ne pense pas qu'il soit utile de débattre de la question de savoir si le dosage de remplacement aurait été un moyen fiable de déterminer si les produits sanguins de l'époque étaient sûrs.
J'ignore s'il y a des causes en instance ou si des poursuites ont été intentées contre le gouvernement parce qu'au cours de la période se trouvant à l'extérieur de la fenêtre d'indemnisation pareilles poursuites pouvaient avoir un fondement. Je n'en connais pas. Nos conseillers juridiques nous ont dit que, dans les circonstances, comme il n'y avait aucun outil nous permettant de déterminer de façon certaine quels étaient les problèmes à l'époque, il n'y avait rien à faire de plus, nonobstant le fait que les États-Unis songeaient à recourir au dosage de remplacement.
D'aucuns parlaient d'un excédent, et tout ce que je puis dire, c'est qu'ils ne font que spéculer sur ce qui pourrait être disponible. Sur les 875 millions de dollars accordés par le gouvernement du Canada, des paiements de 387 millions de dollars environ ont été faits à quelque 9 500 demandeurs approuvés. Il y avait encore 865 millions de dollars dans le fonds le 31 mars 2004. Au nombre des 9 424 demandes, 4 452 ont été approuvées pour des personnes infectées par une transfusion sanguine, 46 ont été faites par des personnes qui ont été contaminées par leur conjoint ou par une exposition prénatale et 4 926 ont été présentées pour perte de soutien par des membres de la famille de personnes contaminées.
Il faut reconnaître que les paiements provenant du fonds peuvent se poursuivre, je le répète, sur une période pouvant aller jusqu'à 70 ans pour de nouveaux demandeurs qui ont jusqu'en 2010 pour présenter leurs réclamations ou pour ceux qui sont déjà admissibles. Les demandeurs peuvent réclamer une indemnisation supplémentaire au fur et à mesure que leur maladie évoluera, car il y a divers niveaux de prestations.
Les députés vont reconnaître que des questions se posent sur l'importance de l'excédent, s'il y en a un, qu'on pourra établir après avoir procédé à des calculs actuariels. Cela prend du temps. Le gouvernement n'a aucun contrôle sur la situation à ce stade-ci, et c'est plutôt entre les mains d'une tierce partie conformément à une entente à laquelle les gouvernements fédéral et provinciaux sont parties. Des travaux seront effectués pour déterminer les options qui s'offrent.
Dans la mesure où les prestations seront versées pour toute autre fin et aux gens non inclus dans la période visée, comment déterminer les prestations qui pourraient être versées ou la valeur totale des réclamations? Il faut l'établir. Quel est le rapport entre la valeur totale des réclamations et l'excédent qui pourrait exister?
Quoi qu'il en soit, c'est probablement une question importante que le Comité de la santé devra examiner. Le comité avait adopté une motion voulant que les gestionnaires du fonds, la Société canadienne de l'hémophilie, et d'autres témoins pertinents soient invités à rencontrer le comité à ce sujet et qu'un rapport soit déposé à la Chambre, au besoin. Je pense que cela va être nécessaire.
Il est extrêmement important que le Comité de la santé poursuive ses travaux sur cette importante question, qu'il se renseigne sur tous les détails pertinents concernant l'accord de règlement, qu'il se penche sur les faits dans la mesure où ils sont connus en ce qui concerne ceux qui ne sont pas compris dans la période et qu'il parle aux autres intéressés, qu'il s'agisse de la Société canadienne de l'hémophilie, de la Société canadienne du sang et d'autres témoins pertinents, afin que les parlementaires soient parfaitement au courant de la situation. Je sais que les députés vont attendre avec impatience de recevoir un tel rapport du Comité permanent de la santé.
Je voudrais en terminant remercier tous les députés pour leur apport réfléchi à ce processus. C'est une de ces questions qui, selon moi, va au-delà de la partisanerie. Je pense qu'il y a un fort consensus à la Chambre pour déterminer les options qui s'offrent à nous et pour y donner suite. Je crois que, grâce aux travaux continus du Comité permanent de la santé, aux travaux que le ministre fera et qu'il a déjà entrepris, cette question ne sera pas controversée dans cette enceinte, mais que les parlementaires seront en mesure de travailler pour trouver la bonne solution à un problème important.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du rapport du Comité permanent de la santé qui vient d'être déposé. J'aimerais tout d'abord citer la motion qu'il contient:
Que le Comité, reconnaissant la recommandation de l’enquête Krever et l’important surplus du fonds fédéral d’indemnisation des victimes de l’hépatite C, exhorte le gouvernement à accorder l’indemnité à quiconque a contracté l’hépatite C à cause de sang contaminé.
On y recommande plus loin que d'autres témoins soient convoqués.
Nous devons regarder les faits. Effectivement, le système établi n'a pas bien servi les victimes. Nous sommes en 2004 et il se peut que des victimes de 1986 n'aient pas encore été traitées avec justice. Ce qui pose problème à l'opposition, c'est le processus législatif retenu par le gouvernement et son aboutissement actuel. Il nous semble y avoir urgence à répondre aux besoins des victimes.
Il importe de rappeler que, selon le rapport Krever, on peut juger du degré de compassion d'une société d'après les mesures qu'elle prend pour réduire les répercussions d'une tragédie sur ses membres. Sans égard au parti qui était le nôtre à cette époque ou qui l'est aujourd'hui, nous devons nous demander en tant qu'élus si nous avons été à la hauteur de cette norme. Je crois que nous avons tous échoué. Nous devons faire le nécessaire pour assurer une indemnisation équitable et veiller à ce que les victimes soient traitées justement.
Un ancien ministre qui a pris la parole aujourd'hui a déclaré que nous souhaitons tous faire preuve de générosité. Mais c'est plutôt de justice qu'il s'agit. Il y a une différence entre les deux. D'où un certain malaise sur cette question, me semble-t-il.
Le gouvernement en est encore à la générosité. Des gens ont été les victimes d'un processus dont nous avons la garde et qui ne les a pas protégés. Il ne s'agit pas ici de blâmer, mais de corriger une erreur. Ce n'est pas la générosité qui va aider ces gens. En ce sens, la façon de traiter le dossier me pose problème.
J'ai oublié de vous dire, madame la Présidente, que je partagerai mon temps de parole avec ma collègue la députée de Winnipeg-Nord.
J'ai travaillé pendant environ cinq ans pour le comité SIDA du comté de Windsor et Essex. Je travaillais pour des personnes qui avaient contracté le sida, le VIH ou l'hépatite C. On observait une différence dans la qualité de vie des personnes, selon qu'elles pouvaient ou non compter sur le soutien de leur famille. Certains recevaient une aide financière, mais d'autres n'en recevaient aucune. Notre rôle consistait non seulement à intervenir auprès des personnes atteintes pour les aider à gérer les situations où elles se trouvaient, que ce soit au travail, dans la société, dans leur vie sociale ou ailleurs, mais à intervenir aussi auprès des membres de la communauté.
Je voudrais tout d'abord parler d'une personne dont il a été question au cours de débats à la Chambre. Son nom est Susan. Il faut parler des personnes qui sont touchées par ces situations. Là encore, c'est une question de justice, et non pas de générosité.
L'époux de Susan a dû recevoir une transfusion sanguine à la suite d'une crise cardiaque et d'un accident vasculaire cérébral. Il s'est complètement remis de son accident, mais a contracté l'hépatite C à la suite de la transfusion. Cet homme, qui était un véritable athlète et un entraîneur sportif auprès d'enfants, est aujourd'hui presque constamment malade. Il s'oblige néanmoins à travailler pour soutenir sa famille, car il n'a aucune autre ressource financière. Tout le monde a été touché, à commencer par lui, en tant que personne, père et entraîneur sportif au sein de sa communauté. Il faut accorder de l'aide à ces personnes, non pas par générosité mais parce que la justice nous le commande.
Examinons certaines des raisons pour lesquelles nous devons venir en aide aux victimes. Elles sont nombreuses. La première est d'ordre médical. Les personnes peuvent évidemment s'occuper d'elles-mêmes si elles reçoivent une certaine aide financière qui leur permet d'avoir accès aux médicaments et aux traitements que nécessite leur état. C'est un avantage considérable pour ces personnes et pour ceux qui les entourent. C'est pour nous une obligation légale. Le juge Krever disait qu'on mesure la compassion d'une société aux moyens qu'elle prend pour réduire les conséquences d'une tragédie sur ses membres.
À cause de la façon dont les choses étaient faites, les victimes ont dû intenter des poursuites pour obtenir une indemnisation. Elles ont dû se soumettre à un processus pénible pour pouvoir obtenir de l'aide. Au même moment, certaines recommandations n'ont pas été suivies. Le gouvernement a ignoré certaines mises en garde et on voit maintenant quels sont les résultats. Nous pouvons aujourd'hui, presque 20 ans après que certaines personnes aient été infectées, compter sur une loi dont l'adoption a été rendue nécessaire en grande partie à cause des lacunes de la réglementation fédérale.
Nous savions que le sang était à risques après avoir mené les enquêtes et appris que l'on avait utilisé du sang de prisonniers américains dans notre système, par exemple. Nous savions alors que le système comportait des lacunes. Nous avons pris des mesures correctives depuis. Cette tragédie a littéralement fait tomber des institutions telles que la Croix-Rouge, des institutions solides ayant de bonnes feuilles de route. Elles avaient des conseils d'administration modèles et étaient engagées sur le plan communautaire. Leur réputation a été ternie et nous n'étions pas en mesure de réagir.
La saine situation financière devrait aussi nous inciter à aller de l'avant. Quelque 80 millions de dollars sont disponibles et il nous incombe d'indemniser les victimes de façon adéquate. En fait, même s'il a répété à quelques reprises, depuis 1995, qu'il n'avait pas les moyens de faire un certain nombre de choses, le gouvernement réalise des excédents, bon an mal an.
Il est souvent question de mesures d'indemnisation qui bénéficient directement aux collectivités et aux particuliers. Cela est un avantage direct. Le gouvernement invoque parfois la pauvreté pour justifier qu'il n'a pas les ressources voulues pour prendre les mesures qui s'imposent. Il dit vouloir agir, mais il prétend ne pas pouvoir le faire parce que les coffres sont vides. Nous savons que c'est faux. Nous savons qu'il y aura de nouveau abondance d'argent.
On a aussi dit que cette mesure menacerait le financement du régime d'assurance-maladie et qu'elle créerait un précédent. Selon moi, il s'agit d'une situation unique qui ne menace aucunement notre système de santé. Les Canadiens veulent que nous prenions la bonne décision. Ils veulent que nous la prenions maintenant.
Selon les commentaires qu'a reçus ou qu'a lui-même faits le ministre de la Santé, c'est très généreux. Les Canadiens craignent que cela ne soit une autre manoeuvre de diversion pour reporter la décision à plus tard. Nous voudrions avoir confiance dans le processus et le système et entendre les témoins et les délégations. Toutefois, combien de temps cela prendra-t-il et, au bout du compte, cela servira-t-il l'objectif visé? Cet objectif n'est-il pas de rendre justice aux victimes? C'est la justice, et non la générosité, qui devrait être la principale préoccupation.
Nous devrions aussi avoir un système transparent sur le plan politique. On a découvert que les gens ne recevaient pas les prestations qu'ils devaient toucher conformément au processus. Nous avons besoin d'un système plus transparent. Cela est très important.
Il y a la justice sociale. Notre pays repose sur un principe selon lequel lorsque des gens sont victimes de quelque chose, nous cherchons à les indemniser. Nous faisons en sorte qu'ils aient un avenir meilleur. Le gouvernement du Canada et la population les appuient. Les avons-nous appuyés? Non. Même si Joey Haché a reçu une indemnisation, il a traversé le Canada à bicyclette pour attirer l'attention sur ceux qui souffrent de l'hépatite C. Nous parlons d'un garçon de 15 ans qui doit recevoir des transfusions tout le temps. Nous n'avons pas bien géré le dossier. Voilà pourquoi nous devons faire preuve de toute la diligence raisonnable à ce point-ci.
Le juge Krever a appuyé cela. Il a dit:
Je recommande donc que, sans délai, les provinces et les territoires établissent des mécanismes législatifs d'indemnisation sans égard à la faute pour les personnes qui ont subi de graves préjudices à la suite de l'administration de constituants sanguins ou de produits sanguins.
Nous aurions dû faire cela avant. Il est grand temps que nous le fassions maintenant. Ce n'est plus une question de générosité. Je crois que c'est là où se situe le malaise chez les députés de l'opposition. Il devrait s'agir d'une question de justice. Manifestement, il y a eu des problèmes. Il y a eu beaucoup de problèmes. Réglons ces problèmes. Faisons la bonne chose et faisons-le avec un sentiment d'urgence.
Nous connaissons tous la fragilité de la Chambre. Tous les jours, on se demande si le gouvernement demeurera ou tombera. Les gens continueront d'être victimisés si nous ne prenons pas des mesures le plus rapidement possible. Pour cela, il faut de la confiance, et le gouvernement n'a pas gagné notre confiance.
:
Madame la Présidente, je suis très heureuse d'avoir l'occasion de participer à la discussion à propos de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C.
Je voudrais saluer les travaux de l'actuel Comité permanent de la santé. Le député de Yellowhead a pris aujourd'hui position à la Chambre, faisant écho aux travaux de ce Comité de la santé. Le député de St. James a également participé, profitant de la bonne volonté et de la coopération dont ont bénéficié les membres de ce comité. Ce dernier a décidé de s'attaquer à une question très importante, après la déclaration faite par l'actuel ministre de la Santé, à savoir d'étudier sérieusement la question de l'indemnisation des victimes de l'hépatite C qui se situent à l'extérieure de la période de 1986 à 1990.
Le ministre de la Santé a déclaré publiquement qu'il est disposé à étudier cette question. Il l'a répété hier soir à la Chambre. Toutefois, il n'a pas assorti cet engagement d'un délai bien précis. Il n'a pas indiqué non plus qu'il était disposé à avancer dans ce dossier, indépendamment des montants d'argent qui resteront une fois que les victimes de la période de 1986 à 1990 auront été indemnisées.
Il y a encore une question très importante que nous devons traiter ici même. Il y a toujours une question non résolue que nous devons aborder afin que les Canadiens puissent avoir la conviction que nous n'avons pas laissé passer cette occasion, ni que nous avons été négligents face à nos responsabilités de députés.
Examinons très attentivement la teneur du rapport du Comité spécial permanent de la santé. Il appelle la Chambre à se pencher sur le fait:
Que le Comité, reconnaissant la recommandation de l’enquête Krever et l’important surplus du fonds fédéral d’indemnisation des victimes de l’hépatite C, exhorte le gouvernement à accorder l’indemnité à quiconque a contracté l’hépatite C à cause de sang contaminé; et que le Comité invite à cet égard les gestionnaires du fonds, la Société canadienne d’hémophilie, et tout autre témoin que le Comité jugera pertinent...
Ces témoins seraient invités à donner des explications plus approfondies et à fournir d'autres éclairages sur cette question.
Le comité a étudié cette question. Il recommande que l'indemnisation soit étendue à toutes les victimes du scandale de l'hépatite C propagée par du sang contaminé, avant 1986 et après 1990. Si ces personnes ont été infectées, elles n'en sont nullement responsables, c'est notre système de soins de santé qui les a laissées tomber. Notre gouvernement de l'époque n'a pas pris au sérieux les tests et les conseils disponibles. Il n'a pas pris au sérieux le mandat de faire preuve de compassion envers quiconque avait été abandonné par notre système de santé.
On nous donne aujourd'hui certaines indications selon lesquelles le gouvernement se penche sur la question. Six ou sept années plus tard, les députés libéraux daignent s'intéresser à la question. Collectivement et solidairement, nous parviendrons peut-être à régler cette question non résolue et à refermer ce triste chapitre de notre histoire. Nous ne voulons rien manquer de ce moment. Nous ne voulons pas laisser perdre le travail valable accompli par l'actuel Comité de la santé. Nous ne voulons pas voir le ministre de la Santé aller de l'avant dans cette question sans qu'il bénéficie de l'avis de toute la Chambre et du sentiment de tous les députés.
Il est essentiel que nous nous occupions du rapport du Comité de la santé aujourd'hui pour être en mesure de donner un avis motivé et une directive claire au ministre de la Santé et au gouvernement actuel. Nous ne pouvons pas nous permettre, encore une fois, de laisser le ministre se livrer à des envolées oratoires et dire des niaiseries, sans qu'il agisse par la suite.
Nous ne remettons pas en question la compassion des députés libéraux. Nous ne remettons pas en question l'engagement du ministre de la santé. Nous affirmons que, compte tenu du bilan sur cette question et compte tenu des sept ou huit années de négligence et du manque de compassion à l'égard de ceux qui ont souffert pendant tout ce temps, nous n'allons pas cesser d'aiguillonner tous les intéressés. Nous allons veiller à ce que des actions concrètes suivent.
Nous devons tous nous rappeler que, en 1998, lorsque le gouvernement libéral de l'époque dirigé par le ministre de la Santé du moment, Allan Rock, a décidé de ne pas indemniser toutes les victimes, mais plutôt de s'en tenir à la notion abstraite de la date à laquelle un certain test avait été disponible et a donc décidé d'indemniser seulement les victimes ayant contracté l'hépatite C au cours d'une certaine période, il l'a fait à l'encontre de l'avis du juge Krever, à l'encontre de l'avis des experts informés tels que le docteur Michèle Brill-Edwards, et à l'encontre des appels poignants des victimes de cette tragédie.
Aujourd'hui, nous voulons voir des mesures qui remédient une fois pour toutes à cette situation. Il importe de reconnaître que, durant cette période, le gouvernement a choisi d'emprunter une avenue regrettable qui a laissé au moins 400 victimes de la tragédie du sang contaminé, décédées depuis, sans indemnisation et sans soins de compassion et sans assistance à un moment extrêmement difficile. Des milliers d'autres ont vu leur qualité de vie se détériorer sans que d'aucune manière on ne reconnaisse l'incroyable tragédie et l'effroyable simulacre qu'on leur a fait vivre.
Je prie le gouvernement d'appuyer les travaux du comité. Avec l'appui du député de Cambridge, je propose la motion suivante:
Que la Chambre continue de siéger au-delà de l'heure normale d'ajournement afin de poursuivre l'étude du premier rapport du Comité permanent de la santé.
:
Madame la Présidente, cette intervention a été pratiquement aussi longue que le temps accordé normalement pour un discours. J'espère qu'on en tiendra compte dans le temps qui m'est consenti pour présenter mes observations.
Il s'agit d'une question dont on discute depuis longtemps. Je tiens à saluer en particulier le nouveau ministre de la Santé pour avoir fait part aux Canadiens en général et à nous tous de son intention d'examiner d'un oeil nouveau toute cette question.
Comment cela a-t-il commencé? On se souvient de l'accord qui a été conclu. Je ne me servirai pas de la documentation que prépare généralement le ministère. Je consulterai uniquement une chronologie des événements qui est tirée d'un article de journal. On explique comment, le 27 mars 1998, tous les ministres fédéral et provinciaux de la santé ont conclu un accord de 1,2 milliard de dollars visant uniquement les personnes infectées entre 1986 et 1990.
M. Brian Masse: L'accord n'inclut pas toutes les victimes.
L'hon. Don Boudria: Comme l'a fait remarquer le député, l'accord n'inclut pas toutes les victimes. Au risque de l'étonner, c'est pourquoi j'aborde la question.
M. Brian Masse: Cet accord est mauvais.
L'hon. Don Boudria: Oui, j'en conviens. Les libéraux, les conservateurs, les néo-démocrates et tous les autres intervenants qui ont conclu l'accord n'ont pas inclus toutes les victimes. C'est exact. Nous avons déjà parlé de cela. Ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
Après avoir signé l'accord, le premier ministre de l'Ontario Mike Harris a par la suite décidé d'en modifier la composante provinciale.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Don Boudria: Madame la présidente, il y aurait peut-être lieu de rappeler les députés à l'ordre. Même si je ne suis pas d'accord avec pratiquement tout ce que les députés néo-démocrates ont dit jusqu'à présent, je les ai laissés parler.
J'aimerais signaler à la Chambre le cas d'une de mes électrices. Les députés du NPD qui affichent un manque de respect à plusieurs égards pourraient peut-être prêter attention au triste cas d'une de mes électrices. Il est probable qu'elle nous regarde et qu'elle nous écoute actuellement.
[Français]
Quand j'étais plus jeune, j'ai été élu conseiller municipal dans ma municipalité. Un jeune homme dans une municipalité voisine a lui aussi été élu conseiller. C'était un jeune homme plein d'ambition. Il l'est toujours, d'ailleurs, même s'il est moins jeune et très malade. Il se nomme Jules Lavictoire. À l'époque conseiller à la Ville de Rockland, il était impliqué dans à peu près tout ce qui bouge dans sa communauté. Je sais ce que c'est que d'être impliqué dans plusieurs sortes de choses, puisque je le fais moi-même depuis longtemps. Malheureusement pour Jules Lavictoire, à un moment donné, sa santé s'est détériorée très rapidement. On a découvert en 1980 qu'il avait la leucémie. Il lui a fallu recevoir plusieurs transfusions, après qu'il ait dû recourir à la chimiothérapie à l'époque. Or, il a reçu du sang contaminé. Il n'existait même pas de système en 1980 pour détecter cela, en tout cas rien qu'on ne connaissait dans notre pays.
C'est ainsi que tout a commencé pour lui. Il a fait une rechute très grave en 1984. D'ailleurs, après un bout de temps, on craignait de le perdre. Encore une fois, il a survécu à tout cela. Presque miraculeusement, nonobstant tout ce que je viens de dire, 24 ans plus tard, il vit encore, même s'il a eu la leucémie et qu'il ait reçu du sang contaminé en 1980. On est en 2004 et il est toujours là. Bien sûr, il est beaucoup plus âgé aujourd'hui, comme je le suis aussi, et sa santé en souffre. Il traîne toujours cette condition d'hépatite C. Lorsque je lui ai téléphoné plus tôt cet après-midi, il m'a dit que dans les prochains jours, il aura probablement besoin d'une transplantation du foie. Voilà la situation de santé dans laquelle il se trouve.
Être malade n'est jamais bien drôle. Être malade dans des circonstances où l'on n'aurait rien pu faire pour changer les conditions, c'est peut-être encore plus difficile à accepter. À l'époque, il n'y aurait même pas pu y avoir une autre vérification, puisqu'on n'en connaissait même pas dans notre pays en 1980, me disait-il plus tôt aujourd'hui.
Tout le monde s'entendait au sujet de l'entente qui a été conclue. Oui, comme certains le disent, l'entente était trop étroite, on le sait. Elle aurait pu être plus large et couvrir plus de gens. À l'époque, elle a été signée par tous les intervenants au niveau fédéral, provincial, territorial, et j'en passe. Tout le monde s'entendait là-dessus. Après que certains ont senti la soupe chaude, certains ont reculé, dont le gouvernement de l'Ontario, je crois. Il faisait semblant qu'il n'était pas d'accord, même s'il avait signé l'entente. C'est bien beau, mais ce n'est pas la réalité.
N'eût été de l'honorable Allan Rock, qui était ministre à l'époque et qu'on a critiqué par la suite, il n'y aurait probablement pas eu d'entente du tout pour aider personne. On l'oublie aujourd'hui. Ce n'est que des années plus tard qu'on le reconnaît. Il a fait une immense contribution à ce niveau, et je suis le premier à le reconnaître. Aujourd'hui, on sait que les fonds ne seront probablement pas tous utilisés. Il n'est pas question d'adopter une motion aujourd'hui pour faire en sorte d'émettre un chèque à quelqu'un demain. C'est un non-sens. Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent.
Le député du Bloc québécois qui a parlé tantôt, le député d'Hochelaga, nous a d'ailleurs dit qu'il s'agissait d'une révision actuarielle. C'est ce qu'il faut, étant donné que c'est un fonds qui n'est pas administré par le gouvernement du Canada, ni par ce dernier et les provinces, ni par les provinces seulement. Ce n'est aucune de ces instances. On sait comment est administré le fonds; il est administré par une société, le groupe Crawford Expertises Canada Inc. Tout le monde s'est entendu à cet effet. C'est lui qui administre le fonds.
Ce qu'il s'agit de faire aujourd'hui, c'est d'encourager le ministre et le Conseil des ministres à envoyer un message clair à l'effet qu'on veut que les fonds excédentaires soient utilisés pour les autres victimes. Tel est le message.
Tel est le message que je vais transmettre à mon collègue, tout en le félicitant d'avoir eu l'audace de rouvrir ce dossier. Il aurait probablement été plus facile pour le nouveau ministre de la Santé de laisser passer pendant un bout de temps. Toutefois, il a choisi la première occasion, et il l'a fait. Il a dit: « Je suis prêt à entendre des représentations à ce sujet. »
Au moins, à cet égard, tous ceux qui ont parlé aujourd'hui s'entendent pour dire qu'il y a de la place pour rouvrir le dossier, pour envoyer un message au ministre et au gouvernement afin qu'avec les autres intervenants, ils puissent donner justement une indemnisation à des gens comme mon ami Jules Lavictoire et tous les autres.
J'utilise l'exemple de Jules Lavictoire, parce qu'il m'a autorisé à le faire aujourd'hui. Ce n'est pas une dimension abstraite. Cela ne l'est jamais. Quand on parle d'un ami ou d'un ancien collègue de travail, cela devient très tangible. Je suis certain que tous les parlementaires et tous ceux et celles qui écoutent ce débat peuvent imaginer une personne près d'eux dans la situation que je viens de décrire. Ils peuvent changer le nom et s'apercevoir que cela peut être leur voisin, leur ami, un ancien collègue de travail, et le reste.
C'est cette personne que je viens de décrire. Dans une lettre datée du 9 mars, M. Lavictoire écrivait: « Monsieur le député ». Il ne me parle pas ainsi en personne, puisque c'est un ami personnel. Je vous fais donc la lecture de sa lettre:
Suite à notre conversation téléphonique du 4 mars, je vous fais parvenir cette lettre afin d'attirer votre attention et celle de votre gouvernement sur les victimes de l'hépatite C pré 1986.
Votre gouvernement a reconnu depuis longtemps que l'hépatite C peut avoir un effet dévastateur pour les victimes, leur famille et leurs proches.
Vous avez aussi reconnu l'effet monétaire que peuvent avoir les conséquences de cette terrible maladie pour laquelle, à ce jour, aucun remède n'a été trouvé.
Le gouvernement du Canada a accepté d'aider financièrement les personnes qui ont été contaminées durant les années 1986 à 1990, mais aucune compensation n'a été donnée aux gens touchés par ce virus entre 1980 et 1985.
Bien sûr, des fonds ont été investis, mais certainement pas dans le fonds d'indemnisation pour les gens visés entre 1986 à 1990. Mon ami continue en écrivant:
C'est pourquoi aujourd'hui, je tiens à frapper à votre porte. J'ai lu dernièrement, dans les journaux, que seulement une partie des gens contaminés dans les années 1986 à 1990 s'étaient prévalu de leurs droits, et beaucoup d'argent était encore disponible dans les fonds de réserve des victimes de l'hépatite C.
Il dit lui-même « dans les fonds de réserve ». Il ne sert alors à rien de prétendre et de faire accroire aux Canadiens que le gouvernement du Canada peut immédiatement ordonner de commencer à distribuer des chèques demain matin. On sait que ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. D'ailleurs, certains députés on eu au moins l'objectivité de l'admettre en Chambre.
Telle n'est pas la question qui est devant nous. La question qui est devant nous, c'est d'indiquer notre position. Quelle position voudrait-on que le gouvernement prenne avec ses autres partenaires quant aux fonds excédentaires qui seront déterminés un peu plus tard, pour des raisons actuarielles et objectives?
Si quelqu'un allait piger dans le fonds pour distribuer l'argent unilatéralement et n'en laissait plus pour ceux qui voudraient faire des réclamations, à ce moment-là, on verrait ce qui arriverait: la vérificatrice générale interviendrait et tout le reste qu'on sait. Ceux et celles qui font les revendications aujourd'hui seraient les premiers à dire: « Vous n'avez pas utilisé des critères objectifs. »
Ce n'est pas ce qu'il faut faire. D'ailleurs, on ne pourrait même pas le faire. Telle n'est pas l'action que le gouvernement a à faire dans ce dossier.
[Traduction]
Ce qu'il faut faire alors, c'est adresser ce message au gouvernement. Je crois qu'après avoir entendu les discours prononcés à la Chambre aujourd'hui, le ministre devrait conclure que tous les députés, quel que soit leur parti, souhaitent que le fonds d'indemnisation soit redéfini en fonction de critères actuariels. L'admissibilité doit en outre être élargie pour s'appliquer à ceux qui présentaient les mêmes conditions avant 1986, tenant compte du fait qu'il n'y avait peut-être pas de système de détection au début.
Puis il y a des cas comme celui de l'électeur dont j'ai parlé plus tôt et qui, pendant 24 ans, a souffert de la leucémie et a vu son sang contaminé presque immédiatement à cause de sa maladie. Il a vécu avec la leucémie, qui est déjà une maladie très grave, puis il a contracté la deuxième maladie quelques mois plus tard. Il a vécu ainsi pendant 24 ans et il pourrait maintenant devoir subir une transplantation de foie, d'ici quelques mois sans doute, si cela est considéré comme nécessaire.
Notre rôle aujourd'hui consiste à donner ce genre d'encouragement. Je voudrais que le gouvernement annonce très bientôt, de préférence à la Chambre, qu'il adoptera cette position avec ses autres partenaires pour élargir la portée du plan d'indemnisation de façon à ce que plus de gens aient accès aux fonds. Ces derniers n'ont pas tous été engagés. J'estime que nous pourrons montrer bientôt, au moyen de critères actuariels objectifs, qu'il restera des fonds. Par conséquent, nous disposons des fonds qu'il faut pour cela.
Je vois qu'il y a d'autres députés à la Chambre. Certains d'entre eux voudront sans doute intervenir avant la fin du présent débat aujourd'hui. J'espère seulement que nous continuerons tous de dire cela clairement.
En guise de conclusion, je voudrais souligner que le ministre a fait preuve d'un courage exceptionnel en s'attaquant à ce qui constitue sans doute pour lui un grand défi, mais qui représente de toute évidence ce qu'il souhaite faire. Il mérite nos éloges. Je lui souhaite bonne chance et de pouvoir, au Cabinet, en compagnie de ses collègues, adopter une position qu'il pourra énoncer très prochainement à la Chambre.