Passer au contenu
;

CC30 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-30


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 février 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous avons un quorum. La séance est ouverte.
    Je souhaite la bienvenue à tous à cette séance numéro 8 du comité législatif sur le projet de loi C-30.
    Tel que mentionné hier, nous avons un témoin de moins, Mme Arroyo ayant malheureusement dû s'absenter pour des raisons familiales. Nous accueillons donc deux témoins aujourd'hui: M. John Drexhage, directeur, Changement climatique et énergie, de l'Institut international du développement durable; et, par conférence vidéo, de Bruxelles, M. Jos Delbeke, directeur, Changement climatique et qualité de l'air, de la délégation de la Commission européenne au Canada.
    Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins. Monsieur Delbeke, je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous depuis Bruxelles.
    Selon l'usage, nous accorderons à chaque témoin une dizaine de minutes pour présenter une déclaration liminaire. Nous aurons sans doute un peu plus de temps pour M. Drexhage, qui possède des informations qui seront fort utiles au comité, étant donné l'absence de notre troisième témoin.
    Monsieur Drexhage, vous avez la parole pour une période initiale de dix minutes, et ensuite, nous prendrons le relais.
    Je vous remercie, ainsi que les autres membres du comité, de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui sur cet enjeu crucial.
    Je m'attacherai surtout aux aspects internationaux pertinents. J'aborderai, entre autres, les leçons que le Canada pourrait vouloir tirer de l'expérience d'autres pays, particulièrement les États-Unis et l'Union européenne; de quelle façon l'élaboration d'un plan national sur le changement climatique est intimement lié aux discussions en cours sur un régime post-2012 en la matière; et ce que signifie pour le Canada le rapport que vient de publier le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
    Premièrement, permettez-moi de vous livrer certains des commentaires auxquels je m'attendrais de la part de l'Union européenne.
    En décembre dernier, l'IIDD a organisé deux colloques auxquels nous avons invité des experts européens et américains à commenter deux éléments de conformité de la Loi sur la qualité de l'air, soit l'échange de droits d'émission et un fonds d'investissement technologique. Les messages émanant de ces diverses tribunes sont essentiellement les mêmes. Le premier message qui ressort sans ambiguïté est le suivant: dans la perspective de la mise en oeuvre d'un cadre de réglementation, quel qu'il soit, il convient de commencer en douceur avec un système relativement simple, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. En effet, pour se doter d'un cadre efficace, le Canada doit se doter d'un système qui reflète un équilibre entre l'évolution du dossier sur la scène internationale et la situation unique du Canada en sa qualité de grand pays industrialisé exportateur d'énergie.
    Lors du colloque organisé par l'Institut les 12 et 14 décembre derniers, le groupe d'experts réunissait des spécialistes du département de Joe Delbeke à la Commission européenne, de même que des participants des États-Unis représentant l'EPA et d'autres organisations américaines.
    La réflexion a spécifiquement porté sur ces deux éléments de conformité, qui ont fait l'objet de nombreuses discussions ces derniers mois pendant la genèse de la Loi sur la qualité de l'air, et que l'on trouve dans la déclaration d'intention.
    Les deux principaux mécanismes de conformité dont il a été question — le plan d'échange d'émissions et le fonds d'investissement technologique — représentent des approches distinctes en matière de politique climatique. D'une part, le commerce d'émissions repose sur le plafonnement ou sur la restriction des émissions tout en permettant que le prix soit déterminé par le marché. D'autre part, selon la formule adoptée, un fonds d'investissement technologique pourrait fixer le prix tout en permettant que la quantité des réductions d'émissions à court terme soit variable.
    Au colloque — qui réunissait quelque 60 experts du Canada, de l'Amérique du Nord et de l'Union européenne, et où 30 d'entre eux ont participé à chacun des ateliers —, certains participants ont préféré obtenir un résultat environnemental certain assuré par l'échange d'émissions alors que d'autres ont privilégié un prix garanti pour apaiser les préoccupations voulant qu'il soit trop coûteux de s'attaquer au changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On peut dire qu'en général, deux perspectives se sont affrontées. Dans un camp, on appréciait d'avoir une certitude au sujet de la quantité, certains participants accordant la priorité à un régime d'échange simple et efficient au plan économique, un régime qui pourrait de faire le pont avec d'autres, comme celui qui est en cours d'élaboration au sein de l'Union européenne. Les gens qui privilégiaient cette option craignaient qu'un mécanisme comme un fonds d'investissement technologique compromette l'efficacité d'un système d'échange et complique l'établissement de liens avec d'autres régimes.
    Dans l'autre camp, les tenants d'un prix garanti s'inquiétaient davantage du coût de la conformité, surtout en raison du roulement du capital-actions, et voyaient dans un fonds dédié assorti d'un plafonnement des prix un moyen plus efficace de s'assurer que l'on commence à agir d'une façon ou d'une autre. Un fonds d'investissement technologique ouvrirait la porte à la réalisation d'engagements à long terme en stimulant l'innovation, mais il devrait être conçu de façon à ne pas nuire à l'efficacité d'un système d'échange d'émissions.
    Un fonds d'investissement technologique et un système d'échange d'émissions peuvent tous deux être des mécanismes de conformité, mais ils jouent essentiellement des rôles distincts. Toutefois, en dépit de ces priorités potentiellement contradictoires, il est tout de même possible d'envisager un régime dans lequel un fonds d'investissement technologique et un système d'échange d'émissions cohabiteraient.
    De nombreux participants ont convenu de la nécessité d'adopter un mécanisme d'échange d'émissions quelconque qui permettrait aux entreprises ayant dépassé leurs objectifs de vendre des crédits à d'autres, aussi soumises à des obligations à cet égard. Un autre mécanisme, qui permettrait aux entreprises incapables de respecter leurs propres objectifs de contribuer à un fonds d'investissement technologique en contrepartie d'unités de conformité non échangeables, a aussi recueilli des appuis.
(0910)
    Les entreprises qui respectent leurs objectifs pourraient vendre leurs crédits excédentaires à celles qui sont incapables de les atteindre, et les entreprises qui sont dans l'impossibilité d'atteindre leurs objectifs pourraient avoir l'option d'acheter des unités non échangeables par l'entremise d'une contribution à un fonds d'investissement technologique.
    Nous nous sommes également intéressés à toute la question des polluants atmosphériques locaux, puisqu'elle est du ressort de la Loi sur la qualité de l'air. L'exercice a donné lieu à un constat étonnant: au chapitre des objectifs à long terme relatifs aux polluants atmosphériques locaux, pratiquement aucun pays dans le monde n'a prévu quoi que ce soit au-delà de 2020. Sauf ceux de l'Union européenne, puisque cette dernière vient tout juste d'adopter une loi en ce sens. Autrement dit, pour ce qui est des restrictions des émissions à long terme et des objectifs contenant les polluants atmosphériques locaux, on peut dire que nous sommes à la fine pointe des efforts en ce sens.
    La conclusion générale a été la suivante: on doit envisager tout régime de réglementation visant à la fois les polluants atmosphériques locaux et les gaz à effet de serre à la lumière de ses avantages dans les deux domaines. Cela dit, tenter de réglementer les polluants atmosphériques locaux de la même façon que les émissions de gaz à effet de serre au moyen d'un système unique serait extrêmement problématique. Il faudrait avoir des régimes de réglementation distincts pour les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques locaux; en fait, cela serait beaucoup plus efficace.
    Les experts estiment qu'il existe des possibilités très réelles d'échanges transfrontières avec les États-Unis dans le dossier des polluants atmosphériques locaux et les participants venant de part et d'autre de la frontière se sont dit vivement intéressés à explorer cette avenue.
    Nonobstant ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des conclusions des deux colloques que nous avons organisés à Ottawa et à Montréal à la fin de décembre, je voudrais affirmer ceci dans le reste de mon intervention: ce qu'il convient de faire — et de façon urgente —, c'est adopter un cadre de réglementation applicable aux grands émetteurs industriels qui leur signifie clairement que dans un avenir assez rapproché, on exigera d'eux des réductions d'émissions considérables tout en leur fournissant les outils nécessaires pour rendre la transition la plus harmonieuse possible.
    Je tiens à signaler, en dépit de mes propos de tout à l'heure, que nous n'oeuvrons pas  — et j'insiste là-dessus — en vase clos. D'ailleurs, plus le système que nous élaborons ici permettra des liens avec nos principaux partenaires commerciaux, plus il sera efficace. De nombreux autres pays souhaitent vivement la création d'un marché mondial du carbone efficace, et le Canada doit sérieusement envisager son rôle dans une telle équation. Nous savons pertinemment que les États-Unis et l'Union européenne sont partants, mais le même écho nous provient d'un pays comme l'Australie. Le premier ministre, John Howard, vient de mettre sur pied un groupe de travail sur l'échange de droits d'émission réunissant des représentants du gouvernement et des gens d'affaires. Son mandat est de prodiguer des conseils sur la nature et la forme d'un système mondial d'échange d'émissions viable auquel l'Australie pourrait adhérer. Pourquoi? Parce que tous les modèles économiques démontrent de façon convaincante qu'un système mondial d'échange d'émissions de carbone réduirait sensiblement les coûts liés à l'atteinte de notre objectif ultime, qui est d'instaurer un environnement climatique sécuritaire pour les générations futures.
    Comme quelqu'un me le faisait remarquer hier à propos du changement climatique, si les émissions ne connaissent pas de frontières, il doit en être de même des réductions d'émissions. Bien entendu, nous devons aussi axer nos efforts sur l'élaboration de mécanismes et de technologies ici au Canada, mais l'un n'empêche pas l'autre; en fait, s'il disposait de technologies bien conçues, le Canada pourrait tirer partie de l'existence d'un marché du carbone et s'en servir pour lancer et commercialiser des techniques pertinentes de réduction d'oxyde de carbone.
    Mais peut-on encore atteindre les objectifs de Kyoto? Qui sait, au point où nous en sommes? N'oubliez pas qu'il s'agit d'essayer de prédire quelle sera la trajectoire du Canada en matière d'émission dans six ans, et il ne faut pas perdre de vue les nombreuses dispositions de souplesse prévues dans le Protocole de Kyoto, au-delà de ce qu'on est convenu d'appeler les mécanismes du marché. Je songe en particulier aux dispositions de conformité du Protocole de Kyoto. Le gouvernement du Canada pourrait les invoquer pour emprunter à même la prochaine période d'engagement et ajouter un taux d'intérêt pour atteindre son objectif pour la période allant de 2008 à 2012. Si c'était fait de manière crédible, cela voudrait dire que nous pourrions encore commencer à élaborer un cadre réglementaire prévoyant un point de départ raisonnable. On enverrait ainsi un message clair, à savoir qu'il faudrait des réductions considérables au cours de la prochaine période d'engagement, après 2012, et surtout, un plan beaucoup plus complet qui prendrait en compte tous les secteurs pertinents de la société canadienne.
(0915)
    Cela comprendrait un soutien marqué, dès maintenant, à d'importants investissements dans l'infrastructure, dans des domaines comme le captage et le stockage du carbone, le charbon propre, et une ligne de transmission est-ouest écologique d'un bout à l'autre du Canada; l'accélération rapide des incitatifs aux initiatives pour des solutions de rechange énergétiques, y compris la production décentralisée et la cogénération, la production combinée de chaleur et d'électricité; la mise en place accélérée de normes d'efficience énergétique dans le secteur des transports; et des signaux politiques fermes en faveur de l'efficience énergétique et des programmes de conservation.
    Je suis convaincu que si nous mettons ces éléments en place au cours de l'année prochaine, nous serons agréablement surpris par l'ampleur des réductions que nous réussirons à réaliser et nous ferons la preuve à la communauté mondiale que nous sommes sérieux dans notre volonté de nous attaquer au changement climatique.
    Au sujet de cette dernière considération, il est important que votre comité ne perde pas de vue que le gouvernement a pris une série d'engagements à la dernière réunion du groupe de travail ad hoc sur de nouveaux engagements pour les parties à l'annexe 1 au Protocole de Kyoto, réunion tenue à Nairobi. En effet, nous nous sommes engagés à effectuer et à diffuser une analyse du potentiel d'atténuation des politiques actuelles et futures et à identifier un éventail possible de réductions des émissions et les moyens disponibles pour les réaliser. Plus tôt nous disposerons d' une analyse et d'un plan complet ici au Canada, plus tôt nous pourrons jouer un rôle utile dans ces discussions cruciales sur les engagements pour l'après-2012. Si je comprends bien, la date butoir est le 23 février pour la présentation des premières propositions, et il serait utile de savoir ce que le gouvernement canadien prévoit offrir à cet égard.
    Je suis également curieux de savoir où en sont les deux autres propositions pour lesquelles le Canada a raté l'échéance. Aux termes des accords de Marrakesh, le Canada, de même que toutes les autres parties à l'annexe B du Protocole de Kyoto, s'est engagé à remettre un rapport initial au plus tard le 1er janvier de cette année. Essentiellement, cela prouve que le Canada possède l'infrastructure voulue pour participer à la première période d'engagement, y compris la capacité de mesurer de manière continue nos émissions de gaz à effet de serre. Cela comprend, entre autres éléments, le fait de fournir un inventaire complet de nos émissions de gaz à effet de serre, y compris les sources et les puits, des précisions sur ce qui sera comptabilisé au titre des forêts jardinées, et une description de notre registre national. À ma connaissance, le Canada n'a pas encore établi un tel registre.
    Le Canada a également raté l'échéance pour la remise de sa quatrième communication nationale, dans laquelle on ferait le point sur la situation nationale du Canada et les progrès réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce document devait être remis le 1er janvier 2006, ce qui veut dire que le Canada a plus d'un an de retard relativement à cet engagement.
    Ces omissions, qu'elles soient ou non délibérées, font ressortir que, depuis trop longtemps, et je dois dire sous le règne de plusieurs premiers ministres — cela n'a pas seulement commencé il y a un an, la situation a été la même sous plusieurs premiers ministres successifs —, il y a de sérieuses lacunes au chapitre de l'élaboration des politiques fédérales aux niveaux national et international. Je ne saurais trop insister sur le tort causé à notre réputation internationale et à notre crédibilité.
    Une foule de connotations différentes ont été accolées au nom même de « Kyoto », ce qui, malheureusement, a eu pour seul résultat de politiser inutilement le dossier du changement climatique au Canada. En particulier, toute l'attention convergeant vers nos objectifs précis nous a fait perdre de vue le fait que l'accord de Kyoto a établi et continue d'établir l'architecture de la politique internationale pour lutter contre le changement climatique, depuis la méthodologie utilisée pour comptabiliser et vérifier nos émissions et en faire rapport, y compris les activités de séquestration biologique, jusqu'à l'élaboration de programmes de travail pour l'adaptation et l'établissement des règles pour la mise en vigueur des nombreuses dispositions de souplesse prévues dans l'accord.
    Je ferai une dernière observation, monsieur le président, sur les répercussions du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat publié à Paris il y a quelques semaines. À mon avis, la principale conclusion figurant dans ce rapport était le lien irréfutable entre les activités humaines et le phénomène du réchauffement planétaire. Dans cette optique, il faut s'attendre à un avenir marqué par la limitation de l'utilisation du carbone tout au long du XXIe siècle. Soyons clairs: il n'y a plus d'ambiguïté sur ce point. Cela veut dire que l'économie canadienne doit s'adapter à cette réalité.
    Plus précisément, je soutiens que le temps est venu d'entamer un dialogue national sur les priorités et les intérêts énergétiques du Canada. Pour ma part, il m'apparaît que toutes les clientèles politiques au Canada, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal, ont pris l'engagement de devenir des « chefs de file mondiaux de l'énergie propre ». Il faut de toute urgence se pencher sur la signification véritable de ce phénomène et sur la manière dont nous pouvons nous y prendre pour que cela se réalise, pour le plus grand bien de l'environnement et de l'économie.
    En terminant, monsieur le président, qu'on me permette de répéter simplement ce que j'ai déjà dit devant le Comité permanent de l'environnement en novembre dernier: En dernière analyse, pour contrer avec succès la menace grave et urgente du changement climatique, il faut une évolution dans notre compréhension de ce que sont nos véritables intérêts nationaux: agir de manière responsable pour le bien de l'environnement et de nos enfants.
(0920)
    Les derniers sondages montrent clairement que les Canadiens sont prêts et qu'ils ont hâte de relever le défi. J'ose dire, en toute humilité, que le temps est venu pour les politiciens de tous les partis de faire preuve de la même détermination, dans un esprit constructif.
    Ne laissons pas la question des cibles et objectifs nous empêcher de nous mettre à la tâche, de manière productive et constructive, pour le plus grand bien de notre environnement planétaire et pour que le Canada devienne vraiment un chef de file mondial de l'énergie propre.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Drexhage.
    Nous entendrons maintenant M. Delbeke.
    Monsieur Delbeke, auriez-vous l'obligeance d'identifier votre collaboratrice?
    Je suis Jos Delbeke. Ma collègue est Mme Dranseikaite. Elle travaille au département de la Commission européenne chargée des questions environnementales.
    C'est un grand plaisir pour moi de m'adresser à votre comité aujourd'hui.
    Je peux vous assurer qu'au sein de l'Union européenne, un débat très animé a cours sur l'évolution du climat. Nous avons enregistré des températures anormalement élevées au cours de l'hiver. En outre, de nouvelles preuves scientifiques très convaincantes — le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a été mentionné et nous avons pris connaissance de l'étude économique de sir Nicholas Stern du Royaume-Uni — ont été rendues publiques. J'irais même jusqu'à dire qu'il ne se passe pas un seul jour sans que les journaux et les médias ne fassent référence au changement climatique et à ses défis.
    Dans cette optique, monsieur le président, je voudrais vous présenter trois points fondamentaux: premièrement, je décrirai le contexte politique mondial dans lequel s'inscrit la prise de décisions sur le changement climatique au sein de l'UE; ensuite, j'aborderai sans doute certaines questions spécifiques ayant trait au système européen d'échange d'émissions; et enfin, je ferai certains commentaires précis concernant l'impact économique de l'activité humaine — pollution atmosphérique, polluants de l'air local, etc.
    Premièrement, le contexte politique mondial. À mon avis, l'Union européenne est sur le point d'agir non seulement pour respecter ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto mais également pour se préparer à plus long terme. D'après l'état des connaissances scientifiques relatives au changement climatique, 2012 est à nos portes et nous devrons intégrer notre action dans une perspective allant à tout le moins jusqu'en 2020. Il le faut pour rassurer les décideurs économiques du secteur privé et envoyer aux consommateurs un message cohérent concernant l'utilisation des technologies et de l'équipement dont nous aurons besoin à l'avenir.
    La rentabilité est un thème important de notre débat. En fait, le 10 janvier dernier, la Commission européenne a pris certaines décisions importantes qui seront soumises aux chefs d'État membres à l'occasion de leur réunion des 8 et 9 mars prochains, soit dans une quinzaine de jours. On s'attend à ce que ces chefs d'État et de gouvernement se prononcent sur les objectifs à long terme de l'UE en matière de changement climatique. Ils se pencheront sur un ensemble cohérent de mesures dans les domaines énergétique et climatique. Essentiellement, ce train de mesures porte sur trois types d'enjeux qui chevauchent ce dont il est question ici aujourd'hui. Il s'agit d'enjeux liés à l'amélioration de l'efficience énergétique en général — immeubles, voitures, appareils électriques, etc. Nous estimons qu'à l'heure actuelle, nous ne nous débrouillons pas trop mal à l'échelle mondiale, mais nous pouvons faire beaucoup plus. Nous disposons des technologies pour y arriver.
    La deuxième question est de savoir comment soutenir davantage la mise en valeur de sources d'énergie renouvelables. Il ne s'agit pas uniquement d'exploiter l'énergie solaire et éolienne, ce que nous faisons relativement bien jusqu'à maintenant, mais aussi de mettre au point des biocarburants et de nouvelles technologies connexes.
    Un troisième élément sur lequel nous travaillons est la capture et le stockage du dioxyde de carbone. Nous croyons que cette nouvelle technologie nous permettra à l'avenir d'utiliser de manière durable les combustibles fossiles et le charbon. C'est un message très important non seulement en Europe, mais dans d'autres pays du monde, notamment en Chine ou encore en Afrique du Sud ou en Australie, où les combustibles fossiles et les ressources charbonnières abondent.
    Dans ce contexte, l'Union européenne envisagera deux types d'objectifs. Pour 2020, un objectif est proposé aux pays industrialisés en tant que groupe. À notre avis, il faudrait proposer aux pays industrialisés de viser une réduction de 30 p. 100 des émissions d'ici 2020, par rapport aux niveaux de 1990.
(0925)
    Parallèlement, nos chefs d'État discuteront de la possibilité d'adopter au sein de l'UE, indépendamment des négociations internationales sur cet objectif de 30 p. 100, une cible de réduction de 20 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, mesurée par rapport à 1990.
    Pour mettre cela en perspective, sachez qu'à l'heure actuelle, en vertu du Protocole de Kyoto, l'Union européenne vise à réduire ses émissions de 8 p. 100 d'ici 2012. Nous nous engagerions unilatéralement à aller plus loin, passant de moins 8 p. 100 en 2012 à moins 20 p. 100 en 2020, principalement en recourant aux nouvelles technologies énergétiques.
    Nous sommes déterminés à jouer un rôle de chef de file dans la mise au point des technologies énergétiques du futur dont le monde aura besoin.
    Il y a quelques jours à peine, la Commission européenne a aussi déposé à la table du conseil une proposition ambitieuse visant à réduire radicalement la consommation de carburant des voitures en la faisant passer de son niveau actuel de plus ou moins 160 grammes le kilomètre à 130 grammes en 2012, ce qui représente une amélioration considérable.
    Nos fabricants de véhicules automobiles travaillent là-dessus. En théorie, toutes ces technologies sont à notre portée, mais il va de soi que leur mise en oeuvre concrète constitue un défi industriel de taille que nous sommes prêts à relever.
    Dans la même veine, à propos des combustibles, nous discutons de la possibilité de réduire graduellement la teneur en carbone des carburants utilisés dans le secteur des transports, l'objectif étant 1 p.100 en moyenne entre 2010 et 2020. Le volet automobile de cette proposition visant les carburants engendrerait une réduction de 500 millions de tonnes de dioxyde de carbone d'ici 2020, soit l'équivalent de la production actuelle de deux États membres, l'Espagne et la Suède.
    En guise d'introduction, la Commission européenne et d'autres chefs d'État vont discuter de ces enjeux dans une quinzaine de jours. Ils sont très déterminés à poursuivre notre engagement dans le dossier du changement climatique en adoptant une perspective à long terme, autrement dit, au-delà de Kyoto.
    Mon deuxième point concerne le système d'échange d'émissions mis au point par l'Union européenne. En fait, notre système fonctionne depuis le 1er janvier 2005. Dans notre optique, il vise la période préalable allant de 2005 à 2008, la période avant l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. Notre régime est opérationnel, mais en même temps, il reste certains points à peaufiner.
    En fait, l'Europe ne possédait pas la base de données, je dirais la base de données très sophistiquée nécessaire pour lancer le système. La période préalable de 2005 à 2008 nous a permis de nous doter de tous les outils et de tous les éléments d'infrastructure pour être prêts le 1er janvier 2008 lorsque débutera la période d'application de Kyoto.
    À l'heure actuelle, notre système vise la totalité des grandes installations industrielles du secteur de l'énergie électrique, soit quelque 11 000 installations représentant environ la moitié des émissions de l'UE, et j'entends par là les 27 États membres qui en font partie aujourd'hui. En 2006, la valeur sur le marché des échanges de quotas d'émissions réalisés s'établissait à 22,5 milliards de dollars canadiens.
    Le système est en bon état de marche. Comme je l'ai dit, nous avons certains problèmes de croissance à régler et nous nous y employons. Dans le contexte de notre examen, nous réfléchissons aussi aux moyens à prendre pour l'élargir de deux façons.
    En ce qui concerne d'autres secteurs, nous avons l'aviation internationale dans notre mire. Ces jours-ci, une proposition fait l'objet de discussions dans votre beau pays, à Montréal, dans le cadre de l'OACI.
    De multiples propositions et idées sont sur la table sur la façon d'internationaliser le système d'échange d'émissions européen, et nous disposons de deux véhicules pour y arriver. Nous avons le Protocole de Kyoto, qui crée ce que l'on appelle les instruments axés sur les projets, le mécanisme de développement propre et le mécanisme d'application conjointe.
    À l'heure actuelle, les États membres de la Commission européenne se sont engagés à verser plus de quatre milliards de dollars canadiens pour la période allant jusqu'à 2012. À voir ce que les pouvoirs publics des États membres ont planifié, je pense que ce chiffre augmentera.
(0930)
    Avant d'aborder l'autre possibilité de réseautage, nous pensons qu'investir dans des projets liés à la technologie propre, notamment dans le contexte du mécanisme de développement propre, est une avenue intéressante pour le transfert de la technologie. C'est une façon très efficace de collaborer avec les pays en voie de développement et, qui plus est, un moyen très rentable de réduire les coûts de conformité que doivent absorber nos compagnies. Cette option recueille un large soutien car après tout, les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières. Si, en dépensant les mêmes sommes, nous pouvons diminuer les émissions davantage dans d'autres régions du monde comparativement à ce que nous pouvons faire en Europe, nous croyons que c'est là un argument économique valable et, collectivement, nous estimons qu'il faudrait aller de l'avant.
    Bien entendu, cela soulève une question très importante dans l'opinion publique: toutes les sommes consacrées au mécanisme de développement propre et à l'application conjointe devraient être dépensées de façon à obtenir des résultats très concrets. Il ne suffit pas simplement d'effectuer des transferts financiers; il faut que l'argent dépensé se traduise par des réductions d'émissions tangibles. Peu importe où que ce soit dans le monde, il faut que ces investissements servent à financer des projets concrets de réduction d'émissions. C'est un élément très important. Ce dont il est question ici, dans le contexte du MDP et de l'application conjointe, ce n'est pas ce que certains appellent l'air chaud attribuable à la grande disponibilité des quotas d'émissions dans les économies de transition, lqui accusent un sérieux retard au plan économique.
    Nous déployons énormément d'efforts pour voir si, dans une perspective à moyen terme, nous pourrions relier notre propre régime de plafonnement et d'échange avec des systèmes d'échange ailleurs dans le monde. Comme l'a mentionné John Drexhage, nous étions ravis de faire partie d'un groupe de travail au Canada et nous sommes tout à fait prêts à poursuivre cette discussion si nos interlocuteurs canadiens le souhaitent.
    Nous collaborons étroitement avec nos collègues de la California Air Resources Board. Nous multiplions nos contacts un peu partout dans le monde dans ce dossier, et la possibilité de relier les régimes d'échange un peu partout dans le monde est un enjeu qui attire de plus en plus l'attention ici. Je signale que nous sommes prêts à collaborer plus avant avec le Canada dans ce dossier, et ce, de façon plus opérationnelle.
    Pour finir, je voudrais faire un ou deux commentaires sur les questions qui viennent d'être soulevées. Nous pensons qu'en s'attaquant aux polluants atmosphériques locaux, on peut effectivement tirer beaucoup d'avantages connexes dans le domaine du changement climatique. En fait, il est possible, soit de s'attaquer aux polluants atmosphériques locaux et de bénéficier de retombées au titre des émissions de gaz à effet de serre, soit de faire l'inverse. Les deux options nous intéressent, mais comme je l'ai mentionné, l'Union européenne examine en particulier les co-avantages découlant de la réglementation des véhicules automobiles et des carburants. Des arguments économiques convaincants militent en faveur d'une intervention dans le secteur des transports. Si nous agissons judicieusement, nous pourrons en retirer des avantages tant au chapitre des polluants atmosphériques locaux classiques que des changements climatiques.
    Nous avons effectué une foule d'études économiques. En fait, en marge du document sur l'évolution du climat que la commission a adopté, nous avons réalisé une analyse économique fouillée que l'on peut consulter sur notre site Web. À notre avis, il nous apparaît judicieux au plan économique d'adopter des politiques relatives au changement climatique, pourvu que l'on privilégie la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies industrielles et de transport de l'énergie dans notre système économique.
(0935)
    Et voici, monsieur le président, mon dernier commentaire. L'Union européenne a eu entre 15 et 20 ans pour mûrir sa réflexion sur ce qu'il convient de faire au sujet de l'évolution du climat. Les Européens ont fait intentionnellement le choix de ne pas opter pour des taxes sur le carbone. Nous avons eu une discussion sur de telles taxes. Nous avons une longue tradition d'imposition des ressources énergétiques, mais nous avons opté délibérément pour l'échange d'émissions, principalement entre les acteurs de l'Union européenne. Cela dit, nous sommes ouverts à la possibilité d'établir des liens avec les mécanismes créés en vertu du Protocole de Kyoto et avec les pays, où qu'ils soient dans le monde, qui auraient mis sur pied des systèmes d'échange similaires.
    En conclusion, les pays européens sont déterminés à poursuivre le commerce d'émissions. Les échanges d'émissions qui ont cours à l'heure actuelle ne se limitent pas au Protocole de Kyoto; ils ne prendront donc pas fin en 2012. Mais au plan opérationnel, compte tenu des objectifs qui sont maintenant sur la table, nous repoussons l'échéancier jusqu'en 2020. Nous sommes ouverts à toute discussion, avec quelque pays que ce soit, en vue de poursuivre en ce sens de façon plus concrète.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Je rappelle aux députés que M. Delbeke reviendra devant le comité le 27 février pour parler spécifiquement du commerce des émissions.
    Nous allons commencer les questions avec M. Godfrey, pour sept minutes.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici — dans le cas de M. Delbeke, d'une façon qui nous permet d'économiser le dioxyde de carbone.
    J'aimerais commencer là où M. Delbeke a terminé et interroger nos deux invités au sujet du mécanisme de développement propre tel qu'envisagé par le Protocole de Kyoto. Supposons que l'on décrive le mécanisme de développement propre de la façon suivante: nous n'allons pas dépenser l'argent des contribuables pour acheter des crédits internationaux d'air chaud uniquement pour respecter nos objectifs de Kyoto; ces crédits seraient un mauvais investissement pour le Canada puisque l'on dépenserait des milliards de dollars à l'étranger pour ne retirer aucun avantage environnemental.
    J'aimerais que vous me disiez si cela traduit une compréhension exhaustive et éclairée de la façon dont le mécanisme de développement propre est censé fonctionner ou fonctionne vraiment en vertu du Protocole de Kyoto.
    Monsieur Drexhage.
    Je pense que le gouvernement a parfaitement le mandat de décider des mesures exactes qu'il estime les plus efficaces pour atteindre les objectifs auxquels nous nous sommes engagés. Je ne veux pas m'aventurer à dire que le gouvernement devrait ou ne devrait pas se lancer dans l'achat de crédits. J'essaie simplement de préciser que dans l'éventail des possibilités, il y a une foule d'activités légitimes qui se font et qui débouchent sur des réductions réelles.
    Je vais vous donner l'exemple de l'Ukraine et de la Russie, parce que ce sont surtout ces deux pays qui sont associés à l'air chaud. Si le gouvernement choisissait de le faire, il pourrait donner à l'industrie — en fait, je crois savoir que le gouvernement envisage toujours cette option — la possibilité d'acheter des crédits sur la scène internationale. J'exhorte instamment le gouvernement à garder ouverte cette option en ce qui concerne l'industrie.
    Pour vous donner une idée, quelque 45 projets ont maintenant été approuvés dans l'ensemble du système de l'ONU. C'est ce qu'on appelle les projets d'application conjointe, mais ils sont du même type que les projets lancés dans le cadre du mécanisme de développement propre dont vous venez de parler, monsieur Godfrey.
    Environ 93 mégatonnes de réductions ont été obtenues grâce à ces projets. Si l'on examine dans quels domaines, ce sont des domaines où l'industrie canadienne a justement beaucoup à contribuer, notamment l'efficience énergétique, l'adoption de nouveaux carburants, le méthane des mines de charbon, et surtout les émissions fugitives du pétrole et du gaz.
    Pour vous donner un exemple concret, nous sommes extraordinairement efficients dans notre transport du gaz naturel en comparaison de pays comme la Russie ou l'Ukraine, où il y a beaucoup d'émissions fugitives. Maintenant, qu'est-ce qui présente le meilleur ratio coût-efficacité du point de vue d'une compagnie comme TransCanada Pipelines? Est-ce de dépenser un certain montant pour obtenir une réduction très minime des émissions de gaz à effet de serre, ce qui serait le cas au Canada puisque nous sommes déjà relativement efficients à ce chapitre — ou bien, pour le même montant, devrait-on plutôt en obtenir beaucoup plus pour notre argent en termes de réductions des gaz à effet de serre dans des pays comme l'Ukraine ou la Russie?
    On a déjà supprimé quelque 42 mégatonnes. La méthodologie permettant de démontrer la réalité de ces réductions est très facile à établir. Le contrôle est très facile. Je n'essaie pas de dire exactement si le gouvernement devrait acheter ou ne pas acheter des crédits. Je veux simplement dire que nous devons garder cette option ouverte si nous voulons vraiment faire assumer cette responsabilité aux grandes compagnies.
(0940)
    Je veux seulement signaler que nous avons perdu la communication avec M. Delbeke. Je pense qu'on essaie de la rétablir.
    Pourquoi ne pas poursuivre vos questions, monsieur Godfrey?
    Je suis désolé que M. Delbeke ne soit plus avec nous. Peut-être pourrons-nous reprendre cette conversation.
    Monsieur Drexhage, on a beaucoup parlé des objectifs d'intensité. Pouvez-vous nous dire quels défis cela présente, par rapport aux plafonds fixes, relativement à l'échange de droits d'émission?
    Oui. M. Delbeke pourrait probablement vous répondre aussi.
    Je ne suis nullement expert en la matière, mais je pense que le plus grand problème est simplement d'avoir l'heure juste. Dans un système fondé sur l'intensité, il faut essentiellement faire une estimation du nombre de mégatonnes de réductions qu'on s'attend à obtenir. Ensuite, on met ces mégatonnes sur le marché des échanges et, à la fin de l'année, on doit vérifier à combien s'élève la réduction réelle. C'est faisable, mais tout cela représente une petite complication de plus qui réduit d'autant l'efficience globale du système.
    Je signale par ailleurs qu'aux États-Unis, nous en sommes encore en quelque sorte à la période de « l'éclosion des mille fleurs » pour ce qui est des différents systèmes de plafond et d'échange actuellement proposés. On élabore des systèmes en Nouvelle-Angleterre, en Californie, et il y a actuellement plus d'une douzaine de propositions à l'étude au Congrès relativement aux échanges d'émissions. De tous ces systèmes, un seul est fondé sur l'intensité, celui proposé par le sénateur Bingaman du Nouveau-Mexique.
    Il y a aussi deux autres éléments canadiens qui sont sérieusement à l'étude depuis quelques années. Il y a notamment le fonds d'investissement technologique. Aux États-Unis, la possibilité d'ajouter un aspect technologique dans le système suscite beaucoup d'intérêt et je ne serais donc pas étonné que ce soit adopté sous une forme ou une autre. Par ailleurs, pour ce qui est d'un quelconque signal ou plafonnement des prix, on ne sait pas encore si un système américain comporterait éventuellement cette caractéristique.
    Pourrais-je revenir brièvement à M. Delbeke?
    Oui.
    Monsieur Delbeke, vous êtes de retour?
    Oui, nous sommes de retour et je suis vraiment désolé d'avoir raté la question.
    Je vais la reposer. En termes simples, est-ce que le mécanisme de développement propre et le mécanisme d'application conjointe aux termes du Protocole de Kyoto sont la même chose que l'achat d'air chaud? Ou bien pouvons-nous avoir l'assurance qu'il y a possibilité de vérifier ces émissions sur la scène internationale et qu'il y aura une véritable réduction, comme on l'envisage dans le plan de Kyoto?
    Pour nous, il y a une différence fondamentale, en ce sens que les crédits que nous gagnons au titre du MDP sont associés à des projets, à des investissements, à des choses vraiment tangibles qui sont contrôlées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Dans ce contexte, un comité exécutif du MDP a été créé.
    À ma connaissance, nous n'avons eu jusqu'à maintenant qu'un seul accident et il s'agissait de projets de réduction des HFC en Chine, projets relativement peu coûteux qui ont suscité une petite controverse; il faudra en discuter et apporter un redressement. Mais c'est l'exception et non pas la règle. Nous avons une très bonne expérience pour ce qui est des projets du MDP. Il faudra par contre s'efforcer de diversifier les projets du MDP partout sur la planète, au lieu de les concentrer en Asie ou dans un grand pays comme la Chine. C'est très logique, mais en même temps, nous ne devons pas oublier les autres régions du monde, en particulier l'Afrique.
    Il faut faire la distinction entre ces crédits du MDP et les échanges dans le cadre de ce qu'on appelle les « unités de quantité attribuées », les UQA, aux termes du Protocole de Kyoto, parce que nous ne sommes pas aussi certains que les UQA échangées correspondent à de véritables réductions d'émissions. À ce jour, pas un seul pays européen n'a échangé d'UQA à l'extérieur de l'UE, précisément pour cette raison. À l'Intérieur de l'UE et dans le contexte du système d'échange d'émissions, nous échangeons des UQA, mais le système d'échange de droits d'émissions dans l'Union européenne s'accompagne d'une infrastructure complexe pour s'assurer que de véritables réductions des émissions correspondent à ce qui est échangé.
    Par conséquent, notre opinion publique est très favorable au MDP, mais je crois que la situation est complètement différente pour les UQA, en particulier celles qui viennent de Russie, étant donné que nous ne savons pas exactement si les réductions correspondantes des émissions seraient vraiment obtenues.
    Merci.
(0945)
    Merci, monsieur Delbeke.
    Nous allons passer à M. Bigras, qui a sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mes questions s'adresseront à M. Delbeke, de la Commission européenne.
    L'Europe, qui doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 p. 100 par rapport au niveau de 1990, présente certainement un bilan plus reluisant que celui soumis par le Canada à Nairobi. Vous avez décidé de recourir à l'article 4 du Protocole de Kyoto, soit à la possibilité d'atteindre vos objectifs de manière conjointe. Vous avez donc décidé, dès juin 1998, d'adopter une approche tryptique, c'est-à-dire qui concilie l'approche sectorielle et l'approche territoriale.
    Ainsi, l'Europe doit atteindre un objectif de -8 p. 100 par rapport au niveau d'émissions de 1990. Par contre, ce système permet à des pays comme la Grèce d'augmenter de 25 p. 100 ses émissions de gaz à effet de serre. En revanche, le Luxembourg doit réduire les siennes de 28 p. 100. Lors des négociations, un représentant anglais avait estimé que la proposition relative au modèle tryptique était logique, défendable et transparente. Il aurait fallu que l'approche tryptique comporte de très graves faiblesses pour qu'elle soit catégoriquement rejetée.
    Quel avantage voyez-vous à ce type de modèle, que vous avez mis en oeuvre pour atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est effectivement une question très importante et, en rétrospective, je crois qu'à l'Union européenne, nous avons jugé que cette différenciation était nécessaire afin de tenir compte des circonstances différentes des États membres du point de vue climatique, mais aussi économique. Nous avons par exemple des structures énergétiques très différentes. Nous avons des États membres qui comptent beaucoup sur le nucléaire — notamment la France ou la Belgique — mais d'autres misent fortement sur des centrales au charbon.
    Il n'était pas possible pour l'Union européenne, étant donné que nous avons un grand nombre d'États membres relativement petits, d'imposer un seul et unique objectif à tous les États. Certains ont de très nombreuses possibilités de réduction d'un bon rapport coût-efficacité, mais d'autres n'ont pas cette chance. Mais tous ensemble, nous pouvons nous en sortir. C'est pourquoi nous avons aujourd'hui un engagement de moins 8 p. 100, mais pour l'ensemble de l'UE, c'est 15 p. 100, parce que nous devons tenir compte de l'historique de l'UE. Aujourd'hui, nous en sommes à moins 1 p. 100 et il nous reste donc encore 7 p. 100 à réaliser. Ce n'est pas parce que nous avons le luxe, pour ainsi dire, de l'approche conjointe que nous n'avons pas des discussions très intenses sur la manière de réaliser de manière économique des réductions d'émissions, parce que les réductions ne tombent pas du ciel. Nous devons y investir; nous devons dépenser de l'argent à ce chapitre. Nous le faisons ensemble. Mais nous avons appris une leçon dans tout ce débat, surtout après deux années d'application intensive, à savoir qu'il est vraiment très important d'avoir un bon rapport coût-efficacité. C'est une manière de s'y prendre.
    Nous faisons donc une différenciation sectorielle, mais aussi en fonction des États membres. Mais, après tout, c'est le résultat qui compte. Nous allons atteindre le seuil de moins 8 p. 100; nous sommes en train de le faire. C'est le rapport coût-efficacité qui nous a amenés où nous en sommes aujourd'hui et qui va nous amener à moins 8 p. 100 d'ici 2012.
(0950)

[Français]

    Je tiens à vous féliciter d'avoir réussi, à compter de 1998, à ne mettre que deux ans à vous entendre à l'intérieur d'un marché qui était composé à l'époque de 15 pays indépendants. Il est assez intéressant de voir que ces 15 pays ont été capables de s'entendre en deux ans sur une approche commune permettant de respecter les objectifs du Protocole de Kyoto.
    J'aimerais savoir si d'après vous, cette approche tryptique, qui concilie l'approche sectorielle et l'approche territoriale, a facilité la mise en oeuvre rapide d'un marché et d'une bourse du carbone à l'intérieur de l'ensemble européen.

[Traduction]

    Oui, absolument, parce qu'en fait, les 15 États membres — nous sommes maintenant 27 — sont regroupés très étroitement dans le cadre d'un marché économique commun. Donc, sur le plan environnemental, nous pouvons apprendre les uns des autres. Sur le plan économique, dans un marché aussi étroitement intégré, nous devons minimiser les distorsions économiques. Autrement, les États membres se nuisent l'un l'autre. Chacun campe sur ses positions et attend de voir ce que les autres vont faire.
    Dans le cadre de notre régime d'échange d'émissions, nous devons nous mettre d'accord sur des plans nationaux d'allocation. La commission a élaboré une méthodologie commune pour s'assurer que l'industrie, le secteur de production de l'électricité et les industries grandes consommatrices d'énergie soient traités de manière tout à fait comparable dans les différents États membres. Je suis absolument certain qu'en l'absence d'une telle approche commune, il aurait été extrêmement difficile pour chacun des États membres d'atteindre de son propre chef les objectifs d'une manière rentable.
    Notre expérience à ce jour a été utile, je crois, et les échanges d'émissions ont beaucoup facilité ce progrès.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Lussier.
    Monsieur Delbeke, il y a 11 000 installations ciblées par la réglementation concernant les gaz à effet de serre. Quelles sont les catégories d'installations ou d'usines qui ne sont pas ciblées par cette réglementation?

[Traduction]

    En fait, nous avons ciblé les grandes installations industrielles de l'Europe. C'est-à-dire la production d'électricité, la sidérurgie, la céramique, les pâtes et papiers, etc., et cela comprend les usines de craquage — non pas les applications de produits chimiques, parce que nous avons beaucoup de petites compagnies, mais en fait, toutes les grandes installations industrielles.
    Maintenant, nous avions un problème avec ces grandes entreprises. Nous les connaissions. Nous avions un permis pour les polluants traditionnels, mais nous ne savions pas exactement quelles étaient les émissions de gaz à effet de serre de ces usines. Nous avons donc demandé à chaque usine de remettre un rapport et nous les avons fait vérifier par un vérificateur indépendant, tout à fait comme on procède sur les marchés financiers dans le domaine comptable, c'est-à-dire qu'un rapport financier est présenté et ensuite vérifié par une tierce partie. Cela nous a aidés à créer en moins d'un an une base de données cohérente qui est tout à fait transparente et disponible sur l'Internet et que chacun peut consulter. Cela a créé beaucoup de transparence au sujet des émissions de chaque usine.
    J'irai même plus loin: on m'a dit qu'à cause du marché d'échange d'émissions et parce que le carbone a maintenant un prix, on a attiré l'attention de tous les PDG sur ce qui se passe dans sa propre usine en termes d'émissions de gaz à effet de serre. C'est donc une façon très simple de rejoindre, en parlant leur propre langage, les PDG et ceux qui prennent les décisions économiques.
    Merci.
(0955)
    Merci, monsieur Delbeke.
    Nous allons passer à M. Cullen qui a sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Drexhage et porte sur l'absence de rapports présentés par le Canada aux Nations Unies. Pourriez-vous être un peu plus clair? Pour les gens du grand public qui nous écoutent, vous dites que le Canada a raté quelques échéances pour la présentation de rapports et que nous avons plus d'un an de retard — mais cela ne semble pas tellement problématique. Pourquoi est-ce tellement crucial pour les efforts du Canada dans le domaine du Protocole de Kyoto et du changement climatique en général?
    Premièrement, cela envoie un signal. Nous recevons le signal que le Canada a de la difficulté à atteindre son objectif, ce qui est tout à fait légitime, et que le Canada devra relever beaucoup de défis pour atteindre son objectif, mais on entend dire aussi que c'est seulement l'objectif qu'on envisage de ne pas atteindre, mais qu'on est lié et déterminé à respecter toutes les autres dispositions du Protocole de Kyoto.
    Pour ce qui est de notre crédibilité, quand nous ne respectons pas l'échéance pour le dépôt du rapport initial, qui établit essentiellement la problématique et définit les paramètres par lesquels le Canada fera rapport sur la scène internationale quant à ses efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et remplir ou ne pas remplir ses engagements...
    Pour être bien clair, il s'agit d'énoncer la problématique, de dire où en est le Canada actuellement et où nous prévoyons aller à court terme, et nous ne l'avons même pas encore dit à la communauté internationale.
    Non, et l'échéance était le 1er janvier. On devait par exemple préciser dans quelle mesure nous utiliserons nos forêts jardinées dans le cadre de notre inventaire. C'est une question importante pour un pays comme le Canada. Étant donné que nos forêts sont tellement vastes, comme celles de la Russie, nous devons déterminer dans nos prévisions si les forêts canadiennes vont représenter un puits net ou une source nette. Nous devons donc dire au secrétariat si cela fera partie de nos calculs relativement à notre quantité attribuée.
    Pour être clair, quand l'accord de Kyoto a été conclu et que le cadre a été établi, les pays et l'ONU reconnaissaient à quel point ce serait difficile sur le plan sectoriel. Ces dates butoirs pour les rapports, la date à laquelle il faut faire ses devoirs, si vous voulez, visaient à s'assurer que les pays soient à l'unisson.
    Maintenant, vous avez dit le 1er janvier de cette année ou de l'année dernière. Dans quelle mesure sommes-nous en retard pour ce qui est de faire rapport sur les éléments essentiels, c'est-à-dire où nous en sommes et où nous nous en allons?
    Si je comprends bien, nous sommes maintenant en retard relativement à deux rapports. Le premier était la quatrième communication nationale. Nous devons à quelques années d'intervalle fournir une communication nationale qui, essentiellement, fait le point sur notre situation nationale, la trajectoire de nos émissions et les mesures que nous prenons pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ce document devait être remis le 1er janvier 2006, ce qui n'a pas encore été fait.
    Je m'excuse de vous interrompre, mais ce que vous venez d'énumérer semble extrêmement fondamental. En l'absence de ces prévisions, à moins qu'un gouvernement ne décide de garder cela secret, c'est comme si nous disions à la communauté internationale que nous ne savons absolument pas où nous en allons.
    Je décris seulement le mécanisme officiel par lequel on communique tout cela. Je sais que des chiffres ont été avancés. Le premier ministre a fait il y a quelques jours un exposé pour préciser à quel point nous sommes loin de notre objectif. Nous devons assumer cette obligation officielle de remettre ce rapport international; nous nous y sommes engagés.
    J'aurai dans un instant une question pour M. Delbeke. Mais avons-nous un inventaire au Canada? Savons-nous d'où proviennent actuellement nos émissions de GES, dans tous les secteurs?
    Oui, absolument, nous savons assez précisément quelles étaient nos émissions en 2005.
    Monsieur Delbeke, l'Union européenne dans son ensemble semble être... Vous avez dit que l'objectif est de 8 p. 100 et que vous en êtes actuellement à 1 p. 100 et qu'il vous reste encore quelques années. Pourtant, certains pays de l'Union européenne sont très loin de leur objectif; je songe à l'Espagne, au Portugal et à d'autres. Quels efforts percevez-vous dans ces pays qui sont loin du compte pour assumer leurs obligations?
    Nous agissons essentiellement sur deux plans. Premièrement, dans le contexte du système d'échange d'émissions, chaque pays membre doit attribuer, avant la période d'échange, à chacune des installations du pays, une certaine quantité d'émissions qui n'est pas vendue aux enchères sur le marché; ces quantités sont données gratuitement. Donc, un pays membre qui est loin de son objectif, comme l'Espagne, a des conditions très difficiles. Il n'a pas grand chose à donner à ses compagnies.
    À l'inverse, les États membres qui ont fait beaucoup dans le passé, par exemple pour le transport, ou dont l'objectif est très inférieur, par exemple à cause de la présence de forêts, ont une plus grande marge de manoeuvre. Ils peuvent donner à leurs compagnies des allocations plus généreuses.
    Ce que nous examinons à la commission, c'est l'équilibre entre les deux: d'une part, la disponibilité des allocations, étant donné que l'objectif de Kyoto est ce qu'il est pour chaque État membre; et d'autre part, des conditions économiques compétitives, afin d'éviter de fausser la concurrence, ce qui pourrait arriver par exemple dans le contexte de la libéralisation du marché de l'électricité à laquelle nous procédons actuellement. Nous faisons donc les deux: les conditions économiques et à quel point chaque État membre est éloigné de son objectif de Kyoto.
    Les plans d'allocation nationaux auxquels on procède actuellement sont des exercices très difficiles pour cette raison. À ce jour, sur 27 plans d'allocation nationaux, nous en avons fait 13.
    Vous aurez peut-être vu des critiques formulées à notre endroit dans la presse pour avoir été trop sévères ou trop laxistes. Les deux conditions sont la situation économique d'une part, et la disponibilité, ou la question de savoir s'il était possible d'atteindre les objectifs de Kyoto — oui ou non.
(1000)
    Je vous demanderais de poser une brève question et de donner une réponse brève.
    Je m'adresse à M. Drexhage. Existe-t-il à votre connaissance des régimes d'échange qui utilisent des objectifs d'intensité pour établir un marché d'échange? Ne devons-nous pas simplement capituler et attendre de voir ce que vont faire les États-Unis dans quelques années? Et devrait-on prévoir dès maintenant dans notre planification une marge de manoeuvre pour tenir compte de ce que feront les États-Unis, étant donné que c'est un partenaire commercial tellement important?
    Je ne suis pas certain qu'il y ait quoi que ce soit en place aujourd'hui. Je suis tout à fait conscient — comme vous tous, probablement — de l'intention de l'Alberta de présenter un cadre de réglementation qui serait un système fondé sur l'intensité et il faudra attendre de voir exactement en quoi il consistera.
    Pour ce qui est de l'intégration avec le marché américain, je pense que c'est une observation très pertinente. Le marché canadien est en soi un marché isolé qui ne pourrait fonctionner que pendant un certain temps; au fil des années, la liquidité serait insuffisante pour permettre au marché canadien d'être un marché du carbone vraiment efficace et durable. Donc, oui, nous devons être très conscients de ce que les États-Unis sont en train de faire, mais il n'en demeure pas moins que si nous avons des priorités qui nous semblent importantes du point de vue canadien, nous devons les communiquer clairement, rapidement, de toute urgence à nos homologues américains.
    Monsieur Jean, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je me demande, premièrement, si les témoins ont pris connaissance de notre projet de loi C-30. Avez-vous eu l'occasion de le lire?
    Oui, absolument, en particulier l'énoncé d'intention.
    Avez-vous des suggestions quant à des changements à apporter au projet de loi? En avez-vous rédigé ou bien êtes-vous disposés à remettre au comité des propositions de changements?
    Oui, nous sommes tout à fait disposés à proposer des changements au projet de loi.
    Je dirai que l'une des ambiguïtés est que, même si l'on nous a demandé d'aborder les aspects internationaux liés à la Loi sur la qualité de l'air, la loi porte très précisément sur la législation intérieure, de sorte qu'il est difficile de comprendre comment tout cela serait intégré exactement. Mais je suis tout à fait disposé à le faire.
    Je vous en prie.
    Monsieur Delbeke, avez-vous entendu ma question?
    Oui, je l'ai entendue et je dois admettre que je ne connais pas suffisamment bien le projet de loi pour répondre tout de suite à votre question, mais je suis tout à fait disposé à le faire à la prochaine occasion.
    Je me demande si le greffier pourrait vous envoyer copie de notre projet de loi; si vous avez le temps de nous faire parvenir une réponse, nous vous en serions grandement reconnaissants.
    Étant donné que le Canada est un peu différent de l'Union européenne... Nous avons bien sûr un climat beaucoup plus froid que dans bien des régions d'Europe et nos déplacements en véhicule automobile sont d'environ 30 p. 100 plus longs qu'en Europe, en moyenne, à cause de l'immensité de notre pays. De plus, nous sommes bien sûr un pays dont l'économie repose fortement sur la production de produits primaires. Que percevez-vous dans l'Union européenne, monsieur Delbeke, qui pourrait s'appliquer à nous et nous aider? C'est toujours plus facile en rétrospective, mais qu'aurions-nous pu faire différemment pour tirer profit des meilleurs outils et d'une meilleure réglementation et pour réaliser des gains relativement faciles qui nous aideraient à atteindre nos objectifs? En effet, nous en sommes tellement loin pour l'instant, nous sommes à la queue du peloton.
    J'ai donc trois questions: les outils et règlements et les gains les plus faciles que nous pourrions récolter tout de suite, à votre avis, compte tenu de la situation particulière du Canada.
(1005)
    J'ai peut-être trois réponses à vos questions.
    Premièrement, nous avons appris à l'Union européenne que la différenciation des objectifs est un exercice valable. À l'origine, nous n'étions pas tous convaincus à l'UE qu'il fallait le faire, mais si nous ne l'avions pas fait, il n'aurait pas été possible d'atteindre les objectifs de Kyoto de manière rentable. Je suppose que cette différenciation selon les États membres en fonction de leurs structures énergétique et économique est tout à fait présente au Canada également. Vous avez un vaste pays et les provinces et leurs structures économiques sont très différentes.
    Le deuxième élément qui me paraît très important est la simplicité. C'est pourquoi, en Europe, nous avons adopté un système de plafonnement et d'échange — ce qu'on appelle parfois un plafond absolu. Nous avions un peu peur que des objectifs d'intensité compliqueraient inutilement le système. Bien que cela pourrait permettre une certaine souplesse, la complexité en serait d'autant plus grande et nous aurions moins de clarté et donc un plus grand risque de créer de l'incertitude sur le marché.
    Le troisième élément, celui des gains immédiats, est certainement possible, compte tenu des nombreux outils disponibles aujourd'hui. Nous avons eu par exemple une récente discussion sur les voitures. Dans la plupart des cas, nous savons quelles voitures sont plus attrayantes que d'autres dans le contexte du changement climatique et de l'atténuation, et la technologie est donc au point pour l'essentiel. Si l'on veut prendre la première bouchée, pour ainsi dire, la première tranche de 10 p. 100 ou 20 p. 100 de chaque mesure, c'est probablement ce qu'on peut appeler des gains immédiats — mais il faut mettre en place les incitatifs voulus.
    Voilà comment je répondrais à vos trois questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je consultais un graphique de l'Association internationale pour l'échanges de droits d'émission et de la Banque mondiale. À première vue, j'ai trouvé assez troublant que les vendeurs de ces crédits étaient la Chine, à 66 p. 100; le Brésil, à 10 p. 100; et l'Inde, à 3 p. 100. Quelle est la politique de l'UE pour ce qui est d'imposer des conditions aux acheteurs ou vendeurs de ces crédits dans le monde?
    Par exemple, des questions se sont posées récemment relativement aux droits de l'homme ou des polluants. Je sais notamment que la Chine construit une centrale au charbon par semaine. Les Chinois ont d'immenses installations de production qui ne tiennent presque pas compte des déchets environnementaux. Au Brésil, par exemple, certains dénoncent la dévastation des forêts.
    Y a-t-il des conditions pour l'utilisation de l'argent ou d'autres éléments dans ces pays, quand l'UE envisage de procéder à des échanges de crédits ou d'autres mécanismes d'échange?
    L'UE est fermement résolue à adopter une approche multilatérale dans tout cela. Nous fondons beaucoup d'espoir sur le bon fonctionnement du comité exécutif du MDP.
    Quand nous avons des observations à formuler — j'ai évoqué le cas des deux projets faciles à mettre sur pied pour les HFC en Chine — nous le faisons dans le cadre des institutions du Protocole de Kyoto, par l'entremise de l'ONU. Nous croyons que c'est à ce niveau que nous devons aborder ces questions.
    Cela dit, on nous pose effectivement des questions, mais surtout au sujet de cas de pollution massive et de la législation environnementale internationale. Tout cela ne concerne pas directement les émissions de gaz à effet de serre dont nous discutons.
    Pour ce qui est des crédits du MDP, nous insistons beaucoup sur le bon fonctionnement du comité exécutif du MDP.
    Monsieur Drexhage, j'ai l'impression que vous connaissez très bien les dossiers internationaux.
    Merci.
    C'est une question très intéressante et tout à fait pertinente.
    Au sujet de l'expérience chinoise, il faut signaler un point que Jos a évoqué. Le gouvernement chinois a proposé unilatéralement de créer un fonds de durabilité. Tout l'argent amassé grâce à la vente des crédits attribuables aux projets de HFC sera consacré à des projets de durabilité et d'énergie propre, etc. On n'a pas encore défini exactement comment tout cela va fonctionner, mais au moins la Chine prend des mesures en ce sens.
    À l'IIDD, nous ne perdons pas de vue qu'un mécanisme de développement propre a deux mandats qui sont énoncés très explicitement à l'article 12 du Protocole de Kyoto. D'une part, aider les parties à l'annexe 1 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi, et tout aussi important, sur le même plan, donner aux pays en développement des avantages sur le plan du développement. Il s'agit de leur donner le moyen de lutter contre la pauvreté. Pour nous, cela fait partie intégrante de ce que doit représenter le MDP.
    Nous en sommes à la troisième étape de ce que nous appelons le « dividende du développement » pour les projets du mécanisme de développement propre. Nous recherchons des projets susceptibles de réaliser d'importantes réductions de gaz à effet de serre, par exemple dans le domaine de l'efficience énergétique, des transports, en évitant le déboisement, etc., mais qui peuvent aussi apporter des avantages marqués en termes de développement. Nous travaillons absolument dans cette direction.
    Vous avez demandé tout à l'heure quelles leçons nous avons apprises, etc., à l'UE. Je voudrais redire très rapidement ce que j'ai dit au début de mon intervention.
    Il faut commencer simplement et doucement en matière de réglementation. Compte tenu de toute l'agitation politique entourant l'objectif, je crains que les gens ne réclament un cadre réglementaire appelant à faire des efforts qui seraient hors de notre portée. N'oubliez pas qu'au départ, quand l'UE a mis en place son système, elle l'a fait en instaurant un système d'allocation très modéré.
    Autrement dit, il faut un certain temps pour amorcer le système. C'est malheureux que nous ayons dû attendre jusqu'à maintenant pour commencer à le mettre au point et que nous soyons tellement en retard. Mais, peu importe quand nous commencerons enfin, faisons-le de manière raisonnable.
(1010)
    Merci.
    Merci.
    Monsieur McGuinty, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Monsieur Drexhage, je vais commencer par vous. Je voudrais obtenir confirmation d'un point, et je n'ai que cinq minutes. Vous m'aideriez en répondant seulement par oui ou par non.
    Sauf erreur, nous n'atteignons pas actuellement les objectifs du Canada à l'égard de Kyoto. Nous ne respectons pas non plus les exigences en matière de rapports.
    Il semble que dans le rapport du nouveau gouvernement intitulé « Aller de l'avant pour contrer les changements climatiques », on dit que les investissements envisagés par le gouvernement fédéral étaient de l'ordre de 10 milliards de dollars sur sept ans. En fait, le gouvernement n'a fait que réitérer le plan vert qu'avait présenté notre gouvernement. Mais nous venons de découvrir que ces chiffres ont été publiés, même si le gouvernement a amputé le budget du programme de 5,6 milliards de dollars.
    Voici ma deuxième observation. Non seulement nous ne remplissons pas les exigences en matière de rapports, mais sur la scène internationale, nous avons délibérément induit en erreur quant à ce que nous faisons chez nous.
    Troisièmement, nous avons entendu la déclaration faite la semaine dernière par le ministre de l'Environnement. Je cite: « Nous n'envisageons pas de participer à un marché international du carbone ». Apparemment, on a maintenant décidé que nous n'utiliserons pas les mécanismes de Kyoto comme le MDP et l'application conjointe.
    Sur les trois fronts, nous sommes en violation de Kyoto. Sommes-nous, à d'autres égards, en violation de nos obligations internationales à l'égard de Kyoto?
    Comment dites-vous?
    Sommes-nous à d'autres égards en violation de nos obligations internationales aux termes de ce traité?
    Pas que je sache. Je tiens à préciser que ce n'est certainement pas une obligation internationale pour le Canada ou pour tout autre pays d'acheter des crédits sur le marché international pour atteindre son objectif. Nous devons trouver un moyen quelconque de démontrer que nous agissons et tentons d'atteindre nos objectifs, mais un gouvernement n'est nullement obligé d'utiliser un moyen en particulier.
    Je me tourne maintenant vers notre invité, M. Delbeke, qui est en Europe, précisément à Bruxelles. Je voudrais vous interroger sur votre expérience en Europe sur deux plans. Vous avez créé à titre de projet pilote un régime d'échange de droits d'émissions, dont vous dites qu'il sera maintenant réexaminé parce qu'il faut y apporter des retouches.
    Pouvez-vous nous donner des détails sur les retouches en question? Que répondez-vous aux critiques qui disent par exemple que le Canada ne devrait pas participer à l'accord de Kyoto parce que les États-Unis...? Et ils vont plus loin, rappelant que la Chine et l'Inde ne font pas partie du traité international.
    Comment les Européens et l'Union européenne ont-ils composé avec le fait que les États-Unis — tout au moins en attendant l'installation d'un nouveau président démocrate, je suppose — ne participent toujours pas à l'accord de Kyoto, et comment avez-vous pris cette allégation de ceux qui disent que, sous prétexte que la Chine et l'Inde ne sont pas parties au traité, nous ne devrions pas y participer?
    Pouvez-vous nous aider à comprendre comment le débat s'est passé en Europe et quelle est votre position aujourd'hui?
    Sur la première question, notre principale faiblesse quand nous avons lancé notre projet pilote en 2005 était que nous n'avions pas une base de données solide compilant les émissions de gaz à effet de serre, usine par usine, pour la totalité des 11 000 installations. Nous avons donc dû établir une telle base et il nous a fallu faire quelques estimations éclairées, mais nous avons maintenant cette base de données. Depuis le 1er avril 2006, nous disposons de cet outil pour la mise en oeuvre du régime d'échange de droits d'émissions.
    C'est donc chose faite et nous concentrons maintenant nos efforts sur l'expansion du régime pour y intégrer davantage de secteurs. Par exemple, le secteur de l'aluminium n'est pas inclus, pas plus que certaines composantes du secteur chimique; nous voulons donc l'enrichir.
    Quant à la deuxième partie de votre question, l'argument des États-Unis et de la Chine, c'est un argument que nous entendons très souvent en Europe. On ne pointe pas du doigt essentiellement la Chine, mais plutôt les États-Unis. C'est donc le même argument économique qui vise d'abord les États-Unis et ensuite, la Chine. Nous avons un débat public très animé et nous ne sous-estimons pas l'importance de l'inclusion de la Chine, mais nous devons mettre d'abord l'accent sur les États-Unis. Le même argument invoqué par nos amis américains, nous le retournons contre eux, pour ainsi dire, et c'est pourquoi nous consacrons beaucoup d'efforts à ce dossier; mon commissaire s'en va justement prendre l'avion pour aller à la Maison blanche et au Capitole pour approfondir notre compréhension des questions qui font l'objet d'un débat, au nouveau comité du Congrès.
    J'ai évoqué le travail que nous faisons avec l'organisme Air Resources Board de Californie. J'ai aussi mentionné nos contacts avec les États du Nord-Est. C'est donc très important que les États-Unis — et aussi, cela va sans dire, le Canada — se joignent à ceux qui mettent en oeuvre le Protocole de Kyoto pour élaborer une argumentation solide relativement aux Chinois.
    Merci.
(1015)
    Merci.
    Monsieur McGuinty, votre temps est écoulé.
    Monsieur Warawa, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents.
    Mes questions vont s'adresser surtout aux représentants de l'UE.
    Monsieur Drexhage, je vous remercie d'être venu. Je vous invite d'ailleurs à ajouter votre grain de sel.
    Premièrement, je tiens à vous assurer que vos commentaires sont reçus dans un environnement politique dans lequel le gouvernement espère réaliser des progrès dans ce très important dossier de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes déterminés à le faire. Et comme mon collègue M. Jean l'a dit, nous avons hâte de prendre connaissance de vos recommandations sur la manière de renforcer le projet de loi C-30 présenté par le gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour que les Canadiens puissent respirer un air plus pur.
    Je suis tenté d'apporter une rectification aux observations faites par M. McGuinty, mais je vais garder cela pour la Chambre et entrer dans le vif du sujet.
    Au sujet de l'expérience de l'UE pour ce qui est de réduire les émissions de gaz à effet de serre au moyen de mesures facultatives et non obligatoires, je signale que les gouvernements précédents au Canada ont essayé des mesures facultatives, une expérience qui n'a pas été couronnée de succès. Comme vous le savez, nous en sommes actuellement à 35 p. 100 au-dessus de l'objectif de Kyoto, qui est de 6 p. 100 de moins que le niveau de 1990 — nous sommes à 35 p. 100 de plus. Nous sommes donc dans une situation très difficile et nous tenons absolument à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Je vous suis reconnaissant pour les commentaires positifs que vous avez faits. Vous avez reconnu que c'est un grand défi sur le plan industriel, mais vous faites de votre mieux pour relever ce défi. Et nous en faisons autant ici au Canada.
    Mais plus précisément au sujet des mesures obligatoires, comment avez-vous découvert l'importance d'adopter des mesures obligatoires, ce que le gouvernement prévoit faire, c'est-à-dire de passer des mesures facultatives aux mesures obligatoires? Quelle a été l'expérience de l'UE à ce sujet?
    Eh bien, nous avons discuté en long et en large de toutes les mesures facultatives dans le domaine de l'environnement, pas seulement dans le dossier des gaz à effet de serre et du changement climatique. Nos résultats ont été beaucoup moins concluants que ce que nous avions espéré.
    La dernière en date — peut-être l'avez-vous lue dans des journaux européens — est l'entente volontaire que nous avons signée avec le secteur de l'automobile; dans cette entente, l'industrie de l'automobile prenait l'engagement envers la Commission européenne d'améliorer de 25 p. 100 en dix ans l'efficience énergétique des voitures.
    Nous sommes un peu coincés entre les deux. D'après notre expérience, un système facultatif comporte très peu de dispositions de conformité, ou alors elles sont très faibles. Et maintenant que nous sommes bloqués au milieu, l'opinion publique est très déçue.
    Au Parlement européen, on cherche maintenant à élaborer un régime obligatoire, une loi qui imposerait très clairement une obligation à tous les intervenants. Autrement, la discipline est très faible. Certains le font; d'autres non. Et un trop grand nombre attendent de voir ce qui va se passer.
    Donc, notre expérience des régimes à participation facultative est mitigée, c'est le moins que l'on puisse dire, et c'est maintenant un sentiment généralisé chez nous.
    Pour les régimes obligatoires, en ce qui concerne l'échange de droits d'émission, je pense qu'il faut à la fois des acheteurs et des vendeurs et qu'il faut des règles équitables pour répartir les quantités attribuées avant le début de la période d'échange. Mais il faut les deux. Et ce qui est le plus important, c'est qu'il faut faire baisser les émissions et obtenir de véritables réductions.
    Ceux qui peuvent réduire leurs émissions au moindre coût peuvent gagner de l'argent en allant plus loin que ce qu'ils ne feraient autrement s'ils y étaient forcés. Et si l'objectif d'une réduction globale des émissions est atteint, alors les défenseurs de l'environnement sont contents parce qu'il y a eu effectivement réduction des émissions. Les acteurs économiques trouvent cela acceptable parce que ce sont les options les moins coûteuses qui sont mises en oeuvre.
    Merci.
(1020)
    Merci.
    Vous avez 30 secondes.
    Alors très rapidement, pourriez-vous nous en dire plus sur le secteur de l'automobile? Au Canada, on nous dit que si nous tentons d'atteindre les objectifs de Kyoto, cela décimera l'industrie de l'automobile. Quels commentaires vous a-t-on fait sur le marché européen?
    Je ferai deux observations. La première est que nous avons eu un débat très animé sur la question de savoir à quoi ressemblera la voiture de l'avenir. Nous en sommes venus à la conclusion qu'elle devra consommer peu de carburant et émettre peu de carbone.
    La question est donc de savoir qui va fabriquer cette voiture. Au début, le débat était marqué par la crainte exagérée de perdre la totalité de notre industrie de l'automobile, mais on s'est ensuite demandé ce que nous pouvions faire et dans quel type de voiture nous devrions investir pour s'assurer que nous devenions aussi les producteurs de la voiture de l'avenir.
    Ce débat a maintenant débouché sur un objectif clair, un mécanisme de conformité clair. Il nous reste à l'inscrire dans la loi, mais une décision a été prise quant au principe. Je pense que le temps est une variable très importante. Nous ne pouvons pas faire cela du jour au lendemain; autrement, nous causerions des perturbations économiques. Mais si la perspective est claire, nous constatons que l'industrie de l'automobile est prête à faire sa part.
    Merci.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Je reviens à M. Drexhage.
    Vous avez mentionné que le non-respect des objectifs du Protocole de Kyoto d'ici à 2012 va entraîner des pénalités pour le Canada.
    D'abord, pourriez-vous détailler encore une fois la façon de procéder en ce qui a trait aux pénalités?
    Ensuite, y aura-t-il un risque de représailles sur les importations en provenance du Canada, de la part des pays européens, à la suite du non-respect des objectifs du Protocole de Kyoto d'ici à 2012?

[Traduction]

    Pour ce qui est de la disposition de conformité, je préfère la décrire tout à fait comme le gouvernement a décrit l'échange d'émissions et le fonds d'investissement technologique dans l'avis d'intention de la Loi sur la qualité de l'air: comme une disposition de conformité. Aux termes du Protocole de Kyoto, ce mécanisme ou disposition relative à la flexibilité permet aux pays, si l'on peut dire, d'emprunter à même leurs futures périodes d'engagement. C'est la conséquence quand on n'atteint pas son objectif.
    Si la situation est que nous sommes tellement proches de 2008 que nous n'arriverons pas à obtenir les réductions voulues pour atteindre l'objectif de Kyoto comme tel, nous pouvons commencer à investir dès maintenant. Nous pouvons donner des indications claires au sujet de programmes de grande envergure, comme le captage et le stockage du carbone, le charbon écologique et la ligne de transmission est-ouest écologique. Nous pouvons commencer à faire ces investissements dès maintenant. Nous pouvons montrer à la communauté internationale, de manière crédible et transparente, que l'on fait ces investissements et que ceux-ci entraîneront des réductions réelles des émissions de gaz à effet de serre après 2012. On peut utiliser cet argument dans les négociations, après quoi on s'efforce d'obtenir compensation pour la période 2008-2012.
    Atteindre ou ne pas atteindre Kyoto, ce n'est pas aussi simple qu'il peut le sembler à première vue. Il est possible en fait d'anticiper et d'utiliser les futures réductions pour compenser le manque à gagner entre 2008 et 2012.
(1025)

[Français]

    Et qu'en est-il des représailles européennes sur les produits canadiens d'importation?

[Traduction]

    C'est une suggestion qui a été faite, notamment en France. Le président Chirac a évoqué la possibilité d'ajustements fiscaux à la frontière. Je m'attends à ce que, au cours des discussions sur la période post-2012, un certain nombre de pays insisteront beaucoup pour que les dispositions de conformité soient beaucoup plus rigoureuses au cours de cette période suivant 2012 et qu'on y ajoute des recours commerciaux. Ce sera très, très intéressant à suivre.
    Si l'on pense que le dossier est compliqué aujourd'hui, nous n'avons encore rien vu, parce que l'on s'apprête à commencer les discussions avec l'Organisation mondiale du commerce. C'était une observation très juste.

[Français]

    Monsieur Delbeke, y a-t-il des risques de représailles de la part des pays européens, en ce qui concerne les importations du Canada? Cela s'applique-t-il également à des pays non participants au Protocole de Kyoto, dont les États-Unis?

[Traduction]

    La question des ajustements fiscaux à la frontière a été évoquée à plusieurs reprises, mais je pense que l'on pourrait résumer le débat sur la question, en particulier au Parlement européen, en disant qu'il faut faire la distinction entre ceux qui ont signé l'accord de Kyoto et ceux qui ne l'ont pas encore fait.
    Deuxièmement, la Commission européenne chargée du commerce a indiqué clairement après le 10 janvier que nous devons envisager d'abord des mesures commerciales positives et que ces ajustements fiscaux à la frontière doivent être envisagés à plus long terme. Je crois que ce sera un élément du débat.
    Un élément très important du dossier de la conformité dans le contexte européen est que le système d'échange d'émissions permet à une compagnie d'acheter des droits d'émissions dans le pays même ou de les importer en invoquant le MDP. Maintenant, cette importation de crédits dans le cadre du MDP est très importante dans le dossier de la conformité, parce que nous avons maintenant un marché liquide de ces crédits. Si une compagnie risque de ne pas être conforme, c'est une manière d'acheter la conformité à bon prix: on se tourne vers le marché et l'on demande à des courtiers de se procurer un certain nombre de crédits. Ces crédits d'application conjointe et de MDP se sont révélés une manière très rentable de rendre une compagnie conforme.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Paradis, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. J'ai trois questions. Les deux premières s'adressent à M. Delbeke.
    Monsieur Delbeke, j'aimerais que vous me décriviez les mesures prises qui ont été les plus profitables à l'Union européenne en ce qui concerne le développement et l'utilisation d'énergies propres, ce qui inclut l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

[Traduction]

    Nous avons un plan d'action sur l'efficacité énergétique qui a été adopté il y a six ou huit semaines à peine. On y insiste énormément sur l'efficacité énergétique des appareils ménagers, des immeubles et des voitures. C'est à ce niveau que nous allons agir. Nous venons de discuter du secteur de l'automobile. C'est un dossier très important qui débouchera bientôt sur des mesures législatives.
    Au sujet de l'énergie renouvelable, on s'attend à ce que, lors de la réunion des 7 et 8 mars, les chefs d'État décident d'adopter un objectif obligatoire consistant à utiliser 20 p. 100 des sources d'énergie primaire de l'Europe d'ici 2020. Le secteur de l'énergie renouvelable aura donc un bon coup de pouce. Ce sera tout à fait compatible avec ce que font d'importants partenaires commerciaux. Nous suivons bien sûr de près ce qui se passe au Canada, aux États-Unis et au Japon. Mais l'utilisation de l'énergie renouvelable sera multipliée par deux ou trois d'ici 2020. Ce sera un élément très important.
    Sur le captage et le stockage du carbone, il y a encore de l'incertitude. On fait beaucoup d'efforts dans le domaine de la recherche et du développement, mais je dirais que cette technologie n'est pas encore suffisamment au point pour la mettre en application et que nous ne sommes pas encore prêts à légiférer pour imposer le captage et le stockage du carbone. Dans l'ordre de priorité, je dirais que l'efficacité énergétique vient en premier et l'énergie renouvelable en second lieu.
(1030)

[Français]

    Au Canada, on s'inquiète de ce que les pires formes d'énergie gaspillée sont celles utilisées et celles non utilisées, justement. C'est par rapport aux appareils qui sont en mode d'attente, ce qu'on appelle le standby mode, si vous me permettez l'expression.
    Au Canada, 5,2 TWh par année sont utilisés par des appareils en mode d'attente. C'est pourquoi le gouvernement veut réglementer pour avoir un one-watt standard.
    Est-ce pris en compte dans l'Union européenne? Avez-vous aussi des visées à cet égard?

[Traduction]

    Oui, il y a tout un débat là-dessus à l'UE actuellement. C'était à l'ordre du jour de la réunion des chefs d'État du G-8. Le commissaire Pielbags, qui est chargé de l'énergie, aimerait obtenir une entente mondiale par laquelle on imposerait sur toute la planète des normes beaucoup plus rigoureuses en matière d'efficacité énergétique. Les appareils en mode d'attente sont un élément de cette initiative.

[Français]

    J'ai une dernière question pour M. Drexhage.
    Je voudrais avoir votre avis, monsieur Drexhage, sur le fait que le gouvernement se propose justement de mettre en place la réglementation dont je viens de faire état, afin de réglementer quelques appareils pour la première fois.
    Comment voyez-vous l'initiative du Canada en comparaison de ce que fait actuellement l'Union européenne ou de ce qui est fait à l'échelle internationale? Voyez-vous cela d'un bon oeil? Je voudrais connaître votre avis à cet égard.

[Traduction]

    Je pense que c'est un élément du menu global dont il faudrait assurément faire la promotion. À cet égard, j'aime bien les normes parce qu'elles favorisent l'efficacité énergétique. Franchement, je crois qu'en Amérique du Nord, nous ne nous rendons pas compte à quel point nous sommes un véritable paria international, en comparaison des autres pays du monde. Nous sommes dix fois moins efficients sur le plan énergétique que des pays comme l'Inde ou la Chine et quatre fois moins efficients que les pays de l'UE. Nous devons absolument nous attaquer à ce problème.
    D'autres ont évoqué tout à l'heure notre situation nationale et je suis entièrement d'accord. Nous sommes un pays froid et les distances sont longues. Mais la Norvège est un pays très froid aussi. Ne nous leurrons pas: les Norvégiens sont loin d'être aussi mauvais que nous en termes d'efficience énergétique.
    En fait, je dirais que le problème des longues distances ne se pose pas tellement entre les villes, mais plutôt dans les villes mêmes. C'est à cause de l'étalement urbain que nous avons connu depuis la Deuxième Guerre mondiale.
    Tout cela n'est pas facile, mais c'est d'une importance absolument cruciale si nous voulons vraiment corriger le cap à l'avenir. Nous ne pouvons pas continuer d'avoir cette ceinture du 905 autour de Toronto. Ce n'est tout simplement pas soutenable.
    Monsieur Holland, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Je veux commencer par les ententes d'application facultative et ma question s'adresse à vous, monsieur Drexhage. Je veux d'abord m'assurer que nous sommes sur la même longueur d'onde.
    À ma connaissance, le Canada n'a mis en place qu'une seule entente facultative, et c'est celle conclue avec le secteur de l'automobile, laquelle est actuellement reconduite, en fait. Elle continuera d'être facultative jusqu'en 2010. En fait, nous avions bien prévu dans le cadre du Projet vert, pour les grands pollueurs, un plafond ferme qui devait entrer en vigueur en 2008, sauf erreur, assorti de réductions de 45 mégatonnes. Ai-je raison là-dessus?
    À vrai dire, il y a un débat là-dessus, parce que d'une part, c'était 12 p. 100 d'intensité et d'autre part, c'était 45 mégatonnes, et il n'a jamais été précisé clairement sur quoi on mettrait l'accent pour assurer la conformité. Cela n'a jamais été complètement élucidé.
    Quant à savoir s'il y a d'autres ententes facultatives, je pense que vous avez raison, que la seule qui soit en place à l'heure actuelle est celle conclue avec l'industrie de l'automobile.
    Je me demande si je pourrais demander à M. Delbeke de répondre à la question sur les sources d'énergie renouvelable. Vous en avez parlé un peu.
    Pourriez-vous nous dire, premièrement, où vous en êtes aujourd'hui, en pourcentage, dans l'Union européenne pour ce qui est de l'utilisation de l'énergie renouvelable et quel est votre objectif? Vous dites que vous comptez multiplier cela par deux ou trois, si j'ai bien entendu. Et pourriez-vous nous dire quelles mesures vous prenez pour encourager la production d'énergie verte ou d'énergie électrique renouvelable.
(1035)
    Je n'ai pas les chiffres précis sous la main, mais pour l'utilisation d'énergie primaire en Europe, l'ordre de grandeur est d'à peu près 6 p. 100 ou 7 p. 100, selon les secteurs. C'est plus élevé dans l'électricité. C'est moins élevé dans d'autres secteurs comme la biomasse. Mais nous entendons fixer un objectif obligatoire, à savoir d'atteindre 20 p. 100 d'ici 2020. C'est donc trois fois plus qu'aujourd'hui.
    La véritable question qui fait l'objet d'un débat très animé actuellement, c'est de savoir dans quelle mesure nous allons mettre en place des encouragements conformes à la libéralisation du marché de l'électricité à laquelle nous procédons actuellement dans l'Union européenne, parce que la plupart des régimes d'encouragement à la production d'énergie renouvelable sont tout à fait liés aux différents États membres. Vous savez sûrement qu'au Danemark, par exemple, l'énergie éolienne est en plein essor, tout comme dans le nord de l'Allemagne, mais les régimes de soutien du Danemark et de l'Allemagne ont été particulièrement généreux et ont favorisé l'essor de l'éolien.
    Quand on passe de 6 p. 100 ou 7 p. 100 à 20 p. 100, cela devient un vecteur majeur de production d'énergie et un facteur important dans la libéralisation de l'électricité et du marché énergétique qui s'opère actuellement en Europe. Nous verrons donc au cours des deux prochaines années un débat très intense sur les régimes de soutien précis qu'il faudra mettre en place pour l'énergie renouvelable, en plus du marché du carbone que nous avons aujourd'hui, parce que l'on sait que le marché du carbone — le prix tourne actuellement autour de 15 euros par tonne de dioxyde de carbone pour la période allant de 2008 à 2012 — est un stimulant important du développement de l'énergie renouvelable. La question est de savoir ce que nous devrions faire en plus. Il est clair que ce n'est pas suffisant.
    Certains s'attendent à un prix plus élevé que les 15 euros d'aujourd'hui. Dans la mesure où le prix sera plus élevé, le besoin d'autres mesures de soutien sera moins grand. Mais c'est l'un des dossiers dans lesquels la commission devra prendre d'autres initiatives après le soutien explicite que nous espérons obtenir des chefs d'État et de gouvernement les 8 et 9 mars.
    Ce sera probablement ma dernière question, faute de temps, et je me demande si les deux témoins pourraient nous parler de leur perception de l'importance et de l'utilité d'une taxe sur le carbone comme élément de l'éventail de mesures qui pourraient être prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Pourrais-je demander à Jos de répondre en premier?
    Nous avons passé presqu'une décennie en Europe à nous demander si une taxe sur le carbone pouvait ou devrait être mise en place. Nous n'avons pas tranché la question au niveau européen. Vous savez peut-être que la construction européenne a fait des progrès extraordinaires dans bien des dossiers, sauf en matière fiscale. Nous avons donc en quelque sorte un handicap institutionnel qui bloque le dossier de la taxe sur le carbone au niveau européen.
    À cause de cela, la plupart des États membres n'ont pas de taxes sur le carbone, mais taxent lourdement les produits énergétiques. Par exemple, le carburant automobile ou le fuel domestique sont lourdement taxés. Mais ce sont essentiellement des taxes énergétiques et non pas des taxes sur le carbone, il ne faut pas le perdre de vue.
    Dans le dossier de la taxe sur le carbone, nous nous orientons vers...
    Désolé. Dans votre réponse, pourriez-vous peut-être nous parler de l'expérience des États membres qui ont utilisé une taxe sur le carbone et nous dire s'ils ont trouvé que c'était un outil efficace pour eux, en comparaison des autres États membres?
    Je vous demanderais d'être extrêmement bref.
    Ces taxes ont été efficaces au niveau du consommateur. Nous avons constaté que lorsqu'on a tenté d'imposer une taxe sur le carbone aux activités industrielles, il y avait des limites quant à la possibilité de percevoir une telle taxe.
    Très brièvement, monsieur Drexhage.
    Non, je pense que cela ne peut pas se faire dans un vide politique ou en l'absence de politiques.
    Je suis d'Edmonton, en Alberta, et je sais que cette expression est lourde de sens. Qu'on appelle cela n'importe comment sauf une taxe sur le carbone et peut-être qu'on pourra en discuter, mais dès qu'on parle de taxe sur le carbone, ce n'est tout simplement pas constructif, compte tenu de l'ensemble de la dynamique nationale de notre pays.
    Je vais m'en tenir là.
(1040)
    Monsieur Watson, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Drexhage, je voudrais revenir à ce dont vous avez parlé tout à l'heure et je veux m'assurer d'avoir bien compris. Quel est le nombre total de crédits vérifiables disponibles internationalement au titre du MDP?
    Je n'ai pas le chiffre total sous la main, et tout cela fait d'ailleurs l'objet de discussions.
    Peut-être Jos a-t-il les chiffres. Je n'en suis pas certain. Mais je suis sûr que le chiffre augmente rapidement.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, Jos?
    Je n'ai pas de chiffres sous la main, mais je sais que nos compagnies prévoyaient acheter pour plus de quatre milliards de dollars canadiens de crédits MDP dans la période allant entre aujourd'hui et 2012, si cela peut vous donner un ordre de grandeur. C'est le seul élément précis que j'ai sous les yeux. Désolé.
    Vous avez évoqué 45 projets qui représentent actuellement 93 mégatonnes d'émissions vérifiables. Est-ce qu'il y en a plus, ou bien...
    Oui, il y en a beaucoup plus que cela. En fait, ce chiffre représente seulement les projets de la Russie et de l'Ukraine, qui portent surtout sur le pétrole et le gaz, les émissions fugitives et autres choses du genre.
    Je veux revenir à ce que M. Jean a dit tout à l'heure. J'en reviens à l'idée d'un marché mondial du carbone. À l'intention des gens qui suivent nos travaux aujourd'hui, pouvez-vous nous dire si un marché mondial du carbone permet le transfert de la richesse des pays industrialisés qui ont un bon bilan en matière de droits de la personne aux pays en développement ou sous-développés qui ont un mauvais bilan à cet égard?
    Cela dépend entièrement du pays d'origine, et il n'y a donc rien qui empêche le gouvernement canadien de concevoir un système tel qu'il empêcherait justement ce que vous décrivez.
    Par contre, puisque nous avons besoin d'un engagement plus poussé de la part de la communauté mondiale, comment obtenir l'engagement des divers pays? Donnons-leur un exemple concret, par exemple grâce au mécanisme de développement propre. Peu m'importe que ce soit le gouvernement ou l'industrie qui s'en charge, mais faisons des investissements outre-mer, en Chine, en Inde et ailleurs, là où l'on peut effectivement être écologiques tout en permettant à l'économie de prospérer. C'est très important de montrer que c'est faisable sur le terrain.
    Bon, je vous entends bien quand vous dites qu'il faut être écologique, mais vous n'avez pas abordé la question des droits de la personne.
    Encore là, rien n'empêche le gouvernement canadien d'élaborer un système qui comprend des conditions explicites régissant l'échange des droits d'émissions. Par conséquent, si un pays n'est pas à l'aise et veut éviter qu'il y ait échange de droits d'émissions avec un pays ou une région où l'on soupçonne qu'il y a violation des droits de la personne, ce pays a tous les outils à sa disposition pour le préciser explicitement.
    Très bien.
    Durant la discussion sur la possibilité d'atteindre l'objectif de Kyoto, vous avez évoqué la possibilité d'acheter à même l'avenir.
    Oui.
    Permettez que je résume, pour voir si j'ai bien compris. Si nous investissons dans certaines technologies aujourd'hui et démontrons que cela entraînera certaines réductions d'émissions vérifiables, cela s'appliquerait à la période post-2012, ou bien diriez-vous que nous pourrions demander que cela s'applique à la période entre 2008 et 2012?
    Durant nos négociations, qui se déroulent actuellement et en sont d'ailleurs à un point critique, nous mettons l'accent sur les engagements que les pays vont prendre pour après 2012. Le Canada, en définissant quel devrait être son engagement après 2012, peut faire des calculs en fonction des investissements qu'il consent actuellement pour le captage du carbone, le charbon écologique, la ligne de transmission est-ouest, et démontrer que tout cela résultera en certaines réductions précises qui infléchiront de telle ou telle manière notre courbe d'émissions.
    À partir de ce scénario, nous utiliserons un nombre donné de mégatonnes, à un taux d'intérêt qui est imposé par le Protocole de Kyoto, pour compenser le fait que nous n'avons pas atteint le contingent précis défini dans le Protocole de Kyoto pour la période de 2008 à 2012. Voilà le mécanisme que le Canada pourrait utiliser.
(1045)
    Si nous investissons dans ces technologies, dont on peut supposer qu'elles permettent des gains appréciables et immédiats, dans une certaine mesure — je veux dire qu'elles sont presque prêtes —, est-ce que cela nous amènera dans une situation où, à un moment donné, l'étape suivante du développement technologique coûterait plus cher que d'acheter des crédits sur le marché international?
    Eh bien, cela coûte déjà plus cher, dans une grande mesure.
    Dans ce cas, certains achètent probablement déjà sur le marché international?
    Encore une fois, c'est au gouvernement d'en décider. S'il veut imposer une limite précise quant à la quantité qu'on peut acheter internationalement, il peut le faire en indiquant que tel pourcentage de notre réduction globale doit être obtenu par tel ou tel moyen.
    Quant au coût initial du captage et du stockage du carbone — ce n'est pas un gain réalisable dans l'immédiat —, cela exigerait quand même un investissement initial considérable, mais une fois lancé, je m'attends à ce que le coût baisse sensiblement, au lieu d'augmenter.
    Merci beaucoup.
    Nous allons nous partager...
    Bon, vous avez cinq minutes.
    Je pense que cela a été vraiment utile. L'objet de cet exercice était de démontrer qu'en fait, les mesures dont on prédit qu'elles sont vouées à l'échec au Canada donnent des résultats concrets ailleurs. Il semble que les pays d'Europe soient les plus avancés parmi les nations industrialisées. L'Europe regroupe le plus grand nombre de pays qui s'attachent activement à réduire les gaz à effet de serre et qui se servent activement du Protocole de Kyoto en appliquant notamment le mécanisme de développement propre.
    Je pose ma question à John Drexhage. Étant donné que l'Europe, qui regroupe le plus gros contingent de pays qui participent présentement à cet exercice, est à l'avant-garde, serait-il judicieux de s'inspirer de ce modèle? Autrement dit, nous voudrons probablement adopter un régime de plafond et d'échange plutôt qu'un système d'imposition du carbone parce que c'est ce que fait l'Europe et que cela nous ouvre un marché. Nous voudrons sans doute aussi tirer parti de son expérience d'application du mécanisme de développement propre, comme M. Delbeke l'a décrite — les pépins qu'il a fallu régler, le problème avec l'usine de Chine, et tout le reste — parce que les Européens sont à l'avant-garde. Par conséquent, plus notre régime ressemble au leur et y correspond, plus nous pourrons compter sur un précédent et avoir des alliés. Nous ferons partie d'un réseau plus large.
    Oui. Comme nous l'avons constaté ce matin, nous pouvons tirer des leçons précieuses de l'expérience de l'Union européenne. Par exemple, comme je l'ai répété à plus d'une occasion, si l'on envisage d'élaborer un cadre de réglementation, il faut commencer simplement et en douceur. C'est une leçon que les États-Unis sont en train d'assimiler.
    L'autre point que je tiens à noter concerne la création de régimes régionaux aux États-Unis. Chose certaine, si l'on considère l'initiative de la Nouvelle-Angleterre, qui fonctionne déjà et l'élaboration d'un registre des gaz à effet de serre de la Californie, sous l'égide du gouverneur Schwarzenegger, leurs représentants sont très actifs, comme Jos l'a déjà mentionné. Ils ont des discussions avec leurs homologues de l'Union européenne au sujet des régimes qu'ils mettent en place et ils veulent absolument s'assurer que des liens sont possibles.
    Ainsi, le premier ministre Blair et le gouverneur Schwarzenegger ont conclu un accord pour s'assurer qu'un tel lien se concrétisera. À l'évidence, on commence déjà à voir l'amorce d'un régime international dans ce domaine. Il est important, premièrement, de nouer des liens, mais deuxièmement, plus le Canada deviendra rapidement un acteur dans ce dossier, plus vite il pourra s'assurer que le régime global reflète convenablement nos sensibilités particulières, qu'il ait suffisamment de souplesse pour les prendre en compte.
    Monsieur McGuinty.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il serait sans doute important pour nous d'entendre davantage de témoins américains nous parler des tendances à Washington, particulièrement des représentants du Centre Pew sur les changements climatiques globaux. C'est une suggestion que j'ai faite au comité.
    Je voudrais revenir à M. Delbeke. Monsieur Delbeke, les estimations varient quant à la taille d'un marché international du carbone, une fois constitué. Je sais que la Deutsche Bank, en Allemagne, a piloté une grande partie de l'analyse. La Banque mondiale a elle aussi fait une analyse. D'après certains chiffres que j'ai pu consulter ici au Canada, en 2005, le marché mondial se chiffrait à 11 milliards de dollars, et il connaît une croissance rapide. De plus, je viens tout juste d'apprendre ce matin que la part du marché du Canada est passée d'environ 33 p. 100 à la fin des années 1990 à probablement moins de 1 p. 100 aujourd'hui. On note aussi un mouvement de fond vers l'Europe, plus particulièrement vers Londres, le Royaume-Uni, particulièrement dans la Cité, qui est devenue une plaque tournante du commerce international des émissions.
    Pouvez-vous nous donner une idée de la magnitude du marché international? D'après ce que me disent certains de nos experts, le marché canadien serait vraisemblablement très petit, très peu liquide et vraiment mineur sur la scène internationale. Qu'en pensez-vous? Que ressort-il de votre analyse? À quoi vous attendez-vous? Il y a environ quatre ou cinq ans, je sais que la Deutsche Bank avait estimé qu'un régime d'échange d'émissions véritablement international sous l'égide de Kyoto serait plus vaste que n'importe quelle bourse existant actuellement sur la planète. Quelle ampleur cela prendra-t-il?
(1050)
    C'est très difficile à prévoir car nous ne pouvons que faire des hypothèses au sujet des quantités d'émissions qui seront échangées et de leur prix. On peut simplement se reporter à la courte histoire que nous avons. À l'heure actuelle, en 2006, le volume du marché s'établit à 22 milliards de dollars canadiens. J'ai calculé cela en me fondant sur le plus récent taux de change pour arriver à cet ordre de grandeur. Actuellement, 80 p. 100 des transactions se font en Europe.
    Dans la foulée des plans nationaux d'allocation que nous négocions à l'heure actuelle avec les États membres, je constate que l'intérêt pour les crédits du mécanisme de développement propre et d'application conjointe augmente rapidement. Cette hausse s'explique par le fait que nous avons avancé des objectifs à long terme, des objectifs qui s'inscrivent dans la perspective de 2020. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous déclarerions un objectif unilatéral. Notre motivation est double.
    Premièrement, nous voulons transmettre aux pays en développement le message que nous prenons des engagements sérieux avec eux. Autrement dit, s'ils mettent sur pied ces projets MDP, nous n'allons pas les laisser tomber après 2012 étant donné qu'il faut un certain temps pour élaborer ces crédits.
    Deuxièmement, nous voulons faire comprendre à ceux qui mettent au point les technologies de l'avenir en Europe que nous n'allons pas les laisser tomber non plus. Il n'est pas question d'avoir des technologies là-bas et de ne plus les appuyer après 2012. Voilà pourquoi nous sommes tellement déterminés à envoyer un signal à long terme, 2020. C'est une échéance à long terme qui n'est quand même pas trop éloignée. En effet, nous avons observé que lorsque l'on tente de discuter de chiffres pour 2050, cela peut sembler trop lointains et, par conséquent, ne pas déclencher l'action politique dont nous avons besoin. Nous avons donc pensé que 2020 représentait le juste équilibre, associé aux technologies pertinentes dont nous avons besoin et aux signaux qu'il faut pour aller chercher l'adhésion des pays en développement.
    Merci, monsieur Delbeke.
    Pour les cinq dernières minutes, monsieur Manning, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à nos invités.
    Premièrement — je m'adresse à M. Delbeke —, des sondages récents réalisés ici au Canada placent l'environnement en tête des préoccupations des Canadiens. Dans ce contexte, les deux grandes priorités sont la qualité de l'air et la santé humaine. J'ai constaté les efforts déployés par l'Union européenne — en 2001, le programme Air pur pour l'Europe, ou CAFE, et en 2005, les stratégies thématiques sur la pollution atmosphérique —, et je voudrais savoir de quelle façon ces initiatives ont complété vos efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne.
    Comme je l'ai mentionné, il y a énormément d'avantages connexes. Lorsque nous intervenons pour assainir l'air, nous enregistrons des retombées relativement aux émissions de gaz à effet de serre et vice versa. Pour le soufre et l'oxyde d'azote, en Europe — et je pense que c'est aussi votre expérience — des deux côtés de l'océan, nous avons enregistré des réductions considérables grâce à la technologie que nous avons mise au point.
    Pour ce qui est des concentrations d'oxyde d'azote et de matières particulaires, dans les zones urbaines, nous ne sommes pas encore là. Nous avons un problème surtout dans le secteur du transport, et c'est un problème commun aux dossiers de la qualité de l'air et du changement climatique. Nous notons des progrès sensibles en ce qui a trait aux émissions émanant du complexe industriel, mais ce progrès est neutralisé par une augmentation très rapide des émissions provenant de notre système de transport. Je peux vous donner des chiffres pour le secteur industriel. Depuis 1990, nous avons enregistré des réductions d'émissions se situant entre 10 et 25 p.100 dans le secteur de l'énergie électrique et ailleurs, selon le sous-secteur en question, mais nous avons augmenté de 33 p. 100 nos émissions dans le secteur du transport au cours de la même période. Par conséquent, c'est dans le domaine du transport qu'il faut traquer les polluants de l'air local traditionnel, tout en s'attaquant aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre — d'où notre réglementation des véhicules automobiles et des carburants — car c'est le transport privé, les problèmes de mobilité que nous avons dans les centres urbains qui sont au coeur du problème du changement climatique autant que des problèmes traditionnels liés à la qualité de l'air.
(1055)
    Merci.
    Monsieur Drexhage, dans notre conversation ce matin, nous avons parlé de conformité volontaire et d'un plafond plus élevé. Vous avez mentionné à propos de l'adoption d'un cadre de réglementation, qu'il fallait procéder intelligemment, simplement et en douceur. Pouvez-vous nous dire quels pourraient être, à votre avis, certains résultats négatifs possibles alliés à l'adoption de plafonds plus élevés?
    Plus que toute autre chose, je crains que la situation nous échappe quelque peu. Les objectifs d'intensité ont fait l'objet de discussions non seulement au sein du présent gouvernement mais du gouvernement précédent, particulièrement avec l'Alberta et les principaux émetteurs ultimes dans l'Ouest. S'il fallait que nous ayons des discussions politiques très fermes maintenant et que nous insistions sur des plafonds absolus, encore une fois cela aurait pour effet de nuire à une intervention concrète. Voilà ce qui m'inquiète le plus.
    Bien souvent, cet enjeu donne uniquement lieu à la polémique et au débat: aucun plafond ferme, un plafond souple; Kyoto ou pas Kyoto. Pour moi, il s'agit de lancer un programme quelconque et de commencer à agir. En principe, instaurer des plafonds absolus est sans doute la façon la plus simple de mettre en oeuvre un plan d'échange des émissions de gaz à effet de serre. Mais étant donné que l'aspect intensité fait partie du dialogue politique depuis quelques années, je crains que si nous revenions là-dessus, cela aura pour effet de politiser inutilement la situation, particulièrement vis-à-vis l'Alberta.
    Je tiens à remercier les témoins d'avoir participé à nos travaux: M. Delbeke et son assistant de Bruxelles, et M. Drexhage.
    Je voudrais aborder un ou deux points rapidement. Le comité souhaite-t-il inviter de nouveau Vicki Arroyo à la séance du 27 février, sous réserve que sa situation familiale le lui permette? D'accord.
    L'Association médicale canadienne et l'Ontario Medical Association ont toutes deux décliné notre invitation à comparaître cet après-midi. L'AMC remettra un mémoire écrit au comité. La Société canadienne du cancer a également décliné, mais il nous reste encore trois groupes : la Société canadienne de l'asthme, l'Association pulmonaire du Canada et la Fondation des maladies du coeur. Je pense que l'après-midi donnera quand même lieu à une séance productive.
    Merci à tous.
    La séance est levée.