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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare la réunion ouverte.
    Cette réunion est la 25e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. En vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, il s’agit d’une étude de Téléfilm Canada, de son mandat et de ses priorités.
     Nous souhaitons la bienvenue aujourd’hui aux représentants de Téléfilm.
     Monsieur Clarkson, si vous voulez bien nous présenter le reste de votre délégation, et nous faire votre rapport. Merci.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité pour cette rencontre aujourd’hui. C’est la quatrième fois que j’ai l’occasion de rencontrer le comité permanent.
    Je m’appelle Wayne Clarkson et je suis le directeur général de Téléfilm Canada. Je suis accompagné de Charles Bélanger, le président du conseil de Téléfilm, d’Elizabeth Friesen, notre chef de la direction des opérations, et de Michel Pradier, le directeur des opérations en français et du bureau du Québec.
    Comme vous le savez, Téléfilm Canada est une société d’État qui doit rendre compte au Parlement par le truchement du ministère du Patrimoine canadien. Notre siège social est à Montréal et nous servons nos clients dans quatre bureaux, à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Halifax.

[Français]

    En tant qu'organisme culturel fédéral, le mandat de Téléfilm Canada est de développer et de promouvoir l'industrie audiovisuelle canadienne. La société constitue l'un des principaux instruments du gouvernement canadien au chapitre du soutien financier et stratégique offert à l'industrie audiovisuelle canadienne. Son rôle est de stimuler la production d'oeuvres culturelles qui reflètent la société canadienne, en tenant compte de sa dualité linguistique et de sa diversité culturelle. Téléfilm favorise également leur diffusion au pays et partout dans le monde.

[Traduction]

     Pour appliquer son mandat, Téléfilm dispose de trois sources de fonds principales: un crédit parlementaire, des ententes de contribution et les recouvrements. La valeur totale des fonds administrés par Téléfilm en 2006-2007 est d’environ 135 millions de dollars.
    Depuis avril 2006, nous avons également administré le Fonds canadien de télévision, qui distribuera environ 265 millions de dollars cette année.
    J’aimerais profiter de l’occasion pour vous informer des principales activités que Téléfilm a entreprises depuis 12 mois, c’est-à-dire depuis la dernière fois que nous avons comparu devant ce comité — il y a presque 12 mois, jour pour jour.
     Pour ce qui est du volet télévision, notre plus grande réalisation cette année a été de mettre en place une entente de trois ans avec le Fonds canadien de télévision. En faisant un usage maximum des services et des systèmes financiers et informatiques de Téléfilm, l’administration du fonds a été simplifiée et celui-ci fonctionne maintenant en respectant des mesures de rendement précises. Nous réinvestissons maintenant dans l’industrie les trois millions de dollars par année en économies qui ont résulté de la consolidation du fonds.
    Pour ce qui est du volet longs métrages, notre première mesure, prise en avril dernier, a été d’entamer une approche asymétrique aux deux marchés linguistiques. Nous avons établi des groupes de travail de langue française et de langue anglaise qui ont rassemblé des représentants de l’industrie issus des secteurs de la production, de la distribution, des expositions, de la radiodiffusion et du marketing, de même que des syndicats, des guildes et des organismes provinciaux. Nous avons demandé à ces groupes de collaborer avec nous pour améliorer la structure des programmes et élaborer de nouveaux principes directeurs pour le Fonds du long métrage du Canada. Leur contribution a été remarquable. Il y a un mois, nous avons annoncé des changements considérables au fonds grâce auxquels on établira un processus décisionnel efficient et juste pour le financement par la production de longs métrages. Les nouveaux principes directeurs sont transparents, sensibles aux réalités de l’industrie autant qu’à celles du marché, et rédigés spécifiquement pour les deux marchés linguistiques que nous desservons.
    Comme seconde mesure concernant le Fonds du long métrage du Canada, nous avons entrepris une évaluation approfondie du programme Le Canada à l’affiche, qui subventionne les festivals de films canadiens. Cette évaluation alimente notre restructuration du programme: il sera plus responsable, plus transparent et beaucoup mieux aligné sur les objectifs de notre organisme.
(1535)

[Français]

    Voici la troisième mesure: Téléfilm a réorienté ses investissements dans les activités de mise en marché internationale cette année, pour mieux cibler la promotion et les ventes des longs métrages canadiens tout en augmentant la valeur des ventes et des affaires conclues dans les marchés internationaux. Nous avons lancé Perspective Canada, qui a contribué au financement des projections de films canadiens dans les marchés et à la création de matériel promotionnel, de DVD et d'annonces publicitaires.

[Traduction]

     Pour ce qui est du volet nouveaux médias, il présente de grandes possibilités. Le secteur canadien des nouveaux médias a un potentiel énorme partout au monde qui n’a pas été exploité. Présentement, ce secteur vaut environ 25 milliards de dollars, en 2004-2005. D’ici 2009, nous prévoyons qu’il vaudra près de 55 milliards de dollars.
     Le Canada est reconnu dans le monde entier pour ses talents hautement compétents en production de jeux, ce qui explique pourquoi notre pays est l’hôte de quelques-uns des concepteurs de jeux vidéo multinationaux les plus importants au monde. Cependant, ces talents canadiens travaillent, pour la plupart, dans des postes de salariés sur des productions de jeux internationales commerciales plutôt que sur des productions de propriété canadienne créées par des Canadiens.
     Cet automne, Téléfilm est entré en partenariat avec des maisons de conception de jeux vidéo pour lancer à l’échelle du pays Le Grand concours du jeu vidéo canadien. Nous l’avons annoncé il y a environ trois semaines au congrès du jeu vidéo à Montréal. Le concours invite les concepteurs de jeux vidéo du Canada à rivaliser pour obtenir une aide financière d’un maximum de deux millions de dollars pour leur production.
     Nous avons également amorcé le nouveau Plan d’entreprise quinquennal de Téléfilm, annoncé cette année: Du cinéma au téléphone cellulaire, Téléfilm Canada et le défi de l’environnement multiplateforme.
    Nous avons établi des mesures de rendement pour tous nos programmes. Nous avons mené notre deuxième sondage biennal auprès des clients. Nous avons fermé nos bureaux à Paris et à Ottawa, et nous avons repositionné stratégiquement ces ressources de manière à composer avec nos nouvelles initiatives, notamment, les projections de Perspective Canada et la promotion des longs métrages.
     En ce qui concerne nos réussites aux guichets, le marché français a connu un succès extraordinaire, comme nous le savons. Nous commençons maintenant à voir aussi des résultats sur le marché de langue anglaise. En fait, cette année est en voie de devenir une des meilleures qu’ait jamais connue le « box-office » de langue anglaise.
    Bon Cop, Bad Cop a été financé par le fonds des longs métrages en anglais du Fonds du long métrage du Canada, et il s’agit aujourd’hui du long métrage au pays qui a rapporté le plus aux guichets. Trailer Park Boys: The Movie s’est classé parmi les longs métrages qui ont obtenu les meilleures recettes-guichet de l’histoire du cinéma de langue anglaise pour un premier week-end de sortie en salle.
     Du côté francophone, Aurore a obtenu plus de cinq millions de dollars aux guichets depuis son lancement, et Un dimanche à Kigali, plus d’un million.
    Nous attendons d’autres vrais gagnants, par exemple, la dramatisation du livre de Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable.
     Denys Arcand aura un nouveau long métrage, L’Âge des ténèbres. François Girard a une nouvelle coproduction, Silk, et le long métrage de Sarah Polley, Away from Her, est un autre exemple des succès que nous anticipons dans les mois à venir.
(1540)

[Français]

    Parlons des défis. Les réussites de l'industrie et la contribution de Téléfilm Canada méritent d'être soulignées. Toutefois, il est tout aussi important de bien comprendre les grands défis qui nous attendent et de nous préparer à les relever.
     Le succès retentissant de longs métrages au Québec ne durera que si de nouvelles sources de financement sont identifiées puis injectées dans la production cinématographique de langue française.
    L'augmentation des recettes-guichet progresse encore trop lentement dans le marché de langue anglaise.
     Il nous faudrait avoir davantage de souplesse, et nous devons réagir plus rapidement aux nouvelles réalités du marché des nouveaux médias. Nous devons assurément investir plus d'argent dans ce secteur pour le voir atteindre tout son potentiel.

[Traduction]

    La croissance du Fonds des nouveaux médias du Canada est essentielle à l’investissement dans l’avenir du contenu canadien des nouveaux médias. Il faudrait également réexaminer le budget de Téléfilm. Notre budget n’a pas augmenté depuis 2002. Le Fonds du long métrage du Canada s’est vu retrancher en permanence deux millions de dollars, et les effets de l’inflation ont contribué eux aussi à éroder encore plus notre capacité à investir.
     Entre-temps, les coûts de production ont monté considérablement, les budgets ont augmenté en moyenne et, en bout de ligne, les pressions exercées sur les ressources de Téléfilm se sont alourdies.
    L’argent, toutefois, n’est qu’une des questions. Nous continuerons de solliciter agressivement de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé, et nous continuerons de surveiller nos dépenses en vue de trouver d’autres moyens de mieux utiliser l’argent déjà dans le système.
    Au cours des 12 derniers mois, l’administration de notre société a été ciblée et efficace. Je vais poursuivre mes efforts pour garantir un Téléfilm modernisé et souple, bien ancré dans une ferme intention de reddition de compte envers tous ses intervenants.
    Et maintenant, j’aimerais vous présenter Charles Bélanger, de Téléfilm.

[Français]

[Traduction]

     Le conseil d’administration de Téléfilm s’inquiète également du besoin de souplesse que Téléfilm éprouve de plus en plus pour atteindre ses objectifs et améliorer son service à la clientèle.

[Français]

    Certes, la Loi sur Téléfilm Canada adoptée par le Parlement en mars 2005 nous a conféré les pouvoirs d'une personne physique — donc, la plénitude des droits et la capacité juridique de les exercer —, ainsi qu'un mandat législatif englobant l'ensemble de l'industrie audiovisuelle canadienne, et non plus le seul « cinéma » comme le prévoyait la loi originale de 1967. Néanmoins, ces deux reconnaissances essentielles sont toujours entachées de limitations administratives importantes et, ultimement, paralysantes.
     Ce n'est pas nous qui le constatons, mais la vérificatrice générale du Canada elle-même dans son rapport déposé au Parlement en novembre 2005.

[Traduction]

     Permettez-moi de vous citer deux courts extraits de son rapport. Voici le premier:
Aujourd’hui, compte tenu de ce nouveau mandat et des propositions du gouvernement en matière de gouvernance des sociétés d’État, nous nous demandons s’il est toujours pertinent pour Patrimoine canadien de maintenir, dans leur forme actuelle, les protocoles d’entente et les accords de contribution conclus avec Téléfilm Canada.
     Et voici le second:
Des administrateurs de Téléfilm Canada nous ont indiqué que le niveau d’encadrement dont ils font l’objet laisse très peu de latitude au conseil d’administration pour ce qui est d’interpréter son mandat et de déterminer la meilleure façon de le réaliser. Aucune des huit autres sociétés d’État du portefeuille de Patrimoine canadien ne fait l’objet d’un tel encadrement et d’une telle surveillance. De plus, aucune autre société d’État fédérale n’est vérifiée ou évaluée de la sorte par un ministère. Il s’agit là d’une situation unique.

[Français]

    En d'autres mots et pour le dire clairement, pour sortir de cette situation, Téléfilm Canada souhaite être soumise à la partie X de la Loi sur l'administration financière et ainsi fonctionner comme une société d'État moderne. Pour nous, moderne signifie opérer dans le cadre d'une législation financière contemporaine où tant le rôle, les responsabilités et les obligations des administrateurs et dirigeants sont aussi clairement identifiés et définis que le sont les obligations imparties aux sociétés d'État en matière de préparation et de présentation de leur plan d'entreprise et du budget afférant, ainsi que le contenu de leur rapport annuel.
    Sous l'autorité de la Loi sur l'administration financière, Téléfilm Canada opérera dès lors d'une façon non seulement moderne, mais surtout qui répondra aux plus hautes exigences de gouvernance contemporaine, de responsabilité d'entreprise, de transparence et de clarté administrative, tant au bénéfice de son actionnaire que de la clientèle qu'elle cherche constamment à desservir avec le plus grand professionnalisme possible.
(1545)

[Traduction]

    Ces changements ainsi que la modernisation de la Loi sur Téléfilm pour la rendre compatible avec le XXIe siècle nous donneront la souplesse voulue. À notre avis, la souplesse jumelée à la reddition de compte et à la transparence, garantit la meilleure qualité pour les deniers publics investis.
     La souplesse nous permet aussi d’être chef de file. La nature du marché aujourd’hui dicte que pour être un grand leader, il faut être visionnaire; quelqu’un qui prévoit les possibilités et qui saisit les occasions. Pour Téléfilm, les fruits de ces occasions doivent pouvoir livrer un excellent contenu canadien à un aussi grand nombre de Canadiens que possible, et un contenu que de plus en plus d’auditoires étrangers pourront partager et comprendre.
     Monsieur le président, nous serions heureux de répondre aux questions du comité sur notre rôle, notre mandat et nos priorités. Merci beaucoup.
    Merci.
     Monsieur Bélanger.
    Monsieur le président, c’est presque devenu une habitude, mais je veux commencer en disant qu’il n’y a aucun lien de parenté entre M  Charles Bélanger et moi. Je dis habitude, parce qu’à la dernière réunion, il y avait un autre M. Bélanger, celui-là du nord de l’Ontario. C’est un nom populaire. Attendez d’avoir quelqu’un assis à cette table qui s’appelle LeBlanc — vous n’avez encore rien vu!

[Français]

    Merci, monsieur Bélanger, monsieur Clarkson, monsieur Pradier, madame Friesen.
    Monsieur Clarkson, dans votre présentation, vous avez dit que Téléfilm a signé une entente de trois ans avec le Fonds canadien de télévision pour être le gestionnaire. Je suis fort aise d'apprendre que le nouveau gouvernement du Canada se serait engagé à financer le Fonds canadien de télévision.
    Puis-je en déduire une telle conclusion? C'est un peu un piège.
    Vous avez signé une entente pour trois ans. À ce que je sache, le Fonds canadien de télévision, de production télévisuelle, n'a pas été renouvelé au-delà de l'exercice financier courant. Compte tenu des contrôles auxquels M. Bélanger faisait allusion, j'imagine que cette entente a été entérinée par le ministère du Patrimoine canadien. Oui?
    La réponse est oui.
    Peut-on donc en conclure que le gouvernement s'est engagé à renouveler le Fonds canadien de télévision pour deux autres années?
    La réponse est non.
    Donc, il n'y a pas eu de renouvellement, et vous n'avez pas d'indication à cet effet.
    Aucune, au moment où l'on se parle.
    Merci.

[Traduction]

    Si vous me permettez, pour plus de précision, nous assurons uniquement l’administration du fonds. La gouvernance du Fonds canadien de télévision revient au conseil d’administration, qui compte des représentants du ministère et de l’Industrie en général. Nous n’avons pas de droits ou de responsabilités en ce qui a trait au renouvellement du fonds.

[Français]

    Je comprends cela, mais si vous nous avez affirmé par ailleurs que le ministère est très contraignant dans ses vérifications, dans ce qu'il vous permet de faire, et qu'il a acquiescé à cette entente de trois ans, j'aurais cru qu'on aurait pu y déceler une volonté du ministère ou du gouvernement de renouveler le financement du fonds.
    C'est la lecture qu'on en fait, mais tant et aussi longtemps que les choses n'arrivent pas de façon concrète et vérifiable, on ne peut pas dire que c'est dans le sac.
    D'accord. Il y a un élément qui a été porté à mon attention par des représentants et que je dois soulever. Je sais que cela ne s'adresse pas particulièrement à Téléfilm, mais ça se rapporte au bureau de direction du Fonds canadien de télévision. Vous pourriez peut-être m'aider.
    Ai-je raison de penser que le gouvernement a décidé de ne plus nommer, parmi ses trois ou cinq représentants qui siègent au conseil, quelqu'un qui serait associé à l'industrie, qui viendrait surtout de la communauté francophone minoritaire? Ai-je raison? Les renseignements qui m'ont été donnés sont-ils exacts?
(1550)

[Traduction]

    Je ne suis pas au courant de cette décision. Comme je disais, nous n’avons plus de pouvoir en matière de nomination de membres du conseil au Fonds canadien de télévision. M. Bélanger a siégé comme membre du conseil et puis, une fois que les parties s’étaient entendues sur le contrat, il a été décidé — je pense que c’était pour éviter un conflit d’intérêts entre un fournisseur de services et le FCT — que nous n’aurions pas de représentation au conseil.
    Alors, qui nomme les représentants?
    L’industrie et le ministère du Patrimoine canadien ensemble.
    D’accord.
     Monsieur le président, je veux que le comité soit conscient que la communauté francophone minoritaire s’inquiète du fait que le gouvernement n’est pas disposé à nommer un représentant de cette communauté. Traditionnellement, ou du moins dans les années récentes, la communauté avait une personne qui siégeait au conseil pour représenter ses intérêts. Cependant, pour une raison que je ne connais pas, le gouvernement a indiqué qu’il ne voulait pas nommer une personne de cette communauté. Voilà une question que je veux signaler et à laquelle je reviendrai au moment opportun.

[Français]

    Je voudrais maintenant passer à vos commentaires.
    Vous avez dit que vous souhaitez être soumis à la partie X de la Loi de l'administration financière, mais je voudrais comprendre ce qui suit. Quels sont les contraintes dont vous voudriez vous défaire de cette façon? Comment se manifestent ces contraintes? Est-ce par des vérifications, des ententes, des protocoles quelconques, des politiques? Comment cette contrainte, que vous semblez trouver un peu étouffante, se manifeste-t-elle? À part le fait d'être soumis à la partie X de la loi, y aurait-il d'autres façons de soulager Téléfilm de cette lourdeur?
    Je vais me lancer et je demanderai ensuite à mes collègues de compléter.
    Comme je le mentionnais dans mon propos, la Loi sur Téléfilm Canada remonte à 1967. Elle est un peu dépassée par les événements. On se rend compte qu'on a réussi à couvrir le champ de l'audiovisuel par des ententes de contributions jusqu'à ce que la loi soit amendée. Ces ententes sont extrêmement contraignantes et laissent peu de marge de manoeuvre à Téléfilm et à son conseil d'administration pour faire un oversight des activités de la société. En d'autres termes — et je choisis mon vocabulaire —, c'est de travailler sous une forme de tutelle, en quelque sorte, que de travailler de cette manière.
    Nous soutenons qu'après toutes ces années, c'est une société mature qui devrait normalement être traitée en tant que telle, comme toute autre société de la Couronne. Par conséquent, le traitement le plus normal, contemporain et moderne — et ce n'est pas trop compliqué —, c'est celui de la partie X de la Loi sur l'administration financière, qui prévoit régler les questions à la fois de composition du conseil, de nomination des membres du conseil, de dispositions qui concernent les conflits d'intérêts, bien qu'une disposition de la loi actuelle nous pose évidemment un sérieux problème: l'article 5 ne parle que d'admissibilité. Or, l'admissibilité fait en sorte qu'on est incapable de nommer des membres qui auraient des intérêts pécuniaires dans l'univers de l'audiovisuel.
     Quel représentant du monde de l'audiovisuel pourrait donc siéger au conseil de Téléfilm, s'il ne se départ pas complètement de ses intérêts financiers?
    Il existe une façon moderne de régler ces problèmes, les conflits d'intérêts, et la partie X le prévoit abondamment.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
     Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bienvenue. Je serai bref parce que j'ai beaucoup de questions à poser et j'espère obtenir des réponses très brèves.
    Je commencerai par le financement de Téléfilm. La loi adoptée en 2005 et qui modifie le mandat de Téléfilm implique désormais tout le relais multimédia, on l'a rappelé. Téléfilm a-t-il les fonds nécessaires pour remplir, à cet égard, le mandat tel que conféré par la loi?

[Traduction]

    Le Fonds des nouveaux médias du Canada compte environ 14 millions de dollars qui lui sont versés par l’intermédiaire d’une entente de contribution avec le ministère. Il n’y a pas de doute que de l’argent supplémentaire versé à Téléfilm Canada serait bien accueilli dans tous ses divers programmes et fonds. Je pense que l’argent du gouvernement fédéral ou les deniers publics en général ne sont pas la seule solution.
    Je suis très heureux de bon nombre de nos programmes, incluant celui pour les nouveaux médias dans le cadre du Grand concours du jeu vidéo canadien que nous avons annoncé. Nous l’avons fait en partenariat avec le secteur privé.
     Existe-t-il un besoin de fonds nouveaux et de nouveaux médias? Absolument. C’est une priorité. On parle de la prochaine génération de talents. C’est aux jeunes qui émergent maintenant qu’il faut donner cette chance. Nous voulons que ce soient les talents canadiens qui détiennent le droit d’auteur, qu’ils aient la possibilité, sur le plan de la création, de développer leurs projets avant qu’ils n’aillent sur le marché. Pour y arriver, nous aurons besoin de nouvelles ressources.
(1555)

[Français]

    Pouvez-vous évaluer vos besoins dans le secteur des multimédias?

[Traduction]

    Nous constatons que nous refusons actuellement 75 p. 100 des demandes que nous recevons; alors, une demande sur quatre se fait approuver. Nous pensons que ce chiffre devrait être plus élevé. Nous constatons une plus grande activité de conception. Les défis qu’affrontent les nouveaux médias sont comparables aux défis qu’ont affronté historiquement le cinéma et la télévision. Il est aussi important de développer les talents que d’élaborer les projets.
     Je crois, et notre société croit, que le rôle d’un organisme du gouvernement fédéral comme Téléfilm est de courir ces risques en partenariat avec le secteur privé, mais aussi, à l’occasion, d’accepter des risques que le secteur privé ne veut pas prendre. Notre priorité est le talent canadien, et c’est là que nous devrions prendre nos risques.

[Français]

    Si je saisis bien les choses, il y a carence quelque part.
    De votre point de vue, sans un financement accru, cette loi aurait-elle tout simplement eu pour effet d'empêcher le conseil d'administration de se réunir à la fréquence prévue par la loi et d'exclure le milieu de son conseil d'administration?
    Ce sont deux questions différentes. En ce qui concerne la question du conseil, pour être bien clair, soulignons que la disposition à laquelle j'ai fait allusion plus tôt a créé un petit imbroglio qui a duré quelque sept ou huit mois, soit jusqu'à ce que le quorum puisse être rétabli. Le quorum, donc le conseil, est fonctionnel depuis novembre 2005, et il n'y a absolument aucun problème opérationnel de ce côté.
    En ce qui concerne la question financière sur laquelle vous insistez, je vais laisser M. Clarkson développer le sujet davantage.
    En d'autres termes, notre conseil fonctionne, il se réunit régulièrement, soit six fois par année, il supervise les opérations de Téléfilm et il prend évidemment connaissance des défis dont M. Clarkson vous a parlé, comme chef de la direction. Ce n'est donc pas un problème de conseil.
    Non, je ne parlais pas précisément d'un problème de conseil; je parlais de l'amendement à la loi, à savoir ce qu'il a produit dans les faits.
    D'une part, on développe le mandat de Téléfilm avec l'ouverture au multimédia, mais il n'y a pas de fonds suffisants pour y faire face. D'autre part, en vertu de cette loi, il y a l'exclusion de son conseil d'administration d'un membre quelconque venant de quelque milieu que ce soit, du milieu artistique. C'est ce que je voulais suggérer.
    D'accord. Je comprends très bien votre question, dans ce cas.
    Maintenant, je passerai au volet portant sur la reconnaissance du cinéma québécois. On en a souvent parlé ici; cela a souvent fait l'objet de questions récurrentes.
    La Chambre des communes a voté, le 27 novembre, en faveur de la reconnaissance de la nation québécoise. La nation québécoise étant maintenant reconnue, Téléfilm Canada peut-il désormais reconnaître l'existence d'un cinéma québécois au-delà du marché francophone et qui inclut les communautés francophones et acadienne?
    Et entend-il revoir les objectifs du Fonds du long métrage du Canada, notamment en ce qui a trait à l'objectif de 5 p. 100 des entrées au guichet, objectif qui, soit dit en passant, est caduc en ce qui concerne le Québec?

[Traduction]

    Je crois que lorsque la Chambre des communes a appuyé, presque unanimement — certainement avec une majorité écrasante — la notion du Québec comme nation, le Canada… pardon?
(1600)
    Les Québécois.
    …les Québécois comme formant une nation, nous serions coupables de négligence si nous n’agissions pas dans la même veine.
     En guise d’exemple, au fil des ans, nous avons présenté des émissions québécoises et des projections du cinéma québécois partout au monde, en célébrant les qualités tout à fait uniques et le succès artistique et commercial considérable du cinéma du Québec. Et nous continuerons de le faire. On a certainement rendu hommage bien des fois au cinéma québécois dans des festivals de par le monde.
    Nous verrons aussi des occasions où l’on tiendra des rétrospectives du cinéma canadien. Les longs métrages du Québec, de langue française, seront inclus dans ces rétrospectives. J’épouse donc sans difficulté ces principes de base, et Téléfilm y souscrit depuis toujours.
    Monsieur Angus.
    Comme mon collègue, j’ai tant de questions à poser que je ne sais pas où commencer — il y a tellement d’éléments intéressants. Enfin, je serai bref.
    Qu’en est-il de l’argent pour le Fonds des nouveaux médias du Canada, à l’heure où on se parle?
    Nous discutons avec le ministère en ce moment au sujet du maintien de ce fonds. Nous n’avons pas encore reçu de confirmation quant aux ressources. En toute franchise, même si nous aimerions beaucoup obtenir d’autres ressources, je ne sais pas si ce sera le cas. Chose certaine, nous avons hâte que le fonds soit renouvelé.
    Mais on ne vous l’a pas confirmé.
    Nous n’avons pas reçu de confirmation à cet égard.
    Est-ce qu’il en va de même pour le Fonds canadien de télévision?
    Oui, mais encore une fois, j’aimerais préciser qu’il ne s’agit plus d’un de nos domaines de priorité, sauf dans la mesure où nous aimerions voir le contrat renouvelé. Nous attendons cela.
    Au sein de la communauté artistique, on a le sentiment général que l’aide financière qui sort de Patrimoine canadien a été effectivement paralysée par le ministre en place. Pensez-vous que c’est pour cette raison qu’on ne renouvelle pas le fonds, ou y a t-il d’autres aspects? Y a-t-il des problèmes avec ce fonds qui expliqueraient pourquoi on ne le renouvelle pas?
    Il n’a pas dit qu’on ne le renouvelait pas.
    Franchement, je ne peux pas dire que nous avons vécu cela jusqu’à présent avec nos initiatives pour Le Grand concours du jeu vidéo canadien et avec les travaux que nous avons réalisés avec les groupes de travail. Nous avons cherché à optimiser les économies en examinant d’abord notre fonctionnement interne, et je pense que tout organisme public devrait non seulement faire la même chose, mais en faire sa première priorité. Le président et son conseil nous l’ont imposé très clairement, comme il se doit d’ailleurs. Efficience, transparence et reddition de comptes. Je crois que c’est notre responsabilité et comme je dis, nous avons pris les mesures qu’il fallait.
     Cette année, nous n’avons pas reçu de fonds nouveaux, c’est exact. Et oui, nous avons subi une coupure de deux millions de dollars dans le Fonds du long métrage du Canada il y a quelque temps. De plus, comme l’inflation érode petit à petit l’argent qui reste, nous traversons une période difficile.
    Il n’y a aucun doute là-dessus. J’avoue, toutefois, que nous avons toujours eu des défis à surmonter dans les années passées, pour ce qui est du FCT et d’autres fonds. La situation est peut-être plus urgente aujourd’hui à cause des ressources qui sont à la baisse.
    Un des défis consiste à obtenir du financement privé de la part des partenaires, ce qui n’est pas facile. Il vous faut certaines garanties avant de pouvoir rencontrer l’industrie, et vous devez ensuite revenir à Téléfilm. Nous cherchons à bien des places.
    Je me demande, premièrement, s’il y a un manque de clarté quant au moment où ce fonds sera renouvelé. Ce que j’entends des gens sur le terrain, c’est que cela nuit à leur capacité d’aller solliciter le secteur privé.
    Je m’inquiète également lorsque vous vous dites préoccupé par le degré supplémentaire de vérification qui s’applique à Téléfilm et qui ne semble pas exister dans les autres sociétés d’État de Patrimoine canadien... Est-ce que cela a aussi un effet? Il y a des périodes favorables où on peut obtenir du financement pour faire démarrer son projet; en revanche, il y a des périodes où il n’est plus possible d’en obtenir. Est-ce que le retard nuit aux projets sur le terrain?
    Dans le cas de longs métrages, non; pour ce qui est des nouveaux médias, nous n’avons pas encore d’expérience à cet égard. Sur le terrain, en ce qui concerne le Fonds canadien de télévision, à la base, il y a clairement des inquiétudes.
    Ce n’est pas la première fois. On anticipe ce renouvellement chaque année. Je suis convaincu que les personnes ici présentes et d’autres membres de la Chambre des communes font souvent l’objet de pressions importantes relativement au renouvellement: c’est normal, les gens cherchent la stabilité et ont besoin d’être assurés que les projets qu’ils entreprendront dans six mois, ou peu importe à quel moment, recevront du financement.
    Nous sommes notamment préoccupés à l’égard du fait que — en fait, il s’agit en partie d’une préoccupation financière, mais je ne veux pas insister là-dessus — traditionnellement nous faisions affaire à un monde cloisonné. Ce n’était que le cinéma; puis ce furent le cinéma et la télévision; maintenant, ce sont le cinéma, la télévision et les nouveaux médias. Ces fonds sont cloisonnés.
     Les nouvelles technologies viennent tout changer. Lorsque l’on pense à un film ou à une émission de télévision, il faut maintenant penser à son site Web, à Internet et aux téléphones cellulaires. Vous devez l’imaginer, le créer, le promouvoir et le financer en pensant à toutes ces plateformes. Bref, il n’est pas question d’un fonds en danger, mais plutôt du fait que l’incertitude se crée chaque fois qu’il y a de l’instabilité financière pour ces plateformes.
    Charles a fait état de la souplesse; il s’agit d’un autre point. Nous voulons faire partie de cet environnement multiplateforme, mais les lignes directrices, programmes et règlements qui définissaient l’organisme il y a quarante ans — nous célébrerons notre quarantième anniversaire l’an prochain — sont désuets. Il faut s’en occuper.
(1605)
    Voilà qui nous mène exactement à ce dont je veux parler: d’une part, il s’agit de l’argent du gouvernement, soit l’argent d’une administration publique, l’argent des contribuables. D’autre part, il faut se pencher sur l’utilisation de ces fonds, à une époque où nous ne sommes pas en mesure d’assurer la présence de nos films dans nos propres salles de cinéma. Il existe de nouvelles plateformes, de nouveaux médias. Le financement du secteur public peut-il servir à créer un mode de distribution numérique?
     Je sais que nous commençons à gagner de l’argent avec la vente secondaire de DVD. Cela commence à vraiment nous aider. Cependant, je pense aux nouveaux médias. Les jeunes visitent YouTube, par exemple. Mais au niveau collégial, ils regardent des blagues de pet, parce qu’il n’y a aucun contenu. En mettant en place une plateforme visant à diffuser notre propre contenu, est-ce que le gouvernement jouerait un rôle utile pour veiller à ce que les projets lancés aient accès à des marchés?
    Je crois que notre organisme a la responsabilité de s’assurer de la présence d’un contenu et des artistes canadiens — j’insiste sur le contenu et les artistes canadiens — et de veiller à leur accessibilité sur toutes les plateformes.
     En ce qui a trait au cinéma, nous sommes au courant des difficultés connues par l’industrie au cours des cent dernières années et de la situation regrettable dans laquelle nous nous trouvons à savoir que — nous en avons parlé à l’occasion d’autres rencontres — il est difficile d’assurer la présentation des films dans les salles de cinéma, tout particulièrement sur le marché des films de langue anglaise.
     Le film Trailer Park Boys a récolté l’une des meilleures fins de semaine d’ouverture de toute l’histoire du... et il a fait des recettes à ce moment-là. Il est certain que, dans ce contexte, les exploitants de salles de cinéma seront beaucoup plus intéressés à renouveler l’expérience, encore et encore. Il en va de même avec Bon Cop Bad Cop qui, nous le savons, a remporté un vif succès au Québec. Il a aussi été populaire au Canada anglais. Il s’agit d’un film bilingue mettant en vedette Colm Feore et Patrick Huard, qui a été produit par un anglophone du Québec, réalisé dans les deux langues par un Québécois et financé avec l’aide du volet anglophone du Fonds. Un succès d’un océan à l’autre. C’est fantastique.
     Cela dit, nous devons nous assurer — vous avez parfaitement raison — de la production de davantage de produits canadiens en DVD et de leur téléchargement. À l’heure actuelle, le consommateur veut obtenir le produit au moment où il le désire et sur la plateforme qu’il désire. Je prends très souvent le train pour me rendre à Montréal, à Toronto et à Ottawa: de plus en plus, je les y vois regarder un film sur leur ordinateur portable.
     Il faut tirer profit des possibilités offertes. Les nouveaux médias connaissent l’une des croissances les plus intéressantes du moment, je suis tout à fait d’accord. Il s’agit de décloisonner le financement.
    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président et merci à tous de nous visiter dans la fosse aux lions.
    L’an dernier, le comité a produit le rapport « Scénario, grand écran et auditoire », qui comporte certaines critiques, tout spécialement en ce qui concerne l’efficacité de la politique du film au Canada anglais. D’autres critiques portent sur l’inefficacité d’une importante part de l’aide destinée aux longs métrages à Téléfilm Canada.
    Dans son rapport, la vérificatrice générale mettait en question le degré d’encadrement et s’interrogeait sur l’existence d’une ingérence directe ou indirecte relativement à votre capacité de remplir vos engagements. L’industrie a aussi formulé des critiques — des critiques considérables.
     Vous êtes certainement au courant de l’article publié dans le magazine Maclean's— article que vous considérez probablement comme du démolissage — , je tiens néanmoins à en citer un extrait qui, je crois, traduit bien le point de vue des gens non seulement relativement à l’industrie du cinéma, mais aussi à Téléfilm Canada.
    L’article est publié dans le Maclean's du 17 avril:

    [Traduction] Au moins sept films réalisés au Canada anglais sont discrètement à l’affiche dans les salles de cinéma ce printemps: Lucid, Fetching Cody
     l’auteur les énumère...
    [Traduction] Vous n’en avez jamais entendu parler? Peu étonnant. Ce genre de films est projeté dans quelques salles, puis disparaît sans laisser de traces. Ces films comportent des éclairs de génie et d’excellentes interprétations. Cependant, ils sont loin d’être plus grands que nature; en fait, c’est tout le contraire. Ils dépeignent des femmes désespérées et opprimées, des hommes qui n’ont pas d’estime d’eux-mêmes. Ils dépassent les limites de l’anti-héroïsme: du professeur d’anglais accro au sexe dans les toilettes publiques, dans Whole New Thing, à la mauviette qui menace un proxénète en lui pressant une agrafeuse dans le dos, dans Niagara Motel. Il est difficile d’imaginer que ces films ont été créés en pensant à un public cible.
     Évidemment, l’auteur de l’article poursuit en faisant état des préoccupations des producteurs concernant le financement par enveloppe des films au Canada.
    Mon intervention comporte plusieurs volets. Premièrement, on constate une grande insatisfaction, passée ou actuelle, chez les producteurs relativement à la façon dont Téléfilm remplit son mandat en matière de financement. Le financement par enveloppe soulève de fortes inquiétudes. Pourriez-vous en parler un peu; en expliquer le fonctionnement? Je sais ce dont il s’agit, mais je crois que cela serait utile pour les autres membres du comité.
    En outre, pourriez-vous traiter — vous l’avez fait plus tôt en réponse à la question de M. Angus — de la façon dont nous pouvons assurer la reddition de comptes et la transparence, tout en réduisant le poids de l’encadrement qui, selon vous, est en place et limite votre liberté d’action?
    Pouvez-vous parler de ces trois éléments?
(1610)
    Je vais tenter de répondre le plus brièvement possible.
    Premièrement, l’article de Maclean's a été publié en avril, soit il y a sept mois. Comme je l’ai mentionné dans mes commentaires préliminaires, les travaux menés par Téléfilm Canada et les groupes de l’industrie au cours de ces sept mois sont remarquables. Nous avons réuni des producteurs, des associations, des particuliers, des distributeurs, des diffuseurs, des syndicats, des guildes et des artistes autour d’une table un peu comme celle-ci. Étant donné l’existence de deux marchés linguistiques, nous avons adopté une approche asymétrique. Les deux groupes tiennent des réunions distinctes dont je suis le président. Il s’agit de sous-comités. Ils ont une grande influence sur la conception du programme et les lignes directrices de l’organisme.
     En fait, ils n’ont pas le pouvoir de modifier les politiques de Téléfilm Canada; cette responsabilité appartient au conseil d’administration. Ils n’ont pas le pouvoir de modifier le protocole d’entente du Fonds du long métrage du Canada; c’est la responsabilité du ministère. Ils peuvent apporter un changement significatif à la conception de programme et aux lignes directrices. Comme je leur ai clairement dit, si les groupes de l’industrie parviennent à un consensus et formulent des recommandations, je peux leur assurer que Téléfilm mettra en œuvre ces recommandations en autant que cela ne transgresse pas les responsabilités sur lesquelles je n’ai aucun pouvoir à titre de directeur général.
     Les médias l’ont signalé... Il y a environ un mois, nous avons annoncé les changements, changements que l’industrie a salués à l’échelle du pays. Le soutien témoigné — par les producteurs, la Writers Guild, l’APFTQ — était considérable. Je crois que l’attitude de l’industrie à l’égard de Téléfilm a changé de façon spectaculaire.
    Financement par enveloppe: avez-vous encore recours à ce type de programme de financement?
(1615)
    Dans le cas des enveloppes? Oui. Par exemple, Bon Cop Bad Cop a remporté un vif succès. Lors du prochain exercice, il recevra une enveloppe d’environ 3 à 3,5 millions de dollars, dont le producteur sera responsable. Il ne sera pas nécessaire de se présenter à Téléfilm pour la lecture du scénario, son évaluation et la prise d’une décision à savoir s’il mérite… Autrement dit, nous offrons des incitatifs aux producteurs qui ont du succès.
     Il crée ses propres contraintes. Autrement dit, le fonds sélectif est limité. Que se passe-t-il si je n’ai pas d’enveloppe? Comment puis-je en obtenir une? Les groupes de travail ont soulevé la question. Les groupes de travail de Téléfilm Canada se pencheront sur cette question.
     S’ils recommandent un changement concernant le financement par enveloppe, ils le feront de concert avec l’industrie et Téléfilm. S’il faut que le ministère ou le cabinet l’approuve, nous collaborerons avec l’industrie pour la présentation des arguments.
     Avec tout le respect que je dois à nos collègues producteurs, je crois que si un producteur qui veut faire un film avec cinq millions de dollars vous demande 49 p. 100 de la somme et vous lui refusez la subvention: ce film ne voit généralement pas le jour. Le producteur est alors très fâché contre Téléfilm Canada — cela arrive — et lorsqu’il veut une enveloppe ou en perd une parce qu’il n’a pas le succès exigé, il se fâche aussi.
    Vous avez succédé à M. Stursberg, en 2005, je crois. On avait accusé M. Stursberg de diriger Téléfilm Canada en adoptant une approche hollywoodienne. Croyez-vous que cette approche est encore utilisée? Avez-vous rajusté l’orientation de l’organisme? Les producteurs sont-ils satisfaits des directives adoptées à ce jour, soit depuis votre entrée en fonction?
    J’ai beaucoup de respect pour le travail effectué par M. Stursberg avant mon arrivée à Téléfilm Canada. En fait, il a dit qu’il jouait le rôle du « méchant »: j’arrive en jouant le « gentil ». Cela rend les choses plus faciles.
    Peu de temps après mon entrée en fonction, l’une des premières mesures que j’ai prises, symboliquement et concrètement, a été l’annulation du contrat avec l’American Talent Agency, et ce, pour des raisons financières, mais aussi pour montrer notre engagement envers les artistes canadiens, ce qui est notre principale priorité. Je crois que les petits pas franchis et les travaux accomplis par les groupes de travail montrent que le changement qui s’opère est axé sur le consensus et le leadership et non sur un changement de style.
    Merci.
     Monsieur Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que vous avez un métier très difficile. Les discussions sur le mode d’établissement d’une industrie nationale de l’audiovisuel représentent un éternel défi.
     J’aimerais d’abord traiter de la question des nouveaux médias. Malheureusement, je ne suis pas à la fine pointe dans ce domaine; je parle des jeux vidéo. Dans les écrits philosophiques canadiens, on signale une dichotomie entre la culture et la technologie. Comment peut-on changer les choses?
    Je pose la question de façon très sincère. Comment un jeu vidéo peut-il faire partie de la production culturelle canadienne, outre par rapport au fait que l’on emploie des Canadiens pour le créer et, comme vous le dites, que les Canadiens possèdent les droits d’auteur et ainsi de suite? Comment peut-on considérer comme un produit culturel quelque chose que l’on ne regarde que quelques secondes sur son téléphone cellulaire?
(1620)
    Je vais vous donner un exemple qui, je crois, répond directement à votre question, mais qui signifie encore plus.
    Nous avons annoncé la tenue d’un concours national de vidéo. Nous organisons le concours en partenariat avec le secteur privé, car il s’agit d’une priorité accrue en ce qui concerne nos relations avec l’industrie et le besoin de financer davantage l’industrie. L’objectif est de favoriser l’épanouissement des créateurs canadiens et de prendre un engagement à leur égard, de créer des programmes nationaux, de raconter des histoires d’ici par le truchement de n’importe quelle plateforme viable du point de vue commercial et créatif.
     Le jeu Pax Warrior est un bon exemple. Par coïncidence, le jeu a été créé au Centre canadien du film, où je travaillais avant de faire partie de l’équipe de Téléfilm Canada. Le jeu a été vendu dans le monde entier.
     Il s’agit d’un jeu vidéo inspiré de la tragédie au Rwanda et du travail effectué par Roméo Dallaire. À titre de commandant des forces des Nations Unies, le joueur doit faire face aux horreurs et aux cauchemars du génocide et prendre certaines décisions. Il y a des risques de violence à un barrage routier: que faut-il faire? Il s’agit d’un exemple très simple et direct du rôle que peuvent jouer le pays et les créateurs qui y vivent.
    Fait intéressant, dans mon discours d’ouverture, j’ai mentionné le film sur Roméo Dallaire et ce qu’il a vécu au Rwanda. Le tournage du long métrage mettant en vedette Roy Dupuis vient de se terminer. Le film sera accessible sur de multiples plateformes. À mon avis, les nouveaux médias sont d’une importance absolument cruciale dans le contexte culturel canadien.
    Je ne prétends pas être un spécialiste des jeux vidéo, encore moins des nouveaux médias, mais j’ai beaucoup appris au cours des cinq à six dernières années. Pour m’aider, je me suis souvent projeté dans le passé. Disons que nous sommes il y a 103 ans: quelqu’un entre et annonce que le cinéma représente l’avenir pour le XXe siècle; il représente l’avenir pour les nouveaux talents. Si nous ne nous tournons pas vers la production cinématographique, le pays en souffrira; cela nous nuira d’un point de vue créatif. Il en va de même pour les nouveaux médias — c’est comparable.
     Mon fils n’a plus l’âge de jouer à ces jeux, mais je peux vous assurer qu’il l’a fait par le passé. De moins en moins de jeunes écoutent la télévision; nous le savons. De moins en moins vont au cinéma. Ils vont au cinéma dans le cadre d’une expérience tribale. Ils se réuniront; l’un d’entre eux décidera du film à voir et ils se rendront au multiplexe en tant que « groupe ». Ils s’amuseront avec les jeux vidéo, boiront beaucoup de Coca-Cola et mangeront du maïs soufflé. Cependant, ils décident de plus en plus souvent de se divertir par le truchement d’autres plateformes: nous devons y être.
    Je comprends. Je vous remercie de cette excellente réponse, soit dit en passant. Je suis d’accord. Nous devons être là. Vous avez bien raison.
    Oui, il s’agissait d’un défi lorsque nous nous sommes tournés vers le cinéma, mais dans ce domaine, nous avons eu tendance à aller vers les films d’action dont le marché est dominé par les Américains. Notre difficulté, à titre de Canadiens, a été de trouver une façon de se mesurer à une telle situation. À mon avis, lorsque nous nous dirigeons vers les jeux vidéo (nouveaux médias), nous allons encore plus loin dans le domaine de l’action. Je m’interroge à savoir comment nous pouvons conserver un aspect philosophique et culturel.
    Cela étant dit, ma prochaine question porte sur l’idée que vous deveniez votre propre société d’État. Est-il question d’un modèle du type de celui de la Société Radio-Canada — c’est-à-dire que vous recevriez du financement de base de la part du gouvernement, puis généreriez vos propres revenus et décideriez du montant à investir dans les nouveaux médias et le cinéma? Est-ce ce dont il s’agit?
    Essentiellement, oui, parce que si on veut sortir de ce cloisonnement, il faut avoir un revenu total qui permette de mettre ses ressources là où sont les occasions. C’est ce qui nous bloque en ce moment : d’autres décident, d’une certaine façon, où les ressources doivent être affectées et comment elles doivent être affectées. Je ne pense que pas que c’est de cette manière qu’on devrait voir une société d’État et qu’on devrait lui demander en plus de fournir un rendement et de rendre des comptes, lorsque la responsabilité incombe pratiquement à quelqu’un d’autre.
(1625)
    Je reviendrai peut-être là-dessus plus tard, mais si on prend le cas de la SRC, ce sont les sports qui la tiennent à flots. En tout cas, ça mérite réflexion.
     Il y a eu des coupures dans votre financement et, évidemment, vous trouvez que vous n’avez pas suffisamment de ressources. Quelqu’un a pris la décision de ne pas augmenter le financement pour la production de films au Canada. Qu’essaient-ils de faire? Essaient-ils d’envoyer un signal à vous et à l’industrie? Essaient-ils de vous pousser dans une direction, bonne ou mauvaise? Je ne veux pas porter de jugement, mais pensez-vous que les pouvoirs étant au gouvernement, cela revient à dire qu’il veut que vous preniez une direction et qu’il exerce un peu de pression sur vous?
    Non, pas du tout.
    Je ne parle pas d’une mauvaise façon, mais d’une façon systématique.
    Non, non, je vois ce que vous voulez dire. Non.
     Je pense qu’une partie du message — et c’est très implicite dans cette société, comme on a parlé un peu — est de voir où on pourrait faire des économies. La fermeture du bureau de Paris ne s’est pas faite facilement, mais dans un contexte où il y a des priorités et où l’argent pourrait être mieux utilisé, comme le programme Perspective Canada, qui a fait des ventes internationales sa grande priorité, et compte tenu des nouvelles technologies comme Internet, les courriels et les téléphones cellulaires, je ne suis pas sûr que pour cette société les briques et le mortier soient le meilleur investissement. Nous avons des affaires externes et des ambassades dans la plupart des pays. Nous travaillons bien avec eux et nous continuerons de le faire.
     Oui, le problème des ressources supplémentaires demeure et je crois que tout comme la santé, l’infrastructure, l’éducation ou la défense, la culture doit être prise en compte dans le partage des ressources supplémentaires. Je pense que c’est vital pour cette nation. Mais j’estime que nous avons l’obligation de chercher des moyens de faire des économies et de travailler étroitement avec l’industrie, plutôt que de se tourner vers le gouvernement pour lui demander beaucoup plus d’argent.
     Je pense que ces groupes de travail ont accompli une tâche remarquable, comme je l’ai souligné dans mes observations préliminaires. Les problèmes qu’a connu la production en langue française au Québec un peu plus tôt cet été — ils s’y sont attaqués. Ils ont présenté des recommandations que je considère très constructives et très utiles.
    Merci.
     M. Malo est le prochain.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue.
    Comme vous l'avez sans doute remarqué, le cinéma québécois s'ancre solidement dans la culture québécoise. Ce qui est important maintenant, c'est de poursuivre son développement, parce qu'on souhaite que les succès connus perdurent pour des années à venir.
    Croyez-vous que le développement du cinéma québécois doit se faire sur l'ensemble du territoire? Qu'entendez-vous faire pour encourager la production cinématographique régionale au Québec?

[Traduction]

    Je demanderai à M. Pradier de parler de ça, si je peux.

[Français]

    Pour ce qui est de la production régionale, autant au Québec qu'à l'extérieur, nous avons un plan et nous y mettons des sous. Nous avons toujours été présents, de toute façon. Ce n'est pas comme si nous n'avions jamais aidé l'industrie du long métrage, en particulier à l'extérieur de Montréal ou du Québec.
    Cependant, vous avez raison de souligner que nous avons besoin de mettre un peu plus d'efforts en ce sens. En outre, il faut tenir compte de la structure industrielle qui existe en région versus la structure industrielle qui peut exister à Montréal. On n'est pas tout à fait au même point.
    Quand on parle de l'extérieur du Québec, je peux vous citer en exemple ce qu'on a fait en télévision avec le Partenariat interministériel avec les communautés de langues officielles, le PICLO. Ce partenariat s'est étendu et il est en marche depuis maintenant quatre ou cinq ans. Il a connu un succès assez important et permis de mettre en place une association de producteurs francophones hors Québec. Le but n'était pas de les isoler dans un type spécifique de production, mais de les faire entrer dans la production nationale en entier. Maintenant, ils ont accès à des fonds via le Fonds canadien de télévision, et c'est une industrie en santé à l'extérieur du Québec.
    L'incitatif PICLO n'existe pas pour des compagnies au Québec en français. Donc, en ce sens, Téléfilm a mis sur pied un plan d'action qui commence cette année fiscale et qui consiste à mettre la même structure en place avec des moyens modestes. Étant donné que le PICLO a eu un effet quand même assez important avec des moyens modestes, ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de volonté et de partenariat.
     Il s'agit de mettre de l'argent cette année fiscale pour la formation des immersions, c'est-à-dire de mettre en contact des distributeurs de longs métrages et des producteurs de l'extérieur de Montréal afin qu'ils se connaissent mieux. De cette façon, ils pourront investir dès cette année pour développer des scénarios, quitte à ce qu'ils se fassent concurrence en matière de production. L'année prochaine, c'est-à-dire dès l'année fiscale 2007-2008, qui débutera au mois d'avril, nous allons dédier un montant d'argent au Programme d’aide aux longs métrages indépendants à petit budget, de l'argent pour des productions hors Montréal.
(1630)
    Vous parliez tout à l'heure de volonté. De qui cette volonté doit-elle émaner pour que ces projets aboutissent?
    Je pense que nous faisons preuve de bonne volonté. Il est certain que nous allons rencontrer des autorités municipales, provinciales et le secteur privé — je parle des régions du Québec — pour mettre le plan de l'avant. Maintenant, il reste à savoir s'ils seront intéressés à contribuer des sommes équivalentes à celles que nous allons mettre sur la table, justement pour générer cette dynamique qui peut s'implanter en région.
    Étant donné que le budget de Téléfilm est gelé depuis cinq ans, le nombre de productions financées est passé de 20 à 11. Est-ce que cela fait en sorte que la capacité de Téléfilm Canada de livrer la marchandise est maintenue au détriment des régions?
    Non. Nous avons un mandat global. Nous sommes ici pour appuyer la cinématographie nationale, en français et en anglais. C'est sûr que présentement, on vit une crise de financement importante en français. C'est indéniable. On a tous lu les journaux cette année.
    Pour faire écho aux propos de M. Clarkson, il y a un groupe de travail francophone où siègent justement des membres de l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec, l'APFTQ, qui représente les productions régionales du Québec, de même que Mme Cécile Chevrier, qui représente les producteurs hors Québec. À l'instar des solutions constructives que l'on a trouvées pour les enveloppes à la performance, je pense qu'il y a bon espoir qu'on va aller dans le même sens pour les régions.
    Est-ce que le gouvernement pourrait faire davantage pour stimuler la production en région, tant au Québec qu'ailleurs au Canada?
    M. Clarkson a dit que l'argent était toujours le bienvenu, mais, il faut se rendre compte du contexte et des chiffres. L'année 2005-2006 a été une année exceptionnelle en termes de longs métrages en français. Nous avions 26 p. 100 de part de marché. Aujourd'hui, on n'est pas à ce niveau et on ne le sera pas non plus l'année prochaine.
     On ne peut pas soutenir un nombre de films, pour toutes sortes de bonnes raisons que je peux vous énumérer facilement: parce que les budgets de production en français ont doublé depuis cinq ans; notre niveau d'investissement est passé de 25 p. 100 à 35 p. 100; la simple inflation; l'impact de l'inflation sur notre fonds au cours des cinq dernières années représente cumulativement 9,4 millions de dollars; et chaque année, notre budget pour des longs métrages de base est réduit de 2 millions de dollars. Tous ces facteurs ont un impact, en plus de ce qui se passe en termes de croissance normale de l'industrie.
    Pour en revenir à cette question précise, si nous voulions avoir le même succès que nous avons connu en 2005-2006, il faudrait ajouter 20 millions de dollars en français.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
     M. Warkentin est le prochain.
    Je vous remercie d’être ici cet après-midi. Nous reconnaissons la valeur de l’information que vous apportez et des réponses à nos questions.
     Je vais commencer par quelques questions, juste pour avoir un peu plus d’information. Évidemment, il faut aller voir ce qui se passe sur la scène internationale. Y a-t-il un pays qui a une structure similaire à la nôtre au Canada pour favoriser la production de films nationaux? Quels sont les pays où vous avez observé des systèmes similaires aux nôtres et probablement des systèmes différents des nôtres?
(1635)
    La réponse directe est que la vaste majorité des pays ont des sociétés comme Téléfilm Canada ou des organismes publics, fédéraux et provinciaux, comme Téléfilm Canada ou SODEC au Québec. C’est plus une norme qu’une exception.
    Bien. Je me demande s’il y a un pays semblable au Canada. Prenons l’Australie, par exemple. Êtes-vous en mesure de me dire quel système est en place dans ce pays?
    L’Australie a un système très semblable au nôtre. Elle a quelque chose qui ressemble au système d’enveloppe dont nous parlions tout à l’heure. Elle a un fonds axé sur l’intérêt du marché. Elle fournit du soutien financier par l’entremise d’Australian Film Development Corporation pour la création, la production et la distribution. Franchement, ce pays a autant de difficulté que nous à attirer le public dans les salles. Je pense que leurs meilleures années étaient 6 p. 100 ou 7 p. 100, et il y a environ deux ou trois ans le taux était au-dessous de 1 p. 100.
     J’ai assisté à un congrès au Danemark un peu plus tôt cet été. Ce congrès avait été organisé pour les pays de l’Union européenne, mais lorsque j’ai lu à ce sujet, j’ai vu qu’ils étaient aux prises avec les mêmes difficultés que nous. J’ai appelé le responsable du Danish Film Institute pour lui demander si je pouvais m’inviter à son congrès. Il m’a dit que ça ne le dérangeais pas du tout — que les Australiens venaient aussi.
     Des représentants de la Crète à la Bulgarie et de la Roumanie — de tous les pays membres de l’UE — étaient là. Ils avaient exactement les mêmes questions et défis.
    C’est ce que j’espérais que vous me disiez — pas parce que je pense que c’est merveilleux ou quoi que ce soit de ce genre, mais cela renforce le soupçon que j’entretiens à l’égard du fait que nous faisons tous face à la grande industrie américaine. C’est bien ça? Notre plus gros problème n’est-il pas que les Américains accaparent la majeure partie du marché?
    Je m’excuse, mais avec tout le respect pour Hollywood — merveilleux films — ce n’est pas notre défi. Ils sont omniprésents. Ils dépensent 100 millions de dollars et un autre 50 millions pour la commercialisation. Comme vous le savez, le budget de Téléfilm se chiffre à moins de 100 millions de dollars pour tous les films. Ce que je veux dire est nous avons besoin d’un créneau, d’un créneau canadien.
    Si vous me le permettez, je pense que Téléfilm a pour mission de créer une industrie cinématographique concurrentielle, qui veillera à ce que les Canadiens aient accès à l’art produit ici. N’est-ce pas le cas? N’est-ce pas essentiellement une concurrence entre tout ce qui est porté à l’écran pour s’assurer que l’on produira un contenu canadien qui suscitera l’intérêt des Canadiens?
    Oui, c’est ça, mais en réalité, compte tenu de la taille de notre budget...
    Je reconnais que votre budget pose problème. Ce que je me demande, c’est si, dans une vaste perspective, le but de Téléfilm demeure la création d’une industrie concurrentielle dans ce pays.
    Absolument, et après 40 ans... Je suis assez vieux pour avoir vu grandir cette industrie, et elle a énormément grandi, croyez-moi. Il y a des intellectuels et des gens ordinaires qui soutiennent que la vraie naissance du cinéma a eu lieu avec l’établissement de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, aujourd’hui Téléfilm Canada, en 1967. L’ajout d’outils comme les crédits d’impôt et les ententes de coproduction vise à assurer une industrie forte et prospère. Elle est constamment sous pression, constamment à la recherche de partenaires et d’argent, c’est très impressionnant de voir où elle est rendue.
     Comme je le disais, beaucoup d’autres pays vivent cette situation, mais il y a des pays, particulièrement la France, qui investissent quatre fois plus d’argent dans leur industrie que l’Allemagne, et on connaît, bien sûr, le succès de l’industrie cinématographique au Danemark.
    Par simple curiosité, avez-vous des chiffres ou pouvez-vous les répartir selon le nombre d’entrées en salle dans ce pays ou, disons, selon le nombre de films qui connaissent un succès commercial. Selon l’origine de ces films, par rapport aux autres pays ou selon d’où viennent ces films? Comparez les chiffres canadiens et américains et vous aurez le chiffre international.
(1640)
    Le Fonds du long métrage du Canada visait 5 p. 100 du marché intérieur. Plus de cinq ans après sa création, nous avons atteint cet objectif. Nous l’avons même dépassé d’un modeste 0,3 p. 100.
     Mais derrière ce succès, nous le savons tous, se cache un drame...
    Savez-vous ce que le cinéma américain...
    ...le cinéma québécois, qui a atteint son point culminant en 2005-2006 représente environ 25 p. 100 ou 26 p. 100. Le Canada anglophone n’a jamais dépassé 1,9 p. 100.
     Pour la vaste majorité, je dirais qu’environ 85 p. 100 sont des productions américaines, et qu’elles récoltent 85 p. 100 des recettes en salle. Le reste irait aux films d’autres pays que les États-Unis, donc l’industrie est largement dominé par...
    C’est ce qui me préoccupe. Si je me suis engagé dans cette voie — et je n’essaie pas de souligner les lacunes — c’est uniquement parce que je veux dire que je crois que pour nous, en tant que Canadiens, c’est un échec.
    Pas partout.
    Non, pas partout. Nous avançons, c’est certain. Mais nous devons voir, à ce comité, comment nous allons nous assurer que les jeunes Canadiens voient du contenu canadien sur les écrans. Il est certain que nous avons du chemin à faire, nous savons cela. Je veux seulement voir ce que nous faisons.
    Merci.
     Madame Keeper.
    Merci beaucoup.
     J’aimerais revenir à ce que M. Warkentin disait, parce j’ai travaillé dans l’industrie canadienne de la télévision dans le passé. C’était un produit qui avait beaucoup de succès au Canada, mais sur le marché international, du point de vue commercial, ce n’était pas un produit très concurrentiel. En ce qui concerne l’équilibre entre la valeur du patrimoine, de la culture canadienne face aux aspects commerciaux, je crois que c’est la seule question vraiment importante, parce qu’il faut établir un équilibre.
     Retournons au concept de la société d’État. Je me demande si vous croyez qu’un pas vers cette direction aurait un effet tangible sur la capacité de créer cet équilibre.
    Comme M. Bélanger l’a dit, la souplesse est un avantage. Il ne fait aucun doute que dans un environnement multiplateforme, c’est un avantage encore plus grand. Si je peux, concernant vous deux points sur l’aspect commercial et culturel, depuis que l’on participe aux industries culturelles, le maintien d’un équilibre provoque un frisson permanent ou est défi constant.
     Dans le cas de Fonds du long métrage du Canada, c’est très clair. Sa grande priorité a deux volets: le cinéma canadien et les artistes canadiens que les Canadiens veulent voir et, le plus important, l’obtention de 5 p. 100 des recettes en salle. Cette priorité demeure aujourd’hui. Je pense à des films comme Men With Brooms (Quatre gars et un balai) ou Bon Cop, Bad Cop, qui ont connu énormément de succès, le premier est un film anglophone et l’autre est francophone.
    Men With Brooms a connu beaucoup de succès au pays. Il a dépassé les 4 millions de dollars de recettes en salle — c’est une assez grosse somme — mais il a été distribué en DVD et autres formes, et il a été présenté bien sûr à la SRC où il a enregistré une des cotes d’écoute les plus élevés pour un film canadien. Je pense que 1,6 million de téléspectateurs l’on vu. Donc, les Canadiens ont eu la possibilité de le voir. Ce film n’a pas eu beaucoup, sinon pas du tout, de succès à l’extérieur du Canada. N’est-ce pas décevant? Je suis certain que cela l’est pour le cinéaste et le producteur, et d’une certaine façon pour nous, mais notre priorité était d’attirer le public canadien.
     Le défi avec Bon Cop, Bad Cop était le même. Il est devenu le film qui a rapporté la plus grosse recette de l’histoire du cinéma au Canada. On verra quel succès il remportera à l’extérieur du pays, mais on a rempli le mandat de Fonds du long métrage du Canada.
     Nous avons des ententes de coproduction. Nous avons des crédits d’impôt. Ça nous permet de créer des partenariats. Dans mes observations préliminaires, j’ai cité une grande production appelée Silk (Soie), d’après un roman international. C’est une coproduction japonaise-italienne-canadienne dirigée par Rhombus Media et réalisée par un de nos plus grands réalisateurs, François Girard, qui a fait Le violon rouge (The Red Violin). Ce film se défendra bien dans le monde et, je s’en suis persuadé, au Canada aussi.
     Il y a une constante dichotomie, et d’une façon inhabituelle, c’est même sain, pourvu que nous disposions d’outils et que nous ayons une participation canadienne. Excusez-moi si je me répète, mais dans le Fonds du long métrage du Canada, ce sont les artistes canadiens qui font les films que les Canadiens et le monde veulent voir.
(1645)
    Merci. Je comprends en ce qui concerne le Fonds du long métrage du Canada, mais pour ce qui est de devenir une société d’État, croyez-vous, qu’après un tel succès nous pourrions avoir plus de chances de succès grâce à la souplesse d’une société d’État?
    Je pense que la souplesse est un avantage. Je m’excuse si je me répète, mais pour en revenir à l’environnement multiplateforme, nous devons être en mesure de s’adapter rapidement aux changements de l’industrie, tant sur le plan industriel que culturel.
     Pour agir rapidement, nous devoir avoir cette souplesse; nous ne pouvons la mentionner que dans ce contexte.
    Avons-nous encore quelques minutes?
    Nous avons encore quelques minutes.
    Ok. Je n’ai qu’un bref commentaire, ensuite je céderai ma place à mon collègue.
     À quoi attribuez-vous le succès de ces deux films Bon Cop, Bad Cop et Trailer Park Boys? Y avait-il quelque chose dans le concept du programme qui a contribué à cette année particulièrement fructueuse?
    C’est la magie du cinéma. Je pense, pour citer un célèbre scénariste, qui critiquait Hollywood, « personne ne sait tout ».
     Cela dit, et pour donner le crédit et les compliments qui reviennent à Téléfilm et son personnel, ce sont des gens expérimentés. Ils s’y connaissent en distribution; ils s’y connaissent en production; ils s’y connaissent en création. Nous avons donc joué un rôle en investissant dans Bon Cop, Bad Cop. Cela ne vient pas d’une enveloppe.
     Je ne sais pas si vous avez vu ce film, mais Patrick Huard et Colm Feore sont absolument parfaits. C’est un film de 8 ou 9 millions de dollars, mais on dirait un film de 30 millions de dollars. Les Canadiens d’un bout à l’autre du pays ont trouvé le film divertissant. Je pense qu’on peut s’attendre sans trop se tromper à un Bon Cop, Bad Cop II.
     Dans le cas de Trailer Park Boys, c’est l’effet de la télévision. Il s’agit ici du type de série télévisée offert sur les canaux spécialisés. Je pense que Showcase est le diffuseur. Elle n’est pas diffusée dans tout le pays. Ce ne sont pas nécessairement tous les Canadiens qui aiment ça, mais cette série suscite certainement de l’enthousiasme. Je pense que c’était très astucieux de la part de la compagnie de production de la Nouvelle-Écosse et des artistes qui en font partie de dire que cela se transposerait bien au cinéma.
     Très simplement, c’était assez évident pour nous. Lorsque l’on a des projets comme ça, il s’agit seulement d’être responsable, transparent et efficace dans l’exécution. Cependant, c’est le type de projet que nous aimerions voir plus souvent, et je suis sûr qu’il y en aura d’autres.
    Merci.
     Monsieur Fast.
    Merci.
     Monsieur Clarkson, j’aimerais revenir à la question que j’ai posée au début. Malheureusement, vous n’avez pas eu l’occasion d’y répondre.
    J’aimerais revenir sur l’ensemble de la question concernant la production de films pour un public canadien, qui seront vus par les Canadiens. Encore une fois, j’aimerais citer un article de Maclean's: « Mais notre culture cinématographique est devenue conditionnée par l’obscurité. C’est l’histoire d’un cinéma à la recherche d’un public. »
     Je ne crois pas que Téléfilm Canada et l’argent investi par les Canadiens dans cette industrie visent nécessairement à faire des films qui auront du succès aux États-Unis ou dans le monde entier. Si cela arrive, tan mieux, mais nous sommes supposés faire des films qui seront vus par les Canadiens.
     Ce qui m’amène à ma question. Quelqu’un décide un moment donné quels films seront finances par Téléfilm Canada. Est-ce vous?
(1650)
    Oui, mais pas dans tous les cas. Je suis responsable de toutes les décisions liées au fonds de Téléfilm réservé aux films anglophones pour les demandes de plus de 1,5 million de dollars. Avec l’aide des bureaux régionaux (comme je l’ai déjà mentionné, nous avons quatre bureaux au Canada), nous mettons en marche et poursuivons le processus de sélection. Je discute avec mes homologues de partout au Canada ainsi qu’avec les producteurs et nous prenons une décision.
    Pour revenir à l’essentiel de votre question, soyons francs: il arrive que nous faisions de mauvais films. Ça arrive dans le monde entier. Des milliers de films sont faits en Amérique. Je vais beaucoup au cinéma. Je vais voir les productions hollywoodiennes et les films artistiques. Je vois sûrement un film par semaine en moyenne. Ça fait entre 50 et 60 films. Je ne vois pas les quelque 2 000 autres.
    Au Canada, un nombre restreint des films produits et des distributeurs qui en demandent les droits arrivent à l’écran. Honnêtement, certains d’entre eux ne devraient pas y être. Les cinéastes font de leur mieux ainsi que tous les gens impliqués, mais parfois, des mauvais films sont faits. Pour faire preuve d’un peu plus de diplomatie, disons que certains films ne répondent pas aux attentes des cinéastes, des producteurs ou de toute autre source de financement, que ce soit un diffuseur, un réseau de télévision payant, un investisseur privé ou, dans le cas qui nous occupe, un organisme provincial ou fédéral.
    Soyons francs, vous serez jugés en fonction des succès que nous avons dans la production et le financement de films qui attirent un nombre considérable de spectateurs canadiens.
    Je voudrais approfondir la question. Le processus de sélection comprend certainement des critères visant à déterminer si les films sont susceptibles d’avoir du succès, au moins au Canada. Quels sont ces critères?
    D’abord, Téléfilm impose différentes exigences. Nous avons parlé de celles liées au contenu canadien. Nous avons des scénaristes qui lisent les scénarios, lesquels peuvent être développés pendant un an ou deux. Nous travaillons constamment sur ce point.
    Selon moi, une des exigences les plus importantes est celle concernant l’état du marché: c'est-à-dire l’intérêt des distributeurs. Si le projet présenté à Téléfilm Canada n’est appuyé par aucun distributeur, nous nous en méfions. Nous voulons connaître l’état du marché. Nous voulons savoir, non seulement si le film rapportera beaucoup d’argent, mais avant tout s’il traite de sujets qui intéressent le public. Les spectateurs sont sur le terrain et non dans mon bureau qui lui est isolé, si on veut, de la masse. Il nous faut une preuve de l’intérêt d’un distributeur avant de nous engager.
    Si nous avons cette preuve, c'est-à-dire si TMN, Corus, la SRC ou tout autre réseau croit qu’il s’agit d’un bon projet et est prêt à y investir entre 250 et 400 millions de dollars, nous y porterons attention.
    Je ne renie pas nos responsabilités. Comme vous l’avez mentionné, à la fin de mon mandat à Téléfilm Canada, on jugera mon travail selon nos réalisations, certainement selon les recettes de nos films et aussi leur succès artistique, dans le monde entier, mais avant tout, au Canada.
    Je crois que le processus de sélection comprend une dose d’intégrité. Les projets comme Bon Cop, Bad Cop et Trailer Park Boys — peut-être verrons-nous un jour un projet Corner Gas? — facilitent un peu notre travail.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Angus.
    Merci.
     Je suis d’accord avec mes collègues. Pourquoi investir dans un film que personne n’ira voir? C’est un fait. Pourquoi faire des films qui passeront inaperçus?
    Ma question est la suivante: pourquoi quelqu’un irait-il voir un film canadien? Nous pouvons écrire le meilleur des scénarios et annoncer que nous avons produit un excellent film canadien, ça ne changera rien; les gens vont voir des films canadiens parce qu’ils connaissent les acteurs qui y jouent. Pensez au succès qu’a connu Trailer Park Boys. Voilà une émission de télévision qui n’a presque rien coûté. Mais tout le monde connaît Randy et M. Lahey. Les gens la regardent parce qu’ils connaissent les acteurs.
    Je dirais à peu de choses près la même chose au sujet de Second City. Cette émission n’a presque rien coûté et elle a donné naissance à une série de grands films. Nous allions voir John Candy parce que nous le connaissions. Eugene Levy, Joe Flaherty, Catherine O'Hara et Harold Ramis sont également devenus des célébrités aux États-Unis et partout dans le monde.
    Je voudrais dire un mot sur le lien entre la télévision et le cinéma. Si nous n’avons pas au Canada anglais — et nous ne l’avons pas— le vedettariat nécessaire à l’établissement d’un système permettant de découvrir de nouveaux talents, nous ne pourrons pas faire de films, même s’ils ne coûtaient pas un sou.
    Par contre, au Québec, on a créé une industrie de la télévision qui a lancé la carrière de bien des acteurs. Les gens vont voir les films québécois parce qu’ils savent à quoi s’attendre. C’est aussi simple que ça.
    J’aimerais savoir si, selon vous, il est important que nous conservions une bonne industrie de la télévision au Canada pour réussir à maintenir une industrie cinématographique à l’échelle nationale et même internationale.
(1655)
    Il existe une relation bien établie entre l’industrie de la diffusion en général et l’industrie cinématographique canadienne. Les diffuseurs et les réseaux payants participent à la grande majorité des projets, que ce soit des coproductions (auxquelles prend part le Canada, bien entendu) ou des films financés par notre fonds réservé aux films canadiens. Ils jouent un rôle important dans cet environnement multiplateforme, mais ils dépensent tout de même des sommes d’argent moins élevées que celles qui, selon nous, seraient appropriées pour soutenir notre industrie des films.
    Donc, du point de vue financier, j’aimerais bien sûr que les diffuseurs jouent un plus grand rôle pour ce qui est des montants d’argent investis et de la diffusion des films. Je dois dire que, pendant la grève de la LNH, j’étais déçu lorsque je trouvais des productions hollywoodiennes à la télé. CBC, par exemple, a diffusé Man with Brooms, qui remonte à quatre ou cinq ans, et le film a attiré 1,6 million de téléspectateurs. Ce sont des occasions à saisir et je crois que le moment est décisif.
    Michel, ainsi que mes amis et collègues du Québec m’ont rappelé qu’il y a cinq ou six ans, le pourcentage de films francophones au Québec était environ de 7 ou de 9 p. 100. Comme nous le savons, il y a un an, ce pourcentage avait atteint les 25 p. 100. Le succès de films comme Les boys, Séraphin, La grande séduction, Maurice Richard, Aurore et Horloge biologique a eu un effet presque psychologique et la télévision a suivi. Cet effet d’entraînement va dans les deux sens.
    Par exemple, combien d’acteurs québécois passent de la télé au cinéma et vice versa? Au Canada anglais, nous commençons à voir des signes de ce mouvement, de ce progrès. On peut le constater en parlant aux exploitants. Trailer Park Boys et Bon Cop, Bad Cop ont été bien reçus, mais Maurice Richard, pourtant un bon film, n’a pas si bien fait. Alors, quel sera le prochain projet?
    Nous commençons donc à voir les avantages de ce mouvement.
    Pour ce qui est des diffuseurs et du rôle qu’ils doivent jouer, il s’agit d’un des nombreux points sur la liste de souhaits du CRTC. Les points importants de cette liste semblent surtout porter sur l’imposition d’une taxe aux téléspectateurs et davantage de publicité. Mais il n’est pas vraiment question d’obligations pour faire jouer un rôle plus important aux diffuseurs quant à la diffusion des productions et à l’exploitation du talent canadien.
    Vous dites que leur soutien financier est nécessaire dans la diffusion des films. J’ai soulevé la question de l’appui aux productions télévisées dans le but de créer des acteurs que les gens voudront voir.
    Selon vous, quels éléments financiers les diffuseurs pourraient-ils apporter? Devraient-ils contribuer au fonds de production?
    Pour être clair, cela n’a certainement pas grand-chose à voir avec le fonds réservé aux productions télévisées canadiennes.
(1700)
    En effet.
    Les réseaux payants (la plupart du temps, sauf dans les rares exceptions qui me viennent à l’esprit) achètent les droits de licence. Nous voudrions, entre autres mesures, augmenter ces droits. Ces questions sont très simples. Par exemple, quelles sont les obligations qui leur sont imposées par le CRTC dans le cadre de leur licence? Les remplissent-ils? Y a-t-il moyen d’augmenter leur soutien financier et d’établir un échéancier?
    Mais, pour ne pas pointer que les diffuseurs, nous devrions également trouver d’autres possibilités de partenariat. Nous devons examiner certaines questions comme le crédit d’impôt, qui s’applique autant aux productions nationales qu’aux productions internationales. Avons-nous de la souplesse sur ce point? Est-ce que cela nous donnerait, compte tenu des difficultés que connaît l’industrie au Québec, une occasion d’investir plus d’argent dans le système? Bien, mais quels sont les autres outils financiers dont nous disposons pour attirer les investissements du privé et susciter l’intérêt de la population canadienne?
    Merci beaucoup.
     Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur le président.
     J’aimerais que l’ont précise rapidement quelles dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques s’appliqueraient.

[Français]

    Le changement que vous recherchez concernant l'application de la partie X pourrait-il être fait par arrêté en conseil ou est-ce qu'il nécessite un changement législatif?
    Telle que la loi est formulée à l'heure actuelle, je pense qu'on serait obligé de passer par la voie législative.

[Traduction]

    Monsieur Clarkson, si vous me le permettez, j’aimerais vous corriger sur un point. Il y a longtemps que j’ai fait ça, mais bon voilà:
    Vous avez utilisé une expression dans l’une de vos réponses — en fait, vous l’avez employée deux fois — qui rejette l’existence d’environ deux millions de Canadiens. Je vous prierais de choisir vos mots plus judicieusement. Lorsque vous dites « Québec et Canada anglais », vous m’excluez. Vous sous-entendez dans votre commentaire que les francophones sont au Québec et les anglophones dans le reste du Canada.
    Je suis né en Ontario et j’y ai vécu toute ma vie, mais je suis francophone. Vous niez mon existence et celle d’environ un million d’autres personnes dans ma situation. Vous niez également l’existence des anglophones qui vivent au Québec et des personnes qui habitent au Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue.
    Je comprends ce que vous dites, mais la réalité

[Français]

que le Québec est le foyer de la francophonie. Je n'ai aucune difficulté à accepter cela. La Chambre des communes l'a reconnu en 1995, lorsqu'une motion sur la société distincte a été adoptée dans laquelle on invitait toutes les institutions gouvernementales, incluant Téléfilm, à refléter cette réalité dans ses politiques, ce que vous avez fait.
    Mais soyez prudent dans votre choix de vocabulaire, si vous acceptez cette douce réprimande.

[Traduction]

    Je ferai attention. En fait, ça me gêne de l’avouer, mais vous m’avez déjà corrigé dans votre bureau il y a quelques mois. Vous aviez alors attiré mon attention sur « l’emploi officieux de ». Je choisirai plus judicieusement mes mots pour exprimer cette réalité à l’avenir.
    Merci.
    Merci.
     J’aimerais savoir si Téléfilm a déjà sérieusement pensé à mettre en œuvre des programmes incitatifs pour les salles de cinéma canadiennes, qu’elles appartiennent à des propriétaires canadiens ou de l’étranger.
    Quand je vais dans un multiplexe et que des 12, 14 ou 16 salles de projection, pas une seule… sauf la dernière fois où j’y suis allé. J’ai vu Bon Cop, Bad Cop. C’est bien. Mais d’habitude, il n’y a jamais de films canadiens. Y a-t-il moyen d’établir des mesures incitatives pour encourager les salles de cinéma à présenter des films canadiens? Et je ne parle pas, par exemple, des cinémas torontois qui réservent une de leurs salles et y présentent toutes les semaines un film canadien que personne ne va voir juste pour respecter les modalités de leur licence. C’était un des points que je voulais aborder, mais je ne demande pas de réponse tout de suite.
    L’autre point concerne la relation entre Téléfilm, le Conseil des Arts et l’Office national du film. Je suis curieux de savoir si cette relation évolue. Chacun de ces organismes constitue une pièce du casse-tête, si vous voulez, une partie de l’ensemble… Oui, il s’agit bien d’un casse-tête, parce que toutes les pièces s’imbriquent l’une dans l’autre pour former un tout, où du moins elles le devraient... Si c’est le cas, comment la relation évolue-t-elle?
(1705)
    On ne peut pas vraiment parler d’une relation avec le Conseil des Arts, ou du moins, il s’agirait d’une relation très officieuse. L’organisme offre certains programmes, comme un programme pour les cinéastes qui en sont à leurs premières armes et qui réalisent des films à petit budget. Nous avons un programme semblable, mais nous exigeons une plus grande expérience; nous plaçons la barre un peu plus haut. Je pense donc que notre relation avec le Conseil des Arts n’est que symbolique.
    Pour ce qui est de l’Office national du film, le commissaire de cet organisme siège au conseil de Téléfilm Canada. Je suis moi-même content de dire que je suis un ancien membre officiel de l’Office. M. Bensimon et moi avons donc beaucoup d’occasions de discuter de nos programmes respectifs et de confirmer sur quels points nous sommes d’accord ou en désaccord.
    Nous avons parlé avec des représentants de l’Office national du film de bon nombre des programmes que nous lançons et des plans qu’ils ont pour mieux représenter nos films dans les cinémas — pour revenir à l’un de vos commentaires précédents. Une des solutions que nous pourrions envisager est le cinéma numérique. En Grande-Bretagne par exemple, on a réservé une subvention de 250 millions de dollars d’un fonds de loterie. On a choisi 300 salles de cinéma au Royaume-Uni et on leur a proposé de financer entièrement l’installation des projecteurs à condition qu’elles signent un contrat prévoyant la projection de films produits au Royaume-Uni ainsi que de films novateurs et indépendants. Le but était de ne plus présenter les superproductions hollywoodiennes, parce qu’elles n’en ont pas besoin; elles ont déjà suffisamment de place sur les écrans. On fait la même chose en Australie et dans l’ensemble de l’Union européenne. Il s’agit d’une excellente occasion à saisir.
    Pour être clair, je n’appuie généralement pas les quotas. Je pense que c’était une solution à envisager il y a environ 50 ans.
    Je ne pensais pas aux quotas.
    Ça n’a pas fonctionné, alors nous ne reprendrons pas cette solution. Je crois par ailleurs que ces mesures incitatives sont une bonne idée.
    Bien.
     Merci, monsieur le président.
     Merci beaucoup.
     Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, n'en déplaise à mon collègue et ami M. Bélanger, je me réfère à un principe de réalité qui s'appuie à la fois sur le marché du cinéma au Canada et au Québec, et sur la motion qui a été adoptée à la Chambre des communes il y a à peine quelques heures, pour parler à nouveau du cinéma québécois, qui est en plein développement et qui fait face à des défis autres que ceux du reste du Canada, notamment celui de faire sa place dans le monde.
    De votre point de vue, n'y aurait-il pas lieu de développer un nouveau fonds qui pourrait stimuler les coproductions étrangères en français?
    Tout à l'heure, j'ai peut-être omis de dire, dans ma réponse, que pour soutenir la crise québécoise du financement, le groupe de travail se penche sur des modèles financiers, autant sur les participants financiers domestiques que sur les capacités de voir les autres modèles cinématographiques et ce qui se fait dans d'autres pays, peut-être pour importer des modèles de financement au Québec afin de mieux soutenir la cinématographie.
    Mais la stratégie de Téléfilm Canada ne se limite pas qu'au groupe de travail. Nous sommes très proactifs dans le domaine international. Comme vous le savez, nous sommes administrateur de 53 traités de coproductions. En outre, nous avons mis une série d'initiatives sur pied en vue de stimuler la vente des productions francophones sur la scène internationale, notamment un fonds de marketing international. On peut donner jusqu'à 50 000 $ par film afin de lui permettre de trouver preneur sur le marché international, parce que les ventes internationales sont une des solution de financement de notre marché.
    Lors de rencontres stratégiques faites l'année dernière à Cannes et à Namur l'automne dernier, nous avons invité nos homologues des autres pays francophones, soit de la France, de la Suisse, du Luxembourg et de la Belgique, à assister à une rencontre à Montréal en janvier prochain. Je suis heureux de vous dire qu'ils ont accepté, justement pour parler de coproduction. Ils nous ont fait part de leur intention d'entreprendre des actions directes pour améliorer la coproduction qu'on pourrait appeler « naturelle », c'est-à-dire que ce ne serait pas seulement de la coproduction financière, ce qui est tout simplement un retour d'ascenseur, mais également l'implantation du souci de rejoindre un auditoire chez nous et chez eux.
    Je dois dire que cela a eu un écho très favorable. Nous pouvons espérer beaucoup de bien de cette rencontre qui pourrait déboucher sur un fonds de coproduction internationale. Nous avons soumis des modèles d'un tel fonds à l'interne. En première phase, nous allons essayer de l'implanter chez nous pour démontrer notre bonne volonté à nos homologues et les inciter à s'embarquer dans un tel mécanisme.
(1710)
    Serait-il possible de présenter aux membres du comité, dans l'hypothèse où vous le réaliseriez, le projet de coproduction avec les pays francophones? Pourriez-vous présenter, du moins à notre comité, un tel projet pour notre propre instruction et éclairage?
    Au moment où on se parle, il s'agit d'une ébauche.
    Il existe des modèles en Europe, comme Eurimages et le programme Ibermedia, qui lui s'adresse aux pays hispanophones.
    Je pense que dans la notion de communauté dans un espace global, la communauté francophone mondiale donne une occasion au Canada français de mettre un pied dans l'étrier et faire connaître son intérêt à faire quelque chose pour cet aspect de la diversité culturelle, pour soutenir la cinématographie nationale et mettre de l'avant un tel fonds. Pourquoi pas?
    Mais c'est encore à l'état d'ébauche.
    Je tiens à rappeler à mes collègues que les coproductions allègent le financement de Téléfilm. Comme vous venez de le dire, c'est une participation à ce concert entourant l'expression de la diversité culturelle qui va se manifester de plus en plus dans les années à venir.
    Je reviendrai tout à l'heure sur les remarques de M. Fast relativement au financement des films qui ne peuvent que réussir. Je tiens à rappeler, parce que je viens de ce milieu, qu'on ne peut toujours présumer d'avance que tel ou tel film va réussir. Il y a des films qui, comme en cuisine, avec les ingrédients qui composent le scénario et la distribution, peuvent amener les gens à anticiper un succès, et pouf! il se plante. C'est un point qu'il faut prendre en considération.
    D'un côté, il faut considérer les succès commerciaux; de l'autre côté, les succès d'estime, les succès artistiques. On les retrouve généralement dans le cinéma d'auteur, et parfois ils peuvent bien représenter le pays ou les pays à l'étranger dans le cadre des festivals internationaux. Ils peuvent aussi avoir un impact majeur en matière de tourisme et amener les gens à mieux comprendre la culture des autres ainsi que le degré de créativité des gens dans ce ou ces pays. Donc, ce n'est pas à négliger.
    Le succès ne se mesure pas toujours à l'aune de la rentabilité financière. Ce qui fait la force du cinéma français, ce sont ses deux volets, soit le volet commercial et le volet du cinéma d'auteur, donc, le cinéma d'art et d'essai, comme ils l'appellent. Ils ont eu un avantage qu'on n'a jamais eu au Canada et au Québec, c'est le système de taxation de la billetterie des films commerciaux. On sait à l'avance que le cinéma américain amène énormément de clientèle dans la salle, mais le peu d'argent qu'on va y chercher permet de financer ce cinéma parallèle qui n'est pas commercial. Je n'ai jamais su le fond de l'affaire.
    Pourquoi un tel système n'a-t-il jamais été implanté ici? C'était ma dernière question.
    La taxation de la billetterie est de compétence provinciale. Cela n'a rien à voir avec nous.
    M. Maka Kotto: Qu'en est-il du reste du Canada?
    M. Charles Bélanger: Je vais parler de ce que je connais. Je ne le sais pas quelle est la situation pour le reste du Canada.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
     Habituellement, à la fin des séances, j’ajoute mon grain de sel. Voici donc quelques petites choses dont j’ai pris conscience aujourd’hui. Corrigez-moi si j’ai tort…
    Vous voudriez voir disparaître le cloisonnement pour avoir plus de souplesse. Comme ça, s’il y avait une occasion à saisir, vous ne seriez pas coincés par la structure; vous seriez en mesure d’agir. Pour ce qui est de l’examen de la politique de Téléfilm, ça fait longtemps qu’on l’a fait.
    J’aimerais vous remercier d’avoir rassemblé tous les intervenants à cette table et d’en être venu à un consensus. Il s’agit d’un grand pas en avant. Lorsque nous avons mené notre étude sur l’industrie des longs métrages il y a un peu plus d’un an, je n’aurais pas su comment vous auriez pu rassembler toutes les parties et même comment vous auriez pu en venir le moindrement près d’un consensus.
    Encore une fois, nous entendons parler de financement viable à long terme d’à peu près tous les organismes et les groupes qui se retrouvent à cette table. Je crois que nous devrions inclure le secteur privé. Je connais les entreprises de câblodistribution… Il y a des montants de financement qui doivent être versés pour diverses choses, mais je crois qu’on devrait oublier ces choses.
    Mais oui! Les briques et le mortier ne font pas de films! C’est bien vrai! Ce type d’investissement ne fait qu’utiliser de l’argent qui pourrait servir à la production de films.
    J’ai un exemple de ma ville, Stratford. J’habite à l’extérieur de Stratford, mais je la considère tout de même comme ma ville. On y a construit un nouveau bâtiment pour la société d’aide à l’enfance. Je ne sais pas combien de millions de dollars ont été investis dans ce projet, mais pas un seul de ces dollars n’a servi aux enfants en foyer d’accueil. Je n’aime pas voir que l’on construit de grands bâtiments bureaucratiques comme celui-là.
    Je voudrais simplement ajouter, puisque vous avez parlé de Bon Cop, Bad Cop, que Colm Feore fait partie de mon électorat et que je le connais assez bien.
    Merci encore des présentations et des réponses que vous avez données aujourd’hui à toutes les personnes assises à cette table.
     La séance est levée.