Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à prononcer une allocution devant vous aujourd'hui.
Permettez-moi de vous présenter, comme vous l'avez fait, M. Tim Morin, avocat général par intérim.
Ma dernière comparution remonte au mois de mai dernier. Lors de ma présentation, j'avais donné un aperçu du rôle de la CISR au sein du portefeuille de l'immigration, du travail de nos trois sections et de notre programme visant à relever les défis à venir dans un milieu en constante évolution. J'avais alors décrit le programme de transformation de la CISR ainsi que les progrès réels que nous avons observés au cours des dernières années grâce à ces mesures. Des copies de mon allocution prononcée à cette occasion vous ont été fournies à titre d'information.
En ce qui concerne le rôle de la CISR et notre programme de transformation pour l'avenir, tout ce que j'ai dit en mai tient toujours. Nous avons perfectionné notre plan d'innovation au cours de l'été et le poursuivrons dans les domaines des opérations et des pratiques de gestion.
Je comparais devant vous aujourd'hui pour des raisons différentes. Depuis ma dernière comparution, un incident profondément troublant s'est produit en ce qui concerne le commissaire de la Section de la protection des réfugiés à Toronto. Jeudi dernier, la GRC a accusé ce commissaire d'abus de confiance en vertu du Code criminel et d'avoir commis une infraction à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Je suis certain que vous pouvez imaginer que cette situation a causé beaucoup d'angoisse au sein de notre organisation, et à moi personnellement, à titre de président.
Je dois préciser clairement dès le début que la Cour a prononcé une ordonnance de non publication dans cette affaire, et qu'il me faut donc faire preuve de circonscription dans les commentaires que je vais vous faire aujourd'hui. Je ne pourrai pas faire d'autres commentaires à propos du cas que ceux que je fais maintenant.
D'abord, laissez-moi vous dire ce que j'ai fait lorsque j'ai entendu ces allégations. Dans les heures qui ont suivi, j'ai pris des mesures de précaution décisives pour protéger l'intégrité du processus décisionnel de la CISR. J'ai immédiatement relevé le commissaire de ses fonctions, je lui ai interdit l'accès aux locaux de la CISR, et ai déféré l'affaire aux autorités compétentes.
Ma deuxième priorité consistait à entreprendre une enquête interne sur la conduite du commissaire. Bien que des accusations aient maintenant été portées contre lui, le rôle légal de la CISR, à titre d'employeur, consiste à poursuivre cette enquête, comme elle le ferait pour toute allégation pouvant être soulevée. Une fois cette enquête terminée, je prendrai les mesures appropriées. D'autres mesures pourraient être imposées si nécessaire, jusqu'à la révocation du commissaire par le gouverneur en conseil, pour motif valable. Je ne peux évidemment pas, à ce moment-ci, préjugé de l'issu de l'enquête interne.
Je veux que vous sachiez également qu'une partie de l'enquête visera à déterminer si nous pouvons prendre d'autres mesures en plus de celles que nous avons déjà mises en oeuvre pour faire en sorte que des incidents troublants ne se reproduisent plus.
Pour les fins de la diligence raisonnable, je commencerai par un examen indépendant externe des cas entendus par le commissaire en question. Nous retiendrons les services d'un conseil expert indépendant, qui dirigera cet examen et me conseillera sur sa portée et les mesures que nous devrons prendre pour réparer toute injustice découverte.
Je préciserai en termes clairs et sans équivoque que la CISR ne tolère ni tolérera aucune forme d'abus. Nous nous engagerons à appliquer les normes d'éthique les plus élevées et à protéger les droits de ceux qui comparaissent devant nous.
Vous pouvez peut-être imaginer dans quelles mesures ces allégations nous ont affectés à la Commission et m'ont affecté personnellement. La CISR est un organisme fier qui a un sens profond du devoir et qui est connue pour ses réussites. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a loué maintes et maintes fois le Canada et la CISR pour leur système de l'octroi de l'asile.
Nous assumons un rôle vital au sein du portefeuille de l'immigration, et remplissons notre mandat en pleine connaissance des obligations qui nous sont conférées par la loi, de nos devoirs à l'égard du Parlement et des Canadiens ainsi que des conséquences de nos décisions. Il n'y a pas de place pour des comportements sans scrupules à la CISR.
Malheureusement, il y aura toujours dans notre société des personnes qui seront prêtes à enfreindre les règles et à abuser de la confiance qui a été placée en elles. Il n'y aura jamais assez de mesures de protection ou de contrôle pour pouvoir protéger complètement un organisme des personnes de mauvaise foi ou de moralité douteuse.
Nous savons également que les actes posés par certaines personnes peuvent porter atteinte à l'intégrité de nombreuses personnes qui, jour après jour, servent le public consciencieusement et honnêtement.
Il serait injuste de tirer des conclusions sur la Commission en se fondant sur ces allégations. Mes commentaires d'aujourd'hui visent à vous expliquer pourquoi vous pouvez continuer d'avoir confiance en l'intégrité du processus décisionnel à la CISR. Je vous assure que la Commission demeure déterminée dans sa quête des normes de justice les plus élevées.
Laissez-moi maintenant vous expliquer les mesures concrètes en place pour veiller à intégrer les valeurs et l'éthique dans le travail de la Commission. Je vais également vous donner un aperçu du processus de nomination fondé sur le mérite de la CISR. Je vais aller au-delà des gros titres publiés récemment et vous donner une perception de la vraie nature de la CISR ainsi que des normes d'éthique élevées selon lesquelles elle fonctionne.
La CISR dispose de nombreux instruments qui la protègent des manquements à l'éthique et des conflits d'intérêts. L'élaboration de ces instruments, les améliorations continues apportées à notre processus de nomination fondé sur le mérite et le programme de transformation que la Commission a poursuivi au cours des dernières années illustrent l'évolution de la Commission depuis ses débuts, en 1989, jusqu'au tribunal moderne élaboré et novateur d'aujourd'hui.
[Français]
La commission a son propre Code de déontologie des commissaires pour régir la conduite des commissaires dans leur vie professionnelle. Les commissaires sont tenus de s'y conformer et font serment de respecter ses dispositions et ses règlements.
Le code indique que la commission tient à encourager et à maintenir chez ses commissaires des normes de professionnalisme et de comportement les plus élevées possible. Tous les titulaires de charge publique doivent agir honnêtement et respecter les normes d'éthique les plus élevées pour que soit préservée la confiance du public en l'intégrité du gouvernement.
Un complément important du code de déontologie est le processus permanent qui permet à la population de déposer des plaintes relativement à la conduite des commissaires. En 1995, la commission a élaboré le Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires. Le processus prévoit l'examen de toutes les plaintes en vue d'assurer le respect des normes de qualité élevées et des droits de toutes les personnes en cause, tout en renforçant la crédibilité de l'institution. En qualité de président, je possède également le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures additionnelles, si c'est justifié.
Outre le Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires, les personnes ayant des questions sur la partialité et d'autres préoccupations liées aux décisions des commissaires peuvent faire appel au processus de contrôle judiciaire de la Cour fédérale. Toutes les décisions de la commission peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire.
La commission compte également un agent supérieur auquel tout commissaire ou fonctionnaire de la commission peut présenter des préoccupations ou des allégations concernant des actes fautifs. L'agent supérieur doit s'assurer que les mesures sont prises rapidement, et dans tous les cas, on doit lancer une enquête, le cas échéant.
Un autre domaine dans lequel nous avons accompli d'importants progrès est le processus de nomination fondé sur le mérite pour les décideurs de la commission. Les décideurs de deux des trois sections de la commission sont nommés par le gouverneur en conseil, à savoir ceux de la Section de la protection des réfugiés et de la Section d'appel de l'immigration. Lors de la création de la commission, en 1989, il n'existait aucun mécanisme formel ou institutionnalisé pour devenir décideur nommé par décret, autre qu'une nomination du gouverneur en conseil.
En 1995, le gouvernement a mis sur pied le Comité consultatif ministériel afin d'aider à la sélection des commissaires. Au début de 2004, le système de nomination a encore évolué, et d'importants changements y ont été apportés en vue d'éliminer la perception selon laquelle la partisanerie est plus importante que le mérite dans la sélection des décideurs de la commission. L'objectif visé consistait à faire en sorte que seuls les candidats les plus qualifiés seraient considérés. Dans l'intérêt supérieur du gouvernement et de la commission, le gouvernement a mandaté la commission de mettre en oeuvre un processus de sélection entièrement fondé sur le mérite pour les nominations par décret.
Conformément au nouveau processus, les candidats doivent faire l'objet d'une présélection initiale et passer ensuite un examen écrit qui vérifie leurs compétences. Les profils de compétences permettent d'évaluer leurs capacités décisionnelles, leur jugement et leur raisonnement analytique et d'autres compétences professionnelles requises. Un comité consultatif indépendant composé de Canadiens hautement qualifiés dans leur domaine évalue ensuite les candidats. Je suis membre de ce comité consultatif. Le comité examine les formulaires de candidature, les CV et les résultats des examens afin de déterminer si les candidats devraient être convoqués à une entrevue.
Les personnes sélectionnées sont interviewées par un comité de sélection, que je préside, qui est composé d'experts possédant une compréhension approfondie de la commission et de son processus décisionnel. Des vérifications approfondies des références des personnes interviewées sont effectuées.
Tout au long du processus, nous souhaitons non seulement trouver des décideurs qualifiés, mais également des personnes qui se conforment aux normes d'éthique de la commission. Cela s'apparente aux questions sur les qualités personnelles posées aux candidats au poste de juge de la Cour fédérale. Durant l'entrevue, les candidats doivent démontrer une maîtrise de l'éthique; la vérification des références permet également de contrôler cette exigence.
Depuis 2004, seuls les candidats hautement qualifiés acceptés par le comité de sélection sont présentés au ministre aux fins d'examen et de nomination potentielle.
L'évaluation régulière du rendement permet aussi à la commission de contrôler la qualité du travail des décideurs. La commission a été l'un des premiers tribunaux administratifs canadiens à mettre en oeuvre un processus officiel d'évaluation du rendement. Le processus vise à favoriser et à maintenir les plus hautes normes de rendement. Il ne porte pas sur les décisions rendues par les décideurs, mais sur des facteurs comme la productivité, l'esprit d'analyse, l'habileté à rédiger des motifs et la capacité de présider des audiences. Il convient également de noter que l'évaluation porte notamment sur l'observation générale du code de déontologie.
Je souhaite également mentionner que les commissaires reçoivent une formation sur le code de déontologie et les conflits d'intérêts durant les séances de formation exhaustives à l'intention des commissaires.
Je voudrais maintenant aborder le sujet des postes vacants à la commission, et des nominations et renouvellement des mandats. Comme je l'ai mentionné durant mon allocution du 29 mai, en l'absence de nominations et de renouvellement des mandats, je ne peux honorer mes engagements envers le comité concernant les délais de traitement et les réformes innovatrices.
Au cours des dernières semaines, les médias ont publié beaucoup d'articles sur le nombre de postes vacants à la commission, dont plusieurs étaient inexacts. Permettez-moi de vous donner les statistiques officielles en date d'aujourd'hui. Cette année, la commission compte un effectif de 156 commissaires. Il y a 40 postes présentement vacants, ce qui nous donne 116 commissaires.
[Traduction]
J'espère avoir communiqué le sentiment de fierté que je ressens envers la CISR. Mon allocution d'aujourd'hui n'aurait pas été aussi directe si je n'étais pas intimement convaincu de l'intégrité et de la réputation de la CISR. La CISR assume ses responsabilités avec une détermination inébranlable en vue d'exceller dans tous les aspects de ses activités. J'estime que nous avons créé un milieu éthique et que nous avons inspiré un sentiment de responsabilité et d'obligation chez nos employés.
C'est pourquoi la situation récente est si difficile; elle va à l'encontre de tout ce que nous défendons et de nos normes de comportement et de conduite élevées. Nous nous efforçons tous les jours de gagner la confiance des Canadiens, et la situation actuelle ne freinera pas notre quête de l'excellence ni ne diminuera la fierté que nous ressentons envers la façon dont nous servons les Canadiens et les personnes qui comparaissent devant la CISR.
Je suis honoré d'être président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, car je sais que je suis entouré des personnes les plus dévouées et consciencieuses avec qui toutes personnes auraient le privilège de travailler. Nous sommes des personnes responsables et dotées de principes, qui servent la population canadienne.
Il s'agit du message que je souhaite vous transmettre aujourd'hui.