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Merci et bonjour à tous. Si vous me posez des questions tout à l'heure, je dois vous dire que mes allergies me gênent un peu et que mes sinus sont légèrement bouchés, mais...
Je suis le vice-président des médias pour le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Nous avons près de 150 000 membres et 25 000 de ces membres travaillent dans les médias. Ils travaillent pour les principaux journaux canadiens et parmi les plus prestigieux, comme le Toronto Star, le Globe and Mail, le Vancouver Sun et le Vancouver Province, tous ces journaux, ainsi que pour des diffuseurs privés canadiens et certains diffuseurs publics comme TVO, CTV, CHUM, Global, etc. Nous connaissons donc très bien les médias canadiens et nous nous y intéressons de très près, et nous savons bien sûr que l'un des principaux acteurs est notre diffuseur public, la CBC.
Permettez-moi de commencer mais je vais être très bref, parce que je ne pense pas que cette question soit très compliquée, même si le contexte l'est peut-être.
Premièrement, d'une façon générale, je n'ai aucun problème avec le mandat tel qu'il est rédigé actuellement. Je ne pense pas que le mandat fasse problème. Je félicite la CBC de faire de son mieux pour s'acquitter de ce mandat avec des ressources de plus en plus réduites. Notre pays est grand. Monica me faisait remarquer que tout le monde félicitait la BBC mais bien sûr, elle dessert 60 millions de personnes qui vivent dans un pays de la taille de la Nouvelle-Écosse, alors que nous avons ici 30 millions de personnes, qui parlent au moins deux langues, et sans doute beaucoup plus, une société multiculturelle et fort complexe, avec une géographie et un climat très diversifiés. Compte tenu de toutes ces difficultés et de ses ressources déclinantes, je félicite la CBC pour le travail qu'elle essaie d'accomplir.
Je pense que la question principale que vous vous posez est de savoir si la CBC respecte son mandat et sera en mesure de le faire à l'avenir. Je sais que d'autres vous ont fourni les données et les documents qui montrent l'érosion qu'a subie le budget de la CBC. Cela est clair, et ce n'est pas notre syndicat qui va vous fournir ces données, sur l'audience et la situation financière, et le reste. Elles vous seront fournies par la CBC, par le CRTC et par diverses autres sources, auxquelles je suis sûr que vous avez accès, et je ne vais donc pas vous parler de cela.
Mais cette détérioration est claire et incontestable alors que notre pays se développe, que les questions deviennent de plus en plus complexes et la population de plus en plus diverse. Même si la CBC avait voulu continuer avec sa programmation, disons, d'il y a 20 ans, elle n'aurait pas pu répondre aux défis que posait un pays en expansion. Sur ce plan-là, même si elle avait voulu préserver le mandat qu'elle avait il y a 20 ans, avec les restrictions budgétaires, elle n'aurait même pas pu le faire alors que le pays se développait et que les questions devenaient de plus en plus complexes. Je peux vous dire que dans la télédiffusion, il est difficile de faire plus avec moins.
Il est important de replacer la CBC dans le contexte du système de télédiffusion canadien qui a des plates-formes très diversifiées, même si la programmation ne l'est pas toujours. Je ne vais pas beaucoup parler des nouveaux médias, mais voilà ce que je vais vous dire: je peux vous assurer qu'à ma connaissance, il n'y a pas un seul diffuseur, ni un seul éditeur qui sache quel sera l'effet des nouveaux médias sur les autres médias. Je pense qu'à l'heure actuelle, tout le monde est peu appréhensif.
Cependant, si l'on regarde la situation générale, la question essentielle que l'on pose constamment est celle de savoir si la CBC, un organisme financé par l'État, peut concurrencer le secteur privé. Je pense que c'est ce qui est à l'origine de la plupart des questions que vous posez dans votre document. Je pense que la CBC est obligée de subir la concurrence du secteur privé. Il me paraît tout à fait impossible de l'empêcher parce que l'essentiel en matière de télédiffusion, ce sont les cotes d'écoute. Si La soirée du hockey était présentée le jeudi soir sans aucune publicité — toutes ces annonces se retrouvent maintenant sur CTV et Global — et attirait les téléspectateurs pour les Canadiens et les Leaf, le secteur privé serait très mécontent parce que les téléspectateurs qui permettraient au secteur privé d'obtenir tous ces revenus se retrouveraient dans le secteur public en train de regarder La soirée du hockey sans aucune publicité.
C'est une question de cotes d'écoute. Il est absolument impossible que le secteur public ne ressente pas la concurrence du secteur privé. Ils se font concurrence pour acquérir des parts d'audience. Si vous demandez si la CBC, un organisme financé par l'État, devrait être en concurrence avec le secteur privé, vous posez la mauvaise question. Nous devrions plutôt vous demander ce que devrait faire un diffuseur public et quel devrait être son rôle.
À l'exception du fait que ce diffuseur doit travailler dans les deux langues et rejoindre tous les Canadiens, je dirais que la plus grande partie du mandat de la CBC reflète pratiquement les conditions d'attribution des permis pour le secteur privé. Les permis destinés au secteur privé sont attribués en fonction de la diversité, de l'expression culturelle et de la programmation locale, notamment. Il demeure toutefois que les diffuseurs privés ont des antécédents catastrophiques dans plusieurs de ces domaines, ce qui fait, à mon avis, ressortir la nécessité d'avoir un diffuseur public dynamique et solide, mais pour cela, il faut de l'argent.
Le secteur privé a pratiquement renoncé aux aspects locaux et vous pouvez le constater. Il y avait — et je suis sûr que c'est ce qui se passait dans toutes vos collectivités — des choses comme des émissions de cuisine, des documentaires historiques locaux, des émissions pour jeunes artistes, etc. Elles donnaient aux collectivités locales une image d'elles-mêmes, une image de leur histoire, une image de leur diversité et du multiculturalisme. Le secteur privé ne diffuse plus ce genre d'émissions au Canada. En fait, elles diminuent aussi chez le diffuseur public, là encore par manque de fonds.
Le mandat est très clair. Avec la télévision du secteur privé, et de plus en plus avec la télévision publique aussi, les Canadiens ne voient pas comment ils vivent. Ils ont le droit de voir cela. Ils ont le droit de voir comment ils vivent. C'est non seulement un droit mais c'est aussi un aspect important, si l'on pense au sentiment d'appartenance à ce pays. Il est donc important qu'ils se voient.
Je dois vous dire que dans le secteur privé, même les nouvelles locales sont en danger. L'été dernier, CHUM a, dans l'ouest du Canada, supprimé des programmes de nouvelles locales. Nous avons vu le PDG, Leonard Asper, du réseau de télévision Global, faire savoir au CRTC qu'il faudrait peut-être supprimer certaines émissions de nouvelles locales parce qu'elles n'étaient pas rentables. Tout cela compromet gravement la capacité — avec cette concentration de la propriété — des Canadiens de se regarder, de comprendre leur collectivité et d'obtenir l'information essentielle dont ils ont besoin.
C'est donc à la CBC de remplir son mandat et de combler une lacune, mais, bien entendu, il faut de l'argent pour le faire. Au moment où le secteur privé réduit son rôle dans le domaine de l'information, de la programmation locale, et même, dans le secteur des émissions dramatiques aux heures de grande écoute et dans divers programmes culturels, au moment où le secteur privé abandonne ces domaines, le secteur public a dû lui aussi supprimer des émissions — la CBC a dû le faire — faute de fonds.
Pour ce qui est de l'information, nous pensons qu'un diffuseur public a un rôle essentiel à jouer dans le pays; il doit être la source d'information la plus fiable de l'ensemble des médias. Un diffuseur public ne devrait pas tomber sous la coupe d'une idéologie corporative ou sous l'influence des actionnaires. Le diffuseur public devrait être indépendant du gouvernement et le chien de garde de la nation.
J'ai fait un commentaire. Vous avez demandé si la CBC remplissait son mandat, compte tenu des crédits et du financement qui lui étaient accordés, et j'ai répondu que je ne voyais pas ce que les crédits avaient affaire avec cela. Un diffuseur public devrait avoir simplement pour rôle de fournir de l'information de la façon la plus objective et responsable possible, quel que soit le gouvernement au pouvoir. C'est ce que doit faire un diffuseur public et c'est ce qui protège notre démocratie. Il ne peut pas dépendre du bon vouloir du gouvernement au pouvoir.
À notre avis, les restrictions budgétaires et les menaces de restrictions supplémentaires ont compromis ce rôle essentiel, et l'accroissement de la dépendance à l'égard des recettes publicitaires empêche de bien voir les priorités et le comportement des grandes sociétés. La diffusion publique doit rechercher l'intérêt du public canadien et non pas celui des actionnaires des sociétés canadiennes. Il suffit de prendre l'exemple de l'environnement et de la santé pour constater combien ces intérêts peuvent être opposés, ce qui est très coûteux et dangereux. Il est évident que malgré le souci des sociétés de maximiser la rentabilité des investissements et les bénéfices pour leurs actionnaires, il demeure que — et l'environnement en est un bon exemple — l'intérêt public est souvent en conflit avec ces objectifs. C'est la raison pour laquelle nous avons un diffuseur public, pour être sûr que l'intérêt public est expliqué, entendu et compris. C'est au diffuseur public de tirer la sonnette d'alarme lorsque l'intérêt public est en jeu. C'est à cela que sert la diffusion en tant que service public.
Comme je l'ai mentionné dans notre mémoire, nous avons tendance, au Canada, à parler de diffusion publique. Nous oublions de voir là un service public. Ce service est un élément essentiel de la diffusion publique.
À notre avis, le Canada dispose d'une infrastructure solide qui lui permettrait de fournir un service d'information de niveau international non seulement aux Canadiens, mais à l'ensemble des Amériques. À notre avis, nous ne voyons pas pourquoi la CBC ne pourrait pas être, avec un financement approprié, la BBC des Amériques et jouir de cette crédibilité et de cette fiabilité dans tous les pays. Lorsque les gens voudraient avoir de l'information au sujet des Amériques, ils s'adresseraient à la CBC.
Dans un monde où la politique se polarise de plus en plus, il est essentiel de disposer d'émissions d'information fiables, et nous devrions poursuivre nos efforts dans ce domaine, mais il faut bien sûr y consacrer des fonds. Avec les nouvelles et l'information locales, il y a aussi le secteur des sports et des émissions de divertissement, ce qui comprend les émissions dramatiques aux heures de grande écoute. Le SCEP estime que le diffuseur public a un rôle important à jouer dans ce domaine, en particulier sur le plan culturel, mais pour cela, il faut de l'argent.
Enfin, et cela touche peut-être de plus près votre enquête, il y a le fait qu'un diffuseur public doit bénéficier d'un financement stable et permanent. La santé financière d'une institution aussi essentielle ne peut dépendre du bon vouloir du gouvernement au pouvoir. La plupart des partisans de la CBC diront peut-être que le gouvernement fédéral actuel n'est pas très favorable à notre diffuseur public. Peu importe, il suffit que le gouvernement donne au diffuseur les moyens de faire son travail dans l'intérêt de la population.
Certains d'entre vous préfèrent peut-être The Sopranos à Corner Gas; il y en a peut-être qui regardent CNN plutôt que Newsworld. Ce n'est pas grave, mais il faut donner le choix aux téléspectateurs et il faut que les règles du jeu financières soient les mêmes pour tous pour que le choix soit une question de préférence et non pas de qualité. Mais cela coûte aussi de l'argent.
Sur le plan des crédits, nous préférerions que la CBC ne diffuse annonce publicitaire, qu'elle soit financée par le gouvernement, avec peut-être certaines aides supplémentaires provenant d'un ou deux secteurs.
Nous pensons qu'il faudrait changer la gouvernance de la CBC. Les nominations devraient être fondées sur les compétences dans le domaine de la diffusion, elles devraient être transparentes, refléter le pays et il faudrait donner au conseil d'administration de la CBC davantage de pouvoirs, notamment celui de choisir et de révoquer le PDG.
Vous me permettrez de vous dire que je ne pense pas que les parlementaires devraient décider de la programmation et des horaires. C'est un travail qui devrait être laissé aux spécialistes. Si nous donnons à la CBC les moyens dont elle a besoin et si cette société embauche des personnes compétentes, ce travail sera fait.
Tout indique que la CBC a fait du bon travail dans le passé et si elle éprouve des difficultés à l'heure actuelle — et dans certains secteurs, ces difficultés sont particulièrement graves, notamment pour ce qui est de la télévision, à mon avis —, c'est parce qu'elle manque de ressources.
La réponse est que la CBC a besoin d'argent. Elle manque d'argent et cela fait des dizaines d'années qu'elle est sous-financée. Les Canadiens veulent un diffuseur public de première qualité et c'est au Parlement de veiller à leur donner un tel diffuseur.
Depuis quelques années, le Parlement a affecté beaucoup d'argent à l'environnement. Il va en consacrer davantage; il va en accorder davantage à la santé. Il a renforcé la défense nationale. Il a fait beaucoup de choses. L'essentiel est d'avoir un messager qui explique tout cela à la population canadienne. On peut faire toutes ces choses, mais s'il n'y a pas de messager capable d'expliquer aux Canadiens ce que fait le gouvernement, les raisons pour lesquelles il le fait, et de leur donner la possibilité d'en discuter, alors nous allons connaître de graves difficultés. La CBC est un de ces messagers essentiels et elle a besoin de davantage de fonds pour faire son travail.
Merci.
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Les domaines dans lesquels le secteur privé n'a pas rempli son rôle — et je pense que le diffuseur public ne l'a pas fait non plus — sont ceux qu'il faut renforcer: il faut privilégier les aspects locaux et régionaux. Il faut que les Canadiens se voient davantage. Il faut non seulement qu'ils se regardent vivre davantage, mais il faut que les émissions soient tellement bonnes que l'émission préparée à St. John's, à Gander ou à Grand Falls intéressera aussi les gens de Lethbridge. C'est là l'élément important. Il ne s'agit pas de faire plaisir uniquement aux gens de Grand Falls, mais de donner quelque chose aussi aux gens de Lethbridge pour qu'ils comprennent la diversité du pays et ce qui intéresse les collectivités. Nous pensons que la programmation locale est un aspect très important.
J'ai parlé de l'information. L'information va avec la programmation locale. Je pense qu'un diffuseur public doit avoir un service de nouvelles très important, fiable et diversifié. C'est là que les Canadiens doivent pouvoir obtenir de l'information crédible et fiable. Je mentionne en passant que c'est historiquement le rôle qu'a joué la CBC. En temps de crise, les gens regardent la CBC.
J'aimerais également parler des émissions dramatiques, parce que le secteur privé n'a pas rempli ses engagements, ni respecté ses obligations dans ce domaine. Là encore, il revient au diffuseur public de combler ce vide. Je sais que ce n'est pas votre rôle, mais une partie du problème vient bien sûr du fait que le CRTC ne respecte pas son mandat, qui consiste à obliger le secteur privé à faire les choses qu'il s'est engagé à faire.
J'aimerais dire quelques mots au sujet du financement. Je ne sais pas vraiment combien d'argent il faut et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens dans la salle ou beaucoup d'experts qui le sachent. Nous savons toutefois qu'il en faut beaucoup plus. Je remarque que Friends of Canadian Broadcasting a proposé un montant de 100 millions par an pendant cinq ans, pour atteindre une augmentation de 500 millions de dollars qui deviendrait permanente. Cela me paraît une bonne chose. Mais je ne suis pas un gestionnaire; je suis un représentant syndical et je ne peux donc pas vous dire exactement quel est le montant nécessaire. Cela me paraît une bonne chose parce que je comprends qu'il faudra combler la perte des recettes de publicité.
Nous parlons ici de montants importants. Mais ce n'est pas important si l'on tient compte du rôle essentiel, comme je l'ai dit, que joue un diffuseur public pour faire passer ce message aux Canadiens. J'aimerais également réfléchir à d'autres mécanismes de financement pour la CBC.
Au sujet des nouveaux médias, je dirais qu'à l'heure actuelle, les nouveaux médias ne sont pas réglementés. C'est d'une certaine façon une plate-forme neutre. Je ne pense pas que quelqu'un ait encore trouvé la façon de rentabiliser ces médias. Je peux vous dire que le site du Globe and Mail et du Toronto Star reçoit beaucoup de visiteurs, mais cela ne rapporte pas beaucoup d'argent. Et en plus, c'est bien souvent un service qui vient s'ajouter à ceux que fournissent les salles de nouvelles conventionnelles.
La plupart de ce qu'on retrouve sur cbc.ca, par exemple, sont des nouvelles qui viennent des salles de nouvelles conventionnelles et qui sont ensuite reformulés par leurs spécialistes d'Internet. Mais s'il n'y a pas d'argent pour les salles de nouvelles conventionnelles, ce qui arrive sur Internet est très peu fiable et mal présenté.
Est-ce que les gens utilisent Internet? Oui. Est-ce qu'ils ont recours à ce média? Oui, ils le font. Comment cela marche-t-il? Cela vient des salles de nouvelles conventionnelles et cela vaut autant pour les journaux que pour les diffuseurs canadiens. Personne ne met beaucoup d'argent dans l'Internet à l'heure actuelle. Les diffuseurs se fient aux employés qui s'occupent d'autres plates-formes pour combler ce vide.
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Il y a quelques jours, j'écoutais la radio Fox. Le soir, j'écoute la radio. C'était une émission à ligne ouverte de Fox, où quelqu'un disait que CNN était le réseau des nouvelles communistes. C'est ce genre de polarisation qui existe aux États-Unis et qui m'inquiète. Cela polarise un pays et cela peut attirer des auditeurs mais à long terme, on obtient des services d'information de piètre qualité.
Pour ce qui est des sources de nouvelles, je vais vous donner un exemple pour vous faire rire. Cela vaut également pour le secteur de la télédiffusion, mais c'est plus facile à démontrer dans la presse.
À Vancouver, le Vancouver Sun, le principal journal de Vancouver, avait, je crois, quatre journalistes qui couvraient l'assemblée législative à Victoria. Je crois qu'à l'heure actuelle, il y a un chroniqueur et il utilise un journal du même groupe, le Times Colonist, de Victoria.
En Alberta, l'Edmonton Journal et le Calgary Herald avaient chacun deux journalistes et il y avait une vive concurrence entre ces deux journaux. Je crois qu'aujourd'hui, ils utilisent chacun un journaliste et s'échangent les nouvelles, de sorte qu'il n'y a plus guère de concurrence.
Dans cette province, le Windsor Star, le Hamilton Spectator, le London Free Press et le Kitchener-Waterloo Record avaient tous des journalistes qui couvraient l'assemblée législative provinciale. Maintenant, il n'y en a plus. Trois de ces journaux avaient des journalistes sur la Colline parlementaire, et maintenant ils n'en ont plus.
C'est ce qui se passe avec les journaux. Mais je peux vous dire qu'en particulier dans les marchés de taille moyenne et petite, les diffuseurs font la même chose. Il y a de moins en moins de journalistes qui font de l'information.
Monica vient de me remettre un mot. Elle me fait savoir — et c'est vrai — que le CRTC vient d'abandonner son règlement au sujet des programmes d'information à la radio et à la télévision, ce qui est regrettable. Ce règlement exigeait que pour avoir leur permis, les diffuseurs devaient respecter des quotas en matière d'émissions et d'information locales. Cela a maintenant disparu.
Je veux dire en fait que dans un milieu aussi polarisé, l'idée d'avoir un diffuseur public indépendant et dynamique revêt une importance accrue pour la santé de notre pays; cela est certain. Les gens qui critiquent la CBC parce qu'ils y voient un organisme de gauche, libéral, communiste ou socialiste, ou je ne sais quoi d'autre, commettent une grave erreur, et c'est une erreur qui nuira beaucoup à notre pays. Je pense que la CBC s'efforce d'être un diffuseur indépendant et dynamique au service des Canadiens. C'est là la grande différence: au service des Canadiens — de tous les Canadiens et non pas simplement des actionnaires.
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C'est un nom très ancien. Ma famille vient d'une... C'est un nom qui remonte à près de 400 ans, du Yorkshire, en Angleterre.
Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Comme je l'ai déjà dit, je m'appelle... Et vous l'avez entendu. Je suis le président national de l'ACTRA, mais je suis surtout, je dirais, un acteur canadien.
Je suis accompagné aujourd'hui par Arlene Duncan et Raoul Bhaneja, deux artistes canadiens très occupés, membres de l'ACTRA, qui ont consacré des parties importantes de leur carrière à la CBC. Étant donné que le directeur national est malade aujourd'hui, nous avons M. Ken Thompson, directeur des politiques publiques de l'ACTRA. Nous vous remercions tous sincèrement de nous avoir invités à prendre la parole devant vous.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'ACTRA, à titre d'introduction. Vous avez peut-être entendu parler de nous dans les nouvelles dernièrement. Nous avons connu notre première grève en 64 ans d'histoire, ce qui est regrettable, et nous avons réglé la situation après six semaines.
L'ACTRA est l'Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio, un organisme national qui regroupe des artistes professionnels qui travaillent dans les médias enregistrés et anglophones au Canada. Nous défendons les intérêts de plus de 21 000 membres dans l'ensemble du Canada et nous sommes la fondation sur laquelle s'appuie la communauté des artistes professionnels canadiens, du moins de langue anglaise. Nos membres, comme nous trois, sont des travailleurs indépendants. Nous sommes des artistes professionnels. En tant qu'artistes créateurs indépendants, nous pensons que l'avenir culturel du Canada est d'un intérêt vital pour nous.
Les membres de l'ACTRA sont convaincus que le Canada a besoin d'une forte présence canadienne partout où l'on crée et diffuser des services de divertissement et d'information pour les Canadiens. Nous sommes passionnément convaincus que notre métier et notre secteur sont très créatifs. Nous savons que tous nos collègues artistes possèdent les qualités qui leur permettent de raconter et de montrer nos propres histoires, et c'est pourquoi il est très important pour nous de participer à ce processus de consultation, un processus auquel nous croyons beaucoup, et qui nous permettra de vous faire connaître notre point de vue sur l'avenir de la CBC.
Bien sûr, nous reconnaissons également le rôle que joue la Société Radio-Canada à l'égard des programmes de langue française. Nous savons cependant que le comité va certainement entendre, si ce n'est déjà fait, l'Union des artistes, notre organisme homologue, qui représente les artistes du cinéma, de la télévision, des médias et de la scène de langue française au Canada. Nous allons donc limiter aujourd'hui nos commentaires aux services de langue anglaise fournis par la CBC.
Nous voulons vous présenter quatre observations, si vous le permettez.
Premièrement, nous estimons que le mandat actuel de la CBC doit être maintenu.
Deuxièmement, la CBC devrait consacrer une plus grande partie du contenu de sa programmation aux productions dramatiques, en particulier à celles qui sont diffusées aux heures de grande écoute.
Nous pensons que les crédits parlementaires annuels accordés à la CBC devraient être augmentés de façon à permettre au diffuseur public de remplir correctement son mandat, et à titre de remarque accessoire qui ne vise pas uniquement la CBC, nous pensons que l'ordonnance d'exemption des nouveaux médias rendue par le CRTC devrait être abrogée. Nous pensons que les conditions relatives au contenu canadien devraient également s'appliquer aux nouveaux médias. Nous allons développer chacun de ces points et nous répondrons ensuite avec plaisir à vos questions.
Je vais maintenant demander à ma collègue, Mme Duncan, de vous parler des raisons pour lesquelles l'ACTRA est en faveur de préserver le mandat actuel de la CBC.
Si l'on veut que la CBC joue un rôle important dans le domaine de la programmation canadienne, il faut, comme nous l'avons dit, qu'elle soit financée de façon appropriée, mais elle a subi une longue série de compressions budgétaires qui remontent à plusieurs gouvernements fédéraux. Les crédits parlementaires accordés à la CBC ont diminué de 29 p. 100, en termes réels, depuis 1990. Si l'on se base sur les rapports annuels de la CBC de 2002 à 2005, on constate que le financement du gouvernement a baissé de 415 millions de dollars par rapport à celui de 1990, et cela est exprimé en dollars de 2004.
Le niveau actuel de financement public de la CBC est tout simplement insuffisant, compte tenu de l'ampleur de son mandat et de son obligation de créer et de diffuser une programmation dramatique de qualité sur son réseau. C'est pourquoi l'ACTRA recommande un financement supplémentaire de 60 millions de dollars, qui serait consacré aux émissions scénarisées. Ce financement devrait être distinct des crédits annuels attribués à la CBC et devenir permanent.
Le désengagement financier des gouvernements fédéraux ont obligé la CBC à s'en remettre davantage aux recettes de la publicité, ce qui a placé le diffuseur public en concurrence directe avec les diffuseurs privés. L'obligation pour la CBC de se procurer des recettes publicitaires a manifestement influencé ses choix en matière de programmation. Il est évident que si le nombre des émissions sportives est demeuré inchangé, les émissions artistiques et de divertissement ont grandement diminué. Pendant la grève du hockey que nous avons connue il y a plus de deux ans, vous vous souviendrez que la direction de la CBC avait remplacé les parties de hockey par des films d'Hollywood — dont certains étaient très mauvais — plutôt que par des productions canadiennes, parce qu'elle soutenait que c'était là la seule solution qui lui permettrait de préserver ses recettes publicitaires.
L'ACTRA recommande d'attribuer à la CBC l'objectif à long terme de fournir tous ses services sans aucune publicité, pourvu qu'elle reçoive un financement public adéquat et envisage de revenir à des émissions commanditées.
Une comparaison avec 18 pays occidentaux importants effectuée en 2004 permet de constater que le Canada est un des trois pays qui accordent le moins de soutien à son diffuseur public. Cette analyse de l'appui accordé par le gouvernement au diffuseur public mesurait également les avantages découlant d'un appui public en se fondant sur quatre critères: la promotion de la culture et de valeurs communes, la taille relative du marché linguistique interne, la proximité avec un pays plus important de même langue et le goût de l'auditoire pour les émissions nationales.
Cette analyse montrait finalement que sur les 18 pays étudiés, le Canada était celui qui retirerait le plus d'avantages d'un diffuseur public plus dynamique et mieux financé. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a recommandé, dans son rapport sur les consultations prébudgétaires de 2006, que le financement accordé à la CBC soit augmenté, et nous aimerions tous que votre comité appuie également cette recommandation.
La CBC a besoin d'un financement public stable qui lui permette de planifier à long terme l'augmentation des coûts et l'aide à procéder à la mise à jour technique nécessaire pour qu'elle puisse se lancer dans les nouveaux médias et la diffusion numérique. L'ACTRA ne pense pas qu'il y ait lieu de restreindre le mandat de la CBC pour tenir compte de la réduction de son financement. Nous invitons le comité à veiller à ce que la CBC soit correctement financée pour qu'elle puisse remplir son mandat actuel et passer à une programmation numérique et à haute définition, sans avoir à compromettre la programmation canadienne, et en particulier les productions dramatiques.
Enfin, nous allons dire quelques mots des nouveaux médias et du rôle de la CBC.
La technologie nous offre bien évidemment de plus en plus de choix en matière de programmation. Avec le câble, le satellite et l'Internet, les Canadiens ont un accès pratiquement illimité aux programmes étrangers.
Notre analyse montre que les nouvelles plates-formes ne vont pas cannibaliser la télévision actuelle. Les projets multiplates-formes associés à la distribution des nouveaux médias sont de plus en plus ancrés dans nos grands réseaux de télévision. C'est la raison pour laquelle nous, et les autres syndicats qui font partie de notre regroupement, pensons que les nouvelles plates-formes ne vont pas cannibaliser la télévision actuelle.
La rediffusion sur ces nouvelles plates-formes d'émissions à contenu canadien destinées aux médias traditionnels, comme les « mobisodes », diffusion mobile, et l'Internet, peut avoir un effet favorable sur l'accès à une programmation canadienne. Il est donc important que les réseaux de télévision traditionnels, en particulier la CBC, soient assujettis à des conditions précises en matière de contenu canadien, étant donné que ce contenu est susceptible d'être également diffusé sur d'autres plates-formes.
En 1998, le CRTC a créé une exception générale visant tous les nouveaux médias, qui soustrayait les services de diffusion à la réglementation relative au contenu canadien pour tous les programmes offerts par Internet ou sur des plates-formes mobiles. L'ACTRA recommande au comité et au CRTC — et nous allons effectivement présenter cette recommandation au CRTC — de revoir et d'abroger sa nouvelle ordonnance sur l'exemption relative aux nouveaux médias. L'ACTRA invite le comité à appuyer cette recommandation au Parlement et nous invitons le gouvernement à obliger le CRTC à réviser sa politique relative aux nouveaux médias et à abroger son ordonnance d'exemption.
En fait, il existe déjà des exemples qui montrent comment il est possible de réglementer les plates-formes des nouveaux médias. En Europe, la Commission européenne a adopté une nouvelle directive appelée la directive relative aux services audiovisuels et médiatiques, qui établit une distinction entre les services linéaires et les services non linéaires. Cette directive européenne impose aux services linéaires, qui comprennent à la fois la radiodiffusion traditionnelle et les services audiovisuels profilés offerts sur Internet ou d'autres plates-formes nouvelles, le respect de conditions en matière de contenu.
Selon cette directive, les services non linéaires, comme les vidéos sur demande — nous appelons cela des services non linéaires —, seraient assujettis à un cadre réglementaire moins contraignant, qui lui aussi n'établit pas de distinction entre les plates-formes.
Il faut reconnaître qu'au Canada, le CRTC a réglementé, dans une certaine mesure, les services non linéaires, comme les vidéos sur demande, lorsqu'ils sont offerts par les services de câblodistribution — les câblodiffuseurs dans ce cas-ci — pour faire respecter un certain niveau de contenu canadien. Il faut que le contenu canadien soit protégé dans tous les médias de diffusion.
Pour résumer, la nécessité d'avoir un diffuseur public dynamique — et là je parle encore une fois plus précisément de la CBC — est tout aussi évidente aujourd'hui qu'elle l'était en 1929, année de la création de la CBC. Il est apparent que notre diffuseur public national doit avoir accès à un financement réaliste et adéquat pour qu'il puisse s'acquitter de son mandat dans ce XXIe siècle.
Nous vous remercions et nous serons heureux de répondre aux questions que les membres du comité voudraient poser.
Merci, monsieur le président.
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Les nouveaux médias, ou les autres médias, ou quelle que soit l'expression que vous voulez utiliser — nous parlons parfois de médias numériques et parfois d'Internet —, sont un domaine fort complexe. Nous apprécions cette question parce qu'il n'est pas possible d'y répondre simplement. C'est une situation très complexe.
Nous avons appuyé les producteurs indépendants lorsqu'ils parlaient à la CBC de leur droit à une partie de revenus provenant des diffusions utilisant les nouveaux médias.
Je ne veux pas vous reparler des difficultés que nous avons connues avec la grève de l'ACTRA, mais la principale raison pour laquelle ce syndicat a fait la grève pour la première fois de son histoire, c'est parce que les studios d'Hollywood nous disaient que les contrats qu'ils voulaient signer n'attribueraient aucun revenu aux artistes pour les émissions exploitées ou utilisées par d'autres médias. Nous avons entendu les grands responsables des relations de travail de chez Disney et Sony nous dire directement que, d'après eux, nous n'obtiendrions aucun revenu pour ces formats.
Le lendemain du jour où nous avons déclaré la grève, il a été annoncé que l'on pouvait acheter n'importe quel produit Disney à partir d'un inventaire contenant au départ 3 000 titres. On pouvait acheter tous ces titres à partir du site Web de Wal-Mart. Cette annonce a été faite le lendemain de notre déclaration de grève. Cela a paru dans le Wall Street Journal.
Ces sociétés savaient fort bien qu'elles obtiendraient des revenus grâce aux nouveaux médias. Le problème était qu'elles ne savaient pas comment les partager. Elles ne voulaient rien partager mais nous avons simplement proposé d'étudier la question pendant un an. C'est ce que proposait le syndicat et tous les producteurs, y compris les représentants des studios d'Hollywood. Elles n'ont rien voulu entendre. Ils voulaient pouvoir utiliser notre travail, comme ils le disaient, à perpétuité, pour le monde entier et gratuitement. Nous avons refusé.
La CBC a connu un problème semblable et elle nous en a parlé. Nous travaillons depuis un moment avec leurs négociateurs. Nous avons un contrat avec la CBC, mais il est expiré depuis deux ans. Nous continuons à travailler selon les termes d'un ancien contrat. Cela fait deux ans que nous essayons de nous entendre sur la façon d'obtenir une certaine indemnisation.
Il s'agit en fait de petites sommes qui finissent par s'ajouter et nous voulons savoir comment seraient calculés les droits d'utilisation de notre travail. Nous ne parlons pas des scénaristes, des réalisateurs ou autres. Nous parlons du travail des artistes et de la façon dont ils seront indemnisés dans les nouveaux médias. La CBC n'a pas de proposition à faire à ce sujet parce que c'est un monde très complexes et personne ne sait encore exactement quelle valeur cela va représenter.
Nous avons réussi à nous entendre avec les producteurs indépendants en leur disant que s'ils n'obtenaient aucuns revenus avec tout cela, nous obtiendrons simplement un pourcentage de zéro. Nous voulions obtenir 3,6 p. 100 des recettes brutes des distributeurs provenant des nouveaux médias. C'est ce que nous avons obtenu. Ce chiffre n'était pas arbitraire, mais il a fallu le négocier et il représente 3,6 p. 100 de tous les revenus bruts des distributeurs. Les grands studios ont accepté ce chiffre parce qu'ils se sont dits que s'ils n'avaient pas de revenus, ils auraient à nous verser 3,6 p. 100 de zéro.
Mais nous savions déjà le lendemain de notre grève que ces revenus ne seraient pas égaux à zéro. Ils allaient vendre 3 000 films par Wal-Mart et Sony vend des milliers de titres par l'intermédiaire d'Amazon.com.
Je suis désolé que mes réponses soient parfois plus complexes que vous l'aimeriez, mais le monde des nouveaux médias est une nouvelle frontière. Je ne veux pas utiliser un cliché, mais c'est effectivement une nouvelle frontière. La question de la rémunération des droits de propriété intellectuelle est une frontière toute nouvelle.
Notre intention est de travailler sur ces questions avec les autres syndicats concernés et avec la CBC, comme nous l'avons fait avec les producteurs indépendants. Nous aimerions simplement que la direction de la CBC accepte de discuter avec nous. Cela fait maintenant un an qu'elle se refuse à le faire.