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CC30 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-30


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1735)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je vais déclarer la séance ouverte. Je sais que nous sommes en train de luncher. Ne vous arrêtez pas, nous allons commencer quand même tout de suite.
    Nous avons quelques questions d'ordre administratif à régler avant d'accueillir les témoins et de leur poser des questions. C'est une séance de travail.
    Nous avons deux choses à régler avant d'entrer dans le vif du sujet de la réunion. La première est l'adoption du second rapport du sous-comité, que vous avez tous reçu et qui présente les groupes de témoins qui comparaîtront les 13 et 15 février sur la pollution de l'air. Vous l'avez devant vous. Il est fidèle à ce que nous avons convenu.
    C'est M. Godfrey qui le propose.
    (La motion est adoptée.) [Voir le Procès-verbal]
    Le deuxième point à l'ordre du jour est le budget. La motion est que le budget proposé de 65 300 $, pour la période du 1er février au 31 mars 2007, soit adopté et que le président présente ledit budget au Bureau de la régie interne.
    M. Lussier la propose.
    (La motion est adoptée.)
    Je vous en remercie.
    C'est une séance de travail. Ceux qui sentent encore le besoin de manger un peu ou d'étancher leur soif, n'hésitez pas à vous lever pour le faire. Nous avons du pain sur la planche, vous avez de quoi manger.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous recevons Nancy Hugues Anthony et Michael Murphy de la Chambre de commerce du Canada; David Martin de Greenpeace Canada; Alexander Wood de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie; ainsi que le professeur Mark Jaccard, par téléconférence, de l'Université Simon Fraser.
    Monsieur Jaccard, nous entendez-vous?
    Sans aucun doute. Je veux seulement être certain que nous sommes tous sur la même fréquence.
    Mesdames et messieurs, vous avez probablement tous déjà témoigné, pour la plupart, sur ces sujets. Nous donnons à chaque témoin environ dix minutes. Veuillez essayer de vous y limiter ou même d'être un peu plus brefs, si possible.
    Nous allons d'abord entendre tous les témoignages, après quoi nous vous poserons des questions, en commençant par l'opposition officielle, puis ce sera le tour des députés du gouvernement et nous continuerons ainsi en alternance jusqu'à ce que tous les députés aient eu la chance de vous poser leurs questions.
    Sans plus tarder, je vais demander à Nancy Hugues Anthony, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce, de faire sa déclaration d'ouverture. Madame Hugues Anthony, la parole est à vous.
    Merci infiniment, monsieur le président. Merci aussi à tous les députés.
    C'est avec grand plaisir que nous vous présentons notre point de vue sur la Loi canadienne sur la qualité de l'air.
    Comme bon nombre d'entre vous le savez, j'en suis sûre, parce que vous avec des chambres de commerce dans vos circonscriptions, la Chambre de commerce du Canada le plus grand des porte-parole des entreprises au Canada. Au nom de nos membres, nous vous remercions encore une fois.
    La Chambre de commerce du Canada reconnaît que le changement climatique est un enjeu grave et complexe qui nécessite des stratégies et des mesures efficaces à court, à moyen et à long terme.
    La communauté internationale participe à diverses initiatives pour déterminer le cadre futur de la coopération internationale en vue d'une action visant à remédier au problème des gaz à effet de serre. C'est une occasion pour le Canada et les autres pays de recentrer la question du changement climatique national et international en passant d'un débat sur les objectifs nationaux à une discussion sur des mesures nous permettant d'améliorer notre rendement énergétique tout en répondant aux besoins en énergie de l'économie. De plus, nous devrons déployer un effort international concerté pour concevoir les solutions technologiques requises pour maîtriser les émissions de gaz à effet de serre à long terme.
    L'industrie fait partie de la solution. Beaucoup de membres de la Chambre de commerce du Canada ont déjà pris des mesures pour réduire leur consommation d'énergie et ralentir l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes déterminés à en faire davantage.
    Depuis longtemps, nous incitons nos membres à participer à des programmes comme le Programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne, le PEEIC, ainsi qu'à accroître leurs engagements en ce sens. Nous avons également travaillé en partenariat avec Enquête pollution à la rédaction d'un guide des changements climatiques pour les PME.
    J'ai demandé au greffier de vous en distribuer des exemplaires.

[Français]

    Cette documentation est disponible en anglais et en français.
(1740)

[Traduction]

    Elle décrit deux petites entreprises, les défis du changement climatique et les mesures que chacune d'elles peut prendre pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. C'est très souvent un segment négligé de notre économie dans nos discussions sur ces enjeux, et j'inciterais les membres du comité à ne pas oublier de tenir compte des petites et moyennes entreprises.
    J'aimerais aussi vous donner un exemple de progrès réalisé dans le secteur manufacturier du Canada, un secteur qui reçoit beaucoup d'attention dans le dossier des gaz à effet de serre. Bien qu'il ait augmenté sa production de 48 p. 100 entre 1990 et 2003, ce secteur a réduit ses émissions de 7,4 p. 100. Les grands émetteurs finaux de ce secteur ont réduit leurs émissions de 20 p. 100. Cela représente une réduction de 38 p. 100 en intensité des émissions. L'une des grandes leçons à tirer de ces chiffres, c'est le lien fondamental entre l'investissement et les réductions d'émissions. Nous devons favoriser l'investissement dans la technologie.
    Bien que nous continuions de prendre des mesures pour ralentir la croissance des émissions de gaz à effet de serre, il ne fait aucun doute que les nouvelles technologies seront la clé des réductions de l'envergure nécessaire à long terme. Comme vous le savez, les entreprises canadiennes sont en train de mettre au point de nouvelles technologies et de nouvelles sources de carburant, mais bon nombre de leurs initiatives n'en sont encore qu'au stade de projets pilotes et devront atteindre leur pleine maturité et devenir des programmes à part entière pour porter fruit. Ces nouvelles technologies permettront notamment de récupérer le pétrole contenu dans les puits de forage; d'utiliser le gaz issu du raffinage de pétrole, qui serait brûlé sinon, et d'améliorer la gestion des déchets animaux.
    Compte tenu de l'importance de l'énergie pour l'économie, les nouvelles technologies comme celles du charbon épuré et du captage ou du stockage du carbone méritent qu'on y accorde une grande attention. À long terme, il faudra absolument appuyer le plein développement et la commercialisation de ces technologies en plus d'entreprendre les recherches nécessaires sur les autres percées technologiques potentielles.

[Français]

    Le secteur des affaires fait partie de la solution et il est toujours tout à fait disposé à continuer de faire sa part en jouant un rôle actif et engagé.

[Traduction]

    Sur la question des objectifs — je sais qu'ils font l'objet des discussions du comité aujourd'hui —, l'industrie canadienne favorise l'établissement d'objectifs responsables, ainsi que d'un régime d'application de la loi efficace. Cependant, qu'ils visent le court, le moyen ou le long terme, ces objectifs doivent être réalistes et adaptés au fait que le Canada a une économie à forte intensité d'énergie et que ses exportations d'énergie augmentent. De plus, pour les investissements en entreprise, il sera essentiel d'étudier les cycles d'investissements nécessaires pour bien tenir compte du ratio de rotation du capital social.
    Les objectifs de l'industrie devront être graduels, compte tenu des limites techniques que connaissent la plupart des entreprises. Des objectifs arbitraires à court terme pourraient leur faire perdre des investissements de capitaux susceptibles de leur garantir des réductions plus grandes à long terme. La clé consistera donc à intégrer harmonieusement les objectifs au cycle de rotation du capital social pour favoriser de nouveaux investissements à point nommé, abordables et le plus susceptible possible de profiter doublement à la productivité et aux améliorations écologiques.
    Il faut nous doter d'un plan intégré de gestion de l'énergie et de l'environnement qui prescrit des contributions justes pour toutes les régions et les segments de la société si nous voulons lutter contre le changement climatique et assainir l'air. Il faut notamment établir un dialogue avec les Canadiens sur leurs propres responsabilités et nous doter de mesures qui favorisent une contribution adéquate des consommateurs.
    Nous sommes d'accord que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent se fonder sur l'intensité des émissions, soit sur le niveau d'émissions de l'entreprise en fonction de sa production plutôt que sur des niveaux d'émissions absolus. Ainsi, les entreprises en plein essor ne seront pas pénalisées même si elles réussissent à s'améliorer beaucoup sur le plan environnemental.
    J'ai deux autres petites choses à mentionner rapidement, monsieur le président. La première est la question de l'équivalence. Nous sommes favorables à l'esprit du projet de loi C-30, selon lequel il n'est pas utile d'adopter de nouveau règlement s'il existe des règlements provinciaux ayant un effet équivalent. En effet, les chevauchements et les conflits possibles entre les règlements pourraient nuire aux initiatives de l'industrie pour accroître son rendement environnemental. Je suis certaine que vous serez d'accord que nous n'avons besoin que d'un organisme de réglementation par province ou territoire.
    Enfin, dans l'avis d'intention de réglementer qui a été déposé en même que le projet de loi C-30, on trouve une liste de principes pour guider l'élaboration du projet de règlement sur le secteur industriel. La Chambre de commerce du Canada souhaite souligner qu'elle appuie ces principes et qu'elle espère qu'ils demeureront le fondement de ces règlements. Je n'ai pas besoin de les répéter. Nous estimons certains d'entre eux très positifs, comme de maximiser les avantages environnementaux à l'aide d'une approche intégrée multi-polluants; d'intégrer des mécanismes de conformité souples et sans aucun doute, de promouvoir l'investissement dans le développement et le déploiement de nouvelles technologies. Si nous respectons ces principes, nous pensons que le règlement qui en découlera nous permettra d'apporter des améliorations mesurables à la santé et à l'environnement des Canadiens tout en favorisant une croissance économique durable et la compétitivité des entreprises canadiennes.
(1745)

[Français]

    Nous remercions les membres du comité de nous avoir offert cette occasion de fournir des commentaires.
    Nous vous encourageons à envisager une approche intégrée qui tiendra compte des questions énergétiques et environnementales d'une façon juste et équitable.

[Traduction]

    Enfin, j'exhorte les députés, dans leurs délibérations, à éviter de fixer des objectifs artificiels et à ne jamais oublier que pour lutter contre le changement climatique, en particulier, nous devons tenir compte des réalités énergétiques et économiques de notre pays.
    Je suis toute disposée à répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup, madame.
    Le prochain témoin est David Martin, de Greenpeace Canada.
     Monsieur Martin, c'est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comités.
    Vous devez avoir en main un mémoire de Greenpeace intitulé: « Le Canada et les changements climatiques: il faut établir des cibles fermes, en chiffres absolus. » J'aimerais également souligner que vous avez reçu une lettre en date du 22 janvier, dans laquelle huit directeurs de groupes environnementaux différents vous présentent des recommandations d'amendements au projet de loi C-30. Notre exposé de ce soir porte sur le changement climatique, mais Greenpeace aimerait également appuyer ces recommandations d'amendements.
    Telle qu'elle est rédigée actuellement, la Loi canadienne sur la qualité de l'air ne prévoit aucune cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) d'ici 2020. Sa seule cible est pour 2050, et elle est inadéquate. Dans l'avis d'intention, le gouvernement établit une cible de réduction des émissions de « 45 à 65 p. 100 par rapport aux niveaux de 2003 d'ici 2050 ». Pour mettre les choses en perspective, en 2003, les émissions du Canada s'élevaient a 754 mégatonnes ce qui signifie qu'en 2050, les émissions du Canada seraient de 264 à 415 mégatonnes.
    Comme vous le savez, on calcule habituellement les réductions des émissions par rapport à leur niveau de 1990. En tant que signataire du Protocole de Kyoto, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de 6 p. 100 par rapport à leur niveau de 1990 d'ici 2008-2012, ce qui fait que notre cible de 2012 est en fait de 563 mégatonnes. Pour éviter des changements climatiques aux conséquences désastreuses, Greenpeace demande en premier lieu au Canada et aux autres pays industrialisés de respecter leurs engagements de Kyoto. Par la suite, les pays devront adopter d'autres cibles de réduction encore plus sévères, soit une réduction de 30 p. 100 par rapport au niveau de 1990 d'ici 2020, puis de 80 p. 100 par rapport au niveau de 1990 d'ici 2050.
    Pourquoi ces cibles? Parce qu'elles ont été établies par les scientifiques et représentent les réductions à atteindre pour empêcher la température moyenne de la planète d'augmenter de plus de 2 p. 100, pour éviter des « changements climatiques aux conséquences désastreuses » pour reprendre les mots du Protocole de Kyoto.
    Avant le début de l'ère industrielle, la concentration des GES dans l'atmosphère était de 280 parties par million en équivalent CO2. La concentration actuelle est d'environ 430 parties par million. Dans le rapport Stern, on estime qu'il faut limiter la concentration à 450 à 550 parties par million. Les environnementalistes estiment qu'il faudrait viser la concentration minimale de cette fourchette. Pour que vous compreniez bien les conséquences, on estime que le taux de CO2 pourrait atteindre le seuil de 550 parties par million dès 2035. À une telle concentration, les scientifiques estiment qu'il y a de 77 à 99 p. 100 des chances que la température moyenne augmente de plus de deux degrés Celcius. À son tour, une pareille augmentation accentuerait de façon radicale les risques que les changements climatiques entraînent des conséquences dangereuses et irréversibles.
    Plus nous attendrons avant de réduire les émissions de GES, plus les réductions devront être radicales pour atteindre le même objectif. C'est pourquoi il est absolument essentiel de commencer à réduire les émissions immédiatement.
    Au sujet des cibles mesurées en intensité des émissions, l'avis d'intention révèle que « le gouvernement a l'intention d'adopter une approche fondée sur l'intensité des émissions pour établir les objectifs de réduction ». L'intensité des émissions est une mesure relative qui permet de chiffrer les émissions de GES par rapport à l'activité économique. Les cibles établies en mesure d'intensité ne permettent pas d'évaluer les progrès réels, ni les reculs réalisés. Par exemple, si on compare l'intensité des émissions du Canada entre 1990 et 2004, on observe une diminution, soit une amélioration, de 14 p. 100. Ce pourcentage de réduction est trompeur parce qu'il reflète essentiellement des améliorations réalisées en matière d'efficacité énergétique. En chiffres absolus, on enregistre plutôt une forte augmentation pendant cette période, soit 27 p. 100. Par conséquent, Greenpeace s'oppose au concept des cibles mesurées en intensité des émissions et préconise l'adoption de cibles de réduction mesurées en chiffres absolus.
(1750)
    Qu'en est-il de la crise climatique au Canada? Même s'il a pris des engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto en 1997, le Canada a élaboré seulement trois plans, un en 2000, un autre en 2002 et enfin, le Projet vert en avril 2005.
    Les premiers plans reposaient essentiellement sur des mesures volontaires plutôt que sur l'instauration de mesures législatives efficaces et de programmes incitatifs. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre n'ont pas diminué. Au contraire, entre 1990 et 2004, elles sont passées de 599 à 758 mégatonnes, soit une augmentation de 27 p. 100. Cela place le Canada parmi les pires pays du monde sur le plan des changements dans les émissions depuis 1990. Il est le quatrième pire pays parmi les 41 pays industrialisés visés par l'annexe 1 du protocole. Qui plus est, le Canada ne semble pas sur la voie de l'amélioration, puisqu'il était sixième avant-dernier en 2005.
    On ne peut pas dire que le précédent gouvernement libéral a été un champion de la lutte au changement climatique, mais son Projet vert de 2005 avait le mérite d'établir des bases solides pour s'attaquer au problème. À notre avis, il aurait permis au Canada de respecter ses engagements de Kyoto grâce à diverses mesures. Telle qu'elle est rédigée à l'heure actuelle, la Loi canadienne sur la qualité de l'air ferait reculer le Canada encore plus sur la voie de la lutte au changement climatique.
    Selon nous, l'objectif de Kyoto pour le Canada est réalisable. Le gouvernement actuel ne s'est pas retiré du Protocole de Kyoto, mais c'est tout comme, puisque son inaction signifie que dans les faits, nous ne pourrons pas respecter notre cible de réduction. Le présent gouvernement tente de dépeindre l'objectif de Kyoto comme étant irréaliste ou impossible à atteindre. C'est loin d'être le cas. Toutefois, le Canada doit accepter d'y mettre le prix.
    Dans son premier budget, en mai 2005, le gouvernement a réduit de 4 à 2 milliards de dollars l'enveloppe budgétaire quinquennale allouée à la lutte au changement climatique. Si le gouvernement a besoin d'argent, il devrait créer un fonds vert comme celui du Québec et imposer une taxe sur les combustibles fossiles. La taille de ce fonds serait déterminée par l'ampleur des besoins financiers reliés à l'atteinte de nos objectifs. Ce fonds devrait constituer une grande priorité du gouvernement.
    Par ailleurs, il est faut de dire que la poursuite des engagements de Kyoto entraînerait un « effondrement économique ». Au contraire, comme l'a démontré Nicholas Stern, directeur des services financiers du gouvernement britannique et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, c'est plutôt l'inaction qui serait extrêmement coûteuse. On estime que le fait de ne pas agir pourrait entraîner des dépenses équivalentes à environ 20 p. 100 du PIB mondial chaque année, contre seulement 1 p. 100 si on agit rapidement et efficacement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Le mois dernier, Greenpeace a publié un rapport sur l'utilisation de l'énergie d'ici 2050. Il va dans le même sens que les conclusions du rapport Stern. Il est tout à fait possible de produire une énergie propre et renouvelable et d'améliorer l'efficacité énergétique tout en assurant la croissance économique et en abandonnant graduellement les sources d'énergie polluantes et dangereuses comme le charbon et l'énergie nucléaire.
    Nous avons été très contents d'entendre le ministre Baird déclarer que le temps des mesures volontaires était révolu. En effet, il faut imposer des cibles de réduction obligatoires des émissions aux grandes entreprises à partir de 2008. Ces cibles devront être établies de façon à atteindre l'objectif de Kyoto pour la période d'engagement de 2008-2012. Il faut que l'industrie assume sa juste part des réductions: elle est responsable de 50 p.100 des émissions — elle doit réaliser au moins 50 p. 100 des réductions.
    Le Canada doit aussi adopter des normes d'efficacité énergétique plus sévères et égaler, voire même surpasser les normes californiennes. Il faut accélérer la création de programmes incitatifs pour la production d'énergie verte et la conservation de l'énergie, et le Canada a besoin d'un programme d'installation d'un million de toits solaires pour le chauffage de l'eau.
    Nous devons améliorer le contexte économique en éliminant les subventions directes et indirectes accordées à l'industrie des combustibles fossiles et à l'industrie nucléaire. Il faut commencer par éliminer la mesure d'accélération de la déduction pour amortissement de 100 p. 100 pour les sables bitumineux. Les sables bitumineux génèrent cinq fois plus d'émissions de gaz à effet de serre que le pétrole ordinaire.
    Il faut aussi éliminer les subventions annuelles versées à Énergie atomique du Canada limitée: nous avons déjà engouffré 20 milliards de dollars pour soutenir cette technologie coûteuse, polluante et dangereuse. L'énergie nucléaire ne réglera pas le problème des changements climatiques — il faut plutôt utiliser cet argent pour favoriser le développement des énergies vertes, plus efficaces et moins coûteuses.
(1755)
    Nous croyons aussi qu'il faut mettre les forces du marché à profit en créant un système d'échange de droits d'émissions vraiment efficace et en imposant des cibles de réduction sévères pour chaque secteur industriel. Il ne faut pas établir de prix plafond pour l'achat des droits d'émissions ni permettre à l'industrie d'éviter de payer le coût réel de ses activités polluantes en créant un fonds de recherche et de développement, comme on le propose dans l'avis d'intention.
    Il est aussi essentiel que ce système permette les échanges à l'échelle internationale. Il faut que les entreprises puissent acheter des droits partout dans le monde, non pas des droits pour ce qu'on appelle des crédits d'air chaud, mais pour des crédits d'investissement dans les technologies vertes et d'autres activités sérieuses de réduction des gaz à effet de serre.
    Il ne faut pas oublier que Kyoto ne se limite pas à une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre de 5 p. 100 d'ici 2012. Le but du protocole est de créer un vaste mouvement international sans précédent qui commence avec les pays industrialisés et qui visera aussi les pays en développement ensuite. Il est essentiel d'intégrer rapidement les pays en émergence dans le processus de façon à gérer les changements climatiques à l'échelle internationale si nous voulons éviter des catastrophes planétaires. La Chine, l'Inde et le Brésil ont déjà commencé à participer: il est essentiel de maintenir le cap.
    Que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix, le Canada a toujours respecté ses engagements, et les citoyens du pays veulent qu'il en soit de même pour Kyoto. Nous ne sommes pas des lâcheurs. Nous pensons que le prochain budget doit mettre ces priorités à l'avant-plan. Ensemble, nous pouvons y arriver une année à la fois. Nos émissions de 2007 sont d'environ 800 mégatonnes. En appliquant une réduction annuelle de 50 mégatonnes, nous pouvons atteindre notre objectif de Kyoto d'ici 2012. Alors, allons-y!
    Merci.
    Merci, monsieur Martin.
    Nous allons maintenant entendre M. Alexander Wood, président et premier dirigeant par intérim de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Vous avez dix minutes, tout au plus.

[Français]

    Je vous remercie, membres du comité, de nous avoir offert la possibilité de venir partager avec vous la perspective de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie au sujet de la question dont vous êtes saisis.
     J'aimerais m'excuser à l'avance du fait que je n'ai pu apporter les documents que j'aurais aimé avoir avec moi aujourd'hui. Nous avons éprouvé des problèmes de traduction et de production de ces documents, mais ils seront disponibles auprès du greffier aussitôt que possible.

[Traduction]

    Monsieur le président, mon témoignage d'aujourd'hui sera assez général. Je vais vous parler du travail abattu par la table ronde sur les objectifs à long terme du Canada et des conseils que la Table ronde nationale a publiés cette été sur la façon dont le Canada pourrait réduire de 60 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 tout en répondant aux besoins énergétiques de son économie en croissance.
    Je vais également vous parler un peu du fait que l'on a demandé à la table ronde de fournir des conseils au gouvernement à divers égards sur le projet de loi C-30 . Je vais vous en parler dans quelques instants, mais je peux vous dire tout de suite que nous sommes en train de préparer notre réponse et donc, que je ne suis pas en position de vous expliquer très en détail les conseils qui s'en viennent.
    Au fil des ans, la table ronde a produit de nombreux rapports sur le sujet qui occupe le comité. Nous avons publié des rapports sur les gaz à effet de serre dans les transports, sur l'échange de droits d'émissions à l'échelle nationale, sur l'utilisation de la politique fiscale en matière d'énergie ainsi que sur le besoin de réduire la quantité de carbone dans nos systèmes énergétiques.
    Nos positions dans ce domaine sont présentées dans un rapport qui a été publié en juin 2006 sous le titre de Conseils sur une stratégie à long terme sur l'énergie et les changements climatiques. Ces conseils au gouvernement, que nous avait demandés le gouvernement précédent, sont le fruit d'une analyse que nous avons faite sur la base d'un modèle d'outils de stabilisation conçu par des professeurs de Princeton. Comme je l'ai dit, en gros, nous avons élaboré un scénario à long terme selon lequel le Canada, grâce à une série de mesures technologiques et de moyens pour améliorer son rendement énergétique, pourrait véritablement réduire ses émissions de 60 p. 100 tout en maintenant sa croissance économique dans le contexte d'une population en croissance elle aussi.
    Pour bien vous mettre en contexte, notre analyse contrevient à presque tous les principes de planification, comme nos consultants nous le rappellent constamment. Nous n'avons élaboré qu'un scénario, alors que l'on ne devrait jamais se limiter à un seul; on devrait toujours en prévoir plus d'un. On ne devrait jamais non plus en élaborer un nombre impair, parce que les gens seront portés à croire qu'on favorise celui du milieu. Nous n'en avons élaboré qu'un, et il y a des messages et des leçons importants à en retenir. La grande conclusion, c'est qu'il est possible de répondre à nos besoins énergétiques tout en réduisant de façon importante nos émissions à long terme. Pour ce faire, il faut nous doter dès maintenant des politiques adaptées. Il faut mettre à profit toutes les technologies disponibles et tous les moyens d'améliorer notre rendement énergétique. Il n'y a pas de formule magique. Il s'agit d'un défi énorme sur le plan de la technologie énergétique et du déploiement de technologies de rendement énergétique. C'est le message que nous voulons transmettre.
    Pour ce qui est du sujet d'étude de ce comité, le principal message que j'aimerais vous transmettre, c'est que toute décision que vous prendrez sur les objectifs à court terme doivent s'inscrire dans le cadre d'un plan à long terme et d'un énoncé d'objectifs à long terme. Selon les membres de la table ronde, ce n'est pas un hasard si le pays qui réussit le mieux parmi les économies de l'OCDE à réduire de façon importante ces émissions de gaz à effet de serre soit le Royaume-Uni. Nous voyons là la preuve de la nécessité d'établir des objectifs et un plan à long terme à cet égard, comme le Royaume-Uni l'a fait il y a longtemps.
    Pour ce qui est de l'avis d'intention sur la Loi canadienne sur la qualité de l'air, je n'entrerai pas beaucoup dans les détails de ce qu'on demande à la Table ronde, puisque je présume que les députés sont bien au courant. En gros, nous devons nous prononcer sur trois questions: l'ensemble des objectifs nationaux en matière de qualité de l'air à long terme; les objectifs de réduction des émissions nationales d'ici 2050 et les critères applicables aux polluants atmosphériques dans différents secteurs, et je peux rappeler aux députés quels sont ces secteurs au besoin.
(1800)
    Au sujet des gaz à effet de serre, je vais utiliser les termes de l'avis d'intention, parce que je veux être précis. Le gouvernement a demandé à la table ronde de lui fournir des conseils sur les objectifs de réduction des émissions pour 2020-2025 dans différents secteurs. Je peux vous les nommer au besoin. Ces avis doivent considérer la prospective de croissance économique canadienne ainsi que l'intention du gouvernement de s'appuyer sur l'approche basée sur l'intensité des émissions avec des objectifs de réduction qui seront suffisamment ambitieux pour se traduire en un plafond déterminé des émissions absolues.
    La table ronde doit également lui donner son avis sur l'objectif national spécifique de réduction des émissions adopté à l'intérieur d'une fourchette de 45 à 65 p. 100 par rapport aux niveaux de 2003 d'ici 2050. Les scénarios décrivant comment le Canada pourrait atteindre l'objectif qu'il devrait adopter, que nous allons lui recommander, sont évidemment d'une très grande importance.
    Il y a quelques éléments à souligner. Nous savons déjà que les recherches de base que nous devons effectuer sur la période de transition qui surviendra clairement entre 2010-2015 et 2025, comme on le prévoit dans la loi, c'est-à-dire la transition entre une approche fondée sur l'intensité des émissions et une approche fondée sur des objectifs d'émissions absolues, seront très difficiles. Nous devrons y réfléchir considérablement et y consacrer beaucoup de ressources.
    La deuxième question que j'aimerais aborder est celle de la perspective à long terme, de la perspective de 2050. De toute évidence, ces observations s'inscrivent dans le contexte de notre méthode et des recherches que nous avons menées lorsque nous avons analysé l'objectif de 60 p. 100, l'objectif sur lequel nous avons déjà donné des conseils. Je tiens à ce que ce soit clair. La table ronde ne favorisait pas nécessairement cet objectif quand elle a publié ses conseils. Il s'agissait d'un objectif fixé à des fins de recherche, mais nous voyons maintenant poindre dans nos recherches une stratégie pour atteindre ces objectifs, de sorte que nous puissions recommander un chiffre précis.
    Pour conclure, monsieur le président, comme je l'ai dit au départ, ce travail nous a été confié par l'avis d'intention sur la Loi canadienne sur la qualité de l'air. Le temps imparti à la table ronde est assez court. Le gouvernement nous a demandé de lui fournir des conseils sous la forme d'un rapport préliminaire d'ici le printemps prochain, ainsi qu'un rapport final d'ici l'automne. Nous sommes actuellement en train d'établir notre programme de recherche et notre méthodologie de base.
    Il y a encore beaucoup de choses dont doivent discuter les membres de la table ronde. Nous allons les rencontrer à la fin de la semaine pour leur présenter la démarche que nous proposons. Je ne pourrai donc peut-être pas vous donner une idée claire de la position des membres de la table ronde eux-mêmes sur cette question, mais je vais essayer de répondre à vos questions.
    Merci.
(1805)
    Merci, monsieur Wood.

[Français]

    Voici maintenant notre dernier témoin: M. Mark Jaccard, professeur de l'École de gestion des ressources et de l'environnement de l'Université Simon Fraser.

[Traduction]

    Monsieur Jaccard, je vous souhaite de nouveau la bienvenue parmi nous. Nous vous voyons bien; vous avez l'air en très grande forme.
    La parole est à vous, monsieur, pour dix minutes.
    Merci infiniment.
    Je vais concentrer mes observations sur les émissions de gaz à effet de serre dans le contexte de la Loi sur la qualité de l'air. J'ai apporté quelques diapositives. En fait, je vais n'en utiliser qu'une, soit la troisième, qui s'intitule « Historique des objectifs, politiques et émissions au Canada ».
    Avez-vous tous cette page?
    Oui.
    Très bien, je vais vous en parler, alors.
    Le premier argument que je tiens à faire valoir, c'est que nous en apprenons sur l'utilisation du mot « objectifs ». C'est-à-dire qu'on peut parler d'objectifs de façon assez vague et que ces objectifs peuvent ne pas signifier grand-chose de concret dans l'économie et les réductions d'émissions. Je le souligne simplement parce que lorsque j'entends d'autres témoins, comme aujourd'hui, des politiciens en général, des journalistes ou des porte-parole de groupes d'intérêt parler d'objectifs, je deviens tout de suite un peu susceptible et impatient. Je suis curieux d'entendre ce que la personne dira ensuite sur la façon d'atteindre ces objectifs.
    Je tiens simplement à vous faire remarquer que les discussions sur les objectifs sont très suspectes si ceux-ci ne sont pas accompagnés de politiques obligatoires pour les atteindre. Je pense que nous devons commencer à en tenir compte dans nos discours et cesser d'être aussi vagues dans l'utilisation de mots comme « objectifs ». À mon avis, nous retenons déjà ici qu'ils doivent être liés à des politiques concrètes.
    Pendant les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais vous parler de ce que nous apprenons des diverses recherches indépendantes mondiales auquel je participe avec d'autres experts indépendants du milieu universitaire, des gouvernements et de diverses institutions sur l'efficacité des politiques, la façon de lier les objectifs aux politiques et les éléments à surveiller, sur lesquels je tiens à mettre les membres du comité en garde.
    Sur cette diapositive, vous voyez en bas, en rouge, les différents objectifs que le Canada s'est fixés à différentes époques. Au dessus de la ligne, on voit les noms des diverses politiques adoptées pour nous permettre de les atteindre. Bien sûr, la ligne ascendante montre le niveau réel des émissions et ce que nous avons fait pendant cette période.
    En 1992 ou en 1993, il était difficile de prévoir ce qui allait advenir des diverses politiques à la lumière des données canadiennes, mais en 2007, nous avons l'avantage de pouvoir étudier les données et les expériences du Canada — comme dans l'exemple que je vous montre ici — et dans d'autres pays du monde pour ce qui est de leur aptitude à accompagner leurs objectifs de politiques efficaces. J'aimerais donc faire valoir quelques arguments à ce propos, et même si certains d'entre eux devraient être très évidents, je pense qu'il vaut la peine de les répéter.
    Pour commencer, des mesures volontaires ne peuvent pas susciter de changement technologique assez profond pour faire diminuer beaucoup les émissions de gaz à effet de serre. J'entends par mesures volontaires des mesures qui dépendent surtout de subventions ou qui se résument à de l'information: à des publicités télévisuelles, à de l'étiquetage de produits, à des petites subventions, à de grandes subventions, etc.
    Je tiens également à mentionner que plus ces politiques sont axées sur le rendement énergétique, plus elles sont difficiles à réaliser. Je pourrai vous en parler davantage en réponse à vos questions si vous voulez en discuter, et j'ai ici une diapositive que je n'ai pas le temps de vous présenter.
    Les recherches sur les programmes des services d'électricité des États-Unis depuis 25 ans et les programmes gouvernementaux en Europe, au Canada et ailleurs indiquent que l'amélioration du rendement énergétique coûte beaucoup plus cher que ce que ses défenseurs prétendent en raison des différences de risque que présentent les nouvelles technologies efficaces et du temps qu'il faut avant que ces technologies deviennent rentables. L'efficacité énergétique est beaucoup plus difficile à réaliser d'un point de vue politique, parce que lorsqu'on donne des subventions, il est difficile de déterminer qui allait investir en ce sens au départ.
    Enfin, lorsqu'on améliore la productivité de l'énergie dans son économie grâce à des mesures favorisant l'efficacité énergétique, il y a différents effets par ricochet, parce que les gens risquent d'accroître leur demande pour un service comme le chauffage, par exemple, s'il coûte moins cher. Il y a toutefois un effet encore plus grand qui intrigue plusieurs chercheurs internationaux comme moi en ce moment, soit le fait que les gains généraux en productivité énergétique mènent au développement de toute une pléthore de nouvelles technologies énergivores qu'on voit partout.
    Donc si vous me demandez si je crois que le Canada utilisera beaucoup moins d'énergie dans 40 ans, même après avoir déployé un effort concerté en ce sens, je doute fort qu'il puisse y arriver.
(1810)
    Cela m'enseigne que sur le plan politique, nous devons mettre de plus en plus l'accent sur les émissions plutôt que sur le rendement énergétique. Ce faisant, nous réaliserons des gains en rendement énergétique. Mais quand j'entends dire que nous devons travailler d'abord à l'amélioration du rendement énergétique, puis que nous nous pencherons ensuite sur la question difficile des émissions, je vois en partie l'explication aux chiffres que je viens de vous montrer, qui illustrent un immense écart entre les objectifs que nous nous fixons et le résultat des politiques que nous appliquons. Les politiques présentées en vert, en haut, se sont surtout traduites par des subventions et des programmes d'information, donc par des mesures volontaires.
    Par ailleurs, les défenseurs des formes d'énergie renouvelable feront valoir que si l'on offre des subventions pour favoriser l'énergie renouvelable et nous détacher des combustibles fossiles, les énergies renouvelables remplaceront très bientôt les combustibles fossiles et donc, que c'est une bonne stratégie politique.
    Je vous dirais que ce n'est pas ce que les recherches portent à croire. Elles tendent plutôt à montrer que tant que le secteur des combustibles fossiles, qui est très riche et regorge de formes d'énergie fantastiques, pourra utiliser l'atmosphère pour rejeter librement ses déchets, les promoteurs continueront de trouver des façons d'utiliser les combustibles fossiles dans leurs innovations pour fournir de nouveaux services qu'on ne peut même pas imaginer aujourd'hui, comme des systèmes de chauffage de terrasse au propane, qu'on verra apparaître au cours des 10, 15 ou 20 prochaines années.
    Je conclus donc que nos politiques doivent revêtir une nature obligatoire. Elles peuvent être conçues de façon à ne pas avoir de répercussions économiques énormes à court terme, et c'est ce sur quoi je concentrerais mes efforts. Toutefois, ces politiques doivent contraindre les gens par voie de règlements ou de sanctions financières s'ils utilisent l'atmosphère pour se débarrasser librement de leurs déchets.
    Toutes nos autres discussions sur les objectifs, les mesures volontaires et l'efficacité énergétique doivent graviter autour de cet impératif politique. Cela signifie qu'il n'est probablement pas si important d'offrir mille et une subventions. Je ne suis pas convaincu qu'il faut créer des super fonds ou que le gouvernement doit dépenser plus d'argent.
    L'élaboration de politiques semble constituer toute une énigme au Canada. Nous envisageons une politique pour les grands émetteurs finaux axée sur des plafonds et l'échange de droits d'émission, et je serais favorable à une telle politique, mais elle ne s'appliquerait alors qu'à la moitié de l'économie. Nous venons d'entendre des gens dire qu'il fallait que l'industrie fasse sa part, mais je crois que nous risquons de nous retrouver avec une industrie qui réduit peut-être ses émissions grâce au programme des grands émetteurs finaux, selon la formule qui sera choisie, s'il ne contient pas trop d'échappatoires, mais dans un contexte où le reste de l'économie continuerait dans la même voie jusqu'à ce qu'on envoie le même type de signal aux consommateurs.
    Pour ce faire, par exemple, il faudrait que le programme des grands émetteurs finaux mette l'accent sur le problème plus en amont et se concentre non seulement sur les émissions des grandes entreprises, mais plutôt sur le carbone qui vient du secteur des combustibles fossiles et qu'il impose des coûts pour ce carbone. Autrement, le programme des grands émetteurs finaux devra s'accompagner de diverses politiques du même type pour le secteur du transport, celui du bâtiment, pour tout ce qu'on trouve dans les édifices, les électroménagers et le reste.
    J'ai quelques propositions de mesures réputées dans le monde, que divers gouvernements et pays sont déjà en train de mettre en oeuvre pour y arriver, mais je ne vous en donnerai pas les détails tout de suite.
    Cela pourrait vouloir dire que selon les outils de réduction des émissions dont Alex Wood vient de nous parler et qui ressortent de l'étude préliminaire que la table ronde vient de faire, un bon moyen de réduire radicalement les concentrations de gaz à effet de serre au Canada au cours des prochaines décennies pourrait être d'accroître notre rendement énergétique.
    Je tiens seulement à vous avertir que bien des recherches montrent qu'il peut être très difficile d'accroître ainsi son rendement énergétique en raison des coûts et des contraintes politiques que cela comporte, ce qui signifie que nous devons dès maintenant mettre le cap sur des politiques robustes pour envoyer le message qu'on ne peut plus émettre de gaz à effet de serre. De plus, ces politiques doivent être mises en vigueur immédiatement après l'adoption de cette loi.
    Merci. Je vais m'arrêter là.
(1815)
    Merci infiniment, monsieur le professeur.
    Il nous reste un peu plus de 68 minutes, donc nous avons 68 minutes pour poser des questions et sans plus tarder, nous allons céder la parole à M. McGuinty, qui va partager son temps avec M. Godfrey pour ses sept premières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également tous nos témoins.
    Merci, monsieur Jaccard. Je suis content de vous revoir à la télévision.
    Monsieur Jaccard, j'aimerais revenir à vos observations sur l'importance de faire en sorte que toutes les mesures obligatoires que vous recommandez, par exemple, et je vais y revenir dans une seconde, s'inscrivent dans leur vaste contexte politique. L'une des difficultés pour notre comité, c'est que le gouvernement annonce des décisions politiques au moment même où notre comité entreprend son étude. La semaine dernière seulement, le premier ministre a annoncé de nouvelles normes pour les véhicules d'ici 2011. Aujourd'hui, il a ré-annoncé la création du fonds de partenariat de notre gouvernement, qui comprendra, semble-t-il, 1,5 milliards de dollars répartis entre les programmes de qualité de l'air et de réduction des gaz à effet de serre. Nous ne savons pas encore comment cet argent sera réparti, cela reste à définir.
    Je m'inquiète un peu de voir le gouvernement prendre de telles décisions et le premier ministre, faire ces annonces politiques. J'aimerais surtout savoir maintenant comment la politique que le gouvernement vient d'annoncer va nous permettre d'atteindre les objectifs. Le gouvernement n'a fait aucune annonce d'objectifs immédiats, à moyen terme ou à long terme. J'aimerais donc vous demander quelles seraient les mesures obligatoires que nous devrions adopter, selon vous, pour partir du bon pied. Vous avez dit qu'il fallait contraindre les gens par voie de règlements.
    Ma deuxième question porte sur l'objectif. Le seul témoin d'aujourd'hui qui nous a donné un objectif est le porte-parole de Greenpeace, qui nous a dit qu'il aimerait voir le pays respecter l'objectif de Kyoto. Quel est l'objectif que vous recommandez pour le peuple canadien?
    Merci.
    Vous avez parlé du fait que le gouvernement nous arrive avec des politiques, alors même qu'il est engagé dans tout le processus d'adoption de ce projet de loi. Je voudrais seulement dire que si le précédent gouvernement minoritaire libéral a pu réaliser des progrès grâce à certaines mesures, en nous montrant en quelque sorte la voie à suivre, j'aimerais que le gouvernement actuel continue en ce sens, si possible. Je pense au programme des grands émetteurs finaux. Je n'aime pas voir qu'on stagne. De même, j'ai déploré que les normes de la politque relative aux émissions des véhicules soient d'application volontaire. J'aimerais qu'on rectifie le tir.
    Je comprends ce que vous voulez dire; je viens moi-même d'entendre ces annonces. Je serais bien curieux de savoir en quoi, par exemple, l'écoFiducie, ou quel que soit son nom, diffère des programmes de subvention que j'avais commencé à critiquer lors de leur mise en oeuvre dans la foulée du Projet Vert, que vous connaissez bien, assurément. Cela nous a pris quelques mois, mais nous avons analysé le Projet Vert au moyen de simulations portant sur les subventions — le Fonds pour le climat, etc. —, et cela nous a rendus plutôt sceptiques quant aux prétendus impacts attendus. Je compte donc soumettre les nouvelles politiques au même type d'analyse, et j'aimerais savoir à quel genre d'évaluation on a procédé avant de les présenter.
    Vous m'avez également demandé quelles politiques on devrait instaurer. Sans me lancer dans de longues explications, je vous demanderais de vous reporter à la cinquième diapositive du document que vous avez devant vous, qui s'intitule : « Politiques sur la réglementation sectorielle axée sur le marché ». La première initiative est ce que j'appelle une norme de gestion du gaz carbonique. On pourrait appeler cela un système de plafonnement et d'échange en amont, que j'ai décrit plus tôt. Quant à la deuxième, la norme relative aux émissions des véhicules actuellement mise en oeuvre en Californie par Arnold Schwarzenegger, je l'appliquerais à l'ensemble du secteur des transports, voire même aux transports aériens, ce qui pourrait impliquer l'utilisation de biocarburants ou autres. La norme de construction est également un autre moyen de réduire les émissions. Encore une fois, décrire ces politiques dans le détail serait très long, et je ne souhaite pas aller trop loin. Mais je pourrai y revenir.
    Enfin, vous m'avez interrogé sur la cible et sur l'analyse à laquelle j'ai procédé; la dernière diapositive en fait état. Mon groupe a également travaillé, en partie pour la Table ronde nationale sur l'environnement, en partie de façon indépendante, à trouver par quels moyens le Canada pourrait faire ces réductions considérables d'ici 2050. Cet exercice nous a permis de constater encore une fois que cela pourrait coûter très cher; il est donc important de comprendre qu'une cible fixée pour le Royaume-Uni, ainsi que les coûts qu'elle suppose, peut être très différente d'une cible propre au Canada. Ici, où les taux de croissance économique et démographique sont plus élevés, et où l'industrie des énergies fossiles est en expansion, il pourrait être bien plus dispendieux d'inverser la tendance.
    J'espère avoir répondu aux trois questions que vous m'avez posées.
(1820)
    Vous n'avez pas répondu à la dernière. Quelle cible recommandez-vous pour le Canada?
    Je n'en recommande aucune. Mon objectif est d'informer le pays des coûts marginaux des différents niveaux cibles. D'après la cible qui apparaît dans le schéma que vous avez sous les yeux, nous devrions imposer une taxe au gaz carbonique, ou l'équivalent, correspondant à environ 180 $ par tonne de dioxyde de carbone. Nous devrions atteindre cet objectif vers l'an 2020, pour voir nos émissions réduites d'environ 60 p. 100, je crois, par rapport à leur niveau actuel, ou de 80 p. 100 par rapport à ce qu'il sera dans l'avenir.
    Je suis expert en analyse des coûts d'abattement. On doit ensuite mettre ceux-ci en rapport avec les données relatives aux impacts sur l'environnement, mais je ne suis pas prêt à le faire.
    Puis-je demander à notre témoin de la Chambre de commerce du Canada, Mme Hughes Anthony... Pardonnez-moi, je n'ai pas mes lunettes. C'est un plaisir de vous revoir, Nancy.
    Je voudrais seulement vous demander quelle est, selon vous, la position actuelle de la plupart des industries canadiennes. Vous suivez le dossier depuis un certain temps et avez participé aux tables de concertation sous notre ancien gouvernement. J'ose affirmer que vous avez joué un rôle dans l'élaboration du Plan vert, que notre gouvernement a finalement annoncé.
    Puis-je dire qu'il est bien connu que la Chambre de commerce du Canada n'a jamais appuyé le Protocole de Kyoto?
(1825)
    Si je puis répondre, monsieur le président; non, je pense que c'est faux. Vous avez dit, à juste titre, que la Chambre de commerce du Canada et bien d'autres associations d'entreprises se sont jointes, à l'époque de la ratification du protocole, en 1997, à de nombreuses tables rondes, groupes de discussion et consultations de toutes sortes organisées par le gouvernement, afin d'en arriver à une conclusion commune quant au type de plan à adopter.
    C'était en 1997, il y a dix ans. Nous avons perdu toutes ces années à discuter, faire des plans et j'en passe. Je pense qu'entre-temps, le milieu des affaires canadien est devenu très conscient du problème des gaz à effet de serre et qu'il a, dans bien des cas, pris un certain nombre d'initiatives.
    Quand on nous a demandé — probablement à l'époque de la ratification, en 2002 — si nous pouvions appuyer le Protocole de Kyoto, nous avons été obligés de dire que nous pensions que le Canada serait incapable de respecter les cibles et les échéanciers auxquels il s'était engagé en vertu du protocole sans causer de sérieux dommages à économie canadienne. Sans conteste, nous demeurons du même avis aujourd'hui.
    Mais nos membres sont-ils soucieux de réduire les gaz à effet de serre? Absolument. J'aimerais donc insister sur le fait qu'on a déployé beaucoup d'efforts en ce sens, et ce que j'ai dit aujourd'hui, c'est que nous sommes convaincus que nos membres approuveraient l'établissement de cibles accompagnées de normes d'application rigoureuses. Je tenais à le rappeler.
    Avant que nous ne poursuivions, j'aimerais préciser aux gens à l'arrière qu'il y a d'autres sandwichs ici; vous pouvez vous servir.

[Français]

    Monsieur Bigras, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-30, qui porte sur les cibles. Naturellement, au cours des prochaines semaines, le gouvernement annoncera probablement des cibles, dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, pour les secteurs industriels, qu'il va juger audacieuses. Cependant, le gouvernement a été clair dans son avis d'intention du 16 octobre 2006: ces cibles seront basées sur l'intensité. Les indicateurs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent donc tenir compte de la production. Or, le Protocole de Kyoto ne tient pas compte des cibles basées sur l'intensité, mais plutôt sur la valeur absolue des réductions.
    Ma question s'adresse plus particulièrement à M. Martin. Avez-vous fait des projections sur l'écart qui va être créé entre les cibles basées sur l'intensité et celles basées sur la valeur absolue telles que celles prévues dans le Protocole de Kyoto? Jusqu'à quel point la méthode que s'apprête à utiliser le gouvernement va-t-elle nous éloigner des objectifs de Kyoto?

[Traduction]

    Merci de votre question.
    Afin de mettre cela en perspective, laissez-moi vous parler du cas de l'Alberta. C'est de là que viennent les cibles basées sur l'intensité, dans la foulée du plan sur les changements climatiques du gouvernement albertain, en 2002.
    Je crois que ce plan souligne le fait que les cibles basées sur l'intensité sont simplement un moyen de détourner l'attention de la nécessité de réduire le niveau absolu des émissions. Les cibles basées sur l'intensité de l'Alberta visent des réductions de 16 p. 100 d'ici 2010 et de 28 p. 100 en 2020, mais ces cibles permettraient des augmentations des émissions réelles de l'ordre de 34 p. 100 en 2010 et de 38 p. 100 en 2020. Voilà les prévisions.
    Je pense que cela montre que les cibles basées sur l'intensité sont trompeuses, fausses et, en fin de compte, inutiles. Il nous faut des niveaux de réduction absolus. Ainsi, nous pourrions mieux comprendre l'impératif environnemental et le fait que les cibles dont j'ai parlé, soient les réductions de 30 p. 100 avant 2020 et de 80 p. 100 d'ici 2050, reposent sur des calculs scientifiques.
    Je conçois que M. Jaccard ne s'occupe pas de cet aspect, mais la communauté internationale et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, notamment, s'en chargent. C'est pour cela qu'il nous faut des réductions des émissions absolues, et non des cibles basées sur l'intensité.
    Merci.
(1830)

[Français]

    Ma deuxième question s'adresse à Mme Hughes Anthony.
    Vous nous avez dit que vous souhaitiez que le Canada adopte une approche intégrée basée sur le fait que l'énergie et l'environnement doivent être pris en considération. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cependant, quand on lit le dernier rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable, on en apprend beaucoup sur le type de politiques que nous devrions adopter au Canada.
    Mme Gélinas a dit clairement qu'à partir du moment où les provinces produisent et distribuent et qu'elles sont le lieu où la consommation se fait, inévitablement, ces dernières doivent être impliquées dans toutes politiques de lutte contre les changements climatiques, parce que c'est là, en grande partie, que les décisions se prennent.
    Quel rôle croyez-vous que les provinces devraient jouer dans le cadre d'une politique canadienne de lutte contre les changements climatiques? La meilleure façon d'améliorer notre bilan de réduction de gaz à effet de serre est-elle de mettre les provinces dans le coup, de leur indiquer clairement qu'il faut qu'il y ait une réduction de gaz à effet de serre par territoire et qu'elles doivent atteindre un objectif?
    Inévitablement, on pourrait avoir une politique d'interconnexions est-ouest sur le plan énergétique, j'en conviens, mais la réalité est que les décisions se prennent dans les provinces et la production se fait dans les provinces. Si les provinces ne sont pas dans le coup, on risque de répéter la triste histoire que nous connaissons aujourd'hui.
    Je demanderais à mon collègue M. Murphy de répondre.

[Traduction]

    Je ferai seulement quelques brèves remarques.
    Je constate que lorsqu'il s'agit d'élaborer et de planifier des politiques publiques relatives aux changements climatiques, on doit tenir compte d'un grand nombre d'intervenants. Depuis un certain temps maintenant, on discute des paliers de gouvernement autres que le fédéral.
    Il est clair que si vous admettez notre prémisse que les considérations énergétiques et économiques doivent faire partie de la discussion, il faut cesser de parler de la question dans une perspective compartimentée, si l'on peut dire, ce que nous avons trop fait depuis le début.
    Les gouvernements provinciaux doivent jouer un rôle capital ici, pas seulement pour ce qui est d'évaluer les cas particuliers qui pourraient surgir avec des mesures comme les accords d'équivalence provinciaux, qui sont, selon nous, d'une grande importance pour traiter des règlements dans le contexte approprié, mais aussi pour garantir l'application de principes de base afin que le Canada prenne les bonnes décisions.
    Dans le domaine de l'énergie, les rôles joués par les provinces posent problème. Aujourd'hui, bon nombre de nos membres traitent avec elles. Les gouvernements provinciaux sont des acteurs importants pour ce qui est des deux domaines dont il est question dans le projet de loi C-30 , à savoir les émissions atmosphériques et les gaz à effet de serre.
    Tout au long du processus, nous avons fait valoir la nécessité de vous assurer que certains intervenants sont suffisamment engagés sur le plan stratégique. Je dirais que les gouvernements provinciaux figurent en tête de liste.

[Français]

    Si vous me le permettez, je voudrais simplement ajouter ceci. Si je comprends bien, monsieur Bigras, vous suggérez qu'il y ait des objectifs ou des cibles par territoire. Je ne peux pas voir comment cela peut fonctionner, parce que les ressources énergétiques sont partout au pays. C'est par hasard qu'il y a l'électricité au Québec et le gaz naturel en Alberta.
    Les ressources naturelles ne sont-elles pas de compétence provinciale, madame Anthony?
    C'est exact.

[Traduction]

    Je suis désolé; je vais devoir vous arrêter là.

[Français]

    Il faut néanmoins un plan pancanadien.
    Oui, c'est vrai.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je cède la parole à M. Cullen; vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Madame Hughes Anthony, combien la Chambre de commerce du Canada compte-t-elle de membres?
(1835)
    Elle regroupe 350 chambres de commerce locales, un peu moins de 1 000 entreprises et autour de 65 associations représentant diverses industries.
    Lorsqu'il est question des normes s'appliquant aux plus importants pollueurs du pays, les grands émetteurs finaux, le gouvernement reste muet quant à leur nombre, mais normalement, ils sont moins de 50. Vous pouvez même réduire ce chiffre pour ne retenir que les plus grands pollueurs. Étant donné que nous parlons des aspects financiers de cette proposition et des recommandations que nous souhaitons intégrer au projet de loi — comme vous le savez, je crois, mais il y a de nombreux sceptiques —, votre organisation a-t-elle mesuré les répercussions économiques potentielles pour les petites et moyennes entreprises, si le réchauffement du climat se poursuit?
    Nous n'avons pas fait de tels calculs. Nous ne sommes pas une organisation scientifique, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles...
    Je parle de calculs économiques, pas de calculs scientifiques.
    Non, nous n'avons pas fait ces calculs, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons collaboré avec Pollution Probe pour ce modeste document. Nous sommes très préoccupés par le fait qu'on a mis énormément d'accent, ces dernières années — pendant la période de planification —, sur les grands émetteurs finaux, même si c'est tant mieux. Je sais que sous le gouvernement précédent, il y avait eu un processus par lequel bon nombre de ces grands émetteurs finaux discutaient activement avec le gouvernement. Cependant, à notre avis, toute la question des PME n'a pas vraiment été soulevée. D'ailleurs, beaucoup d'entre elles ne considèrent même pas qu'il s'agit d'un problème qui les touchera d'une manière ou d'une autre.
    Croyez-vous que ce sera le cas?
    Je crois qu'il est important de soulever la question pour pouvoir amorcer le dialogue. C'est pourquoi, je le répète, nous avons collaboré avec Ken Ogilvie, de Pollution Probe, dans le but de jeter au moins les bases d'un certain document qui décrit les rôles que chacun doit assumer.
    Je viens d'une région rurale du Canada où l'on dépend beaucoup de l'industrie forestière, et les chambres de commerce de ma région se rongent les sangs face à ce qui se produit dans nos forêts du nord de la Colombie-Britannique. L'économie est mise à rude épreuve.
    Lorsque des dirigeants de l'industrie forestière et certains chercheurs ayant travaillé pour eux ont comparu devant notre comité, nous leur avons demandé s'il y avait une corrélation entre les changements climatiques et l'épidémie de dendroctone du pin: ils ont répondu sans hésiter que oui.
    À la lumière du rapport Stern et de la question des conséquences néfastes sur l'économie — conséquences que votre organisation a, je crois, associées au respect des obligations du Protocole de Kyoto —, cet argument n'a-t-il pas deux facettes? L'envers de la médaille, c'est que les préjudices économiques potentiels, surtout pour nos PME, seront tout aussi graves si nous nous gardons de réagir.
    Bien sûr.
    Seulement, je ne pense pas que ce soit le moment pour nous, que nous soyons politiciens, groupes d'entreprises, scientifiques ou autres, d'essayer de polariser les groupes en disant que certaines façons de faire sont avantageuses et d'autres pas. Nous devons passer à l'action. À cet égard, nous sommes nombreux, autour de cette table, à convenir que la science révèle que nous ferons face à des défis considérables, comme les scientifiques l'ont souligné aujourd'hui. On doit envoyer des signaux aux consommateurs et aux petites entreprises et, comme nous l'avons dit très clairement, nous admettons que le gouvernement doit fixer des cibles de manière responsable. On l'a affirmé haut et clair.
    Parlons un peu de ces cibles...
    Je ne pense pas que nous ayons besoin d'études supplémentaires sur les conséquences de telle mesure par rapport à telle autre; voilà la réalité, et nous devons conjuguer nos efforts dans un même objectif.
    Votre organisation est-elle favorable à un système d'échange de droits d'émissions?
    Nos membres pensent qu'on devrait mettre en place des mécanismes de marché souples.
    Je ne crois pas qu'on s'entende pour dire qu'un système international permettant d'envoyer de l'argent à l'étranger serait particulièrement fructueux.
    Votre organisation est-elle en faveur d'un système d'échange de droits d'émissions? Si vous n'avez pas de politique à cet égard, vous pouvez nous le dire.
    Je vais consulter mon collègue. Je crois que la réponse est oui, mais il s'agirait d'un système national et non international.
    Cette précision n'est pas nécessaire. Mais certains de vos membres, au moins, acceptent l'idée d'un système d'échange de droits d'émissions.
    Ce système est-il applicable sous un régime basé sur l'intensité?
    Pourquoi pas?
    Je renverrais peut-être la question à M. Martin.
    Connaissons-nous des régimes nationaux basés sur l'intensité qui permettraient aussi l'échange de droits d'émissions? Habituellement, les termes « plafond » et « échange » sont associés. Comment peut-on réaliser cela sous un régime basé sur l'intensité?
    Comprenez-moi bien: les analyses d'intensité peuvent être utiles. Elles sont une indication de...
(1840)
    Quelque chose.
    Oui, de quelque chose qui se produit d'une manière ou d'une autre. Mais si vous voulez une analyse claire et nette quant à l'évolution de la situation, je pense que cette analyse devrait être fondée sur des niveaux absolus.
    Y a-t-il des systèmes d'échange ayant fait leurs preuves qui utilisent des cibles basées sur l'intensité?
    Je pense que oui.
    Pouvez-vous en citer un?
    Je suis désolé, j'en suis incapable. Mais je serai heureux de vous faire parvenir de l'information là-dessus.
    J'aimerais m'adresser à M. Jaccard un moment.
    Le gouvernement actuel prône le concept des cibles mesurées en intensité. L'ancien plan libéral prévoyait lui aussi de telles cibles.
    Fait-on preuve d'honnêteté intellectuelle lorsqu'on parle de cibles basées sur l'intensité tout en évoquant, d'un autre côté, nos obligations en vertu de l'accord de Kyoto?
    Oui. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas atteindre notre objectif avec des cibles basées sur l'intensité.
    Vous m'avez demandé un exemple précis. Aucun ne me vient à l'esprit, mais ces 10 dernières années, j'ai effectué de nombreuses analyses au sujet de ces systèmes. On peut établir — et je pense que nous en sommes là — des cibles basées sur l'intensité.
    Vous m'avez aussi demandé si cela pourrait nous permettre d'atteindre la cible de Kyoto. Un plafond absolu permet de prévoir avec davantage de certitude les conséquences sur l'environnement; quant à une cible mesurée en intensité, une fois celle-ci fixée, on aura peut-être à la relever au fil du temps. Pour atteindre les objectifs établis dans le protocole de Kyoto, on devra adapter ce mécanisme à l'évolution de la situation, car il ne permet pas de déterminer ce que sera exactement le niveau d'émissions.
    Votre temps est écoulé, monsieur Cullen. Je suis désolé.
    Monsieur Warawa, c'est votre tour; vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aussi à nos témoins de leur présence parmi nous.
    Mes deux questions portent sur les technologies nécessaires pour assainir l'environnement et sur les cibles basées sur l'intensité. Elles s'adressent surtout à MM. Jaccard et Wood.
    Monsieur Jaccard, vous avez témoigné devant le comité au sujet du projet de loi C-288. En fait, j'ai demandé à tous nos témoins si le Canada pouvait atteindre les cibles de Kyoto. Tous, sauf un, ont répondu que non.
    À ce sujet, on rapporte, dans le National Post du 9 février, cette déclaration que vous avez faite:
Pour atteindre les cibles de Kyoto, il faudrait détruire le tiers des immeubles et des équipements dans notre économie au cours des quatre prochaines années.
    Plus loin dans l'article, on vous cite comme suit:
L'achat de crédits internationaux dans un délai de quatre ans est pratiquement impossible, car il faudra bien les acheter à quelqu'un. Quelqu'un, quelque part, devra avoir réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, et nous devrions pouvoir vérifier ce fait. C'est vraiment difficile.
    Tout d'abord, cette citation est-elle juste?
    Ma première question concerne l'objectif de Kyoto, qui suscite de nombreux débats. J'ai cru comprendre, d'après votre précédent témoignage, que nous avions raté l'occasion d'être en mesure de l'atteindre, et que nous devions donc déterminer des cibles réalistes reposant sur des politiques. Quelles technologies devrions-nous utiliser, selon vous, pour véritablement parvenir à réduire les gaz à effet de serre?
    Oui, la citation est exacte. D'un côté, je fais allusion à la réduction des émissions nationales. Mon groupe de modélisation a été parmi les groupes retenus dans le cadre du Processus national du changement climatique, en 1998-1999, pour évaluer la capacité du Canada à atteindre l'objectif de Kyoto. À l'époque, en effectuant des simulations à partir de notre modèle, nous avons découvert qu'il nous faudrait imposer l'équivalent d'une taxe sur les gaz à effet de serre de 120 $ à 150 $ par tonne de dioxyde de carbone, taxe qui aurait dû être instituée en 2000. Même à l'époque, nous n'étions pas certains que le Canada pourrait atteindre l'objectif dans ce laps de temps si court. Les raisons sont liées au roulement du capital national — et du temps assez long qu'il faudra avant de pouvoir échanger nos crédits d'émissions.
    En ce qui concerne l'échange de crédits, je ne m'étendrai pas là-dessus, mais le problème, c'est qu'avec les permis échangeables, c'est comme pour les devises: il faut un certain niveau de confiance. On voit ce qui se passe en Europe aujourd'hui; il faudra encore plus de temps avant que cela se produise sur le plan international. Je pense que, le cas échéant, le Canada achèterait surtout des crédits au marché européen, et nous pourrions assister à d'importantes pressions à la hausse sur les coûts. En outre, j'ai bien peur que, politiquement, il soit très difficile pour le gouvernement canadien d'envoyer beaucoup d'argent à l'étranger.
    Vous m'avez interrogé à propos des technologies. Je dirai simplement que nous disposons de nombreuses technologies qui pourraient faire baisser radicalement nos émissions d'ici 40 ans ou plusieurs décennies, à condition de commencer immédiatement à appliquer des politiques contraignantes, ce que je recommande. Ces technologies font appel à l'énergie nucléaire probablement, à tous les types de carburants renouvelables, à l'efficacité énergétique et à l'utilisation de combustibles fossiles à émissions nulles grâce au captage et au stockage du carbone. Toutes sont viables et entraîneraient une hausse gérable des coûts énergétiques, qui s'établirait à moins de 1 p. 100 par année.
(1845)
    Merci, monsieur Jaccard.
    Je m'adresse maintenant à M. Wood. Vous avez déclaré, au cours de votre exposé, que nous devions utiliser la totalité des technologies et des moyens écoénergétiques à notre disposition. Pourriez-vous élaborer, s'il vous plaît?
    Bien sûr. L'analyse que nous avons faite concernant les moyens de réduire nos émissions de 60 p. 100 d'ici 2050 portait essentiellement sur tout l'arsenal d'options technologiques. Elle a permis de conclure qu'étant donné l'étendue et la nature du problème, nous devions utiliser toutes les technologies possibles. Je précise que nous sommes partis du principe d'effectuer une analyse basée sur les technologies actuelles et ce qu'on savait de leur niveau de développement et d'utilisation. Nous n'anticipions l'arrivée d'aucune technologie novatrice. Tous ces moyens devaient donc être mis à contribution, même si certains étaient plus valables que d'autres.
    Nous avons indiqué trois priorités stratégiques que le Canada devrait adopter. La première visait l'efficacité énergétique, la plus importante parmi les mesures de réduction dont j'ai parlé. Elle faisait appel à plusieurs outils et touchait certains des aspects dont M. Jaccard a parlé tout à l'heure. Elle portait sur l'efficacité énergétique dans le domaine des transports et de la construction, et elle représentait la plus grande contribution à la réduction globale des émissions.
    La deuxième priorité concernait le captage et le stockage du carbone. Ainsi, nous avons classé la production d'énergie des secteurs pétrolier et gazier seconde priorité stratégique essentielle en matière de technologie.
    La troisième priorité s'appliquait au secteur de la production d'électricité en général et à la nécessité d'y intégrer une approche davantage décentralisée et répartie, fondée sur la cogénération et les énergies renouvelables. Pratiquement toutes les techniques de production d'électricité actuelles connues devraient être mises à contribution. On devrait assister à l'accroissement de l'utilisation de plusieurs d'entre elles, surtout les énergies renouvelables et la cogénération.
    Votre temps est écoulé, monsieur Warawa.
    Monsieur Godfrey, je vous en prie.
    Monsieur Jaccard, j'aimerais seulement m'assurer que j'ai bien saisi certains éléments. Premièrement, j'en déduis que vous n'êtes pas contre la participation du Canada à un régime international comme celui de Kyoto; c'est seulement la façon dont nous nous y prenons pour fixer nos cibles qui vous gêne, n'est-ce pas?
     Absolument. Il faut faire la distinction entre la nécessité, pour le Canada, de participer à l'effort international de lutte contre les changements climatiques — que j'appuie entièrement, comme je l'ai toujours fait — et les erreurs qu'il peut avoir commises en établissant des cibles ou en tentant de les atteindre. Cela nous a placés dans une impasse. Ce qui est malheureux, selon moi, c'est que les gens associent notre capacité à respecter ou non nos obligations à l'égard de l'accord de Kyoto au fait que l'on se soucie ou pas des mécanismes internationaux.
    L'analyse que j'ai faite en 2000 m'a révélé que si le gouvernement n'instaurait pas cette taxe, nous n'allions pas atteindre les objectifs de Kyoto; j'en suis donc conscient depuis sept ans. En même temps, je demeure un ardent défenseur des accords internationaux.
(1850)
    C'est bien.
    Ma seconde question porte sur le fait que d'après vous, pour être logiques et empêcher les dérapages, nous ne devons pas simplement nous concentrer sur les 50 p. 100 d'émissions provenant de l'industrie — en bonne partie de la production électrique, pétrolière et gazière en amont et des autres grands émetteurs finaux —, mais aussi sur les 50 p. 100 restants, soit les transports privés et commerciaux, l'agriculture et les déchets. Ainsi, nous contrôlerions la totalité des émetteurs, et c'est ce à quoi nous devons nous employer.
    Je suis d'accord avec vous, et je pense que cette seconde moitié, qui me préoccupe, pourrait nous causer du tort.
    J'aimerais vous poser une troisième question: dois-je conclure de votre analyse que vous n'êtes pas contre les cibles, mais que nous prenons le problème à l'envers? C'est comme l'histoire de la poule et de l'oeuf. Ce que vous nous dites en réalité, c'est que le degré de coercition qu'on appliquera à ces mesures sera déterminant pour l'atteinte des cibles. Autrement dit, c'est la politique qui déterminera l'objectif. Vous n'aimez tout simplement pas les cibles mouvantes. Ai-je bien résumé votre pensée?
    Tout à fait.
    Très bien.
    Alors, je veux seulement m'assurer que, puisque vous êtes en faveur d'un système international, vous ne vous opposez pas, en principe, à ce que le Canada participe à un système d'échange international éprouvé. Vos préoccupations concernent simplement les outils employés à court terme. L'idée que l'industrie canadienne puisse passer par une phase de transition en acquérant des crédits par une additionalité vérifiable, pour ainsi dire, ne vous déplaît pas.
    C'est vrai, bien que j'utiliserais le mot « vérifiable » avec précaution, car j'ai quelques réserves à l'égard de ce que nous définissons comme des compensations et ce, en général, qu'on les accorde au Canada ou ailleurs.
    Je vais vous interroger un peu plus en profondeur. Vers la fin de votre exposé, vous avez déclaré que nous devions immédiatement instaurer des politiques contraignantes qui s'appliqueraient à l'ensemble des émetteurs, et non à la moitié d'entre eux. Peut-on en déduire que si nous imposons des politiques contraignantes à court terme à tous les émetteurs, nous pouvons nous attendre à des résultats prévisibles — en fait, mesurables — à brève échéance, que nous pourrions qualifier de cibles?
    Oui, bien que je ne comprenne pas ce que vous entendez par « politiques à court terme ». À mes yeux, dans ce contexte, il est question de politiques impliquant des transformations technologiques; elles sont donc inévitablement à long terme, et commencent aujourd'hui.
    C'est vrai. Laissez-moi donc me corriger et m'assurer que je vous ai bien compris. Si l'on commence par adopter des politiques appropriées à court terme — en tenant pour acquis qu'on les maintiendra, qu'on n'en déviera pas et que les gens pourront donc mieux s'y conformer —, on sera sur la bonne voie, mais cela donnera aussi des résultats à court terme que nous pourrons mesurer, et même qualifier de cibles.
    Oui, et on peut trouver cela dans le diagramme de la page 6, que je vous ai remis. Vous pouvez voir les différentes années qui y figurent, mais veuillez garder à l'esprit que beaucoup d'incertitude entoure ces valeurs. Il s'agit de prévisions concernant la réaction de l'économie à certaines politiques.
    Mais nous devons agir maintenant, à brève échéance, en vue du long terme.
    Cela me ramène à vous, madame Hughes Anthony. Si nous devions aller de l'avant avec cette approche, voyez-vous un problème à ce que l'on mette en oeuvre le plus tôt possible des politiques contraignantes à court terme, qui auraient aussi des effets à long terme? Avez-vous des réserves au sujet des propos de M. Jaccard?
    Non, mais je pense que M. Wood a fait remarquer que si l'on doit fixer des cibles à court terme, il faut les insérer dans un cadre stratégique à long terme — si je vous ai bien compris, monsieur Wood. Je ne suis pas sûre que nous disions la même chose, monsieur Godfrey, mais j'approuve la remarque de M. Wood.
    Puis-je poser une brève question? Il vous suffit de répondre par oui ou par non.
    Le milieu des affaires a-t-il vraiment, dans les années 1990, fait pression en faveur d'un système d'échange d'émissions de gaz à effet de serre pour permettre aux entreprises d'ici d'effectuer ces transitions plus en douceur?
(1855)
    Je suis désolée, mais je ne connais pas la réponse à cette question, monsieur Godfrey. Je peux m'informer, si vous le voulez.
    Monsieur Jean, vous avez cinq minutes; allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Pour commencer, j'aimerais poser une question à M. Martin. Le Canada est responsable de moins de 2 p. 100 des gaz à effet de serre dans le monde. Est-ce exact?
    Oui.
    Et vous nous dites que nous pourrons respecter nos engagements à l'égard de Kyoto d'ici 2008 à 2012?
    Oui, je crois que c'est possible.
    Croyez-vous qu'on peut respecter ces engagements sans recourir à des crédits internationaux?
    Les crédits internationaux devront faire partie de la solution.
    En somme, il nous faudra envoyer de l'argent aux pays du tiers-monde et en voie de développement pour atteindre nos cibles de l'accord de Kyoto et aider ces pays à bâtir des industries plus efficaces sur le plan énergétique. En fait, je pense que vous avez recommandé qu'on ne leur envoie pas de l'argent qu'ils pourront consacrer aux projets qu'ils veulent, mais plutôt des fonds qui leur permettront de construire des usines davantage écoénergétiques, entre autres.
    La réalité, c'est que le dioxyde de carbone ne s'arrête pas au 49e parallèle et ne connaît aucune frontière. Si nous pouvions faire des investissements qui amélioreraient l'efficacité énergétique ailleurs, à l'étranger, ce serait aussi bien. Cependant, nous ne croyons pas qu'on devrait investir dans l'achat de droits d'émissions, mais dans des technologies véritablement efficaces pour réduire les gaz à effet de serre.
    Je comprends.
    La Chine est responsable d'environ 17 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.
    Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais cela me semble...
    C'est à peu près cela.
    Et l'Inde de 11 à 12 p. 100. Est-ce vrai?
    Oui.
    En fait, les Chinois, par exemple, inaugurent actuellement une centrale alimentée au charbon par semaine. Je pense qu'ils en construisent une en ce moment-même, n'est-ce pas?
    Je ne saurais vous le dire. Je pense qu'ils accroissent aussi radicalement leur production d'énergies renouvelables.
    Dans certaines régions de la Chine, des gens naissent et meurent sans avoir jamais vu le ciel, car l'air est trop pollué.
    L'une des plus grandes réussites auxquelles nous assistons maintenant, en ce qui concerne le Protocole de Kyoto, c'est le mécanisme de développement propre. En Chine, on a massivement recouru à ce soi-disant mécanisme souple du protocole.
    Je comprends, mais d'un côté, les Chinois construiront des centrales au charbon à raison d'une par semaine, entre autres choses polluantes, et de l'autre, nous allons leur envoyer de l'argent pour qu'ils fassent des usines plus efficaces sur le plan énergétique. Il semble quelque peu étrange que nous investissions dans la technologie là-bas, au lieu d'investir ici-même pour faire ce que nous avons à faire, car notre cour n'est pas nettoyée. C'est ensuite que nous pourrons leur envoyer la technologie.
    Je n'ai rien à redire là-dessus. La communauté environnementale a vigoureusement fait valoir que nous devrions agir ici d'abord, avant de nous occuper des autres pays.
    Votre groupe a-t-il calculé les coûts que représente l'atteinte des objectifs du Protocole de Kyoto d'ici 2008 à 2012? Avez-vous fait faire ces calculs par des professionnels?
    Non, nous ne sommes pas certains de l'argent qu'il faudra. En revanche, nous sommes sûrs que les coûts seront bien plus élevés si nous n'investissons pas.
    À long terme, absolument.
    Votre groupe propose de réduire les émissions de 800 mégatonnes par année, dès 2007.
    Nous en sommes à 800 mégatonnes environ. En 2004, c'était 758 mégatonnes.
    Vous savez que les sables bitumineux comptent pour environ 6 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.
    Je ne suis pas certain que ce pourcentage soit juste, mais je vous crois sur parole.
    Actuellement, ils sont responsables d'environ 20 à 30 mégatonnes d'émissions. Selon mes calculs, une réduction de 800 mégatonnes pour cette année seulement représente une assez grosse part du PIB.
    Allons-nous faire appel au nucléaire? Quels moyens proposez-vous? L'énergie solaire? Quel genre de technologie recommandez-vous?
    Tout d'abord, les règles du jeu doivent être équitables. Le gouvernement a fourni un appui non nécessaire pour les sables bitumineux et je pense que le secteur du pétrole n'a pas besoin de plus de subventions. Je pense qu'ils n'ont pas besoin de déduire 100 p. 100 de leurs coûts en capital dans les sables bitumineux...
    C'est une déduction du coût en capital accélérée. Cela ne fait qu'accélérer ce qu'ils peuvent faire à long terme. Cela accélère les choses. En fait, il ne s'agit pas d'une subvention. C'est simplement une dépréciation accélérée qu'ils peuvent comptabiliser afin de pouvoir déprécier les propriétés plus rapidement.
    Je comprends, mais la réalité de cette technologie, c'est qu'elle produit cinq fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel. Pourquoi devrions-nous donner des incitatifs pour ce genre d'activités dont l'impact environnemental est si mauvais.
    D'accord, ma dernière question, alors. Votre groupe et vous-même avez cité plusieurs sources, que j'ai ici, selon lesquelles le nucléaire devrait aussi cesser ses activités. Est-ce exact?
(1900)
    Eh bien, je ne dit pas que cela devrait cesser complètement. Nous ne nous attendons pas à ce que l'on ferme ces centrales demain, mais nous croyons que cela devrait être effectué par étape lorsque des centrales atteignent la fin de leur duré de vie, plutôt que de réinvestir dans ces infrastructures. Nous croyons assurément qu'il ne faudrait pas investir dans de nouvelles centrales nucléaires.
    En fait, si c'est bien ce que vous avez dit — et je pense que oui — « les centrales nucléaires ont été une suite tragique de fausses promesses, d'attentes non réalisées, de coûts énormes, d'accidents effrayants et de cauchemars environnementaux ». N'est-ce pas ce que vous avez dit?
    C'est une bonne citation.
    Et 50 p. 100 de l'énergie consommée en Ontario provient du nucléaire. Est-ce exact?
    Non, environ 40 à 50 p. 100 de l'électricité consommée provient du nucléaire.
    L'électricité, oui, je m'excuse.
    C'est exact.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Lussier, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Martin, j'ai bien apprécié le document de synthèse de Greenpeace. Dans votre conclusion, vous avez mentionné que l'objectif de 50 mégatonnes par année était nécessaire.
    Votre expertise est-elle allée jusqu'à décomposer ce 50 mégatonnes par année, territorialement ou selon les grands objectifs d'entreprises ou de pollueurs principaux? Avez-vous décomposé ce 50 mégatonnes?

[Traduction]

    Non, mais ce chiffre servait simplement à mettre en perspective ce que le fait d'atteindre nos cibles de Kyoto représente. En réalité, avec une projection de ce que sera la demande si les circonstances demeurent normales, l'objectif atteint sera plus élevé. Mais nous voulions souligner que c'est faisable. Il n'est pas inconcevable d'essayer d'atteindre nos cibles de Kyoto. Nous pouvons le faire et nous devrions le faire.
    Maintenant, quant à savoir comment y arriver par région ou par province, c'est une question difficile à répondre. Je crois que nous devrions chercher à atteindre les cibles selon les provinces et les régions, puis également à l'échelle du pays. Je crois que l'annonce qui a été faite aujourd'hui montre bien ce qui peut être accompli lorsque différents paliers de gouvernement se penchent sur un problème.

[Français]

    Avez-vous eu l'occasion d'étudier le Plan vert du Québec, qui a défini ses cibles selon les grandes catégories?
    Est-il possible de les atteindre? Est-ce réalisable?

[Traduction]

    Oui, je crois que c'est possible. Il est clair que le Québec occupe une position favorable avec sa capacité hydroélectrique. Cependant, le plan a été établi, c'est un plan rationnel, et je pense que nous en verrons les résultats. La province diminuera sa consommation à 80 mégatonnes pour le Québec, ce qui est la part du Québec pour atteindre les cibles de Kyoto. Cela peut être fait. Le Québec est un bon modèle pour le reste du pays.

[Français]

    Merci.
    Madame Hughes Anthony, le rapport de la Chambre de commerce est-il unanime?
    En ce qui a trait à votre exposé, la Fédération des Chambres de commerce du Québec a-t-elle écrit un rapport minoritaire dissident?
    Vous faites référence à un rapport. Notre position a été énoncée dans une résolution qui a été adoptée lors de notre congrès annuel. Plusieurs chambres de commerce de la province de Québec ont participé à notre congrès, y compris la Fédération des Chambres de commerce du Québec.
    Le Québec semble s'orienter vers une réduction de sa dépendance à l'égard du pétrole, et l'Ouest canadien semble plutôt promouvoir la croissance économique par les sables bitumineux.
    Ne croyez-vous pas qu'il y a une contradiction entre les deux écoles de pensée?
    À mon avis, il ne s'agit pas de deux écoles de pensée, mais de deux réalités. On ne peut changer du jour au lendemain la façon dont sont réparties les ressources naturelles entre les provinces ou les territoires.
    Pourtant, tout à l'heure, je vous ai bien entendu dire que la politique canadienne devrait s'appliquer équitablement ou également, sans distinction de provinces.
(1905)
    Comme l'a indiqué mon collègue M. Murphy, je pense aussi que chaque province a un rôle à jouer. Il n'y a pas de doute. Chaque province a des ressources énergétiques et des industries différentes.
    Je parle de la politique nationale.
    Considérons l'économie canadienne, comme un des députés l'a dit. Il est évident que le développement des ressources naturelles a un effet tout à fait positif sur l'économie canadienne dans son intégralité, y compris pour les Québécois et les Québécoises, je pense.
    C'est pourquoi je crois qu'il est difficile de déterminer des cibles par territoire sans reconnaître la distribution énergétique aux quatre coins du pays.
    Vous m'avez dit, tout à l'heure, qu'il ne faut pas causer de dommages à l'économie en restreignant trop l'exploitation pétrolière. Doit-on considérer cette approche, liée aux sables bitumineux, dans une perspective à long ou à court terme?
    Vous avez parlé de dommages à l'économie. J'en vois à court terme, mais il faut relier cela à la problématique mondiale des changements climatiques. Vous avez bien vu dans le rapport Stern ce qui nous attend dans 20 à 25 ans.

[Traduction]

    Répondez très brièvement, je vous prie.

[Français]

    Je suis complètement d'accord mais, à mon avis, il ne s'agit pas d'identifier un projet en particulier et de dire qu'il est le coupable. Les sables bitumineux ont contribué énormément à la croissance canadienne. L'année dernière, c'était à peu près 3 p. 100.
    Cela a aussi contribué aux émissions de gaz à effet de serre.
    C'est vrai. À mon avis, il faudrait plus de recherche, plus de développement de technologies afin que nous puissions bénéficier du développement et minimiser les gaz à effet de serre.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Désolé, monsieur Lussier, votre temps est écoulé.
    Monsieur Manning, vous avez cinq minutes, allez-y.
    Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.
    Monsieur Wood, étant donné que les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont augmenté de manière fulgurante au cours des 10 dernières années, est-ce que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie s'en remet, que ce soit d'une manière officielle ou non, au gouvernement fédéral?
    Comme je l'ai dit au début, il y a eu un certain nombre de rapports. La Table ronde est un comité consultatif, alors il offre son avis au gouvernement, lequel décide de faire ce qu'il juge approprié. Un certain nombre d'initiatives dans les années 1990 ont mis l'accent sur la résolution pratique des émissions de gaz à effet de serre, le transport, les échanges d'émissions et l'utilisation d'une politique fiscale. La Table ronde a également mis sur pied un forum national dont l'objectif consistait à réunir les membres de l'Ordre du Canada et d'examiner les données connues au sujet du changement climatique et d'essayer d'en arriver à un consensus sur les questions à aborder en premier pour les Canadiens. Il y a donc eu du travail continu durant cette période.
    La question a pris de l'ampleur, c'est clair, parce que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel s'en sont référés à la Table ronde. Ainsi, la plupart des analyses détaillées des options que le Canada pourrait choisir à long terme ont été élaborées depuis deux ans environ. C'est question est donc une préoccupation importante pour la Table ronde.
    Monsieur Martin, pour poursuivre dans la lancée de mon collègue, M. Jean, Buzz Hargrove, qui est venu témoigner ici la semaine dernière, a dit que le Canada émettait moins de 2 p. 100 des gaz à effet de serre qui sont émis à l'échelle de la planète. Je vais reprendre les propos de M. Hargrove. Voici ce qu'il a dit:
Aucun pays signataire du Protocole de Kyoto n'a réussi à atteindre les objectifs....
Même si le Canada prenait toutes les mesures possibles, il ne pourrait pas régler le problème à lui seul. Si les États-Unis et d'autres grandes puissances ne nous emboîtent pas le pas, la situation ne pourra pas s'améliorer. Pourquoi mettre en péril tout ce à quoi tiennent les Canadiens alors que d'autres pays ne fournissent aucun effort?
    J'aimerais vous demander ce que vous en pensez. Êtes-vous d'accord avec les propos de M. Hargrove?
    En fait, un certain nombre de pays sont en train d'atteindre leur cible. L'Allemagne a déjà diminué ses émissions de 17 p. 100 depuis 1990 . Le Royaume-Uni a réduit ses émissions de plus de 14 p. 100. Je crois que l'Union Européenne va aussi atteindre des résultats similaires. Donc, c'est inexact.
(1910)
    Quels pays ne sont pas prêts de respecter leurs engagements pris dans le cadre de Kyoto?
    Eh bien, le Canada est parmi les pires pays, mais il y en a d'autres aussi.
    Pouvez-vous en nommer quelques-uns?
    Parmi les pays qui sont pires que le Canada, il y a par exemple la Turquie, l'Espagne le Portugal.
    Merci.
    Je voudrais m'adresser maintenant au professeur Jaccard; beaucoup d'entre nous croyons que pour que les choses avancent, il faut respecter nos engagements de Kyoto, que c'est tout ou rien. Cependant, nous avons dépassé de 35 p. 100 ce que nous aurions dû faire. Je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous pensez de cela.
    Vous voulez savoir mon opinion sur quoi? Sur le fait qu'il faut respecter les engagements de Kyoto, que c'est tout ou rien?
    Oui, sur le fait que nous sommes en avance de 35 p. 100 et que malgré cela, on nous dit encore qu'il faut absolument respecter nos engagements de Kyoto, que c'est tout ou rien.
    Comme je l'ai dit plus tôt, je pense que nous n'atteindrons pas nos cibles de Kyoto ni que nous devrions acheter — du point de vue politique — les crédits qui nous permettraient de respecter nos engagements du Protocole de Kyoto.
    Je pense que le Canada devrait jouer un rôle de leadership aujourd'hui pour mettre en oeuvre les politiques sur les réductions des gaz à effet de serre et je pense aussi qu'il ne sert à rien d'élaborer des politiques qui ne sont pas obligatoires. Je crois également que nous devrions montrer l'exemple et travailler avec les États-Unis dans ce sens. Je pense qu'ils changeront leur position d'ici quelques années. Je pense que les États-Unis vont utiliser leur pouvoir commercial pour forcer les pays comme la Chine et l'Inde à se conformer.
    D'accord.
    Madame Hughes Anthony, en tant qu'intervenante importante, avez-vous des modifications à suggérer concernant ce projet de loi? Vous représentez un bon nombre de personnes qui font tourner le moteur économique du Canada. Avez-vous des amendements à suggérer qui viseraient le même objectif, soit la protection de l'environnement?
    Merci, monsieur Manning. Je ne me suis pas préparée pour vous proposer des modifications. Si c'est possible, je pourrais y penser et vous transmettre la réponse plus tard.
    Pourriez-vous fournir au comité, d'ici deux semaines, si vous le pouvez, les modifications que vous proposez?
    D'accord, merci.
    Merci.
    Votre temps est écoulé. Merci, monsieur Manning.
    Monsieur Scarpaleggia, pour cinq minutes, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais m'adresser à vous, monsieur Jaccard. Vous dites que ne nous pouvons atteindre nos cibles de Kyoto en achetant des crédits, n'est-ce pas?
    Oui. Je n'en ai pas la certitude, mais c'est ce que je pense.
    Croyez-vous qu'il s'agit d'une solution du type « tout ou rien »? Croyez-vous que si nous ne pouvons atteindre nos cibles de Kyoto en achetant des crédits, que nous ne devrions pas participer à ce marché du tout?
    Je ne me penche pas beaucoup à cette question. Je me penche plutôt sur ce que nous pouvons faire.
    Actuellement, je crois qu'il serait très bon pour les pays riches de se fixer par eux-mêmes des cibles très élevées et de mettre en oeuvre des politiques pour s'assurer que l'on atteigne ces cibles. C'est essentiellement ce qui se passe dans le monde. Les Européens agissent. Les Américains, les Australiens ou d'autres pays comme la Russie n'agissent pas, mais ces pays bénéficient de réductions passées.
    Il y a donc très peu de pays qui agissent actuellement. Je crois que le Canada doit entrer dans la ronde et commencer à agir. Je pense que nous pouvons aider le monde davantage en prenant des mesures drastiques pour le pays.
    Merci.
    Monsieur Martin, dans votre mémoire, vous avez dit que l'industrie, puisqu'elle est responsable de 50 p. 100 des émissions, devrait être tenue responsable pour réduire...?
    Réduire de 50 p. 100 ou plus de 50 p. 100. Je crois que nous devons établir un plafond fixe sur les émissions qui proviennent de l'industrie afin de nous harmoniser avec les niveaux de Kyoto.
    Je comprends ce que vous dites, mais pour moi, ce chiffre semble trop facile. C'est comme s'il l'on avait établi arbitrairement ce chiffre. On dirait que ce chiffre n'a pas été établi à la suite d'une analyse détaillée ou sérieuse.
    Lorsque vous parlez des 50 p. 100, c'est peut-être une bonne règle générale, mais il me semble que l'on ne puisse pas justifier ce chiffre dans les détails.
(1915)
    Je sais que ce n'est pas facile lorsqu'il s'agit de négocier, d'aller secteur par secteur et de traiter avec ces industries et tous leurs problèmes, leurs bénéfices et leurs coûts, mais il faut faire ce genre de négociations.
    Je crois que les gouvernements doivent être vus comme étant équitables. Je pense que les Canadiens s'attendent à ce que l'on ne tourne pas le dos aux consommateurs et à ce que l'industrie soit traitée équitablement et paie sa part.
    Je vois ce que vous dites. Essentiellement, vous dites qu'il faut commencer quelque part.
    Madame Hughes Anthony, vous avez dit qu'il y a environ deux ans, le gouvernement libéral, qui était alors au pouvoir, avait proposé d'utiliser la LCPE pour réglementer les gaz à effet de serre, ce qui s'est produit. Il y a eu en fait beaucoup de controverse à ce sujet.
    L'opposition, les conservateurs, a fait des pressions, a menacé de renverser le gouvernement et a fait des déclarations alarmistes comme celle que je vais vous citer qui vient du président du comité de l'environnement, une bonne personne. Je déteste soulever cela, mais je veux que les choses soient claires. À cette époque, M. Mills a dit ce qui suit:
Si l'on réglemente les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la LCPE, cela équivaudrait de facto à une taxe sur le carbone, ce qui se traduirait par la perte de milliers d'emplois et ferait augmenter le coût du chauffage, de l'électricité et du transport.
    Comment votre organisation a-t-elle réagi à ce moment? La question à savoir s'il fallait réglementer les gaz à effet de serre dans le cadre de la LCPE était une question chaude. Je suis certain que vous avez quelque chose à dire à ce sujet. Que pensez-vous de cela?
    Je vais demander à M. Murphy de répondre, car il a travaillé sur ce dossier à cette époque.
    Lorsque la chose s'est produite, le gouvernement qui était alors au pouvoir disait qu'il allait classer les gaz à effet de serre dans la catégorie des substances toxiques. Bon nombre de nos membres se sont gratté la tête et se sont demandé pourquoi. Je pense que les réactions négatives portaient surtout sur ce point.
    Il n'y avait pas de réaction négative sur le fait de réglementer les gaz à effet de serre dans le cadre de la LCPE. Étant donné que la communauté d'affaires travaillent avec les lois sur la protection de l'environnement depuis longtemps, bon nombre de nos membres sont habitués de s'adapter en conséquence.
    Vous avez maintenant un programme qui vise essentiellement à modifier la loi et à enlever cette partie puis à créer un autre article qui traitera de cela. Je crois que nous nous sommes dits d'accord, voici notre proposition, et nous allons nous adapter. Je ne pense pas que certaines personnes étaient préoccupées par cela.
    Votre temps est écoulé, monsieur Scarpaleggia. Le temps passe vite lorsque l'on s'amuse.

[Français]

    Monsieur Paradis, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'adresserai mes questions à Mme Hughes Anthony.
    Madame Hughes Anthony, je vous connais de réputation. Je sais que vous avez été nommée parmi les 50 femmes les plus influentes du monde des affaires. Il me fait donc plaisir de vous interroger aujourd'hui, d'autant plus que vous avez fait plus tôt une déclaration qui est pour le moins intéressante ou inquiétante.
    Vous disiez qu'il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises qui ne connaissent pas encore les impacts, ce qui peut arriver. Ce sont les grandes oubliées: elles ne font pas partie du débat.
    D'abord, j'aimerais que vous nous disiez quelles sont, à votre avis, les clés pour arriver à une économie environnementale durable. Comment peut-on y arriver, selon vous?
    Ensuite, j'aimerais que vous nous fassiez part de votre vision des choses quant aux technologies qui devront être utilisées, en tenant compte des réalités des PME qui n'ont pas nécessairement un fonds de roulement assez important pour favoriser un changement.
    Plus tôt, vous parliez de court terme et de long terme. J'aimerais connaître votre analyse en ce qui concerne cet aspect plus spécifiquement.
    Merci beaucoup. Bien sûr, je ne suis pas une scientifique de profession, mais je pense que vous avez complètement raison. Notre économie est essentiellement une économie de PME. C'est aussi une économie de consommateurs. Lors des débats tenus au cours des dernières années, l'accent a été mis sur les industriels. C'est une bonne chose, parce que certains domaines, comme celui de la production d'énergie, peuvent être modifiés.
    En ce qui a trait à la partie des consommateurs comme nous, les PME ont vraiment été oubliées, complètement, à mon avis. Je pense que certaines choses sont absolument essentielles et qu'il faut augmenter nos efforts en matière d'éducation. Comme je l'ai souligné, nous avons préparé un petit rapport avec la Pollution Probe Foundation qui parlait de réduire les déchets, moderniser l'équipement de chauffage et de ventilation, améliorer les moyens de transport, etc. Ce sont des choses qui vont contribuer éventuellement à une diminution de la pollution et à l'efficacité énergétique, etc.
    À mon avis, « un bon plan » démontrerait l'intention claire du gouvernement de réglementer certaines industries et contiendrait aussi des cibles, des objectifs ou quelque chose pour le monde des consommateurs et les PME.
(1920)

[Traduction]

    J'ai été frappé par le commentaire de M. Jaccard qui a dit que les mesures d'efficacité énergétique se traduisaient parfois par l'ajout d'appareils consommateurs d'énergie. Je pense que M. Jaccard faisait référence au phénomène du frigo à bière: quelqu'un achète un réfrigérateur plus efficace, prend son vieux réfrigérateur et le met au sous-sol pour en faire un frigo à bières — ou c'est peut-être seulement moi qui fait cela — et alors, la consommation d'énergie d'a pas diminué.
    Je pense sérieusement que tout bon plan devrait comporter des mesures qui touchent directement la communauté des affaires, les petites entreprises, et qui orientent les consommateurs. Il faut que ce soit plus direct et que l'on donne plus d'information sur le défi d'une tonne, si je peux m'exprimer ainsi.

[Français]

    On parle de nouvelles technologies qui peuvent sembler, pour certains, plus novatrices que d'autres. Dans l'état actuel des choses, comment réagit-on à ces idées, chez les PME? Sentez-vous la volonté de prendre ce virage? Le projet de loi C-30 est-il une bonne chose? Est-ce un bon début pour en venir à utiliser des moyens technologiques plus compatibles avec le développement durable?
    Il y a beaucoup de PME dans mon comté. On dit souvent qu'on va commencer par faire des affaires, mais il est sûr que l'environnement est là, et on veut s'en occuper. Quelle est la réception? Quels moyens pourrait-on adopter, selon vous, pour prendre cette tangente et lier les affaires et la préservation de l'environnement?
    Je pense qu'il faut encourager le développement scientifique dans plusieurs domaines. Selon moi, M. Wood est l'expert à ce sujet, que ce soit pour le transport, le chauffage, les lumières de la Chambre des communes. Il faut des solutions rentables.
    Il y a un problème, à l'heure actuelle, pour les PME, les consommateurs et certains domaines: les solutions sont peut-être présentes, mais elles sont au stade de projets-pilotes. Elles ne sont ni efficaces ni rentables.
    J'espère que le plan national pancanadien visera à encourager rapidement les investissements dans les nouvelles technologies et que ce sera fait d'une façon commerciale, afin que les PME et les consommateurs aient accès aux voitures, aux trains, aux systèmes de chauffage et d'électricité, etc.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, madame Hughes Anthony. Je ne pense pas que vous êtes la seule à avoir un frigo à bière.
    La parole est maintenant à M. Watson, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Martin, je vais commencer par vous. Vous avez conclu dans votre mémoire qu'il était inacceptable d'avoir des cibles fondées sur l'intensité. Que voulez-vous dire par cela?
(1925)
    Je pense que les cibles basées sur l'intensité ne peuvent pas être utilisée de manière acceptable pour évaluer efficacement nos progrès en matière de diminution de gaz à effet de serre.
    D'accord.
    Je crois qu'elles ont leur raison d'être. Cependant, il ne s'agit pas de la meilleure façon de les utiliser.
    Sont-elles utiles si nous voulons nous fixer un plafond rigide?
    C'est une manière intéressante d'essayer de comprendre ce qui se passe dans l'économie. Je pense que nous voulons moins d'intensité. C'est une bonne chose. Nous voulons accomplir plus avec moins d'énergie. Cela ne fait aucun doute, c'est une bonne chose, mais nous voulons diminuer nos gaz à effet de serre, soyons clair là-dessus. Appelons les choses par leur nom. Nous devrions établir des niveaux absolus, établir des cibles et les atteindre.
    Vous avez dit que les gaz à effet de serre émis au Canada, leur intensité, ont diminué de 14 p. 100, alors que les niveaux absolus ont augmenté de 27 p. 100. Cette diminution de 14 p. 100, quelle était...
    C'est une amélioration, n'est-ce pas?
    S'agissait-il d'une cible fondée sur l'intensité ou c'est simplement la mesure de quelque chose qui s'est passée?
    En fait, ce n'est pas vraiment clair. Cette diminution s'explique peut-être parce que l'économie tourne au ralenti. Elle peut indiquer, et c'est probablement le cas, que...
    J'aimerais que vous me disiez si cela représente une cible fondée sur l'intensité que nous avons établie.
    Non, je ne pense pas. Je pense que la diminution s'est produit par hasard. C'est ce que je veux dire.
    D'accord. Je voudrais parler maintenant des cibles de l'Alberta, qui sont de 16 p. 100 pour 2010 et 28 p. 100 pour 2020, d'après ce que vous avez dit. Est-ce qu'elles vont permettre des augmentations absolues de 34 et de 38 p. 100 respectivement?
    Que se passera-t-il si ces cibles fondées sur l'intensité étaient, disons, de 5 p. 100 pour 2010 et 15 p. 100 pour 2020? Qu'est-ce qui va se passer avec les gaz à effet de serre?
    Eh bien, je veux dire, il est évident...
    Est-ce que cela serait pire?
    Oui.
    Si elles étaient fixées à 25 p. 100 en 2010 et à 40 p. 100 en 2020, qu'arriverait-il aux GES?
    Il y aurait une amélioration.
    Bien. Les cibles basées sur l'intensité ne sont donc pas nécessairement mauvaises. Tout dépend du pourcentage auquel on les fixe.
    Non, elles sont un outil. Seulement, je ne crois pas qu'elles soient ce qu'il y a de mieux pour cette tâche.
    D'accord. Cependant, vous avez affirmé que les cibles basées sur l'intensité étaient inacceptables.
    C'est exact. On ne peut s'en servir comme moyen de viser la réduction des gaz à effet de serre et d'y parvenir.
    Vraiment? Vous avez pourtant dit que si l'on relevait les cibles, on constaterait des améliorations mesurables quant à la réduction des GES. J'aimerais savoir comment vous fixez le pourcentage. Donc, nous ne pouvons pas conclure qu'elles sont nécessairement inacceptables.
    Madame Hughes Anthony, à l'heure actuelle, l'économie de l'Ontario est tranquille, alors que celle de l'Alberta bouillonne. Est-ce que les cibles et la situation à court terme vous préoccupent? Qu'envisagez-vous dans un avenir immédiat?
    Pouvez-vous répondre à cette question, Mike?
    Oui, bien sûr. C'est une préoccupation majeure, compte tenu de l'incidence économique.
    Elles seraient vraiment punitives, si on les compare aux cibles des dernières années résultant de la ratification du Protocole de Kyoto — et je pense que presque tout le monde s'entend pour dire qu'on ne peut pas les atteindre. Toute cible semblable serait très dommageable pour l'économie, en Ontario comme ailleurs.
    Quelle directive donneriez-vous au gouvernement, alors, quant aux cibles à court terme?
    J'aime l'idée consistant à procéder, au fil des étapes de ce processus et comme on l'a proposé, à des consultations — ce qui a déjà eu lieu, tout de suite après le dépôt du projet de loi. Ainsi, on pourrait commencer à comprendre ce que les gens peuvent faire, compte tenu de leur réalité dans leur propre industrie et en fonction de leurs investissements et du cycle dans lequel ils se trouvent. Ensuite, on pourrait penser aux cibles basées sur l'intensité à court terme, pour les augmenter par la suite.
    Est-ce que l'économie est déjà passée par tout ce qui pouvait facilement être réalisé dans l'industrie ou est-ce qu'il y a encore du travail à faire? Si oui, dans quels secteurs?
    Les gens ne sont pas restés là à rien faire; ils sont conscients de la nécessité d'investir dans leurs usines. En passant, je crois qu'ils ont aussi besoin d'être soutenus dans ce dossier et il existe des moyens à la disposition des gouvernements. Pour être franc, beaucoup de petites réalisations simples ont été faites et nous faisons maintenant face à un travail de Romain pour ce qu'il reste à accomplir.
    Et cela coûtera plus cher.
    Ah, cela ne fait aucun doute.
    Monsieur Watson, je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Y a-t-il autre chose? Avez-vous un rappel au Règlement, monsieur Jean?
    Oui, en effet.
    D'accord, mais soyez bref.
    Ce sera très court, monsieur le président.
    Comme nous avons beaucoup de témoins, je voulais savoir si nous pouvions nous entendre sur le fait de demander à l'avance à nos prochains témoins de préparer leurs propositions d'amendements à apporter à la loi. Cela me préoccupe parce que nous avons très peu de temps. Je crois que beaucoup de ce qui a été dit aujourd'hui pourra nous être très utile. Ce serait donc une bonne idée.
    Aussi, j'aimerais que l'on fournisse au greffier copie d'un document dont il a été question pour que tout le monde puisse en prendre connaissance.
(1930)
    De qui venait-il?
    Je pense que c'était de M. Wood.
    D'accord. Était-ce plutôt M. Martin?
    Donnez-nous ce que vous avez.
    Je vous en suis reconnaissant.
    Et s'il y en a, recevoir les amendements à l'avance, car je suis certain que tout le monde voudrait...
    Oui. On m'informe que cela fait partie des directives que donne le président lorsque des personnes viennent témoigner: si elles ont des amendements, nous aimerions les avoir.
    Mais en faire la demande serait utile.
    Oui.
    Je tiens à remercier les témoins.
    Monsieur Godfrey.
    Je crois que c'est une excellente initiative de demander aux témoins de nous remettre leurs amendements au préalable, mais étant donné la façon dont nous regroupons les témoins, il se peut qu'il ne soit pas approprié d'en discuter parce qu'ils peuvent aborder d'autres sujets.
    Oui, c'est à la discrétion des témoins.

[Français]

    Je pense que nous avons obtenu beaucoup d'informations utiles.
     Je voudrais remercier tous les témoins.

[Traduction]

    Monsieur Jaccard, je vous remercie beaucoup pour votre témoignage par vidéoconférence.
    Je voudrais seulement ajouter que Mme Vicki Arroyo, du Centre PEW sur les changements climatiques globaux, ne pourra pas être des nôtres demain matin parce que sa mère a eu une grave crise cardiaque. Nous leurs envoyons tous nos meilleurs voeux de prompt rétablissement. M. John Drexhage nous fera part des observations de Mme Arroyo. Nous aurons donc seulement deux témoins; nous leur laisserons probablement un peu plus de temps avant de passer à la période de questions.
    C'est tout pour aujourd'hui; la séance est levée. Je vous remercie beaucoup.