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Merci infiniment. Je l'apprécie beaucoup. En effet, nous étions très attachés à elle. C'était une personne merveilleuse.
Nous recevons aujourd'hui le représentant du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, Steve Sullivan. Bonjour Steve.
Nous recevons aussi Krista Gray-Donald, directrice de la Recherche. Bonjour.
Les représentants de l'Association des courtiers d'assurances du Canada sont Robert Kimball, président; Peter Fredericks, vice-président, et Steve Masnyk, gérant des Communications. Je voudrais remercier les courtiers d'assurances de soutenir les députés de temps à autre. Je l'apprécie.
Nous recevons le représentant de l'Association canadienne des chefs de police, J.D. Pecknold, coprésident du Comité de modifications aux lois.
Vous êtes tous les bienvenus.
Je suppose que nous allons commencer dans l'ordre où les témoins sont inscrits sur la liste. Nous allons demander à M. Sullivan de faire sa déclaration préliminaire.
Comme chacun sait, vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration — nous allons vous minuter — après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Alors ne vous inquiétez pas si vous n'avez pas le temps de tout dire, car vous pourrez compléter vos propos en répondant aux questions.
Allez-y, monsieur Sullivan.
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Merci, monsieur le président et membres du comité de nous permettre de vous parler aujourd'hui de questions relatives à votre examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques. Je ne pense pas que notre déclaration préliminaire sera bien longue. Les questions qui nous intéressent sont assez précises. Nous voulons seulement vous en parler et nous nous ferons un plaisir d'essayer de répondre à vos questions.
Très brièvement, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes est un organisme national, sans but lucratif, qui défend les droits des victimes. Nous travaillons auprès des victimes de tout le pays en leur fournissant des services de représentation directe. Nous essayons aussi de faire connaître les enjeux à tous les niveaux de gouvernement, de défendre les droits et les intérêts des victimes et de promouvoir des lois pour mieux les protéger. C'est à ce dernier titre que je suis ici aujourd'hui, pour essayer de promouvoir certaines modifications à la loi et vous sensibiliser à des problèmes qui requièrent une attention pour mieux protéger les enfants, dans ce cas-ci, contre l'exploitation sexuelle utilisant Internet.
Je dois mentionner que nous sommes financés par l'Association canadienne des policiers. Cette association nous parraine depuis 1993 et nous avons donc eu beaucoup d'échanges avec divers policiers du pays. Certains d'entre eux sont des enquêteurs qui s'occupent directement de ces questions.
Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, ce à quoi les policiers sont malheureusement confrontés quotidiennement dans ce genre d'enquêtes ce n'est pas des images d'enfants qui s'amusent sur des plages ou qui se promènent en sous-vêtements, mais au viol et à la torture d'enfants, parfois des bébés, par des hommes qui sont souvent leur père ou leur oncle. Et ces images sont affichées sur Internet pour que tout le monde puisse les voir. Elles sont échangées comme des cartes de base-ball. Il y a des milliers d'images d'enfants dans le monde entier. La semaine dernière, il y a eu, à partir de l'Australie, un énorme coup de filet qui a eu des répercussions dans de nombreux pays dont le Canada.
Nous voulons notamment parler aujourd'hui des répercussions de la LPRPDÉ sur les efforts déployés par la police pour s'attaquer à ce problème. Il ressort de nos échanges avec les membres de l'Association canadienne des policiers et des nouvelles publiées dans les médias qu'une certaine confusion règne à l'égard de cette loi quant à savoir si les fournisseurs de services Internet peuvent ou devraient fournir à la police des renseignements concernant leurs abonnés, par exemple leur nom et leur adresse. En deux mots, nous estimons que la divulgation de ces renseignements ne devrait pas être laissée à l'appréciation des fournisseurs de services Internet. Il faut au moins préciser dans la loi qu'ils peuvent et qu'ils devraient communiquer ces renseignements.
Nous vous avons remis un mémoire. Je vous demande de m'excuser de ne pas vous l'avoir remis plus tôt pour qu'il puisse être traduit, mais nous en avons remis des exemplaires au greffier.
Divers comités se sont penchés sur la pornographie juvénile depuis deux ans. Nous avons envoyé un mémoire à tous les députés, il y a six ou sept ans, sur la pornographie juvénile avec un certain nombre de recommandations. Certaines d'entre elles ont été suivies, par exemple la création d'une infraction de leurre et d'un site national de dénonciation qui a reçu, je crois, 6 000 dénonciations au cours de sa première année d'existence.
Plusieurs autres comités ont entendu des experts qui sont beaucoup plus compétents que nous dans ce domaine. Je voudrais seulement vous lire un bref extrait de ce qu'a déclaré l'inspecteur-détective Angie Howe, de la Police provinciale de l'Ontario, devant un comité sénatorial, en 2005, au sujet du qui comportait diverses mesures différentes dont certaines concernaient la pornographie juvénile. Voici ce qu'elle a déclaré alors:
Les images deviennent plus violentes et les enfants que l'on y retrouve deviennent plus jeunes. Il y a un an à peine, nous ne découvrions pas souvent de photographies avec des bébés, alors qu'aujourd'hui il est normal de voir des bébés dans une bonne part des collections que nous découvrons. Il y a même une série de photographies qui sont très recherchées dans l'Internet où l'on voit un nouveau-né qui se fait violer. Ce bébé a toujours son cordon ombilical, c'est vous dire à quel point il est jeune.
Je ne dis pas cela pour vous choquer ou vous dégoûter — bien que je suppose que vous soyez dégoûtés — mais simplement pour vous faire comprendre contre quoi se bat la police.
Au cours de nos efforts de sensibilisation aux problèmes, nous avons entendu évoquer Big Brother et les raisons pour lesquelles la police voudrait avoir accès à tous ces renseignements. Les enquêteurs doivent passer toutes leurs journées devant un ordinateur à voir défiler des dizaines de milliers d'images. Un accusé pourrait avoir une collection de 10 000 images d'enfants en train de se faire violer et torturer. Voilà à quoi la police est confrontée et ce sont les enfants que nous sommes venus défendre ici aujourd'hui.
Vous examinez la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, qui est une loi concernant la vie privée. Pouvez-vous imaginer une pire violation de la vie privée que ces horribles images qui sont prises pour être exposées aux yeux de tous? Malheureusement, personne ne parle au nom de ces enfants. Personne ne parle de leur droit à la vie privée.
Nous avons une Commissaire à la protection de la vie privée qui fait certainement un excellent travail dans divers dossiers, mais à ma connaissance, elle n'a pas parlé une seule fois au nom de ces enfants. Je mentionnerai plus tard une lettre qu'elle nous a écrite au sujet de la LPRPDÉ et du fait que la décision de divulguer ces renseignements est laissée à l'appréciation des fournisseurs de services Internet.
Dans sa lettre, la Commissaire dit que les FSI peuvent décider au cas par cas — ce que nous ne jugeons pas acceptable — mais nulle part elle ne dit ce que fait son bureau pour défendre les intérêts de ces enfants. Personne ne parle en leur nom et c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus ici aujourd'hui. Nous sommes ici pour essayer de défendre leurs intérêts. Que fait-on pour protéger leur droit à la vie privée? Nous devons les mettre dans la balance avec le droit à la vie privée des usagers d'Internet, mais le droit à la vie privée de ces enfants doit faire partie de l'équation.
La question a été soulevée dans les médias par la police et dans certaines causes portées devant les tribunaux. C'est à l'égard du paragraphe 7(3) de la loi qui établit les conditions dans lesquelles une organisation peut divulguer des renseignements personnels. Comme vous le verrez, la première condition est qu'il faut un mandat. Bien entendu, si la police obtient un mandat, le FSI doit s'y conformer.
Malheureusement, la deuxième condition suscite une certaine confusion, car ce doit être en réponse à une demande d'une institution gouvernementale qui a l'autorité légitime pour obtenir ces renseignements pour la tenue d'enquêtes ou la collecte de renseignements. C'est la notion d'autorité légitime qui a sans doute suscité la confusion et nous suggérons d'abord et avant tout de la clarifier.
En Ontario, la police de Toronto a enquêté sur une personne. Elle a envoyé à Bell Canada une lettre demandant des renseignements dans le cadre d'une enquête sur l'exploitation sexuelle d'un enfant. Bell Canada a coopéré et a fourni les renseignements à la police, mais cette divulgation a été contestée devant les tribunaux. Le tribunal a alors déclaré que l'article que j'ai mentionné n'établit pas ce qu'est l'autorité légitime. Le tribunal a ajouté qu'il jugeait un mandat nécessaire. Heureusement, cette décision a été infirmée par une instance supérieure. Je vous mentionnerai simplement que l'enquête a permis de découvrir une importante collection de pornographie juvénile.
Néanmoins, le comité devrait se demander ce qu'est l'autorité légitime. Si les policiers étaient ici pour vous en parler — et je vous invite à faire venir des enquêteurs pour vous parler de leur expérience de la LPRPDÉ — vous constaterez sans doute qu'un bon nombre des principaux FSI ont tendance à coopérer avec les policiers, même s'ils n'ont pas de mandats, mais de simples lettres d'autorisation. Néanmoins, ils ne le font pas tous. Certains FSI considèrent que l'application de la loi est laissée à leur appréciation. Nous demandons à votre comité de clarifier cela ou de recommander que ce soit précisé.
Les gens demandent pourquoi la police n'obtient pas tout simplement des mandats. Un de vos témoins précédents qui venait, je crois, du ministère de l'Industrie, a parlé de la rapidité avec laquelle les choses se passent parfois. Je crois que le président a alors posé une question concernant un cas d'agression d'enfant en direct, à St. Thomas. Parfois, la police n'a tout simplement pas le temps d'obtenir un mandat.
D'autre part, nous estimons que la police n'a pas besoin de mandat. Ce dont nous parlons c'est du nom et de l'adresse d'une personne, que la police peut obtenir à partir d'une plaque minéralogique. Elle n'a pas besoin de mandat pour obtenir votre nom et votre adresse si elle vous voit quitter à toute allure les lieux d'un crime ou si vous refusez de vous arrêter. Allons-nous sévir davantage contre les gens qui refusent de s'arrêter que contre ceux qui pourraient être en train d'agresser des enfants?
Dans certaines provinces, les prêteurs sur gages doivent recueillir des renseignements sur les clients qui viennent leur vendre des marchandises. Ces renseignements peuvent servir à retracer des biens volés. Les biens volés sont-ils vraiment plus importants que nos enfants?
Telle est la portée de notre témoignage d'aujourd'hui. Encore une fois, nous ne sommes pas des experts de l'application de la loi, mais ce sont là des inquiétudes dont les policiers nous ont fait part et qu'ils ont exprimées publiquement, si vous lisez certains articles publiés dans les médias. Pas plus tard que la semaine dernière, suite à ce coup de filet, le chef du Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants, de la GRC, ici à Ottawa, a déclaré que nous devons compter sur l'aide des FSI. Nous ne pensons pas que la décision d'aider la police devrait être laissée à leur appréciation dans ce genre de cas. Nous demandons au comité de clarifier au moins le paragraphe 7(3).
Nous voudrions également que l'on envisage de modifier l'énoncé de principe qui figure dans la loi afin de bien préciser que la loi n'a jamais eu pour but de soustraire les entreprises à leurs obligations morales et éthiques. Les entreprises se plaignent souvent du coût de ce genre de dispositions, de ce que leur coûte la coopération avec la police. Nous estimons que nous avons tous l'obligation de coopérer avec les forces de l'ordre. Il y a actuellement, en Colombie-Britannique, 12 citoyens qui risquent de devoir consacrer une année de leur vie à siéger dans un jury. Nous en avons tous le devoir. Cela a des conséquences et cela a un coût.
Nous travaillons auprès de femmes qui sont maltraitées par leur partenaire, qui témoignent devant le tribunal et qui s'exposent parfois à un grave danger pour aider la police dans son travail. Nous devons tous aider à résoudre le problème et j'estime qu'il incombe aux FSI de faire leur part.
Je pourrais vous parler un peu plus de la question du coût si cela vous intéresse.
En dernier lieu, je demanderais au comité de se servir de son influence pour inciter la Commissaire à la protection de la vie privée à jouer un rôle plus actif pour protéger la vie privée des enfants.
Merci, monsieur le président.
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Bonjour à tous. Comme M. Masnyk l'a mentionné, je m'appelle Bob Kimball et je suis le président du Conseil d'administration de l'Association des courtiers d'assurances du Canada, à titre bénévole.
Je viens de Sussex, au Nouveau-Brunswick, une petite ville d'environ 4 500 habitants. Je voudrais d'abord vous parler un peu de moi pour vous aider à comprendre mon point de vue. J'ai six employés à mon bureau. Cela comprend ma femme et moi-même. Mon père est courtier d'assurances. Mes trois frères sont courtiers d'assurances et ma femme aussi, comme je l'ai mentionné. Même mon fils travaille dans l'assurance. C'est donc une entreprise familiale… une petite communauté. C'est ce qu'on appelle avoir l'assurance dans le sang.
Mon objectif, ce matin, est de vous présenter le point de vue de l'industrie ainsi qu'une perspective pratique sur les enjeux que vous avez été chargés d'examiner.
D'abord, je voudrais vous féliciter de votre dévouement au service de la population concernant une question qui touche tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.
La protection de la vie privée est une pierre angulaire de notre société et, de ce fait, elle ne devrait jamais être intentionnellement compromise. Nous habitons actuellement un monde en transformation constante en raison de l'évolution technologique la plus rapide de l'histoire de notre planète. Il est donc plus important que jamais de sauvegarder la vie privée des Canadiens et des Canadiennes.
Comme je suis ici aujourd'hui en tant que courtier d'assurances, je vous parlerai des façons dont quelques-uns des enjeux que vous examinez affectent notre profession et les consommateurs d'assurances.
Je voudrais commencer par faire un commentaire sur l'efficacité de la LPRPDÉ dans son ensemble. Mon expérience me permet de constater devant ce comité que la LPRPDÉ fonctionne bien, et même très bien. Je me suis informé auprès de notre bureau et je peux vous affirmer que l'Association des courtiers d'assurances du Canada n'a reçu aucune plainte en matière de transgression du droit à la vie privée depuis l'entrée en vigueur de la LPRPDÉ. D'ailleurs, j'ai eu la confirmation du directeur exécutif du Service de conciliation en assurance de dommages qu'aucune plainte en matière d'atteinte à la vie privée n'a été adressée à son organisme. À mon avis, ces faits témoignent de la justesse de l'approche adoptée relativement au libellé et à l'esprit de la LPRPDÉ.
À la suite de l'adoption de la LPRPDÉ et en 2001, notre association a préparé et distribué à toutes ses sociétés membres un guide de la mise en oeuvre des dispositions de la loi et vous en trouverez un exemplaire dans la pochette d'information.
De plus, nous avons organisé des séminaires et des tournées de présentation à l'intention des sociétés de courtage dans toutes les régions du pays pour les aider à appliquer les nouvelles exigences. Les courtiers ont intégré les principes directeurs du guide dans la conduite de leurs affaires quotidiennes. En tant que courtiers, nous nous attachons à protéger nos clients. C'est ce que nous faisons tous les jours, et cette protection est un gage de tranquillité d'esprit. Nous ne pourrions demeurer en affaire sans bien nous acquitter de cette responsabilité.
Ce devoir inclut la protection des renseignements personnels de nos clients. J'aimerais que nous voyions ensemble ce que cela signifie en pratique. Dans mon propre bureau, en plus de tout un dispositif de sécurité, c'est-à-dire des barreaux aux fenêtres, des systèmes d'alarme, des classeurs en métal et ce genre de choses, nous avons des employés qui sont depuis longtemps à notre service. Celui qui a le moins d'ancienneté travaille avec moi depuis 10 ans. J'ai une employée qui travaille avec nous depuis 43 ans. Nos employés sont donc là depuis longtemps. Comme nous sommes établis dans une petite ville, il est évident que nous devons attacher énormément d'importance à la protection des renseignements personnels.
Notre système informatique dans lequel se trouvent ces renseignements, est un système exclusif. Il ne fonctionne pas à partir de Windows. C'est un système très différent. Il y a environ six ou sept systèmes différents dans le secteur de l'assurance et vous devez très bien connaître un système pour pouvoir en extraire des données. Il y a de multiples mots de passe. Nous avons des mots de passe pour ouvrir nos ordinateurs, pour entrer dans le système d'assurances, pour avoir accès aux données. Nous accordons énormément d'importance à la protection des renseignements personnels.
Si vous le permettez, je voudrais maintenant demander à M. Fredericks d'aborder certaines des questions qui ont été soulevées au cours de vos consultations.
Bonjour à tous. Je m'appelle Peter Fredericks. Je suis le vice-président de notre association. Comme M. Kimball, je suis courtier à Bedford, en Nouvelle-Écosse, une ville d'environ 28 000 habitants. En fait, ma ville compte cinq autres courtiers. J'ai quatre employés.
Sur le plan de la sécurité et de la protection des renseignements personnels, nous sommes organisés à peu près de la même façon que M. Kimball et je ne vais donc pas en parler de nouveau.
Il y a trois questions que nous aimerions aborder ce matin au sujet de la Commissaire à la protection de la vie privée. Il s'agit d'abord de son rôle et de son mandat. Nous estimons que le modèle de l'ombudsman est celui qui convient à cet organisme. Nous jugeons essentiel que les parties puissent collaborer au règlement de leurs différends et qu'il est souhaite que quelqu'un exerce une surveillance judicieuse.
La deuxième question que nous désirons aborder est le « produit du travail ». À notre avis, cette question demande à être clarifiée. Il est largement reconnu que les renseignements obtenus dans le cours de la conduite normale des affaires sont la propriété de l'entreprise. La loi actuelle ne se prononce clairement ni sur la définition du « produit du travail » ni sur le fait qu'il devrait être exclu de la notion de « renseignements personnels ». Nous estimons que l'analyse de ces renseignements dans le cadre de notre travail appartient au courtier et qu'elle ne doit pas être incluse dans les renseignements personnels visés par la loi.
La troisième question que nous aborderons est l'obligation d'aviser les personnes dont la sécurité des renseignements personnels a été compromise. Nous reconnaissons que c'est un sujet sensible pour les Canadiens et les Canadiennes. Notre profession est fondée sur l'évaluation des risques et l'obtention des protections appropriées.
Notre rôle consiste à protéger nos clients, qu'il s'agisse de leur maison, de leur automobile, de leur entreprise ou surtout de leurs renseignements personnels. Il s'ensuit qu'un manquement à la sécurité des renseignements personnels nécessiterait une évaluation de sa gravité, l'envoi d'un avis au client et l'adoption de mesures pour réduire les risques futurs. Cela fait partie intégrante de notre profession. À notre avis, suivre ce modèle relève des bonnes pratiques d'affaires. De plus, en raison de la nature de l'industrie de l'assurance, nous estimons que la réglementation de cette obligation serait très difficile sinon irréalisable.
En fait, si un courtier se fait voler une serviette contenant les dossiers de trois clients, il n'épargnera aucun effort pour aider les trois clients en question et faire en sorte que leurs renseignements personnels soient protégés. Nous ne voulons pas que cet organisme nous oblige à contacter, dans mon cas, la totalité de mes 2 500 clients pour les informer que les dossiers de trois clients ont été volés.
Voilà qui termine la présentation de notre point de vue sur les enjeux à l'étude. Nous voudrions vous remercier infiniment de nous avoir permis de vous en faire part aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président, et merci.
J'ai préparé quelques notes que je voudrais vous présenter, si vous le permettez. Je vais peut-être répéter certains des propos de mes amis du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, mais je vous demande votre indulgence.
Je m'appelle Clayton Pecknold. Je suis chef de police adjoint au Central Saanich Police Service, en Colombie-Britannique. Je suis le coprésident du Comité de modifications aux lois de l'Association canadienne des chefs de police.
Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir permis à notre association de comparaître devant vous aujourd'hui avec un préavis aussi court. Je sais que votre travail touche à sa fin et que vous avez certainement reçu une grande quantité d'information. Je vais donc m'efforcer de tenir des propos brefs et pertinents. Je désire également vous transmettre les salutations de notre président, M. Jack Ewatski, qui est le chef du Service de police de Winnipeg, et de notre directeur général, M. Peter Cuthbert.
L'Association canadienne des chefs de police représente les dirigeants de la police canadienne. Nos membres travaillent à tous les niveaux de l'application de la loi, du niveau municipal jusqu'aux organismes fédéraux et représentent environ 90 p. 100 des chefs, chefs adjoints et autres dirigeants de la police canadienne. Notre association a pour mission de promouvoir une application de la loi efficace au Canada, dans l'intérêt et pour assurer la sécurité de tous les Canadiens. Dans le cadre de ce mandat et pour accroître l'efficacité de la police, l'ACCP cherche à obtenir des réformes législatives comme celle que vous étudiez aujourd'hui. Nous comparaissons souvent pour parler des projets de loi et nous participons avec enthousiasme à toute occasion qui s'offre à nous de consulter le gouvernement sur les questions juridiques et politiques touchant la sécurité publique.
Comme je l'ai dit, je vais m'efforcer d'être bref et je vais donc surtout parler de deux articles de la loi. Avant d'entrer dans les détails, permettez-moi de faire quelques observations générales quant aux principes directeurs que l'Association observe pour s'acquitter de sa mission, de même qu'au sujet du contexte général de l'application de la loi au Canada afin de situer nos propos dans leur contexte.
L'objectif général de l'ACCP est de promouvoir des changements positifs dans l'application de la loi, notamment en préconisant des réformes législatives, en favorisant des solutions novatrices pour lutter contre la criminalité et assurer l'ordre public et en amenant ses organismes membres à adopter les normes professionnelles et éthiques les plus élevées. Autrement dit, l'ACCP croit que la police continuera d'obtenir l'appui des citoyens en préservant et en respectant l'état de droit et la Charte des droits et libertés.
Cela dit, permettez-moi de bien préciser que les policiers canadiens sont très conscients de l'importance que les Canadiens accordent à leur vie privée. Comme tous les citoyens, nous savons que l'ère du numérique, qui nous a apporté beaucoup d'avantages et qui permet de faire circuler facilement les renseignements personnels d'un pays à l'autre pose également de nombreux défis pour la répression criminelle. Mon comité et d'autres comités de l'ACCP tels que le Comité des crimes électroniques et le Comité du crime organisé poursuivent activement des initiatives législatives et politiques visant à combattre les activités criminelles reliées aux renseignements personnels telles que le vol d'identité et le télémarketing frauduleux, pour ne citer que ces deux exemples.
Les services de police ont également modernisé leurs propres méthodes de collecte de données et d'échange de renseignements. Nous nous sommes efforcés de mettre en place les garanties voulues pour nous conformer à l'esprit et à la lettre de nos diverses lois régissant la protection des renseignements personnels et des pratiques équitables de traitement de l'information qu'elles prévoient. Nous savons aussi que les Canadiens sont de plus en plus conscients du danger bien réel que représente le crime organisé, le terrorisme mondial et, ce qui est sans doute le plus inquiétant, l'exploitation de nos enfants par des prédateurs et des fournisseurs de pornographie juvénile qui sévissent sur Internet.
L'ACCP continue, dans ce but, de préconiser des changements à nos lois de façon à mettre en place une série d'instruments d'enquête équilibrés et efficaces pour relever les nouveaux défis que l'ère de l'information pose à la police. Les Canadiens s'attendent à ce que leurs policiers fassent preuve d'équilibre et de modération, mais ils s'attendent aussi à ce qu'ils disposent des outils nécessaires pour protéger leur sécurité et servir l'intérêt public.
J'ajouterais que le rôle de la police ne se limite pas à faire appliquer les lois. Les enquêtes sur les crimes et l'arrestation des criminels sont des aspects essentiels de nos activités, mais les lois régissant la police provinciale reconnaissent que la fonction première d'un policier est de protéger le public et de maintenir la paix. En jouant ce rôle, nous sommes souvent appelés à remplir des fonctions à caractère social. Il s'agit par exemple d'aviser le parent le plus proche, de s'assurer du bien-être des personnes âgées ou invalides, d'aider les autorités de protection de l'enfance ou de travailler en collaboration avec les professionnels de la santé mentale pour aider à protéger les personnes vulnérables. Dans chacun de ces cas, la police peut avoir besoin rapidement de renseignements précis concernant une personne, dans l'intérêt de la personne en question ou dans l'intérêt public.
Par conséquent, je vous demanderais de retenir particulièrement ce qui suit.
Premièrement, l'ère du numérique, les nouvelles réalités d'Internet et la libre circulation des renseignements personnels sous forme électronique posent, pour la police, la plupart des mêmes défis que pour les autres secteurs de la société et ont entraîné de nouveaux problèmes sur le plan de la sécurité publique.
Deuxièmement, les agissements de la police sont examinés à la loupe par le public, les tribunaux et les autres organismes de réglementation. Tous les services policiers du pays sont régis par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous sommes conscients de nos responsabilités à l'égard de la protection de la vie privée des Canadiens.
Enfin, même si l'on a tendance à penser que les policiers ont pour rôle de faire appliquer la législation pénale, ils remplissent quotidiennement de nombreuses autres fonctions qui ne font pas appel à leurs pouvoirs en matière de droit pénal ou au pouvoir d'enquête qui y est associé. Néanmoins, ils le font également pour servir l'intérêt public.
Pour ce qui est de la loi proprement dite, je voudrais aborder deux sujets: la communication de renseignements personnels à la police sans le consentement de l'intéressé et, deuxièmement, la communication à l'intéressé des renseignements demandés par la police. Plus précisément, je veux parler des articles 7 et 9.
Comme vous le savez, l'alinéa 7(3)c) permet à une organisation de communiquer des renseignements personnels à l'insu et sans le consentement de l'intéressé si une ordonnance a été émise par un tribunal. Il arrive souvent que la police demande des renseignements avec l'autorisation préalable des tribunaux après avoir obtenu un mandat de perquisition ou une ordonnance, lorsqu'il s'agit de renseignements protégés par l'article 8 de la Charte et, bien entendu, lorsque les conditions juridiques nécessaires pour obtenir cette ordonnance sont remplies. Néanmoins, il arrive parfois que les renseignements demandés ne soient pas protégés par l'article 8. C'est le cas, par exemple, des renseignements sur la consommation d'électricité qui peuvent révéler un vol d'électricité ou la culture de marijuana. La jurisprudence a déjà établi qu'un mandat n'était pas nécessaire pour obtenir ces renseignements.
Pour prendre un autre exemple, un policier peut débuter une enquête sur une disparition et chercher à établir s'il y a eu crime. Il devra peut-être demander l'aide d'une institution financière pour savoir si la personne disparue a acheté de l'essence dans une station-service ou si elle a utilisé une carte de crédit, ou encore il devra établir si elle possède un téléphone cellulaire d'une compagnie donnée. Pour obtenir ces renseignements, nous invoquons l'alinéa 7(3)c.1) qui permet d'obtenir le renseignement en mentionnant la source de l'autorité légitime, comme on vous l'a dit tout à l'heure. Néanmoins, nous constatons de plus en plus que certaines entreprises considèrent que l'autorité légitime doit prendre la forme d'un mandat ou d'une ordonnance du tribunal. Nous vous faisons respectueusement remarquer que cette interprétation n'est pas, selon nous, conforme aux intentions du législateur. Cette interprétation qui témoigne certainement d'un désir légitime de protéger la vie privée des clients de l'entreprise est beaucoup trop limitative et va à l'encontre de l'intention de l'alinéa 7(3)c.1). Cette disposition devait être permissive et amener le détenteur des renseignements à s'assurer que la police a des raisons légitimes de demander les renseignements en question. Une raison légitime peut être la tenue d'une enquête criminelle pour laquelle le tribunal a émis une ordonnance, auquel cas le paragraphe 7(3)c) s'appliquerait, ou elle peut s'inscrire dans le cadre de nos nombreuses autres fonctions, auquel cas nous estimons que l'alinéa 7(3)c.1) envisage une situation dans laquelle un mandat n'est pas requis ou disponible. En effet, il utilise l'expression « autorité légitime » et fait une distinction entre l'application d'une loi et la tenue d'une enquête relative à l'application de la loi.
Il est important de mentionner ici que la police est toujours limitée par la règle de la preuve. Chaque fois qu'on s'attend à ce que des renseignements soient utilisés dans une poursuite criminelle, nous prenons bien soin de ne pas compromettre cette poursuite en obtenant des preuves par d'autres moyens lorsqu'un mandat est exigé.
Le deuxième article pertinent est l'article 9 qui porte qu'une personne peut avoir accès aux renseignements la concernant qui sont en la possession de l'organisation. Cette dernière doit notamment lui dire si elle a divulgué ces renseignements à un tiers, y compris la police. Bien entendu, il y a une disposition qui permet aux autorités policières de s'opposer à ce que leur demande de renseignements soit divulguée. Néanmoins, la plupart des gens ont l'impression que cet article a pour effet de déclencher la protection uniquement lorsque l'intéressé fait une demande. À notre avis, rien n'empêche une entreprise d'avoir pour politique d'informer volontairement ses clients que la police a demandé et obtenu des renseignements. Comme vous le comprendrez certainement, cela nous préoccupe, surtout lorsqu'une enquête délicate est en cours..
Pour atteindre le but visé, nous demandons au comité d'envisager de clarifier l'ambigüité des articles 7 et 9. Premièrement, nous vous suggérons respectueusement de songer à clarifier l'expression « autorité légitime » soit dans l'article des définitions, soit en utilisant un autre libellé qui démontrerait clairement qu'un mandat n'est pas nécessaire. Cela tient compte du fait que l'article 7 est permissif et que les organisations ne sont pas tenues de fournir les renseignements. Cette clarification servirait surtout à les aider à s'acquitter de leurs obligations et, s'il y a lieu, à contribuer à la sécurité publique.
Pour ce qui est de l'article 9, nous suggérons d'apporter un amendement pour interdire de divulguer à l'intéressé que la police a demandé ou obtenu des renseignements à son sujet, même s'il en fait la demande. Des dispositions pourraient permettre à la police de donner son consentement et de ne pas le refuser inutilement. Cet amendement contribuerait aussi à préciser les obligations des entreprises, bien entendu.
Pour conclure, je dois mentionner que la majorité des organisations couvertes par la loi s'efforcent d'assumer leurs responsabilités. Les policiers de tout le pays travaillent en collaboration étroite avec tous les membres de leurs communautés respectives, les entreprises comme les particuliers, pour entretenir de bonnes relations professionnelles et un climat de coopération. C'est un élément essentiel du travail de la police.
Il est important que chacun comprenne bien ses obligations concernant la protection de la vie privée des Canadiens. La clarté du libellé de la loi contribuera largement à assurer un juste équilibre entre la protection de cette vie privée et les besoins de la sécurité publique en permettant que les bons renseignements soient fournis aux bonnes personnes, au bon moment et conformément à la loi.
Encore une fois, je vous remercie au nom de l'Association canadienne des chefs de police de m'avoir donné la parole.
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Je vous remercie pour cette question. Je vais essayer d'expliquer clairement ce que nous en pensons.
À notre avis, lorsqu'il s'agit de renseignements protégés par l'article 8 de la Charte, qui reconnaît le droit à la vie privée ou le droit d'être à l'abri des perquisitions et saisies déraisonnables, la Cour suprême du Canada a clairement déclaré que la police a besoin d'un mandat, d'une autorisation préalable du tribunal. C'est ce qu'elle a indiqué dans l'affaire Hunter c. Southam dans laquelle elle a précisé de quel genre de renseignements il s'agit.
Ce dont nous parlons ici c'est de l'accès à des renseignements auxquels ces normes ne s'appliquent pas étant donné qu'ils sont d'une portée limitée. Nous n'avons pas besoin de mandat pour obtenir des renseignements concernant le nom et l'adresse des clients. Ces renseignements n'entrent pas dans cette catégorie. Les tribunaux ont dit que nous n'avions pas besoin de mandat pour les obtenir.
Il ne s'agit pas d'obtenir les dossiers bancaires des gens, de savoir combien d'argent ils gagnent ou quelles sont leurs préférences sexuelles. Nous avons absolument besoin de mandats pour ce genre de choses et cela ne changera pas. Autrement, ces renseignements ne seront pas admissibles devant un tribunal de toute façon. Nous sommes donc placés sous la surveillance des tribunaux et ces garanties sont bien là. Nous ne voulons certainement pas que ce projet de loi, ou n'importe quel autre projet de loi, nous confère le pouvoir d'obtenir des renseignements de cette nature sans mandat. Nous ne croyons pas que ce soit souhaitable. Ce n'est pas ce que prévoit la législation canadienne et nous l'acceptons.
Ce dont il est question dans ce cas, par exemple, c'est de pouvoir demander à une banque ou à un fournisseur de services Internet si M. Untel est un de leurs clients, s'il a un compte dans leur établissement, oui ou non. Nous menons ensuite notre enquête. Voilà le genre de renseignements que nous voulons obtenir.
À propos de ce qu'a dit mon ami au sujet de l'obligation de communiquer des renseignements concernant la pornographie juvénile, nous n'avons pas réfléchi à la question, mais le comité voudra peut-être examiner la possibilité de conférer cette obligation aux FSI. Ce serait alors une obligation de nature privée.