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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Nous en sommes à notre 39e séance, dont le thème sera l'impact de la crise financière agricole. Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins: de l'Université de Régina, Mme Annette Aurélie Desmarais; de la Manitoba Farm and Rural Stress Line, Mme Janet Smith; de la Fédération des agricultrices du Québec, Mme Carmen Ducharme, de l'association Au coeur des familles agricoles, M. Claude Barnabé; et du Syndicat national des cultivateurs, M. Grant Robertson. Sans oublier M. Jim Smolik, de la B.C. Grain Producers Association, et M. William Van Tassel, de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.
    Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Nous allons suivre l'ordre établi dans l'ordre du jour. Je vous demanderais de limiter vos exposés à un maximum de 10 minutes.
    Sur ce, madame Desmarais, je vous cède la parole.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les honorables députés du comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. C'est un véritable privilège de pouvoir exercer ses droits en participant au processus démocratique.
    Je vais essentiellement vous parler des conclusions d'une étude que j'ai effectuée avec deux autres chercheurs de l'Université de la Saskatchewan. Le document en question, qui s'intitule La politique agricole canadienne sous le regard des agricultrices a été publié par Condition féminine Canada à l'été 2006 et est disponible en anglais et en français. Vous devriez tous en avoir un exemplaire.
    Si les femmes jouent un rôle critique dans l'exploitation des fermes canadiennes, on ne s'est que très peu intéressé formellement à leurs besoins en matière de politique ou à leur vision en termes de politique agricole. Cette réalité est en complète contradiction avec l'engagement du gouvernement canadien, pris en 1995, visant l'égalité entre les sexes à tous les niveaux décisionnels et la prise en compte des perspectives des femmes en matière de gouvernance.
    La réalité, c'est que les agricultrices participent moins à la formulation de politiques et sont sous-représentées dans les organisations agricoles. Dans les faits, les agricultrices, les femmes vivant en milieu rural, sont toujours marginalisées par rapport à l'élaboration de politiques agricoles. Par exemple, dans le cadre de notre étude, nous avons découvert que seulement 6,7 p. 100 des femmes y ayant participé avaient eu voix au chapitre dans le cadre des consultations gouvernementales menant au cadre stratégique pour l'agriculture. Ce qui veut dire que les besoins des femmes vivant en milieu rural ne se reflètent pas dans le CSA.
    Notre étude fait état de la situation des femmes vivant en milieu rural dans six provinces. On y trouve des informations très importantes sur l'expérience de ces femmes, sur leur contexte économique et social ainsi que des recommandations visant à assurer une politique agricole intégratrice au Canada. Il est également important de noter que dans le cadre de notre étude, nous avons pu déterminer qu'il était important d'avoir une institution bien financée comme Condition féminine Canada qui, dans ce cas-ci, nous a permis de nous assurer que les voix des femmes vivant en milieu rural seraient entendues dans les cercles d'élaboration des politiques agricoles.
    On a identifié dans notre rapport ce qui, selon les femmes, constitue les fondements de la ruralité canadienne qu'il faut intégrer aux politiques agricoles. Une analyse du CSA sous le prisme des relations entre les sexes a été effectuée et nous avons élaboré des recommandations visant à rectifier l'exclusion historique des femmes pour que leurs préoccupations légitimes soient prises en compte. Comme le temps file, je ne peux mentionner que certaines des conclusions clés de notre étude.
    Nous avons pu confirmer un certain nombre de tendances, résultat de la restructuration du Canada rural. Il y a maintenant moins d'exploitations agricoles et moins d'agriculteurs qu'auparavant et ceux qui restent vieillissent. Les exploitations grossissent et les fermes d'envergure doivent faire de plus gros investissements en capital. L'augmentation des recettes brutes ne se traduit pas toujours par l'accroissement des revenus nets en espèces des agriculteurs. C'est la même chose pour l'augmentation des échanges commerciaux. L'endettement des agriculteurs a augmenté de façon dramatique. Les secteurs axés sur l'exportation de grands volumes de produits sont vulnérables économiquement parlant. On assiste à la corporatisation du secteur agricole.
    Quand on a demandé aux femmes quelles avaient été les conséquences sur leur vie quotidienne des politiques agricoles canadiennes, elles ont parlé de l'amplification de la crise financière agricole dans le Canada rural. Il s'agit là du facteur de stress le plus important dans la vie des agricultrices et de leur famille. Pour elles, la crise est multidimensionnelle et a un impact important sur la qualité de vie des collectivités rurales.
    En raison de la crise financière, les familles agricoles sont obligées de se tourner vers d'autres sources de revenu pour joindre les deux bouts. Ce qui ne fait qu'aggraver le stress qu'elles ressentent et augmenter leur charge de travail. En effet, les femmes travaillent beaucoup plus dans les fermes, à l'extérieur et aussi dans le cadre de leurs activités de bénévolat.
    La crise financière force les familles à quitter leurs exploitations, et c'est exactement ce qui se passe, surtout chez les jeunes. Les femmes ont estimé qu'il y avait un lien direct entre la reprise des fermes, c'est-à-dire la succession, et la crise financière agricole ainsi que la viabilité à long terme des exploitations familiales. Étant donné la conjoncture actuelle, elles s'inquiètent du fait qu'il n'est pas sûr que leurs enfants puissent gagner leur vie dans le secteur agricole. Beaucoup d'entre elles ne sont pas convaincues qu'il serait judicieux d'encourager leurs enfants à reprendre l'exploitation familiale et elles se demandent si l'agriculture permettra de faire vivre leur famille à long terme. Ainsi, les collectivités rurales sont doublement désavantagées. Elles perdent leur population, leurs entreprises et leurs services par le biais de la dépopulation et ainsi il y a de moins en moins de personnes disponibles pour effectuer des activités de bénévolat qui permettent aux collectivités rurales d'être prospères. Les populations rurales diminuent et par conséquent l'assiette fiscale qui est nécessaire à l'entretien des infrastructures rurales rétrécit. Maintenant, les familles agricoles sont obligées d'aller plus loin qu'avant pour avoir accès à quoi que ce soit, notamment les services bancaires, le magasinage, les services de santé, l'éducation et les loisirs.
    Les femmes vivant en milieu rural estiment que les politiques gouvernementales contribuent largement à la crise financière agricole. Selon elles, ces politiques vont dans le sens de la corporatisation de l'agriculture et contribuent directement à l'industrialisation de la production agricole au détriment des intérêts des familles agricoles. Permettez-moi de citer une de ces femmes. Je pense qu'elle explique très bien ce que les femmes pensent des politiques gouvernementales telles qu'elles les ont vécues à ce jour. Voici la citation:
Le gouvernement nous a dit, si vous ne pouvez pas gagner suffisamment d'argent en faisant telle chose, alors ajoutez autre chose.
    ...c'est la stratégie de diversification...
et si vous êtes toujours incapable de gagner suffisamment d'argent, ajoutez encore quelque chose d'autre — sans jamais penser que les recettes supplémentaires sont assorties de dépenses supplémentaires. Et puis, si vous n'y arrivez toujours pas, faites un peu de marketing en plus. À l'époque, je me plaisais à dire que nous avions un boulot qui payait mal. Maintenant, nous en avons trois qui sont mal payés.
    Il est important de noter qu'en dépit des pressions énormes que les femmes ressentent en raison de la crise agricole persistante, elles gardent des liens étroits avec leurs exploitations et leurs collectivités. Pour beaucoup d'entre elles, l'agriculture leur donne un sentiment d'enracinement, un lien avec la terre, dont elles sont passionnées, un sentiment d'appartenance au sein des collectivités rurales. C'est quelque chose qu'elles recherchent pour elles-mêmes et pour leur famille. L'agriculture, c'est quelque chose qu'elles portent dans leur esprit, dans leur coeur et dans leur sang, et souvent elles n'ont jamais voulu faire autre chose. De plus, elles estiment qu'il s'agit d'une activité qui joue un rôle critique au sein de notre société qui accorde beaucoup d'importance à la production et à la consommation d'aliments salubres et de grande qualité.
    Ce qui m'amène à la dernière question abordée dans le cadre de l'étude, à savoir qu'est-ce qui caractériserait une politique agricole qui refléterait les besoins des deux sexes? En d'autres termes, quelles sont les solutions qu'on devrait prôner? Les agricultrices estiment que pour élaborer une politique agricole efficace il faut s'attaquer aux véritables causes de la crise financière agricole. Dans les recommandations concrètes que nous faisons, nous précisons qu'il est important de concevoir une politique agricole inclusive dont les objectifs et les programmes reposent sur quatre piliers clés: la stabilité financière des familles agricoles dans les collectivités rurales; une politique alimentaire nationale; le renforcement des infrastructures sociales et communautaires; et la promotion d'aliments et d'un environnement sains et sans danger.
(1540)
    Toutes les recommandations figurent de façon détaillée au chapitre 5 de l'étude. Je m'en tiendrai à cela.
    Merci beaucoup.
    Madame Smith, vous avez 10 minutes.
    Bonjour, mesdames et messieurs, monsieur le président et honorables députés du Comité permanent de l'agriculteur et de l'agroalimentaire.
    C'est pour moi un véritable honneur d'avoir été invitée à comparaître cet après-midi. Je m'appelle Janet Smith et suis gestionnaire de programme de la Manitoba Farm and Rural Stress Line.
    J'aimerais vous dire quelques mots sur l'organisation que je représente, vous parler de ce à quoi on fait face quotidiennement sur le terrain et vous donner quelques recommandations relatives aux services personnalisés offert aux producteurs et à la famille. Je suis particulièrement heureuse que le comité, dans le cadre de ses délibérations sur l'avenir de l'agriculture au Canada, s'intéresse à la dimension humaine du secteur, puisque c'est justement de cela que je voudrais vous entretenir.
    L'agriculture, c'est un secteur, mais également un mode de vie. Les agriculteurs sont des hommes, des femmes et des enfants qui produisent notre nourriture en dépit de l'augmentation des coûts de production et de la diminution des profits, des conditions climatiques difficiles, des ravageurs, des fluctuations du marché, des politiques gouvernementales complexes et des catastrophes, comme l'ESB et la grippe aviaire, qui mettent en péril des secteurs entiers. Les conditions de travail des agriculteurs sont parmi les plus difficiles et les plus dangereuses.
    Le stress chez les producteurs a atteint des nouveaux records, et pourtant ils continuent leurs activités. Pourquoi? Pourquoi continuer à travailler à perte, en espérant qu'il y aura une bonne récolte, que le marché rebondira, que l'ESB disparaîtra ou que les conditions climatiques s'amélioreront? En deux mots, comme l'a dit Annette, l'agriculture est dans leur sang. L'agriculture, c'est l'amour de la terre, et c'est la chance de pouvoir être son propre patron, de persévérer dans l'adversité et de produire des aliments pour nourrir le monde. C'est la culture de la production agricole — les agriculteurs, leurs croyances partagées, leurs valeurs, leurs coutumes, leur histoire et leur mode de vie — qui est le fondement de cette industrie.
    Si les agriculteurs ne forment pas un groupe homogène et unifié, il y a tout de même un certain nombre de caractéristiques que l'on retrouve très souvent. Le révérend John Nesbitt de Brandon, d'où je viens, a dit ceci au sujet des producteurs dans sa congrégation:
Les agriculteurs (les hommes et les femmes) et leurs familles sont des gens fiers et autosuffisants. Ils comprennent la beauté de la terre et de ce qu'elle produit mais en connaissent également la rudesse. Ils savent ce qu'est un blizzard. Ils savent ce que ça veut dire d'être cloîtré chez soi pendant des jours à cause d'une tempête. Ils ont connu la sécheresse et la surabondance, sans parler des inondations. Ils savent ce que c'est que de se faire emporter une récolte fabuleuse du jour au lendemain par le gel. Ils ont connu de mauvaises années comme des années dévastatrices et ne s'attendent pas à ce que quelqu'un leur vienne en aide pour qu'ils s'en sortent. En dépit de l'existence de programmes d'assurance-récolte et d'autres programmes gouvernementaux, ils veulent être autosuffisants et la survie, pour eux, c'est un devoir moral.
    C'est grâce à cette fierté, cette autosuffisance, cette indépendance et cette détermination que les agriculteurs ont pu survivre au fil des années. Par contre, ce sont cette même fierté et cette même indépendance qui font en sorte qu'il est très difficile pour les agriculteurs de demander de l'aide quand ils en ont besoin.
    Une étude récente de l'Association canadienne de sécurité agricole a révélé que près des deux tiers des producteurs canadiens se disent très stressés alors que la moitié se disent quelque peu stressés. Par contre, seuls deux sur dix ont parlé de l'impact du stress dans leur vie avec des professionnels en santé ou en santé mentale.
    Dans l'étude de l'ACSA, on cite la fierté et l'indépendance des agriculteurs comme étant les raisons les plus importantes qui expliquent le fait que les producteurs ne consultent pas lorsqu'ils sont aux prises avec des problèmes de stress ou de santé mentale. Dans le cadre de notre travail au téléphone, nous avons découvert d'autres obstacles, notamment la charge de travail importante qui les empêche de quitter la ferme, la difficulté d'accéder à des services de santé mentale dans leur région et le manque d'anonymat, que ce soit le cas ou pas.
    Lorsque les agriculteurs se décident à obtenir de l'aide, par contre, l'étude de l'ACSA a révélé qu'il était crucial que la personne les aidant connaisse le domaine agricole. Pour reprendre l'expression d'un producteur nous ayant appelé « Si vous ne savez pas ce que c'est que d'avoir de la bouse de vache aux bottes, vous ne pourrez pas comprendre ce que je vous dis ».
    Les agents qui travaillent au service téléphonique d'aide comprennent la nature des agriculteurs parce qu'ils sont eux-mêmes producteurs. Ils savent prêter une oreille attentive à leurs histoires, poser les bonnes questions et trouver des solutions à la myriade de problèmes complexes en question. Parce que les problèmes sont effectivement complexes. En général, les agriculteurs appellent pour parler d'un problème financier mais il est souvent assorti de problèmes juridiques, personnels, familiaux ou maritaux. Souvent, les gens sont au bord du gouffre financier et frôlent la catastrophe personnelle avant de nous appeler. Ce qui veut dire que quand ils nous appellent finalement, il y a de fortes chances que les créanciers les appellent déjà jour et nuit, que leur mariage soit en piètre état, qu'ils se soient isolés de leur famille, de leurs amis et de leur collectivité et qu'ils ne sachent pas vers qui se tourner.
    Il n'est pas surprenant que certains producteurs, assujettis à un tel stress, pensent au suicide. D'après des recherches effectuées aux États-Unis, les agriculteurs de sexe masculin ont deux fois plus de chance de se suicider que les autres hommes de la population générale.
(1545)
    D'après une étude qui a été réalisée récemment au Québec et à laquelle Claude Barnabé a participé, 5,7 p. 100 des producteurs du Québec ont envisagé sérieusement de se suicider, comparativement à 3,9 p. 100 de l'ensemble de la population. Chez les producteurs de porc, l'incidence de pensées suicidaires est encore plus élevée, soit 7,7 p. 100.
    La Manitoba Farm and Rural Stress Line est une des organisations de plus en plus nombreuses au Canada, aux États-Unis et ailleurs qui se consacrent au stress dans la communauté agricole.
    Des représentants de tout le Canada, y compris des lignes d'entraide de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et de la Saskatchewan, ainsi que de l'organise Au coeur des familles agricoles du Québec, se sont réunis à Drummondville, au Québec, pour se familiariser avec les modèles de prestation de services et les pratiques exemplaires et aussi pour créer un nouveau réseau canadien de gestion du stress agricole.
    À cette rencontre, la Manitoba Farm and Rural Stress Line a décrit son histoire, son mandat et certaines de ses réalisations des six dernières années. Et si le temps le permet, j'aimerais vous faire part aujourd'hui de certains de ces faits saillants.
    La Manitoba Farm and Rural Stress Line a ouvert ses portes en janvier 2001 grâce au financement accordé par la Direction de la santé mentale et de la lutte contre les dépendances du ministère de la Santé du Manitoba. La MFRSL, qui en est maintenant à sa sixième année d'existence, est un programme bien établi qui est administré par un Klinic Community Health Centre.
    Nous avons un bureau à Brandon, au Manitoba, aussi appelé la ville du blé en raison de ses profondes racines agricoles; nous avons un comité consultatif dont font partie diverses organisations communautaires et de santé agricole; nous comptons également une équipe dévouée de conseillers professionnels qui ont des antécédents agricoles.
    Nous avons pour mandat d'offrir gratuitement aux familles agricoles et rurales du Manitoba des informations, du soutien, du counselling et des services d'orientation, tout cela à titre gratuit. Notre principal service est une ligne d'entraide téléphonique sans frais. Nous offrons aussi un service d'entraide par courriel, un site web actif qui comporte un volet pour les jeunes des milieux ruraux ainsi qu'une base de données exhaustive des services offerts aux personnes vivant dans les milieux ruraux du Manitoba. En outre, nous organisons des ateliers et des conférences sur une multitude de sujets liés au stress agricole. Nous avons un kiosque d'information qui fait la tournée des foires de santé et des foires commerciales agricoles de la province.
    Le nombre d'appels que nous recevons n'a cessé d'augmenter depuis que l'organisation a été créée: la première année, nous avons reçu 481 appels alors qu'en 2006, nous en avons reçu plus de 2 000. Les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes à appeler notre ligne d'entraide, et Annette a fait allusion à certaines des raisons qui expliquent cette différence. Bien souvent, cependant, les femmes appellent à cause des problèmes de leur époux et des conséquences du stress agricole sur la dynamique familiale.
    Le plus souvent, la conversation s'engage sur les inquiétudes liées aux finances agricoles: taux d'endettement élevé, faiblesse attribuable à l'obligation de devoir prendre un travail supplémentaire pour pouvoir joindre les deux bouts, taux d'intérêt élevés et conséquences de la crise de l'ESB qui continuent à se faire sentir. Ce ne sont là que quelques-uns des principaux problèmes avec lesquels les producteurs sont aux prises de nos jours.
    Le stress financier se répercute également sur d'autres aspects de la vie de nos clients, sur leur santé, leurs émotions, leurs comportements et leurs capacités cognitives. Il a aussi une incidence sur les rapports entre le producteur et ceux qui l'entourent, son épouse, ses enfants et les membres de la famille élargie — bien souvent ces autres membres de la famille participent également à l'exploitation agricole. Quand le stress touche une personne, il touche tout le noyau familial et l'entreprise dans son ensemble. Les secousses causées par le stress agricole ont des répercussions profondes qui peuvent ébranler la collectivité dans son ensemble.
    Que faisons-nous au Farm and Rural Stress Line pour aider les agriculteurs en détresse? Ce que nous faisons de plus important, c'est que nous les écoutons. Parce que les agriculteurs hésitent à appeler pour obtenir de l'aide, parce que les problèmes sont nombreux et complexes et parce que les agriculteurs ont du mal à s'épancher.
    Je vais laisser faire le reste et passer tout de suite aux recommandations. Je sais que le temps presse.
    La prospérité du secteur agricole dépend de la force et de la capacité d'adaptation de la communauté agricole. Pour bâtir un cadre d'orientation agricole solide, il faut tenir compte de la dimension humaine, si l'on veut que ce cadre demeure viable et qu'il soit bien ancré dans la culture agricole. En termes simples, pour que l'économie rurale soit saine, il faut que les agriculteurs soient sains.
    À cette fin, la Manitoba Farm and Rural Stress Line recommande au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes de reconnaître la nécessité de programmes de soutien consacrés au stress agricole qui répondent à la culture et aux besoins propres aux producteurs agricoles; nous recommandons qu'une aide financière soit consentie pour la mise sur pied et le maintien de programmes de soutien pour les personnes souffrant de stress agricole, y compris de lignes d'entraide agricole dans chaque province; enfin, nous recommandons que les médecins, les fournisseurs de services sociaux et les autres professionnels de la santé reçoivent une formation psychosociale afin qu'ils soient plus sensibles aux problèmes touchant la population agricole et qu'ils soient plus aptes à offrir à cette population des services qui tiennent compte de la culture agricole.
(1550)
    Je vais conclure par une citation:
Le moment présent est crucial pour la société canadienne parce que les collectivités agricoles et rurales sont des couveuses où se sont développés le sens civique et le sens de la solidarité. Elles ont appris aux Canadiens à vivre en solidarité et à contribuer au bien commun et public... Nous avons besoin de citoyens qui ont appris les valeurs du sens communautaire, et c'est là quelque chose qu'il est plus difficile d'apprendre dans les grands centres urbains où la formation de communauté à échelle humaine est bien moins facile, où les systèmes sont plus grands et plus bureaucratisés et où la responsabilité de chacun pour le bien-être communautaire se perd quelque peu. L'expérience de la vie agricole et rurale constitue à mon avis une forme de « capital social », qui a profité à la société canadienne au fil des ans. La source est toutefois en train de se tarir, et elle se tarira complètement si, en tant que pays, nous ne nous dotons pas d'une politique visant à favoriser le maintien de collectivités rurales en santé. Le Canada ne s'en portera que plus mal.
    Merci beaucoup.
(1555)
    Merci.

[Français]

    Madame Ducharme.
    Bonjour. Je suis très heureuse d'être parmi vous. Étant agricultrice, j'ai les deux pieds sur terre. Je suis la présidente de la Fédération des agricultrices depuis 1999. La fédération a été fondée en 1987.
    On s'occupe des dossiers concernant l'accès à la propriété des agricultrices. Je ne vais pas vous parler de tous mes dossiers mais plutôt des conditions de travail des agricultrices. Je vais aussi aborder la détresse psychologique.
    Les agricultrices sont au coeur des entreprises agricoles. Elles assument souvent la coordination et les responsabilités familiales. Leur travail est sur le terrain. Présentement, les fermes disparaissent en raison des conditions difficiles subies par maintes productions. Comme l'ont dit mes consoeurs, la crise de la vache folle, de même que la crise porcine et la crise aviaire, ont beaucoup affecté le milieu agricole du Québec et du Canada.
    La croissance économique est intimement liée au bien-être des familles agricoles, et nous constatons une précarité financière évidente chez les agricultrices. En effet, la majorité d'entre elles ne reçoivent aucune rémunération pour le travail qu'elles font. Ce sont pour la plupart des collaboratrices. On peut dire qu'au Québec, environ 10 000 femmes vivent de l'agriculture et travaillent dans ce domaine sans salaire et sans statut légal. Ces femmes ne sont pas rémunérées.
    Un nouveau régime d'assurance parentale est maintenant en vigueur au Québec, mais les femmes qui ne sont pas rémunérées n'ont pas droit au congé parental. Elles sont invisibles. De plus, les revenus de l'entreprise, peu élevés comparativement à ceux de la majorité des travailleurs québécois, régressent et pénalisent beaucoup les familles. Alors que la plupart des autres corps de métier peuvent fixer les prix de leurs produits, nous sommes au contraire tributaires des prix du marché dans les deux domaines. Nous n'avons aucun pouvoir sur cette situation. Comme je le disais, on est de grands gamblers, dans le milieu agricole: on dépend de la température et des prix du marché; on a toujours des défis à relever, mais on ne sait jamais ce qu'on va en retirer. Il nous faut un moral de fer.
    La majorité des agricultrices travaillent auprès des animaux sept jours par semaine. On parle ici d'un produit vivant qui exerce des contraintes quotidiennes et qui nécessite de l'équipement hautement spécialisé. Advenant un imprévu, les agricultrices ne peuvent pas remettre leur travail au lendemain. Il doit être fait le jour même. J'explique souvent aux citadins que même leur poisson rouge à la maison peut mourir s'ils n'en prennent pas soin.
    Quand on possède 100 vaches et qu'on veut se faire remplacer, on doit absolument faire appel à une personne compétente, qui possède des connaissances spécialisées et un bon sens de l'observation. Bref, il doit s'agir d'une personne qualifiée et professionnelle. De plus, il faut lui payer un salaire satisfaisant. Si les vaches ou n'importe quel autre animal contractent une maladie, ça pénalise la ferme au complet.
    Sur la ferme, il n'est pas seulement question de manutention, mais aussi de santé, de sécurité et de salubrité. Engager du personnel supplémentaire demeure une tâche difficile et, dans bien des cas, financièrement infaisable. Il est fréquent que pendant leur grossesse, les femmes assument encore leur charge de travail quelques heures avant d'accoucher. Elles n'ont pas le choix. J'ai moi-même vécu cette expérience à un moment où mon conjoint était invalide, en congé de maladie. Il ne pouvait pas assumer ce travail. Dans de tels cas, c'est la femme qui prend le travail à sa charge. En effet, c'est une ferme familiale. En couple, si un des deux ne peut pas travailler, l'autre doit le faire.
    Les problèmes de gardiennage vont de pair avec la venue des poupons. Les horaires atypiques, soit très tôt le matin et tard dans la journée, ne correspondent pas aux heures d'ouverture des garderies. En outre, ces dernières sont souvent éloignées de l'entreprise agricole. Même si on réveille l'enfant à 4 h 30 ou 5 heures, la garderie n'est pas ouverte. Les femmes doivent donc amener les enfants à l'étable, et ce, malgré qu'à la ferme, les accidents mortels soient fréquents chez les enfants de six ans et moins.
    Étant donné qu'établir une entreprise et concevoir des enfants sont difficilement compatibles sans ressources, plusieurs agricultrices qui étaient au départ favorables à l'idée d'avoir plusieurs enfants ont décidé d'en avoir beaucoup moins. Il n'est pas rare de voir en campagne des familles de quatre ou cinq enfants; j'en ai même vu de sept ou douze enfants. Même quand la femme a 45 ans, les enfants ne la dérangent pas, sur la ferme. Nous aimons cela. C'est notre terrain, c'est notre vie, c'est notre passion.
    Du côté psychologique, la situation économique instable et défavorable est le principal facteur responsable du stress, comme vous le disiez plus tôt. Cela entraîne vraiment une hausse de la tension familiale parfois déjà exacerbée par la forte imbrication de la vie professionnelle et privée. Les femmes sont, plus que les hommes, touchées par le stress en raison des multiples rôles qu'elles jouent au sein de l'entreprise. Selon l'enquête réalisée par la Coop fédérée, 59 p. 100 des femmes font partie de la catégorie élevée de détresse psychologique, comparativement à 49,5 p. 100 des hommes.
    Les principales raisons du stress sont la diminution des revenus, l'augmentation des dépenses, l'instabilité des marchés, la maladie, les obligations environnementales, l'endettement, la surcharge de travail, la bureaucratie, le coût et l'incertitude des quotas, la concurrence mondiale, les obligations de la performance, la conciliation travail-famille, la rareté de la main-d'oeuvre compétente. Tous ces éléments sont des sources de stress.
    Il y a une autre source de stress: la cohabitation entre les citadins et les producteurs agricoles. Souvent les consommateurs comprennent peu les exigences de l'agriculture. La performance et la spécialisation sont nécessaires et inhérentes à l'agriculture d'aujourd'hui. Les producteurs agricoles doivent donc augmenter la taille de leur ferme, même si la plupart d'entre eux prônent une ferme familiale à dimension humaine, car ils ont des obligations. En effet, en matière de production porcine, par exemple, si on veut posséder un certain nombre de porcs, il faut aussi posséder un certain nombre d'hectares, ou d'acres, pour pouvoir y étendre le purin. Il faut donc acquérir d'autres terres. Les citadins veulent vivre à la campagne, mais ils n'acceptent pas souvent les odeurs, la poussière, le partage de la route et les bruits de la machinerie. C'est difficile à endurer, et ils nous le font savoir.
(1600)
    Les productrices et producteurs agricoles sont de plus en plus la cible de critiques de nature environnementale. Malgré tous leurs efforts dans la recherche de mesures de protection de l'environnement, les coûts de production proportionnels aux réglementations en vigueur impliquent une marge de manoeuvre de plus en plus restreinte. Les agriculteurs doivent suivre obligatoirement plusieurs règlements liés à l'environnement, mais ils doivent financer eux-mêmes cet aspect des choses.
    L'agriculteur est aux prises avec des difficultés économiques et des pressions sociales de plus en plus fortes. L'image de l'agriculteur-pollueur et l'isolement des producteurs en agriculture s'accentuent et entraînent maints problèmes tant sur le plan de la détresse psychologique que sur le plan de la violence conjugale.
    À ces problématiques s'ajoutent parfois, en raison de la proximité des familles, des conflits intergénérationnels. Dans un tel contexte de conciliation, les agricultrices jouent un rôle de tampon et se sentent démunies. Elles représentent un pilier important de la ferme, mais elles manquent de ressources médicales et d'aide psychologique adaptées à leurs besoins. Souvent la proximité des parents, des grands-parents, des frères, des soeurs est grande. Toute la famille est ensemble dans un environnement restreint, et c'est difficile pour le moral de consolider tout cela
    Considérant que le travail des productrices agricoles doit être valorisé et reconnu en raison des investissements humains et financiers qu'il nécessite par rapport aux profits réalisés; que le choix d'une société doit être fait à l'égard du travail des femmes par une reconnaissance monétaire; que l'agricultrice devrait être autonome dans son rôle maternel, familial, éducationnel et d'aide-soignante; que les agricultrices devraient vivre décemment et bénéficier des services de garde identiques en milieu rural et à la ville; qu'il est incohérent de devoir travailler à l'extérieur de la ferme pour en assurer la pérennité; considérant aussi que les agricultrices sont des consommatrices et productrices et que le Canada doit continuer à produire, à transformer et à distribuer des produits alimentaires de bonne qualité tout en assurant une certaine autosuffisance alimentaire, la Fédération des agricultrices du Québec recommande ceci au gouvernement canadien.
    Elle suggère:
    - de reconnaître la valeur monétaire du travail de l'agricultrice sur la ferme en le comptabilisant dans ses coûts de production;
    - d'octroyer une aide financière aux agricultrices pour le service de gardiennage d'enfants de moins de cinq ans ou pour un employé de remplacement lors des accouchements ou des urgences;
    - d'améliorer les mesures fiscales présentes pour faciliter le transfert de la ferme de même que le retrait décent des parents — afin qu'ils ne soient pas obligés de recommencer leur vie à zéro et de devoir partir avec leur boîte à lunch après avoir donné leur ferme;
    - de continuer à soutenir financièrement la Fédération des agricultrices du Québec dans le cadre d'un partenariat financier lors de ses activités de valorisation de la profession, de formation, d'information et de réseautage afin de briser l'isolement — il est très important de briser l'isolement; on peut être un mois sans sortir de la ferme et vivre tout de même;
    - d'aider financièrement les agricultrices aidantes naturelles qui prennent soin d'un proche, d'un malade, d'un handicapé;
    - d'appuyer financièrement les fermes familiales — il est impensable qu'on soit obligés de travailler à l'extérieur pour faire vivre notre ferme;
    - d'allouer davantage de ressources financières au soutien des initiatives régionales de prévention en détresse psychologique, ainsi qu'un soutien au programme pour les femmes violentées ou pour les enfants abusés;
    - d'identifier les produits alimentaires produits au Canada afin de rehausser les revenus agricoles canadiens;
    - de publier régulièrement auprès de la population les bénéfices apportés par l'agriculture comme, par exemple, les emplois créés, l'alimentation de qualité, la vitalité du milieu rural, la conservation du paysage — nous devons être fiers de nos actions et être fiers d'être canadiens. Il faudrait qu'il y ait de la publicité à ce sujet à la télévision. Cela ferait penser aux gens qu'on vit de l'agriculture.
(1605)
    En conclusion, il est très rare d'entendre les agricultrices se plaindre de leur sort. Nous sommes des gens fiers, autonomes et débrouillards. La vie nous a appris à trouver une solution à tous les problèmes. C'est difficile pour le physique, et le moral en prend un coup. Les femmes sont les piliers de la ferme. Elles doivent prendre en charge la famille, les animaux, les réparations, penser au bien-être du plus petit jusqu'au plus grand, tant humain qu'animal. C'est notre royaume.
    Compte tenu de tout cela, on se demande pourquoi les gens veulent vivre de l'agriculture. Tout simplement par passion. Répétons-nous souvent qu'un pays n'a pas d'avenir sans agriculture.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Barnabé, s'il vous plaît.

[Français]

    Mon nom est Claude Barnabé. Je suis président du regroupement Au coeur des familles agricoles. Je suis également producteur agricole à temps plein et j'ai enseigné pendant 15 ans dans une école d'agriculture à des jeunes qui voulaient prendre la relève chez eux.
    L'organisme Au coeur des familles agricoles a été fondé il y a sept ans par Mme Maria Labrecque Duchesneau. À cette époque, elle travaillait dans un Centre régional d'établissement en agriculture, ou CREA. En travaillant avec les familles agricoles, elle s'est aperçue que la détresse sévissait dans ce milieu. Elle s'est rendu compte aussi que, lorsqu'un producteur ou une famille de producteurs a des problèmes, cela ne touche pas que le producteur et son épouse, mais également les enfants et la famille élargie.
     Elle a donc décidé de quitter le CREA pour fonder l'organisme Au coeur des familles agricoles. Au coeur des familles agricoles est un regroupement d'agriculteurs et d'agricultrices dédié aux agriculteurs et agricultrices. Seuls des producteurs et des productrices siègent au conseil d'administration. Nous essayons par toutes sortes de moyens d'aider ou de prévenir la détresse psychologique et le suicide dans le milieu agricole.
    Notre position géographique, dans la région de Saint-Hyacinthe, fait en sorte qu'on rayonne à partir de cet endroit. Par contre, Mme Labrecque Duchesneau donne des conférences partout au Québec, et nous recevons aussi des appels qui viennent de toutes les régions de la province.
    Il est vrai que passer en dernier est plus difficile, car les statistiques ont déjà été données. Les autres présentations ont fait état d'un taux de détresse psychologique assez élevé dans le milieu agricole: 50,9 p. 100 des producteurs agricoles connaissent un taux de stress élevé. Ce stress avait été mesuré en 1997, et il était de 17,5 p. 100. Autrement dit, en 1997, 17,5 p. 100 des producteurs se sentaient assez stressés, alors qu'aujourd'hui, ce chiffre est de 50,9 p. 100. Il y a donc un problème.
    Mme Labrecque Duchesneau et l'organisme Au coeur des familles agricoles sont constamment sollicités pour donner des conférences ou aider des producteurs en détresse. Comme Mme Ducharme l'a dit, plusieurs raisons expliquent ce stress. On a parlé d'endettement, de baisse des revenus, de dépenses, d'obligations agroenvironnementales, d'instabilité des marchés, etc. On ne reviendra pas là-dessus. Il y a aussi l'obligation de performance, ce qui m'irrite un peu, en tant que producteur.
    Prenons par exemple le domaine dans lequel j'oeuvre: la production des oeufs de consommation. Notre dernier lot de poules donnera un pic de production de 96 à 97 p. 100 de ponte. Or, même si on atteignait ce haut rendement, si demain le tarif des oeufs était abaissé, on ne serait pas compétitifs. Comment peut-on être plus efficace que cela? Même en produisant à 97 p. 100, ce qui est probablement une production aussi bonne que celle de notre voisin américain, demain, les oeufs proviendraient des États-Unis. C'est un peu stressant!
    L'obligation de performance existe, et la plupart des producteurs et productrices y répondent. En même temps, quelque chose nous dit qu'il vaut mieux ouvrir les marchés, mais on n'en est pas sûrs. Il ne faut pas non plus oublier la grippe aviaire ou la maladie de la vache folle. C'est certain que c'est stressant.
    D'autres facteurs, comme l'augmentation du coût des terres, font en sorte qu'il est plus facile d'emprunter. On se dit alors qu'il faut être compétitif parce que demain peut-être les marchés s'ouvriront. Que peut-on faire en ce cas?
(1610)
    Tu achètes d'autres terres et d'autres quotas afin d'augmenter ton chiffre d'affaires et de réaliser des économies d'échelle qui t'aideront, peut-être, à être concurrentiel ou qui te permettront d'atteindre des niveaux de production demandés par la société.
     Il y a là un cercle vicieux. Obtenir du crédit est facile, tu veux répondre aux attentes, tu t'endettes et c'est parti!
    D'autre part, comme Mme Ducharme l'a mentionné un peu plus tôt, la problématique sociale a deux aspects. Le premier est la relation entre la ville et la campagne. Jusqu'au temps de ma jeunesse, tout le monde avait soit un grand-père producteur, soit un oncle ou un cousin éloigné qui avait une ferme. On pouvait aller y passer ses étés et avoir un contact avec l'agriculture. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Je vais vous donner un exemple bien concret.
    Ma belle-soeur — elle ne serait probablement pas contente que je vous raconte cela —, la conjointe de mon jeune frère, qui n'est quand même pas si jeune, vient du centre-ville de Montréal. Elle était certaine que les oeufs étaient un produit laitier parce qu'on les trouve dans le comptoir des produits laitiers à l'épicerie. Elle n'est pas stupide, elle est intelligente! Toutefois, elle ne le savait pas. Elle n'avait jamais vu de poule et n'avait jamais vu de vache. En venant chez nous, elle découvre que les oeufs ne sont pas des produits laitiers. Ce n'est pas sa faute, elle ne le savait pas.
    Le deuxième est la question de la cohabitation entre la ville et la campagne sur le plan des odeurs et du bruit, comme Carmen le disait. Il n'est jamais plaisant de se faire traiter de pollueur, surtout quand on fait tout ce qu'il faut pour éviter les problèmes inhérents à la production animale.
     Je vais vous donner un autre exemple. J'habite presque en ville. En fait, comme je le dis souvent, nous ne sommes pas des ruraux, nous sommes des urbains qui pratiquons l'agriculture.
    Mon système d'égout est pareil à celui de la ville. Je n'ai pas de fosse septique. L'aqueduc est pareil à celui de la ville. Nous sommes en ville. Mes beaux-parents se sont établis là en 1960. À l'époque, sept autos passaient dans le rang par jour. Maintenant, il en passe 7 000!
    Nous élevons des poules. Les poules donnent des oeufs, mais elles donnent aussi un autre sous-produit. Il y a deux ans, nous avons voulu augmenter notre cheptel, et il a fallu demander la permission à la municipalité et au ministère de l'Environnement, entre autres. Compte tenu de la proximité de la ville, cela a été plus compliqué. Il a fallu installer un système de traitement du fumier. Un système de traitement du fumier pour atténuer les odeurs coûte 465 000 $. Bien sûr, nous avons reçu de l'aide du gouvernement, mais cela va quand même nous coûter 300 000 $. La tonne de fumier se vend 10 $ la tonne. Nous en produisons environ 300 tonnes par année, ce qui fait un « immense » revenu de 3 000 $ par année pour le fumier. Tout cela pour que les gens qui habitent en face de chez nous dans un développement haut de gamme, et qui ont des nez haut de gamme, puissent vivre en toute quiétude à la campagne.
    Comme le disait Carmen un peu plus tôt, il est nécessaire que l'information circule entre la campagne et la ville. Il faut que les gens prennent conscience du fait que la nourriture provient des fermes, et que les gens qui travaillent à la ferme y consacrent leur vie et mettent leur coeur sur la table afin de fournir des produits agricoles de qualité supérieure.
    En ce qui a trait à notre production d'oeufs, des inspecteurs viennent régulièrement voir si c'est propre, si la température du réfrigérateur est correcte, s'il y a un couvercle sur la poubelle et si nous avons un contrat signé avec un exterminateur. C'est impeccable.
(1615)
    Je suis sûr que très peu de pays au monde peuvent prétendre produire des oeufs d'une qualité égale à celle des nôtres. Il faut que la chose se sache. C'est aussi simple que ça. Il faut que les gens reconnaissent ceux qui les nourrissent. C'est d'une importance capitale. Il ne faut pas l'oublier. Il est essentiel qu'on établisse un lien entre l'agriculture et la ville.
    À cause de la nature de leur travail, les producteurs sont solitaires. Avec des objectifs de rendement élevés et un fort taux d'endettement, quand il faut composer entre autres avec les aléas climatiques, c'est difficile à endurer, surtout quand on est isolé et qu'on a une lourde charge de travail. C'est difficile d'en parler avec d'autres. On ne peut pas décider, quand on en a assez, de prendre des vacances. C'est difficile aussi de trouver du temps pour consulter le médecin ou le psychologue.
    C'est pourquoi notre organisme, Au coeur des familles agricoles, s'est donné une mission. Nous l'avons en partie réalisée il y a deux semaines en invitant des gens du milieu de la santé québécois. Au cours de cette rencontre, des représentants des producteurs agricoles leur ont raconté un peu comment les choses se passaient chez eux, quel genre de vie menaient les producteurs et productrices agricoles.
    En fait, le milieu de la santé est déjà présent. Des services sont offerts, mais la distance entre la ville et la campagne, que j'ai mentionnée plus tôt, existe également entre le milieu de la santé et celui de l'agriculture. Nous avons simplement fait remarquer aux gens du milieu de la santé qu'ils étaient répartis sur l'ensemble du territoire, tout comme nous. Nous les avons incités à se déplacer un peu. Nous leur avons dit que si les producteurs avaient de la difficulté à aller les rencontrer, ils devraient prendre les devants, se rendre à des expositions agricoles, se faire connaître et assister à des assemblées tenues par les syndicats de base de l'UPA ou à celles des syndicats spécialisés. Nous les avons encouragés à venir nous rencontrer. Nous leur avons aussi conseillé de faire en sorte que le producteur soit accueillant à leur égard et leur avons dit que s'ils ne connaissaient pas grand-chose à l'agriculture, ce n'était pas grave, mais que pour faciliter le contact, il fallait s'intéresser à ce que faisait l'agriculteur, à sa production.
    Dans le domaine de l'agriculture, comme Carmen le disait, les gens ont des relations...
(1620)

[Traduction]

    Votre temps de parole est écoulé. Pourriez-vous résumer?

[Français]

    J'ai pratiquement terminé. Je voulais simplement vous demander de reconnaître qu'on existe. Le milieu de la santé est présent, mais il faut que ses représentants viennent nous rencontrer. De cette façon, la pression diminuera et les choses seront plus simples.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Smolik, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner la chance de vous parler d'une question extrêmement importante qui touche le secteur canadien de l'agriculture et, en particulier, les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux.
    Je m'appelle Jim Smolik, et je suis un administrateur à la fois de la British Columbia Grain Producers Association et de les Producteurs de grains du Canada. La BC Grain Producers Association représente les intérêts de la majorité des producteurs de céréales et d'oléagineux de la Colombie-Britannique. Les Producteurs de grains du Canada est un organisme qui chapeaute les associations membres dans la plupart des régions du Canada. L'organisme agit en tant que porte-parole national pour les producteurs de céréales et d'oléagineux.
    Vous avez déjà entendu des représentants de divers groupes qui vous ont bien expliqué les importants défis que doivent relever les producteurs canadiens de nos jours. Dans mon exposé, je ne vais pas me concentrer sur l'historique du revenu agricole, mais j'essaierai plutôt d'offrir des solutions ou à tout le moins des pistes de solutions. Je traiterai des effets dans ma région de Peace River, mais plutôt que de simplement mettre le doigt sur les problèmes, je parlerai des solutions.
    Il existe deux façons de composer avec la situation actuelle. L'une est de s'attaquer aux raisons profondes qui font que les producteurs canadiens doivent lutter pour survivre sur le marché. L'autre est de s'assurer que nous avons les filets de sécurité appropriés pour affronter les risques qui sont indépendants de notre volonté, notamment les conditions climatiques et les subventions internationales.
    Ce sont là finalement les deux termes de l'équation pour toute entreprise canadienne. Elle doit tout d'abord définir les risques et tenter de les éliminer, mais elle doit aussi avoir en place une stratégie d'atténuation.
    J'aimerais glisser un mot à propos de certaines causes profondes qui exigent un investissement substantiel de la part du gouvernement en matière de filets de sécurité et qui causent un stress aux exploitations agricoles familiales.
    Premièrement, nous savons que l'un des éléments clés dans la baisse de nos marges de référence est l'utilisation inéquitable des subventions par nos partenaires commerciaux et nos concurrents. L'étude la plus récente menée par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire démontre qu'entre 1995 et 2000, la baisse du prix des produits de base était attribuable pour 25 p. 100 aux politiques étrangères. En dollars, cette baisse de 25 p. 100 représente pour le secteur des céréales et des oléagineux canadiens environ 1,3 milliard de dollars par année.
    Deuxièmement, l'industrie agricole canadienne est tributaire du commerce intérieur et international. Il est essentiel pour la croissance et le succès à long terme de notre industrie que nous travaillions dans un environnement fondé sur le respect des règles. Qu'il s'agisse d'une entente à l'OMC couronnée de succès ou d'un certain nombre d'échanges bilatéraux et multilatéraux avec nos clients, nous devons mettre en place des ressources qui permettront un accès équitable à nos produits. Je ne veux pas minimiser l'importance des problèmes et des enjeux sur le plan du commerce interprovincial. Je n'ai pas de chiffres à ce sujet, mais je vais me reporter à l'étude sur le commerce international entre 1995 et 2000, qui avait estimé à 1,2 milliard de dollars la perte annuelle pour les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux attribuable aux tarifs.
    Quand on fait le total des deux, cela fait 2,5 milliards de dollars de perte annuelle à cause des subventions et des tarifs. Pour mieux comprendre l'importance de cette perte, il suffit de savoir qu'elle représente de trois à quatre fois les 755 millions de dollars qui ont été payés au titre du programme des céréales et oléagineux il y a de cela environ un an.
    À notre avis, l'établissement de règles du jeu équitables dans le commerce mondial démontre clairement les avantages positifs et tangibles qui pourraient être réalisés dans notre secteur. Nous atteindrions alors notre objectif en tant que producteurs, qui consiste à optimiser le rendement que nous obtenons du marché, et non pas l'argent que nous recevons de divers programmes.
    Nous aimerions souligner l'effort du présent gouvernement et du précédent à reconnaître la baisse à long terme des prix et leurs tentatives pour y remédier en vertu du Programme de paiements pour les producteurs de céréales et d'oléagineux.
    Si louables qu'ils aient été, ces efforts ont toutefois donné lieu à d'autres problèmes. Le Programme de paiements pour les producteurs de céréales et d'oléagineux était spécialement conçu pour aider les producteurs de céréales et d'oléagineux touchés par la baisse constante du prix des céréales et des oléagineux des dix dernières années. À la suite de la récente décision d'inclure ces paiements ponctuels dans le revenu aux fins du PCSRA pour 2006, quelque 20 p. 100 ou 150 millions des 755 millions de dollars viendront réduire les indemnités versées au titre du PCSRA. Les producteurs qui auront eu le malheur de devoir présenter une demande au PCSRA en 2006 recevront en fait moins d'aide que les autres, puisque les fonds fédéraux destinés à être versés de façon ponctuelle sans égard à la gestion du risque pour l'entreprise auront pour effet de réduire les sommes versées au titre du programme fédéral-provincial de gestion des risques pour l'entreprise. Il convient de souligner que, en tant que producteurs participant à l'entente actuelle sur la gestion des risques pour l'entreprise, nous payons des droits et nous avons donc droit à cette couverture, sans égard aux fonds que nous recevons de façon ponctuelle.
    La solution la plus simple aurait été de qualifier ces paiements ponctuels de « autre revenu » aux fins du PCSRA.
    Si notre secteur a progressé aussi rapidement qu'il l'a fait, c'est grâce à la recherche et à l'innovation. Pour ce qui est de l'avenir, nous considérons que les aliments sont essentiels pour la santé et nous pensons que les nutraceutiques joueront un rôle extrêmement important. Chaque semaine, il semble que l'on annonce une nouvelle interdiction visant les gras trans ou d'autres éléments présents dans les aliments. On entend de plus en plus parler de produits à forte teneur oléique et à faible teneur linolénique. Les consommateurs sont à la recherche de produits qui les aideront à être en meilleure santé.
    Nous avons besoin d'investissements publics et d'incitatifs beaucoup plus intéressants pour les investisseurs privés à cet égard. Ce genre de produits qui occupent des créneaux à forte valeur ajoutée feront beaucoup pour aider les agriculteurs canadiens à ne plus être que des expéditeurs de produits de base à faible valeur ajoutée et à se lancer plutôt sur le marché international où les prix sont de plus en plus concurrentiels.
(1625)
    Les biocarburants et les bioproduits sont un autre volet très enthousiasmant et très important pour ce qui est d'améliorer les revenus agricoles. Encore là, les producteurs canadiens sont prêts et capables de se lancer dans cette nouvelle voie, mais nous avons besoin que le gouvernement fasse sa part et qu'il prévoie des incitatifs concurrentiels afin que le secteur et les producteurs puissent compter sur un contexte où ils pourront prospérer.
    Je crois que d'autres l'ont déjà signalé de façon éloquente: si nous n'avons pas les mêmes incitatifs ou presque que les Américains, les usines de production de biodiésel ou d'éthanol continueront à être construites de l'autre côté de la frontière, et nous allons simplement importer le produit fini afin de nous acquitter de notre mandat.
    Même si ce sont surtout l'éthanol et le biodiésel qui retiennent l'attention, il y a de nombreux progrès dans le secteur des bioproduits qui réduiront notre dépendance à l'égard des produits non renouvelables. Je vous donne un exemple tiré de mon expérience personnelle. Notre moissonneuse-batteuse John Deere est munie à l'arrière d'un grand écran protecteur qui couvre le réservoir à carburant. On dirait du plastique ou de la fibre de verre, mais l'écran est en fait fabriqué à partir de sous-produits du maïs et de la fève de soja. Je sais que, depuis au moins dix ans, le capot des moissonneuses-batteuses John Deere est fait à partir de ces sous-produits. C'est donc une possibilité de diversification viable et très enthousiasmante.
    Les avions dans lesquels nous volons sont un autre exemple. Vous n'avez qu'à regarder autour de vous dans l'avion. Tout est en plastique. Nous pourrions remplacer le plastique par une ressource renouvelable. Il nous faut seulement pouvoir compter sur des incitatifs pour que cela puisse se faire.
    Il est important aussi d'atténuer le fardeau réglementaire que le gouvernement impose à tous les paliers de la chaîne de valeur agricole. Pour cette raison, nous voyons d'un bon oeil l'initiative en matière de réglementation intelligente, et nous encourageons fortement le gouvernement à maintenir la pression sur tous les ministères pour qu'ils y donnent suite.
    Au récent congrès des producteurs de blé et d'orge, un des intervenants a fait remarquer, par exemple, qu'en Australie il faut environ 250 jours pour faire homologuer les produits fabriqués à partir de nouvelles cultures, alors qu'au Canada, la moyenne est de plus 800 jours. Les entreprises qui envisagent d'investir dans ces nouveaux produits et de les commercialiser doivent donc y penser à deux fois avant d'investir au Canada.
    Je vais maintenant vous donner un très bref aperçu de la situation dans la région de Peace River, en Colombie-Britannique, cette année. Je pourrais vous dire que la région a été frappée par une extrême sécheresse et m'arrêter là, mais l'année 2006 a été la plus sèche dans les annales de l'agriculture. La BC Grain Producers Association a reçu beaucoup d'appels de ses membres qui lui demandaient d'intervenir auprès du gouvernement pour obtenir une aide ponctuelle. Nous avons pensé qu'il serait prudent de commencer par travailler d'abord avec notre ministre de l'Agriculture, Pat Bell, afin de savoir ce que nous pourrions obtenir du PCSRA et de l'assurance-récolte, car nous sommes conscients du fait que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial financent ces deux programmes.
    Le ministre Pat Bell a bien voulu nous prêter un des membres de son personnel pour qu'il travaille avec nous, et nous avons essayé ensemble de déterminer ce qu'il en était — il s'agit bien sûr d'estimations, puisque nous estimons les paiements qui seront versés au titre du PCSRA et de l'assurance-récolte en 2006 —, et nous en sommes arrivés à une valeur coût moyen par âcre comme coût d'intrant. En tenant compte des deux programmes — et il s'agit d'une estimation qui n'est toujours pas définitive —, nous pensons qu'il y aurait un manque à gagner d'environ 40 $ l'âcre, et ce, même si nous avons prévu la couverture maximale en vertu de l'assurance-récolte pour la Colombie-Britannique et la couverture maximale pour le PCSRA.
    On comprendra donc que nous affichions un certain optimisme prudent dans notre région, mais à quelque chose malheur est bon. Ce qui est bon, c'est que les producteurs ont commencé à adopter des pratiques agronomiques bénéfiques. Qu'il s'agisse de cultures sans labour ou de travail réduit du sol, ou d'autres pratiques de ce genre, ou même de sélections variétales, nous constatons que les producteurs eux-mêmes cherchent à déterminer les causes profondes et les problèmes et à prendre des mesures qui sont de leur ressort pour y remédier.
    Bref, les familles agricoles connaissent des temps difficiles, cela ne fait aucun doute, mais nous constatons également qu'en nous attaquant aux causes profondes des problèmes de revenu, nous pourrons nous assurer un avenir reluisant dans notre secteur.
    En conclusion, ni la BC Grain Producers Association ni les Producteurs de grains du Canada ne pensent que c'est au gouvernement de faire vivre les agriculteurs; nous pensons plutôt que le gouvernement a le devoir d'assurer à notre secteur des politiques qui nous permettent de gagner notre vie. Ces politiques sont à portée de main. Tout ce qu'il faut, c'est la volonté politique de les mettre en oeuvre.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Smolik.
    Monsieur Van Tassel, vous avez la parole.
(1630)
    Je m'appelle William Van Tassel. Je suis vice-président de la Coalition des producteurs de grains Québec-Ontario, et je suis aussi vice-président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.
    Je tiens à remercier les membres du comité permanent de me donner l'occasion de les entretenir du grave problème auquel se heurtent les agriculteurs canadiens, celui du revenu agricole, et de me donner aussi la possibilité de proposer des solutions qui soient adaptées à notre environnement.
    Qui sommes-nous? La Coalition des producteurs de grains Québec-Ontario représente les intérêts de 41 000 producteurs de grains et d'oléagineux du Québec et de l'Ontario. La coalition a été créée en reconnaissance des intérêts et des défis qu'ont en commun l'Ontario Grain & Oilseed Safety Net Committee et la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.
    Le problème tient à l'incertitude que causent les subventions agricoles internationales, qui ne cessent de faire croître le nombre d'agriculteurs qui abandonnent chaque année leur exploitation agricole. Dans la seule province de l'Ontario, plus de 1 200 agriculteurs mettent fin chaque année à leurs activités.
    Je n'ai pas les chiffres pour le Québec, mais je peux vous parler d'un cas qui me touche de près. Pas plus tard que l'automne dernier, on est venu saisir l'exploitation céréalière du président sortant de la fédération québécoise. C'est une exploitation qui faisait vivre sa famille et qui avait été dans sa famille pendant de nombreuses générations. Nos familles ont donc été très touchées par ce qui lui est arrivé.
    Je voudrais vous donner des idées sur la façon de résoudre le problème, sur ce qu'il nous faut pour survivre. Les producteurs de grains et d'oléagineux de l'Ontario et du Québec ont besoin d'un programme complémentaire de filet de sécurité financé par le gouvernement fédéral et qui prévoit une certaine souplesse régionale. Nous savons qu'il est impossible de résoudre tous les problèmes exactement de la même façon dans toutes les régions du Canada. Notre pays est vaste. Nous avons des problèmes différents et des moyens différents pour les résoudre.
    Le programme devrait aussi comporter un volet assurance-récolte qui permet de compenser les pertes subies pendant une année donnée en raison des prix à la baisse à l'échelle internationale. Ce que nous proposons comme solution pour l'Ontario, c'est un programme d'assurance pour la gestion des risques pour l'entreprise. Au Québec, nous avons déjà le programme ASRA qui existe depuis 30 ans. Le programme fonctionne très bien, sauf que, comme les prix continuent d'être à la baisse, nos primes grimpent en flèche. À des moments comme ceux-là, il nous faudrait de l'aide de la part du gouvernement fédéral.
    Nous avons actuellement un programme fédéral, mais pour les producteurs de grains en tout cas, le PCSRA ne fonctionne pas à cause de la baisse constante de nos marges. Il ne répond pas aux besoins propres aux producteurs de grains et d'oléagineux de l'Ontario et du Québec. Comme je le disais, il ne couvre pas la baisse constante des marges d'exploitation agricole qui est attribuable, entre autres facteurs, au U.S. Farm Bill.
    Il nous faut donc un programme complémentaire de filet de sécurité qui soit conçu en tenant compte de l'avis des producteurs. Il doit s'articuler autour des réalités régionales afin d'éviter les contestations commerciales devant l'OMC, et il doit être conçu pour assurer la souplesse régionale nécessaire pour répondre aux besoins des producteurs de chaque région. Le programme doit être une solution raisonnable et rentable conçu pour les producteurs, par eux. Les producteurs sont prêts à assumer une part du coût du programme, mais ils ont besoin que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux contribuent aussi leur juste part.
    Pour ce qui est du programme de gestion des risques, son financement serait assuré par les primes des producteurs et par les contributions des deux paliers de gouvernement. Les producteurs contribueraient pour le tiers du coût total du programme, comme c'est le cas à l'heure actuel du programme ASRA au Québec. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial contribueraient les deux tiers qui resteraient, en fonction d'une formule de partage 60-40.
    Pour ce qui est des autres principes qui sous-tendraient le programme de gestion des risques, il faudrait que les fonds publics soient investis là où le besoin est le plus grand, ce qui veut dire qu'il faudrait moins d'argent pour répondre aux besoins et que les sommes investies iraient plus loin, et il faudrait que le programme soit financé selon un modèle de financement régional, afin d'éviter qu'il ait une incidence sur les accords commerciaux existants.
    Pour ce qui est des modalités de fonctionnement du programme de gestion des risques, les producteurs seraient tenus de participer à l'assurance-récolte tout comme au PCSRA. Ils seraient donc tenus de faire leur part et de souscrire à tous les programmes auxquels ils auraient droit, si bien qu'ils ne pourraient pas réclamer en catastrophe à un programme d'aide ponctuelle. Le programme de gestion des risques et son pendant québécois, ASRA, ciblent les besoins propres aux producteurs de grains de l'Ontario et du Québec et y répondent.
    Quant aux avantages du programme de gestion des risques, il s'agit d'une solution qui assurerait aux producteurs de grains l'accès aux fonds dont ils ont besoin à partir d'un programme offrant planification, stabilité et prévisibilité. Il constituerait une solution à long terme qui assurait un concours bancaire. Mais ce sont là autant d'éléments nécessaires pour régler la situation actuelle et préparer le long terme.
(1635)
    Quelles sont les conséquences possibles? En l'absence d'une solution à long terme, la crise actuelle compromettra sérieusement l'avenir de l'exploitation agricole familiale et des économies rurales. Les producteurs de grains de l'Ontario et du Québec demandent une solution à long terme pour pouvoir maintenir leurs activités face aux subventions agricoles internationales dévastatrices.
    Nous avons besoin de leadership. Nous avons besoin que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership afin de mettre en place un programme de gestion des risques de type ASRA qui montre aux producteurs de grains qu'il est déterminé à contribuer à la survie de l'exploitation agricole familiale.
    Je vous ai présenté un exposé très court, et je vous remercie beaucoup de votre attention.
    Merci, monsieur Van Tassel.
    Monsieur Robertson, vous avez réussi à vous joindre à nous. Je suis heureux de vous voir là. Vous avez dix minutes pour nous faire votre exposé.
    Je pourrais aussi vous faire un rapport sur chaque pouce carré de l'aéroport de London si vous le souhaitiez. J'y ai passé beaucoup de temps aujourd'hui.
    Je suis du Syndicat national des cultivateurs, et nous sommes très heureux de pouvoir présenter au comité permanent de la Chambre des communes le point de vue de nos familles agricoles membres.
    Nous sommes une organisation pancanadienne à adhésion directe qui regroupe uniquement des familles agricoles et des personnes qui croient en l'importance d'une agriculture durable. Le SNC a été fondé en 1969 et, tout comme ses prédécesseurs, le SNC a toujours cherché à mettre en oeuvre des politiques qui contribueraient à faire de l'agriculture une agriculture durable sur le plan social, environnemental et économique.
    Les membres du SNC produisent une vaste gamme de denrées, mais nous estimons qu'il vaut mieux travailler ensemble plutôt que de travailler chacun pour soi. C'est ainsi que nous obtenons les meilleurs résultats, en travaillant ensemble et en nous assurant d'obtenir des résultats qui profitent à tous. Le SNC est d'avis que le mode chacun pour soi ne peut que mener à la destruction.
    Nous croyons également que l'agriculture devrait contribuer à enrichir le sol et à embellir le paysage, à créer des emplois pour les non-agriculteurs, à contribuer à la prospérité des collectivités rurales et à des écosystèmes naturels en bonne santé. Les collectivités rurales sont décimées, les problèmes environnementaux prennent de l'ampleur, le nombre d'agriculteurs chute et le secteur agricole est actuellement en crise. Tout cela amène nos membres à s'interroger sur les politiques nationales existantes en matière d'agriculture et de commerce.
    S'agissant de l'actuel Cadre stratégique pour l'agriculture, ou CSA, c'est là une grande source d'inquiétude pour nos membres. Dans les cinq ans qui ont suivi la mise en oeuvre du CSA, la viabilité des exploitations agricoles familiales a connu une baisse radicale dans tout le pays. Non seulement les prix à la ferme pour la plupart des principales denrées ont chuté, mais les prix des intrants, machines aratoires, semences, engrais et crédit, ont augmenté, tandis que les coûts liés à l'infrastructure et à la réglementation ne cessent d'être refilés aux agriculteurs.
    Notre organisation a participé très activement au processus de consultation sur le CSA, phase un et phase deux. Nous avons encouragé nos membres à participer aux consultations, parce que nous considérons que notre situation est grave. Beaucoup de nos membres ont payé de leur poche pour participer aux consultations parce qu'ils voulaient s'assurer que le processus tienne compte d'abord et avant tout du point de vue des agriculteurs. Certains ont dû voyager sur de longues distances, malgré les intempéries, mais ils l'ont fait parce qu'ils savent que ce qui se passe à l'heure actuelle est au coeur de la question du revenu agricole net effectif.
    L'expression est peut-être galvaudée, mais le fait est que les agriculteurs sont le fondement du système alimentaire au Canada. On semble toutefois l'oublier. On semble penser que ce sont les épiceries qui sont le fondement du système alimentaire au Canada.
    Les agriculteurs produisent de la richesse au Canada, et c'est un fait bien simple qu'ils doivent pouvoir obtenir un juste rendement pour leur travail et leur investissement. Toute politique agricole qui minimise ou déconsidère les besoins légitimes des exploitations agricoles familiales pour accroître la rentabilité des transformateurs, des exportateurs et des autres composantes du système alimentaire est foncièrement injuste et ne saurait être viable.
    Le CSA existe depuis cinq ans maintenant, mais il ne s'agit en réalité que de la prolongation d'une politique qui a été mise au point en 1969 par le groupe de travail fédéral sur l'agriculture. Cette politique disait essentiellement qu'il y avait trop d'agriculteurs au Canada et que, pour assurer la réussite future de l'agriculture, il fallait inciter le tiers des agriculteurs à quitter le système, accroître les liens directs entre les agriculteurs et les intégrer davantage au secteur agroalimentaire au moyen de contrats de production et de financement par emprunt. Ce qui n'est pas sans rappeler la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle.
    Quand nous voyons ce qui se passe maintenant, nous nous rendons compte que les prophéties du groupe se sont réalisées. Si l'objectif de l'actuel système alimentaire est de faire en sorte que tout le monde sauf les agriculteurs puisse faire de l'argent, c'est tout à fait réussi. Si l'objectif est plutôt de nous assurer un approvisionnement alimentaire sûr et la souveraineté alimentaire, c'est un échec lamentable.
    Vous allez pouvoir lire le mémoire, alors je préfère vous parler de quelques cas en particulier. Quand j'en ai l'occasion, j'aime à passer beaucoup de temps à discuter avec des agriculteurs autour de la table de cuisine. Il y a sans doute deux ou trois personnes dans cette salle qui ont déjà fait la même chose, qui ont déjà été assis à la table de cuisine avec un vieux couple qui, les larmes aux yeux, disait: « Je veux que mes enfants soient n'importe quoi sauf agriculteur ». S'ils décident de faire de l'agriculture leur métier, s'ils suivent cette vocation, ils devront se résigner à toujours se débattre avec des problèmes financiers et à travailler à plein temps à leur exploitation agricole tout en faisant aussi un autre travail.
(1640)
    La notion d'un agriculteur à temps partiel n'existe pas. Cette expression m'exaspère. Nous sommes tous des agriculteurs à temps plein. Nous travaillons également à l'extérieur de la ferme à temps plein. Pendant que les gens qui travaillent dans une usine ou ailleurs se préparent à regarder l'émission de télévision la plus en vogue, les agriculteurs vont travailler à la grange. Ils terminent leur journée vers 22 ou 23 heures.
    Lorsque les parents observent leur mode de vie, ils arrivent à la conclusion qu'ils ne veulent pas que leurs enfants empruntent la même voie qu'eux. Cette constatation représente l'échec de la politique au pays. Cela ne fait aucun doute, il s'agit d'un échec flagrant. Nous avons voué la prochaine génération d'agriculteurs à l'échec. Le CSA n'améliorera pas les choses. Il va les empirer.
    Nous nous sommes beaucoup impliqués dans ce processus. J'ai assisté à la première et à la seconde phases... Les rondes étaient très encadrées. Les agriculteurs ne pouvaient pas vraiment raconter leurs histoires, expliquer ce que cela représente que d'être agriculteurs en 2007 au Canada.
    De plus, personne ne s'est posé la question suivante: « Est-ce que les politiques en vigueur fonctionnent? Fonctionnent-elles pour quiconque? »
    En 2003, le Syndicat national des cultivateurs a produit un document révolutionnaire qui s'intitule « The Farm Crisis, Bigger Farms, and the Myths of Competition and Efficiency ». L'on y explique que, alors que les agriculteurs affichaient le taux le plus faible de revenu net réalisé -- jamais enregistré au Canada --, les 41 entreprises agricoles canadiennes les plus grandes affichaient des profits sans précédent. Ainsi, la politique agricole actuelle fonctionne très bien pour certains.
    Ma grand-mère, qui est décédée dans les années 80, disait que l'on pouvait s'enrichir dans l'industrie agricole mais pas dans l'agriculture. C'est toujours le cas de nos jours. C'est un véritable tour de magie que celui de transformer les profits mirobolants du secteur agricole en un revenu moyen par ferme de 10 000 $. Il faut être magicien pour ce faire. Cela représente un échec de la politique.
    Et ce n'est pas de la faute des agriculteurs. Les gens aiment les accuser. Les statistiques indiquent que l'efficacité a augmenté considérablement dans le secteur agricole. Nous représentons un des secteurs les plus efficaces du Canada. En revanche, les profits bruts ont chuté. Les exportations ont monté en flèche, mais les profits et le revenu ont baissé. Cela représente un véritable décalage.
    Cela fait près de 20 ans que je m'implique à divers niveaux dans la politique publique. J'ai appris quelque chose de très curieux au Syndicat national des cultivateurs... Je crois que c'est au coeur de ce qui se passe. Un haut fonctionnaire de l'Ontario nous faisait un exposé et nous a dit: « Nous sommes ici pour parler de l'industrie agricole. Nous ne pouvons pas parler de collectivités rurales, car il s'agit d'un enjeu distinct. Bien entendu, ces deux enjeux ont certains points en commun, mais il s'agit néanmoins de deux questions distinctes. »
    Mais en fait, on ne peut pas les distinguer. Il s'agit de la même chose. Ces questions vont de pair. On ne peut pas traiter de l'un sans traiter de l'autre. Si vous voulez que les bons à rien s'assoient sur les bancs de l'église et que les enfants aillent à l'école, vous devez créer une collectivité agricole durable et viable.
    Je suis ici pour vous donner une évaluation franche. La direction politique actuelle est au coeur de la crise du revenu agricole. Cette crise est réelle et dure. Elle détruit bon nombre de familles. Le seul moyen d'y remédier est de s'arrêter, de voir où nous en sommes et de comprendre comment on peut attirer des jeunes dans le milieu agricole. C'est la seule solution.
    Environ 90 p. 100 du revenu familial des agriculteurs gagnant un revenu brut inférieur à 100 000 $ provient de revenus non agricoles sûrs. Il s'agit de 90 p. 100 du revenu familial. En ce qui concerne les fermes plus grandes ou de taille moyenne, qui ont un revenu brut qui se situe entre 100 000 $ et 499 000 $, eh bien plus de la moitié de leur revenu provient de sources non agricoles. Cinquante pour cent de leur revenu provient de ces sources afin qu'ils puissent jouir d'une qualité de vie décente et agréable au Canada. Pour ce qui est des agriculteurs avec les revenus les plus élevés, soit ceux qui font plus de 500 000 $ par an, environ 25 p. 100 à un tiers de leur revenu provient d'une source non agricole.
(1645)
    Au bout du compte, la direction que nous prenons en matière de politique d'économie agricole ne fonctionne pas. À titre de dirigeants du pays, je vous exhorte à être sceptiques en observant le cadre stratégique pour l'agriculture. Je suis allé à une rencontre et j'ai écrit une lettre après en avoir reçu le résumé pour leur dire qu'ils s'étaient trompés. La réunion qu'ils décrivaient était tout à fait différente de celle à laquelle j'avais assisté. Je ne suis pas le seul à penser comme ça. Des gens sont allés à d'autres réunions. Je n'ai pas encore eu de réponse à ma lettre. Quand je suis allé à la seconde phase des consultations, j'ai reçu exactement le même document auquel je m'étais opposé.
    J'ai pu m'y opposer car j'avais pris des notes. Je suis de ceux qui croient qu'il vaut mieux savoir ce qu'on fait et prendre des notes. Alors j'en ai pris. Par chance, la plupart des observations dans le document qui portaient sur les sciences et la technologie étaient centrées sur des choses que j'avais soulevées. Sept semaines plus tard, je n'ai toujours pas reçu de réponse.
    Lorsque vous créez des politiques, songez aux familles qui avaient les larmes aux yeux et qui ne voulaient pas que leurs enfants deviennent agriculteurs pour produire vos aliments. Ils ne veulent pas que leurs enfants empruntent ces voies car ils seraient condamnés à mener une vie difficile. Lorsque vous recevez des documents du CSA, soyez sceptiques. Posez des questions. Demandez-vous comment ça va fonctionner et si vous pouvez aider ces familles. Si vous passiez cinq minutes avec ces familles vous verriez qu'il s'agit de personnes fières et travaillantes, qui en sont réduites aux larmes devant un étranger. Ces émotions sont très fortes et elles sont vraies. Il faut le reconnaître.
    Merci, M. Robertson.
    Merci à tous de vos exposés.
    Nous allons passer au premier tour de table.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je sais que nous avons prévu du temps pour parler des travaux du comité, mais le gouvernement n'a pas encore donné son rapport dissident qui sera annexé au rapport que nous voulons déposer à la Chambre. Je vais donc proposer une motion au cours de la discussion sur les travaux du comité afin que le gouvernement ait 24 heures pour produire le rapport minoritaire. Ainsi, nous pourrons déposer le rapport à la Chambre.
    Très bien. Nous en parlerons à la fin de la réunion.
    M. Steckle.
    Merci beaucoup. Je vais passer directement aux questions. J'aimerais remercier tous les témoins et particulièrement Grant, qui est un ami de longue date et un de mes commettants. Merci beaucoup de vos exposés.
    J'aimerais surtout poser une question aux femmes qui ont comparu aujourd'hui. Sauf le respect que je dois aux hommes qui sont venus, il est rare que des femmes, et surtout des agricultrices, nous fassent des exposés.
    J'aimerais vous demander d'être succinctes dans vos réponses -- et je tenterai d'être bref en posant mes questions. En quoi les programmes gouvernementaux font-ils preuve d'exclusion lorsque le gouvernement fait affaires avec les collectivités agricoles? Est-ce que vous trouvez que nos programmes excluent les femmes? Vous avez parlé d'inclusion, mais qu'en est-il de l'exclusion? Où cela se retrouve-t-il?
(1650)
    Dans cette étude, qui portait sur 105 femmes dans six provinces, seulement 6,7 p. 100 d'entre elles ont participé aux consultations du CSA. Pourquoi n'y ont-elles pas pris part? Bon nombre d'organisations agricoles sont encore dominées par les hommes. Donc, lorsqu'une organisation reçoit une invitation, ce sont les dirigeants de cette organisation à majorité masculine qui reçoivent les invitations. De plus, les politiciens et les bureaucrates ne font pas l'effort d'inviter spécifiquement les femmes aux réunions. L'horaire des réunions peut également poser problème, puisque bon nombre des agricultrices rurales ont des enfants. À ma connaissance, le CSA n'offrait pas de service de garderie au cours des consultations. Il est impossible pour les femmes de quitter la ferme pendant une journée, voire une journée et demie en fonction du déplacement, pour prendre part à un forum politique destiné à résoudre ce problème.
    Mais est-ce que le problème sous-jacent n'est pas celui que, même si elles ne se sentent pas inclues, elles ont eu si longtemps comme responsabilité première de s'occuper des enfants qu'elles ne peuvent pas trouver de remplaçants? Ça revient à un autre problème: nous n'avons pas de garderie dans les collectivités rurales.
    Récemment, le gouvernement a changé sa politique et a remplacé les garderies par des dollars. Est-ce que cette direction politique était saine ou non?

[Français]

    Pour ce qui est des garderies, les agriculteurs ne tiennent pas à faire garder leurs enfants par les voisins, à les faire éduquer par d'autres et à ce que d'autres personnes leur montrent des façons de faire. Nous aimerions beaucoup avoir une gardienne à la maison, quelqu'un qui peut nous remplacer aussi, en même temps, sur la ferme. Ou encore, nous aimerions avoir quelqu'un qui nous remplace à la maison pendant que nous allons à l'étable faire les travaux, étant donné que nous en avons les compétences. Ce serait cela.

[Traduction]

    Mais vous recevez maintenant 100 $ par mois. Est-ce suffisant pour remplacer les gens que vous aimeriez voir garder vos enfants? Est-ce que votre sourire est révélateur? Je ne veux pas m'attarder sur cette question. Je crois que vous m'avez déjà fourni la réponse.

[Français]

    Je pourrais vous répondre ceci: travailleriez-vous pour 100 $ par semaine ou par mois pour garder des enfants?

[Traduction]

    La réponse est non. Et je crois que votre réponse est également non.
    Nous sommes aux prises avec une situation dans laquelle les gens qui travaillent à l'extérieur de la ferme font face à de la discrimination en vertu de l'assurance-emploi. Je crois fermement qu'il faudrait corriger ce tort. Il faut aider les gens qui travaillent à l'extérieur de la ferme et qui n'ont pas d'emploi pendant un certain moment, mais qui ne peuvent pas toucher des prestations d'assurance-emploi car, à titre de partenaire dans l'entreprise agricole, ils ont encore un intérêt dans l'entreprise. Pour ces motifs, ils ne peuvent pas toucher de prestations d'assurance-emploi.
    Des gens qui ne peuvent pas toucher de prestations ne devraient jamais avoir à payer des cotisations. Êtes-vous d'accord avec ce propos? Ceux qui ne peuvent pas toucher l'assurance-emploi ne devraient pas la payer. Pour ma part, je ne paie pas de cotisations. Mais vous qui travaillez à l'extérieur de la ferme, lorsque survient une mise à pied de deux mois pendant l'hiver, vous ne pouvez pas toucher de prestations d'assurance-emploi si vous êtes associée en affaires à la ferme.
    Les travailleurs migrants du Mexique qui viennent en Ontario sont un exemple probant de personnes qui cotisent à l'assurance-emploi mais qui ne peuvent pas en toucher les prestations. Ils cotisent à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada mais ne pourront jamais récupérer leurs cotisations.
    Je crois qu'il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous devrions... Je suis agriculteur. J'ai perdu un enfant dans un accident agricole. Cela ne s'est pas passé parce que nous n'avions pas de garderie. Nous avons quand même perdu un enfant.
    Il y a des choses qui se passent dans la collectivité agricole qui sont méconnues de ceux qui n'ont jamais été sur une ferme. Nous habitons dans un milieu complètement différent. Grant, Jim et les autres ont soulevé des problèmes auxquels nous faisons face depuis très longtemps.
    Ne vous sentiriez-vous pas mieux, à titre d'agriculteur ou d'agricultrice, de savoir que vous fournissez de la nourriture pour le pays? Ne vous sentiriez-vous pas mieux si on vous reconnaissait comme une sécurité alimentaire pour le pays, comme une personne qui unifie le Canada? N'accepteriez-vous pas que l'on reconnaisse la sécurité alimentaire et la souveraineté de notre approvisionnement en aliments? Cela n'est même pas reconnu de nos jours. Nous devrions être fiers de ce que nous faisons. On devrait nous féliciter et nous remercier. Ce n'est pas le cas de nos jours. De même, nous ne nous faisons pas payer pour ce que nous faisons.
    Je crois que nous devrions changer notre manière de faire. Nous pourrions changer les choses dans de nombreux domaines.
    Il existe un programme dans lequel...
(1655)
    Monsieur Steckle, votre temps est en train de s'écouler. Veuillez poser une brève question et obtenir une réponse succincte.
    Rapidement, est-ce que le Programme canadien d'options pour les familles agricoles était un bon programme? Devrait-il devenir un programme permanent? Qu'en est-il? S'agit-il d'un programme de sortie pour les agriculteurs et leur femme? Nous parlons du programme de 25 000 $ qui a été annoncé l'automne dernier.
    Peu de personnes étaient admissibles à ce programme. Il ne s'appliquait pas à suffisamment de personnes dans notre collectivité.
    Merci, monsieur Steckle.
    Monsieur Bellavance, la parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vos témoignages.
    Ici, au Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, on entend souvent des témoignages techniques. C'est normal et nécessaire. Néanmoins, comme un témoin l'a dit plus tôt, parler de l'humain et de l'aspect social en agriculture, c'est également très important. Aussi, je vous suis reconnaissant de vos témoignages d'aujourd'hui.
    Il existe une constante dans ces témoignages, à savoir que plusieurs facteurs sont reliés à l'augmentation du stress dans le domaine de l'agriculture, et cette constante, c'est l'instabilité financière. Il y a aussi la crainte de l'instabilité financière. Comme M. Barnabé l'a dit, même pour ceux qui fonctionnent relativement bien dans leur domaine, il y a souvent une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.
    Il faut le dire, l'agriculture est en crise. C'est une crise des revenus. Tout de suite après l'élection de 2006, des milliers d'agriculteurs sont venus sur la Colline du Parlement. J'y étais, en compagnie d'agriculteurs de mon comté. La préoccupation était la crise des revenus. Donc, cela existe.
    En 2005, le revenu net réalisé par les agriculteurs canadiens a diminué d'un peu plus de 14 p. 100. Au Québec, la diminution a été d'environ 7 p. 100. La part du budget consacrée à l'agriculture par le gouvernement fédéral en 1991-1992, ce qui n'est pas si loin, était de 4 p. 100. En 2005-2006, elle était de 2 p. 100. Ce sont tous des chiffres véridiques, qui ont été vérifiés.
    Les revendications du Bloc viennent de gens comme vous, qui nous les apportent. C'est donc c'est très important qu'on vous entende. On parle de réinvestir en agriculture et de déployer une véritable politique de sécurité des revenus, entre autres, du côté financier.
    J'ai l'impression qu'on est rendu à la croisée des chemins. Il y a un choix politique à faire. Quel genre d'agriculture veut-on? Veut-on encore une agriculture familiale? Y croit-on? Et si c'est ce que l'on veut, il faut prendre les moyens pour assurer la pérennité de cette agriculture. Préfère-t-on une agriculture industrielle ou préfère-t-on une agriculture qui fournit des produits venant d'ailleurs?
    Je veux vous entendre à ce sujet. Avez-vous l'impression que, du côté politique, on a fait ce choix, ou prêchez-vous dans le désert?
    On parlait de souveraineté alimentaire plus tôt. On convient de la souveraineté alimentaire. Être reconnu partout, c'est correct.
    Pourquoi exiger tant des producteurs québécois et canadiens? Les exigences sont grandes. Pourtant, on achète de l'extérieur des denrées agricoles arrosées avec du DDT et tous les pesticides qui sont interdits au Québec ou au Canada depuis 20 ans.
    Pourquoi les normes ne sont-elles pas pareilles? Si on exigeait, au sujet des denrées agricoles entrantes, les mêmes normes qu'on exige pour la production de nos denrées agricoles, il n'y aurait pas de problème. Ainsi, personne ne pourrait nous envahir autant.
    L'étiquetage aussi est très important. Lorsque le contenu, par exemple les cornichons en pot, vaut 10 ¢ et que le contenant vaut 20 ¢, on a le droit d'écrire sur le pot « Produit du Canada ». C'est le contenant qui est produit au Canada; ce ne sont pas les concombres, car il ne s'en produit plus ici. Ils viennent du Bangladesh où ils sont arrosés avec n'importe quoi, et on accepte cela. C'est inacceptable. Nos producteurs de concombres ont fermé boutique parce que les produits en provenance de la Chine, du Bangladesh ou d'où on voudra se vendent moins cher. Si seulement on exigeait ici les mêmes qualités et on fixait les mêmes exigences pour les denrées agricoles entrantes que pour celles qu'on produit, on aurait déjà fait un grand pas.
    Il faut aussi arrêter d'acheter des substances laitières modifiées qui mettent un frein à nos produits laitiers. Je travaille dans le domaine de la production laitière, donc, cela me touche beaucoup. Les transformateurs font beaucoup d'argent, des millions de dollars, à notre détriment. Souvent on est membres de nos coopératives et on se fait manger par nos propres compagnies. Ce sont toutes des choses sur lesquelles il faut se pencher, et c'est urgent.
(1700)

[Traduction]

    C'est là le noeud de la question: quel type d'agriculture souhaitons-nous avoir? Quel système alimentaire voulons-nous? Voulons-nous qu'il soit industriel? C'est le système que nous avons à l'heure actuelle.
    Est-ce qu'il fonctionne? Bon nombre d'intervenants nous ont souligné aujourd'hui qu'il ne fonctionnait pas pour les agriculteurs et leur famille. Je dirais qu'il ne fonctionne pas pour les consommateurs non plus. Les consommateurs n'obtiennent pas la nourriture qu'ils voudraient avoir. Nous le voyons notamment par le fait qu'il y a eu une augmentation considérable dans la demande pour les produits biologiques. L'industrie biologique pose également problème à son tour, car nous ne voulons pas qu'elle tombe entre les mains des transnationales.
    Nous voulons un système alimentaire qui tienne compte de la souveraineté de la nourriture. Nous voulons un système qui régisse la production et la consommation alimentaire afin que les familles agricoles produisent de la nourriture saine d'une manière durable. Cette préoccupation profonde pour l'environnement était systématiquement soulevée par les femmes dans l'étude. La collectivité mondiale reconnaît enfin le problème du réchauffement de la planète.
    La souveraineté alimentaire permet de comprendre comment les gouvernements peuvent établir une politique agricole. Elle émane du fait que, au lieu d'attendre qu'une institution internationale — comme, par exemple, l'OMC — détermine les politiques agricoles du Canada, les gouvernements et les gens ont l'obligation et le droit de définir leurs propres politiques agricoles nationales pour garantir le bien-être des citoyens.
    M. Robertson aimerait prendre la parole.
    J'aimerais demander aux témoins de nous fournir de brèves réponses. Les membres du comité ne disposent que de sept minutes lors du premier tour de table et ils souhaitent sans doute poser le plus de questions possible.
    Je serai bref.
    Votre question principale portait sur le type d'agriculteurs que nous aimerions voir et sur comment nous voulons qu'on produise nos aliments. C'est pour ça que le CSA II a été aussi décevant. Ils ont parlé de leur vision comme s'il s'agissait d'une orientation stratégique nouvelle et emballante. En fait, il ne faisait que donner suite à une politique qui perdure depuis environ 40 ans et qui, de toute évidence, ne fonctionne pas. Peu importe comment vous percevez le problème, il ne fait aucun doute que les revenus agricoles sont en chute libre. Les programmes tel que le PCSRA, qui se fonde sur les marges, signifie que chaque année, dans les marchés en déclin, vous réduisez l'argent disponible pour les exploitations agricoles. Chaque année, il y a un peu moins de fonds. Personne ne parle de changer cela.
    Le processus du SCA II doit être modifié. Nous devons déterminer qui produira notre nourriture. Nous devons également utiliser les outils dont nous disposons. Nous avons notamment la Loi sur la concurrence que nous n'avons jamais utilisée. Nous ne l'avons jamais appliquée.
    Plus l'agrinégoce est regroupée, plus elle fait face à des pressions. L'on devient à la fois l'acheteur et le vendeur de produits aux agriculteurs. Ce n'est pas une solution gagnante pour les fermes familiales. Nous pouvons soumettre la nourriture qui entre au Canada à des règles sanitaires et phytosanitaires. En revanche, nous permettons au Mexique de pulvériser des eaux vannes, soit des boues d'épuration, sur des fraises qui sont ensuite envoyées au Canada en plein coeur de la saison des fraises et qui font concurrence aux fraises que nous avons cultivées selon nos propres normes.
    Nous devrons décider si nous aurons une épine dorsale assez solide au Canada pour défendre nos agriculteurs, nos producteurs primaires, nos collectivités et nos consommateurs ou si nous allons rester immobiles et tenter de faire semblant que le U.S. Farm Bill n'existe pas et qu'il n'y a pas de concurrence. Le processus CSA II est une déception amère.
(1705)
    Monsieur Van Tessel, il s'agit de la dernière observation pour votre tour de table.
    Excusez-moi André.

[Français]

    C'est ce que je voulais entendre.
    Compte tenu des discussions qui ont eu lieu plus tôt, je suis presque gêné de parler.
    En fait, la coalition prône des programmes qui permettent à la ferme familiale d'être viable et transférable.

[Traduction]

    Monsieur Devolin, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier tous d'être venus. Tel que l'a mentionné M. Steckle, vous nous offrez un point de vue différent sur une question que nous avons abordée sous de nombreux angles. Vous nous présentez un aspect différent aujourd'hui. Tous les députés d'une circonscription rurale entendent parler de la crise du revenu agricole lorsqu'ils reviennent dans leur circonscription. Cette question n'est ni partisane ni idéologique. Il s'agit d'un enjeu pratique auquel font face les familles agricoles au Canada.
    Je ne suis pas issu d'un milieu agricole. Lorsque j'ai été élu, j'ai rencontré les membres de mon conseil agricole non partisan. Ils m'ont demandé comment je me sentais en tant que député dans le contexte d'un gouvernement minoritaire. L'un deux m'a dit que je devais être fou pour vouloir être politicien. Je l'ai regardé et lui ai dit: « vous me traitez de fou? » On a parlé un peu de sa vie, de son emploi et des risques qu'il prenait.
    Il y a moins d'agriculteurs au Canada que par le passé. Leur nombre chute pour de nombreuses raisons, notamment le recours à la technologie et à l'automatisation. Cette situation ne touche pas que les agriculteurs. Je parlais dernièrement avec quelqu'un de Sudbury. Il me disait que dans les années 70, la ville comptait environ 20 000 mineurs. Il n'en reste de nos jours que 6 000, mais ils produisent plus de minerai que lorsqu'ils étaient 20 000.
    J'ai assisté à un championnat de labour cet été. On y trouvait toutes sortes de charrues, comme une charrue à une seule lame tirée par un cheval, ou encore une charrue sur roues tirée par un cheval, de tous les modèles. J'étais étonné de voir à quel point les charrues mécanisées étaient plus rapides que les modèles plus simples. Il y a quelques semaines, des témoins nous ont parlé de matériel agricole et de la taille des charrues qui utilisaient un système de localisation GPS. Je me suis dit que ces tracteurs auraient pu labourer en une heure ou deux une terre qui aurait pris une journée entière à faire par des agriculteurs.
    Je crois que c'est ce qui arrivera. Le fait qu'il y ait de moins en moins d'agriculteurs n'est qu'une réalité. Ce qui me trouble c'est que les agriculteurs travaillent fort, sont efficaces et utilisent la technologie, ils sont compétents en affaires mais ne font pas d'argent. C'est un grave problème.
    Voici la question que j'aimerais vous poser. Jim Smolik a dit que le gouvernement ne doit pas un revenu aux agriculteurs, mais qu'il leur doit l'occasion de gagner leur vie. Les gens ont dit des choses aujourd'hui qui se répartissent en deux courants de pensée. D'une part, certains croient que les agriculteurs devraient avoir le droit de rester sur leurs terres car ils pourront y gagner leur vie et être rémunérés pour les biens qu'ils produisent. D'autre part, certains croient que le gouvernement doit intervenir directement et fournir un revenu aux agriculteurs pour qu'ils puissent continuer à cultiver la terre.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Smolik? Si quelqu'un d'autre devait intervenir, je serais ravi de savoir à quel courant de pensée vous croyez que nous devrions souscrire.
    Pour nous, tout a progressé au fil du temps. Nous aussi nous utilisons le GPS. Nous avons fait une double récolte du canola l'an dernier pour la première fois. On met le canola en javelles, on en laisse 50 pieds dans les champs, on se pose des questions sur la meilleure façon de procéder. Au bout du compte, on réussit à accélérer les choses et à être plus efficaces. On réussit à tous ces niveaux.
    Je n'ai pas peur de la concurrence. Faire concurrence aux autres producteurs dans le monde, ça ne me fait pas peur parce que le Canada est une nation d'exportation. Nous oscillons entre la troisième et la quatrième place au chapitre des plus grands exportateurs mondiaux. Comme nous devons exporter, il nous faut être efficaces. Nous devons être concurrentiels face à d'autres pays qui ont accès à une main-d'oeuvre bon marché, etc.
    Donc, je me répète, la concurrence ne me fait pas peur. Ce qui faut que le gouvernement mette en place, c'est un environnement réglementaire qui me permet d'être concurrentiel. Pour ce qui est des mesures pour inciter les gens à rester sur leurs terres, personnellement je n'en veux pas. Si quelqu'un voulait me donner de l'argent pour que je continue à cultiver mes terres, je me trouverais un autre boulot.
    Beaucoup de témoins ont parlé de la fierté aujourd'hui. Être agriculteur, c'est quelque chose dont nous sommes fiers. Nous sommes fiers de bien faire notre travail. À la fin d'une journée, quand on regarde son champ et qu'on constate qu'on a pu ensemencer 300 acres en un seul jour, ou quand mon grand-père hersait dix acres en un jour, une bonne journée, à l'aide de chevaux, on en est fier.
    Donc, nous avons besoin d'un environnement réglementaire qui nous permette... Oui, il y aura toujours des créneaux et grâce à cet environnement réglementaire, les petits agriculteurs pourront seuls, s'établir dans des créneaux précis.
(1710)
    Madame Desmarais.
    D'abord, pour ce qui est de la technologie, il faut savoir si on veut que ce soit la technologie qui nous contrôle ou ce sont les politiques qui servent de cadre à l'utilisation des technologies et au développement de celles-ci. C'est une question importante qu'on doit toujours garder à l'esprit.
    De plus, comment peut-on assurer le bien-être financier des agriculteurs? Comment assurer leur stabilité financière? Eh bien, il faut élaborer des mécanismes de réglementation permettant de payer un juste prix aux agriculteurs pour leurs denrées, pour que...
    Quand vous dites un juste prix, ce n'est pas la même chose que le prix du marché? Qui déterminerait le juste prix?
    Le juste prix serait établi par le biais d'un calcul fondé sur le prix de production.
    De plus, il nous faut un cadre réglementaire qui met l'accent sur la gestion de l'offre et la commercialisation ordonnée. Ce sont deux instruments qui permettent aux agriculteurs de jouir d'une plus grande stabilité financière.
    Je vais m'en tenir à cela.
    Mme Barnabé et ensuite M. Robertson. Je vous demanderais d'être succincts.

[Français]

    L'année dernière, j'ai eu la chance d'aller dans une région du Sénégal pour offrir de la formation sur la mise en marché collective à des producteurs de riz. Ils nous ont raconté que des gens de la Banque mondiale, qui sont des gens favorable au marché, ont étudié la filière du riz dans cette région et leur ont dit qu'ils étaient très concurrentiels, que leur façon de produire était très efficace et fonctionnelle. Malheureusement, la concurrence provenait de riz cassé de piètre qualité de la Thaïlande dont le transport était subventionné. Ce riz arrivait sur le marché sénégalais en même temps que la récolte locale, et les Sénégalais, qui n'ont pas un gros pouvoir d'achat, achetaient le riz cassé de la Thaïlande qui était probablement subventionné. Par conséquent, les producteurs de riz sénégalais ne pouvaient pas vendre leur riz.
    Selon moi, la mondialisation implique la concurrence, bien sûr, mais, comme le disait monsieur, il faut que l'environnement soit réglementé. Selon moi, il est utopique de penser qu'on peut réglementer le commerce sur toute la terre et que la Thaïlande, le Mexique et le Canada se feront concurrence de façon égalitaire. J'ai de la difficulté à croire cela. J'aurais plutôt tendance à penser qu'on doit viser l'autosuffisance d'abord, et ensuite, négocier des ententes à long terme avec un pays qui a besoin de blé, d'orge ou de canola. Je ne suis pas sûr qu'il soit vraiment adéquat de tout libéraliser.
(1715)

[Traduction]

    Monsieur Robertson, je vous demanderais d'être très succinct, s'il vous plaît.
    Je ne connais personne qui veuille exploiter la boîte aux lettres, mais à court terme, il faut composer avec la réalité du Farm Bill américain. Depuis quelques années, il a un effet dévastateur sur le secteur des grains et des oléagineux, surtout en Ontario. Maintenant que les cours du maïs remontent, le prochain secteur touché sera celui de l'élevage. On le constate déjà dans le cas du porc.
    À court terme, il va falloir que le gouvernement adopte une politique à deux volets s'il veut s'assurer qu'il restera des agriculteurs sur les terres. L'agriculture, c'est l'art de toute une vie et nous sommes en train de perdre nos maîtres artisans; ils ne seront plus là. Si nous voulons attirer des apprentis, assurer la relève, il faudra faire quelque chose.
    Même si je ne veux pas exploiter la boîte aux lettres, j'aimerais être rémunéré pour ce que j'apporte à la société. Quand je clôture ma terre, je crée un puits de carbone; je fais beaucoup d'autres choses dans mon exploitation qui sont avantageuses pour la société. Je paie cela de ma poche et le marché ne me rembourse pas. C'est à l'État, comme cela se fait en Europe, d'accorder une forme de crédit d'impôt aux exploitants qui apportent cette contribution à la société.
    Merci, monsieur Devolin.
    Monsieur Atamanenko, vous avez sept minutes.
    J'ai beaucoup de questions mais je ne sais pas si j'ai assez de temps. Je vais commencer et si je n'arrive pas au bout de ma liste, peut-être pourrons-nous bavarder après la séance.
    La première porte sur la sécurité alimentaire. On a parlé du fait que le concombre est importé. En Colombie-Britannique, par exemple, avant l'ALENA, il y avait des droits de douanes saisonniers. Nous avions plus de 2 000 producteurs d'oignons; aujourd'hui, il y en a six ou sept. En Ontario, 60 p. 100 des pommes viennent de l'extérieur de la province.
    L'ALENA n'est-il pas censé assurer notre sécurité alimentaire? Si ce n'est pas le cas, que peut-on faire? Faudrait-il des droits de douanes exceptionnels quand ces produits arrivent pour que nos producteurs puissent continuer à cultiver des légumes et nourrir le pays et éviter tous les pesticides qui viennent du Chili, du Mexique ou d'ailleurs?
    L'autre porte sur les subventions.
    Monsieur Smolik, j'ai beaucoup apprécié votre exposé. Je sais que dans le secteur des grains et des oléagineux, nous aimerions que les Américains et les Européens accordent moins de subventions. Nos efforts pour les en convaincre n'ont rien donné. Quelles conséquences cela a-t-il pour notre système de gestion de l'offre? Nous allons invoquer l'article XXVIII pour protéger nos producteurs laitiers. Nous voulons nous assurer d'avoir un bon système de gestion de l'offre. Comment voyez-vous les choses dans un contexte mondial?
    L'autre chose... J'ai eu aujourd'hui une discussion fort intéressante avec le sénateur Hugh Segal à propos de certains de ses programmes. Nous parlions d'une prestation fiscale pour revenu gagné.
    Cela aiderait-il immédiatement les agriculteurs s'il y avait un seuil de revenu en-deçà duquel vous auriez droit, au moment des impôts, à un complément de prestations. Autrement dit, vous ne paieriez aucun impôt si votre revenu ne dépasse pas 30 000 $; s'il n'est que de 23 000 $, au moment des impôts, le gouvernement vous remet un chèque de 7 000 $. C'est un revenu garanti, mais sous forme de prestation fiscale. Cela aiderait-il tout de suite les familles d'agriculteurs?
    Grant, trouvez-vous que la bureaucratie nuit au CSA, quel que soit le parti au pouvoir? Est-ce un des principaux obstacles?
    Je vais m'arrêter ici. Voyons combien de réponses je peux obtenir. Quiconque veut commencer...
    Monsieur Robertson.
    J'aimerais commencer par la première, parce que j'ai fait du travail sur la question pour le SNC. En réalité, comme d'autres pays, nous avons le pouvoir d'interdire certains de ces produits à notre frontière. S'ils ne respectent pas nos normes phytosanitaires, nous pouvons les refuser. Nous ne le faisons pas et je n'arrive pas à comprendre pourquoi.
    Si on va imposer des règles aux agriculteurs, on a besoin de s'assurer qu'on ne leur demande pas de rivaliser avec des producteurs et des pays qui ne les respectent pas, qu'il s'agisse d'environnement ou de normes de travail, entre autres. Il faut créer un mécanisme au Canada pour cela.
    En réponse à votre question au sujet du CSA II, je vais à nouveau citer ma grand-mère. C'est une vieille formule. Elle disait que l'ennui avec les élections, c'est que peu importe pour qui vous votez ou quel parti gagne, l'administration revient toujours au pouvoir.
    C'est la même chose ici. Plus j'y travaille et plus je vois ce qui se passe, plus je deviens cynique par rapport au CSA II. Le processus est pipé; on a déjà décidé. Les consultations, ce n'est qu'un procédé lorsque les choses tournent mal... et elles vont mal tourner. Avec le U.S. Farm Bill et tout ce qui se passe, d'autres secteurs vont être frappés durement. Mais quand ça pétera, on pourra dire qu'on nous a consultés. C'est un élément du problème.
(1720)
    Monsieur Smolik.
    Merci.
    Je veux parler du commerce extérieur. J'en ai parlé sous l'angle de l'effet sur les grains et les oléagineux. Je comprends parfaitement que le débat va bien au-delà des grains et des oléagineux. Il s'agit en fait de la gestion de l'offre, des légumes et de l'accès aux marchés pour les produits non agricoles. Des véhicules qui viennent de Corée. C'est tout le commerce mondial. J'essayais de décrire les choses de notre point de vue à nous. Je vais vous donner un exemple.
    Avant le dernier U.S. Farm Bill, le lin et les légumineuses n'y étaient pas assujettis. Par le passé, quand ils l'étaient, ils ne représentaient que quelque milliers d'acres de lin aux États-Unis. Rien que l'an dernier, il y avait près d'un million d'acres de lin ensemencés aux États-Unis. Il est évident que la demande n'est pas encore aussi grande sur le marché. Il advient une poussée de la demande pour le lin, l'oméga-3, et ce genre de choses, mais le marché n'est pas encore rendu là.
    Je reviens sur l'étude sur la période de 1995 à 2000; on estimait qu'environ 5 millions d'acres par année aux États-Unis étaient ensemencés rien que pour déclencher les paiements des gouvernements. Il y a donc 5 millions d'acres de produits écoulés sur le marché mondial, ce qui ne cesse de faire baisser nos cours.
    L'an dernier, avant la réunion ministérielle de Hong Kong, j'ai jeté un coup d'oeil sur les paiements compensatoires au titre de prêts pour la mi-novembre. Si j'avais reçu ce paiement pour ma production de la campagne agricole de 2005 à la mi-novembre, j'aurais touché un chèque de presque 56 000 $US. Voilà l'effet que cela a sur nous. Je ne parle ici que pour les céréales et les oléagineux.
    Madame Desmarais.
    En réponse à la question au sujet de l'ALENA, les données montrent que toutes nos exportations agricoles progressent sans que cela ait profité aux agriculteurs. Leur plus-value réalisée nette n'a pas augmenté, ce qui est révélateur.
    Si on place ce qui se passe au Canada dans le contexte beaucoup plus vaste de ce qui arrive aux agriculteurs dans le monde, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et la FAO ont fait des études sur ce qui est arrivé depuis 1994 lorsque l'accord sur l'agriculture a été mis en place. Ils ont observé que dans de nombreux pays, il y a une concentration accrue de la propriété foncière. Les grands producteurs sont propriétaires de plus grandes étendues de terrain. Il y a un plus fort appauvrissement des agriculteurs. À cela s'ajoute une concentration accrue des entreprises dans les systèmes alimentaires partout, ainsi que la baisse du pouvoir des agriculteurs sur le marché.
    Nous nous sommes toujours vus comme des gens préoccupés par la justice sociale ici au Canada et ailleurs, mais nous devrions réfléchir très sérieusement à ce qui se passe ici, non seulement dans le cas de nos agriculteurs mais aussi à l'étranger. Les décisions politiques que nous prenons laissent cela arriver.
(1725)
    Monsieur Barnabé.

[Français]

    Je voudrais répondre à la question concernant l'Accord de libre-échange nord-américain en ce qui a trait à l'agriculture. Ainsi, un article de journal est paru au mois de janvier. Il y était écrit que le prix des tortillas avait augmenté de 30 p. 100, et on expliquait pourquoi. On expliquait que depuis la signature de l'ALENA, les Américains avaient envoyé beaucoup de maïs — subventionné, naturellement — au Mexique, ce qui avait coupé l'herbe sous le pied des producteurs mexicains.
    Depuis, le prix du pétrole a augmenté et les Américains ont décidé de garder leur maïs pour faire de l'éthanol. L'industrie du Mexique a été mise à mal à cause du maïs subventionné, mais soudainement, il n'y en a plus. Le prix augmente donc. La tortilla est un aliment de base pour les Mexicains des classes inférieures, et c'est la panique. Il en manque ou le prix est trop élevé pour eux.
    À mon avis, avant d'ouvrir nos frontières à tous les produits qui viennent d'ailleurs, pensons d'abord à la souveraineté alimentaire. Bien sûr, on ne pourra jamais faire pousser des bananes ici, mais on négociera quand même du côté de l'importation. On négociera également du côté de l'exportation dans le but d'exporter les produits pour lesquels nous sommes concurrentiels.
    Pensons à la souveraineté alimentaire d'abord. Dépendre des autres pour se nourrir est dangereux. Ici, on ne parle pas d'autos ou d'avions, on parle de nourriture. Il faut faire attention.

[Traduction]

    Allez-y, M. Van Tassel.
    Oui, c'est la même question à propos de l'OTAN et j'ai aussi parlé de l'OMC. C'est une question presque à l'intérieur d'une question. Est-ce que ça donne des résultats? Eh bien, le 8 janvier, le Canada a entamé des consultations avec les États-Unis sur les subventions américaines accordées au maïs pour voir s'ils lançaient une contestation à l'OMC. Jusqu'à présent, cela a-t-il l'air de donner des résultats? Eh bien, sans doute pas, parce que ce qu'ils disent au Canada actuellement, c'est que les États-Unis ne font pas ce qu'ils sont censés faire d'après l'OMC. Est-ce qu'ils vont le faire? Je n'en suis pas sûr.
    D'accord. Désolé, Alex, mais vous êtes à court de temps.
    Avant de partir, j'ai une courte question à poser à Mme Smith. Moi-même je suis un agriculteur du Manitoba et je sais qu'à certaines époques les services d'écoute téléphonique pour personnes en détresse n'ont pas dérougi. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur? Je sais qu'après la crise de l'ESB, on a atteint des sommets. Qu'en est-il aujourd'hui et quelle était la situation ces derniers mois?
    Merci.
    J'ai fourni de l'information tirée de nos rapports annuels qui comportent beaucoup plus de chiffres. Je vous invite donc à ramasser la documentation au fond.
    Notre année la plus occupée en nombre d'appels a été 2004, au plus fort de la crise de l'ESB. Cette année-là, nous avons reçu 2 175 appels. Aujourd'hui, au sujet de l'ESB, un de nos correspondants nous a dit que les médias n'en parlaient plus mais que nous souffrons toujours de ses conséquences. Nous observons les répercussions de la crise et beaucoup d'autres se profilent à l'horizon, à mon avis. Elles durent très longtemps.
    Les programmes de soutien aux agriculteurs en situation de crise sont extrêmement rentables. Leur fonctionnement ne coûte pas cher — je pense à un programme de télésanté mentale ou un autre comme Au coeur des familles — et leurs bienfaits sont bien documentés. Vu leur rentabilité, je vous inviterais à les appuyer.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui. Nous sommes à court de temps. Il y a des questions autour de la table et je n'ai pas...
    Je n'ai pas de question, monsieur le président. Je veux seulement faire une observation.
    Comme le président, je suis moi aussi agriculteur. Ma femme et moi avons élevé notre famille et je suis au courant de beaucoup des problèmes qui existent dans l'agriculture, mais pas tous.
    Je voudrais faire une suggestion. Mettez-la dans son contexte. Vos exposés ont occupé près de 90 minutes sur les deux heures que nous avions aujourd'hui. C'est très bien, ils contenaient beaucoup de bon. Sauf que moi, comme beaucoup d'autres dans la salle, j'aurais aimé vous poser des questions. Vos réponses étaient excellentes.
    La prochaine fois, peut-être pourriez-vous apporter vos exposés sous forme de documents. Je lis ceux que je reçois, comme les autres, j'imagine. Cela nous laisserait plus de temps pour les questions. Ce n'est qu'une suggestion.
(1730)
    Il nous faut plus de trois jours pour nous préparer.
    Oui, et j'ai aimé ce que vous avez dit à propos du mille que vous avez marché avec du fumier sur vos bottes. Je l'ai fait aussi.
    Nous sommes tous disposés à rester après si quelqu'un veut nous parler.
    En fait, le comité a des choses à régler et nous allons siéger à huis clos. Nous allons suspendre la séance tout de suite pour libérer la salle et permettre au comité de s'occuper de ces questions.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]