Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité pour cette rencontre aujourd’hui. C’est la quatrième fois que j’ai l’occasion de rencontrer le comité permanent.
Je m’appelle Wayne Clarkson et je suis le directeur général de Téléfilm Canada. Je suis accompagné de Charles Bélanger, le président du conseil de Téléfilm, d’Elizabeth Friesen, notre chef de la direction des opérations, et de Michel Pradier, le directeur des opérations en français et du bureau du Québec.
Comme vous le savez, Téléfilm Canada est une société d’État qui doit rendre compte au Parlement par le truchement du ministère du Patrimoine canadien. Notre siège social est à Montréal et nous servons nos clients dans quatre bureaux, à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Halifax.
[Français]
En tant qu'organisme culturel fédéral, le mandat de Téléfilm Canada est de développer et de promouvoir l'industrie audiovisuelle canadienne. La société constitue l'un des principaux instruments du gouvernement canadien au chapitre du soutien financier et stratégique offert à l'industrie audiovisuelle canadienne. Son rôle est de stimuler la production d'oeuvres culturelles qui reflètent la société canadienne, en tenant compte de sa dualité linguistique et de sa diversité culturelle. Téléfilm favorise également leur diffusion au pays et partout dans le monde.
[Traduction]
Pour appliquer son mandat, Téléfilm dispose de trois sources de fonds principales: un crédit parlementaire, des ententes de contribution et les recouvrements. La valeur totale des fonds administrés par Téléfilm en 2006-2007 est d’environ 135 millions de dollars.
Depuis avril 2006, nous avons également administré le Fonds canadien de télévision, qui distribuera environ 265 millions de dollars cette année.
J’aimerais profiter de l’occasion pour vous informer des principales activités que Téléfilm a entreprises depuis 12 mois, c’est-à-dire depuis la dernière fois que nous avons comparu devant ce comité — il y a presque 12 mois, jour pour jour.
Pour ce qui est du volet télévision, notre plus grande réalisation cette année a été de mettre en place une entente de trois ans avec le Fonds canadien de télévision. En faisant un usage maximum des services et des systèmes financiers et informatiques de Téléfilm, l’administration du fonds a été simplifiée et celui-ci fonctionne maintenant en respectant des mesures de rendement précises. Nous réinvestissons maintenant dans l’industrie les trois millions de dollars par année en économies qui ont résulté de la consolidation du fonds.
Pour ce qui est du volet longs métrages, notre première mesure, prise en avril dernier, a été d’entamer une approche asymétrique aux deux marchés linguistiques. Nous avons établi des groupes de travail de langue française et de langue anglaise qui ont rassemblé des représentants de l’industrie issus des secteurs de la production, de la distribution, des expositions, de la radiodiffusion et du marketing, de même que des syndicats, des guildes et des organismes provinciaux. Nous avons demandé à ces groupes de collaborer avec nous pour améliorer la structure des programmes et élaborer de nouveaux principes directeurs pour le Fonds du long métrage du Canada. Leur contribution a été remarquable. Il y a un mois, nous avons annoncé des changements considérables au fonds grâce auxquels on établira un processus décisionnel efficient et juste pour le financement par la production de longs métrages. Les nouveaux principes directeurs sont transparents, sensibles aux réalités de l’industrie autant qu’à celles du marché, et rédigés spécifiquement pour les deux marchés linguistiques que nous desservons.
Comme seconde mesure concernant le Fonds du long métrage du Canada, nous avons entrepris une évaluation approfondie du programme Le Canada à l’affiche, qui subventionne les festivals de films canadiens. Cette évaluation alimente notre restructuration du programme: il sera plus responsable, plus transparent et beaucoup mieux aligné sur les objectifs de notre organisme.
[Français]
Voici la troisième mesure: Téléfilm a réorienté ses investissements dans les activités de mise en marché internationale cette année, pour mieux cibler la promotion et les ventes des longs métrages canadiens tout en augmentant la valeur des ventes et des affaires conclues dans les marchés internationaux. Nous avons lancé Perspective Canada, qui a contribué au financement des projections de films canadiens dans les marchés et à la création de matériel promotionnel, de DVD et d'annonces publicitaires.
[Traduction]
Pour ce qui est du volet nouveaux médias, il présente de grandes possibilités. Le secteur canadien des nouveaux médias a un potentiel énorme partout au monde qui n’a pas été exploité. Présentement, ce secteur vaut environ 25 milliards de dollars, en 2004-2005. D’ici 2009, nous prévoyons qu’il vaudra près de 55 milliards de dollars.
Le Canada est reconnu dans le monde entier pour ses talents hautement compétents en production de jeux, ce qui explique pourquoi notre pays est l’hôte de quelques-uns des concepteurs de jeux vidéo multinationaux les plus importants au monde. Cependant, ces talents canadiens travaillent, pour la plupart, dans des postes de salariés sur des productions de jeux internationales commerciales plutôt que sur des productions de propriété canadienne créées par des Canadiens.
Cet automne, Téléfilm est entré en partenariat avec des maisons de conception de jeux vidéo pour lancer à l’échelle du pays Le Grand concours du jeu vidéo canadien. Nous l’avons annoncé il y a environ trois semaines au congrès du jeu vidéo à Montréal. Le concours invite les concepteurs de jeux vidéo du Canada à rivaliser pour obtenir une aide financière d’un maximum de deux millions de dollars pour leur production.
Nous avons également amorcé le nouveau Plan d’entreprise quinquennal de Téléfilm, annoncé cette année: Du cinéma au téléphone cellulaire, Téléfilm Canada et le défi de l’environnement multiplateforme.
Nous avons établi des mesures de rendement pour tous nos programmes. Nous avons mené notre deuxième sondage biennal auprès des clients. Nous avons fermé nos bureaux à Paris et à Ottawa, et nous avons repositionné stratégiquement ces ressources de manière à composer avec nos nouvelles initiatives, notamment, les projections de Perspective Canada et la promotion des longs métrages.
En ce qui concerne nos réussites aux guichets, le marché français a connu un succès extraordinaire, comme nous le savons. Nous commençons maintenant à voir aussi des résultats sur le marché de langue anglaise. En fait, cette année est en voie de devenir une des meilleures qu’ait jamais connue le « box-office » de langue anglaise.
Bon Cop, Bad Cop a été financé par le fonds des longs métrages en anglais du Fonds du long métrage du Canada, et il s’agit aujourd’hui du long métrage au pays qui a rapporté le plus aux guichets. Trailer Park Boys: The Movie s’est classé parmi les longs métrages qui ont obtenu les meilleures recettes-guichet de l’histoire du cinéma de langue anglaise pour un premier week-end de sortie en salle.
Du côté francophone, Aurore a obtenu plus de cinq millions de dollars aux guichets depuis son lancement, et Un dimanche à Kigali, plus d’un million.
Nous attendons d’autres vrais gagnants, par exemple, la dramatisation du livre de Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable.
Denys Arcand aura un nouveau long métrage, L’Âge des ténèbres. François Girard a une nouvelle coproduction, Silk, et le long métrage de Sarah Polley, Away from Her, est un autre exemple des succès que nous anticipons dans les mois à venir.
[Français]
Parlons des défis. Les réussites de l'industrie et la contribution de Téléfilm Canada méritent d'être soulignées. Toutefois, il est tout aussi important de bien comprendre les grands défis qui nous attendent et de nous préparer à les relever.
Le succès retentissant de longs métrages au Québec ne durera que si de nouvelles sources de financement sont identifiées puis injectées dans la production cinématographique de langue française.
L'augmentation des recettes-guichet progresse encore trop lentement dans le marché de langue anglaise.
Il nous faudrait avoir davantage de souplesse, et nous devons réagir plus rapidement aux nouvelles réalités du marché des nouveaux médias. Nous devons assurément investir plus d'argent dans ce secteur pour le voir atteindre tout son potentiel.
[Traduction]
La croissance du Fonds des nouveaux médias du Canada est essentielle à l’investissement dans l’avenir du contenu canadien des nouveaux médias. Il faudrait également réexaminer le budget de Téléfilm. Notre budget n’a pas augmenté depuis 2002. Le Fonds du long métrage du Canada s’est vu retrancher en permanence deux millions de dollars, et les effets de l’inflation ont contribué eux aussi à éroder encore plus notre capacité à investir.
Entre-temps, les coûts de production ont monté considérablement, les budgets ont augmenté en moyenne et, en bout de ligne, les pressions exercées sur les ressources de Téléfilm se sont alourdies.
L’argent, toutefois, n’est qu’une des questions. Nous continuerons de solliciter agressivement de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé, et nous continuerons de surveiller nos dépenses en vue de trouver d’autres moyens de mieux utiliser l’argent déjà dans le système.
Au cours des 12 derniers mois, l’administration de notre société a été ciblée et efficace. Je vais poursuivre mes efforts pour garantir un Téléfilm modernisé et souple, bien ancré dans une ferme intention de reddition de compte envers tous ses intervenants.
Et maintenant, j’aimerais vous présenter Charles Bélanger, de Téléfilm.
[Traduction]
Le conseil d’administration de Téléfilm s’inquiète également du besoin de souplesse que Téléfilm éprouve de plus en plus pour atteindre ses objectifs et améliorer son service à la clientèle.
[Français]
Certes, la Loi sur Téléfilm Canada adoptée par le Parlement en mars 2005 nous a conféré les pouvoirs d'une personne physique — donc, la plénitude des droits et la capacité juridique de les exercer —, ainsi qu'un mandat législatif englobant l'ensemble de l'industrie audiovisuelle canadienne, et non plus le seul « cinéma » comme le prévoyait la loi originale de 1967. Néanmoins, ces deux reconnaissances essentielles sont toujours entachées de limitations administratives importantes et, ultimement, paralysantes.
Ce n'est pas nous qui le constatons, mais la vérificatrice générale du Canada elle-même dans son rapport déposé au Parlement en novembre 2005.
[Traduction]
Permettez-moi de vous citer deux courts extraits de son rapport. Voici le premier:
Aujourd’hui, compte tenu de ce nouveau mandat et des propositions du gouvernement en matière de gouvernance des sociétés d’État, nous nous demandons s’il est toujours pertinent pour Patrimoine canadien de maintenir, dans leur forme actuelle, les protocoles d’entente et les accords de contribution conclus avec Téléfilm Canada.
Et voici le second:
Des administrateurs de Téléfilm Canada nous ont indiqué que le niveau d’encadrement dont ils font l’objet laisse très peu de latitude au conseil d’administration pour ce qui est d’interpréter son mandat et de déterminer la meilleure façon de le réaliser. Aucune des huit autres sociétés d’État du portefeuille de Patrimoine canadien ne fait l’objet d’un tel encadrement et d’une telle surveillance. De plus, aucune autre société d’État fédérale n’est vérifiée ou évaluée de la sorte par un ministère. Il s’agit là d’une situation unique.
[Français]
En d'autres mots et pour le dire clairement, pour sortir de cette situation, Téléfilm Canada souhaite être soumise à la partie X de la Loi sur l'administration financière et ainsi fonctionner comme une société d'État moderne. Pour nous, moderne signifie opérer dans le cadre d'une législation financière contemporaine où tant le rôle, les responsabilités et les obligations des administrateurs et dirigeants sont aussi clairement identifiés et définis que le sont les obligations imparties aux sociétés d'État en matière de préparation et de présentation de leur plan d'entreprise et du budget afférant, ainsi que le contenu de leur rapport annuel.
Sous l'autorité de la Loi sur l'administration financière, Téléfilm Canada opérera dès lors d'une façon non seulement moderne, mais surtout qui répondra aux plus hautes exigences de gouvernance contemporaine, de responsabilité d'entreprise, de transparence et de clarté administrative, tant au bénéfice de son actionnaire que de la clientèle qu'elle cherche constamment à desservir avec le plus grand professionnalisme possible.
[Traduction]
Ces changements ainsi que la modernisation de la Loi sur Téléfilm pour la rendre compatible avec le XXIe siècle nous donneront la souplesse voulue. À notre avis, la souplesse jumelée à la reddition de compte et à la transparence, garantit la meilleure qualité pour les deniers publics investis.
La souplesse nous permet aussi d’être chef de file. La nature du marché aujourd’hui dicte que pour être un grand leader, il faut être visionnaire; quelqu’un qui prévoit les possibilités et qui saisit les occasions. Pour Téléfilm, les fruits de ces occasions doivent pouvoir livrer un excellent contenu canadien à un aussi grand nombre de Canadiens que possible, et un contenu que de plus en plus d’auditoires étrangers pourront partager et comprendre.
Monsieur le président, nous serions heureux de répondre aux questions du comité sur notre rôle, notre mandat et nos priorités. Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président et merci à tous de nous visiter dans la fosse aux lions.
L’an dernier, le comité a produit le rapport « Scénario, grand écran et auditoire », qui comporte certaines critiques, tout spécialement en ce qui concerne l’efficacité de la politique du film au Canada anglais. D’autres critiques portent sur l’inefficacité d’une importante part de l’aide destinée aux longs métrages à Téléfilm Canada.
Dans son rapport, la vérificatrice générale mettait en question le degré d’encadrement et s’interrogeait sur l’existence d’une ingérence directe ou indirecte relativement à votre capacité de remplir vos engagements. L’industrie a aussi formulé des critiques — des critiques considérables.
Vous êtes certainement au courant de l’article publié dans le magazine Maclean's— article que vous considérez probablement comme du démolissage — , je tiens néanmoins à en citer un extrait qui, je crois, traduit bien le point de vue des gens non seulement relativement à l’industrie du cinéma, mais aussi à Téléfilm Canada.
L’article est publié dans le
Maclean's du 17 avril:
[Traduction] Au moins sept films réalisés au Canada anglais sont discrètement à l’affiche dans les salles de cinéma ce printemps: Lucid, Fetching Cody
l’auteur les énumère...
[Traduction] Vous n’en avez jamais entendu parler? Peu étonnant. Ce genre de films est projeté dans quelques salles, puis disparaît sans laisser de traces. Ces films comportent des éclairs de génie et d’excellentes interprétations. Cependant, ils sont loin d’être plus grands que nature; en fait, c’est tout le contraire. Ils dépeignent des femmes désespérées et opprimées, des hommes qui n’ont pas d’estime d’eux-mêmes. Ils dépassent les limites de l’anti-héroïsme: du professeur d’anglais accro au sexe dans les toilettes publiques, dans Whole New Thing, à la mauviette qui menace un proxénète en lui pressant une agrafeuse dans le dos, dans Niagara Motel. Il est difficile d’imaginer que ces films ont été créés en pensant à un public cible.
Évidemment, l’auteur de l’article poursuit en faisant état des préoccupations des producteurs concernant le financement par enveloppe des films au Canada.
Mon intervention comporte plusieurs volets. Premièrement, on constate une grande insatisfaction, passée ou actuelle, chez les producteurs relativement à la façon dont Téléfilm remplit son mandat en matière de financement. Le financement par enveloppe soulève de fortes inquiétudes. Pourriez-vous en parler un peu; en expliquer le fonctionnement? Je sais ce dont il s’agit, mais je crois que cela serait utile pour les autres membres du comité.
En outre, pourriez-vous traiter — vous l’avez fait plus tôt en réponse à la question de M. Angus — de la façon dont nous pouvons assurer la reddition de comptes et la transparence, tout en réduisant le poids de l’encadrement qui, selon vous, est en place et limite votre liberté d’action?
Pouvez-vous parler de ces trois éléments?
:
Je vais vous donner un exemple qui, je crois, répond directement à votre question, mais qui signifie encore plus.
Nous avons annoncé la tenue d’un concours national de vidéo. Nous organisons le concours en partenariat avec le secteur privé, car il s’agit d’une priorité accrue en ce qui concerne nos relations avec l’industrie et le besoin de financer davantage l’industrie. L’objectif est de favoriser l’épanouissement des créateurs canadiens et de prendre un engagement à leur égard, de créer des programmes nationaux, de raconter des histoires d’ici par le truchement de n’importe quelle plateforme viable du point de vue commercial et créatif.
Le jeu Pax Warrior est un bon exemple. Par coïncidence, le jeu a été créé au Centre canadien du film, où je travaillais avant de faire partie de l’équipe de Téléfilm Canada. Le jeu a été vendu dans le monde entier.
Il s’agit d’un jeu vidéo inspiré de la tragédie au Rwanda et du travail effectué par Roméo Dallaire. À titre de commandant des forces des Nations Unies, le joueur doit faire face aux horreurs et aux cauchemars du génocide et prendre certaines décisions. Il y a des risques de violence à un barrage routier: que faut-il faire? Il s’agit d’un exemple très simple et direct du rôle que peuvent jouer le pays et les créateurs qui y vivent.
Fait intéressant, dans mon discours d’ouverture, j’ai mentionné le film sur Roméo Dallaire et ce qu’il a vécu au Rwanda. Le tournage du long métrage mettant en vedette Roy Dupuis vient de se terminer. Le film sera accessible sur de multiples plateformes. À mon avis, les nouveaux médias sont d’une importance absolument cruciale dans le contexte culturel canadien.
Je ne prétends pas être un spécialiste des jeux vidéo, encore moins des nouveaux médias, mais j’ai beaucoup appris au cours des cinq à six dernières années. Pour m’aider, je me suis souvent projeté dans le passé. Disons que nous sommes il y a 103 ans: quelqu’un entre et annonce que le cinéma représente l’avenir pour le XXe siècle; il représente l’avenir pour les nouveaux talents. Si nous ne nous tournons pas vers la production cinématographique, le pays en souffrira; cela nous nuira d’un point de vue créatif. Il en va de même pour les nouveaux médias — c’est comparable.
Mon fils n’a plus l’âge de jouer à ces jeux, mais je peux vous assurer qu’il l’a fait par le passé. De moins en moins de jeunes écoutent la télévision; nous le savons. De moins en moins vont au cinéma. Ils vont au cinéma dans le cadre d’une expérience tribale. Ils se réuniront; l’un d’entre eux décidera du film à voir et ils se rendront au multiplexe en tant que « groupe ». Ils s’amuseront avec les jeux vidéo, boiront beaucoup de Coca-Cola et mangeront du maïs soufflé. Cependant, ils décident de plus en plus souvent de se divertir par le truchement d’autres plateformes: nous devons y être.
:
Pour ce qui est de la production régionale, autant au Québec qu'à l'extérieur, nous avons un plan et nous y mettons des sous. Nous avons toujours été présents, de toute façon. Ce n'est pas comme si nous n'avions jamais aidé l'industrie du long métrage, en particulier à l'extérieur de Montréal ou du Québec.
Cependant, vous avez raison de souligner que nous avons besoin de mettre un peu plus d'efforts en ce sens. En outre, il faut tenir compte de la structure industrielle qui existe en région versus la structure industrielle qui peut exister à Montréal. On n'est pas tout à fait au même point.
Quand on parle de l'extérieur du Québec, je peux vous citer en exemple ce qu'on a fait en télévision avec le Partenariat interministériel avec les communautés de langues officielles, le PICLO. Ce partenariat s'est étendu et il est en marche depuis maintenant quatre ou cinq ans. Il a connu un succès assez important et permis de mettre en place une association de producteurs francophones hors Québec. Le but n'était pas de les isoler dans un type spécifique de production, mais de les faire entrer dans la production nationale en entier. Maintenant, ils ont accès à des fonds via le Fonds canadien de télévision, et c'est une industrie en santé à l'extérieur du Québec.
L'incitatif PICLO n'existe pas pour des compagnies au Québec en français. Donc, en ce sens, Téléfilm a mis sur pied un plan d'action qui commence cette année fiscale et qui consiste à mettre la même structure en place avec des moyens modestes. Étant donné que le PICLO a eu un effet quand même assez important avec des moyens modestes, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de volonté et de partenariat.
Il s'agit de mettre de l'argent cette année fiscale pour la formation des immersions, c'est-à-dire de mettre en contact des distributeurs de longs métrages et des producteurs de l'extérieur de Montréal afin qu'ils se connaissent mieux. De cette façon, ils pourront investir dès cette année pour développer des scénarios, quitte à ce qu'ils se fassent concurrence en matière de production. L'année prochaine, c'est-à-dire dès l'année fiscale 2007-2008, qui débutera au mois d'avril, nous allons dédier un montant d'argent au Programme d’aide aux longs métrages indépendants à petit budget, de l'argent pour des productions hors Montréal.
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Comme M. Bélanger l’a dit, la souplesse est un avantage. Il ne fait aucun doute que dans un environnement multiplateforme, c’est un avantage encore plus grand. Si je peux, concernant vous deux points sur l’aspect commercial et culturel, depuis que l’on participe aux industries culturelles, le maintien d’un équilibre provoque un frisson permanent ou est défi constant.
Dans le cas de Fonds du long métrage du Canada, c’est très clair. Sa grande priorité a deux volets: le cinéma canadien et les artistes canadiens que les Canadiens veulent voir et, le plus important, l’obtention de 5 p. 100 des recettes en salle. Cette priorité demeure aujourd’hui. Je pense à des films comme Men With Brooms (Quatre gars et un balai) ou Bon Cop, Bad Cop, qui ont connu énormément de succès, le premier est un film anglophone et l’autre est francophone.
Men With Brooms a connu beaucoup de succès au pays. Il a dépassé les 4 millions de dollars de recettes en salle — c’est une assez grosse somme — mais il a été distribué en DVD et autres formes, et il a été présenté bien sûr à la SRC où il a enregistré une des cotes d’écoute les plus élevés pour un film canadien. Je pense que 1,6 million de téléspectateurs l’on vu. Donc, les Canadiens ont eu la possibilité de le voir. Ce film n’a pas eu beaucoup, sinon pas du tout, de succès à l’extérieur du Canada. N’est-ce pas décevant? Je suis certain que cela l’est pour le cinéaste et le producteur, et d’une certaine façon pour nous, mais notre priorité était d’attirer le public canadien.
Le défi avec Bon Cop, Bad Cop était le même. Il est devenu le film qui a rapporté la plus grosse recette de l’histoire du cinéma au Canada. On verra quel succès il remportera à l’extérieur du pays, mais on a rempli le mandat de Fonds du long métrage du Canada.
Nous avons des ententes de coproduction. Nous avons des crédits d’impôt. Ça nous permet de créer des partenariats. Dans mes observations préliminaires, j’ai cité une grande production appelée Silk (Soie), d’après un roman international. C’est une coproduction japonaise-italienne-canadienne dirigée par Rhombus Media et réalisée par un de nos plus grands réalisateurs, François Girard, qui a fait Le violon rouge (The Red Violin). Ce film se défendra bien dans le monde et, je s’en suis persuadé, au Canada aussi.
Il y a une constante dichotomie, et d’une façon inhabituelle, c’est même sain, pourvu que nous disposions d’outils et que nous ayons une participation canadienne. Excusez-moi si je me répète, mais dans le Fonds du long métrage du Canada, ce sont les artistes canadiens qui font les films que les Canadiens et le monde veulent voir.
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D’abord, Téléfilm impose différentes exigences. Nous avons parlé de celles liées au contenu canadien. Nous avons des scénaristes qui lisent les scénarios, lesquels peuvent être développés pendant un an ou deux. Nous travaillons constamment sur ce point.
Selon moi, une des exigences les plus importantes est celle concernant l’état du marché: c'est-à-dire l’intérêt des distributeurs. Si le projet présenté à Téléfilm Canada n’est appuyé par aucun distributeur, nous nous en méfions. Nous voulons connaître l’état du marché. Nous voulons savoir, non seulement si le film rapportera beaucoup d’argent, mais avant tout s’il traite de sujets qui intéressent le public. Les spectateurs sont sur le terrain et non dans mon bureau qui lui est isolé, si on veut, de la masse. Il nous faut une preuve de l’intérêt d’un distributeur avant de nous engager.
Si nous avons cette preuve, c'est-à-dire si TMN, Corus, la SRC ou tout autre réseau croit qu’il s’agit d’un bon projet et est prêt à y investir entre 250 et 400 millions de dollars, nous y porterons attention.
Je ne renie pas nos responsabilités. Comme vous l’avez mentionné, à la fin de mon mandat à Téléfilm Canada, on jugera mon travail selon nos réalisations, certainement selon les recettes de nos films et aussi leur succès artistique, dans le monde entier, mais avant tout, au Canada.
Je crois que le processus de sélection comprend une dose d’intégrité. Les projets comme Bon Cop, Bad Cop et Trailer Park Boys — peut-être verrons-nous un jour un projet Corner Gas? — facilitent un peu notre travail.
Je suis d’accord avec mes collègues. Pourquoi investir dans un film que personne n’ira voir? C’est un fait. Pourquoi faire des films qui passeront inaperçus?
Ma question est la suivante: pourquoi quelqu’un irait-il voir un film canadien? Nous pouvons écrire le meilleur des scénarios et annoncer que nous avons produit un excellent film canadien, ça ne changera rien; les gens vont voir des films canadiens parce qu’ils connaissent les acteurs qui y jouent. Pensez au succès qu’a connu Trailer Park Boys. Voilà une émission de télévision qui n’a presque rien coûté. Mais tout le monde connaît Randy et M. Lahey. Les gens la regardent parce qu’ils connaissent les acteurs.
Je dirais à peu de choses près la même chose au sujet de Second City. Cette émission n’a presque rien coûté et elle a donné naissance à une série de grands films. Nous allions voir John Candy parce que nous le connaissions. Eugene Levy, Joe Flaherty, Catherine O'Hara et Harold Ramis sont également devenus des célébrités aux États-Unis et partout dans le monde.
Je voudrais dire un mot sur le lien entre la télévision et le cinéma. Si nous n’avons pas au Canada anglais — et nous ne l’avons pas— le vedettariat nécessaire à l’établissement d’un système permettant de découvrir de nouveaux talents, nous ne pourrons pas faire de films, même s’ils ne coûtaient pas un sou.
Par contre, au Québec, on a créé une industrie de la télévision qui a lancé la carrière de bien des acteurs. Les gens vont voir les films québécois parce qu’ils savent à quoi s’attendre. C’est aussi simple que ça.
J’aimerais savoir si, selon vous, il est important que nous conservions une bonne industrie de la télévision au Canada pour réussir à maintenir une industrie cinématographique à l’échelle nationale et même internationale.
:
Il existe une relation bien établie entre l’industrie de la diffusion en général et l’industrie cinématographique canadienne. Les diffuseurs et les réseaux payants participent à la grande majorité des projets, que ce soit des coproductions (auxquelles prend part le Canada, bien entendu) ou des films financés par notre fonds réservé aux films canadiens. Ils jouent un rôle important dans cet environnement multiplateforme, mais ils dépensent tout de même des sommes d’argent moins élevées que celles qui, selon nous, seraient appropriées pour soutenir notre industrie des films.
Donc, du point de vue financier, j’aimerais bien sûr que les diffuseurs jouent un plus grand rôle pour ce qui est des montants d’argent investis et de la diffusion des films. Je dois dire que, pendant la grève de la LNH, j’étais déçu lorsque je trouvais des productions hollywoodiennes à la télé. CBC, par exemple, a diffusé Man with Brooms, qui remonte à quatre ou cinq ans, et le film a attiré 1,6 million de téléspectateurs. Ce sont des occasions à saisir et je crois que le moment est décisif.
Michel, ainsi que mes amis et collègues du Québec m’ont rappelé qu’il y a cinq ou six ans, le pourcentage de films francophones au Québec était environ de 7 ou de 9 p. 100. Comme nous le savons, il y a un an, ce pourcentage avait atteint les 25 p. 100. Le succès de films comme Les boys, Séraphin, La grande séduction, Maurice Richard, Aurore et Horloge biologique a eu un effet presque psychologique et la télévision a suivi. Cet effet d’entraînement va dans les deux sens.
Par exemple, combien d’acteurs québécois passent de la télé au cinéma et vice versa? Au Canada anglais, nous commençons à voir des signes de ce mouvement, de ce progrès. On peut le constater en parlant aux exploitants. Trailer Park Boys et Bon Cop, Bad Cop ont été bien reçus, mais Maurice Richard, pourtant un bon film, n’a pas si bien fait. Alors, quel sera le prochain projet?
Nous commençons donc à voir les avantages de ce mouvement.
:
Je tiens à rappeler à mes collègues que les coproductions allègent le financement de Téléfilm. Comme vous venez de le dire, c'est une participation à ce concert entourant l'expression de la diversité culturelle qui va se manifester de plus en plus dans les années à venir.
Je reviendrai tout à l'heure sur les remarques de M. Fast relativement au financement des films qui ne peuvent que réussir. Je tiens à rappeler, parce que je viens de ce milieu, qu'on ne peut toujours présumer d'avance que tel ou tel film va réussir. Il y a des films qui, comme en cuisine, avec les ingrédients qui composent le scénario et la distribution, peuvent amener les gens à anticiper un succès, et pouf! il se plante. C'est un point qu'il faut prendre en considération.
D'un côté, il faut considérer les succès commerciaux; de l'autre côté, les succès d'estime, les succès artistiques. On les retrouve généralement dans le cinéma d'auteur, et parfois ils peuvent bien représenter le pays ou les pays à l'étranger dans le cadre des festivals internationaux. Ils peuvent aussi avoir un impact majeur en matière de tourisme et amener les gens à mieux comprendre la culture des autres ainsi que le degré de créativité des gens dans ce ou ces pays. Donc, ce n'est pas à négliger.
Le succès ne se mesure pas toujours à l'aune de la rentabilité financière. Ce qui fait la force du cinéma français, ce sont ses deux volets, soit le volet commercial et le volet du cinéma d'auteur, donc, le cinéma d'art et d'essai, comme ils l'appellent. Ils ont eu un avantage qu'on n'a jamais eu au Canada et au Québec, c'est le système de taxation de la billetterie des films commerciaux. On sait à l'avance que le cinéma américain amène énormément de clientèle dans la salle, mais le peu d'argent qu'on va y chercher permet de financer ce cinéma parallèle qui n'est pas commercial. Je n'ai jamais su le fond de l'affaire.
Pourquoi un tel système n'a-t-il jamais été implanté ici? C'était ma dernière question.
Habituellement, à la fin des séances, j’ajoute mon grain de sel. Voici donc quelques petites choses dont j’ai pris conscience aujourd’hui. Corrigez-moi si j’ai tort…
Vous voudriez voir disparaître le cloisonnement pour avoir plus de souplesse. Comme ça, s’il y avait une occasion à saisir, vous ne seriez pas coincés par la structure; vous seriez en mesure d’agir. Pour ce qui est de l’examen de la politique de Téléfilm, ça fait longtemps qu’on l’a fait.
J’aimerais vous remercier d’avoir rassemblé tous les intervenants à cette table et d’en être venu à un consensus. Il s’agit d’un grand pas en avant. Lorsque nous avons mené notre étude sur l’industrie des longs métrages il y a un peu plus d’un an, je n’aurais pas su comment vous auriez pu rassembler toutes les parties et même comment vous auriez pu en venir le moindrement près d’un consensus.
Encore une fois, nous entendons parler de financement viable à long terme d’à peu près tous les organismes et les groupes qui se retrouvent à cette table. Je crois que nous devrions inclure le secteur privé. Je connais les entreprises de câblodistribution… Il y a des montants de financement qui doivent être versés pour diverses choses, mais je crois qu’on devrait oublier ces choses.
Mais oui! Les briques et le mortier ne font pas de films! C’est bien vrai! Ce type d’investissement ne fait qu’utiliser de l’argent qui pourrait servir à la production de films.
J’ai un exemple de ma ville, Stratford. J’habite à l’extérieur de Stratford, mais je la considère tout de même comme ma ville. On y a construit un nouveau bâtiment pour la société d’aide à l’enfance. Je ne sais pas combien de millions de dollars ont été investis dans ce projet, mais pas un seul de ces dollars n’a servi aux enfants en foyer d’accueil. Je n’aime pas voir que l’on construit de grands bâtiments bureaucratiques comme celui-là.
Je voudrais simplement ajouter, puisque vous avez parlé de Bon Cop, Bad Cop, que Colm Feore fait partie de mon électorat et que je le connais assez bien.
Merci encore des présentations et des réponses que vous avez données aujourd’hui à toutes les personnes assises à cette table.
La séance est levée.