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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous allons avoir une audience d'une heure sur la prolifération du nématode doré au Québec dans la région touchée. Les messieurs qui sont avec nous aujourd'hui sont les agriculteurs de cette région.
    Sont présents Pierre Chouinard, qui est le président, et Serge Lalancette qui est le directeur général de la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec. De AMA-Terre, nous avons Phillipe Gemme qui est le président et un agriculteur. Nous avons une quatrième personne, Richard St-Aubin. Bienvenue, Messieurs.
    Il y a quelques déclarations et l'emploi du temps durant cette heure est serré. Comme nous voudrions que le plus grand nombre de questions possibles soit posées, je vous demanderai d'écourter au maximum vos déclarations. Je comprends la situation dans laquelle vous vous trouvez.
    Qui commence?
    Merci, Pierre. Je vous prie de commencer.

[Français]

    Messieurs, mesdames, nous remercions les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de nous recevoir.
    Parlons du rôle de la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec. Ladite fédération, affiliée à l'Union des producteurs agricoles, représente les 392 producteurs de pommes de terre du Québec. Ceux-ci sont regroupés en quatre catégories selon leur principal marché d'écoulement, soit le marché à l'état frais, la transformation après pelage, la transformation en croustilles et la semence.
    Elle a notamment pour rôle de promouvoir la pomme de terre, de défendre les intérêts de ses membres et de développer la production. De plus, la fédération, en tant qu'office de producteurs, gère et administre le plan mixte des producteurs de pommes de terre du Québec, en vertu des pouvoirs conférés par la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.
    Quelles sont les problématiques?
    La découverte du nématode doré dans la municipalité de Saint-Amable, l'établissement d'une zone réglementée et la désignation des conditions pour le déplacement des produits réglementés ont occasionné une augmentation des coûts de production non couverts par les programmes existants et des pertes, voire l'absence de revenus pour 20 exploitations de la municipalité sur une superficie d'environ 1 200 hectares en production de pommes de terre.
    Bien que tous les intervenants atteignent facilement un consensus pour indemniser les entreprises touchées par un programme d'aide en cas de catastrophe qui serait mieux adapté et qui se distinguerait des programmes de stabilisation du revenu, nul ne peut intervenir rapidement et immédiatement lors d'un urgent problème de liquidités à court terme, et à l'intérieur du cadre des programmes existants.
    Quels sont les faits?
    Le nématode doré est un parasite justifiable de quarantaine, à déclaration obligatoire en vertu de la Loi sur la protection des végétaux. Un nématode doré ne représente aucun risque pour la salubrité et l'innocuité de la pomme de terre, mais sa présence peut entraîner des baisses de rendement de l'ordre de 80 p. 100. De plus, il peut demeurer présent dans le sol durant de nombreuses années dans l'attente d'une plante autre, comme la pomme de terre, la tomate, l'aubergine, pour se reproduire.
    Le travail de l'Agence canadienne d’inspection des aliments a permis d'établir rapidement une zone réglementée pour la réouverture de la frontière au commerce extérieur. Officiellement, ce commerce a redémarré ce matin. En effet, on nous a informés que le premier camion de livraison de pommes de terre s'est rendu ce matin aux États-Unis. Ce travail a permis de limiter les pertes pour les producteurs et les exportateurs situés à l'extérieur de la zone réglementée.
    À Saint-Amable, le travail et la collaboration des producteurs ont facilité la tâche des employés de la l'agence. Au total, 20 entreprises sont touchées par les restrictions. Cependant, ces entreprises spécialisées dans la production de pommes de terre ne pourront plus produire de pommes de terre dans la zone réglementée, à moins de n'avoir obtenu une autorisation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.
    Les besoins de liquidités à court terme sont urgents.
    Pour certaines entreprises, les dernières ventes de pommes de terre remontent à mars 2006. Depuis, elles ont procédé aux plantations au printemps et à la régie de la culture durant tout l'été. Pour d'autres, il y a la relève agricole aux prises avec un taux d'endettement élevé. Pour tous les agriculteurs, la découverte du nématode doré constitue un élément de stress élevé.
    Les pressions des fournisseurs et des institutions prêteuses, le refus des acheteurs pour leurs produits et le simple objectif de pourvoir aux besoins primaires des familles touchées rendent la situation intolérable. Les producteurs de la région se sont regroupés et réclament une aide immédiate pour payer au moins les comptes en souffrance depuis 90 jours et plus, et pour faire leur épicerie.
    Aucun des programmes existants ne permet une aide immédiate. Le désespoir s'est installé chez certains producteurs, et les représentants de l'industrie craignent le pire. Ils réclament une aide immédiate, avant que des gestes irréparables ne soient commis. À cet égard, un psychologue rencontre régulièrement les producteurs pour les soutenir moralement et les aider à traverser la crise.
    Pour l'instant, les représentants des divers paliers de gouvernement avouent leur impuissance à aider ces producteurs en travaillant à l'intérieur des programmes existants, comme le PCSRA, le Programme de paiements anticipés et les divers programmes de financement qui exigent des garanties sur les prêts.
    Pour former une voix unique et faire avancer les choses, les producteurs de la zone réglementée se sont regroupés au sein du regroupement AMA-Terre inc. En attendant qu'un programme soit mis en place, le regroupement demande une aide qu'il a établie à 50 000 $ pour les entreprises de moins de 60 hectares, et à 75 000 $ pour les autres.
    À titre indicatif, une entreprise de 60 hectares en pommes de terre génère des ventes de l'ordre de 250 000 $ à 450 000 $ par année. Le montant de cette avance devrait suffire, dans la mesure où un programme ad hoc est mis en place dans un délai d'un mois.
(1115)
    Si les travaux pour la mise en place d'un programme devaient se prolonger, le montant devrait être ajusté en conséquence afin de tenir compte des frais reliés à la production d'environ 4 000 $ par hectare. Ce montant représente environ 240 000 $ par entreprise, tel que démontré au tableau de la page suivante.
    Dans ce tableau, on peut voir que le total des frais s'élève à 3 991 $ par hectare. Il s'agit du coût de production. Pour une entreprise de 60 hectares, cela représente en moyenne des coûts de 239 000 $, presque 240 000 $. Il ne faut pas oublier que la plupart de ces entreprises n'ont fait aucune vente depuis le printemps de 2006.
    Concernant la récolte de 2006, dans un premier temps, la fédération, l'UPA, Agriculture et Agroalimentaire Canada, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le MAPAQ, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, la Financière agricole du Québec et d'autres associations de producteurs consacrent toutes leurs énergies pour régler l'année 2006.
    Au fil des années, les entreprises de production de pommes de terre se sont spécialisées dans quatre catégories et produisent des variétés selon les besoins de l'industrie. En vertu des pouvoirs du Plan conjoint, la fédération et des comités pour chaque catégorie du plan ont négocié des conventions de mise en marché avec l'Association des emballeurs de pommes de terre du Québec, l'Association des transformateurs de légumes frais du Québec, l'ATLF, et l'Association des transformateurs de pommes de terre du Québec (en croustilles). La convention avec l'ATLF prévoit notamment un approvisionnement des usines à un minimum de 60 p. 100. Le reste des besoins de l'usine laisse place à la spéculation sur le marché ouvert.
    Outre la catégorie des semences, qui compte pour environ 9 p. 100 de la superficie en culture au Québec, on décrit les autres catégories au tableau 2. La catégorie des pommes de terre produites au Québec et destinées à la table représente 53 p. 100 du marché; les croustille, 20 p. 100; les prépelées, 18 p. 100; et les semences, 9 p. 100. C'est ce qui est représenté au tableau 2, en plus du marché et des variétés.
    Par ailleurs, l'ACIA et le département de l'Agriculture des États-Unis, le USDA, se sont entendus sur un cadre scientifique afin de réduire au minimum les perturbations commerciales à la suite de la détection du nématode à kyste de la pomme de terre. Le cadre prévoit la création de zones réglementées et la désignation des conditions pour le déplacement intérieur et international des produits réglementés en provenance de ces zones.
    Selon cette entente, seules les pommes de terre provenant d'un champ déclaré non contaminé par le nématode peuvent être commercialisées à l'état frais pour le marché de la table. Les pommes de terre provenant des champs contaminés doivent être transformées dans des installations approuvées. Aujourd'hui, les résultats d'analyse d'échantillons confirment la présence du nématode dans la majeure partie des champs, soit 304 hectares sur un total de 404 hectares échantillonnés et analysés.
    Les entreprises de la municipalité de Saint-Amable sont principalement spécialisées en ce qui concerne le marché à l'état frais. Leur proportion est de 62 p. 100 de leur superficie en culture de pommes de terre destinées à ce marché, comme le démontre le tableau 3.
    L'application de cette entente occasionnerait une augmentation significative de l'offre sur le marché de la transformation, avec des variétés ne répondant pas aux exigences strictes en matière de cuisson et de calibre, ce qui entraînerait inévitablement une chute drastique des prix et compromettrait la rentabilité des entreprises canadiennes spécialisées dans ce créneau.
    En conséquence, les membres du comité de travail consultatif qui a été mis en place pour la gestion de crise, dont la présidence est assurée par le MAPAQ, recommandent unanimement la destruction de la récolte aux champs et en entrepôt et l'indemnisation des producteurs à la juste valeur de leur récolte.
    Pour ce qui est de la limite des programmes existants et de la nécessité d'un programme ad hoc, l'Agence canadienne d'inspection des aliments offre une indemnité financière aux propriétaires d'animaux dont on ordonne la destruction, en vertu de la Loi sur la santé des animaux.
    En ce qui concerne la Loi sur la protection des végétaux, malgré qu'aucun moment spécifique n'a été établi pour combler les pertes reliées à des cas de catastrophes exceptionnelles, comme le nématode doré, l'article 39 permet néanmoins au ministre d'ordonner le versement d'une indemnité qui couvre bon nombre de préjudices subis par les producteurs de la zone réglementée. En tout état de cause, le ministère a déjà édicté des règlements autorisant l'indemnisation des producteurs agricoles aux prises avec des organismes justifiables de quarantaine au Canada.
(1120)
    En conséquence, la Fédération, l'UPA et les autres associations de producteurs réclament la mise en place, en collégialité avec les organisations concernées, d'un programme ad hoc pour indemniser les exploitations. On devra notamment respecter les critères suivants : la rémunération du travail supplémentaire des personnes liées à l'exploitation, affectées au nettoyage et à la désinfection d'équipement et de véhicules à l'intérieur de la zone réglementée; défrayer 75 p. 100 des coûts pour l'achat d'équipement nécessaire pour se conformer aux conditions de l'agence; et redresser la perte de valeur des éléments d'actifs, les pertes de production et de marché.
    En conclusion, l'honorable Chuck Strahl, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, a édicté un arrêté ministériel en vertu de la Loi sur la protection des végétaux. L'arrêt établit une zone réglementée d'environ 4 500 hectares, dont environ 1 250 hectares en culture de pommes de terre, de même que des restrictions et des interdictions de déplacement de certains articles, afin de lutter contre l'infestation du nématode doré au Québec.
    Les travaux à venir, au cours de l'hiver 2007, permettront de préciser l'ampleur des pertes à moyen et à long terme pour les exploitations situées à l'intérieur de la zone réglementée, et de déterminer des avenues de solution, cas par cas, pour chacune d'entre elles.
    À cet égard, nous demandons que l'évaluation des pertes soit confiée à une firme externe, comme il a déjà été fait dans le cas des producteurs de tabac au Québec. À très court terme, l'industrie réclame que le ministre ordonne la destruction de la récolte aux champs ou en entrepôt, afin de ne pas nuire aux marchés de producteurs canadiens spécialisés dans la pomme de terre de transformation, qu'il redresse les prix de la production et assure un paiement aux producteurs concernés qui, de toute évidence, ne trouvent pas preneurs sur le marché pour leur production.
    Enfin — c'est le plus urgent —, le ministre doit intervenir afin d'envoyer immédiatement une avance en espèces aux producteurs à court de liquidités. Cette avance devrait être modulée en fonction de la taille des entreprises et du délai envisagé pour la mise en application d'un programme ad hoc.

[Traduction]

    Merci, monsieur Chouinard.
    Monsieur Gemme.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui. Je suis très nerveux, mais je vais faire de mon mieux. Je vais vous présenter mon groupe.
    Je m'appelle Philippe Gemme, producteur agricole et porte-parole du groupe AMA-Terre. Le groupe AMA-Terre est composé de producteurs de diverses productions. Nous avons, entre autres, un total de 3 000 acres pour la production de pommes de terre dans les municipalités de Saint-Amable, Sainte-Julie, Saint-Marc-sur-Richelieu et Saint-Mathieu-de-Beloeil.
    Ma présence a pour but de vous sensibiliser davantage au drame humain que vivent présentement les producteurs agricoles de différents secteurs.
    Chacun de nous ressent encore quotidiennement les conséquences désastreuses de la découverte de ce parasite dans nos vies. Je pèse mes mots. Cette découverte a entraîné des mesures d'urgence sévères auxquelles nous avons dû nous conformer. Nous avons respecté les consignes avec une grande diligence.
    Le 27 septembre 2006 fut l'une des journées les plus difficiles de ma vie, car j'ai dû annoncer aux producteurs de ma région, en présence de dirigeants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qu'il y aurait une zone réglementée à Saint-Amable, que toute leur vie allait basculer et que l'économie de notre région serait très durement touchée.
    Mais ce n'est pas tout. Il faut aussi réaliser toute l'ampleur des conséquences sur cette belle jeunesse qui était présente et bien préparée à prendre la relève à la ferme. Plusieurs de nos enfants ont étudié à l'Institut de technologie agroalimentaire, l'ITA, ou ont suivi un programme de formation professionnelle en agriculture. Ils étaient prêts à assurer la continuité de nos entreprises. Comment leur annoncer que leur avenir n'est plus ici, dans les champs où ils ont grandi? Comment leur dire qu'ils devront s'orienter vers une autre culture ou même vers une autre profession? Comment les encourager quand leurs rêves s'envolent? Toutes ces situations entraînent, maintenant et pour le futur, des contraintes économiques qui les toucheront plus que les autres.
    Aujourd'hui, il faut réaliser que les entrepôts de la région sont pleins et qu'aucune pomme de terre ne doit se retrouver sur la table des consommateurs. De plus, le groupe de travail sur le nématode doré a recommandé la destruction de toutes les pommes de terre restantes et une compensation financière aux producteurs pour les pertes encourues à la suite de cette recommandation.
    Certains producteurs ont dû acheter, avec beaucoup de réticence, des pommes de terre dans d'autres régions afin de garder leur marché d'alimentation et leurs employés. Nous avons dû suspendre les paiements de divers fournisseurs et institutions financières, car le manque de liquidités est plus qu'évident. Cela nous empêche de bien dormir, car nous prenons à coeur nos engagements envers eux. C'est un cri du coeur que nous vous lançons aujourd'hui, un SOS. Il est urgent pour nous de pouvoir survivre à ce qui nous arrive.
    Plusieurs producteurs n'ont rien vendu depuis le mois d'août, et les dettes s'accumulent; la valeur de nos terres est en forte baisse; les chiffres d'affaires sont en chute libre pour l'année 2006 et pour les années à venir; et nos fermes sont en péril.
    Je tiens à ajouter une information que j'ai apprise ce matin. Environ 80 p. 100 de nos terres ont présentement le parasite. Le 13 octobre dernier, une minorité de producteurs du Québec ont définitivement été sacrifiés afin que l'embargo des États-Unis soit levé. Le gouvernement canadien a négocié de façon serrée les conditions afin que l'interdiction imposée par le ministère de l'Agriculture américain soit levée, alors que les producteurs de Saint-Amable et des environs ont été mis complètement à l'écart pour pouvoir relancer l'économie québécoise, sans avoir pu négocier une aide financière à court terme.
    Cela soulève plusieurs questions. Qu'adviendra-t-il de la culture des pommes de terre pour les années à venir, dans la municipalité visée par la zone réglementée? Quelle aide financière les producteurs visés recevront-ils à court, moyen et long terme? Jusqu'à maintenant, aucune aide n'a été offerte par le gouvernement fédéral ou provincial et aucun programme ad hoc n'a été mis sur pied. Le seul programme proposé est le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, le PCSRA, mais il n'est aucunement adapté ni adaptable à la présente crise. Enfin, nous vous rappelons que la Loi sur la protection des végétaux permet au ministre d'ordonner le versement d'une indemnité lors d'une telle catastrophe.
    En conclusion, depuis le mois d'août dernier, plusieurs producteurs n'ont rien vendu. La valeur de nos terres est à la baisse, nos marchés sont détruits, nos chiffres d'affaires sont en chute libre et nos fermes sont en péril.
    Nous faisons face à une véritable catastrophe. Face à cette situation d'urgence, au nom du groupe AMA-Terre, nous comptons sur votre appui immédiat et votre efficacité afin de venir en aide aux producteurs affectés. Pour ce faire, nous vous demandons d'agir sans délai afin de répondre aux besoins grandissants des producteurs touchés par l'arrêté ministériel et inclus dans la zone réglementée.
    Je m'excuse un peu pour mon langage, je suis très nerveux.
(1130)

[Traduction]

    Merci.
    M. St-Aubin, il vous reste deux minutes. Avez-vous quelque chose d'autre à ajouter?

[Français]

    Bonjour à vous, chers membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
    Je me nomme Richard St-Aubin et je viens vous parler du volet de production ornementale de Saint-Amable affecté par l'arrêté ministériel. Je suis moi-même pépiniériste et également porte-parole du groupe AMA-Terre. Je fais partie d'une industrie comptant 5 000 entreprises au Québec et générant plus de 40 000 emplois directs et des revenus de 1,5 milliard de dollars par année.
    Le 16 août dernier, les gens de l'ACIA nous avisaient de la présence du nématode doré dans notre région, un ravageur à déclaration obligatoire, ce qui a entraîné la fermeture des frontières canado-américaines pour tous les produits agricoles provenant du Québec. À la suite d'une entente intervenue entre le Canada et les États-Unis, l'ACIA nous avisait, le 13 octobre dernier, d'un arrêté ministériel mettant en quarantaine et sous restriction les entreprises agricoles de notre région.
    À cause de ces mesures, les cinq entreprises en production ornementale de Saint-Amable, soit quatre pépinières et un producteur en serre, ont déjà subi des pertes de revenus importantes estimées à plus de 200 000 $. Leur avenir à court, moyen et long terme est grandement menacé, et ce, même si le nématode doré ne s'attaque pas directement aux productions horticoles.
    Pour nous, la prochaine saison 2007 se préparait hier et aujourd'hui afin de répondre à nos marchés respectifs. Voyant l'ampleur de la catastrophe pour notre région, tous nos travaux physiques de préparation et de planification ont été suspendus depuis le début du mois de septembre. Nous avons en vain tenté de trouver des solutions. Le 13 octobre dernier, on venait pratiquement de fermer nos entreprises sans rien nous offrir.
    Jusqu'à maintenant, trop peu de questions restent sans réponse sur les plans technique et financier. Qu'en est-il des analyses des sols? Existe-t-il une quelconque certification qui pourrait nous permettre de vendre nos produits? Qui nous indemnisera pour les pertes de revenus actuelles et futures, les coûts additionnels de nouvelles mesures et de relocalisation possibles et la dévaluation de nos immobilisations? Ce n'est certainement pas le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole existant qui pourra répondre à la situation de crise que vivent l'ensemble des agriculteurs de la région.
    Nos clients se désistent, nos créanciers s'inquiètent, nos productions restent au champ, mais le plus triste, c'est que nos employés, nos familles et nous-mêmes ne pouvons désormais plus envisager le futur de la même manière.
    Jusqu'à présent, nous avons apprécié le soutien de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais aujourd'hui, le temps nous presse. Nos questions demeurent sans réponse, et nous les adressons au gouvernement du Canada. En collaboration avec la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec, nous déposons un mémoire sur la situation d'urgence qui affecte les entreprises horticoles de notre région.
    Merci de nous écouter et de nous entendre.
(1135)

[Traduction]

    Merci, messieurs.
    Nous passons maintenant à notre première série de questions.
    Monsieur Easter.
    Merci, Monsieur le président.
    Merci, messieurs, de comparaître devant le comité.
    Je suis originaire de l'île du Prince-Édouard, nous n'avons pas été touchés par le nématode doré, mais nous avons été exclus du marché en raison de problèmes touchant l'industrie des pommes de terre. Des agriculteurs souffrent encore des répercussions financières du PVYn et de la galle verruqueuse de la pomme de terre. Si le gouvernement n'intervient pas rapidement, il y aura de très graves conséquences.
    Vous dites qu'il y a 4500 hectares et 1250 pour la culture de pommes de terre dans la zone réglementée. Quand est-il des autres récoltes? Est-ce que les autres récoltes sont soumises à des restrictions ou ne s'agit-il que de pommes de terre? S'il est question d'un programme d'indemnisation, tout ce qui bouge doit être pris en compte. N'est-ce pas?
    Tout à fait.
    On m'a présenté deux points de vue différents sur les pommes de terre ces deux ou trois dernières semaines. On m'a dit que du fait que le nématode doré n'attaque pas la tubercule des pommes de terre, elles pourraient être transformées si un transformateur était intéressé à le faire.
    Dois-je comprendre que la récolte doit être complètement détruite ou faut-il négocier pour trouver un marché à ce produit et limiter les pertes?

[Français]

    Selon l'entente qui existe actuellement entre les États-Unis et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, les pommes de terre qui proviennent de champs testés positifs ont pour seul marché celui de la transformation.
    Comme nous l'avons dit précédemment, 62 p. 100 des pommes de terre ensemencées dans la région de Saint-Amable sont destinées au marché à l'état frais, pour la consommation, la vente dans les chaînes d'alimentation.
    Les deux problèmes qui se posent sont les suivants. Premièrement, les variétés pour le marché de la transformation ne sont pas les mêmes que pour le marché à l'état frais. Au départ, nous avons un important problème. Deuxièmement, le marché de la transformation au Québec est un marché fourni par les producteurs de pommes de terre de transformation, qui sont couverts par une convention de mise en marché avec l'association accréditée des transformateurs. Les contrats et les conventions de mise en marché répondent déjà à 60 p. 100 de ces besoins.
    Cela signifie qu'actuellement, il n'y a pas d'endroit au Québec pour envoyer sur le marché de la transformation les volumes de Saint-Amable, qui étaient destinés à d'autres marchés.
    En outre, les transformateurs appelés à prendre ces pommes de terre doivent se plier à une série de mesures quant à la gestion des rebuts et des eaux usées, ce qu'ils ne désirent pas faire. S'ils ont le choix entre des pommes de terre provenant d'un producteur pour lequel ils n'ont pas à se plier à ce protocole de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et des pommes de terre de Saint-Amable, pour lesquelles il faut gérer les eaux usées, ils choisiront les premières. Bref, ils ne veulent pas de ces pommes de terre.

[Traduction]

    Il n'y a aucun doute là-dessus. Ils ont un plus grand nettoyage -- leurs eaux usées. Au bout du compte, cela ne vaudra peut-être pas la peine.
    Pendant combien de temps prévoit-on que les produits de cette région ne seront pas commercialisés ou est-ce permanent? Le nématode doré est présent là-bas aujourd'hui, quel est l'échéancier de la restriction? En cas de galle verruqueuse, le champ est mis en quarantaine pour toujours.
(1140)

[Français]

    Le parasite, le nématode doré, peut vivre dans le sol pendant 10, 15, 20, 25 ou 30 ans. Actuellement, on retrouve ce parasite à Terre-Neuve et sur l'île de Vancouver.
    Des tests ont été effectués dans le passé pour tenter d'éradiquer le nématode, soit par le traitement au Vapam ou par le traitement des sols. Le résultat a été négatif.
    Nous sommes aux prises avec un nématode, une petite bibite, un vers microscopique qui s'alimente des racines du plan de pommes de terre, ce qui diminue jusqu'à 80 p. 100 du rendement. Et nous n'avons rien, aujourd'hui, pour traiter ou détruire un tel parasite. Cette situation est difficile.
    L'Agence canadienne d'inspection des aliments soutient que pour les prochaines années, les champs testés positifs ne pourront être ensemencés de pommes de terre.
    Vous parliez plus tôt des patates destinées à la transformation. J'ai vécu cette expérience comme producteur. Nous allons parler en termes de vans, de fourgons, car c'est un langage que tout le monde connaît. Chaque fourgon contient environ 35 tonnes. J'ai envoyé des patates destinées à la frite. Nous savons tous qu'il faut reconditionner les patates fraîches en vue de leur transformation en frites. Cependant, en vertu du protocole, il aurait fallu laver ces patates, ce à quoi je m'opposais. Les patates se sont mises à pourrir deux jours plus tard, et il a fallu les jeter: elles n'étaient plus bonnes.
    Dès lors qu'on prononce le mot Saint-Amable, que ce soit pour le marché de la table ou pour le marché de la transformation, on perçoit une peur d'acheter notre produit. On a beau dire que les patates sont bonnes pour la consommation humaine, le seul fait de dire qu'elles viennent de Saint-Amable provoque une réaction. Un mythe est en train de se former.
    Environ 80 p. 100 des tests effectués dans nos champs se sont révélés positifs. Je ne me fais pas d'illusions : il n'y aura probablement plus de patates à Saint-Amable.
    Que faut-il faire maintenant? Présentement, les entrepôts sont pleins à craquer. Pourtant, simplement pour maintenir leur clientèle, certains producteurs sont obligés d'acheter des patates ailleurs. Ils changent quatre trente-sous pour une piastre. Les patates sont entreposées, mais on ne peut pas les vendre. Il faut se procurer des patates en dehors de la région afin de répondre aux besoins des clients ou magasins. C'est un vrai drame.
    Les employés n'ont plus rien à emballer. Que fait-on d'eux? On ne fait plus de travaux ni d'argent. Notre région emploie une centaine d'employés dans ce domaine. Je ne veux pas me répéter, mais la relève est inquiète et se demande ce qui va arriver. Nous parlons de l'année 2006, mais qu'en est-il de l'avenir des jeunes? Ils me demandent tous les jours ce qu'ils doivent faire.
    Monsieur Malo.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être parmi nous ce matin.
    Je remercie également mon collègue de Richmond—Arthabaska d'avoir présenté cette motion vous invitant à présenter cette problématique à ce comité.
    Je remercie également les membres du comité qui ont bien voulu agréer à cette proposition de vous recevoir.
    Votre présentation a fait état de deux problèmes. Dans un premier temps, les comptes ne sont pas payés, il n'y a pas d'argent pour payer l'épicerie. Dans un deuxième temps, on se demande ce qu'il adviendra de ces champs.
    J'entends toutes ces questions de désespoir. J'ai même entendu dire qu'un psychologue avait été mandaté pour rencontrer les producteurs.
    J'aimerais que MM. Gemme et St-Aubin me parlent de ce qui se passe dans la tête des gens, parce que j'ai peur que certains décident de commettre l'irréparable. Parlez-moi de l'état d'esprit des gens, de ce qu'ils vivent au fond d'eux-mêmes.
(1145)
    J'ai fait le tour de toutes les fermes de Saint-Amable en compagnie de représentants de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cela a été la pire journée de ma vie. J'ai vu toutes les émotions, des sanglots, le découragement. Les gens se grattaient la tête.
    Saint-Amable n'est peut-être pas une grande municipalité, mais tous les producteurs font de la mise en marché, que ce soit pour le secteur horticole ou un autre. Ce sont des gens fiers, et la relève est bonne. On ne voit pas cela dans les autres régions. On peut compter facilement une vingtaine de fils et de filles dans une région qui compte vingt entreprises, ce qui est beaucoup. La moyenne d'âge n'est même pas de trente ans.
    Les jeunes poussent les plus vieux à débarrasser le plancher, comme on dit. La relève ne manque pas. Cette journée-là, les gens se demandaient ce qui arrivait, ce qu'ils allaient faire. Il est inimaginable de détruire des patates alors que les champs sont beaux. Il est inconcevable qu'il n'y ait plus de patates à Saint-Amable en 2007. C'est une des plus belles régions du Québec. Il n'y a pas d'irrigation ni de roches. Les terrains sont plats. On calcule une moyenne de 300 quintaux, facilement, par année. Les coûts de production sont assez bas. Les rendements sont très élevés, lorsqu'on compare à la moyenne provinciale. Les gars ne peuvent pas accepter qu'on leur dise de semer du blé d'Inde à 300 $ l'acre alors qu'ils en gagnent présentement de 3 000 $ à 4 000 $. Ils ont investi peut-être un million de dollars dans leurs bâtiments. Par exemple, cette année, j'ai investi plus de 200 000 $. Dans notre région, les travaux à forfait sont évalués à un demi-million de dollars annuellement, qu'il s'agisse de nivellement ou de drainage. Les producteurs ont de la difficulté à concevoir qu'il n'y aura plus de patates.
    Les jeunes nous demandent chaque jour ce qui se passera l'an prochain. Il faut aussi penser à long terme et se dire que l'an prochain, on pourrait planter des carottes. Si on produit des carottes l'an prochain, il faudra « tasser » quelqu'un. Les entreprises de transformation ont déjà leurs producteurs, des agriculteurs qui récoltent des carottes. Toutes ces questions doivent être posées. Le moral est très bas. Je ne veux pas être alarmiste, mais le moral des hommes, des femmes, des jeunes et des employés est bas. Les gens se demandent s'ils travailleront la semaine prochaine ou dans deux semaines. On ne le sait pas. On n'a pas de réponse. On parle au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral, mais les choses n'avancent pas. Une chose est certaine, les entrepôts sont pleins et les factures doivent être payées quotidiennement, mais il n'y a pas d'argent. Il faut que cela cesse, et ça presse.
    En ce qui a trait au côté horticole et aux pépinières, certaines productions s'échelonnent entre un an et dix ans. On nous a demandé de détruire des plantes parce qu'on transporte de la terre. On arrache des plantes et on transporte de la terre. Le nématode n'est pas viable sur nos plantes, il est viable au sol. Nos restrictions sont énormes. Nous avons tous un cheminement particulier. On se fait sortir des marchés, on se fait enlever nos vies.
    Nos parents exploitaient des pépinières, nous exploitons des pépinières, et nos enfants veulent faire la même chose. On vient de briser un rêve sentimental et émotif. Ce sont nos vies! On bichonne nos arbres comme des bébés, on les entretient, on leur donne à manger comme on le fait pour un enfant. Nous sommes des gens qui apportons la verdure et la gaieté. On vient de nous couper les jambes. Nous n'avons plus de moyens et nous voulons savoir ce que nous pouvons faire pour conserver nos marchés et pouvoir en vivre. Notre région est rentable, cela ne se discute même pas.
    Aujourd'hui, nous sommes au bord de la catastrophe. Hier, nous devions répondre à notre clientèle qui est inquiète et qui a peur des nématodes. Ils ne savent pas comment le public réagira face aux nématodes. Le grand public ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Nous sommes confrontés à cela. C'est hors de notre contrôle. Nous sommes coupés des marchés, nous sommes sortis des marchés.
    Je vous remercie.
(1150)

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes, monsieur Malo.

[Français]

    Vous posez ces questions à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Depuis quand demandez-vous de l'argent pour vous aider à solutionner cette crise à court terme?
    On a posé des questions dès les premières visites de l'agence. Dans le cas présent, on a même posé trop de questions trop rapidement. On nous a fait peur en nous disant qu'on avait quelque chose qui était monstrueux, puis on n'a pas eu de réponses à nos nombreuses questions.
    On nous dit que les analyses révèlent que nos sols sont contaminés à 85 p. 100, mais qu'on n'a pas les résultats par bande de terrain. De tels résultats permettraient de déterminer les terrains qui sont infectés par cet insecte. C'est la situation actuelle.
    Pour répondre à votre question précisément, je pense que la découverte du nématode a été faite au Québec, dans la région de Saint-Amable, vers la mi-juillet. Depuis le début, on savait que cette découverte aurait des impacts économiques significatifs pour les producteurs touchés.
    Deux mois et demi à trois mois plus tard, on revendique encore fortement une aide destinée aux producteurs touchés par le nématode doré au Québec. Je pense que cela a assez duré. On a un parasite à déclaration obligatoire. C'est une mesure exceptionnelle, c'est un risque exceptionnel, et on doit avoir un programme exceptionnel pour couvrir ces producteurs. Ils ont autre chose à faire que de se casser la tête avec l'impact financier de cette catastrophe. Ils doivent gérer l'impact psychologique. C'est important pour eux. Ce qu'ils demandent, c'est un coup de main pour traverser cette crise et un programme spécial à moyen et à long terme qui pourra couvrir les pertes qu'ils ont subies.

[Traduction]

    Merci, messieurs.

[Français]

    J'aimerais, si possible, ajouter quelque chose.
    Dans la région de Saint-Amable, les terres valent près de 7 000 $ à 8 000 $ l'arpent. Il ne faut pas penser que si les gens payaient 7 000 $ à 8 000 $ l'arpent, elles n'étaient pas rentables. On a créé le groupe AMA-Terre pour être plus unis. Sauf que le mot « unis » ne veut plus dire grand-chose quand il n'y a pas d'entrées d'argent.
    Je n'ai pas de réponses à mes questions. Quand je demande à la personne qui m'appelle ce qu'elle fait aujourd'hui, elle me répond qu'elle prend un coup, car elle a appris qu'une autre de ses terres avait subi un test qui s'est révélé positif. Une autre encore me répond ne plus rien faire, car cela ne donnerait rien. C'est la réalité de Saint-Amable.
    Attendrons-nous deux mois, trois mois? Attendrons-nous jusqu'à ce qu'il y ait un drame tragique à Saint-Amable? Si votre chèque de paie était coupé pendant trois mois et que vous deviez payer une hypothèque de 350 000 $, il est certain que quelqu'un crierait. C'est ce qu'on vit présentement à Saint-Amable. On ne peut rien faire, mais on doit continuer à payer notre loyer. Comment fait-on?
    Trouvez des solutions parce que moi, je n'en ai pas encore trouvées.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, messieurs.
    Monsieur Gourde.

[Français]

    Je suis agriculteur comme vous. C'est une vie nouvelle pour moi, la vie de politicien.
    Nous avons une tradition chez nous. Quand quelqu'un subit un désastre, on va le voir. On doit savoir ce que vous pensez de la suite des événements. On ne recommencera pas à parler de votre catastrophe: je pense qu'on en a assez parlé. Toutefois, il faut décider de ce qu'on fera à court terme, puis à moyen et à long terme.
    Est-il plus important pour vous qu'on règle immédiatement le court terme et qu'on prévoie un délai pour le moyen et long terme? Ou doit-on plutôt régler le problème de façon globale? De quelle façon voulez-vous qu'on travaille avec vous?
(1155)
    Je vais parler au nom du groupe. L'important, c'est que les gens aient un chèque de paie demain. Le court terme, c'est demain, ce n'est pas dans trois mois. Quant au moyen et au long terme, on devra former un comité avec des gens de Saint-Amable et l'UPA, et s'entendre sur l'avenir des gens de Saint-Amable. Mais présentement, on a besoin d'argent pour payer le minimum. Cela peut sembler rigolo, mais j'appelle cela l'épicerie. C'est là où nous en sommes. Nous avons besoin d'un chèque de paie pour payer l'épicerie. C'est cela, le court terme.
    J'ajouterais que le court terme, comme on l'a dit déjà, c'est demain et c'est hier. C'est une avance sur un programme. Le moyen terme, c'est une compensation pour la récolte de  2006. Pour ce qui est du long terme, une fois que des annonces auront été faites pour répondre à cette situation, le comité devra se remettre au travail et envisager tous les impacts possibles. On ne sait pas encore ce qui va arriver l'année prochaine en ce qui a trait aux champs. Il s'agit là du long terme. Autrement dit, c'est la récolte de  2007.
    Bref, le court terme, c'est hier et c'est une avance sur la récolte de 2006; le moyen terme, c'est la récolte de 2006 et les mesures prises pour que les pertes soient couvertes, et le long terme, c'est 2007 et au-delà. Une fois que les objectifs du court et moyen terme auront été atteints, il faudra vraiment évaluer tous les impacts en termes de production. Il s'agit quand même d'une première dans le domaine de l'horticulture. Même si nous demandions aujourd'hui aux gens de l'agence quels sont tous les impacts à prévoir pour l'année prochaine, ils ne pourraient pas répondre exactement. Ces aspects restent à étudier.
    Est-ce que le groupe AMA-Terre parle au nom de tous les producteurs ou est-ce que ceux-ci préfèrent procéder individuellement?
    Le groupe AMA-Terre est constitué de personnes affiliées à l'UPA. Certains petits producteurs qui travaillent sur le marché noir ne sont pas inclus dans le groupe, mais il n'empêche que nous représentons plus de 96 p. 100 des producteurs qui vivent de la ferme, qu'elle soit petite, moyenne ou grande. Nous englobons toutes les entreprises, qu'il s'agisse de pépinières, de culture de la pomme de terre, de la fraise ou de l'asperge.
    Nous parlons du court et du moyen terme. Prenez mon exemple. La compagnie qui achetait mes patates m'a annoncé qu'elle ne les achèterait plus si je continuais à les cultiver à Saint-Amable. Il faut que je me relocalise si je veux obtenir mon contrat l'année prochaine. Je ne parle ici que de mon cas, mais il y en a d'autres. Ce n'est pas de la fiction, c'est la réalité.
    On parle ici de parts de marché acquises de longue date sur le marché du Québec et en matière d'exportation. Vos producteurs vont sans doute vouloir continuer à cultiver la pomme de terre puisqu'ils sont équipés en conséquence .
    Commencez-vous à entrevoir la possibilité de devoir cultiver des champs se trouvant dans des municipalités situées à l'extérieur de la région?
    Il va falloir entamer une réflexion sérieuse relativement à l'aide gouvernementale. À mon avis, il va y avoir des choix déchirants à faire cet hiver, à savoir qui va continuer et qui va avoir envie de continuer, compte tenu des restrictions. Il ne faut pas oublier ce facteur.
    Supposons qu'il y ait une aide gouvernementale à moyen terme, que la valeur soit estimée à 7 000 $ l'acre et que le producteur, considérant que la valeur est de 2 000 $, décide de continuer. Le même producteur pourrait vendre au prix de 2 000 $, et le gouvernement compenserait pour la dévaluation de la terre. Celui qui paiera un prix raisonnable, même avec des contraintes, pourra continuer à cultiver certains produits. Il s'agit là d'avenues à moyen et à long terme qu'il faudra considérer. Mais n'oubliez pas que ce n'est pas parce qu'un producteur s'installe dans une autre région que les autres producteurs vont l'accueillir à bras ouverts et lui louer des terres.
    J'en ai moi-même fait l'expérience. J'ai dit récemment à un producteur que je venais de Saint-Amable. Sa réaction a été de dire : « Ah oui, les nématodes ». 
    Les restrictions qui nous sont imposées font partie du problème que nous avons aujourd'hui. À court terme, nous avons besoin d'argent, bien sûr, mais à moyen et à long terme, il nous faut des réponses. En effet, les producteurs de la région ont acheté des stocks et de la semence. Ce problème touche tous les types de production.
    Que fait-on pour conserver ces marchés qu'on doit protéger? Ce n'est pas facile d'aller rencontrer un client important et de lui dire qu'on ne sait pas ce qui arrive, qu'on ne peut pas lui donner de réponse et qu'en fait, on ne sait même pas si on pourra produire l'année prochaine. Voilà le problème auquel nous devons faire face. Si vous nous accompagniez demain matin pour négocier avec ces gens, je ne suis pas sûr que vous leur parleriez des nématodes de Saint-Amable. Ils vous demanderaient ce que sont les nématodes et il faudrait leur dire qu'ils peuvent survivre dans le sol pendant 40 ans. Ils en conclueraient que nous ne serons pas en mesure de produire l'an prochain et décideraient d'aller voir ailleurs.
(1200)

[Traduction]

    Monsieur Chouinard.

[Français]

    Je voudrais ajouter que le niveau d'infestation actuel dans cette région est de 80 p. 100. Je pense qu'il est utopique de croire qu'il va y avoir des pommes de terre dans la région de Saint-Amable l'année prochaine. Qu'on n'ait pas détecté de nématodes dans 20 p. 100 des champs ne signifie pas qu'on n'en trouvera pas l'an prochain. L'agence va être présente de façon constante pendant les cinq, dix ou quinze prochaines années, de façon à suivre de près ce qui se passe dans cette région.
    Il faut également comprendre que si les pommes de terre ne sont pas produites dans cette région, elles vont devoir l'être ailleurs. Trouver 3 000 acres de champs propices à la culture des pommes de terre n'est pas impossible. Il va falloir chercher un bon moment. Je suis à peu près convaincu que les producteurs, s'il y a des terres disponibles — et ça reste à voir —, vont se les arracher. Quoi qu'il en soit, ils ne trouveront jamais l'équivalent de ce qu'ils auront perdu à Saint-Amable.
    Un élément à ne pas négliger est l'entente que nous avons signée avec les États-Unis pour rouvrir la frontière. Elle a été réouverte ce matin. On peut féliciter l'agence, qui a travaillé fort à ce dossier. Bravo!
    Cependant, il faut comprendre l'importance d'obtenir l'adhésion du secteur à cet égard. Il est possible qu'on s'aperçoive en cours de route qu'un groupe du secteur est mis de côté afin de garder la frontière ouverte. Toute cette histoire risque en effet de nous revenir par la bande. L'agence nous l'a dit ouvertement. Il est nécessaire que le Québec adhère à l'entente. Pour notre part, nous y adhérons, mais à condition que les producteurs touchés par le nématode soient bien indemnisés et, de façon à pouvoir traverser cette crise, subissent le moins possible d'impacts commerciaux. Si cette condition n'est pas respectée, l'adhésion à cette entente... Il faut s'assurer que l'ensemble du secteur adhère à l'entente, de façon à ce qu'on sache que l'agence a le plein contrôle de la situation face aux États-Unis.

[Traduction]

    Merci, monsieur Chouinard.
    Je continue. Monsieur Arthur.

[Français]

    Monsieur Chouinard, donnez-nous une idée de la dimension du budget nécessaire pour répondre aux demandes implicites ou explicites, qu'elles soient destinées au gouvernement du Québec ou du Canada, faites par les gens assis au bout de la table en vue de faire face aux dommages passés, présents et futurs décrits plus tôt.
    Pour couvrir l'ensemble des inventaires ou de la récolte dans la région de Saint-Amable, on parle grosso modo d'une somme pouvant varier entre 4 et 6 millions de dollars.
    Vous ne parlez que des inventaires, mais je vous ai demandé quelle était l'étendue du programme. Vous m'avez parlé des besoins de l'an prochain, du recyclage des terres et des investissements devenus inutiles. Quel est le total de tout cela? Il ne faut pas nous le cacher. Vous devez nous le dire.
    On n'a pas encore fait l'exercice, monsieur Arthur.
    Il n'y a pas limite, n'est-ce pas?
    Comme on le dit en anglais : Sky is the limit. À très court terme, on pense qu'il faut aider les producteurs et couvrir la récolte de 2006. Ça suppose une somme de 4 à 6 millions de dollars, grosso modo. En ce qui concerne l'évaluation des impacts économiques à moyen et à long terme, il va falloir déterminer quels ont été les impacts sur les actifs, les pertes de marché et les conséquences reliées aux changements dans la façon de faire. On évalue cela à plusieurs dizaines de millions de dollars, uniquement pour les producteurs de pommes de terre. Imaginez si on parlait de tous les autres. En décidant d'établir une zone dans cette région, le ministre doit s'attendre à ce qu'il y ait des impacts économiques. Il y en a, en effet.
(1205)
    Ce n'est pas le ministre qui vous a attaqué, c'est le nématode.
    M. Pierre Chouinard: C'est clair.
    On est tous des hommes d'affaires. J'ai assisté à une réunion du groupe de travail. On avait une décision à prendre : ouvrir 95 p. 100 de la frontière du Québec parce qu'on perdait des millions de dollars chaque jour. J'étais le gars de la place. Il fallait presque que je donne mon accord et que je dise que c'était une question d'affaires très logique. Il restait un petit 5 p. 100. J'aurais aimé qu'il y ait une entente avant d'ouvrir la frontière, car on sait combien de millions de dollars par jour sont exportés du Québec aux États-Unis.
    Quelle différence une journée peut-elle faire pour le gouvernement? Il aurait pu mettre sur pied immédiatement le lendemain un programme accordant 50 000 $ par ferme et élaborer un plan d'urgence par la suite. Or, ce n'est pas ce qui est arrivé. On a fermé Saint-Amable, on donne cela aux Américains et voilà!
    Que nous répond-on? Rien jusqu'à maintenant. Mais n'oubliez pas que si le reste du Québec a été ouvert, c'est grâce à Saint-Amable. C'est ça, la zone. Ce n'est pas grâce aux nématodes, car on n'en a jamais voulu, des nématodes. Tout ce que je sais, c'est qu'on a des paiements à faire. La solution, c'est d'avoir rapidement de l'argent.

[Traduction]

    Monsieur Atamanenko, dernière question.

[Français]

    Merci d'être venus. Si je comprends bien, il n'y a pas d'aide provinciale ni fédérale jusqu'à maintenant. C'est bien cela?
    Jusqu'à maintenant, oui.
    De plus, il n'y a aucune méthode pour transformer les pommes de terre affectées. Ai-je bien compris?
    Non. Les pommes de terre peuvent être transformées, mais il faut que le transformateur respecte un protocole émis par l'ACIA. Il doit gérer les eaux usées, etc. S'il a le choix de faire affaire avec d'autres fournisseurs, il le fera.
    Personne ne veut le faire?
    Non.
    Ces terres seront affectées pendant 20, voire 40 ans. C'en est donc fini des pommes de terre. Y a-t-il des projets en vue de transformer ou de recycler vos activités? Le nématode affecte les pommes de terre, mais en principe, on pourrait cultiver d'autres légumes.
    A-t-on des idées à ce sujet?
    La pomme de terre rapporte de 3 000 $ à 4 000 $ l'acre. Ne me demandez pas de semer du blé d'inde et du maïs en grain qui rapporte 300 $ l'acre. Toutefois, si le gouvernement, pour le bien de la société, s'engage à combler la différence pendant 10 ans, on fera une transition en douceur et on abaissera le taux. Mais il reste que ce n'est pas rentable.
    Il faut souligner que le nématode est très présent en Europe et en Amérique du Sud. Ils ont appris à vivre avec le nématode, c'est-à-dire qu'ils développent des variétés résistantes, qu'ils font plus de rotations, qu'ils le contrôlent. Dans quelques années, si on se rend compte que le nématode est présent un peu partout en Amérique du Nord — comme il l'est au Québec, en Idaho, à Vancouver, à New York —, il faudra apprendre à composer avec cette réalité. Cependant, on n'en est pas encore là.
    Certaines études font état de nouvelles méthodes pour combattre le nématode. On n'a pas encore déterminé les mesures à prendre à long terme, c'est-à-dire pour la récolte de 2007. Il y a encore beaucoup d'inconnues. Il faudra réfléchir sérieusement aux questions suivantes. Peut-on vivre avec le nématode? Peut-on le contrôler? Peut-on fermer des terres pendant un certain nombre d'années ou faire des rotations plus fréquentes? C'est le genre de questions auxquelles on n'a pas encore beaucoup réfléchi. Il faudra également mettre à contribution des experts.
    Quand je parle de long terme, je parle de 2007. Le comité, qui se penche beaucoup sur l'aspect économique à court et à moyen terme, devra réorienter ses travaux pour étudier l'impact de ce parasite et les mesures qu'on peut prendre pour le contrôler.
    Il faut également considérer les restrictions qui découlent de la présence du nématode. On doit laver l'équipement quand on passe d'un champ à un autre. Si un producteur décide de cultiver du maïs en grain, il devra laver son équipement entre chaque champ, pour ne pas contaminer le reste de la récolte.
    La population est prise en otage. Nos enfants marchent et jouent dans les champs. On devra installer un plat d'eau pour qu'ils se lavent les pieds avant de revenir sur des terrains qui ne sont pas contaminés. Ce qu'on vit est incroyable. Tous les gens sont touchés. Il est aberrant de voir ce qui arrive à notre agriculture.
    Vous nous demandez si on peut recycler nos champs pour cultiver autre chose. Il est certain qu'on a des marchés rentables. On l'a tous dit. La rentabilité est notre fierté, et c'est pour cela qu'on se bat. Mais aujourd'hui, on vous dit qu'on ne peut y arriver.
(1210)
    Combien de fermes sont affectées?
    Une vingtaine.
    Je suis un grand innovateur, mais je n'ai pas de réponses aujourd'hui. Je ne sais même pas où je vais. Je dis à mon fils, à ma fille et à mon autre enfant que je me demande bien ce qu'on fera l'an prochain. D'habitude, j'ai toujours une solution à un problème, mais présentement, je suis emmerdé, dans le vrai sens du mot.
    On veut encore 3 000 $ à 4 000 $ l'acre. Quand on me parle de maïs ou d'autre chose, on élimine déjà ces points-là. Il est difficile de connaître notre avenir. Que fera-t-on l'an prochain pour Saint-Amable?
    On pourrait demander aux producteurs de Saint-Amable de cultiver autre chose sur leurs terres, mais des marchés comme celui du maïs, de l'asperge ou de la courge, par exemple, sont déjà pris.
    L'augmentation de l'offre d'une denrée quelconque, par exemple la courge, aurait des conséquences sur les prix, parce que l'offre et la demande de fruits et légumes sont très fragiles.
    Tout compte fait, on envisage peut-être, lorsqu'on analysera le problème afin de trouver des solutions à moyen et à long terme, de demander aux producteurs de cultiver autre chose. Cependant, il faudra évaluer les répercussions économiques d'un tel changement sur les marchés.
    Vous sentez-vous coincés entre deux paliers de gouvernements qui se relancent la balle?
    Nous ne sommes pas les seuls à vivre cela. Il en a toujours été de même dans le passé.
    Qu'il y ait des chicanes de clôture entre le fédéral et le provincial, on s'en fout. Mais les gouvernements doivent s'entendre pour trouver une solution. Laissez-nous respirer un peu. La distribution de l'argent, c'est votre travail.
    Je vous parle au nom des producteurs. Ce qu'on veut, c'est être écoutés et appuyés. D'autres problèmes semblables se présenteront à l'avenir. En tant que président, je suis arrivé à contenir les membres d'AMA-Terre, qui vivent avec un niveau de stress assez élevé. Je ne voudrais pas qu'ils se mettent à faire toutes sortes de choses comme des voyages de patates. Les frontières sont très fragiles.
    Je n'ai pas de réponses à leur donner. J'essaie de leur donner une lueur d'espoir chaque jour, mais il n'y a pas d'espoir jusqu'à présent. Arrivera un moment où je ne pourrai plus les retenir. Comment peut-on vivre sans argent? Je l'ai dit plus tôt : pas de revenus, pas d'argent, pas de paiements. Voilà pour le court terme. À moyen et à long terme, on s'assoira ensemble et on élaborera un plan d'avenir. Il y aura une solution.
    Des fédérations travaillent avec nous pour trouver des solutions. Il est important de travailler tous ensemble pour dresser le meilleur portrait global de la situation. Des valeurs nettes sont en jeu à l'heure actuelle et elles sont en place pour les années futures. Il est important de répondre à ces questions.
    Je voudrais ajouter quelque chose. Je ne pense pas que ce soit au comité de faire une visite sur place. C'est le gouvernement qui doit agir. Il ne faut pas une autre visite pour voir ce qui se passe. C'est le gouvernement qui doit prendre des mesures pour aider ces gens. Il me semble qu'il n'y a rien d'autre à faire.

[Traduction]

    Merci, monsieur Atamanenko. En fait, nous avons déjà parler de cette option et je suis sûr que nous en reparlerons encore.
    Messieurs, merci beaucoup pour l'ardent plaidoyer que vous avez présenté ici aujourd'hui. Nous vous en remercions. Le comité déposera un rapport. Ces discussions se poursuivront certainement.
    Merci encore pour vos déclarations d'aujourd'hui.
    La séance est suspendue. Que personne ne parte.
(1215)

(1220)
    Reprenons la séance. Tout le monde est ici.
    Sont avec nous pour la deuxième partie, une séance d'information sur la Commission canadienne du blé, de Frontier Center for Public Policy, Rolf Penner, agriculteur, directeur; de l'UPA du Québec, nous avons Denis Bilodeau, vice-président et Serge Lebeau, conseiller principal en commerce international, qui vient de retourner de Paris pour être avec nous aujourd'hui.
    Merci d'être venus, messieurs. Si vous voulez bien commencer. Je vous demande de faire vos déclarations.

[Français]

    Je vais m'adresser à vous en français. Je vais donc essayer de ne pas parler trop rapidement, afin que l'interprétation simultanée soit bien compréhensible.
    Je m'appelle Denis Bilodeau et je suis deuxième vice-président de l'Union des producteurs agricoles du Québec, l'UPA. Je suis heureux que vous nous receviez ce matin pour nous entendre sur la question du maintien de la Commission canadienne du blé. L'union est toujours grandement préoccupée par cette question, et c'est avec plaisir que nous venons déposer un mémoire aujourd'hui.
    Vous connaissez déjà l'UPA. Je vais simplement vous rappeler que nous représentons les quelque 43 000 agriculteurs et agricultrices du Québec, qui travaillent dans 31 000 fermes.
    Le contexte de travail et de développement de marchés au Québec a une particularité. Nous avons beaucoup travaillé à la mise en place d'agences de mise en marché, de systèmes de contingentement et d'une approche collective sur le plan de la mise en marché. Notre mémoire est quelque peu axé sur ces questions.
    J'inviterais maintenant M. Serge Lebeau à en faire la présentation.
    Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité.
    Vous n'êtes pas sans savoir que la Commission canadienne du blé assure aux producteurs un revenu du marché plus équitable et plus élevé. Elle garantit à l'industrie agroalimentaire des approvisionnements stables et prévisibles. Elle génère plus de 14 700 emplois directs et indirects et des retombées annuelles de 852 millions de dollars. C'est une remarquable formule qui préserve le maintien des fermes familiales respectueuses de l'environnement, lesquelles contribuent activement à la vitalité économique des régions, tout en façonnant le paysage rural.
    Or, présentement, tout indique que le gouvernement conservateur donnera suite à son engagement électoral de laisser aux producteurs de l'Ouest le libre choix au regard de la commercialisation de leurs céréales sur les marchés d'exportation. Il va s'en dire que si cela entrait en vigueur, on assisterait au démantèlement du comptoir unique actuellement en place et, éventuellement, à la disparition de la Commission canadienne du blé.
    Ainsi, le gouvernement canadien tenait, le 27 juillet dernier, une table ronde sur la commercialisation du blé et de l'orge dans les provinces des Prairies. Cette rencontre à huis clos réunissait le secrétaire parlementaire, M. David Anderson, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Chuck Strahl, des universitaires, ainsi que des représentants de l'industrie et des gouvernements des provinces concernées.
    De plus, même si quelques agriculteurs étaient présents à la réunion, il n'y avait aucun porte-parole de la Commission canadienne du blé ni de la Fédération canadienne de l'agriculture et des organisations agricoles des provinces. Dans les faits, les participants ne se sont pas véritablement prononcés sur le maintien ou non du guichet unique. Tenant pour acquis qu'ils étaient tous d'accord, on leur a plutôt demandé de s'exprimer sur les moyens à mettre en place pour donner plus de latitude aux producteurs en matière de mise en marché du blé et de l'orge dans les Pairies.
    Poursuivant sa démarche, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire vient de créer un groupe de travail sur la mise en oeuvre de la commercialisation mixte du blé et de l'orge. Ce dernier doit terminer ses travaux et formuler des recommandations d'ici la fin du mois d'octobre. À la lumière de toutes ces informations, il nous apparaît primordial que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire intervienne dans ce dossier.
    Je vais maintenant parler de nos inquiétudes.
    L'approche du gouvernement nous semble faussée, car elle fait fi de la Loi sur la Commission canadienne du blé, en vertu de laquelle toute décision visant à modifier le comptoir unique devrait être prise par les agriculteurs. Je fais référence ici à l'article 47.1.
    L'approche du gouvernement fédéral est d'autant plus inquiétante que le Conseil des ministres a adopté un règlement le 5 octobre dernier interdisant à la Commission canadienne du blé de prôner le maintien de ses pouvoirs monopolistiques. Ce sont les termes utilisés dans le décret. Ce sont les fondements mêmes de la démocratie, selon nous, qui sont remis en question.
    Les producteurs s'inquiètent également du maintien de leur droit de mettre en place des organisations pour ordonner la mise en marché. Faut-il rappeler que ces outils collectifs sont issus de volontés des producteurs exprimées démocratiquement?
    La limite de la démarche fédérale.
    D'abord, la majorité des producteurs de l'Ouest veut décider elle-même de l'avenir de la Commission canadienne du blé. Un sondage réalisé par la Commission canadienne du blé entre le 15 mars et le 2 avril 2006 auprès de 1 303 producteurs de céréales des Prairies révèle que: 75 p. 100 des répondants estiment que la tenue d'une plébiscite ou d'un référendum auprès de l'ensemble des agriculteurs est la meilleure approche pour apporter des modifications majeures à la Commission canadienne du blé; 90 p. 100 considèrent que toute décision visant à éliminer le comptoir unique de la Commission canadienne du blé devrait être prise par les agriculteurs, et non par le gouvernement; 66 p. 100 sont contre toute initiative qui affaiblirait la Commission canadienne du blé; et 63 p. 100 souhaitent que la mise en marché du blé demeure sous la responsabilité exclusive de la Commission canadienne du blé.
    La limite des agences de mise en marché volontaire.
    Au Québec, ailleurs au Canada et dans le monde, bon nombre d'agences de mise en marché volontaire ont échoué peu après leur création. Que ce soit dans les secteurs des céréales, du lait, du porc, des pommes de terre, des pommes ou des serres, toutes ces expériences datant des années 1990 n'ont pu être maintenues. L'UPA a étudié les causes de l'échec de ces modèles au Québec. Parmi celles-ci, on retrouve l'absence de masse critique du produit à mettre en marché et son corollaire, le manque d'adhésion des producteurs. Un autre facteur d'échec important fut la réaction négative des concurrents, ceux-ci ayant utilisé tous les moyens pour faire tomber ces systèmes.
    Se basant sur l'expérience vécue au Québec, on peut fortement présumer que la liberté de choix en matière de commercialisation des céréales dans les Prairies conduira éventuellement à l'élimination de la Commission canadienne du blé et aura des conséquences négatives pour les producteurs, soit une baisse des prix.
    Nos demandes.
    Il est essentiel que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire s'objecte à la démarche enclenchée par le gouvernement conservateur pour démanteler le guichet unique administré par la Commission canadienne du blé.
(1225)
    Conformément à l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, que le gouvernement fédéral laisse aux agriculteurs des Prairies la liberté de décider des changements à apporter à la Commission canadienne du blé.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lebeau.
    Monsieur Penner.
    Je souhaite une bonne après-midi aux membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité à partager avec vous mon point de vue sur la Commission canadienne du blé. Je voudrais commencer par dire que je suis ici non seulement en tant que membre de Recherches stratégiques en agriculture pour le Frontier Centre, mais ce qui plus important, en tant qu'agriculteur du sud du Manitoba où je cultive 1 700 acres et mes revenus proviennent principalement de cette ferme.
    J'ai grandi et j'ai dû vivre sous la coupe du monopole de la Commission canadienne du blé toute ma vie. Personnellement, je suis très enthousiasmé par les plans du gouvernement actuel sur le choix en matière de commercialisation et le rôle qu'une Commission canadienne du blé revigorée jouera à ce niveau.
    Permettez-moi de vous mettre au fait de ma situation et celles de mes voisins depuis la fin des récoltes il y a un mois. Je mentionnerai certains problèmes de liquidités que nous avons.
    Nous sommes aujourd'hui au beau milieu d'une importante reprise des marchés du blé. Les nivaux actuels sont les plus élevés depuis 30 ans. Nous ne pouvons pas en profiter et c'est terriblement frustrant. Nous ne pouvons pas livrer les petites quantités que nous pouvons vendre à bon prix, ce qui signifie que nous pouvons pas être payés.
    À la place de cela, nous avons besoins de liquidités, la plupart des agriculteurs ont en besoin en automne pour payer les factures, nous sommes obligés de vendre nos autres récoltes à des prix qui sont inférieurs au montant que je prévoyais pour la fin de cette année. Dans certains cas, ils sont inférieurs aux coûts de production. Si nous étions libres de vendre notre blé, nous pourrions garder ces récoltes jusqu'à ce que les prix augmentent et gagner de l'argent sur tout.
    Ce qui est tout aussi frustrant dans cette situation, c'est que si cette reprise actuelle concernait n'importe quelle autre récolte, je pourrais dès aujourd'hui vendre la production de l'année prochaine avec un bénéfice garanti. Mais je ne le peux pas. La raison principale n'est pas la Commission canadienne du blé, c'est le monopole de la Commission canadienne du blé.
    Je ne peux pas vous dire le nombre de fois dans ma vie où j'ai vu ce genre d'occasion s'envolaient à causes des commissions des grains. L'un des moments les plus frustrants dont je me souviens était la récolte de 2002-2003. Durant cette année, nous avons pu vendre la plupart de nos récoltes « hors-Commission » à des prix au-dessus de la moyenne jusqu'à des prix records. Il y avait une véritable bonne reprise générale pour toutes les récoltes, blé inclus. Non seulement la Commission canadienne du blé a complètement manqué cette reprise, mais elle s'en est pris tellement mal qu'elle a enregistré un déficit de 85 millions de dollars dans les comptes des livraisons en commun, qui ont dû être payés par les contribuables canadiens. Alors que cette année aurait dû être une année record pour l'agriculture des Prairies, elle a fini par être une autre année où il a fallu se battre pour joindre les deux bouts.
    Telle qu'elle est aujourd'hui, la Commission canadienne du blé est un énorme boulet pour l'ensemble de l'économie des Prairies depuis les obtentions végétales et passant aux prix à la ferme, aux collectivités rurales, aux villes et jusqu'aux ports. Cet effet modérateur est général, profond et très concret. Il est grand temps de se débarrasser de cet énorme boulet.
    Un monopole était peut être justifié à l'époque des contrats quinquennaux de livraison de millions de tonnes à l'Union soviétique, mais ce n'est certainement pas un outil de commercialisation efficace pour négocier de petites ventes de lots uniques à des minoteries et niches individuelles. Les propres dossiers de la Commission indiquent cette tendance. Ils vendent plus de petites quantités à des clients de plus en plus nombreux tout le temps. Ce phénomène n'est pas unique au blé. C'est quelque chose que nous constatons avec un nombre croissant de produits agricoles et de plus en plus de produits dans le monde entier. De manière générale, l'avenir des affaires consiste à vendre plus de petites quantités.
    Le fait que nous ne produisons plus les grains les moins chers au monde est tout aussi important. À la place, nous devons être compétitifs au niveau de la préservation de l'intégrité des caractères spécifiques, des programmes de traçabilité et des normes de qualité précises pour chaque expédition. Le modèle actuel de la Commission canadienne du blé était conçu pour de grandes exportations en vrac. Elle n'est pas en mesure de faire face à la concurrence dans ces nouveaux marchés internationaux de spécialités haut de gamme et à forte rotation. Elle n'a tout simplement jamais été conçue pour cela.
    Certains craignent que le remaniement du monopole de la Commission n'entraîne des pertes d'emplois. Cette crainte est surtout partagée dans ma province d'origine, le Manitoba. La vérité, c'est que sous le régime actuel, nous perdons des emplois depuis des décennies. L'industrie céréalière se regroupe constamment en raison de l'absence de nouvelles perspectives. Nous continuons à perdre des agriculteurs parce qu'ils ne peuvent pas pénétrer de nouveaux marchés au pays ou à l'étranger. Tout boisseau non transformé qui est exporté est une autre possibilité perdue, une autre occasion perdue et un autre emploi perdu.
(1230)
    Je parle surtout de la transformation à forte valeur ajoutée. Je parle des minoteries, des usines de pâtes alimentaires, des installations de maltage et de toute une gamme de produits spécialisés qui sont actuellement étouffés dans l'Ouest du Canada. Nous devrions exporter des pâtés à la viande, pas du blé en vrac et des animaux vivants.
    Puis, de nouvelles variétés de blé et d'orge sont développées, surtout des variétés à haut rendement pour nourrir le bétail. Il y a de nouvelles utilisations, comme les nutriceutiques, la bioénergie et l'éthanol qu'entrave une réglementation qui favorise le type de grains que la Commission canadienne du blé vendait au bon vieux temps.
    Tout cela se produira, mais si nous conservons le monopole tel qu'il est aujourd'hui, cela se produira ailleurs. En fait, ça c'est déjà produit ailleurs.
    Par exemple, le niveau d'investissement dans la transformation à forte valeur ajoutée en Ontario et aux États du nord des États-Unis est de deux à trois fois supérieur à celui des Prairies selon une étude faite par le Centre George Morris. Le monde ne fait pas que nous dépasser, il nous laisse loin derrière.
    Permettez-moi de vous donner un exemple particulier. Il y a deux ou trois semaines en Australie, un petit agriculteur qui s'appelle Doug Couche a récemment réalisé un rêve que voudraient bien réaliser les producteurs de l'Ouest, mais ce rêve est illégal aujourd'hui au Canada. Il a ouvert sa propre minoterie, c'est à couper le souffle, il a maintenant le dernier chaînon de la chaîne allant du prix à la ferme jusqu'à l'assiette du gourmet. Il a réussi à vendre des pâtes un peu partout et même en Italie, le pays des pâtes. C'est incroyable. Et il réussit. Ce serait comme essayer de vendre du charbon à Newcastle.
    Ses pâtes se vendent maintenant dans plus de 500 magasins partout en Australie, en Italie, aux États-Unis, au Royaume-Uni, à Dubaï et en Corée. Il ne craint pas les grandes multinationales, parce que lui-même, un petit agriculteur, est aujourd'hui une multinationale.
    Beaucoup de personnes prétendent qu'un double marché du blé et de l'orge est une impossibilité métaphysique. Elles disent que ça ne marchera pas et que ça sonnera la fin de la Commission canadienne du blé. C'est exactement ce qu'ont dit les alarmistes au sujet d'un autre monopole que je connais très bien: le porc du Manitoba. Non seulement il a survécu la perte du comptoir unique, mais il est en plein essor dans le nouveau contexte commercial. Il conserve 30 p. 100 de part d'un marché -- et cela revêt une importance capitale -- qui est aujourd'hui en pleine expansion. Plus de porcs sont commercialisés qu'à l'époque des comptoirs civiques. C'est pareil pour le porc du Saskatchewan, le porc de l'Alberta, et aussi pour le blé de l'Ontario. C'est incroyable comment une petite liberté de choix et un peu de concurrence peuvent vraiment améliorer la situation.
    Cette situation contraste nettement avec le rétrécissement de la superficie réservée à la culture des grains de la Commission canadienne du blé dans l'Ouest, notre part de marché diminue aussi. Il y a 10 ans, nous avions 20 p. 100 de la part du marché mondial. Aujourd'hui, nous en avons 15. Dans cinq ans, la prévision est de 10 p. 100. L'avenir est tracé. Le statu quo ne fonctionne pas et les choses doivent changer.
    J'aimerais maintenant vous rappeler à tous l'une des recommandations du comité permanent multipartite qui a parlé à des centaines d'agriculteurs dans tout le pays en 2002. Je pense qu'un grand nombre d'entre vous faisait partie de ce comité, je cite directement votre recommandation : «... que le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé autorise, à titre d'essai, un marché libre pour la vente de blé et d'orge... »
    Je ne rappelle cela que pour montrer que le soutien au choix en matière de commercialisation dépasse les considérations idéologiques et politiques partisanes.
    Au sujet du vote sur le double marché, je rejoins les propos de l'ancien ministre du cabinet NPD du Manitoba, Sidney Green, publiés la semaine dernière dans le Free Press de Winnipeg : « La Commission canadienne du blé est un organisme crée par un gouvernement démocratiquement élu. Si le gouvernement ne l'avait pas créée, la Commission canadienne du blé n'existerait pas. Il est important de ne pas oublier que ce qu'un gouvernement démocratiquement élu a créé, un gouvernement démocratiquement élu peut supprimer. »
    Il y a la question des libertés civiles dans tout cela. Oui, il y a de solides arguments économiques ainsi que le montre la recherche que j'ai faite avec le Frontier Centre. Nous parlons de dizaines de milliers de dollars d'augmentation de revenus pour les agriculteurs individuels des Prairies, probablement entre trois-quarts de milliard à un milliard de dollars par an si nous les considérons collectivement; près de 26 000 emplois supplémentaires dans la transformation à forte valeur ajoutée; un milliard de dollars à peut-être deux milliards de dollars en plus en activité économique additionnelle grâce à cette transformation à forte valeur ajoutée. Il y a des arguments économiques solides et omniprésents.
(1235)
    Mais il y a la question des libertés civiles. Quand est-il approprié pour l'État de permettre qu'un groupe prive les libertés civiles d'un autre groupe? Dans une société libre et démocratique, le droit de priver les libertés civiles ne devrait pas exister. Il ne s'agit pas d'élire un gouvernement ni de déterminer qui préfère la crème glacée à la fraise à celle au chocolat. Dans ce cas, si la fraise l'emporte, non seulement vous ne pouvez pas acheter de chocolat, mais si on vous attrape en possession de crème glacée au chocolat, vous êtes emprisonné.
    Finalement, ce dont il s'agit, c'est de donner aux agriculteurs de l'Ouest la liberté de gérer leur entreprise comme ils l'entendent -- pas comme l'entendrait le gouvernement, et certainement pas comme l'entendraient leurs voisins. Les agriculteurs de l'Ouest canadien devraient pouvoir jouir des mêmes droits, libertés et libertés civiles que les agriculteurs du reste du Canada. Il n'est pas juste, à cette époque, qu'ils soient encore forcés de s'asseoir à l'arrière du bus.
    Le débat actuel est dominé par deux positions extrêmes. La première maintient si la collectivisation est imposée aux producteurs de blé et d'orge, c'est pour leur propre bien. L'autre dit que le gouvernement fédéral n'a pas à s'impliquer dans la commercialisation du grain de quelque façon que ce soit. Le gouvernement fédéral -- et c'est tout à son honneur -- semble avoir trouvé un compromis intelligent entre les deux extrêmes. Un compromis qui reconnaît un très simple fait universel. Il n'existe pas de méthode absolue de vente du blé et de l'orge qui satisfait tout le monde tout le temps. Le gouvernement a l'intention de laisser aux agriculteurs individuels, qui le désirent, vendre leurs propres récoltes et, en même temps, laisser aux agriculteurs qui préfèrent vendre leurs grains ensemble le soin de le faire.
    Non seulement je pense que la mise en oeuvre de ce programme servira au mieux les intérêts de nos agriculteurs, mais aussi les intérêts de l'ensemble du Canada, car cela encouragera le développement rural dans les Prairies et annoncera au monde entier la suppression de l'énorme boulet et que l'Ouest canadien est maintenant ouvert aux affaires.
    Merci, monsieur Penner.
    Les déclarations des deux groupes ont été courtes et brèves, c'est fantastique.
    Nous passons à la première série de questions. Monsieur Easter, sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à M. Penner qui semble vivre dans un monde imaginaire, mais en tout cas...
(1240)
    Je gagne ma vie dans ce monde imaginaire, monsieur Easter.
    Moi aussi.
    Permettez-moi de revenir sur la description détaillée de l'énorme boulet faite dans votre déclaration. Vous dites en gros que le modèle de la Commission canadienne du blé a été conçu pour de grandes exportations et qu'il empêche les ventes des récoltes à forte valeur ajoutée. Or, Warburtons, une entreprise, vient d'annoncer qu'elle achètera 250 000 tonnes de blé de qualité supérieure à environ 730 agriculteurs, dont beaucoup du Manitoba et de la Saskatchewan. Elle le fera de telle façon à empêcher que le vendeur qui offre les plus bas prix fixe les prix. C'est-à-dire maintenir des prix élevés, donc que je voulais seulement vous signaler que votre argument sur l'énorme boulet n'a pas de poids.
    En outre, je ne peux tout simplement pas comprendre pourquoi les opposants à la Commission canadienne du blé -- et nous utilisons votre exemple australien, monsieur le président -- continuent à perpétuer le mythe voulant qu'il ne peut pas y avoir de traitement ou de développement d'usines de pâtes alimentaires. Le fait est que les agriculteurs de l'Ouest ont exactement la même capacité au pays. Il y a le programme de rachat pour les exportations, mais les agriculteurs de l'Ouest ont la même capacité de moudre leur propre grain dans leur propre moulin et vendre la production directement aux consommateurs canadiens d'un bout à l'autre du pays. Pour vendre cette production à l'étranger, ils doivent passer par le programme de rachat.
    Donc, vous continuez à perpétuer ces mythes.
    Un dernier point, monsieur le président, avant de passer aux réponses.
    M. Penner n'a ménagé aucun effort pour parler de l'étude de Carter-Lyons-Berwald qui, je crois que vous le savez monsieur le président, a été complètement discréditée pour une simple raison par des universitaires détenant des titres universitaires. L'étude est arrivé à sa conclusion en comparant les prix à la ferme pratiqués aux États-Unis et au Canada sans tenir compte de la distorsion des subventions américaines, y compris le Programme d'encouragement des exportations.
    Même en ce qui concerne les prix au comptant, lorsque vous avez comparé les prix au comptant des récoltes, vous avez comparé une variété différente de récolte, mais pas le même grain. Le fait est que je connais une variété de grain qui vous plaît beaucoup, Falcon. Oui, le prix au comptant de ce grain est quelque fois plus élevé. Mais que font les Américains de ce grain? Ils achètent du Falcon, un grain de qualité inférieure, et le mélangent à du grain de qualité supérieure puis vendent le mélange.
    Donc, la comparaison n'est pas bonne, monsieur le président.
    Je pense que la question est la suivante : où sont les chiffres exacts? Nous avons entendu les chiffres que vous avez énoncés et vous avez dit probablement, probablement, probablement. J'ai entendu les mêmes arguments de la part de beaucoup de gens pendant les débats sur le tarif du Nid-de-Corbeau. Éliminons le tarif du Nid-de-Corbeau et nous serons riches et prospères dans l'Ouest du Canada. Aujourd'hui, les mêmes gens disent la même chose à propos de la Commission canadienne du blé. Mais, vous n'avez pas d'étude concrète pour le prouver, sauf celle de Carter-Lyons-Berwald qui a été discréditée.
    En réponse au rapport du groupe de travail affiché dans le site Web, la Commission canadienne du blé annonce en s'appuyant sur de la documentation -- et il y a l'étude indépendante faite par Hartley Furtan -- qu'il y aura une perte de 530 à 655 millions de dollars pour l'ensemble de l'industrie de l'Ouest canadien. Qu'allez-vous faire pour compenser cette perte quand elle arrivera? C'est ma question.
    Monsieur le président, je serais heureux de répondre à autant de questions que je peux dans le temps qui m'a été imparti.
    Commençons où s'est arrêté M. Easter, les études parrainées par la Commission canadienne du blé et supposément légitimes. J'ai bien étudié ces études et celle de Furtan, qu'il a mentionnée. Le problème de ces études, c'est que ce sont des analyses coût-avantage qui ne donnent pas de liste de coûts. Elles ne vont pas jusqu'au prix à la ferme et elles se fondent sur une série de données secrètes que personne n'a le droit de vérifier. À part cela, elles sont bonnes, mais je ne parierais pas ma chemise là-dessus.
    En ce qui concerne les comparaisons de prix au comptant pour Falcon -- oui, je cultive du Falcon -- jeudi dernier, la différence entre le prix commun de la Commission canadienne du blé et ce que je pouvais obtenir à un silo dans le Dakota du Sud, très près de ma ferme, était de 1,11 dollar le boisseau. C'est un prix on ne peut plus réel, il n'est pas tiré d'une étude. Oui, il est possible d'obtenir un peu mieux avec un contrat à prix fixe, mais cela se terminera à la fin de ce mois. Ce jour-là, j'en avais pour 60 cents par boisseau.
    C'est vraiment trompeur de la part du ministre d'essayer de suggérer qui je devrais croire -- lui ou mes propres yeux.
    L'étude Carter-Lyons-Berwald a été faite très rigoureusement et encore une fois elle compare les prix à la ferme, là où ça compte le plus.
    Le programme de rachat est encore une fois incroyablement trompeur. Oui, il y a un programme de rachat, et on peut acheter son propre grain, ce qui est tout à fait absurde. Mon silo au Manitoba établit le prix à partir de Vancouver, qui est pour la plupart du temps le genre de prix que demanderait Tony Soprano, c'est la raison pour laquelle pratiquement personne ne le fait.
    Au sujet du traitement à valeur ajoutée, encore une fois l'honorable ministre se trompe...
(1245)
    L'honorable député.
    Député, pardon. Je ne suis pas très au fait du protocole.
    D'accord. Je voulais qu'il y ait d'erreur sur la personne.
    Continuez, monsieur Penner.
    Très bien. Nous savons de qui nous parlons.
    Je citais en particulier l'étude du centre George Morris, il est très facile de comparer les niveaux d'investissement. Soit il y en a soit il n'y en a pas. Oui, il y a de l'investissement dans les provinces des Prairies, mais il est loin d'être là ce qu'il devrait être, et cela est particulièrement dû au monopole. Je peux vous donner un exemple avec l'orge de brasserie.
    L'Ouest devrait être la capitale de l'orge de brasserie en Amérique du Nord pour des raisons économiques. La seule raison pour laquelle ce n'est pas le cas, c'est que les malteurs doivent pouvoir conclure des contrats directement avec le producteur afin d'avoir les spécifications nécessaires. Je crois qu'en 2004 ou en 2005, un investissment d'environ 400 millions de dollars dans le maltage est allé aux États du Nord des États-Unis, même si le maltage de cet orge au Canada aurait coûté 35 à 40 $ la tonne de moins. L'investissement est allé aux États-Unis à cause du monopole.
    Monsieur le président.
    Merci, monsieur Penner.
    Nous passons à M. Bellavance pour sept minutes.
    Vous avez dépassé votre temps d'une minute et demie.

[Français]

    J'aimerais vous remercier de vos témoignages.
    Le Bloc québécois s'est prononcé sur la Commission canadienne du blé, et je ne vous dis pas l'émoi que cela a créé. On nous a lancé des insultes. Bien sûr, nous venons du Québec, et tout le monde sait que le Québec n'est pas touché par la Commission canadienne du blé.
    Après avoir entendu vos témoignages, messieurs Lebeau et Bilodeau, je serais tenté de jouer l'avocat du diable. Je me demande pourquoi vous êtes ici ce matin à parler de la Commission canadienne du blé. Cela ne concerne pas le Québec. Nos producteurs agricoles, dans le domaine du grain, ne sont pas assujettis à la Commission canadienne du blé. Vous avez bien le droit d'avoir une opinion à ce sujet. Nous faisons la même chose en tant que politiciens.
    En quoi votre intervention est-elle pertinente puisque ça ne concerne pas le Québec?
    Notre intervention se concentre davantage sur le concept. Pour avoir expérimenté au fil des ans la mise en marché des produits agricoles, je vous dirai que la tentation est grande pour un producteur — et je pense que c'est humain — d'essayer d'obtenir un meilleur prix que son voisin producteur. Selon ce que j'ai observé, les producteurs qui ne savent pas adopter une approche collective de mise en marché ont constamment l'impression d'avoir le meilleur prix. Par contre, quand ils rencontrent leurs amis au bar ou dans une soirée et qu'ils obtiennent plus de précisions à ce sujet, ils se rendent compte que ce n'est pas eux qui ont obtenu le meilleur prix.
    L'approche collective permet que la mise en marché regroupe l'offre d'un produit. Qu'on le veuille ou non, les intervenants de l'autre côté, en d'autres mots les acheteurs, forment un regroupement et travaillent de cette façon. La concentration fait en sorte qu'aujourd'hui, les acheteurs transigent des volumes très élevés. La même situation s'applique quand il s'agit de contrats à l'extérieur du pays. Ce sont les gros exportateurs qui établissent les prix.
    Il est facile pour un producteur de penser qu'il a un produit à valeur ajoutée occupant une niche, un créneau, bref, un produit différencié. Au Québec, nous pensons qu'il y a peut-être lieu de moderniser certains aspects de la Commission canadienne du blé. En effet, cette infrastructure existe depuis 70 ans. Il reste que la recherche constante de cette approche collective fait en sorte que s'il y a quelques améliorations à y apporter, ce sera fait dans une optique collective.
    Au Québec, on expérimente aussi l'approche des marchés distincts et de valeur ajoutée. Il ne faut pas oublier que dans le cas des produits agricoles, l'important est de cerner les besoins des consommateurs et d'y répondre. Dès que le consommateur requiert une qualité ou une caractéristique précise à l'égard d'un produit, l'objectif consiste à répondre à cette demande. C'est réalisable par l'entremise d'une approche collective.
    Au Québec, on fait affaire à une agence de mise en marché, entre autres au niveau de la production de lait. Certaines particularités s'appliquent dans le cas des producteurs de lait biologique, qui répondent à un marché spécifique. L'approche collective nous permet quand même de transiger ce lait par l'entremise d'un système, ce qui nous permet de maintenir un approvisionnement continu, de façon à ne pas connaître de ruptures de stock, et de nous assurer que ces volumes répondent à la demande du marché. Cette approche a toujours été bénéfique pour l'ensemble des producteurs. Elle garantit les revenus de la plupart des entreprises agricoles. Un proverbe dit qu'on ne doit pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Ça résume un peu la situation.
    Il faut être conscient qu'à partir du moment où l'adhésion à la Commission canadienne du blé devient volontaire, une brèche très large s'ouvre dans ce système. Une approche volontaire change les effets et la synergie de l'approche collective en matière de prix et de marchés. En effet, les producteurs se trouvent à être en compétition les uns avec les autres, ce qui fait qu'on négocie constamment à la baisse. Ce phénomène est très significatif pour les producteurs agricoles au Québec.
(1250)

[Traduction]

    Est-ce que M. Penner a quelque chose à dire?
    Non? D'accord.

[Français]

    J'ai une autre question.
    Les conservateurs m'ont aussi accusé de comparer la Commission canadienne du blé, un important outil de mise en marché collective, avec la gestion de l'offre, l'autre outil important de mise en marché collective au Canada.
    Évidemment, ce n'est pas une comparaison que je faisais. J'exprimais une inquiétude face à l'attitude du gouvernement conservateur, qui fait face à des pressions énormes à l'OMC, surtout de la part des Américains et des Européens. Monsieur Lebeau, je pense que vous pouvez en témoigner. Le Bloc québécois a fait venir des ambassadeurs. Vous étiez présent pour parler de la gestion de l'offre. L'ambassadeur de l'Union européenne nous a dit que la Commission canadienne du blé et la gestion de l'offre étaient les deux systèmes qui les chatouillaient, pour ne pas utiliser une autre expression.
    Ce qui m'inquiète, c'est la possibilité qu'on se débarrasse de la Commission canadienne du blé. Qu'est-ce qui s'ensuivrait? J'ai le communiqué de la Fédération canadienne de l'agriculture, la FCA, dont Laurent Pellerin est le vice-président. Il est aussi votre président à l'UPA, messieurs Bilodeau et Lebeau. Le communiqué, qui traite spécifiquement de l'avenir de la Commission canadienne du blé, dit ce qui suit :
Quel genre de précédent créerait-on pour l’avenir des autres outils de commercialisation dont disposent les agriculteurs ici au Québec, ou dans toute autre province?
    Je me fonde évidemment là-dessus pour dire qu'on pourrait porter atteinte à un outil de mise en marché collective pour ensuite en arriver... On a le droit de soulever ce genre d'inquiétude. Je voulais savoir ce que vous en pensiez.
    M. Lebeau était présent. Je lui laisse la parole et je terminerai.
    Je reviens à votre première question. Il existe une solidarité entre producteurs agricoles, et cela guide l'Union des producteurs agricoles du Québec. Nous sommes solidaires des producteurs de l'Ouest. Nous appartenons à la même fédération canadienne. C'est aussi une question de principe. Il existe une loi qui prévoit que la destinée et l'avenir d'une organisation comme celle de la Commission canadienne du blé doivent être débattus et décidés par les producteurs. S'ils décident de mettre fin au comptoir unique, ce sera leur décision.
    C'est ainsi que cela fonctionne chez nous. Pour qu'un plan conjoint soit adopté, il faut 66 p. 100 des votes. On ne parle pas de 50 p. 100 plus 1, mais de 66 p. 100. Si on veut mettre en oeuvre une mise en marché collective — par exemple un plan conjoint pour la production de fraises —, il faut un vote de 66 p. 100. La Loi sur la mise en marché des produits agricoles, qui a été adoptée en 1957, prévoit que cela se passe de cette façon. Nous appuyons ce principe.
    Une brèche a effectivement été ouverte dans la mise en marché collective ordonnée. On se demande donc quelle sera la prochaine étape. Cela ne touche pas seulement la gestion de l'offre. Nous pratiquons la mise en marché collective dans le cas de plusieurs productions, celles de la pomme de terre, du porc et de la pomme, notamment. Cela nous inquiète au plus haut point. Sachez que beaucoup d'acheteurs souhaiteraient qu'il y ait un libre choix, pour faire la pluie et le beau temps. Nous avons beaucoup de statistiques à cet égard. Par exemple, lorsqu'on a mis en place l'encan électronique dans le secteur porcin, en 1989, on a noté l'écart entre le prix payé aux producteurs du Québec et le prix payé aux producteurs américains. Il était d'environ 25 $ du 100 kilogrammes. Après l'avoir mis en place, nous avons vu que nous avions rattrapé le prix américain. Vous voyez l'avantage que peut procurer la mise en marché collective.
    Encore une fois, ce sera aux producteurs de l'Ouest d'en débattre, pour ceux qui sont en faveur de faire valoir ces avantages. Pour notre part, nous sommes convaincus qu'il existe un avantage. Il y a de grands intégrateurs dans le secteur porcin chez nous. Au début, ils étaient très sceptiques et pensaient que parce qu'ils avaient un gros volume de production, ils auraient un meilleur prix. Cependant, à un moment donné, ces producteurs ont réalisé qu'ils auraient un meilleur prix en regroupant toute la production et en négociant collectivement avec les acheteurs. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit.
(1255)

[Traduction]

    Soyez bref.

[Français]

    L'important est de revenir rapidement à la situation où les producteurs décideront de se prendre en main par rapport à cela. M. Penner a dit que le gouvernement imposait aux producteurs les directives, les orientations et un marché, mais la démarche n'est pas celle-là. Il existe des structures démocratiques à l'intérieur de cette commission. Il faut faire en sorte qu'elle joue son rôle. S'il y a quelque modification ou modernisation à apporter, les comités de producteurs à l'intérieur de cette structure sont en mesure de faire des propositions et de voter sur les positions à prendre à l'avenir, et non pas de procéder tout de go au démantèlement. Soyez bien conscients que si on adopte une approche volontaire, beaucoup d'acheteurs seront très contents. La survie de la Commission canadienne du blé est sérieusement menacée, c'est clair.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bilodeau.
    Monsieur Anderson, sept minutes, s'il vous plaît.
    La dernière partie de la discussion m'a intéressée, car comme nous le savons la Commission canadienne du blé n'a jamais établie par les producteurs. Il n'y a pas eu de vote, et il n'y aurait certainement pas 66 p. 100 de votes pour la conserver. Je trouve intéressant que vos offices de commercialisation doivent obtenir 66 p. 100 pour être établis et maintenus. Je sais même le dernier sondage de la Commission canadienne du blé indique que 54 % des agriculteurs voulaient un changement, nous savons donc qu'une majorité dans l'Ouest canadien aimerait que des changements soient apportés au système.
    J'aimerais aussi dire, je crois qu'André essayait de faire une peu le malicieux, que le Parti conservateur a clairement exprimé son appui au système de gestion des approvisionnements et qu'il continuera à l'appuyer. Il était aussi clair durant la campagne électorale que nous allions passer au choix en matière de commercialisation pour la Commission canadienne du blé. Notre politique est claire; notre position n'a pas changé et vous pouvez être sûrs qu'elle ne changera pas.
    Wayne a dit tout à l'heure qu'il n'aimait pas certains chiffres utilisés. Il a mentionné la façon dont nous utilisons probablement, probablement, probablement. J'aimerais apporter une correction sur l'un des chiffres que vous avez aussi cités, car les opinions doivent être exprimées des deux côtés. En parlant du profit de la Commission canadienne du blé, les gens énoncent différents chiffres. Nous avons entendu 100 millions de dollars par an, 500 millions de dollars et maintenant de 525 à 565 millions de dollars. Nous avons entendu 820 millions de dollars; et vous avez mentionné un nouveau montant de 852 millions de dollars, c'est ce que vous avez dit je crois dans votre déclaration. Je suppose que quelqu'un va finir par dire que les prévisions s'élèveront à un milliard de dollars.
    En réalité, je pense que M. Penner est probablement plus précis lorsqu'il dit qu'il y a eu un coût énorme dans l'ouest du Canada. Nous prévoyons 15 000 à 20 000 emplois dans le développement à forte valeur ajoutée. Nous n'avons pas un montant s'élevant à 2 milliards de dollars par an pour la valeur ajoutée. Nous avons entendu dans d'autres secteurs du comité que la distinction visuelle des grains -- notre système de classement des grains, qui ne s'applique pas en Ontario et au Québec -- nous coûte entre 100 et 400 millions de dollars. Les coûts directs à la Commission canadienne du blé, encore une fois d'après George Morris, sont de 15 à 22 $ la tonne. Des deux côtés, de l'argent est dépensé pour cela, mais il est évident que les agriculteurs de l'Ouest canadien feraient d'énormes profits si nous pourrions faire quelques changements.
    Je crois que M. Bilodeau a dit que nous ne voulons pas précipiter les choses. Monsieur Penner, vous travaillez sous l'égide de la Commission canadienne du blé. Est-ce que la Commission canadienne du blé peut survivre dans un environnement de choix en matière de commercialisation dans l'Ouest canadien?
(1300)
    Absolument. Il y a aucune raison de croire qu'elle ne puisse pas. Tous les offices de commercialisation du porc que j'ai mentionnés fonctionnent toujours et même bien.
    Je comprends ce dont parlent les messieurs du Québec -- certaines expériences du Québec. J'ai étudié ces situations sur une base encore plus large. J'ai examiné certaines études faites par la Banque mondiale sur ce genre d'actions. Cette étude est un peu plus ancienne, mais elle est encore très révélatrice. Entre 1985 et 1997, plus de 80 pays ont vendu 8 500 entreprises d'État. C'est exactement ce dont nous parlons, ils l'ont fait avec succès.
    Il arrive effectivement que ça ne fonctionne pas bien, c'est très rare et ce n'est pas une condamnation globale du processus de commercialisation. En règle générale, les échecs sont très prévisibles. Si on ne va pas jusqu'au bout, on n'obtient pas de bons résultats. Habituellement, c'est à cause de mauvaises pratiques, comme des soumissions non concurrentielles -- faites dans les coulisses -- des contrats mal rédigés, un contrôle insuffisant du rendement et ce genre de choses.
    Les chances d'une transition réussie de la Commission canadienne du blé à un marché plus libre sont extrêmement élevées. La plupart des réussites enregistrées dans le monde sont dans des pays à revenus élevé à intermédiaire exactement comme le Canada. Le fait est que les pays qui mènent une politique plus en harmonie avec le marché obtiennent des résultats positifs, et c'est exactement pour cela que nous sommes ici.
    Certains des organisations et des individus qui soutiennent le système actuel ont vraiment exagérer la rhétorique hystérique sur les conséquences de ce qui se passerait en cas de changements. Pensez-vous que des gens de ce côté aimeraient voir la Commission détruite plutôt que modifiée?
    Il semblerait que ce soit certainement le cas. Je ne sais pas s'il y a une pilule empoisonnée quelque part, mais j'ai participé à la réunion à Saskatoon. Je ne me souviens plus qui l'a mentionné, mais la Commission canadienne du blé était invitée, et elle a refusé. Le Comité de transition que vous avez -- était invité. Il a refusé.
    Les partisans de la Commission ne lui donnent pas la marge de manoeuvre nécessaire pour qu'elle puisse tracer son propre destin. S'ils continuent dans ce sens, il sera de plus en plus difficile de maintenir à flot cette organisation. Je ne pense pas qu'en adoptant ce genre de position idéologique radicale sur le concept de la collectivisation forcée ils rendent service à leurs homologues producteurs; ce n'est tout simplement pas bon pour l'Ouest du Canada.
    Je voudrais poser cette question à l'Union des producteurs agricoles du Québec.
    Croyez-vous que les agriculteurs devraient avoir la possibilité ou la capacité de vendre directement leurs propres grains à des installations de traitement appartenant à des producteurs?Pensez-vous que ce soit une bonne idée? Êtes-vous contre ou pour? Si j'étais un producteur, je pourrais prendre mon grain, le vendre à une installation appartenant à un producteur puis traiter le grain de cette façon et en tirer un profit. Qu'en pensez-vous?

[Français]

    Comme je l'ai mentionné plus tôt, on pourra atteindre l'équilibre le jour où il ne restera qu'un producteur et un acheteur. Le pouvoir de négociation sera alors équilibré de part et d'autre. Dès qu'on atteindra cet objectif, il faut être conscient que plusieurs entreprises agricoles et plusieurs producteurs vivant de leurs entreprises auront failli à la tâche et auront été obligés de délaisser l'agriculture.
    Sinon, ils se retrouvent en compétition. Telle est la situation: les producteurs se livrent une concurrence entre eux. Pour quelques-uns, c'est-à-dire pour une minorité, cela sera profitable. On créera ainsi une concentration des producteurs, et un producteur éliminera graduellement l'ensemble des autres producteurs.
    Nous ne recherchons pas de telles situations. Nous voulons qu'un grand nombre de producteurs vivent de leurs entreprises agricoles, qu'ils rayonnent dans leur municipalité, dans leur milieu, et que leur situation économique soit satisfaisante par rapport à celle des autres membres de la société.
    Ces pouvoirs que leur accorde la mise en marché collective veillent à ce que le plus petit producteur puisse quand même obtenir un prix commun par rapport à un éventail de mises en marché globales, ce qu'on ne retrouvera pas lorsque le producteur ira négocier.
    La mise en marché ou la valeur ajoutée fait en sorte qu'il peut y avoir quelques particularités de production. Toutefois, il faut faire un bout de chemin à cet égard pour pouvoir reconnaître cette participation ou cette valeur ajoutée par rapport à un produit, mais on peut le faire.
    Comme je le disais plus tôt, ce n'est pas une approche qui mettra à risque une institution créée il y a de nombreuses années probablement pour les mêmes raisons, pour contrôler les mêmes situations que celles qu'on connaîtra si on enlève ces structures. Pour les acheteurs de grains et les négociateurs, ces structures sont dérangeantes, embarrassantes à certains égards, parce qu'on ne peut pas transiger directement avec les producteurs. En effet, l'acheteur ne peut pas négocier avec un producteur et un autre pour obtenir de meilleurs prix. Sauf que nous, à titre de représentants des producteurs, voulons que ceux-ci aient un revenu décent grâce à leurs entreprises agricoles.
    Vous comprendrez aussi que la situation de l'agriculture, en règle générale, au Canada et au Québec, n'est pas dans une phase florissante par les années qui courent. Par conséquent, ce n'est pas en détruisant des entreprises, des structures qui permettent d'influencer le prix à la hausse, qu'on améliorera le sort des producteurs agricoles canadiens.
(1305)

[Traduction]

    C'est le genre de question à laquelle il faut répondre par oui ou par non.
    En tout cas, monsieur Atamanenko, sept minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie d'être venus.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Penner, d'être venu.

[Français]

    Hier, j'ai parlé aux agriculteurs du nord de l'Ontario. Nous reconnaissons tous que les producteurs du Québec vivent mieux que leurs confrères de l'Ontario. Les programmes mis en oeuvre au Québec aident les cultivateurs, y compris les producteurs de boeuf qu'on a comparés.
    Évidemment, vous faites des choses qui fonctionnent bien. Vous avez cette approche collective dont vous venez de parler. J'aimerais en entendre un peu plus relativement à ce que vous avez dit à propos de l'échec des agences volontaires. Je pense que là est la clé.

[Traduction]

    Là aussi, monsieur Penner, peut-être pourrions-nous avoir votre avis sur la Commission ontarienne de commercialisation du blé, qui est passé de 100 p. 100 de récolte de blé à un taux aussi bas de 13 p. 100; autrement dit, la moyenne a à peine dépassé 20 p. 100 au cours des trois dernières années. Autrement dit, quelle est l'efficacité de la commission à participation facultative? Nous en discuterons.

[Français]

    Vous êtes ici. Votre président, que j'ai rencontré avec notre chef, M. Layton, la semaine dernière, ira au Manitoba cette semaine afin de parler de la Commission canadienne du blé. Vous n'êtes donc pas ici pour vous afficher comme des vedettes de la télévision ou de la radio; vous pensez évidemment qu'il s'agit d'une question sérieuse. J'aimerais que vous développiez davantage ce sujet et que vous nous parliez un peu de l'avenir.
    Comment voyez-vous l'avenir de l'agriculture? Pourquoi, selon vous, la Commission canadienne du blé va-t-elle jouer un rôle important à l'avenir?
    À propos de la question des agences volontaires, nous avons fait une étude très sérieuse. Il y avait des agences volontaires, dans les années 1990, dans les domaines des pommes, des pommes de terre et d'autres productions végétales. Elles ont été des échecs. Finalement, il a fallu abandonner ces agences volontaires.
    Voici les raisons que j'ai données: il y avait absence de masse critique; l'offre était divisée. Évidemment, les concurrents ont tout fait pour faire en sorte que ces agences volontaires disparaissent. C'est ce qui est arrivé.
    Il y a des exemples ailleurs au Canada. En Ontario, dans le secteur porcin, par exemple, il s'agit d'un système mixte. Les producteurs peuvent vendre directement aux abattoirs, mais ils doivent donner les renseignements à la commission. Là aussi les résultats sont très mitigés, parce que l'information n'est jamais aussi précise que si c'était la commission qui était l'agence de vente.
    Nous avons également examiné la situation en Angleterre, au Royaume-Uni. Nous avons constaté qu'il y avait une agence de vente dans le secteur laitier qui avait été démantelée au milieu des années 1990, de sorte que — nous avons des statistiques à ce sujet — le prix des produits laitiers pour les producteurs a chuté, alors que le prix pour les consommateurs est resté pareil ou a même augmenté.
    C'est le genre d'effet que nous prévoyons. Au fond, probablement que la même chose se produira pour la Commission canadienne du blé, c'est-à-dire qu'elle ne pourra probablement pas survivre à une situation volontaire. Les grands perdants risquent alors d'être les producteurs agricoles.
    Je laisserai M. Bilodeau compléter mon propos.
(1310)
    En ce qui concerne le soutien à l'agriculture, à partir du moment où des entreprises agricoles, année après année, quitteront l'agriculture parce qu'elles ne peuvent plus en vivre, des choix s'imposeront. Ce seront des interventions gouvernementales.
    Si nous pouvons aller chercher, sur le marché, le maximum de revenus pour les entreprises agricoles, nous requerrons des interventions gouvernementales. Sinon, l'agriculture et des groupes de producteurs disparaîtront. On se retrouvera aux prises avec des concentrations de production, et ce n'est pas l'orientation souhaitée. Ce sont peut-être des modèles, mais au Québec, ce n'est pas ce qui a été préconisé.
    Il y a différentes structures de mise en marché collective. Récemment, les producteurs de pommes ont mis en place une structure qui est tout de même assez légère, mais qui fournit de l'information intégrée, globale, par rapport aux inventaires de pommes.
    C'est facile pour un acheteur de semer le doute chez le producteur et de l'influencer par rapport à un prix: il peut lui dire que les stocks ne sont pas très élevés ou qu'ils le sont trop et que, puisqu'il y a beaucoup de volume, un tel prix doit être payé, sinon le producteur devra vendre à rabais plus tard.
    Tandis que dans une structure collective, on est en mesure d'afficher des volumes de production, de donner des informations par rapport aux quantités, aux prix de référence. Cela donne des indications aux acheteurs. Et c'est ce que nous risquons de perdre.

[Traduction]

    Monsieur Penner, comment réagissez-vous? Il y a une approche collective, une approche soi-disant individuelle. Pour faire écho à la question, comment réagissez-vous à cela?
    Deux ou trois points ont été plusieurs fois soulevés concernant les propos de ces messieurs. Ils ont parlé de la masse critique, du système facultatif et de l'intervention nécessaire du gouvernement pour aider. Dans le cas de la Commission canadienne du blé, l'intervention du gouvernement n'aide pas, elle nous freine.
    Tout à l'heure, vous avez mentionné l'expérience de l'Ontario et ce que j'en pensais. Oui, lorsque l'Ontario est entré dans le système facultatif, il a enregistré une chute de 13 p. 100 de part de marché, mais depuis, la croissance est constante. Les chiffres les plus récents indiquent un taux solide de 30 p. 100 qui croît. Cette augmentation est due aux bons services qu'ils fournissent maintenant à leurs producteurs.
    La part du marché n'est pas le seul élément essentiel. Il y a la superficie en acres qui continue d'augmenter en Ontario, ce qui veut dire que les producteurs font confiance au système actuel. Ils l'examinent et disent : « Voilà une bonne façon de faire des affaires. Nous gagnons plus d'argent. Puisque que ce système nous fait gagner plus d'argent, nous continuerons à l'utiliser. » C'est ce qui se passe en Ontario et c'est ce que nous constatons dans les offices de commercialisation du porc dans l'Ouest. L'idée voulant que si les producteurs ont le choix de vendre individuellement, ils ne vendront jamais, au grand jamais leurs récoltes, leurs animaux ou leurs produits collectivement est trompeuse. Bien sûr qu'ils le font.
    Je suis aussi un éleveur de porcs et je travaille dans une coopérative avec plein d'éleveurs du Manitoba. Au Manitoba, il y a probablement une demi-douzaine d'organisations de ce genre qui réussissent toutes à commercialiser des ports sur une base facultative. C'est à l'avantage des producteurs étant donné la concurrence entre les différents groupes. Ils veulent maximiser leurs profits pour leurs producteurs et attirer d'autres producteurs d'ailleurs pour agrandir l'industrie.
    Allez-y.
    D'accord. J'ai une autre question.
    Si le bilan de la Commission canadienne du blé est aussi mauvais que certaines personnes le prétendent, et elles ont des préoccupations, pourquoi le conseil d'administration et les membres ont-ils toléré cette situation jusqu'à présent? Ils comparent les chiffres de vente. Si le bilan est aussi mauvais que les gens le disent, pourquoi n'y a-t-il pas eu de tollé de la part des membres de la Commission canadienne du blé et des directeurs?
    Permettez-moi de vous retourner la question et de vous dire que s'ils font du si bon travail, pourquoi craignent-ils que les agriculteurs choisissent eux-mêmes et votent avec leurs camions? S'ils sont à moitié aussi bons et à moitié aussi populaires que l'indique leur sondage, ils ne devraient pas se préoccuper d'entrer dans la concurrence d'un marché libre.
    Donc, vous ne croyez pas que les agriculteurs devraient eux-mêmes choisir la voie qu'ils veulent suivre?
    Je crois qu'ils devraient avoir le choix, et je crois que ce choix commence et se termine avec leurs camions de grains. Après avoir payé leurs factures -- pour les engrais, le carburant, la terre, les hypothèques-- et s'être battus contre les insectes et les mauvaises herbes, ils ont plus que gagner le droit de vendre leurs produits comme bon leur semble.
    Pensez-vous que ceux qui utilisent la Commission canadienne du blé devraient voter?
(1315)
    Non. Nous revenons à l'analogie de la crème glacée à la fraise et de la crème glacée au chocolat. Il s'agit d'un sondage d'opinion qui donne les positions de chacun, mais qui ne règle pas vraiment la question. C'est un combat qui dure depuis probablement 50 ans, sinon plus. Un vote n'y mettra pas fin. Il faut qu'une décision soit prise pour régler le problème une fois pour toutes.
    Merci, monsieur Atamanenko.
    Je crois que tout le monde a été autorisé aujourd'hui à dépasser le temps qui était alloué, car nous savions qu'il n'y aurait qu'une seule série de questions. Je vous remercie donc de votre coopération.
    C'est le début d'une longue semaine -- en fait, probablement de deux semaines de réunions consacrées à cette question.
    Messieurs, merci beaucoup pour vos interventions aujourd'hui. Merci pour votre apport. J'ai hâte de vous revoir.
    La séance est levée.