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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, ainsi que les autres membres du comité, de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui sur cet enjeu crucial.
Je m'attacherai surtout aux aspects internationaux pertinents. J'aborderai, entre autres, les leçons que le Canada pourrait vouloir tirer de l'expérience d'autres pays, particulièrement les États-Unis et l'Union européenne; de quelle façon l'élaboration d'un plan national sur le changement climatique est intimement lié aux discussions en cours sur un régime post-2012 en la matière; et ce que signifie pour le Canada le rapport que vient de publier le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Premièrement, permettez-moi de vous livrer certains des commentaires auxquels je m'attendrais de la part de l'Union européenne.
En décembre dernier, l'IIDD a organisé deux colloques auxquels nous avons invité des experts européens et américains à commenter deux éléments de conformité de la Loi sur la qualité de l'air, soit l'échange de droits d'émission et un fonds d'investissement technologique. Les messages émanant de ces diverses tribunes sont essentiellement les mêmes. Le premier message qui ressort sans ambiguïté est le suivant: dans la perspective de la mise en oeuvre d'un cadre de réglementation, quel qu'il soit, il convient de commencer en douceur avec un système relativement simple, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. En effet, pour se doter d'un cadre efficace, le Canada doit se doter d'un système qui reflète un équilibre entre l'évolution du dossier sur la scène internationale et la situation unique du Canada en sa qualité de grand pays industrialisé exportateur d'énergie.
Lors du colloque organisé par l'Institut les 12 et 14 décembre derniers, le groupe d'experts réunissait des spécialistes du département de Joe Delbeke à la Commission européenne, de même que des participants des États-Unis représentant l'EPA et d'autres organisations américaines.
La réflexion a spécifiquement porté sur ces deux éléments de conformité, qui ont fait l'objet de nombreuses discussions ces derniers mois pendant la genèse de la Loi sur la qualité de l'air, et que l'on trouve dans la déclaration d'intention.
Les deux principaux mécanismes de conformité dont il a été question — le plan d'échange d'émissions et le fonds d'investissement technologique — représentent des approches distinctes en matière de politique climatique. D'une part, le commerce d'émissions repose sur le plafonnement ou sur la restriction des émissions tout en permettant que le prix soit déterminé par le marché. D'autre part, selon la formule adoptée, un fonds d'investissement technologique pourrait fixer le prix tout en permettant que la quantité des réductions d'émissions à court terme soit variable.
Au colloque — qui réunissait quelque 60 experts du Canada, de l'Amérique du Nord et de l'Union européenne, et où 30 d'entre eux ont participé à chacun des ateliers —, certains participants ont préféré obtenir un résultat environnemental certain assuré par l'échange d'émissions alors que d'autres ont privilégié un prix garanti pour apaiser les préoccupations voulant qu'il soit trop coûteux de s'attaquer au changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On peut dire qu'en général, deux perspectives se sont affrontées. Dans un camp, on appréciait d'avoir une certitude au sujet de la quantité, certains participants accordant la priorité à un régime d'échange simple et efficient au plan économique, un régime qui pourrait de faire le pont avec d'autres, comme celui qui est en cours d'élaboration au sein de l'Union européenne. Les gens qui privilégiaient cette option craignaient qu'un mécanisme comme un fonds d'investissement technologique compromette l'efficacité d'un système d'échange et complique l'établissement de liens avec d'autres régimes.
Dans l'autre camp, les tenants d'un prix garanti s'inquiétaient davantage du coût de la conformité, surtout en raison du roulement du capital-actions, et voyaient dans un fonds dédié assorti d'un plafonnement des prix un moyen plus efficace de s'assurer que l'on commence à agir d'une façon ou d'une autre. Un fonds d'investissement technologique ouvrirait la porte à la réalisation d'engagements à long terme en stimulant l'innovation, mais il devrait être conçu de façon à ne pas nuire à l'efficacité d'un système d'échange d'émissions.
Un fonds d'investissement technologique et un système d'échange d'émissions peuvent tous deux être des mécanismes de conformité, mais ils jouent essentiellement des rôles distincts. Toutefois, en dépit de ces priorités potentiellement contradictoires, il est tout de même possible d'envisager un régime dans lequel un fonds d'investissement technologique et un système d'échange d'émissions cohabiteraient.
De nombreux participants ont convenu de la nécessité d'adopter un mécanisme d'échange d'émissions quelconque qui permettrait aux entreprises ayant dépassé leurs objectifs de vendre des crédits à d'autres, aussi soumises à des obligations à cet égard. Un autre mécanisme, qui permettrait aux entreprises incapables de respecter leurs propres objectifs de contribuer à un fonds d'investissement technologique en contrepartie d'unités de conformité non échangeables, a aussi recueilli des appuis.
Les entreprises qui respectent leurs objectifs pourraient vendre leurs crédits excédentaires à celles qui sont incapables de les atteindre, et les entreprises qui sont dans l'impossibilité d'atteindre leurs objectifs pourraient avoir l'option d'acheter des unités non échangeables par l'entremise d'une contribution à un fonds d'investissement technologique.
Nous nous sommes également intéressés à toute la question des polluants atmosphériques locaux, puisqu'elle est du ressort de la Loi sur la qualité de l'air. L'exercice a donné lieu à un constat étonnant: au chapitre des objectifs à long terme relatifs aux polluants atmosphériques locaux, pratiquement aucun pays dans le monde n'a prévu quoi que ce soit au-delà de 2020. Sauf ceux de l'Union européenne, puisque cette dernière vient tout juste d'adopter une loi en ce sens. Autrement dit, pour ce qui est des restrictions des émissions à long terme et des objectifs contenant les polluants atmosphériques locaux, on peut dire que nous sommes à la fine pointe des efforts en ce sens.
La conclusion générale a été la suivante: on doit envisager tout régime de réglementation visant à la fois les polluants atmosphériques locaux et les gaz à effet de serre à la lumière de ses avantages dans les deux domaines. Cela dit, tenter de réglementer les polluants atmosphériques locaux de la même façon que les émissions de gaz à effet de serre au moyen d'un système unique serait extrêmement problématique. Il faudrait avoir des régimes de réglementation distincts pour les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques locaux; en fait, cela serait beaucoup plus efficace.
Les experts estiment qu'il existe des possibilités très réelles d'échanges transfrontières avec les États-Unis dans le dossier des polluants atmosphériques locaux et les participants venant de part et d'autre de la frontière se sont dit vivement intéressés à explorer cette avenue.
Nonobstant ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des conclusions des deux colloques que nous avons organisés à Ottawa et à Montréal à la fin de décembre, je voudrais affirmer ceci dans le reste de mon intervention: ce qu'il convient de faire — et de façon urgente —, c'est adopter un cadre de réglementation applicable aux grands émetteurs industriels qui leur signifie clairement que dans un avenir assez rapproché, on exigera d'eux des réductions d'émissions considérables tout en leur fournissant les outils nécessaires pour rendre la transition la plus harmonieuse possible.
Je tiens à signaler, en dépit de mes propos de tout à l'heure, que nous n'oeuvrons pas — et j'insiste là-dessus — en vase clos. D'ailleurs, plus le système que nous élaborons ici permettra des liens avec nos principaux partenaires commerciaux, plus il sera efficace. De nombreux autres pays souhaitent vivement la création d'un marché mondial du carbone efficace, et le Canada doit sérieusement envisager son rôle dans une telle équation. Nous savons pertinemment que les États-Unis et l'Union européenne sont partants, mais le même écho nous provient d'un pays comme l'Australie. Le premier ministre, John Howard, vient de mettre sur pied un groupe de travail sur l'échange de droits d'émission réunissant des représentants du gouvernement et des gens d'affaires. Son mandat est de prodiguer des conseils sur la nature et la forme d'un système mondial d'échange d'émissions viable auquel l'Australie pourrait adhérer. Pourquoi? Parce que tous les modèles économiques démontrent de façon convaincante qu'un système mondial d'échange d'émissions de carbone réduirait sensiblement les coûts liés à l'atteinte de notre objectif ultime, qui est d'instaurer un environnement climatique sécuritaire pour les générations futures.
Comme quelqu'un me le faisait remarquer hier à propos du changement climatique, si les émissions ne connaissent pas de frontières, il doit en être de même des réductions d'émissions. Bien entendu, nous devons aussi axer nos efforts sur l'élaboration de mécanismes et de technologies ici au Canada, mais l'un n'empêche pas l'autre; en fait, s'il disposait de technologies bien conçues, le Canada pourrait tirer partie de l'existence d'un marché du carbone et s'en servir pour lancer et commercialiser des techniques pertinentes de réduction d'oxyde de carbone.
Mais peut-on encore atteindre les objectifs de Kyoto? Qui sait, au point où nous en sommes? N'oubliez pas qu'il s'agit d'essayer de prédire quelle sera la trajectoire du Canada en matière d'émission dans six ans, et il ne faut pas perdre de vue les nombreuses dispositions de souplesse prévues dans le Protocole de Kyoto, au-delà de ce qu'on est convenu d'appeler les mécanismes du marché. Je songe en particulier aux dispositions de conformité du Protocole de Kyoto. Le gouvernement du Canada pourrait les invoquer pour emprunter à même la prochaine période d'engagement et ajouter un taux d'intérêt pour atteindre son objectif pour la période allant de 2008 à 2012. Si c'était fait de manière crédible, cela voudrait dire que nous pourrions encore commencer à élaborer un cadre réglementaire prévoyant un point de départ raisonnable. On enverrait ainsi un message clair, à savoir qu'il faudrait des réductions considérables au cours de la prochaine période d'engagement, après 2012, et surtout, un plan beaucoup plus complet qui prendrait en compte tous les secteurs pertinents de la société canadienne.
Cela comprendrait un soutien marqué, dès maintenant, à d'importants investissements dans l'infrastructure, dans des domaines comme le captage et le stockage du carbone, le charbon propre, et une ligne de transmission est-ouest écologique d'un bout à l'autre du Canada; l'accélération rapide des incitatifs aux initiatives pour des solutions de rechange énergétiques, y compris la production décentralisée et la cogénération, la production combinée de chaleur et d'électricité; la mise en place accélérée de normes d'efficience énergétique dans le secteur des transports; et des signaux politiques fermes en faveur de l'efficience énergétique et des programmes de conservation.
Je suis convaincu que si nous mettons ces éléments en place au cours de l'année prochaine, nous serons agréablement surpris par l'ampleur des réductions que nous réussirons à réaliser et nous ferons la preuve à la communauté mondiale que nous sommes sérieux dans notre volonté de nous attaquer au changement climatique.
Au sujet de cette dernière considération, il est important que votre comité ne perde pas de vue que le gouvernement a pris une série d'engagements à la dernière réunion du groupe de travail ad hoc sur de nouveaux engagements pour les parties à l'annexe 1 au Protocole de Kyoto, réunion tenue à Nairobi. En effet, nous nous sommes engagés à effectuer et à diffuser une analyse du potentiel d'atténuation des politiques actuelles et futures et à identifier un éventail possible de réductions des émissions et les moyens disponibles pour les réaliser. Plus tôt nous disposerons d' une analyse et d'un plan complet ici au Canada, plus tôt nous pourrons jouer un rôle utile dans ces discussions cruciales sur les engagements pour l'après-2012. Si je comprends bien, la date butoir est le 23 février pour la présentation des premières propositions, et il serait utile de savoir ce que le gouvernement canadien prévoit offrir à cet égard.
Je suis également curieux de savoir où en sont les deux autres propositions pour lesquelles le Canada a raté l'échéance. Aux termes des accords de Marrakesh, le Canada, de même que toutes les autres parties à l'annexe B du Protocole de Kyoto, s'est engagé à remettre un rapport initial au plus tard le 1er janvier de cette année. Essentiellement, cela prouve que le Canada possède l'infrastructure voulue pour participer à la première période d'engagement, y compris la capacité de mesurer de manière continue nos émissions de gaz à effet de serre. Cela comprend, entre autres éléments, le fait de fournir un inventaire complet de nos émissions de gaz à effet de serre, y compris les sources et les puits, des précisions sur ce qui sera comptabilisé au titre des forêts jardinées, et une description de notre registre national. À ma connaissance, le Canada n'a pas encore établi un tel registre.
Le Canada a également raté l'échéance pour la remise de sa quatrième communication nationale, dans laquelle on ferait le point sur la situation nationale du Canada et les progrès réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce document devait être remis le 1er janvier 2006, ce qui veut dire que le Canada a plus d'un an de retard relativement à cet engagement.
Ces omissions, qu'elles soient ou non délibérées, font ressortir que, depuis trop longtemps, et je dois dire sous le règne de plusieurs premiers ministres — cela n'a pas seulement commencé il y a un an, la situation a été la même sous plusieurs premiers ministres successifs —, il y a de sérieuses lacunes au chapitre de l'élaboration des politiques fédérales aux niveaux national et international. Je ne saurais trop insister sur le tort causé à notre réputation internationale et à notre crédibilité.
Une foule de connotations différentes ont été accolées au nom même de « Kyoto », ce qui, malheureusement, a eu pour seul résultat de politiser inutilement le dossier du changement climatique au Canada. En particulier, toute l'attention convergeant vers nos objectifs précis nous a fait perdre de vue le fait que l'accord de Kyoto a établi et continue d'établir l'architecture de la politique internationale pour lutter contre le changement climatique, depuis la méthodologie utilisée pour comptabiliser et vérifier nos émissions et en faire rapport, y compris les activités de séquestration biologique, jusqu'à l'élaboration de programmes de travail pour l'adaptation et l'établissement des règles pour la mise en vigueur des nombreuses dispositions de souplesse prévues dans l'accord.
Je ferai une dernière observation, monsieur le président, sur les répercussions du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat publié à Paris il y a quelques semaines. À mon avis, la principale conclusion figurant dans ce rapport était le lien irréfutable entre les activités humaines et le phénomène du réchauffement planétaire. Dans cette optique, il faut s'attendre à un avenir marqué par la limitation de l'utilisation du carbone tout au long du XXIe siècle. Soyons clairs: il n'y a plus d'ambiguïté sur ce point. Cela veut dire que l'économie canadienne doit s'adapter à cette réalité.
Plus précisément, je soutiens que le temps est venu d'entamer un dialogue national sur les priorités et les intérêts énergétiques du Canada. Pour ma part, il m'apparaît que toutes les clientèles politiques au Canada, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal, ont pris l'engagement de devenir des « chefs de file mondiaux de l'énergie propre ». Il faut de toute urgence se pencher sur la signification véritable de ce phénomène et sur la manière dont nous pouvons nous y prendre pour que cela se réalise, pour le plus grand bien de l'environnement et de l'économie.
En terminant, monsieur le président, qu'on me permette de répéter simplement ce que j'ai déjà dit devant le Comité permanent de l'environnement en novembre dernier: En dernière analyse, pour contrer avec succès la menace grave et urgente du changement climatique, il faut une évolution dans notre compréhension de ce que sont nos véritables intérêts nationaux: agir de manière responsable pour le bien de l'environnement et de nos enfants.
Les derniers sondages montrent clairement que les Canadiens sont prêts et qu'ils ont hâte de relever le défi. J'ose dire, en toute humilité, que le temps est venu pour les politiciens de tous les partis de faire preuve de la même détermination, dans un esprit constructif.
Ne laissons pas la question des cibles et objectifs nous empêcher de nous mettre à la tâche, de manière productive et constructive, pour le plus grand bien de notre environnement planétaire et pour que le Canada devienne vraiment un chef de file mondial de l'énergie propre.
Merci, monsieur le président.
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Bon après-midi ... ou plutôt bon matin, à Ottawa.
Je suis Jos Delbeke. Ma collègue est Mme Dranseikaite. Elle travaille au département de la Commission européenne chargée des questions environnementales.
C'est un grand plaisir pour moi de m'adresser à votre comité aujourd'hui.
Je peux vous assurer qu'au sein de l'Union européenne, un débat très animé a cours sur l'évolution du climat. Nous avons enregistré des températures anormalement élevées au cours de l'hiver. En outre, de nouvelles preuves scientifiques très convaincantes — le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a été mentionné et nous avons pris connaissance de l'étude économique de sir Nicholas Stern du Royaume-Uni — ont été rendues publiques. J'irais même jusqu'à dire qu'il ne se passe pas un seul jour sans que les journaux et les médias ne fassent référence au changement climatique et à ses défis.
Dans cette optique, monsieur le président, je voudrais vous présenter trois points fondamentaux: premièrement, je décrirai le contexte politique mondial dans lequel s'inscrit la prise de décisions sur le changement climatique au sein de l'UE; ensuite, j'aborderai sans doute certaines questions spécifiques ayant trait au système européen d'échange d'émissions; et enfin, je ferai certains commentaires précis concernant l'impact économique de l'activité humaine — pollution atmosphérique, polluants de l'air local, etc.
Premièrement, le contexte politique mondial. À mon avis, l'Union européenne est sur le point d'agir non seulement pour respecter ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto mais également pour se préparer à plus long terme. D'après l'état des connaissances scientifiques relatives au changement climatique, 2012 est à nos portes et nous devrons intégrer notre action dans une perspective allant à tout le moins jusqu'en 2020. Il le faut pour rassurer les décideurs économiques du secteur privé et envoyer aux consommateurs un message cohérent concernant l'utilisation des technologies et de l'équipement dont nous aurons besoin à l'avenir.
La rentabilité est un thème important de notre débat. En fait, le 10 janvier dernier, la Commission européenne a pris certaines décisions importantes qui seront soumises aux chefs d'État membres à l'occasion de leur réunion des 8 et 9 mars prochains, soit dans une quinzaine de jours. On s'attend à ce que ces chefs d'État et de gouvernement se prononcent sur les objectifs à long terme de l'UE en matière de changement climatique. Ils se pencheront sur un ensemble cohérent de mesures dans les domaines énergétique et climatique. Essentiellement, ce train de mesures porte sur trois types d'enjeux qui chevauchent ce dont il est question ici aujourd'hui. Il s'agit d'enjeux liés à l'amélioration de l'efficience énergétique en général — immeubles, voitures, appareils électriques, etc. Nous estimons qu'à l'heure actuelle, nous ne nous débrouillons pas trop mal à l'échelle mondiale, mais nous pouvons faire beaucoup plus. Nous disposons des technologies pour y arriver.
La deuxième question est de savoir comment soutenir davantage la mise en valeur de sources d'énergie renouvelables. Il ne s'agit pas uniquement d'exploiter l'énergie solaire et éolienne, ce que nous faisons relativement bien jusqu'à maintenant, mais aussi de mettre au point des biocarburants et de nouvelles technologies connexes.
Un troisième élément sur lequel nous travaillons est la capture et le stockage du dioxyde de carbone. Nous croyons que cette nouvelle technologie nous permettra à l'avenir d'utiliser de manière durable les combustibles fossiles et le charbon. C'est un message très important non seulement en Europe, mais dans d'autres pays du monde, notamment en Chine ou encore en Afrique du Sud ou en Australie, où les combustibles fossiles et les ressources charbonnières abondent.
Dans ce contexte, l'Union européenne envisagera deux types d'objectifs. Pour 2020, un objectif est proposé aux pays industrialisés en tant que groupe. À notre avis, il faudrait proposer aux pays industrialisés de viser une réduction de 30 p. 100 des émissions d'ici 2020, par rapport aux niveaux de 1990.
Parallèlement, nos chefs d'État discuteront de la possibilité d'adopter au sein de l'UE, indépendamment des négociations internationales sur cet objectif de 30 p. 100, une cible de réduction de 20 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, mesurée par rapport à 1990.
Pour mettre cela en perspective, sachez qu'à l'heure actuelle, en vertu du Protocole de Kyoto, l'Union européenne vise à réduire ses émissions de 8 p. 100 d'ici 2012. Nous nous engagerions unilatéralement à aller plus loin, passant de moins 8 p. 100 en 2012 à moins 20 p. 100 en 2020, principalement en recourant aux nouvelles technologies énergétiques.
Nous sommes déterminés à jouer un rôle de chef de file dans la mise au point des technologies énergétiques du futur dont le monde aura besoin.
Il y a quelques jours à peine, la Commission européenne a aussi déposé à la table du conseil une proposition ambitieuse visant à réduire radicalement la consommation de carburant des voitures en la faisant passer de son niveau actuel de plus ou moins 160 grammes le kilomètre à 130 grammes en 2012, ce qui représente une amélioration considérable.
Nos fabricants de véhicules automobiles travaillent là-dessus. En théorie, toutes ces technologies sont à notre portée, mais il va de soi que leur mise en oeuvre concrète constitue un défi industriel de taille que nous sommes prêts à relever.
Dans la même veine, à propos des combustibles, nous discutons de la possibilité de réduire graduellement la teneur en carbone des carburants utilisés dans le secteur des transports, l'objectif étant 1 p.100 en moyenne entre 2010 et 2020. Le volet automobile de cette proposition visant les carburants engendrerait une réduction de 500 millions de tonnes de dioxyde de carbone d'ici 2020, soit l'équivalent de la production actuelle de deux États membres, l'Espagne et la Suède.
En guise d'introduction, la Commission européenne et d'autres chefs d'État vont discuter de ces enjeux dans une quinzaine de jours. Ils sont très déterminés à poursuivre notre engagement dans le dossier du changement climatique en adoptant une perspective à long terme, autrement dit, au-delà de Kyoto.
Mon deuxième point concerne le système d'échange d'émissions mis au point par l'Union européenne. En fait, notre système fonctionne depuis le 1er janvier 2005. Dans notre optique, il vise la période préalable allant de 2005 à 2008, la période avant l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. Notre régime est opérationnel, mais en même temps, il reste certains points à peaufiner.
En fait, l'Europe ne possédait pas la base de données, je dirais la base de données très sophistiquée nécessaire pour lancer le système. La période préalable de 2005 à 2008 nous a permis de nous doter de tous les outils et de tous les éléments d'infrastructure pour être prêts le 1er janvier 2008 lorsque débutera la période d'application de Kyoto.
À l'heure actuelle, notre système vise la totalité des grandes installations industrielles du secteur de l'énergie électrique, soit quelque 11 000 installations représentant environ la moitié des émissions de l'UE, et j'entends par là les 27 États membres qui en font partie aujourd'hui. En 2006, la valeur sur le marché des échanges de quotas d'émissions réalisés s'établissait à 22,5 milliards de dollars canadiens.
Le système est en bon état de marche. Comme je l'ai dit, nous avons certains problèmes de croissance à régler et nous nous y employons. Dans le contexte de notre examen, nous réfléchissons aussi aux moyens à prendre pour l'élargir de deux façons.
En ce qui concerne d'autres secteurs, nous avons l'aviation internationale dans notre mire. Ces jours-ci, une proposition fait l'objet de discussions dans votre beau pays, à Montréal, dans le cadre de l'OACI.
De multiples propositions et idées sont sur la table sur la façon d'internationaliser le système d'échange d'émissions européen, et nous disposons de deux véhicules pour y arriver. Nous avons le Protocole de Kyoto, qui crée ce que l'on appelle les instruments axés sur les projets, le mécanisme de développement propre et le mécanisme d'application conjointe.
À l'heure actuelle, les États membres de la Commission européenne se sont engagés à verser plus de quatre milliards de dollars canadiens pour la période allant jusqu'à 2012. À voir ce que les pouvoirs publics des États membres ont planifié, je pense que ce chiffre augmentera.
Avant d'aborder l'autre possibilité de réseautage, nous pensons qu'investir dans des projets liés à la technologie propre, notamment dans le contexte du mécanisme de développement propre, est une avenue intéressante pour le transfert de la technologie. C'est une façon très efficace de collaborer avec les pays en voie de développement et, qui plus est, un moyen très rentable de réduire les coûts de conformité que doivent absorber nos compagnies. Cette option recueille un large soutien car après tout, les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières. Si, en dépensant les mêmes sommes, nous pouvons diminuer les émissions davantage dans d'autres régions du monde comparativement à ce que nous pouvons faire en Europe, nous croyons que c'est là un argument économique valable et, collectivement, nous estimons qu'il faudrait aller de l'avant.
Bien entendu, cela soulève une question très importante dans l'opinion publique: toutes les sommes consacrées au mécanisme de développement propre et à l'application conjointe devraient être dépensées de façon à obtenir des résultats très concrets. Il ne suffit pas simplement d'effectuer des transferts financiers; il faut que l'argent dépensé se traduise par des réductions d'émissions tangibles. Peu importe où que ce soit dans le monde, il faut que ces investissements servent à financer des projets concrets de réduction d'émissions. C'est un élément très important. Ce dont il est question ici, dans le contexte du MDP et de l'application conjointe, ce n'est pas ce que certains appellent l'air chaud attribuable à la grande disponibilité des quotas d'émissions dans les économies de transition, lqui accusent un sérieux retard au plan économique.
Nous déployons énormément d'efforts pour voir si, dans une perspective à moyen terme, nous pourrions relier notre propre régime de plafonnement et d'échange avec des systèmes d'échange ailleurs dans le monde. Comme l'a mentionné John Drexhage, nous étions ravis de faire partie d'un groupe de travail au Canada et nous sommes tout à fait prêts à poursuivre cette discussion si nos interlocuteurs canadiens le souhaitent.
Nous collaborons étroitement avec nos collègues de la California Air Resources Board. Nous multiplions nos contacts un peu partout dans le monde dans ce dossier, et la possibilité de relier les régimes d'échange un peu partout dans le monde est un enjeu qui attire de plus en plus l'attention ici. Je signale que nous sommes prêts à collaborer plus avant avec le Canada dans ce dossier, et ce, de façon plus opérationnelle.
Pour finir, je voudrais faire un ou deux commentaires sur les questions qui viennent d'être soulevées. Nous pensons qu'en s'attaquant aux polluants atmosphériques locaux, on peut effectivement tirer beaucoup d'avantages connexes dans le domaine du changement climatique. En fait, il est possible, soit de s'attaquer aux polluants atmosphériques locaux et de bénéficier de retombées au titre des émissions de gaz à effet de serre, soit de faire l'inverse. Les deux options nous intéressent, mais comme je l'ai mentionné, l'Union européenne examine en particulier les co-avantages découlant de la réglementation des véhicules automobiles et des carburants. Des arguments économiques convaincants militent en faveur d'une intervention dans le secteur des transports. Si nous agissons judicieusement, nous pourrons en retirer des avantages tant au chapitre des polluants atmosphériques locaux classiques que des changements climatiques.
Nous avons effectué une foule d'études économiques. En fait, en marge du document sur l'évolution du climat que la commission a adopté, nous avons réalisé une analyse économique fouillée que l'on peut consulter sur notre site Web. À notre avis, il nous apparaît judicieux au plan économique d'adopter des politiques relatives au changement climatique, pourvu que l'on privilégie la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies industrielles et de transport de l'énergie dans notre système économique.
Et voici, monsieur le président, mon dernier commentaire. L'Union européenne a eu entre 15 et 20 ans pour mûrir sa réflexion sur ce qu'il convient de faire au sujet de l'évolution du climat. Les Européens ont fait intentionnellement le choix de ne pas opter pour des taxes sur le carbone. Nous avons eu une discussion sur de telles taxes. Nous avons une longue tradition d'imposition des ressources énergétiques, mais nous avons opté délibérément pour l'échange d'émissions, principalement entre les acteurs de l'Union européenne. Cela dit, nous sommes ouverts à la possibilité d'établir des liens avec les mécanismes créés en vertu du Protocole de Kyoto et avec les pays, où qu'ils soient dans le monde, qui auraient mis sur pied des systèmes d'échange similaires.
En conclusion, les pays européens sont déterminés à poursuivre le commerce d'émissions. Les échanges d'émissions qui ont cours à l'heure actuelle ne se limitent pas au Protocole de Kyoto; ils ne prendront donc pas fin en 2012. Mais au plan opérationnel, compte tenu des objectifs qui sont maintenant sur la table, nous repoussons l'échéancier jusqu'en 2020. Nous sommes ouverts à toute discussion, avec quelque pays que ce soit, en vue de poursuivre en ce sens de façon plus concrète.
Merci, monsieur le président.
C'est une question très intéressante et tout à fait pertinente.
Au sujet de l'expérience chinoise, il faut signaler un point que Jos a évoqué. Le gouvernement chinois a proposé unilatéralement de créer un fonds de durabilité. Tout l'argent amassé grâce à la vente des crédits attribuables aux projets de HFC sera consacré à des projets de durabilité et d'énergie propre, etc. On n'a pas encore défini exactement comment tout cela va fonctionner, mais au moins la Chine prend des mesures en ce sens.
À l'IIDD, nous ne perdons pas de vue qu'un mécanisme de développement propre a deux mandats qui sont énoncés très explicitement à l'article 12 du Protocole de Kyoto. D'une part, aider les parties à l'annexe 1 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi, et tout aussi important, sur le même plan, donner aux pays en développement des avantages sur le plan du développement. Il s'agit de leur donner le moyen de lutter contre la pauvreté. Pour nous, cela fait partie intégrante de ce que doit représenter le MDP.
Nous en sommes à la troisième étape de ce que nous appelons le « dividende du développement » pour les projets du mécanisme de développement propre. Nous recherchons des projets susceptibles de réaliser d'importantes réductions de gaz à effet de serre, par exemple dans le domaine de l'efficience énergétique, des transports, en évitant le déboisement, etc., mais qui peuvent aussi apporter des avantages marqués en termes de développement. Nous travaillons absolument dans cette direction.
Vous avez demandé tout à l'heure quelles leçons nous avons apprises, etc., à l'UE. Je voudrais redire très rapidement ce que j'ai dit au début de mon intervention.
Il faut commencer simplement et doucement en matière de réglementation. Compte tenu de toute l'agitation politique entourant l'objectif, je crains que les gens ne réclament un cadre réglementaire appelant à faire des efforts qui seraient hors de notre portée. N'oubliez pas qu'au départ, quand l'UE a mis en place son système, elle l'a fait en instaurant un système d'allocation très modéré.
Autrement dit, il faut un certain temps pour amorcer le système. C'est malheureux que nous ayons dû attendre jusqu'à maintenant pour commencer à le mettre au point et que nous soyons tellement en retard. Mais, peu importe quand nous commencerons enfin, faisons-le de manière raisonnable.